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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 25 février 1998

• 1541

[Traduction]

La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): Docteur Woolf, est-ce que vous m'entendez? Bon, dans ce cas nous pouvons commencer.

Le mercredi qui suivra la semaine de relâche, nous aurons probablement quelque temps pour en discuter. Nous pourrions demander aux documentalistes d'apporter tout le matériel colligé jusqu'à ce moment-là, ce qui nous permettrait de discuter de ce que nous voulons faire. Je crois vous avoir dit que le ministre nous a permis de prolonger notre étude aussi longtemps que nous le jugerions nécessaire, mais nous ne voulons pas la faire durer plus qu'il ne faut.

Je déclare ouverte la 22e séance du Comité permanent de la santé qui se penche sur les produits de santé naturels.

Nous accueillons aujourd'hui quatre témoins: le Dr Robert Buckman, de Toronto; le Dr Robert Woolf, de Medicine Hat en Alberta; le Dr Warren Bell, de Salmon Arm en Colombie-Britannique; et la Dre Elizabeth Kaegi, de Toronto.

Bienvenue à tous. Je vous demanderai de limiter vos commentaires à cinq minutes environ chacun.

Le greffier du comité: Je leur ai dit qu'ils avaient droit à sept ou huit minutes.

La présidente: Sept ou huit? Si je leur dis cinq, ils se rendront peut-être jusqu'à dix.

Chaque membre du comité aura droit à cinq minutes de questions. Je ne serai pas exagérément stricte pour ce qui est de vos réponses, mais si vous répondez pendant trop longtemps, les membres du comité n'auront plus de temps pour vous poser d'autres questions. Si nous vous trouvons trop verbeux, nous vous le signalerons.

Nous allons suivre l'ordre qui nous a été proposé dans l'avis de convocation. Docteur Buckman, voulez-vous commencer?

Dr Robert Buckman (témoigne à titre personnel): Bien sûr, et merci beaucoup.

Je me présente brièvement: je suis un oncologue qui a suivi des études conventionnelles de médecine, et je suis professeur associé. J'effectue de la recherche en laboratoire. Je m'intéresse également à la communication et aux questions d'ordre sociologique; la dernière série télévisée que j'ai animée était consacrée au phénomène sociologique que constitue la médecine complémentaire et aux raisons pour lesquelles les gens semblent tant attirés vers elle. C'est d'ailleurs ce point de vue qui a été repris dans un rapport publié en septembre dernier du comité sur les formes de médecine douce du Collège des médecins et des chirurgiens de l'Ontario. Ce rapport a d'ailleurs été reçu relativement bien.

Je voudrais que le comité comprenne qu'il y a ici trois grandes questions qui sont souvent confondues et qui semblent—à tort—devoir être étudiées simultanément. Voici ces trois questions:

1. L'efficacité: la médecine parallèle donne-t-elle vraiment des résultats?

2. Les avantages: ceux qui optent pour la médecine parallèle se sentent-ils mieux?

3. La réglementation et les remboursements: comment réglemente-t-on la production et doit-on rembourser le coût des médicaments d'appoint?

D'abord, je serai très bref, il y a actuellement quatre médicaments de médecine parallèle qui ont fait l'objet d'essais rigoureux lors d'études en double aveugle et dont l'efficacité a été prouvée. Il s'agit d'un remède de la médecine traditionnelle chinoise destiné à soigner l'eczéma chez les enfants; la manipulation chiropratique destinée à soigner les lombagos, le millepertuis commun, plante qui contient un antidépresseur, et l'acupuncture en vue de contrôler la douleur—mais non en vue de contrôler la dépendance, notamment. Ces quatre pratiques de médecine parallèle ont donc fait l'objet de tests rigoureux, et leur efficacité est hors de tout doute.

Hormis ces quatre traitements, les autres n'ont fait l'objet d'aucune donnée ou encore ceux qui ont fait l'objet d'essais n'ont pas pu prouver leur efficacité. Toutefois, environ 100 p. 100 des patients qui sont adeptes de la médecine parallèle se sentent mieux, ce qui joue un rôle très important dans leur traitement. Il s'agit peut-être en réalité de 92 p. 100 d'entre eux, mais je crois que c'est la presque totalité d'entre eux qui se sent mieux. Un nombre énorme de gens qui ont une maladie évolutive suivent un traitement parallèle, qu'il s'agisse de l'Essiac, du 7-14X ou de quelque chose d'autre du genre, et s'en portent mieux. C'est ce qui arrive à nombre de mes patients.

• 1545

Si c'est le cas, que devrait faire un gouvernement ou un État devant les demandes de réglementation et de remboursement des médicaments en question? Il faut d'abord comprendre qu'il existe des règlements régissant une bonne partie des produits qu'on peut acheter dans une pharmacie aux fins d'absorption.

Supposons que j'aille acheter des multivitamines, de la vitamine C, de l'aspirine, ou un autre produit. Les normes de fabrication sont suffisamment poussées pour que je puisse être relativement sûr que les capsules de vitamine C ne contiennent pas de cyanure. Les règlements en ce sens étant bien établis, il n'y a pas lieu de les resserrer ni de les modifier, en ce qui concerne toute autre forme de supplément vitaminique ou autre.

Le deuxième problème concerne le remboursement. L'Angleterre pourrait vous servir de modèle des plus utile. En effet, il se trouve que le service national de santé de la Grande-Bretagne inclut diverses pratiques familiales et autres unités de santé que l'on appelle des unités détentrices de budget ou de fonds. Ces unités détentrices de fonds peuvent utiliser à leur gré les ressources obtenues du gouvernement.

Certaines d'entre elles, et particulièrement la Clinique de santé de Marylebone dans le nord de Londres, ont embauché un groupe de médecins pratiquant la médecine douce, dont un qui exerce la médecine traditionnelle chinoise, un autre pratiquant d'aromathérapie, etc. Lorsque les professionnels de la santé en arrivent à la conclusion qu'ils ne peuvent rien faire de plus pour le patient qui est entre leurs mains, ils lui suggèrent d'aller voir l'aromathérapeute qui se trouve à l'autre bout du couloir, dans le même édifice. C'est ainsi que leurs patients se tournent vers les soins dispensés par l'aromathérapeute.

Or, une recherche entreprise par cette clinique et subventionnée de façon indépendante, a démontré que le coût des produits pharmaceutiques avait chuté de 30 p. 100. De plus, le nombre de cas recommandés à l'hôpital général du district à des fins de consultation avait baissé lui aussi de 30 à 60 p. 100 selon le cas.

C'est ce qui s'appelle réduire les coûts. Personne ne demande au gouvernement de payer l'aromathérapeute; c'est la clinique qui emploie l'aromathérapeute, et on constate que les patients utilisent moins de médicaments non stéroïdiens anti-inflammatoires, par exemple. Voilà donc un modèle utile.

Je pense en tout cas, pour ma part, que c'est un modèle qui vous serait utile. Prenez celui qui a la gueule de bois et qui se sent très mal en point le lendemain matin parce qu'il a un mal de tête à tout casser. Cette personne va à la pharmacie, achète de l'aspirine, en prend une ou deux, et se sent mieux. Demande-t-on au gouvernement de lui rembourser son aspirine? Ce n'est pas parce que l'on ressent des bénéfices d'un médicament que le gouvernement doit nous le rembourser.

Voilà ce que j'avais à dire là-dessus.

La présidente: Bien. Avez-vous autre chose à ajouter?

Dr Robert Buckman: Non, j'ai fini. Dois-je partir?

La présidente: Vous avez été si bref que j'en suis abasourdie: je vais proposer une pause de cinq minutes pour permettre aux techniciens de s'assurer que le système ne nous fera plus faux bond.

• 1548




• 1552

La présidente: Poursuivons la séance.

Nous accueillons maintenant le Dr Woolf de Medicine Hat. Vous avez la parole.

Dr Robert Woolf (témoigne à titre personnel): Merci beaucoup.

Je suis un médecin formé à l'école traditionnelle, et un ancien urgentologue qui pratique maintenant une médecine orientée sur la nutrition.

Pour avoir pratiqué pendant de nombreuses années la médecine d'urgence—inspirez-vous des séries télévisées comme «Urgence» pour comprendre ce que je faisais—et pour l'avoir enseignée, j'ai appris à apprécier l'utilité de ces machines de technologie de pointe et des médicaments de pointe. Mais je sais aussi également ce que ne peut pas faire la médecine d'urgence, et c'est ce qui m'amène à vous parler des médicaments naturels.

Commençons d'abord par l'innocuité. Si vous parcourez la littérature médicale des 25 dernières années, vous vous rendrez compte que très peu d'accidents ont été causés par les médicaments naturels, alors que les autorités médicales des États-Unis estiment chaque année en Amérique du Nord environ 200 000 personnes meurent d'interactions médicamenteuses et que celles-ci laissent de graves séquelles chez un autre groupe de 10 millions de personnes.

D'après une étude récente du gouvernement de l'Ontario, 20 p. 100 des personnes âgées sont admises dans les hôpitaux à cause de l'interaction médicamenteuse et que de 2 000 à 3 000 personnes meurent chaque année par intoxication à l'aspirine et à d'autres médicaments semblables.

Les médicaments naturels sont largement répandus en Grande-Bretagne, au Japon, en Australie, en Nouvelle-Zélande—c'est-à-dire dans d'autres pays du G-7—et en Orient. La moitié des médecins européens prescrivent régulièrement des médicaments naturels comme thérapie principale, et la plupart apprennent à connaître les rudiments de la phytothérapie pendant leur formation. Des recherches étendues dans ces pays démontrent l'efficacité de cette approche.

Par opposition, la médecine nord-américaine fait de la gestion de crise à l'aide de la haute technologie et de médicaments. Le «Office of Technology Assessment», rattaché au Congrès des États-Unis, estime que la médecine biotechnique sert seulement 20 p. 100 des gens et que 70 p. 100 de nos clients n'ont jamais eu une évaluation clinique convenable.

Toutefois, les choses semblent changer. À l'heure actuelle, environ 25 p. 100 des écoles de médecine américaines, dont Johns Hopkins et Harvard offrent des cours de médecine douce à leurs étudiants de médecine générale. Les collèges des médecins et des chirurgiens de l'Alberta, de la Saskatchewan et de la Nouvelle-Écosse reconnaissent maintenant la valeur des thérapies non conventionnelles et ont créé des registres pour les médecins que cela intéresse. De même, le Vancouver General Hospital est en train de créer une aile entière qui sera consacrée à la médecine douce.

• 1555

L'Organisation mondiale de la santé prône le recours aux formes de médecine naturelle depuis quelques années car elles sont sûres, rentables et efficaces.

Le Congrès mondial de la médecine naturelle, un organisme auquel j'appartiens, a déclaré:

    «Regrouper ce que la médecine biotechnique occidentale moderne peut offrir de mieux avec ce que les méthodes traditionnelles ont de mieux, comme la médecine chinoise, l'acuponcture et la phytothérapie pour offrir au patient le maximum de choix afin de traiter un problème précis de la manière la moins agressante possible.»

Cela semble logique, n'est-ce pas?

Et cela m'amène à notre Direction de la protection de la santé au gouvernement du Canada, un organisme qui persécute systématiquement la médecine naturelle. Ils élaborent des listes restreintes en secret, et personne ne sait ce que contiennent ces listes jusqu'à ce que les inspecteurs apparaissent dans les magasins pour harceler les propriétaires ou confisquer des articles. C'est une véritable politique de harcèlement. Par exemple, la mélatonine n'est plus en vente libre au Canada, mais on peut la commander par la poste aux États-Unis. Est-ce un produit sûr ou pas? Décidez-vous.

Soit dit en passant, ces restrictions ont été imposées quand on a commencé à dire que la mélatonine donnait des résultats extraordinaires avec les enfants qui ont des troubles déficitaires de l'attention et qui ont des cycles de sommeil très déréglés. La mélatonine devenait ainsi une menace pour le Ritalin qu'on donne très souvent comme si c'était de la gomme à mâcher.

Au printemps dernier, la Direction de la protection de la santé a publié une mise en garde au sujet du Ma huang, une herbe chinoise, disant qu'elle avait tué 18 personnes aux États-Unis. C'est un mensonge éhonté. Cette affirmation ne repose sur aucun fondement. En fait, c'est le médicament pseudoéphédrine qui s'est avéré toxique, et non pas l'herbe Ma huang.

À l'époque, lorsqu'on a mis en doute les assertions de la DPS, la direction a répondu que les informations venaient de la U.S. Food and Drug Administration. Toutefois, après renseignement pris auprès de la U.S. Food and Drug Administration, il s'est avéré que ce n'était pas exact.

Par contre, il est bien connu que la Direction de la protection de la santé s'empresse d'approuver des médicaments qui ont des effets secondaires graves, sinon dangereux. On pense à de nombreux médicaments pour le coeur.

