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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 18 mars 1998

• 1600

[Traduction]

La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): La séance est ouverte. Il s'agit de la 28e réunion du Comité permanent de la santé, et nous étudions les produits de santé naturels.

Je souhaite la bienvenue à nos deux témoins qui sont à Calgary. Nous sommes très impressionnés de vous voir. Compte tenu du temps qu'il fait chez vous, avez-vous eu des problèmes à vous déplacer?

M. John H. Biggs (Optimum Health Choices): Pas du tout. En fait, je devais aller à la foire commerciale d'Anaheim et j'ai été bloqué par la neige. J'ai téléphoné par hasard chez moi et j'ai été informé de cette présentation. Comme j'étais à Calgary, je m'y suis préparé.

La présidente: Pour la gouverne des députés ici présents, nous avons deux témoins de Calgary. Le premier est Del Anderson, de Added Dimensions.

Lequel d'entre vous est Del?

M. Del L. Anderson (président de Added Dimensions): C'est le plus beau.

La présidente: Le plus beau! D'accord.

Et de l'organisme Optimum Health Choices, nous recevons John Biggs.

Habituellement, nos témoins ont cinq minutes pour faire un exposé. Vous pouvez donc nous en présenter un, puis on amorcera le débat de façon que les députés puissent poser des questions. Ils auront cinq minutes chacun pour vous poser une question et pour entendre votre réponse. Nous demandons aux députés de s'en tenir à de courtes questions et je demanderais également à nos témoins de s'en tenir à de courtes réponses. Mais nous faisons preuve de souplesse et si nous voyons que le temps imparti est trop court, nous pouvons accorder des dépassements.

Nous allons commencer avec Del Anderson. Avez-vous un exposé à présenter avant qu'on passe aux questions des députés?

M. Del Anderson: Oui, j'en ai un, madame la présidente.

La présidente: Bien, allez-y.

M. Del Anderson: Je vous remercie de me donner la parole. À nos amis francophones,

[Français]

pardonnez-moi, s'il vous plaît; je ne parle pas français.

[Traduction]

Vous devrez vous contenter de mon anglais, qui n'est pas excellent non plus.

La présidente: Nous avons un très bon service d'interprétation, donc vous pouvez intervenir sans problème en anglais ou en français.

M. Del Anderson: Malgré ce que pourra en dire M. Parent, je voudrais commencer par un exercice d'identification. J'ai ici un moteur à essence, une soupape de moteur à essence et une bougie de moteur à essence. Ces trois éléments ont été conçus par des ingénieurs hautement spécialisés; cependant, il est impossible de décrire le moteur à partir de ces trois éléments. Il peut avoir deux cylindres, comme il peut en avoir douze. Les cylindres peuvent être en ligne, à plat ou en V. Même un spécialiste des moteurs, des soupapes, des pistons ou des bougies ne pourra pas me dire grand- chose sur le moteur à partir de ces trois éléments. Il est inutile d'essayer de se prononcer sur l'utilisation de ce moteur.

Voici du ginseng Panax. Jusqu'à présent, les scientifiques ont trouvé 80 éléments dans ce ginseng. Il y a 34 ginsenosides, au moins six sucres, trois flavinoïdes, plus des polysaccharides, des polypeptides, des hydrates de carbone, de l'acide carbolique, de l'adénosine, des vitamines, des minéraux et bien d'autres éléments. À mon avis, il est totalement ridicule d'essayer de caractériser ce végétal à partir d'un seul élément.

• 1605

En outre, il est tout aussi ridicule de considérer qu'en étudiant chaque composante chimique de cette plante, on va pouvoir en déduire autre chose que la simple présence du produit chimique en question. Une plante est la somme de ses composantes, et peut- être plus. Comme vous l'avez entendu, on constate une synergie entre et parmi les composantes de la plante. En outre, lorsqu'on la consomme, notre organisme ne se contente pas de trouver un élément particulier et d'évacuer le reste.

La recherche de pointe constate en permanence que l'utilisation des plantes médicinales par l'organisme est très complexe et qu'elle n'est pas encore parfaitement bien comprise. Je sais que le PPT a comparu devant vous et vous a dit qu'il avait les experts, les chimistes, les pharmaciens et les toxicologues nécessaires pour bien évaluer les plantes médicinales et leur utilisation. Je suis ici pour vous dire que cela n'est pas nécessairement exact. Le PPT peut vous dire ce qu'est une composante, mais il n'a pas dans son personnel d'experts en botanique et en plantes médicinales.

La valériane est une plante bien connue, qui a fait l'objet de nombreuses études. Au cours des dix dernières années, les scientifiques lui ont attribué cinq principes actifs différents. Cela n'a aucun sens. Aujourd'hui, ils disent: «voici le principe actif de cette plante», et ils affirment qu'ils ont changé d'avis il y a quelques années. Dans ce domaine, on n'en sait pas autant qu'on le pense.

J'aimerais vous montrer quelque chose que vous connaissez bien. C'est du céleri. C'est sans danger, à moins que vous ne soyez allergique et que vous mettiez du beurre d'arachides dessus. On trouve 438 éléments dans ce céleri, notamment du formaldéhyde, du mercure, de la nicotine et du soufre. Vous viendrez-t-il à l'idée d'interdire le céleri parce qu'il contient ces produits chimiques? Bien sûr que non. Mais c'est ce que propose le PPT pour les plantes médicinales. Si je sèche ce légume, que j'en fais des capsules et que je vous le vends en tant que fibres en disant que c'est bon pour la santé, mon produit va être qualifié de nouveau médicament. Il va tomber immédiatement dans ce que l'industrie appelle le trou noir, et on n'en entendra jamais plus parler.

Mesdames et messieurs, je fais quelques recommandations dans mon mémoire. Avant de vous en parler, je voudrais vous dire que lorsque j'ai entendu parler de la formation de comité et du thème de ces travaux, qui recoupe essentiellement celui du groupe consultatif, je me suis dit tout d'abord que tout cela allait être politique et n'aboutirait à rien. J'ai suivi vos travaux sur Internet et j'ai lu les procès-verbaux. Je tire mon chapeau à chacun d'entre vous, vous avez fait un travail extraordinaire. Vous vous êtes mis très rapidement au courant sur une question extrêmement complexe. Je vous félicite tous. Même chose pour vos collaborateurs, qui vous appuient et vous informent, car vous ne pouvez faire les recherches vous-même.

