Passer au contenu
;

HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 19 février 1998

• 0909

[Traduction]

La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): Je déclare la séance ouverte pour cette 20e réunion du Comité permanent de la santé, afin de poursuivre notre étude des produits de santé naturels.

Dans cette première heure et demie, nous allons accueillir deux groupes: La Ginseng Growers Association of Canada, dont le président est Michael Atkins—il nous présentera le reste de son panel—, puis Richter's Herbs, représenté par Conrad Richter.

Nous allons respecter l'enchaînement de l'ordre du jour et je vais donc demander à M. Atkins de bien vouloir commencer avec son groupe. Pouvez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

• 0910

M. Michael Atkins (président, Ginseng Growers Association of Canada): Merci, Beth.

Je vais commencer par présenter tout le monde. Tout d'abord, j'appartiens à la Ginseng Growers Association of Canada et je représente ici les planteurs de ginseng de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et d'autres provinces.

Je suis accompagné de quelques éminentes figures du milieu, j'ai cité: le Dr Tom Francis, chercheur en nutrition à l'Université de Toronto; le Dr Chung-Ja C. Jackson, de l'Université de Guelph, qui va conduire une étude sur la valeur nutraceutique du ginseng; et le Dr Dennis Awang, de l'Université d'Ottawa.

Quel titre pourrais-je vous donner, Dennis? Quelle est votre spécialité?

Dr Dennis Awang (Ginseng Growers Association of Canada): Chercheur en plantes médicinales. Je suis porte-parole de Santé Canada.

M. Michael Atkins: Le Dr Gary Kakis est également de l'Université de Toronto.

Le ginseng est une plante très importante dans l'industrie médicinale. Il est disponible en grandes quantités. Il y a cinq ans de cela, on ne trouvait que très peu de ginseng canadien sur le marché. La plupart des gens ne le connaissaient même pas.

L'histoire du ginseng au Canada remonte à 1742, quand un Jésuite venu de France a découvert que cette plante poussait dans la région de Montréal et découvert qu'elle était très semblable à celle que des membres de sa congrégation avaient trouvée en Chine. Les Jésuites ont aussi constaté que les autochtones d'Amérique du Nord l'utilisaient comme remède naturel depuis des siècles. Elle favorisait l'endurance, les rendait plus forts, bref était synonyme de nombreux bienfaits.

C'est vers la fin des années 1800 qu'on a commencé à cultiver le ginseng au Canada. La première famille à le faire fut les Hellyer, et je suis sûr que vous vous rappelez tous le nom de Paul Hellyer, qui a été ministre de la Défense. Il est né et a grandi à un demi mille à peu près de là où j'habite. C'est son grand-père et le frère de son grand-père qui, dans la région de Waterford, dans les années 1890 ont lancé ce qu'on appelle maintenant l'industrie du ginseng cultivé au Canada.

Au début du siècle, avant la Grande dépression, le Canada exportait 300 000 à 400 000 livres de ginseng par an. Il fut un temps où le ginseng sauvage était notre deuxième produit d'exportation après la fourrure. Malgré tout cela, peu de gens ont entendu parler du ginseng canadien. Tout le monde pourtant a entendu parler de la fourrure, du bois d'oeuvre et d'autres matières premières, mais jamais du ginseng. De nos jours, le Ginseng sauvage a presque complètement disparu à cause de la surexploitation, mais il est désormais protégé par le CITES. Au Canada, de la Colombie-Britannique à l'Ontario, nous en avons cultivé près de 3,8 millions de livres. En fait, le Canada est le plus important producteur de ginseng d'Amérique du Nord. Tous types de ginseng confondus, nous ne cédons la première place qu'à la Chine, parce que nous avons peut-être même dépassé la Corée.

La valeur de nos exportations se chiffre actuellement à environ 100 millions de dollars. Si le prix du ginseng pouvait remonter, ce chiffre serait bien sûr nettement supérieur.

Juste avant le début de la séance, je me suis entretenu avec un des acheteurs, Lawrence Cheng, qui va s'adresser à vous en deuxième partie. Sa famille a été l'une des premières à acheter le ginseng au Canada et à le vendre à Hong Kong. À une époque, elle achetait la quasi-totalité de la production nord-américaine. Si vous alliez à Hong Kong, vous verriez leur immeuble frappé de feuilles d'érables rouges de toutes les dimensions, illustrant leur intérêt pour le Canada.

Quand on parle de ginseng et d'industrie des herbes médicinales, on parle de produits de consommation. Quand nous nous sommes lancés dans cette industrie, nous avons analysé une grande quantité de produits de ginseng et avons constaté que nombre d'entre eux n'ont rien à voir avec cette plante, qu'ils portent une dénomination trompeuse ou qu'il s'agit de produits reconstitués. Dennis va pouvoir vous parler de ce problème, parce qu'il vient d'effectuer une étude sur 450 produits de ginseng en Amérique du Nord pour le compte du American Botanical Council.

Après cette analyse, j'ai contacté certaines personnes pour leur dire que nous étions aux prises avec un problème. Mais ces gens m'ont dit qu'ils ne voulaient pas en entendre parler.

• 0915

L'industrie du ginseng est maintenant en train de préparer une proposition SCPAA, à laquelle participent les planteurs de la Colombie-Britannique, nous-mêmes et le gouvernement fédéral. L'un des principaux éléments de la proposition SCPAA—qui est un document assez épais—est la formulation de normes visant la racine de ginseng et les produits dérivés, parce qu'il faut absolument que nous fassions quelque chose sur ce plan.

L'autre problème auquel nous sommes confrontés, tient au fait qu'il existe différents ginsengs. Il y a le ginseng nord-américain, venant de Wisconsin, de la Colombie-Britannique ou de l'Ontario, et il y a le ginseng asiatique, venant de Corée et de Chine, qu'il soit rouge ou blanc—mais l'industrie n'a pas le droit d'indiquer aux consommateurs les différences entre ces différents types de ginsengs. Et puis, il y a aussi le ginseng de Sibérie. C'est cela notre problème, à nous et au reste de l'industrie des plantes médicinales. Nous n'avons pas le droit de communiquer aux consommateurs les renseignements appropriés quant aux avantages des produits de telle ou telle origine.

Les gens savent, par exemple, qu'il ne faut pas prendre de ginseng coréen quand on fait de la haute tension artérielle. C'est tout à fait vrai. C'est pour cela que les Chinois disent qu'il ne faut pas donner de ginseng coréen aux enfants de moins de 12 ans, car il provoque des saignements de nez.

En revanche, les gens ne se rendent pas compte que le ginseng nord-américain, indigène du Canada, a des effets entièrement différents. C'est un calmant et je pourrais vous citer l'exemple de bien des gens qui ont pu faire baisser leur tension artérielle grâce à ce ginseng.

Nombre d'études ont été effectuées par l'Université de Toronto, l'Université de l'Alberta et l'Université McMaster, à laquelle appartient d'ailleurs le Dr Tom Francis, qui est aussi membre de la Canadian Ginseng Research Foundation, et qui va vous parler de tout cela. Nous avons trouvé des choses fort prometteuses, grâce à l'appui de la Ginseng Growers Association of Canada, et nous nous rendons compte à quel point tout cela est important. Il en va de même pour ce que le Dr Jackson va entreprendre de son côté. Il va entreprendre ses travaux avec l'appui de la Ginseng Growers Association of Canada, et le financement de l'ESA.

Nous sommes bien conscients qu'il faut des normes et nous voulons participer au processus d'élaboration de ces normes. Nous voulons des normes adaptées à notre industrie. Nous n'appartenons pas à l'industrie pharmaceutique et nous ne prétendons pas non plus faire partie de l'industrie alimentaire. Ce que nous voulons, parce que nous savons que vous voulez nous entendre vous proposer des solutions et pas vous présenter des problèmes, c'est que la Ginseng Growers Association of Canada devienne partenaire de la coalition canadienne des aliments de santé. D'ailleurs, je siège déjà à ce comité. Je suis également membre de l'Association canadienne des aliments de santé. Nous voulons tous, je crois, des produits sûrs et des produits correctement étiquetés, pour lesquels on indique toutes les informations voulues.

Vous ne parviendrez pas à nous enliser avec ce que font les laboratoires pharmaceutiques, parce que les médicaments sont très spécifiques et que, si on en prend trop, on subit des effets secondaires. Les plantes médicinales, qu'il s'agisse de ginseng ou d'autres, ont un effet plus doux sur l'organisme et donc moins nocif.

Nous avons besoin de règles appropriées pour pouvoir correctement renseigner le consommateur. Nous devons pouvoir nous appuyer sur un cadre réglementaire distinct de celui établi pour les médicaments et drogues. Nous avons aussi besoin d'un bon système d'identification, ce dont le Dr Awang va vous parler.

S'agissant de tester un nouveau produit, tout le monde doit utiliser la même méthode. C'est ce que nous avons fait en conduisant des analyses sur les ginsenosides. Nous avons effectué une analyse HPLC avec le Dr Kakuda de l'Université de Guelph. En fait, nous avons payé pour obtenir sept normes de ginsenosides que nous voulions utiliser comme marqueurs. Il y a des gens qui prétendent que leurs produits contiennent 20 p. 100 de ginsenoside, mais quand on les teste, c'est bien si on en trouve 2 p. 100.

Nous avons aussi besoin d'un processus simplifié à l'étape de l'examen des produits. En effet, nous ne pouvons pas protéger ce produit par une marque de commerce ni le faire breveter, parce que nous n'avons pas des millions de dollars à y consacrer. Voilà pourquoi nous passons par les universités. En outre, nous devons avoir la certitude que les produits importés et nos produits sont soumis aux mêmes règles. C'est très bien si nous devons nous conformer à certaines exigences, mais assurons-nous que tout le monde respecte les mêmes normes. Quand nous exportons nos produits vers d'autres pays, nous devons respecter les normes qu'ils ont établies, alors pourquoi les choses seraient-elles différentes dans le cas des produits que nous importons.

Autre chose, je fabrique moi-même des produits et j'exige l'adoption de normes de qualité dans cette industrie. Nous ne voulons pas cohabiter avec des exploitants sans scrupule parce que ces gens-là risquent de donner une mauvaise réputation au milieu des aliments de santé.

C'est cela que nous voulons. Nous voulons travailler avec les organismes qui se chargeront de cela et nous voulons faire tout en notre pouvoir pour qu'on en arrive à obtenir des règles—en collaboration avec d'autres—qu'il faudra suivre. Nous ferons notre part, tout comme la Ginseng Growers Association.

• 0920

Je pourrais vous montrer ce qui a été fait et les gens qui m'accompagnent pourront vous parler de ce que nous faisons. Nous pourrions le faire en partenariat, au plus grand avantage de tout le monde, car cela serait rentable et très éducatif.

Merci.

La présidente: Ce sera tout pour votre groupe?

Dr Tom Francis (Ginseng Growers Association of Canada): Non, je pense que c'est maintenant à moi, madame la présidente.

La présidente: Parfait. Comme vous avez déjà eu vos 10 minutes, je vous demande de vous limiter à deux ou trois minutes chacun, pour permettre aux autres de prendre la parole...

Dr Tom Francis: Je vous le promets.

La présidente: Bien. Il a déjà utilisé ses 10 minutes.

Dr Tom Francis: Je suis de l'Université de Toronto. Je suis membre fondateur de la Canadian Ginseng Research Foundation, organisme qui a été mis sur pied il y a environ six ans par un groupe de professeurs et de planteurs, en vue, essentiellement, de promouvoir et d'effectuer une recherche scientifique de qualité sur le ginseng canadien.

Jusqu'ici, nous avons réalisé environ quatre études. L'une, réalisée à l'Université de Toronto sous la gouverne du Dr Bob Goode, qui est parvenu à démontrer que le ginseng permet d'améliorer très nettement les performances athlétiques. Il améliore en effet la consommation d'oxygène au niveau cardiaque. Mais je ne sais pas si cette étude a déjà été publiée.

Nous avons également effectué une étude avec un certain Tony Sun, sur le rôle du ginseng dans le traitement du diabète. Travaillant sur des rats, il a démontré que certains composés du ginseng sont hypoglycémiques, c'est-à-dire qu'ils réduisent le taux de glycémie dans le sang. Au début, il a injecté des extraits de ginseng dans les rats, mais par la suite il s'est rendu compte qu'une décoction administrée par voie orale permet d'obtenir les mêmes effets.

Par ailleurs, l'Hôpital St-Michael doit entreprendre une vaste étude sous l'égide d'une société privée, Chai-Na-Ta, et non de la fondation. Celle-ci portera sur l'utilisation du ginseng complet, et non d'extraits, pour traiter le diabète. Une étude de petite échelle préalable a démontré très clairement que le ginseng canadien est très efficace pour réduire la glycémie sanguine.

Une autre étude, effectuée à McMaster, à très petite échelle, a montré que le ginseng canadien est très efficace pour combattre les inflammations intestinales. Enfin, une autre étude, également réalisée à McMaster il y a quelque temps, a montré que le ginseng peut être utile dans le traitement des maladies cardio-vasculaires, parce qu'il renferme plusieurs antagonistes du calcium.

Ah! il y en a une que j'allais oublier et qui est pourtant importante, effectuée l'année dernière par le Dr Larry Wang à l'Université de l'Alberta. Celui-ci a démontré sur des rats qu'un composé du ginseng, le ginsenoside Rb1, a une action efficace sur la mémoire à court terme. D'ailleurs, il a obtenu un brevet pour utiliser ce composé dans le traitement de la maladie d'Alzheimer.

C'est tout en ce qui me concerne, madame la présidente.

La présidente: Docteur Jackson.

Dr Chung-Ja C. Jackson (Ginseng Growers Association of Canada): J'appartiens au Centre des aliments fonctionnels de l'Université de Guelph. Notre mission est d'analyser les ingrédients actifs du ginseng et pas seulement les ingrédients actifs des ginsenosides. Nous voulons disposer d'un tableau complet de la valeur nutritive du ginseng: vitamines, protéines, contenu en fibres, minéraux et bien sûr, ginsenosides.

Notre étude est motivée par l'intérêt accru qu'on note pour les applications médicales du ginseng, à titre curatif ou préventif. Compte tenu de cet intérêt croissant, nous voulons connaître les ingrédients actifs du ginseng ainsi que leur proportion dans chaque produit. En outre, nous voulons comparer le ginseng nord-américain qu'on fait pousser en Ontario et en Colombie-Britannique, aux autres variétés, en ce qui concerne les ingrédients actifs, pour que le consommateur sache ce qu'il va trouver dans le ginseng et combien il va en trouver. Ce travail sera réalisé en collaboration avec le gouvernement, l'industrie, les planteurs et les consommateurs.

La présidente: Docteur Awang.

Dr Dennis Awang: Je serai très bref.

Je suis associé à l'industrie du ginseng en tant que membre du conseil d'administration de la Canadian Ginseng Research Foundation, dont le professeur Francis est le président, et j'ai collaboré avec plusieurs fabricants. De plus, j'ai été directeur du volet scientifique du programme d'évaluation conduit par le American Botanical Council, dont je vous ai parlé plus tôt. Là, nous avons analysé 400 à 500 produits de ginseng. Vous pourrez bientôt prendre connaissance de notre étude dans le HerbalGram, organe officiel du American Botanical Council.

• 0925

Sachez simplement que nous avons constaté, comme d'autres avant nous, qu'il est absolument nécessaire d'instaurer des programmes visant à assurer la bonne identification des produits de ginseng et, à toutes fins utiles, de tous les produits à base d'herbe médicinale. Je le dis et je le répète depuis plusieurs années, et je l'ai dit durant tout le temps que j'ai passé à la direction de la Protection de la santé, à Santé et Bien-être Canada.

Nous avons essentiellement besoin d'un programme de certification de l'identité botanique, de sorte qu'un client achetant un produit ait la garantie que le contenu de l'emballage correspond exactement à ce qui est dit sur l'étiquette. C'est ce dont cette industrie a le plus besoin.

Outre cela, nous devons disposer d'un programme d'inspection régulière des produits à base d'herbes officinales les plus courants, afin de nous assurer qu'ils sont de bonne qualité. Si un tel programme était mis sur pied, vous verriez que les fabricants s'efforceraient de s'y conformer.

Je n'en dirai pas plus, mais je serai heureux de répondre à toutes les questions que vous voudrez bien me poser à propos du ginseng ou de l'aspect scientifique des herbes médicinales.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous allons entendre M. Richter, après quoi nous passerons aux questions.

M. Conrad Richter (Vice-président, Richter's Herbs): Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de m'adresser à votre comité au nom des agriculteurs spécialisés dans les herbes médicinales d'application commerciale.

Je suis vice-président de Richter's Herbs, société spécialisée dans la vente de plantes et de graines d'herbes médicinales, principalement aux exploitants agricoles spécialisés dans ce domaine. Je siège aux conseils de la International Herb Association, de la Canadian Herb Society et de la Ontario Herbalists' Association.

Je représente ici non seulement ma société, mais aussi les planteurs canadiens d'herbes médicinales d'application commerciale, qui ne sont pas encore officiellement structurés à l'échelle nationale. J'estime être compétent pour parler en leur nom parce que je suis le principal fournisseur de produits de propagation à l'industrie, et aussi parce que ma société a organisé des conférences nationales à l'intention des planteurs commerciaux.

Aujourd'hui, j'ai l'intention de rappeler au comité l'incidence importante que la réglementation des produits à base d'herbes médicinales pourrait avoir sur les agriculteurs spécialisés dans ce domaine ainsi que sur l'industrie. Les incertitudes réglementaires n'ont certainement pas été sans effet sur les membres de notre industrie.

