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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 12 mars 1998

• 0909

[Traduction]

La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): La séance est ouverte pour cette 26e réunion du Comité permanent de la santé.

Ce matin, nous accueillons les témoins suivants à titre personnel: M. George Neville, de la Canadian Herb Society, Mme Alison McCutcheon, M. Dennis Awang et...

Il y a un absent dans votre groupe, n'est-ce pas?

Mme Alison McCutcheon (présidente, Canadian Herb Society): Conrad Richter.

La présidente: Va-t-il venir?

Mme Alison McCutcheon: Non.

• 0910

La présidente: Et à titre de représentants des Gatekeepers of Health, nous accueillons Mme Aileen Burford-Mason et Joan Farano.

Nous allons vous entendre dans cet ordre. Nous vous invitons à limiter vos observations à cinq minutes environ, ce qui permettra à tous les députés de vous poser des questions. Veuillez également être brefs dans vos réponses car les députés ont droit à cinq minutes chacun pour les questions et réponses. Si vous prenez trop de temps, ils ne pourront obtenir de réponses à leurs autres questions.

Encore une fois, je vous remercie beaucoup d'être venus. Nous allons commencer avec M. Neville.

M. George A. Neville (témoigne à titre personnel): Merci, madame la présidente. Tout d'abord, je voudrais signaler que je vais improviser ce matin car lorsque j'ai consulté le journal pour savoir où avait lieu la réunion, parce que je voulais entendre mon ami et collègue de longue date, Dennis Awang, et Mme McCutcheon faire leurs exposés ce matin, j'ai constaté que mon nom était en tête de la liste des témoins.

J'ai assisté à d'autres séances du Comité permanent de la santé et je me suis dit qu'il serait sans doute utile que le comité entende quelqu'un comme moi.

J'ai travaillé pendant 31 ans et quatre mois à titre de chercheur scientifique au Bureau de recherche sur les médicaments de la Direction générale de la protection de la santé. J'étais chef de la Section de spectroscopie et je connais bien pratiquement toutes les facettes du travail qui se fait au ministère et qui a un rapport étroit avec les produits naturels.

En fait, les membres du comité devraient savoir que la chimie des produits naturels a fait partie intégrante du travail du Bureau de recherche sur les médicaments depuis le début, c'est-à-dire le début des années 60 au moment où je me suis joint au service. À l'époque, on mettait et on continue de mettre l'accent sur les substances génératrices de toxicomanie, comme la morphine et autres stupéfiants puissants, ainsi que sur les huiles essentielles. Plus tard, nous nous sommes attachés aux herbes, particulièrement aux herbes provenant de la Chine, de l'Asie du Sud-Est, du sous-continent, etc.

Je tiens également à souligner qu'au cours de cette période d'une trentaine d'années, nous disposions d'un bassin d'experts et d'équipement bien intégré. La Section de la chimie analytique disposait d'une vaste capacité synthétique et analytique, le volet analytique comptant les ressources nécessaires pour se livrer à la chromatographie en couche mince, à la chromatographie liquide à haute performance, etc.

Les chercheurs de la Section de la spectroscopie étaient chargés de la caractérisation des substances, y compris de la recherche de nouvelles structures, de l'identification de substances, etc. Bien souvent, il nous fallait travailler à partir de principes fondamentaux étant donné que les substances sur lesquelles nous travaillions ne correspondaient pas aux spectres de référence. Nous devions donc déduire leurs structures. Nous avons à notre actif maintes réalisations à cet égard. Cette fonction est donc très importante.

J'ai le regret de dire aujourd'hui que rien de tout cela n'existe. En fait, on a rogné considérablement cette capacité dès le milieu de février 1997. Vous vous souviendrez sans doute que le Bureau de recherche sur les médicaments devait disparaître le 1er avril 1997 lorsque Dann Michols, le directeur général, nous a appris la nouvelle à l'occasion d'une réunion-surprise le 21 novembre 1996. Personnellement, on m'a avisé le 18 juillet que je devenais excédentaire et que je devais quitter mon poste le 30 juillet.

Grâce à la Loi sur l'accès à l'information, nous avons appris une chose intéressante, soit que le sous-ministre n'a officiellement signé cette décision que le 2 juillet. Dans l'intervalle, la presque totalité des ressources avait déjà été cédée, éparpillée. Les chercheurs avaient été prêtés à d'autres services, notamment le Bureau de la surveillance des médicaments, de l'hygiène du milieu et ailleurs. Les laboratoires avaient essentiellement été réduits à l'inactivité. Bon nombre d'entre eux avaient été vidés et l'équipement dispersé. On a pris les dispositions pour se défaire des produits chimiques dans le respect des règles environnementales, ce qui a été fort coûteux puisqu'ils devaient être enveloppés dans de la vermiculite, etc. Il faut relativement peu de temps—quelques mois—pour se livrer à un tel exercice, mais il faut des années pour reconstituer ce genre de capacité.

• 0915

Je vais maintenant aller rapidement à la dernière partie, qui sera sans doute étoffée par M. Awang. Je tiens à réitérer ce que je disais dans ma lettre au sujet d'un thème dont il n'a pas été question dans les exposés jusqu'ici. En ce qui concerne les herbes, l'identification botanique est des plus importantes.

Le DIN ne signifie pas grand-chose à moins que les substances aient déjà été repérées et confirmées—authentifiées—par des botanistes experts. Cela est particulièrement important avant que les substances en question ne soient assujetties au conditionnement et que leur forme physique, racines, feuilles, etc., ne soient détruites. En effet, une fois la substance écrasée et réduite en poudre ou même en fragments, il est pratiquement impossible, même pour un botaniste des plus compétents, de procéder à l'identification botanique. Et sans cette caractérisation, sans identification botanique, on est complètement à la merci du distributeur et de l'emballage.

Je conclurai en disant que si l'information sur l'étiquette englobait la certification botanique et la liste des composants de la préparation à base d'herbes, le consommateur aurait une garantie qui, à l'heure actuelle, fait entièrement défaut.

Je répondrai maintenant volontiers aux questions.

La présidente: J'ai l'impression que nous vous avons quelque peu bousculé. Je vous ai vu regarder votre montre. Y a-t-il quelque chose que vous voudriez ajouter maintenant au lieu de...

M. George Neville: D'accord. Comme je l'ai dit, j'ai été bousculé ce matin puisque sans préavis... Je voudrais soumettre au comité cette note de service du 2 janvier adressée à la sous-ministre au sujet de la fermeture du Bureau de recherche sur les médicaments, qui explique... Cette note émane d'un administrateur subalterne, le directeur par intérim, M. George Mattock. Elle est signée par Joe Losos, médecin, et le nom de M. Michols y figure, sans sa signature. On peut y lire les termes «I concur», de la main de Michèle Jean, la sous-ministre.

Dans la même veine, à titre de complément à cette lettre et pour vous en expliquer les tenants et les aboutissants, je vous soumets aussi une lettre rédigée le 16 février à l'intention du Ottawa Citizen. Cette lettre n'a pas encore été publiée, mais je la soumets en complément car vous y trouverez toutes les explications nécessaires.

Voici également un article très bien illustré reproduit dans le numéro de décembre 1989 du Chemical Institute of Canada News dans lequel vous trouverez une description des travaux effectués dans la Section des produits naturels et dans la Section de la spectroscopie, respectivement sous la direction de M. Awang et de moi-même. On y trouve une image en couleurs, etc.

La présidente: Veuillez donner toute la documentation possible au greffier qui fera en sorte que tous les membres du comité en reçoivent une copie.

M. George Neville: Merci beaucoup.

La présidente: Le greffier va prendre les dispositions pour que tout le monde en reçoive un exemplaire. Merci beaucoup, monsieur Neville.

Maintenant, nous allons entendre Mme McCutcheon, de la Canadian Herb Society.

Mme Alice McCutcheon: Merci, madame la présidente. Je remercie le comité de nous avoir invités aujourd'hui.

Je représente la Canadian Herb Society, un organisme éducatif à but non lucratif voué à la promotion d'informations exactes au sujet des herbes.

Je m'attacherai surtout aux herbes médicinales, non seulement parce que je représente la Canadian Herb Society, mais aussi parce que j'estime qu'il existe des différences fondamentales entre les produits à base d'herbes et de nombreux autres produits naturels, ainsi que des différences fondamentales entre les herbes médicinales et les médicaments. C'est en raison de ces différences fondamentales que nous devons leur appliquer un cadre réglementaire différent, un cadre qui se différencie de ce qui convient pour les autres types de médicaments ou de produits naturels.

À mon avis, la question la plus importante qu'il convient de se poser dans ce dossier de la réglementation de ces produits est la suivante: quels sont les risques? En tant que scientifique, après avoir lu de nombreux documents de la littérature scientifique sur les risques associés aux herbes médicinales, il m'apparaît clairement que c'est la piètre qualité du produit qui suscite le plus de préoccupations.

• 0920

La deuxième cause de risque ou d'effets négatifs liés à l'usage d'herbes médicinales est la mauvaise utilisation de ces produits par le consommateur. La toxicité inhérente d'une herbe en particulier vient en dernière place parmi les préoccupations.

Par conséquent, si nous voulons élaborer un cadre réglementaire qui soit logique et qui permette la protection et la promotion de la santé des Canadiens, il faudra que la réglementation s'attache surtout à garantir aux consommateurs canadiens des produits de bonne qualité.

Comment s'y prendre? Pour reprendre les propos de M. Neville, ce qui importe le plus dans ce domaine, c'est la certification de l'identité botanique. Tous les cas sérieux d'effets négatifs que nous avons vus sont généralement attribuables à l'inclusion de la mauvaise herbe dans le produit. Autrement dit, ce n'était pas l'herbe que les consommateurs croyaient prendre.

Cela revêt une importance cruciale. À l'heure actuelle, dans ce domaine, les consommateurs canadiens n'ont aucune garantie que les produits qu'ils achètent renferment bel et bien ce qui figure sur l'étiquette. Il n'y a aucune surveillance dans ce secteur, que les produits soient vendus à des fins alimentaires ou médicinales.

La pureté est au coeur du dossier visant à s'assurer que les produits renferment la substance botanique qui convient. Encore une fois, il faut qu'ils soient assujettis à des essais pour s'assurer que ce que l'on offre en vente sur le marché est de bonne qualité. Il serait futile de prendre de tels règlements sans les assortir de mesures pour s'assurer que l'industrie les observe. Pour ce faire, il faut prévoir un système de vérification de la qualité, ainsi qu'un système de surveillance une fois les produits en vente sur le marché. À l'heure actuelle, un tel système n'existe pas. Comme M. Neville l'a dit, la Direction générale de la protection de la santé ne possède plus les ressources voulues.

Au sujet de la mauvaise utilisation des produits par le consommateur, je dois dire que le plus grand risque à cet égard tient à la réglementation canadienne. En effet, la plupart des produits sont vendus à titre d'aliments et par conséquent, l'étiquette de ces produits alimentaires à base d'herbes ne renferme pas les renseignements appropriés, les renseignements dont a besoin le consommateur pour utiliser le produit comme il faut, en toute sécurité.

En outre, face au grand choix de produits sur le marché, le consommateur a énormément de mal à établir des comparaisons puisque l'étiquetage n'est pas standard. Par conséquent, nous recommandons vivement d'uniformiser l'étiquetage de ces produits à la fois pour s'assurer que les consommateurs disposent de renseignements complets et leur permettre de prendre une décision éclairée au sujet de leurs achats.

Enfin, pour ce qui est de la troisième source de risque, la toxicité inhérente d'une poignée d'herbes utilisées à des fins médicinales, la Direction générale de la protection de la santé n'a pas à l'heure actuelle les ressources pour rendre des décisions intelligentes, appuyées sur des données scientifiques, au sujet de la toxicologie des herbes ou encore pour déterminer quelles herbes conviennent pour un usage généralisé et quelles autres devraient être d'usage restreint. Ces genres de décisions doivent être fondées sur des connaissances scientifiques et prises par des experts en pharmacologie, en toxicologie et phytomédecine, c'est-à-dire la médecine basée sur l'usage des herbes médicinales.

Le mauvais usage de ces produits pose la question de l'éducation. Outre la nécessité d'avoir des étiquettes standards, il faut faire énormément d'éducation dans ce domaine, à la fois auprès des consommateurs et des professionnels de la santé. Encore une fois, nous ne sommes pas en mesure d'assumer cette tâche à l'heure actuelle. La plupart des scientifiques ou des professionnels de la santé vous diront qu'il faut absolument faire davantage de recherche dans ce domaine, et je ne peux qu'abonder dans ce sens.

• 0925

En tant que chercheur en phytomédecine, je vous signale qu'il est impossible ici au Canada—et en Amérique du Nord en général—d'obtenir du financement pour mener à bien les recherches nécessaires. Il est évident que dans la lutte pour obtenir les rares dollars consacrés à la recherche, un projet visant à évaluer l'efficacité d'une herbe ne pèse pas lourd contre un projet de recherche sur le cancer, par exemple.

Nous aimerions mener à bien ce type de recherche. Nous ne sommes pas en mesure de le faire sans financement et sans structure. Nous recommandons également de créer un centre d'excellence qui jouerait un rôle de chef de file pour ce qui est de la recherche nécessaire et également que des fonds soient consacrés à cette fin.

Les divers intervenants du secteur n'ont guère d'incitatifs pour assumer cette recherche. Il serait beaucoup plus efficace, et de loin, qu'ils la fassent. Cependant, il faut comprendre que comparativement aux sociétés de produits pharmaceutiques, ils ne jouissent pas de la protection accordée par un brevet. Les sociétés de produits naturels ne seront guère enclines à investir dans la recherche à moins qu'on ne leur accorde des allégements fiscaux beaucoup plus intéressants et qu'on envisage peut-être de leur accorder une certaine protection par brevet pour certaines formulations de produits. Dans ces circonstances, je pense que nous pourrions susciter beaucoup plus d'intérêt pour la recherche dans les milieux concernés.

Enfin, même si à l'issue de ces audiences nous parvenions à présenter les meilleures recommandations de règlements possible, cela ne serait quand même pas suffisant pour protéger et promouvoir la santé des Canadiens à moins que les produits en question soient administrés par des gens qui s'y connaissent et non par des personnes qu'on aura tout simplement assignées arbitrairement à surveiller ces produits en particulier. Je recommande vivement qu'il y ait une direction distincte chargée de s'occuper des médecines douces et non conventionnelles au Canada afin de donner le ton en matière de politique, de recherche et d'éducation.

À Santé Canada, on reconnaît que l'autogestion de la santé et le recours aux médecines douces sont de fortes tendances dans le domaine des soins de santé au Canada, mais nous n'avons pas de politique à l'égard de ces tendances. Nous n'avons pas de chef de file et nous n'avons pas de plans pour les intégrer au régime futur de soins de santé au Canada. Ces mesures sont essentielles. Les Canadiens vont continuer d'utiliser davantage ces produits et d'avoir recours à des thérapies non conventionnelles. Nous devons fournir le leadership nécessaire, ainsi qu'une planification intelligente et une orientation politique pour les rendre aussi sûrs que possible, ainsi que pour promouvoir la santé des Canadiens.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Awang.

M. Dennis V.C. Awang (directeur, Canadian Herb Society): Je remercie le comité de m'avoir invité à comparaître et à exprimer mon opinion sur le sujet. J'ai participé de près à la réglementation des produits naturels à Santé et Bien-être pendant très longtemps. J'ai travaillé à ce ministère pendant 24 ans, et c'est là que j'ai rencontré George Neville. Je n'y suis plus depuis 1991 quand le programme a été annulé et que mon emploi a disparu avec lui. Après deux ans de prolongation de six mois, j'ai finalement quitté le ministère en 1993 pour créer ma propre société d'experts-conseils.

Je souscris aux propos de M. Neville et de Mme McCutcheon. Je souhaite ajouter certains détails et vous parler de mon expérience concernant la réglementation des herbes médicinales et des produits d'origine végétale à la fois pendant que je travaillais à Santé et Bien-être Canada et depuis.

Dans ce domaine, l'organisme de réglementation a fait preuve d'un manque de bon sens assorti à de graves lacunes scientifiques et j'espère pouvoir faire la preuve que ma conviction est fondée à cet égard.

• 0930

Comme l'a dit Mme McCutcheon, certains problèmes sont criants, soit l'absence de vérification de l'identité botanique de ces produits commerciaux, ainsi que l'absence de contrôles quant à l'étiquetage de ces produits. La Loi sur l'étiquetage de ces produits fait l'objet de violations très répandues. J'ai alerté la Direction générale de la protection de la santé. Apparemment, il faut écrire une lettre pour obtenir que l'on agisse. Je suppose que si je leur disais que quelqu'un est en danger de mort en raison de ces produits, une lettre ne serait pas nécessaire, mais à mon avis, la situation est suffisamment grave pour qu'on s'y intéresse sans délai.

J'ai signalé, par exemple, que j'avais remarqué un produit appelé Prostease. On ne le retrouvera pas uniquement dans les magasins d'aliments naturels, mais aussi dans les pharmacies, parfois sous l'étiquette maison des chaînes pharmaceutiques. Premièrement, les appellations ne sont pas censées donner d'indication quant à l'application thérapeutique. Cela constitue indéniablement une infraction. Mais sur l'étiquette de ce produit, on recommande de s'en servir pour le traitement de la prostatite, dont on explique entre parenthèses qu'il s'agit d'une inflammation ou d'une infection de la prostate. Il s'agit là manifestement d'une maladie de l'annexe A et par conséquent, nous sommes en présence d'une infraction à la loi.

J'ai parlé au directeur du marketing de cette société et je lui ai demandé s'il était au courant. Bien sûr, il était au courant. Sa réaction a été de me dire qu'il devait faire comme les autres. C'est intéressant. Autrement dit, il y a d'autres personnes qui violent la loi de sorte que pour demeurer concurrentiel, il doit lui aussi enfreindre la loi, et il n'y a rien qui se fait pour empêcher ça. J'ai entendu des fonctionnaires de la Direction générale de la protection de la santé dire qu'ils n'ont guère d'influence sur la vente au détail.

Ça, c'est le volet commercial. En tant que consommateur, je suis perdu lorsqu'il y a une grande variété de produits et que je dois en choisir un. Je connais la recherche qu'ont effectuée sur certaines plantes en particulier des sociétés surtout européennes, et je choisis en conséquence. Mais pour de nombreuses autres plantes, je n'ai aucune idée. Par conséquent, le consommateur doit s'informer du mieux qu'il peut et ensuite faire le saut.

Il y a quelques années, vous avez peut-être entendu l'histoire du bébé poilu. Cette histoire ne se terminerait pas de la même façon aujourd'hui car personne n'a les connaissances spécialisées nécessaires pour résoudre le problème.

J'ai pris connaissance de cela dans le Journal of the American Medical Association et à la suite de cette lecture, j'ai obtenu des normes authentiques de l'Institut des produits médicaux en Chine, et j'ai résolu tout le mystère. Nous avons eu trois lettres publiées dans le Journal of the American Medical Association.

Voici ce qui s'est passé. Le produit en question—ce n'était pas un lot d'un fabricant canadien—était censé être du ginseng de Sibérie. Or, on a découvert qu'il s'agissait d'une plante chinoise relativement toxique appelée periploca chinois. Il est absolument impossible de confondre le periploca chinois et l'Eleutherococcus senticosis, aussi appelé ginseng de Sibérie. Manifestement, le long de la filière du cultivateur au fabricant, il y a eu fraude ou erreur de bonne foi.