Mes deux premières recommandations sont tout à fait essentielles. Je recommande au Comité permanent de la santé de rédiger soigneusement une sorte de document conceptuel qui indiquera ses constatations, ses pensées et ses recommandations sur la réglementation des produits de santé naturels au Canada. Et surtout, je vous recommande très fortement d'appuyer vos déclarations sur quelques énoncés de principe très clairs et très précis. Si tel n'est pas le cas, je sais, pour avoir fréquenté les fonctionnaires, qu'il peut y avoir une grande différence entre le projet initial et ce qui sort à l'autre bout sous forme de règlement. Encore une fois, j'insiste pour que vous présentiez un énoncé de principe à l'appui de votre recommandation générale.

• 1610

L'autre question sur laquelle j'aimerais insister concerne la structure de l'organisme de réglementation des produits de santé naturels. À mon avis, il serait préférable de constituer un organisme indépendant de la direction générale des aliments et de la direction générale des produits thérapeutiques. Je sais que ce ne n'est pas la première fois qu'on vous fait cette proposition. Si on a proposé un nouveau bureau relevant du programme des produits thérapeutiques, c'est uniquement pour des considérations pratiques et par souci d'économiser du temps et de l'argent dans le cadre du scénario actuel.

Je voudrais aussi attirer votre attention sur la récupération des coûts, même si je ne suis pas certain que cela relève de votre mandat. Dans la structure actuelle du PPT, 75 p. 100 du budget de fonctionnement de M. Michols' provient de la récupération des coûts. C'est presque comme si on lui donnait un chèque en blanc. J'estime que la récupération des coûts ne devrait pas dépasser 50 p. 100, de façon que lorsqu'un organisme qui dépend de la récupération des coûts veut augmenter ses recettes, il doit s'adresser de nouveau au Trésor, c'est-à-dire, en fait, aux parlementaires. Si vous n'êtes pas là pour nous défendre, nous sommes perdus.

M. Michols vous a dit que son budget avait diminué de moitié. Ce qu'il ne vous a pas dit, c'est que 75 p. 100 de son financement actuel provient de la récupération des coûts. Cela veut dire que s'il a subi des compressions budgétaires de 50 p. 100 alors qu'il obtient 75 p. 100 de son budget par la récupération des coûts, depuis l'entrée en vigueur des compressions, il a augmenté ses rentrées de caisse de 25 p. 100. Je vous demande d'y prêter attention, car si rien n'est fait, il risque d'y avoir des problèmes.

Je voudrais aussi vous dire que lorsque vous rédigerez votre rapport, veillez à ce qu'on ne nous impose pas de régime aussi abominable que le nouveau régime des médicaments. Ce trou noir est une véritable abomination.

Le thème suivant, dont vous avez sans doute déjà entendu parler, c'est que si les nouveaux règlements sont bien conçus, il sera inutile de prévoir une exclusion concernant l'importation pour consommation personnelle. J'aimerais qu'on me dise pour quel motif logique et rationnel on aurait un ensemble de règlements pour les entreprises canadiennes et des règlements différents, ou pas de règlement du tout, pour toutes les autres.

Votre comité a aujourd'hui une occasion exceptionnelle. Le Canada pourrait, dans proche avenir, se porter à l'avant-garde de tous les pays en intégrant la médecine allopathique ou traditionnelle et la médecine complémentaire. Au Canada—et je peux dire que j'ai voyagé et travaillé dans le monde entier—nous avons l'un des meilleurs systèmes de soins pour malades au monde, sinon le meilleur du monde, mais mesdames et messieurs, nous n'avons pas de système de santé.

J'espère que vous nous permettez de dire que nous avons l'un des meilleurs systèmes de soins pour malades au monde et qu'en plus, nous avons l'un des meilleurs systèmes de soins au monde. Merci, mesdames et messieurs.

La présidente: Merci beaucoup, M. Anderson.

M. Biggs, de Optimum Health Choices, voulez-vous commencer?

M. John Biggs: Merci. Bonjour à tous, je m'appelle John Biggs. J'ai une licence en science de l'alimentation et de la nutrition de l'Université de l'Alberta et depuis plus de 12 ans, je conseille mes clients en matière de régime et de suppléments alimentaires. Je suis propriétaire de deux magasins de vente au détail de vitamines, qui ont pour principale mission de donner une information exacte et je suis un fervent consommateur de produits de santé naturels.

Je rentre d'Anaheim, où j'ai assisté à une exposition de produit naturelle. En tant que spécialiste de ce domaine, je ne pourrais jamais vous dire à quel point il est exaspérant de voir une quantité de produits dont on pourrait se servir pour aider les Canadiens, mais qui ne sont pas disponibles ici parce que ceux qui font les règles connaissent trop mal les produits naturels pour connaître leur énorme ratio avantages-risques, c'est-à-dire pour connaître les énormes avantages qu'ils présentent par rapport aux risques infimes que comporte la quasi-totalité de ces produits. Quant aux quelques produits qui présentent un risque, les autorités de réglementation pourraient s'en occuper rapidement si elles pouvaient compter sur des experts en santé naturelle plutôt que sur des bureaucrates.

• 1615

En tant que détaillant et spécialiste, j'ai vu d'innombrables produits qui donnaient des résultats extraordinaires mais qu'on a écartés en exigeant une reformulation pour les rendre conforme aux normes de sécurité canadiennes. Lorsque ces produits reviennent sur le marché, ils sont loin d'être aussi efficaces que le produit original. Au lieu de protéger la santé, on l'empêche.

Oui, on a peut-être amélioré la sécurité des produits de cette façon détournée, mais on peut aussi assurer la sécurité d'un enfant en l'enfermant dans sa chambre en permanence. Dans les deux cas, on n'a plus à perdre qu'à gagner.

Je me demande pourquoi la quasi-totalité des produits de santé interdits au Canada sont suffisamment sûrs pour que tous les Canadiens puissent se les procurer en doses de trois mois aussi longtemps qu'ils le souhaitent, alors que ces produits ne sont pas suffisamment sûrs pour être vendus ici. Ne serait-ce pas une question de commerce plutôt que de sécurité?

