AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD
COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 8 décembre 1998
[Traduction]
Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James— Assiniboia, Lib.)): Chers collègues, j'ouvre la séance. Nous avons le quorum nécessaire pour entendre des témoins.
Aujourd'hui, nous reprenons notre examen des prochaines négociations à l'OMC. Nous avons l'honneur d'accueillir ce matin les représentants de l'UPA, soit Laurent Pellerin, président, et Yvon Proulx, qui travaille également pour cet organisme. Nous recevons également André Pilon et Denis Levasseur. Et, de la Canadian Dehydrators Association, nous souhaitons la bienvenue à Garry Benoit et Bryan Davidson.
• 0905
Nos premiers témoins seront les représentants de l'UPA.
[Français]
M. Laurent Pellerin (président, Union des producteurs agricoles du Québec): Je vais demander à Yvon Proulx, qui est économiste en chef à l'UPA, de vous faire la présentation du document. Je serai disponible pour répondre aux questions concernant le commerce international.
Monsieur Proulx.
M. Yvon Proulx (économiste, Direction de la recherche et de la politique agricole, Union des producteurs agricoles du Québec): Merci, monsieur Pellerin et monsieur le président. Cela me fait plaisir d'être ici ce matin pour venir vous présenter, cette fois-ci, un exposé sur le commerce international.
Je vais m'en tenir assez fidèlement au texte qui est devant moi et je vais aller assez lentement de façon à faciliter la tâche des interprètes, étant donné que je n'ai malheureusement pas envoyé le texte suffisamment tôt pour qu'il soit traduit en anglais. J'ai cependant des copies françaises qu'on pourra vous remettre après la séance.
Avec encore une année complète devant nous avant que ne débute le processus devant conduire à la négociation et à la conclusion d'un nouvel accord commercial international, l'heure n'est sans doute pas venue d'exposer en détail des positions précises sur chacune des questions qui peuvent faire l'objet d'une négociation. Il m'a plutôt semblé opportun de commenter brièvement, compte tenu du temps mis à ma disposition, un petit nombre de positions de principe qui, selon nous de l'UPA, devraient guider le comportement du gouvernement canadien au cours de cette période préparatoire à la prochaine négociation.
Notre première position est la suivante. Il faut évaluer si les pays ont rempli adéquatement leurs engagements. Une démarche importante s'impose, nous semble-t-il, avant de formuler quelque position que ce soit, celle d'évaluer si tous les pays, surtout les plus importants partenaires commerciaux du Canada, ont rempli leurs engagements depuis la dernière fois. Une négociation commerciale a pour objet de faciliter et d'augmenter le commerce en réduisant les obstacles à son accroissement entre les pays. Avant de l'entreprendre, il nous semble qu'il s'impose d'évaluer de façon précise et rigoureuse comment les pays qui sont nos principaux partenaires se sont comportés en regard des engagements qu'ils ont pris la dernière fois et comment leurs comportements se comparent aux nôtres à cet égard. Avons-nous réellement gagné de l'accès à leurs marchés? En avons-nous gagné autant que nous en avons cédé? Le même type de questionnement et le même type d'analyse s'imposent pour toutes les catégories d'engagements que nous avons pris la dernière fois.
Or, les premières indications que nous avons révèlent qu'aucun autre pays n'a fait ses devoirs autant que le Canada. C'est ce que suggèrent les données rapportées dans les tableaux qui suivent.
En ce qui concerne l'accès aux marchés, notamment, le premier tableau qu'on vous présente, que vous n'avez malheureusement pas devant vous, fait voir qu'en 1997, le Canada avait déjà rempli 91 p. 100 de ses engagements, alors que les États-Unis n'avaient même pas donné de notification pour 1997 et qu'en 1996, ils n'avaient rempli que 54 p. 100 de leurs engagements. L'Union européenne, non plus, n'avait pas donné de notification pour l'année 1997, mais en 1996, elle était à 72 p. 100. Le Japon, quant à lui, était à 71 p. 100 en 1996, alors que l'ensemble du monde était à 63 p. 100. Je vous rappelle que le Canada avait rempli à 91 p. 100 ses engagements contractés à l'égard de cette question de l'accès aux marchés. Le Canada a donc fait ses devoirs.