Ce qui est intéressant, c'est que lorsque la Direction générale de la protection de la santé est intervenue et a retracé la source, c'est-à-dire le fournisseur, il a découvert que ce produit était fabriqué pour d'autres entreprises. C'est l'entreprise qui étiquette le produit. A notre grande inquiétude, nous avons appris qu'une entreprise de Montréal avait demandé qu'on lui fabrique du ginseng de Sibérie. Or, il s'agissait du periploca chinois. Étonnamment, ils ont embouteillé cela et inscrit sur l'étiquette qu'il s'agissait de ginseng Panax, soit du ginseng d'Asie. Je ne crois pas que c'était une erreur car sur l'étiquette, on précisait que cette substance provenait de racines de gingembre vieilles de sept ans.

• 0935

Voilà un exemple probant du genre de mésaventure qui peut survenir en l'absence d'une réglementation en bonne et due forme. Lorsque quelqu'un achète un sac d'une matière qui est censée être la feuille d'une plante inoffensive du Brésil et qu'il s'agit de belladonne pure, comme il nous est arrivé d'en recevoir à la Direction générale de la protection de la santé lorsque George Neville et moi-même y travaillions—nous avons ouvert le sac et vu des baies de belladonne, des fleurs, des tiges et des feuilles—on se pose la question: qui est responsable?

A mon avis, il faut absolument établir un régime de certification de l'identité botanique, instituer un programme permanent d'essais des matières les plus importantes, en se fondant sur leur popularité sur le marché, les risques qu'elles comportent pour la santé, etc., autrement dit un programme comme celui que nous avions à la Direction générale de la protection de la santé. Nous avons examiné au moins quatre plans visant tous les produits commerciaux sur le marché avant que l'on ne mette un terme à notre programme.

Enfin, il faut pour cet exercice faire appel à de véritables experts, à des scientifiques, et non à des intervenants du milieu. Il nous faut retenir les services des meilleurs experts possible pour évaluer la justesse des allégations thérapeutiques, ainsi que le risque toxicologique. Je pourrais vous donner de multiples exemples d'erreurs attribuables au manque de réflexion et à l'absence d'intervention scientifique. J'ai certains exemples en main. Peut-être pourrais-je plus tard en mentionner quelques-uns.

Je vous remercie beaucoup.

La présidente: Merci. Nous allons maintenant entendre la représentante de la Gatekeepers of Health, Mme Burford-Mason.

Mme Aileen Burford-Mason (porte-parole, Gatekeepers of Health): Merci beaucoup. Je m'appelle Aileen Burford-Mason. Je suis analyste de recherche indépendante, rédactrice d'articles sur les soins de santé, conférencière et éducatrice. Je m'intéresse tout particulièrement aux fondements biologiques des pratiques médicales complémentaires.

Je représente aujourd'hui Gatekeepers of Health, un groupe de consommateurs récemment créé pour exercer des pressions afin de favoriser la liberté de choix et d'accès concernant des suppléments nutritionnels, remèdes à base de plantes et autres produits naturels fiables, sûrs et offerts à prix abordable, et nous insistons bien sur la notion de prix abordable. Notre nom reflète notre intérêt à faire en sorte que les principes de droit et de liberté permettent à chacun de choisir les moyens qui lui permettront de favoriser et de maintenir un état de santé optimal.

Le groupe est né de la frustration et du malaise qu'ont suscités les mesures draconiennes prises par la Direction générale de la protection de la santé de Santé Canada depuis quelques années pour limiter notre accès aux suppléments nutritionnels et aux produits de santé naturels que nous jugeons essentiels à la réalisation de cet objectif.

Je n'ai pas suffisamment de temps aujourd'hui pour vous donner toutes les preuves que les produits naturels dont nous discutons maintenant sont extrêmement utiles à la santé, mais tout cela est contenu dans notre mémoire écrit. Je serais ravie d'entrer dans les détails de notre mémoire si quelqu'un a le temps de m'en parler plus tard.

Selon un récent sondage de CTV effectué par Angus Reid, de plus en plus de Canadiens utilisent ces produits. Les Canadiens de tous les groupes d'âge... D'ailleurs, chez les personnes âgées de 18 à 34 ans, la consommation de ces produits a augmenté de façon phénoménale ces cinq dernières années, soit de 137 p. 100. D'après ce sondage, les Canadiens utilisent ces produits non pas pour remplacer le traitement médical traditionnel, mais plutôt pour améliorer leur santé et réduire le risque de maladie plus tard. Je pense que c'est une considération importante pour nous tous. Notre groupe vise à promouvoir la bonne santé et la promotion de la santé est un secteur auquel nos gouvernements ont été très lents à s'intéresser. Notre profession médicale sait bien des choses au sujet de la maladie, mais elle en connaît très peu à propos des moyens de maintenir la bonne santé.

À cause des compressions budgétaires et de l'impression qu'ont les Canadiens que la demande dans le régime de soins de santé se tourne maintenant vers la médecine de haute technologie et à cause aussi des changements démographiques, bon nombre de Canadiens craignent maintenant de ne pouvoir obtenir les services de soins de santé dont ils auront besoin plus tard. Ils commencent donc à assumer plus de responsabilités pour leur propre santé et essaient d'éviter les maladies inutiles. Votre comité devrait noter que cela peut être extrêmement avantageux sur le plan économique pour le Canada.

• 0940

Quand le Dr Rob Buckman a présenté son rapport sur la médecine complémentaire au Collège des médecins et chirurgiens de l'Ontario qui s'est penché sur cette question récemment, il a signalé que l'on avait constaté en Angleterre que l'on pouvait réaliser des économies spectaculaires lorsqu'on faisait une promotion active du recours aux médecines douces parce que cela réduisait le nombre de visites chez des spécialistes et à l'hôpital. Une récente étude au Québec s'est penchée sur l'augmentation des coûts du régime de santé et a signalé que cette augmentation était attribuable justement à l'augmentation des visites chez les spécialistes et à l'hôpital. Si nous pouvons réduire le recours à ces services, ce sera très utile sur le plan économique.

Dans notre étude, nous citons une étude australienne qui signale que le simple fait de promouvoir l'utilisation de trois produits vitaminés pouvait économiser 20 milliards de dollars par année aux services de soins de santé. Ces trois préparations étaient les multivitamines et les minéraux pour les femmes enceintes afin de prévenir la naissance de bébés de faible poids, l'acide folique pour les femmes enceintes afin de prévenir les malformations congénitales et la vitamine E pour prévenir les maladies cardiaques. Ce ne sont que trois utilisations pour ces produits.

Le problème d'accès à ces produits au Canada vient de la définition d'une drogue. Je ne veux pas revenir là-dessus parce que je suis certaine que le comité a entendu tout cela à maintes reprises. L'alinéa b) de la définition stipule que tout produit pouvant servir à la restauration, à la correction ou à la modification des fonctions organiques chez l'être humain ou chez les animaux doit être considéré comme une drogue. C'est vraiment un non-sens. À moins de vouloir classifier tout ce que nous mangeons ou buvons, nous ne pouvons pas utiliser une telle définition d'une drogue.

Prenons le cas de l'ail. Des études tout à fait fiables montrent que l'ail bloque l'apparition de tumeurs chez les animaux, empêche la formation de caillots sanguins qui causent des accidents cérébrovasculaires chez les sujets humains et, à tout le moins en laboratoire, est un antibiotique aussi puissant que la pénicilline ou l'érythromycine. Cela veut dire que l'ail commun que tout le monde connaît sans être aucunement adultéré par un fabricant, serait une drogue selon la définition actuelle.

D'après une autre étude, la consommation de sept onces de carottes crues par jour pendant trois semaines réduit les taux de cholestérol de 11 p. 100. Selon la définition actuelle d'une drogue, la carotte serait donc une drogue.

Le bon vieux gingembre ordinaire est plus efficace que les produits pharmaceutiques pour traiter les nausées et les vomissements et c'est maintenant le traitement de choix pour prévenir la nausée et les vomissements chez les femmes enceintes. Au sens de la définition actuelle, le gingembre est donc une drogue.

Il est donc bien évident que nous ne pouvons pas conserver cette définition. Elle doit être modifiée pour exclure le genre de produits naturels dont nous parlons maintenant. La phytochimie a réalisé tellement de progrès depuis quelques années que presque tout ce que nous mangeons est bon pour la santé. On considère maintenant les aliments comme des médicaments. Nous devons donc nous pencher très sérieusement sur ces définitions.

La Direction générale de la protection de la santé continue à appuyer cette définition même si elle est clairement insensée. Cela ne tient pas debout. La DGPS se sert aussi de cette définition pour prétendre que ces produits ne sont pas sûrs.

J'ai écouté M. Awang avec une certaine consternation parce que, si l'on examine les textes médicaux et scientifiques, on voit tout de suite qu'il n'existe vraiment aucune preuve fiable que ces produits représentent un danger pour la santé, même s'ils ne sont pas aussi puissants que certains l'affirment, par rapport aux produits pharmaceutiques ordinaires, non pas simplement aux médicaments sur ordonnance, mais aussi aux produits en vente libre. Le fait est que j'ai demandé à Santé Canada de me fournir des renseignements tirés de la base de données créée par le ministère en 1965 à propos de réactions indésirables à ces produits. J'ai demandé des données sur toute réaction nocive aux remèdes à base d'herbes, mais le ministère n'a aucun renseignement là-dessus.

J'ai ensuite demandé des données sur les réactions nocives à deux vitamines dont les effets toxiques, si elles sont consommées en très grande quantité sur une longue période, sont connus depuis longtemps. Soit dit en passant, ce serait une bonne raison pour indiquer une limite supérieure de consommation sur les étiquettes de vitamines et de minéraux. Je veux parler de la vitamine A, qui peut avoir des effets toxiques sur le foie, et de la vitamine B6, qui peut causer une neuropathie sensorielle. Pour pouvoir faire une comparaison, j'ai aussi demandé des données sur l'aspirine pour voir ce qu'il y avait dans la base de données.

• 0945

Voici les données sur la vitamine B6: 34 réactions indésirables, toutes sans gravité et toutes temporaires, qui ont arrêté quand on a cessé de consommer le produit. Voici maintenant les données sur la vitamine A: quatre cas notés. Maintenant, les données sur l'aspirine: près de 1 200 cas d'effets indésirables et 81 décès. Soit dit en passant, il est impossible de se suicider en consommant les produits naturels dont nous discutons aujourd'hui alors qu'il y a eu 51 suicides parmi les décès causés par l'aspirine.

Je ne suis donc pas d'accord avec la notion de danger pour ces produits naturels. D'après les textes médicaux et la base de données alimentée par Santé Canada depuis 1986, il n'y a aucune preuve que ces produits sont dangereux. Certains des décès causés par l'aspirine sont polypharmaceutiques, autrement dit plus d'un médicament étaient en cause. Par ailleurs, bon nombre de ces décès viennent de la consommation d'un seul produit pour une courte période, par exemple l'aspirine utilisée pendant quelques semaines en dose régulière. Dans bien des cas, les victimes étaient relativement jeunes. Nous ne parlons pas simplement de personnes âgées de 87 ans qui sont dans un état de santé fragile. Je serais ravie de montrer ces renseignements à toute personne qui veut les voir.

La présidente: Vous pourrez les remettre au greffier.

Mme Aileen Burford-Mason: Je le ferai certainement.

L'autre chose qui m'inquiète, c'est que la DGPS veut, d'une part, limiter notre accès à ces produits naturels, mais elle accepte volontiers de retirer de la liste des médicaments accessibles uniquement sur ordonnance et de les offrir en vente libre.

Il existe deux groupes dont je voudrais vous parler. D'abord, il y a les antiulcéreux, c'est-à-dire les antagonistes des récepteurs H2, comme Pepcid, Tagamet et Zantac. Si vous examinez les effets secondaires bien documentés de ces produits, qui sont sans doute rares, mais malgré tout possibles, il y a: l'impuissance, la gynécomastie (c'est-à-dire l'augmentation des glandes mammaires chez les hommes, ce qui leur fera certainement plaisir), la confusion mentale, les hallucinations, l'épilepsie grand mal, les chocs anaphylactiques, la jaunisse et le plus grave, des maladies du sang, notamment la thrombocytopénie, la pancytopénie, la leucopénie, l'agranulocytose et l'anémie aplasique. Certains de ces effets secondaires sont irréversibles même si on arrête l'utilisation.

Pourtant, Santé Canada considère que ces produits sont tout à fait appropriés pour l'automédication, que les Canadiens sont suffisamment adultes pour utiliser ces produits convenablement, mais pas suffisamment pour consommer des vitamines et des minéraux qui, d'après la recherche—et les preuves augmentent constamment—, vont nous aider à éviter certaines des maladies que nous considérions auparavant comme la conséquence inévitable du vieillissement.

Les produits de lutte contre le tabagisme, comme la gomme à mâcher contenant de la nicotine et le timbre à la nicotine, peuvent causer une accoutumance. Parmi les effets secondaires connus, citons les irritations de la gorge, les problèmes de santé bucco-dentaires, l'hypertension, les douleurs thoraciques, la tachycardie, les éruptions cutanées, les troubles respiratoires, les convulsions, l'anorexie, la myalgie (qui semble être la maladie du jour, puisque la plupart d'entre nous connaissons quelqu'un qui est gravement atteint de myalgie), la dysménorrhée et la toxicité hépatique.

Si l'un des produits dont vous discutez aujourd'hui avait de tels effets secondaires, il ne serait jamais question de l'offrir en vente libre, peu importe la rareté de ses effets secondaires.

Je pense donc qu'il y a beaucoup de malentendus au sujet de la sécurité de ces produits naturels. Je sais que bon nombre de ces produits ne sont pas aussi puissants que le fabricant le prétend, mais je pense que cela aura certainement des conséquences pour l'industrie si certaines compagnies ne veillent pas à s'assurer que leurs produits sont aussi puissants qu'ils doivent l'être ou que l'annonce l'étiquette. C'est le consommateur qui choisira et qui verra quels produits sont dans cette catégorie.

Je ne vois pas comment on peut réglementer ces produits. Les produits alimentaires eux-mêmes ne sont pas bien étiquetés. Si vous avez une allergie à un produit alimentaire quelconque, vous aurez beaucoup de mal à déterminer ce qu'il y a dans un produit quelconque. Ce secteur est très mal surveillé.

Je ne vois pas comment on pourrait surveiller une troisième catégorie pour les remèdes à base d'herbes et les autres produits naturels. Quelqu'un va-t-il devoir suivre l'herbe à partir du champ jusqu'à l'usine, pendant tout le processus de la préparation? Ce serait très difficile à faire.

Je pense que nous avons besoin d'une Direction générale de la protection de la santé très solide où travaillent des scientifiques compétents qui sont prêts à évaluer le risque total d'un produit et de comparer ces risques à ceux des produits pharmaceutiques.

Nos recommandations sont donc les suivantes...

• 0950

La présidente: Pouvez-vous terminer le plus rapidement possible, s'il vous plaît?

Mme Aileen Burford-Mason: Très bien.

D'abord, nous recommandons qu'on modifie la définition de drogue pour exclure les vitamines, les minéraux, les médicaments à base de plantes, les médicaments homéopathiques et d'autres suppléments nutritionnels naturels sûrs, qui devraient être réglementés à titre d'aliments.

Deuxièmement, nous recommandons que le gouvernement adopte des dispositions législatives musclées pour obliger la DGPS à rendre des comptes au public et, en même temps, de la renforcer et de lui fournir un financement suffisant pour qu'elle puisse avoir de bons laboratoires pour gérer et évaluer la qualité de ces produits.

Troisièmement, et je pense que c'est ce qui tient le plus à coeur à l'organisme Gatekeepers, qui juge que les consommateurs ont été écartés du processus et doivent réagir rétroactivement, on devrait constituer des groupes de consommateurs ayant pour tâche de défendre les intérêts du grand public et de participer aux délibérations à ce sujet. Je ne pense pas que les délibérations seront terminées quand votre comité présentera son rapport final. Je pense que ce ne devrait être qu'un début.

Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup.

Je donne maintenant la parole à Mme Farano.

Mme Joan Farano (membre fondatrice, Gatekeepers of Health): Je ne vais pas prendre la parole aujourd'hui, madame la présidente. Mme Burford-Mason...

La présidente: Très bien. Nous voudrons peut-être vous poser des questions.

Mme Joan Farano: D'accord.

La présidente: Très bien. Je tiens à remercier les membres du groupe.

Monsieur Hill.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): C'était très intéressant d'entendre les deux groupes un après l'autre. Je pense qu'ils ont reflété une bonne partie des témoignages que nous avons entendus jusqu'ici.

D'une part, il y a ceux qui s'occupent de la réglementation scientifique et qui affirment que le gouvernement a un rôle très précis à jouer dans ce domaine et qui présentent de très bons arguments intellectuels pour appuyer leur point de vue. D'autre part, nous avons entendu ceux qui nous disent qu'il faut bien étiqueter les produits et informer le public, mais que c'est le public qui doit prendre la décision finale. Entre les deux extrêmes, on nous a dit que l'industrie pouvait se réglementer elle-même et que la DGPS pouvait peut-être établir les règlements, mais que ce devait malgré tout être l'industrie qui s'occupe de l'autoréglementation.

La question que je voudrais poser à M. Neville et à M. Awang est celle-ci. Proposez-vous pour cette industrie le même genre de règles que celles que doit maintenant suivre l'industrie pharmaceutique? La Direction générale de la protection de la santé fait-elle maintenant des vérifications des éléments contenus dans les produits pharmaceutiques?

M. Dennis Awang: Je pense que Mme McCutcheon a déclaré dans son exposé que son groupe considère que le produit naturel est constitué par l'ensemble de ses éléments actifs. Ce n'est pas aussi simple que cela peut le paraître parce que nous faisons de plus en plus de recherches et que nous en apprenons de plus en plus sur les éléments actifs du produit...

M. Grant Hill: Permettez-moi de vous interrompre. Je voulais savoir si l'industrie des produits pharmaceutiques chimiques est déjà traitée de cette façon par la DGPS. La DGPS peut-elle faire des vérifications, évaluer la puissance d'un médicament, et ainsi de suite?

M. Dennis Awang: Tout à fait. Il s'agit de produits chimiques bien définis et nous connaissons les rapports de réaction et ce genre de choses.

M. Grant Hill: La DGPS fait-elle ces vérifications à l'heure actuelle?

M. Dennis Awang: Je pense que oui. Elle fait des vérifications périodiques des produits pharmaceutiques, mais elle ne l'a pas encore fait pour les produits naturels, sauf pour le relevé effectué pendant que la Section des produits naturels du Bureau de la recherche sur les médicaments existait. Il y a une bonne raison à cela. Ces évaluations sont très complexes et très peu de gens s'y connaissent suffisamment bien pour appliquer les résultats de façon utile.

M. Grant Hill: Madame Burford-Mason, la DGPS fait-elle la même chose pour les produits pharmaceutiques?

Mme Aileen Burford-Mason: On vient de parler de complexité. Si vous parlez de vérifier la présence d'un seul élément actif, je vous signale que les produits, les herbes que nous utilisons, ne représentent aucun danger parce qu'elles contiennent une multitude de substances et non pas un seul élément... Il ne sert à rien d'essayer de déterminer la présence d'éléments particuliers. On peut peut-être uniformiser au niveau d'une entreprise pour le contrôle de la qualité, mais nous ignorons lesquels des milliers d'éléments sont vraiment actifs. Certains éléments pourraient prévenir les effets secondaires de l'ingrédient actif. Nous l'ignorons.

Prenons l'exemple du bêta carotène. La seule étude très mal conçue faite sur le bêta-carotène synthétique devait en principe reproduire l'effet de la consommation d'une grande quantité de fruits et de légumes. Le bêta-carotène n'est probablement que l'un des 600 caroténoïdes, dont n'importe lequel pourrait être actif.

C'est ridicule. Il est impossible de contrôler ce secteur. Il serait insensé de dire qu'on va organiser des mécanismes de vérification pour protéger le public et qu'on pourra garantir qu'un produit contient tel et tel ingrédient actif parce que certains de ces ingrédients actifs n'ont peut-être pas encore été découverts.