En outre, des millions d'Américains de Canadiens peuvent utiliser la vaste majorité de ces produits grâce à l'importation depuis plus de 20 ans. Pendant combien de temps faut-il que des millions d'utilisateurs se servent d'un produit sans incidents avant que son innocuité ne fasse plus de doutes?

Vous avez dû entendre parler souvent du préjugé criant dont la DPS fait preuve à l'égard des produits de santé naturels. Que cela soit vrai ou pas, ce n'est pas particulièrement surprenant si on considère que beaucoup d'employés de la DPS ont une formation pharmaceutique et considèrent que dans le secteur de la santé naturelle, tout le monde est incompétent. Toutefois, cela devient un problème majeur quand on considère que la DPS n'est pas seulement un organisme d'application de la loi, mais également un organisme chargé d'élaborer la politique. On n'a pas besoin de chercher trop loin pour voir que des intérêts particuliers pourraient exercer une influence considérable sur la formulation de la politique.

Ces deux aspects de la protection de la santé, l'application de la loi et l'élaboration de la politique, doivent absolument être séparés. Nous considérons que le préjugé de la DPS contre les produits naturels est un problème qu'il faut régler car chaque fois qu'on limite la distribution de produits naturels sans de bonnes raisons, c'est le consommateur canadien qui en pâtit. C'est donc un argument en faveur d'un organisme indépendant pour les produits naturels.

Soit dit en passant, j'aimerais m'assurer que vous êtes au courant d'une décision juridique rendue récemment contre la DPS dans une affaire civile qui opposait M. David Bader à la direction de la protection de la santé. Cette affaire s'est conclue avec un jugement de 80 pages dans lequel le juge—je reprends les mots de M. Bader—a semoncé la DPH et parlé d'ingérence politique dans les paliers supérieurs du gouvernement.

Je précise que ce n'est pas une information directe, et je ne saurais me porter garant de son exactitude. Si je le mentionne, c'est que cela pourrait être tout à fait en rapport avec vos délibérations.

Également, si vous n'avez pas eu l'occasion de regarder le programme The Fifth Estate consacré à la DPS et à la nifédipine, vous devriez peut-être le faire.

Je suis certain qu'on a prouvé aux membres du comité que beaucoup de produits naturels ont le potentiel nécessaire pour devenir des outils de santé utiles, et que beaucoup de compagnies qui fabriquent ces produits, au Canada et aux États-Unis observent des normes de qualité très sévères.

Je peux vous assurer que c'est le cas. J'ai utilisé moi-même plusieurs excellents laboratoires, mais il existe un problème majeur au niveau de la vente de détail. Les clients qui connaissent mal les produits et les compagnies se demandent comment savoir quels produits sont purs et efficaces et quels produits ne le sont pas? C'est une question que mes clients me posent continuellement.

On pourrait peut-être envisager de créer un bureau fédéral d'examen des produits naturels qui regrouperait des experts dans les divers domaines de la santé naturelle et de la fabrication de produits naturels. Ce groupe pourrait visiter les laboratoires où sont embouteillés plantes et suppléments. Ils pourraient non seulement examiner les normes observées par la compagnie, mais également les informations qui figurent sur les étiquettes. Ce bureau pourrait ensuite accorder ou refuser à la compagnie le droit d'apposer sur ces étiquettes un sceau d'approbation. Les clients pourraient alors prendre leur décision sur la base de ce sceau.

Cela aurait pour effet de donner une partie de la responsabilité aux consommateurs, une chose que ceux-ci réclament activement. Les gens qui ne sont pas certains d'un produit pourraient rechercher ce sceau, exactement on recherche le sceau de l'Association canadienne de normalisation, la CSA, lorsqu'on achète un casque de protection approuvé.

• 1620

Plusieurs compagnies sérieuses se porteraient volontaires immédiatement pour subir cet examen, et cela leur donnerait un avantage commercial. D'autres compagnies suivraient très vite pour profiter du même avantage. On pourrait également envisager un réexamen périodique.

En ce qui concerne l'étiquetage, c'est le principal outil de réglementation pour s'assurer que les produits sont utilisés d'une façon sécuritaire et qu'ils sont efficaces. Il semble terriblement logique d'apposer sur l'étiquette d'un produit naturel les indications, la posologie et les instructions d'emploi pour obtenir les meilleurs résultats. Il ne suffit pas de dire pour chaque produit: «Prenez une capsule par jour.»

Malheureusement, cela signifierait que le médicament en question peut provoquer des changements physiologiques, ce qui en ferait un médicament, et ce qui nous ramènerait à notre point de départ et au règlement actuel. «Aux termes des règlements actuels» signifie souvent que le produit, quelles que soient son utilité et son innocuité, ne peut être mis à la disposition du public canadien. Ici, il est extrêmement important de se rendre compte qu'une substance n'est pas forcément dangereuse parce qu'elle agit sur le métabolisme.

Les coupures et la pénurie d'argent devenant de plus en plus fréquentes dans le secteur médical, et les médicaments conventionnels échouant de plus en plus contre les virus et les bactéries, je considère qu'il est non seulement démocratique mais également moralement urgent pour les Canadiens d'avoir le plus d'options possible pour maintenir leur santé et traiter les maladies. Les produits naturels peuvent jouer ce rôle efficacement.

Le domaine de la santé naturelle est florissant et sera de plus en plus florissant, non pas à cause du soutien qu'il a obtenu des gens en place, mais à cause des résultats que les gens ont pu constater.

Quand je parle d'accès à ces produits naturels, je parle non seulement de la disponibilité de ces produits, mais également de l'accès sur le plan monétaire. Votre comité devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher le prix des produits naturels de continuer à augmenter.

C'est exactement l'effet qu'aurait le cadre réglementaire composé par l'AMC. Ce cadre réglementaire tente d'appliquer aux produits de santé naturels un modèle pharmaceutique, ce qui n'est pas vraiment possible. Il envisage également de réglementer lourdement les produits naturels, alors que l'innocuité de ces produits ne justifie en aucune manière des règlements aussi sévères, en particulier si on les compare aux produits pharmaceutiques.

Dans sa proposition no 6, l'AMC propose également une exclusivité de marché pour les nouveaux produits de santé naturels, ce qui est un élément important. Nous devons voir les intérêts pharmaceutiques pour ce qu'ils sont. Ils se sont imposés grâce à la médecine moderne, mais d'un autre côté, on a prouvé qu'il s'agissait d'une entreprise commerciale fondée sur la rentabilité, une entreprise qui cherche à obtenir la plus grande part possible de l'argent consacré au secteur de la santé. N'oubliez pas ce point pendant vos délibérations.