De plus, le médicament Cylert, qu'on prescrit aux enfants qui ont des troubles déficitaires de l'attention, s'est avéré toxique pour le foie et a causé plusieurs décès ou a nécessité des greffes du foie chez plusieurs enfants. Et pourtant, tout ce qu'on demande à la compagnie Abbott, le fabricant, est d'apposer une mise en garde sur l'étiquette. Pendant ce temps, des plantes médicinales sont sans cesse confisquées sous prétexte d'infractions mineures. Le préjugé est évident.

Il est intéressant de noter que pendant l'enquête Krever sur le sang contaminé, on avait demandé à la DPS pourquoi il n'y avait pas eu de meilleures inspections, et les responsables s'étaient justifiés en disant qu'ils n'avaient pas suffisamment de fonds ou de personnel. Et pourtant, elle semble avoir eu suffisamment de fonds et suffisamment de personnel pour faire accompagner dans des magasins de produits naturels de tout le pays les agents de la GRC qui y sont envoyés deux par deux, pour harceler les propriétaires et confisquer des herbes sans danger.

Pour résumer la philosophie de la DPS, il suffit de citer deux de ses principaux responsables. Le Dr George Patterson a, semble-t-il, déclaré que la DPS et l'industrie pharmaceutique avaient un objectif commun, c'est-à-dire ne pas compromettre la compétitivité des fabricants de médicaments. De son côté, le Dr Donald Landry, de la DPS, a déclaré dans le Globe and Mail de Toronto le 28 mai 1997, que la DPS considère l'industrie pharmaceutique comme son principal client.

Cela me semble très étrange, car on pourrait penser qu'un organisme de réglementation du gouvernement du Canada est avant tout au service de la population canadienne.

En ce qui concerne la réglementation, les lois actuelles sont satisfaisantes et les méthodes de fabrication sont bonnes, l'étiquetage exact, etc. Je suis loin d'être convaincu qu'il est nécessaire de réglementer encore ces produits qui sont particulièrement sûrs. Par comparaison, sur le plan de l'innocuité, nos produits pharmaceutiques sont absolument épouvantables.

Toutefois, si votre comité juge qu'un complément de réglementation est nécessaire, on pourrait peut-être créer une troisième catégorie, celle des médicaments naturels traditionnels, mais à condition, à mon avis, que la DPS ne s'en occupe pas. Il faudrait confier cette troisième catégorie à un autre organisme, un organisme autonome et hors d'atteinte du personnel de la DPS, qui dans toute cette affaire, a fait preuve d'un manque d'intégrité total.

Deuxièmement, il ne faudrait pas non plus que cet organisme soit contrôlé par des médecins. Contrairement aux médecins européens, les médecins nord-américains n'ont aucune formation en médecine naturelle, et la plupart d'entre eux, ou du moins un grand nombre, risquent beaucoup plus de critiquer et de ridiculiser leurs patients au lieu de les aider.

• 1600

De plus, s'il faut passer par les médecins pour accéder à cette troisième catégorie, on reviendra presque automatiquement à un système d'ordonnance, un système élitiste qui n'est pas acceptable. Ces médicaments sont des médicaments naturels qui doivent être à la disposition de tout le monde.

Troisièmement, je pense qu'il est indispensable de légiférer pour forcer la direction de la Protection de la santé à prouver qu'un danger existe avant de pouvoir intervenir et retirer un produit de la vente libre.

Enfin, je vous ai distribué un graphique que vous devez avoir sous les yeux. Je présente mes excuses aux membres du comité qui sont francophones car je n'ai pas pu faire traduire ce graphique. Je vous assure que je n'avais pas l'intention d'offenser qui que ce soit, mais cela s'est avéré matériellement impossible.

Sur ce graphique, vous trouverez une série de statistiques, des données récentes, pour une période d'une année. Ces données proviennent du Centre antipoison de la capitale nationale, Département de la Médecine d'urgence, Université George Washington. À gauche, vous avez une liste de plantes communément utilisées, à droite, une liste de catégories de médicaments d'usage commun. Nombre de décès attribuables aux plantes: zéro. Nombre de décès attribuables aux médicaments: multiples. Ces données proviennent d'un seul centre antipoison. Si vous prenez l'ensemble de l'Amérique du Nord, je le répète, cela représente 200 000 décès, et peut-être 10 millions de personnes atteintes—soit dit en passant, ce chiffre provient des autorités américaines de la Santé—et la plupart de ces incidents se produisent lorsque les gens suivent fidèlement les modes d'emploi.

De plus, parmi les plantes à gauche du graphique, nous savons que plusieurs sont sur la liste noire de la DPS: le Ma huang, l'ail, le poivre de Cayenne, l'aubépine, le ginkgo, le millepertuis. Et dans tous ces cas, la seule raison, c'est qu'ils sont une menace pour l'industrie pharmaceutique. C'est l'unique raison.

Voilà qui témoigne d'une différence impressionnante entre ces deux catégories de produits médicinaux, et je terminerai ici ma déclaration d'ouverture.

Merci.

La présidente: Merci, docteur Woolf.

Docteur Bell.

Dr R. Warren Bell (témoigne à titre personnel): Pour reprendre là où le Dr Woolf s'est arrêté, je vais vous soumettre une image qui résumera en partie ce qu'il a dit et qui vous donnera une idée de mon propos.

Je pensais à un après-midi de printemps tranquille dans les collines de la Gatineau. Imaginez cette scène envahie par des milliers de véhicules tous terrains et de moto-cross qui roulent à toute vitesse, labourant le terrain, crachant des gaz d'échappement, et faisant un vacarme incroyable. Un promeneur solitaire marche à travers les bois. Il a bu une tasse de thé avant de partir, et sa vessie est pleine, si bien qu'il va se soulager derrière un arbre. On l'arrête pour pollution et attentat à la paix publique.

Voilà une comparaison qui, à mon avis, caractérise bien la situation respective des médicaments conventionnels et des naturels.

Je suis un généraliste, je vis dans une petite ville de 15 000 habitants, et je fais exclusivement du travail clinique. Je reçois des patients dans mon bureau. Avec le temps, j'ai fini par me rendre compte qu'il existait une masse de documentation pour confirmer l'utilité de toutes sortes de médicaments naturels, certaines d'usage récent, d'autres très anciens, et que cette masse de connaissance était égale, ou du moins à peu près égale à ce qu'on sait de beaucoup de remèdes conventionnels, ces remèdes mêmes que nous utilisons avec la plus grande liberté.

Toutefois, il y a une différence énorme entre les remèdes conventionnels et les remèdes non conventionnels ou parallèles. Et à mon avis, cette différence tient probablement beaucoup plus des considérations économiques et politiques, ou pour être plus précis, à des questions de droit des brevets, qu'à des considérations d'efficacité ou d'innocuité. Un brevet, c'est un monopole. C'est l'antithèse même du libre marché. Cela permet de dissocier radicalement les coûts de production et de développement et les bénéfices. C'est précisément ce qui motive l'industrie pharmaceutique conventionnelle et qui la conduit au succès financier renversant, époustouflant, qu'elle connaît actuellement. En même temps, c'est ce qui nous a donné une culture axée sur les médicaments synthétiques.

L'industrie pharmaceutique parle volontiers de la raison d'être des brevets, disant que ceux-ci stimulent la créativité. En fait, ils ne stimulent pas forcément la créativité, mais par contre, ils stimulent certainement les bénéfices.

• 1605

Et si la culture dominante et les professions de la santé sont axées sur les médicaments synthétiques, le résultat net est que tous les remèdes non brevetables deviennent par définition des remèdes marginaux.

L'ayurvédisme, la médecine chinoise traditionnelle, les vitamines, les plantes, les remèdes homéopathiques et diverses thérapies manuelles, aucune de ces méthodes, si vous y réfléchissez, n'est brevetable. C'est la raison pour laquelle elles aboutissent dans une autre catégorie.

Je vais vous donner trois exemples des problèmes auxquels je me suis heurté dans ma pratique clinique à propos de ce qu'on appelle les remèdes parallèles. Dans tous les cas, c'était parce que la Direction de la protection de la santé, comme le Dr Woolf l'a observé, se range délibérément dans le camp de l'industrie.

Premièrement, l'accès. Il a parlé de la mélatonine. La mélatonine est une substance naturelle qui est produite dans le corps. Elle est en concurrence directe avec le Valium, Serax, Ativan et certains antidépressifs, comme Imovane, qui est une autre sorte de calmant. Ce produit leur fait une concurrence directe.

Au début, la DPS avait autorisé la vente libre. Ensuite, le produit a été retiré de la vente libre, sauf pour usage personnel, ce qui signifie qu'on pouvait le commander aux États-Unis. Ensuite, il n'était même plus possible de le commander de l'autre côté de la frontière et on risquait de se faire arrêter car le niveau de tolérance était zéro. Récemment, elle a fait marche arrière. Il y a environ six mois, le mécontentement intense des consommateurs l'a forcée à faire marche arrière et à autoriser l'importation pour usage personnel.

Tous ces changements sans queue ni tête ont été décidés derrière des portes fermées, sans aucune justification. En tant que praticien, je sais que la mélatonine est efficace, mais j'ai énormément de mal à savoir quand et comment je peux la recommander à mes patients. Une minute on peut la trouver, l'instant d'après elle n'est plus disponible.

Deuxièmement, il y a le Programme de médicaments d'urgence. C'est une technique, une méthode utilisée par la direction de la protection de la santé et qui, au départ, devait permettre de donner à un patient donné une petite quantité d'un médicament avant sa mise en vente au Canada. Aujourd'hui, ce programme ne sert plus du tout les mêmes objectifs. On l'utilise surtout pour empêcher les patients d'obtenir des remèdes naturels. Ils doivent s'adresser à leur médecin. Le médecin doit envoyer un formulaire à quelqu'un, à Ottawa. Le formulaire doit être rempli et renvoyé à une pharmacie ou à un autre dispensaire. Je connais mes collègues, s'il faut remplir trois ou quatre feuilles de papier pour obtenir une petite quantité de médicaments, il faut que ce soit vraiment efficace, sinon ils ne s'en donneront pas la peine. En fait, on ne peut pas entrer dans un magasin pour obtenir le produit. Il faut se soumettre à ce chassé-croisé, et cela limite l'accès.

Un exemple parfait est celui de l'huile de saumon, l'huile que l'on tire du saumon. Je vis à Salmon Arm. Je ne vois pas les gens tomber comme des mouches après avoir consommé de l'huile de saumon. On utilise l'huile de saumon depuis un certain temps pour traiter les problèmes cardio-vasculaires et autres problèmes du genre. À l'origine, c'était en vente libre. Ensuite, cela a été classé parmi les médicaments du PMU, le Programme de médicaments d'urgence. Aujourd'hui, c'est de nouveau en vente libre. Pendant dix ans, je ne le savais même pas, et c'est seulement il y a trois jours que je me suis aperçu que je n'avais plus à remplir le formulaire du PMU, mais personne à la DPS ne m'avait prévenu. Depuis des années, j'envoyais fidèlement les formulaires à la DPS et l'autre jour, c'est à Costco, imaginez, que je m'en suis rendu compte devant un mur entier plein d'huile de saumon. Pendant tout ce temps, la DPS continuait à recevoir mes formulaires et à me les renvoyer et personne n'a eu l'idée de me dire que ce n'était pas nécessaire. C'est vraiment bizarre.

La toxicité falsifiée, dont le Dr Woolf vous a parlé brièvement, est un autre cas qui empêche les gens d'obtenir des médicaments naturels. Un parfait exemple est celui du L-tryptophan. Le L-tryptophan est un aminoacide. Il est dérivé d'une protéine. C'est une substance qui existe dans le corps, c'est un aminoacide essentiel. C'est également un précurseur d'un neurotransmetteur qui vous fait vous sentir bien. On l'utilise depuis environ 20 ans comme antidépressif et calmant. D'excellentes études en parallèle avec des antidépressifs communs ont démontré que c'était tout aussi efficace.

Bon; un contaminant a été introduit il y a environ 12 ans à cause d'un nouveau processus de fabrication. Soit dit en passant, je ne saisis pas si le comité va se pencher sur cette question, mais il s'agissait d'un processus de biogénie. Je peux vous assurer que la Direction de la protection de la santé est très mal équipée pour analyser et comprendre les médicaments produits par génie génétique, une nouvelle vague de médicaments qui a un potentiel incroyable de danger et d'effets secondaires.

• 1610

Quoi qu'il en soit, L-tryptophan contenait un contaminant qui provoquait une maladie grave. Au bout de quatre ou cinq ans, on s'est rendu compte de ce qui se passait. Le produit a été retiré du marché et il n'a pas été remis en circulation, à l'exception du produit d'une compagnie pharmaceutique.

J'ai six suggestions.

Premièrement, les délibérations de la Direction de la protection de la santé doivent devenir complètement transparentes. Cet organisme ne devrait prendre aucune décision sans que le public n'en soit pleinement informé.