• 0955

M. Grant Hill: Donc, selon vous, si l'organisme de réglementation constate qu'il y a un problème, il devrait intervenir, mais s'il n'y a pas de problème, il devrait laisser le public agir à sa guise.

Mme Aileen Burford-Mason: Ce que je veux dire, c'est qu'à moins de pouvoir prouver de façon catégorique que quelque chose est mauvais pour la santé, on devrait laisser les consommateurs décider à quelle compagnie ils vont acheter certains produits. On verra très rapidement si ces produits contiennent un ingrédient actif. On saura s'ils donnent des résultats ou non. On saura s'ils nous font du bien ou non. S'ils ne causent pas de graves problèmes de santé, aussi graves que ceux que cause l'aspirine qui, d'après vous, ne mérite pas d'être réglementée et que n'importe qui peut prendre à sa guise, laissez-nous en paix. Laissez-nous utiliser les produits que nous voulons à la puissance que nous voulons.

Nous n'avons pas besoin d'experts pour nous dire combien nous pouvons consommer d'un produit à moins qu'ils veuillent nous dire que la consommation d'une certaine quantité est extrêmement dangereuse. Pour vous donner un seul exemple, d'après une récente étude aux États-Unis portant sur 80 000 infirmières sur une période de 14 ans, celles qui avaient pris quatre fois la dose quotidienne recommandée par tous les organismes de soins de santé des États-Unis avaient réussi à se protéger contre les maladies cardiaques en consommant deux genres de vitamines, la vitamine B6 et l'acide folique ou la vitamine B12 et l'acide folique. Elles avaient réussi à réduire le risque de maladies cardiaques de 50 p. 100. Celles qui avaient pris la dose quotidienne recommandée n'étaient pas du tout protégées contre les maladies cardiaques.

Même les experts mettent trop de temps à réagir. Les consommateurs jugent donc que, ou bien les experts ne tiennent pas compte des preuves qu'on leur donne, ou bien qu'ils attendent d'avoir accumulé tellement de preuves qu'il sera trop tard pour que nous puissions nous en servir. À moins qu'on puisse prouver grâce à des études scientifiques qu'un produit va vraiment nous faire du tort, je pense que les consommateurs doivent se réglementer eux-mêmes.

La présidente: M. Neville veut répondre.

M. George Neville: Oui, je voudrais revenir à la question du Dr Hill. Ma réponse est non, tant pour les remèdes à base d'herbes que pour les produits pharmaceutiques. Pour ce qui est des remèdes à base d'herbes, la Direction générale de la protection de la santé et la Direction des produits pharmaceutiques ont perdu leur capacité d'évaluer les remèdes à base d'herbes lorsqu'on a supprimé la section de M. Awang en juin 1991.

Le seul cas où nous pourrions nous pencher sur un remède à base d'herbes serait une situation extrêmement urgente. Dans de tels cas, par exemple pour identifier la plupart des produits chimiques, le produit serait envoyé à ma section. Nous étions très peu nombreux et nous ne sommes pas du tout en mesure d'effectuer de telles vérifications, certainement pas à l'heure actuelle.

J'ajoute que cette situation existe même dans le cas des médicaments d'ordonnance depuis la fin de février 1997, environ. On ne fait absolument aucune vérification analytique des médicaments d'ordonnance pour les nouveaux médicaments comme on le faisait auparavant pour l'analyse des produits et la recherche d'impuretés dans les médicaments en vrac avant qu'on obtienne le produit final, et ainsi de suite.

On fait encore un peu de surveillance de médicaments dans les cinq laboratoires régionaux, c'est-à-dire à Burnaby, à Winnipeg, à Scarborough, à Longueuil et à Halifax, mais ce sont des vérifications de routine. On vérifie quelque chose qui a déjà été établi. On est cependant incapable de faire de nouvelles recherches, c'est-à-dire de la recherche véritable. On n'a pas—on n'a plus—les experts, les ressources ou la culture de recherche nécessaires.

La présidente: Nous allons maintenant à Mme Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Nous sommes ici pour faire une étude sur les produits naturels et les médecines douces.

• 1000

Nous voudrions également faire un peu la lumière sur ce qui se passe à la DGPS en ce qui concerne l'analyse des produits naturels. On a entendu beaucoup de témoins qui nous ont dit qu'ils manquaient d'experts, qu'ils manquaient de compétences, qu'ils manquaient de connaissances pour l'étude de ces produits naturels. Il est donc très difficile de satisfaire les consommateurs par rapport à l'étiquetage et, comme vous l'avez dit, par rapport à l'identification botanique.

M. Neville et M. Awang nous ont dit qu'il y avait eu des démantèlements de laboratoires. Vous avez perdu votre emploi alors que vous semblez avoir suffisamment de connaissances pour étudier ces produits à base d'herbes et tous ces médicaments. Qu'est-ce qui s'est passé? Quelle est, à votre avis, la raison pour laquelle on a démantelé ces laboratoires et pourquoi ne se fie-t-on actuellement qu'à des experts ou à des inspecteurs qui n'ont aucune connaissance, aucun bagage qui leur permette de savoir si tel produit est nocif ou non?

J'aimerais que vous soyez à l'aise et que vous nous parliez librement pour nous informer de ces raisons. Nous ne sommes pas ici pour juger. Nous sommes ici pour être éclairés sur ce qui se passe à la DGPS.

[Traduction]

M. George Neville: Madame Picard, vous avez soulevé toute une question. C'est un panier de crabes.

La réponse simple a trait aux considérations économiques. Les laboratoires ont été fermés en réalité pour économiser 2 millions de dollars par année. Pourtant, c'est une dépense vraiment insignifiante.

L'autre problème, c'est que les échelons supérieurs de l'administration au ministère sont tellement pourris depuis 10 ou 15 ans qu'ils ne s'intéressent plus qu'au processus administratif et ne comprennent pas le côté scientifique et médical de notre travail.

D'après moi, la situation n'a fait que s'aggraver au point où il n'y a plus de leadership efficace ou de planification à long terme parce que ceux qui font les évaluations et qui prennent les décisions finales arbitraires le font selon les besoins du moment et sans avoir les connaissances nécessaires sur le plan scientifique, médical ou même réglementaire. L'ignorance des règlements et les conséquences de tout cela aux échelons supérieurs du ministère sont vraiment scandaleuses.

Il faudrait vraiment donner un grand coup de balai dans tout cela jusqu'au niveau des directeurs dans tous les domaines, pour les aliments, les drogues et la santé environnementale.

Nous avons maintenant une sous-ministre qui n'a fait montre d'aucun sens du leadership. J'ignore comment elle a pu durer aussi longtemps.

Nous avons un sous-ministre adjoint qui a dénigré le travail d'un chercheur à la Direction générale des aliments qui a découvert la présence de dioxines dans les produits alimentaires, surtout dans les cartons à lait et qui a dit que son travail n'avait aucun mérite. Il a dit que la Direction générale des aliments n'avait pas besoin de faire ces recherches et que l'on pouvait laisser cela aux soins d'organismes comme le CNR. Ce sous-ministre adjoint ne sait même pas que le Conseil national de recherches du Canada ne s'occupe pas de travail réglementaire de ce genre. La seule chose qu'il fait, c'est établir des normes pour la dioxine, tout comme il l'a fait pour diverses autres substances.

• 1005

Il y a donc un problème d'ignorance. C'est difficile à croire à quel point ces gens ont pu obtenir de l'avancement pour leur loyauté au ministère. Le problème ne vient pas des scientifiques. Nous avons d'excellents scientifiques hautement compétents et très intègres. Le problème est du côté de la direction, à partir des directeurs jusqu'aux plus hauts échelons du ministère. L'administration est tellement intégrée et incestueuse que l'on ne peut rien faire.

M. Awang voudra peut-être ajouter quelque chose à ce sujet, mais c'était une excellente question.

M. Dennis Awang: George a parlé des échelons supérieurs de l'administration et je dois dire que la décision a probablement quelque chose à voir avec les considérations économiques, mais je n'arrive vraiment pas à voir comment on peut justifier l'élimination de la Section des produits naturels par des considérations économiques parce que, comme je l'ai déjà signalé, la base de connaissances et la capacité du laboratoire relativement aux produits naturels auraient probablement pu être conservées à 95 p. 100 si le ministère avait gardé mon adjoint chimiste hautement compétent et moi-même, puisque nous nous occupions de la majorité du travail.

Je ne peux vraiment pas expliquer ce qui s'est passé. Je ne crois pas que cette décision ait eu quelque chose à voir avec des considérations économiques parce qu'on a réembauché deux des 12 personnes qui avaient été congédiées, les deux personnes qui étaient au bas de l'échelle, soit quelqu'un qui venait d'être nommé au niveau de chercheur scientifique, et un technicien.

J'ai quelques soupçons à ce sujet et d'autres ont avancé certaines théories, mais c'était beaucoup trop byzantin pour que je puisse comprendre. Quelqu'un devrait peut-être poser la question à mes supérieurs, jusqu'à la sous-ministre et aux directeurs généraux.

L'élimination du laboratoire a été considérée sur le plan international comme une erreur et une grande perte. Le président du comité consultatif, le Dr Frank Chandler, a envoyé une lettre au doyen de toutes les écoles de pharmacie du pays pour protester contre cette décision. Celui qui était à l'époque porte-parole libéral de la santé, Rey Pagtakhan, a rédigé une lettre de protestation contre cette décision prise à l'époque du gouvernement conservateur. Des professeurs de tout le Canada et des États-Unis, des gens très réputés, ont déploré cette perte et dit que ce serait très difficile de recréer un organisme aussi compétent. Nous étions considérés comme le meilleur laboratoire du genre en Amérique du Nord.

C'était vraiment étrange pour moi de voir des représentants de la Protection de la santé assister comme observateurs à des conférences où j'étais invité à parler et, plus tard, d'accueillir quelqu'un de la Section analytique du Bureau de recherche, médicaments, à notre laboratoire à l'Université d'Ottawa, où je dirige de concert avec le Département de biologie de l'Université d'Ottawa un laboratoire phytochimique pour l'analyse des produits naturels. Ces observateurs voulaient savoir comment analyser les produits naturels. Bien sûr, cela n'a pas duré très longtemps parce que tout le bureau a été supprimé par la suite.

J'ignore donc ce qui se passe maintenant ou ce qui s'est passé à l'époque.

La présidente: Merci, monsieur Awang.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci à tous d'être venus.

Comme vous le savez, notre comité a maintenant entendu bien des choses au sujet des problèmes dans ce domaine et nous essayons de voir comment les résoudre. Même les représentants de la DGPS, qui ont témoigné avant l'ajournement, reconnaissent que l'on ne peut pas s'en tenir au statu quo.

Il est intéressant de constater que certains témoins, notamment M. Awang, signalent de graves lacunes du côté de la protection. Pouvez-vous être sûrs que ce que vous achetez est véritablement du ginseng? Que dit l'étiquette? En cas de contestation, le gouvernement est-il en mesure d'intervenir et de trancher? Mme Burford-Mason ajoute qu'on s'est livré à une micro-gestion draconienne, injuste, de sorte qu'on est en présence d'un ensemble qui n'a pas de bon sens, et qu'il nous faut reprendre les choses.

On a interrogé les membres du comité quant au rôle du gouvernement. Le gouvernement peut-il intervenir en veillant tout simplement à l'exécution de la Loi sur les aliments et drogues dans sa forme actuelle, et en excluant des produits qui manifestement, d'après votre interprétation de l'alinéa b), sont en réalité des aliments et non pas des drogues? Y aurait-il une troisième catégorie entre les deux, les produits de santé naturels, auxquels on peut attribuer certaines propriétés thérapeutiques ou un usage traditionnel et qui en font des produits différents du jus d'oranges ou des carottes que l'on achète à l'épicerie? On n'attribue pas de propriétés thérapeutiques à ces produits-là. On sait toutefois que si on en consomme, ils constituent une prévention contre le scorbut ou peuvent aider à mieux voir dans l'obscurité. Il ne s'agit toutefois pas d'attribution thérapeutique. Or, quand des produits sont présentés sous forme de pilules ou de gélules et qu'ils portent une étiquette, le public canadien pense-t-il qu'il appartient au gouvernement d'intervenir de façon différente que s'il s'agissait de boîtes de jus d'oranges?

• 1010

Au coeur de notre débat, il y a toujours cette troisième catégorie et son utilité éventuelle. On peut supposer que l'opinion des experts et la réaction des consommateurs, espérons-le, seront pris en compte quand il s'agira de réglementer cette catégorie. Voilà ma première question.

Deuxièmement, j'aimerais savoir si vous pensez que le gouvernement devrait procéder lui-même aux essais et s'occuper de tout cela? Conviendrait-il que les essais soient impartis à un laboratoire de l'Université d'Ottawa par exemple ou bien pensez-vous que Santé Canada devrait s'en occuper à l'interne?

La présidente: Qui veut répondre à cette question? Avez-vous une préférence?

Mme Carolyn Bennett: Peut-être qu'une personne de chaque côté pourrait répondre.

La présidente: Monsieur Awang.

M. Dennis Awang: J'ai quelque chose à dire à propos de la troisième catégorie. Je pense qu'on peut constituer une troisième catégorie sans pour autant créer une nouvelle structure.

Je dis depuis longtemps—et je pense que les deux groupes consultatifs d'experts constitués précédemment au sein de la Direction des aliments ont même dit la même chose—qu'une nouvelle catégorie de produits à base d'herbes médicinales traditionnelles devrait être constituée.

En fait, la Direction générale de la protection de la santé réglemente en la matière mais à mon avis, elle ne le fait pas de façon très sensée. On exige de fournir deux références traditionnelles quand il y a attribution de propriétés thérapeutiques et deux références quant à la posologie indiquée pour une préparation absorbée sous une forme quelconque. À mon avis, la Direction ne juge pas adéquatement la fiabilité ou la validité scientifique de ces sources, mais elle s'en tient rigidement et aveuglément à ces deux théories: deux références pour la posologie, deux références pour l'application.

Ainsi, on se retrouve dans la situation ridicule où l'on peut acheter une bouteille d'échinacée dont l'étiquette portera un code DIN mais dont les propriétés thérapeutiques se limitent, lors de l'absorption, au soulagement de maux de gorge causés par un rhume. C'est à mon avis parfaitement stupide ou absurde. Pourquoi ne pas tout simplement dire que le produit peut aider à traiter les symptômes du rhume comme a décidé de le faire l'Association des pharmaciens sud-africains en Afrique du Sud. Le produit est décrit comme un remède traditionnel et on dit ici: «Utilisé traditionnellement par les guérisseurs pour traiter les rhumes». Pourquoi ne pas dire les choses ainsi?

C'est pourtant la situation. Je dis depuis longtemps qu'il ne faudrait pas apposer l'identification numérique d'une drogue à ces produits dont la valeur thérapeutique est fondée sur des références scientifiques contestables. J'ai proposé, plutôt que le code DIN, que l'on choisisse un code d'identification des médicaments traditionnels car le consommateur qui achète un produit et voit le code DIN inscrit... C'est la raison qui pousse les fabricants à réclamer une identification numérique de la drogue car le code DIN constitue une garantie qui conforte le consommateur dans sa conviction que la Direction générale de la protection de la santé lui a donné son aval, que l'attribution des propriétés thérapeutiques est bien fondée, qu'il s'agit d'un produit de qualité, qu'il sera efficace. C'est là toute la difficulté de sorte que je propose qu'on se serve d'un numéro différent.

Mme Carolyn Bennett: Ainsi, vous proposez de supprimer la définition contenue à l'alinéa b) de drogue et qu'on n'exige plus de codes DIN pour ces produits? C'est bien cela, n'est-ce pas?

M. Dennis Awang: Je dis qu'il faut donner à ces produits un code propre aux médicaments traditionnels. On devrait pouvoir compter sur quelque chose pour déterminer si les allégations concernant les propriétés thérapeutiques sont raisonnables ou si l'application vaut la peine d'être envisagée.

Mme Aileen Burford-Mason: L'alinéa b) est absurde car tout, y compris le verre d'eau que je viens de boire, peut être réglementé comme étant une drogue. Ce qu'il faut, c'est insérer ceci: «sauf les aliments et les produits alimentaires naturels».

Autrement, on va créer une bureaucratie gigantesque. Je peux acheter du gingembre pour mes besoins culinaires, mais dès qu'il sera sous forme de gélule—sans qu'on l'ait modifié d'aucune manière—il y aura intervention des autorités parce qu'on l'aura mis en bouteille? En fait, la définition de «aliments» constitue déjà une protection. Il est interdit à un fabricant de faire de la publicité trompeuse ou d'apposer une étiquette trompeuse. Il lui est interdit de dénaturer le produit. Ainsi, les consommateurs sont protégés.

Les membres du comité devront déterminer si d'éventuels règlements sont avant tout applicables parce que je ne pense pas que l'on puisse analyser l'effet des ingrédients actifs dont nous ignorons pour l'instant la présence dans les produits à base d'herbes médicinales et pour lesquels on ne peut vraiment pas affirmer quoi que ce soit. Personne ne m'a encore apporté des cadavres. Je ne pense pas qu'il ait été établi que ces produits ont de graves effets nocifs sur la santé.

• 1015

Bien entendu, il faudra que les règlements soient musclés pour interdire toute activité à une compagnie qui aurait adultéré un produit ou fait des affirmations trompeuses à son sujet. C'est ce que je souhaiterais. Les membres du comité doivent réfléchir sérieusement aux conséquences qu'entraînerait l'adoption d'un règlement qu'il serait impossible de faire respecter, les conclusions scientifiques ne permettant pas...

En d'autres termes, on procédera à l'analyse d'un ingrédient actif donné alors que plus tard, grâce à la recherche, on découvrira que le produit contient cinq autres ingrédients actifs, qui agissent tous en combinaison avec l'ingrédient actif original. Ce sera une tâche impossible car trop compliquée.

La présidente: Une brève question.

Mme Carolyn Bennett: Je pense que nous recevons deux messages. Nous devons renforcer le rôle de la Direction générale de la protection de la santé...

Mme Aileen Burford-Mason: Oui.

Mme Carolyn Bennett: ...mais on réclame par ailleurs l'autoréglementation. Je pense que c'est la question que les membres du comité ont du mal à résoudre. Pouvez-vous nous venir en aide?

Mme Aileen Burford-Mason: Que l'acheteur prenne garde. Le consommateur tient toujours compte des mises en garde. Quand nous disons qu'un produit n'est pas bon, les gens se donnent le mot. Il y aura un article par exemple dans la revue Time qui peut compter sur de très bons scientifiques pour faire des analyses. La rumeur court et ainsi la compagnie est forcée de fermer ses portes. Il en est ainsi quand il s'agit d'innocuité.

La présidente: Je vais demander à Mme Farano de répondre maintenant et ensuite à Mme Wasylycia-Leis.

Mme Joan Farano: C'est une profane qui vous parle. Je n'ai pas de formation scientifique de sorte que je me place d'un point de vue purement anecdotique.

La présidente: Soyez brève, s'il vous plaît.

Mme Joan Farano: D'accord.

Depuis environ 12 ans, j'étudie le métabolisme énergétique de sorte que j'ai pu constater que chaque individu constitue une masse d'énergie vibrante qui réagit de façon individuelle. Ce que nous absorbons ne peut pas produire de réaction absolue et clairement définie.

Je tiens à dire qu'au fur et à mesure que nous progressons dans l'étude du métabolisme énergétique, nous constatons que nous devons tenir compte de ce fait dans nos conclusions, ce que Aileen a confirmé du reste. Ce ne sont pas tous les individus qui vont réagir à l'aspirine. Ce n'est pas tout le monde qui va en mourir. L'aspirine peut avoir un effet sur certains d'entre nous.