Enfin, j'aimerais signaler qu'il existe beaucoup de données exactes sur les produits de santé naturels, sur virtuellement tout ce que vous pourrez trouver sur les étagères des magasins de produits naturels. Ce qu'il faut maintenant, c'est normaliser ces données. Un bureau d'examen des produits naturels pourrait également constituer un codex des produits naturels, un ouvrage qui devrait être obligatoirement à la disposition des clients dans les magasins. Je sais d'expérience que ce sont souvent les médecins et les pharmaciens qui ont le plus besoin de ce type d'information.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Biggs. J'ai suggéré que vous changiez de nom, je ne sais pas si ce serait bon pour les affaires ou pas.

Nous allons commencer les questions avec M. Vellacott.

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): J'aimerais commencer par demander à Del et à John s'ils sont en faveur de cette troisième catégorie dont vous avez peut-être entendu parler si vous avez suivi nos délibérations? Del, je crois vous avoir entendu dire, et John... est-ce que vous préféreriez un autre système?

M. John Biggs: Si je considère les deux possibilités, je suis convaincu que les produits naturels sont suffisamment sûrs pour ne pas justifier la création d'une troisième catégorie. Toutefois, étant donné tous les facteurs qui sont en cause, il semble que cette troisième catégorie soit la seule solution pratique possible.

D'une part, beaucoup de ces plantes, tout en étant actives, ne sont pas dangereuses. Par conséquent, on ne peut pas les considérer comme des médicaments, ou du moins pas comme des médicaments pharmaceutiques. D'autre part, on n'attaque pas tous les matins au petit déjeuner un grand bol fumant de vitamine C, si bien qu'on ne peut pas les considérer comme des aliments. En effet, on n'utilise pas ces produits pour leur saveur ou parce qu'ils vous nourrissent. Dans ces conditions, la seule solution raisonnable c'est cette troisième catégorie.

• 1625

M. Maurice Vellacott: Del, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Del Anderson: Nous avons étudié très attentivement cet aspect, et ma préférence, et c'est également la préférence d'un grand nombre de membres du groupe, c'est un organisme indépendant.

Ce ne sera peut-être pas possible sur le plan pratique, et à ce moment-là, il faudrait nous contenter d'un bureau distinct relevant de la DPS. Cela dit, comme je n'ai pas vraiment confiance en cet organisme et je préférerais de loin un organisme distinct.

M. John Biggs: Répétons que cet organisme doit être constitué de gens qui connaissent bien les produits naturels, qui ont de l'expérience, pour qu'ils puissent les considérer dans le contexte auquel ils appartiennent.

M. Maurice Vellacott: Je ne comprends pas cette distinction subtile, ou peut-être n'est-elle pas si subtile, Del, entre un organisme et... Quelle serait la différence avec une troisième catégorie?

M. Del Anderson: Apparemment, une troisième catégorie signifierait une autre direction, et notre industrie n'a pas les moyens d'une telle bureaucratie. Par contre, un organisme séparé par un seul palier, un peu comme l'ACIAA, s'il était financé à 50 p. 100 par le Trésor et à 50 p. 100 par un système de recouvrement des coûts, fonctionnerait très bien à condition d'être administré de façon efficace.

M. Maurice Vellacott: Mais est-ce qu'il serait tout de même sous les auspices de la Direction de la protection de la santé?

M. Del Anderson: J'imagine que c'est très probable, bien qu'avec une structure appropriée, cela puisse relever tout aussi bien du ministère de l'Industrie, de la Direction de la protection de la santé ou d'Agriculture Canada.

M. Maurice Vellacott: Très bien, c'est tout pour l'instant.

La présidente: Merci.

Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur Anderson, on me dit que vous êtes importateur de produits naturels. Veuillez pardonner mon ignorance, mais je voudrais savoir comment ça se passe concrètement quand vous faites affaire avec des entreprises à l'extérieur du Canada en vue d'aller chercher de nouveaux produits. Quelles sont les règles que vous devez respecter quand on vous propose un nouveau produit, par exemple la mélatonine qui nous vient des États-Unis? Qu'avez-vous dû faire pour importer ce produit ici et pour vous conformer aux règles de Santé Canada? Est-ce qu'à un moment donné, vous apportez le produit, vous le présentez et on vous dit qu'ici on accepte ou on n'accepte pas le produit?

Comment faites-vous affaire avec les entreprises étrangères en vue de l'importation d'un nouveau produit ici au Canada? Quelles sont les plus grandes difficultés que vous rencontrez?

[Traduction]

M. Del Anderson: Pour répondre à votre première question, c'est un sujet très difficile à cerner. En ce qui concerne l'importation des produits, il m'arrive de faire une commande, et c'est «légal». Par contre, quand le produit arrive à la frontière, soudain les règles ont changé, et il n'est plus légal.

Je pense qu'il faudrait établir des règles pour les produits de santé naturels qui sont vendus au Canada, et si ces règles sont rationnelles, logiques, réalistes, ce qui est loin d'être évident, cela réglera le problème. En effet, quiconque voudra vendre un produit au Canada devra respecter ces règles.

D'autre part, il y a la question de l'étiquetage au Canada. Les règlements américains sur l'étiquetage sont très différents, indépendamment du fait que nous avons deux langues.

• 1630

Je reviens à votre deuxième question, je pense qu'il n'est pas nécessaire de faire une distinction entre un produit canadien, un produit britannique, américain ou japonais. Si nous faisons suffisamment attention, si nous rédigeons des règlements appropriés, cela devient inutile.

Toute usine de production doit respecter certaines normes. Lorsqu'il s'agit de plantes et de produits d'herboristerie, vous avez tous entendu le Dr Denis Awang vous dire qu'un des principaux problèmes c'est de suivre un produit à la trace, c'est de l'identifier à partir du moment où il est cultivé, récolté, transformé, c'est de le suivre jusqu'à ce qu'il soit prêt à être préparé et emballé. Mais ce genre de chose est possible.

La présidente: Merci.

Vous voulez répondre, monsieur Biggs?