Deuxièmement, les citoyens devraient pouvoir contrôler les activités de la Direction de protection de la santé. Tous les collèges de médecine du pays ont accepté le principe du contrôle des citoyens. Pourquoi la Direction de la protection de la santé ne peut-elle l'accepter également?

Troisièmement, toutes les nouvelles substances devraient être soumises à une évaluation spécifique du risque relatif, une évaluation sur la base de données solides. Je vous ai parlé des bois de la Gatineau. Nous devons éviter de surréglementer les remèdes naturels, d'en limiter excessivement l'accès, car dans l'ensemble, ils présentent très peu de risques. Dans le monde naturel, tout n'est pas sans danger, mais relativement parlant, ce sont des produits sûrs.

Nous devrions nous rendre compte de la connivence qui existe entre la Direction de la protection de la santé et l'industrie pharmaceutique. À mon avis, le moment est venu de faire une enquête publique sur les activités tortueuses de la Direction de la protection de la santé et ses rapports intimes avec l'industrie pharmaceutique, un aspect dont le Dr Woolf a parlé.

Nous devrions également, en ce qui concerne la recherche en matière de remèdes naturels, adopter une démarche proactive. Comme on ne peut pas breveter les remèdes naturels, ils ne sont pas une bonne source de revenu. Ce n'est pas un domaine où l'on peut faire des bénéfices extravagants. Le gouvernement devrait mettre en place un organisme de recherche différent du Conseil de recherches médicales, qui ne touchera pas aux produits qui sont déjà sur le marché.

Enfin, nous avons besoin d'établir la confiance. La Direction de la protection de la santé, l'organisme de réglementation, doit faire confiance à la population canadienne, la laisser libre de prendre des décisions raisonnables sur la base d'informations suffisantes. Si la Direction fait cela, le citoyen moyen fera de nouveau confiance à l'organisme de réglementation pour imposer des restrictions, mais uniquement en présence d'un danger potentiel ou d'un problème important de sécurité. À l'heure actuelle, cette confiance n'existe pas, ni d'un côté ni de l'autre, mais il faut absolument qu'elle s'établisse.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Docteur Kaegi.

Dre Elizabeth Kaegi: Bonjour, mesdames et messieurs.

Conformément aux instructions que j'ai reçues, de faire des observations se limitant à deux pages ou cinq minutes, je vais essayer d'aborder deux questions. La première, ma propre connaissance et expérience des thérapies non conventionnelles, et deuxièmement, mes recommandations sur la réglementation gouvernementale des phytothérapies. Si vous le souhaitez, je répondrai ensuite aux questions que vous pourrez me poser sur le rôle du gouvernement, l'enregistrement ou la possibilité d'accorder des permis de pratiquer aux praticiens non conventionnels.

Comme on l'a dit tout à l'heure, je m'appelle Elizabeth Kaegi. J'ai reçu ma formation en médecine en Nouvelle-Zélande et, en 1969, j'ai obtenu un diplôme de médecine de l'Université d'Otago, à Dunedin. Après avoir commencé des études de deuxième cycle, j'ai immigré au Canada en 1971 où j'ai poursuivi ma formation clinique à l'Université McMaster, après quoi j'ai fait une maîtrise de sciences en conception, mesure et évaluation à la Faculté de médecine de l'Université McMaster. J'ai obtenu ce diplôme en 1976.

Depuis lors, sur la base de ma formation, je me suis occupée de politiques de la Santé à divers niveaux: à l'université; au gouvernement, à la fois en Alberta et en Ontario; dans le secteur privé; enfin, tout récemment, dans le secteur des organismes de charité en tant que directrice des affaires médicales et du contrôle du cancer à la Société canadienne du cancer et à l'Institut national du cancer du Canada.

Je suis maintenant à la retraite et je continue à faire activement du bénévolat dans le domaine du cancer. Je m'occupe actuellement de plusieurs projets qui font appel à des thérapies non conventionnelles. À la demande du journal de l'Association médicale canadienne, je prépare actuellement une série d'articles sur les thérapies non conventionnelles. Je prépare également un guide pour aider les patients à trouver et à évaluer des thérapies non conventionnelles. Ce guide accompagnera les articles que je viens de mentionner. Je siège également au comité directeur du Forum national sur le cancer de l'ovaire, et je m'occupe plus particulièrement d'une séance consacrée aux choix de traitements. À cette occasion, on discutera des thérapies non conventionnelles. À cet égard, je prépare également un document de discussion sur les thérapies non conventionnelles à l'intention des participants au forum.

Je tiens à vous dire que je n'ai aucun intérêt, commercial ou autre dans aucune thérapie conventionnelle ou non conventionnelle.

• 1615

Je tire mon expérience des thérapies non conventionnelles principalement de mon travail avec la Société canadienne du cancer, avec l'Institut national du cancer du Canada et avec l'Initiative canadienne pour la recherche sur le cancer du sein. Quelque 20 p. 100 de toutes les demandes de renseignements de patients acheminées à mon bureau portaient sur l'utilisation de thérapies non conventionnelles, et nous avons constitué une base de données pour nous permettre de mieux répondre à ces demandes.

Il est ressorti que, même si les patients étaient vraiment intéressés à explorer les possibilités des thérapies non conventionnelles dans le traitement des cancers qui les touchaient, eux ou leurs enfants, ils ont eu beaucoup de difficulté à trouver l'information nécessaire sur les produits et les fournisseurs. Même avec l'aide d'un organisme spécialisé dans le cancer, il nous a été difficile de répondre aux demandes d'information des requérants.

Dans l'ensemble, ils avaient surtout deux questions: est-ce que c'est dangereux, ou bien est-ce que ça risque d'être dangereux pour moi? Y a-t-il des chances pour que cela fonctionne dans mon cas? Voilà les deux questions qui intéressaient surtout les gens.

Nous avons noté que les médecins et autres fournisseurs de soins de santé étaient de plus en plus disposés à se tourner vers des thérapies non conventionnelles, mais eux aussi ont exprimé leur dépit face à la difficulté d'obtenir de l'information sérieuse sur ces thérapies et face à leur incapacité résultante de donner des conseils utiles à leurs patients.

Le besoin urgent d'information sérieuse sur l'innocuité et l'efficacité de la multitude de thérapies non conventionnelles disponibles au Canada a été souligné dans les recommandations du Forum national sur le cancer du sein en 1993. À ce forum, participaient des patients, des professionnels de la santé, des chercheurs et des spécialistes de la politique publique.

Après le forum, l'Initiative canadienne pour la recherche sur le cancer du sein, financée en partie par le gouvernement fédéral, a entrepris un ambitieux programme de recherche dont un des objectifs était d'examiner les problèmes liés à l'utilisation des thérapies non conventionnelles au Canada.

Le programme comprenait une étude documentaire sur un choix d'agents. C'est en fait un des six livrets que nous avons publiés. Celui-ci est sur escador ou mistletoe.

Nous avons examiné ce qui avait été écrit sur la question dans tous les pays. Il s'agissait principalement de textes en anglais, mais nous avons également consulté des résumés en anglais tirés de textes en langues étrangères, y compris des données européennes qui, comme d'autres l'ont signalé, contiennent souvent plus d'informations sur les thérapies non conventionnelles que les données nord-américaines.

Nous avons également organisé à Vancouver, en octobre 1996, un atelier sur les méthodes de recherche pour discuter de la méthodologie de recherche en ce qui concerne les thérapies non conventionnelles. En effet, il est évident que les méthodes utilisées pour la recherche sur les remèdes conventionnels ne conviennent pas.

Enfin, il y a eu un concours spécial de bourses de recherche dans le domaine mettant l'accent sur la collaboration et l'innovation. L'Initiative canadienne pour la recherche sur le cancer du sein a réservé plus d'un million de dollars à la recherche sur les thérapies non conventionnelles. C'est une chose dont les Canadiens peuvent être très fiers.

Les résultats de cette recherche seront utiles, mais les patients et les fournisseurs ne pourront y avoir accès avant quelques années. Entre temps, les consommateurs doivent se débrouiller seuls pour faire leurs choix parmi les nombreuses thérapies non conventionnelles.

Je crois que le gouvernement a un rôle important à jouer dans ce domaine. Un gouvernement responsable doit trouver un équilibre entre la protection de la liberté des individus pour qu'ils puissent choisir eux-mêmes parmi les soins de santé offerts, et la protection du public contre les dangers qu'il ne peut déceler même en faisant preuve de prudence et de diligence. Il faut encourager chacun à faire des choix responsables en matière de santé sans s'attendre à ce qu'il puisse y arriver s'il ne connaît pas ou ne peut connaître les dangers en jeu.

L'information disponible indique que de nombreuses thérapies non conventionnelles sont sans danger si elles sont suivies selon les indications. Pourtant, elles peuvent être dangereuses pour les personnes particulièrement sensibles en raison de leur âge—je pense aux enfants et aux personnes âgées—de leurs antécédents médicaux, par exemple, allergies, maladies chroniques, comme le diabète, les maladies du foie, les troubles cardiaques; grossesses, et allaitement au sein.

Enfin, elles peuvent être dangereuses pour ceux qui utilisent en même temps des thérapies conventionnelles. Cela est vrai pour certaines thérapies contre le cancer pour lesquelles il peut y avoir interaction dangereuse avec les thérapies non conventionnelles. En outre, à défaut de contrôles de fabrication, l'efficacité des thérapies non conventionnelles peut varier et il y a risque de contamination par des agents potentiellement dangereux. Je pense que d'autres personnes ont mentionné cela également.

Je crois qu'il convient de donner aux personnes qui envisagent de recourir à des thérapies non conventionnelles ou à des remèdes naturels offerts au Canada, l'assurance qu'elles ne courent aucun danger si elles suivent les indications. Il convient aussi de leur donner l'assurance que l'agent a été préparé et produit suivant de bonnes méthodes de fabrication et de normalisation, qu'il ne contient aucun contaminant et que les différents lots de cet agent auront des effets identiques et prévisibles. Autrement dit, le public mérite qu'on réponde à sa question quand il demande si c'est dangereux.

• 1620

J'estime que le meilleur moyen de respecter la liberté de choix du public est de le protéger contre tout danger fortuit et de créer une troisième catégorie d'agents réglementés par le gouvernement. Je ne vous dirai pas comment il convient de l'organiser, ni de quel organisme gouvernemental cela doit relever, d'autres l'ont fait avant moi, mais à mon avis, cette troisième catégorie devrait s'insérer entre la classe des aliments et celle des médicaments.

Il faudrait attribuer aux agents de cette nouvelle catégorie jugés satisfaisants un numéro d'identification unique indiquant que de l'information de base sur le produit est disponible, que le produit a été fabriqué, entreposé et distribué selon des pratiques acceptables et qu'il est raisonnablement sûr.

Il est normal mais beaucoup moins difficile et coûteux de prouver qu'un produit est raisonnablement sûr que d'en démontrer l'efficacité clinique. Dans certains pays, le cadre réglementaire admet comme preuve de sûreté des données historiques confirmant un emploi répandu sans effets néfastes chez la population, des données de laboratoire acceptables ou des études cliniques.

Je suis d'avis que les produits devraient porter des étiquettes indiquant au moins les ingrédients, la posologie recommandée, les contre-indications, les effets secondaires possibles, l'adresse du fabricant ou du fournisseur et une source d'information additionnelle. Toute documentation d'accompagnement devrait reprendre l'information sus-mentionnée et peut-être indiquer les conditions dans lesquelles on prétend que le produit est utile.

Il faudrait indiquer clairement que son efficacité n'est pas prouvée scientifiquement et qu'il faut l'utiliser avec prudence, sous la surveillance d'un fournisseur de soins de santé agréé et pendant une période limitée.

À défaut d'information exacte et disponible pour guider le consommateur dans ses choix, j'estime qu'une réglementation comme celle-ci, qui donnerait des garanties raisonnables quant à l'innocuité des produits et permettrait à chacun d'en évaluer l'efficacité en fonction de ses propres besoins et de ses préférences, permettrait d'assurer l'équilibre recherché entre la liberté de choix et la protection contre des dangers inconnus et cachés.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup. Je vous remercie tous.

Monsieur Hill.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Merci à chacun de vous.

Ce sont surtout les deux témoins qui pratiquent la médecine en dehors du cadre traditionnel qui ont retenu mon attention. J'aimerais que vous nous disiez comment vous avez acquis vos connaissances dans le domaine des produits de santé naturels, mise à part votre formation médicale. Ma question s'adresse à vous deux, Dr Woolf et Dr Bell.

Dr Robert Woolf: Merci. Le College of Physicians and Surgeons of Alberta a dressé il y a un an et demi environ un répertoire des médecins offrant des soins complémentaires. Ce sont des médecins qui offrent des soins complémentaires outre les soins de médecine traditionnelle. Ainsi il existe un répertoire d'acupuncture depuis plusieurs années, et il s'agit ici d'un répertoire parallèle.

