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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 février 1999

• 0902

[Traduction]

Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): Mesdames et messieurs, nous allons commencer. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude de la situation des dons d'organes et de tissus au Canada, et nous en sommes à notre deuxième séance.

Nous accueillons aujourd'hui trois tables rondes, dont la première est constituée de deux personnes, le Dr Rolf Loertscher, président de la Société canadienne de greffe, et Mme Jane Drew, présidente de l'Association canadienne de transplantation.

Bienvenue à tous les deux.

Nous accueillons également avec plaisir un représentant du Sénat, le sénateur Simard, qui vient ici à titre d'observateur. Bienvenue au sénateur.

Je demanderai à nos deux témoins, comme nous le faisons toujours, de nous présenter leurs mémoires dont vous avez reçu un exemplaire, je crois.

Le docteur Rolf Loertscher (président, Société canadienne de greffe): Merci, monsieur le président.

Le président: Nous vous cédons la parole pendant cinq minutes, après quoi nous passerons à la période de questions. Vous avez la parole.

Dr Rolf Loertscher: Merci, et je serai bref. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître à titre de président de la Société canadienne de greffe.

Ce qu'il est important de souligner ici, c'est que les listes des patients en attente d'une greffe ont augmenté de 50 p. 100 au cours des cinq dernières années. Toutefois, parallèlement à cela, nous ne pouvons tous les ans greffer de nouveaux organes que sur la moitié de tous les patients qui sont inscrits sur les listes d'attente. Par conséquent, l'écart ne cesse de croître entre l'offre et la demande, ce qui constitue le problème le plus grave.

Le problème se situe dans un cadre bien précis, celui de l'exercice de la transplantation au Canada. Il faut bien comprendre que tous les programmes de greffes ont été conçus il y a maintenant 20 à 30 ans et représentent des initiatives locales. Ils continuent à fonctionner localement, faute d'un cadre national dans lequel ils s'inscriraient.

Seule exception, les programmes de partage d'organes; sauf dans le cas de ces programmes, ce sont les habitudes locales qui dictent la façon dont s'exerce la transplantation.

• 0905

Mon mémoire résume pour vous plusieurs autres questions qui sont aussi importantes et sur lesquelles il faudra un jour se pencher, mais j'aimerais m'attarder sur la façon dont les dons se font.

Il faut absolument comprendre ce qui se passe lorsqu'un patient est admis à l'hôpital en phase critique. Ce patient est remis entre les mains d'une équipe de soins actifs qui s'en occupera et qui doit essayer de lui sauver la vie. Le patient et sa famille doivent être convaincus que le seul objectif de cette équipe, c'est de sauver la vie du patient.

Si, en cours de route, l'état de santé du patient s'empire et que l'on constate la mort cérébrale, l'équipe de soins actifs devrait normalement mettre fin à son intervention. Toutefois, pour les fins de dons d'organes, il est très important que l'équipe reste active et maintienne les fonctions vitales telles que la circulation et la respiration. Par conséquent, la transition des soins actifs à la gestion des dons est très critique.

On ne peut s'attendre à ce que les équipes de soins actifs cumulent deux fonctions, car cela peut créer des conflits d'intérêt, réels et perçus. Le conflit d'intérêt peut facilement être perçu comme tel par les familles, qui se demanderont si l'équipe veut vraiment sauver la vie du patient ou si elle cherche plutôt à obtenir ses organes.

Voilà pourquoi il est nécessaire d'avoir en place une deuxième équipe, celle de la gestion des dons, et qui n'a pas pour tâche de prendre soin du patient, tant qu'il vit. Cette équipe devrait être consultée chaque fois qu'un patient est dans un état comateux à l'hôpital et devrait décider si le patient lui sera envoyé lorsque l'on aura constaté la mort cérébrale. Or, ces équipes de gestion de dons n'existent pas au Canada. Là où elles existent, c'est de façon très rudimentaire et elles n'ont pas été formées. Il y a donc tout un gouffre qui sépare ce qui existe actuellement et ce dont on a besoin.

Le troisième volet, c'est l'organisme d'approvisionnement en organes. Ces agences existent au Canada sur une base régionale. Leurs fonctions, c'est d'identifier les meilleurs receveurs qui soient et de s'occuper de la logistique, notamment s'assurer que les équipes de prélèvement des organes peuvent arriver sur place pour faire le prélèvement et s'assurer, une fois que les organes sont prélevés, qu'ils sont bien transportés—souvent par avion—sur de longues distances. Voilà le rôle que doit jouer l'organisme d'approvisionnement en organes.

Enfin, les derniers intervenants—qui ne sont pas mentionnés dans mon mémoire—, ce sont les membres de l'équipe de transplantation qui implante les organes et s'occupent de la convalescence du patient à long terme. Nous n'avons jamais jusqu'à maintenant véritablement fait la distinction entre ces différentes fonctions. Or, c'est essentiel si l'on veut vraiment que le don d'organes soit couronné de succès. Ainsi, on préservera la confiance des patients et de leurs familles, ce qui facilitera le consentement.

Comment devrait-on poser la question? On ne devrait pas s'attendre à ce que l'équipe de soins actifs demande à la famille si elle peut obtenir les organes. L'équipe de soins actifs a pour rôle d'informer la famille que le patient est en état de mort cérébrale, et rien de plus. C'est alors à l'équipe de gestion des dons d'entrer en jeu et de pressentir les familles, un fois la mort déclarée, de façon que les familles voient très clairement qu'il s'agit de deux équipes différentes et qu'il n'y a aucun conflit d'intérêt. Je me dois de souligner ce problème des conflits d'intérêt.

Quelles sont les difficultés auxquelles se heurte le système? Je répète qu'il n'existe pas d'équipe de gestion des dons et qu'il n'y a pas de gens formés en ce sens. Nous n'avons pas, à ce jour, distingué convenablement entre ces fonctions. Nous n'avons jamais étudié la question à l'échelle nationale, et nous ne savons pas vraiment où se trouvent les donneurs potentiels et quelles sont les erreurs que nous faisons en cours de route.

• 0910

Il n'existe aucun incitatif, étant donné que l'identification et la gestion des donneurs ne sont pas reconnues comme des actes médicaux et ne sont donc pas remboursées. Il n'existe pas non plus de système d'amendes qui pénaliserait les hôpitaux dont le rendement est mauvais en matière de dons d'organes. Enfin, nous n'avons pas ciblé d'enveloppes budgétaires à des fins de transplantation, ni au palier fédéral ni au palier provincial.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, vous avez été bref et direct.

Madame Drew.

Mme Jane Drew (présidente, Association canadienne de transplantation): Merci. Je remercie M. Volpe et les membres du Comité permanent de la santé d'avoir invité l'Association canadienne de transplantation à leur faire part de ses préoccupations et de ses opinions. Notre association se fait aujourd'hui le porte-parole de centaines de professionnels de la santé au Canada qui travaillent à temps plein dans le secteur de la transplantation.

L'Association canadienne de transplantation est une association à but non lucratif dont le but est de faciliter et d'améliorer le processus de transplantation. Nous voulons que la transplantation se fasse dans le respect de la dignité humaine, en partenariat avec tous les milieux qui ont à coeur le don d'organes et de tissus et les bénéfices que procure une greffe. Parmi nos membres se trouvent des professionnels de la santé qui oeuvrent dans tous les aspects des dons d'organes et de tissus et de leur transplantation, notamment le rétablissement du patient, l'allocation et la distribution des organes et des tissus, la gestion des soins aux patients avant et après la greffe et l'aide aux familles de donneurs de même que la reconnaissance de leur geste.

Notre mémoire veut donner au Comité permanent de la santé un aperçu général des grandes questions qui relèvent du domaine du don des organes et des tissus, de la sécurité des greffes et de la répartition de ces organes, et veut le familiariser au travail de l'Association canadienne de transplantation, tout en suggérant au gouvernement un rôle à jouer dans ce secteur.

En toile de fond, laissez-moi vous expliquer que le Canada est unique parmi la plupart des grands pays qui font des greffes en ce qu'il n'a aucun système administratif central qui s'occupe des grandes questions dans ce secteur, à partir de la sensibilisation aux dons d'organes et de tissus jusqu'au partage d'organes, aux pratiques sûres d'intervention et au rendement des greffes. De plus, le taux de dons d'organes est au Canada le plus faible de tous les pays industrialisés. Comme le souligne mon mémoire, nous avons commencé dès 1989 à porter à l'attention de divers ministères ces grandes questions.

En juillet 1995, les sous-ministres de la Santé demandaient au Comité consultatif sur les services de santé de se pencher à nouveau sur la question. Le groupe de travail publiait en septembre 1996 un document de fond intitulé Don et distribution d'organes et de tissus au Canada.

À notre avis, même si le document ciblait les nombreux problèmes qui existent dans le processus de don et de transplantation, il omettait de mettre l'accent sur les nombreux facteurs qui sont essentiels à la réussite des dons. Ce sont, notamment, la nécessité d'avoir une structure globale et une approche organisée à l'échelle nationale pour assurer la responsabilisation et la sécurité de ces importants programmes de soins de santé, et la nécessité pour les gouvernements d'investir considérablement dans cette structure, non seulement pour soutenir les dons et les greffes, mais aussi pour assurer une sécurité optimale pour la population. Enfin, contrairement à la plupart des services de soins de santé, la transplantation dépend de la participation de la société, de son appui et de son intervention chaque fois qu'une occasion de donner se présente. Le document, nous le répétons, ne signalait pas suffisamment que les gouvernements doivent opter pour une méthode de sensibilisation de la population qui soit coordonnée, car c'est un des éléments critiques de la réussite.

En 1996, les sous-ministres de la Santé appuyaient unanimement la stratégie en 13 points et les 35 initiatives définies dans le document de fond. Ils se prononçaient également sur la création d'un comité national de coordination chargé de conseiller, en matière de stratégies de mise en oeuvre, le Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur les services de santé.

Le Comité national de coordination a en effet été formé, mais il s'embourbe dans la démarche et ne semble pas avoir la volonté nécessaire pour faire bouger le projet. Étant donné la complexité du milieu et le grand nombre d'organisations et de programmes gouvernementaux qui ont été désignés pour mener les diverses stratégies, nous craignons que cette initiative échoue. Si nous le craignons, c'est parce que nous savons quel rôle important jouent les provinces dans la prestation des services de santé. Or, faute d'un système national de dons, il est peu probable que l'on réussisse à coordonner la mise en oeuvre à l'échelle nationale.

Enfin, nous voulons à nouveau, aujourd'hui, attirer l'attention du gouvernement sur ces grandes questions. Je vais en décrire plusieurs, dont la première est la responsabilisation et la ma maximalisation des dons d'organes.

Il faut instaurer un système de responsabilisation permettant d'évaluer le rendement en matière de dons d'organes. La responsabilisation peut être envisagée dans deux secteurs, d'abord dans le secteur de la pratique professionnelle, puis dans l'ensemble du secteur des soins de santé. Pour assurer la responsabilisation dans le secteur de la pratique professionnelle, il faudrait un revirement de la mentalité qui existe actuellement, pour que l'on passe de la mentalité de la bonne volonté à l'égard des dons à une mentalité qui considère que les dons d'organes sont une des meilleures pratiques qui soient pour étayer des services de soins essentiels.

La responsabilisation dans le secteur des soins de santé exigerait un autre revirement de la mentalité, c'est-à-dire le passage de la mentalité voulant que le don d'organes ne soit pas un enjeu en soi, à celle qui prône le don d'organes en tant qu'élément essentiel des services de santé.

Autrement dit, les institutions doivent valoriser le don d'organes et les donneurs ne doivent plus être considérés comme une perte pour les institutions. Même si les soins aux donneurs coûtent cher, prennent du temps et nécessitent un lit déjà fort convoité, ces soins se traduiront en bout de piste par un plus grand nombre de vies sauvées, de sept à 30, mais seulement s'il y a don de tissus.

• 0915

Finalement, il faut pouvoir mesurer le rendement des institutions sur le plan des dons d'organes et mettre au point un mécanisme qui permette de corriger les mauvaises pratiques ou les pratiques inadmissibles.

De plus, une structure nationale est celle qui serait la mieux placée pour imposer des normes. Le milieu de la transplantation se bat depuis plus de neuf ans pour obtenir l'appui du gouvernement à l'égard de la mise sur pied d'une structure nationale. Nos deux petits organismes professionnels bénévoles n'ont ni les ressources ni le mandat pour imposer un système national quelconque aux provinces ou aux programmes de collecte et de transplantation des organes. Aucune norme de sécurité n'a encore été définie, il n'existe aucun algorithme qui vienne étayer un réseau de partage d'organes qui soit de qualité, efficace, équitable et juste, et on ne consacre aucune ressource à la mise sur pied d'une liste d'attente à jour; par conséquent, les patients nouvellement greffés risquent de contracter des maladies que leur transmettrait leur nouvel organe, de nombreuses occasions de transplantation sont manquées et des organes sont gaspillés.

De plus, le système actuel ne permet pas de vérifier le rendement ni d'enquêter s'il y a problème dans la structure de don et de transplantation d'organes. Les gouvernements provinciaux ont injecté des fonds dans leurs programmes de transplantation mais ont négligé de prévoir des sommes semblables pour le processus de don d'organes et de tissus. Le 26 février 1999, il n'y aura plus de liste d'attente coordonnée à l'échelle nationale. Pendant plus de trois ans, notre association a tiré la sonnette d'alarme et a demandé que le gouvernement intervienne. Mais à ce jour, aucun plan d'urgence n'a encore été mis sur pied.

Le troisième grand problème, c'est l'éducation de la population et des professionnels. Les divers programmes de transplantation du Canada ne peuvent régir individuellement les pratiques et les autres programmes ou même les hôpitaux. Même si notre association a reconnu qu'il était nécessaire d'avoir des lignes directrices concernant la pratique et qu'elle en a produites elle-même, leur utilisation a été réduite au minimum puisqu'elle n'avait pas l'autorité voulue pour en obliger l'adoption. Les connaissances sont très limitées en ce qui concerne les meilleures pratiques dans le processus de dons. De plus, les membres du personnel des hôpitaux et des diverses organisations d'approvisionnement en organes ne sont pas tous formés de la même façon. Il faut donc faire en sorte que des normes soient ciblées et maintenues pour le processus de dons d'organes et de tissus, dans un cadre réglementaire strict.

Notre association informe actuellement la population par le truchement d'une circulaire, de son site Web et d'une conférence scientifique organisée annuellement en partenariat avec la Société canadienne de greffe. Il est essentiel que la population canadienne continue de souscrire sans réserve aux dons d'organes. Nous avons lancé diverses campagnes nationales destinées à sensibiliser la population aux dons d'organes. Ainsi, notre slogan «Des vies sont entre vos mains; appuyez les dons d'organes et de tissus» a été adopté en 1996 et est utilisé partout au Canada comme thème des campagnes de sensibilisation nationales aux dons d'organes et de tissus.

En 1998, 105 000 rubans verts étaient distribués partout au Canada, dans le cadre d'une campagne destinée à créer un symbole d'appui aux dons d'organes et de tissus qui soit reconnu de tous. Nous avons également oeuvré en étroite collaboration avec la Fondation canadienne du rein et le Groupe La Mutuelle pour mettre au point des campagnes de sensibilisation aux dons d'organes. Grâce à cette collaboration, nous avons pu publier la circulaire intitulée «Ouvrir la voie aux dons d'organes et de tissus», dont le tirage a atteint 100 000 exemplaires en 1998.

Même si le milieu de la transplantation et nos partenaires ont consacré énormément de temps, d'argent et d'énergie à ces campagnes, je soupçonne que vous êtes peu nombreux à en avoir entendu parler. Voilà pourquoi il nous faut une instance supérieure qui soutienne les campagnes publiques afin qu'elles soient connues de tous, qu'elles soient soutenues financièrement au fil des ans et qu'il soit possible de les évaluer en regard de leur efficacité.

Enfin, il faut absolument rendre hommage aux familles des donneurs. Malheureusement, les véritables héros de ces dons restent anonymes à l'échelle canadienne. Il faut définir des normes pour les soins à donner aux familles de donneurs, et le gouvernement et les programmes doivent avoir pour priorité de les reconnaître. L'année dernière, nous avons appuyé et facilité l'utilisation d'une médaille d'honneur nationale de dons d'organes conçue par le programme de transplantation multiple d'organes du Centre de sciences de la santé de London, médaille qui est présentée aux familles des donneurs. Or, seuls cinq programmes au Canada ont été en mesure de financer cette initiative.

Pour clore, j'aimerais offrir au comité permanent les suggestions suivantes quant au rôle que pourrait jouer le gouvernement pour aider à relever les défis dont j'ai parlé.

Les gouvernements doivent faire la distinction entre, d'une part, les dons, l'administration et la responsabilisation et, d'autre part, les transplantations, en créant une structure de coordination nationale qui s'occupe des grandes questions essentielles aux dons et qui réglemente les normes de sécurité.

Les gouvernements doivent établir un système de responsabilisation qui évalue le rendement en matière de dons et doivent nous aider à faire changer les mentalités: il faut cesser de considérer le don d'organes et de tissus comme une mesure de bonne volonté et la considérer désormais comme une composante essentielle des soins de santé. De plus, afin qu'il y ait moins de risques pour les patients, il faut mettre au point des normes de sûreté qui s'appliquent de façon appropriée dans un cadre de réglementation nationale qui en assure le respect.

Pour qu'il n'y ait plus d'occasions manquées de transplanter des organes et pour qu'il n'y ait plus d'organes qui se gaspillent, les gouvernements doivent faciliter la mise au point des algorithmes qui sous-tendent un système efficace de dons et de partage des organes et des tissus. Les gouvernements doivent également dresser et tenir à jour une liste d'attente nationale en temps réel. Par ailleurs, étant donné la complexité du processus de dons, il faut définir clairement et normaliser les rôles et responsabilités des hôpitaux et des organismes d'approvisionnement en organes.

Enfin, les gouvernements doivent appuyer les initiatives d'information de la population et des professionnels de la santé et doivent reconnaître et soutenir les familles des donneurs.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Drew. J'espère que vous ne vous êtes pas laissée distraire par toute l'activité qui vous entourait. J'aurais sans doute dû vous avertir que les salles de comité sont des endroits où il se passe beaucoup de choses. Mais n'ayez crainte, tout ce que vous avez dit a été enregistré.

• 0920

Normalement, beaucoup de députés de l'opposition s'assoient de ce côté-ci, et les députés ministériels de ce côté-là. Aujourd'hui, le plan de table est un peu spécial. Aujourd'hui, les frappeurs désignés sont de ce côté-ci. Je commence d'ailleurs par M. Martin.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Merci à nos deux témoins d'avoir été si concis mais aussi si complets dans leurs exposés.

Je serai bref, car je sais que tous veulent vous poser des questions. Étant donné les compressions financières de notre époque, pensez-vous qu'un registre national de donneurs d'organes puisse remplacer ou compléter les registres provinciaux qui existent déjà?

J'aborderai en deuxième lieu l'objectif d'encourager un plus grand nombre de Canadiens à cocher sur la carte et à devenir des donneurs potentiels: Pensez-vous qu'une stratégie de choix obligatoire—telle qu'une section rattachée au formulaire de déclaration d'impôt sur le revenu qui permettrait aux contribuables d'indiquer chaque année qu'ils veulent être donneurs d'organes—résoudrait de façon optimale ce problème? Cette stratégie ne permettrait-elle pas de colliger en un seul endroit central toute l'information, qui serait facile à gérer et qui permettrait le couplage aisé des donneurs et des receveurs?