M. John Biggs: Oui, j'ai une observation; à ce sujet, je le répète, le plus important, c'est le moment où le produit est embouteillé, et les règlements qui doivent être suivis. Par exemple, si vous importez un produit de Chine, il faut se demander s'il contient des larves de chenilles, par exemple?

Les Nord-Américains ont à leur disposition une très vaste gamme de produits au Canada et aux États-Unis. Je répète qu'à la foire commerciale à laquelle j'ai assisté, il était évident que tout le monde était très désireux de vendre au Canada. Le problème, c'est que les gens ne voulaient pas se plier à la réglementation, dépenser de l'argent à faire des ronds de jambe pour finalement voir leurs produits refusés.

Je reviens encore une fois à ma suggestion d'un bureau d'examen des produits naturels. Un tel bureau pourrait, sur réception d'une demande provenant de n'importe où en Amérique du Nord, se rendre dans une usine et fournir un sceau d'approbation.

Si vous allez dans une usine et qu'on vous montre les méthodes utilisées pour détecter les bactéries et les impuretés et aussi pour déterminer la puissance du produit, comme cela se fait dans certaines usines que j'ai visitées, et en particulier une aux États-Unis, il est possible d'offrir un sceau d'approbation, et à partir de ce moment-là, c'est le consommateur qui devient responsable de sa décision. Il faudrait d'autre part expliquer clairement dans tous les points de vente que les personnes qui connaissent mal les produits ont tout intérêt à rechercher ce sceau d'approbation.

Enfin, je tiens à dire qu'il importe, à un moment donné, d'envisager de donner un peu plus de responsabilité au consommateur. C'est une question importante sur laquelle il convient de se pencher. Les consommateurs ont exigé le droit de choisir et il importe de respecter leur désir. Je vous remercie.

La présidente: Merci.

Madame Picard, pourrais-je vous redonner la parole au prochain tour?

Mme Pauline Picard: Entendu.

La présidente: Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Puisque vous êtes tous d'accord sur la nécessité de créer une troisième catégorie, je voudrais simplement que vous m'en disiez un peu plus sur la façon dont les choses se passeront, d'après vous. Certaines personnes qui pratiquent, disons, la médecine chinoise traditionnelle, l'ayurvédisme ou l'homéopathie estiment que leurs domaines sont très précis et que la plupart de ceux qui exercent les autres disciplines ne sont pas des experts dans la leur. Ils recommandent une catégorie générale avec des sous-catégories, en chargeant ceux qui connaissent très bien les différents domaines de la réglementation de ces derniers.

À votre avis, le groupe national qui représente les produits naturels serait-il satisfait... si nous les alignions tous, quel serait le quatrième de ces sous-groupes? Ou, d'après vous, avec des gens ayant des compétences diverses qui font partie du groupe de coordination proprement dit, le comité consultatif fonctionnera-t- il bien?

M. Del Anderson: Madame Bennett, il y a neuf mois que nous nous débattons ce point et la question n'est pas encore réglée. Vous avez entendu le témoignage des deux docteurs Wus, Marie et Joseph, ainsi que de Michael et de Will. Notre collaboration est fructueuse, je pense. Nous sommes favorables à l'idée d'un organisme de réglementation générale, mais en dessous, il faut avoir la possibilité et la marge de manoeuvre nécessaire pour consulter les experts si besoin est, qu'il s'agisse de l'ayurvédisme, de la médecine chinoise traditionnelle, ou occidentale, ou autochtone américaine, ou autre.

• 1635

Je sais que les responsables du PPT nous ont déjà dit qu'ils ont ce comité consultatif d'experts, leurs scientifiques. Will et Mary en font partie. Ce comité a suscité bien des déceptions, dans la mesure où il compte parmi ses membres de nombreux experts scientifiques, mais pas nécessairement ceux qui ont l'expérience et la compétence voulues, à notre avis.

Mme Carolyn Bennett: Je comprends. D'après vous, Santé Canada devra-t-il recruter des personnes ayant les compétences voulues qui seront rattachés au ministère et conseillées par ce comité consultatif?

M. Del Anderson: C'est inévitable, à mon avis. Qu'il s'agisse d'un bureau qui relève de Dan ou d'un organisme distinct, nous recommandons fortement que le ministère compte parmi son personnel des personnes chevronnées ayant les compétences voulues.

Mme Carolyn Bennett: Deux brèves questions. Il y a deux autres questions sur lesquelles nous nous penchons en vain: d'une part, l'étiquetage, et je voudrais savoir ce que vous pensez du modèle australien, qui, selon vous, est en vigueur depuis longtemps dans tel ou tel cas. En second lieu, la question de l'importation des produits. À votre avis, est-ce que tous les produits sont sans danger et devraient être en vente libre dans tous les magasins du Canada, ou serait-il possible que certains produits puissent être importés pour la consommation personnelle mais ne soient pas en vente libre dans les magasins canadiens?

M. Del Anderson: Pour répondre à votre première question, j'ai beaucoup de mal à accepter le modèle australien, surtout étant donné ce que nous avons appris depuis six semaines environ. Nous pouvons nous en inspirer comme point de départ, mais il nous faudra examiner de près les répercussions de ce système, qui, à bien des égards, est rétrograde par rapport à ce que pourra faire le comité consultatif.

Quant à l'importation de produits pour la consommation personnelle, j'ai beaucoup de mal à accepter l'idée qu'on puisse autoriser l'importation à des fins personnelles car c'est une question de droits et libertés individuels. En tant qu'homme d'affaires, si je ne peux pas importer et vendre le même produit à la même personne pour la même utilisation, que deviennent mes droits? Comment puis-je appuyer les droits et libertés de certaines personnes, au détriment des autres?

Cela dit, il existe certains produits qui, selon les catégories établies par le comité consultatif, présentent plus de risques et qui, à mon avis, ne devraient être importés que par un praticien. Entendons-nous bien, madame Bennett. Le praticien dont je parle serait un phytothérapeute chevronné, un spécialiste de l'ayurvédisme, un spécialiste de la médecine traditionnelle chinoise ou quelqu'un de ce genre, et non pas nécessairement un chiropracteur, un dentiste, un médecin ou un vétérinaire.