Depuis trois ou quatre ans, cette question m'intéresse de plus en plus. D'abord, il existait un besoin. Ces produits sont efficaces; ils donnent de bons résultats pour beaucoup de gens, mais pas tous. Du reste, la pénicilline n'est pas efficace pour tout le monde non plus, mais ce n'est pas une raison pour y renoncer. Il existe donc un besoin.

Par conséquent, j'ai fini par me documenter passablement sur les plantes médicinales en m'adressant à l'un des collèges spécialisés qui offrent de l'information par correspondance, évidemment, étant donné que j'exerce la médecine. Je me suis présenté à différents examens et différentes épreuves, et j'ai soumis ces attestations au College of Physicians and Surgeons, qui les a acceptées.

M. Grant Hill: Excellent.

Dr Warren Bell: Je crois que j'ai suivi la même méthode d'apprentissage que pendant toutes mes études supérieures: après avoir obtenu mon diplôme de médecine, j'ai suivi des cours, j'ai lu sur le sujet et j'ai consulté la documentation existante.

Toutefois j'aimerais aussi ajouter que dans ce domaine, je pense avoir beaucoup appris des patients. Ils sont une excellente source d'information. On reçoit des gens qui sont très résolus à recouvrer la santé et qui ont essayé quelque chose qui a réussi dans leur cas et qui veulent vous en parler. Parfois ils m'apportent un article—du New England Journal of Medicine. On demande si je l'ai lu, et on me dit de me réveiller.

Cette source d'information m'a vraiment beaucoup guidé, et je me suis aussi reporté à l'enseignement traditionnel sur l'alimentation dans diverses autres techniques de l'art de guérir. C'est donc un peu comme ce que j'avais fait pour la pratique conventionnelle, mais cette recherche devait être un peu plus personnelle, parce que jusqu'à tout récemment il n'y avait ni cours ni école où l'on puisse s'inscrire et où l'on enseigne tout l'ensemble des médecines complémentaires.

• 1625

M. Grant Hill: Est-ce que certains de vos collègues qui exercent la médecine traditionnelle ont semblé vous désapprouver, pensant que vous étiez en train de perdre le nord et de vous aventurer dans un domaine farfelu?

Dr Robert Woolf: Oui. Quoique, encore là, il faut savoir que les médecins font ce qu'on leur a enseigné. En Amérique du Nord, en fin de compte, on nous enseigne que quelle que soit la gravité des doléances du patient, la première chose à faire c'est de prescrire un médicament. C'est essentiellement ce à quoi se résume la médecine en Amérique du Nord. Par conséquent, on fait fi de ce qu'offre la médecine complémentaire. Comme je vous le disais, la plupart des médecins européens, au cours de leur formation, se familiarisent avec les médicaments naturels et les plantes médicinales.

J'ai donc parfois effectivement eu cette impression—que j'arrive très bien à surmonter—bien que plusieurs médecins m'adressent en fait des patients pour consultation. Leur nombre semble augmenter progressivement.

En fait, les statistiques le prouvent. Je ne sais pas si vous êtes au courant ou non, mais les données statistiques montrent que probablement la moitié des Canadiens recourent maintenant régulièrement à des traitements complémentaires. Personnellement, je pense que ces données sont plutôt prudentes. Je pense qu'en réalité ces chiffres sont beaucoup plus élevés. Certains de mes collègues le pensent aussi.

Cette même étude montre que 40 p. 100 environ des jeunes médecins estiment que ces traitements naturels devraient être facilement accessibles. On voit donc qu'il y a évolution, mais il faut du temps.

Dr Warren Bell: À propos de mon expérience dans une petite localité—j'habite dans une ville de 15 000 habitants—je dirais que dans une petite localité les choses se passent un peu différemment. On vous considère comme un professionnel mais aussi comme une personne et les relations comptent davantage. Les interactions entre individus revêtent plus d'importance.

Je sais que certains de mes collègues ont sourcillé et fait quelques remarques au fil des ans. Parallèlement, ils m'adressent quasi anonymement des patients quand ils entrent dans le domaine complexe des allergies, des troubles digestifs ou de la psychologie—c'est ainsi qu'ils l'interpréteraient—des problèmes qui doivent être éclaircis.

En fait, comparativement à l'obstétrique, c'est un domaine assez tranquille. C'est là que les choses se passent vraiment.

M. Grant Hill: Estimez-vous que les médecins de médecine traditionnelle devraient recevoir, au cours de leurs études universitaires, une formation dans ce domaine?

Dr Robert Woolf: À mon avis, oui.

Dr Robert Buckman: Je ne pense pas qu'il faille pour l'instant l'inclure dans la formation de tous les médecins. De plus, on pourrait discuter interminablement de ce que devrait contenir cette formation.

Il me semble que les gens qui souhaitent, par exemple, étudier l'analgésie par acupuncture peuvent le faire. C'est assez simple.

Inclure l'étude de la naturopathie, par exemple, à celle de l'endocrinologie, c'est en quelque sorte donner à entendre qu'il existe un corpus de données scientifique étayant la naturopathie, tout comme c'est le cas pour l'endocrinologie. Je pense que ce serait aller un peu trop vite en besogne.

Pour ma part, aller mieux par rapport à se sentir mieux—nous encourageons les deux—c'est quelque chose qu'il faudrait enseigner. J'aimerais que dans les règles de métier on donne des cours sur la façon d'intervenir auprès des personnes. Si cela doit inclure certaines formes de médecine complémentaire aussi, je ne m'y oppose pas.

Dre Elizabeth Kaegi: Il me semble que la formation en médecine conventionnelle devrait inclure des traitements non conventionnels. Le fait est, comme plusieurs l'ont déjà dit, que 50 p. 100 des patients environ—certains prétendent même que cette proportion est supérieure dans le cas des patients atteints du cancer—vont recourir à ces traitements, et nous pouvons nous attendre à ce que cette tendance s'accentue.

Je pense que les médecins traditionnels doivent être informés de l'éventail des traitements complémentaires qui existent, de l'approche face à la maladie, de la façon dont on traite des maladies qui sont perçues différemment selon les thérapies complémentaires et les thérapies conventionnelles, s'ils veulent pouvoir guider leurs patients et bien communiquer avec eux en ce qui concerne le recours à des traitements non conventionnels.

Je dirais donc qu'il faudrait tout au moins inclure dans la formation médicale une introduction pour tous, avec la possibilité d'en apprendre davantage sur différents aspects des traitements complémentaires, cela à titre facultatif pour les étudiants de premier cycle et de façon plus poussée pour les autres.

Dr Warren Bell: Je pense que nous devons aussi enseigner aux médecins une technique d'ouverture d'esprit. Je ne blague pas. Il s'agit de savoir comment aborder un domaine inconnu et des adapter à un tas de nouvelles informations.

La présidente: Merci. Si Mme Picard n'a pas de questions, je vais donner la parole à Joe Volpe.

• 1630

M. Joseph Volpe (Eglington—Lawrence, Lib.): J'ai différentes questions. Je trouve que tous les témoignages sont très intéressants, et j'en remercie les quatre témoins. Remarquez que je ne dis pas cela pour vous monter un coup.

Je pense que deux ou trois d'entre vous avez soulevé une question en termes non équivoques. Je me demande si vous percevez un effort coordonné, ou une tentative par les différents organismes de réglementation, les collèges de médecins et de chirurgiens, les naturopathes, les homéopathes pour—comment dire cela sans offenser personne?—peut-être écarter certains praticiens sans scrupules ou certains profiteurs sans conscience qui tirent probablement avantage d'abord et avant tout des personnes âgées.

Je ne sais plus qui a mentionné les statistiques au sujet des personnes âgées, mais il est certain que les malades, et plus particulièrement ceux qui sont pressés de guérir... Ce que nous faisons, c'est vendre ce produit de façon plus ou moins clandestine, en prétendant probablement, comme le disait le Dr Buckman, que cela vous aidera à vous sentir mieux. Vous n'irez pas mieux, mais vous vous sentirez mieux.

Dr Robert Buckman: Si je peux répondre rapidement, monsieur Volpe, je suis d'accord avec vous, mais vraiment, je ne pense pas qu'on puisse y faire quoi ce soit.

Comme je l'ai dit dans mon mémoire, un million de grands-mères portaient des bracelets de cuivre pour soulager leur arthrite. En fait, ma grand-mère en portait un, et tout le monde avait une grand-mère qui le faisait aussi. Elle en portait quelques-uns et elle se sentait mieux que jamais, et elle prenait probablement moins d'anti-inflammatoires sans stéroïdes. Si elle les oubliait sur sa table de chevet, elle m'envoyait en haut les chercher et elle affirmait ensuite qu'elle s'en portait mieux.

Certains ont fait beaucoup d'argent en fabriquant et en vendant des bracelets de cuivre. Et je pense qu'à certains égards on peut s'arrêter à l'idée qu'il faudrait réglementer tout cela simplement parce que ce n'est pas bien.

Peut-être que c'est bien, peut-être que cela ne l'est pas, mais je ne pense pas qu'on puisse réglementer. La possibilité pour quelqu'un d'entrer dans une pharmacie, d'y acheter un bracelet de cuivre et de le porter parce que cela peut réduire ses douleurs dues à l'arthrite existe, un point c'est tout.

Vous savez, on a le droit d'acheter un livre de Shirley MacLaine sur la réincarnation. Il se trouve que je ne pense pas que la réincarnation soit une très bonne chose, ce qui ne veut pas dire pourtant que je souhaiterais qu'on interdise ces livres. Ce n'est pas parce qu'elle a peut-être fait des millions de dollars de bénéfices en vendant ces livres que j'y verrais nécessairement une raison de soutenir qu'il faudrait que la loi ne l'empêche.

M. Joseph Volpe: Puis-je intervenir un instant? Au deuxième tour, je poserai probablement des questions à d'autres, mais j'aimerais profiter du fait que vous comparaissez ici à titre d'oncologue, et que dans votre livre Magic or Medicine...? Un de mes collègues dit que vous êtes un spécialiste dans votre domaine. Est-ce que vous connaissez le protocole Di Bella?

Dr Robert Buckman: Le protocole...?

M. Joseph Volpe: ...Di Bella.

Dr Robert Buckman: Non, pas du tout. Si je suis un spécialiste de quelque chose, ce n'est certainement pas de cela.

M. Joseph Volpe: D'accord, je vais à nouveau tenter ma chance. Je vois que la Dre Kaegi s'y connaît. C'est votre cas aussi, docteur Bell?

Dr Warren Bell: Non, pas du tout.

Dre Elizabeth Kaegi: Je connais un peu le protocole Di Bella, parce que j'ai consulté l'Internet pour en extraire tout les articles à ce sujet afin de répondre à la question d'un patient italien de Windsor qui voulait essayer ce protocole.

Que voulez-vous savoir? Je vais vous aider si je le peux. J'ai aussi travaillé avec la Protection de la santé à ce sujet.

M. Joseph Volpe: Je voulais avoir l'opinion d'un médecin, quelqu'un d'assez sceptique pour être interloqué par les écrits provenant de vous trois, quand il dit...

Je ne veux pas être injuste envers vous, docteur Buckman, mais quand vous parlez d'efficacité... Je pense que vous n'aviez que quatre domaines, mais je crois avoir entendu les autres dire qu'il y en avait beaucoup plus. Peut-être ont-ils une autre définition de l'efficacité.

Comme vous le savez, docteure Kaegi, il y a pas mal de gens qui soutiennent que ce protocole ne fait pas nécessairement des merveilles, mais qu'il est certainement efficace, et ce protocole repose surtout sur les plantes ou les produits.

Dre Elizabeth Kaegi: Le Dr Di Bella emploie un mélange qui inclut de la somatostatin, qui fait en ce moment l'objet d'essais cliniques ici au Canada.

M. Joseph Volpe: Mais seulement sous sa...

Dre Elizabeth Kaegi: On y trouve de la mélatonine, de l'ACTH et deux ou trois autres substances que je n'ai pas vraiment pu identifier. C'est une formule assez complexe.

Il n'a jamais prétendu dans ses écrits que c'était efficace. Il en a fait l'essai sur différents patients, dans la plupart des cas sur des tumeurs pulmonaires et d'autres tumeurs solides, et il maintient que ce mélange semble avoir un certain effet.

On est en train de constituer un comité spécial d'experts en Italie pour examiner ses dossiers et travailler en collaboration avec lui pour voir s'il y a de véritables éléments probants.

Jusqu'à maintenant, personne n'a apporté de preuve véritable, pas plus Di Bella qu'un autre. Mais vous avez raison, un certain nombre de patients disent se sentir beaucoup mieux avec la thérapie de Di Bella.

• 1635

M. Joseph Volpe: J'aimerais poursuivre sur cette idée de mieux-être réel ou apparent, car c'est la première fois qu'on fait cette distinction. Pour en revenir au Dr Buckman, on peut reprendre la même formule lorsqu'on parle d'efficacité.