La présidente: Merci.

Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci beaucoup et merci à nos témoins.

Vous avez tous été très utiles pendant nos délibérations aujourd'hui car malgré des différences évidentes, il y a un élément commun à chacun de vos exposés. Il me semble que vous dites tous que, quel que soit le cadre proposé, il faudrait que le comité recommande à tout le moins d'inclure au sein de la Direction générale de la protection de la santé les compétences scientifiques capables de donner des garanties de qualité, capables d'exercer la surveillance de l'étiquetage et de se livrer à la recherche scientifique voulue quand des produits mis en marché semblent comporter des inconvénients.

Autrefois, à la Direction générale de la protection de la santé, ces compétences existaient mais elles sont en train de s'éroder graduellement. Ainsi, je me demande comment nous pouvons prétendre élaborer un cadre réglementaire alors que le gouvernement semble prendre la direction opposée, comme en témoignent la déréglementation, la privatisation et le souci de recouvrer les coûts que préconise la Direction générale de la protection de la santé, ce qui nous a valu la fermeture du laboratoire de recherche sur les médicaments l'année dernière et, il y a 10 ans environ, les mesures qui ont abouti à la fermeture du laboratoire d'étude des produits de santé naturels.

Voici donc mes questions.

Monsieur Neville, je suis enchantée de vous voir ici car en fait nous avons déjà soulevé cette question du laboratoire de recherche sur les médicaments, et la ministre et ses fonctionnaires ont répondu qu'il s'agissait d'une décision qui ne tirait pas à conséquence. N'est-il pas vrai que le laboratoire de recherche sur les médicaments jouait un rôle très important pour garantir l'innocuité des produits offerts aux Canadiens.

Monsieur Awang, quand nous avons rappelé l'existence passée de la Direction des produits de santé naturels, on nous a répondu qu'il s'agissait d'un service de très peu d'importance qui ne jouait pas un grand rôle. Comment convaincre le gouvernement que ce genre de laboratoire est absolument essentiel, quelle que soit la voie choisie sur le plan de la réglementation des produits de santé naturels?

Mme Burford-Mason, je pense que je peux me rallier à vous pour dire qu'il faudrait exclure de la catégorie des drogues les produits de santé naturels et les remèdes homéopathiques dans la mesure où nous aurions la garantie que la Direction générale de la protection de la santé disposerait—et je pense que vous avez utilisé le mot «solidité»—, de la responsabilité, etc.

Dois-je conclure de vos exposés que le rapport du comité doit contenir au bas mot des recommandations fermes à cet égard?

Je voudrais une réponse de chacun de nos témoins, si possible.

La présidente: Une question à la fois.

Monsieur Neville.

• 1020

M. George Neville: Il est indéniable que les laboratoires de recherche sur les aliments et drogues se sont forgés, au cours des 30 dernières années, mais plus particulièrement au cours de leurs 20 premières années d'existence, une réputation internationale. Ils contribuent grandement à la formulation de règlements internationaux sur les drogues et à l'harmonisation en Europe, en Amérique du Sud et en Amérique du Nord.

Vous me demandez ce que nous devrions faire et il faut reconnaître que cela coûtera de l'argent mais je pense que ce qui est encore plus essentiel, c'est une modification du type de gestion. Il faut réintégrer des scientifiques de renom au coeur même des délibérations et de la gestion.

Malheureusement, au cours des 10 dernières années environ, et encore plus récemment, on a constaté une tendance très nette à confier ce rôle à des gestionnaires d'entreprise. Ils n'ont pas la formation scientifique et les antécédents nécessaires.

Je songe notamment à l'époque où Alec Morrison, par exemple, était directeur général de la Direction des aliments et drogues. Il avait fait sa carrière dans la chimie des aliments et était pharmacologue et toxicologue de formation. On se souviendra que chaque fois qu'il y avait une difficulté, il passait à la télévision. Il était capable de cerner directement les enjeux en se servant d'un discours scientifique et profane, ce qui réussissait à convaincre tout le monde immédiatement qu'il s'occupait de régler le problème. Tout cela était empreint de crédibilité.

Il n'y a pas un seul directeur général aujourd'hui qui pourrait passer devant une caméra de télévision et susciter le même genre de confiance. C'est un talent qu'ils n'ont pas et c'est pour cela qu'ils ne devraient pas occuper ces postes-là. Les nominations politiques se sont propagées aux échelons intermédiaires par exemple.

Je songe également au Dr Ian Henderson, qui était directeur du Service des médicaments prescrits sur ordonnance aux humains. C'était un médecin chevronné qui était formé aux conditions d'exercice de la médecine dans les pays du tiers monde, en Afrique par exemple. Il jouissait d'un grand prestige, mais maintenant nous nous retrouvons avec des gens qui ont une formation scientifique très peu étendue.

La présidente: Monsieur Neville, pouvez-vous laisser M. Awang répondre à l'autre question?

M. George Neville: Certainement.

M. Dennis Awang: On m'a rapporté que des fonctionnaires de la Direction générale de la protection de la santé ont affirmé ici qu'il n'y a jamais eu de laboratoire d'examen des produits naturels et qu'il n'existait qu'une seule personne ayant les compétences nécessaires. Je pense qu'ils songeaient à moi, mais cela est tout à fait injuste pour les gens qui travaillent dans mon service depuis des années et qui se sont taillé une excellente réputation dans le domaine. En fait, ce service a fait des analyses pour quantité d'autres ministères, comme Douanes et Accise, et des laboratoires régionaux.

On a dit que les compétences étaient désormais concentrées dans les laboratoires régionaux. J'aimerais que Mme McCutcheon se prononce là-dessus. Les régions ne disposent tout simplement pas de la compétence nécessaire pour l'analyse des produits naturels. Il se peut qu'on procède à l'analyse des drogues reconnues qui contaminent les produits naturels mais que je sache il n'existe pas d'experts en la matière dans les régions. Les experts sont partis quand le service a cessé d'exister.

Mme Aileen Burford-Mason: Les consommateurs sont assurément protégés grâce à une solide Direction générale de la protection de la santé. Les membres du comité doivent se poser la question: fait-on le jeu des compagnies pharmaceutiques multinationales et internationales quand on leur permet de s'autoréglementer?

Je pense qu'il faut conserver cette Direction car la santé des Canadiens exige que nous maintenions ce genre de compétences.

Voilà pourquoi je préconise une solide Direction générale de la protection de la santé qu'il faut assortir de tous les éléments que les autres témoins ont évoqués, c'est-à-dire une compétence scientifique. C'est là que l'on doit concentrer les vastes et véritables compétences scientifiques qui ne peuvent être que salutaires pour les Canadiens. Ce genre de compétences peut s'exporter et être reconnue mondialement.

La présidente: Merci beaucoup.

Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Une brève question. Beaucoup de questions que je voulais poser l'ont déjà été mais j'adresse ma question à M. Neville et à M. Awang.

• 1025

Mme Burford-Mason a dit de façon très claire qu'elle ne craint absolument pas que l'ail cause des décès. Mais vous dites, et cela a été repris par les autres, que la substance à l'état pur ou parce qu'elle a été adultérée peut avoir des effets nocifs et qu'on avait des données prouvant que ces effets se produisent bel et bien. Mme Bruford-Mason a reconnu que nous sommes en présence d'une quantité de substances qui, en combinaison,...

Quelle a été votre expérience la plus tragique? À quoi peut-on s'attendre si nous ne restaurons pas un régime qui nous permettra un examen minutieux?

M. George Neville: Il y a bien des expériences dramatiques. Il y a environ cinq ans, on procédait à la préparation d'un vaccin, et les vaccins sont testés par lot au Bureau de biologie et de radiopharmacologie. Un nouveau lot est donc arrivé...

Mme Aileen Carroll: Monsieur Neville, s'agissait-il d'un produit naturel?

M. George Neville: Vous parlez exclusivement de produits naturels? Je vois.

Mme Aileen Carroll: Oui, excusez-moi, et non pas les produits chimiques pharmaceutiques...

M. George Neville: Pardonnez-moi d'avoir pris de votre temps. Voulez-vous répondre? J'aurais un autre exemple à donner mais allez-y.

M. Dennis Awang: Je lisais il n'y a pas très longtemps un article publié dans un magazine à l'intention des personnes du troisième âge qui recommandait comme remède pour le traitement des ulcères l'utilisation de la racine de consoude. Voilà l'exemple d'un produit qui exige une surveillance scientifique car dans les années 50, on a rencontré en Jamaïque un syndrome appelé maladie veino-occlusive chez des jeunes gens qui avaient bu du thé fait d'une concoction de plantes contenant des alcaloïdes de type pyrrolizidine. C'est très mystérieux car au moment où la maladie se manifeste, on ne fait pas le rapport entre l'état de santé et l'absorption de ces substances. Ces substances peuvent être nocives quand elles sont présentes à des niveaux très bas.

Grâce au travail effectué dans ma section des produits naturels, nous avons convaincu la Direction générale de la protection de la santé de déclarer substance adultérante, l'échimidine. Pour les Australiens, c'était inquiétant car les abeilles là-bas butinent cette plante l'Echium plantagineum, qui contient de l'échimidine et ils craignaient que leur miel puisse être nocif pour les gens qui le consommaient.

Ainsi, l'échimidine est une substance adultérante et la consoude est interdite par la loi. Toutefois, c'est une mesure tout à fait inefficace car aucune étude n'a été faite pour garantir que la consoude n'est pas offerte sur le marché. Je vous parie que dans n'importe quel magasin d'aliments naturels je peux me procurer des racines de consoude en vrac alors qu'on sait que cette substance a causé des pertes de vie ailleurs—en Nouvelle-Zélande notamment.

Voilà donc une preuve qu'il faut un contrôle scientifique.

Un autre exemple, la germandrée qui a été interdite par les Français et par l'Organisation mondiale de la santé parce qu'elle est très hépatotoxique. Bien sûr, nous connaissons tous le problème de la grande ciguë, de la digoxine et d'autres substances. Les plantes peuvent donc être dangereuses, mais les connaissances que nous en avons nous permettent d'exercer un contrôle.

Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur.

La présidente: Avez-vous terminé? Y a-t-il d'autres questions?

Mme Aileen Burford-Mason: Voilà exactement ce dont il s'agit quand nous présentons des données sur l'aspirine. Bien sûr, l'aspirine est dangereuse. Il s'agit toutefois de mettre les choses en perspective. Si on en abuse, presque toutes les substances sont dangereuses. Je ne sais pas si ce comité peut empêcher que les gens abusent d'une substance. C'est pourquoi il faut un étiquetage adéquat quant à l'utilisation d'un produit, avec des doses limites d'innocuité, s'appuyant sur des recherches scientifiques, et non pas des doses limites inventées.

Nous sommes bien documentés car les scientifiques dénoncent actuellement les doses quotidiennes recommandées pour les vitamines et les minéraux, ces doses n'ayant pas été calculées scientifiquement. Les quantités recommandées sont manifestement inadéquates et elles ont été calculées à partir de diverses hypothèses qui ne sont certainement pas scientifiques.

Ainsi, l'aspirine prête le flanc aux abus et en recommandant aux gens d'en prendre tous les jours ou tous les deux jours, on les retrouvera sans doute dans les statistiques. Qu'on me dise s'il y a eu des morts. Qu'on me les montre. Qu'on me montre les effets nocifs. Santé Canada n'a rien dans sa banque de données sur les effets des produits à base d'herbes médicinales.

La présidente: Merci.

Deux brèves questions. M. Myers et ensuite M. Elley.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Madame la présidente, excusez-moi d'être arrivé en retard. J'étais à la réunion sur la Loi sur les jeunes contrevenants.

• 1030

Je pose ma question tout d'abord à M. Awang et ensuite à Mme Burford-Mason et aux autres. Peut-on trouver ailleurs dans un autre pays un modèle pour nous en inspirer? On me dit que vous avez parlé de l'Afrique du Sud. Y en aurait-il d'autres?

M. Dennis Awang: Les deux pays les plus avancés sont l'Australie et l'Allemagne. L'Australie semble recueillir le plus grand appui en ce moment, mais je pense que l'Allemagne pourrait être très utile si un effort est consenti du côté des références scientifiques. L'Australie et l'Allemagne sont nettement les deux pays les plus importants.

Mme Aileen Burford-Mason: Je voudrais ajouter quelque chose. La situation en Allemagne est assez épouvantable pour les consommateurs.

Mon mari s'en va en Allemagne la semaine prochaine. Il doit rester chez des amis, des dentistes. Il emportera des valises pleines de vitamines et de minéraux et de produits à base d'herbes médicinales, comme le Pyconogénol, que l'on ne trouve plus en Allemagne. En Allemagne, on a confié le contrôle des produits naturels aux compagnies pharmaceutiques. L'échinacée est un produit dont le prix est passé de 20 $ la bouteille à 120 $ la bouteille, ce qui est inabordable pour la plupart des consommateurs. Qu'on ne prenne pas l'Allemagne comme modèle.

Mme Alison McCutcheon: Il faut aussi rappeler cependant que ces produits, même s'ils sont considérés comme des drogues en Allemagne, sont offerts aux consommateurs en vente libre et qu'ils sont couverts par leur régime de soins de santé.

Mme Aileen Burford-Mason: À un prix exorbitant actuellement. Autrefois ce n'était pas le cas. Les Allemands s'en plaignent.

La présidente: Monsieur Elley.

M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Réf.): Merci, madame la présidente.

M. Neville comme M. Awang, à mon avis en tout cas, ont suscité des inquiétudes alarmantes à propos de la Direction générale de la protection de la santé. Voici la question qui s'impose à mon esprit. En tant que comité, nous pouvons faire tout le travail nécessaire ici. Nous pouvons faire des recommandations, qui se concrétiseront ou ne se concrétiseront pas dans des dispositions législatives contraignantes pour la Direction générale de la protection de la santé. Si ce que vous dites est vrai, si les choses se passent ainsi à la Direction de la santé, peut-on s'attendre à ce que cette direction mette en oeuvre certaines des mesures que nous préconiserons sans qu'il y ait des modifications draconiennes—une épuration? Comment faire? Que proposez-vous?

M. George Neville: Je commencerai par répondre à cette dernière question. Je pense qu'il faut se préoccuper de la situation au-delà de la question qui intéresse le comité, car il faut se dire que ce qui est en cause, c'est la protection de la santé et la garantie de santé que nous devons aux Canadiens.

À mon avis, outre les recommandations que le comité doit faire concernant son mandat précis, la meilleure recommandation que pourrait formuler le comité serait que l'on procède à une enquête publique exhaustive de la Direction générale de la protection de la santé et que cela soit mis en regard des modifications apportées à la FDA aux États-Unis et dans d'autres pays. La Direction générale de la protection de la santé est donc aux prises avec bien des problèmes que seule une enquête en bonne et due forme permettra de cerner pour que soient posées les questions qui doivent l'être. L'enjeu est gros.

M. Reed Elley: Faudrait-il qu'auparavant l'on procède aux changements que vous proposez?

M. George Neville: On en revient à la question de la gestion. On doit remonter à ceux qui sont aux postes de commande. Tant qu'on n'aura pas changé l'approche, la configuration... C'est très profond. C'est quelque chose d'endémique. Il y a des incompétents au sommet—c'est ni plus ni moins le cas—des gens qui n'ont pas les bases médicales et scientifiques leur permettant de prendre les décisions qui s'imposent et de soulever les questions nécessaires, peu importe le nombre de scientifiques compétents dans les échelons intermédiaires, cet échelon-là est essentiel. On assiste à un effet de tourniquet qu'il faut desserrer.

M. Reed Elley: C'est un peu comme la charrue avant les boeufs, n'est-ce pas?

M. George Neville: Malheureusement, tout a été détruit dans les deux cas. Actuellement au Canada vous n'avez aucune garantie de protection de santé. On en est arrivé là. On se repose sur ses lauriers.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Neville. C'est une remarque intéressante pour terminer.

Nous vous remercions d'être venus.

Nous allons ajourner quelques minutes.

• 1034




• 1042

La présidente: Nous allons reprendre.

Nous souhaitons la bienvenue à notre deuxième série de témoins que je vais vous présenter. Tout d'abord, pour représenter Shoppers Drug Mart, Martin Belitz, Wendy Brown et Terry Creighton. Pour représenter Gordon Piller Inc., Kim Piller. Pour représenter Hilary's Distribution Inc., Allan Ingles et Jennine Ingles-Rothblott. Des produits Maharishi Ayur-Veda du Canada, Russell Guest et le Dr Wolfson.

D'habitude, je donne la parole à chacun suivant leur ordre d'inscription sur la liste, parce que c'est plus facile pour moi de suivre ainsi, mais quelqu'un a demandé qu'un groupe en particulier parle en premier, ce qui lui permettra d'aller ensuite à une autre réunion. Je vais donc bouleverser un peu l'ordre et demander aux représentants de Hilary's Distribution Inc. de commencer.

Je vous demanderai d'être brefs. Nous ne disposons que d'une heure et demie pour vous entendre tous, de sorte que si chaque groupe s'en tenait à cinq minutes, nous aurions du temps pour les questions. Vous avez pu constater que certains députés n'ont pas eu la possibilité de poser leurs questions tout à l'heure, et c'est pourquoi je vous demande de vous en tenir à cinq minutes par groupe.

Merci.

M. Allan H. Ingles (président, Hilary's Distribution Inc.): Dois-je commencer?

La présidente: Oui.

M. Allan H. Ingles: Madame la présidente, je vous remercie. Je m'appelle Allan Ingles et je suis président de Hilary's Distribution Limited. Je suis diplômé de la Faculté de pharmacie à l'Université de Toronto, diplôme obtenu en 1965, et je suis membre en bonne et due forme de l'Ordre des pharmaciens de l'Ontario depuis la même année.

Je suis également membre de l'Association pharmaceutique canadienne et de l'Ontario Pharmacists' Association. En outre, je travaille dans le secteur de la distribution des produits de santé depuis plus de 30 ans.

Mme Jennine Ingles-Rothblott, diplômée de l'Université de York avec une spécialisation en psychologie, m'accompagne. Mme Ingles-Rothblott est cadre et administratrice de Hilary's Distribution Limited, où elle est chargée de faciliter la recherche médicale sur les humains et du marketing médical.

• 1045

Hilary's Distribution est une entreprise familiale basée à Toronto qui compte environ 90 employés et représentants commerciaux. Notre activité consiste principalement à importer et à distribuer des produits pharmaceutiques et phytopharmaceutiques, c'est-à-dire à base de plantes.

Par exemple, nous distribuons la crème Penaten, préparation dermatologique conventionnelle qui est une des principales marques utilisées au Canada pour soigner les irritations cutanées chez les nourrissons, ainsi que les comprimés de poudre d'ail standardisés Kwai, que fabrique Lichtwer Pharma en Allemagne et qui sont généralement considérés comme le principal supplément médicinal dérivé de l'ail sur le marché, voire dans le monde entier. L'innocuité et l'efficacité de nos comprimés d'ail Kwai ont été démontrés dans plus de 100 essais cliniques soumis à un examen par des pairs et publiés tout dernièrement dans Circulation, la prestigieuse revue de l'American Heart Association. De plus, par nos bonnes pratiques de fabrication et notre attachement à des méthodes de contrôle de qualité reconnues, nous garantissons l'action uniforme de l'ingrédient actif que contient le produit acheté par des consommateurs.

Hilary's Distribution Limited participe également à des recherches cliniques et à des recherches sur les modes d'action. Ainsi, nous commercialisons Kira, principale marque mondiale de millepertuis, et nous étudions actuellement des projets de recherche qui visent à évaluer les effets de cette plante sur différents états dépressifs et sur d'autres troubles de l'humeur. Nous examinons des protocoles de recherche qui ont été proposés par quelques-uns des plus grands établissements psychiatriques de ce pays. La recherche sera financée par Hilary's Distribution Limited et par notre fournisseur allemand, Lichtwer Pharma. Tout comme les chercheurs qui sont tous d'éminents psychiatres, et leurs établissements, nous pensons que le gouvernement fédéral affectera des fonds à cette recherche.