Enfin, comment s'inscrit la nouvelle organisation canadienne de don de sang, qui remplace la Croix-Rouge, dans ce grand tableau? Cette nouvelle organisation s'est heurtée à de graves problèmes, par manque de fonds, particulièrement dans les cas de greffe de moelle osseuse. Pensez-vous que cette organisation peut jouer un rôle dans un système national ou devrait-elle en être absente?

Dr Rolf Loertscher: Je vais me lancer à l'eau et répondre d'abord à votre question sur la greffe de moelle osseuse par rapport aux greffes d'organes solides. Si l'on regarde ces deux types de greffes et la façon dont elles sont effectuées, on constate qu'il y a très peu d'interaction entre les greffes de moelle osseuse et les greffes d'organes solides. En fait, ce sont deux activités menées tout à fait indépendamment, d'un patient à l'autre. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de les regrouper d'un point de vue médical; maintenant si vous parlez d'une structure administrative qui permettrait à ces différents secteurs de s'entraider, je ne vois pas pourquoi cela ne pourrait fonctionner.

Pour ce qui est de votre autre question, au sujet de la liste nationale d'attente, on en a déjà parlé. Pour que le partage d'organes donne de bons résultats, il est essentiel d'avoir une liste nationale de patients de façon à ce que nous puissions envoyer des organes à ceux qui en ont le plus besoin. Par exemple, l'appariement tissulaire est plus important dans le cas des greffes de reins que dans le cas d'autres greffes. Or, nous n'avons pas de système national de partage des reins. En fait, on ne transporte à peu près aucun rein d'un océan à l'autre par avion. Par conséquent, on refuse sans doute à certains patients le luxe d'obtenir un rein parfaitement apparié.

Aux États-Unis, vous savez sans doute que le système UNOS oblige les institutions à envoyer par avion leurs organes, chaque fois qu'il y a appariement parfait. Jusqu'à 20 p. 100 des patients reçoivent des reins parfaitement appariés, et nous savons que dans ces cas-là, les résultats de la greffe sont bien meilleurs. Nous, nous tirons de l'arrière à cet égard, et il nous faudrait un système national.

M. Keith Martin: Puisque vous avez mentionné le modèle américain, docteur Loertscher, pensez-vous que le Canada pourrait s'en inspirer pour sa stratégie nationale?

Dr Rolf Loertscher: Je pense que le modèle UNOS peut-être très instructif, mais je n'affirmerais pas nécessairement qu'il faudrait adopter telle quelle au Canada la structure américaine des UNOS.

• 0925

La réalité canadienne étant différente, en ce concerne notamment nos structures politiques et la façon dont nous remboursons les actes médicaux, nous devrions étudier le système UNOS et nous inspirer de ces aspects les plus positifs.

M. Keith Martin: Madame Drew, à votre avis, pourrait-on combiner tout cela en optant pour une stratégie nationale obligatoire qui fasse appel au formulaire de déclaration d'impôt sur le revenu?

Mme Jane Drew: Est-ce que vous parlez aussi d'un registre de donneurs?

M. Keith Martin: Tout à fait.

Mme Jane Drew: Je répète qu'à mon avis, tout système national d'enregistrement des donneurs, qu'il soit obligatoire ou facultatif, qu'il soit intégré à la déclaration de revenus, au permis de conduire ou à la carte d'assurance-santé, exige d'abord que l'on informe la population. Les citoyens doivent savoir où ils peuvent peut cocher, et à quoi cela sert, et il faut continuellement le leur rappeler pour qu'ils sachent toujours, au bout d'un certain temps, où il faut cocher sur sa déclaration de revenus. Quant à savoir qui collige toute cette information, ou quel est le meilleur formulaire à utiliser, on peut en discuter. L'idée d'établir un registre est magnifique, mais je pense que cela se résume aussi à l'établissement de normes et de lignes directrices pour les praticiens qui ont à pressentir les familles en vue d'un don d'organe.

Nous pouvons déterminer le nombre de gens qui souhaitent devenir des donneurs, et il faut faire en sorte que les familles soient pressenties dès lors que ces personnes deviennent des candidats propices au don de leurs organes. C'est à ce niveau-là que l'on a besoin de lignes directrices qui s'adressent aux professionnels de la santé et d'un système coordonné. On en a besoin à l'hôpital, de façon que ces gens soient reconnus et identifiés, et que leurs cas soient gérés. Nous ne pouvons être sûrs que c'est bien ce que l'on fait d'un océan à l'autre, parce que les pratiques diffèrent d'une province à l'autre et d'un hôpital à l'autre, particulièrement dans la façon dont on repère ces clients—dans la mesure où il y a au départ un repérage.

Ce serait formidable d'avoir un registre national, mais je crois qu'il faut quand même revenir au coeur du problème et nous assurer que ces patients sont bien repérés, peu importe le système de repérage. L'idéal, c'est évidemment de les apparier à une liste d'attente nationale.

M. Keith Martin: Merci.

Dr Rolf Loertscher: Permettez-moi: je crois que l'identification des donneurs potentiels, le maintien des fonctions vitales et la réception éventuelle d'une demande d'organe constituent véritablement des activités relevant d'un hôpital. Or, nous n'avons rien fait pour créer ce que j'appellerais des équipes de gestion des dons qui sauraient s'y prendre. Actuellement, aucune structure ne permet de renvoyer à l'équipe de gestion pour des fins d'évaluation un patient comateux.

Et si l'on pose la question aux neurochirurgiens, par exemple, on constatera qu'ils hésitent beaucoup—et avec raison—à assumer ce rôle. Je crois que c'est à cause de la question des conflits d'intérêts. Or, si nous voulons que la population nous appuie, elle doit au départ avoir confiance en la démarche. Voilà pourquoi nous devons séparer les fonctions de l'équipe de soins actifs et celles de l'équipe de gestion des dons. Il faut pouvoir faire la transition entre l'étape des soins actifs et l'étape de gestion des dons, de façon que les donneurs éventuels ne soient pas oubliés en cours de route, puisqu'il est essentiel de maintenir leurs fonctions vitales. Faute de maintien des fonctions vitales, le donneur est perdu.

Le président: Merci.

Mesdames et messieurs du comité, sachez que le mémoire de Mme Drew est actuellement à la traduction. Ceux d'entre vous qui sont arrivés en retard n'auront pas reçu d'exemplaire de son mémoire. Par conséquent, si vous avez raté son exposé, vous êtes un peu désavantagés. Toutefois, vous recevrez copie du texte de Mme Drew à votre bureau, dans les deux langues officielles, comme c'est le cas pour tous les documents.

Passons maintenant aux députés ministériels, ce qui permettra aux députés de l'opposition de se mettre à jour et de revoir certains des commentaires qu'a faits le Dr Loertscher. Nous reviendrons à eux après.

Monsieur Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je remercie les deux témoins d'avoir comparu aujourd'hui. Je veux demander d'abord aux deux témoins s'il y a un certain niveau de coordination entre leurs deux organismes dans ce secteur; ensuite, j'aimerais savoir si vous faites actuellement de la recherche dans le domaine des greffes et de la recherche sur les questions qui nous préoccupent aujourd'hui.

• 0930

Dr Rolf Loertscher: La Société canadienne de greffe regroupe les médecins et chirurgiens transplantologues. L'Association canadienne de transplantation est l'association professionnelle du personnel paramédical qui se charge principalement de l'obtention et de la distribution des organes et aussi—ce qui constitue, selon moi, un chevauchement peu souhaitable—de la gestion des donneurs. Tels sont les rôles des deux organismes et nous tenons d'ailleurs des assemblées annuelles mixtes où les associations sont représentées et font parfois des présentations conjointes. Il y a beaucoup d'interaction entre les deux organismes.

Pour ce qui est de la recherche, j'ai souligné dans mon mémoire, entre autres choses, que les seuls fonds que nous obtenons pour la recherche sont ceux de l'industrie pharmaceutique. Pour ce qui est du Conseil de recherches médicales, il n'a aucun comité d'examen pour les greffes, contrairement au National Institute of Health, qui a un comité d'examen chargé d'évaluer les projets de recherche concernant les greffes.

Pour ce qui est du nombre de subventions que le Conseil de recherches médicales finance chaque année dans le domaine des greffes, il n'y en a sans doute qu'une ou deux et c'est pour la recherche fondamentale plutôt que les dons d'organes.

M. Lynn Myers: Selon vous, il faudrait rééquilibrer les choses.

Dr Rolf Loertscher: Il faut se pencher sur la question. Je ne pense pas que le secteur des greffes ait suffisamment accès aux subventions de recherche. Par exemple, la Fondation canadienne du rein a consacré, au cours des années, une bonne partie de ses fonds à la recherche dans ce domaine, mais ses moyens ne sont pas les mêmes que ceux du Conseil de recherches médicales.

M. Lynn Myers: Madame Drew, avez-vous quelque chose à ajouter en ce qui concerne la recherche?

Mme Jane Drew: Notre organisme ne soutient pas la recherche sur le plan financier, mais nous appuyons nos membres qui font de la recherche par l'entremise de leurs hôpitaux en leur donnant une tribune où ils peuvent partager le fruit de leur recherche à des réunions scientifiques annuelles. Nous en organisons chaque année. Nous venons d'établir un site web où ils peuvent échanger des idées et des résultats. Nous ne disposons évidemment pas du mandat ou de l'argent voulu pour financer nous-mêmes des recherches et cela se limite donc à ce que nos membres font au sein de leur propre organisation et à ce qu'ils veulent bien partager avec nous.

M. Lynn Myers: Je voudrais également savoir si vous avez une idée ou si vous avez quantifié le coût des greffes. Par exemple, savez-vous combien il en coûte de procéder à une greffe plutôt que de ne pas le faire? A-t-on jamais entrepris ce genre d'évaluation? Dans la négative, faudrait-il le faire?

Dr Rolf Loertscher: La question a été étudiée et les coûts ont été calculés. Un patient mort coûte toujours moins cher qu'un patient vivant. C'est la réalité. Certains des patients inscrits sur les listes d'attente meurent. Ils coûtent moins cher. C'est certain.

Si nous faisons une comparaison—et cela vaut surtout pour le rein étant donné qu'il existe une thérapie de remplacement, à savoir la dialyse—, le coût de la dialyse par rapport à la greffe, la première année, la greffe coûte à peu près la même chose que la dialyse, mais elle revient beaucoup moins cher au cours des années suivantes. D'après les statistiques, nous avons beaucoup de patients qui mènent une vie productive pendant de nombreuses années. Nous suivons certains patients depuis 30 ans.

M. Lynn Myers: L'a-t-on fait également dans d'autres domaines?

Mme Jane Drew: Pas vraiment étant donné qu'il n'existe pas de traitement de remplacement. Nous ne pouvons pas comparer le cas d'un patient qui souffre d'insuffisance hépatique et celui qui est en dialyse. Tout dépend des troubles hématiques dont il s'agit, etc. Il n'y a pas eu vraiment d'études sérieuses concernant d'autres organes. On cite surtout les études portant sur le rein étant donné que la dialyse représente une autre forme de traitement. Également, le coût d'une transplantation varie. Les coûts cités varient grandement.

M. Lynn Myers: Merci. Madame Drew, vous avez mentionné une chose très intéressante, à savoir qu'il faudrait rendre hommage aux familles des donneurs d'organes et les soutenir. Cela m'a semblé être une façon intéressante de dire une chose sans doute très importante. Pourriez-vous nous fournir davantage de précisions.

• 0935

Mme Jane Drew: Nous sommes convaincus que sans donneurs il n'y aura pas de dons d'organes. Nous pouvons trouver des donneurs, maintenir leurs fonctions vitales, les soutenir du point de vue médical, mais tant que nous n'obtenons pas l'accord de la famille, du plus proche parent... Il faut préciser que peu importe ce que nous signons, peu importe que nous fassions connaître notre volonté, on demande toujours le consentement du plus proche parent. Peu importe les désirs du donneur, la question est toujours posée à la famille et nous tenons donc à faire comprendre aux gens qu'ils doivent en parler avec leurs familles et leur faire connaître leurs désirs.

Nous sommes convaincus que l'on ne reconnaît toujours pas l'héroïsme des familles des donneurs. Alors qu'elles sont au fond du désespoir, ces personnes pensent aux autres, à des gens qu'elles ne connaissent pas, qu'elles ne connaîtront jamais, pour la seule raison que c'est la bonne chose à faire ou qu'elles savent que tel était le souhait de la personne décédée.

L'Association canadienne de transplantation et la Société canadienne de greffe estiment qu'il faut rendre hommage à ces personnes et voilà pourquoi nous avons eu l'idée de leur décerner une médaille. En fait, nous avons emprunté cette idée à une famille canadienne qui a perdu un fils aux États-Unis et qui est revenue avec une médaille. Nous avons pu voir combien cette médaille était importante pour cette famille et nous nous sommes dit que nous ne faisions pas assez chez nous pour ces personnes.

Les programmes de greffe envoient des lettres de remerciement ou parfois une carte, mais c'est tout. Là encore, cela varie d'un programme à l'autre. La lettre est parfois suivie d'un appel téléphonique. Je sais ce que nous faisons de notre côté, mais je ne peux pas vous dire ce que font les autres. Nous savons très peu de choses sur la façon dont ces familles sont traitées ailleurs. Cette médaille était pour nous l'occasion de leur rendre hommage sur la scène nationale. Comme je l'ai déjà dit, cinq programmes du pays les ont décernées l'année dernière au cours de la semaine de la sensibilisation aux dons d'organes. Je crois que toutes les familles les ont acceptées et qu'elles en étaient ravies. Tous les programmes qui ont décerné ces médailles l'année dernière vont recommencer cette année s'ils en ont les moyens. Il faut qu'ils les paient eux-mêmes.

Selon nous, c'est quelque chose de tangible. Il n'est pas question d'argent ou de choses de ce genre, mais c'est un témoignage tangible grâce auquel ces familles savent que leur geste signifie quelque chose. Tant que nous ne pourrons pas rendre hommage à ces personnes et les soutenir... Nous pourrions peut-être les aider à surmonter leur deuil. Nous avons des programmes pour aider ces familles. Si nous pouvons les soutenir également de cette façon, les gens seront peut-être plus au courant et plus disposés à faire des dons d'organes.

M. Lynn Myers: Apparemment, cela fait partie de la sensibilisation et de l'éducation du public et je crois que nous devrions noter cela au dos de nos petits livres. C'est une excellente chose. Merci beaucoup.

Le président: Je voudrais revenir sur une question que vous avez soulevée tous les deux et qui porte d'une part sur la recherche et d'autre part sur les études. Pourriez-vous me dire quelle est la différence, surtout dans le contexte de ce qu'a déclaré le Dr Loertscher quant à l'absence de subventions du Conseil de recherches médicales pour la recherche sur les greffes? Si nous avons une pénurie de donneurs, pouvez-vous m'expliquer comment cette recherche serait menée?

Dr Rolf Loertscher: Je suis content que vous posiez la question. Cela m'amène à dire qu'en plus de la pénurie de donneurs d'organes, il y a bien d'autres problèmes non résolus qui se rapportent à la transplantation.

Pour ce qui est de la recherche dans ce domaine, l'un des objectifs visés consiste à trouver un moyen de contrôler la réaction immunitaire, le rejet, de façon à ce que le patient n'ait pas besoin de prendre des médicaments anti-rejet jusqu'à la fin de ses jours. C'est certainement un objectif à long terme très important qui pourrait changer radicalement nos résultats étant donné que les médicaments entraînent des effets secondaires et une morbidité.

Le président: On fait actuellement beaucoup de recherches sur la xénotransplantation. Je pense à un programme de ce genre annoncé il y a deux mois environ.

• 0940

Dr Rolf Loertscher: Les programmes de xénotransplantation poursuivent un objectif différent. La question de pénurie de donneurs d'organes ne se pose plus puisque l'on passe de l'espèce humaine à d'autres espèces. Comme vous le savez, le cochon en particulier est considéré comme une espèce qui pourrait convenir. Ce sont là des études importantes qui peuvent avoir des répercussions à long terme.

Si nous trouvons des moyens de prolonger la survie des transplantés, étant donné que nous avons encore trop d'échecs, nous obtiendrons de meilleurs résultats. Les patients qui reçoivent des reins, en particulier, se retrouvent souvent sur une liste d'attente. Jusqu'à 50 p. 100 des nouveaux patients qui sont inscrits sur une liste d'attente ont eu une greffe qui n'a pas réussi. L'une des principales raisons de la pénurie d'organes est l'échec des transplantations. Il est très important de progresser dans ce domaine et nous ne pourrons pas le faire sans la recherche nécessaire.

Le président: Par conséquent, quand vous parlez d'études et de recherches, vous parlez de certaines données statistiques plutôt que de travail de laboratoire.

Dr Rolf Loertscher: Oui. Je parle de la recherche. Nous avons besoin de recherches fondamentales, d'études cliniques et épidémiologiques. Je dirais que si nous avions de l'argent, nous pourrions recueillir des données sur les résultats des transplantations à l'échelle nationale et établir ce qui se passe vraiment, pourquoi nous perdons des patients ou des greffes et, à partir de ces renseignements, nous pourrions établir des lignes directrices pour améliorer les résultats. En fait, c'est tout un aspect de la recherche qu'il faudrait financer. À l'heure actuelle, les fonds consacrés à la recherche sur la transplantation proviennent de l'industrie pharmaceutique. Leurs intérêts quant aux domaines à étudier ne correspondent pas nécessairement aux nôtres.

Le président: Merci.

Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): J'ai deux questions. La première s'adresse à Mme Drew, mais je suppose que le Dr Loertscher voudra y répondre également.

Vous avez dit que la famille est toujours consultée, ce que je savais, bien entendu. Mais qu'arrive-t-il si le donneur a indiqué très clairement ses intentions dans un testament où il dit qu'il veut donner un organe même si les membres de la famille s'y opposent?

D'après vous, il est très important que la famille partage les souhaits du donneur, pour que nous continuions à faire confiance au programme de transplantation d'organes. Arrive-t-il que vous procédiez au prélèvement de toute façon? Ou êtes-vous légalement tenus de respecter les désirs du donneur et le faites-vous quoi que puisse dire la famille? Quelle est la fréquence de ce genre de cas?

Mme Jane Drew: Je ne crois pas que nous passions outre les désirs de la famille, quels que soient les souhaits exprimés par le donneur. Honnêtement, depuis neuf ans que je travaille dans ce domaine, je n'ai jamais rencontré de famille qui se soit opposée aux désirs du donneur si elle les connaissait. La situation ne s'est jamais présentée. Je ne pense pas que ce soit un gros problème.

Certains pays ont opté pour le «consentement présumé». Autrement dit, on part du principe que tous les donneurs ont donné leur consentement à moins qu'ils n'aient exprimé leur refus. Dans d'autres cas, on a cherché à respecter les souhaits du donneur plutôt que ceux de sa famille. Cela ne change généralement pas beaucoup le nombre de donneurs. La mauvaise volonté que cela engendre a beaucoup plus d'effets négatifs que les effets positifs d'un don d'organes. Si la famille s'y oppose et fait preuve de mauvaise volonté, cela risque de causer beaucoup plus de mal que de bien. Comme je l'ai dit, je ne pense pas que cela pose un gros problème. J'ai constaté que si la famille avait été clairement informée des désirs du donneur, que ce soit oui ou non, elle respectait ces désirs.

M. Maurice Vellacott: Par conséquent, vous n'avez pas besoin de dispositions juridiques si les souhaits du donneur sont connus de la famille... Avez-vous besoin de dispositions juridiques pour vous permettre de respecter les souhaits du donneur quoi qu'en dise sa famille?

• 0945

Mme Jane Drew: Non. Si la famille du donneur sait ce que ce dernier voulait, en lui forçant la main, on lui ferait plus de mal que de bien. L'important est que la famille connaisse les intentions du donneur.

M. Maurice Vellacott: Il faut que ce soit clairement communiqué.

Mme Jane Drew: C'est exact.