Pour vous donner une petite idée rapide de la façon dont nous voyons l'industrie au Canada, je me propose de vous parler de sa composition et de sa taille. Nous estimons que le chiffre d'affaires annuel, au niveau de la ferme, pour l'herboristerie et les produits à base d'herbes oscille entre 150 et 200 millions de dollars. Ce chiffre est dérivé de toute une batterie de données, notamment d'informations provenant de nos clients, de rapports faits par les exploitants lors de conférences, de rapports financiers, de données de Statistique Canada, etc. On compte au moins 1 000 planteurs commerciaux qui dérivent le gros de leur chiffre d'affaires de la vente de produits d'herboristerie et de produits à base d'herbes médicinales, 4 000 à 5 000 autres exploitants agricoles tirant une partie de leurs revenus de ces mêmes produits, la plupart d'entre eux en étant à leur première expérience dans le domaine.

Bien sûr, parmi les plus importantes cultures médicinales au Canada, on trouve le ginseng, l'échinacée, le millepertuis, l'hydraste du Canada, le pissenlit officinal, la bardane et la grande camomille.

À l'échelle mondiale, le marché des herbes médicinales représente sans doute un chiffre d'affaires d'une quinzaine de milliards de dollars, mais la production canadienne occupe une part inférieure à 1 p. 100 de ce marché mondial, part qui est sans commune mesure avec la superficie de terres arables exploitables chez nous. Nous estimons que le Canada est en train de passer à côté d'une occasion en or d'exploiter un marché maintenant occupé par l'Australe, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis et d'autres grands pays agricoles. Si je vous dis cela, c'est que ma société vend de plus en plus de produits de propagation à des agriculteurs de ces pays, où le régime réglementaire semble être davantage favorable aux produits à base d'herbes médicinales que le régime canadien.

En 1996, j'ai rencontré six fonctionnaires de la direction des aliments et drogues, ici à Santé Canada, et j'ai constaté qu'ils n'étaient absolument pas au courant de l'industrie croissante que constitue l'herboristerie au Canada. Ils supposaient que toute l'herboristerie et tous les produits à base d'herbes médicinales vendus au Canada étaient d'origine étrangère. Cette réunion a soulevé chez nous plusieurs inquiétudes, dont je me propose de vous faire part.

• 0930

Tout d'abord, et cela concerne directement les agriculteurs, la Loi sur les aliments et drogues ne fait pas directement allusion à la vente de plantes médicinales fraîches et de semences, et ne semble pas avoir été pensée en fonction de cela. Pourtant, les fonctionnaires de Santé Canada m'ont déclaré que, pour le ministère, la vente de plantes et de semences de plantes médicinales tombe sous le coup du règlement découlant de la Loi, surtout pour les applications médicinales. Ainsi, une plante en pot vendue sous étiquette faisant état d'applications médicinales exigerait une DIN, une identification numérique du médicament. Dans le même souffle, ils m'ont bien sûr affirmé qu'il était impossible d'obtenir une DIN pour une plante vivante, en pot.

Notre industrie éprouve également des craintes quant aux coûts que pourrait représenter l'obtention d'une identification numérique du médicament. Bien que la redevance officielle soit relativement modique, il peut en coûter 60 000 $ pour se conformer à toutes les spécifications. Je connais au moins un de mes clients qui en a fait l'expérience. Cela constitue une barrière insurmontable pour les petits exploitants de notre industrie, désireux de mettre en marché leurs produits à base d'herbes médicinales.

Les paramètres de contrôle de la qualité sont un autre sujet de préoccupation. On dirait qu'on applique aux produits à base d'herbes médicinales les mêmes paramètres que pour les drogues. Or, il est difficile de les respecter, pour ne pas dire impossible dans certains cas. Si j'en juge par nos propres recherches conduites à Richter's, même un produit de plante uniformément génétique peut donner lieu à d'importantes variations dans les niveaux de constituants actifs d'une année à l'autre. Cela étant, les exploitants commerciaux craignent que les fabricants ne déchargent sur eux leurs responsabilités en matière de teneur en constituants actifs, et ne les exposent à d'importantes pertes parce que leurs produits ne répondraient pas aux normes établies—irréalistes par ailleurs—, à l'étape de l'analyse des constituants.

Nous avons un autre sujet d'inquiétude: le développement de variétés améliorées d'herbes médicinales nécessaires afin de faire face aux changements intervenus dans les normes de qualité, et bien plus limités qu'on le suppose en général. Par exemple, les phytogénéticiens ignorent laquelle des trois classes de composés dans les échinacées il convient de cibler. Il existe des douzaines de composés qu'on croit actifs dans l'échinacée. Lequel cibler quand on est phytogénéticien? Même dans le cas de la grande camomille, pour laquelle il existe un constituant actif unique, défini dans la réglementation, on vient de trouver d'autres composés auxquels on attribue les vertus curatives de cette plante dans le cas des migraines. Ainsi, la cible phytogénétique se déplace sans cesse, ce qui rend la tâche d'autant plus difficile.

L'industrie éprouve aussi certaines inquiétudes à cause de certaines normes précises, comme celles concernant la numération bactérienne. L'application de ces normes à des produits à base d'herbes médicinales au Canada a rendu impossible la vente de produits du genre obtenus de façon biologique. Or, le marché est très intéressé par les produits biologiques. Ces derniers constituent une part importante du chiffre d'affaires des agriculteurs commerciaux. Pour en arriver à dénombrer mille colonies sur plaque, par exemple, il faudrait soumettre les échantillons à des radiations gamma, ce que les consommateurs de produits organiques n'accepteraient pas. Nous pensons qu'une norme alimentaire serait plus appropriée.

Je conclurai en formulant quelques recommandations de la part des cultivateurs d'herbes et de plantes médicinales.

Tout d'abord, il conviendrait de supprimer l'ambiguïté actuelle dans la Loi sur les aliments et drogues au sujet de la vente de plantes vivantes et de semences. De toute évidence, la vente de ces produits relève d'Agriculture Canada et non de Santé Canada.

Deuxièmement, il faut assouplir les normes BPF et DIN, par rapport à ce qui est proposé, et ne pas s'en tenir à des normes étroites convenant mieux à des médicaments fabriqués. Donc, il faut assouplir ces normes dans le cas des produits à base d'herbes médicinales. Il faut aussi envisager de supprimer la norme établissant un minimum de constituants actifs et permettre aux fabricants d'établir leurs propres normes.

Dans la même veine, nous recommandons qu'il serait plus approprié, pour l'industrie des herbes médicinales, d'adopter une stratégie d'exactitude quant à l'étiquetage de ces produits. Si un fabricant désire vendre des produits dérivés de grande camomille, il devrait être tenu de prouver que son produit ne comporte pas de contaminants et qu'il a une qualité botanique identique à celle indiquée sur l'étiquette. En revanche, si un autre fabricant désirait vendre des produits de grande camomille présentant 0,2 p.100 de parténoïde, c'est à lui qu'il incomberait de prouver non seulement que son produit ne comporte aucun contaminant et que la qualité botanique correspond à ce qui est indiqué sur l'étiquette, mais aussi que le produit contient, moyennant des tolérances réalistes, à peu près 0,2 p. 100 de parténoïdes, comme l'indique l'étiquette.

• 0935

Nous croyons que l'application de ces recommandations permettrait de garantir au public l'accès à des produits à base d'herbes médicinales sûrs, efficaces et d'un prix abordable. Nous cherchons aussi à nous assurer que l'exploitation agricole des produits à base d'herbes médicinales et à vocation commerciale pourra continuer à se développer pour atteindre son plein potentiel au Canada, lequel est énorme.

Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup.

Chers collègues, dites-moi si vous voulez prendre la parole? Je vais suivre la liste, mais dites-moi si vous voulez prendre la parole.

Monsieur Hill.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Je suis heureux de vous accueillir ici.

Docteur Awang, votre nom a été prononcé à plusieurs reprises à l'occasion du triste épisode de l'HPB. J'ai entendu votre nom comme étant celui d'un expert, mais on sait que, depuis, votre laboratoire a été fermé et que vous n'y exercez donc plus. Trouve-t-on encore des compétences en HPB dans ce vaste domaine?

Dr Dennis Awang: Pas suffisamment à mon goût. C'est sans doute pourquoi, de temps en temps, on met sur pied des comités consultatifs de soi-disant experts, mais personnellement je pense que tous les comités qui ont été constitués jusqu'ici ne comptaient pas suffisamment de spécialistes du domaine scientifique pour faire le travail.

Ce qui est intéressant, c'est que la science de l'herboristerie est multidisciplinaire par nature, et il est très difficile de trouver des gens qui sont versés dans toutes les disciplines.

Je dois féliciter M. Richter pour sa présentation, mais certaines choses qu'il a dites montrent à quel point il est difficile d'appréhender cette question. Il a parlé de la grande camomille et des parthénoïdes. Eh bien, j'ai participé à la formulation des critères d'acceptation des produits dérivés de la grande camomille, afin qu'on puisse leur reconnaître des vertus thérapeutiques dans la prévention de la migraine. Les critères étaient les suivants: d'abord, l'authentification botanique, confirmée par l'émission d'un certificat d'authentification botanique et deuxièmement un niveau minimum de 0,2 p. 100 de parthénoïdes. Par la suite, on a interprété, presque systématiquement, ce niveau de 0,2 p. 100 de parthénoïdes comme étant un seuil d'activité, ce qui n'est pas le cas. L'intention était de s'en servir de critère d'identité pour distinguer les chimiotypes de la plante.

Or, ce n'est certainement pas à la Direction de la protection de la santé qu'on va trouver ce type d'expertise.

M. Grant Hill: Voilà qui répond à ma question.

Nombre de témoins nous disent que ces produits ne posent quasiment pas de problèmes, qu'ils ne présentent presque pas de risques, alors que vous venez de nous affirmer que le ginseng coréen peut provoquer des saignements de nez et même une hausse de la tension artérielle. Le ginseng est-il un de ces produits à l'activité chimique tellement complexe qu'il faudrait le réglementer plus que certains autres produits?

M. Michael Atkins: Absolument pas. En fait, les taux recommandés pour le ginseng coréen sont très faibles. Si les Chinois recommandent de ne pas donner de ginseng à des enfants de moins de 12 ans, c'est parce que les vaisseaux sanguins irriguant le nez ne sont pas encore développés à ces âges.

C'est un renseignement que nous devrions pouvoir communiquer aux gens, à titre de précaution, parce qu'il y a des gens qui ne connaissent pas la différence. Il y a des gens qui ne connaissent pas ou ne comprennent pas la différence et nous n'avons pas le droit de leur suggérer qu'il existe une différence ni de leur en indiquer la nature. Des études ont démontré que, dans une certaine mesure, le ginseng canadien peut abaisser la tension artérielle ou du moins la stabiliser.

C'est là une partie du problème auquel nous nous heurtons. Je n'ai jamais entendu parler d'effets secondaires causés par un produit à base d'herbes médicinales, quand celui-ci est administré correctement. Quand vous songez à tous les problèmes que les gens éprouvent à cause de remèdes pharmaceutiques, cela ne souffre pas la comparaison avec les produits à base d'herbes officinales. Ces produits sont sûrs. Je ne dis pas que les médicaments prescrits sont dangereux, mais nous parlons ici de quelque chose qui est naturel et qui est pris à très petites doses. Nous parlons d'un produit qui est naturel. Il n'est traité, si ce n'est qu'il est pilé et stérilisé, et il ne contient pas de bactéries E. coli, ni de choses du genre. Il s'agit donc d'un produit entièrement naturel.

• 0940

La plupart des médicaments d'aujourd'hui sont dérivés, au départ, d'herbes médicinales, qu'il s'agisse de l'aspirine qui, si je ne m'abuse, est extraite de l'écorce de saule, ou encore d'un certain médicament pour le coeur qui est dérivé d'une autre herbe officinale. Nous parlons ici de choses naturelles. Nous ne parlons pas d'un produit qui a été amélioré, modifié génétiquement, à qui l'on a donné une autre forme ou associé à une molécule différente ou que sais-je encore. Il est question ici de quelque chose de tout à fait naturel que les gens consomment depuis des siècles.

M. Grant Hill: Donc, ce que vous voulez d'un point de vue scientifique, en isolant les composants actifs, en vous assurant que tous les génotypes sont disponibles, c'est parvenir au meilleur produit qui soit et que celui-ci fasse l'objet des meilleurs renseignements possibles au public? Mais cela risque de donner lieu à des contradictions. En effet, si vous affirmez d'un côté que les produits naturels sont sans danger et que, du même souffle, vous déclarez qu'un produit peut être de qualité inférieure, qu'il peut présenter un problème, personnellement, j'y vois une contradiction.

Dr Tom Francis: Je ne pense pas que c'est ce qu'il dise. Je ne crois pas qu'il dise que le Ginseng coréen n'est pas un bon remède naturel. Ce sont deux produits entièrement différents. Il y a une grande différence dans la composition chimique de ces deux types de ginsengs.

M. Grant Hill: Et vous voulez connaître la composition chimique et vous voulez aussi en connaître l'action.

Dr Tom Francis: Jusqu'à un certain point, mais quand vous songez qu'il peut y avoir 50, 60, 70, 80, voire 100 éléments différents dans... par exemple, je crois qu'il y a 37 ou 39 ginsenosides et 6 ou 7 panaxines, autant d'éléments qui ont un effet sur le diabète, on voit bien qu'il est quasiment impossible de tous les analyser. Le coût d'une telle opération serait prohibitif. Ce n'est pas possible à faire.

M. Grant Hill: Mais alors que fait le Dr Jackson? Vous venez de dire que c'est impossible et Mme...

Dr Chung-Ja Jackson: Non. Nous essayons d'analyser chaque élément du produit dérivé d'une herbe médicinale. Nous nous intéressons principalement aux ingrédients actifs et chez les ingrédients les plus actifs, le pourcentage est plus élevé.

Pour illustrer mon propos, je retiendrai l'exemple du soja et des produits dérivés du soja. L'isoflavone est l'oestrogène vital, autrement dit l'élément chimique essentiel procurant des bienfaits pour la santé. Nous avons testé 13 variétés cultivées en Ontario à l'occasion d'une étude de deux ans conduite en trois emplacements. Nous avons constaté que, d'une variété à l'autre de soja, les niveaux d'isoflavone varient entre un et trois milligrammes par gramme de poids, pour toutes les variétés. En outre, on dénombre 12 isoflavones dans chaque plante de soja et la composition de chaque strate d'isoflavone varie.

Nous essayons d'élaborer une méthodologie susceptible de nous permettre de déterminer quels sont les ingrédients actifs dans chaque produit, pour que nous sachions ce que contient chaque plante, et qu'à l'étape de transformation au produit, l'industrie soit en mesure de déclarer la proportion d'éléments actifs. C'est pour nous protéger contre les méfaits de l'ignorance.

Une entreprise qui vend des produits à base d'ail—et qui a un chiffre d'affaires d'un million de dollars, mais je ne peux vous citer son nom—nous a demandé de tester un de ses produits se vendant le mieux et qui est censé avoir une teneur élevée en allicine—l'allicine étant l'un des ingrédients actifs de l'ail. Eh bien, nous n'avons pas trouvé d'allicine. Il nous faudrait pouvoir confirmer les prétentions des fabricants, apparaissant sur les étiquettes. En tant que scientifiques, nous nous efforçons de déterminer quels sont les ingrédients actifs, combien il y en a dans le produit d'origine et combien il y en a dans l'aliment après traitement.

M. Michael Atkins: Pour enchaîner sur ce que vient de dire M. Hill et pour en arriver là où je veux en venir, il faut dire qu'il existe plusieurs types de ginsengs. Tout le monde a entendu parler du ginseng de Sibérie, mais ce n'est même pas un ginseng. C'est un membre de la famille des éricacées, et c'est en fait une racine de lierre. On vend beaucoup de produits manufacturés portant le nom «ginseng» inscrits en caractères gras sur le paquet, et un peu plus bas, en toutes petites lettres, on peut lire «de Sibérie» ou autre. Le consommateur, lui, a entendu ce mot à la mode, «Ginseng», et il veut en acheter. Je ne dis pas que ce genre de produit est sans effet, parce que les étudiants le prennent dans l'espoir que ça les aidera pour leurs examens, les femmes aussi en prennent et ont l'impression que ça les aide. Mais ce n'est pas du ginseng.

• 0945

Et puis, il y a le ginseng coréen, rouge ou blanc. La seule différence entre les deux réside dans l'opération de séchage. Le rouge est passé à la vapeur alors que le blanc est séché comme nous le faisons ici, au soleil ou en four.

Il y a aussi le ginseng chinois, rouge ou blanc, qui est de la même variété que le coréen.

Et puis, il y a le ginseng japonais, qui est essentiellement de la même variété que les autres ginsengs asiatiques.

Il y a enfin le ginseng nord-américain de l'Ontario, de la Colombie-Britannique ou du Wisconsin. On le cultive dans l'Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et au Québec. On en trouve même en Alberta. Le Wisconsin est le plus gros état producteur de ginseng aux États-Unis, mais on en produit aussi un peu en Illinois, dans l'Indiana, au Minnesota et dans l'état de New York.

En ce qui concerne précisément l'industrie du ginseng, nous demandons que ce produit doit amalgamé au reste des herbes médicinales. On connaît bien les bénéfices présumés de ces produits ou les avertissements à... je ne veux pas dire des avertissements, mais ce qu'il faut signaler aux consommateurs.

Je ne suis pas médecin. Je ne déclare pas être médecin et je ne l'insinue pas non plus. Nous parlons ici de ginseng coréen ou chinois par rapport au Ginseng nord-américain. Pour certaines personnes, il vaut mieux prendre du ginseng nord-américain alors que pour d'autres il vaut mieux prendre du ginseng chinois ou coréen, selon leur état général, leur métabolisme ou autre. C'est cela que nous pouvons dire aux gens.

Nous ne formulons aucune allégation. Nous voulons pouvoir informer le public sur ce qu'il devrait savoir, tout comme dans le cas des autres produits à base d'herbes officinales.

La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Dumas, avez-vous des questions?