M. John Biggs: Puis-je ajouter quelque chose au sujet de la composition du comité, ou de la troisième catégorie? Pour siéger au comité il faudrait qu'il y ait des experts dans chaque domaine. Il est assez facile de trouver des gens comme le docteur Will LaValley, qui a suffisamment de compétences dans de nombreux domaines pour prendre une décision pertinente mais qui, par ailleurs, est peut-être spécialisé dans un domaine. Il importe également à l'occasion d'obtenir un avis de l'extérieur. Même s'il y a des experts représentant les différents domaines qui siègent au comité, il faudrait que ces derniers en arrivent à un consensus et, à mon avis, c'est certainement possible.

Je ne comprends pas votre question au sujet de l'étiquetage. Pour ce qui est des importations, si un produit provient de Chine, disons, il faut préciser clairement au client que le produit qu'il achète n'a pas fait l'objet d'un examen.

• 1640

Vous faites un signe de la tête, Del.

M. Del Anderson: C'est ce qui se passe à l'heure actuelle.

Revenons-en à ce qui s'est dit plus tôt au sujet du ministre de la Santé. J'ai reçu une lettre parce que j'avais posé une question à ce sujet il y a environ cinq ans. Le ministre de la Santé m'a répondu en disant que les gens qui importent des produits pour leur consommation personnelle le font à leurs propres risques. Or, étant un peu stupide, je n'ai pas compris cela et j'ai réécrit en demandant au ministre de m'expliquer ce que cela voulait dire. Qu'entend-on par «à vos propres risques»? Est-ce à dire qu'il faudra payer sa facture d'hospitalisation ou de soins médicaux, le cas échéant? Qu'est-ce que cela veut dire exactement? Cinq ans plus tard, j'attends toujours la réponse.

M. John Biggs: Je voulais parler de produits qui sont vendus au Canada mais pour lesquels il faudrait préciser au consommateur qu'ils n'ont fait l'objet d'aucun examen ni d'aucune homologation.

Mme Carolyn Bennett: Je vous promets de ne pas m'emporter au sujet de la question du modèle médical. Je promets de bien me tenir aujourd'hui.

D'après les témoignages que nous avons reçus, j'ai l'impression que certains groupes souhaitent qu'on prévoie une protection pour que certains produits ne soient disponibles qu'après consultation directe d'un praticien. D'après vous, est-il acceptable d'avoir un système équivalant à celui des produits en vente libre et d'autres produits qui ne pourront être consommés qu'après consultation du praticien compétent?

M. Del Anderson: Oui. Dans notre rapport provisoire, nous avons dit que nous examinions trois catégories. Les produits dont vous parlez tombent dans la catégorie à risques élevés, ce qui représente à l'heure actuelle environ 7 ou 8 p. 100 au plus de l'ensemble des produits de santé naturels. Les autres présentent beaucoup moins de risques.

J'appuie cette position car je ne suis pas botaniste et qu'il y a de nombreuses plantes que je refuserais de donner à une personne car je n'en connais pas assez les effets, souhaitables ou non.

Cela dit, reprenons l'exemple de l'aspirine, si l'on parle de risque. L'aspirine est sans doute considérée comme un produit pharmaceutique à faible risque. On en trouve partout dans tous les magasins du Canada. Pourtant, la majorité des produits naturels—de 90 à 95 p. 100 d'entre eux—sont encore moins dangereux pour la consommation que l'aspirine.

La présidente: Très bien. Merci beaucoup.

Je vais donner la parole à Lynn Myers suivie de Mme Picard pour un deuxième tour.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

J'ai une question qui s'adresse à vous deux. Vous avez cité l'exemple de l'Australie. Connaissez-vous un ou des pays vers lesquels notre comité pourrait se tourner pour y trouver conseil et expertise? J'aimerais que vous répondiez sur-le-champ à cette question.

M. Del Anderson: Pour le moment, la meilleure chose à faire serait de prendre une page du livre de la Direction générale de la protection de la santé et de choisir au hasard. L'Angleterre a une sorte de liste de ventes générale, une liste plus restreinte, ainsi qu'une liste à l'intention des praticiens uniquement. L'Allemagne, ainsi que la Communauté européenne, a mis au point un grand nombre de monographies, et ce système présente également certains avantages.

Pour ce qui est de l'Australie, lorsque je dis que je n'aime pas ce modèle, il faut en prendre et en laisser. Il y a certains éléments de ce système que j'approuve, mais dernièrement, ce pays a lancé un programme d'étiquetage qui est extrêmement restrictif.

Pour revenir à ce qui se passe chez nous, je dois signaler d'entrée de jeu que, à mon avis, le problème n'est pas lié à l'innocuité des produits. Tout ce débat qui se déroule actuellement n'a rien à voir avec l'innocuité des produits; c'est en fait une question de gros sous et de contrôle.

Je vous remercie.

La présidente: Monsieur Biggs.

M. John Biggs: Même si tous les éléments n'en sont pas acceptables, je crois que nous avons beaucoup à apprendre du modèle américain. Le fin mot de l'affaire—et c'est ce que je n'ai jamais pu comprendre, et c'est Del qui y a fait allusion—c'est ceci. Même si tous ces produits sont actuellement en vente libre aux États-Unis et sur le marché depuis un certain temps, la question fondamentale reste de savoir où se trouve les personnes qui sont décédées ou sont tombées malades à cause de ces produits. Hormis quelques rares exemples comme l'éphédra, nous n'en avons pas eu d'exemples, et les journalistes aiment à monter en épingle le moindre petit incident à ce sujet.

• 1645

En fin de compte, il faut adopter une approche axée sur le résultat final: si après des années de consommation, les produits ne sont pas considérés comme toxiques, du moins lorsqu'ils sont utilisés avec un peu de bon sens, comment peut-on justifier des mesures visant à en limiter la consommation? S'agissant des produits, on peut parler de certains produits naturels assimilés aux hormones et qui présentent des risques élevés, et je crois que ces derniers ne devraient être consommés ou dispensés que par des gens bien informés qui ont les moyens, si l'on parle de la DHEA, de faire faire des analyses de sang aux patients avant de leur en conseiller l'utilisation.

Dans une troisième catégorie, il serait sans doute souhaitable de prévoir une sorte de procédure d'octroi de licence pour les naturopathes.

M. Lynn Myers: En ce qui a trait aux exigences en matière d'étiquetage, pourriez-vous tous deux nous dire ce que le comité devrait envisager de recommander pour protéger les Canadiens grâce à l'étiquetage. Ou nous préconisez-vous de ne rien faire?