Dr Rolf Loertscher: Si vous me permettez d'ajouter un mot, je ne pense pas que notre société serait pour le principe du consentement présumé. Dans les pays qui ont adopté cette pratique, cela a parfois donné de bons résultats, mais pas partout.

Si nous prenons les pays qui ont un taux de donneurs nettement plus élevé que le nôtre—et l'Espagne en est le meilleur exemple—, ils ont établi des équipes hospitalières chargées du recrutement et de la gestion des donneurs.

Cela m'amène à la question du registre des donneurs. Si les gens s'enregistrent, il s'agit de voir à quel point ces renseignements seront accessibles le moment venu, c'est-à-dire lorsqu'il y a mort cérébrale. Vous devez comprendre que ces événements se déroulent selon un certain rythme et qu'il faudrait un système très perfectionné pour pouvoir accéder à ces renseignements.

Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il faudrait aborder les familles, obtenir leur soutien et leur consentement. Je crois que nous pouvons le faire. Malheureusement, comme nous n'avons pas ces équipes spécialisées, de nombreux donneurs potentiels ne sont pas identifiés comme telles et leur famille n'est jamais contactée.

Le président: Merci.

Mme Minna va céder son tour à Mme Ur.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président. Comme j'ai déjà été infirmière, cette question m'intéresse beaucoup. C'est une situation tellement délicate. Je peux en témoigner. Lorsqu'une personne tombe dans le coma, il faut faire très attention à ne pas manquer de tact lorsqu'on aborde sa famille. Ce n'est pas votre intention.

En Ontario, nous avons des trousses de procuration. Vous remplissez ces formulaires, un pour vos affaires personnelles, par exemple pour les décisions concernant votre santé, et l'autre, pour vos affaires financières. Cela permet-il de faire des dons d'organes? Ce genre de formulaire pourrait-il régler le problème?

Mme Jane Drew: Je ne pense pas que ce soit prévu pour le moment dans ces formulaires. Des avocats ont appelé notre bureau et nous les avons aidés à rédiger des instructions concernant les dons d'organes pour les procurations, les testaments biologiques et autres documents de ce genre. Je sais donc que ce n'est pas systématique. Je suis certaine que ces trousses n'offrent pas cette possibilité et c'est pourquoi les avocats nous téléphonent pour nous demander conseil.

Les gens demandent si vous pouvez l'inclure dans un testament. Non, ce n'est pas possible car il est beaucoup trop tard quand on procède à la lecture du testament. Pour ce qui est des procurations, je ne connais pas suffisamment la question, mais si la personne en faveur de laquelle la procuration est établie est un proche, si c'est elle qui doit donner son autorisation au corps médical pour l'administration de soins quelconques, cela pourrait y être mentionné. Si une personne tombe dans le coma, doit être hospitalisée ou devient trop malade pour s'occuper d'elle-même, et si quelqu'un a une procuration qui lui permet d'autoriser ou de refuser des soins...

Mme Rose-Marie Ur: Chaque citoyen de l'Ontario doit le faire. Qu'il l'ait fait ou non...

Mme Jane Drew: En effet.

Mme Rose-Marie Ur: ... et c'est entré en vigueur il y a plusieurs années. Si la trousse n'est pas mise à jour, c'est peut- être une question qu'il faudrait examiner. Pour les personnes dont la trousse n'est pas signée, cela pourrait peut-être y être inclus. Ce pourrait être une possibilité.

Le Dr Martin a parlé du formulaire de déclaration de revenus, mais je crois que cela commence bien avant, car nous avons malheureusement besoin aussi d'organes venant de jeunes qui ne remplissent pas de déclaration de revenus.

J'ai également pensé à l'enregistrement des naissances. Je me demande si cela ne pourrait pas être indiqué sur la carte. Le parent est responsable de l'enfant jusqu'à un certain âge, mais quand l'enfant devient majeur, il pourrait décider de donner ses organes ou non. Cela pourrait-il également être une solution pour établir un registre?

• 0950

Dr Rolf Loertscher: Toutes les tentatives faites pour établir un registre me semblent être seulement d'un intérêt secondaire. J'ai constaté que lorsqu'un patient est dans un état aussi critique, personne ne va courir à la maison pour trouver le document et le présenter.

Mme Rose-Marie Ur: Avec un registre national, personne n'aura à courir où que ce soit.

Dr Rolf Loertscher: Oui, s'il est vraiment accessible. Si vous avez un registre qui fonctionne bien et vous permet d'y avoir accès très rapidement, vous avez parfaitement raison.

Mme Rose-Marie Ur: J'espère que c'est ce que nous voulons.

Dr Rolf Loertscher: Si nous réussissons à l'établir, cela pourrait marcher. Toutefois, nous hésiterions beaucoup à ne tenir aucun compte des familles. Cela permettrait de faire connaître aux proches quelles sont les dernières volontés du mourant. Ou bien ils les respecteraient ou bien ils auraient de sérieuses objections. Dans ce dernier cas, je ne pense pas que nous devrions passer outre.

Mme Rose-Marie Ur: J'aurais une chose à ajouter. Madame Drew, vous avez mentionné la médaille. Avons-nous mis sur pied des groupements de familles de donneurs et de receveurs afin qu'elles puissent porter la bonne parole au reste du monde? Comprenez-vous ce que je veux dire? Il y a des groupes de triplets ou de jumeaux qui racontent ce qu'ils ressentent. Avons-nous fait la même chose pour que les familles des donneurs et des receveurs puissent faire savoir au public ce qu'elles ressentent?

Mme Jane Drew: Certainement pas de façon officielle ou formelle. Je sais que tous les organismes et les hôpitaux qui s'occupent d'approvisionnement en organes ont des groupes de familles de donneurs et de receveurs qui prennent la parole devant des groupes ou les médias. Certaines personnes en ont parlé publiquement un peu partout au Canada, mais il n'y a rien d'officiel ou de formel. En fait, pendant la semaine de la sensibilisation au don d'organes, l'année dernière, et depuis plusieurs années, nous avons essayé de mettre en lumière divers aspects du don d'organes. La première année, nous avons mis l'accent sur les familles des donneurs. Un grand nombre de ces familles ont été interviewées un peu partout au Canada. L'année suivante, ce sont les familles des receveurs qui ont été mises en vedette. Comme je l'ai dit, cela n'a pas été fait à grande échelle.

Mon programme, comme beaucoup d'autres, fait largement appel à ces personnes pour sensibiliser le public. Elles parlent souvent aux médias, dans les écoles ou ailleurs, que ce soit du point de vue du donneur ou du receveur.

Par contre, elles sont très isolées, car nous ne pouvons pas leur permettre de se connaître. Les familles des donneurs et des receveurs ne se rencontrent pas. La famille d'un receveur peut rencontrer la famille d'un donneur du moment que ce n'est pas de ce donneur que provient l'organe. Quand les familles prennent la parole en public, nous demandons aux parents d'un donneur et d'un receveur de raconter tous deux leur histoire. Personne ne saurait être plus convaincant. Je pourrais parler pendant des heures, mais le public veut voir ces personnes et entendre leur histoire. Comme je l'ai dit, il n'existe aucune organisation officielle.

Le président: Nous vous ferons revenir pour nous en parler, madame Drew. Nous tenons à obtenir tous les faits et tous les chiffres, croyez-moi. Il ne nous reste que quelques minutes et je voudrais les partager entre Mme St-Hilaire et Mme Redman.

[Français]

Madame St-Hilaire, je vous invite à poser votre question.

Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): J'aimerais poser une question très rapidement. Vos interventions ont été très intéressantes.

• 0955

Puisque vous avez vu de nombreux cas, j'aimerais que vous me disiez pourquoi, selon vous, les familles se montrent réticentes face aux dons d'organes. Pourquoi les dons d'organes et de tissus ne pourraient-ils pas devenir obligatoires? Est-ce une question de culture ou de religion? J'aimerais entendre votre point de vue.

[Traduction]

Dr Rolf Loertscher: Tout d'abord, je suis membre d'une équipe de transplantation et je ne peux donc pas demander de don d'organes car il y aurait conflit d'intérêt.

Je constate que nous procédons très souvent dans le mauvais ordre. Par exemple, il n'est pas normal qu'une équipe de soins intensifs vous demande de songer à faire un don d'organes bien avant que la mort cérébrale n'ait été déclarée. Il faut faire très attention au déroulement des événements. Il faut d'abord que la mort cérébrale ait été déclarée et que la famille ait à faire face à cette réalité. La demande doit ensuite être faite et selon moi, elle devrait émaner de quelqu'un qui ne fait pas partie de l'équipe soignante. Voilà pourquoi j'ai proposé ces équipes de gestion des donneurs.

Le déroulement du processus est très important. Je crois que nous procédons dans le mauvais ordre. Nous n'avons jamais examiné, à l'échelle nationale, comment nous procédons sur ce plan, mais je suis certain que c'est pour cette raison qu'on nous oppose des refus. Il y a aussi une question culturelle. Si vous prenez des grandes villes comme Vancouver, Toronto et Montréal où il y a une importante population immigrante, certaines cultures ne sont pas aussi orientées vers les dons d'organes et certaines religions peuvent même l'interdire. Cela pose certainement des problèmes, mais dans l'ensemble, si vous procédez comme il faut et si la personne qui demande le don a reçu une formation spéciale, le taux de consentement augmentera. Cela a été démontré.

Le président: Merci.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Docteur Loertscher, on a suggéré que si cela faisait partie de l'agrément des hôpitaux, si les statistiques concernant la transplantation étaient incluses, sans que cela ne les empêche, évidemment, d'obtenir l'agrément, ce serait peut-être une façon subtile de rehausser l'importance des dons d'organes à ce niveau. Qu'en pensez-vous?

Dr Rolf Loertscher: J'ai abordé dans mon mémoire la question de l'agrément des hôpitaux sous la rubrique «Autres problèmes». Selon moi, il faudrait accréditer les hôpitaux comme centres de transplantation et ils devraient démontrer qu'ils possèdent les ressources et les équipes voulues pour bien se charger de cette fonction. Il faudrait mettre en place un processus d'examen permanent pour surveiller les résultats des hôpitaux.

Enfin, il faudrait—comment appeler ça—prévoir des sanctions contre les hôpitaux qui ne font pas ce qu'ils sont censés faire. Nous avons besoin d'incitatifs et je crois que l'incitatif pour les familles de donneurs en est un bon exemple. Il faudrait des incitatifs pour les professionnels de la santé et les hôpitaux. Mais d'un autre côté, il faudrait également prévoir des sanctions si les hôpitaux ne sont pas à la hauteur de la tâche et s'ils ne mettent pas en place les ressources nécessaires.

Le président: Nous devons nous arrêter-là, madame Redman.

Je voudrais remercier...

M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC): Monsieur le président, j'invoque le Règlement.

Le président: Attendez. Permettez-moi de remercier nos invités.

M. Greg Thompson: C'est la raison de mon rappel au Règlement, monsieur le président.

Le président: Allez-y, monsieur Thompson.

M. Greg Thompson: Monsieur le président, j'aimerais pouvoir poser au moins une question aux témoins, si possible.

• 1000

Le président: Nous sommes déjà en retard sur notre horaire.

M. Greg Thompson: Je comprends, mais je fais partie du comité. En fait, je suis resté à Ottawa ce matin pour pouvoir venir ici. Je ne veux pas être...

Le président: Je vais vous laisser poser une question, monsieur Thompson. Allez-y.

M. Greg Thompson: Merci, Joseph.

Docteur Loertscher, je m'intéresse à ce rapport entre la pénurie d'organes et la recherche fondamentale, si vous voulez, car vous nous dites—et c'était à la suite d'une question précédente—qu'il y a un rapport entre la pénurie d'organes et la science fondamentale et, si vous voulez, le taux d'échecs.

Dr Rolf Loertscher: Ce sont deux questions assez distinctes l'une de l'autre. Il faut tout un raisonnement avant de pouvoir dire que la science fondamentale conduit à de meilleurs résultats et qu'il devient moins nécessaire de réinscrire les gens sur la liste d'attente. D'accord? Tel est le raisonnement.

J'ai parlé du manque d'argent plus tôt pour souligner à quel point la transplantation est désorganisée au Canada, par opposition aux États-Unis, par exemple. La pénurie d'organes me paraît attribuable au processus suivi actuellement pour les dons de même qu'aux équipes et aux ressources dont nous disposons. La science fondamentale est très loin de tout cela et ne se traduirait pas par un plus grand nombre de donneurs à court terme. Elle n'interviendrait qu'à très long terme.

M. Greg Thompson: Pour ce qui est de la science...

Le président: Merci, docteur Loertscher.

Madame Drew, malheureusement, le temps prévu est expiré. Je tiens à vous remercier infiniment.

Si certains membres du comité désirent poursuivre la conversation avec nos témoins, ils peuvent le faire en sortant. S'il y a d'autres questions que vous vous voudriez poser à nos témoins, vous pouvez les leur transmettre par l'entremise de la greffière et nous continuerons à leur demander de nous fournir des mémoires détaillés.

Merci beaucoup.

M. Greg Thompson: Monsieur le président, je voudrais des éclaircissements au sujet des questions et de la participation des députés de l'opposition. Pourriez-vous me rafraîchir la mémoire? Par exemple, au moins huit membres du gouvernement ont posé des questions. Des membres de l'opposition ont voulu en faire autant, mais certains ne l'ont pas pu. Pourriez-vous me rafraîchir la mémoire quant à la façon dont fonctionne le processus?

Le président: Le droit de poser une question n'a été refusé à personne, monsieur Thompson. Nous demandons seulement aux membres du comité d'être ici au début de la réunion pour entendre les témoins. Ils étaient là à 9 heures. À 9 h 20, une personne a voulu poser des questions. Ceux qui sont ici pour poser des questions ont la possibilité de le faire. Les membres de l'opposition et du gouvernement ont les mêmes possibilités. C'est ainsi que nous avons procédé jusqu'ici et nous continuerons à le faire. Merci.

M. Greg Thompson: Monsieur le président, je ne suis pas satisfait de cette réponse, parce que...

Le président: Dommage. Nous allons continuer.

M. Greg Thompson: ... nous sommes ici pour poser des questions intelligentes, et non pas les questions que le ministre de la Santé veut que nous posions.

Le président: Monsieur Thompson, nous voyons que vous voulez présenter un argument. Mais si vous aviez été ici dès le début, vous sauriez que trois députés libéraux et trois députés de l'opposition ont posé des questions.

M. Greg Thompson: C'est exact. Je pense que votre question s'est ajoutée à celles des membres du gouvernement, monsieur le président. Voilà ce que j'avais à dire.

Le président: La plupart d'entre nous tiennent à faire du bon travail ici, monsieur Thompson. Je suis certain que vous en faites partie.

Chers collègues, notre deuxième groupe de témoins est constitué de M. David Connell, qui représente la Fondation canadienne du foie, de Mary Catharine McDonnell, bénévole et présidente du groupe consultatif Voies de la réussite, de la Fondation canadienne du rein, et du Dr J.M. Miyasaki, du groupe de neurologie et des troubles du mouvement de la Fondation canadienne du Parkinson.

S'agit-il d'une section ou d'un groupe, docteur Miyasaki?

• 1005

Le docteur Janis Miyasaki (chercheur principal, Groupe d'étude de la maladie de Parkinson, Fondation canadienne du Parkinson): Les troubles du mouvement sont une sous-spécialité de la neurologie qui s'intéresse à la maladie de Parkinson.

Le président: Merci beaucoup.

Pourquoi ne pas commencer dans l'ordre où je vous ai présentés, si vous le voulez bien?

Monsieur David Connell, vous êtes le premier. Vous avez déjà constaté, je crois, comment nous procédons. Vous disposez d'environ cinq minutes au maximum pour faire votre exposé après quoi les membres du comité entameront un dialogue avec vous.

M. David Connell (président, chapitre d'Ottawa-Carleton, Fondation canadienne du foie): Merci.

Monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs, je suis ici pour représenter la Fondation canadienne du foie. Notre bureau national m'a demandé de vous parler en son nom. Je m'intéresse personnellement à cette étude parce que j'ai bénéficié de trois greffes d'organes au cours des 10 dernières années. Je suis actuellement le président du chapitre d'Ottawa- Carleton de la Fondation canadienne du foie.

La Fondation canadienne du foie se consacre exclusivement à soutenir la recherche et l'éducation sur les causes, le diagnostic, la prévention et le traitement des maladies hépatiques. Notre fondation a été fondée en 1969 par un groupe de médecins et de chefs d'entreprise. Depuis sa création, la Fondation a recueilli plus de 6,5 millions de dollars pour soutenir les programmes relatifs aux maladies du foie. Nous offrons des programmes éducatifs, nous entreprenons des activités pour sensibiliser le public, nous lançons des programmes de sensibilisation aux dons d'organes, nous réunissons des fonds pour financer la recherche et l'éducation et nous constituons des groupes de soutien pour les patients qui souffrent de maladies du foie et leurs familles.

Les maladies du foie sont la quatrième cause de décès au Canada. Elles touchent les hommes et les femmes, les adultes et les enfants, toutes les races et les cultures et tous les groupes socio-économiques avec la même gravité et férocité. Malheureusement, la plupart des causes et des traitements sont toujours inconnus et la greffe est souvent la seule intervention efficace. La transplantation du foie est une opération qui remplace un foie malade par un foie sain. Au Canada, des centaines de transplantations de ce genre sont réalisées chaque année.

Les maladies les plus souvent traitées par une greffe du foie sont l'hépatite fulminante, l'hépatite C, l'hépatite chronique active auto-immune, la cirrhose biliaire primitive, la cirrhose cholostatique et, chez l'enfant, l'atrésie des voies biliaires. Les maladies qui ne sont pas couramment traitées au moyen de la transplantation du foie sont l'hépatite B, la plupart des cancers et des maladies liées à l'alcool.

La greffe du foie réussit chez 80 à 90 p. 100 des adultes et 75 à 85 p. 100 des enfants. Néanmoins, plus de 3 000 Canadiens attendent encore une transplantation d'organes qui leur sauvera la vie, tels qu'un foie, un poumon, un rein, un coeur ou un pancréas. Comme vous le savez, jusqu'à 30 p. 100 de ces personnes mourront tragiquement en attendant que l'un de ces rares et précieux organes devienne disponible.

Dans plus du tiers des cas, les familles ne consentent pas au don d'organes simplement parce qu'elles ignorent les désirs du disparu. Un registre national contribuerait largement à réduire le nombre d'organes gaspillés en permettant à plus de gens de recevoir un don d'organes qui leur sauvera la vie.

Des entreprises privées sont prêtes à coparrainer ce programme d'enregistrement. Votre appui immédiat à cette initiative contribuerait dans une large mesure à faciliter la mise en place d'une stratégie nationale pour les dons d'organes. Le bureau national de la Fondation canadienne du foie est prêt à apporter son aide pour faire de cette initiative une réalité.

D'autre part, le gouvernement devrait débloquer des fonds pour ouvrir davantage de centres de transplantation du foie au Canada. Ottawa, par exemple, a une excellente équipe de transplantation du coeur et du rein, mais il n'y a rien pour les malades du foie qui attendent une greffe. Ils doivent déménager dans une autre ville pour trois ou quatre mois, avoir deux résidences, avec toutes les difficultés financières et émotives que cela représente.

Tant que nous n'aurons pas trouvé comment guérir les maladies du foie, la transplantation reste souvent la seule option pour bien des gens. C'est que la transplantation d'organes et de tissus constitue un miracle médical de l'ère moderne. Pour les donneurs d'organes et leurs familles, cela représente la chance de donner la vie à autrui, et pour les receveurs, ce miracle est la vie elle-même.

Merci.

Le président: Madame Mary Catharine McDonnell.