M. Maurice Dumas (Argenteuil—Papineau, BQ): Je vous remercie d'avoir participé à la rencontre de ce matin. J'ai retenu en particulier ce que le Dr Francis a dit au sujet du ginseng. Évidemment, cela me touchait particulièrement lorsqu'il disait que le ginseng était bénéfique pour la mémoire à court terme. C'est un peu ce qui fait défaut quand on vieillit. Évidemment, c'est là que le bât blesse.

Je poserai une question à M. Richter au sujet des normes de qualité. En parlant des produits d'herboristerie, vous disiez que la qualité de tout ce qui pousse dans la terre dépend toujours du soleil et de la pluie. Maintenant, qu'est-ce qui nous assure la qualité des produits d'une année à l'autre?

Prenons l'exemple du vin. On sait que la qualité du raisin fera en sorte qu'une année on aura un excellent vin, tandis que l'année suivante, il pourra être moins bon. Qu'est-ce qui nous assure que les récoltes seront excellentes et que vos produits seront de qualité?

[Traduction]

M. Conrad Richter: Prenez le cas du vin. Eh bien, il serait très difficile d'analyser les constituants chimiques du vin et d'en dériver une carte de qualité fondée sur l'agencement des différents éléments chimiques déterminant la qualité du vin et à partir de laquelle les taste-vin établissent que tel vin est meilleur qu'un autre.

Tout cela nous ramène au problème de l'industrie des herbes officinales. À bien des égards, il est très difficile d'établir un lien objectif entre l'analyse des éléments actifs de la matière première et la qualité du produit final. Il existe certes grands traits qui sont importants. Par exemple, pas question d'avoir trop de champignons ou certains types de pourriture. On ne veut certainement pas de contaminants, d'herbes et d'autres matières du genre.

Mais il est très difficile pour notre industrie de pouvoir affirmer que tel ensemble de composants actifs, en fait tout composant chimique, peut donner lieu à des produits de telle ou telle qualité, inférieure ou supérieure. Et c'est en fait là l'essentiel du problème pour toutes les herbes médicinales. Dans une certaine mesure, il nous faudra peut-être nous détacher de toute cette philosophie, de toute cette notion pour nous attarder davantage sur les grandes caractéristiques traditionnelles des herbes médicinales, comme leur odeur, leur apparence et le reste.

• 0950

C'est là une question à laquelle il n'est pas facile de répondre à ce stade. Si vous réclamez un simple test, il suffit de s'adresser à un laboratoire. Et cela nous ramène à la question de l'évaluation de la qualité. Ce ne sera pas facile. Même dans le cas du ginseng, et je viens de vous en parler, on a recensé une centaine de composants. Eh bien, lequel de ces composants allez-vous mesurer pour déterminer la qualité d'un lot donné? Personnellement, je l'ignore. Je ne pense pas que qui que ce soit le sache.

[Français]

M. Maurice Dumas: Je vous répète ma question. Puisque d'une année à l'autre les récoltes ne sont pas de même qualité, qu'est-ce qui nous assure que votre produit sera d'égale qualité à partir des récoltes que vous aurez à tel ou tel moment?

[Traduction]

M. Conrad Richter: La qualité des produits sera, nous l'espérons, garantie par le respect de certains paramètres qui pourraient fort bien être les paramètres grossiers dont je viens de vous parler, comme la quantité de bactéries et de champignons, la teneur en eau ou en contaminants autres. Dans le cas de certains produits dérivés de plantes médicinales, ce pourrait être les seuls paramètres objectifs.

La présidente: Monsieur Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur Richter, je n'ai pas manqué de remarquer que M. Atkins a déclaré que l'industrie du ginseng représente un chiffre d'affaires de 100 millions de dollars, alors que vous avez parlé de 150 à 200 millions de dollars en tout. Englobez-vous les 100 millions de dollars de M. Atkins dans cela?

M. Conrad Richter: Oui, j'inclue effectivement...

[Note de la rédaction: inaudible]

M. Lynn Myers: Eh bien, l'agriculteur que je suis est un peu troublé quand vous affirmez que nous sommes en train de passer à côté d'une occasion en or. Je me demande si vous ne pourriez pas nous définir un peu mieux ce qu'est cette occasion. Allons droit au but: que devrait-on faire pour exploiter ce filon?

M. Conrad Richter: Comme je le disais, nous pensons que la production canadienne est minuscule par rapport à la production mondiale, puisque selon nous elle serait inférieure à 1 p. 100. Tout d'abord, le Canada est un pays agricole. Nous pouvons compter, dans ce domaine, sur un important panier de compétences. Qui plus est, les gens sont incroyablement disposés à cultiver des herbes médicinales. Je ne me souviens avoir passé un seul jour sans être appelé par un agriculteur me demandant conseil sur la façon de s'y prendre pour se lancer dans la culture des herbes médicinales. Ce genre de culture suscite un énorme intérêt.

Les conférences tenues sur la question de la culture d'herbes médicinales à des fins commerciales ont été prises d'assaut au cours des deux ou trois dernières années. En 1996 et en 1997, nous avons organisé deux conférences où nous avons eu plus d'inscrits que de places disponibles. Plus de 300 ou de 400 planteurs confirmés ou potentiels d'herbes médicinales ont participé à ces conférences.

Nous sommes compétents dans le domaine agricole. Les gens sont disposés à essayer la culture des herbes médicinales. Nous avons déjà connu des histoires à succès. Je vais vous en donner un exemple. Un de mes clients qui exploite une ferme de 10 acres en Ontario a réalisé un chiffre d'affaires de plus d'un million de dollars. Cela fait environ 100 000 $ à l'acre. Eh bien, il n'y a aucune autre culture au Canada—à l'exception du cannabis—qui puisse rapporter un tel chiffre d'affaires annuel. Voilà donc les occasions dont je parle.

Dans cet exemple, une grande partie de la valeur de ces 100 000 $ à l'acre est constituée par une valeur ajoutée, autrement dit par l'étape de la transformation. Cet agriculteur est très malin. Il fait pousser ses plantes et les transforme en produits dérivés, qu'il distribue dans des magasins d'aliments de santé, des coopératives alimentaires et par vente directe.

• 0955

Voilà le genre de possibilités qu'il y a lieu d'exploiter, les agriculteurs en entendent parler et ils veulent en profiter. Cependant, je me dois aussi de dire à ces clients: «Attendez un instant. Essayez d'abord, expérimentez la chose et n'oubliez pas qu'au Canada nous avons un régime réglementaire plutôt effrayant. Vous ne savez pas ce qu'on réserve à vos cultures». D'une année à l'autre, une culture peut être bannie. C'est ce qui s'est produit dans le cas de la grande consoude. Ainsi, ceux qui faisaient pousser de la grande consoude il y a 5 ou 10 ans, ne le peuvent plus parce que les produits de la consoude officinale ne peuvent plus être vendus au Canada.

M. Lynn Myers: Ce que vous réclamez, c'est un ensemble de règles cohérentes sur lesquelles les agriculteurs et les producteurs pourront se fonder pour savoir exactement où ils doivent aller.

M. Conrad Richter: Tout à fait. L'incertitude réglementaire est le plus grave problème auquel nous sommes confrontés à l'heure actuelle.

M. Lynn Myers: Je crois que c'est là un aspect important.

Docteur Awang, vous avez parlé tout à l'heure du programme de certification et vous avez dit qu'il faut garantir la bonne qualité des produits. Pourriez-vous être un peu plus précis sur ces deux points, car je crois qu'ils sont très importants.

Dr Dennis Awang: Si vous me le permettez, j'aimerais juste faire un commentaire au sujet de la consoude officinale, parce que c'est durant mon passage à la Direction générale de la protection de la santé que nous avons interdit la consommation de consoude par voie interne à cause des risques légitimes d'endommagement du foie et aussi de la consommation d'alcaloïdes pyrolisidines dérivés de cette plante. La consoude peut encore être vendue, mais elle ne peut être utilisée qu'en application externe, pour favoriser la subérification de blessures non ouvertes.

Quant à la certification, il faut savoir que l'OMS dispose d'un programme d'agrément pour les produits pharmaceutiques. Quand j'ai participé aux délibérations à ce sujet, j'ai proposé qu'on adopte un programme semblable de certification des matières botaniques brutes. Nous voulions que M. Richter nous garantisse qu'il vend effectivement un produit correspondant au nom botanique officiel et à tout le reste—c'est-à-dire aux différentes parties de la plante et au reste—, et qu'il nous remette des spécimens témoins pour que, en cas d'effets indésirables par la suite ou d'une absence de qualité, nous soyons en mesure de vérifier l'authenticité du produit.

Ce genre de problème s'est déjà produit. Au département de botanique de l'Université du Texas, on a constaté qu'un spécimen plante-type, qui était censé être de la grande camomille, était en fait de la camomille des chiens, l'Anthemis cotula. Donc, comme vous le voyez, cela peut même arriver là-bas.

Si nous disposions d'un tel système nous placerions la responsabilité de nous garantir l'authenticité botanique, l'identité du produit sur l'exploitant, le fournisseur et le fabricant, étant entendu qu'une seule entité peut être tout cela à la fois.

Afin de pouvoir déterminer l'origine de réactions nocives, il pourrait également être utile d'avoir une idée de l'identité du produit. C'est un problème dans le cas des produits d'origine botanique pour lesquels on n'émet pas de DIN. Le gros du ginseng est vendu sans identification numérique de médicament parce qu'aucune allégation n'est permise pour ce genre de produit. Étrangement, la plupart des organismes de réglementation européens permettent les allégations dans le cas du ginseng, quant à ses vertus potentielles surtout en ce qui concerne les personnes âgées, l'acuité mentale, l'énergie physique et ce genre de chose. Je ne vois pas où est le danger à faire cela. Mais au Canada, ce n'est pas possible et le ginseng est vendu sans identification numérique de médicament, sans allégation et il n'est pas nécessaire d'indiquer son nom latin quand on s'adresse à la Direction des aliments.

On peut dès lors vendre du ginseng discrètement qualifié de «sibérien», et donner à penser aux consommateurs qu'il s'agit d'un ginseng asiatique cultivé en Sibérie alors qu'en fait c'est une plante entièrement différente, l'Eleutherococcus senticosis, dont nous avons parlé plus tôt.

Il y a donc beaucoup à faire, et il y a des programmes très simples qu'on pourrait instituer et qui changeraient et amélioreraient grandement le caractère de cette industrie. Malheureusement, personne n'écoute ou personne ne veut entendre cela.

M. Lynn Myers: Mais nous écoutons.

Je me demande si M. Atkins pourrait répondre très brièvement à cela.

La présidente: Monsieur Atkins, vous voulez que ce monsieur qui est assis à la table réponde?

M. Michael Atkins: Oui, Gary désire dire deux ou trois choses et je me propose de lui céder une minute pour cela.

Si cela ne vous dérange pas, j'aimerais que nous parlions très rapidement des saisons de croissance, car elles peuvent avoir un effet sur la qualité. C'est un peu comme le vin. Aucune saison de croissance n'est jamais la même, mais le vin n'en est pas moins de qualité.

• 1000

Tout dépend de ce qu'on met dedans. C'est ce que nous disons. Nous allons mettre du produit de qualité et il faudra ensuite nous permettre d'indiquer sur l'étiquette ce dont il s'agit, et tout le monde devra se conformer à ces règles. Nous voulons travailler en collaboration avec tout le monde pour que tout le monde ait accès à un produit de qualité.

Gary, vous aviez quelque chose à ajouter?

La présidente: Pouvez-vous lui demander de se présenter?

M. Michael Atkins: Il s'agit du Dr Gary Kakis, de l'Université de Toronto.

Dr Gary Kakis (témoigne à titre personnel): Je tiens à répondre à la question de M. Dumas, qui est excellente: comment savoir à quel cru appartient l'herbe médicinale qu'on examine?

Vous ne pouvez pas simplement chercher à répondre à cette question en déterminant s'il y a 50 milligrammes d'ingrédients actifs ou 10 milligrammes seulement, parce que l'utilisation de ces plantes repose sur une longue tradition, vieille de milliers d'années, une utilisation qui a donné lieu à des milliers de publications.

Il faut voir la chose dans des termes très simples, comme pour la vitamine C. Vous prenez 50 milligrammes de vitamine C et vous parvenez à prévenir le scorbut, vous en prenez 30 milligrammes, même chose, vous en prenez 20 milligrammes et vous évitez aussi le scorbut, ou vous en prenez 200 milligrammes et vous évitez aussi le scorbut. Donc, le cru n'importe pas vraiment. Toutes ces plantes médicinales donnent des résultats parce qu'il y a plus d'ingrédients actifs que nécessaire.

Dans la plupart des cas, on ne sait pas quels sont les ingrédients actifs et c'est exaltant quand on pense avoir découvert l'ingrédient actif de telle ou telle plante. Mais dans la plupart des cas, nous n'en avons pas la moindre idée et nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Comme le disait le Dr Awang, le plus important au stade où nous en sommes est simplement de nous assurer que si quelqu'un prétend qu'il y a de la camomille dans une certaine préparation, il faut effectivement qu'il y ait de la camomille et rien d'autre.

La présidente: M. Vellacott voulait vous poser une question.

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Je m'interroge au sujet de votre analogie avec la vitamine C. Vous savez bien que si vous prenez une quantité excessive de vitamine C, elle est éliminée par l'organisme et il n'y a donc aucun problème. Mais ce n'est pas forcément le cas pour certains de ces produits. Et si l'on admet que le cas est différent, alors on pourrait avoir affaire à des produits potentiellement nocifs ou, qui sait, peut-être même fatals; ils pourraient avoir des effets néfastes.

Dr Gary Kakis: Vous avez raison, mais seulement dans une certaine mesure, car la plupart des ces produits ont plutôt tendance à avoir des effets régulateurs.

Le ginseng est un bon exemple pour ce qui est du glucose dans le sang. Nous avons fait une importante recherche auprès de sujets normaux avant de passer à notre étude plus limitée sur des diabétiques. Chez les individus normaux, nous avons examiné toutes sortes de paramètres que l'on mesure généralement chez une personne diabétique—et nous n'avons rien négligé—or il n'a aucun effet. Et pourtant nous avons utilisé un dosage relativement élevé. Par contre, si l'on donne du ginseng à un sujet pré-diabétique ou diabétique, on obtient un effet tout à fait spectaculaire: la présence de sucre dans le sang est normalisée.

Le ginseng n'agit donc pas comme un médicament, sauf dans le cas de l'hypertension chez les enfants, ce qui à mon avis est relativement rare. On peut alors effectivement parler d'effet secondaire néfaste, mais le ginseng n'est pas recommandé pour les enfants de toutes façons, je ne vois pas pourquoi un enfant en prendrait.

La présidente: Je crois que je vais céder la parole à Mme Bennett, si vous avez d'autres questions, vous pouvez vous mettre sur la liste.

M. Maurice Vellacott: Très bien.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Comme vous le savez, notre comité s'efforce de faire la part entre le rôle qui convient à l'industrie, et celui que devrait assumer l'État. Que faudrait-il faire en ce qui concerne certains praticiens? Quels produits faudrait-il offrir en vente libre? Que convient-il de mettre sur les étiquettes? Le contenu du flacon est-il conforme à ce qui est écrit dessus?

Certains intervenants nous ont dit que l'industrie pourrait réglementer cela elle-même par l'entremise d'un conseil d'experts qu'elle mettrait en place. Certains d'entre nous estiment en revanche que le gouvernement doit pouvoir vérifier que lorsqu'on affirme qu'un produit est de la mélatonine, il s'agit effectivement de mélatonine. Par contre, en ce qui concerne les revendications sur les propriétés d'un produit et ce genre de choses, je doute que nous puissions vraiment mettre de l'ordre là dedans.

A votre avis, quel devrait être le rôle de l'industrie et quel devrait être celui de l'État?

Pour commencer, j'aimerais beaucoup que Dr Awang nous parle des quatre ou cinq choses que nous pourrions faire dès à présent selon lui pour mettre un peu d'ordre dans tout cela.

• 1005

Dr Dennis Awang: Premièrement, il conviendrait de mettre en place une structure de certification d'identité. Deuxièmement on aurait besoin d'un programme de test des produits en laboratoire.

Mme Carolyn Bennett: Qui doit s'en charger?

Dr Dennis Awang: Le gouvernement. Je ne crois pas à cette approche du «renard dans le poulailler». Vous devriez vous en charger. De fait, c'est ce que nous faisions à la Protection de la santé et au Bureau de la recherche sur les médicaments lorsque je dirigeais la Section des produits naturels. L'éminent professeur Varro Tyler lui-même estimait que nous étions le meilleur laboratoire du genre sur le continent. Nous avions établi une liste de plantes par ordre de priorité, en nous fondant sur leur valeur commerciale. Nous avions évalué leurs risques et autre. C'est ce que nous faisions, et ce qui devrait être fait. Je pense que cela obligerait les fabricants à être plus vigilants, surtout si vous frappez la non-conformité de lourdes pénalités.

Troisièmement, j'en arrive aux problèmes des revendications. Je crois vraiment que ces produits à base d'herbes médicinales ont généralement des effets plus doux, cumulatifs, à long terme et ainsi de suite, mais il y en a qui sont des poisons et les organismes de réglementation devraient avoir leur mot à dire.

Interdisez la germandrée. Dites aux gens de ne pas consommer d'alcaloïdes de type pyrrolizidine. Il y a d'autres cas où...

Mme Carolyn Bennett: La présence de pesticides... de toute évidence, il y a eu des problèmes. Espérons que le gouvernement...

Dr Dennis Awang: Cela va de soi. Je ne sais pas si cela est encore politiquement correct, mais toutes les plantes...

Mme Carolyn Bennett: Que se passe-t-il depuis la fermeture de votre laboratoire?