Est-ce qu'on peut continuer à parler de «se sentir mieux»? Je peux vous dire que je me sens beaucoup mieux quand je bois de l'eau chaude que quand je bois du café, mais est-il préférable pour moi de boire de l'eau chaude ou du café le matin?

Dr Warren Bell: Je crois que la distinction que vous essayez de faire est fausse d'un point de vue biopsychologique. Je m'excuse d'avoir à le dire, mais les preuves sont surabondantes. Le domaine de la psycho-neuro-immunologie a prouvé la fausseté de l'idée de la séparation entre l'esprit et le corps, à savoir que l'impression de bien-être dans la tête peut être indépendante de l'état de bien-être du corps, et que l'impression de bien-être dans le corps peut être indépendante de l'impression ressentie dans la tête.

D'abondants travaux de recherche montrent que si le patient se sent mieux et se trouve dans un meilleur état d'esprit lorsqu'on lui propose tel ou tel remède ou lorsqu'il prend de lui-même des mesures particulières, des changements biochimiques se produisent dans son organisme et sa santé s'en trouve améliorée.

M. Joseph Volpe: Vous n'adhérez donc pas à la thèse du Dr Buckman.

Dr Warren Bell: Je vous demande pardon?

M. Joseph Volpe: Vous n'adhérez pas à la thèse du Dr Buckman...

Dr Warren Bell: Eh bien...

Dr Robert Woolf: Pour pousser un peu l'argument, je dirais que le fait qu'on ne sache pas pourquoi le patient se sent mieux ne signifie pas qu'il n'y a pas de raison; cette raison n'a simplement pas encore été découverte. Nous ne savons pas tout.

Dr Warren Bell: En outre, je parle en particulier de ce que dit le Dr Buckman des bracelets de cuivre. Je crois que c'était de sa part une remarque humoristique.

Pour vous donner un exemple des bizarreries que l'on présente parfois, il y a des gens qui ont travaillé sur l'absorption par la peau du cuivre provenant d'une pièce de métal appliquée localement. Des gens se sont également intéressés à l'aspirinate de cuivre; c'est un sel d'aspirine—d'ASA, d'acide acétylsalicyclique—et de cuivre, et les revues médicales indiquent que c'est un analgésique et un anti-inflammatoire beaucoup plus efficace que l'ASA proprement dit.

Cependant, personne ne peut faire breveter l'aspirinate de cuivre et bien sûr, n'importe qui peut fabriquer des bracelets de cuivre à la maison. Personne n'a donc vraiment intérêt à poursuivre ce genre de recherche initiale pour voir si cette solution est véritablement avantageuse dans le cas de l'arthrose et des autres formes d'arthrite.

Je veux dire qu'il existe à propos des traitements toute une mythologie fondée sur notre bagage culturel et sur notre expérience des brevets. Cela nous amène à croire que certaines choses sont stupides tandis que d'autres sont assez logiques et scientifiques. Pour moi, la distinction n'est pas aussi nette lorsque l'on regarde des deux côtés de la clôture.

La présidente: Docteur Woolf.

Dr Robert Woolf: Je suis d'accord avec le Dr Bell. Pour moi non plus, la distinction n'est pas très nette. Je crois qu'elle est surtout attribuable à l'étroitesse d'esprit caractéristique de la culture nord-américaine.

Les médecins d'Amérique du Nord, c'est-à-dire les gens de ma profession, sont très ignorants. Ils réussissent à pallier leur ignorance par une grande arrogance. Cette attitude peu honorable est notoire dans tout le reste du monde. Malheureusement, il n'est jamais bon de se fermer l'esprit face à des gens qui ont des besoins et qui ont le droit de faire des choix concernant leur propre santé.

Je voudrais maintenant revenir sur ce que vous avez dit tout à l'heure, monsieur Volpe, à propos de la protection des pauvres personnes âgées ou de ceux qui se laissent abuser. En fait, ce n'est pas la réalité. La plupart des personnes qui veulent obtenir des soins complémentaires ou de remplacement ne sont pas de pauvres innocents dupés par un fabricant sans scrupules. De façon générale, ce sont des femmes. Elles ont des niveaux d'éducation et de revenu supérieurs à la moyenne. J'en rencontre tous les jours.

Je connais des parents qui me parlent de l'immunisation de leurs enfants. Ils veulent savoir si c'est la bonne solution et si les enfants ne risquent pas d'en souffrir. Ce sont des gens bien informés. Ils se renseignent par la lecture, ils consultent l'Internet. Ce sont des parents consciencieux et soucieux du sort de leurs enfants.

Ces gens-là ne sont donc pas des gens stupides qui vont se faire berner.

M. Joseph Volpe: J'apprécie votre réponse comme celle des autres. Vous m'excuserez d'accaparer le temps de parole. J'espère que grâce à votre patience, je pourrai encore intervenir au prochain tour.

• 1640

La présidente: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord-Centre, NPD): Joseph agit ainsi parce qu'il sait que je dois retourner au débat sur le budget; c'est pourquoi il déborde sur mon temps de parole.

M. Joseph Volpe: Allez-y.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Tout d'abord, je voudrais poser une question aux Drs Bell et Woolf. Au cours de nos délibérations, il est régulièrement question de l'influence de l'industrie des médicaments sur la Direction générale de la protection de la santé. On fait remarquer que tant que cette influence s'exerce, il est assez difficile d'obtenir une réponse objective concernant les remèdes naturels et les médecines de remplacement. Il vous sera peut-être difficile de répondre à cette question, mais je voudrais savoir comment nous pourrions, en comité ou au Parlement, poursuivre nos recherches sur ce thème.

Quelle est la gravité du problème? Avez-vous des exemples ou des preuves indiquant l'ascendant de l'industrie pharmaceutique sur les fonctionnaires de la Direction générale de la protection de la santé chargés d'élaborer les règlements? S'agit-il simplement de faire approuver rapidement les médicaments, y a-t-il collusion, y aurait-il même de la corruption? Que pouvez-vous nous conseiller en matière d'enquête publique?

Dr Robert Woolf: Le Dr Bell a dit tout à l'heure qu'à son avis, il faudrait mener une enquête publique sur les activités de la Direction générale de la protection de la santé. J'approuve tout à fait cette idée.

M. Joseph Volpe: Tout à fait?

Dr Robert Woolf: Tout à fait.

Ce que j'ai compris des activités de cette direction générale au cours des trois ou quatre dernières années, depuis que je m'intéresse à la question... Si vous croyez déceler du mécontentement et de la colère dans ma voix, vous ne vous trompez pas.

Le mandat de protection de la sécurité publique confié à la Direction générale de la protection de la santé résulte essentiellement du désastre de la thalidomide il y a 35 ans. Depuis cette époque, les fonctionnaires de ce service ont déformé ce mandat de telle sorte qu'en réalité, ils manipulent aujourd'hui le marché en faveur des industries pharmaceutiques et chimiques.

J'ai parlé tout à l'heure des mensonges concernant Ma huang, mensonges flagrants proférés au printemps dernier par la DGPS. On pourrait citer d'autres exemples. Le Dr Bell a parlé du tryptophane. Ce produit a été retiré du marché il y a 10 ou 12 ans à cause de la présence d'un contaminant dans le produit d'un fabricant japonais. Ce contaminant a été isolé et supprimé, mais le tryptophane est resté interdit. C'est comme si deux ou trois d'entre vous étiez malades après avoir soupé dans un restaurant, et que les autorités de la santé veuillent fermer tous les restaurants de la région de la capitale nationale parce que vous avez été malades à cause d'un seul restaurant.

On remarquera avec intérêt que l'élément de temps a été décisif dans cette affaire, car le Prozac a été mis en marché à peu près à la même époque; or, il a un effet semblable au tryptophane. On avait donc l'occasion d'éliminer le concurrent du Prozac. Certains croient même que le contaminant a été ajouté de propos délibéré. Il n'entrait pas du tout dans le procédé de fabrication.

Il y a comme un manifeste entre la Direction générale de la protection de la santé et les industries pharmaceutiques et chimiques. À mon avis, la DGPS est coupable de mensonges envers les Canadiens. Elle est coupable de fraude, de collusion, de trafic d'influence et de corruption. Mais surtout, elle est coupable d'avoir trahi la confiance des Canadiens parce qu'elle conspire activement, sciemment et délibérément avec les industries pharmaceutiques et chimiques pour empêcher les consommateurs canadiens d'avoir accès à des remèdes sûrs, efficaces et rentables.

Comme je l'ai dit précédemment, la moitié—je crois que c'est beaucoup plus que cela, et les chiffres sont en croissance exponentielle—la moitié des Canadiens ont eu recours à des soins non conventionnels. J'en rencontre tous les jours. Je suis en contact avec des médecins de toutes les régions qui, eux aussi, en rencontrent tous les jours.

Les Canadiens sont bien conscients de la corruption qui règne à la DGPS. Comme bien d'autres, je considère que c'est le service le plus corrompu du gouvernement fédéral. Les Canadiens le savent et ils ne sont plus prêts à accepter qu'on les empêche de choisir librement leurs soins de santé.

Je remarque en outre que les Canadiens sont de plus en plus furieux face à toutes ces combines. Je pense même que dans un proche avenir, les responsables politiques qui voudront venir en aide à la DGPS vont devoir en payer le prix.

• 1645

M. Joseph Volpe: Laissez-moi coiffer mon chapeau de secrétaire parlementaire pour déterminer qui va devoir jouer ce rôle.

La présidente: Docteur Woolf.

Dr Robert Woolf: Je vais terminer avant de vous laisser continuer.

On a suffisamment de preuves des malversations de la DGPS pour supprimer immédiatement tout le service. Je n'irai pas par quatre chemins: si l'on me chargeait de faire le ménage à la DGPS, ils pourraient s'estimer heureux que je leur laisse une réceptionniste pour répondre au téléphone. En outre, un certain nombre de personnages de cette Direction générale feraient bien d'aller se cacher s'ils ne veulent pas se retrouver devant la justice ou en prison pour leurs activités.

La présidente: Docteur Bell.

Dr Warren Bell: Quitte à modérer mes propos, je partage l'opinion générale du Dr Woolf. Je considère que la Direction générale de la protection de la santé fait partie de cette culture qui s'est imposé dans notre société et pour laquelle l'industrie chimique permet de mieux vivre; c'était même un slogan dans les années 50, comme nous le savons tous. Aujourd'hui, c'est devenu l'inverse: les problèmes de santé, de dégradation de l'environnement et de développement durable sont dus à l'industrie chimique.

Si je propose une enquête publique sur la Direction générale de la protection de la santé et sur ses liens avec l'industrie c'est pour que le public en soit informé. Je pense que si les Canadiens connaissaient les menées byzantines et labyrinthiques de la Direction générale de la protection de la santé, les choses ne traîneraient pas. Les gens diraient: «Mon Dieu, vous avez fait comme cela? C'est ridicule. Personne ne vous a consulté? Vous avez décidé tout seul?»

J'ai entendu parlé de dossiers que l'on confiait à une autre équipe de recherche parce que la première perdait trop de temps à s'interroger sur les effets secondaires d'un produit.

Le nifédipine à action rapide est un exemple classique. Il n'aurait pas dû être mis en vente. Lorsqu'on l'a mis sur le marché, il aurait fallu indiquer en grosses lettres que ce produit pouvait être fatal pour les personnes présentant des problèmes cardio-vasculaires. Inévitablement, il y a eu des décès. Et le produit est toujours sur le marché; l'indication ne figure qu'en petites lettres à la troisième page du mode d'emploi.

C'est curieux. Lorsqu'on se préoccupe de santé et de sécurité des produits, comme est censée le faire la Direction générale de la protection de la santé, on ne devrait pas permettre ce genre de chose. La DGPS l'a non seulement permis, mais elle l'a fait en toute hâte.

La présidente: Docteure Kaegi.

Dre Elizabeth Kaegi: J'ai un point de vue un peu différent sur la DGPS, et j'aimerais en faire part au comité.

Ces dernières années, j'ai eu l'occasion d'être très mécontente de la DGPS. Au cours de notre étude sur les six agents, dont je mentionnais l'iscador, j'ai demandé à la DGPS si elle avait de l'information concernant les herbes médicinales. Nous avons étudié l'Essiac et le 7-14X, qui sont, comme vous le savez, des agents thérapeutiques non conventionnels fabriqués au Canada. J'ai été consternée de voir le peu d'informations dont disposait ce service, ou dont il était prêt à me faire part. Cette attitude de la part d'un organisme de réglementation m'a paru tout à fait inadmissible.

Cependant, lorsque j'ai réussi à prendre contact avec la DGPS par courrier électronique plutôt que par téléphone, j'ai constaté un bon esprit de coopération. Je vais reprendre l'exemple de la formule Di Bella, dont M. Volpe parlait tout à l'heure.

