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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 5 mai 1998

• 0905

[Traduction]

Le président suppléant (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)): La séance du mardi 5 mai du Comité des finances est ouverte. Nous reprenons l'étude du projet de loi C-106, une loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé le 24 février 1998.

Notre premier témoin ce matin est Jacquelyn Thayer Scott, présidente et vice-rectrice du University College of Cape Breton.

Bonjour. Nous demandons normalement aux témoins de faire des remarques préliminaires de pas plus de dix minutes, après quoi les membres du comité vous posent des questions. Si vous êtes prête, vous pouvez commencer.

Mme Jacquelyn Thayer Scott (présidente et vice-rectrice, University College of Cape Breton): Merci, monsieur le président et membres du comité.

Comme le président l'a dit, je suis présidente et vice-rectrice du University College of Cape Breton. Je suis également présidente de l'Alliance canadienne des organismes d'éducation et de formation. Je vous remercie de m'avoir invitée à m'adresser au comité aujourd'hui.

Je suis ici pour soutenir le projet de loi C-36 et féliciter le gouvernement du Canada d'avoir pris cette initiative. De nombreux groupes et particuliers éminents et intéressés vous présenteront des arguments approfondis en faveur de l'adoption ou de la modification de ce projet de loi. Je limiterai mes remarques à deux questions principales: Pourquoi ce projet de loi est-il important? Pourquoi est-il important que le gouvernement fédéral en prenne l'initiative?

Monsieur le président, il me semble que ce projet de loi est essentiel pour l'avenir du Canada. Notre pays compte une très petite proportion de jeunes. Ceux d'entre vous qui ont étudié les statistiques démographiques réunies par Statistique Canada ou qui ont eu l'occasion d'entendre ou de lire le démographe David Foote ou d'autres, savent que la répartition par âge de la population canadienne ressemble à un arbre de Noël, à un sapin du Canada plus précisément. C'est-à-dire que le gros de notre population appartient à la classe d'âge moyen, le haut de l'arbre se rétrécissant dans la tranche des 60 à 65 ans, mais avec un renflement au-dessus de la démarcation des 65 ans. En dessous de 28 ans, cet arbre démographique repose sur un tronc très étroit de jeunes sur lesquels nous dépendrons au cours du prochain siècle pour que le Canada reste un pays dynamique de commerçants jouissant d'un niveau de vie élevé.

La forme de notre arbre démographique est plutôt inhabituelle parmi les pays occidentaux et par rapport à nos principaux partenaires commerciaux. La plupart d'entre eux ont une jeune population beaucoup plus importante pour prendre la relève et assurer l'avenir de leur économie nationale.

Autrement dit, monsieur le président, à mesure que nous entrons progressivement dans l'ère du savoir, nous ne pouvons tout simplement pas perdre le potentiel d'un seul jeune Canadien. Il est instructif de regarder également le profil de cette très petite population de jeunes Canadiens, car un nombre disproportionné d'entre eux, par rapport à la génération précédente, grandit dans des milieux socialement et économique désavantagés.

Par exemple, dans le recensement de 1996, Statistique Canada signale que la population autochtone totale représente 2,8 p. 100 de la population canadienne et 3,8p. 100, si l'on inclut tous les Canadiens qui ont affirmé leur origine et leur identité autochtones. Mais au moins 10p. 100 des Canadiens de 15 ans ou moins sont autochtones.

Le Centre de statistiques internationales sur le bien-être social et l'économie des familles et des enfants du Conseil canadien de développement social signale qu'en 1996, près de 1,4 million d'enfants canadiens de moins de 16 ans, soit 21,8 p. 100 de tous les enfants canadiens, grandissaient dans des foyers où le revenu est inférieur au seuil de la pauvreté national. On s'attendrait normalement à ce que le nombre d'enfants vivant en dessous du seuil de la pauvreté augmente au moment d'une récession et diminue pendant les périodes de prospérité. Mais le nombre d'enfants canadiens vivant dans la pauvreté n'a pas diminué, même avec la croissance du PIB que nous avons connue en 1994, 1995 et 1996. La proportion des enfants vivant dans la pauvreté au Canada a en fait augmenté en 1995-1996. Autrement dit, monsieur le président, nous sommes dans une situation où il est de plus en plus impossible pour une grande partie de nos jeunes de suivre des études à tous les niveaux.

Nos recherches sur le cerveau ainsi que d'autres recherches réalisées au cours des dix dernières années nous ont montré qu'il faut être particulièrement attentif aux besoins d'apprentissage pendant les premières années du développement de l'enfant, puis à nouveau entre 15 et 25 ans, si l'on veut optimiser ce potentiel humain de chaque citoyen. Cette initiative, le projet de loi C-36, permet d'apporter un soutien financier important à l'apprentissage pendant une de ces périodes de développement essentielles.

De même, monsieur le président, vous savez, selon d'autres présentateurs et des reportages dans les médias, que le problème de l'endettement étudiant s'aggrave en raison à la fois a) du fait que les provinces n'octroient plus de bourses aux étudiants du niveau postsecondaire, les remplaçant de plus en plus par des prêts et b) de la réduction générale du financement des universités et des collèges.

Au cas où d'autres présentateurs ne vous l'ont pas mentionné, j'ai annexé à mes notes quelques graphiques tirés d'une étude approfondie sur l'aide aux étudiants et sur l'accès à cette aide réalisée cette année par la Commission de l'enseignement supérieur des provinces Maritimes, avec l'aide du groupe Angus Reid.

• 0910

À l'annexe A, tableau 1, vous pouvez voir le changement considérable qui s'est produit entre 1993-1994 et 1996-1997 ainsi que le nombre d'étudiants qui obtiennent leurs diplômes avec un endettement très élevé.

Le tableau 2 de la même page indique l'augmentation très marquée de l'importance moyenne des prêts accordés aux étudiants dans les Maritimes, coïncidant avec l'élimination des bourses dans deux des trois provinces Maritimes, entre les années universitaires 1993-1994 et 1994-1995.

Les tableaux 3 et 4 de la page suivante illustrent la dette estimée et prévue dans chacune des trois provinces pour les étudiants diplômés au cours de chaque année entre 1986 et 2005.

Les données des Maritimes sur l'endettement étudiant sont particulièrement éloquentes car il ne s'agit pas d'une région riche du Canada. Qu'ils quittent les Maritimes ou qu'ils y restent, les jeunes et les étudiants plus âgés, comme le montrent les longues entrevues de parents et d'étudiants dans le cadre de cette étude, savent très bien qu'une éducation plus poussée est la clef personnelle et collective d'un avenir économiquement viable. Cette étude montre également très clairement que les questions financières liées au coût et à l'endettement étudiants risquent davantage d'influencer la décision de poursuivre ou non des études postsecondaires chez les étudiants issus de foyers à faible revenu.

D'autre part, cette étude montre clairement que les étudiants subiront davantage de pression pour trouver de bons emplois afin de rembourser leurs prêts, sinon beaucoup d'entre eux seront en défaut de paiement, ce qui a des conséquences sociales particulièrement perturbantes pour les étudiants de milieux à faible revenu, puisque cela pourrait limiter leur mobilité sociale.

Si l'argument en faveur d'une augmentation de l'aide aux étudiants est aussi évident et urgent que je l'ai souligné, je sais que d'autres ne sont pas aussi persuadés que cela devrait être réglé au moyen des mécanismes énoncés dans ce projet de loi, dans le cadre d'une initiative fédérale.

Monsieur le président et membres du comité, je crois qu'il y a trois bonnes raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral est le mieux à même et sans doute le seul à pouvoir faire face avec succès aux questions dont je viens de parler.

Premièrement, dans l'économie du savoir dont nous savons tous qu'il va devenir le paradigme dominant, l'éducation et la formation sont directement liées à l'acquisition des compétences et des aptitudes nécessaires au développement économique et à la durabilité. Ces dernières années, nos capacités commerciales se sont grandement améliorées, en particulier l'échange de services et de technologies de l'information, et notre avenir dépend de la poursuite de cette tendance.

Le développement économique et le commerce international sont bien de la compétence du gouvernement fédéral. L'intervention du gouvernement fédéral et l'aide qu'il apporte à la création de l'infrastructure d'acquisition des compétences de cette base économique et commerciale représente une forme nécessaire d'intégration verticale, pour parler comme le secteur privé, afin qu'il puisse s'acquitter de l'un de ses principaux mandats.

Deuxièmement, les études démographiques confirmeront que les jeunes ne sont pas uniformément répartis entre les provinces canadiennes pas plus que les enfants vivant dans la pauvreté et les jeunes d'origine ou d'identité autochtone. À titre d'illustration, j'attire votre attention à nouveau sur les provinces Atlantiques, une région qui connaît des difficultés économiques mais où, en raison des capacités financières, les gouvernements accordent peu de prêts par étudiant aux universités et où les frais de scolarité sont élevés.

Dans mon propre établissement, plus de 80 p. 100 des étudiants doivent recevoir une aide pour poursuivre des études postsecondaires et dans notre principale zone de recrutement, plus de la moitié des foyers ont des revenus inférieurs au seuil de la pauvreté national.

Troisièmement et finalement, monsieur le président et membres du comité, les universités canadiennes n'ont pas la capacité de résoudre par elles-mêmes cette question de l'aide aux étudiants. Contrairement à notre voisin du Sud, la structure de notre économie est dominée par les filiales de multinationales, qui donnent proportionnellement beaucoup moins aux universités canadiennes et autres organismes de bienfaisance qu'elles ne le font aux entités américaines, et par un grand nombre de micro-entreprises.

De même, la structure fiscale fédérale de notre pays n'a jamais favorisé ni stimulé une philanthropie privée à grande échelle de la part des riches comme c'est le cas aux États-Unis.

J'aimerais attirer votre attention sur l'annexe B afin d'illustrer ce que je viens de dire. Ce tableau est tiré du numéro de l'hiver 1998 du University Manager, une publication de l'Association canadienne du personnel administratif universitaire et compare la richesse des universités aux États-Unis et au Canada.

Le rapport entre un certain nombre des universités indiquées par les deux associations nationales de personnel administratif et les estimations de population du Canada et des États-Unis est très précis. Proportionnellement au nombre d'établissements, on peut voir que la richesse globale des collèges et des universités américains est presque cinq fois celle de l'ensemble des collèges et universités du Canada. Les données montrent que les universités publiques américaines sont deux fois plus riches proportionnellement que leurs homologues canadiennes et, d'ailleurs, les frais de scolarité des étudiants résidant dans l'État sont très comparables aux frais de scolarité canadiens en dollars non ajustés.

Vous verrez dans les notes à ces tableaux que trois universités canadiennes ont participé à l'enquête américaine, car elles sont également membres de cette association. Pour ce qui est de la taille des actifs, elles se classent comme suit par rapport à leurs homologues américaines: l'Université de Toronto, 76 ème, Université McGill 77e et l'Université de Colombie-Britannique, 89e.

• 0915

Malgré ce classement inférieur par rapport aux normes américaines, ces trois universités canadiennes, si on leur adjoint l'Université de l'Alberta, contrôlent cependant 51 p. 100 de l'ensemble des actifs des universités canadiennes. Si on leur ajoute les six autres grandes universités canadiennes, ces dix établissements contrôlent ensemble 73 p. 100 du total des actifs. Géographiquement, 36 p. 100 du total des actifs des universités canadiennes sont détenus par les établissements ontariens et 17 p. 100 par les établissements de Colombie-Britannique.

Ces données, monsieur le président et membres du comité, montrent clairement à la fois la faible capacité relative des universités canadiennes à financer l'aide aux étudiants et, encore une fois, montrent la très grande disparité géographique de ces fonds privés consacrés à l'aide aux étudiants.

Monsieur le président, je loue à nouveau le gouvernement du Canada pour cette initiative de la Fondation des bourses du millénaire. Les problèmes techniques associés à ce projet de loi sont à mon avis très peu nombreux. Je crois que les nouvelles conditions financières des universités canadiennes risquent de créer des problèmes associés à la définition du terme «public» au paragraphe 2(1) concernant les établissements admissibles, mais je comprends les problèmes associés au fait d'avoir à redéfinir ce terme.

Il sera important d'avoir des critères justes pour reconnaître l'admissibilité de bon nombre des remarquables collèges de formation privés du Canada. Je note également que si l'on exclut du sous-alinéa 9(6)c)(iv) et de l'alinéa 12(7)b) des personnes membres du conseil ou des membres de la fondation qui sont des employés ou des agents de Sa Majesté du droit du Canada ou d'une province, on pourrait exclure par là même des employés d'un collège communautaire ou d'une université du Québec car ce sont généralement des employés de la province. Si le gouvernement n'a pas l'intention d'empêcher ces personnes d'être nommées, il faudra reformuler ce texte.

Il s'agit là de petites choses, monsieur le président, par rapport à l'importance de cette initiative. Je suis pragmatique, comme beaucoup d'entre vous. Je vois la vie comme un fleuve. Lorsque le courant des questions et des besoins rencontre un rocher, l'eau coule par-dessus. Si le rocher est suffisamment gros, l'eau doit le contourner. Au moment d'aborder les questions sociales et économiques urgentes et critiques, nous sommes face à beaucoup de gros rochers dans le fleuve qu'est le Canada. La question que vise ce projet de loi est tellement importante pour les jeunes Canadiens que l'eau doit couler sans interruption, même si elle doit contourner les obstacles juridictionnels.

Merci à nouveau de cette occasion d'intervenir et merci de votre attention.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer aux questions et réponses.

Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci, madame Scott, de votre présentation qui est très stimulante.

J'ai pris quelques notes ici, mais vous avez dit en dernier qu'il y avait une disparité géographique entre les trois... Vous avez parlé de McGill, de l'Université de Toronto et de UBC. Je me demande en quoi, selon vous, le Fonds du millénaire sera différent. Nous parlons des grandes bases de population et des étudiants au sein de ces bases de population. En quoi le Fonds du millénaire sera-t-il différent? N'y aura-t-il pas également des disparités?

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Je pense que cela est moins probable car, si je comprends bien le projet de loi, on y met l'accent sur une structure axée sur les moyens et ceux qui sont dans le besoin ne sont pas nécessairement répartis géographiquement de la même façon. Il y a donc une possibilité de correction.

M. Gerry Ritz: Nous parlons à la fois de besoins et de mérite.

Mme Jacquelyn Thayer Scott: C'est exact.

M. Gerry Ritz: D'autres personnes ont exprimé leur préoccupation au sujet de la définition de mérite. Vous savez, il y a des différences de classe et des différences entre les étudiants. Comment définissez-vous le mérite? Peut-être que ma note moyenne est C, ce qui à mes yeux est méritoire, mais la vôtre est A et bien entendu... Que faites-vous de ces disparités?

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Il s'agit d'un problème difficile, mais certains experts des collèges et des universités du Canada ont établi des normes relatives à l'évaluation du mérite. Comme vous le savez, les moyennes diffèrent souvent entre programmes.

M. Gerry Ritz: C'est exact.

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Il y a des moyens de régler ce problème si les collèges et les universités ainsi que leurs bureaux d'aide aux étudiants et les registraires sont consultés.

M. Gerry Ritz: Est-ce que ces personnes devraient être consultées, devraient-elles faire partie de l'aspect technique...

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Je pense qu'il s'agirait d'une ressource précieuse de consultation pour la fondation.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le président: J'aimerais poursuivre sur ce sujet. La question du mérite a été mentionnée à maintes reprises. Je pense qu'un étudiant de premier cycle a besoin d'un C+ pour se spécialiser et, pour entrer dans un établissement d'études supérieures, il aurait besoin d'un B. Est-ce exact?

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Normalement, oui.

Le président: Par conséquent, si vous suivez encore le cours, vous êtes essentiellement apte. C'est la question du mérite. Si vous vous qualifiez pour le programme... si vous obtenez un D+, il n'y a aucune raison d'obtenir une bourse puisque vous ne pouvez pas continuer.

• 0920

M. Gerry Ritz: Mais on en revient alors à la question des besoins. Si j'ai un D+, je peux au moins poursuivre mes études. C'est peut-être mon besoin. L'un l'emporte-t-il sur l'autre?

Dans la présentation d'hier soir, on a parlé d'un partage 50-50.

Le président: Mais vous n'allez pas rester dans un programme très longtemps avec un D+. C'est là mon argument.

M. Gerry Ritz: C'est vrai.

Le président: Si vous n'obtenez pas un C ou un C+ pour votre baccalauréat et un C+ ou autre pour votre spécialité et un B pour entrer dans un établissement d'études supérieures... Si vous n'avez pas les notes voulues, vous n'y arriverez pas de toute façon. Peu importe si vous en avez besoin ou pas.

M. Gerry Ritz: C'est un bon argument.

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Le fait de mettre l'accent sur les besoins est, je pense, essentiel, car chez beaucoup d'étudiants, on constate une évolution des notes en cours de programme. C'est-à-dire que les notes de la première année peuvent être très différentes de celles obtenues au cours des troisième et quatrième années.

M. Gerry Ritz: Vous ne voulez donc pas les éliminer la première année ou la deuxième année.

Mme Jacquelyn Thayer Scott: C'est exact.

Le président: Monsieur Crête.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Je m'intéresse aux tableaux que vous avez dans votre annexe A, les tableaux 2 et tableau 3 où il est question de l'augmentation des primes. Dans le tableau 1, vous donnez les chiffres pour l'ensemble du Canada et les Maritimes alors que dans les autres tableaux, vous parlez juste des Maritimes.

Savez-vous qu'un tableau semblable fait pour le Québec indique une situation très différente? Étant donné qu'on a un régime de prêts et bourses depuis 25 ou 30 ans, l'endettement moyen au Québec est de l'ordre de 11 000 $ alors que dans votre tableau 1, entre autres, vous parlez de dettes de 30 000 $ en 1996-1997, et c'est en progression constante.

Est-ce que vous êtes d'accord sur le fait—et cela me semble un peu contredire le début de votre mémoire—que ce n'est pas nécessairement une question de savoir quel gouvernement met les choses en place, mais plutôt une question de volonté politique, puisqu'au Québec, on a élaboré un système qui permet à l'étudiant de s'endetter beaucoup moins que dans le reste du Canada? À ce moment-là, n'est-il pas préférable qu'on permette aux provinces qui le désirent d'avoir un régime distinct ou, en tout cas, de permettre au Québec de continuer avec celui qu'il a déjà, quitte à ce que le Canada travaille à en développer un qui lui ressemble de plus en plus, avec les objectifs qu'il souhaite atteindre, notamment celui d'un moindre endettement?

[Traduction]

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Je pense que le gouvernement du Québec doit être félicité à cet égard. Le fait est que lorsque les programmes d'aide aux étudiants étaient mieux financés et mettaient davantage l'accent sur l'accessibilité—avant la réduction des bourses et ainsi de suite—il y avait malgré tout une grande diversité entre les provinces. Il y avait également souvent des difficultés associées au fait que des étudiants devaient, pour diverses raisons, étudier à l'extérieur de leur province car certains programmes n'étaient pas donnés.

Mon argument se fonde sur le fait que, en tant que pays, nous devons relever certains défis en raison du nombre limité de nos jeunes et du passage obligé à l'économie axée sur la connaissance.

Il est extrêmement difficile d'avoir des Canadiens qui, simplement par le hasard de leur naissance ou de leur lieu de résidence, bénéficient d'avantages extrêmement différents en matière d'éducation postsecondaire. Je pense que c'est un principe social important et un principe qui doit être pris en compte dans le cadre du développement économique relevant de la compétence fédérale.

[Français]

M. Paul Crête: On parlait plus tôt de mérite. Le président parlait d'une définition du mérite qui, dans le fond, correspondait à quelqu'un qui réussit ses études, sans qu'il y ait nécessairement de normes distinctes pour la performance. Il s'agit peut-être d'une voie d'avenir à examiner pour ceux qui, dans le système canadien, feraient l'affaire.

• 0925

Est-ce qu'il ne serait pas plus intéressant d'élaborer un modèle qui permettrait d'accorder une remise de dette à l'étudiant qui termine ses études à l'intérieur du délai prévu? Par exemple, un bac de trois ans comporte six sessions universitaires. Donc, quelqu'un qui compléterait ses cours dans le délai prévu, qui n'aurait pas besoin d'années supplémentaires pour obtenir son diplôme, qui n'aurait pas d'échecs, pourrait bénéficier d'une diminution de 15 p. 100 de sa dette étudiante. Cela encouragerait les étudiants à faire une performance correcte, à satisfaire aux exigences normales du programme. Un régime comme celui des bourses du millénaire, jusqu'à preuve du contraire, bénéficiera à ceux des étudiants qui réussiront le mieux. Ce sont eux qui auront des bourses. Donc, on va exclure les gens qui ont une performance correcte, les gens qui sont obligés de travailler pendant leurs études et qui doivent trouver l'équilibre entre la réussite de leurs études et l'obtention de revenus suffisants. Cela ne leur permet pas nécessairement d'obtenir toute une série de A, mais ce sont des élèves corrects. Est-ce que la voie de l'avenir ne serait pas du côté du remboursement des dettes étudiantes plutôt que du côté des bourses du millénaire, qui rejoindraient beaucoup moins de gens?

[Traduction]

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Je pense qu'il y a plusieurs moyens de régler ce problème. Ce n'est pas nécessairement le seul mécanisme.

Mais j'aimerais revenir peut-être sur deux points. Le premier concerne les problèmes qui résulteraient des variations si cela était traité par les provinces. Deuxièmement, je suis satisfaite de voir que le projet de loi prévoit une aide aux étudiants à temps partiel, car ce genre d'aide permet à des étudiants, en plus de leur travail, d'obtenir leur diplôme avec un niveau d'endettement très limité.

Mais cela peut représenter un problème car, encore une fois, chaque province traite différemment les étudiants à temps partiel. Je félicite le gouvernement du Québec de son excellent plan, mais ce plan ne prévoit pas de bourses pour les étudiants à temps partiel.

Vous pouvez donc voir que les écarts étant très importants, nous aurons besoin de mécanismes différents. Mais il est très important que nous ayons un mécanisme comme celui-ci, qui serve de base principale et équitable pour les jeunes Canadiens.

Le président: Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui, madame Thayer Scott.

Les principes de l'universalité et de l'équité des chances sont des principes de base de notre système éducatif. Pourtant, même dans la province de la Nouvelle-Écosse, que l'on parle d'études primaires et secondaires, il y a des écarts d'une région à l'autre en raison de l'importance de l'assiette fiscale locale. Je me suis rendu dans une école élémentaire, par exemple, où si 23 élèves terminaient leur sixième année, seulement huit obtenaient leur diplôme d'études secondaires. À cette époque, c'était le niveau d'abandon scolaire prévalant car il s'agissait d'une région rurale pauvre.