Dr Dennis Awang: Rien. On se fie à l'industrie pour fournir les données jugées nécessaires. Dans le cas de la malherbe, par exemple, on vous demande de présenter un dosage de parthénolide, ce qui, comme je l'ai dit, constitue un critère d'identité. Mais il n'existe aucun programme de certification en laboratoire. On ne sait pas si les analystes sont faites de façon compétente. Ce qui signifie que si vous êtes malins, vous pouvez fabriquer ce dosage et le présenter, tout comme vous pouvez mettre du gazon dans une capsule, dire qu'il s'agit de valériane des marais, et obtenir une identification numérique de médicament (DIN). Vous n'avez pas à prouver quoi que ce soit.

Mme Carolyn Bennett: Si je vais dans un magasin aujourd'hui pour acheter de la valériane, je n'ai aucune assurance que c'est bien...

Dr Dennis Awang: Vous ne pouvez que vous fier aux informations fournies par des gens compétents, des gens qui ont des connaissances scientifiques, qui connaissent le marché, la réputation du fabricant. Voilà ce qu'il faut faire.

Mme Carolyn Bennett: C'est beaucoup de responsabilité pour moi.

Dr Dennis Awang: Bien sûr. Mais je crois que la supercherie réside sans doute bien plus souvent dans le fait que le consommateur achète des produits inutiles. Bien des gens ont l'impression qu'à la Direction générale de la protection de la santé, on ne tient pas particulièrement à savoir si ces produits sont efficaces. Tout ce qui les intéresse, c'est de savoir si ces produits présentent des risques, car ils tiennent à se protéger et à s'assurer que l'on ne viendra pas leur reprocher le décès de qui que ce soit. Mais je ne pense pas qu'ils tiennent particulièrement à s'assurer que ces produits soient bénéfiques pour le consommateur canadien. Il y a beaucoup à faire. Il est vrai que la plupart du temps, nous ne savons pas exactement quels sont les ingrédients actifs qui sont responsables des effets bénéfiques revendiqués.

On fait des progrès. On a identifié des groupes de composants et des composants que l'on pense être les plus actifs.

Dans le cas du ginseng, je pense qu'il est universellement reconnu que les ingrédients actifs sont ce que l'on appelle les ginsenosides. On en a testé huit. Les tests portent généralement sur sept, et parfois seulement sur six, mais c'est ce qui permet la différenciation des diverses espèces de ginseng. Aussi pouvons-nous dire à présent si un produit qui prétend être du ginseng nord-américain est effectivement nord-américain, ou plutôt asiatique, car si nous trouvons du ginsenoside FR, nous savons qu'ils'agit de ginseng asiatique ou d'un produit contaminé par du ginseng asiatique.

• 1010

On a donc bien progressé dans le domaine de la science, mais je crains que l'agence de réglementation ne suive pas ces progrès et qu'elle n'a probablement même pas les compétences scientifiques nécessaires pour les juger.

Mme Carolyn Bennett: Existe-t-il un document qui explique les raisons pour lesquelles la Direction générale de la protection de la santé a décidé de fermer votre laboratoire?

Dr Dennis Awang: Non. J'ai été convoqué à une réunion avec une demi-heure de préavis, et le directeur m'a dit: «Vous êtes finis. Ça y est.»

Mais, fait intéressant, une fois la dimension internationale éliminée dans ce secteur, on a assisté à une timide tentative pour acquérir une expertise au Bureau des recherches sur les médicaments. De fait, l'un des chimistes du Bureau est venu dans notre laboratoire de phytochimie à l'Université d'Ottawa pour parler avec les gens qui font les tests phytochimiques. Mais tout le Bureau de recherches a été démantelé, et il n'y a donc plus aucune recherche ni capacité scientifique.

Mme Carolyn Bennett: Les universités ont repris une partie de la recherche de base dans ce domaine.

Dr Chung-Ja Jackson: Oui.

Mme Carolyn Bennett: Mais les tests de la qualité elle-même et ce genre de chose ne se font pas.

Dr Dennis Awang: Non.

Dr Chung-Ja Jackson: On peut parler de qualité dans la mesure où l'on est en train de développer la méthodologie et les tests qui permettront d'analyser les ingrédients actifs. La prochaine étape consistera à effectuer les analyses cliniques de produits particuliers contenant des quantités connues de chaque ingrédient. Selon le composé, on commence par les animaux et on passe ensuite à l'humain. A partir de là, quel que soit le producteur ou le produit, il faut ensuite vérifier les composants régulièrement car l'air et le temps et les conditions environnementales peuvent modifier les composants.

Comment les consommateurs peuvent-ils avoir la garantie de la qualité des produits? Les chercheurs en botanique s'efforcent sans cesse d'améliorer les espèces, en perfectionnant la culture et en effectuant des modifications génétiques. Si vous voulez un autre exemple, sachez que la teneur en protéine de la graine de soja, quelle que soit sa variété, est de 50 pour cent. Les scientifiques sont également en train de chercher à augmenter les niveaux d'isoflavine à un certain stade. Et après tant d'années de récoltes, on pourrait également obtenir des mutations.

Mais un bon chercheur essaie toujours de viser la meilleure qualité possible, en poursuivant sans cesse ses analyses. Les récoltes obtenues seront replantées l'année suivante.

La présidente: Il ne me reste que M. Volpe. Quelqu'un d'autre veut-il se mettre sur la liste? Non? D'accord.

Monsieur Volpe.

M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Et bien, madame la présidente, j'ai cru un instant que vous ne vouliez pas me donner la parole. Que vous attendiez que tout le monde ait eu son tour.

La présidente: Non, je me demandais simplement si...

M. Joseph Volpe: Non, cela ne fait rien.

Des voix: Oh, oh!

M. Joseph Volpe: Dr Awang, j'avais cru que vous vous présenteriez devant notre comité à une autre occasion, car nous avions exprimé le souhait, il y a quelques semaines, de nous pencher sur les problèmes liés à la fermeture de votre bureau et aux changements de politique qui ont suivi, au début des années 1990. Aussi je me demande si je peux remettre certaines de mes questions pour cette occasion.

Vous avez fait resurgir un certain nombre de questions, mais j'aimerais, si c'est possible, me limiter à trois domaines. Afin que vous sachiez à qui vous avez à faire, j'aimerais rappeler le temps de mon enfance où il n'existait pas de produits pharmaceutiques et où nous n'avions pas à nous soucier d'aller acheter des plantes médicinales, mais où pour pratiquement chaque maladie, chaque égratignure, chaque blessure, quelqu'un allait dans les champs pour cueillir les herbes appropriées. Je ne sais pas si elles étaient réellement efficaces, Dr Awang, mais elles ne faisaient apparemment pas de mal.

Ce qui m'amène à m'interroger sur cette question d'éducation. Nous avons parlé du problème de l'étiquetage et de celui des revendications. De mon temps, à la campagne, il n'était question ni d'étiquetage ni de revendication. Tout le monde «savait» tout simplement. Mais l'on avait une certaine notion de la qualité.

• 1015

Monsieur Dumas a soulevé la question juste au moment où je la formulais. C'est sans doute parce que nous avons pris l'ascenseur ensemble, nos rythmes biologiques sont synchronisés.

Je me demande si l'un des problèmes qui se posent à votre industrie ne tient pas au fait que vous-mêmes n'avez pas encore donné, que ce soit au régulateur ou au public, l'assurance de la constance de vos produits. J'hésite à utiliser le mot «qualité», encore que M. Dumas nous ai fait remarquer que lorsque les producteurs de gazon ont commencé à se lancer sur le marché, il y a quelques années seulement, ils ont décidé que la seule façon de s'imposer serait de contrôler les producteurs eux-mêmes et de s'assurer qu'il existait une certaine uniformité dans leurs méthodes et leurs produits en bout de ligne.

D'après ce que j'ai entendu jusqu'à présent ici, je peux rentrer dans n'importe quel magasin aujourd'hui et acheter de l'herbe littéralement, que le vendeur m'aura assuré être à peu près n'importe quoi. J'exagère sans doute, mais d'après ce que vous-même et M. Richter avez dit, j'ai le sentiment que je ne peux pas me fier à ce que j'achète car les gens de votre industrie ne cherchent pas à assurer cette constance du produit et qu'ils n'attachent pas d'importance à la qualité du produit ou à l'auto-réglementation qui permettrait de la garantir. Je ne parle pas de la même chose que Dr Awang, à savoir des ingrédients actifs, mais simplement de la qualité du produit.

M. Michael Atkins: Je peux répondre partiellement, et ensuite je passerai la parole à Conrad.

La grande majorité d'entre nous sommes tout à fait conscients de l'importance de la qualité et nous voulons offrir des produits de qualité. Mais nous trouvons difficile de faire concurrence à ceux qui ne fournissent pas cette qualité. C'est pour cela que j'ai fait des analyses de ginsenoside avant même de lancer mes propres produits. Ce que j'ai vu est effrayant, mais je ne vais pas me confronter à certaines grosses compagnies qui ont probablement beaucoup plus d'argent que moi, et de nombreux clients de Conrad s'abstiendront également sans doute de le faire.

Comme je l'ai dit, la grande majorité d'entre nous cherche à offrir des produits de qualité et c'est ce que nous faisons. Ce que nous envisageons, et sommes prêts à faire, si nous pouvons avoir l'appui du gouvernement, c'est établir des normes de qualité par l'entremise de l'Association canadienne des aliments de santé, par le biais des fabricants ou de qui que ce soit, mais avec l'appui du gouvernement, afin qu'elles aient de la crédibilité.

Mais ne tentez pas de nous écraser sous la réglementation en disant «Vos installations doivent être ainsi» ou «Vous fabriquez des médicaments» ou autre chose du genre. Vous allez détruire toute l'industrie des produits d'herboristerie. Mais si...

M. Joseph Volpe: Vous reconnaîtrez sans doute que même si elles cherchent généralement à répondre à leurs propres pourquoi, pour paraphraser les commentaires de Dr Awang, les autorités de réglementation devront être rigoureuses, surtout en l'absence d'une volonté de l'industrie de s'auto-réglementer.

M. Michael Atkins: Cette volonté existe. Interrogez les membres de l'Association canadienne des aliments de santé, vous verrez que nous sommes prêts à le faire, et nous voulons que tout le monde soit obligé de respecter les mêmes règles. C'est pourquoi nous vous demandons de nous aider et nous le ferons avec votre appui. Il faudra des laboratoires pour les contre-vérifications, et si quelqu'un met sur le marché un produit qui n'est pas ce qu'il prétend être, poursuivez-le, clouez-le au pilori. Ça m'est égal.

Les producteurs de bonne réputation en seraient ravis.

Quant à ceux qui s'efforcent de fournir des produits de qualité, et c'est ce que nous faisons, évitez de nous inonder de formalités administratives. Appuyez-nous et nous vous aiderons à faire ce qu'il faut. Car nous voulons donner au consommateur un produit de la meilleure qualité possible, afin qu'il puisse l'acheter en toute confiance.

Il semble que pour l'instant, le souci du gouvernement ou des bureaucrates, c'est de savoir s'il faut considérer ces produits comme des médicaments. On ne sait pas trop comment nous traiter. A une époque, nous étions classés dans la catégorie des aliments. Or, nous ne sommes ni des médicaments, ni des aliments; nous nous situons quelque part entre les deux. Veuillez nous donner l'occasion, grâce à votre coopération, de dire à tous voici nos normes, voici ce que vous devez faire, voici ce qui est écrit sur votre produit, et si votre produit se révèle ne pas être ce qu'il prétend être, telles sont les pénalités qui vous attendent. Je ne peux pas donner de noms, mais il y a des compagnies dont les produits sont bien loin de...

• 1020

Dans bien des cas, ce ne sont pas les petits fabricants. Nous offrons de bons produits. Et nous voulons que les conditions soient les mêmes pour tous. Nous voulons que les consommateurs aient de la qualité. Nous voulons qu'ils sachent ce qu'ils achètent. Nous voulons des normes et nous voulons nous donner les moyens de les mettre en place.

M. Joseph Volpe: C'est également ce que veulent les autorités responsables de la réglementation, monsieur Atkins. Mais, sans vouloir être sévère, lorsqu'on ne peut nommer de compagnie, c'est comme si elles étaient toutes coupables. C'est le problème.

Vous avez soulevé la question de l'étiquetage. C'est le deuxième sujet dont je voulais parler. La question de l'étiquetage n'est pas seulement une affaire de contenu, je pense qu'elle englobe en partie le problème des revendications. J'aimerais bien qu'on me parle d'un projet sérieux de réforme des modalités d'étiquetage des produits vendus en bouteilles, en paquets ou en vrac.

Ainsi que le faisait remarquer Dr Francis, avec l'appui de Dr Jackson, je crois, le problème de l'étiquetage des produits alimentaires et autres tient justement au fait que notre législation n'a pas, jusqu'à présent, été aussi stricte que dans d'autres domaines. Vous pouvez vous en sortir en indiquant simplement le contenu. On vous encourage à ne mettre que l'ingrédient dominant, et le reste va de soi.

Vous pouvez vendre du ginseng en précisant «sibérien» en lettres microscopiques, et cela ne pose aucun problème. Ce n'est pas considéré comme de la fraude. Mais à mon avis n'importe quel code déontologique y verrait une conduite quasiment criminelle. Je peux faire ce genre d'affirmation car je jouis d'une immunité ici, et si je connaissais le nom de la compagnie je la nommerais aussi.

Je me demande simplement si vos organisations en sont arrivées au stade où elles aimeraient proposer un format d'étiquetage différent, qui témoignerait davantage d'une volonté d'informer le public.

M. Michael Atkins: Je me demande simplement si l'objectif...

M. Joseph Volpe: Dr Awang voulait intervenir.

Dr Dennis Awang: En ce qui a trait à l'étiquetage, je crois que le plus grand tort revient aux autorités de réglementation qui ne contrôlent pas correctement la situation. Il existe toutes sortes de gentilles petites règles qui s'appliquent au nombre de milligrammes que l'on est censé prendre, sans qu'il soit tenu compte de ce qui se trouve dans le flacon. Si vous allez dans les magasins de produits biologiques, et peut-être plus encore dans les pharmacies—vous y trouverez des produits qui sont censés avoir certaines propriétés, de façon tout à fait illégale.

J'ai vu un produit censé être utile pour le traitement de la prostatite—entre parenthèse une inflammation de la prostate—soit une maladie de l'Annexe A. Il est vendu en pharmacie par une compagnie connue et le nom du produit lui-même évoque le traitement de la prostate. C'est une infraction aux règlements sur l'étiquetage.

J'ai vu des produits qui au départ respectaient le règlement en ne prétendant pas avoir de valeur thérapeutique. Et puis, du fait de l'absence de contrôle je suppose, j'ai revu ces produits un peu plus tard dans nos pharmacies, présentés sous des emballages portant une étoile verte et revendiquant des propriétés thérapeutiques.

Je vous dirai même plus. J'ai fait part de mes préoccupations au pharmacien. Je lui ai dit que ces produits avaient des prétentions illicites, qu'ils n'avaient pas de code DIN et qu'ils devraient être retirés des rayons. Le pharmacien de service à l'époque les a retirés en disant qu'il en parlerait au représentant de la compagnie. Je suis retourné quelques semaines plus tard—la pharmacie se trouve en face de chez moi—et ils étaient à nouveau sur les rayons.

M. Joseph Volpe: Nous allons sans doute un peu trop vite, car...

Dr Dennis Awang: Mais il s'agit d'étiquetage.

M. Joseph Volpe: Ce n'est pas grave, mais j'aimerais garder certaines questions pour une prochaine occasion, où nous aurons sans doute des échanges plus vigoureux avec vous et les autres membres du comité.

Je suis sûr que vous avez une idée des raisons qui expliquent pourquoi l'agence de réglementation donne l'impression de ne pas faire respecter sa législation sur l'étiquetage.

Dr Dennis Awang: Ce n'est pas une impression. Elle dit qu'elle n'a pas grande influence au niveau du commerce de détail. Mais il me semble que c'est justement là le but de l'opération. C'est à ce niveau qu'il faudrait avoir de l'influence, car c'est le consommateur qui achète le produit et qui reçoit la mauvaise information et parfois le mauvais produit.

• 1025

J'aimerais également souligner, à l'appui de M. Atkins, que c'est l'industrie qui prend l'initiative dans cette démarche, ce projet...

M. Joseph Volpe: L'initiative? De quoi? Du non-respect des règlements et des lois et...

Dr Dennis Awang: Non, de la surveillance de la qualité des produits.

M. Joseph Volpe: D'accord.

D. Dennis Awang: Ce programme, appuyé par l'American Botanical Council, a été financé par l'industrie et non par les autorités de réglementation et il est dû à l'initiative des fabricants sérieux qui veulent montrer ce que valent leurs produits par rapport à ceux d'autres fabricants irresponsables. Voilà pourquoi nous avons mis sur pied ces programmes.

La présidente: Votre temps est écoulé. Je crois que M. Atkins veut répondre à votre question, M. Volpe.

M. Michael Atkins: Oui. La Ginseng Growers Association et les producteurs de ginseng du Wisconsin ont tous deux fourni des fonds pour l'étude des produits. Nous avons fait notre étude au Canada d'abord. Nous avions discuté avec Mark Blummenthal de l'American Botanical Council avant même qu'ils ne lancent leur étude.

Mais quoi qu'il en soit, je vais tenter d'être bref et je vous remercie de m'accorder ce temps d'intervention, madame la présidente. Veuillez m'excuser de vous avoir appelée par votre prénom tout à l'heure.

La présidente: Ce n'est rien. Cela ne me dérange pas.

M. Michael Atkins: La Ginseng Growers Association of Canada, par l'entremise du programme de la SCPA, vise trois objectifs: définir une série de normes nationales qui peuvent être appliquées à la production, à la fabrication, à la distribution et à la vente au détail des racines de ginseng—tous les ginsengs—et des produits à valeur ajoutée vendus au Canada, et qui pourraient servir de base à l'élaboration de normes de qualité internationales pour le ginseng.