• 1010

Mme Mary Catharine McDonnell (présidente, groupe consultatif «Voies de la réussite», Fondation canadienne du rein): Je suis bénévole auprès de la Fondation canadienne du rein qui est un organisme fournissant des services à ceux qui souffrent de maladies du rein et qui ont des besoins spéciaux. La Fondation cherche à faciliter l'accès à des soins de grande qualité et se fait le promoteur actif de la nécessité de sensibiliser les Canadiens aux dons d'organes et de s'y engager. De plus, la Fondation canadienne du rein finance de la recherche, notamment de la recherche sur les greffes, et a dépensé déjà des millions depuis sa fondation en vue d'encourager la recherche sur cet aspect important des maladies du rein.

Étant donné que c'est au coeur de notre mission, nous avons consacré beaucoup de temps au cours des dernières années à étudier le phénomène du don et de la transplantation des organes. Même si nos patients peuvent survivre, grâce à la dialyse, ce traitement nuit beaucoup à la qualité de leur vie. Nous croyons, pour pouvoir les aider, qu'il faut travailler conjointement avec un groupe complexe de professionnels et d'institutions de la santé et avec les divers gouvernements partout au Canada.

Au cours des dernières années, en raison de la crise découlant d'une pénurie de dons d'organes, nous avons lancé quelques initiatives toutes particulières. L'une d'elles est justement le forum «Voies de la réussite» sur les dons d'organes dont j'ai fait tenir à la greffière copie des délibérations. Ce forum, tenu en novembre 1996 à Montréal, ciblait six priorités d'action pour augmenter le taux de dons d'organes au Canada, priorités d'action dont vous avez déjà entendu parler lors de vos audiences, à savoir des normes nationales; l'éducation des professionnels de la santé; la sensibilisation de la population; les partenariats; un cadre institutionnel; et la gestion et l'évaluation des données.

L'important, c'est que les 35 participants au forum venaient de tous les horizons. Il s'agissait de chirurgiens, de médecins, de coordonnateurs de dons, d'infirmières spécialisées dans les soins intensifs, de travailleurs sociaux, de représentants de services de pastoral, de familles de donneurs, de greffés, d'administrateurs de programmes, de représentants des autorités nationale et provinciale en matière de santé, ainsi que de bénévoles et de représentants du personnel de la Fondation canadienne du rein.

Le forum a donné lieu à la formation d'un groupe consultatif, dont les membres ont décidé de se pencher sur les grandes questions d'intérêt pour nous, en collaboration avec la Fondation canadienne du rein. Les représentants de ce groupe consultatif proviennent de divers milieux et cherchent à savoir de quelle façon ils peuvent soutenir tous les travaux qui se font actuellement au Canada. Nous nous demandons si le renvoi et la demande obligatoire constituent une solution valable, puisqu'il est de notoriété publique que le système d'identification des donneurs au Canada n'atteint pas tous les donneurs potentiels.

Nous ne savons rien des dénominateurs communs qui relient les donneurs canadiens de l'an dernier—c'est-à-dire ceux qui sont arrivés à l'hôpital en situation critique et qui ont été maintenus artificiellement en vie, et ceux qui auraient pu devenir des donneurs. Nous connaissons les taux de dons d'organes, mais nous ne savons pas quels sont les dénominateurs communs, à partir d'une même formule utilisée partout au Canada. Or, voilà de l'information clé qu'il nous faut obtenir.

Nous sommes membres du Comité national de coordination de la distribution et des dons de tissus et d'organes dont vous avez entendu plus tôt les représentants, et dont nous appuyons sans réserve les travaux.

Au cours des dernières années, nous avons mis sur pied quelque chose d'intéressant, soit un concours de bourses destinées à des programmes spéciaux de dons d'organes axés sur les résultats: un million de dollars ont été mis de côté sur trois ans, et cette somme est destinée à des programmes et des localités de toutes les régions du Canada, qui doivent décider, dans le cadre d'un projet pilote, des mesures à prendre pour faire monter le taux de dons d'organes dans leur région. En réponse à une question posée plus tôt par un des membres de la dernière table ronde, je vous informe que la première étude qui sera subventionnée se penchera sur les effets bénéfiques que pourrait avoir la présence d'interprètes formés dans diverses cultures sur le taux de dons d'organes à l'Hôpital pour enfants. L'étude se penchera sur les taux de dons d'organes représentatifs des différentes collectivités culturelles et essaiera de déterminer si, dans un milieu très diversifié du point de vue culturel, il ne serait pas possible de faire grimper le taux de dons d'organes et d'aider en même temps les familles en ayant sur place les personnes appropriées qui pressentiraient les familles endeuillées.

Nous sommes également convaincus que l'éducation des professionnels de la santé est très importante et qu'elle doit se faire sur une base permanente au sein des services de soins critiques des hôpitaux de même qu'auprès du personnel des urgences et de première ligne.

Il ne faut pas oublier non plus la sensibilisation de la population. La Fondation canadienne du rein est convaincue que les familles doivent discuter de l'éventualité de donner leurs organes avant le moment fatidique où l'un des membres arrive à l'unité des soins intensifs ou à l'urgence d'un hôpital. Nous favorisons les discussions familiales, ce qui permet à tous les membres de parler ouvertement et d'établir leurs volontés. Je suis moi-même une professionnelle de la santé qui travaille auprès de patients en phase critique, et je vous assure que la vie nous est facilitée en période de crise, quand une famille dont un des membres est atteint d'une maladie invalidante a déjà discuté de la question et qu'elle se rappelle clairement les volontés de l'être cher. Dans notre façon à nous de voir les choses, nous prônons non seulement de songer à donner vos organes, mais également d'en parler à votre famille. C'est extrêmement important.

Il faudrait instaurer des normes nationales à l'échelle du pays. En effet, les normes varient d'une province à l'autre. Les normes devraient porter sur l'identification des donneurs, leur évaluation, leur renvoi, les demandes, le prélèvement des organes et leur distribution, car c'est essentiel pour pouvoir améliorer le processus de don d'organes au Canada.

• 1015

La gestion et l'évaluation des données ont également leur importance, dans la mesure où l'on veut de façon continue améliorer la qualité des transplantations, car en utilisant la gestion des données touchant les donneurs et les receveurs, cela permet d'améliorer leurs soins cliniques et d'évaluer le processus de dons d'organes. Autrement dit, les donneurs sont-ils identifiés? Sont- ils aiguillés vers les programmes de collecte des organes? Les demandes sont-elles faites avec tact? Les programmes de dons d'organes dans les hôpitaux sont très importants. Regardez le modèle espagnol. Nous sommes très impressionnés par les résultats de ce programme, et il devrait y avoir des projets pilotes partout au Canada pour voir s'il est possible de l'appliquer dans le contexte canadien.

Nous savons qu'il est nécessaire, partout au pays, de faire l'éducation des professionnels de la santé. Mais il faut le faire de façon continue, car l'éducation ponctuelle ne suffit pas. Il faut les former continuellement, et la formation doit être intégrée aux activités des hôpitaux.

Sensibiliser la population est tout aussi important. Les Canadiens doivent entendre un seul message, et il nous faut travailler tous sur un même front. Les différentes organisations oeuvrant dans ce secteur ne peuvent se permettre de voir leur message se contredire auprès de la population. Nous devons tous parler la même langue, que nous soyons des professionnels de la santé ou des organisations.

Il faut établir et mettre en oeuvre une stratégie permanente de coordination, car c'est une des étapes clés, si l'on veut que la crise entourant le don d'organes au Canada se résorbe. Avec l'appui et le financement du gouvernement, la stratégie pourra définir l'orientation nécessaire pour mettre en oeuvre les initiatives destinées à contrer la crise et imprimera l'élan nécessaire pour faire en sorte que les travaux progressent de façon efficace et opportune. Nous sommes convaincus que les Canadiens comprendront les avantages que représentent les greffes pour les patients souffrant d'insuffisance terminale d'un organe: les greffes sauvent la vie de ces patients et améliorent leur qualité de vie et celle de leur famille. De plus, les dons d'organes permettent aux familles de réagir positivement sous le choc, au moment où ils sont placés devant une issue inéluctable. Un système canadien de dons et de distribution d'organes qui serait sûr, efficace et équitable...

Le président: Catharine, je vous interromps pour deux raisons. D'abord, je vois que vous essayez de lire le plus rapidement possible tout votre mémoire, mais vous allez si vite que nos interprètes ne peuvent vous suivre.

Mme Mary Catharine McDonnell: Je m'en excuse.

Le président: En second lieu, vous avez dépassé le temps qui vous était imparti et je sais qu'il vous reste encore beaucoup à dire. Toutefois, nous avons reçu un mémoire très exhaustif de votre part, ce qui permettra de compenser. De plus, vous serez peut-être en mesure de glisser quelques informations supplémentaires lors de la période de questions. Cela vous va-t-il?

Mme Mary Catharine McDonnell: Merci.

Le président: Docteur Miyasaki.

Dr Janis Miyasaki: Je suis chargée de cours à l'Université de Toronto, et on m'a demandé de comparaître au nom de la Fondation Parkinson du Canada. Contrairement aux autres intervenants, je vais ici vous parler d'une thérapie novatrice et très controversée destinée à soigner une maladie neurologique dégénérative et chronique. J'aimerais vous parler de la maladie de Parkinson, et vous expliquer pourquoi une transplantation est envisagée pour soigner une maladie dégénérative. J'aimerais aussi vous parler de l'état actuel de nos connaissances sur les greffes.

La maladie de Parkinson touche environ 100 000 Canadiens, et des milliers de nouveaux patients sont diagnostiqués chaque année. Plus d'un million de gens souffrent de la maladie de Parkinson en Amérique du Nord. Ses symptômes sont les tremblements, la raideur, le déséquilibre et l'instabilité. Ces symptômes sont dus à un manque de dopamine, ce qui explique que les traitements se sont limités jusqu'à maintenant à la prise de médicaments en vue de remplacer ce produit chimique. Toutefois, le traitement lui-même entraîne des complications très prononcées au niveau de la motricité, et 70 p. 100 environ des patients seront donc handicapés pendant les cinq ans qui suivent le début du traitement. Environ 20 p. 100 des cas ont été diagnostiqués chez des gens ayant moins de 40 ans. Autrement dit, ces gens-là sont frappés par cette maladie à l'époque de leur vie où ils devraient être les plus productifs.

On en est donc venu à mettre au point des procédures chirurgicales pour contrer les complications, et il s'agit principalement de détruire les parties du cerveau qui souffrent de sur-réaction inopportune ou d'implanter des stimulateurs, qui sont des appareils très complexes et très coûteux qui chevauchent les mêmes zones du cerveau. Étant donné l'intérêt accru envers les méthodes chirurgicales et le succès de celles-ci dans le traitement de ces symptômes, il ne faut pas se surprendre que l'on envisage la possibilité d'avoir recours aux transplantations pour restaurer une fonction défaillante.

Une des techniques de transplantation fait appel aux tissus cérébraux foetaux prélevés à la suite d'avortements thérapeutiques. Il faut parfois de six à huit foetus pour traiter un seul patient, en raison du taux très faible de survie du greffé. Les résultats cliniques montrent une amélioration faible, voire modérée, de la fonction motrice. La santé des patients s'améliore mais ne revient pas à la normale, et doivent continuer à absorber des médicaments. Il n'a pas encore été démontré, par une évaluation à long terme, que ce traitement sera supérieur aux autres interventions chirurgicales n'ayant rien à voir avec la transplantation.

Il existe actuellement deux études parrainées par les Instituts nationaux de la santé des États-Unis, études qui essaient de déterminer l'étendue des avantages que procure la transplantation et qui se penchent sur d'autres facteurs d'ordre technique. En raison des difficultés à la fois morales et déontologiques, de même que des difficultés qu'il y a à obtenir suffisamment de tissus en vue d'une transplantation, on a dû envisager d'autres sources, soit les tissus porcins, par voie de xénotransplantation dont on vous a déjà parlé.

Il y a certains avantages à avoir recours aux transplantations de tissus porcins. Il est facile d'obtenir ce genre de tissu; il est facile de dater avec exactitude le tissu foetal, ce qui est essentiel au succès d'une transplantation; et il est possible de les trier, en vue d'éliminer ceux qui sont pathogènes.

• 1020

On veut également éviter que des agents pathogènes inconnus ne soient transmis aux receveurs. Il existe néanmoins des facteurs naturels qui limitent la propagation de ces rétrovirus, notamment la courte demi-vie des particules et le fait que seules les cellules en voie de division sont infectées. Or, le cerveau normal d'un adulte n'a que peu de cellules en voie de division, ce qui fait du cerveau un lieu relativement sûr pour les fins de xénotransplantation.

Une étude pilote de 12 patients subissant une transplantation de tissus foetaux porcins est en cours aux États-Unis. L'autopsie effectuée sur un patient mort de causes non reliées à la maladie démontre que les cellules porcines ont survécu et ont formé les connexions appropriées dans le cerveau du patient. Il existe un risque d'infection par des agents pathogènes inconnus dans toute procédure de transplantation. Or, les transplantations de tissus porcins sont considérées comme comportant relativement peu de risques par rapport aux autres formes de xénotransplantation, et c'est pourquoi la xénotransplantation devrait être envisagée sur une base expérimentale, limitée, extrêmement réglementée, et à très petite échelle, pour qu'il soit possible d'en quantifier de façon plus poussée les avantages et d'en évaluer la sécurité pour fins de traitement de la maladie de Parkinson.

Merci

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott: Je m'adresse au Dr Miyasaki. À votre avis, quel est le pourcentage de succès ou d'échec des différentes formes de traitement de la maladie de Parkinson? Pouvez-vous nous donner une estimation?

Dr Janis Miyasaki: Pour toutes les interventions chirurgicales?

M. Maurice Vellacott: Oui, pour toutes les interventions chirurgicales destinées à traiter ou à corriger la maladie de Parkinson.

Dr Janis Miyasaki: Le taux de succès est très élevé, mais nous choisissons également avec soin les patients à qui nous offrons la transplantation. J'estime à trois patients sur dix à peine le nombre de ceux qui peuvent avoir recours à la transplantation. La difficulté vient de ce que la maladie de Parkinson est une maladie progressive; autrement dit, même si l'on cherche à traiter les symptômes à un moment donné, ceux-ci continuent de progresser, et c'est pourquoi les avantages de la chirurgie ne durent parfois pas assez longtemps.

M. Maurice Vellacott: Bien. J'aimerais maintenant aborder la question de l'utilisation des tissus foetaux. Comme mon beau-père souffrait de la maladie de Parkinson, je connais bien la question. Il est d'ailleurs mort des complications dues à la maladie. Mais j'ai aussi le plus grand respect pour la vie, et c'est pourquoi j'avoue avoir beaucoup de difficulté à accepter que l'on utilise ainsi les tissus foetaux. Avez-vous bien dit que les chances de succès étaient tout aussi bonnes avec la xénotransplantation—c'est-à-dire avec l'utilisation de tissus porcins—qu'avec l'utilisation de tissus humains? Êtes-vous en train de nous dire que cette méthode nous permettrait de contourner certains des problèmes de déontologie?

Dr Janis Miyasaki: C'est tout à fait possible, en effet. Malheureusement, il m'est impossible de quantifier les chances de succès dues à la xénotransplantation, car cette méthode n'en est encore qu'à ses balbutiements, et nous ne l'avons étudiée que sur 12 patients, à ce jour, ce qui nous empêche de tirer des conclusions. Mais pour ce qui est de l'aspect éthique du recours aux tissus foetaux, sachez que seuls les tissus de moins de 0,01 p. 100 de tous les avortements thérapeutiques sont utilisés à des fins d'expérimentation telles que la transplantation.

M. Maurice Vellacott: Merci.

Le président: Monsieur Patry.

[Français]

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Je voudrais poursuivre sur la question de la xénotransplantation.

Je voudrais d'abord remercier nos invités et leur dire que j'appuie entièrement leurs exposés et surtout les solutions qu'ils proposent.

Récemment, se tenait à Montréal un congrès de la Société canadienne de transplantation, au cours duquel la compagnie Diacrin de Charlestown, au Massachusetts, déclarait avoir obtenu des résultats encourageants au niveau de la xénotransplantation. Contrairement à mon collègue de l'opposition, je n'éprouve pas de problèmes moraux face à des expériences de xénotransplantation. Il y a 77 ans, si Banting et Best s'étaient arrêtés à cela, ils n'auraient jamais découvert l'insuline. Je crois donc qu'on se doit de progresser en ce sens.

La compagnie Diacrin nous disait avoir obtenu des résultats encourageants parce qu'elle n'a pas trouvé d'agents pathogènes, de virus provenant du porc, dans les cellules qui ont été transplantées. Vous connaissez probablement très bien cette étude. Quels sont vraiment les résultats du point de vue humain pour les patients atteints de la maladie de Parkinson?

• 1025

[Traduction]

Dr Janis Miyasaki: Jusqu'à maintenant, les résultats de l'étude très limitée effectuée sur le petit nombre de patients atteints de la maladie de Parkinson ne sont que préliminaires, mais vous avez raison de dire qu'ils sont très prometteurs et ont démontré que les patients traités ainsi présentaient une bonne récupération fonctionnelle ou de bonnes fonctions motrices après la transplantation. Mais par rapport à la transplantation de tissus foetaux, il faut souligner que les patients ayant subi la xénotransplantation auront sans doute besoin de traitements d'immunosuppression pendant plus longtemps puisqu'on a transplanté des tissus porcins dans des organismes humains.

M. Bernard Patry: Vous avez répondu à ma question. J'ai entendu parler un peu de cette étude, mais vous avez raison de dire que les résultats ne sont que préliminaires. J'aimerais en savoir un peu plus à ce sujet et également un peu plus au sujet de l'étude portant sur les maladies du foie, car je crois qu'une autre compagnie du Massachusetts envisage de traiter

[Français]

l'insuffisance hépatique grâce à la xénotransplantation et aussi en prenant les toxines du sang. Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve à ce chapitre. Est-ce qu'au Canada, plus précisément à Toronto, où vous travaillez au sein de l'équipe du Dr Lang, on effectue déjà ce genre de chirurgie ou de xénotransplantation?

[Traduction]

Dr Janis Miyasaki: Nous avons effectivement demandé à la Direction générale de la protection de la santé du ministère de la Santé l'autorisation d'effectuer une étude de ce genre, mais elle nous a été refusée.

M. Bernard Patry: Merci.

M. Maurice Vellacott: Je voudrais apporter une précision au compte rendu, pour le bénéfice de mon collègue d'en face: j'ai dit que j'avais des réticences d'ordre moral à utiliser les tissus foetaux, mais pas à utiliser des tissus animaux. Je suis tout à fait ouvert à cette nouvelle technique. Je me réserve le droit de juger plus tard, mais je répète que mes réticences d'ordre moral s'appliquent à l'utilisation de tissus foetaux. Je voulais corriger ce malentendu.

Le président: Je pense qu'il vaudrait mieux que vous vous adressiez à nos témoins. Le débat est en partie...

M. Maurice Vellacott: Je voulais que le compte rendu soit clair là-dessus.

Le président: D'accord. Nous pourrons revenir un peu plus tard au dialogue entre nous. Merci de votre précision.

Monsieur Patry, il vous reste une minute.

M. Bernard Patry: J'ai terminé.

Le président: Monsieur Thompson.

M. Greg Thompson: Merci de ce nouvel élan de générosité, monsieur le président. Je remercie également les témoins de leur contribution très intéressante.

Docteur Miyasaki, tout tourne, au fond, autour de la procédure que vous avez mentionnée en parlant de l'utilisation de tissus foetaux. Ai-je raison de croire que vous n'avez recours à cette technique que lorsque les avantages dépassent les risques? Pourriez-vous nous parler de l'évaluation des risques et des avantages que vous effectuez à l'égard de cette procédure?