En vue de rester bref, je ne reprendrai pas tout ce que vous pourrez trouver dans le mémoire que nous avons déposé.

Ce que nous allons proposer au comité aujourd'hui n'est ni révolutionnaire ni surprenant, mais différent en ceci que nous insisterons sur l'efficacité. Les membres du comité permanent se rappelleront la première séance d'information que leur ont donnée des fonctionnaires de la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada sur les produits naturels de la santé. Des fonctionnaires vous ont expliqué la mission du bureau qui est la suivante, et je cite:

    Faire en sorte que les médicaments, les appareils médicaux et les autres produits thérapeutiques proposés au Canada soient sûrs, efficaces et de qualité.

Il semble difficile de contester cette mission, et je ne le fais pas. Nous convenons tous, en principe que le gouvernement devrait veiller à ce que les produits de santé naturels offerts au Canada soient sûrs, efficaces et de grande qualité.

D'après notre expérience chez Hilary's Distribution Limited, les Canadiens sont dans l'ensemble bien servis par notre système pour ce qui est de garantir l'innocuité des produits naturels de la santé, et même de tous les produits de type pharmaceutique. Il est possible de faire encore mieux, évidemment, mais il n'est pas nécessaire de réorganiser ni même de refondre le système existant.

Là où les Canadiens ne sont pas bien servis, et là où une révision majeure de notre régime s'impose, c'est dans l'application de la partie de l'énoncé de mission qui se réfère à la garantie de l'efficacité. Il nous faut un système qui garantisse aux Canadiens qu'on leur offre des produits dont l'efficacité a été prouvée, un système qui nous permette de faire connaître l'efficacité des produits en leur attribuant des vertus thérapeutiques.

Le régime canadien est dépassé. Mis en oeuvre à l'origine avec les meilleures intentions qui soient, il empêche aujourd'hui les consommateurs d'obtenir des données essentielles sur les produits et sur les maladies les plus graves et les plus répandues.

L'annexe A de la Loi sur les aliments et drogues empêche les Canadiens d'avoir accès aux renseignements qui peuvent les aider à prendre soin de leur propre santé. Le cancer, les maladies cardio-vasculaires, la dépression, l'angoisse et le diabète représentent la moitié des maladies répertoriées à l'annexe A. Or ce sont celles qui frappent le plus souvent les Canadiens, mais il nous est interdit, si nous commercialisons des produits qui pourraient leur être utiles, de leur fournir des informations vitales à leur sujet, ou même sur les facteurs de risque possibles mais maîtrisables.

Aussi terrible que cela soit, le fait est que certains d'entre nous qui sommes réunis autour de cette table aujourd'hui seront frappés par ces maladies. Je suis convaincu que, comme moi, vous souhaitez disposer de renseignements qui vous aident à réduire la probabilité de souffrir vous-mêmes de ces maladies ou d'en voir vos proches atteints.

Le système qui est le nôtre aujourd'hui, système qui empêche les gens d'obtenir ces renseignements, ne sert pas les intérêts de la population. Il faut supprimer l'annexe A de la Loi sur les aliments et drogues.

En élaborant un nouveau régime qui permette aux consommateurs de pouvoir mieux se renseigner sur les maladies, il est évident que nous devons faire en sorte que les données soient exactes et qu'elles n'induisent pas en erreur. La Loi sur les aliments et drogues nous dit cela, tout comme le bon sens.

Ce qui nous ramène à la partie de l'énoncé de mission de la direction des produits thérapeutiques qui promet de veiller à ce que les médicaments soient efficaces. Les membres du comité ont certainement entendu parler de bien des produits naturels qui ne contiennent pas la quantité d'ingrédients annoncée. Vous avez entendu dire que, parfois, il ne s'agit même pas de la forme efficace de l'ingrédient.

Il n'est manifestement pas dans l'intérêt de la population de laisser cette situation perdurer. Voici ce que je propose au comité. D'abord, abroger l'annexe A de la loi et permettre que l'on attribue des propriétés thérapeutiques aux produits. Ensuite, afin de vérifier ces propriétés que l'on avance, exiger systématiquement des données cliniques, y compris des données raisonnables sur des essais sur l'être humain, qui corroborent la qualité attribuée aux produits.

• 1050

Cette proposition ne surprendra certainement pas les consommateurs, car ils s'attendent à ce que les fabricants puissent prouver ce qu'ils affirment par rapport à leurs produits. Les consommateurs s'attendent à ce que les renseignements qui figurent sur l'étiquette du produit qu'ils rapportent chez eux soient tout à fait corrects. Ils ne s'attendent pas à ce que les renseignements sur une catégorie générale de produits soient vrais, mais ils s'attendent à ce que les données concernant le produit qu'ils vont utiliser le soient.

Vous entendrez des représentants de l'industrie des produits de santé soulever des objections à cause des dépenses qu'il faut engager pour prouver l'efficacité. J'ai du mal à accepter que l'on puisse affirmer qu'il est trop coûteux de prouver qu'un produit a bien les effets annoncés. Hilary's Distribution Ltd. et notre entreprise partenaire en Allemagne, l'un de nos nombreux fournisseurs, sont de petites entreprises prospères. Elle le sont en dépit du coût des essais cliniques réalisés pour appuyer leurs produits. En fait, si elles sont prospères, c'est dans une large mesure grâce aux sommes d'argent investies dans les essais et les études.

Je préconise d'exiger des preuves de l'efficacité des produits qui confirment les propriétés thérapeutiques qu'on leur attribue, mais je comprends que cela ne puisse se faire du jour au lendemain. Cette exigence devrait s'appliquer progressivement sur 10 ans. Entre temps, nous devrions nous en remettre à des monographies et modifier la réglementation de l'étiquetage, tout en définissant les critères d'efficacité raisonnables par catégorie de produits. Cependant, à un moment donné, et nous proposons que cela soit dans dix ans d'ici, toute propriété attribuée à un produit devra être corroborée.

Les produits qui satisfont aux exigences en matière d'innocuité et de qualité et dont l'efficacité n'est pas démontrée pourront continuer d'être distribués, mais sans que figurent sur les étiquettes les qualités cliniques et sans publicité quant à la nature des propriétés cliniques qu'on leur attribue. Les qualités cliniques peuvent être préventives et thérapeutiques. Si nous devons nous en remettre davantage aux monographies, celles-ci devront être meilleures afin que le public puisse obtenir des renseignements précis et utiles.

J'en arrive au dernier point sur lequel Hilary Distribution Ltd. souhaite attirer l'attention du comité. J'espère que le comité recommandera au ministre de la Santé de se prononcer vigoureusement en faveur d'une augmentation des connaissances relatives aux produits naturels de la santé au sein de la Direction générale de la protection de la santé. Celle-ci a besoin de connaissances spécialisées pour mettre à jour des monographies et pour en préparer de nouvelles, pour évaluer les propriétés thérapeutiques que l'on attribue aux produits, pour élaborer une nouvelle politique et pour gérer le changement qui s'amorce.

La solution à ce problème comporte quatre volets. Premièrement, il faut donner à la Direction générale de la protection de la santé les ressources nécessaires pour embaucher des personnes compétentes. Deuxièmement, le personnel en place doit recevoir une formation dans le domaine des produits naturels. Troisièmement, la Direction générale de la protection de la santé doit utiliser davantage les trésors de connaissances spécialisées que recèle le Canada ou qui se trouvent ailleurs dans le monde moderne. Et quatrièmement, il est essentiel de mettre en place une instance d'appel ouvert pratique afin que les spécialistes de l'industrie aient véritablement la possibilité de démontrer l'efficacité des produits, si nécessaire.

En résumé, nous faisons les six recommandations suivantes.

Premièrement, l'annexe A doit être remplacée.

Deuxièmement, le gouvernement doit mettre en place un nouveau cadre pour les remèdes naturels, et pour tous les remèdes, en fait, qui permette d'élargir les vertus thérapeutiques que l'on attribue aux produits.

Troisièmement, nous devrions passer d'ici dix ans à un système obligeant de corroborer par des données cliniques toute propriété thérapeutique attribuée à un produit.

Quatrièmement, Santé Canada devrait entre temps et immédiatement entreprendre de mettre à jour les monographies existantes et d'en préparer de nouvelles, afin que les consommateurs puissent être mieux informés.

Cinquièmement, la Direction générale de la protection de la santé devrait élargir ses connaissances spécialisées relatives aux produits naturels de la santé en embauchant de nouveaux employés, en formant le personnel existant et en utilisant davantage les compétences extérieures.

Enfin, le mécanisme d'appel auquel pourront recourir les fabricants pour que leurs données cliniques corroborant les propriétés attribuées à des produits bénéficient d'un examen équitable et complet devrait être mis en place en collaboration avec l'industrie et on devrait pouvoir y avoir recours dès à présent.

Madame la présidente et mesdames et messieurs du comité, je vous remercie de votre attention. Madame Inglis, et moi-même répondrons volontiers à vos questions.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous accueillons maintenant Terry Creighton de Shoppers Drug Mart.

Mme Terry Creighton (Shoppers Drug Mart): Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs du comité. Je suis vice-présidente aux affaires corporatives de Shoppers Drug Mart, et je suis accompagnée ce matin de Marty Belitz, vice-président des opérations pharmaceutiques et président précédent du Collège ontarien des pharmaciens, et de Wendy Brown, directrice de la commercialisation des produits de santé naturels. Wendy est la spécialiste chez nous de ces produits.

Nous vous avons préparé un document qui vous a été distribué et auquel nous nous reporterons périodiquement.

• 1055

Nous sommes heureux de pouvoir vous expliquer aujourd'hui qu'il est nécessaire d'améliorer la réglementation des produits de santé naturels, sans nécessairement l'élargir. Nous croyons être en mesure de vous faire quelques recommandations claires et simples quant à la meilleure façon de réglementer ces produits, du simple fait que nous sommes parties prenantes dans tous les aspects de cette industrie. Shoppers Drug Mart et Pharmaprix représentent à eux deux l'un des plus grands détaillants au Canada de produits de santé naturels, produits dans lesquels nous incluons notre propre marque Life.

Nos 2 500 pharmaciens d'un océan à l'autre se font poser tous les jours des questions au sujet des produits de santé naturels. Les consommateurs vous ont dit ce dont ils avaient besoin comme renseignements. Nos spécialistes comme Wendy et les pharmaciens de nos magasins font de leur mieux pour donner aux consommateurs de l'information objective et fiable, mais doivent néanmoins le faire dans le cadre très limité des règlements actuels.

Il est évident que les Canadiens choisissent les produits de santé naturels pour leurs qualités médicinales, qu'ils soient considérés par le gouvernement comme des aliments ou comme des médicaments. En fait, ils ne sont pas achetés en tant qu'aliments, et il ne faudrait donc pas les considérer comme tels dans la réglementation. Certains sont considérés comme des médicaments, ce qui impose un processus réglementaire rigide qui est souvent inutile dans bien des cas, étant donné le risque très faible que posent la plupart de ces produits.

Nous sommes d'avis que les produits de santé naturels sont uniques en leur genre, et qu'ils devraient par conséquent être répertoriés dans une troisième classification distincte qui se fonde sur certains principes communs. Les consommateurs devraient être à l'abri de tout effet nocif. Ils devraient également pouvoir obtenir l'information nécessaire pour prendre des décisions éclairées. Les fabricants devraient s'attendre à ce que le gouvernement approuve leurs produits rapidement pour que les consommateurs puissent se les procurer.

Laissez-moi vous illustrer brièvement ce qui se passe aujourd'hui. Imaginez-vous une jeune femme qui a entendu parler de la médecine douce par le bouche à oreille et qui a entendu parler de remèdes miracles par des revues. Elle se cherche quelque chose parce qu'elle a un rhume, et elle songe également à trouver un produit qui aiderait son père, qui souffre d'arthrite. Elle se demande également si elle ne pourrait pas aider sa mère, qui est en ménopause et qui suit une hormonothérapie substitutive. Après tout, puisque ces produits sont naturels, ils devraient être complètement sûrs.

Laissez-moi maintenant poser quelques questions. Qu'apprendra cette femme lorsqu'elle lira les étiquettes qui se trouvent sur les produits vendus dans sa pharmacie locale? L'étiquette lui apprendra-t-elle à quoi servent ces produits de façon générale? Lui fera-t-elle part de certaines mises en garde? Le personnel de la pharmacie sera-t-il suffisamment compétent pour discuter avec elle de chacun des troubles médicaux et pour expliquer la façon d'utiliser le produit? Une fois son choix arrêté, peut-elle être sûre que la bouteille contienne le produit de santé naturel annoncé dans la concentration annoncée. Le produit a-t-il fait l'objet de tests chez le fabricant? Enfin, quel cadre réglementaire devrait être instaurer de façon que les consommateurs comme cette jeune femme reçoivent l'information appropriée et soient protégés comme il se doit?

Mon collègue Martin Belitz vous fera brièvement un aperçu historique.

M. Martin Belitz (vice-président, opérations pharmaceutiques, Shoppers Drug Mart Limited): Plusieurs témoins, dont un plus tôt ce matin, ont laissé entendre que des règlements et l'établissement de critères seraient inutiles, voire injustifiés dans certains cas. Or, en tant que professionnels des soins de santé et conseillers, nous sommes au contraire d'avis que des normes sont nécessaires afin de protéger la santé de nos clients. Il existe des précédents historiques quant à l'établissement de normes et d'autres critères pour les produits de santé naturels.

Au début du siècle, alors que l'industrie des produits médicaux se développait, il avait été décidé d'imposer des normes de pureté uniforme dans la fabrication de ces produits, et la pharmacopée des États-Unis de même que le National Formulary sont les exemples nord-américains de ces répertoires de normes. À cette époque, on utilisait toujours les plantes médicinales en grandes quantités, et nombre d'entre elles sont incluses dans la version de 1920 que je vous montre ici du National Formulary. Dans les feuillets que nous vous avons distribués, vous trouverez copie de la monographie de l'équinacée.

M. Lynn Myers: C'est l'original?

M. Martin Belitz: En effet.

Depuis, nombre de ces produits sont tombés en désuétude, ont été retirés de la pharmacopée et du Formulary, et remplacés par des produits chimiques modernes.

Étant donné le renouveau que connaissent aujourd'hui les produits de santé naturels, il est de nouveau nécessaire d'imposer des normes. Il existe aujourd'hui dans le monde beaucoup de références courantes qui pourraient servir à élaborer des normes canadiennes et l'information nécessaire pour réglementer ces produits. Il existe aujourd'hui la British Herbal Pharmacopoeia et la British Herbal Compendium qui sont des compilations d'études et d'autres renseignements au sujet des divers produits de santé naturels, regroupés en monographies. Il en existe également d'autres, comme les monographies d'ESCOP, le Lawrence Review of Natural Products, et beaucoup d'autres encore. Ces ouvrages de référence peuvent être utilisés pour élaborer les références canadiennes, car il n'est pas nécessaire de réinventer la roue.

Mme Brown vous fera part maintenant de nos recommandations.

Mme Wendy Brown (directrice de la commercialisation, produits de santé, Shoppers Drug Mart Limited): Étant donné que les règlements actuels s'appliquant aux aliments et aux médicaments ne répondent ni les uns ni les autres aux besoins de produits de santé naturels, nous recommandons fortement d'établir une troisième catégorie de règlements qui tiendraient compte des divers types de PSN, qui reconnaîtraient la possibilité d'attribuer des propriétés à des produits et qui incorporeraient les normes en matière d'étiquetage et les règlements s'appliquant à l'industrie, et ce afin d'informer et de protéger convenablement le consommateur. Pour y parvenir, il s'agit de créer une agence ou un conseil que nous pourrions appeler le Conseil canadien des normes des nutraceutiques.

• 1100

Ce conseil serait composé de spécialistes tels que les naturopathes, les pharmacognosistes les herboristes et d'autres spécialistes scientifiques issus de l'industrie des produits de santé naturels. Il en existe beaucoup au Canada. En outre, s'adjoindre des représentants de l'ANORP pourrait être très utile au conseil, puisqu'ils aideraient à évaluer la place et les conditions de vente des PSN et qu'ils s'assureraient que ceux-ci sont traités de façon uniforme d'une province à l'autre, comme ils font actuellement pour tous les médicaments en vente libre et les produits sur ordonnance.

Le conseil aurait pour mandat d'établir des monographies complètes pour chaque produit. Chacune inclurait—je vous renvoie à la page 7 de votre proposition—les éléments qui définissent le produit et ses normes de qualité. On y trouverait toutes les propriétés attribuées au produit, les contre-indications possibles, les interactions avec d'autres médicaments ainsi que d'autres mises en garde. La monographie fixerait également les normes d'étiquetage, de fabrication et d'essai.

La beauté d'une monographie complète comme celle-là, c'est que toute l'information serait réunie en un seul endroit. Le degré de risque pour un produit quelconque, ce qui est une considération importante en matière d'innocuité, serait implicite dans les mises en garde, les interactions entre médicaments et les conditions de vente exposées dans chaque monographie.

Comme M. Belitz l'a dit, il existe amplement de sources d'information à l'heure actuelle pour constituer ces monographies; une fois réalisées, elles serviraient à réglementer tous les produits.

Toutes les entreprises ayant des produits appartenant à la classe des PSN devraient se conformer aux BPF et aux tests de qualité du produit pour garantir un niveau minimal de sécurité pour le consommateur. Elles auraient toutefois le choix de demander ou non de faire figurer les propriétés attribuées au produit sur la bouteille, ce qui occasionnerait l'ajout de renseignements supplémentaires sur l'étiquette, comme les mises en garde, les contre-indications, etc.

Une fois que le conseil aura créé ces monographies, il appartiendra à Santé Canada d'administrer le système de réglementation comme suit:

Premièrement, Santé Canada examinerait les demandes d'approbation des produits avant leur mise en marché. Les produits approuvés recevraient un numéro d'autorisation qui indiquerait aux consommateurs que les propriétés attribuées au produit, décrites sur la bouteille, ont été examinées et approuvées.

Deuxièmement, ces examens devraient se faire avec diligence, pour pouvoir répondre aux besoins du marché. Les produits qui sont conformes à la monographie seraient approuvés dans un délai de 45 à 60 jours, tout comme le sont aujourd'hui les demandes visant les médicaments en vente libre pour lesquels il existe une monographie approuvée.

Troisièmement, les autorités de Santé Canada seraient chargées d'inspecter et d'approuver les installations de fabrication, ainsi que d'effectuer les inspections de suivi. Elles effectueraient également les inspections voulues des dossiers de contrôle de qualité du fabricant.

Revenons en arrière un instant pour répondre aux questions posées par Terry dans l'exemple donné au début de l'exposé.

Quels renseignements le consommateur pourra-t-il tirer des étiquettes en magasin? Aujourd'hui, presque rien, mais si ce mécanisme était accepté, le contenant porterait toute l'information voulue.

Quels conseils le consommateur recevra-t-il des employés du magasin? Cela dépend des connaissances des employés sur les lieux, mais à Shoppers Drug Mart, nous pouvons vous assurer que nos pharmaciens reçoivent une formation continue au sujet des PSN et ils savent déjà poser des questions sur l'état de santé du malade puisqu'ils ont accès aux dossiers des ordonnances.

Une fois que le consommateur a choisi un produit, peut-il être certain que le contenu est conforme à l'étiquette? À l'heure actuelle, rien ne le garantit. Par le mécanisme proposé, oui, il y a une garantie.