Voilà pour la question de l'accès aux marchés. Il en va de même du soutien interne, comme on peut le constater dans les deux tableaux qui suivent.
En ce qui a trait au soutien interne, dans les deux catégories de programmes qui sont censées causer des distorsions aux marchés, soit les catégories orange et bleue, on constate les degrés de soutien interne suivants: le Canada avait des dépenses, en pourcentage de la valeur de la production, de 3 p. 100 seulement; les États-Unis étaient à 7 p. 100, soit à un peu plus du double par rapport au Canada; l'Union européenne était à 33 p. 100, c'est-à-dire 10 fois plus; et le Japon était à 34 p. 100, soit 10 fois plus aussi. Je répète que ces pourcentages sont pour les catégories orange et bleue. Ils représentent le soutien interne des pays dans les catégories non correctes du point de vue des règles du commerce international.
• 0910
Le tableau suivant nous indique qu'en
termes de soutien total, dans les
catégories
orange, bleue et verte, cette dernière catégorie étant
celle du soutien permis,
le Canada était à 11 p. 100 de la valeur de la
production en termes de dépenses,
les États-Unis, à 31 p. 100,
l'Union européenne, à 42 p. 100 et le Japon, à 61
p. 100.
L'ensemble de ces données nous permet de constater que le Canada a non seulement fait ses devoirs, mais aussi octroyé un soutien total moins élevé que les autres pays, en termes de soutien permis et non permis. En conclusion, le Canada octroie un soutien moindre que les autres pays. C'est ce que révèlent les données que nous avons rapportées.
L'autre mesure qui cause le plus de distorsions dans le commerce international, ce sont les subventions à l'exportation. Sur cette question, il y a aussi dans le texte un tableau qui montre que le Canada est pratiquement sorti du domaine des subventions à l'exportation. On sait qu'on a aboli presque tout ce qu'on avait, de sorte qu'il nous restait des subventions à l'exportation d'environ 3,8 millions de dollars en 1997. Les Américains ont des subventions à l'exportation de 121,5 millions de dollars. Quant à l'Union européenne, elle a des subventions à l'exportation au montant de 6,7 milliards de dollars. En résumé, le Canada a des subventions à l'exportation de 3,8 millions de dollars, et on se rend compte que les Européens et les Américains ont du chemin à faire sur cette question.
La semaine dernière ou il y a deux semaines, quand je suis venu pour la question du revenu, je vous ai dit que les Américains, compte tenu de la crise du revenu qui existe présentement, avaient accru leurs dépenses, notamment leurs crédits à l'exportation. Ce chiffre devrait être ajouté à ceux qu'on a ici, sur cette page.
Compte tenu de tout cela, il est clair pour nous qu'il faudra évaluer rigoureusement les comportements des pays que nous avons nommés d'ici la fin de la période de mise en oeuvre de l'Uruguay Round. Si ces derniers n'accéléraient pas leur cadence pour se conformer à leurs engagements et maintenaient leur retard sur ces questions par rapport au Canada, il n'y aurait aucune raison que le Canada prenne un nouvel engagement, quel qu'il soit. Si les autres pays ne sont pas en mesure de remplir leurs engagements, le Canada ne devra prendre aucun nouvel engagement. Telle est la conclusion de cette partie.
Deuxièmement, il nous semble qu'il faut évaluer les impacts des engagements que nous avons pris. Pour certaines catégories de personnes, l'idée de libéraliser le commerce correspond à une philosophie ou à une idéologie à laquelle ils souscrivent. Nous ne sommes pas de cette école. Pour nous, ce qu'il faut rechercher dans une négociation commerciale, c'est réaliser des gains économiques nets. C'est permettre au pays d'augmenter sa richesse, d'augmenter l'emploi et d'augmenter le revenu. Cela doit aussi être évalué. Il faut évaluer les gains ou les pertes à ces égards à la suite de la dernière négociation. À notre avis, la réponse à cette question devrait conditionner notre attitude au moment d'entreprendre une nouvelle négociation. Cela devrait aussi nous suggérer les pistes sur lesquelles on pourrait s'engager pour augmenter ces gains potentiels nets qui peuvent résulter d'un commerce adéquatement conduit.