La difficulté tient en partie au fait que l'on estime généralement que les mélanges frauduleux, les altérations de produit et les fausses publicités sont répandus dans le monde entier, y compris au Canada, et sont pratiqués sous de nombreuses formes. Ni les racines de ginseng, ni les produits à valeur ajoutée ne font actuellement l'objet de normes de qualités nationales ou internationales reconnues.

La présidente: Pourrions-nous avoir une copie de cela? Vous pouvez le remettre au greffier.

M. Michael Atkins: Oui, ou je peux en faire une copie pour vous.

La présidente: Merci.

M. Michael Atkins: La Chine a adopté un certain nombre de critères.

L'objectif numéro sept est le suivant: mettre en oeuvre un programme national de contrôle de la qualité ou un programme d'assurance de la qualité. Si l'on définit des normes nationales, il faudra mettre en place une structure apte à garantir leur respect et c'est ce que nous voulons tous. Mais nous ne pouvons y parvenir sans l'aide du gouvernement. Nous vous disons que nous allons faire le nécessaire, mais aidez-nous à nous assurer que tout le monde respecte les règles.

M. Joseph Volpe: Madame la présidente, Dr Awang... nous garderons cela à l'esprit, de sorte que lorsqu'il se présentera à nouveau devant nous, il pourra nous expliquer comment et combien il faudra dépenser pour ce faire.

M. Michael Atkins: Je crois que la plupart des gens de l'industrie... même moi, je veux que mon produit soit testé. Et tant que le prix du test demeure raisonnable, vous verrez que les entreprises responsables viendront faire tester leurs produits car elles ont besoin des résultats pour les montrer aux consommateurs. C'est un bon argument de vente, dans le fond, de pouvoir dire «regardez, mon produit a été testé». Cela signifie que quelqu'un de tout à fait indépendant atteste que mon produit est bien ce qu'il dit être, et le consommateur est ainsi informé. De toutes façons...

La présidente: Merci. Nous allons passer à M. Hill. Peut-être votre réponse comprendra-t-elle la question.

M. Michael Atkins: Merci.

M. Grant Hill: Nous avons presque fini, mais j'aimerais demander à chacun de vous, qui êtes experts en la matière, de dire quel pays possède un meilleur régime de réglementation que nous. De quel pays devrions-nous nous inspirer? Pouvez-vous simplement me dire lequel, à votre avis offre le meilleur exemple, si vous avez une idée là dessus?

M. Conrad Richter: De notre point de vue, compte tenu de l'évolution de l'herboriculture commerciale et de la vitesse à laquelle les industries prennent de l'expansion dans différents pays, c'est ce qui se fait en Australie, notamment, qui m'impressionne le plus.

Dr Dennis Awang: Je dirais l'Allemagne, mais avec quelques améliorations.

Dr Chung-Ja Jackson: Oui, je dis l'Allemagne. L'Allemagne a sa Commission E qui contrôle tous les produits d'herboristerie. C'est une excellente organisation.

Dr Tom Francis: Je ne me suis jamais posé la question.

M. Joseph Volpe: Comment?

M. Grant Hill: Je n'ai pas d'opinion.

Dr Tom Francis: Je m'intéresse plutôt à la recherche qui...

M. Grant Hill: Ah oui, d'accord.

M. Michael Atkins: Je ne dirais vraiment pas l'Allemagne, car tout, là-bas est maintenant sous le contrôle de l'industrie pharmaceutique. Si l'on ne veut pas que le contrôle relève de l'industrie pharmaceutique, car ce qui s'est passé en Allemagne, avec le Codex Alimentarius, et c'est...

M. Grant Hill: Donc pas l'Allemagne. Quel pays alors?

M. Michael Atkins: D'accord, je vais dire l'Australie ou...

La présidente: Nous prévoyons un voyage.

Des voix: Ah bon!

M. Grant Hill: En Australie ou ailleurs?

M. Michael Atkins: Dans d'autres pays en Europe, je pense, car plus de la moitié de la population utilise des produits naturels.

M. Grant Hill: Et vous, Dr Kakis, avez-vous une idée?

Dr Gary Kakis: Je m'occupe plutôt de recherche.

M. Grant Hill: D'accord, merci.

La présidente: Je sais que nous avons terminé, mais il y a un certain nombre de questions qui intéressent les recherchistes.

• 1030

Dr Francis, je crois, a mentionné des études de recherche. Pouvez-vous nous dire qui finance ce genre de recherches sur les produits naturels? Le Conseil de recherches médicales finance-t-il certaines d'entre elles? De même, Santé Canada ou Agriculture Canada participent-ils au financement?

Dr Chung-Ja Jackson: Agriculture Canada les a financées de même que certaines industries. Nous avons reçu des fonds de l'Ontario Soybean Growers Marketing Board, par exemple.

La présidente: Pouvez nommer des industries qui offrent ce financement?

Dr Chung-Ja Jackson: Certaines recherches sur le ginseng ont été financées par des producteurs de ginseng, par l'entremise de la Ginseng Growers Association.

La présidente: D'accord.

Il me reste une autre brève question. Certains intervenants ont évoqué des effets néfastes de ces produits. Disons que je veuille rendre compte de quelque chose. Existe-t-il actuellement un système qui me permettrait de rendre compte d'incidents négatifs?

Si la réponse est non, avez-vous des suggestions à faire pour la collecte et la diffusion d'informations susceptibles d'être signalées?

M. Michael Atkins: Je crois que dans bien des cas, on se rend compte en vérifiant qu'ils sont dus à des erreurs d'étiquetage, volontaires ou involontaires...

La présidente: Ce n'est pas ce que j'ai demandé. Je veux savoir comment, en tant que consommatrice, je peux signaler que j'ai eu des maux d'estomac après avoir pris quelque chose la semaine dernière? Existe-t-il un système? Avez-vous des propositions à faire sur la façon dont nous pourrions obtenir les réactions des consommateurs—ceux qui utilisent les produits?

M. Michael Atkins: Si quelqu'un a des problèmes après avoir utilisé nos produits—et il n'y en a guère eu—cette personne peut toujours nous appeler.

La présidente: Votre numéro de téléphone figure-t-il sur vos produits?

M. Michael Atkins: Oui.

La présidente: D'accord, merci.

Dr Dennis Awang: Il existe un système pour les produits pharmaceutiques conventionnels. Je pense que maintenant, compte tenu de la plus grande participation des pharmacies et pharmaciens, on pourrait sans doute passer par eux pour signaler une réaction négative.

La présidente: Et remonter jusqu'à l'industrie ou...?

Dr Dennis Awang: Oui, par l'intermédiaire des pharmaciens, car bien souvent les gens ne disent pas à leur médecin qu'ils ont recours à ce genre de remèdes.

La présidente: Conrad.

M. Conrad Richter: Je crois que le milieu des soins médicaux doit participer, car ils vont caractériser le...

La présidente: Mais je suis une consommatrice, je viens de prendre quelque chose et je veux me plaindre. Dans l'immédiat, à qui puis-je m'adresser?

M. Conrad Richter: Pour le moment, à ma connaissance, il n'y a personne.

La présidente: Quel conseil pouvez-vous donc me donner à moi, consommatrice? Que pourrions-nous prévoir?

M. Conrad Richter: Je crois personnellement qu'il faudrait certainement faire participer les prestateurs de soins de santé. Les médecins et autres doivent être intéressés.

La présidente: Mais ils ne prescrivent pas ces produits, alors pourquoi faudrait-il les solliciter? Je me fais l'avocat du diable. Disons que j'achète le produit, mais que mon docteur ne m'a pas dit de le prendre. Pourquoi irais-je le voir pour me plaindre?

M. Conrad Richter: Parce que votre réaction devient un problème médical à ce stade.

La présidente: D'accord.

M. Michael Atkins: J'aimerais préciser quand même que le ginseng canadien n'a jamais entraîné de réaction adverse.

La présidente: Et bien, nous n'en savons rien. Il n'y a pas moyen de le signaler. Vous n'en avez aucune idée.

Merci de votre contribution aujourd'hui.

Nous allons faire une pause de cinq minutes.

• 1033




• 1044

La présidente: Je déclare la séance rouverte. Nous avons convoqué trois groupes pour cette partie de notre réunion.

Qui sera le porte-parole de la Chamber of Chinese Herbal Medicine of Canada?

M. Andy Shih (Vice-Président, Chamber of Chinese Herbal Medicine of Canada): Ce sera moi.

La présidente: M. Shih, je vous demanderai de présenter votre groupe dans un instant.

Nous avons également la présence de la Kiu Shun Trading Company Limited, dont M. Fok est le porte-parole.

Et pour la Canadian Chinese Herbal Professional and Merchants Association, Monsieur Yu, êtes-vous le porte-parole?

M. Lin-Hoi Yu (Président, Canadian Chinese Herbal Professional and Merchants Association): Oui.

La présidente: Je vous demanderai d'intervenir dans cet ordre, pas plus de dix minutes par groupe. Il nous restera ainsi davantage de temps pour les questions.

Nous allons donc commencer par la Chamber of Chinese Herbal Medicine of Canada. M. Shih d'abord.

• 1045

M. Shih, veuillez nous présenter les gens qui vous accompagnent s'il vous plaît.

M. Andy Shih: Bonjour.

Quatre personnes représentent notre Chambre ici aujourd'hui. M. Wung est le président de notre association. Je suis l'un des vice-présidents. M. Cheng et M. Cheung sont également vice-présidents.

Puisque notre temps est compté, j'aimerais passer directement à notre présentation. Je crois que je vous en ai donné une copie. Je vais vous donner un rapide aperçu. Je sais que le document est épais, mais il n'y a que peu de mots.

Tout d'abord, qui sommes-nous? Nous sommes une organisation commerciale nationale qui a des membres partout au Canada. Nous représentons toute la gamme de l'industrie. Nous sommes spécialisés dans les herbes médicinales et produits d'herboristerie chinois. Aujourd'hui, nous ne représentons pas uniquement notre association. Nous sommes ici également pour parler de questions touchant aux herbes médicinales chinoises, au nom de quatre grands groupes de la communauté.

S'agissant de la réglementation et de la structure de mise en application, quel est exactement l'ampleur du problème et quelle est l'importance de la population touchée? L'existence au Canada des diverses herbes médicinales chinoises traditionnelles remonte à plus de 50 ans, sinon 100, et 90 p. cent des produits consommés aujourd'hui encore par la communauté chinoise proviennent de Chinatown. Le marché représente moins de 50 millions de dollars. Selon les recherches du gouvernement, il représenterait environ 20 millions. Il ne s'agit donc pas d'un commerce très volumineux, mais en terme de culture et de tradition, il a une grande importance pour la communauté chinoise.

En ce qui concerne le problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui, je vous donnerai simplement quelques éléments importants. Premièrement, 40 p. cent des produits ont disparu du marché au cours des dix dernières années. Au cours de ces dix années, nous avons tenté de respecter la réglementation, mais seulement 4 p. cent des produits ont réussi à obtenir une identification numérique de médicament.

Certaines herbes que nous considérons d'une importance vitale, comme le ginseng et le dong quai, ont été classées comme médicaments ou nouveaux médicaments, ce qui fait qu'il est impossible d'obtenir un code DIN. Nous sommes soumis également à des restrictions d'étiquetage.

Nous avons tenté de rechercher les raisons pour lesquelles nous faisons face à des problèmes aussi énormes, alors qu'à notre connaissance, il n'existe aucun antécédent en notre défaveur. Nous estimons que les raisons tiennent au manque de compréhension et de reconnaissance des herbes médicinales chinoises traditionnelles en général.

Quant à la délivrance de permis, il n'existe ni normes ni références dont tout le monde pourrait se servir. On note également un grand manque de connaissances au sein même des organismes de réglementation de l'État. J'ai énuméré d'autres problèmes ici.

Nous vous avons présenté nos problèmes, mais que pouvons-nous faire? Nous savons que nous sommes au Canada. Nous savons qu'il y existe un intérêt en général pour l'histoire de notre culture et de nos traditions, mais que pouvons-nous faire pour créer une situation d'où nous sommes sûrs de sortir gagnants?

J'aimerais soumettre des recommandations dans quatre grands domaines. En matière de politique et de réglementation, nous recommandons très vivement une reconnaissance et une acceptation du concept et de l'approche de la médecine traditionnelle chinoise basée sur les produits d'herboristerie. Nous considérons qu'il s'agit d'une approche totalement différente. La différence est comme celle qui existe entre deux sports, comme le soccer par rapport au basketball.

Comment reconnaître ou accepter cela? Comme première étape, nous recommandons l'acceptation de la pharmacopée de la République populaire de Chine.

Nous recommandons également la suppression de nos herbes médicinales de la classification des médicaments et nouveaux médicaments. Cela nous cause des difficultés énormes.

En outre, puisqu'il s'agit d'un système global, on retrouve d'autres ingrédients naturels—des parties animales, des insectes, des minéraux, toute la gamme des éléments naturels—dans les formules.

On constate une sérieuse grave incompréhension de la formulation de nos produits. Il ne s'agit pas d'ingrédients uniques, mais de formulations uniques. C'est un peu comme une société par rapport à un individu, il faut prendre la société dans son ensemble.

En matière de cadre de réglementation, nous aimerions proposer ce que nous appelons l'approche olympique. Les mêmes principes directeurs s'appliquent à tous les sports, mais chacun a ses propres règles. En outre, nous recommandons la création d'un organisme de réglementation doté d'experts en médecine traditionnelle chinoise fondée sur les herbes. Et puisque l'industrie des produits d'herboristerie naturels et les réglementations qui s'y appliquent sont relativement nouvelles, il se produira inévitablement des malentendus et des différends. Nous recommandons donc instamment la mise en place d'un mécanisme d'appel et aussi d'un organisme de résolution des contentieux. Pour l'instant, il n'existe aucun mécanisme de ce type pour régler les différends et clarifier les malentendus.

• 1050

J'aimerais parler à présent de la mise en application des règlements, un sujet abordé également par le groupe précédent, je crois. Nous avons besoin du gouvernement pour établir des règles uniformes dans l'ensemble de l'industrie afin de protéger les investissements et les intérêts des entreprises qui sont respectueuses des lois. La réglementation actuelle n'est pas claire, et il y a de nombreux abus. Ce que nous recommandons, c'est que lorsque les règlements auront été établis, ceux-ci soient appliqués de façon stricte et prévoient de lourdes pénalités. Il est difficile pour une organisation commerciale de recommander ce genre de chose, mais c'est bien ce que nous demandons.

Finalement, je parlerai de la question des coûts. Tout coûte de l'argent. Une fois que nous aurons établi les coûts, nous recommanderons au gouvernement de les considérer comme un investissement, car nous estimons que les économies réalisées par le régime d'assurance-maladie actuel ont déjà payé ce que pourra coûter un organisme de réglementation. Nous consacrons 50 millions de dollars à des remèdes à base d'herbes médicinales et cela représentent donc au moins 50 millions d'économies pour le régime d'assurance-maladie.

Puisque nous sommes une petite industrie, nous faisons déjà face à d'importants coûts pour nous soumettre aux règlements et augmenter la qualité. Ces coûts sont déjà une lourde charge pour les petites entreprises et les entreprises familiales qui desservent un marché limité. Nous estimons que les coûts au consommateur seront multipliés par deux, sinon trois ou quatre, selon la taille du marché. Cela s'explique par le fait qu'il s'agit non pas d'un seul produit, mais d'environ 1 000 à 2 000 produits différents, et que certains s'adressent à des marchés très limités.

Finalement, en résumé, nous recommandons de ne pas établir de normes trop strictes au départ, car on pousserait ainsi l'industrie à se réfugier dans la clandestinité. Et vous n'obtiendriez pas ce que vous recherchez, à savoir une plus grande protection du consommateur. Vous augmenteriez également les risques pour le consommateur si l'industrie devenait clandestine.

Merci beaucoup. Cela met fin à notre présentation.

La présidente: Merci. Félicitations. Vous avez réussi en utilisant à peine plus de la moitié de votre temps.

M. Fok, voulez-vous prendre la parole au nom de votre groupe?

[Français]

M. Albert Fok (président, Kiu Shun Trading Company Ltd.): Bonjour, mesdames et messieurs. Je ne maîtrise pas tellement bien le français et, si vous me le permettez, je ferai ma présentation et je répondrai à vos questions en anglais.

[Traduction]

Je m'appelle Albert Fok, et avec M. Mang Wah Leung, je représente la Kiu Shun Trading Company Limited.

La Kiu Shun est au Canada depuis 21 ans, dans le commerce des herbes médicinales chinoises. Je suis également membre de la Commission consultative des produits de santé naturels. Dans ma présentation aujourd'hui, j'aimerais parler des faits, des difficultés et de l'incidence économique de la médecine chinoise traditionnelle au Canada.

Commençons par les faits. La médecine chinoise traditionnelle a une longue histoire de 5 000 ans. Elle est pratiquée dans toute l'Asie et dans des pays comme la Corée, le Japon, la Malaisie et l'Indonésie depuis des siècles. Elle est utilisée également en Amérique du Nord depuis au moins cent ans. Cette médecine traditionnelle fait partie intégrante de la culture de la nation chinoise et en est indissociable.

La médecine traditionnelle chinoise a une philosophie fondée sur des expériences et des preuves empiriques collectives, c'est-à-dire sur de nombreuses études de cas qui remontent à 5 000 ans. Elle fait usage d'ingrédients naturels d'origine végétale, animale et minérale qu'elle combine. Cette approche diffère de la méthode occidentale qui utilise des produits chimiques isolés conçus en laboratoires sur la base de recherches expérimentales réalisées en laboratoire.