Enfin, le fabricant a-t-il testé le produit? À l'heure actuelle, s'il tombe dans la catégorie des aliments, ce n'est pas nécessaire. En vertu de la nouvelle réglementation applicable à cette nouvelle catégorie, il l'aurait testé.

Pour conclure, nous estimons que notre proposition représente une façon modérée et raisonnable de régler ce problème qui favorise à la fois la sécurité du consommateur et est juste pour toutes les parties. Nous vous remercions de l'attention que vous porterez à nos propositions et nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président suppléant (M. Lynn Myers): Merci beaucoup. Nous entendrons maintenant M. Kim Piller, de Gordon Piller Inc.

M. Kim Piller (Gordon Piller Inc.): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité permanent, c'est un honneur et un privilège pour moi de participer au processus démocratique canadien.

Je m'appelle Kim Piller. Je travaille dans une entreprise familiale appelée Gordon Piller Inc., du nom de mon père. Mon père a plus de 70 ans et s'occupe activement de l'entreprise tous les jours. Je fais aussi partie du comité directeur de la Canadian Coalition for Health Freedom. Aujourd'hui, toutefois, je suis ici à titre personnel et au nom de l'entreprise.

Notre entreprise a été l'une des premières au Canada à approvisionner les professionnels en produits de santé naturels. Ce marché est composé de médecins nutritionnistes, de chiropraticiens et de naturopathes.

Gordon Piller Inc. a été créée en 1967. L'an dernier, nous avons célébré notre trentième anniversaire de fondation. Beaucoup de gens nous ont félicités à cette occasion; toutefois, lorsqu'on leur dit quels obstacles la Loi sur les aliments et drogues impose à notre secteur, ils sont renversés d'apprendre que nous existons toujours.

Gordon Piller Inc. entre dans la catégorie des importateurs-distributeurs. Nous importons des produits de santé naturels auprès de deux fournisseurs américains: Anabolic Laboratories et Metagenics. Ces produits sont préemballés. Nous ne fabriquons ni embouteillons aucun de nos produits.

• 1105

Le secteur des produits de santé naturels n'est pas nouveau. Anabolic Laboratories a vu le jour en 1922, notre entreprise est dans sa 31e année et les propriétaires de Metagenics travaillent dans le domaine depuis une vingtaine d'années.

J'aimerais d'abord commenter une observation faite par la députée libérale Carolyn Bennett lors des audiences de décembre en compagnie du personnel du programme des produits thérapeutiques, à qui elle a demandé comment nous nous étions retrouvés dans ce pétrin. La réponse, je crois, tient pour beaucoup aux forts préjugés de la direction des aliments et des drogues à l'endroit des produits de santé naturels. Je dis cela après avoir passé des années dans ce secteur et n'avoir jamais reçu d'explications rationnelles pour la sur-réglementation de cette activité ou de ce secteur.

Pour nous, certains des problèmes ont commencé le 28 septembre 1984. Nous avons reçu la visite d'un inspecteur des aliments et drogues appelé George McDonald. M. McDonald a demandé à voir notre catalogue.

Après l'avoir passé en revue, il l'a remis à mon père et nous a dit qu'il aimerait que nous cessions de vendre les produits qu'il avait cochés. Lorsque nous lui avons demandé pourquoi, il a dit que quatre d'entre eux contenaient des acides aminés et pourraient être assimilés à une drogue nouvelle. Nous lui avons demandé s'il y avait quelque chose qui n'allait pas avec le produit; il a dit que non. Nous lui avons demandé ce qui arriverait si nous continuions de vendre les produits. Il a dit que si nous ne les placions pas en retenue volontaire, il communiquerait avec la GRC pour les faire confisquer. Nous avons donc décidé de les placer en retenue volontaire.

Le 20 novembre 1984, nous avons reçu une lettre de M. McDonald nous disant que le Dr Armstrong, alors directeur adjoint du bureau des médicaments en vente libre, avait jugé que l'un de nos produits, le tryptophane—il contenait du tryptophane—entrait dans la catégorie des drogues nouvelles.

La lettre disait: «L'étiquette du produit ne donne aucune indication au client éventuel pour choisir le produit ou savoir comment s'en servir.» Cela nous a laissés perplexes puisque nous n'avons pas le droit d'attribuer des propriétés aux produits; voilà qu'un produit était retiré parce que nous ne lui attribuions pas de propriétés!

Plus loin dans sa lettre, il nous invitait à faire une présentation de nouvelle drogue. Une présentation comme celle-là peut prendre plusieurs années et coûter plusieurs millions de dollars. Ce n'était pas une possibilité pour nous. Au fait, aujourd'hui, on peut se procurer le tryptophane au moyen d'une ordonnance au coût d'environ 115 $ la bouteille. Nous ne tenons plus cet article depuis 1984 mais si nous pouvions le vendre, le prix au détail varierait entre 30 et 50 $. Mais j'ignore quels sont les coûts actuellement pour nous.

Le 3 mai 1995, la DGPS a publié la lettre d'information numéro 685, que j'ai jointe au mémoire que je vous ai remis. La DGPS déclare qu'en raison du grand nombre de demandes de renseignements concernant le statut des acides aminés, elle avait décidé de publier cette lettre. D'après moi, ce ne sont pas des demandes de renseignements ordinaires qui en sont la cause. À elle seule, notre entreprise a perdu 10 p. 100 de son chiffre de vente et d'autres sociétés en perdaient davantage.

Plusieurs lettres ont été échangées depuis et une rencontre a eu lieu avec le Dr Armstrong, mais nous attendons toujours les résultats de leurs tests d'innocuité.

Pourquoi sommes-nous dans ce pétrin? À cause de l'intérêt, des connaissances et de l'emploi croissants des produits naturels chez le consommateur et parce que le gouvernement canadien interdit trop de produits par souci de sécurité. Nous attendons toujours d'entendre de façon détaillée en quoi réside le danger.

Ce secteur a vu le jour pour améliorer la santé, pas la détruire. Lorsque notre entreprise a été fondée, il y avait très peu d'intervention de l'État. Cela convenait à la nature peu risquée des produits. Qu'est-il arrivé depuis? Les produits nutritionnels sont-il tout d'un coup devenus dangereux? Nous n'en sommes pas convaincus. La direction des aliments et des drogues n'a pas agi de façon démocratique avec notre secteur.

Pour terminer, je dirai que dans tout ce que nous faisons, la sécurité est omniprésente. Toutefois, il est temps de réglementer ce secteur de façon adéquate. C'est pourquoi je recommande la création d'une troisième catégorie. Les produits nutritionnels ne sont pas une passade. C'est un secteur qui continuera de prendre de l'expansion. Ce n'est ni le secteur pharmaceutique, ni le secteur alimentaire.

Les grands dirigeants sont de grands visionnaires. Je m'attends à ce que le comité et l'État se tournent vers l'avenir et créent pour le secteur des soins de santé naturels une réglementation appropriée qui serve de modèle à d'autres pays. Le marché des soins de santé naturels est un secteur d'activité passionnant. Il faudrait encourager son essor. Il y a des siècles, des gens ont été tués pour avoir affirmé que la Terre était plate. Aujourd'hui, on menace de fermer mon entreprise et de m'imposer une amende si je vante à un consommateur les mérites d'un de nos produits.

J'ai assisté à plusieurs de vos audiences et j'ai entendu des députés dire à plusieurs reprises qu'ils ont des doutes ou qu'il y a des choses qui leur échappent complètement. Si la direction des aliments et des drogues ne nous avait pas muselés au cours des dernières années, il se pourrait que les membres du comité et les autres citoyens soient mieux informés.

Ni le gouvernement ni personne d'autre n'a d'autorité sur ma santé et mon bien-être. L'enjeu ici, c'est la liberté de choix et la responsabilité personnelle.

• 1110

Lorsque le gouvernement réglemente une activité, il se produit cinq choses: un, on transfère la responsabilité au gouvernement; deux, on donne au gouvernement une raison d'augmenter ses dépenses; trois, vous perdez le contrôle; quatre, vous perdez le choix; cinq, vous dépendez maintenant du gouvernement.

Oui, je suis en faveur d'une troisième catégorie. Toutefois, je tiens à ce que le moins de responsabilités possible soient confiées au gouvernement, car cela permettra de réduire les dépenses. Je suis en faveur de la participation des intervenants et du secteur pour que nous ne perdions pas le contrôle ou le choix et ne devenions pas dépendants du gouvernement.

Merci.

La présidente: Merci.

Nous entendrons maintenant nos derniers témoins d'aujourd'hui, M. Russell Guest et le Dr Wolfson. J'ignore qui va prendre la parole.

M. Russell C. Guest, (administrateur, Maharishi Ayur-Veda Products of Canada): Bonjour, madame la présidente.

Je m'appelle Russell Guest et je suis administrateur de Maharishi Ayur-Veda Products. Ce n'est pas facile à prononcer. Notre service d'éducation a déjà comparu devant vous.

En guise d'introduction, je voudrais d'abord dire que je suis très frappé d'entendre les diverses entreprises parler ici de produits naturels comme s'il s'agissait d'une masse homogène. De fait, il y a de grandes traditions de produits naturels qui n'ont jamais été perdues. Il y a la tradition chinoise et la tradition indienne, surtout la tradition indienne; on peut fréquenter l'université en Inde pour obtenir un doctorat en ayurvédisme.

On ne parle pas ici de médecine traditionnelle. On ne parle pas d'absence de systématisation; on parle de systématisation et de tests réalisés dans le laboratoire qu'est l'organisme humain depuis 6 000 ans.

Maharishi Ayur-Veda Products of Canada est le plus grand importateur de produits ayurvédiques du pays. La société existe au Canada depuis 10 ans et nous sommes affiliés à Maharishi Ayur-Veda Products International of India. Nous fabriquons des formules ayurvédiques traditionnelles.

Dans un exposé précédent devant le comité, le Dr Richard Wolfson a recommandé que l'ayurveda, y compris Maharishi Ayur-Veda, soit intégré en entier au système de soins de santé canadien dans une définition élargie du système. Il est aussi recommandé que les préparations à base d'herbes et de minéraux ayurvédiques soient considérées comme une nouvelle catégorie de médecine traditionnelle assujettie à ses BPF et ayant, son propre étiquetage, ses propres propriétés et normes de concentration et de pureté, et que cette catégorie soit établie par un comité d'experts.

Nous aimerions expliquer davantage ces deux recommandations. D'abord, en ce qui concerne l'intégration de l'ayurveda dans le système de soins de santé, nous insistons d'abord sur l'importance d'inclure l'ayurveda intégralement, y compris Maharishi Ayur-Veda.

Le dilemme auquel le comité fait face aujourd'hui en matière de réglementation des produits à base d'herbes provient des limitations du système médical actuel. C'est pourquoi la solution se trouve à la base, au niveau systémique.

Comme il n'y a pas de source de savoir fiable et officiellement reconnue au Canada en matière de médecine naturelle, la population établit elle-même son diagnostic et se traite en se fiant aux propriétés attribuées aux produits naturels. Ce n'est évidemment pas l'idéal. Il nous faut un système d'évaluation et de diffusion d'information vraie, utile et complète à la population. Il faut aussi un système d'agrément et de contrôle des praticiens de médecine naturelle capables de recommander des remèdes traditionnels et de montrer aux Canadiens d'autres méthodes traditionnelles efficaces.

Essentiellement, il faut informer la population et lui donner ce qu'il faut pour faire des choix plus éclairés au lieu de la forcer à se fier aux propriétés décrites sur les étiquettes.

Nous savons que Santé Canada n'a pas de compétence sur les praticiens de la santé. Toutefois, c'est le gouvernement fédéral qui, à l'origine, a proposé les soins de santé universels. C'est pourquoi d'après nous le comité devrait chercher des solutions qui permettront de résoudre ces problèmes fondamentaux sans se laisser limiter pour le moment par des problèmes de compétence.

Maharishi Ayur-Veda bénéficie de l'appui des principaux spécialistes ayurvédiques de l'Inde, comme vous l'aurez constaté à l'occasion de nos exposés antérieurs. Il y a un certain nombre d'experts, y compris le chef du All-India Ayurveda Congress, qui suivent ces audiences. Nous serions heureux de vous aider à créer ce système et de vous fournir de l'information sur l'ayurveda.

Numéro deux, en ce qui concerne notre recommandation selon laquelle les préparations ayurvédiques doivent être considérées comme une nouvelle catégorie de médicaments traditionnels, je souligne que cette recommandation ne signifie que nous sommes en faveur d'une nouvelle catégorie générale de produits de santé, comme il en a été question au comité plus tôt. Les préparations ayurvédiques n'ont pas leur place dans cette troisième catégorie et ne sont pas bien servies non plus par le système actuel, comme nous allons le démontrer.

• 1115

Nous allons d'abord examiner les limites du système actuel concernant l'évaluation des préparations ayurvédiques. Premièrement, le système actuel d'évaluation et de catégorisation ne convient pas à des formulations complexes à base d'herbes. Le système actuel est conçu pour évaluer les produits pharmaceutiques qui ne renferment d'habitude qu'un seul ingrédient actif ou un petit nombre d'entre eux. Toutefois, les préparations à base d'herbes ayurvédiques peuvent contenir un grand nombre de minéraux, des dizaines d'herbes et plusieurs milliers de composants phytochimiques distincts qui agissent de façon synergique, et ne peuvent pas être comprises par une simple analyse de leurs composés.

De plus, le procédé de fabrication de ces préparations peut être très complexe. Je vais vous donner un exemple. Le principal produit traditionnel dans le Rasayana, appelé Chyran Prash, à qui l'on a refusé un numéro d'identification DIN, exige six mois de récolte, 24 heures et 250 étapes de traitement avant de pouvoir être analysé pour découvrir s'il est efficace ou non.

De plus, le procédé de fabrication des préparations peut être très complexe, certains ingrédients exigeant plus d'un an et des centaines d'étapes pour être préparés correctement. Évaluer même un seul produit ayurvédique dépasse la portée des protocoles réductionnistes actuels d'évaluation de drogues uniques. Il y a plus de 12 000 produits ayurvédiques de ce genre.

Une deuxième limite pèse sur le système actuel. Comme il n'est pas pratique de réaliser des expériences scientifiques poussées de chaque produit à base d'herbes, lorsque l'on évalue ces produits, par exemple, aux fins du numéro d'identification DIN, le Bureau des médicaments en vente libre de Santé Canada se fie à une recherche sur des ingrédients dans la presse scientifique. Que pensez-vous de ça? Une démarche non scientifique pour régler un problème scientifique?

Toutefois, parce que les herbes ont des effets différents en fonction de la présence d'autres herbes dans un composé, une recherche documentaire ne suffit pas pour évaluer une préparation complexe à base d'herbes. Pour cette raison, des évaluateurs concluent souvent que même la formulation traditionnelle la plus renommée est une combinaison irrationnelle d'herbes.

Cette conclusion va à l'encontre de la recherche scientifique qui montre de multiples effets bénéfiques. Il y a donc d'une part un système interne d'évaluation de ces produits qui dit qu'ils sont irrationnels et de l'autre une documentation scientifique qui dit qu'ils ont de multiples effets médicinaux bénéfiques.

Il est clair que les conclusions d'une recherche documentaire ne rendent pas justice aux formulations séculaires du plus ancien système au monde de médecine naturelle.

Que reproche-t-on à la troisième catégorie proposée? Quand on considère la vaste gamme de produits visés, il n'est pas pratique de tous les mettre dans une catégorie homogène aux fins de l'évaluation. Il n'y a pas de processus d'évaluation efficace pour déterminer la concentration et l'innocuité de produits aussi différents les uns des autres que les teintures homéopathiques, les dérivatifs de protéines à ingrédient unique, et les formulations à base d'herbes séculaires extrêmement complexes.

De plus, en vertu du système actuel et de la troisième catégorie, aucune protection n'est offerte aux produits à base d'herbes. Évidemment, nos cousins pharmaceutiques adoreraient que les tests scientifiques de concentration soient ce qui vous intéresse le plus parce que cela est dans leur intérêt. J'ai vu une manchette extraordinaire dans le Star il y a trois jours, qui disait: «Médicament traditionnel à base d'herbes à l'origine d'un nouveau médicament.»

De plus, une troisième catégorie administrée par le gouvernement à l'aide des mêmes protocoles d'évaluation qui existent déjà et avec les compétences limitées du personnel actuel de la DGPS comporterait les mêmes limites que le système actuel. Étant donné que ni la troisième catégorie ni le système actuel ne fonctionnent, quelle est la solution pour les formules ayurvédiques? Heureusement, ces formulations traditionnelles ont été largement testées au cours des 6 000 dernières années et elles sont à la fois sûres et efficaces. Cette connaissance appartient aux praticiens traditionnels plutôt qu'à la communauté scientifique. D'excellents travaux de recherche d'avant-garde ont aussi validé l'efficacité d'un grand nombre de ces préparations traditionnelles.

• 1120

Comme l'évaluation de ces remèdes est insuffisante d'après les protocoles actuels, nous recommandons que de nouvelles méthodes destinées à garantir l'innocuité et l'efficacité soient élaborées par des praticiens traditionnels et des chercheurs scientifiques spécialisés dans le domaine des produits naturels ayurvédiques.

De fait, Maharishi Ayur-Veda a déjà recours à un conseil d'experts ayurvédiques pour préparer, évaluer et utiliser les produits botaniques et minéraux ayurvédiques. Nous recommandons qu'un comité de l'industrie soit formé et se compose de ces experts et de ces scientifiques pour évaluer et fixer des normes pour les produits ayurvédiques.

Maharishi Ayur-Veda Products fabrique plus de 12 000 différents produits, chacun d'eux à partir de son propre procédé ayurvédique authentique. Nous possédons une vaste base de données sur l'empreinte phytochimique, l'analyse et le traitement ainsi que sur des renseignements scientifiques et universitaires. Nous serons heureux de vous aider à établir cette norme pour tous les produits ayurvédiques au Canada.

Maharishi Ayur-Veda Products est prête à vous aider dans cette entreprise pour mieux systématiser la fabrication, l'analyse et l'emploi approprié des produits ayurvédiques.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Elley.

M. Reed Elley: Nous avons encore une fois une brochette fort intéressante de témoins. Ma question s'adresse aux représentants de Shoppers Drug Mart, les pharmaciens et ceux que vous représentez.

Il me semble que dans votre exposé, la pharmacie est une sorte de dernier venu dans le domaine des produits de santé naturels. Évidemment, vous tenez aujourd'hui beaucoup de produits naturels dans vos pharmacies. On peut sans doute affirmer que c'est un phénomène assez récent.

Dans vos propositions, vous avez l'air de dire que les gens dans votre secteur connaissent mal le sujet et que vous ne savez pas vraiment quoi dire au consommateur qui vient vous poser des questions sur un produit qui se trouve sur vos tablettes. De ce point de vue-là, cela ressemble à un problème de sécurité. J'aimerais que vous nous en disiez davantage.

M. Martin Belitz: Je vais essayer de vous répondre. Vous avez parlé de deux choses différentes.

D'abord, que nous sommes des nouveaux venus dans ce domaine. Je pense qu'il s'agit ici d'un phénomène cyclique. Si vous remontez au début des années 20, les seuls produits que tenaient les pharmaciens étaient à base naturelle.

Puis, avec la parution des médicaments modernes, des produits chimiques, ou de la synthèse de drogues naturelles en produits chimiques, on a un peu oublié les produits naturels. Aujourd'hui on assiste à un regain d'intérêt pour les produits naturels.

Une partie du problème tient à la façon dont les pharmaciens ont étudié les drogues et leurs effets sur l'organisme. Par exemple, j'ai devant moi un flacon de Advil. Je lis: «Ibuprofen USP». Je sais donc que le produit répond à certains critères de la pharmacopée américaine. Toutes les techniques d'essai, d'épreuve de dosage et de biodisponibilité sont ici. L'étiquette dit également que c'est un médicament efficace contre la douleur et que la dose normale est de 200 milligrammes. Nous savons donc de quoi il s'agit.