Compte tenu de l'importance de l'investissement et du rendement relatif de cet investissement dans les études primaires par rapport à secondaires et secondaires par rapport à postsecondaires... Même encore maintenant, selon l'étude Mustard, on dit à quel point l'investissement est important pour les cas à haut risque, pour les enfants entre un et trois ans. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la possibilité d'investir à d'autres niveaux d'études, en appliquant les principes d'égalité des chances.

Vous avez dit—et cela m'a intéressé—que nous vivons la transition entre une économie axée sur les ressources et la fabrication et une économie axée sur les connaissances. Il est certain qu'au Cap-Breton, ainsi que dans d'autres régions du Canada—mais plus particulièrement dans le Canada atlantique et plus particulièrement, je dirais, au Cap-Breton—c'est un facteur très important. Je sais que l'on fait actuellement des choses intéressantes pour lier l'UCCB au développement économique et pour en faire le centre d'attraction de l'industrie axée sur la connaissance, en associant la qualité de vie et un faible coût de la vie avec la technologie, en particulier en éliminant le problème de la distance comme facteur déterminant dans le coût des télécommunications. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet car je pense que c'est absolument essentiel.

• 0930

C'est intéressant. Nous avons entendu un certain nombre de gens nous expliquer pourquoi le gouvernement fédéral n'a pas un rôle à jouer dans ce domaine alors que vous venez de nous présenter un argument extrêmement convaincant en faveur de ce rôle. Ce n'est pas une question politique mais une question d'égalité des chances. Je pense qu'il est très important que les Canadiens en tiennent compte.

De même, pour ce qui est de la mobilité des travailleurs, un des domaines qui n'est pas visé par les bourses du millénaire est celui des collèges d'enseignement professionnel. Je sais qu'en Nouvelle-Écosse, et en fait dans tout le Canada, les collèges d'enseignement professionnel jouent un rôle de plus en plus important, en particulier en matière d'apprentissage la vie durant, alors qu'ils ne sont pas inclus dans les bourses du millénaire. Ce projet de loi ne prévoit pas actuellement une représentation au conseil ni l'admissibilité à des bourses pour les collèges, même accrédités. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

Voilà un ou deux autres points. Je pense qu'il est très important, lorsque l'on parle d'égalité des chances, de ne pas se limiter aux études postsecondaires. Nous devons également étudier attentivement d'autres domaines et même envisager des idées comme, par exemple, le programme Bon départ, qui finiraient par permettre l'accès à des endroits comme UCCB pour les jeunes qui évoluent actuellement dans le système.

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Parmi les trois points que vous avez abordés, vous avez fait l'erreur d'aborder deux des mes passions. Je vais devoir faire attention à ne pas prendre trop de temps pour vous répondre.

Je vais d'abord parler brièvement de la question des collèges privés. Je crois qu'il sera très important que la fondation établisse rapidement certains critères solides pour l'inclusion de certains de ces remarquables collèges de formation privés.

Par exemple, le Radio College of Canada, comme on l'appelait autrefois—je ne me rappelle plus de son nouveau nom; on l'a annoncé récemment dans le Globe and Mail—accorde des diplômes à près de 70 à 80 p. 100 de tous les électriciens du Canada. Son succès est remarquable. On aimerait donc avoir des critères qui permettraient à ses étudiants de recevoir des bourses de la fondation.

Je pense que l'Association nationale des collèges carrières serait une ressource très précieuse pour le conseil d'administration de la fondation lorsqu'il décidera d'élaborer ses critères. Ces collèges ont un système d'accréditation, très rigoureux, imposé à leurs membres. Ils ont une grande expérience qui pourrait être très précieuse au conseil.

En ce qui concerne l'éducation de la petite enfance, d'importantes recherches ont été menées à ce sujet, en particulier la recherche sur le cerveau et la recherche neurologique, au cours des 10 à 15 dernières années. Cette recherche a complètement modifié notre compréhension de l'apprentissage.

En fait, une des raisons pour lesquelles cela me passionne, c'est que je préside un autre groupe, qui n'a pas été mentionné ici, qui souhaite que cette recherche soit mise à la disposition des éducateurs et des formateurs pour qu'ils puissent tenir compte de ses implications sur les programmes scolaires et la pédagogie.

Cette recherche montre clairement que les grandes étapes du développement aux premiers stades de la vie se situent pendant les années préscolaires et les premières années du primaire puis, à nouveau, entre 15 et 25 ans. Par conséquent, d'après cette recherche, qui examine en fait le fonctionnement du cerveau plutôt que le comportement observé, il semble que nous devrions consacrer d'importantes ressources au développement de la petite enfance et à ce que l'on peut considérer comme le stade de la fin du secondaire ou du début des études universitaires, c'est-à-dire les deux étapes de la maturation où l'apprentissage a une incidence toute particulière.

Pour ce qui est de l'autre question, je sais qu'elle n'est pas liée directement au projet de loi, mais je pourrais vous expliquer avec plaisir, à vous et aux autres membres du comité, ce que nous faisons à l'University College of Cape Breton en ce qui concerne le développement économique.

Je vous mentionnerai une ou deux très brèves anecdotes. Notre succès est tel dans ce domaine que nous recevons un grand nombre de délégations de pays en développement et d'autres pour voir notre modèle particulier d'interaction entre les études postsecondaires et la collectivité et le développement économique. Nous sommes le seul collège ou université du Canada qui soit membre à part entière d'une entente de développement économique régional. Nous participons à une grande variété de projets.

Très brièvement, pour ce qui est de l'industrie de la technologie de l'information par exemple, vous savez sans doute que nous avons des difficultés à attirer d'autres entreprises au Cap-Breton. Il y a environ cinq ou six ans, nous avons décidé que nous devions créer nos propres entreprises. Le University College a participé pleinement au moyen de l'établissement de réseaux, de programmes d'organisation, de bénévolat et de mentorat ainsi qu'en formant des assistants techniques.

• 0935

Sur les 53 entreprises créées depuis cinq ans dans la région de Sydney, deux faisaient partie de la liste des 25 compagnies de TI à prendre en compte au Canada, selon le numéro de janvier du Financial Post. C'est une petite industrie très dynamique. Ce n'est pas de la grande entreprise, ce sont des gens qui veulent vivre au Cap-Breton. Nous aimerions faire beaucoup plus et nous allons certainement collaborer avec tous les paliers de gouvernement pour y arriver.

M. Scott Brison: J'ai parlé avec John Macdonald de BCE—cela l'intéresse énormément—et avec Colin Latham de MT&T. Je suis le député de la vallée et je pense que ce que vous faites crée des possibilités extraordinaires pour le Cap-Breton et pour la Nouvelle-Écosse. Je pense que c'est formidable.

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Merci. Nous serions très heureux de vous accueillir.

M. Scott Brison: Je le souhaite. Je viendrai cet été lorsque la Chambre ne siégera plus.

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Très bien.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Nous allons passer à M. Valeri puis à Mme Redman.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président. Vous avez déjà abordé un certain nombre des questions qui m'intéressent. Je serai donc bref. Je sais que ma collègue a également des questions à poser.

En ce qui concerne la définition de public, vous avez dit que vous croyez que les conditions financières des universités canadiennes vont changer. Le projet de loi permettra un examen et tient donc compte de certains de ces changements. Je me demandais si vous pourriez élaborer et expliquer un peu mieux ce que vous voulez dire.

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Avec plaisir. Comme je l'ai dit, je comprends le problème, mais nous n'avons pas encore trouvé la bonne formule. Au stade de l'élaboration, j'ai posé la question suivante: «Qu'est-ce qu'une université ou un collège public?» La réponse immédiate a été celle à laquelle on peut s'attendre: ces établissements reçoivent la majorité de leur financement d'un palier de gouvernement. Or cela exclut plusieurs d'entre nous en Nouvelle-Écosse. Le ministre de l'Éducation de la Nouvelle-Écosse se fâche lorsque je lui rappelle qu'il est un actionnaire minoritaire à l'University College of Cape Breton, mais il paie moins de 40 p. 100 de la facture. Ce n'est pas le cas dans d'autres provinces. Mais dans la mesure où ce genre de relation en matière de financement change, la définition du terme «public» pourrait être trop étroite.

Il y a des différences dans le pays dans la façon dont les universités en particulier sont reconnues. Nous avons une loi indépendante et nous sommes une société à charte. C'est un modèle assez typique, mais ce n'est pas le seul.

On peut avoir à trouver d'autres sous-définitions de public et les établissements doivent en respecter au moins une. Sinon, j'aurais un peu de difficulté à assumer que le gouvernement est le principal bailleur de fonds de tous nos établissements et qu'ils sont donc publics de par cette définition.

M. Tony Valeri: La définition telle qu'elle existe actuellement dans le projet de loi vous gêne-t-elle?

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Ce qui me préoccupe, c'est l'interprétation que l'on pourrait faire, en droit, si les étudiants d'un établissement étaient exclus parce que le conseil a décidé que l'université n'était pas publique.

M. Tony Valeri: Je sais que M. Brison a parlé des collèges d'enseignement professionnel, mais votre réponse était-elle que les critères à appliquer existent déjà en grande partie pour les collèges d'enseignement professionnel ou faut-il établir d'autres types de critères pour les intégrer?

On entend souvent dire que les collèges d'enseignement professionnel connaissent un taux de défaillance très élevé et que la qualité de l'éducation n'est pas toujours très bonne. Par contre, des représentants de l'association nous ont donné des exemples de très bonnes études et du très bon travail qu'ils accomplissent pour permettre aux étudiants de trouver du travail et de devenir des citoyens productifs. Quels genres de critères devrait-on établir? Pourriez-vous nous éclairer?

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Je pense que l'un des principes de la politique publique auxquels je suis attachée est la simplicité. Le plus simple sera probablement de dire que l'on doit être un membre accrédité de l'Association nationale des collèges carrières. Elle a bien des membres non accrédités, mais cela encouragerait ces derniers à passer par ce processus.

• 0940

Il y a une différence très nette de performance entre les établissements accrédités de cet organisme et ceux qui ne le sont pas ou ceux qui ne sont pas membres du tout de l'association, tout comme l'AUCC et l'ACCC ont des membres très intéressés qui souhaitent offrir un produit de qualité. Il est dans leur intérêt d'être considérés comme un secteur de qualité.

Je pense que la façon la plus simple est la meilleure. Tout comme nous définissons souvent, dans les programmes gouvernementaux, l'admissibilité de l'université à participer à certains types de programme par le fait qu'elle est membre de l'AUCC, car on sait que ces institutions sont passées par un certain processus pour être membres à part entière de l'AUCC et de l'ACCC. La meilleure analogie que nous avons actuellement dans le secteur privé est l'Association nationale des collèges carrières.

M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Valeri.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais vous remercier de votre présentation, madame Scott. Je pense que c'était fascinant.

J'aimerais m'arrêter une minute sur l'allusion que vous avez faite au bas de la page 6 au sujet des filiales de multinationales et du fait que vous dites qu'elles donnent proportionnellement moins aux universités et aux organismes de bienfaisance du Canada.

Est-ce simplement le résultat naturel du fait que le siège social de ces sociétés se trouve au sud de la frontière? Avez-vous étudié la question par rapport au nombre d'emplois et à ce genre de contribution concrète de la filiale canadienne—est-ce proportionnel? Si vous avez étudié cet aspect et le jugez inéquitable, avez-vous des propositions sur les changements que nous pourrions faire ou pour encourager et stimuler ce genre de réinvestissement dans la collectivité?

Mme Jacquelyn Thayer Scott: C'est une excellente question. Je suis désolée de ne pas avoir certaines de ces données avec moi aujourd'hui pour pouvoir vous donner des exemples précis. Le Centre canadien de philanthropie a fait des études dans ce domaine, ainsi que d'autres chercheurs universitaires. Il est évident que même par employé, ou autres critères du même genre, les dons ne sont pas les mêmes.

Laissez-moi vous donner un exemple très simple. Emory University à Atlanta, en Géorgie, croyez-le ou non, possède le deuxième actif le plus important, juste derrière Harvard, aux États-Unis. Pourquoi? Parce que Coca-Cola a son siège social à Atlanta et que chaque année, cette compagnie donne des actions à Emory University. Ces actions ont pris de la valeur et représentent aujourd'hui 12 milliards de dollars. On pourrait administrer toute une université canadienne sur les intérêts que représentent ces 12 milliards. Je me demande comment ils sont dépensés.

Ce que je voulais vraiment dire au sujet de Emory, c'est que l'on ne vend pas tant de coca-cola que cela à Atlanta, et même s'il y a beaucoup d'employés, il n'y en a pas tellement. Les dons sont donc disproportionnés. Cela est davantage lié à la présence du siège social. Lorsqu'il y a un siège social d'entreprise, il y a un pourcentage plus élevé de dons de bienfaisance, et nous n'avons pas ici ce type de sièges sociaux.

Par exemple, dans le Canada atlantique, les seules grandes sociétés qui y ont leur siège social, en dehors des groupes du secteur public, sont AT&T, qui a installé son siège social à Dartmouth, et Jacques Whitford and Associates Limited, qui est une entreprise nationale dont le siège social est à Halifax. C'est tout; tout le reste, ce sont des filiales.

Il s'agit d'un problème grave sur le plan de la collecte de fonds d'entreprises et de la capacité des universités en particulier à effectuer ce genre de collecte.

Mme Karen Redman: Cela me rassure, en tant que députée du gouvernement, que vous estimiez que le gouvernement fédéral est le fournisseur de fonds approprié pour alléger l'endettement étudiant. Je dirais que cela découle des consultations qui ont eu lieu avec les étudiants et du fait que ces derniers étaient de plus en plus inquiets de ce fardeau de la dette.

Certaines de vos observations me laissent à penser que vous n'envisagez pas le problème dans une perspective d'égalité absolue «Nous allons donner x à la province y». Vous envisagez plutôt l'allégement du fardeau des étudiants et le fait que les fonds doivent être remis directement aux étudiants et aux établissements, au lieu d'essayer d'en arriver à exactement le même montant pour tout le monde.

Pourriez-vous élaborer sur la structure proposée dans le projet de loi c'est-à-dire un organisme indépendant, une sorte d'organisme non gouvernemental? Pensez-vous que ce soit le moyen le plus approprié d'atteindre les objectifs que vous jugez vous-même nécessaires?

• 0945

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Je pense que c'est probablement le meilleur moyen. Comme vous le savez, les négociations bilatérales entre le gouvernement fédéral et chaque province sont souvent problématiques pour des raisons historiques et autres.

L'avantage de l'entité indépendante, c'est que—je vais utiliser une de ces formules d'universitaire—cela créé un partenariat triangulé. Un des défis que nous avons dû relever depuis une décennie, et que nous devrons continuer de relever, c'est de trouver des partenariats multilatéraux afin d'en arriver à un consensus et de pouvoir agir lorsque l'action bilatérale ne donne rien.

C'est probablement le meilleur mécanisme que l'on pouvait trouver dans les circonstances. Seul le temps le dira. Cela ressemble un peu au texte de loi sur le CFI à cet égard, mais je pense que c'est un pas dans la bonne direction qui est de faire intervenir un tiers dans les discussions.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président: Merci, madame Redman.

Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Je tiens à vous remercier de votre présence et de nous avoir donné un contexte factuel à vos commentaires et à vos opinions. Comme j'ai eu la chance de passer en voiture dans le campus un dimanche matin de bonne heure, je sais que vous venez d'une très belle région du monde et d'une grande école.

Je me demande si dans le cadre des consultations pré-budgétaires, vous avez des idées sur la façon dont nous pouvons modifier certains éléments de la fiscalité ou encourager cet esprit, cette culture du don, qui pourrait être plus avancé aux États-Unis qu'au Canada. Nous aimerions savoir comment nous pouvons aider les universités et les collèges du pays dans le prochain budget.

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Je serai très heureuse de le faire, en particulier avec le Centre canadien de philanthropie, qui a déjà réfléchi à ce sujet, car il s'agit de savoir comment traiter la richesse et comment la donner dans notre pays.

Le président: Merci, madame Torsney.

Avez-vous une question, monsieur Szabo? Allez-y.

M. Paul Szabo: Merci de votre intervention. J'espère que vous reviendrez pendant les discussions pré-budgétaires... en particulier au sujet du développement de la petite enfance—le travail de Carnegie, Fraser Mustard, l'Institut canadien de la santé infantile. L'importance d'un attachement solide et continu à un adulte engagé et attentif, l'incidence des connexions neuronales et des synapses etc., pendant ces trois premières années sont extrêmement importants et sont également un investissement. Je pense qu'il est temps d'améliorer l'éducation. Nous pourrions utiliser ces économies à long terme pour subventionner l'éducation.

J'aimerais vous poser rapidement une macroquestion. Il serait facile de commencer à jouer avec les chiffres, mais j'ai fait une moyenne pondérée, au tableau 1 sur le fardeau de la dette entre 1993-1994 et 1996-1997, et en gros, le fardeau moyen de la dette pour la population étudiante a augmenté de 12 000 à 18 000 $. C'est une hausse de 50 p. 100. Il y a eu également une augmentation très marquée du nombre d'étudiants dont la dette est supérieure à 25 000 $. Cela est passé de 71 étudiants à 1 750, une hausse considérable.

Puisque les frais de scolarité représentent 25 à 30 p. 100 du coût des études, il me semble qu'il manque une explication. Je ne sais pas si vous pouvez nous aider ou m'aider à définir de quoi il s'agit. Si les frais de scolarité ne sont que d'un quart de l'incidence—même si on suppose une augmentation généreuse sur une période de trois ans des frais de scolarité—que s'est-il passé avec le coût de la vie ou d'autres coûts, en dehors des coûts d'études directs, qui ont absorbé toute cette hausse? Presque trois-quart de ces coûts ne sont pas liés aux études ou le sont indirectement. J'essaie de savoir s'il s'agit du logement, des voyages ou d'un autre élément, car trois quarts de l'augmentation de la dette étudiante est attribuable à des coûts qui ne sont pas liés aux études ou y sont liés indirectement. Avez-vous une observation à faire à ce sujet?

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Oui. J'aurais aimé avoir les données ventilées par la Nouvelle-Écosse et les autres provinces pour le tableau 1, car les frais de scolarité ne représentent pas 25 p. 100 du coût pour les étudiants de la Nouvelle-Écosse.

• 0950

Cette année, nos frais de scolarité s'élevaient à 3 700 $, les deuxièmes parmi les plus bas en Nouvelle-Écosse. L'école compte 3 600 étudiants et plus de 20 000 autres qui y suivent des cours à temps partiel et des cours de perfectionnement. Le financement de base que nous recevons du gouvernement est de 10,6 millions de dollars au total. Par conséquent, si vous prenez 3 500 $ plus les frais étudiants, plus les manuels... et le coût des manuels a augmenté considérablement. Là encore, les universités n'ont aucun contrôle sur ces coûts et, dans bien des cas, les éditeurs canadiens non plus, car bon nombre de ces livres doivent encore venir des États-Unis.

De même, le coût de la technologie associée à l'apprentissage a énormément augmenté. Il est devenu presque immoral, je pense, qu'une université ou un collège accorde un diplôme à des étudiants sans qu'ils ne possèdent des compétences informatiques. Je sais quel est notre investissement chaque année pour ce genre de technologie et pour d'autres écoles qui sont proportionnellement plus riches, c'est encore plus.

Il a fallu augmenter certains autres frais. Nous avons pu l'éviter à l'UCCB. D'autres n'ont pas pu. Les étudiants paient des frais supplémentaires considérables pour l'utilisation des laboratoires, pour l'utilisation des laboratoires informatiques, pour toute sorte de choses, de sorte que la hausse ne concerne pas seulement les frais de scolarité mais d'autres frais qui ne sont pas réellement volontaires. Selon le programme suivi, il y a des frais obligatoires de participation.

Je pense donc que les données nationales ne sont pas représentatives. En fait, il y a distorsion en raison des chiffres du Québec sur les niveaux d'endettement et ainsi de suite et du fait que les frais de scolarité y sont beaucoup plus bas qu'ailleurs. Comme je l'ai dit à un groupe de fonctionnaires du gouvernement il y a trois ou quatre ans, «Pensez à l'aide aux étudiants et si vous voulez vivre votre cauchemar, allez en Nouvelle-Écosse».

Le président: Merci madame Thayer Scott, de votre présentation.

J'aimerais revenir ce qu'a dit Mme Torsney et M. Szabo au sujet des consultations pré-budgétaires. Cette année, nous aimerions recevoir les mémoires suffisamment à l'avance. Vous allez donc recevoir une lettre très bientôt vous demandant de contribuer aux consultations prébudgétaires. Nous aimerions que les mémoires parviennent au comité au cours de l'été afin que nous puissions les étudier. Ainsi, lorsque nous vous verrons à l'automne, nous pourrons parler de votre mémoire en profondeur et vous poser des questions plus pertinentes.

Mme Jacquelyn Thayer Scott: Merci beaucoup de cette possibilité de participer.

Le président: Nous allons interrompre la séance pendant deux minutes.

• 0953




• 0957

[Français]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Clément Lemelin de l'Université du Québec à Montréal, bienvenue à notre comité. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation et il y aura ensuite des questions.

M. Clément Lemelin (professeur, Département des sciences économiques, Université du Québec à Montréal): Madame la présidente, c'est un honneur pour moi d'être reçu aujourd'hui et de commenter la partie 1 du projet de loi C-36 portant sur la Fondation canadienne des bourses du millénaire, même si, l'éducation étant une compétence provinciale, il m'aurait paru plus normal de comparaître à Québec qu'à Ottawa.

Le mémoire qui vient de vous être remis n'a pas pu être traduit. Aussi, j'en ferai une brève présentation en anglais.

[Traduction]

L'éducation coûte cher. Une récente évaluation des coûts, dont les résultats sont reproduits au tableau 1, montre que le coût moyen d'une année d'études universitaires au Québec s'élève à environ 28 000 $ par an. Un des mérites de la partie 1 du projet de loi C-36 est de reconnaître implicitement que les coûts des études ne se résument pas au coût direct ou aux frais de scolarité.

De nombreuses raisons normatives peuvent être invoquées en faveur d'une intervention publique en éducation. Elles mènent essentiellement à deux objectifs: l'accessibilité et la démocratisation, c'est-à-dire augmenter le nombre des étudiants et s'assurer que l'accès limité aux ressources financières n'est pas un facteur dans la décision de poursuivre ses études.