De plus, dans votre réponse, j'aimerais que vous nous parliez de façon très spécifique des aspects éthiques et moraux du point de vue des risques et des avantages de cette procédure, puisqu'il s'agit après tout de tissus foetaux obtenus à la suite d'avortements. Pourriez-vous aborder cet aspect-là?

Dr Janis Miyasaki: En premier lieu, vous avez tout à fait raison de parler de l'évaluation des avantages par rapport aux risques. En effet, nous jurons tous comme médecins de ne pas nuire à nos patients. Voilà pourquoi les instituts nationaux de la santé ont parrainé aux États-Unis deux études sur l'utilisation de tissus foetaux pour traiter la maladie de Parkinson par transplantation, pour en quantifier la sécurité et pour déterminer quels en sont les avantages et quelle serait la meilleure technique à utiliser pour assurer un plus grand taux de survie des greffés.

M. Greg Thompson: Je ne veux pas vous interrompre, mais parlez-vous de la situation aux États-Unis?

Dr Janis Miyasaki: Oui.

M. Greg Thompson: Pas au Canada?

Dr Janis Miyasaki: Non.

M. Greg Thompson: Nous ne nous sommes pas lancés dans ce programme?

Dr Janis Miyasaki: Non, ce n'est pas un programme très actif.

M. Greg Thompson: Poursuivez, je vous prie. Merci.

Dr Janis Miyasaki: En fait, aux États-Unis, on a pu attribuer à la procédure de transplantation la mort d'un seul patient. Vu le nombre de patients qui ont subi des transplantations, il s'agit donc d'une procédure très sûre.

Pour ce qui est des questions morales et éthiques, je ne suis pas certaine de savoir ce dont vous voulez que je parle.

M. Greg Thompson: Dans certains cas, vous vous servez de tissus foetaux provenant d'avortements. Est-ce exact?

Dr Janis Miyasaki: Oui, ces tissus proviennent toujours d'avortements thérapeutiques.

M. Greg Thompson: Des avortements thérapeutiques. Voilà donc à quoi tient...

Dr Janis Miyasaki: Les avortements spontanés ne conviennent pas parce qu'ils ont une haute incidence d'anomalies génétiques.

M. Greg Thompson: Aux États-Unis, par exemple, est-ce que l'on paie pour l'obtention de ces tissus?

Dr Janis Miyasaki: Non.

M. Greg Thompson: On ne paie pas.

Dr Janis Miyasaki: Non.

M. Greg Thompson: Très bien. Quelle est la relation entre le receveur, pour ainsi dire, ou l'institut, devrais-je dire, et l'obtention de ce tissu foetal? Ce tissu foetal est-il obtenu dans des cliniques d'avortement, par exemple?

• 1030

Dr Janis Miyasaki: Je n'en suis pas certaine. Je vais devoir me renseigner et vous répondre ultérieurement.

M. Greg Thompson: Il pourrait donc y avoir des liens permettant à des cliniques d'avortement d'envoyer des matières foetales à des hôpitaux qui s'occupent de transplantations. Cela est-il possible? Évidemment, aux États-Unis, il y a beaucoup de cliniques d'avortement où les médecins sont rémunérés à l'acte. Je veux en venir à la relation morale ou éthique qui existe entre un hôpital et certaines de ces cliniques.

M. Lynn Myers: Monsieur le président, rappel au Règlement...

Le président: Un instant.

Monsieur Thompson, je comprends que vous posiez ces questions, mais je me demande si vos questions ne pourraient pas porter sur une expérience canadienne. Je ne suis pas sûr qu'il soit juste de...

M. Greg Thompson: Il n'y a pas vraiment d'expérience canadienne, si l'on écoute bien ce que dit le témoin, monsieur le président. Ce à quoi je veux en venir, c'est que...

Le président: M. Myers fait un rappel au Règlement.

M. Lynn Myers: Monsieur le président, je me demande où nous mènent cette série de questions. Nous avons devant nous des témoins venus nous parler de transplantations et je me demande si nous ne commençons pas à prendre une tangente inappropriée.

Le président: Merci. Je pense qu'il est valable...

M. Greg Thompson: Monsieur le président, c'est à cela que sert...

Le président: Monsieur Thompson, nous ne vous interromprons pas lorsque vous répondrez. Veuillez être patient pour l'instant.

M. Greg Thompson: Désolé.

Le président: L'observation a été faite. Je suis d'accord, nous traitons de transplantation. Vos questions relativement à une situation donnée seraient tout à fait pertinentes si elles se limitaient à une expérience canadienne. Je pense que notre témoin a déjà indiqué vouloir traiter de ces questions dans le cadre de l'expérience canadienne. Veuillez poursuivre.

M. Greg Thompson: Merci de me permettre de poursuivre, monsieur le président.

Je reviens à la question morale ou éthique. Au Canada, ces questions sont-elles soulevées dans le cadre de ce type de recherche? Encore une fois, docteur Miyasaki, nous parlons de l'expérience américaine et non de la canadienne. Ces questions morales ou éthiques interviennent-elles dans ce type de recherche au Canada?

Dr Janis Miyasaki: Je ne peux pas parler de cela avec précision, étant donné que notre centre ne s'est pas du tout occupé de transplantations foetales. En fait, je pense que c'est pour cela que l'on a choisi que je comparaisse. Je n'ai aucun intérêt personnel en la matière.

M. Greg Thompson: Autre chose...

Le président: Madame Minna.

Vous pourrez avoir un autre tour, monsieur Thompson.

Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, monsieur le président.

Ma question porte à la fois sur les exposés faits par des groupes antérieurs et sur le vôtre. Tout d'abord, on nous a dit un peu plus tôt que les hôpitaux n'ont pas les équipes de gestion des dons d'organes et de tissus dont elles auraient besoin et que, dans de nombreux cas au Canada, ils ne sont pas du tout préparés pour cela. En outre, il y a de nombreux organismes qui interviennent, tels que la Fondation canadienne du rein, la Fondation du coeur, etc. Si l'on en fait la liste, on se retrouve avec un très grand nombre d'organismes.

Je tâche de comprendre un certain nombre de choses. Premièrement, reconnaissez-vous que les hôpitaux devraient être obligés d'obtenir un agrément et d'avoir des équipes de transplantation d'organes et de tissus? Étant donné que la santé est de compétence provinciale, comment, selon vous, cela pourrait-il se faire d'un bout à l'autre du Canada? Quel rôle les organismes où vous travaillez pourraient-ils jouer pour favoriser cette évolution, étant donné que ces organismes sont, dans la plupart des cas, des organismes nationaux? Voilà ma première question. Vous êtes-vous, un tant soit peu, demandé comment vous pourriez aider à lancer le mouvement? Étant donné qu'il s'agit d'une question de compétence provinciale, il n'est pas facile au gouvernement fédéral de l'imposer. Cela doit être négocié, sans compter la recherche et les sommes d'argent que cela représente. Je me demande si vous avez réfléchi à cette question et si vous pouvez me faire des suggestions.

Le président: Mary Catharine McDonnell.

Mme Mary Catherine McDonnell: Nous nous rendons compte qu'il s'agit d'une compétence provinciale, mais la plupart de nos organismes nationaux sont présents dans chaque province au Canada. Par l'entremise de notre programme spécial d'étude fondé sur les résultats, nous effectuons des projets pilotes tels que la constitution d'équipes de gestion des dons d'organes dans certains hôpitaux. Si les résultats sont prometteurs, nous pourrons les communiquer aux gouvernements provinciaux, par l'entremise de nos organismes provinciaux, et travailler au sein des régions, avec les hôpitaux, pour voir comment mettre cela en oeuvre.

Nous nous rendons compte que les hôpitaux veulent souvent s'occuper de dons d'organes. Ils n'ont toutefois pas les ressources voulues pour le faire. Maintenir un service de dons d'organes de façon compétente nécessite des ressources importantes; or, les hôpitaux traversent une période de compressions budgétaire et d'austérité. Il faut qu'il y ait une volonté d'agir et un leadership.

• 1035

Mme Maria Minna: Mon autre question porte sur le vaste nombre d'organismes qui existent, comme je viens de le dire. Dans une certaine mesure, existe-t-il une collaboration, un partage de l'information ou des ressources, des contacts, des structures de liaison? Une greffe du rein est différente d'une greffe du foie ou d'une greffe du coeur, et je suppose que, pour la maladie de Parkinson, c'est tout à fait différent, mais je pense qu'il doit quand même exister certaines similarités quant aux problèmes que vous devez tous résoudre. Les greffes du rein connaissent peut-être un plus haut taux de succès parce que les tissus transplantés peuvent souvent provenir d'un donneur vivant, mais les autres situations...

Mme Mary Catherine McDonnell: En 1998, j'étais présidente de la Coalition canadienne de sensibilisation au don d'organes, et nos divers groupes ont collaboré. Je pense que nous voulons tous travailler ensemble, mais que chaque organisme a également son mandat et ses priorités propres. Nous sommes tout à fait prêts à collaborer et à travailler de concert. Je ne pense pas que nous nous livrions concurrence le moindrement. Nous voulons vraiment travailler ensemble et transmettre ensemble notre message. Nous appuyons nos collègues de la Fondation canadienne du foie, de la Fondation canadienne des maladies du coeur, de l'Association pulmonaire du Canada et des autres organismes également.

Mme Maria Minna: Qu'en est-il des types de transplantations qui sont moins bien connus? Je songe, par exemple, aux greffes d'intestin qui ne sont pas aussi communes. C'est encore au stade expérimental dans certains pays. Au Canada, je ne pense pas que ce soit aussi commun que les greffes de rein, par exemple, ou d'autres organes. Il y a d'autres domaines de la transplantation qui ne sont soit pas très communs, soit pas bien compris du public.

J'ai l'impression que beaucoup de gens comprennent ce que sont les greffes du coeur parce qu'elles font l'objet des manchettes depuis un bon nombre d'années, comme les greffes du rein, mais il y a beaucoup d'autres secteurs qui sont moins bien connus. Je me demande si les organismes, outre qu'ils s'intéressent à leurs secteurs respectifs, travaillent de concert pour promouvoir le concept même qu'est la compréhension des transplantations. Cela permettrait au public de comprendre les divers aspects de la question et d'éprouver moins de malaise à l'endroit de cette procédure médicale.

Mme Mary Catharine McDonnell: Je peux certainement parler au nom de la Fondation canadienne du rein et dire que notre message porte sur le don d'organes et non sur le don de reins. Notre message au grand public vise à encourager les dons d'organes et à en discuter avec la famille.

Nous travaillons en collaboration avec d'autres groupes, mais je ne suis pas sûre que les autres organismes oeuvrant dans le secteur de la santé accordent une priorité si élevée à cette collaboration partout au Canada. Toutefois, je pense que nous serions tous prêts à collaborer les uns avec les autres pour le bien commun.

Mme Maria Minna: Une dernière question...

Le président: Madame Mina, c'est terminé. Merci.

Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président. Permettez-moi de poser trois questions à nos invités de ce matin.

Faites librement votre choix là-dedans, parce que je sais que le président me coupera rapidement la parole.

Des voix: Ah, ah.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Premièrement, je trouverais très utile d'avoir vos observations sur ce projet de plan élaboré au niveau fédéral-provincial, qui inclut 13 recommandations. Pour ceux d'entre nous qui ne sont immergés dans le débat sur la façon de résoudre le problème, je pense qu'il serait extrêmement utile que vous nous fassiez part de vos réactions à ces recommandations. Les appuyez-vous toutes? Y en a-t-il qui font problème? Quels sont les obstacles?

Deuxièmement, pour ce qui est de la question des technologies de l'information, nous avons reçu hier le rapport du ministre, et je sais que cela nous ramène directement à la question du partage de l'information afin de disposer d'un système plus efficace de transplantation. Avez-vous des réactions ou des opinions sur l'ensemble de cette question?

Ma troisième question porte sur un sujet que nous aborderons plus tard ce matin, l'utilisation d'organes d'animaux pour les transplantations. J'entends certainement beaucoup de gens dire que toute cette orientation les inquiète, et qu'elle les inquiète du point de vue de l'éthique et de la santé, et qu'ils se demandent si ces méthodes seront accessibles à tous, sans égard au revenu.

Le président: Très bien. Écoutez, si vous décidez tous les trois de répondre aux trois questions, je vais devoir vous interrompre. Pouvons-nous commencer par le Dr Miyasaki?

Dr Janis Miyasaki: Je répondrai à la question sur les animaux.

Premièrement, les transplantations d'organes entiers sont différentes des neuro-transplantations. Il y a moins de risque d'infection dans une neuro-transplantation. En partie, cela tient au fait que le cerveau est une région relativement isolée du corps, et que ce qui est transplanté dans le cerveau a donc moins la possibilité de se rendre dans le reste du corps.

En outre, les virus dont les gens ont peur ou qui préoccupent le public sont les virus qui ont besoin de cellules qui continuent de se multiplier. Dans le cerveau humain adulte, il y a très peu de cellules qui se multiplient. Le risque est donc également inférieur.

• 1040

Enfin, les porcs qui sont élevés pour les neuro- transplantations sont triés sur le volet et isolés. Le tissu foetal est examiné très soigneusement. En outre, comme ce sont des cellules en suspension que l'on transplante, nous avons le loisir de les examiner de façon approfondie.

Le président: Monsieur Connell.

M. David Connell: La Fondation canadienne du foie offre des fonds aux gens qui font de la recherche dans ce domaine. Cela mis à part, nous n'y participons pas.

Mme Mary Catharine McDonnell: Pour ce qui est de la stratégie en 13 points, la Fondation du rein participe activement aux travaux du Comité national de coordination. Bien que nous croyons que les 13 points soient extrêmement importants, il y a 4 éléments en particuliers auxquels nous allons nous intéresser dans nos travaux sur les processus d'achat des hôpitaux communautaires en matière de programmes de transplantation: la gestion de l'information, l'éducation du public, l'éducation des professionnels de la santé et l'agrément. L'une de nos préoccupations tient au fait qu'il faut un leadership fort et un soutien financier pour que ces choses se produisent. Je crois sincèrement—la fondation croit—que la volonté que cela se fasse existe bel et bien, mais qu'il faut qu'il y ait des ressources pour cela.

Le président: Madame Wasylycia-Leis, vous avez une minute.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Au sujet de cette dernière observation sur le financement du partage de l'information, de l'éducation et de la recherche, on a soulevé des préoccupations au sujet de l'adéquation des ressources offertes par le CRM. On nous propose maintenant un CRM restructuré, qui s'appellera, je crois, les Instituts canadiens de recherches en santé, les ICRS. Pensez- vous que ce soit le meilleur moyen de répondre aux besoins de la recherche dans le domaine des transplantations?

Le président: Avant de répondre à la question, il conviendrait peut-être de vous demander, au départ, si vous êtes au courant de cette proposition?

M. David Connell: Je ne le suis pas.

Mme Mary Catharine McDonnell: Je suis au courant, mais pas assez pour pouvoir dire s'ils pourront fournir des ressources adéquates pour ce qui est des processus de greffes et de dons d'organes. Cela dit, toute somme, tout financement supplémentaire seront bien reçus à condition qu'ils appuient ces recherches très importantes.

Le président: Y a-t-il d'autres observations?

Docteur Martin.

M Keith Martin: Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, docteur Miyasaki, je tiens à vous féliciter pour le travail que vous et vos équipes de l'Université de Toronto faites pour sauver les vies des gens. C'est, une fois de plus, un excellent exemple de la qualité des recherches médicales auxquelles nous nous livrons au Canada et, en particulier, à l'Université de Toronto.

Pour que le comité comprenne l'urgence de la situation et le besoin de dons d'organes au Canada, je pense que nous devons également avoir une idée de l'étendue du problème à l'avenir. Pouvez-vous nous dire au mieux de vos connaissances, ce que sont les besoins projetés dans chacun de vos secteurs respectifs. Quels sont les nombres projetés de gens qui vont souffrir d'insuffisance rénale ou hépatique nécessitant des greffes, ou combien souffriront de la maladie de Parkinson. Je sais qu'il va y en avoir beaucoup. Vous êtes les spécialistes, et peut-être pouvez-vous nous donner une idée du nombre de personnes qui, à l'avenir, au Canada, souffriront de ces problèmes et auront besoin de greffes ou de traitements.

Merci.

Le président: Docteur Miyasaki.

Dr Janis Miyasaki: La prévalence de la maladie de Parkinson est d'environ 185 sur 100 000 habitants en Amérique du Nord. Cela représente donc plus de 100 000 cas au Canada. Un pour cent des gens âgés de plus de 60 ans sont diagnostiqués comme souffrant de la maladie de Parkinson. Donc, à mesure que notre population vieillit, le fardeau de la maladie augmente.

M. Keith Martin: Donc, les chiffres à l'avenir...?

Dr Janis Miyasaki: Je pense que l'on peut obtenir ces chiffres par extrapolation du pourcentage de 1% des gens de plus de 60 ans. Il s'agit là du segment démographique qui connaît la croissance la plus rapide.

Le président: Monsieur Connell.

M. David Connell: Il y a environ 205 personnes qui attendent aujourd'hui une greffe du rein au Canada. La plupart de ces gens sont de l'Ontario. L'hépatite C étant—je ne veux pas dire «populaire»...

Mme Judy Wasylycia-Leis: Fréquente.

M David Connell: ... fréquente, il y a beaucoup de gens qui souffrent d'hépatite C et qui ne savent même pas qu'ils ont besoin d'une greffe. Cela va se manifester au cours des deux années à venir.

Le président: Mary Catharine McDonnell.

Mme Mary Catherine McDonnell: Notre fondation estime que d'ici l'an 2000, 4 000 Canadiens attendront une transplantation d'organes. Tous ceux qui souffrent d'une insuffisance hépatique terminale ne sont pas nécessairement de bons candidats pour la transplantation, mais la liste d'attente pour les transplantations ne cesse d'augmenter. Nous ne répondons pas aux besoins des gens qui souffrent d'une insuffisance hépatique terminale qui doivent faire des dialyses.

M. Keith Martin: Je vous remercie beaucoup.

• 1045

Le président: Quelqu'un d'autre veut-il poser une question?

Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur: Je vous remercie, monsieur le président. Ma question s'adresse à Mme McDonnell.

J'ai lu votre mémoire pendant que vous répondiez aux questions de mes collègues. Les gouvernements s'efforcent actuellement de réduire les dépenses dans le domaine de la santé et j'estime très important de souligner que votre mémoire fait ressortir le fait que 3 000 Canadiens attendent des transplantations de rein et que le coût estimatif des dialyses sur une période de cinq ans s'élève à 250 000 $ contre 150 000 $ pour une transplantation. Je ne voudrais pas qu'on me reproche de manquer de compassion, mais si l'on aborde le problème du strict point de vue financier et non pas du point de vue du donneur et du receveur, on voit que les transplantations permettraient d'économiser des sommes énormes dans le domaine de la santé.

À la page 10 de votre mémoire, vous faites remarquer que les familles ne savent pas toujours qu'un de leurs membres est prêt à faire don de ses organes. À mon avis, l'occasion s'offre à nous d'aider les familles à composer avec la perte d'un de leurs membres si nous insistons sur l'importance du don de vie. Je n'ai jamais abordé la question sous cet angle, mais je crois qu'on devrait y songer. Pourriez-vous nous dire comment vous pensez que nous pourrions amener les gens à adopter une attitude plus positive à l'égard des dons d'organes?