D'autre part, la médecine chinoise traite le corps entier comme un seul organe interne intégré, contrairement à l'approche occidentale qui traite un organe à la fois, comme dans les cas de maladie du foie ou de l'estomac, par exemple. Appliqué sous sa forme originale, la médecine chinoise traditionnelle ne présente que de très faibles risques, sinon aucun qui soit connu. Son maintien à travers les âges témoigne à lui seul de son caractère sûr et de son efficacité.

• 1055

Quant aux difficultés que cette médecine rencontre au Canada, je dirais qu'il existe un vide au niveau des connaissances, du langage et de la culture. Il existe actuellement un seul système et une seule série de directives, qui ont un parti pris inhérent en faveur des normes pharmaceutiques occidentales, et s'appliquent à un paradigme fort différent, ce qui fait qu'il est impossible pour la médecine chinoise de satisfaire aux critères de la réglementation actuelle—par exemple l'annexe A, les exigences des codes DIN et les restrictions en matière d'application.

D'autre part, et il s'agit là d'un élément très important, ce que l'on entend par aliments et médicaments varie beaucoup d'une culture à une autre. Par exemple, selon les normes occidentales de la réglementation actuelle, l'aubépine est considérée comme un médicament. Pour les Asiatiques et les Chinois, il s'agit d'un aliment tout à fait courant puisque l'aubépine est abondamment utilisée dans l'alimentation et dans des préparations culinaires comme les soupes, les thés, les gelées et même les bonbons. Et, fait intéressant, le contraire peut également se produire. Ainsi la noix de muscade est considérée comme un aliment traditionnel selon les critères occidentaux. Alors que chez les Chinois, elle constitue un des ingrédients utilisés par la médecine traditionnelle.

Mais venons-en aux répercussions économiques de la médecine chinoise traditionnelle au Canada. Il s'agit d'une question tout à fait pragmatique. Selon une étude réalisée récemment par Santé Canada en Ontario et en Colombie-Britannique, la valeur monétaire totale de la médecine chinoise traditionnelle au Canada atteint environ 35 millions de dollars, ce qui représente 5 000 emplois directs et bien plus encore d'emplois indirects comme ceux liés à l'expédition, à l'entreposage, aux douanes, aux inspections, aux réglementations et à la commercialisation. Le résultat net étant des ventes et des recettes fiscales importantes.

Près de deux millions de gens, deux millions de Canadiens—et ceci est très important—font appel à la médecine chinoise et sont disposés à financer eux-mêmes ces remèdes et traitements à domicile, sans l'aide du système médical. Essayons un instant d'imaginer les graves répercussions négatives, les pertes de revenus ainsi que la charge supplémentaire pour le régime d'assurance-maladie si cette forme de médecine devait disparaître du fait d'une réglementation déraisonnable.

Pour finir, voici nos recommandations.

Nous demandons aux autorités de réglementation de permettre l'entière disponibilité et la reconnaissance de la médecine chinoise traditionnelle, y compris sa philosophie et ses textes documentés. Que la Commission de pharmacopée, par exemple, administre la pharmacopée de la République populaire de Chine.

Nous demandons au gouvernement de créer une nouvelle agence dotée d'un personnel ayant une connaissance de la médecine chinoise traditionnelle, pour entretenir le dialogue et rédiger des directives raisonnables, acceptables pour toutes les parties.

Il convient également de mettre en place un mécanisme d'appel ouvert, transparent et sans retards déraisonnables pour garantir que toutes les questions soient traitées de façon appropriée et juste.

Finalement, nous demandons que l'on envisage la mise en place d'un comité consultatif d'experts en médecine chinoise traditionnelle qui puisse fournir des avis d'experts aux responsables de la réglementation en ce domaine.

Merci beaucoup.

La présidente: M. Yu, pourriez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent? M. Shih, je vous demanderai de nous présenter celles qui sont avec vous par la suite.

M. Lin-Hoi Yu: Je suis le président de la Canadian Chinese Herbal Professional and Merchants Association. Mes collègues, M. Sunny Li et M. Chong, sont ici avec moi aujourd'hui. Nous sommes tous de Vancouver. Notre association représente également l'ouest du Canada, du Manitoba à la Colombie-Britannique.

Avant de venir à cette réunion, j'avais déjà remis tous mes documents à Mme Ellen Savage. Je ne sais pas si tout le monde en a reçu des exemplaires.

M. Joseph Volpe: Si, nous les avons.

M. Lin-Hoi Yu: Bon. Je me contenterai aujourd'hui de simplifier ce que j'ai écrit dans mon mémoire.

Notre position en ce qui concerne la médecine chinoise traditionnelle est la suivante:

Les produits à base d'herbes médicinale et aliments naturels chinois sont utilisés abondamment dans le monde entier par divers groupes ethniques depuis des centaines et des milliers d'années, avec des résultats très positifs. Avec le temps, on a pu vérifier leur efficacité. Il ne convient pas de placer ces produits dans la catégorie des médicaments et d'en limiter l'usage comme on le fait pour ces derniers.

• 1100

La législation proposée par le gouvernement fédéral aura sans nul doute d'importants effets négatifs sur la culture chinoise et les commerces qui s'y rattachent. La mise en application de la réglementation entraînera sans doute la fermeture des petites et moyennes entreprises et le taux de chômage augmentera.

Si l'on refuse aux gens qui souhaitent consommer des produits à base d'herbes médicinales cette liberté de choix, leur santé en souffrira. Ceux-ci seront contraints de quitter leur emploi et alourdiront ainsi la charge du système de soins de santé original, qui dispose déjà de ressources limitées. Nous sommes persuadés que la mise en application de ces règlements finira par causer davantage de tort aux Canadiens et qu'elle ne fera rien pour protéger leur santé.

Les herbes médicinales chinoises et les produits alimentaires connexes sont utilisés depuis de nombreux siècles. Bien des pays occidentaux sont en train de se rendre compte de leur efficacité. Nous tenons à signaler que bon nombre de ces produits font partie du régime alimentaire régulier et ne sont pas consommés comme des médicaments.

Les Chinois estiment que ces produits favorisent la santé en fortifiant l'organisme et en rendant le système immunitaire mieux à même de combattre les maladies. Les herbes médicinales chinoises et produits alimentaires connexes ne sont pas des médicaments, mais des aliments. Pour certains habitants des pays occidentaux, il peut paraître surprenant de consommer des herbes pour promouvoir la santé, mais c'est pourtant bien ce qui se fait dans d'autres pays du monde. On pourrait comparer cette pratique avec la consommation de vitamines. A la place, nous consommons des produits biologiques pour obtenir les mêmes résultats.

Dans tous les pays, on fait un usage abusif de toutes sortes de produits. La colle, par exemple, est destinée à une utilisation bien évidente, mais il y a des cas où elle donne lieu à un usage abusif ou mal approprié. Le fait qu'une proportion infime de gens oublient leur bon sens et abusent de certains produits est tragique, or le gouvernement canadien ne semble pas réagir outre mesure à cette situation.

Le gouvernement canadien ne devrait donc pas non plus réagir outre mesure en imposant une réglementation inopportune qui finira par éliminer la disponibilité de produits dont il n'a aucune connaissance. Son action pourrait en effet avoir des répercussions graves et imprévisibles sur l'économie, les régimes de soins de santé et la Charte des droits. Le gouvernement devrait travailler avec ceux qui connaissent bien le sujet pour aboutir à une entente mutuelle. Notre association a les qualifications nécessaires et est disposée à travailler en étroite collaboration avec le gouvernement.

Voici quelques données significatives sur les produits à base d'herbes médicinales chinoises et sur leur incidence sur la société et l'économie canadiennes.

Les Chinois et autres communautés orientales utilisent des herbes médicinales depuis des milliers d'années. En raison des effets positifs de ces plantes, leur utilisation comme suppléments alimentaires est devenue partie intégrante de la culture chinoise. La restriction de leur utilisation va à l'encontre des principes du multiculturalisme et de la Charte des droits et libertés du Canada.

Il ne convient pas de considérer ces herbes comme des médicaments et il est inacceptable de le faire dans le seul but de générer des recettes pour la Direction générale de la protection de la santé. En cherchant à recouvrer ses coûts par une réglementation des herbes médicinales, le gouvernement compromet la confiance que le public a en lui.

On compte actuellement au Canada plus de 550 distributeurs chinois qui représentent au moins 3 000 emplois. A ce chiffre il faut rajouter 3 000 emplois indirects liés à la manutention des produits. Il existe en outre dans l'ensemble du Canada au moins 500 cliniques de soins naturels qui utilisent des herbes médicinales et produits d'herboristerie chinois, et qui emploient à elles seules quelque deux milles personnes de plus. Le commerce des herbes médicinales chinoises représente un chiffre annuel de près de 100 millions de dollars. Les trois paliers de gouvernement de tout le Canada, et le régime des soins médicaux en particulier, bénéficient du commerce de ces produits depuis de nombreuses années.

• 1105

Notre association n'a jamais cherché à s'opposer aux réglementations du gouvernement ni pris de mesures allant à l'encontre de la protection de la santé publique.

L'important est de savoir que les herbes médicinales et les médicaments représentent deux concepts et approches totalement différentes à l'égard de la santé. On se sert des herbes pour régulariser l'organisme, tandis que les médicaments servent à tuer les virus ou les bactéries.

La controverse suscitée récemment dans le public par le mahung n'était pas fondée. C'est l'éphédrine et non pas le mahung qui a fait sept victimes aux Etats-Unis, et l'accident a été provoqué par un usage abusif du produit.

Nous avons également constaté qu'il n'était pas facile de se procurer les produits à base d'herbes médicinales chinoises, sauf avec un code DIN, à cause du manque de connaissances de la Direction générale de la protection de la santé. Nous suggérons donc que si l'on doit appliquer une réglementation, le ministère de la Santé créé une division administrative distincte pour les remèdes à base d'herbes médicinales, qui fonctionne au sein du ministère de la Santé et en parallèle avec la Direction des aliments et drogues chargée de la supervision des médicaments conventionnels occidentaux.

Il serait bien plus sage d'établir un système distinct parallèle pour administrer les remèdes à base d'herbes où seraient bien représentés les principaux intéressés du secteur. Une fois cette division administrative créée, donnez trois ans aux producteurs, distributeurs et importateurs pour demander les permis requis, comme les DIN, pour leur article particulier et traitez les demandes de la même façon qu'avant 1996, sans frais. Par souci d'équité les droits de demande devraient être les mêmes que pour les médicaments homéopathiques, à savoir 15dollars par demande.

Les produits à base d'herbes médicinales sont surtout importés de Chine. Sachez que la Chine a amorcé la mise en place de bonnes pratiques de fabrication et achèvera ces procédures d'ici l'an 2000.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci.

On ne m'a pas précisé d'ordre d'intervention. M. Hill, voulez-vous prendre la parole?

M. Grant Hill: Merci d'être venus nous dire ce que vous pensez.

La question du mahung soulevée par M. Yu m'intéresse. C'est un sujet que j'ai suivi de très près à l'époque, car la Direction générale de la protection de la santé disait que le mahung était dangereux, qu'il contenait un ingrédient semblable à l'éphèdra. Je crois que les autorités de réglementation ont pris des mesures interdisant ce produit au Canada. Je suppose donc qu'il s'agit d'un des produits que l'on ne peut pas trouver chez nous actuellement. Or, il ressort généralement de ce que j'ai pu lire à ce sujet, que ce n'est pas le même produit que celui qui a provoqué des problèmes aux États-Unis. Pourriez-vous préciser?

M. Lin-Hoi Yu: Oui. Selon mes recherches, le mahung est en fait très peu utilisé dans la médecine chinoise. Il ne contient pas d'ingrédients utilisés couramment dans la formulation de remèdes chinois. Toujours est-il que le mahung renferme des composants semblables à l'éphédrine. Cette substance a été isolée du mahung par les Américains qui s'en servent en dosages très élevés, comme 20 milligrammes ou 50 milligrammes, surtout pour des sujets qui cherchent à perdre du poids, pour la musculation, le regain d'énergie et autres choses du genre.

Chez nous, au Canada, on ne peut pas se procurer de l'éphédrine. C'est pourquoi il faut demander un DIN, que l'on peut obtenir en trois mois. Ce qui veut dire que l'on peut acheter actuellement de l'éphédrine dans les magasins d'aliments de produits naturels partout au Canada, mais avec un code DIN. En revanche, on ne peut pas importer le mahung—ce genre d'herbe—au Canada.

• 1110

Pour moi, c'est un peu comme une situation ou il y a une mère et son fils. Le fils a une conduite criminelle et commet toutes sortes de crimes, mais le gouvernement-police ne l'attrape pas pour le mettre en prison. Au contraire, il dit, comme le ferait une mère «le mahung est mauvais». Il met le mahung en prison, mais laisse le fils—l'éphédrine—en liberté.

Voilà pourquoi nous considérons que la Direction générale de la protection de la santé ne possède pas les compétences nécessaires en matière d'herbes médicinales chinoises; et surtout elle ne sait rien de leur philosophie. C'est pourquoi nous pensons qu'il importe vraiment pour tous—les autorités de réglementation, l'industrie et les Canadiens—de séparer complètement cette catégorie du système des identifications numériques des médicaments.

M. Grant Hill: J'essaie de poser cette question à la plupart des groupes qui comparaissent devant nous. Connaissez-vous un autre pays qui réglemente vos produits mieux que nous, de manière à les rendre davantage disponibles? Si certains d'entre vous ont une expérience de l'importation dans d'autres secteurs, cela nous aidera grandement à prendre des décisions. Y a-t-il des pays qui font mieux que nous?

M. Andy Shih: Je dirais la Chine. Ce sont eux qui utilisent le plus de...

M. Lin-Hoi Yu: C'est vrai.

M. Andy Shih: ...et ils ont une importante population. Bien sûr, il s'agit d'un pays communiste et nous n'apprécions pas le système, mais il a cela de bon que tout appartient au gouvernement et est produit par lui. Lorsqu'on y fabrique un produit qui pose un danger pour la population, on ne voit pas diminuer la population. Cela ne fait pas beaucoup de bruit. Je veux dire qu'ils ont des normes différentes. Mais ces produits sont largement utilisés, surtout utilisés en Chine. Donc si vous voulez une référence, je dirais la Chine.

Nous avons peut-être des normes différentes. Il nous manque peut-être certaines connaissances, mais ces produits sont utilisés depuis des milliers d'années sans avoir causé de problèmes graves. Si j'ai mal à la tête après avoir bu du vin rouge, cela veut-il dire que le vin rouge provoque des effets secondaires et que le gouvernement devrait me protéger? Il importe de comprendre de quel effet secondaire on parle et de quel degré. Met-il ma vie en danger?

Je crois que nous apprenons tous. Nous connaissons notre corps. Nous apprenons à connaître les aliments que notre organisme tolère et ceux qu'il ne supporte pas. Nous entendons des gens se plaindre parce que chaque fois qu'ils prennent du chocolat, ils ont des boutons. Nous avons tous entendu ce genre de choses. Je crois que puisque nos organismes sont différents, nous apprenons à nous connaître. Mais nos produits ne mettent pas nos vies en danger. C'est vraiment comme des légumes naturels. Nous mangeons des légumes. D'après ce que j'entends, comment puis-je savoir si un légume est bon, si cet arrivage est de la même qualité que le dernier? Si je le consomme sur une longue période, il doit avoir un effet bénéfique sur mon organisme.

M. Grant Hill: On nous a maintes fois dit que ces produits en général, dans le sens le plus large, ont un effet préventif et font économiser de l'argent à la société canadienne. C'est une chose difficile à prouver, mais tentante à affirmer. Pouvez-vous démontrer l'évidence des effets positifs de la médecine traditionnelle chinoise, de l'acupuncture et toutes ces mesures préventives? Un pays qui y a beaucoup recours...

M. Sunny Li (Secrétaire, Canadian Chinese Herbal Professional and Merchants Association): Je suis un praticien de la médecine traditionnelle chinoise et de l'acupuncture en Colombie-Britannique. Je siège également au conseil d'un organisme récréatif. Je ne prétends pas que la médecine chinoise ou l'acupuncture représentent nécessairement le dernier recours pour tout. Il n'existe aucun système au monde, malheureusement, qui soit parfait. La médecine conventionnelle ne l'est pas non plus. Mais je vais vous dire la vérité. Beaucoup de gens, y compris des Canadiens au pays—quelle que soit leur nationalité avant leur arrivée au Canada—ont recours à la médecine traditionnelle chinoise et fait usage de remèdes à base d'herbes médicinales chinoises et de l'acupuncture.

Lorsque vous me demandez si je peux en démontrer l'évidence, je sais ce que je vois. Vous me demandez de le prouver et je peux le faire, d'accord? La lumière est là. Demandez-moi comment je sais qu'il y a de l'électricité. En appuyant sur l'interrupteur, je sais qu'il y a de la lumière. Mais je peux également m'en assurer en y mettant le doigt. C'est comme cela que nous devons vous aider.

En réalité, nous ne sommes pas opposés à une réglementation de l'État, mais honnêtement, nous sommes venus ici parce que nous voulons, ensemble, aider notre pays. Je suis arrivé au Canada il y a plus de 24 ans. Je me considère citoyen canadien. J'espère sincèrement que notre pays pourra consacrer un peu plus d'argent à l'examen de la philosophie, à l'intégrité de la médecine chinoise traditionnelle afin de la soumettre à la loi.

• 1115

Vous dites que la Direction générale de la protection de la santé ou le gouvernement a une grande expertise. Comment pouvons-nous définir ce qu'est cette expertise?

Je suis arrivé au Canada il y a plus de 24 ans. Tous mes collègues et mes amis pensent que je suis un expert en anglais, mais lorsque j'ouvre la bouche, on sait que je viens de là-bas.

Je n'ai pas dit que le gouvernement n'a pas fait suffisamment d'efforts, mais il faut procéder lentement, étape par étape. Nous accumulons la connaissance scientifique petit à petit.