Voici la troisième position de principe que je veux commenter brièvement: maintenir les pouvoirs de contrôle acquis sur certains marchés. Les premières années qui ont suivi la conclusion de la dernière ronde de négociations ont été des années de grande prospérité pour le secteur agricole. La demande à l'exportation pour les principaux produits agricoles a été forte, la conjoncture des prix, favorable et la situation des revenus agricoles, intéressante. On semblait engagés dans une ère de prospérité sans nuages.
Mais soudain, des complications surviennent: une crise économique majeure en Asie, un quasi-effondrement de l'économie russe, avec pour résultat un fléchissement marqué de la demande à l'exportation, une baisse draconienne des prix des denrées tributaires des exportations, une importante crise des revenus agricoles au Canada et une pression soutenue sur le gouvernement pour qu'il ajoute une pièce manquante au système de protection des revenus des producteurs, qu'on avait dramatiquement appauvris quand tout allait bien.
• 0915
Quand les perspectives de marché
étaient bonnes, dans les années 1995-1996, avec la lutte
contre le déficit,
on a aboli
presque tous les bons programmes de sécurité du revenu
que nous avions pour ne nous en laisser que
quelques-uns, qui ne suffisent pas à la tâche, comme on
l'a expliqué la dernière fois.
Il y a une leçon importante à retenir de cette expérience, de ce renversement de conjoncture auquel on vient d'assister. Le commerce libre, c'est beau quand tout va bien. C'est moins beau quand les marchés sont affaissés.
Voici une autre conclusion importante: dans les secteurs où on a réussi à maintenir un bon degré de contrôle sur les marchés, un contrôle suffisant pour qu'ils ne soient pas l'objet des perturbations et des fluctuations qu'on connaît aujourd'hui dans les secteurs porcin et céréalier, il faut absolument maintenir ce contrôle. Je parle des systèmes de mise en marché collective et de gestion de l'offre. À notre avis, la leçon à retenir du renversement de conjoncture auquel on vient d'assister et de l'importante crise du revenu agricole à laquelle cela a conduit est très claire: dans les secteurs où on a développé des contrôles sur les marchés, il faut les maintenir de façon à éviter que les autres secteurs de production agricole au Canada subissent les perturbations qu'on connaît actuellement dans les secteurs porcin et céréalier, que ce soit demain, après-demain ou dans 10 ans. À notre avis, c'est une leçon incontournable. Si l'on veut maintenir les systèmes de protection des marchés qui ne subissent pas de fluctuations aujourd'hui, il faut maintenir ces contrôles et il ne faut accepter aucune concession sur les équivalents tarifaires.
Il y a aussi une autre leçon à tirer. Il faut éviter de prendre de nouveaux engagements de réduction des soutiens internes et veiller à maintenir des modes efficaces de protection du revenu des producteurs et des productrices agricoles. Autrement, on sera toujours pris comme on l'est actuellement, c'est-à-dire forcés de devoir imaginer à la hâte et en retard les remèdes qui s'imposent à une crise, comme dans le cas de celle qu'on vit aujourd'hui. L'autre solution possible serait de décider, au plan international, de mettre sur pied des mécanismes permettant de maintenir les marchés en meilleur équilibre, ces marchés qui, aujourd'hui, subissent des perturbations et des fluctuations qui créent des problèmes de revenu extrêmement importants, non seulement au Canada, mais dans tous les autres pays. On a vu ce que l'Europe et les États-Unis ont fait pour résoudre le problème. À la suite de ce renversement de conjoncture, on pourrait songer à instaurer, au plan international, un certain nombre de mécanismes de gestion des marchés afin d'éviter ce genre de perturbations extrêmement coûteuses, non seulement pour le Canada, mais aussi pour l'ensemble des pays qui les subissent présentement.