Mais l'intervention publique peut également être une source d'inefficacité et d'iniquités. Comme on le voit au tableau 2, les effets redistributifs du financement public de l'éducation postsecondaire ont été régressifs au Québec dans les années 80, tout au moins au niveau universitaire. C'est comme si le rôle joué par le gouvernement était celui du shérif de Nottingham et non celui de Robin des Bois.

• 1000

Le financement public de l'éducation revêt de nombreuses formes, dont certaines sont indiquées au tableau 3. Compte tenu des objectifs d'accessibilité et de démocratisation, il semble normal de moduler l'aide aux étudiants selon leurs ressources financières, puisque cette aide est destinée à ceux qui sont plus sensibles au prix. On perd ainsi beaucoup moins en rentes économiques.

Les mesures en matière d'éducation annoncées dans le dernier budget sont très nombreuses. C'est comme si le gouvernement fédéral avait décidé d'utiliser tous les moyens à sa disposition sauf un—les transferts aux provinces qui conduisent à l'octroi de subventions aux collèges et aux universités. Depuis quelques années, ces transferts ont souffert dans la lutte menée contre le déficit.

Un des arguments en faveur d'une augmentation des dépenses est le rendement social des études supérieures. Mais le rendement est vraisemblablement plus élevé aux niveaux inférieurs d'enseignement et il existe également d'autres besoins. Pourquoi investir dans l'enseignement supérieur plutôt que dans les niveaux inférieurs? Pourquoi l'enseignement plutôt que, par exemple, les services de garde à l'enfance ou les soins de santé ou même les clubs de hockey sur glace? Pourquoi l'augmentation des dépenses plutôt que la réduction des impôts ou de la dette publique? Il s'agit-là de questions très difficiles. Mais on doit néanmoins les garder à l'esprit lorsqu'on décide de créer une fondation.

Si les besoins financiers représentent le critère prioritaire de leur attribution, les bourses du millénaire pourraient rendre les effets redistributifs du financement public et des études supérieures plus progressifs ou moins régressifs. Dans la mesure où l'aide financière aux étudiants est modulée en proportion inverse de leurs ressources financières, la transformation des subventions aux établissements en aide financière est conforme aux objectifs de l'accessibilité et de la démocratisation. Donc bravo pour la fondation, mais...

Une motivation importante derrière le train de mesures contenues dans le projet de loi C-36 est la visibilité. Sous un autre angle, cela soulève la possibilité de dédoublements.

L'article 28 est ambigu. Compte tenu des différences entre les systèmes québécois et du Canada en matière d'aide financière aux étudiants, il me semble très difficile de définir les moyens d'attribuer des bourses du millénaire tout en respectant les conditions suivantes: tous les étudiants du Québec et du Canada sont placés sur un pied d'égalité; la fondation complète l'aide financière provinciale actuelle et la fondation évite les doubles emplois.

Il est évident que des ajustements devront être apportés au système québécois d'aide financière, mais n'est-ce pas l'objet de la fondation d'utiliser une partie de l'espace déjà occupé par le gouvernement du Québec? Comment les bourses du millénaire et l'aide aux étudiants du Québec peuvent-ils être conciliés? La réponse ne me paraît pas évidente.

Nulle part dans la partie 1 du projet de loi C-36 peut-on trouver une définition précise du besoin financier ou une indication du poids que l'on donne à ce critère dans l'attribution des bourses.

• 1005

Je crois fermement que la définition du besoin financier et de son rôle dans l'attribution des bourses doit être celle que l'on trouve dans le système d'aide financière du Québec. Le besoin financier est entendu dans le sens de la rareté, c'est-à-dire l'insuffisance des ressources financières pour poursuivre des études.

On doit s'interroger sur la pertinence de laisser à la fondation le soin de définir le besoin financier. Après tout, c'est une question à 3 millions de dollars. Si la fondation se sert de la même définition que celle du gouvernement du Québec, on doit admettre qu'une forte possibilité de double emploi existe. Si l'on donne une définition différente ou si le besoin n'est qu'un critère parmi bien d'autres et n'est pas prioritaire, on est alors confronté à d'autres problèmes.

Parmi les autres critères, on peut prouver le mérite, qui n'est pas défini non plus. Le mérite scolaire n'est pas du tout un bon critère par rapport aux objectifs d'accessibilité et de démocratisation. Son effet principal est de créer des rentes économiques et l'on nÂest pas loin de jeter de l'argent aux étudiants.

Un autre critère pourrait être celui des soi-disant besoins de l'économie canadienne. Là encore, c'est un concept très vaseux. Je ne voudrais pas savoir que l'identification de ces besoins est laissée aux membres de la fondation. Ce critère pourrait très bien mener à une affectation inefficace des ressources, qui se caractériserait par des rentes économiques et diverses sources de rigidité.

En bref, je trouve que la partie 1 du projet de loi C-36 est à bien des égards imprécise. De plus, elle ne tient pas compte de ce qui se fait déjà dans certaines provinces. Cela va également bouleverser certaines des priorités définies par ces provinces. Des exemples en sont donnés dans les documents.

Cela est d'autant plus déplorable que l'article 43 nous rappelle que la fondation pourrait durer seulement dix ans. On ne saurait voir dans ce projet de loi un exemple de fédéralisme coopératif.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lemelin.

Nous commencerons par M. Ritz.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur, de votre présentation. Vous avez fait une observation qui a piqué ma curiosité. Vous avez parlé du fait que chacun est sur un pied d'égalité. Je me demande comment nous pouvons en arriver là s'il s'agit du critère utilisé pour accorder ces bourses. Comment en arrivons-nous à ce pied d'égalité? Regardez les disparités dans le pays qui existent actuellement.

[Français]

M. Clément Lemelin: En fait, le problème de cette mise à niveau tient tout simplement au fait qu'il existe déjà au Québec un système de prêts et de bourses, et ces bourses-là sont assez généreuses. Ces bourses-là tiennent compte essentiellement des besoins des étudiants, des besoins définis en fonction à la fois des ressources et des dépenses qui doivent être faites.

On indique dans cet article du projet de loi que le système de la Fondation des bourses du millénaire doit compléter l'aide qui est déjà donnée par les gouvernements. À ce moment-là, qu'est-ce qu'on fait avec le Québec? Si, notamment, on tient compte des besoins financiers des étudiants, ces besoins-là sont déjà pris en compte dans le système d'aide aux étudiants au Québec. À partir de ceci, où est la place de la Fondation?

Rappelez-vous qu'on dit que le système doit servir de complément au système d'aide aux étudiants qui existe déjà. À ce moment-là, le gouvernement du Québec peut s'ajuster. S'il s'ajuste, qu'est-ce que cela veut dire? Il va tenir compte du fait que le gouvernement fédéral donne des bourses aux étudiants et, dans un deuxième temps, il va réduire les bourses données aux étudiants. À ce moment-là, ce n'est pas un système complémentaire. C'est tout simplement un système qui remplace le système d'aide aux étudiants qui existe au Québec.

• 1010

Cela me semble être le problème le plus important. Cela laisse entendre que, dans un deuxième temps, le critère des besoins financiers ne sera peut-être pas le critère essentiel. Peut-être que le système canadien d'affectation des bourses va reposer sur d'autres critères, auquel cas on pourra parler d'un régime relativement indépendant. Pour répéter un peu ce que je disais précédemment, il se pose à ce moment-là le problème suivant: à partir de quels autres critères le système d'aide aux étudiants, le système de bourses sera-t-il défini? Je me pose énormément de questions. De façon plus importante, je recommanderais à ce comité d'essayer de préciser ces critères. C'est un peu gênant de laisser à une fondation le soin de faire l'arbitrage entre les besoins financiers, le mérite et aussi, possiblement, les besoins de l'économie.

[Traduction]

Le président: Monsieur Crête.

[Français]

M. Paul Crête: Merci, monsieur Lemelin, de votre présentation. Je pense que vous faites une démonstration assez claire de l'impact du projet de loi sur le système québécois.

Si le projet de loi n'est pas modifié en fonction de l'analyse que vous en avez faite et si le système québécois roule à côté, quelle sera la situation dans 10 ans? La Fondation va durer 10 ans. Vous ne pouvez sans doute pas lire l'avenir, mais selon l'analyse que vous en avez faite, s'il n'y a pas d'adéquation quelque part pour permettre que les mesures s'intègrent au système québécois, quelle sera la réalité dans 10 ans? Pensez-vous que les bourses du millénaire auront dénaturé le régime québécois, ou si vous pensez que les deux régimes vont vivre l'un à côté de l'autre et qu'on va assister à une espèce d'affrontement où les étudiants jugeront quel est le meilleur régime? Quelle est votre vision de ce qui va résulter de cette loi-là si on ne tient pas compte des arguments que vous énoncez, que ce soit au sujet du mérite ou d'autres éléments de ce type-là?

M. Clément Lemelin: Monsieur le président, cette durée limitée des bourses aux étudiants pose effectivement plusieurs problèmes. C'est un peu le problème de l'arrimage entre le système québécois et ces bourses du millénaire. L'une des possibilités—je ne sais plus si c'est le ministre québécois ou le ministre canadien du Développement des ressources humaines qui y a fait allusion—, c'est tout simplement que le gouvernement du Québec identifie certains titulaires de bourses et communique sa liste au gouvernement fédéral, qui lui-même va envoyer des bourses. Incidemment, un tel système rappellerait certaines procédures utilisées aux États-Unis où, à un moment donné, le responsable de l'aide financière doit composer avec un ensemble de sources de fonds possibles.

Cependant, dans la mesure où on fait ça, il se pose un autre petit problème. C'est un peu le problème du caractère temporaire de cette intervention. D'abord, je ne suis pas sûr que ce système-là va durer seulement 10 ans. Une fois que le gouvernement intervient dans un secteur, il est incité, dans un deuxième temps, à y injecter des fonds supplémentaires, ne serait-ce que parce qu'il y a plein de gens qui font pression. Ces pressions-là m'amènent à un autre petit problème.

Dans la mesure où le système québécois s'ajuste au système canadien, il y aura d'énormes pressions au Québec pour qu'on s'approprie les fonds qui sont libérés. On a parlé de 75 ou 100 millions de dollars par année. Vous allez sans doute voir d'autres témoins apparaître, qui vont vous dire: «C'est effectivement très important d'investir dans l'enseignement supérieur.» Une des possibilités, c'est que, dans un deuxième temps, les fonds libérés soient utilisés au financement des établissements universitaires.

• 1015

Le problème de tout ceci, c'est que ce sont des mesures temporaires. Qu'est-ce qui arrive une fois que la Fondation disparaît? Encore une fois, on risque d'observer une situation où les provinces—dans ce cas-ci le Québec—seront prises avec le bébé dans les bras et la facture. Cette injection de fonds supplémentaires, une des possibilités invoquées dans le mémoire, va donner naissance, s'il y a coopération, à davantage de fonds versés aux universités. Je pense que c'est là que l'argent va aller. Money sticks where it hits en dernier ressort.

[Traduction]

Le président: Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup de cette présentation.

Je pense que je vais commencer par dire que nous sommes tous d'accord sur le fait que le financement de l'accès à l'éducation est une responsabilité commune des gouvernements provinciaux et fédéral. Vous avez dit qu'il doit y avoir un certain degré de coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces en ce qui concerne le Fonds du millénaire. Je suis sûr que vous êtes au courant des négociations qui se déroulent actuellement pour essayer d'en arriver à un accord afin d'atteindre cet objectif d'éliminer le double emploi.

Je pense que c'est le ministre de l'Éducation du Québec qui a dit également que si le Fonds des bourses du millénaire est adopté, et que des fonds supplémentaires sont accordés aux étudiants du Québec, cela pourrait bien libérer de l'argent que la province réinvestirait dans d'autres aspects de son système éducatif, qui relève complètement de sa compétence. C'est très bien, mais ce réinvestissement dans l'éducation serait certainement un choix du gouvernement du Québec.

En dernier lieu, vous avez dit que la province est peut-être tenue en otage car il s'agit d'un programme temporaire et qu'une fois les dépenses faites, il ne restera plus d'argent. Le gouvernement du Québec, et les autres provinces aussi, auraient alors à tenter de financer quelque chose qu'elles ont accepté de financer alors qu'il n'y a plus d'argent.

Par contre, nous devons assurer la plus grande continuité possible alors que nous vivons dans un contexte changeant.

Je sais que vous avez une formation d'économiste.

Si les recettes le permettent, qui sait s'il n'y aura pas d'autres réinvestissements dans d'autres éléments qui pourraient bénéficier aux provinces, s'il n'y aura pas de réduction d'impôt, s'il n'y aura pas d'autres mesures en faveur de l'éducation et s'il n'y aura pas d'autres mesures en faveur des soins de santé? Le monde change.

C'est pourquoi je ne suis pas convaincu par votre argument voulant que si le gouvernement établit ce programme puis le retire, les provinces se retrouveraient dans une position précaire.

Peut-être pourriez-vous me répondre là-dessus.

[Français]

M. Clément Lemelin: Vous dites que les choses peuvent changer, mais je pense que vous faisiez simplement allusion à une appréhension que j'avais au tout début. Le gouvernement fédéral décide d'injecter des sommes d'argent. Ce qui est annoncé, du moins dans certains journaux, c'est qu'il s'agit d'une fondation qui va permettre l'affectation de bourses d'études sur une période de 10 ans. Vous êtes en train de dire que les choses vont changer et que cela va peut-être durer plus de 10 ans.

Fort bien, mais je ne sais pas si vous voyez que, selon cette interprétation, c'est une intervention du gouvernement fédéral dans le secteur de l'éducation qui risque de durer fort longtemps.

• 1020

Il ne s'agit plus maintenant de dire simplement que nous sommes en possession de quelques sommes d'argent et que, par conséquent, nous allons les affecter au système d'éducation. Si cela dure plus de dix ans, bravo! Mais, à ce moment-là, il va se poser un problème plus fondamental, à savoir que le gouvernement fédéral a décidé d'occuper un secteur de compétence qui, selon certaines interprétations de la Constitution, relève des provinces.

D'ailleurs, j'en glisse un mot dans ce mémoire. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre exactement ce qu'on entend par «responsabilité conjointe du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux» quand il s'agit d'une intervention en éducation. En fait, en tant qu'économiste, je serais porté à dire que les gouvernements devraient intervenir dans le système d'éducation en prenant sur eux une partie du fardeau des dépenses d'éducation.

Pour ce faire, il existe différentes possibilités. On peut remettre des subventions aux établissements scolaires. On peut aussi financer les étudiants ou encore leurs parents. Ce sont différentes possibilités. On dit que le gouvernement fédéral peut donner de l'aide aux étudiants et à leurs parents, mais que, par ailleurs, les subventions aux établissements scolaires relèvent des provinces. Finalement, tous ces moyens d'intervention dans le système d'éducation sont interreliés.

Si, à un moment donné, vous décidez de donner davantage d'aide aux étudiants, il pourra vraisemblablement y avoir des droits de scolarité plus élevés. Donc, les établissements scolaires auront besoin de moins de subventions. J'ai beaucoup de difficulté à accepter cette idée de responsabilité conjointe. Il est certain qu'il faut reconnaître qu'il existe une interdépendance entre ces différentes formes d'aide.

J'ai également dit dans le mémoire que je ne voulais surtout pas me lancer dans des batailles constitutionnelles. Vous savez qu'au Québec, il existe une loi de l'utilité marginale décroissante de ces batailles constitutionnelles. On commence à en avoir ras le bol.

J'aimerais également que l'on parle d'autres éléments du mémoire. Il me semble que cette idée d'aide aux étudiants est une bonne chose, ne serait-ce que parce qu'il est possible d'avoir une aide modulée qui nous rapproche effectivement de ces objectifs de démocratisation et d'accessibilité.

[Traduction]

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président. Ma question est en fait très simple: l'endettement étudiant est-il un problème dans la province du Québec?

[Français]

M. Clément Lemelin: Je serais porté à dire oui. Il est certain qu'il y a un problème, mais le problème n'est pas aussi grave que dans le reste du Canada. J'espère que la réponse, pour l'instant, est claire étant donné que vous avez dit que votre question était simple. J'aimerais cependant ajouter certains éléments.

Les données indiquent qu'à la sortie du programme de baccalauréat, les étudiants québécois ont une dette inférieure à celle des étudiants des autres provinces canadiennes. Cela tient, je pense, en bonne partie au fait que le système de prêts et bourses contient un élément de bourses important.

Cela étant dit, il faut cependant ajouter une petite chose. Quelques études ont été faites sur les problèmes de remboursement des prêts étudiants et elles indiquent essentiellement que le problème d'endettement ou le problème de remboursement tient à deux facteurs. Le premier facteur, c'est bien sûr le niveau de la dette, le niveau d'endettement. Mais le deuxième facteur, qui est peut-être aussi important pour expliquer pourquoi les étudiants ont de la difficulté à rembourser, c'est tout simplement les problèmes d'insertion dans le marché du travail.

• 1025

Plusieurs documents le mentionnent aux États-Unis, mais il y a également plusieurs études canadiennes qui indiquent que le facteur d'insertion dans le marché du travail, la difficulté à trouver un emploi qui soit bien rémunéré, expliquent peut-être autant la difficulté de remboursement que le niveau d'endettement.

Cela m'amène à ajouter un autre élément. Vous nous demandiez s'il y avait un problème de remboursement de la dette étudiante au Québec et si ce problème était aussi important qu'au Canada. Je serais porté à dire tout d'abord que le niveau d'endettement étant moins important au Québec, le problème est moins important. Cependant, la condition économique des étudiants, quand ils accèdent au marché du travail, est peut-être plus difficile que dans certains autres endroits au Canada, et cela pourrait expliquer les difficultés plus grandes au Québec que dans le reste du Canada.

[Traduction]

Mme Karen Redman: Ayant posé une question simple et reçu une réponse simple et complexe, je vais en poser une autre.

On nous a dit constamment, des gens du Québec et hors Québec, qu'il y a des aspects du système québécois qui marchent très bien. En fait, le fardeau de la dette moyen est probablement inférieur à celui des autres provinces.

Ceci dit, il semblerait logique que ce genre d'aide financière offerte par les bourses du millénaire représente un plus grand avantage pour les étudiants du Québec, dont le fardeau de la dette est inférieur, que cela ne serait le cas dans une autre province où la dette moyenne est plus élevée.

Il y a du vrai dans votre observation sur l'accès et l'intégration au marché du travail. Il serait probablement préférable que la Fondation des bourses du millénaire soit le seul projet du gouvernement, plutôt que d'être le pivot d'un budget qui comporte de nombreuses autres options et moyens pour faire face à l'endettement étudiant et au chômage des jeunes.

Il y a un autre aspect qui ne me satisfait pas. Lorsqu'on parle de double emploi dans la province du Québec, cela comprend précisément ceux qui peuvent se prévaloir de ces bourses, c'est-à-dire les étudiants à temps partiel. Je ne suis pas convaincue que ce soit un véritable dédoublement de ce qui existe au Québec actuellement.

M. Clément Lemelin: Pourriez-vous répéter la dernière partie de votre question sur les étudiants à temps partiel?

Mme Karen Redman: Les étudiants à temps partiel seront en mesure d'obtenir des bourses du millénaire alors que je crois comprendre que cela n'existe pas dans la structure de financement au Québec.

[Français]

M. Clément Lemelin: Si j'ai bien compris ce que vous dites au sujet des bourses canadiennes, il existe un système d'aide d'une certaine qualité pour les étudiants et vous ajoutez que les bourses canadiennes pourraient maintenant se rapporter à d'autres dimensions du problème du financement des étudiants. C'est ce que vous suggérez. Mais un problème se pose: quels sont les autres critères qui vont être utilisés pour l'affectation des bourses du millénaire si les critères des bourses canadiennes ne sont pas les mêmes que ceux du système québécois d'aide aux étudiants? Cela veut peut-être dire que l'affectation de ces bourses-là va s'appuyer sur le mérite scolaire. Une multitude d'études montrent qu'en règle générale, les étudiants qui ont un rendement scolaire très satisfaisant ne sont pas ceux qui hésitent entre poursuivre et ne pas poursuivre leurs études.

Si c'est cela qui est le critère, je pense que les bourses du millénaire ne seront utiles qu'à créer des rentes économiques. Rappelez-vous ces objectifs d'accessibilité et de démocratisation. Je ne pense pas que le fait de donner des bourses aux meilleurs étudiants va avoir un effet incitatif quelconque.

Il se pose maintenant un deuxième possibilité. Il est fort possible que les bourses du millénaire fonctionnent différemment du système québécois. Peut-être vont-elles être attribuées davantage en fonction des besoins de l'économie canadienne. C'est une expression qui apparaît à quelques reprises dans le projet de loi.

• 1030

Mais, à ce moment-là, je me pose encore une fois une ou deux questions. Il faudrait peut-être d'abord se demander pourquoi il faut inciter les gens à aller du côté des sciences, parce qu'il va vraisemblablement s'agir de sciences, de génie, d'informatique. Pourquoi faudrait-il inciter les gens à aller dans cette direction?

Je côtoie les étudiants chaque jour et je connais assez peu de gens autres que les étudiants qui sont aussi préoccupés que les étudiants par leur devenir professionnel. Si on veut aller dans cette direction-là, je demanderai au comité au moins de jeter un coup d'oeil sur les évaluations qui ont été faites de certains efforts ou de certaines interventions du gouvernement.

Je pense qu'à la fin des années 1980 et au début des années 1990, le gouvernement fédéral a donné des bourses aux étudiants inscrits en sciences. J'aimerais au moins qu'on mesure l'impact de cette mesure.

Voici autre élément. Vous avez mentionné qu'il y a plein d'autres mesures dans le projet de loi. Je le reconnais, mais cela me permet faire une autre remarque. Je m'étais retenu de faire des commentaires sur les autres parties du projet de loi parce que je pensais qu'on m'entendait seulement sur la partie 1. Maintenant, si vous parlez d'autres mesures, j'aimerais faire certains commentaires supplémentaires. Je reviens toujours à ces résultats qui sont publiés au tableau no 2.

Une autre des interventions possibles du gouvernement dans le financement de l'éducation, ce sont les dépenses fiscales, les tax expenditures. Le problème, c'est que ces dépenses fiscales sont souvent des mesures très régressives. Elles sont peut-être même davantage régressives que les mesures visant à accorder des subventions générales aux universités. Donc, il faudrait peut-être faire preuve de prudence là-dessus. Je parle d'effets redistributifs ou régressifs, notamment de tous ces programmes visant à inciter les parents à investir dans un régime enregistré d'épargne-études. L'entreprise est peut-être très risquée pour les étudiants ou les milieux très défavorisés. Donc, il n'y aura peut-être pas beaucoup d'incitation là-dessus.