Nous avons, au centre de traitement du cancer de Windsor, un patient en phase terminale qui voulait essayer la formule Di Bella. La DGPS nous a aidés à en trouver les composantes. Elle nous a même signalé que l'un des lots comprenait de la mélatonine, qui comme vous le savez, est un produit considéré pour le moins suspect à la DGPS. Les fonctionnaires nous ont dit que si nous pouvions nous en procurer, nous pourrions l'utiliser dans le cas présent. Ils se sont donc montrés tout à fait coopératifs dans le cas de ce patient qui voulait essayer la formule Di Bella.

Je ne veux pas dire que tous les obstacles ont été levés, au contraire. Mais la DGPS a fait preuve d'une meilleure volonté. Je voulais simplement vous en faire part.

Dr Warren Bell: À quand remonte ce cas particulier?

Dre Elizabeth Kaegi: À la semaine dernière. C'est tout récent. Au cours des six derniers mois, j'ai eu des rapports beaucoup plus positifs qu'avant avec la DGPS.

La présidente: Nous verrons demain pourquoi les choses ont un peu changé au cours des six derniers mois.

Je voudrais maintenant poser la question que j'ai à l'esprit. En tant que présidente, j'ai moi aussi le droit de poser des questions. Lorsqu'ils ont comparu devant notre comité, les pharmaciens nous ont dit qu'ils devraient être les seuls à avoir le droit de vendre des produits naturels. Qu'en pensez-vous?

• 1650

Dr Warren Bell: Oui. Cela me rappelle les médecins qui veulent surveiller les sages-femmes. Ma sacro-sainte profession se considère la seule autorisée à s'occuper de la naissance des bébés. Heureusement, dans un certain nombre de provinces, les sages-femmes ont conquis leur autonomie. Je n'ai rien contre les médecins. Nous faisons un excellent travail grâce à la médecine d'urgence, aux médicaments, à la chirurgie et aux soins intensifs. Si je me casse une jambe ou si l'on me tire dessus, je vais me précipiter dans une salle d'urgence pour me faire soigner.

Comme l'a dit le Dr Buckman, les médecins ne reçoivent aucune formation en médecine non conventionnelle, mais de surcroît, on ne reconnaît même pas qu'ils devraient recevoir une telle formation. Ce domaine devrait être confié à un organisme autonome.

La présidente: Vous savez que je parlais des pharmaciens.

Dr Warren Bell: Il ne faudrait pas confier cela aux pharmaciens.

Dr Robert Woolf: Je suis d'accord. En rendant l'accès sélectif, on oppose des restrictions quant aux possibilités d'obtenir ces produits. Leur niveau d'innocuité est sans comparaison avec celui des produits pharmaceutiques. Avec la médecine naturelle, on a les essais cliniques les plus importants jamais réalisés, puisqu'ils portent sur des centaines de millions de personnes et des centaines de milliards de doses administrées. Où sont les victimes? Où y a-t-il eu des catastrophes? Il n'y en a pas.

Lorsqu'un produit pharmaceutique est lancé dans le commerce, il a fait l'objet d'essais cliniques auprès de quelques centaines, ou éventuellement, quelques milliers de personnes. Généralement, ces essais cliniques sont très incomplets, à tel point qu'une fois le produit disponible dans le commerce, on observe généralement une période d'essai qui peut atteindre deux ans, pendant laquelle les dégâts peuvent commencer à se manifester. Des produits pharmaceutiques sont souvent retirés du marché à cause de cela.

La présidente: Est-ce que vous répondez non à ma question?

Dr Robert Woolf: En effet, je réponds non à votre question. Je pense que ces produits devraient être disponibles à tout le monde, car ils sont très sûrs.

La présidente: Docteure Kaegi.

Dre Elizabeth Kaegi: Je ne pense pas que les pharmaciens devraient être les seuls à pouvoir en vendre. Dans la mesure où il est prouvé que ces produits sont sûrs, ils devraient être disponibles dans différents types de commerce. Si les pharmaciens insistent tant, c'est parce qu'ils gagnent beaucoup d'argent en vendant ces produits.

Dans son rapport annuel, la compagnie Pharma Plus indiquait récemment que le rayon des produits naturels dans ces magasins est celui qui comporte la marge bénéficiaire la plus élevée et qui connaît la plus forte croissance.

La présidente: Docteur Bell, je vous permets une courte réponse. Nous devons passer à la suite.

Dr Warren Bell: Et c'est pourquoi on a déclenché la procédure du Codex Alimentarius. C'est de cette façon que les grosses compagnies, principalement allemandes, réussissent à conquérir le marché en imposant des normes suffisamment strictes pour que seules les grosses compagnies qui ont les moyens réussissent à les respecter.

La présidente: Monsieur Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je commencerais avec la Dre Kaegi. Dans votre exposé, vous avez dit que les fabricants devaient garantir l'innocuité du produit. Pourriez-vous nous donner des explications et des exemples à ce propos?

Dre Elizabeth Kaegi: Pour établir l'innocuité d'une thérapie conventionnelle, on a généralement recours à un petit nombre de volontaires en bonne santé qui déterminent si le produit a des effets secondaires. Avant de lancer un produit dans le commerce, il faut s'assurer de son innocuité pour des personnes qui prennent d'autres médicaments ou qui peuvent avoir d'autres problèmes. Il faut donc un échantillon plus important pour déterminer le bon dosage. On devrait pouvoir obtenir une partie de l'information nécessaire à partir des données d'utilisation extensive, lorsque ces données sont disponibles.

Par exemple, je ne pense pas qu'il y ait lieu d'obliger les marchands de thé vert à consacrer d'importantes sommes d'argent à des tests sur les animaux, à des cultures cellulaires ni à des tests d'innocuité sur l'être humain. Nous savons que ce produit est largement utilisé depuis longtemps et qu'on a déjà systématiquement recueilli toutes les données sur ses effets négatifs. On ne l'a pas fait en Amérique du Nord, mais on l'a fait en Chine, par exemple, où l'on consomme beaucoup de thé vert.

Si un fabricant peut prouver que son produit est couramment utilisé depuis longtemps et qu'il n'a pas d'effets négatifs, la DGPS ou un organisme équivalent devrait s'en contenter.

Je ne demande pas une garantie absolue d'innocuité dans toutes les circonstances. Je demande une garantie raisonnable d'innocuité lorsque le produit est utilisé conformément aux indications. Les fabricants ont déclaré qu'ils souhaitent indiquer eux-mêmes toutes les contre-indications. Peu importe donc le niveau de détail des tests d'innocuité. La personne qui présente une insuffisance rénale, par exemple, doit faire preuve d'une extrême prudence et ne peut utiliser un produit quelconque que sous surveillance. Je demande donc une information générale concernant la salubrité du produit et les contre-indications.

M. Lynn Myers: Merci beaucoup.

• 1655

Je ne veux pas retourner le fer dans la plaie, mais je suis véritablement perturbée par les propos des Drs Woolf et Bell sur la Direction générale de la protection de la santé. Avez-vous des preuves à l'appui de vos affirmations? Avez-vous fait des constatations directes, ou s'agit-il simplement de rumeurs et d'insinuations qui ont cours dans votre milieu? Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce que vous dites.

Dr Warren Bell: J'avais quelques suppositions concernant le manque d'uniformité et d'équilibre dans l'évaluation des médicaments synthétiques conventionnels par opposition aux médicaments non conventionnels, mais c'est lorsque la Dre Michèle Brill-Edwards est arrivée—et je l'ai rencontrée personnellement à quelques occasions—et qu'elle a décrit ce qu'elle avait vu, en particulier dans le cas de la nifédipine à action rapide, qui a provoqué un énorme scandale... C'est un médicament qui aurait dû être mis sur le marché avec des restrictions très sévères, et qui a été lancé dans le commerce. Elle était en Floride lorsque les journaux ont parlé des premiers décès. Avant le lancement du produit, elle avait dit qu'il risquait de provoquer des décès. Lorsque l'effet du médicament disparaît, il en résulte une hypertension qui provoque de la vasoconstriction, c'est-à-dire un rétrécissement des veines et des artères, très préjudiciable à l'ensemble du système circulatoire du patient. Elle a dit que ce médicament n'aurait pas dû être mis en vente dans cet état, mais il l'a été, et on a constaté des cas de décès. Il n'est toujours pas soumis aux restrictions qui s'imposent. Voilà un exemple concret que je tiens de bonne source.

Mais j'ai aussi certains doutes. Je peux vous dire qu'en ce qui concerne la réglementation des remèdes naturels, elle est totalement arbitraire et fantaisiste. Tout se fait au petit bonheur. Cette semaine, c'est une chose, la semaine prochaine, ce sera son contraire. Je ne comprends jamais pourquoi la DGPS fait ce qu'elle fait, mais je sais qu'il en va tout autrement en ce qui concerne les médicaments brevetés.

Dr Robert Woolf: Je suis d'accord. J'ai cité l'exemple du Cylert, destiné aux enfants souffrant d'un trouble déficitaire de l'attention, qui est produit par la compagnie pharmaceutique Abbott, et qui a tué un certain nombre d'enfants. Toutes les preuves ont été réunies aux États-Unis. Il a fallu procéder à plusieurs greffes du foie pour cause d'empoisonnement. Il suffirait que le fabricant indique sur l'étiquette qu'il s'agit d'un médicament dangereux.

Je peux donner d'autres exemples: j'ai parlé du cas de Ma huang, qui est un mensonge flagrant. Si vous consultez MEDLINE, qui est sans doute la base de données médicales la plus perfectionnée au monde avec plus de cinq millions d'entrées, et qui est mise à jour chaque semaine, sous la surveillance du Collège médical d'Harvard et de plusieurs hôpitaux de la région, vous ne trouverez aucune référence à la toxicité du Ma huang. Vous en trouverez pour la pseudoéphédrine et d'autres produits semi-synthétiques. Mais même lorsque Santé Canada a demandé de l'information à la FDA des États-Unis, celle-ci n'en savait rien. Il y a eu une fraude manifeste dans la commercialisation du Ma huang.

Les crèmes à base de progestérone ont été retirées du marché au printemps dernier, après l'intervention, en Nouvelle-Écosse, d'un médecin bien connu qui administrait ce produit à des femmes entre deux âges présentant des problèmes de ménopause et des symptômes d'ostéoporose. La suite des événements est éloquente, et évidente. Des pharmaciens de Nouvelle-Écosse ont téléphoné à la Direction générale de la protection de la santé et le produit a été retiré du marché. Il a été vendu pendant 20 ans. Et soudain, il disparaît. Voilà un cas évident de collusion. C'est un cas réel.

En tant que médecin qui essaye d'aider des patients à choisir les meilleurs soins de santé, je trouve ce genre d'obstruction arbitraire tout à fait inadmissible. Un produit est sûr ou il ne l'est pas. On peut se procurer de la mélatonine par la poste aux États-Unis, mais on ne peut pas en acheter ici. C'est ridicule, tout à fait ridicule.

En ce qui concerne les produits mentionnés par la Dre Kaegi, les Allemands ont sans doute la documentation la plus détaillée au monde sur les herbes médicinales. La Commission E du ministère allemand de la Santé a un document réunissant les monographies d'environ 400 espèces d'herbes. Elle réunit les données historiques portant sur des milliards de doses administrées sans provoquer de problèmes, et elle estime que lorsque les données historiques apportent une preuve raisonnable de l'innocuité, qu'on peut s'attendre à ce que le produit soit utilisé correctement au bon dosage et qu'il garantit une bonne efficacité, cela suffit à justifier son utilisation. La Commission a créé des monographies donnant toutes les indications, les contre-indications, etc.

• 1700

Nous avons de la chance: toute cette documentation a été traduite et est sur le point d'être publiée par l'American Botanical Society. Les monographies de la Commission E pourraient servir de base à l'élaboration d'une réglementation peut coûteuse, bien adaptée et logique qui pourrait être mise en place très rapidement, que l'on pourrait adapter aux nécessités du marché canadien par opposition à celui de l'Europe centrale, par exemple. Ces monographies sont bien documentées et jouissent d'une bonne réputation dans le monde entier. Le document pourrait nous être très utile.

La présidente: J'ai noté trois autres demandes d'intervention. Monsieur Hill, voulez-vous poser une question, vous aussi?

M. Grant Hill: Non, je voudrais plutôt faire un commentaire. Lorsqu'on entend ce genre de chose, j'ai l'impression que certains membres du comité y voient une attaque personnelle, comme s'ils étaient eux-mêmes responsables de la DGPS. S'il y a des problèmes à la DGPS, tous les membres du comité devraient être prêts à les régler, au lieu de se mettre sur la défensive. Les représentants de la DGPS seront ici demain, et il faudrait leur soumettre ces questions-là. C'était une affirmation plutôt qu'une question.

La présidente: Je crois que nous sommes tous d'accord.

Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, madame la présidente.

Docteur Woolf, quelle sorte de médecine pratiquez-vous? Je crois que les autres se sont présentés comme étant des généralistes.