Le dernier principe est celui de l'élimination des subventions à l'exportation avant d'accepter toute nouvelle ouverture des marchés. Comme on l'a démontré tout à l'heure, le Canada a abandonné cette pratique, mais nos principaux concurrents sur les marchés, soit les États-Unis et l'Union européenne, continuent d'utiliser ces subventions de façon importante, et même de façon massive dans le cas de la communauté européenne.
Compte tenu de ce que l'on vient de voir, selon notre logique, il n'y a aucune raison de procéder à de nouvelles ouvertures de marché si c'est pour offrir ce marché à des pays qui continuent à subventionner l'exportation. Cela devrait être extrêmement clair: on ne fait aucune nouvelle concession en termes d'ouverture des marchés si les pays ne cessent pas de subventionner l'exportation. C'est incontournable.
J'ai fait à peu près le tour de ce que nous voulions dire aujourd'hui. Pour résumer, il faut voir si on a tiré profit des ouvertures qu'on a faites la dernière fois, au moment de la négociation de l'Uruguay Round, il faut maintenir les contrôles qu'on est encore en mesure d'exercer afin d'éviter que tous les secteurs de production subissent des perturbations comme celles qu'on connaît aujourd'hui, il faut éviter d'offrir notre marché aux pays qui continuent à subventionner l'exportation et, enfin, il faut que le gouvernement canadien tende à être compétitif avec les gouvernements des autres pays en termes de soutien aux secteurs.
• 0920
C'est le message que nous voulions vous livrer.
Nous serons disponibles pour répondre à vos questions,
si vous en avez. Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Proulx. Vos exposés, à n'importe quelle vitesse, sont toujours excellents.
Chers collègues, avant de donner la parole aux représentants de la Canadian Dehydrators Association, je vous signale qu'il y a quelques instants, notre personnel a eu la gentillesse de distribuer des copies d'un document concernant un éventuel—et je dis bien «éventuel»—voyage à Washington que pourrait effectuer le comité. Comme vous le savez sans doute, la procédure de financement est très compliquée, et si nous souhaitons faire accepter notre demande de financement, nous avons intérêt à nous y prendre le plus tôt possible.
Le comité communément appelé le comité de liaison siège aujourd'hui à 12 h 15, et la procédure est la suivante: si nous nous entendions sur une demande de financement, cette demande serait d'abord soumise à l'examen d'un sous-comité du comité de liaison, ensuite au comité de liaison plénier et enfin au Bureau de régie interne. Je voudrais donc qu'on en parle immédiatement. En ce qui me concerne, pour le moment nous devons nous entendre simplement sur l'idée de lancer le processus. Ensuite, nous pourrons discuter des personnes que nous aimerions voir et d'autres détails de ce genre.
Le document que vous avez sous les yeux présente une ventilation des coûts. L'estimation que vous a préparée George repose sur un séjour de deux nuits et de trois jours à Washington. À mon avis, il devrait s'agir de trois nuits et de quatre jours. Nous pourrions partir un lundi matin et revenir jeudi. Si nous allons à Washington, il y a beaucoup d'élus et de représentants d'organismes que nous devrions rencontrer.
Si vous estimez que nous pouvons rapidement régler cette question, autant l'aborder tout de suite. Sinon, nous entendrons d'abord nos témoins et nous en discuterons par la suite. D'une façon ou d'une autre, j'aimerais qu'on prenne une décision ce matin, pour que le comité de liaison puisse être saisi de notre demande de financement à 12 h 15, si tel est le voeu du comité.
Monsieur Hilstrom.
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Personnellement, l'aspect coût ne me préoccupe pas tellement dans le cas de ce voyage. Nous risquons de perdre 20 milliards de dollars d'exportations vers les États-Unis—si c'est bien ça le chiffre—et j'estime par conséquent que nous devons y aller le plus tôt possible. Je suis donc en faveur de ce voyage.
[Français]
M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Je propose que vous mettiez en branle le mécanisme pour demander des fonds pour aller à Washington.
[Traduction]
Le président: Et êtes-vous d'accord, monsieur Paradis, pour proposer un séjour de trois nuits et de quatre jours?