Cela étant dit, on peut passer au troisième point.

Mme Karen Redman: Pourquoi?

M. Clément Lemelin: Pourquoi les effets redistributifs sont-ils malheureux ou pourquoi les parents venant de milieux moins favorisés risquent-ils de moins se prévaloir du régime enregistré d'épargne-études? Eh bien, je pense que l'une des raisons pour lesquelles ils risquent de ne pas le faire dans la même mesure est tout simplement que... Prenez ce qui arrive aujourd'hui. Il n'y a pas 95 ou 99 p. 100 des gens qui poursuivent leurs études au niveau postsecondaire. Il y en de 20 à 25 p. 100 qui vont à l'université. Les raisons pour lesquelles ils ne poursuivent pas leurs études sont multiples. Cela peut tenir en partie au fait qu'ils n'ont pas les ressources financières nécessaires, mais cela peut tenir aussi à un ensemble de facteurs qui relèvent davantage du rendement scolaire. Ces facteurs-là jouent depuis fort longtemps.

Au Québec, à l'heure actuelle, il y a peut-être de 65 à 80 p. 100 des étudiants qui finissent leurs études secondaires. Est-ce que vous pensez que, du jour au lendemain, les parents de ces gens-là seront intéressés à investir des sommes d'argent? Le risque serait beaucoup trop considérable. Cela tient simplement à cela. La probabilité que des enfants venant de milieux favorisés poursuivent leurs études jusqu'à l'université est beaucoup plus grande. En conséquence, le risque étant plus faible, ces gens sont plus incités à profiter de ces mesures fiscales. Je pense que cela est un des éléments. Il y a plusieurs autres éléments qui peuvent jouer là-dessus.

Votre dernière question portait sur les étudiants à temps partiel. J'en parle dans le mémoire. C'est bien beau de parler de collaboration ou de différentes façons d'intervenir dans le système d'éducation... En fait, la question des étudiants à temps partiel a été abordée à plusieurs reprises au Québec. On s'est interrogé au Québec pendant longtemps: est-ce qu'il faut étendre le système d'aide aux étudiants à temps partiel?

• 1035

Le point de départ pour formuler la réponse a été le suivant. Les ressources consacrées au système d'aide aux étudiants sont limitées. Il s'agit de se montrer le plus efficace possible. Le système d'aide aux étudiants a des effets d'incitation. Vraisemblablement, si on donne de l'aide aux étudiants, on vise à accroître le nombre d'étudiants; on vise non seulement à améliorer leur sort, mais aussi à les inciter à poursuivre leurs études.

La question qui s'est posée au Québec a été la suivante: est-ce qu'il vaut la peine de créer d'autres incitations aux étudiants à faire des études à temps partiel? Si vous jetez un coup d'oeil sur les données, vous verrez que le Québec est le champion canadien des études à temps partiel. Est-il nécessaire d'imaginer d'autres incitations pour accroître ce système-là? Les fonds étant limités, si on donne de l'argent aux étudiants à temps partiel, on enlève cet argent aux étudiants à temps plein ou à d'autres bénéficiaires.

[Traduction]

Mme Karen Redman: Finalement, j'aimerais revenir à mon point de départ, à ma première question très simple, c'est-à-dire reconnaître que la dette étudiante est un problème dans l'ensemble du Canada, y compris au Québec, et que les bourses du millénaire et les nombreuses autres initiatives contenues dans ce budget et ce projet de loi, contribueront à y remédier.

Merci.

[Français]

M. Clément Lemelin: Je veux ajouter seulement une petite chose. Je croirais à cette proposition en autant qu'on m'indique quels vont être les critères sur lesquels va reposer le calcul de la bourse. Il n'est pas évident que le critère sera celui qui est essentiellement utilisé au Québec à l'heure actuelle. C'est là que se pose le problème. Je crains qu'une bonne partie des bourses serve avant tout à créer des rentes, c'est-à-dire que le critère essentiel, exclusif ne soit pas celui des besoins financiers tels qu'ils sont définis au Québec, où on tient compte presque exclusivement des ressources des étudiants et de leurs parents.

[Traduction]

Le président: Merci, professeur Lemelin.

J'aurais une dernière question. Dans vos observations, vous parlez de destinataires et de double emploi et autres, mais vous ne dites pas si...

Soyons très clairs. Lorsqu'un chèque du gouvernement fédéral est remis à un étudiant du Québec, pensez-vous qu'il va l'encaisser?

[Français]

M. Clément Lemelin: Encore une fois, mon problème n'est pas de savoir s'il y a une feuille d'érable ou une fleur de lys sur l'aide. Mon problème n'est pas là. Mon problème est de savoir ce que le système canadien va ajouter au système qui existe à l'heure actuelle au Québec. C'est là qu'est le problème. Dans la mesure où on utilise les mêmes critères qu'au Québec, et je pense qu'un système...

[Traduction]

Le président: Je peux vous dire ce que cela ajoute. Cela ajoute 3 000 $ par étudiant et aide chaque étudiant qui le reçoit.

Mais c'est là le problème. Il y a un vieux dicton qui dit que si l'on veut chasser l'orignal, il ne faut pas chercher les traces de lapin. Je sais que c'est ce que nous faisons parfois. Nous avons tendance à penser que tout doit être parfait avant d'agir.

La réalité est la suivante. Lorsque nous avons tenu nos consultations pré-budgétaires dans tout le pays, nous avons entendu les opinions des étudiants, du Québec et hors Québec,et je suis sûr que si nous avions entendu l'opinion de personnes étrangères au Canada, le résultat aurait été le même. Les gens ont besoin d'aide. Les étudiants ont besoin d'aide au Québec et hors Québec et ce que nous avons fait, c'est de fournir des milliards de dollars pour aider tous ces étudiants. En général, je me demande pourquoi les gens attaquent la structure et non pas le résultat.

Monsieur Crête, vous avez posé plus de questions que je n'en ai jamais eu.

[Français]

M. Clément Lemelin: Est-ce que je pourrais ajouter à ceci? Vous dites que les bourses du millénaire vont donner 3 000 $ de plus à l'étudiant. Je n'en suis pas sûr.

• 1040

Si ces bourses sont attribuées aux étudiants qui ont des besoins financiers... Il y a à l'heure actuelle un système d'aide au Québec où on dit: voici vos besoins. Ces besoins-là sont les droits de scolarité, les frais de subsistance, etc. De ces besoins-là, on enlève les sources de revenu. Je ne vois pas pourquoi le système d'aide québécois ne tiendrait pas compte de la bourse du millénaire qu'un étudiant recevrait du fédéral. Si l'étudiant a des besoins financiers et reçoit une bourse de 3 000 $, eh bien, désolé... Si on maintient le même système d'aide aux étudiants au Québec, l'étudiant va recevoir 3 000 $ de moins de bourse du gouvernement du Québec, et Dieu sait qu'à l'heure actuelle, il y a au Québec beaucoup plus d'étudiants qui ont des bourses qu'il y en a qui sont annoncés comme étant boursiers dans le système d'aide canadien. Quand ils reçoivent une bourse, ils ont déjà reçu 3 500 $ ou 4 000 $ de prêt. Ils reçoivent en moyenne 3 000 $ ou 4 000 $ de bourse. Ils ont déjà des besoins de 8 000 $ à 10 000 $. Si, à un moment donné, ils avaient une source de revenu supplémentaire, je ne vois pas pourquoi le gouvernement du Québec continuerait à leur donner le même niveau d'aide.

Je suis désolé, j'ai l'impression d'être à la Chambre des communes. Du calme, monsieur Lemelin.

Vous dites que les étudiants de tous les endroits au Canada sont venus vous dire qu'ils avaient besoin de plus d'argent. Bien sûr. Moi-même qui suis syndiqué, qui suis professeur d'université, qui suis scolarisé, qui suis expérimenté, j'ai des besoins. Il en va de même pour les étudiants. Les étudiants aussi ont des besoins. S'ils profitent du système d'aide aux étudiants, s'ils reçoivent des bourses, déjà, en contrepartie, ils ont un prêt de 3 000 $ ou 4 000 $ chaque année. Les étudiants du Québec disant qu'ils ont des besoins. C'est sûr. Ceux de l'Alberta disent aussi qu'ils ont des besoins. C'est sûr. Cependant, au Québec, on aime bien indiquer aux étudiants qu'ils ont peut-être des besoins, mais qu'en règle générale, le système québécois leur est davantage profitable que le système canadien.

[Traduction]

Le président: Professeur Lemelin, merci beaucoup. Je pense que vous avez dit ce que vous aviez à dire et nous vous remercions de votre contribution à l'étude du projet de loi C-36.

Nous allons interrompre la séance pendant deux ou trois minutes et nous reviendrons avec l'Association canadienne des industries de l'environnement.

• 1042




• 1046

Le président: La séance est de nouveau ouverte et j'accueille les représentants de l'Association canadienne des industries de l'environnement: Mme Rebecca Last, Ronald Vincent Portelli et Christopher Henderson.

J'ai eu l'occasion de lire votre mémoire. J'essaie de voir le rapport avec le projet de loi C-36, mais j'ai de la difficulté à le faire. J'aimerais cependant souligner que vous consacrez beaucoup de temps au rapport Mintz.

Pour les membres de notre comité qui ne sont pas au courant, c'est un rapport sur l'imposition des sociétés.

Ce que j'aimerais faire—à moins que vous ne parliez du projet de loi C-36, ce dont je doute d'après votre mémoire—c'est demander le consentement unanime des membres du comité pour que la présentation de l'Association canadienne des industries de l'environnement soit déposée en vue d'une future étude possible par le comité du rapport Mintz sur l'imposition des entreprises. Nous transférerions simplement ce mémoire à notre étude du rapport Mintz, qui aura lieu avant la pause. Cela vous convient-il?

Des voix: D'accord.

Le président: Vous devez quand même faire votre présentation.

Monsieur Portelli.

M. Ronald V. Portelli (président, Association canadienne des industries de l'environnement): Merci.

Bonjour, monsieur le président et membres du comité.

[Français]

Bonjour, mesdames et messieurs.

[Traduction]

Comme vous le savez, je suis Ron Portelli, le président de l'Association canadienne des industries de l'environnement. M'accompagne Christopher Henderson, qui est le président-directeur général du Delphi Group et vice-président du conseil de l'ACIE ainsi que président de notre comité des politiques.

Nous vous remercions beaucoup de nous permettre de nous adresser au comité au nom de notre industrie. C'est la première fois que nous comparaissons devant votre comité et nous aimerions vous donner une brève introduction sur l'industrie et vous expliquer pourquoi le secteur des industries de l'environnement du Canada est un intervenant clé dans l'avenir de notre pays, avant de parler de certains des principaux éléments de nos remarques sur l'imposition des entreprises.

L'ACIE est le porte-parole national de l'industrie de l'environnement. Nous représentons l'un des secteurs de notre économie dont la croissance est la plus rapide. Avec nos neuf chapitres provinciaux, l'ACIE représente les intérêts de quelque 1 500 entreprises qui fabriquent et fournissent des produits, des technologies et des services reliés à l'environnement—une représentation assez importante.

Notre vision consiste à faire des industries canadiennes des chefs de file mondiaux dans l'utilisation et la fourniture de produits, des technologies et des services reliés à l'environnement et considérer l'industrie de l'environnement du Canada comme une nouvelle force économique dans notre pays. L'industrie comprend plus de 4 000 compagnies composées surtout de petites et moyennes entreprises qui sont réparties dans toutes les régions du pays.

Selon Statistique Canada, les ventes annuelles de notre secteur se sont élevées à 16,7 milliards de dollars en 1995, soit 2,2 p. 100 de notre produit intérieur brut. Il s'agit de chiffres prudents qui ne comprennent pas les éléments de l'industrie plus largement définis, comme les technologies ou les produits verts. D'autres estimations, qui utilisent une définition plus large de l'industrie, évaluent les ventes à 27 milliards de dollars.

Il est intéressant de noter que l'industrie environnementale, par exemple, est plus importante que l'industrie aérospatiale dont les ventes, selon l'Association des industries aérospatiales du Canada, étaient de 10,8 milliards de dollars en 1995.

Notre secteur emploie 123 000 personnes—selon Statistique Canada à nouveau, davantage que le secteur du pétrole et du gaz, des produits chimiques, de l'exploitation forestière, des pâtes et papier ou des textiles. Bien des gens ne reconnaissent pas l'importance de la taille de notre industrie.

• 1050

L'industrie de l'environnement canadienne est une industrie axée sur la connaissance et la technologie dont les exportations dépassent 1 million de dollars par an. Le potentiel de création d'emplois et de croissance est énorme, grâce à l'exportation de produits, de technologies et de services liés à l'environnement. La croissance du marché environnemental mondial devrait se poursuivre à environ 7 à 10 p. 100, avec des taux de croissance à deux chiffres dans certains secteurs ou marchés clés en développement comme l'Amérique latine.

Nous pensons que l'industrie de l'environnement est un secteur stratégiquement important pour l'économie et la société du Canada et qu'il serait un intervenant clé dans notre avenir dans la mesure où il offre au Canada trois dividendes importants: le premier, la santé humaine, grâce à la prévention et au contrôle de la pollution; deuxièmement, la santé des écosystèmes grâce à la prévention et au contrôle de la pollution et à l'assainissement des sites contaminés et troisièmement, la santé économique grâce à l'amélioration de la compétitivité d'autres secteurs industriels ainsi que la création d'emplois et la croissance au sein de notre industrie.

Dans le discours du Trône, on a parlé de l'engagement du Canada à l'égard de la protection environnementale, ici et au niveau international, et le premier ministre, dans ces discours, notamment dans celui du dîner des Maple Leaf, a déclaré que le Canada était prêt à assumer un rôle de chef de file en matière d'environnement et de posséder des technologies de pointe en la matière pour aider à résoudre les problèmes environnementaux mondiaux.

Le problème environnemental le plus difficile et le plus complexe auquel le Canada et le monde sont confrontés est celui du changement climatique qui, selon l'opinion des scientifiques, est attribuable à l'activité humaine. On a beaucoup parlé des coûts possibles pour le Canada d'atteindre la cible de réduction des gaz à effet de serre précisée dans le Protocole de Kyoto.

Bien que la transition à une économie moins utilisatrice de carbone implique une perte économique dans certains secteurs industriels, elle ouvrira d'énormes possibilités économiques nouvelles, et les coûts sociaux seront compensés par la mesure dans laquelle les industries liées au changement climatique, c'est-à-dire les fournisseurs des technologies et des services visant à limiter les gaz à effet de serre, pourront répondre aux besoins du marché.

L'ACIE recommande que l'on se concentre sur les avantages économiques et sociaux de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, qui exigera que les industries du changement climatique assument une position concurrentielle en vue d'une participation maximale à la croissance des marchés intérieurs et internationaux.

D'autres pays, en particulier les États-Unis et l'Union européenne, ont pris des mesures, de façon consciente et délibérée, que le Canada commence tout juste à adopter. Le budget a affecté 150 millions de dollars au plan que le Canada va mettre au point et nous estimons qu'il est essentiel pour le pays de se concentrer sur ce domaine.

L'industrie de l'environnement sera la clé qui permettra à d'autres secteurs industriels de relever les défis environnementaux tout en conservant ou améliorant leur compétitivité. Dans la mesure où le secteur de l'environnement recoupe d'autres secteurs industriels traditionnels, il deviendra de plus en plus important au commerce et à la compétitivité du Canada.

J'aimerais maintenant demander à Christopher Henderson de vous parler de l'imposition des sociétés.

M. Christopher Henderson (premier vice-président, Association canadienne des industries de l'environnement): Monsieur le président, vous avez souligné au début que nous ne parlons pas du projet de loi C-36, mais je pense que nous dirons ceci. Ce que nous présentons à votre comité, ce sont les aspects commerciaux concurrentiels de notre industrie et la manière dont nous pouvons contribuer aux recettes fiscales dont vous avez besoin pour payer des choses, comme le projet de loi C-36, et comment nous pouvons protéger l'avenir des enfants que nous désirons faire instruire.

À cet égard, nous pensons que le rapport Mintz arrive à point nommé et qu'il est très pertinent. Nous félicitons le gouvernement et le ministre des Finances de l'avoir commandé.

Il y a deux ou trois choses à dire à son sujet que nous croyons être bonnes et deux ou trois choses qui ont peut-être fait un peu l'objet d'omissions et que vous devriez examiner, selon nous, dans l'avenir.

En ce qui concerne l'impôt général sur le revenu des sociétés, le rapport Mintz a proposé une réduction générale de l'impôt sur le revenu fédéral et provincial. Cela fait un peu maternel, mais nous croyons aussi que c'est une bonne idée, notamment dans le cas des petites entreprises.

Comme l'a signalé M. Portelli, comme nombre de secteurs liés à la technologie, notre secteur industriel est axé sur la petite entreprise et nous croyons que cette réduction proposée de l'impôt sur le revenu des sociétés, notamment pour les petites entreprises, améliorerait la compétitivité de nos entreprises.

Cependant, nous croyons qu'on devrait étudier davantage un aspect de l'impôt sur le revenu des sociétés. Par rapport à nos concurrents, lorsqu'il y a des taux préférentiels d'impôt sur le revenu, lorsqu'il y a une accumulation de capital pour les exportations, nous estimons que c'est une question primordiale pour notre compétitivité ou notre manque de compétitivité dans les marchés internationaux.

Auparavant, le prix et le rendement étaient tout ce qui comptait pour un acheteur étranger, aux États-Unis, en Amérique latine, en Asie, en Europe, etc. Cependant, ces acheteurs désirent de plus en plus que nous arrivions à la table des négociations avec un financement par actions pour partager le risque d'une entreprise, pour des projets en matière d'eau et d'eaux usées, de contrôle des émissions atmosphériques et ainsi de suite.

À cet effet, nous estimons devoir examiner comment notre régime fiscal encourage l'accumulation d'avoirs expressément pour pénétrer les marchés d'exportation.

• 1055

Sur la question de la déduction pour amortissement, le rapport Mintz a indiqué clairement que les incitatifs liés à la déduction pour amortissement devraient être réduits. Nous pensons autrement. Lorsque nous examinons la question de la Convention sur les changements climatiques de Kyoto, dont notre pays est signataire, nous croyons que l'une des plus importantes choses que nous pouvons faire pour réaliser les objectifs fixés à Kyoto de réduction des émissions de gaz à effet de serre sera d'accorder aux entreprises certains allégements—non pas une protection complète; il ne s'agit pas de profiter du système—pour permettre la transition durant les 12 à 15 prochaines années à un stock de capital en matière d'énergie durable. Une façon d'y arriver est la déduction pour amortissement accéléré pour des fournitures spécifiques, des genres précis de capital-actions. C'est un incitatif financier ciblé que le ministère des Finances n'a pas prisé en général dans le passé. Nous ne croyons pas que ce soit une bonne idée dans ce cas.

J'ai parlé de l'impôt des petites entreprises. Nous avons parlé de l'incitatif fiscal pour la R-D. Comme M. Portelli l'a mentionné, il s'agit d'un secteur fortement axé sur la technologie et qui le devient encore plus. La combinaison du crédit fiscal et de la recherche scientifique... en fait, nous estimons une fois de plus avoir besoin de plus d'incitatifs fiscaux ciblés pour des familles précises de technologies qui font des choses précises, comme améliorer notre environnement ou nous aider à faire face aux réductions de gaz à effet de serre. C'est un aspect du rapport Mintz qui n'a pas été examiné entièrement, mais qui devrait selon nous figurer à votre ordre du jour.

Finalement, le rapport Mintz a traité de manière très novatrice de la question des impôts liés à l'environnement. Nous soulignons que c'est un sujet très controversé. C'est un aspect très délicat. Il y a des divergences chez nos membres sur cette question. Cependant, nous estimons pouvoir contribuer à ce processus et nous serions heureux de faire partie de tout groupe qui examine la question des impôts liés à l'environnement.

En somme, monsieur le président, quel que soit votre jugement, nous estimons qu'il faut payer le projet de loi C-36. Nous croyons que notre industrie et les impôts qu'elle verse peuvent y contribuer. Nous pensons que le gouvernement du Canada pourrait devoir faire certaines choses pour nous rendre plus concurrentiels dans les marchés d'exportation, grâce à la technologie. Selon nous, d'autres mesures fiscales doivent nous aider à faire face aux importantes menaces en matière d'environnement, comme le changement climatique, et examiner certains domaines comme l'imposition liée à l'environnement.

Merci beaucoup. Je passe maintenant à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Henderson.

Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président. Je vous remercie de vos présentations, messieurs.

On a vu beaucoup de couvertures médiatiques différentes sur le changement climatique. S'agit-il de faits ou de fiction? Le Canada est-il un important intervenant? Nous avons eu la preuve que le Canada contribue seulement à 2 p. 100 du problème. Avons-nous besoin des incitatifs fiscaux dont vous parlez pour régler notre soi-disant problème chez nous, ou en avons-nous besoin pour commercialiser la technologie canadienne sur les marchés internationaux? C'est ce que je vous demanderai.

M. Ronald Portelli: Je vais commencer et je demanderai ensuite à Chris de poursuivre.

C'est un domaine complexe. C'est l'un des plus grands défis auxquels font face notre pays et le monde. La prépondérance de l'opinion scientifique indique effectivement que cela est rattaché à l'activité humaine.

La contribution du Canada, dans l'ensemble, est assez minime. L'argument que nous avançons est que franchement, d'autres pays—les États-Unis, l'Union européenne—prennent des mesures très concrètes pour positionner leurs industries afin qu'elles soient concurrentielles et qu'elles donnent du rendement sur le plan des emplois et de la croissance pour leur pays, en tentant de réaliser ces objectifs. Si le Canada ne fait pas son possible pour positionner de façon concurrentielle son industrie, qui est un chef de file mondial, nous accuserons du retard.

Je pense que c'est l'élément crucial que nous tentons de communiquer ici.

M. Henderson: Deux autres éléments.

C'est réellement une question commerciale, et il s'agit ici du facteur de risque économique. Si notre principal partenaire commercial décide de ratifier la Convention—même si, selon moi, vous ne pouvez pas constater qu'il l'a ratifiée. Les États-Unis n'ont jamais ratifié de convention internationale en matière d'environnement, même s'ils ont mis en application chacune d'elles. L'administration s'en est chargée de toute manière. Il y aura des mesures punitives si nous ne faisons pas la même chose. Comme Ron l'a mentionné, si nous n'avançons pas au même rythme, nous allons perdre des possibilités sur le plan technologique.