Dr Robert Woolf: Oui. Je me suis aussi présenté comme tel. Je suis un médecin qui était autrefois urgentologue et qui est maintenant généraliste.

Mme Rose-Marie Ur: D'accord.

Vous nous avez donné des statistiques sur le taux annuel de décès provoqués par des produits naturels par rapport aux décès provoqués par des traitements conventionnels. Avez-vous des statistiques négatives? Je consomme moi-même des produits à base d'herbes, je ne suis donc pas contre les produits naturels, mais n'ont-ils que des effets positifs? N'avez-vous recueilli aucune statistique sur les effets négatifs?

Dr Robert Woolf: C'est presque entièrement juste. Les produits naturels ne présentent pratiquement pas d'effets négatifs. Certes, il arrive que des gens réagissent—d'ailleurs, on peut avoir une réaction allergique aux fraises. Il se peut aussi que ce que vous mangez provoque chez vous des troubles digestifs. Ce genre de chose arrive. Mais pour ce qui est des effets secondaires pharmacologiques, ils sont très rares lorsqu'on consomme des médicaments naturels. Comme je l'ai dit, si vous consultez les articles qui ont été publiés à l'échelle de la planète au cours des 25 dernières années, vous constaterez qu'il y a eu très peu d'incidents médicaux provoqués par des produits naturels utilisés aux fins recommandées et selon les doses recommandées.

Mme Rose-Marie Ur: Ces incidents sont-ils fréquents? Il n'y a donc pas de problème si on respecte la posologie.

Dr Robert Woolf: Même si vous ne la respectez pas. Voilà où je veux en venir. Les produits naturels ont une très faible toxicité. Permettez-moi de vous donner quelques chiffres qui...

Mme Rose-Marie Ur: J'ai beaucoup de questions à vous poser, alors je vous prierai d'être bref.

Dr Robert Woolf: D'accord. La toxicité de la plupart des herbes est de 1,5 gramme par kilogramme de poids corporel. Une dose de 600 milligrammes de café est fatale pour 50 p. 100 de la population—autrement dit, environ un tiers par rapport à ce que c'est pour les herbes les plus toxiques.

Mme Rose-Marie Ur: Dans quelle mesure pratiquez-vous la médecine conventionnelle par rapport à la médecine parallèle?

Dr Robert Woolf: Cela change. À l'heure actuelle, je dirais que de 80 p. 100 à 90 p. 100 de mes nouveaux patients qui ne viennent pas me voir parce qu'ils ont été envoyés précisément pour cette fin par un autre médecin mais parce qu'ils ont entendu parler de médecine naturelle ou en ont eux-mêmes parlé avec quelqu'un—80 p. 100 à 90 p. 100 de mes nouveaux patients sont à la recherche d'un traitement parallèle.

Mme Rose-Marie Ur: D'accord.

Docteur Bell, vous pratiquez toujours?

Dr Warren Bell: Oui, et j'espère qu'un jour, cela me permettra de m'améliorer.

Des voix: Oh, oh.

Mme Rose-Marie Ur: Bien, mais c'est probablement sans espoir, car les médecins ne cessent jamais de pratiquer.

Dr Warren Bell: Oui, je suis en pratique générale.

Mme Rose-Marie Ur: Oui, je sais.

Dr Warren Bell: Vous voulez des pourcentages?

Mme Rose-Marie Ur: Oui, dans votre pratique.

Dr Warren Bell: Mon Dieu, c'est environ 50-50, ou peut-être 50-70 ou 70-50.

Une voix: 50-70?

Dr Warren Bell: Oui, des chiffres qui ne font pas le compte—c'est ma spécialité.

Mme Rose-Marie Ur: Docteur Buckman.

Dr Robert Buckman: Je suis oncologue à temps partiel. Je traite tous mes patients selon les méthodes conventionnelles, mais de 60 p. 100 à 80 p. 100 d'entre eux prennent aussi de l'Essiac et d'autres remèdes naturels.

Mme Rose-Marie Ur: Certains d'entre vous ne viennent pas d'Ontario, mais pour ceux d'entre vous qui y pratiquent, est-ce que la pratique des thérapies parallèles ne vous amène pas au-delà de votre limite?

Dr Robert Woolf: Je ne comprends pas la question.

Mme Rose-Marie Ur: Il y a une limite qu'on impose aux revenus en Ontario. Est-ce que le recours à ce genre de thérapie ne vous amène pas au-delà de ce plafond?

Dr Warren Bell: Non.

Mme Rose-Marie Ur: Lorsque vous prescrivez un produit naturel ou une thérapie naturelle à un de vos patients, lui vendez-vous aussi le produit?

Dr Robert Woolf: Non, nous ne le pouvons pas.

Mme Rose-Marie Ur: C'est bien ce que je croyais, mais je voulais que cela soit précisé aux fins du compte rendu.

• 1705

Dr Warren Bell: Il m'est déjà arrivé, discrètement, de mettre à la disposition de certains patients, certains produits coûteux au prix de gros que j'ai moi-même payé. Mais je tente de ne pas m'ingérer dans le marché local.

Mme Rose-Marie Ur: Je ne veux pas vous presser, mais j'ai beaucoup de questions à vous poser.

Docteure Kaegi, j'ai lu vos notes pendant que vous parliez. Je crois que vous avez dit que les patients qui envisagent d'essayer des remèdes naturels ou des thérapies douces méritent qu'on leur garantisse que le recours à toute thérapie disponible au Canada—dans le texte, vous dites «ne leur sera pas nocif s'ils se conforment aux directives», mais lorsque vous avez lu le texte, vous avez dit «ne leur sera probablement pas nocif s'ils se conforment aux directives». Pourquoi avez-vous ajouté le mot «probablement» dans votre exposé oral?

Dre Elizabeth Kaegi: Je voulais dire que ces patients méritent une certaine garantie, et non pas une garantie absolue, car ça n'existe pas. C'est ce que je voulais dire. Je voulais aussi m'en tenir à deux pages, comme on me l'a demandé, pour faire vite, j'ai supprimé certains mots...

Mme Rose-Marie Ur: Oui, mais dans ce cas-là, vous en avez ajouté un.

Avez-vous des statistiques sur le taux de succès des thérapies que vous prescrivez à vos patients atteints du cancer?

Dre Elizabeth Kaegi: Nous avons passé en revue les six thérapies les plus communes contre le cancer. Nous avons trouvé certaines preuves biologiques que chacune d'entre elles pouvait être efficace, mais il n'a pas été prouvé de façon convaincante qu'elles le sont réellement. Pour beaucoup de gens, ce sont des thérapies d'appoint qui s'ajoutent à la thérapie conventionnelle et qui les aide, selon eux. C'est pour eux une façon de se sentir mieux, d'exercer un certain contrôle, une certaine influence sur les soins de santé qui leur sont prodigués, ce qui m'apparaît utile.

Mme Rose-Marie Ur: Ayant moi-même été une professionnelle de la santé dans ma vie antérieure, je trouve votre déclaration très intéressante—vous dites que vous ne vous opposez pas à ces thérapies si les patients qui les subissent se sentent mieux. Lorsque je travaillais dans le monde de la médecine, ce n'était pas l'attitude qui prévalait.

Dre Elizabeth Kaegi: De nos jours, on se préoccupe beaucoup plus de la qualité de la vie plutôt que seulement de la durée de la vie, autant en médecine conventionnelle qu'en médecine parallèle. Pour ma part, si je suis raisonnablement sûre qu'un produit ne sera pas trop coûteux pour le patient, qu'il ne nuira pas à sa santé et qu'il n'écourtera pas sa vie, j'appuie le choix de mes patients.

Mme Rose-Marie Ur: Je prendrai maintenant une minute pour m'adresser au Dr Woolf.

Vous avez dit qu'on devrait peut-être créer une troisième catégorie, mais qu'elle ne devrait pas relever de la DGPS, ou du moins pas de médecins. Cela me semble plutôt inquiétant. Les autres membres du comité ne sont peut-être pas de mon avis, mais j'estime qu'on a besoin de la contribution des médecins, même s'il s'agit d'un professionnel comme vous qui complète sa pratique traditionnelle avec les thérapies naturelles. Voulez-vous dire qu'on devrait s'en remettre à des avocats, des ministres ou d'autres?

Dr Robert Woolf: Pas du tout. Vous avez peut-être mal compris. Je pratique la médecine conventionnelle et la médecine parallèle. Je me sers de ce dont je dispose pour aider le patient, à partir des choix que j'ai. Il peut s'agir de médicaments à base d'herbes, de remèdes chinois, d'un médicament ordinaire, d'un antibiotique, peu importe, pourvu que ça marche.

À mon avis, ce qui est dangereux, c'est de surréglementer des produits qui—par suite des essais cliniques les plus vastes qui aient jamais été faits auprès de centaines de millions de gens ayant pris des centaines de milliards de doses de ces médicaments—se sont avérés sans danger. Pourquoi serait-il nécessaire de réglementer ces produits? Où sont les morts? Où y a-t-il eu carnage? Il n'y en a pas eu. Je suis d'avis que les lois actuelles suffisent, elles assurent de bonnes pratiques de fabrication et un étiquetage honnête.

Si l'on juge prudent de réglementer davantage les médecines naturelles—et je suppose que cela incombe à votre comité et à d'autres—c'est une décision politique qui n'est pas motivée par le souci de l'efficacité d'un produit pour les patients; si tel est le cas, la création d'une troisième catégorie pourrait être indiquée, une troisième catégorie comportant les médecines naturelles traditionnelles. La protection du public ne devrait pas être assurée par des médecins, des pharmaciens, etc., qui créeraient un système élitiste et à accès limité. Compte tenu de l'innocuité des produits de santé naturels, cela ne m'apparaît pas raisonnable.

• 1710

Deuxièmement, la DGPS fait preuve de préjugés contre les médecines naturelles depuis longtemps. Si on juge qu'un organisme de réglementation gouvernemental devrait régir cette troisième catégorie, cela ne devrait pas être la DGPS.

Mme Rose-Marie Ur: Merci.

Dr Robert Woolf: J'aimerais ajouter une chose sur ce point très important qu'a soulevé Mme Ur.

Nous sommes ici aujourd'hui à titre de médecins pour parler des médecines parallèles par opposition aux médecines conventionnelles. Nous n'avons aucun intérêt financier dans l'une ou dans l'autre. L'Ordre des médecins et chirurgiens nous interdit de vendre ces produits. S'il s'agit d'un produit difficile à obtenir, mais que je peux obtenir parce que je sais où m'en procurer, il m'arrive d'en faire profiter mes patients, si c'est plus pratique pour eux, mais à mes frais. Je ne fais pas de profit et nous n'avons aucune raison financière de le faire. Nous voulons simplement offrir ce qu'il y a de mieux à nos patients en fonction des choix dont nous disposons.

La présidente: M. Volpe voudrait intervenir, mais j'aimerais d'abord vous poser une courte question.

Plusieurs témoins ont proposé qu'on crée un système de rapport quelconque pour les consommateurs. Les consommateurs vont dans une pharmacie ou ailleurs pour acheter des produits de santé naturels. Or, certains aimeraient bien pouvoir signaler quels ont été les effets de ces produits sur eux. D'après vous, comment cela pourrait-il se faire?

Dr Warren Bell: Il y a déjà un système pour les médicaments...

La présidente: Je vous parle des produits à base d'herbes. Avez-vous...

Dr Warren Bell: Je voulais simplement faire une comparaison; ce système ne fonctionne pas très bien, et je ne crois pas... Tout système de ce genre devra être extrêmement convivial. Il faudra que les gens soient certains que cela ne présente aucun risque. Si vous retournez au magasin où vous avez acheté le produit et que vous dites qu'il vous a rendu malade, on vous regardera probablement d'un air soupçonneux. Si on crée un système de rapports de ce genre, il faudra qu'il soit très facile à utiliser—un peu comme les caisses dans les épiceries, où il suffit d'appuyer sur un bouton. C'est ce qu'on devrait créer pour les médicaments aussi.

La présidente: Docteure Kaegi.

Dre Elizabeth Kaegi: Bien que la plupart des thérapies soient sûres, dans certaines situations, elles peuvent être nocives. Je recommande donc que nous encouragions la communication entre les patients et les prestataires de soins de santé, qui ne sont peut-être pas des médecins, mais plutôt des herboristes ou des naturopathes, si c'est là le genre de thérapie que vous suivez. La supervision et le contrôle doivent se poursuivre, mais, surtout, il faut qu'il y ait communication franche et ouverte avec le médecin aussi.

Ce serait bien qu'il y ait un système facile à utiliser comme celui dont Warren a parlé où le public pourrait signaler à une agence quelconque les effets indésirables de certains produits de santé naturels. Ces effets existent, mais les gens ne savent pas à qui les signaler. Dans mon ancien emploi, les gens m'en parlaient. Les gens m'appelaient et me disaient que telle ou telle chose s'était produite et me demandaient ce qu'ils devaient faire. Ce serait donc une bonne idée, mais je suis d'accord pour dire que le système actuel de surveillance des effets indésirables des médicaments n'est pas très efficace.