Prenons maintenant un produit à base d'herbes qui se trouve sur le marché. J'ai ici huit flacons différents du même produit, le cormaret ou cornes du diable. La concentration varie beaucoup. Cela fait 200 milligrammes, mais est composé d'ingrédients naturels à 100 p. 100. Ceux-ci comptent 400 milligrammes, mais 3,5 p. 100 d'ingrédients naturels. Je pourrais poursuivre: dans chaque cas, le produit est différent.

Nulle part je ne vois quoi que ce soit des normes de qualité du produit. Je vois «qualité supérieure». Supérieure à quoi? Je ne critique pas le fabricant, je dis seulement que je ne sais pas où ce produit a été testé et en fonction de quelles normes. De plus, rien ici ne me dit quel est son emploi. Cela fait partie de la catégorie des aliments, si bien qu'on ne peut attribuer aucune propriété au produit. Pourquoi voudriez-vous consommer ce produit?

• 1125

Pour revenir sur l'un des exemples de tout à l'heure, le consommateur qui se rend dans une pharmacie ou un magasin d'aliments naturels ou ailleurs et qui voit ceci et qui a entendu dire ou qui a lu dans une revue ordinaire ou qui s'est fait dire par son voisin que c'est bon pour quelque chose, qui peut lui dire si c'est vraiment bon? Ce n'est pas parce qu'on l'emploie depuis des milliers d'années... personne n'a jamais mesuré les effets de ce remède depuis 6 000 ans lorsqu'il est absorbé avec d'autres produits chimiques. Ça n'a jamais été fait.

Lentement, dans certaines de ces publications, on voit des monographies et des indications que ces vieux remèdes à base d'herbes peuvent avoir des interactions avec certains autres produits et d'autres remèdes. Par exemple, on sait maintenant que le ginseng accélère le rythme cardiaque. C'est établi dans un grand nombre de ces formulations.

M. Russell Guest: Le gingembre accroît le rythme cardiaque.

M. Martin Belitz: Le gingembre accélère le rythme cardiaque.

Le gingkoa ne devrait pas être pris avec un anticoagulant; mais il y a 2000 ans, personne ne savait ce que c'est qu'un anticoagulant.

Je dis qu'il y a toujours quelque chose à apprendre.

M. Russell Guest: Qui combine ces nouveaux produits avec ces remèdes traditionnels anciens?

La présidente: Veuillez poser vos questions par l'intermédiaire de la présidente.

Mme Wendy Brown: Je voulais ajouter quelque chose. Vous avez dit que nous sommes dans ce domaine depuis peu. Nous y avons toujours été, en tout cas en ce qui concerne les vitamines. L'expansion récente, c'est le regain d'intérêt du consommateur pour les produits de santé naturels, en particulier les produits à base d'herbes et l'homéopathie. Il n'y a pas de doute que nous avons agrandi cette gamme de produits pour mieux servir le consommateur; nous donnons aussi une formation plus intensive à nos pharmaciens.

Je voudrais seulement signaler que d'après les études faites auprès des consommateurs, 65 p. 100 d'entre eux achètent leurs produits de santé naturels en pharmacie. Nous voulions seulement nous assurer que nous savons nous en servir et, pour revenir à ce que Marty disait, que la qualité et les normes qui existent dans les autres produits existent là aussi et que le consommateur, s'il ne veut pas nous poser la question, peut au moins lire ce qu'il y a sur le flacon pour faire un choix sûr et éclairé.

M. Reed Elley: Là où vous voulez en venir, c'est qu'il y a une contradiction entre prendre ce que m'a recommandé mon médecin, mon omnipraticien, et aller ensuite au magasin d'aliments naturels, ou même dans votre pharmacie, pour prendre autre chose dont on m'a dit que ça pourrait aussi m'aider. Nous n'avons pas les données scientifiques à la Direction générale de la protection de la santé pour nous dire si ce mélange peut être mauvais pour moi. Est-ce ce que vous nous dites?

Mme Wendy Brown: Dans certains cas, il y a de l'information, dans d'autres, pas encore. Je dirais qu'il n'y a pas d'information complète sur les interactions médicamenteuses... pour revenir à ce que disait Marty.

La présidente: Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Dans nombre d'exposés récents, même dans celui de M. Ingles, on semble demander de fixer un délai de 10 ans, pour permettre de confirmer par des preuves cliniques les propriétés attribuées aux produits. Je pense que d'autres personnes pensent de même. Le problème, pour le comité, c'est de choisir entre la sécurité et l'efficacité—la sécurité doit être assurée, mais l'efficacité... aurons-nous les moyens pour faire ce travail. Si un médicament est utilisé de manière traditionnelle depuis quelques siècles, aurons-nous les moyens d'obtenir des preuves cliniques de son efficacité sur une période de 10 ans ou est-ce qu'on ne devrait pas simplement se calmer un peu?

Deuxièmement, je pense que les interactions médicamenteuses sont une toute autre chose. Pour revenir à l'observation de M. Guest au sujet des gens qui prennent les deux, je crois que beaucoup de gens prennent les deux, et je pense que l'un des problèmes de la pratique de la médecine familiale, c'est qu'on ne pose même pas cette question pendant l'anamnèse. Nous n'apprenons pas à nos professionnels de la santé à même penser que cela pourrait être pertinent pendant l'anamnèse, lorsqu'un patient se présente chez son omnipraticien. Je pense que les pharmaciens aussi ont de la difficulté à ce sujet: en remettant le Coumadin, devraient-ils demander si le patient prend d'autres substances? Peut-être qu'il nous faut mener des recherches sur les interactions médicamenteuses, mais il faudrait peut-être commencer par là, avant de demander des preuves cliniques de l'efficacité de médicaments qui sont utilisés depuis des siècles.

Avez-vous des commentaires à ce sujet?

• 1130

Mme Wendy Brown: C'est notamment pour cette raison que nous vous avons remis des monographies provenant de l'étranger: nous voulions montrer dans quelle mesure l'information sur les contre- indications relatives à toxicité et les interactions médicamenteuses ont fait l'objet de recherches dans d'autres pays, ont été évaluées et intégrées à ces monographies, sous forme résumée. Les monographies de l'ESCOP qu'a Marty, présentent des conclusions fondées sur de nombreuses recherches.

Ce que nous disions plus tôt, c'est qu'il y a de l'information disponible sur les interactions médicamenteuses mais qu'elle est encore incomplète, et que de nouveaux résultats sont produits constamment.

J'ai autre chose à dire au sujet des données cliniques, si nous les avons un jour. Il serait bon de croire que c'est possible, mais puisque ces produits sont dans le domaine public et que les chances qu'ils deviennent des produits disponibles sur prescription sont peu souhaitables et peu probables, je crois qu'il est également peu probable que de l'argent soit rendu disponible pour de la recherche clinique fondamentale, étant donné les coûts élevés que cela représente. Nous devons donc nous fier à ce qui a déjà été fait, comme les études effectuées par des médecins sur la vitamine E et sur la santé du coeur, par exemple. Ce genre d'études peut nous aider à obtenir davantage de données. Et elles s'accumuleront avec le temps, mais, je crois, peut-être pas au rythme que nous souhaitons.

La présidente: Monsieur Ingles, avez-vous un commentaire à formuler?

M. Allan Ingles: Oui, merci. Je vais particulièrement répondre à votre question sur la possibilité d'effectuer des études cliniques. Si les règles étaient changées—par exemple si on éliminait l'annexe A—, on encouragerait les fabricants, les distributeurs et leurs fournisseurs étrangers, ou les fabricants américains et canadiens à faire la recherche nécessaire dans le cadre d'un effort de marketing auprès du consommateur.

Il s'agit d'abord et avant tout d'une question de marché. Les gouvernements n'ont pas les fonds nécessaires pour toutes ces études et on ne doit pas s'attendre à ce qu'ils s'en chargent. Ils n'ont pas non plus fait la recherche pour les produits pharmaceutiques. Par contre, le gouvernement a créé un environnement dans lequel les sociétés pharmaceutiques avaient de bonnes raisons de faire de la recherche et d'en faire part aux médecins, aux pharmaciens et au public, d'une façon et d'une autre. Cela devrait s'appliquer aussi dans ce cas-ci. Il n'y a qu'à regarder ce qui se fait actuellement en Europe, surtout en Allemagne, en Grande-Bretagne, en France, aux Pays-Bas et en Belgique, où l'on publie quotidiennement des quantités considérables de recherches sur les produits naturels.

Mme Carolyn Bennett: L'autre question sur laquelle s'est penché le comité est celle de l'importation faisant l'objet de deux règlements différents. Manifestement, les gens achètent beaucoup de produits à l'étranger, pour leur utilisation personnelle et, tant qu'à y être, en achètent beaucoup d'autres, ce qui nuit bien entendu aux sociétés canadiennes. Si l'on doit importer deux ou trois choses, aussi bien en importer toute une liste d'épicerie. Diriez-vous que les règles pour l'importation pour fins personnelles doivent être les mêmes que celles que le comité étudie et qui se rapportent aux sociétés canadiennes?

M. Allan Ingles: Tant que les choses ne sont pas réglées, je dirais que non. Je pense que les Canadiens ont le droit de ne pas se voir enlever la possibilité d'importer ce dont ils ont besoin— ou ce dont ils croient avoir besoin—pour eux-mêmes, à moins d'enfreindre une loi particulière, comme la Loi sur les stupéfiants. Mais les Canadiens devraient avoir le droit de pouvoir compter sur les meilleurs soins de santé possible. Ils ont tout à fait le droit de naviguer sur l'Internet à la recherche de renseignements sur ces produits et ils ont tout à fait le droit de lire des livres dans les bibliothèques...

Mme Carolyn Bennett: Je pense que le problème, pour le comité, est celui-ci: si on peut importer un produit sans danger, pourquoi ne serait-ce pas sans danger de l'acheter à son magasin d'aliments naturels ou à sa pharmacie?

M. Allan Ingles: À mon avis, la question n'est pas de savoir où on l'achètera. Il faut plutôt savoir comment on va réglementer les choses de manière qu'on achète un produit de valeur considérable digne de notre confiance.

Mme Carolyn Bennett: Vrai. Espérons que notre comité permettra de régler ces problèmes.

M. Allan Ingles: C'est ce que nous demandons.

La présidente: Aviez-vous une autre question?

Mme Carolyn Bennett: Au sujet des interactions médicamenteuses, aviez-vous quelque chose à ajouter, vous, là-bas?

M. Russell Guest: Je vais laisser la parole au Dr Wolfson.

M. Richard Wolfson (représentant, Maharishi Ayur-Veda Products of Canada): Pour commencer, à une de vos récentes réunions, on a soulevé une question pertinente, à savoir qu'il faudrait se concentrer davantage sur l'éducation que sur la réglementation.

Actuellement, les pharmaciens se plaignent que l'information ne figure pas sur les étiquettes, et ils s'en servent pour recommander tel ou tel médicament, ce qui semble laisser croire qu'il devrait y avoir davantage d'informations pour le public. Il faut un accès plus facile aux renseignements. On devrait former les praticiens dans des domaines comme la médecine ayurvédique, qui a des milliers d'années d'existence. On ne peut pas donner la formation en un séminaire d'une fin de semaine, ni dans le cadre limité de la formation en médecine occidentale. Il faut insister davantage sur l'éducation plutôt que d'essayer de décider quelles seront les quelques informations disponibles, à remettre au pharmacien pour qu'il puisse recommander un produit. Si toute cette information était déjà disponible...

Mme Carolyn Bennett:

[Note de la rédaction: Inaudible]... on a commencé à mettre sur pied un site Web d'information pour la population. Pensez-vous qu'on pourrait éventuellement y trouver de l'information sur tous ces produits? Pensez-vous que le site Web de Santé Canada devrait avoir des liens avec votre site Web et d'autres? Santé Canada a-t-il un rôle à jouer comme centre d'informations à ce sujet?

• 1135

Une voix: Bien entendu.

M. Russell Guest: La raison pour laquelle j'ai répondu à cela plus tôt, c'est que j'estime qu'il y a bien un rôle pour Santé Canada, mais je suis d'accord avec vous, nous avons tout à fait sous-estimé la complexité du problème du point de vue de ce qui est absorbé par l'organisme d'une personne.

Un peu plus tôt, j'ai essayé de faire comprendre qu'on ingérait des milliers ou des dizaines de milliers de produits phytochimiques en prenant un seul produit traditionnel ayurvédique. Mais mes collègues nous disent «Aidez-nous, bon sans! Les gens viennent au magasin, en tant que pharmacien professionnel, j'essaie de faire des recommandations, ils me disent que d'après certaines recherches, il faut se méfier de ceci et de cela, mais il n'y a pas de source unique de renseignements qui va m'aider à empêcher qu'un de mes clients ait une crise en sortant d'ici, à cause d'une interaction.»

J'ai voulu répondre parce qu'il sera très difficile de faire cela. Il y a des milliers et des milliers de produits de ce genre. Chacun pourra à son tour être considéré comme un ingrédient actif. Tout ce paradigme de l'ingrédient actif devrait être réexaminé par les scientifiques qui essaieront d'analyser le situation. En dernière analyse, ce paradigme ne s'applique pas à des interactions complexes.

Tout ce que j'essaie de dire, c'est que du point de vue scientifique, le paradigme d'analyse actuel comporte des failles. Il y a des méthodes traditionnelles d'analyse de médicaments très complexes et d'effets médicinaux qui ne cadrent pas avec les méthodes occidentales. Il est temps de les examiner. Pour aider nos collègues qui essaient de faire leur travail dans leur pharmacie, il est temps d'examiner les méthodologies traditionnelles et peut- être de les utiliser pour éviter ce genre d'accident.

La présidente: Merci beaucoup.

Madame Wasylicia-Leis.

Mme Judy Wasylicia-Leis: Étant donné ce degré de complexité et la difficulté de mettre en place une réglementation qui fera en sorte que chaque produit fasse l'objet d'une analyse scientifique et que l'information soit transmise à tous les intervenants, on peut se poser des questions et même présumer que le gouvernement ne pourra pas tout faire, peu importe ce qu'on investira dans un bureau de la Direction générale de la protection de la santé.

Voici ma question: Quel serait le rôle des détaillants dans ce programme? Vous avez parlé de gammes de produits. Vous avez mentionné un produit particulier, la griffe du diable. Y a-t-il un rôle pour les détaillants? Shoppers Drug Mart a-t-il un rôle à jouer en décidant quels produits seront ou non sur ses tablettes?

Prenons un exemple. Dans mon Shoppers Drug Mart de la rue Main, à Winnipeg, il y a toute une gamme de produits et j'ai remarqué récemment, et je l'ai déjà dit ici, toute une gamme de produits Homeocan. C'est inscrit sur la bouteille: produit homéopathique. D'après les homéopathes que nous avons reçus, il ne s'agit pas vraiment d'un remède homéopathique.

Voici ma question: Les détaillants ont-ils un rôle à jouer par exemple en consultant les professionnels d'une branche donnée, comme l'homéopathie, la médecine ayurvédique, la naturopathie, etc., pour recourir à eux comme personnes-ressources, avant de décider quels produits seront sur les tablettes? Pensez-vous que ce rôle devrait être réservé au gouvernement, qui agirait comme chien de garde.

M. Martin Belitz: Vous avez posé quatre questions. Je vais essayer d'y répondre.

Pour commencer, permettez-moi de dire que c'est en faisant un pas qu'on commence les plus longs voyages. Ce n'est pas parce que nous parlons d'interactions médicamenteuses avec des produits phytochimiques ou des ingrédients multiples que nous ne pouvons pas nous mettre au travail, en commençant simplement. Pour un produit comme le millepertuis, utilisé contre la dépression dans certains cas, ou dont on allègue qu'il a des propriétés antidépressives, il faut se demander si son ingrédient principal aura une interaction avec d'autres médicaments antidépresseurs que peut prendre un patient. Il faut commencer par là, puis aller de produit en produit jusqu'à ceux dont M. Guest a parlé, pour lesquels il ne sera peut- être pas question d'interaction médicamenteuse avant 1000 ans.

• 1140

Je pense qu'il faut commencer quelque part. Ce que nous suggérons ou recommandons, je crois, c'est qu'on établisse cette troisième catégorie de médicaments et qu'on enclenche le processus.

Pour répondre à votre deuxième question au sujet de l'éducation, les professionnels de la santé doivent absolument recevoir une formation à ce sujet. Comme disait Mme Bennett, il faut commencer avec le médecin, qui doit poser les bonnes questions lorsqu'il reçoit de nouveaux patients. Les pharmaciens commencent maintenant à demander à leurs clients quels autres médicaments ils prennent. Auparavant, on ne vérifiait que les interactions avec les médicaments d'ordonnance. Maintenant, on commence à poser des questions sur les autres médicaments pris par le patient, même sans prescription, parce que certaines interactions sont connues. En outre, je pense qu'il faudrait commencer à demander quels produits naturels prennent les patients, parce que certains d'entre eux peuvent avoir des effets. Par exemple, la graine de psyllium ne doit pas être prise par des femmes qui allaitent et pourtant, on pense que c'est un produit sans danger parce qu'il est naturel. Il est donc nécessaire de renseigner les gens sur certaines choses.

Au sujet de votre question sur l'homéopathie, les fabricants de ces produits homéopathiques prétendent bien connaître l'homéopathie. Avant de mettre ces produits sur les tablettes des pharmacies, ils offrent des ateliers de formation. En tant que pharmacien, si je veux investir dans une gamme de produits que je n'ai pas étudiés à l'université, je voudrais en savoir davantage. Des sociétés comme Homeocan, Hyland offrent des programmes d'éducation permanente aux pharmaciens afin qu'ils puissent en toute confiance vendre leurs produits.

La présidente: Puis-je vous interrompre un instant? Je veux revenir sur la question de Judy.

Vous dites que les étiquettes ne disent pas toujours ce qu'il y a dans une bouteille. Je vois deux aspects à cette situation. Estimez-vous avoir une responsabilité quand vous vendez un produit sans savoir ce qu'il y a dedans?

Mme Wendy Brown: Nous devons donner aux pharmaciens beaucoup d'informations parce qu'en ce moment, nous ne pouvons en donner directement aux consommateurs. Prenons un produit comme la griffe du diable, considérée comme un aliment par le règlement. D'après ce règlement sur les aliments, la griffe du diable est un aliment et est par conséquent complètement sûre. Aucune interaction n'est possible.

La présidente: Je comprends. Je me demande simplement si vous, en tant que pharmacien, estimez avoir une double responsabilité, d'abord de vous renseigner en prenant s'il le faut un cours de six mois, puis de vendre un produit sans savoir ce qu'il peut ou ne peut pas faire ni ce qu'il contient.

M. Martin Belitz: Il y a peut-être un conflit. Mais il faut dire que les consommateurs achètent déjà ces produits ailleurs que dans des pharmacies, par exemple. Et sans vouloir porter d'accusation contre qui que ce soit. Ils achètent ces produits dans un environnement sans réglementation. Comme le montrait l'exemple donné par Terry, le pharmacien peut apprendre qu'un patient a d'autres problèmes de santé, prend d'autres médicaments sur d'ordonnance et reçoit de l'information d'un vendeur, chez un détaillant. Les pharmaciens disent que ces consommateurs demandent ces produits. Ce sont des produits légaux, qu'on peut vendre dans sa pharmacie pour satisfaire les besoins des consommateurs, mais il faut d'abord que le pharmacien se renseigne pour savoir comment les utiliser. Le problème, c'est qu'il y a un monopole de l'éducation.