En fait, ce dont il est question ici, c'est une question de transformation des entreprises pour pouvoir passer à un avenir différent en matière d'énergie durant les 10, 20 ou 30 prochaines années. Notre société conseille les principales entreprises du secteur pétrolier, du secteur de la pétrochimie, des secteurs de la fabrication et des ressources. Franchement, ces personnes le conçoivent fondamentalement comme étant un risque commercial. Shell International a appuyé la semaine dernière l'accord de Kyoto. Pourquoi? Non pas pour des questions d'ordre politique, mais plutôt en raison du risque commercial. Cette entreprise estime devoir commencer à diversifier ses sources énergétiques.

Si l'on fait abstraction de l'émotivité—ce n'est pas une question émotionnelle, même s'il peut y avoir clairement, comme l'a indiqué Ron, un risque lié au changement climatique pour notre environnement—de notre point de vue, il y a un risque commercial, un risque économique, mais il y a aussi des possibilités économiques. Nous pensons que si nous retardons l'examen des incitatifs qui nous permettraient de nous positionner dans ce monde commercial, nous ne pourrons pas avoir une position concurrentielle. C'est la question que votre comité doit étudier.

• 1100

M. Gerry Ritz: Cela arrive assez à point nommé. Parlons-nous ici de l'aspect de l'opportunité? Avons-nous le temps de prévoir une période de mise en marche/d'abandon graduel concernant ce que nous considérons être traditionnel et ce à quoi nous devrons passer durant les prochaines années pour adopter une position par rapport à l'accord de Kyoto? Comment ferons-nous cette transition sans causer le ralentissement économique dont parlent beaucoup de gens, ou le tort, etc.? Nous devons avoir autant de gains que de pertes simplement pour faire du sur place.

M. Christopher Henderson: Ce sont là deux questions. Pour ce qui est d'agir, il n'y a pas d'urgence prioritaire selon moi, mais je crois qu'il y a une urgence prioritaire pour ce qui est de commencer à réfléchir sérieusement et à étudier réellement la question.

Nous disposons probablement de quelques années pour pouvoir adopter ces mécanismes avant que nos partenaires commerciaux nous dament le pion. Il faudra quelques années pour faire ces transitions, mais vous devez, selon moi, mettre en place un cadre politique et fiscal pour pouvoir agir durant les deux prochaines années; sinon, nos partenaires commerciaux nous devanceront. Comme l'a indiqué Ron, ils sont, dans certains cas, déjà très en avance sur nous.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le président: Y a-t-il des questions?

[Français]

M. Paul Crête: Oui, monsieur le président. Est-ce que vous pourriez nous faire part des amendements que vous proposeriez au projet de loi C-36?

[Traduction]

M. Ronald Portelli: Initialement, j'avais compris que le montant de 150 millions de dollars affecté dans le budget exigerait une législation spécifique et que cela devrait probablement être traité dans ce contexte, mais nous croyons comprendre que cela est traité par voie d'autres législations, de législations existantes sous le régime de la législation du CPG et du GRDE. Dans ce cas, nous suggérons seulement et recommandons fortement que l'affectation de ce montant de 150 millions de dollars, pour ce qui est de l'influence du comité, soit faite immédiatement pour éviter que des obstacles précis empêchent les diverses organisations d'avoir accès à ces crédits. Je considère que cela n'est pas nécessairement rattaché directement au projet de loi C-36, mais que c'en est un aspect secondaire.

Le président: Monsieur Henderson, avez-vous quelque chose à ajouter? Y a-t-il des questions de ce côté-ci?

Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: Burlington est certes une région où il y a de nombreuses entreprises de technologie liée à l'environnement. Je suis heureuse de savoir qu'elles sont représentées ici.

Vous avez mentionné que le gouvernement a certaines objections quant aux incitatifs fiscaux et que vous pensez toujours qu'ils représentent d'importants outils. Pourriez-vous préciser un peu quelles sont les objections en général et nous dire pourquoi elles sont importantes?

M. Christopher Henderson: Je serais heureux de le faire. Nous sommes ravis que Burlington possède une industrie aussi active dans notre secteur.

Ce que nous disons ici, autant par rapport aux déductions pour amortissement accéléré qu'à la recherche et au développement, c'est que pour rendre celles-ci efficaces et ne pas réduire indûment les recettes fiscales du gouvernement, elles doivent être ciblées. Le ciblage signifie que ce que vous devez faire, selon une certaine orthodoxie financière, c'est trouver des gagnants, et ensuite vendre ces secteurs, ces technologies, ces types de capital-actions.

En toute franchise, c'est ce sur quoi le ministère des Finances ne s'est pas arrêté durant presque toute la dernière décennie. On a eu tendance à adopter des mesures générales comme le crédit d'impôt pour la recherche scientifique. C'est la raison pour laquelle nous pensons que nous éprouvons tous ces problèmes.

Si nous devons traiter de questions spécifiques, il est alors sensé, selon nous, de cibler les domaines que nous avons indiqués. Ce que je veux dire, c'est que cela va, dans un sens, à l'encontre de la philosophie actuelle du ministère des Finances d'utiliser de vastes mesures fiscales. Dans ces domaines, nous pensons que vous péchez par excès, mais que vous réduisez aussi inutilement les recettes fiscales du gouvernement du Canada. Nous suggérons que si vous accordez des incitatifs fiscaux pour réduire les recettes fiscales, soyons équitables. Nous n'aimons pas nécessairement cela en tant qu'entreprises. Cependant, nous prétendons que cela est sensé sur le plan de la concurrence, mais que cela doit être ciblé.

C'était le contexte de mes observations.

Mme Paddy Torsney: Et les domaines spécifiques que vous aimeriez nous voir cibler sont les gagnants, qui sont...?

M. Christopher Henderson: Eh bien, nous suggérons deux ou trois domaines. Sur la question de la recherche et du développement, je pense que nous disons que le monde évolue. Pour ce qui est de notre secteur, la gestion initiale des déchets toxiques et dangereux, la gestion initiale des émissions de gaz à effet de serre, voilà les domaines technologiques qui devraient, selon nous, obtenir légitimement des incitatifs fiscaux pour la R-D.

• 1105

En ce qui concerne les déductions pour amortissement accéléré, nous notons qu'un certain stock de capital consomme beaucoup de combustibles fossiles. Si nous désirons réduire les émissions de gaz à effet de serre et atteindre notre objectif par rapport à la convention de Kyoto, il serait prudent de tenter de transformer le stock de capital en un stock plus efficace, et vous voudrez donc cibler le stock qui consomme beaucoup de combustibles au carbone.

Permettez-moi de donner un exemple. La centrale de Nanticoke située près de votre circonscription consomme du charbon pour produire de l'électricité. Elle sera ouverte à la suite des mises à l'arrêt de réacteurs nucléaires en Ontario. Si on pouvait utiliser du gaz naturel, plutôt que du charbon, cela serait beaucoup plus propre, mais Hydro Ontario a une valeur d'actif dans ces trois centrales hydrothermiques au charbon situées à Nanticoke.

Si Hydro Ontario désire procéder à une transition, peut-on la faciliter sans trop nuire aux bilans? C'est une société d'État, mais cela a une incidence surtout sur les entreprises du secteur privé. Nous ne suggérons pas de le faire complètement, mais de façon marginale seulement, pour encourager un changement plus rapide afin de pouvoir atteindre nos objectifs de l'Accord de Kyoto. Si c'est ce que vous allez faire, nous prétendons avoir en partie les technologies qui peuvent fournir ces solutions.

Mme Paddy Torsney: Permettez-moi de vous dire que pour s'occuper de cette question de manière plus spécifique, le secteur ferroviaire nous a fait à tous une présentation très impressionnante concernant le changement de la déduction pour amortissement. Ce secteur organise une campagne très importante, et j'aimerais vous voir lui accorder votre appui, si vous lui accordez.

Dans notre région, beaucoup trop de camions circulent sur la route. Il serait bon de voir qu'on appuie davantage la circulation dans le corridor sur les voies ferrées plutôt que sur nos autoroutes.

M. Christopher Henderson: À ce sujet, l'un des domaines où vous pourriez accorder un incitatif pour la R-D—c'est pourquoi nous pensons qu'il faut en discuter ici—est le secteur de l'automobile dans lequel nous sommes riches, forts et concurrentiels. Il existe un marché mondial pour les technologies qui utilisent des combustibles de remplacement, la catalyse, la combustion, qui peuvent nous aider à réduire au moins l'incidence de ces camions sur la pollution atmosphérique, sinon l'incidence sur les villes. C'est un exemple du ciblage de l'incitatif en matière de R-D.

Le président: Merci, madame Torsney.

Monsieur Portelli, madame Last, monsieur Henderson, nous vous remercions beaucoup de votre présentation.

Nous avons trouvé qu'il y avait un lien avec le projet de loi C-36, mais il est bon aussi d'avoir du répit par rapport à toutes les présentations sur le projet de loi C-36.

Comme je l'ai déjà dit, cela fera partie du témoignage touchant le rapport Mintz, et je vous remercie donc une fois de plus.

Nous allons lever la séance pendant cinq minutes et nous reviendrons avec la Centrale de l'enseignement du Québec.

• 1105




• 1116

Le président: Bienvenue.

Vous disposez d'environ 10 minutes pour faire votre présentation, et nous commencerons ensuite à poser des questions.

[Français]

Mme Lorraine Pagé (présidente, Centrale de l'enseignement du Québec): Merci. Monsieur le président, mesdames et messieurs, l'intervention de la CEQ portera aujourd'hui principalement sur la Fondation des bourses d'études du millénaire. Nous ferons également deux brefs commentaires sur les modifications à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et les prestations fiscales pour enfants.

Je commence par le projet de la Fondation des bourses d'études du millénaire. La CEQ ne se sent pas isolée ce matin en venant défendre la position qu'elle vous présente. Il y a au Québec un consensus très large de la population québécoise, des éditorialistes, ainsi que de l'ensemble des organismes intéressés au monde scolaire et au monde de l'éducation contre le projet de la Fondation des bourses d'études du millénaire.

La CEQ soutient cette position d'opposition au projet sur la base de huit raisons principales. La première, c'est que le projet de fondation constitue un empiétement du gouvernement fédéral en éducation, l'éducation étant un champ de compétence provinciale. En effet, pour nous, l'aide financière est partie intégrante des politiques éducatives. Comme je le disais, une large coalition représentant les étudiantes et les étudiants, les dirigeants de collèges et d'universités et tous les syndicats s'oppose au projet de fondation pour cette raison.

Même les éditorialistes québécois les plus fédéralistes ont dénoncé ce grossier empiétement du gouvernement fédéral dans le champ de l'éducation. Certes, le droit à l'égalité est une responsabilité que le gouvernement fédéral et les provinces doivent assumer, mais ils doivent l'assumer dans leurs champs de compétence respectifs. C'est donc dire que le fédéral doit se préoccuper d'égalité des chances dans le domaine du travail, par exemple, au niveau de l'accès à l'égalité, de la syndicalisation et d'un programme d'équité salariale. Mais quand on arrive en éducation, ce sont les gouvernements provinciaux, dans leur champ de compétence, qui doivent se préoccuper de cette question de l'égalité et mettre en oeuvre les programmes appropriés. Or, l'objectif de la Fondation est carrément d'intervenir au chapitre de l'égalité des chances en éducation.

Voici la deuxième raison de notre opposition. La Fondation ne représente pas, à notre avis, le bon moyen d'améliorer l'égalité des chances pour les étudiantes et les étudiants québécois. Ce n'est pas fondamentalement par des bourses au mérite qu'on améliore l'égalité des chances, mais par un régime d'aide fondé sur les besoins, comme celui qui existe au Québec. D'autre part, les systèmes de bourses, malgré leur contribution essentielle à la limitation de l'endettement étudiant, ne parviennent pas à éliminer toutes les inégalités d'accès à l'enseignement supérieur. Il existe des barrières culturelles aux études supérieures et c'est pourquoi il faut intervenir de façon précoce, ce que le Québec tente de faire actuellement avec sa politique familiale et l'implantation des maternelles à plein temps pour les enfants de cinq ans.

• 1120

Il faut dire que le fédéral contribuerait bien mieux à l'atteinte de l'objectif d'égalité des chances en éducation s'il aidait le Québec dans le domaine de la politique familiale en lui remettant, par exemple, les économies qu'il réalisera au chapitre de l'impôt sur le revenu des particuliers en raison de la politique québécoise des garderies à cinq dollars récemment instaurée. C'est la seule province, rappelons-le, qui donnera un tel service à cinq dollars.

Troisièmement, la poursuite de l'égalité des chances n'est ni un mandat privé ni un mandat temporaire. Or, quand nous regardons le projet de fondation, nous voyons que le gouvernement fait de ce mandat fondamental une responsabilité privée. Nous ne pouvons accepter que des dirigeants de grandes compagnies, dont le but principal est d'accroître le profit de leurs entreprises, viennent, en lieu et place de nos gouvernements, administrer des fonds publics destinés à l'égalité des chances, d'autant plus qu'après une période de 10 ans, le gouvernement se retirerait de la Fondation et laisserait celle-ci à la seule maîtrise de l'entreprise privée. C'est comme si, après 10 ans, le privé était mieux habilité pour gérer l'égalité des chances, comme si après 10 ans, l'égalité des chances serait atteinte et les administrations publiques pourraient s'en désintéresser. En fait, soyons bien clairs: un tel projet, confié à l'entreprise privée et temporaire, serait dénoncé par la CEQ même s'il était proposé par le gouvernement du Québec.

Quatrièmement, la Fondation vient dédoubler un système qui a fait ses preuves. Le Québec distribue présentement 525 millions de dollars par an sous forme de prêts à 100 000 bénéficiaires. Il reçoit 90 millions de dollars par an de paiements de compensation du fédéral. Le Québec offre annuellement 256 millions de dollars à plus de 75 000 boursiers. Nulle part au Canada on n'accorde autant de bourses. Le régime québécois d'aide financière est différent de celui des autres provinces et plus complet. Un programme fédéral uniforme ne tient pas compte de cette spécificité québécoise.

Quand le ministre Pettigrew promet qu'il ne dédoublera pas le régime parce que son gouvernement attribuera des bourses au mérite et non en fonction des besoins, il fait des affirmations qui ne correspondent pas à la réalité du projet de loi, puisque les deux critères du besoin et du mérite sont bien inscrits dans celui-ci.

Enfin, même si la Fondation retenait le seul critère du mérite, elle dédoublerait quand même le système québécois, car 10 millions de dollars par année sont accordés aux étudiantes et étudiants québécois sous forme de bourses au mérite.

Cinquièmement, au chapitre de l'endettement étudiant, le Québec a relativement bien réussi là où le gouvernement fédéral a lamentablement échoué. L'endettement moyen au Québec se situe à 11 000 $ environ. Il est de plus du double ailleurs au Canada, où le fédéral assume la responsabilité de l'aide financière pour les provinces, ce qui est, comme vous pouvez le constater, une bien mauvaise feuille de route.

La Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants prévoit la possibilité de retrait pour toutes les provinces et le transfert de montants compensatoires. Le régime d'aide financière québécois n'est donc pas un privilège, mais un droit dont le Québec s'est prévalu.

Sixièmement, le régime québécois est plus généreux que le projet fédéral pour l'an 2000. Le montant moyen des bourses du millénaire sera de 3 000 $, alors qu'au Québec, il était déjà de 3 900 $ en 1995. Les bourses québécoises peuvent même atteindre plus de 16 000 $ par an pour les étudiants avec enfants à charge.

La période d'admissibilité à la bourse est limitée à 32 mois dans le projet fédéral. Au Québec, cette période s'échelonne pendant toute la durée des études postsecondaires, du collège jusqu'au troisième cycle universitaire.

Le nombre de bénéficiaires des bourses du millénaire ne pourra pas dépasser 25 000—il y en aura 100 000 à l'échelle du Canada—, alors que le Québec compte déjà 75 000 boursiers.

• 1125

Quand les représentants du gouvernement disent que le gouvernement fédéral refuse de donner au Québec la part qui lui revient parce que le gouvernement québécois refuse de consacrer tous les fonds du programme d'aide aux étudiantes et aux étudiants, ils dissimulent vraiment la vérité. La vérité, c'est que le Québec offre déjà bien plus aux étudiantes et aux étudiants que ce que le fédéral leur promet pour le début du prochain millénaire.

Septièmement, l'intrusion du fédéral va créer des distorsions dans le régime québécois. Les bourses du millénaire vont s'ajouter à celles qu'on offre déjà. Des boursiers qui reçoivent 10 000 $ ou encore 16 000 $ vont recevoir 3 000 $ de plus. Alors, soit que le Québec aura l'odieux d'amender les règles de son régime pour couper l'aide financière, soit qu'on donnera des montants supérieurs à ce qu'il est nécessaire d'accorder. Ce n'est pas là un exemple de souplesse du régime fédéral canadien, ni un exemple de collaboration fédérale-provinciale.

Enfin, la jeunesse québécoise n'est pas à vendre. Le premier ministre disait en Chambre qu'il veut donner aux jeunes des chèques portant la feuille d'érable pour qu'ils sachent d'où vient l'argent. Ce n'est pas compliqué: l'argent ne vient ni du fédéral ni du provincial, il vient de nos poches par nos impôts. Ce genre de politique et de déclaration du premier ministre datent d'une époque qu'on espérait révolue en politique et en démocratie. Les jeunes ont d'ailleurs perçu cette attitude comme un geste de mépris.

Le fédéral est le principal artisan de la diminution de la qualité de la formation universitaire, de la dégradation des conditions de vie des étudiantes et des étudiants et de la détérioration des conditions de travail du personnel des universités, par la diminution de ses transferts à l'enseignement supérieur.

La réduction des paiements a exercé des pressions à la hausse sur les frais de scolarité partout au Canada. Si les jeunes sont aujourd'hui endettés, c'est parce que les frais de scolarité ont augmenté. C'est une vérité de La Palice dont il faudrait se souvenir. Il nous apparaît donc que la Fondation des bourses du millénaire est une stratégie qui vise à faire oublier les politiques dévastatrices du fédéral en matière de financement de l'enseignement supérieur par le biais de la diminution des transferts, et également une stratégie qui permet au gouvernement fédéral d'empiéter en éducation en se soustrayant à l'obligation qui lui est faite par la loi sur les prêts et bourses d'accéder à une demande d'une province qui désire se retirer du programme et l'administrer elle-même.

Deux brefs commentaires pour la fin. Je parlerai d'abord de l'allongement à 10 ans du délai de libération de la dette pour les étudiantes et les étudiants. Cette mesure nous apparaît injustifiée et inéquitable. Elle est discriminatoire parce qu'elle soumet les étudiants et les étudiants à des normes juridiques distinctes, alors qu'ils n'abusent pas plus que d'autres groupes—et parfois même moins que d'autres groupes—des dispositions de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Elle est injustifiée aussi parce qu'on vient de porter le délai à deux ans et qu'il est beaucoup trop tôt pour évaluer les effets de cette mesure. Elle est inéquitable aussi parce que le programme de traitement différé au Québec n'est que de cinq ans, alors que le projet le porterait à 10 ans ailleurs au Canada.

Au chapitre de la prestation fiscale pour enfants, nous demandons que les montants prévus soient retournés au Québec afin que le Québec puisse assurer un financement adéquat de son programme d'aide sociale, alors qu'il est présentement aux prises avec des restrictions importantes à la suite de la diminution des paiements de transfert.

Je vous remercie de votre attention. Nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie beaucoup, madame Pagé.

Si vous me le permettez, pour commencer, je désire seulement poser une question. Sauf si j'ai mal compris, le commentaire final de votre communiqué de presse ici indique que M. Chrétien donne des chèques à des personnes en âge de voter—exact?—pour tenter d'influencer le prochain vote référendaire, et vous dites que c'est une pratique que l'on croyait révolue. Est-ce exact? Est-ce bien ce que vous dites?

[Français]

Mme Lorraine Pagé: Ce ne sont pas mes paroles; j'ai répété ce que M. Chrétien a dit à la Chambre des communes. Je l'ai entendu à la télévision. À moins que ce ne soit un double de M. Chrétien qui a pris la parole cette journée-là, je suis obligée de croire que c'est ce que M. Chrétien a répondu à la Chambre des communes. Sa déclaration a été rapportée aux bulletins de nouvelles et diffusée en direct sur le câble.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Je crois que notre président vous demandait quelle était votre interprétation relativement à un vote référendaire.

• 1130

Mme Lorraine Pagé: Oui, M. Chrétien a dit qu'il voulait s'assurer que les jeunes qui seront en âge de voter lors du prochain référendum sachent d'où vient l'argent quand on parle d'aide financière aux étudiantes et aux étudiants. Voilà ce qu'il a dit.

[Traduction]

Le président: C'est ce qu'il a dit?

Mme Lorraine Pagé: Oui.

Le président: Je trouve seulement cela... C'est votre commentaire. Cela ne dit pas que M. Chrétien a dit cela. C'est ce que vous dites. Exact? Si c'est entre guillemets... On dit ici que...

[Français]

Mme Lorraine Pagé: M. Chrétien a fait cette déclaration. Je la commente et je trouve qu'elle est inacceptable et qu'elle reflète une conception dépassée de la politique et de la démocratie.

[Traduction]

Le président: Donc, c'est votre commentaire?

[Français]

Mme Lorraine Pagé: Mon commentaire peut être choquant, mais sa phrase était choquante.

[Traduction]

Le président: D'accord. Seulement pour m'assurer que c'est ce que vous dites qu'il a dit... Vous lui attribuez cela, et je ne peux pas comprendre pourquoi M. Chrétien dirait que la raison pour laquelle nous avons un fonds du millénaire est que nous désirons acheter les votes des jeunes Québécois, parce que je pense que là n'est pas la question.

D'abord et avant tout, j'ai beaucoup trop de respect pour les jeunes—et pour les personnes plus âgées—qui vivent au Québec pour penser qu'on peut les acheter. Entendre dire que quelqu'un pense que d'une façon ou d'une autre le gouvernement fédéral s'adonnerait à une chose pareille, c'est certes une chose que je trouve très dégradante, à titre de Canadien.

Très franchement, à titre de président du comité des finances, je trouve que c'est un débat de bas niveau lorsqu'il s'agit de politique et qu'on commence à parler d'acheter des gens. Je ne veux pas entrer dans le sujet, mais je désire vous dire quels sont mes sentiments. Je ne suis pas très impressionné par ce type de présentation, lorsqu'il est question de l'intégrité des gens.

Monsieur Ritz, avez-vous une question?