Beaucoup de gens à la DGPS et dans votre ministère peuvent penser que la médecine chinoise n'est pas scientifique, mais le temps et les recherches par tâtonnement que constituent l'utilisation des remèdes et herbes médicinales chinoise depuis tant de siècles et millénaires, ont prouvé son caractère scientifique.

M. Grant Hill: J'espère que vous ne l'appelez pas mon ministère, car ça ne l'est pas.

J'aurais une autre question. Ces messieurs ont parlé de 40 produits qui ne sont plus disponibles au Canada.

M. Andy Shih: Quarante pour cent.

M. Grant Hill: Excusez-moi, quarante pour cent. Cette limitation des produits a-t-elle eu un effet sur votre capacité à pratiquer votre métier?

M. Sunny Li: Mes collègues m'ont dit que de plus en plus de produits étaient jugés nocifs.

M. Grant Hill: Cela a donc eu un effet sur votre pratique.

M. Sunny Li: Oui.

M. Grant Hill: Cela a donc un effet réel. Ce ne sont pas des produits mineurs.

M. Andy Shih: Je vais certainement faire faillite, car avec 40 pour cent de produits en moins et les coûts qui augmentent, ce n'est plus possible.

M. Albert Fok: À propos de votre question précédente, sur la preuve...

M. Grant Hill: Évidence et non preuve.

M. Albert Fok: Sur l'évidence. Essayons d'adopter une approche pragmatique.

Comme il a déjà été dit, Santé Canada a réalisé une enquête. Il en est ressorti que ce secteur représentait 5 000 emplois. Dans ces conditions—et il y a aussi presque 2 millions de personnes qui sont prêtes à nous financer sur le plan des soins de santé—je pense que l'efficacité autant que la sécurité, de même que la possibilité de voir que ce secteur peut être justifié... sans quoi, pourquoi des milliers de gens voudraient-ils y participer? S'il n'y a pas d'avantages financiers ou commerciaux, les gens ne se lanceront pas.

[Français]

La présidente: Monsieur Dumas.

M. Maurice Dumas: Ma question touche peut-être la géographique du pays. Je vois qu'à Vancouver, les membres de la communauté chinoise sont très nombreux. Monsieur Fok, est-ce que votre compagnie a également un pied à terre ou une succursale à Montréal ou au Québec? Est-ce que vos associations comprennent aussi des membres habitant au Québec?

[Traduction]

M. Albert Fok: Je crois que nous avons un ou deux invités de Montréal.

La présidente: Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Je vous remercie beaucoup de votre présentation et je pense que votre présence ici est très utile.

Deux choses m'ont particulièrement intéressée. L'une est le modèle olympique, qui consistait, cela va de soi, à adopter la pharmacopée de la République populaire de Chine et à avoir un groupe d'examen par les pairs qui assumerait le rôle d'arbitre en ce qui concerne les bonnes et les mauvaises pratiques ainsi que des bons et les mauvais produits. J'aimerais beaucoup que vous nous aidiez à nous rendre compte de ce que serait ce modèle et la place que vous y occuperiez. Y aurait-il un organisme de coordination et quels autres groupes également? Comment cela se présenterait-il?

Deuxièmement, je pense que l'un de nos problèmes tient au fait que ce sont les provinces qui réglementent les praticiens dans ce pays, alors que le gouvernement fédéral est responsable des produits. J'ai demandé à de nombreux experts si certains produits devraient être donnés seulement par des praticiens ou si l'on pourrait finalement trouver tous les produits au supermarché, dans les pharmacies ou dans les magasins d'aliments naturels? Pensez-vous que les produits de la médecine traditionnelle chinoise puissent être vendus à deux niveaux?

• 1120

En tant que médecin de famille, je vois souvent des patients qui viennent me voir pour un rhume et auxquels je dis de prendre de l'Advil ou de boire beaucoup, prendre de l'aspirine et rester au lit. Lorsqu'ils ont de nouveau un rhume, ils savent quoi faire sans venir me voir. Je me demande si c'est la même chose pour la médecine traditionnelle chinoise. Ou auriez-vous des conseils à donner au comité sur la façon dont les choses devraient se passer en toute sécurité?

M. Tony Cheung (vice-président, Chamber of Chinese Herbal Medicine of Canada): Vous avez raison. En fait, en Chine nous agissons de cette façon depuis des années. En particulier pour le dong quai, l'angelica sinensis, je dirais que probablement 90 pour cent des Chinois savent comment l'utiliser. C'est comme le ginseng; si vous vous sentez fatigué, vous prenez du ginseng. Parfois, je vois aussi des médecins qui prescrivent de boire quelques verres d'eau si on se sent déshydraté pendant l'hiver.

Il me semble qu'au fil des ans—l'histoire de la médecine chinoise est tellement longue—beaucoup de Chinois transmettent toutes les utilisations de la médecine chinoise de génération en génération.

Pour ce qui est des produits à base d'herbes, vous avez dit qu'ils devraient être réglementés par un herboriste. À notre chambre de commerce, nous ne sommes pas d'accord, car beaucoup de produits à base d'herbes chinoises, une fois sur le marché, en particulier dans les cas les plus... Une fois que le docteur les a prescrits une fois, on sait ensuite quoi prendre lorsqu'on a le même problème. Je crois que c'est ce que nous devons faire.

Mme Carolyn Bennett: Si je vous comprends bien, lorsque vous dites «docteur», vous parlez d'un praticien de la médecine traditionnelle chinoise...

M. Tony Cheung: Un herboriste formé.

Mme Carolyn Bennett: Le groupe de référence ou votre groupe olympique, la fédération de ski... nous avons quelques problèmes avec ce modèle, à la suite de cet incident concernant la marijuana la semaine dernière, c'est pourquoi je ne suis pas sûre que le modèle olympique soit parfait.

Des voix: Oh, oh!

M. Andy Shih: Rien n'est parfait.

Mme Carolyn Bennett: Mais si le groupe supérieur est plus strict que le groupe inférieur ou vice-versa, c'est parfois difficile.

Si ce groupe de référence comprend des praticiens et des gens d'affaires, pensez-vous que l'on arriverait à un consensus sur le fait que la plupart des produits devraient être disponibles? Pensez-vous que certains produits devraient être encore dispensés par des praticiens?

M. Andy Shih: Je dirais qu'en ce qui concerne le terme «olympique», je lui ai donné ce nom car...

Mme Carolyn Bennett: C'est très bien!

M. Andy Shih: Vous pensez?

Les herbes médicinales sont le fruit d'une sagesse et d'une expérience accumulées et empiriques de différentes cultures. Toutes les cultures ne les considèrent pas de la même façon. En raison des différences du climat et du sol, les herbes sont différentes. Elles sont associées à une philosophie particulière, c'est pourquoi il est très difficile de réunir un comité ayant l'expertise voulue dans chacune et d'essayer d'obtenir un consensus comme vous avez essayé de...

Mme Carolyn Bennett: Bon. Je tiens simplement à dire que si les représentants des magasins de produits naturels, les gens qui ont fait une présentation hier, donnaient au ginseng des propriétés qui soient différentes de celles de la médecine chinoise traditionnelle, pour ce qui est de notre modèle olympique, comment pourrions-nous décider? Si l'académie de médecine chinoise traditionnelle ou autre décidait de certaines règles et les responsables des magasins d'aliments naturels décidaient de règles différentes, ce dernier organisme serait-il l'arbitre final?

• 1125

M. Andy Shih: Je pense que les principes directeurs sont les mêmes. Cela ne fait aucun doute. C'est un peu comme la planche à neige et le ski, il y a des recoupements. Mais où se trouvent la plupart des consommateurs? Où est exporté le ginseng? En réalité, la majorité est expédiée en Asie.

Il faut revenir à la philosophie et à la culture liées à l'utilisation de ces produits. Il y a là une sagesse accumulée. Tout cela est documenté. Quelquefois, j'essaie de montrer que nous devons faire confiance à la sagesse de nos ancêtres. La science n'est pas encore tout. Il est bon de savoir pourquoi, mais les faits qui montrent que quelque chose fonctionne ne sont pas toujours probants. Nous ne comprenons pas toujours pourquoi. C'est très bien de connaître les résultats de la recherche, mais nous devons parfois accepter que cela fonctionne.

Pour ce qui est de savoir si tous les produits devraient être vendus au supermarché ou non, je pense qu'il y a des catégories différentes. Aujourd'hui, au Canada, du fait que nous comprenons la responsabilité associée à une activité dangereuse, la majorité des entreprises ne vendent pas de produits dangereux. Ces produits font l'objet essentiellement d'une auto-médication.

En Chine, il existe des produits beaucoup plus élaborés, mais nous entrons là dans un autre domaine. La prochaine étape pourrait peut-être consister à s'intéresser à la santé par les plantes naturelles. Je pense qu'il faudrait alors avoir des professionnels pour prescrire ces remèdes.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

La présidente: Lawrence, avez-vous quelque chose à dire?

M. Lawrence Cheng (vice-président, Chamber of Chinese Herbal Medicine of Canada): Oui, j'aimerais ajouter quelques observations aux propos de Andy.

Je suppose qu'en fait, ce que Mme Bennett demandait c'est de savoir s'il existe dans la médecine traditionnelle chinoise un médicament sur ordonnance et un produit grand public. Lorsque nous parlons de ces produits, les pilules, les comprimés, je dirais que plus de 90 pour cent seraient des produits grand public. Ils sont utilisés depuis de très nombreuses années et sont présentés de façon pratique, en pilule ou en sirop. La plupart des personnes d'origine chinoise savent très bien comment les utiliser.

Comment sont-ils normalement dispensés? Vous allez dans un magasin de produits naturels chinois. Il y a des vendeurs qui ont généralement une connaissance suffisante de ces produits dits grand public. Beaucoup d'entre eux ne guérissent pas mais ont des propriétés tonifiantes ou fortifiantes. L'herboriste ou la personne au comptoir peut expliquer comment utiliser les comprimés de ginseng coréen, par exemple.

Pour ce qui est des ordonnances, il y a effectivement des praticiens chinois. Nous les appelons docteurs en chinois—ce qui est permis en chinois n'est-ce pas? Ce qu'ils prescrivent, ce sont des formules de plantes dans leur forme originale. Ce sont, en somme, des médicaments personnalisés. Oui, vous avez un rhume, mais quel genre de rhume? Nous avons de nombreux praticiens ici, aujourd'hui. Si cela vous intéresse, vous pouvez leur demander après cette audience. Comme les différents types de rhume, ils prescriraient différentes combinaisons d'herbes. Ces combinaisons ne sont plus des pilules, ce sont les herbes originales. Ce sont des combinaisons de dix, cinq ou douze herbes.

En médecine traditionnelle chinoise, un comprimé normalement prescrit pour des symptômes de rhume serait composé de neuf, dix ou onze herbes. Mais si vous allez voir un praticien, il estimera qu'il peut faire mieux. Par conséquent, vous n'obtenez pas toujours une prescription à base d'herbe. Vous la donnez à l'herboriste qui la prépare pour vous et vous la réutiliser chaque fois que vous en avez besoin.

C'est ce que je voulais ajouter.

La présidente: Pouvons-nous passer à une autre question? Nous avons consacré deux fois plus de temps à celle-ci. Peut-être y reviendrons-nous plus tard.

Monsieur Hill.

M. Grant Hill: D'après ce que j'ai cru comprendre, certaines préparations de la médecine traditionnelle chinoise comprennent normalement des parties d'insectes. J'aimerais que vous m'expliquiez cela, car pour la plupart des gens, cela ressemble plutôt à un contaminant, quelque chose qui ne devrait pas être là.

• 1130

M. Andy Shih: Nous pourrions faire de la philosophie à ce sujet. Lorsque Dieu a créé toute chose sur la terre, tout avait une valeur. Il n'a pas créé quelque chose sans raison.

Au cours de milliers d'années, nous avons découvert les propriétés des insectes et même des pierres et des roches. Ils font partie de la formule. Comment? Personne ne le sait. Pourquoi? Personne ne le sait. Mais ces propriétés existent. Nous en avons la preuve. Les gens savent que cela fonctionne.

Nous ne savons pas pourquoi cela fonctionne, mais ce que j'essaie de dire c'est que les plantes sont vraiment naturelles. Il y a beaucoup de choses sur cette terre qui sont naturelles—qui ne sont pas des extraits ni des synthèses, mais quelque chose de naturel. Pour ce qui est des plantes, devrions-nous élargir la définition? Car le terme «naturel» couvre tout ce qui n'est pas extraction ou autre. C'est ce dont nous parlons.

M. Grant Hill: Le fait d'ajouter des parties d'insectes n'est donc pas un accident. C'est un processus qui consiste à inclure ces parties d'insectes dans certaines préparations.

M. Andy Shih: Oui.

M. Grant Hill: Ce n'est donc pas simplement un accident. Vous les ajoutez vraiment.

M. Andy Shih: Exactement.

M. Grant Hill: D'accord. C'est important.

M. Andy Shih: Vous les achetez et vous les payez.

Des voix: Oh, oh!

M. Lin-Hoi Yu: En fait, la médecine traditionnelle chinoise est une philosophie holistique. Les Chinois suivent une tradition acquise au cours de milliers d'années. La philosophie médicale chinoise considère que tout ce qui est sur la terre peut aider notre corps.

Il y a à peu près deux ou trois ans au Canada, il était très populaire d'utiliser l'urine pour guérir certaines choses. En fait, on a utilisé ce traitement en Chine pour la première fois il y a plusieurs centaines d'années. C'est ensuite passé en Asie du Nord puis en Europe et finalement en Amérique du Nord.

Il en est de même pour le ginkgo biloba. Il y a quelques milliers d'années, les Chinois l'utilisaient. Ils l'ont transmis aux Japonais qui l'ont transmis à l'Europe. Il y a huit ans, des Allemands l'ont analysé et ont découvert qu'effectivement, le ginkgo biloba est bon pour certaines choses.

Dans la médecine botanique chinoise, nous utilisons des pierres. Nous utilisons des parties d'animaux. Nous utilisons les insectes et ainsi de suite. On envisage toutes sortes de choses et, compte tenu de notre expérience, nous faisons des essais. Tout cela fait partie de la philosophie chinoise.

M. Grant Hill: Vous avez très bien répondu à ma question.

La présidente: Deux ou trois autres personnes peuvent répondre. Le souhaitez-vous?

M. Grant Hill: Je ne pense pas. Cela a répondu à ma question.

L'autre question que je dois poser est celle-ci: Connaissez-vous des effets secondaires graves des remèdes de la médecine traditionnelle chinoise, comme des décès ou une morbidité grave? Nous pensons généralement que ce sont des remèdes à faible risque. Des arguments?

M. Sunny Li: On a signalé un petit pourcentage d'accidents mortels associés à la médecine chinoise. Mais dans bien des cas, ce n'est pas vraiment prouvé. Parfois, une personne utilise des médicaments occidentaux lorsque sa santé décline. La situation évolue constamment et, malheureusement, parfois cette personne prend en même temps des herbes chinoises, et c'est nous qui sommes blâmés.

Si vous me demandez si les herbes chinoises sont toxiques, je vous dirais, oui, en effet. C'est pourquoi nous avons cette philosophie de la médecine traditionnelle chinoise. Nous n'utilisons pas normalement une seule plante. Nous utilisons une combinaison de six ou quinze plantes ensemble. Nous en faisons une concoction. Dans ce processus, une bonne partie de la toxicité de certains composants chimiques est neutralisée.

Si vous me demandez comment le prouver, nous pouvons analyser plusieurs herbes. Il y aura là certains composants chimiques dont on pourrait dire qu'ils sont toxiques. Mais le fait est que nous ne consommons pas les plantes à l'état naturel.

Vous me demandez s'il y a des plantes toxiques. J'espère simplement que le gouvernement canadien mettra l'accent sur l'information à donner au sujet de l'utilisation de tous les remèdes naturels à base d'herbes, y compris les vitamines.

• 1135

Ce n'est pas la toxicité des plantes en soi, ce sont nos connaissances qui doivent être évaluées. Je connais des patients qui prennent leurs médicaments conventionnels le matin mais ne prennent pas de petit déjeuner. Ils prennent toute une boîte de pilules et des vitamines. Puis ils vont au magasin d'aliments naturels pour acheter tout ce dont ils entendent parler: le charbon pour le foie et l'échinacée pour le système immunitaire. Ils en consomment tous les jours. Certains consomment du ginseng tous les jours, ce qui est tout à fait ridicule, mais c'est ce que nous constatons.

C'est ce qui gêne les responsables de la santé publique et c'est pourquoi je pense que notre gouvernement devrait penser à réglementer les praticiens de la médecine traditionnelle chinoise dans ce pays. Il sera alors plus facile d'évaluer la connaissance qu'a le public de l'utilisation non seulement des herbes chinoises mais de tout le reste.

M. Grant Hill: Finalement, y a-t-il quelqu'un à la Direction générale de la protection de la santé que vous jugez expert ou tout au moins qui soutient votre industrie?

M. Andy Shih: Il y a en a quelques-uns. Certainement.

M. Grant Hill: Il y en a qui vous comprennent.

M. Andy Shih: Qui comprennent, oui. Mais pour ce qui est de l'expertise et de la connaissance...

M. Grant Hill: Personne qui puisse vous aider.

M. Andy Shih: Pas en ce qui concerne les politiques.

M. Albert Fok: Ils essaient. À ma connaissance, on a engagé au moins deux Chinois dans ce domaine, mais je ne les qualifierais pas d'experts. Ils se contentent de collecter de l'information. Mais ceci dit—et je ne veux pas soulever une question de minorité ici—ces personnes, étant chinoises, ont une connaissance de base de la façon dont les plantes chinoises fonctionnent. Au moins, ils n'ont pas cette attitude bien ancrée qui fait tout juger selon la perspective pharmaceutique occidentale. Mais je ne dirais pas que ce sont des professionnels ou des experts en matière d'herbes médicinales chinoises.