La présidente: Je dirais qu'aux yeux des gens ordinaires, les pharmaciens sont plus dignes de confiance ou de respect. Quand je m'adresse à un pharmacien, j'aime à croire qu'il est compétent dans son domaine. Je lui ferai peut-être plus confiance qu'à un herboriste, par exemple, mais peut-être que je ne devrais pas, puisque les pharmaciens n'ont pas reçu cette formation-là. Malgré cela, vous vendez ces produits.

Mme Wendy Brown: Les pharmaciens reçoivent maintenant de la formation, non seulement des fabricants de ces produits mais aussi en prenant d'autres cours. Le problème, c'est qu'au cours des 30 dernières années, ce n'était pas exigé. À l'école de pharmacie, dans les années 60, ce genre de cours était celui qu'on affublait du titre «graines et mauvaises herbes».

Actuellement, on remet cela aux programmes des écoles de pharmacie et beaucoup de pharmaciens y sont retournés, reconnaissant que ces produits sont de plus en plus utilisés et que leurs clients leur posent des questions à leur sujet. Ils voulaient par conséquent être en mesure de leur répondre, alors qu'ils ne l'étaient pas auparavant.

La présidente:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Russell Guest: J'ai de la sympathie pour eux.

L'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas fait de démarche auprès de Shoppers Drug Mart pour y vendre des produits ayurvédiques, c'est que nous estimons que ce n'est pas convenable. Il faut étudier toute sa vie pour devenir vaidya. Il faut pour cela comprendre des méthodes non envahissantes d'analyse des déséquilibres. Il faut une approche de la physiologie humaine la plus subtile qui soit. Il faut connaître une pharmacopée plus vaste que l'ensemble de toutes les autres traditions médicinales.

• 1145

Par conséquent, comment est-il possible, dans un cours de trois crédits de l'Université de Guelph—présenté selon le point de vue occidental réductionniste—de rendre compétent un pauvre pharmacien qui devra déterminer quelle formule ayurvédique particulière conviendra à une personne donnée, ayant tel déséquilibre, à tel moment de sa vie et étant donné ses antécédents médicaux particuliers?

Je ne cesse de soulever cette question de la complexité. Je comprends votre situation mais il reste que lorsque nous parlions d'éducation, c'était au sens large. Lorsqu'on parle de changer le système, c'est au sens large, en réglant ces problèmes en permettant à ces traditions d'exister en parallèle avec la tradition occidentale.

Nous avons tous, ici, été élevés à l'occidental. Nous avons un point de vue sur la façon dont fonctionnent les choses, mais ce n'est pas toujours ainsi. Je pense que l'éducation doit reposer sur une assise plus large. Shoppers Drug Mart et d'autres sociétés devraient peut-être envisager l'embauche, comme vous le disiez, ou la consultation, comme disait quelqu'un d'autre, d'experts de ces traditions plutôt que d'essayer d'être tout à la fois pour tous.

La présidente: Judy, avez-vous d'autres questions?

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai d'autres questions, mais je suis persuadée que je n'ai plus de temps.

J'aimerais revenir à l'idée d'une troisième catégorie, parce que je ne suis toujours pas convaincue. Il me semble que si l'on adopte une troisième catégorie ou si l'on modifie la Loi sur les aliments et drogues de manière à ce que les produits naturels et les médicaments homéopathiques ne soient plus dans la catégorie des médicaments mais avec les aliments, cela revient au même. Tant qu'il y aura des exigences relativement aux mises en garde sur les étiquettes et des paramètres clairs quant aux propriétés attribuées aux produits, de même qu'une surveillance scientifique de la part de la Direction générale de la protection de la santé, on devrait arriver au résultat. Qu'en pensez-vous?

Mme Terry Greighton: Peut-être que nous fendons les cheveux en quatre. Ces produits ne sont pas consommés comme des aliments, mais en raison de leurs propriétés médicinales. Je ne peux pas parler des produits présentés par ces messieurs, puisque nous ne les offrons pas, mais je peux parler des vitamines, minéraux, remèdes à base d'herbes et suppléments alimentaires courants. Ils ne sont pas consommés comme des aliments et il me semble donc idiot de les réglementer comme tels.

Actuellement, nombre de nos produits de marque Life Brand sont considérés comme des aliments mais font l'objet d'un examen par des inspecteurs. On nous dit que l'information sur l'étiquette, comme «ne contient pas de gluten»—qui est utile pour les personnes qui ont une entéropathie par intolérance au gluten—ne peut être apposée sur le produit puisqu'il est considéré comme un aliment.

Nous recommandons la création de cette troisième catégorie, mais il faudrait que des monographies soient associées à tous ces produits afin qu'y figurent nécessairement les risques qu'ils comportent. Chaque produit serait évalué individuellement et le risque qui y est associé serait évalué par un comité d'experts. On exigerait donc que certains types de mise en garde soient donnés sur le produit. Les mises en garde relatives aux produits allergènes sont facultatives mais devraient figurer sur les produits si l'on veut que les patients souffrant d'entéropathie, par exemple, soient bien renseignés.

Nous insistons sur la nécessité de les traiter différemment. Il ne s'agit pas d'aliments. On pourrait dire que ce sont des pseudo-médicaments, à la rigueur, mais nous ne pensons pas qu'ils doivent faire l'objet d'un cadre réglementaire aussi strict.

La présidente: Bien. Monsieur Hill.

M. Grant Hill: Monsieur Ingles, on nous a dit à maintes reprises qu'il n'y a pas d'argent pour financer la recherche sur ces produits. Vous avez dit que votre société et votre fournisseur à l'étranger ont trouvé l'argent et j'aimerais en savoir davantage. Comment cela est-il possible pour vous, alors que c'est impossible, d'après d'autres?

M. Allan Ingles: C'est possible parce que nous avons pris l'engagement de faire la recherche et parce que nous comprenons le sujet. Je peux pour l'instant prendre l'exemple d'un produit: nous sommes bien connus comme fournisseur du supplément d'ail le plus vendu au Canada, aux États-Unis et en Europe. Il n'existait pas il y a sept ans sous forme de supplément naturel ayant une part de marché partout dans le monde. Ce produit n'existait pas il y a 15 ans.

• 1150

Lorsque la société Lichter Pharma a été créée, elle était composée de personnes qui avaient des connaissances pharmaceutiques et une bonne compréhension du marché européen, particulièrement de l'Allemagne, où l'ail est considéré comme un médicament lorsqu'il est consommé autrement qu'à table. Il est pris pour des raisons médicinales, comme le disaient nos collègues de Shoppers Drug Mart. L'ail de certaines qualités peut être plus efficace que d'autre parce que ce produit vient de la terre et que son contenu est déterminé par la terre elle-même.

Depuis quelques siècles, on comprend, comme le dit la littérature traditionnelle, que l'ail a des propriétés cardio-vasculaires, éclaircissant le sang, réduisant dans le sang la teneur en certains gras et contribuant peut-être à la réduction des facteurs de risque associés aux maladies cardiaques.

Dans des études effectuées particulièrement en Allemagne, de même qu'en Angleterre et dans bien d'autres pays européens et aussi maintenant au Canada et aux États-Unis, il est prouvé que certains produits de l'ail—uniformisés sous forme comprimée de poudre d'ail—peuvent réduire sensiblement le taux de cholestérol, éclaircir le sang de manière notable, et produire certains autres bénéfices appréciables, toute une myriade, dont le plus important a récemment fait l'objet d'un article dans Circulation, le périodique sur la circulation le plus important du domaine médical, publié par la American Heart Association, qui rejette 95 p. 100 des articles qui lui sont présentés. L'article doit donc être tout à fait acceptable aux yeux des pairs. Cet article portait sur la possibilité pour l'ail de réduire la perte d'élasticité de l'aorte, conséquence normale du vieillissement chez les sujets sains.

Les études menées sur une période de deux à cinq ans, avec des patients prenant un placebo et du verum, ont prouvé que ceux qui prenaient une préparation d'ail de cette qualité pouvaient s'attendre à vivre 15 à 20 ans de plus sans problèmes de coeur. C'est le même genre de données qui avaient été publiées pour un médicament très important, le Provacol, résultant d'études menées en Écosse qui ont eu l'attention du monde entier, parce que ce médicament aidait à réduire le risque de décès par crise cardiaque.

Si on ajoute à cela les études épidémiologiques et les études cliniques sur les humains qui ont récemment été effectuées, on peut arriver à la conclusion que ce qui est dit du Provacol peut se dire de certains produits de l'ail. Mais pas de tous, ce ne sera jamais le cas, puisque tous les produits d'ail ne sont pas les mêmes. C'est pourquoi de l'avis de notre société, si on attribue des vertus à un produit il doit s'agir d'un produit qui a prouvé son efficacité.

Si vous offrez l'ail comme produit favorisant le bien-être et que chacun devrait prendre, il n'est pas nécessaire d'indiquer les propriétés. Des documents, la télévision, les revues, votre médecin, votre pharmacien ou votre magasin d'aliments naturels vous diront tous à quel point l'ail peut être bon pour vous.

Vous pouvez prendre l'ail que vous voudrez. Il reste que certains sont meilleurs pour vous que d'autres. Si l'ail que vous prenez n'est pas uniformisé, il pourrait contenir une certaine quantité d'ingrédients actifs cette fois-ci et pas du tout la fois suivante: vous pourriez tout aussi bien mâcher une feuille.

La présidente: Monsieur Hill, vouliez-vous que quelqu'un d'autre réponde à cette question?

M. Allan Ingles: Ai-je répondu à votre question?

M. Grant Hill: Eh bien, ce que je voulais faire ressortir c'est que votre société n'a pas vraiment effectué la recherche qui indique que l'ail est bénéfique.

M. Allan Ingles: J'ai contribué à cette recherche, monsieur.

M. Grant Hill: D'accord, vous y avez peut-être contribué. Votre recherche porte sur votre produit et votre assertion selon laquelle c'est le meilleur ail que l'humanité ait jamais vu.

M. Allan Ingles: Non, la recherche dont je parle...

M. Grant Hill: Je vous fais dire des choses.

M. Allan Ingles: Effectivement.

M. Grant Hill: Mais vous voulez que ce soit votre ail qui fasse référence.

M. Allan Ingles: Non, vous m'attribuez des propos qui ne sont pas les miens.

La recherche porte sur une formulation normalisée de poudre d'ail, qui est désignée par un groupe de caractères comme tous les autres produits pharmaceutiques. En l'occurrence, il s'agissait de LI 111 ou quelque chose semblable.

LI 111 correspond à un certain extrait normalisé d'ail. Chaque lot de fabrication satisfait à des critères très stricts. Cette substance a déjà fait l'objet d'essais dans environ 200 études dans des universités et des hôpitaux à l'échelle mondiale, auprès de médecins et d'hôpitaux à Toronto, à Montréal, à Guelph, à l'Université Tulane et dans d'autres universités et hôpitaux aux États-Unis.

• 1155

La majeure partie de ces études ont fait l'objet d'évaluations par des pairs. Ceux-ci ont préparé des méta-analyses de ces études où il est établi que l'utilisation de l'extrait peut être bénéfique. Que d'autres extraits puissent offrir les mêmes vertus, n'a jamais été contesté. Des études ont été effectuées à des fins commerciales, cela est un fait, et elles ont comparé cet extrait avec d'autres produits sur le marché, elles ont permis de constater l'efficacité de cet extrait, contrairement aux autres, surtout les capsules d'huile d'ail.

M. Grant Hill: En résumé, donc, on peut dire que si vous avez un produit qui est efficace et dont on peut prouver l'efficacité, on peut obtenir des capitaux pour faire la recherche, ce qui n'est que normal.

M. Allan Ingles: Du point de vue de la commercialisation, on arrive à obtenir une bien meilleure part du marché si on peut informer le public que son produit est efficace et qu'on a des études cliniques pour le démontrer. C'est bien préférable que de mettre simplement le mot «ail» sur l'étiquette.

M. Grant Hill: Est-ce le gouvernement qui devrait en faire la réglementation ou bien le marché, c'est-à-dire la capacité du public de faire preuve d'intelligence et de discernement?

M. Allan Ingles: Vous parlez de la réglementation visant les propriétés attribuées aux produits, l'examen de ces propriétés, leur bien-fondé?

M. Grant Hill: Les recherches par rapport aux propriétés attribuées aux produits.

M. Allan Ingles: Oui, le gouvernement doit effectivement exercer cette responsabilité dans le cas des produits pharmaceutiques chaque fois qu'on leur attribue une propriété. Toutefois, il faut signaler que le ministère de la Santé n'a pas à l'heure actuelle les compétences nécessaires pour faire ce travail, mais cela ne signifie pas qu'il ne pourrait pas le faire, moyennant quelques petits ajustements.

M. Martin Belitz: Monsieur Hill, si vous permettez une précision, je pense que ce que dit M. Ingles, c'est que si cet ail correspondait à la norme américaine, du National Forumulary, il devrait contenir une si grande proportion du principe actif pour porter l'étiquette Ail USP qu'il serait le seul produit de cette nature affichant une telle propriété.

M. Allan Ingles: Pas tout à fait, d'après mon expérience.

M. Martin Belitz: C'est l'examen par des pairs que je croyais... C'est ce que nous proposons.

Mme Carolyn Bennett: Nous sommes nombreux à croire que les aliments devraient être bien étiquetés et que les gens devraient savoir si un produit contient du gluten, du sucrose, du lactose ou de l'huile d'arachides. Il est clair qu'il nous reste encore des progrès à faire à ce sujet au Canada.

Si nous mettions de l'ordre du côté des aliments, cela permettrait-il de régler la question des produits de santé naturels, ou bien la catégorie reste-t-elle suffisamment distincte, à cause des propriétés attribuées pour continuer à faire l'objet d'un régime spécial pour les produits de santé naturels? D'après ce que disent les spécialistes de la médecine ayurvédique, il semble que ces produits auraient naturellement leurs propres experts, que ce soit les homéopathes ou d'autres, et qu'il y aurait un groupe relevant des produits de santé naturels, mais vous préférez quand même que cela ne relève pas des aliments.

M. Kim Piller: Je voudrais faire une observation du point de vue de notre entreprise et aussi à titre de membre du comité directeur de la Coalition. Il s'agit donc d'appuyer l'idée d'une troisième catégorie, conformément à ce que vient de dire Shoppers. Nous estimons que le produit ne se trouve ni dans la catégorie des aliments ni dans celle des médicaments.

Comme je l'ai dit dans mon exposé, même si ce secteur a commencé au début du siècle et qu'on y manifeste maintenant beaucoup d'intérêt, ce n'est que le commencement d'un phénomène qui aura beaucoup d'importance. Nous avons donc l'occasion d'examiner ces produits non seulement par rapport à leur utilisation actuelle, mais par rapport à ce qu'ils vont représenter pour la population canadienne à l'avenir.

Je le dis encore une fois, ce ne sont ni un aliment ni un médicament et il faudrait donc qu'ils fassent l'objet d'une réglementation distincte.

M. Russell Guest: J'aime votre idée d'avoir des sous-catégories. L'une des raisons pour lesquelles nous rejetons l'idée d'une troisième catégorie, une troisième catégorie homogène, c'est la raison donnée par nos collègues du secteur pharmaceutique, notamment que la méthode scientifique actuelle avec son critère de la substance active constitue la seule façon d'assurer l'uniformité de la puissance et de la qualité des ingrédients. Mais ce n'est pas la seule façon. Je félicite l'industrie pharmaceutique d'avoir découvert quelque chose qu'on connaît depuis 5 000 ans en ayurveda, qui explique à quel moment il faut cueillir la plante, comment la traiter et comment obtenir des résultats uniformes de qualité et de puissance dans un produit naturel. Toutefois, le problème pour nous, c'est quÂeux ils obtiennent la protection par un brevet et nous pas.

• 1200

Mme Carolyn Bennett: Quand on veut commercialiser un nouveau médicament, le fardeau de la de preuve... Ce qu'on nous dit, c'est que l'on n'a pas toujours une idée très claire des interactions entre les différents médicaments. Il est clair que ces produits naturels sont presque entièrement sans danger si on ne prend pas un autre produit en même temps. Alors si on veut commercialiser un médicament, on doit préciser qu'il peut être consommé avec du lait ou non, avec des épinards ou autre chose.

Pensez-vous que les sociétés pharmaceutiques devraient avoir davantage de responsabilité en ce qui concerne...? Si elles commercialisent un médicament antidépresseur, il y a toujours la possibilité qu'une personne prenne déjà du millepertuis. Devraient- elles être obligées d'examiner toutes les contre-indications possibles par rapport à d'autres produits que les gens pourraient prendre?

La présidente: Voulez-vous y répondre, madame Brown? Vous avez déjà indiqué que vous vouliez dire quelque chose.

Mme Wendy Brown: Le sujet sur lequel je voulais intervenir est déjà passé depuis longtemps, mais j'estime que dans le cas d'un nouveau médicament, nous pouvons effectivement faire le genre de travail que vous proposez. On le fait déjà jusqu'à un certain point dans le cas des médicaments en vente libre et des médicaments à ordonnance. S'il y a un nouveau produit, il y a beaucoup de rattrapage à faire et c'est fait jusqu'à un certain point dans les monographies...

Mme Carolyn Bennett: Peut-être que les fabricants de médicaments génériques voudront y consacrer une partie de leurs bénéfices.

Mme Wendy Brown: Je voudrais revenir à une observation qui a été faite lors de notre discussion sur la modification des règlements visant les aliments. Récemment, nous avons reçu la visite d'inspecteurs de la Direction de l'inspection des aliments qui nous ont signalé toutes sortes d'irrégularités concernant nos produits Life Brand. Cela m'a plutôt étonnée parce que je pensais avoir bien lu les règles et que je les respectais. Je pensais que tout était régulier, mais en réalité il se trouvait que nos procédures n'étaient pas régulières, malgré toute notre bonne volonté.

Nous indiquions sur un produit qui relevait des règlements visant les aliments «sans sucre, sans gluten». Ils nous ont fait remarquer que désormais notre étiquette devait indiquer le nombre de calories et la teneur en glucides, comme si c'était un pain, conformément aux règlements. Ce n'est pas parce que ce sont des renseignements nécessaires aux consommateurs, dont la plupart ne liront même pas cette étiquette, mais parce que le règlement l'exige. Ils nous ont fait remarquer que certains liants que nous utilisons dans certains comprimés ne sont pas autorisés dans la liste qui se trouve dans les règlements visant les aliments.

Tout cela est bien beau mais les règlements sur les aliments étaient prévus pour les aliments. On n'a jamais envisagé les aliments sous forme de comprimé. Alors c'est une situation dont on n'a pas tenu compte et même si cette substance n'est pas autorisée dans les règlements visant les aliments, elle est permise pour ce qui est des règlements sur les médicaments. Il y avait donc toute une série de cas semblables et je dois vous dire qu'à mon avis, les règlements sur les aliments ne servent à strictement rien pour le consommateur.

Nous avons préparé une brochure où nous essayons de faire comprendre aux gens que le fait que ce soit des produits naturels ne signifie pas nécessairement que ces produits sont sans danger. Nous faisons remarquer que les herbes en question sont des médicaments et qu'il faut les traiter et les prendre comme d'autres médicaments, c'est-à-dire avec prudence. On nous a dit de supprimer ce passage parce que la moitié de mes produits ont une identification numérique de la drogue tandis que l'autre moitié n'en a pas.

Je ne comprends pas les règlements sur les aliments tels qu'ils sont formulés aujourd'hui. J'estime qu'ils ont besoin de beaucoup de modifications.

La présidente: M. Ingles voudrait dire quelque chose, après quoi nous allons nous arrêter. Pourriez-vous être bref?

M. Allan Ingles: Je voulais simplement rappeler au comité qu'à l'heure actuelle, l'un des produits naturels le plus populaire c'est le tabac. C'est une drogue. Merci.

La présidente: Je vous remercie d'être venus.

La séance est levée jusqu'à nouvel ordre.