La présidente: Joe.

M. Joseph Volpe: Je remercie les témoins d'être restés. Le nombre de membres du comité diminue peut-être, mais pas notre intérêt.

Docteur Buckman, il y a un moment, vous avez dit que de 60 p. 100 à 80 p. 100 de vos patients suivent des thérapies parallèles outre les thérapies conventionnelles, la chimiothérapie, je présume.

Dr Robert Buckman: Oui, dans certains cas.

M. Joseph Volpe: Qu'est-ce qui vous indique que c'est le traitement conventionnel qui est efficace et non pas le traitement parallèle?

Dr Robert Buckman: C'est assez simple. On a mené très peu d'études sur les méthodes parallèles de lutte contre le cancer, et celles qui ont été bien faites ont démontré que ces thérapies n'entraînaient pas de prolongement de la survie des patients. Une étude a été menée récemment en Californie, à la Clinique Livingston-Wheeler, où l'on a recours à toute une gamme de thérapies. Il y a aussi eu l'étude tristement célèbre du Bristol Cancer Help Centre, en Grande-Bretagne, qui a provoqué un énorme débat politique. Elle a démontré que les patients de la Clinique Bristol qui souffraient du cancer et qui devaient mourir prématurément avaient vu leur état empirer par rapport aux patients suivant une thérapie conventionnelle. De plus, les deux études menées par Bernie Siegeal, en 1984 et 1993, n'ont révélé aucun avantage.

Comme je l'ai indiqué, lorsque mes patients me demandent s'ils peuvent prendre telle ou telle chose, je leur dis de prendre ce qu'ils veulent. J'estime que si un traitement est efficace... Dans 10 ans, nous pourrons peut-être discuter des effets de la thérapie d'Athènes, par exemple. Pour l'instant, c'est plutôt le contraire. Il a été prouvé que la maladie progresse plus rapidement chez les patients qui suivent des thérapies parallèles, mais qu'ils se sentent mieux. Nous n'en sommes toutefois pas encore au point où nous pouvons débattre des remèdes qui guérissent le cancer.

• 1715

M. Joseph Volpe: C'est intéressant. Je trouve cela intéressant, personnellement, parce que c'est la question que soulève le protocole de Di Bella.

Permettez-moi de vous ramener dans la conversation, entre parenthèses, docteur Woolf.

Le Dr Di Bella emploie le même langage que le Dr Woolf, et le premier est devenu un héros national, alors que le secrétaire parlementaire s'est cru obligé de défendre une position particulière aujourd'hui.

Il est regrettable que vous n'ayez pu me décrire cette méthode Di Bella. Je vous avais déjà en très grande estime, parce qu'un de mes collègues m'avait dit que si quelqu'un connaissait cette méthode, ce serait le Dr Buckman.

Dr Robert Buckman: Je suis désolé de vous décevoir, mais je ne suis qu'un être humain, finalement; vous m'avez démasqué, mon petit.

M. Joseph Volpe: Docteur Buckman, je ne voulais pas vous mettre dans l'embarras. Si je l'ai fait, veuillez m'en excuser.

Voici où je veux en venir, bien que ce ne soit pas ce que je voulais dire au départ: même un médecin de renom tel que vous ne connaît pas nécessairement tous les détails de toutes les études qui se font sur le terrain ailleurs dans le monde. Cela m'encourage, parce que, comme l'a dit le Dr Woolf tout à l'heure, les plus arrogants n'ont pas de réponse.

Je ne fais pas allusion au Dr Buckman, ni à la profession en général. Par contre, c'est inquiétant. Nous, les législateurs, devons trouver une façon équilibrée de régler cette question des produits de santé naturels, des thérapies parallèles et d'appoint, une façon de les intégrer à la pratique conventionnelle. Or, la seule réponse que j'ai pu obtenir à cette question est celle du Dr Kaegi qui m'a dit qu'elle avait fait des recherches sur l'Internet et qu'elle avait trouvé...

Dr Robert Buckman: Lorsqu'une étude est examinée par les pairs et publiée dans une revue spécialisée, nous en sommes tous informés. C'est fascinant. Je ne m'attends pas à ce que tout le monde ait entendu parler du Dr Alivizatos d'Athènes. Très peu de gens en Europe connaissent l'Essiac ou le 7-14X. Il y aura toujours des gens quelque part, connus au niveau local, qui feront des déclarations qui ne seront jamais évaluées par leurs pairs.

Beaucoup de gens aux États-Unis ont entendu parler du Dr Bernie Siegel. Peu de gens savent toutefois que Bernie Siegel a mené deux études sur sa méthode à la clinique E-CAP, à New Haven, dans le Connecticut, qui n'ont ni l'une ni l'autre prouvé qu'il y avait prolongement de la survie. Le grand public croit que la méthode de Bernie Siegel vous permet de vivre plus longtemps. Mais les données mêmes de ces études, qui ont été publiées en 1993 et en 1994, ne sont pas connues.

Cela ne m'étonne pas que des gens un peu partout fassent des déclarations et parlent de leur traitement comme s'il était très réputé. Je n'ai encore rien lu sur la méthode en question, parce qu'elle n'a fait l'objet d'aucun article spécialisé revu par les pairs.

Le Dr Issels a pratiqué pendant 30 ans, mais les revues spécialisées où l'on publie les résultats des études revues par les pairs n'ont jamais laissé entendre que la méthode Issels soit efficace, et il en va de même pour la méthode Alivizatos qui existe depuis 40 ans.

M. Joseph Volpe: Le British Medical Journal est assez bon, n'est-ce pas?

Dr Robert Buckman: Mais cette revue n'a pas publié de données à cet effet. Si vous savez que les données de Di Bella ont été publiées dans le British Medical Journal, j'aimerais bien les voir.

M. Joseph Volpe: Docteur Woolf.

Dr Robert Woolf: J'abonde dans le même sens que le Dr Buckman. Il y a beaucoup d'articles sur toutes sortes de sujets. Ils ne sont pas toujours accessibles à tous. Tout ce qui est publié en France, en Allemagne ou en Suède n'est pas disponible ici; tout ce qui est publié en Grande-Bretagne ne l'est pas non plus, et le contraire est aussi vrai. Il y a donc beaucoup de choses qui se passent à l'étranger, dans d'autres cultures.

Les Chinois ont mené des études exhaustives. Leurs médicaments à base d'herbes sont tout aussi compliqués que nos produits pharmaceutiques, remontent à des milliers d'années et ils sont efficaces.

En ce qui concerne le cancer et les cancéreux, il y a bien des thérapies en Europe. Ainsi, on offre des conseils exhaustifs sur la nutrition dans les cliniques européennes, ce qui n'est pas courant ici. Il y a d'autres thérapies qui ne sont pas disponibles ici en raison de la réglementation de la DGPS et pour d'autres raisons farfelues.

• 1720

Pour ma part, j'estime qu'il est indéfendable de refuser à un patient souffrant du cancer tout produit qui l'aiderait à se sentir mieux. Il peut s'agir d'un produit qui ne prolongera pas sa vie. Et personne ici ne prétend que les produits de santé naturels guérissent le cancer; ce serait ridicule. Personne ne prétend cela. Toutefois, ils peuvent permettre au patient de se sentir mieux pendant le temps qu'il lui reste et, donc, de jouir d'une meilleure qualité de vie.

Que ce soit la chimiothérapie prescrite par le Dr Buckman ou les herbes de quelqu'un d'autre qui aident ces patients à mieux dormir ou qui leur donnent de la vitalité, qu'importe. Ce qui compte, c'est que le patient se sent mieux pendant le temps qu'il lui reste à vivre. Tout le monde sait qu'on ne guérit pas le cancer. Et les statistiques montrent que la situation empire, qu'il y a de plus en plus de cas de cancer.

Dr Robert Buckman: Environ 50 p. 100 des cancéreux guérissent. C'est environ la moitié, mais vous avez raison sur les autres points.

Dr Robert Woolf: Le nombre de personnes atteintes du cancer augmente.

Dre Elizabeth Kaegi: À mesure que la population croît et vieillit...

Dr Robert Woolf: Précisément, de plus en plus de gens souffrent du cancer. Encore une fois, peu importe que ce soit la chimiothérapie ou les herbes qui marchent, ce qui compte, c'est que le patient se sent mieux pendant le temps qui lui reste à vivre et que cela améliore sa qualité de vie.

M. Joseph Volpe: Docteur Woolf, vous et le Dr Bell, en particulier, vous êtes attaqués à ce que vous jugez comme faisant partie du problème. Je reprends vos termes: vous avez dit qu'il y a essentiellement collusion au sein du marché, et que cette collusion découle des pratiques de la DGPS. Je ne veux pas porter de jugement, mais je présume que vous voulez dire par là que la DGPS, avec ses règlements, empêche le marché d'explorer ces autres thérapies parallèles dont vous parlez.

Je me demande s'il n'y a pas une autre forme de collusion visant à contrôler le marché, si j'ose reprendre ce terme, et si nous ne devrions pas regarder à l'extérieur du domaine fédéral. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la réglementation de ces «gardes», de ces«protecteurs du public». L'un d'entre vous a employé ce terme, je ne sais plus qui. L'Ordre des médecins et chirurgiens, l'Ordre des pharmaciens, ce sont des organisations qui, essentiellement, proposent que certains produits ou certaines thérapies soient utilisés ou non.

Seriez-vous aussi critique à l'égard de ces organisations? Dans l'affirmative, que devrait faire le gouvernement fédéral?

La présidente: Pourriez-vous répondre brièvement avant que nous levions la séance? Vous pourrez poursuivre votre conversation après, si vous le désirez, mais donnez-nous maintenant une courte réponse.

M. Joseph Volpe: J'aimerais que cela figure au compte-rendu.

La présidente: La séance aurait dû se terminer il y a 25 minutes.

Dr Warren Bell: Il ne fait aucun doute que la profession médicale, en général, a exercé son influence pour limiter l'accès aux médecines douces. J'ai lu récemment l'énoncé annuel du président du Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique. C'est un long éditorial. Il voit ces jeunes freluquets avoir recours à toutes sortes de produits naturels plus farfelus les uns que les autres. Cela ne lui plaît pas. Ils sont sur ses talons, et cela l'énerve. Mais nous devons accepter que ces produits existent et agir en conséquence.

Autrement dit, comme je l'ai dit plus tôt, il y a un préjugé culturel qui est né de ces institutions. J'ai parlé des lois sur les brevets qui jouent un rôle important dans cette division entre la médecine conventionnelle et les médecines douces.

Ce n'est pas un complot. Seulement, les médecins peuvent être extraordinairement entêtés dans leur refus d'accepter de nouvelles idées, lorsque ces idées sont véritablement nouvelles et non pas des variations sur un thème. Lorsqu'il faut que les patients prennent l'initiative, par exemple, c'est très énervant pour bien des médecins. Voilà pourquoi ils ont fait obstacle à ce genre de choses. Ils ont fait de l'obstruction à bien des égards. La hiérarchie, l'ensemble des médecins ont constitué un obstacle. Certains médecins sont très ouverts, mais, en général, la profession ne l'est pas.

La présidente: Docteur Woolf.

• 1725

Dr Robert Woolf: Je suis d'accord avec le Dr Bell. On a formulé beaucoup de critiques. Pour répondre à votre question, oui, je critiquerais sérieusement les différents ordres des médecins et chirurgiens. Toutefois, les temps changent et l'ordre des médecins de l'Alberta, comme je l'ai dit...

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible]

Dr Robert Woolf: Oui, cela dépend en grande partie de la philosophie du secrétaire général. S'il est visionnaire et a l'esprit ouvert, ça va bien. Sinon, vous n'avancez pas.

L'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario s'est engagé dans une lutte aux proportions immenses avec le Dr Jozef Krop, et l'Ordre a fait preuve d'un comportement disgracieux. Ailleurs, en Nouvelle-Écosse, en Saskatchewan, en Alberta, on est plus ouvert.

La théorie du complot ne tient pas en ce qui concerne les ordres des médecins. C'est plutôt une question d'entêtement, d'étroitesse d'esprit et d'arrogance.

On pourrait peut-être parler de complot pour décrire les liens qui unissent la DGPS et le secteur pharmaceutique en ce qui concerne la disponibilité des produits, par exemple. Ce ne sont pas les ordres des médecins qui décident qu'un produit sera disponible ou non, mais le gouvernement fédéral. Ce que font ces associations, c'est réglementer la pratique de la médecine.

Les choses changent, mais lentement.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous espérons que la DGPS change aussi, et nous entendrons ses représentants demain. Nous avons beaucoup apprécié vos remarques. Nous disposerons de vos notes au début de notre réunion de demain, à 9 heures.

La séance est levée.