Mme Mary Catherine McDonnell: J'insiste sur la sensibilisation des professionnels de la santé. Je pense qu'il convient de faire en sorte qu'ils sachent qu'il importe d'identifier adéquatement le donneur potentiel, qu'ils avisent l'organisme qui s'occupe des prélèvements d'organes et qu'ils fassent ce que le Dr Loertscher a mentionné, qu'ils informent la famille de la mort cérébrale du patient et qu'ils lui demandent avec tact quels sont ses désirs au sujet du don d'organes. Ils vont ensuite appuyer la famille, quelle que soit la décision qu'elle prend.

Des études menées auprès de familles qui ont perdu un proche montrent qu'elles trouvent un grand réconfort dans le fait de savoir que les organes prélevés sur un enfant ou un conjoint décédé ont permis de sauver la vie d'autres personnes. Il est très important que les professionnels des soins intensifs et de la médecine d'urgence, comme le personnel de la salle d'opération appelé à intervenir, soient sensibilisés à ce qu'ils peuvent faire pour venir en aide à ces familles. Il importe qu'ils sachent qu'ils ont un rôle à jouer à partir du moment où il y a constatation de la mort cérébrale.

Mme Rose-Marie Ur: Je vous remercie.

Le président: Quelqu'un de ce côté-ci veut-il poser une question?

Monsieur Thompson.

M. Greg Thompson: Je vous remercie, monsieur le président.

Madame McDonnell, je me reporte à la page 11 de votre mémoire, au paragraphe qui porte sur les 13 recommandations qui ont été soumises au Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur les services de santé. Pourquoi hésite-t-on à mettre en oeuvre ces recommandations? Autrement dit, il est assez évident que vos propositions pourraient contribuer à régler le problème de la pénurie d'organes et de tissus. Qu'est-ce qui s'oppose à ce que ces mesures soient prises? Pourquoi hésite-t-on tant à mettre en oeuvre ces recommandations?

Mme Mary Catherine McDonnell: Je réitère ce que d'autres témoins vous ont dit, c'est-à-dire que ces mesures doivent faire l'objet d'un large appui et que des ressources doivent être consacrées à leur mise en oeuvre. On peut convenir du bien-fondé de ces mesures, mais si on ne prévoit pas les ressources voulues pour les mettre en oeuvre... La bonne volonté doit se traduire en déclarations d'intention et en actes, ce qui exige l'engagement des ressources financières et humaines voulues. Tous les intervenants du domaine de la santé ont aussi d'autres tâches dont ils doivent s'acquitter. Il faut spécifiquement réserver des ressources à la promotion des dons d'organes. Le succès dans ce domaine repose sur des ressources financières adéquates et sur un leadership dynamique.

M. Greg Thompson: Savez-vous combien d'argent il faudrait investir au départ dans la promotion des dons d'organes?

Mme Mary Catherine McDonnell: Non, mais je pense que tous les membres du comité permanent s'inquiètent beaucoup du fait qu'on ait réservé 500 000 $ pour étudier pendant trois ans cet important projet et que le comité qui doit le faire en est à sa deuxième année d'étude. Il faudra dégager des ressources supplémentaires. Nous faisons face à une crise. Nous ne pouvons pas simplement nous contenter de discuter éternellement du sujet.

• 1050

M. Greg Thompson: Ce demi-million de dollars doit donc servir à étudier le problème et non pas à le résoudre. Ai-je bien compris?

Mme Mary Catherine McDonnell: Oui.

M. Greg Thompson: Il faut évidemment comprendre le problème qui se pose avant de pouvoir le résoudre.

Mme Mary Catherine McDonnell: C'est juste.

M. Greg Thompson: Ce n'est qu'à l'issue de l'étude que nous saurons donc combien d'argent il faudra investir dans ce domaine.

Mme Mary Catherine McDonnell: Ce demi-million de dollars ne suffira peut-être même pas pour permettre d'étudier le problème au rythme où les travaux progressent. Il faut de l'argent pour permettre à des gens de se regrouper et de soumettre des propositions à partir desquelles le comité formulera des recommandations.

M. Greg Thompson: Je vous remercie.

Le président: Docteur Martin.

M. Keith Martin: Lorsque j'ai pris connaissance de la stratégie fédérale-provinciale en 13 points, je me suis dit qu'on pourrait attendre encore longtemps avant que tout soit parfait. Vous avez clairement fait ressortir l'étendue du problème et la nécessité d'une intervention immédiate.

Si l'on vous demandait à tous de proposer trois ou quatre mesures qui devraient être prises immédiatement pour régler le problème, que proposeriez-vous comme point de départ?

Je parle maintenant en mon nom personnel. Chaque fois que l'un de mes patients est mort au service d'urgence, j'ai dû l'apprendre à la famille et c'est moi, le neurologue ou l'interniste qui avons parlé à la famille des dons d'organes.

Ce que vous avez dit me fait vraiment réfléchir. Je ne connais pas la réponse à cette question, mais peut-être que vous la savez. Pensez-vous vraiment qu'il vaut mieux qu'un groupe de personnes que la famille du patient ne connaît pas et n'a jamais rencontrées l'approchent pour lui parler des dons d'organes? Pense-t-on que la personne qui doit communiquer la triste nouvelle n'est pas bien placée pour le faire? Vaut-il mieux que quelqu'un d'autre le fasse? Ou serait-il préférable que ce soit quelqu'un qui connaît déjà la famille? Je ne connais pas la réponse à cette question.

Mme Mary Catherine McDonnell: Des études ont été faites sur le sujet. Le Partnership for Organ Donation, un groupe basé à Boston, a étudié cette question même et a conclu qu'il valait mieux qu'une équipe spécialisée parle à la famille. Il se peut que ce ne soit pas l'équipe qui s'est occupée du patient et que la famille connaît déjà. Ce n'est pas qu'on ne fait pas confiance à la première équipe, mais il faut savoir s'y prendre.

Même si les services d'urgence et les services de soins intensifs sont très occupés, il se peut qu'ils ne reçoivent pas tellement de candidats donneurs au cours d'une année. Comme le personnel médical travaille par quart, tous ne sont peut-être pas familiers avec l'approche qu'il faut prendre auprès des familles pour leur parler des dons d'organes. Il faut aussi prendre le temps voulu pour bien répondre à ces questions. On pense qu'il vaut la peine que le soin de parler aux familles des dons d'organes soit confié à une équipe distincte de l'équipe de première ligne.

M. Keith Martin: Pourriez-vous nous transmettre cette étude? J'aimerais vraiment beaucoup y jeter un coup d'oeil.

Le président: Vous n'avez qu'à la remettre à la greffière...

Mme Mary Catharine McDonnell: Oui, volontiers.

Le président: ... qui verra à la distribuer aux membres du comité.

M. Keith Martin: Je vous remercie beaucoup.

Le président: Quelqu'un d'autre veut-il poser une question?

Je veux remercier nos trois témoins. Comme vous l'avez vu, la période des questions peut être assez animée. Je suis sûr que les renseignements que vous nous avez donnés nous permettront de nous faire une meilleure idée du sujet. Nous vous en remercions beaucoup. Les questions sont parfois brutalement honnêtes et franches et elles peuvent aussi être très pointues. Toutes les questions qui sont posées nous permettent de mieux comprendre le sujet. Je vous remercie beaucoup.

Nous accueillons maintenant quatre autres groupes. Je demande aux représentants de ces groupes de bien vouloir s'installer. Nous reprendrons la séance à 11 heures. La séance est suspendue pendant deux minutes.

• 1055




• 1101

Le président: A l'ordre, je vous prie. Chers collègues, nous entendons notre troisième et dernier groupe de témoins d'aujourd'hui. Nous accueillons les représentants de quatre organismes. Le premier organisme dont le nom figure sur l'ordre du jour est l'Institut canadien des aveugles, représenté par M. Gerrard Grace, vice-président du marketing, des communications et des fondations.

Bienvenue, monsieur Grace.

De la Islet Foundation, nous accueillons M. Alastair Gordon, président. De la Bruce Denniston Bone Marrow Society, nous accueillons le Dr Campbell Hobson, président. Et enfin, de la Société canadienne d'ophtalmologie, nous accueillons le Dr Christopher Seamone, membre du Comité de la banque d'yeux.

Bienvenue, messieurs. Je pense que vous avez pu voir comment se déroulent nos travaux. Je vous demande de bien vouloir nous faire un exposé de cinq minutes. Je ne peux vous accorder que quelques secondes de plus. Il y aura ensuite une période de questions.

M. Greg Thompson: Monsieur le président, je m'excuse de vous interrompre. Je veux faire une précision au sujet des questions que j'ai posées. Je vous rappelle que notre mandat nous permet d'étudier la situation dans d'autres pays en ce qui touche les dons d'organes. Voilà pourquoi j'ai donné l'exemple américain... Je tenais simplement à le préciser.

Le président: Vous avez raison, mais je vous rappelle néanmoins que nos témoins ont une expérience et des connaissances bien précises. Nous voulons en tirer pleinement parti, mais nous devons aussi être justes et nous en tenir à ce qu'ils ont préparé.

M. Greg Thompson: Pourvu que la présidence fasse preuve de la même justice.

Le président: Ce n'est que si un membre du comité s'écarte trop de ce que les témoins ont préparé que je l'interromprai. Je vous remercie.

Monsieur Gordon.

M. Alastair T. Gordon (président, The Islet Foundation): Je vous remercie. J'aimerais remercier le Comité permanent de la santé de me donner l'occasion de comparaître devant lui.

La xénotransplantation, c'est-à-dire la transplantation chez les humains de tissus et d'organes provenant de porcs, est peut- être la principale technique qui nous permettra de résoudre le problème du déséquilibre croissant entre l'offre et la demande en organes. On peut attribuer au seul diabète 29 p. 100 des transplantations de reins. Bientôt, les xénotransplantations de cellules insulaires produisant de l'insuline provenant de porcs, permettront, sans l'aide d'immunosuppresseurs systémiques, de contrer le diabète et de prévenir la détérioration des reins qui mène inévitablement à une transplantation d'organes. A long terme, la transplantation d'organes entiers provenant de porcs propres, élevés à cette fin, pourrait permettre de créer une source inépuisable d'organes en santé dont la transplantation présenterait moins de risques que la transplantation d'organes provenant d'humains.

• 1105

La xénotransplantation peut sauver la vie de Canadiens, épargner des milliards de dollars par année et améliorer l'innocuité et la disponibilité des organes pour les transplantations. Or, des personnes bien intentionnées, des militants politiques et divers extrémistes s'opposent à cor et à cri à la xénotransplantation.

Le Canada ratera l'occasion de tirer parti de la xénotransplantation à moins que des lignes directrices rationnelles fondées sur des considérations scientifiques et conformes aux principes éthiques soient adoptées pour permettre que des essais cliniques soient menés sans tarder. Il ne faut pas priver des enfants et des adultes d'interventions chirurgicales qui pourraient leur sauver la vie simplement pour apaiser des groupes qui s'opposent à l'utilisation chez les humains d'organes provenant d'animaux.

Notre gouvernement doit faire preuve de leadership pour que le Canada joue un rôle de premier plan dans le domaine de la xénotransplantation. Il doit exiger que les groupes qui rejettent la xénotransplantation fournissent des raisons scientifiques pour justifier leur opposition et rejeter tout argument qui ne repose pas sur des motifs rationnels et sur des principes éthiques.

Lorsqu'il établira ses lignes directrices sur la xénotransplantation, le gouvernement entendra des arguments et même des menaces provenant de divers groupes qui souhaitent s'opposer aux progrès scientifiques dans ce domaine. Il vaut la peine que nous nous attardions un moment à évaluer les arguments qui seront présentés. Ceux qui s'opposent à la xénotransplantation disent craindre la propagation de maladies, argument qui est complètement sans fondement bien qu'il soit repris dans presque tous les articles de journaux portant sur le sujet. À l'heure actuelle, des milliers de gens ont reçu des tissus provenant de porcs vivants, et notamment de la peau pour traiter des brûlures, des cellules de foie pour traiter l'insuffisance rénale, des cellules insulaires pour traiter le diabète et des neurones pour lutter contre la maladie de Parkinson. Dans les années 20 et 30, les diabétiques s'injectaient de l'insuline non stérile provenant de porcs. Or, aucun cas d'infection n'a été signalé.

Les groupes de défense des droits des animaux disent s'opposer pour des raisons morales à l'utilisation de tissus animaux pour traiter des maladies humaines. Or, comment une société qui accepte que les porcs soient transformés en suède, en soie pour les brosses et en bacon peut-elle s'opposer à ce qu'on sauve un enfant du diabète par une xénotransplantation?

Les normes de sécurité en ce qui touche la xénotransplantation ne doivent pas être plus rigoureuses que pour les procédures médicales courantes. Aujourd'hui, nous ne refusons pas des soins médicaux aux sidéens malgré le risque très réel et prouvé d'une transmission de la maladie au personnel médical et, en bout de ligne, au grand public.

En se fondant sur des craintes purement spéculatives qui n'ont jamais été prouvées, comment pouvons-nous refuser à des gens atteints du diabète et d'autres maladies l'espoir qu'offrent des traitements comme la xénotransplantation? Interdire la xénotransplantation pour des raisons complètement non scientifiques serait à la fois discriminatoire et non constitutionnelle. La xénotransplantation, comme toute pratique médicale, doit être réglementée. Si le Canada adopte des règles trop restrictives ou s'il tarde à le faire, nous risquerons de voir des Canadiens subir des transplantations non réglementées dans des pays où la réglementation sera moins rigoureuse.

Tout progrès médical comme la fluoration de l'eau, les transfusions sanguines, l'utilisation de l'insuline animale, les transplantations d'organes et l'ingénierie génétique amène ceux qui s'y opposent à prédire des catastrophes. S'ils avaient eu gain de cause, bon nombre d'entre nous ne seraient pas ici pour participer à ce débat. Le gouvernement ne doit pas céder au chantage des hystériques et de ceux qui craignent le changement et ne doit fonder ses décisions que sur des principes scientifiques et éthiques.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Gordon.

Docteur Seamone.

Le docteur Christopher Seamone (membre, Comité de la banque d'yeux, Société canadienne d'ophtalmologie): Je vous remercie. Je suis un spécialiste de la cornée à Halifax où j'occupe le poste de codirecteur médical de la Division de la banque d'yeux de la Banque régionale de tissus. Je suis également directeur médical de la Banque d'yeux du Nouveau-Brunswick, à Saint-Jean (Nouveau- Brunswick). M. Jim Mohr, directeur de la Banque régionale de tissus à Halifax, se trouve dans l'auditoire. Il s'intéresse vivement au don de cornées et c'est pourquoi je lui ai demandé de m'accompagner.

Le président: Excusez-moi, docteur Seamone. M. Mohr peut vous rejoindre à la table.

Dr Christopher Seamone: Je vous remercie.

Le président: Vous pourrez lui demander de répondre à des questions si vous le souhaitez.

Je vous prie de bien vouloir prendre place, monsieur Mohr.

Dr Christopher Seamone: Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Excusez-moi de vous avoir interrompu. Je vous prie de poursuivre.

Dr Christopher Seamone: Nous représentons la Société canadienne d'ophtalmologie qui représente à son tour 1 100 ophtalmologues canadiens. Je viens vous exposer les vues de la Société au sujet des dons d'organes et de tissus au Canada. J'aimerais souligner que, bien qu'elle s'intéresse d'abord aux dons de la cornée, la Société canadienne d'ophtalmologie reconnaît de tout coeur que les organes et tissus ont tous la même importance et qu'ils méritent la même attention lorsqu'il s'agit de satisfaire de façon adéquate et sûre aux besoins de la population.

Pour ce qui est de l'importance des dons de la cornée, on estime à plus de 2 000 le nombre de personnes qui attendent une greffe de cette nature au Canada. Si les banques d'yeux de Toronto et de Québec affirment recevoir des dons en quantité suffisante et avoir une liste d'attente acceptable, d'autres régions du pays ne peuvent pas satisfaire aux besoins et voient s'allonger considérablement leurs listes d'attente d'une greffe de la cornée. Au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, par exemple, cela peut aller jusqu'à deux ans.

• 1110

Comment peut-on combler ce manque? Par des campagnes de sensibilisation publique? Dans une certaine mesure. Le public doit sans aucun doute savoir que le besoin de greffes de la cornée existe. Si, cependant, on a fait beaucoup d'efforts en ce sens dans le passé, les dons sont toujours insuffisants. Par ailleurs, ce serait une erreur de prétendre que le manque de dons d'organes et de tissus est attribuable à l'apathie ou à l'ignorance populaire.

Par la tenue d'un registre central des éventuels donneurs? Peut-être pas. Si une personne peut signer une carte de donneur et indiquer son choix sur sa carte d'assurance-santé ou son permis de conduire, il doit y avoir un mécanisme pour encourager les membres immédiats de la famille à reconnaître le don des tissus malgré leur chagrin. Le fait que la personne décédée ait signé la carte de donneur n'est pas suffisant.

Les lois du coroner? Certainement pas. De telles lois ont prêté à controverse aux États-Unis, soulevant des soupçons d'insensibilité face aux souhaits de la famille et des doutes quant à la qualité des organes et des tissus.

La SCO estime que c'est au niveau de l'hôpital local que se situe la solution. Au Canada, la plupart des décès arrivent en milieu hospitalier, par exemple, dans les salles d'urgence, aux soins intensifs ou en cardiologie. Le facteur principal de la réussite de la collecte d'organes et de tissus, c'est de veiller à ce que chaque hôpital ait un mécanisme efficace, mais compatissant, pour aborder la question avec les membres de la famille.

Cela signifie que chaque institution doit avoir un protocole en vertu duquel on reconnaîtra les donneurs éventuels, une personne ou une équipe formée et adroite qui examinera la question avec la famille et un mécanisme efficace qui permettra, après l'obtention du consentement, de prélever et de traiter les organes et les tissus. Cette approche signifie qu'il faudra suivre le taux de réussite de chacun des hôpitaux et que ceux-ci devront rendre compte de leur rendement, en précisant notamment les raisons pour lesquelles on n'aurait pas utilisé de dons qui étaient déjà légitimes. Le mécanisme comporte implicitement la formation pertinente du personnel hospitalier, donc le financement adéquat.

La Société canadienne d'ophtalmologie est au courant de l'élaboration de normes canadiennes touchant les dons d'organes et de tissus, qui se poursuit sous les auspices de la Direction générale de la protection de la santé. Elle soutient de tout coeur cette initiative qui fera en sorte que la population canadienne aura accès à des organes et à des tissus qui répondront aux normes les plus élevées de qualité et de sécurité. Voilà qui est de nature à stimuler la confiance dans l'approvisionnement canadien d'organes et de tissus.

Évidemment, ce processus implique le besoin d'un mécanisme d'agrément des organismes fournisseurs d'organes et de tissus pour veiller au respect des normes. Cela demandera un financement adéquat pour permettre à un office d'agrément et aux fournisseurs de donner à leur personnel la formation voulue et d'avoir l'équipement approprié.

La Société canadienne d'ophtalmologie trouve encourageantes de telles initiatives et c'est avec optimisme qu'elle envisage l'amélioration des banques d'yeux et de tissus pour répondre aux besoins croissants de la population canadienne.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Grace.

M. Gerrard Grace (vice-président, Marketing, communications et fondations, Institut national canadien pour les aveugles): Je vous remercie.

L'INCA tient d'abord à féliciter le comité du leadership dont il fait preuve en abordant cette question sans oublier le volet tissu qui est parfois omis lorsqu'on parle des transplantations.

Comme vous le savez probablement, l'Institut national canadien pour les aveugles est un organisme national qui vient en aide à 100 000 personnes atteintes de cécité et de surdi-cécité et de troubles de la vue. Malheureusement, notre industrie est en pleine croissance. Nos clients augmentent au rythme de 10 000 par année et un Canadien sur quatre de plus de 75 ans sera atteint de cécité ou de troubles de la vue si graves que leur qualité de vie en souffrira. Dans ce contexte, nous axons surtout nos efforts sur la réadaptation. L'une de nos trois principales missions est cependant de prévenir la cécité, ce que nous faisons par l'intermédiaire de la fondation E.A. Baker pour la prévention de la cécité.