M. John Biggs: Certainement pas. Allez-y, Del.

M. Del Anderson: Le comité consultatif s'est beaucoup penché sur cette question et vous recevrez d'ici une quinzaine notre rapport définitif et notre mémoire final.

Nous croyons fortement en l'étiquetage, mais cela va de pair avec la réglementation. Dans l'état actuel des choses, si vous étiez une femme et que vous veniez me trouver pour acheter de l'hydraste du Canada, je devrais vous demander si vous êtes enceinte ou pensez le devenir, car ce produit est fortement déconseillé dans ce cas-là. Il serait criminel d'après moi que la loi stipule qu'il nous est impossible d'indiquer sur l'étiquette: «non recommandé aux femmes enceintes ou qui allaitent». Si nous étions aux États-Unis et que les gens tombent malades à cause de ce produit, ils poursuivraient le gouvernement en demandant des millions de dollars en dommages-intérêts. Je ne comprends pas comment notre gouvernement peut rester là sans rien faire à prétendre que l'on ne peut pas indiquer de propriétés sur l'étiquette, autrement dit qu'on ne peut pas préciser les contre-indications ou faire des mises en garde.

Toute la question de l'étiquetage est donc extrêmement importante, à mes yeux.

M. John Biggs: Je vais partir du principe, comme je l'ai fait dans mon exposé du début, que les membres du comité ont fait la preuve qu'un certain nombre ou un grand nombre de produits naturels sont tout à fait valables et utiles pour soigner les gens ou leur permettre de rester en bonne santé. Cela dit, n'est-il pas parfaitement logique...? Je n'ai jamais pu comprendre pourquoi on ne peut pas indiquer sur le flacon d'une plante donnée, comme cela se fait aux États-Unis, quelles sont ses propriétés, à quoi elle sert, ses indications, ses contre-indications, et une mise en garde pour certaines personnes et certains renseignements utiles quant à la posologie—autrement dit, combien faut-il en prendre pour obtenir de bons résultats.

Comme je l'ai dit dans mon exposé, l'étiquetage est le principal instrument pour garantir la consommation sûre d'un produit. Cela m'enrage qu'on ne puisse pas l'utiliser à cette fin. Certains produits américains portent justement des étiquettes qui renferment des renseignements détaillés.

La présidente: Pouvons-nous...

M. Lynn Myers: J'ai une brève question à poser à M. Anderson. En réponse à une question précédente vous avez parlé des produits à risques élevés, et j'aimerais savoir comment on les définit, qui en décide ou qui, selon vous, devrait en décider. Puis, à titre de mise en garde, nous avons entendu dernièrement des témoins nous dire que tous les produits devraient faire l'objet de tests de laboratoire, et je suis sûr que vous n'êtes pas d'accord sur ce point, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

• 1650

M. Del Anderson: Pour répondre à la première question, l'une des principales recommandations du rapport du comité consultatif est de disposer sur place d'experts, ayant les connaissances et l'expérience requise. Des gens comme Mary Wu, Will LaValley, Mike Vertolli, Chanchal Cabrera et bien d'autres d'un bout à l'autre du pays, sont en mesure de déterminer les produits à risques élevés. Je fais confiance à des gens comme eux pour prendre ces décisions, et je n'ai rien à y redire.

Quant aux essais de laboratoire, à l'heure actuelle tout est axé sur le modèle des produits pharmaceutiques.

Mon entreprise n'est pas énorme. J'occupe un peu moins de 1 000 pieds carrés. Lorsque les inspecteurs sont venus pour m'octroyer mon permis d'établissement, cela nous a pris deux heures et demie. Parmi les exigences requises—et je suis propriétaire- exploitant de mon entreprise—il m'a fallu prévoir une procédure écrite pour les nettoyages. Je l'ai fait, mais il m'a paru absurde d'exiger que je précise par écrit comment je passe l'aspirateur sur mes planchers et comment j'ôte la poussière.

Par ailleurs, il est dit qu'il me faut deux portes pour la salle de bain. Cela m'a fait grimper aux rideaux. Je me suis assis devant mon ordinateur et j'ai fabriqué un panneau disant «Deux porte», et je l'ai collé à la porte de la salle de bain en disant: «Voilà, j'ai deux portes à ma salle de bain!»

Je pense qu'on pousse les choses un peu loin lorsqu'on essaye d'appliquer le modèle des produits pharmaceutiques. On ne le fait pas pour les épices. Il existe actuellement de bonnes pratiques de fabrication qui s'appliquent aux épices. Je propose donc d'examiner les BPF visant les épices, d'y ajouter les renseignements nécessaires concernant le capsulage et les tableaux, et ce sera parfait.

M. John Biggs: Puis-je vous demander dans quelle mesure? Lorsqu'elle parle des tests de laboratoire, je suppose qu'elle veut dire que tous les produits doivent être testés pour leur pureté et leur efficacité, autrement dit pour la quantité d'ingrédients actifs.

Là encore, on se heurte au problème pour les plantes, par exemple, dont le résultat final n'est pas nécessairement dû à un seul ingrédient ou un seul ingrédient actif; cela provient dans certains cas de centaines d'ingrédients qui se combinent pour obtenir ce résultat. Comment faire des tests dans ces cas-là?

Je reviens à l'idée de laisser une part de responsabilité au consommateur, et de faire la distinction entre les plantes à l'état brut et celles qui ont été homologuées et qui ont fait l'objet de nombreux tests de laboratoire. Dans bon nombre des grands laboratoires, on procède à des tests pour établir la contamination bactérienne et le pourcentage d'ingrédients actifs.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous demanderons au secrétaire parlementaire, M. Volpe, de conclure notre discussion.

M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Merci beaucoup. Je pensais que vous vouliez donner la parole à Mme Picard pour un deuxième tour.

La présidente: Elle n'a pas de questions.

M. Joseph Volpe: Très bien.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt vos remarques au sujet de l'étiquetage et de la troisième catégorie.

Tout d'abord, pour ce qui est de l'étiquetage, d'autres témoins ont comparu devant le comité et signalé que la seule chose à faire serait peut-être d'identifier rapidement et de désigner les produits selon qu'il s'agit d'un aliment ou non. Avez-vous l'un ou l'autre des objections à l'idée de considérer tous ces produits d'origine végétale comme des aliments, tout simplement?