M. Lin-Hoi Yu: Je pourrais vous donner un exemple. Il y a quelques années, j'ai essayé d'obtenir un code DIN pour une tisane chinoise. Cette tisane est composée de plantes chinoises traditionnelles et de feuilles de thé chinois. Elle est prescrite surtout pour la digestion, elle réduit le gras et améliore le métabolisme. Finalement, la Direction générale de la protection de la santé a complètement changé la formule. On m'a dit que certains choses ne devraient pas être là. Finalement, c'est devenu un thé diurétique.

J'ai alors demandé de quelles informations ils s'étaient servis pour changer toute ma formule. Ils n'ont répondu que c'était leur sentiment, leurs connaissances. J'ai dit «Votre connaissance est celle des experts médicaux occidentaux, mais que savez-vous de la médecine ou des herbes chinoises?». Ils m'ont répondu qu'ils ne savaient pas. J'ai dit alors «Dans ce cas, malgré ce manque de connaissance, vous réglementez une formule originale qui date d'au moins 200 ans et vous changez tout ce concept. Que voulez-vous que je fasse?» Ils n'ont répondu que si je voulais le code DIN, je devais accepter leur formule. C'est l'excuse que l'on m'a donnée.

La présidente: Monsieur Myers.

M. Lynn Myers: Madame la présidente, je voulais poser une question à M. Shih au sujet de la possibilité d'un commerce parallèle. Je me demande s'il existe aujourd'hui un commerce parallèle de ces produits?

M. Andy Shih: Je crois que cela commence, car 40 pour cent des produits ont disparu. À notre avis, certains produits sont très utiles et comme la DGPS les a classés dans la catégorie A ou quelque chose du genre, il faut combler ce manque, oui.

M. Lynn Myers: Les 40 pour cent dont vous avez parlé plus tôt dans votre témoignage sont donc vendus dans un marché parallèle. Est-ce cela? Et dans tout le Canada?

M. Andy Shih: Oui, une fois que les produits entrent ici, c'est dans tout le Canada.

M. Lynn Myers: Madame la présidente, je voulais vraiment poser une question sur l'organisme de résolution des conflits. Je me demande comment il serait créé, qui en ferait partie et comment il fonctionnerait. Vous y avez fait allusion ainsi que M. Fok, je crois.

• 1140

M. Andy Shih: Je pense que l'organisme de résolution des conflits devrait prendre la forme d'un bureau d'ombudsman qui serait composé d'un représentant qui serait un expert des groupes de consommation, d'un représentant des organisations commerciales et d'un représentant du gouvernement. On présenterait un argument—et tout le monde aurait une bonne connaissance du sujet—on présenterait son point de vue et une décision serait prise, car chacun pourrait dire qu'effectivement telle ou telle chose donne des maux de tête. Le ginseng coréen peut causer des saignements de nez, ce qui lui donne mauvaise réputation alors que le ginseng coréen est le ginseng le plus apprécié sur cette terre par la communauté chinoise. Il a des effets extraordinaires, surtout pour les femmes, si j'ai quelque chose de bon à dire sur le ginseng coréen. C'est incroyable.

Je pense que nous devons entendre les points de vue de tous ceux qui possèdent des connaissances. C'est quelque chose qui nous manque aujourd'hui.

La présidente: Monsieur Volpe.

M. Joseph Volpe: Je me demande si le problème n'est pas fondamentalement associé au manque d'acceptation de la formation des praticiens de la médecine traditionnelle chinoise. Est-ce votre avis? Ou est-ce le processus de réglementation qui vous empêche de vendre certaines plantes et certains produits sur le marché?

M. Lawrence Cheng: C'est la principale raison pour laquelle, dans notre mémoire, nous proposons que le Canada envisage d'adopter la pharmacopée de la République populaire de Chine à l'annexe B. Cela résoudrait bon nombre des problèmes de ressources et permettrait de disposer de suffisamment de connaissances. Le document est en anglais, il est facile à lire et comporte de nombreux détails sur le contrôle de la qualité. Il précise également l'efficacité et la posologie de chaque produit.

Actuellement, nous n'avons pas un système bien défini. C'est pourquoi lorsque nous demandons un code DIN, que nous essayons de commercialiser un produit comme un aliment ou qu'un consommateur canadien essaie d'évaluer un produit, cela devient très controversé et personne ne sait ce qui est bien ou mal. La personne qui est censée avoir le plus de données sur le produit—sur la façon dont il est testé, chaque ingrédient ayant fait l'objet d'un essai—n'est pas officiellement reconnue.

La communauté chinoise est sûre de ce produit. Nous le connaissons. Mais qu'en est-il de la génération suivante? Actuellement, lorsque nous vendons un produit, nous n'en donnons pas les propriétés, ce que je peux comprendre car lorsque je lis le nom du produit, je sais ce que c'est. C'est comme l'aspirine. Il est inutile d'en préciser la fonction à qui que ce soit. Il en est de même avec de nombreuses formules traditionnelles chinoises. La plupart des Chinois de la première et de la deuxième génération les connaissent.

Mais que vont faire nos enfants? Les futures générations? Toute notre connaissance sera perdue. En attendant, nous devons survivre et nous essayons de faire tout notre possible pour cela. Au moins nous avons vu ce que cela a donné.

Ce n'est pas terminé. Nous ne pouvons pas attendre ou faire du commerce clandestin—ce n'est pas dans nos habitudes, nous ne sommes pas des aventuriers—jusqu'à ce que l'on trouve un système réaliste. Mais avant, nous allons devoir fermer boutique. En fait, bon nombre des membres de notre comité, pas seulement les membres de l'association, envisagent déjà de mettre fin à leur bail, car il n'y a plus de produits. Ceux qui n'acceptent pas cette situation sont passés au marché parallèle. Cela pose un problème grave: pourquoi devraient-ils s'adresser aux fabricants régionaux pour obtenir le vrai produit? Pourquoi ne pas simplement emballer quelque chose et l'expédier?

La présidente: Quelqu'un doit répondre à cela. Voulez-vous qu'il réponde?

M. Joseph Volpe: Il peut répondre ensuite, mais j'aimerais dire quelque chose avant de perdre mon idée. Dans la préparation de certaines herbes médicinales, comme vous l'avez dit tous les deux, il y a un mélange qui devient une concoction. Si les ingrédients de ce mélange en eux-mêmes sont conformes au règlement tel qu'il existe, ne voyez-vous pas qu'en prescrivant cinq à dix ou douze éléments ensemble dans une concoction, vous prescrivez en fait un traitement médical? D'où la question que j'ai posée tout à l'heure. Le problème n'est-il pas que vous n'êtes pas loin de participer à un système médical qui est régi par des règlements différents?

• 1145

M. Sunny Li: Les différents composants chimiques de toutes ces différentes plantes pénètrent en fait dans le corps. Et ils agissent dans un objectif unique. On pourrait dire qu'ils sont également biochimiques. Ce ne sont pas des produits chimiques synthétiques. Selon nous, ce n'est pas du tir à la cible. Le foie restaure et règle les fonctions du corps pour que celui-ci soit suffisamment fort pour ne pas être gêné par...

Je pense que votre préoccupation, c'est de savoir comment garantir la sécurité de ces produits. Comme je l'ai déjà dit, il serait très souhaitable que le gouvernement pense à réglementer la médecine traditionnelle chinoise, ce qui serait une étape très importante. Je sais que toute réglementation s'accompagne de luttes internes et de nombreux désagréments. Malheureusement, c'est la nature humaine. Pour le moment, je ne sais pas comment la DGPS s'y prendra, mais selon moi...

Nous avons de bons représentants dans tout le Canada, à l'Ouest et à l'Est, comme les gens qui sont ici. Nous sommes responsables d'une bonne partie des herbes médicinales...

[Note de la rédaction: Inaudible] de ce côté-ci. Nous pourrions être responsables, avec la DGPS, de certaines plantes, plutôt que d'avoir la DGPS envoyer un inspecteur dans des magasins et confisquer les produits sans même savoir de quoi il s'agit. Je comprends bien l'intention, qui est de protéger l'intérêt du public. Mais il y a aussi beaucoup d'émotions dans la communauté chinoise. Tous les immigrants viennent ici. Certains placent tous les biens de leur famille dans ce type d'entreprise. Malheureusement, ce genre de situation désastreuse se produit.

Pourquoi ne pas collaborer et ne pas avancer un pas à la fois? Le plus urgent est de faire en sorte que la DGPS collabore avec nos différentes associations, nous rende totalement responsables des produits douteux qui les inquiètent et nous avertissent de leurs préoccupations. Nous prendrons alors des mesures, plutôt que d'avoir la DGPS intervenir.

M. Joseph Volpe: Je peux comprendre ce modèle et disons que je suis plutôt disposé en sa faveur. Mais lorsque je vais voir un praticien chinois et qu'il me donne une ordonnance pour un herboriste, celui-ci fait le mélange pour moi. Il décide exactement des proportions, selon les conseils du praticien.

M. Sunny Li: C'est exact.

M. Joseph Volpe: Dans votre modèle, allons-nous inclure l'herboriste, le praticien et le consommateur? Le consommateur est celui qui doit élaborer la concoction. C'est-à-dire la composition de l'eau, le type d'eau et le temps qu'il faut pour mettre tout cela au point, car je crois comprendre que cela est important pour obtenir le meilleur résultat. Avez-vous réfléchi à ce processus?

M. Sunny Li: Oui.

M. Joseph Volpe: Selon moi, en tout cas si j'en crois les pharmaciens, il s'agit d'un médicament d'ordonnance. Vous devez en montrer l'efficacité.

• 1150

M. Sunny Li: D'accord. Je comprends votre point de vue. Comme je l'ai dit, malheureusement, la médecine chinoise considère cela d'un point de vue légèrement différent du vôtre ou de celui de votre ministère, car traditionnellement, pendant des siècles et des milliers d'années, les Chinois ont eu la chance d'utiliser cette méthode pour promouvoir leur santé.

Bien entendu, il y a des charlatans. On trouve des charlatans partout. Certains professionnels de la médecine chinoise ne sont pas à la hauteur. C'est pourquoi je propose que le gouvernement recherche la source du problème et essaie de l'éliminer. Cela pourrait prendre du temps, mais les différentes associations du pays peuvent collaborer entre elles et avec la DGPS et fournir de l'information au groupe d'étude et au Comité permanent. Alors, les choses changeront.

M. Joseph Volpe: Pourrais-je poser une dernière petite question? Je sais qu'Albert voudra répondre ainsi que Andy.

Avez-vous collectivement communiqué avec l'Ordre des médecins et chirurgiens pour travailler avec eux et en arriver à une sorte de désignation?

M. Sunny Li: Nous ne demandons pas mieux.

M. Joseph Volpe: Avez-vous communiqué avec le collège?

M. Sunny Li: Oui, nous avons essayé, nous avons communiqué avec les responsables. Mais je vais vous donner un exemple.

À l'Hôpital général de Vancouver, en Colombie-Britannique, il existe un centre appelé l'Institut Tzu Chi qui est commandité par l'Institut Tzu Chi, une organisation bouddhiste de Taïwan qui essaie de former des médecins occidentaux afin d'établir un centre de recherche là-bas. Malheureusement, il n'a pas encore très bien réussi, mais c'est un point de départ.

Je ne veux pas dire que nous sommes meilleurs qu'eux. En fait, nous acceptons leur formation ou leur façon de faire, mais nous espérons également... on ne peut pas utiliser une norme pour en critiquer une autre. C'est là où réside le danger. Comprenez-vous mon point de vue?

M. Joseph Volpe: Je comprends. Merci.

La présidente: Monsieur Shih, puis monsieur Fok.

M. Andy Shih: Le système médical est très complexe car il y a des conflits d'intérêt, surtout lorsqu'il y a de l'argent en cause. C'est un grave problème. On parle des licences, on parle des praticiens... Je pense que c'est là où le Comité permanent peut jouer un rôle, car le problème est tellement important, nous avons besoin d'un équilibre. Ce n'est pas quelque chose de nouveau au Canada. Cette situation existe depuis 100 ans. Compte tenu du problème, je pense que la première étape serait d'assurer la qualité du produit. Pour ce qui est de la sécurité, des documents, des formules, fabriqués par une organisation gouvernementale... Je pense qu'il s'agit de qualité. Je pense que nous parlons tous de qualité, la qualité de l'étiquetage et des ingrédients. C'est ce dont nous parlons.

Pour ce qui est des ordonnances, je pense que cela prendra du temps mais qu'en réalité, il s'agit de faire comprendre que la médecine chinoise par les herbes est une étape très fondamentale. C'est ce que nous essayons d'établir ici je pense.

La présidente: Monsieur Fok.

M. Albert Fok: Pour répondre à votre question plus précisément, monsieur Volpe, la terminologie exacte ne serait pas «concoction» mais plutôt «décoction».

M. Joseph Volpe: C'est vrai.

M. Albert Fok: La mentalité est quelque peu différente dans la communauté chinoise. En effet, nous n'allons pas nécessairement voir le médecin uniquement lorsque nous sommes malades. Nous y allons par exemple à un changement de saison et lorsque nous sentons que l'air sec arrive. Nous voulons que notre corps se sente mieux, il ne s'agit pas de lui faire subir quoi que ce soit. Je sais que l'air sec arrive, c'est pourquoi je veux nettoyer mon système. Je veux donc aller voir un praticien. Je ne suis pas nécessairement malade.

Ce n'est donc pas nécessairement une ordonnance. Les gens veulent une assurance. Comme je l'ai dit, la médecine traditionnelle chinoise doit être intégrale, inséparable, dans ce type de culture. Par exemple, quand il y a un changement de saison ou autre et que je vais voir un praticien, je sais ce que je veux. D'une certaine façon, je veux que le praticien me donne une assurance pour qu'il puisse poser un diagnostic—diagnostic n'est pas un bon mot car il une connotation thérapeutique ou pharmaceutique—ou il peut peut-être examiner la question. Il est parfois difficile de traduire mon rapport car le contexte est différent, c'est pourquoi je dois utiliser le mot «diagnostic».

• 1155

Le diagnostic est donc limité. Cela ne veut pas nécessairement dire que je suis malade et qu'il me donne un médicament. C'est plutôt une sorte de soupe ou de thé. Là encore, cela n'a pas le même élément ni la même nature qu'un médicament d'ordonnance.

La présidente: Lawrence.

M. Lawrence Cheng: Les praticiens de la médecine chinoise traditionnelle ne cherchent pas à donner des médicaments ni à résoudre un problème. Ils essaient d'équilibrer un système.

Dans la traduction, pour rendre les choses plus faciles, nous utilisons le mot «ordonnance». En fait, en chinois nous n'ordonnons pas. Nous appelons cela formuler des ingrédients pour la soupe. C'est comme une soupe. C'est juste un peu de soupe, c'est tout.

Mais l'idée est de tenir compte de la pharmacopée de la Chine; nous parlons à tous les praticiens de la médecine traditionnelle. Pour être précis, en ce qui concerne le rhume, en fait en Chine, nous ne soignons pas les rhumes. Nous appelons cela réduire les symptômes extérieurs. Cela répond à un objectif bien précis, mais comment le décrire et comment le présenter à un député ou l'expliquer à quelqu'un qui ne parle pas chinois? Les naturopathes comprennent, certains d'entre eux.

En réalité, on essaie d'équilibrer le système, c'est tout. Il ne s'agit pas de soigner mais d'équilibrer.

La présidente: Monsieur Yu.

M. Lin-Hoi Yu: Lawrence a parlé d'équilibrer le corps. Je pense que la plupart des gens savent que les Chinois parlent de «yin» et de «yang». Ce sont les termes que nous utilisons.

Lorsque vous avez trop de yin, votre corps est différent. Lorsque vous avez trop de yang, votre corps est différent autrement. Les herboristes chinois essaient toujours d'en arriver à un équilibre.

C'est pourquoi lorsque les saisons changent, nous ne disons pas que nous sommes malades. Nous pensons seulement que le temps change et que nous devrions prendre quelque chose par mesure de précaution car notre corps va changer aussi. C'est pourquoi nous suivons les saisons.

Les plantes chinoises appartiennent à deux grandes catégories. L'une est celle des plantes séchées et l'autre celle des comprimés grand public. Les comprimés grand public sont des choses très simples. La plupart d'entre nous les connaissons, tout comme l'aspirine ou le tylénol. C'est pourquoi ils sont vendus sans ordonnance et nous les achetons dans un but précis.

Mais avec le changement de saison, nos corps... La semaine dernière, j'ai eu un gros rhume. Je suis allé au magasin chinois et j'ai dit que j'avais un rhume. On ne m'a pas donné quelque chose pour le soigner. On m'a dit que j'avais trop de yang et que mon corps était déséquilibré. On m'a donné deux sacs de plantes mélangées. Je les ai ramenées à la maison, je les ai fait bouillir et le les ai bues. En deux jours, j'étais de nouveau bien. Je n'ai pas pris de tylénol ni de vitamine C ni d'échinacée.

C'est la façon de procéder. Nous ne soignons pas ce genre de maladie, nous équilibrons simplement le corps. C'est là la philosophie traditionnelle concernant les plantes chinoises.

La présidente: Nous avons épuisé notre temps. Pouvez-vous être bref? Ce sera le dernier point.

M. Sunny Li: Je tiens à confirmer ce qui a été dit. La médecine chinoise, y compris les plantes médicinales, est utilisée surtout à des fins préventives.

J'aimerais dire une dernière chose. Dans les documents sur la médecine traditionnelle chinoise, on dit que le meilleur docteur, c'est celui qui prévient la maladie et non celui qui la soigne.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Merci à tous d'être venus aujourd'hui. Si vous avez des renseignements à notre intention avant la fin de nos audiences, veuillez les faire parvenir au greffier.

La séance est levée.