[Français]

Mme Lorraine Pagé: Monsieur le président, quand on ne veut pas que nos commentaires donnent lieu à des débats, on ne les fait pas. M. Chrétien a tenu des propos qui pouvaient être interprétés de toutes sortes de façons. Soit qu'il avait l'intention que nous y voyons, ce qui serait condamnable, soit qu'il a fait une déclaration à tout le moins maladroite et il aurait dû s'en excuser. Quoi qu'il en soit, une déclaration faite par le premier ministre à la Chambre des communes mérite d'être débattue par la population québécoise et la population canadienne. Ce sont les règles du jeu en démocratie.

[Traduction]

Le président: Certainement. Cela ne me pose aucun problème. De la même manière que vous exprimez votre point de vue, j'exprime le mien parce que nous avons tous les deux les mêmes droits.

Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz: J'ai seulement une question brève. Vous avez parlé des provinces qui ne participent pas au programme, etc. Je me demande comment vous pouvez trouver une formule pour en arriver à un montant en dollars qui soit équitable pour tout le monde. Comment en êtes-vous arrivé à ce montant?

[Français]

Mme Lorraine Pagé: Vous savez que la loi sur l'aide financière aux étudiants qui est en vigueur au Canada prévoit qu'une province qui veut administrer son propre régime d'aide peut se retirer, administrer elle-même le programme et recevoir une compensation. En mettant sur pied la Fondation des bourses d'études du millénaire, le gouvernement, dans les faits, crée un autre régime où le droit de retrait et de compensation automatique des provinces à leur demande n'existe pas.

D'abord, nous ne voudrions pas qu'il y ait un projet de bourses du millénaire, mais si le gouvernement maintient l'approche des bourses du millénaire, nous estimons que ce projet devrait être régi par les mêmes règles qui régissent le système des prêts et bourses et d'aide financière aux étudiants et que, sur demande, les provinces puissent se retirer et obtenir pleine compensation. Donc, on devrait leur remettre les sommes qui leur reviennent selon les règles habituelles, afin qu'elles administrent le régime selon leurs propres priorités.

Bien sûr, puisqu'on parle d'aide financière aux étudiantes et aux étudiants et d'enseignement supérieur, ces fonds devraient servir à l'enseignement supérieur et à l'aide financière aux étudiantes et aux étudiants. Le Québec recevant ces sommes, il pourra les affecter au financement de son régime de prêts et bourses, dont on vous a fait la preuve qu'il était plus généreux ou à tout le moins qu'il répondait mieux aux besoins de la société québécoise et des étudiantes et des étudiants eux-mêmes. Cela lui permettrait de dégager des marges de manoeuvre lui permettant de faire face à un financement adéquat du reste du système d'éducation à même ses propres budgets, soit l'école, le préscolaire, le primaire, le secondaire, l'éducation des adultes, la formation professionnelle et technique, voire même des paramètres qui sont liés à l'enseignement supérieur, c'est-à-dire à l'université.

• 1135

[Traduction]

M. Gerry Ritz: Merci.

Le président: Madame Gagnon.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Bonjour, madame Pagé. Vous avez repris plusieurs points qui ont été soulevés tout au long des témoignages que nous avons entendus et qui inquiètent les gens relativement aux bourses du millénaire. Il est clair que surtout au Québec, on ne veut qu'on nous impose les bourses du millénaire de cette façon parce qu'elles viendraient déséquilibrer tout le système de prêts et bourses du Québec.

Nous avons aussi été témoins des appuis de certaines associations canadiennes. Certains témoins en provenance du Canada voient clair dans le jeu du fédéral. J'étais très contente hier d'entendre un professeur de l'Université d'Ottawa nous dire que c'était de l'ingérence du fédéral dans un champ de compétence des provinces, un mauvais fédéralisme, un fédéralisme centralisateur, et que ce n'était pas comme ça qu'on allait respecter les volontés du Québec entre autres. Il est important de nous arrêter à ce témoignage parce que d'habitude, on dit toujours que c'est une poignée de souverainistes mécontents qui expriment de tels propos. Dans ce cas-ci, c'est un professeur de l'Université d'Ottawa qui est venu nous dire que ça n'avait pas de bon sens, cette façon de traiter le Québec. Au Québec, comme vous l'avez dit, notre système de prêts et bourses a fait ses preuves. De plus, plusieurs personnes sont venues nous dire qu'elles étaient inquiètes de la façon dont ces bourses-là seraient gérées. Puisqu'un fonds public sera géré par une fondation privée, on s'inquiète des critères qu'il utilisera. Si on adoptait le projet de loi dans sa forme actuelle, il semble qu'on n'aurait même pas la possibilité de confier au Québec l'administration de ces bourses du millénaire. J'aimerais que vous m'expliquiez cela davantage.

Ici, au comité, quand on dit qu'on ne veut pas de ces bourses et que les étudiants québécois ne sont endettés que de 11 000 $, on se fait dire qu'on n'est pas conscients de la réalité de l'endettement des étudiants. C'est parce que le Québec fait largement sa contribution au système de prêts et bourses qu'il en est ainsi. J'aimerais que vous expliquiez à nouveau ce point de vue parce qu'il est important qu'on sache que notre système est différent et qu'on doit continuer de le respecter.

Mme Lorraine Pagé: Je répondrai aux questions de Mme Gagnon en termes très généraux et je demanderai à M. Beauregard, puisqu'il est la personne-ressource attitrée à la Centrale de l'enseignement du Québec en matière d'aide financière aux étudiantes et étudiants, de vous fournir plus de précisions.

Si les étudiants du Québec sont moins endettés qu'ailleurs, ce n'est pas par l'opération de l'Esprit saint, mais parce que des mesures sont venues donner ce résultat. Les mesures sont de deux ordres.

Tout d'abord, on retrouve au Québec les frais de scolarité universitaire les plus bas au Canada. C'est une vérité de La Palice: plus les frais de scolarité sont élevés, plus les étudiants s'endettent. Quand on réussit à maintenir des frais de scolarité plus bas, on réussit à réduire la pression sur les jeunes et donc à maintenir leur endettement à un plus bas niveau.

La deuxième mesure consiste à avoir un régime de prêts et bourses généreux. Or, le régime québécois est le régime le plus généreux au Canada. Donc, quand nous disons que le Québec a fait ses preuves à cet égard, ce n'est pas parce que nous nous flattons de façon indue. Nous avons des données qui nous permettent de le démontrer.

D'ailleurs, dans le cadre des états généraux sur l'éducation qui se sont déroulés au Québec, qui ont duré deux ans et qui ont regroupé plus de 100 000 participants à un débat public et social sur l'éducation, on a mis sur pied un comité sur la révision du système de prêts et bourses au Québec. On a constaté que ce régime pouvait être amélioré à certains égards, mais certainement pas comme on le propose, par la création d'une fondation de bourses d'études du millénaire.

Je voudrais souligner qu'il y a quelques mois, je venais à Ottawa pour demander au gouvernement fédéral d'accéder au consensus social du Québec sur la question des commissions scolaires linguistiques. J'enjoins le Comité des finances de tenir compte de la même façon du consensus évident qui existe au Québec sur la question des bourses du millénaire et d'appuyer la recommandation voulant que ce régime soit assorti des droits de compensation et de retrait pour les provinces qui en feront la demande.

• 1140

Je laisse la parole à M. Beauregard pour compléter.

M. François Beauregard (conseiller, Centrale de l'enseignement du Québec): Il est exact de dire que le projet de loi C-36 interdit à la Fondation de céder en tout ou en partie les obligations qui lui incombent en matière d'octroi des bourses, ce qui signifie, à toutes fins pratiques, qu'elle ne peut pas transmettre ces fonds-là aux provinces.

Il faut comprendre que nous ne sommes pas contre le fait que le gouvernement fédéral offre des bourses au Canada et qu'il les gère si les provinces canadiennes ne veulent pas administrer elles-mêmes leurs propres programmes. D'ailleurs, il aurait très bien pu faire de sa loi sur les prêts aux étudiants une loi sur les prêts et bourses comme celle du Québec. On aurait alors transformé la loi fédérale sur les prêts aux étudiants en loi sur les prêts et bourses, et les dispositions sur le droit de retrait avec pleine compensation auraient été maintenues. Les autres provinces canadiennes auraient eu droit aux mêmes compensations qui sont prévues à la Fondation des bourses du millénaire. Quand on dit que ça va créer des complications administratives, il faut voir que déjà, on a des étudiants avec des enfants à charge qui ont jusqu'à 16 000 $ de bourses en plus du prêt. Et là le gouvernement fédéral va donner à 25 000 boursiers une somme de 3 000 $ supplémentaire.

Aucun étudiant au Canada n'obtient de son gouvernement 19 000 $ de bourse, mais je ne parle pas des bourses offertes par des fondations privées. Le Québec va donc être obligé de dire à cet étudiant-là qu'il lui coupe l'aide qu'il lui donne puisque le gouvernement fédéral lui envoie un chèque de 3 000 $. Ça n'a pas de bon sens. Ce n'est pas ça, le respect de la compétence des provinces dans leurs champs de juridiction propres.

Mme Christiane Gagnon: J'ai juste une autre petite question sur le dédoublement. On sait qu'il y a un autre aspect qui concerne les nombreuses coupures au Transfert social canadien, et nous sommes, au Québec, très sensibles à cela. On sait que cela va créer des dédoublements et du chevauchement. Avez-vous calculé combien de bourses on aura en moins? On nous a dit au comité que 5 p. 100 de la somme serait versée à l'administration. Étant donné qu'on a déjà une structure en place, si on appliquait ce 5 p. 100 à la part qui revient au Québec, combien y aurait-il de bourses en moins? Personnellement, j'ai fait un petit calcul, mais j'aimerais savoir si vous avez une idée du nombre de bourses en moins. Si on veut aider plus d'étudiants et être plus efficace dans l'endettement étudiant, je ne pense pas que le fait de donner moins de bourses soit très efficace. Pour moi, c'est plutôt un manque d'efficacité et je voudrais avoir votre avis sur cette question.

M. François Beauregard: Je n'ai pas vraiment fait le calcul, mais on sait que la Fondation va générer environ 300 millions de dollars en revenus de placements et d'intérêts. Les chiffres peuvent varier d'une année à l'autre. Donc, on peut calculer 5 p. 100 de ces 300 millions de dollars, mais je pense qu'il faudrait plutôt prendre 25 p. 100 de ces 300 millions de dollars représentant la part qui revient au Québec et calculer 5 p. 100 du 25 p. 100 des 300 millions de dollars, c'est-à-dire 5 p. 100 du quart des 300 millions de dollars. On aurait alors une bonne idée des montants qui vont être gaspillés en administration alors qu'on a déjà le personnel en place dans tous nos collèges et toutes nos universités pour administrer notre régime d'études et de bourses.

Le président: Monsieur Crête.

M. Paul Crête: Vous dites dans votre mémoire:

    En créant la fondation, le gouvernement Chrétien fait de ce mandat fondamental une responsabilité privée.

Et plus loin, vous dites:

    La CEQ ne voudrait pas d'un tel projet même s'il était proposé par le gouvernement du Québec.

Est-ce que vous pourriez élaborer sur le fait que ce projet, qu'il soit dans n'importe quel système, fédéral ou autre, est inacceptable parce qu'il mène à la privatisation de l'aide financière aux étudiants?

Mme Lorraine Pagé: C'est une objection centrale de la part de la CEQ. Les membres du comité qui ne voudraient voir dans notre opposition qu'une autre querelle fédérale-provinciale auraient une vision bien réductrice des oppositions que nous exprimons à l'égard du projet des bourses du millénaire.

L'idée même de faire qu'un objectif de société, qui est le droit à l'égalité, ne soit plus assumé par nos mandataires que sont les gouvernements, au provincial comme au fédéral, mais par des dirigeants d'entreprises, est une question qui est pour nous fondamentale. Quand il y a des fonds publics en cause, nous pensons que ce sont les élus qui doivent s'en occuper. Ce sont eux qui sont redevables devant la population, ce sont eux qui présentent des bilans au moment électoral et c'est à eux de supporter la sanction de la population sur les politiques qu'ils défendent.

• 1145

Si on confie ce mandat-là à l'entreprise privée, comment M. et Mme Tout-le-Monde pourront-ils dire au p.-d.g. de Chrysler Canada, de Ford Canada ou de GM Canada qu'ils ne sont pas d'accord sur sa façon de gérer les fonds publics ou qu'ils sont en désaccord sur les moyens utilisés pour défendre et promouvoir l'égalité des chances en éducation ou le droit à l'égalité? C'est une question extrêmement importante pour nous. Si le gouvernement du Québec nous avait présenté un projet de bourses du millénaire gérées par Lavalin, Hydro-Québec ou je ne sais trop qui, on s'y serait opposés de la même manière. C'est pour nous une responsabilité publique qui doit être assumée par des organismes publics, et il faut faire une place à des représentants de la population et du monde de l'éducation aux côtés des élus si un tel projet doit voir le jour.

Pour nous, c'est une question centrale et fondamentale qui n'a rien à voir avec les champs de compétence, mais qui a à voir avec une vision de la gestion de la chose publique et de la responsabilité sociale des gouvernements dans ces grandes questions d'égalité.

Le président: Merci, madame Pagé.

[Traduction]

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président. Je désire seulement poser une question.

Votre chiffre de 11 000 $ pour la dette moyenne était intéressant, lorsqu'on le compare au chiffre pour celle engagée dans le reste du Canada, et il en dit long sur les initiatives que la province de Québec a prises durant les dernières années pour appuyer l'éducation. Vous avez indiqué dans votre présentation, et aussi dans vos commentaires suivants, que l'une des raisons pour lesquelles ce chiffre est seulement de 11 000 $, c'est qu'il n'y avait pas de frais de scolarité dans certains établissements au Québec et que cela avait aidé.

Si nous croyons que l'éducation est cruciale pour le développement économique et qu'il y a quelques années, nous estimions que 12 années d'études étaient nécessaires pour qu'une personne soit un citoyen qui contribue à la société, je pense que nous pouvons dire aujourd'hui, des décennies plus tard, que nous conviendrions probablement que 14 ou 16 années de formation ou d'études seraient absolument nécessaires pour qu'une personne soit un citoyen qui contribue à la société dans une économie fondée sur l'information, notamment aux XXIe siècle.

Compte tenu de ces commentaires, seriez-vous d'accord pour dire qu'il vaudrait la peine que les gouvernements provinciaux, de préférence avec l'aide du gouvernement fédéral, éliminent entièrement les frais de scolarité, pour supprimer tout cet obstacle—quoiqu'il puisse être minime pour certaines personnes, mais important pour d'autres—de simplement abolir les frais de scolarité, comme bon nombre de pays l'ont fait depuis de nombreuses années?

[Français]

Mme Lorraine Pagé: Effectivement, la CEQ défend depuis plusieurs années la gratuité universitaire qui existe dans certains pays industrialisés comme la France. La CEQ pense aussi qu'une véritable stratégie de lutte à l'endettement des étudiantes et des étudiants doit nécessairement passer par une offensive du côté du financement de l'enseignement supérieur afin de diminuer les frais de scolarité dans un premier temps et de viser la gratuité scolaire à moyen terme.

C'est pour nous une question importante, centrale, et nous trouvons même que le débat au Canada, mais aussi dans certaines provinces, y compris la nôtre, tourne maintenant autour de considérations sur la gestion de la dette étudiante plutôt que de poser la question de fond, qui est de se demander ce qu'il faut faire pour que les jeunes soient moins endettés ou qu'ils gèrent mieux leurs dettes afin d'arriver sur le marché du travail sans traîner le fardeau d'une dette.

Nous faisons partie d'une génération qui est arrivée sur le marché du travail avec une dette pratiquement inexistante parce que nous avions des frais de scolarité fort bas. En tout cas, cela a été mon cas et le cas de la plupart des personnes de ma génération avec la Révolution tranquille et l'accès accru à l'université.

Nous donnons à nos jeunes, aux générations qui nous suivent, un héritage qui est parfois fort lourd à porter puisqu'ils arrivent sur le marché du travail avec une dette qui est, au Québec, encore très importante. Au Québec, la dette est d'environ 11 000 $ en général, et cela représente un gros montant pour un jeune qui commence à travailler. Alors, imaginez ce que cela peut être dans d'autres provinces quand la dette des étudiants atteint 20 000 $ ou 25 000 $. Je crois qu'il y a vraiment un coup de barre à donner de ce côté-là et que le rétablissement du niveau des paiements de transfert en éducation permettra aux provinces—le Québec aussi bien que toutes les autres—d'avoir une action beaucoup plus efficace à cet égard.

• 1150

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Riis.

Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: Merci.

[Français]

Monsieur Beauregard, croyez-vous qu'il existe un problème d'endettement chez les étudiants québécois?

M. François Beauregard: Oui, bien sûr, il y a un problème d'endettement. Il y a certaines catégories d'étudiants qui sont plus endettés que d'autres et il y a certainement des améliorations à apporter au régime québécois. Cependant, le niveau d'endettement des étudiants québécois n'est pas comparable au niveau d'endettement des étudiants des autres provinces parce que le Québec a mis en place un régime de bourses au début des années 1960. Mais il est exact que certains étudiants éprouvent des difficultés particulières. On pense, par exemple, aux familles monoparentales qui ont des charges lourdes à assumer et qui doivent étaler leurs études sur de plus longues périodes. Ces gens-là pourraient bénéficier d'améliorations au régime d'aide financière.

Mme Paddy Torsney: Alors, madame Pagé, pourquoi dites-vous qu'une bourse de 3 000 $ à un étudiant québécois est un montant supérieur à ce qui est nécessaire? Vous avez dit cela, n'est-ce pas?

Mme Lorraine Pagé: Oui. Parce que c'est un programme qui est régi de façon univoque dans l'ensemble du Canada sans vraiment que nous ayons de prise véritable sur l'attribution de ces sommes. Je vous rappelle que les bourses du millénaire ne seront pas attribuées seulement sur la base des besoins, mais aussi sur la base du mérite. Quelles garanties nous donne le Fonds des bourses du millénaire, qui est un programme qui s'adresse de la même façon à toutes les provinces et qui est géré par des dirigeants d'entreprises? Quelles garanties avons-nous que les mesures qui seront mises de l'avant seront adaptées à la réalité des étudiants et des étudiantes québécoises?

Nous disons qu'il faudrait donner aux provinces la possibilité de se retirer du projet avec compensation et d'établir avec ces sommes-là le régime qui sera le plus performant chez elles, pour tenir compte de la particularité de leur clientèle et des besoins spécifiques de certaines clientèles. Cela permettra de faire que les ajustements et les améliorations qui doivent être apportés au régime québécois le soient pour les clientèles qui ont besoin d'une amélioration. M. Beauregard a donné un exemple, celui des familles monoparentales pour lesquelles il faudrait apporter certaines améliorations.

M. François Beauregard: J'aimerais compléter, si vous me le permettez.

Puisque le projet de loi C-36 prévoit qu'il y a deux critères, le besoin et le mérite, il est certain que les bourses qui seront décernées au Québec seront attribuées à des étudiants qui sont déjà des boursiers parce que ce sont ceux-là qui sont en plus grande difficulté financière. En effet, au Québec, pour avoir accès à la bourse, il faut d'abord avoir eu accès au prêt. On a accès à la bourse seulement si sa condition financière le justifie.

Je voudrais vous donner un exemple concret. Un étudiant reçoit du gouvernement 3 000 $ de prêt et 16 000 $ de bourse compte tenu de sa situation. La Fondation va donner 3 000 $ de plus à l'étudiant qui reçoit déjà du Québec 16 000 $ de bourse. De plus, ce ne sont pas tous les étudiants boursiers qui vont recevoir de l'argent de la Fondation puisqu'il y aura seulement 25 000 des 75 000 boursiers qui vont en recevoir. Cela va créer des distorsions dans le régime et le gouvernement du Québec va être obligé de modifier son règlement pour réduire l'aide qu'il donne déjà à ses étudiants. Je ne sais pas si mon explication est bien claire. Est-elle claire?

Nous n'avons rien contre le fait que les étudiants reçoivent des bourses de 3 000 $, mais ceux qui vont recevoir des bourses de 3 000 $ ne seront pas ceux qui reçoivent seulement des prêts; ce seront ceux qui reçoivent déjà des bourses. C'est la raison pour laquelle nous disons qu'il y a dédoublement. Au Québec, la situation n'est pas du tout la même que dans les autres provinces canadiennes, où les étudiants n'ont accès qu'à des prêts.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: Permettez-moi de préciser une chose. Vous êtes une organisation qui représente des enseignants. Qui d'autre? Votre organisation est surtout concentrée sur les niveaux primaire et secondaire. N'est-ce pas?

[Français]

Mme Lorraine Pagé: La CEQ représente tous les enseignants des écoles primaires et secondaires du Québec. Elle représente également des enseignants de niveau collégial et des chargés de cours de niveau universitaire.

• 1155

Elle représente également le personnel professionnel des écoles primaires et secondaires et de la majorité des collèges ainsi que des professionnels dans les universités, le personnel professionnel étant le corps d'emploi où l'on retrouve les conseillers à l'aide financière aux étudiantes et aux étudiants. Ce sont donc des membres de la CEQ qui jouent le rôle de conseillers au chapitre de l'aide financière dans les collèges et les universités. C'est la raison pour laquelle c'est un dossier que nous avons toujours suivi de très près. Les comités qui ont été mis sur pied au Québec sur la question de l'aide financière du régime de prêts et bourses ont toujours fait une place importante aux professionnels de ces questions, puisque ce sont ces personnes qui, quotidiennement, sont en contact avec les étudiantes et les étudiants et sont à même de bien saisir à la fois la mécanique du régime et ses effets sur les étudiantes et les étudiants.

C'est donc à cause de ces éléments de représentativité que nous avons développé un intérêt particulier pour toute la question de l'aide financière. De plus, bien sûr, comme nous sommes la centrale syndicale qui représente la plus grande proportion du personnel de l'éducation au Québec, nous avons toujours suivi de très près toutes les questions relatives à l'éducation.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: Merci.

Avant de poser ma prochaine question, je voulais simplement vérifier la traduction. Au début, je pense que le témoin a déclaré qu'ils étaient des professionnels qui oeuvraient dans les universités, et non des professeurs d'université. Je pense que la traduction a laissé entendre qu'ils étaient aussi des professeurs. Pouvons-nous seulement clarifier ce point, s'il vous plaît?

[Français]

Les professionnels dont vous parlez sont-ils des professeurs d'université ou simplement des gens qui travaillent dans une université?