M. Del Anderson: J'ai une objection fondamentale: tout d'abord, Codex nous surveille; deuxièmement, ce ne sont pas des aliments, monsieur.

M. Joseph Volpe: Il y a un observateur parmi le public. Vous ne pourrez pas le voir sur votre écran, mais je peux vous donner l'assurance qu'il représente l'Agence canadienne d'inspection des aliments, laquelle se penche actuellement sur la définition d'aliments. Le fait que vous soyez le tout premier témoin, à ma connaissance, à avoir déclaré carrément que ces produits ne sont pas des aliments va certainement lui compliquer la vie. Je peux vous dire qu'il a le sourire aux lèvres.

M. Del Anderson: Je regrette de lui compliquer les choses, mais si vous posez la question au comité consultatif, vous verrez que l'une des questions qui a été soulevée, l'un de nos critères, est lié au dosage.

• 1655

Ceci est du céleri. Nous savons tous que c'est du céleri, cela ressemble à du céleri et c'est un aliment. Si on l'écrase et qu'on en fait une pilule, je peux vous dire que même si c'est du céleri sous forme de pilule, ce n'est pas un aliment. Cela devient un produit naturel.

Là encore, je ne suis pas aussi intelligent que bien d'autres personnes et je dois donc essayer de comprendre. À mes yeux, un médicament est très simple. Je sais ce que c'est lorsque vous me le dites. Je sais ce qu'est un produit naturel et aussi ce qu'est un aliment. Quant à le mettre sur le papier et le décrire pour en donner une définition exacte aux fonctionnaires, alors là c'est une autre histoire.

Merci.

M. John Biggs: Vous vous occupez manifestement de définition des aliments à l'heure actuelle et c'est exactement ce que vous nous dites. Toutefois, prenons l'exemple de l'hydraste du Canada cité par Del. Personne ne l'utilise à cause de son goût délicieux car ce produit est extrêmement amer. Personne ne consomme de l'hydraste du Canada pour se remplir l'estomac. Par contre, sa toxicité relative est tellement inférieure à celle de tous les produits pharmaceutiques que je ne vois pas comment on pourrait la mettre dans ce groupe non plus.

Je le répète, je ne pense pas que l'innocuité des produits naturels justifie qu'on les assujettisse à une réglementation plus lourde. Dans un monde idéal, je dirais que personne n'a véritablement de problème à cause de ces produits et qu'il faut donc laisser les choses telles quelles. Toutefois, dans le monde réel, l'établissement d'une troisième catégorie est la seule solution logique.

Là encore, il faut se lancer dans la définition de «aliment». Je parlais de faire la distinction entre les produits à base végétale qui sont normalisés et ceux qui sont à l'état brut. On pourra peut-être continuer de les classer comme des aliments, mais dès qu'ils prennent la forme de capsules, je doute que les gens achètent des capsules de Cayenne pour les ouvrir et les saupoudrer sur leur Chili ou sur un autre plat.

Personnellement, j'aimerais mieux qu'on ne fasse rien, mais c'est impossible et la seule solution logique est donc de créer une troisième catégorie pour que ces produits ne soient pas classés comme des aliments.

M. Joseph Volpe: Certains témoins qui ont comparu se sont exprimés haut et fort en nous disant que nous ne devrions peut-être pas nous en préoccuper. Lorsqu'on ingère quelque chose, à moins de le faire pour modifier l'équilibre chimique de son corps—c'est ma définition d'un médicament—c'est qu'il s'agit d'un aliment. Je vais vous citer un exemple.

M. John Biggs: Pardon—pourriez-vous répéter cela? Quand on ingère quelque chose...?

M. Joseph Volpe: Quand on ingère quelque chose, c'est un aliment, sauf si c'est une substance que vous prenez pour modifier l'équilibre chimique de votre corps, ou pour corriger un déséquilibre.

M. Del Anderson: D'après ce que j'ai lu, monsieur Volpe, vous avez entendu toutes sortes de choses. Il y a des gens qui vous disent que tout est un aliment, et d'autres qui vous disent que tout est un médicament.

La réalité se situe probablement entre ces deux extrêmes. Un aliment, c'est ce que votre grand-mère vous donne à manger. Elle vous dit ce que c'est. Vous savez ce que c'est. Un aliment, on le reconnaît.

Et d'après moi, la plupart des Canadiens savent ce que c'est un médicament. S'ils viennent acheter un flacon de vitamine E, et vous leur dites que la vitamine E c'est un médicament, ils vous regardent comme si vous étiez fou. Ils savent très bien que la vitamine E n'est pas un médicament. C'est un supplément, ou peut- être un produit homéopathique, mais ce n'est pas un médicament.

Malheureusement, je ne vois pas comment je pourrais décrire ces produits pour permettre aux fonctionnaires de créer de bonnes définitions.

M. Joseph Volpe: Je pense bien qu'on est d'accord là-dessus.

Excusez-moi, vouliez-vous ajouter quelque chose?

M. John Biggs: Oui. Je veux revenir au point qu'on a déjà soulevé. Un aliment, c'est quelque chose qu'on mange parce qu'on l'aime. On le mange parce qu'il a bon goût, parce qu'il vous remplit l'estomac, ou parce qu'il vous donne de l'énergie—et dans cette catégorie, nous avons toutes sortes de produits comme le ginseng. Ces catégories sont difficiles à définir.

• 1700

Quand vous prenez une substance pour susciter une réaction métabolique donnée, je pense qu'il est assez clair que vous n'utilisez pas cette substance comme aliment. Par ailleurs, quand cette substance ne comporte presqu'aucun risque, quand sa toxicité est pratiquement nulle, on ne peut pas vraiment l'appeler un médicament non plus.

Elle entrerait donc dans sa troisième catégorie.

La présidente: Merci beaucoup. Nous n'avons plus de questions. Merci énormément d'être venus, surtout avec ce mauvais temps. Vous nous avez beaucoup aidés. Si nous avons besoin d'autres commentaires, notre greffier se mettra en contact avec vous. Nous avons les documents que vous avez apportés avec vous, mais s'il y en a d'autres que vous voulez porter à notre attention, n'hésitez pas à les envoyer au greffier.

Merci beaucoup d'être venus.

M. Del Anderson: Merci.

M. John Biggs: Merci.

La présidente: La séance est levée.