Parmi les 10 000 personnes qui s'ajoutent chaque année à notre clientèle, 2 p. 100—un petit pourcentage de nos clients, mais tout de même un nombre important de personnes—souffrent de troubles cornéens ou scléraux. En 1997, 168 nouveaux clients se trouvaient dans ce cas. Il s'agit le plus souvent de clients dont la vue s'est détériorée considérablement pendant qu'ils attendaient une transplantation de la cornée. J'aimerais ajouter qu'environ 8 p. 100 de nos nouveaux clients sont aveugles en raison du diabète, une des principales causes de cécité chez les gens en âge de travailler.

• 1115

À notre demande, la Banque d'yeux du Canada a mené auprès des banques d'yeux du pays une enquête qui a révélé que 6 400 yeux avaient été donnés au cours des dernières années. Ces dons permettent de faire environ 2 200 transplantations de cornée chaque année. Les listes d'attente en Ontario sont relativement courtes et les patients ne doivent attendre que de zéro à six mois, mais comme l'a dit le représentant de la Société d'ophtalmologie, les gens peuvent attendre 12 et 18 mois ou même deux ans dans d'autres parties du Canada. Faire une étude s'impose pour établir à quels facteurs il faut attribuer ces différences régionales.

Pour une personne qui est aveugle ou qui souffre d'un trouble important de la vue, toute attente est trop longue. Du point de vue de la réadaptation, il est difficile pour une personne d'apprendre le braille, par exemple, ou d'acquérir les aptitudes qui lui permettront de vivre en sécurité, dans le confort et de façon indépendante si elle pense retrouver la vue après une opération. Cette attente a non seulement une influence sur la vie de la personne visée, mais aussi sur celle de toute sa famille et de ses amis.

Les transplantations de cornée, qui sont relativement peu coûteuses, constituent donc une façon extrêmement rentable d'améliorer la qualité de la vie de nos clients.

Par l'intermédiaire de la Fondation E.A. Baker, l'INCA s'est principalement efforcé de financer des programmes visant à sensibiliser la population et les milieux hospitaliers et médicaux à l'importance des dons de cornée et à la nécessité de former des personnes pouvant effectuer des prélèvements d'yeux.

Les banques d'yeux nous disent, comme vous l'ont dit d'autres personnes aujourd'hui, que le personnel hospitalier joue un rôle de premier plan dans le processus des dons d'organes et de tissus. Nous pensons que c'est en investissant des sommes modestes dans la formation du personnel hospitalier qu'on pourra faire augmenter les dons, en particulier les dons de cornée. Pour nous, ce qui importe le plus, c'est que ceux qui côtoient les familles aient la formation voulue pour le faire. Il convient d'accorder la formation voulue au personnel hospitalier.

Nous pensons aussi comme Mme Drew qu'il faudrait un plan de promotion de la santé qui tienne compte de l'importance des dons. Si nous soulignons la contribution de ceux qui font des dons d'organes et de tissus, cela encouragera d'autres personnes à faire de même.

J'aimerais en terminant dire que si le gouvernement peut faire beaucoup—pour une somme modeste, à notre avis,—pour améliorer l'accès aux organes et aux tissus, l'INCA estime avoir la responsabilité de participer à cet effort et peut-être d'y affecter des fonds et des ressources. Il estime notamment devoir aider le nouvel organisme national de coordination sur la prévention de la cécité qui vient d'être créé avec l'appui de Santé Canada.

À mon avis, Santé Canada a mis en oeuvre de bonnes initiatives récemment pour sensibiliser les Canadiens et les parlementaires aux problèmes de la cécité et des dons de cornée.

Je vous remercie.

Le président: La secrétaire parlementaire n'est pas ici pour accepter vos félicitations, mais nous veillerons à ce qu'elle lise le compte rendu des délibérations du comité.

Docteur Hobson.

Le docteur G. Campbell Hobson (président, Bruce Denniston Bone Marrow Society): Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais d'abord remercier le président et les membres du comité de l'occasion qui m'est donnée de les entretenir d'un sujet qui me tient beaucoup à coeur et qui tient beaucoup à coeur à des milliers de Canadiens qui attendent eux-mêmes une transplantation de la moelle osseuse ou qui comptent parmi les membres de leur famille, leurs amis ou leurs connaissances, une personne qui en attend une.

J'aimerais souligner qu'il y a actuellement 180 000 donneurs dans le Registre de donneurs de moelle osseuse non apparentés qui tiennent vraiment à devenir des donneurs contrairement aux autres donneurs qui sont représentés à la table ronde.

Comme je l'explique dans mon mémoire, le Registre de donneurs de moelle osseuse non apparentés a commencé au Canada comme initiative communautaire et constitue un aspect essentiel du traitement d'une maladie qui auparavant était sans remède.

Une anémie progressive et des épisodes de plus en plus fréquents d'hémorragie qui exigeaient des transfusions de sang, de plaquettes et de cellules blanches, accompagnés d'un affaiblissement du système immunitaire qui entraînait des infections massives, suivis de la mort après des mois de douleur, de lutte et de chagrin, sans compter les coûts considérables pour le régime de santé: voilà ce qui attendait les patients et leurs médecins il y a encore à peine 12 ans, avant que l'espoir et peut- être la guérison deviennent possibles grâce aux greffes de moelle osseuse et de cellules souches.

Le donneur constitue un élément essentiel de ce scénario. La Société de moelle osseuse Bruce Denniston a été constituée dans le seul but de mettre sur pied un registre de donneurs non apparentés afin de fournir des cellules souches aux patients qui ne trouvaient pas de donneur approprié au sein de leur famille.

• 1120

Au cours des 11 dernières années, nous avons accordé notre soutien pendant que le registre passait d'à peine 1 500 donneurs à plus de 180 000. Outre son soutien financier et autres, notre société a également joué un rôle de surveillance des questions relatives aux donneurs afin de s'assurer qu'on n'exploite pas leur désir primordial d'aider un autre être humain en offrant le don de vie et de tenter d'offrir un accès égal à tous les Canadiens, patients comme donneurs. Les éventuels donneurs ont également accès au registre.

Dans le cadre du programme de sang de la Croix-Rouge, le registre a commencé à subir de plus en plus les effets de la gestion dysfonctionnelle associée à la crise dans le programme de sang. Il y a deux ans et demi, nous avons constitué un comité consultatif national dont je suis le président. Sous l'égide d'un directeur de programme national dynamique, on a amélioré la gestion et adopté quelques solutions créatrices.

Maintenant que la gestion du registre relève d'un nouvel exploitant, la Société canadienne du sang, on nous assure que l'on ne ménagera pas les efforts pour atteindre l'objectif énoncé du meilleur registre canadien de moelle osseuse.

Je vous renvoie à la page 10 de mon mémoire, à la liste de ces éléments: un cadre d'éthique afin d'assurer l'équilibre entre la défense des intérêts du patient et la défense des intérêts du donneur, équilibre qu'on ne peut présumer automatique; la rapidité d'exécution des recherches dans le Registre, qui est un facteur essentiel; l'accessibilité à l'échelle du Canada et ce pour le patient et pour le donneur; la sécurité du produit et celle du donneur; et le typage à haute résolution de l'ADN. Le Canada est bien connu pour son utilisation d'une technologie de laboratoire de qualité supérieure pour le typage de l'ADN et la mise en oeuvre des trois stages de typage du donneur.

Il reste encore beaucoup à faire pour atteindre cet objectif. Il existe de graves lacunes d'infrastructure dans certaines régions auxquelles il faut remédier rapidement.

Malheureusement, au moment où je vous parle, une recherche de donneurs à Terre-Neuve, lancée pour venir en aide à un jeune homme, risque d'être étouffée et retardée, faute de ressources. L'incapacité de la Croix-Rouge à régler le problème de la grande sous-représentation de l'héritage génétique unique des Terre- Neuviens dans le Registre est en train d'être corrigée, mais cette correction ne se fera peut-être pas à temps pour trouver un donneur compatible. Malheureusement, les ministres provinciaux de la Santé n'ont toujours pas approuvé le budget provisoire présenté en novembre pour le programme de registre.

Dans mon mémoire, je présente quelques mesures d'appui dans des domaines où l'honorable Allan Rock et Santé Canada pourraient faire montre, dans une plus grande mesure encore, du leadership inspiré dont témoigne déjà leur appui généreux à l'égard d'un forum national qui doit avoir lieu sur les greffes de moelle osseuse et la technologie des cellules souches. Au cours de ce forum, on examinera tous les aspects du domaine et on dégagera un consensus afin d'orienter l'élaboration future du Registre et des technologies associées, en s'inspirant des forums passés sur les questions du sang, de la xénotransplantation, des greffes d'organes solides, etc.

Une fois encore, dans mon mémoire, à la page 8, je décris les initiatives en cours à la Société canadienne du sang.

On examine les lacunes du système d'information suite aux observations que moi-même et le vice-président du Comité consultatif national, le Dr Hans Messner, avons présentées à la Société canadienne du sang. La question des lacunes du système informatique a suscité beaucoup d'intérêt et d'examen puisqu'il s'agit de l'un des plus graves problèmes que la Croix-Rouge avait été incapable de régler.

La SCS a lancé une initiative visant à améliorer considérablement le système d'information actuel, mais parce que le système est surchargé de données—le nombre de donneurs et la complexité croissante des données sur l'ADN—cet aspect revêt une urgence croissante. On s'efforce activement d'élaborer un plan d'urgence.

De plus, le laboratoire national sur l'ADN a atteint une telle taille qu'il faut l'automatiser afin de produire un nombre accru de spécimens, soit 40 à 50 000, et atteindre une capacité de production limite dépassant ce nombre de 15 à 20 p. 100. Il faut prévoir à cette fin 8 à 10 millions de dollars de plus, dont la source n'a pas été identifiée.

• 1125

La recherche fondamentale est malheureusement insuffisante dans les domaines suivants.

Le polymorphisme de HLA dans la population canadienne: il s'agit de faire l'évaluation des données que contient présentement le Registre afin d'identifier les modèles génétiques uniques des Canadiens qui proviennent des minorités visibles, des groupes autochtones ou qui vivent dans des régions isolées telles que Terre-Neuve.

Il nous faut intensifier le recrutement de donneurs ou élaborer des stratégies de rechange en matière de traitement. Il faut évaluer les résultats du programme et examiner les résultats cliniques. Jusqu'à présent, il n'y a pas eu de financement à cette fin.

Enfin, il faut évaluer la technologie liée à l'utilisation de cellules souches. À l'heure actuelle, on semble bien accueillir cette nouvelle technologie d'appoint grâce à laquelle il ne sera peut-être plus nécessaire de tenir un registre aussi vaste et aussi complexe. Toutefois, on dit que les chercheurs canadiens sont en retard de cinq ans sur leurs homologues européens; ce retard découle du fait que nos chercheurs ne disposent pas de la banque nationale de sang cordonal requise pour effectuer les recherches fondamentales qui leur permettraient de rendre cette technologie exploitable. À l'heure actuelle on trouve environ 800 spécimens à Edmonton. Il en coûte environ 1 000 $ du spécimen pour atteindre le niveau minimum nécessaire de 5 000 spécimens requis dans la banque.

Encore une fois, je remercie le comité de bien vouloir accorder une attention particulière à ces recommandations. Je ne suis pas médecin transplantologue. Je suis un représentant bénévole, mais je serai heureux de répondre de mon mieux à toutes les questions.

Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs du comité.

Le président: Merci, docteur Hobson.

Nous allons commencer par le Dr Martin.

M. Keith Martin: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vous remercie tous d'être venus ici au comité et d'avoir fait notre éducation. Je vais demander à trois personnes—dans n'importe quel ordre—de répondre aux questions.

J'aimerais aussi remercier le Dr Hobson de ses suggestions très précises.

Pour reprendre peut-être l'exemple de M. Cuff—et nous espérons qu'il trouvera les cellules dont il a besoin pour survivre—est-ce un problème actuellement que de ne pas avoir suffisamment de ressources pour faire le typage HLA? Manque-t-on de ressources pour s'assurer que des gens comme M. Cuff et d'autres qui ont besoin de cellules souches reçoivent les tests voulus? Peut-être pourriez-vous le prendre comme exemple. Si on manque de ressources à cette fin, pourriez-vous nous en parler et nous parler aussi des problèmes, s'il en est, suite à la prise en charge par la Société canadienne du sang du domaine de la Croix-Rouge.

J'aimerais vous dire, monsieur Gordon, que vous avez raison. Si vous connaissez des endroits au monde où l'on a établi des lignes directrices sur la xénotransplantation, qui pourraient nous être utiles, pourriez-vous nous les faire parvenir? Nous vous en serions très reconnaissants. Nous pourrions peut-être les utiliser comme point de départ et les inclure dans notre étude.

Enfin, docteur Seamone, vous avez mentionné que vous aviez quelques questions au sujet du registre national de donneurs et vous avez repris un argument qu'on nous a répété, encore et encore, à savoir qu'il faut consulter la famille d'un éventuel donneur. On pourrait peut-être contourner cette difficulté et tenir un registre national de donneurs en veillant à ce qu'au moment où une personne se dit intéressée à devenir donneur, on lui explique et on lui demande d'en parler à ses proches. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le président: Docteur Seamone.

Dr Christopher Seamone: J'ai en fait une suggestion. Vous vous imaginez bien qu'au moment du décès d'un être cher, la famille est bouleversée. Le don d'organes—surtout d'une cornée—est particulièrement difficile à accepter à moins que la famille n'y soit bien préparée au préalable.

Les yeux représentent une petite partie du corps, mais ont une grande importance pour les gens et leurs familles. L'idée qu'un être cher sera défiguré entre certainement en ligne de compte dans ce cas et a peut-être une incidence négative sur le nombre de cornées qui sont données. Je pense qu'il faut tenir des consultations avec les familles d'éventuels donneurs pour qu'elles comprennent qu'il n'y aura pas défiguration et que le don d'une cornée constitue en fait un élément très positif dans une situation très négative.

• 1130

Votre suggestion précise toutefois est excellente.

M. Keith Martin: Merci.

Le président: Docteur Hobson.

Dr G. Campbell Hobson: En ce qui concerne vos questions, pour en avoir parlé au directeur national du programme, M. George Clark et au Dr Graham Sher, vice-président des affaires médicales et scientifiques à la SCS, je crois savoir que l'infrastructure du programme de donneurs à Terre-Neuve était presque complètement déficiente. Cela découle, je présume, de l'incapacité de la Croix- Rouge... il y avait un manque de financement. Apparemment, le programme était géré à partir de Québec et le centre de Halifax n'avait pas non plus de ressources suffisantes pour faire face aux demandes produites par la campagne fort légitime lancée par la famille pour trouver un donneur pour son fils.

On a offert à la Société Bruce Denniston de s'associer à l'entreprise tout comme nous l'avions fait dans la région du Cap- Breton, il y a un an et demi, dans des circonstances semblables. Par notre parrainage du programme de dons, nous pensions pouvoir aider à remédier à cette sous-représentation des Terre-Neuviens dans le registre national. Nos ressources se sont trouvées considérablement taxées, au point où il a fallu recommander de ralentir la campagne afin de nous permettre de préparer des tableaux avec les résultats et d'ainsi régler le problème. Il y a...

M. Keith Martin: J'aimerais vous interrompre un instant, docteur Hobson. Je m'en excuse.

Le président: Docteur Martin, vous devrez peut-être revenir sur la question plus tard.

M. Keith Martin: Très bien.

Le président: J'ai l'impression que vous voudrez peut-être entrer plus avant dans les détails.

Madame Minna.

Mme Maria Minna: Merci, monsieur le président. Tout d'abord, j'aimerais reprendre à mon compte la demande de M. Martin au Dr Gordon. Si vous connaissez les procédures d'autres pays en ce qui concerne la xénotransplantation, cela me serait utile, à moins que vous puissiez nous en parler aujourd'hui.

Le président: Voulez-vous qu'on réponde maintenant?

Mme Maria Minna: Vous pouvez répondre maintenant, si vous le voulez.

M. Alastair Gordon: J'en ai pour 20 secondes.

Le président: Allez-y.

M. Alastair Gordon: C'est aux États-Unis qu'on a fait le plus de travail dans ce domaine. La Food and Drug Administration a publié des lignes directrices sur la xénotransplantation à la fin de 1996. Distribuées pour commentaires et suivi, à l'échelle internationale, des révisions ont été faites. Aucun pays n'a autant réfléchi à cette question, n'a reçu autant de commentaires ni préparé autant de procédures à cet égard que les États-Unis.

En outre, il n'y a pas lieu de croire que notre situation diffère de celle des États-Unis. Il s'agit de physiologie et non pas de politique. Je pense que les lignes directrices de la FDA américaine constitueraient un excellent point de départ pour nous.

Le président: Vous parlez des États-Unis, mais vous savez aussi sans doute que la semaine dernière, le Conseil européen a débattu de cette question. Les parlementaires ont réclamé un moratoire sur les xénotransplantations.

M. Alastair Gordon: Je pense qu'il ne faut pas oublier que c'est le même groupe qui avait exigé et obtenu dans les années 1970, un moratoire sur les manipulations génétiques qui n'a duré que quelques mois avant d'être abandonné. Ce groupe européen ne dispose d'aucun pouvoir législatif et n'est qu'un comité au sein du Conseil de l'Europe.

Je répondrai à quiconque avance une telle proposition: Montrez-moi les preuves scientifiques à l'appui d'une telle interdiction. Si on me montre des preuves scientifiques probantes, j'accepterai une interdiction des essais cliniques. Toutefois, à chaque fois que l'on a réclamé une interdiction, il n'y a pas eu de preuves scientifiques à l'appui. D'après ce que je sais de la proposition du Conseil de l'Europe, c'est exactement la même situation. Leur proposition ne s'appuie sur aucune preuve scientifique.

• 1135

Le président: Nous approfondirons la question.

Madame Minna.

Mme Maria Minna: Je n'ai qu'une dernière question pour M. Gordon avant de passer à autre chose. C'est peut-être simplement de la publicité tapageuse, mais on voit toujours à la télévision ces soucoupes où l'on cultive des oreilles et divers organes. Est-ce l'avenir, comme Star Trek? Y a-t-il un fondement de vérité dans ce genre de science? Il est question de transplantation, mais on voit également qu'il est possible de cultiver des organes.

M. Alastair Gordon: Le premier problème à être réglé par la xénotransplantation ne sera pas la greffe d'organes entiers; il s'agira de greffes cellulaires ou au niveau des cellules. Ce genre de greffe pourrait guérir le diabète, les maladies du foie, la maladie de Parkinson, etc.

On s'attaquera d'abord à ces maladies sans doute parce que la greffe de cellules est très simple sur le plan chirurgical et n'exige pas d'immunosuppresseurs. Ces cellules font appel à une technologie d'immunoisolation qui permet au receveur de conserver un système immunitaire fort et sain toute sa vie.

Ce seront donc sans doute les premières maladies auxquelles on s'attaquera et je dirais que si une nation exerce un leadership dans ce domaine, cela deviendra réalité d'ici trois ans. Je pense qu'il y a des problèmes associés à la greffe d'organes entiers tels que le rejet suraigu, etc., qui sont plus compliqués. Il faudra probablement plusieurs années encore avant de trouver des solutions à ces problèmes qui exigeront sans doute une forme quelconque d'immunomodulation ou d'immunodépresseurs.