Mme Lorraine Pagé: Nous avons les deux. Nous avons aussi des chargés de cours à l'université. Les professeurs d'université ne sont pas affiliés à des centrales syndicales. Ils sont regroupés au sein d'une fédération. Le président de cette fédération est venu la semaine dernière devant le Comité des finances. Mais nous avons des chargés de cours à la CEQ, et nous avons également du personnel professionnel.

Mme Paddy Torsney: Merci. Je pense qu'il y a eu un problème de traduction.

[Traduction]

Je pense alors être un peu perplexe. Je vous ai presque entendu dire que les étudiants québécois s'opposeraient peut-être à voir réduire leurs dettes de milliers de dollars. En fait, vous présentez des arguments pour une augmentation des transferts qui vont directement aux provinces plutôt que de donner de l'argent directement aux étudiants des universités et des collèges.

J'ai tendance à penser, avec cynisme, que vous désirez peut-être obtenir en fait plus d'argent pour tout le reste du système dont bénéficient vos membres, tandis que notre objectif est d'aider les étudiants eux-mêmes, qui nous ont effectivement dit qu'il y a un grave problème, tant au Québec qu'à l'extérieur de cette province, ou autrement dit dans tout le pays. Serait-ce cynique de ma part de penser que peut-être vous tentez d'obtenir plus d'argent pour votre propre organisation?

[Français]

Mme Lorraine Pagé: Non. Je crois que vous n'avez pas raison, cela pour la raison suivante. J'ai bien précisé au début de mon intervention que nous demandions le droit de retrait pour le Québec avec pleine compensation, mais quand on parle du Québec, on parle de toutes les provinces parce que c'est un champ de compétence provincial. La loi actuelle sur les prêts étudiants prévoit qu'une province peut se retirer du programme avec compensation. Nous voulons que la question des bourses soit régie de la même manière et que les provinces puissent donc se retirer avec compensation. J'ai dit que ces sommes-là seraient affectées à l'aide financière aux étudiantes et étudiants et à l'enseignement supérieur. Je n'ai pas dit que c'était pour l'école primaire, pour l'école secondaire ou pour les collèges; j'ai parlé de l'enseignement supérieur et de l'aide financière aux étudiantes et aux étudiants.

Le Québec dépense 520 millions de dollars dans son régime d'aide financière et il reçoit aujourd'hui 90 millions du fédéral. Il est évident que, s'il en reçoit plus du fédéral, cela lui permettra d'avoir une marge de manoeuvre pour financer adéquatement d'autres réalités. La tâche des enseignantes et des enseignants s'est beaucoup détériorée et les services se sont beaucoup détériorés dans les universités, compte tenu de la diminution des transferts. Cela viendrait donc accroître la marge de manoeuvre des provinces, et au premier titre celle du Québec puisque nous venons au nom du Québec, qui seraient alors mieux en mesure d'améliorer la situation de financement général de l'enseignement supérieur.

• 1200

Les sommes seraient dévolues à l'aide financière. Comme je l'ai précisé dans mon exposé, c'est ainsi que nous voyons les choses. Toutefois, le Québec agirait selon les priorités établies avec le monde de l'éducation.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: Eh bien, permettez-moi de clarifier une chose pour vous. En fait, ce n'est pas un programme gouvernemental; il s'agit d'une fondation sans lien de dépendance. C'est là où réside le soutien des sociétés. Les sociétés et d'autres peuvent donner de l'argent à la fondation pour accroître le montant d'argent accessible.

Je vous dirai que la méthode utilisée est effectivement très semblable à celle prévue pour les conseils qui accordent des subventions à la recherche. Bien sûr, les professeurs d'université, les étudiants au doctorat, etc. au Québec le savent aussi très bien. Cela est en fait très semblable.

De plus, pour ce qui est des priorités du Québec, le gouvernement doit prendre des décisions. En ce qui concerne le choix de ses dépenses et l'affectation de ses crédits, cela est tout à fait indépendant de notre volonté.

Que penser de cette affirmation voulant qu'une province qui obtient davantage en transferts que l'on n'en perçoit en impôts soit grandement en difficulté dans son secteur universitaire alors qu'il a été précisément décidé de ne pas accroître le financement aux universités durant un certain nombre d'années en faveur de dépenses faites dans d'autres domaines avec lesquelles je pourrais ne pas être d'accord.

Nous n'exerçons aucun contrôle, et nous écoutons donc les étudiants. C'est là où, selon moi, il y a méprise de votre part quant à la raison de ce fonds. Cette petite somme d'argent vise à répondre à la demande que nous ont faite les étudiants au cours des consultations qui ont précédé le budget. Des étudiants de tout le pays ont déclaré que nous devrions leur donner l'argent pour leur venir en aide et pour leur permettre d'avoir un avenir meilleur. Je pense que c'est ce que vous voulez aussi—du moins, j'espère que c'est ce que vous désirez pour eux.

Ils nous ont demandé de verser l'argent de cette manière. La question n'est pas qu'une certaine société contrôle cet argent. Il s'agit d'une fondation. Elle est administrée en vertu d'ententes. En fait, les critères seront très semblables à ceux prévus par le Fonds canadien de prêts aux étudiants, par les prêts étudiants du Québec, et par les autres qui existent dans les provinces. C'est pour répondre à la demande des étudiants. De cette façon très directe, nous pouvons nous occuper de leurs problèmes.

Devrait-on agir dans d'autres domaines? Peut-être. Mais une fois de plus, lorsque nous transférons le CHSC à la province de Québec, celle-ci prend ses décisions à partir de ce montant versé. Je serais d'accord avec certaines de ces décisions et non avec d'autres. Donc, nous répondons dans ce cas-ci directement à la demande des étudiants. C'est la raison de ce fonds.

Soit dit en passant, ce n'est pas la seule chose qui concerne les étudiants et les provinces dans le budget; ce n'est qu'une partie.

[Français]

Mme Lorraine Pagé: Les étudiants du Québec font partie de la coalition qui rassemble la CEQ, la Fédération des professeurs d'université, la Fédération des cégeps, la Conférence des recteurs d'université du Québec et la Fédération des commissions scolaires. Tout ce beau monde, y compris les étudiants du Québec, s'entend pour être en désaccord sur le projet de la Fondation des bourses du millénaire. Vous avez le droit de continuer à dire que c'est un bon projet, mais tout le monde, au Québec, vous dit que ce n'est pas un bon projet.

Deuxièmement, si c'est véritablement une question d'égalité des chances en éducation, c'est une responsabilité étatique. Nous sommes contre le financement privé des responsabilités publiques. D'ailleurs, durant les premières années de cette fondation, le gouvernement fédéral en serait partie prenante.

Donc, vous voyez que plus on en parle, plus les problèmes surgissent. De l'argent du fédéral sera géré par le secteur privé. Nous sommes contre cela. Au bout de 10 années, le fédéral s'en retirera et il ne restera que des fonds privés gérés par le secteur privé. Nous sommes contre quand il s'agit de l'égalité des chances, parce que l'égalité des chances doit être la responsabilité des États.

Le projet de bourses du millénaire, à notre avis, n'est pas un bon projet. Qu'il soit initié par le gouvernement fédéral ou par le gouvernement provincial, nos objections sont les mêmes sur cette question de fond.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: Alors, vous êtes donc aussi en désaccord avec les organismes subventionnaires, avec leur système? En ce qui concerne le Conseil de recherches médicales du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, vous êtes aussi en désaccord avec ces fonds?

• 1205

[Français]

Mme Lorraine Pagé: Je pense qu'il ne faut pas mêler les patates et les carottes. Vous parlez de soutien à la recherche et au développement. Nous n'avons jamais rejeté l'idée que la recherche universitaire, par exemple, puisse compter sur un certain nombre d'appuis. Mais quand on parle d'accessibilité des études, nous croyons qu'il faut favoriser l'intervention de l'État, financée à même les fonds publics, parce que le droit à l'égalité, à l'égalité des chances en éducation ou dans d'autres secteurs d'activité, doit être reconnu comme une des premières responsabilités des États.

Cette approche, qu'on veut adopter ici, n'est pas propre au gouvernement fédéral; d'autres gouvernements empruntent cette voie-là. C'est un choix sur lequel nous sommes en désaccord. Nous l'exprimons. Nous croyons que c'est une façon de privatiser des obligations sociales, des obligations d'intérêt public et nous émettons des objections à cet égard.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: Puis-je aussi faire consigner simplement au compte rendu que le professeur Lemelin est en fait d'accord avec le fonds? Donc, je pense qu'il n'y a pas une parfaite unanimité au Québec.

Le président: Merci. Je désire ici faire seulement une observation finale. Au comité des finances, on entend souvent divers points de vue et diverses perspectives sur les questions. Puisque nous traitons de questions liées aux politiques, l'une des choses que nous faisons réellement à la fin, lorsque tout a été dit et fait et que tous les points de vue ont été exprimés—j'ajouterai que vous avez exprimé, à mon avis, de manière très éloquente votre point de vue, et que vous avez certes votre perspective—il y a une question finale que je me pose souvent, en guise de test sur lequel tout repose pour toute politique publique: est-ce que cela, finalement, améliore la qualité de vie des gens?

Dans la présente situation, la qualité de vie et les possibilités pour les jeunes gens sont-elles améliorées? Je ne suis pas convaincu qu'elles ne le soient pas, parce que je pense qu'elles le sont. Je pense que lorsqu'on fait ce genre d'investissement de plus de deux milliards de dollars en bourses, il faut admettre que des possibilités sont données à 100 000 jeunes gens.

C'est là où j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi vous êtes si opposés à ce projet. Je comprends les aspects du double emploi et de la politique que comporte cette question, mais si on s'y arrête un instant, croyez-vous qu'il passe le test décisif que j'ai précisé? Améliore-t-on la qualité de vie de ces 100 000 jeunes gens qui bénéficieront de ce programme? N'y pensez-vous aucunement?

[Français]

Mme Lorraine Pagé: Ce que nous avons dit dans notre mémoire et répété aujourd'hui, c'est que nous voudrions que ces sommes qui seraient mises à la disposition des étudiantes et des étudiants pour améliorer leur sort—c'est ce que vous nous dites—soient soumises aux règlements qui existent concernant les prêts, donc que les provinces puissent se retirer du programme avec compensation et les administrer.

Ainsi, il entrera de l'argent. Cet argent sera alloué aux étudiantes et aux étudiants, puisque nous parlons du régime d'aide financière. Or, le régime d'aide financière au Québec ne prévoit pas que des prêts; il prévoit aussi des bourses.

Les étudiants au Québec sont associés beaucoup plus étroitement à la configuration du régime d'aide financière, à son évolution, à sa gestion, aux modifications qui lui sont apportées qu'ils le seront au sein du conseil d'administration de la Fondation. Au Québec, les étudiants participent à des comités d'étude sur le régime d'aide financière. Ils sont capables d'influencer beaucoup plus directement l'évolution des choses qu'ils le seront dans la Fondation des bourses du millénaire, régime pancanadien dans lequel, dans 10 ans, l'administration publique n'aura plus un mot à dire parce qu'il sera sous le seul contrôle des dirigeants d'entreprise.

Nous croyons que les sommes peuvent être bienvenues, qu'elles sont sûrement utiles, qu'elles seront nécessairement bien utilisées, mais que cela doit se faire selon les règles qui régissent les compétences respectives du fédéral et du provincial en éducation.

• 1210

Nous croyons que la régime d'aide financière au Québec pourra ainsi être encore amélioré et permettra aux étudiants et aux étudiants d'améliorer leur situation. On leur donnera en plus l'assurance qu'ils resteront beaucoup plus étroitement associés à la configuration du régime, à son évolution et à sa gestion.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie beaucoup.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Puis-je faire un court commentaire?

[Traduction]

Le président: Oui, allez-y.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Merci. J'ai entendu beaucoup de témoins du milieu de l'éducation qui sont venus nous dire, entre autres hier les représentants de l'Ontario Community College Student Parliamentary Association, que justement ils entretenaient des craintes concernant la façon dont le conseil d'administration serait constitué et concernant la transparence de la gestion des bourses. Ils sont aussi venus nous dire que le critère du mérite leur posait des appréhensions.

Je n'ai donc pas entendu que de belles paroles. Il y a des gens au Canada anglais, ailleurs qu'au Québec, qui sont inquiets quant à la gestion des 2,5 milliards de dollars.

Je vais faire un peu d'histoire. Ce n'est pas la première fois que le fédéral fait montre de sa manie de vouloir intervenir dans les champs de compétence des provinces. En 1953, on a voulu le faire sous le premier ministre fédéral Louis Saint-Laurent. On s'est battu au Québec pour refuser et pour faire en sorte qu'on décentralise en donnant l'argent aux provinces. La même chose s'est produite sous Lester B. Pearson. C'est donc la troisième fois qu'il y a une tentative vigoureuse d'envahir les champs de compétence des provinces.

Je tenais à le dire, car moi qui suis le comité avec M. Crête très fidèlement, j'ai pu me rendre compte qu'il y avait divers sons de cloche; on a exprimé des avis disant que cette fondation des bourses du millénaire n'est pas aussi rose qu'on tente de nous le faire croire.

[Traduction]

Le président: Merci.

Je vous remercie tous. Vous avez certes suscité un débat, ce qui est toujours sain dans le cadre du processus démocratique.

Nous allons lever la séance pendant cinq minutes.

• 1212




• 1216

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Je déclare la séance ouverte.

[Français]

Maintenant, nous entendrons M. Bernard Normand et M. Robert Martin de l'Institut canadien d'éducation des adultes. Ils se partageront une période de dix minutes.

M. Bernard Normand (directeur général, Institut canadien d'éducation des adultes): Nous tenons d'abord à vous remercier, membres du comité parlementaire, de nous permettre d'apporter nos observations, commentaires et propositions au sujet du projet de loi C-36.

D'entrée de jeu, indiquons que nous limiterons nos commentaires à la partie 1 de ce projet, qui porte sur la Fondation canadiennes des bourses d'étude du millénaire et que le fil conducteur de notre présentation sera constitué par l'examen de trois conditions de l'exercice du droit à l'éducation dans le contexte actuel.

Ces conditions sont pour nous l'accès réel aux études postsecondaires, l'application du principe de l'égalité des chances et le respect de la diversité des besoins des personnes et, en corollaire, des compétences reconnues des pouvoirs publics pour répondre à ses besoins.

Ce sont trois composantes du droit à l'éducation qui, pour nous, se rattachent au tronc commun des traditions démocratiques canadienne et québécoise et sont depuis cinq décennies, depuis 1946, au coeur de la mission et des actions de l'Institut canadien d'éducation des adultes. Notez le mot «canadien» dans notre nom qui renvoie au fait qu'hier comme aujourd'hui nous oeuvrons, en matière d'éducation des adultes, à la promotion des intérêts tant de la population québécoise que de la population canadienne de langue française des autres provinces.

L'Institut canadien d'éducation des adultes est un organisme sans but lucratif et non gouvernemental qui est fait d'une force rassemblant plus de 80 organismes provenant des institutions d'enseignement et du réseau de la formation professionnelle des organisations syndicales populaires et communautaires ainsi que d'individus engagés dans le domaine de l'éducation permanente.

Ajoutons que nous sommes aussi actifs comme organisme-conseil au sein de réseaux internationaux tels que l'UNESCO et le Conseil international d'éducation des adultes. C'est d'ailleurs en lien avec cette expertise que nous avons réalisé avec la Canadian Association for Adult Education un Aperçu des tendances en éducation et en formation des adultes au Canada ayant servi de document de référence lors de la Cinquième Conférence internationale de l'éducation des adultes de l'UNESCO, tenue à Hambourg en juillet dernier.

Après cette présentation, entrons dans le vif du sujet. D'abord, nous croyons important de partir des réalités qui sont à la base de ce projet de loi, c'est-à-dire les personnes. Un bref examen de la situation nous oblige à constater les difficultés majeures et croissantes qui s'imposent, depuis ces dernières années, aux personnes voulant réaliser ou étant en train de réaliser des études postsecondaires au Canada.

• 1220

Celles-ci découlent, entre autres, d'obstacles structurels en matière d'accès à l'éducation de niveau collégial et universitaire et se traduisent, de manière générale, par une détérioration des conditions de vie des étudiants et des adultes poursuivant des études supérieures.

En matière d'accessibilité, disons d'abord que nous sommes d'accord sur l'observation toute récente de M. Paul Martin, qui disait que les membres de familles à faible revenu sont sous-représentés dans nos établissements d'enseignement supérieur. Nous y reviendrons.

En ce qui concerne la hausse du coût des études et la détérioration des conditions de vie des personnes inscrites aux études postsecondaires à temps plein ou à temps partiel, nous voyons de nombreux faits attestant ces phénomènes.

À titre d'illustration, rappelons quelques données. Les droits de scolarité moyens des étudiants de premier cycle à temps plein dans les universités canadiennes ont augmenté de manière importante au cours de la dernière année seulement, de 1996 à 1997, dans toutes les provinces à l'exception du Québec: par exemple, 18 p. 100 à Terre-Neuve, 10 p. 100 en Ontario et 8 p. 100 en Alberta et au Nouveau-Brunswick.

En 1996-1997, la dette moyenne des étudiants ayant complété un premier cycle universitaire était de 11 227 $ au Québec et entre 17 181 $ et 24 818 $ dans les autres provinces canadiennes.

Au Québec, où la situation est relativement moins dégradée, la dette moyenne d'un étudiant universitaire a néanmoins augmenté de 31 p. 100 entre 1991 et 1996, ce qui, avec les difficultés du marché de l'emploi, a obligé 10 fois plus d'étudiants, c'est-à-dire de 2 000 à 20 000, à participer à un programme de remboursement différé de leurs prêts. Ces faits témoignent des reculs au sein de la société canadienne en matière de démocratisation et de droit effectif à l'éducation.

Ceci a des causes. Une des principales a été la réduction dramatique, par le gouvernement fédéral, des paiements de transfert aux provinces en matière d'éducation postsecondaire, de santé et d'aide sociale, dont le point culminant a été, comme vous le savez, le 1er avril 1996, le passage du Régime d'assistance publique du Canada, le RAPC qui existait depuis 1966, au Transfert social canadien.

Cette réduction des paiements de transfert s'est traduite par une baisse majeure de revenus pour les provinces, d'environ 7 milliards de dollars, si l'on prend comme point de référence les transferts de 1994-1995, qui étaient d'environ 19,3 milliards de dollars, et ceux de cette année, qui sont de l'ordre 12,5 milliards de dollars.

Nous devons terminer cette brève mise en contexte par un double constat. Premièrement, les décisions budgétaires et fiscales du gouvernement fédéral ont directement contribué, au cours des dernières années, à la détérioration des conditions de vie des étudiants et des réseaux publics d'éducation sous juridiction provinciale.

D'autre part, ces mêmes autorités fédérales semblent appeler aujourd'hui, dans le cadre du projet de loi C-36, à un changement de cap en parlant, et je cite l'article 5 du projet de loi C-36, de:

    ...améliorer l'accès à l'éducation de niveau postsecondaire et de permettre ainsi aux Canadiens d'acquérir les connaissances et compétences nécessitées par une économie et une société en évolution,...

Devant un tel revirement de situation, vous comprendrez que, comme plusieurs citoyens et représentants d'organismes communautaires et syndicaux, nous soyons perplexes et souhaitions aller au-delà des énoncés de principes louables et des annonces de déboursés généreux du ministre des Finances du Canada. C'est ce que nous allons faire brièvement en examinant plus minutieusement certains articles de ce projet de loi C-36.

Au paragraphe (1) de l'article 5, nous retrouvons, en lien avec la mission de la Fondation, les deux grands critères de base qui donnent accès aux ressources de celle-ci:

    ...la fondation a pour mission d'accorder des bourses d'études à des étudiants qui ont besoin d'aide financière et qui font la preuve de leur mérite.

• 1225

Ici, dans la foulée des remarques fort judicieuses, à notre avis, de la Fédération étudiante universitaire du Québec, nous croyons qu'un système d'aide financière aux études doit avant tout garantir le droit d'accès à l'éducation, un droit social et économique reconnu au plan international et ayant donné lieu à une adhésion du Canada en 1976. Je fais allusion ici au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il nous apparaît dangereux de mêler ensemble, ou pire de mettre sur un même pied, comme semblent le faire l'article 5 et les autres dispositions de ce projet, cette fonction première du droit d'accès aux études, fondement d'une réelle démocratisation de l'éducation, et une autre fonction consistant à récompenser des performances scolaires exceptionnelles, bien que cette dernière soit une fonction valable et doive être reconnue. Cependant, dans le cadre d'une société libre et démocratique axée sur l'égalité des chances, il nous apparaît fondamental d'accorder, d'une manière nette et prépondérante, la priorité à la prise en compte des besoins d'aide financière des personnes.

À cet égard, ce projet de loi nous inquiète, d'autant plus que le paragraphe 27(2) stipule que la Fondation pourra octroyer jusqu'à 5 p. 100 du montant annuel en bourses d'études à des personnes «qui font la preuve d'un mérite exceptionnel, sans toutefois qu'elles aient besoin d'aide financière.» De plus, plusieurs autres composantes majeures de ce projet de loi ouvrant la porte en termes d'admissibilité sont relativement imprécises et sont laissées à la seule discrétion de cette fondation.

Nous arrivons ici au noeud du problème posé par la nature et la constitution de cette fondation. En effet, plusieurs des articles de ce projet de loi indiquent de manière claire que nous aurions affaire ici à une fondation privée qui pourrait gérer 2,5 milliards de dollars de nos taxes sans vraiment être imputable et en ayant une très importante marge de manoeuvre ouvrant sur de nombreuses possibilités d'arbitraire, étant donné ses balises floues du genre «La fondation accorde des bourses d'études, de façon juste et équitable, à travers le Canada».

À notre avis, trois questions politiques et juridiques se posent dans le contexte constitutionnel canadien. La nature privée plutôt que publique de cette fondation ne risque-t-elle pas de nous éloigner davantage de la réalisation effective de l'objectif, pourtant proclamé par le ministre des Finances, de l'égalité des chances? C'est la première question.

Voici la deuxième. Nos représentants démocratiquement élus au Parlement canadien n'auraient-ils pas très peu de prise sur la gouvernance privée d'une telle corporation au centre même de notre système d'éducation supérieure?

Troisièmement, l'entrée dans la sphère privée de cette nouvelle fondation ne l'exclurait-elle pas de facto des recours de droit en vertu de la Charte canadienne des droits et liberté, étant donné le domaine d'application de celle-ci, soit les rapports entre les personnes et les gouvernements fédéral et provinciaux?

Comme nous devons malheureusement répondre «oui» à ces trois questions de nature politique et juridique de la plus haute importance, nous sommes convaincus que l'adoption du projet de loi C-36 tel quel marquerait pour la société canadienne un net recul quant aux conditions d'exercice du droit à l'éducation et quant au contrôle démocratique par nos élus du Parlement canadien d'une partie significative de nos impôts. Il s'agirait, selon nous, d'une régression majeure au moment même où le Canada, comme d'autres pays du monde, se pose de plus en plus la question de la réappropriation par les États démocratiques des pouvoirs laissés trop souvent aux seules forces privées du marché. Après la formule célèbre no taxation without representation reprise par les fondateurs de la démocratie canadienne et québécoise au XIXe siècle, ne faut-il pas lancer aujourd'hui taxation demands representation?

• 1230

Abordons maintenant très brièvement une question qui a été soulevée par beaucoup d'autres intervenants du Québec, soit le contexte des rapports entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Disons-le franchement au point de départ: nous avons étudié les arguments du gouvernement fédéral tels que la promotion de l'égalité des chances comme motif principal d'intervention législative, la flexibilité permise par les articles 28 et 29 en matière d'ententes possibles de la Fondation avec les provinces, ou encore la théorie des compétences provinciales-fédérales partagées dans la sphère de l'éducation. Aucun de ces arguments ne nous paraît convaincant. Nous croyons plutôt qu'en vertu de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 et d'ententes telles que celle entre Québec et Ottawa en 1964 en cette matière, l'éducation a été et demeure toujours un champ de compétence exclusive—certains diront prépondérant—des provinces au Canada, et que les interventions du gouvernement fédéral qui peuvent exister dans ce domaine exigent un ou des accords explicites avec les pouvoirs provinciaux.

Partant de ce fait, des acquis nombreux du système d'éducation et des volontés exprimées par les premiers ministres du Canada et du Québec le 30 mars dernier d'en arriver à une entente, nous souhaitons vivement que se concrétise cette entente dans le respect des juridictions reconnues, avec l'objectif central de l'amélioration des conditions de vie des personnes aux études postsecondaires à temps plein et à temps partiel.

En terminant, voici nos deux recommandations.

L'Institut canadien d'éducation des adultes recommande au Comité permanent des Finances de proposer des amendements au projet de loi C-36 afin que la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire soit une administration publique assujettie au contrôle démocratique des élus du Parlement fédéral canadien ayant pour mission de soutenir les étudiants en fonction du besoin d'aide financière.

L'Institut canadien d'éducation des adultes recommande au Comité permanent des Finances de proposer des amendements au projet de loi C-36 permettant un droit de retrait avec pleine compensation financière à toute province qui gère ou voudrait gérer un programme d'aide financière aux étudiants.

Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup, monsieur Normand.

Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon: Vos recommandations vont à peu près dans le même sens que les revendications de la CEQ et celles des fédérations des étudiants, des collèges et des universités, et de beaucoup d'acteurs au Québec. J'espère que notre comité donnera suite à la recommandation qui nous a été faite par plusieurs groupes venant du Québec et du Canada qui demandent au gouvernement de respecter les champs de juridiction des provinces. Pas plus tard qu'hier, on nous disait même que c'était un mauvais fédéralisme et qu'on ne tenait pas compte de l'essence même du fédéralisme qui doit s'adapter aux réalités vécues par les provinces. On s'oppose à fond de train à la façon dont la centralisation des décisions se fait au gouvernement canadien.

Plusieurs intervenants ont exprimé certaines des inquiétudes que vous avez soulevées, surtout en ce qui a trait à l'égalité des chances et à la gestion de la fondation par on ne sait qui, par 15 personnes dont six seraient nommés par le gouvernement. Je ne sais trop quelle question vous poser puisqu'on a déjà fait état de la réalité du Québec et de celle des autres provinces du Canada.

En donnant aux provinces qui le désirent le droit de se retirer, on tiendrait vraiment compte des réalités qu'on y vit. Pour le Québec, ce serait une façon d'être plus équitable dans le secteur de l'éducation. Souvent, on nous donne l'image des étudiants du Québec qui ne sont endettés que de 11 000 $ et on dit que les 3 000 $ auraient plus d'impact pour eux que pour des étudiants de la Colombie-Britannique dont la dette est de 25 000 $. C'est un peu cela le raisonnement. Je voudrais que vous donniez des arguments face au raisonnement qu'on essaie de nous passer lors des périodes de questions aux différents témoins.

• 1235

Quel serait l'impact au Québec de donner 3 000 $ de bourse à un étudiant qui est endetté, en moyenne, de 11 000 $? Croyez-vous que dire «non» aux bourses du millénaire de la façon dont le Québec le propose, c'est dire «non» à la baisse de l'endettement des étudiants?

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Normand.

M. Bernard Normand: À cette question, je répondrai qu'il est évident que nous souhaitons qu'il y ait un maximum de ressources qui soient dévolues aux étudiants. S'il y a, comme nous le souhaitons, entente entre le gouvernement du Québec et les gouvernements provinciaux pour permettre aux étudiants d'améliorer leurs conditions de vie qui sont de plus en plus déplorables, nous y sommes tout à fait favorables.

Évidemment, nous n'avons pas dit que nous étions contre la totalité du projet qui est présenté. Nous disons que des amendements majeurs doivent être faits pour respecter les traditions démocratiques, pour respecter le droit constitutionnel canadien, pour respecter ce qui nous apparaît sensé, c'est-à-dire agir en respectant les compétences existantes et permettre d'activer, dans un esprit d'élargissement de la démocratie, l'article 15 de la Charte de 1982 qui pose la question de l'égalité des chances.

Je crois donc que le projet de loi C-36, dans sa première partie, va à l'encontre d'un élément de la tradition démocratique canadienne.

Mme Christiane Gagnon: J'aimerais poser une autre question. Hier, un intervenant de l'Université d'Ottawa qui est venu nous parler allait dans le même sens que vous sur la recommandation du droit de retrait. Il est venu nous dire que, voyant le gouvernement mettre sur pied une fondation composée de membres nommés par le gouvernement, il se posait des questions sur la partisanerie d'un tel projet de loi. Il disait que les fonds publics devraient plutôt être gérés par des gens qui sont élus. Il n'y a pas de transparence dans ces bourses. Nous voulons savoir comment cet argent est dépensé. Nous avons assez souffert des coupures du Transfert social canadien partout dans le Canada et au Québec et nous sommes plus particulièrement sensibles à l'impact du Transfert social canadien sur l'éducation, la santé et la sécurité du revenu. Il faut donc que l'on fasse preuve de sérieux et de responsabilité dans la gestion de ces 2,5 milliards de dollars. S'il vous plaît, est-ce que vous pourriez écouter? Je pose des questions, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Je voudrais parler.

Mme Christiane Gagnon: Oui, mais vous êtes la présidente.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Oui, mais j'aimerais clarifier une autre chose maintenant.

Monsieur Normand.

M. Bernard Normand: Vous me permettrez de mettre le doigt sur le point majeur du mémoire que nous déposons. Il ne s'agit pas de la question des compétences provinciales ou fédérales parce que nous sommes d'accord avec la coalition québécoise là-dessus. Ce que nous avons voulu mettre en lumière, ce sont vos responsabilités comme élus de la population canadienne face à nos taxes. Pour nous, la question majeure est là. Il y a des dérives qui risquent d'être extrêmement sérieuses si on passe de la sphère publique des taxes à la sphère privée.

Un des plus jeunes députés en Chambre a soulevé des questions—qu'on soit d'accord ou pas avec lui—concernant les responsabilités politiques des élus dans une société démocratique, et je crois que ce sont les questions qui se posent maintenant. Est-ce que vous, en tant qu'élus, vous voulez transférer vos responsabilités à une fondation privée? Nous avons de la difficulté à comprendre cela et je pense que le projet n'a probablement pas été suffisamment préparé.

• 1240

J'espère que les élus, au niveau du gouvernement fédéral, vont se rattraper et faire les rectifications qui s'imposent à la suite de ce que les témoins viennent vous dire ici. J'ai confiance et je suis sûr que vous allez amender ce projet de loi.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup, monsieur Normand. Madame Redman.

[Traduction]

Mme Karen Redman: Merci, madame la présidente.

Dans ma circonscription, il y a deux universités et un collègue communautaire, lesquels sont très heureux de ce budget et très exaltés par le fonds des bourses du millénaire. En ce qui concerne le point que vous avez soulevé touchant la responsabilisation du gouvernement à l'égard des deniers publics, l'une des autres choses mentionnées durant mes conversations avec des gens qui provenaient de ces établissements postsecondaires était qu'ils étaient enthousiasmés de voir qu'on réinvestissait dans la recherche et le développement.

Je sais qu'il existe des établissements postsecondaires au Québec qui reçoivent du financement de ces organismes subventionnaires. Au cours de nos conversations avec les professeurs des universités locales, on a notamment mentionné que le milieu dans lequel ils travaillaient et l'obtention ou non de financement pour la recherche étaient des questions très importantes pour décider s'ils devaient rester au Canada. Cela était parfois plus important que le niveau de traitement, si nous étions en concurrence avec les États-Unis. Donc, de façon très concrète, cela permet aux étudiants de deuxième et de troisième cycles de rester au Canada.

Je considère que c'est un exercice très semblable, grâce auquel nous augmentons les possibilités et créons un milieu qui permettra à des étudiants canadiens de fréquenter des universités canadiennes. Si nous suivons votre logique, selon laquelle il s'agit de deniers publics, dont les politiciens doivent, par conséquent, être directement responsables, comment expliquez-vous le fait que j'ai entendu seulement de bonnes choses au sujet des conseils qui accordent des subventions pour la recherche? C'est très différent de ce que nous faisons ici, selon vous.

[Français]

M. Bernard Normand: Je ne suis pas spécialiste de tout ce qui existe en politique de recherche et sur l'ensemble des fonds de recherche. Par contre, je peux indiquer dans un premier temps qu'il y a quand même, à mon avis, une distinction importante entre la nécessité d'améliorer les conditions de vie des étudiants et une chose qui me paraît beaucoup plus complexe, c'est-à-dire les sources de revenu susceptibles d'aider les fondations au niveau des universitaires, d'aider le système au niveau de l'enseignement et des professeurs au niveau postdoctoral. Personnellement, je crois qu'à ce niveau-là, on peut très bien voir certains éléments de combinaison du secteur privé et public, comme ça se fait maintenant. Il y a beaucoup d'universités qui, aujourd'hui, reçoivent du soutien de la part de certains groupes privés, dans des champs bien définis.

Je pense qu'il faut faire preuve d'une certaine souplesse à ce sujet. On ne peut pas appliquer ce que j'ai dit du soutien aux conditions de vie des étudiants à tout le système d'enseignement à tous les niveaux. Ça serait trop simple. Je fais la distinction suivante, à savoir que le système d'éducation postsecondaire doit prendre en compte en premier lieu les besoins des étudiants et permettre l'accès aux bourses du millénaire, au-delà des classes sociales et de la situation financière. Le projet de loi dont nous discutons vise d'abord cet objectif, et je crois que c'est là-dessus qu'il faut centrer notre attention.

La question que vous soulevez est fort pertinente et peut amener d'autres éléments mais, à mon avis, elle est subsidiaire. Personnellement, je pense qu'il peut y avoir des combinaisons de fondations privées et publiques à ce niveau-là. Mais ce que nous disons à l'ICEA se rapporte avant tout à l'objet du projet de loi, qui consiste en l'amélioration de l'égalité des chances pour les étudiants canadiens au niveau postsecondaire.

[Traduction]

Mme Karen Redman: Il me semble que vous convenez avec moi qu'il existe un mécanisme et que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle.

Ma question portait sur vos commentaires concernant la responsabilisation des élus et le fait que les politiciens devraient être responsables des deniers publics. Vous convenez que les conseils qui accordent des subventions pour la recherche fonctionnent et qu'ils ont un rôle à jouer, même si ce rôle est assez différent du financement direct grâce au partenariat entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.

[Français]

M. Bernard Normand: Je pense que c'est une réalité que l'on doit prendre en compte. Notre but n'est pas d'imaginer des modèles de ce que ça pourrait être, mais plutôt de partir de la réalité des universités en Amérique du Nord, au Canada en particulier et au Québec.

• 1245

Ayant étudié dans deux universités canadiennes, je sais très bien que, depuis quelques années, il y a un certain arrimage entre une partie du secteur privé dans certains domaines et ce qui existe comme source publique. Évidemment, il y aurait tout un débat à faire à ce sujet et ce n'est pas l'objet de cette réunion, mais je crois que certaines entreprises privées ont intérêt à mettre des sous dans la recherche. Je pense qu'il doit y avoir des mécanismes dans les milieux universitaires pour permettre de traiter ces questions de façon équitable. Nous sommes là dans un domaine qui touche la gestion du monde universitaire, mais qui ne présente pas un intérêt aussi grand que la question des personnes par rapport au droit à l'éducation.

Je viens personnellement d'un milieu ouvrier, d'un milieu où personne n'est allé à l'université, sauf moi. J'ai été le premier en 1965. C'est grâce à l'amélioration du système d'aide financière dans notre pays, dans notre province, que j'ai pu aller à l'université. Le système d'aide financière est la base de tout, et c'est ce qui doit permettre à tous les Canadiens, à mon avis, d'avoir une égalité des chances selon notre Constitution, selon l'article 15 de la Loi constitutionnelle qui pose, aux points 1 et 2, la question de donner aux gens l'accès à l'égalité des chances. L'éducation est un des éléments les plus importants et, à mon avis, c'est une dérive pour les élus que de ne pas avoir de prise là-dessus.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, madame la présidente. Bonjour.

Je suis resté tranquille au cours de ces audiences sur le projet de loi C-36. J'ai écouté longtemps, mais ce matin j'ai réussi à demeurer éveillé. Parfois, la même question est répétée. Ce matin, et non pour la première fois, vous avez passé plus de temps durant votre présentation sur la compétence en matière d'éducation que sur la présentation touchant le besoin d'éducation des adultes. C'est ce que j'ai entendu.

Je représente la circonscription de Niagara Falls, où il y a une université et le collège Niagara. En fait, ce collège est actuellement construit grâce à une subvention de quelque 25 millions de dollars de la province. Je crois comprendre que nous ferons une collecte de fonds de quelque 6 millions de dollars auprès du secteur privé.

Si ce n'était de la collaboration des collecteurs de fonds du secteur privé, je ne sais pas si nous pourrions réellement réaliser aujourd'hui toutes les choses que nous désirons faire en éducation.

Nous mettons en marche aussi un autre programme dans mon université, la Brock University, pour ce qui est des études de deuxième et de troisième cycles. Le secteur privé fait des contributions, et je suis l'un de ceux qui en font une. Je pense que j'annoncerai plus tard cette semaine que je ferai un don de 10 000 $ à cette université. Bien sûr, certaines personnes pourraient dire qu'il y a une raison pour cela. Oui, il y a une raison pour cela. Je pense que lorsque certains d'entre nous ont une vision et que nous désirons faire quelque chose, il y a une raison.

Laissez-moi vous dire, monsieur, si les personnes qui gèrent ces universités m'avaient nui...

Puis-je aussi vous informer que le jour où notre budget a été annoncé, le président de l'université et le président du collègue se trouvaient ici à Ottawa dans l'attente de certaines bonnes choses parce qu'ils se soucient de l'éducation, et non pas de la compétence du gouvernement. Si je m'étais arrêté à cette question de qui a la compétence, je n'aurais sûrement pas fait un don de même 10 cents, parce que ce dont je me soucie, c'est l'éducation des gens et l'amélioration de nos jeunes gens d'aujourd'hui.

• 1250

Cela dit, je pense, madame Gagnon, que nous comprenons très bien ce que vous dites. Je siège maintenant depuis cinq ans au comité des finances, et j'ai entendu dire durant les dernières années que les étudiants désirent obtenir une éducation. Peu importe d'où elle provient. Cependant, j'ai entendu dire qu'il y a plus d'intérêt et plus de financement pour l'éducation dans une partie du pays que dans l'autre.

Selon la région où nous nous trouvions, on nous a aussi dit de ne pas augmenter les paiements de transfert aux provinces, mais de simplement affecter cet argent directement à l'éducation. Les provinces n'ont pas toujours affecté cet argent où cela avait été prévu.

Oui, nous sommes éveillés. Oui, nous comprenons d'où provient la compétence. Oui, nous désirons faire la meilleure chose possible pour les étudiants.

Je ne suis certes pas arrivé au Parlement en 1993 ou en 1997 pour me faire dire à qui appartenait la compétence. Je suis venu ici pour aider ceux qui pourraient peut-être ne pas pouvoir s'aider eux-mêmes, notamment des gens comme moi. Je n'ai jamais fréquenté l'université, monsieur. C'est tout.

[Français]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Voulez-vous faire un commentaire ou non? Monsieur Martin?

M. Robert Martin (Institut canadien d'éducation des adultes): Permettez-moi tout de même de dire une chose. Je pense que ce que M. Pillitteri vient d'exposer est plein de bon sens. Il faut tout de même voir qu'il y a des différences au Canada.

Il faut rappeler qu'au Québec, depuis 30 ans, il y a un régime d'aide financière qui comprend autant un régime de prêts qu'un régime de bourses. Le régime qui existe actuellement au Canada ne comprend que des prêts. Donc, il y a déjà eu un travail de fait, de façonné au Québec, depuis 30 ans. On s'est donné une politique d'aide financière qui existe depuis très longtemps.

Il faut aussi retenir que les étudiants et les étudiantes participent à la gestion, en ce sens qu'il y collaboration, et cela depuis fort longtemps, entre le gouvernement du Québec et les associations étudiantes nationales, de façon à ce que le régime d'aide financière évolue avec le temps.

Ce qu'on a toujours compris et ce à quoi on s'est toujours attendu, c'est que le fédéral respecte les ententes déjà conclues. De plus, on s'est toujours attendu à ce que ce régime perdure, au moyen des paiements de transfert et grâce à la liberté que le Québec a d'instaurer un tel régime.

Que le Canada et les autres provinces veuillent aujourd'hui modifier le régime d'aide financière, je pense que cela est très bien. Je pense que cela est très positif pour l'ensemble des étudiants et des étudiantes canadiens. Mais il faut tout de même reconnaître que, dans ce pays, des ententes ont déjà été conclues et qu'il faut les respecter. C'est en ce sens qu'il faut prendre en considération le travail qui a été fait par le gouvernement du Québec en cette matière, travail qui a toujours répondu aux besoins exprimés par les étudiants, et tenir compte du fait que la fédération des étudiants du Québec donne actuellement raison à son gouvernement.

Il faut savoir établir les distinctions et tenir compte des expériences qui ont été depuis longtemps entreprises au Québec en matière d'aide financière. Cela n'enlève rien à ce que vous dites. Vous avez bien raison.

On pourrait aussi rappeler qu'à chaque année, lorsque les universités font une campagne de financement public, les entreprises sont appelées à contribuer. Elles contribuent au financement de l'ensemble des universités québécoises sans avoir, par ailleurs, aucunement de droit d'ingérence. Donc, il ne s'agit pas de dire que les entreprises n'ont aucun rôle à jouer. Cela a été précisé depuis de nombreuses années au Québec et je crois que cela doit demeurer.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): J'aimerais avoir des éclaircissements sur deux points. À la deuxième page, vous avez des chiffres sur les frais de scolarité. Entre 1990 et cette année, le coût d'une année d'étude à l'université au Québec a augmenté de 300 p. 100. Est-ce exact?

M. Robert Martin: Vous dites 300 p. 100?

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Oui, parce que c'était 570 $ et c'est maintenant 1 600 $.

M. Robert Martin: Oui, c'est cela.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Cela fait donc 300 p. 100.

M. Bernard Normand: Vous avez parfaitement raison, madame la présidente. Il y a eu, jusqu'aux années 1988 et 1989, avant le changement, des frais de scolarité qui étaient de beaucoup inférieurs à ceux qui existaient en Amérique du Nord et au Canada comme tel.

• 1255

Cependant, si on veut prendre des chiffres un peu plus raisonnables en cette matière, il faut dire qu'à ce moment-là, un ajustement important a été fait, qui a triplé le montant. Depuis le début des années 1990, depuis l'ajustement, l'augmentation a été d'un niveau comparable à ce qui existe ailleurs.

Cela a été le point tournant. Un changement très important s'est fait, mais malgré tout, vous savez très bien que les frais de scolarité moyens au Québec sont quand même inférieurs à ce qu'ils sont en moyenne dans les provinces canadiennes. C'est peut-être le fait le plus pertinent pour nous.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): À la première page, vous dites que vous êtes un groupe canadien parce que vous oeuvrez auprès des adultes québécois et aussi de la population canadienne de langue française des autres provinces. Quel pourcentage de cette présentation est fait par des gens du Québec et quel pourcentage est fait par des gens des autres provinces?

M. Bernard Normand: Je vais être fort honnête avec vous. Notre conseil d'administration est formé uniquement de gens du Québec. Nous sommes un petit institut constitué d'une dizaine de personnes et nous ne pouvons faire ce que fait un gros organisme. Cependant, à l'heure actuelle, nous faisons un travail de formation avec des groupes de personnes, dont certains viennent du Nouveau-Brunswick et d'autres de l'Ontario, au niveau de l'alphabétisation et de la reconnaissance des acquis des gens de langue française qui font appel à nos services. C'est relativement limité, compte tenu de nos ressources.

Par contre, nous avons toujours desservi ce qu'on appelait auparavant le Canada français. L'ICEA a été créé par des gens. L'un de ses créateurs a été M. Claude Ryan, qui a été ministre de l'Éducation. Donc, l'Institut a toujours desservi, dans la mesure de ses moyens, des gens de langue française des autres provinces. Cependant, nous n'avons pas, au conseil d'administration, de membres d'autres provinces et les personnes desservies d'autres provinces représentent peut-être 10 p. 100 de notre clientèle. C'est fort limité, mais nous l'avons souligné pour montrer que nous essayons d'intégrer le Québec et le Canada dans notre travail.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Je vous ai posé cette question parce que M. Pillitteri et moi avons une bonne part de notre population qui parle le français. Dans notre province surtout, mais aussi dans les autres provinces canadiennes, les gens qui veulent étudier disent que les bourses du millénaire sont une bonne chose. Vous représentez des gens des autres provinces, mais vous êtes contre ce programme. C'est un point intéressant pour moi.

Merci beaucoup à vous deux pour votre présentation. Je remercie aussi tous mes collègues.

[Traduction]

La séance est levée jusqu'à 15 h 30.