Tout repose sur le leadership. Que peut faire le gouvernement canadien? Est-ce qu'on devrait se contenter d'investir de l'argent? Oui, ce serait très bien, mais il est peut-être plus important encore de faire preuve de leadership sur la façon d'investir cet argent, de déterminer un objectif comme par exemple: «Nous allons trouver un remède au diabète d'ici cinq ans». Ainsi nous n'aurons pas le genre habituel de recherches initiées par les chercheurs, nous aurons des recherches qui visent un objectif précis. Je pense que c'est là le secret pour réussir à concrétiser ce potentiel.

Mme Maria Minna: Monsieur le président, j'ai une dernière question. Toutefois, auparavant, j'aimerais souhaiter la bienvenue à quelqu'un de ma circonscription, Gerrald Grace. C'est à ces séances que nous nous voyons tous les deux.

Enfin, ma prochaine question s'adresse au Dr Seamone. Vous avez déclaré que la solution n'était probablement pas un régime central mais quelque chose au niveau de l'hôpital. Des témoignages précédents ce matin disaient plus ou moins la même chose. En fait, vous avez parlé de «reddition de comptes»; les autres témoins ont dit qu'ils envisageaient plutôt des mesures punitives à l'endroit des hôpitaux si certaines procédures n'étaient pas mises en place.

Iriez-vous jusqu'à des mesures punitives? Comment s'y prendre, à l'échelle du pays, compte tenu du fait qu'il s'agit d'un domaine de compétence provinciale et qu'il y a la question du financement et le reste? Reconnaissez-vous que la reddition de comptes constitue une approche punitive ou pensez-vous que grâce à l'aide de vos organisations, nous pourrions aborder cette question autrement. J'ai tout simplement été surprise d'apprendre que le registre central n'était pas ce qui fait problème. Je suis très curieuse de savoir comment vous envisagez la chose au niveau des hôpitaux et comment nous pourrions nous y prendre pour que cela fonctionne et soit appliqué.

Le président: Docteur Seamone.

Dr Christopher Seamone: Bien qu'il doive y avoir reddition de comptes, l'approche punitive n'est peut-être pas la meilleure voie à suivre. Dans un hôpital particulier, il faut s'assurer qu'il y a en place des protocoles, que l'on fixe des objectifs et si on ne les atteint pas, il faut disposer d'un mécanisme qui permette d'examiner les procédures en place à l'hôpital.

On a mentionné plus tôt aujourd'hui que cela pouvait peut-être être lié à l'agrément. Je pense que c'est une idée prometteuse. Comment en fait obtenir la reddition de comptes autrement nous ramène à l'idée d'une approche par équipe qui motive le personnel hospitalier; il deviendrait alors très peu probable que l'on ait à s'inquiéter de la reddition de comptes et de mesures «punitives» si je peux me permettre ce terme.

Je pense néanmoins qu'il faut qu'il y ait reddition de comptes. Essentiellement, c'est possible grâce à des comités d'examen dans les hôpitaux. Jusqu'où pousser la chose, je ne saurais le dire pour l'instant.

Je ne suis pas certain, Jim, si vous avez des idées sur la reddition de comptes.

Le président: Soyez très bref.

M. Jim Mohr (directeur, Services de greffes, Centre des sciences de la santé Reine Élizabeth II): Je pense que vous avez mis le doigt sur l'essentiel, à savoir qu'il faut des personnes motivées dans chaque hôpital. Une fois que vous leur donnez les ressources et la formation, je pense que ça fonctionnera.

• 1140

Je pense que c'est une bonne idée de confier l'agrément au Conseil canadien d'agrément des services de santé. Je ne pense pas que des remontrances suffisent. En identifiant tout simplement les personnes motivées, vous allez connaître beaucoup de succès.

Le président: Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott: Ma première question est pour M. Gordon, au sujet de l'historique de la Islet Fondation. S'agit-il d'une fondation privée?

M. Alastair Gordon: La Islet Foundation est une fondation incroyablement petite fondée il y a plusieurs années dans le but de faire connaître et d'aider les chercheurs sur le diabète dont le travail offrait la possibilité de vraiment guérir le diabète à court terme. En d'autres mots, on voulait que les efforts ne portent plus uniquement sur le financement d'essais cliniques sur 10 ans ainsi que sur les divers autres programmes de recherche qui, tout en étant très intéressants, sont loin d'offrir la possibilité de guérir le diabète. C'est de là en fait que vient la Fondation Islet. Le siège social se trouve à Toronto. En réalité, nous avons témoigné plus souvent à Washington qu'ici au Canada et donc aujourd'hui est une merveilleuse occasion.

M. Maurice Vellacott: Vous n'êtes donc pas une organisation commerciale ou une entreprise qui profite financièrement des xénotransplantations.

M. Alastair Gordon: Dire que nous sommes à but non lucratif est en dessous de la vérité. Il n'y a pas un seul employé rémunéré. Personne ne gagne un sou. En grande partie nous ne recueillons pas beaucoup de dons. C'est essentiellement un petit effort privé qui vise à s'assurer que la recherche appropriée obtient du financement.

M. Maurice Vellacott: Les xénotransplantations ou...

M. Alastair Gordon: La xénotransplantation est certainement la seule technologie prometteuse pour guérir le diabète à l'horizon.

M. Maurice Vellacott: Très bien. Donc, essentiellement, la Fondation est liée au diabète et non pas à toutes sortes d'autres maladies qui bénéficient de greffes d'organes complets. C'est très précis, très étroit, en ce moment.

M. Alastair Gordon: Oui. La Islet Foundation elle-même se concentre sur la greffe de cellules insulaires pour le traitement du diabète. Toutefois, par conséquent, on est inévitablement ainsi exposé à la xénotransplantation et à toute cette technologie naissante. Les techniques de transplantation des îlots sans immunosuppresseur sont semblables à celles utilisées pour la transplantation de neurones et de cellules hépatiques sans immunosuppresseur.

M. Maurice Vellacott: Donc, une fois qu'un organe particulier est endommagé, la xénotransplantation n'est pas vraiment un recours. Ai-je bien posé la question? Il doit y avoir un diagnostic à la première heure et par conséquent...

M. Alastair Gordon: Oh non. Par exemple, vous pourriez avoir le diabète depuis 30 ans et quand même être guéri par une xénotransplantation de cellules insulaires. Ce dont vous parlez en fait c'est une greffe du coeur. Le coeur est une pompe compliquée. Il faut remplacer toute la pompe. C'est une greffe d'organe entier relié au système vasculaire du receveur, etc.

Dans le cas de certaines autres maladies, seules certaines cellules à l'intérieur de l'organe sont mortes. Dans le cas du diabète, le système immunitaire détruit accidentellement les îlots producteurs d'insuline et donc il suffit d'insérer à quelque part dans le corps du malade des îlots vivants pour remplacer ceux qui sont morts et vous avez guéri le diabète.

M. Maurice Vellacott: Donc, si vous pouvez vous attaquer à la maladie qui a provoqué la détérioration de l'organe, alors... on peut avoir recours à la xénotransplantation, mais une fois l'organe foutu et détérioré, ça n'aide plus.

M. Alastair Gordon: Ça aide toujours. Si le patient est vivant, la fonction des cellules de cet organe qui a été endommagé peut éventuellement être exécutée par les cellules de porc greffées. En d'autres termes, cela n'a rien à voir avec l'état... Par exemple, si un patient souffre d'insuffisance hépatique chronique, il ne vivra pas très longtemps à moins d'une greffe ou de l'utilisation d'un appareil pour aider le foie à remplir ses fonctions vitales.

Dans le cas du diabète, une personne peut vivre pendant de nombreuses années grâce à des injections d'insuline, mais même après la disparition de tous les îlots de son corps, la xénotransplantation de cellules insulaires demeure le moyen de guérir le diabète.

M. Maurice Vellacott: J'aimerais rapidement des précisions et ensuite j'aurai une dernière question. Vous dites donc qu'un organe n'est jamais irréparable; c'est bien ce que vous dites?

• 1145

M. Alastair Gordon: Tant que le patient est vivant et que la maladie provient de la destruction de certaines cellules, la greffe de cellules vivantes provenant de porcs peut apporter une amélioration.

M. Maurice Vellacott: Je n'ai qu'une dernière question.

Le président: Très brièvement.

M. Maurice Vellacott: Vous semblez plus... j'allais dire sur la défensive, mais ce n'est probablement pas juste. Vous semblez plus agressif, sur l'offensive peut-être et non sur la défensive. Avez-vous l'impression que la xénotransplantation fait l'objet d'une plus grande remise en question que les greffes d'organes plus anciennes? Vous semblez aller au-devant des coups, si on peut dire, et dans votre exposé et par la nature de vos commentaires. De nombreuses personnes réagissent à la xénotransplantation pour des raisons d'éthique ou parce qu'il s'agit de défenseurs des droits des animaux, etc.

M. Alastair Gordon: En effet. Je me reconnais coupable.

Le niveau d'opposition à la xénotransplantation est tout à fait remarquable. Cela vient en grande partie des défenseurs des droits des animaux. En fait, en Grande-Bretagne par exemple, on a eu recours à la violence et au terrorisme pour faire obstruction aux laboratoires qui participent à ce genre de recherche. Il y a également opposition faute d'information, en d'autres mots, on s'oppose à cette procédure parce qu'on craint la transmission de maladies—ce qui ne s'est jamais produit—on réagit par crainte de l'inconnu. J'aimerais que le débat porte uniquement sur les principes éthiques et scientifiques qui sont conformes à la moralité dans l'ensemble de la société. Alors, le débat sera juste.

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président. J'ai vraiment beaucoup apprécié tous les exposés.

Plus précisément toutefois, docteur Hobson, à quoi attribuez- vous votre succès incroyable? Vous semblez être une des rares personnes à avoir plus de donneurs que nécessaire. Le nombre de donneurs comble largement les besoins.

Dr G. Campbell Hobson: En fait, c'est la communauté d'intérêts et le fait que les gens veulent vraiment s'aider les uns les autres. Le tout a commencé à Powell River en réponse à un besoin perçu. J'ai assisté à la première réunion à laquelle 700 personnes ont donné leur nom comme donneur. C'était dans une ville de 15 000 habitants. En fait, il s'agit d'axer ce désir sur la compréhension de ce dont il s'agit—que le risque est petit—et de comprendre aussi l'ampleur de ce qu'il y a à gagner. C'est vraiment saisissant lorsqu'un donneur dont le nom figure au registre depuis des années reçoit tout à coup un appel pour lui annoncer qu'il y a peut-être compatibilité. En général, on se précipite pour donner un échantillon de sang.

C'est la donneuse de Bruce Denniston, qui vient d'Angleterre tous les deux ou trois ans pour voir la famille, qui m'a dit que quand on lui a dit que sa moelle osseuse serait peut-être compatible, c'était comme si elle avait obtenu un billet de loterie, et que quand on lui a dit qu'il y avait compatibilité, c'était comme si elle avait gagné le gros lot.

Mme Karen Redman: Il est évident qu'il existe une différence énorme entre pouvoir faire un don et continuer à vivre par la suite, et devoir mourir avant de pouvoir faire un don. Je comprends donc que votre cas est très distinct de celui qui cherche des greffes de cornée ou de foie.

Cependant, on nous a signalé, entre autres, que l'éducation, la sensibilisation, est indispensable. Vous dites dans votre mémoire—et je suis d'accord avec vous—qu'en général les gens veulent s'entraider. J'ai l'impression que la volonté existe, mais les circonstances qui entourent le don d'organes sont toujours très tristes.

Est-ce que les autres organisations de transplantation de tissus peuvent tirer des enseignements de ce que vous avez pu faire avec votre registre?

Dr G. Campbell Hobson: Le registre est peut-être un bon point de départ pour sensibiliser le public à la nécessité de donner d'autres organes. Comme médecin—et j'ai déjà participé à des greffes de rein et à des énucléations—je pense qu'il serait très avantageux pour toutes les organisations représentées ici de travailler ensemble.

• 1150

Puisque je n'ai pas vraiment eu l'occasion de communiquer avec ces autres organisations, j'ai suggéré dans mon mémoire que le registre national proposé soit utilisé pour les dons de tissus et les dons d'organes; le type d'ADN qu'on mettra dans le registre sera assez compatible. Il faut, bien sûr, faire des distinctions, mais je pense que cela pourrait se faire. Je pense qu'il sera possible de jouer un rôle de leadership à cet égard.

Mme Karen Redman: Vous insistez sur deux points dans l'aperçu historique contenu dans votre mémoire. D'abord, vous dites que les gens se portent volontaires, et donc il y a tout un effort de la part de la collectivité. Vous parlez également de votre rapport spécial avec la GRC. Est-ce que ces deux éléments ont été utiles au registre au fil des ans?

Dr G. Campbell Hobson: Certainement. La GRC continue de nous aider. Il y a des bénévoles de la GRC qui ont été formés pour donner des séances d'information. Cela nous est précieux surtout dans les régions éloignées où les employés du registre ne peuvent pas aller simplement parce qu'ils sont trop peu nombreux. Ces bénévoles peuvent donner des séances d'information, répondre aux questions et faire des procédures d'enregistrement. Nous avons d'autres bénévoles qui ne peuvent pas devenir donneurs eux-mêmes pour des raisons de santé ou autre, mais qui donnent quand même de leur temps et de leur argent.

Le président: Monsieur Thompson.

M. Greg Thompson: Merci, monsieur le président.

Je tiens à remercier de nouveau nos témoins. Je n'aurai pas le temps de parler à tous, mais j'aimerais au moins parler au Dr Hobson aussi rapidement que possible.

Docteur, hier, j'ai parlé à Jeff Cuff et à sa famille. Je sais que le Dr Martin leur a parlé aussi. C'est le jeune homme de Terre- Neuve qui est atteint d'un type de leucémie très rare et qui cherche désespérément une greffe de moelle osseuse. Mme Redman a parlé de votre registre de donneurs. Est-il exact de dire que vous avez 180 000 donneurs dans votre banque?

Dr G. Campbell Hobson: C'est exact.

M. Greg Thompson: Quel est le problème? Le chiffre de 180 000 donneurs semble impressionnant, mais je suppose que vous avez parfois du mal à trouver une compatibilité parfaite. Est-ce exact?

Dr G. Campbell Hobson: Je crois savoir—et je répète que je ne suis pas médecin spécialisé dans les transplantations—que les chances de compatibilité sont habituellement aussi faibles qu'une sur 450. Il s'agit des types plus communs des éléments génétiques dans le groupe d'antigènes d'histocompatibilité qui est essentiel pour qu'il y ait compatibilité. Les chances vont presque jusqu'à une sur 750 000, et bien sûr, dans ce cas, on cherche dans le registre mondial lorsque dans le registre canadien... Il y a 5,5 millions de donneurs dans les registres mondiaux. Le Canada collabore avec 34 autres registres dans le monde. Les Canadiens ne fournissent que 40 p. 100 à 45 p. 100 des transplantations de moelle osseuse pour les patients canadiens. L'autre 55 p. 100 provient d'autres pays. Les États-Unis sont très proches et ont certainement le registre le plus important du monde. Par contre, la moelle osseuse des Canadiens est compatible avec un nombre important de patients dans d'autres pays.

M. Greg Thompson: Donc la clé du succès de cette initiative c'est le registre et l'identification des donneurs.

Dr G. Campbell Hobson: Oui.

M. Greg Thompson: Je pense que le Dr Martin va continuer dans cette veine, car il s'agit d'une question qui nous tient tous à coeur.

J'ai reçu une greffe de moelle osseuse, et sans elle, je ne serais probablement pas ici aujourd'hui.

• 1155

Est-ce que les États-Unis ont été actifs à cet égard longtemps avant nous? Je sais que vous avez parlé de la Croix-Rouge et de certaines de ses innovations des dernières années. Pensez-vous pouvoir faire des progrès aussi rapidement avec le nouveau service canadien du sang? Quelles mesures peuvent-ils prendre à court terme pour faire avancer ce dossier?

Dr G. Campbell Hobson: Je crois savoir qu'au début on a fait l'impossible pour répondre à la demande d'aide. On a signalé que la campagne ne serait pas d'ordre privé. La campagne est axée sur le patient, mais ce sont les patients qui motivent les gens à s'inscrire pour le bien-être du pays dans son ensemble et du monde entier. En même temps, il existe une notion—et elle est bien fondée—voulant que s'il y a des caractéristiques génétiques particulières qui font en sorte qu'il est difficile d'avoir la compatibilité, le meilleur endroit où chercher c'est peut-être dans le pays d'origine ou dans le groupe ethnique d'où provient la famille depuis des générations.

Le président: Merci.

M. Greg Thompson: Est-ce que je peux avoir 30 secondes pour poser une question bien précise, monsieur le président?

Le président: Je m'excuse. Il ne reste que trois minutes, et il y a une autre personne qui veut poser des questions.

Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur: Merci, monsieur le président.

Je dois vous dire, docteur Gordon, que les gens de Banting House à London m'ont dit beaucoup de bien de vous et de votre compétence. On m'a dit que vous nous donneriez d'excellentes informations. Ils ont certainement beaucoup de respect pour vous.

En ce qui concerne la xénotransplantation, est-ce que les États-Unis se sont heurtés aux mêmes obstacles que nous ici au Canada?

M. Alastair Gordon: Oui—et d'autres encore. Certains s'y sont opposés de façon très bruyante. J'ai participé à environ trois conférences sur la xénotransplantation. Il y a un an, la discussion principale était de savoir si oui ou non elle serait interdite. Lors de la dernière conférence en décembre dernier, la question n'a même pas été soulevée. Je pense qu'enfin le bon sens l'emporte, et que même lorsqu'on exhortait ceux qui s'y opposent à présenter des preuves scientifiques à l'appui d'une interdiction de la xénotransplantation, cela ne s'est jamais fait. Je dirais que les lignes directrices américaines actuelles se sont inspirées de toutes ces discussions et peuvent nous servir comme point de départ.

Mme Rose-Marie Ur: C'est exactement le prochain commentaire que j'allais faire.

Depuis quelques jours on nous dit qu'il faut examiner le registre mis en place en Espagne.

M. Alastair Gordon: Oui. C'est le meilleur au monde pour ce qui est des allogreffes.

Mme Rose-Marie Ur: C'est cela. On nous a dit également que le programme espagnol est formidable, mais qu'en Espagne on s'intéresse également à la xénotransplantation. Le programme est bon, mais on a quand même besoin de plus d'organes. Avez-vous déjà communiqué avec les responsables du programme en Espagne?

M. Alastair Gordon: Oui. J'ai parlé à la femme en Espagne qui s'occupe de tout le programme de prélèvement et de gestion des organes. Vous avez raison de dire que l'Espagne a le plus haut taux de succès au monde, et pourtant on continue de constater un écart de plus en plus grand entre l'offre et la demande. C'est la raison pour laquelle les responsables du programme vont aux conférences sur la xénotransplantation pour demander de l'aide pour combler cet écart.

L'ironie tragique de ce qu'elle a dit, c'est que l'une des raisons principales qui explique la croissance de l'écart, c'est la diminution du nombre de personnes qui meurent à cause des accidents de voiture et de motocyclette. C'est très tragique. Les donneurs humains ne réussiront jamais à combler cet écart, quoi qu'on fasse.

Mme Rose-Marie Ur: Une question rapide...

Le président: Je suis désolé. Il y a quelques autres éléments indépendants de notre volonté, ce qui signifie qu'il va falloir s'arrêter ici. Je m'excuse d'interrompe nos travaux juste au moment où la discussion devient animée.

Je tiens à vous remercier monsieur Gordon, docteur Seamone, monsieur Grace et docteur Hobson, de vos exposés et d'être venus discuter de ces questions avec notre comité. Les membres du comité peuvent communiquer avec vous et vont probablement vous parler après la réunion, mais je tiens à vous remercier de votre contribution au nom de tous ceux ici présents.

La séance est levée.