[Français]
M. Denis Paradis: Oui.
[Traduction]
Le président: Monsieur Hilstrom, je vous signale à titre d'information que le fait d'ajouter une nuit ferait augmenter le coût du séjour d'environ 4 000 $. Mais si nous partons un lundi matin, nous aurons déjà perdu une demi-journée, et comme il faut revenir jeudi soir, nous aurons au maximum une demi-journée de travail le jeudi. Donc, même si nous y passons trois nuits, nous aurons tout juste trois jours de travail: une demi-journée lundi, une journée complète mardi, une autre journée complète mercredi, et une demi-journée jeudi. À mon avis, notre demande de financement devrait prévoir un séjour de trois nuits. Êtes-vous d'accord?
M. Paradis propose donc que le comité présente sa demande de financement, et M. Hilstrom appuie la motion.
- (Motion adoptée)
Le président: J'espère que vous nous excuserez, monsieur Davidson et monsieur Benoit. Nous voulions absolument régler cette question administrative étant donné que tous les membres du comité sont présents. Nous vous cédons tout de suite la parole pour nous parler des prochaines négociations de l'OMC. Comme d'habitude, nous vous souhaitons la bienvenue au comité et nous avons hâte d'entendre votre exposé.
M. Bryan Davidson (président, Canadian Dehydrators Association): Merci, monsieur le président. Je suis ravi d'avoir ce matin l'occasion de comparaître devant le comité au nom des membres de la CDA dans tout le Canada.
Je crois comprendre que le texte de notre exposé a déjà été distribué aux membres du comité. Si vous me permettez de résumer brièvement le contenu de notre mémoire, nous avons tout d'abord donné un aperçu général du secteur canadien du traitement de la luzerne, qui est suivi d'une page traitant des antécédents de la situation actuelle de l'Union européenne en ce qui concerne les subventions, et du détail des éventuelles solutions au problème des subventions en Europe et sur le plan international. Voilà donc le contenu de notre texte, et j'invite tous les membres du comité à l'examiner dès qu'ils le pourront.
Le président: Je devrais peut-être préciser qu'étant donné que votre document n'est pas dans les deux langues officielles, nous ne pouvons le distribuer tant que la version française ne sera pas prête.
M. Bryan Davidson: Oui, nous allons nous en occuper.
Je voudrais me servir du temps qui m'est imparti pour insister sur la gravité de la situation du secteur canadien de la transformation de la luzerne.
Notre association représente 29 usines, dont la plupart se trouvent en Alberta et en Saskatchewan, mais nous sommes également représentés dans la plupart des autres provinces. Plus de 80 p. 100 de la production de ces usines, et jusqu'à 90 p. 100 du rendement des entreprises de l'Ouest, sont destinés à l'exportation. Les exportations annuelles se montent parfois à 700 000 tonnes, et ont une valeur de près de 130 millions de dollars.
Ces usines se trouvent à la périphérie des régions de culture des Prairies. Elles créent plus de 1 000 emplois spécialisés, et représentent des salaires directs de plus de 13 millions de dollars. Les retombées indirectes représentent 67 millions de dollars de plus par année dans les collectivités rurales. Les entreprises de déshydratation sont souvent des sociétés à grand nombre d'actionnaires qui appartiennent à des agriculteurs, et constituent le plus souvent la seule industrie dans les localités où elles sont situées.
Je me présente devant vous aujourd'hui pour vous expliquer aussi clairement que possible que chaque semaine ces emplois deviennent de moins en moins nombreux. Je peux vous dire dans mon cas que, l'année dernière, nous avons travaillé environ neuf mois et demi. Mais au 10 décembre de cette année, nous avons fermé l'usine, et il est peu probable que nous reprenions nos opérations avant le mois de février, après quoi la saison sera très courte.
Un de nos membres a trois usines dans le sud de l'Alberta. Depuis le début de l'année, l'une d'entre elles a cessé ses opérations, et il est possible que d'autres soient tenues d'en faire autant. D'autres usines ont été obligées de fabriquer des quantités moindres de certains produits.
Donc, la rationalisation de notre secteur est déjà en cours, et il importe que cette réalité soit bien comprise.
La raison en est que le prix commercial international est actuellement inférieur aux coûts de production canadiens, bien que notre industrie, par rapport à celle du reste du monde, fabrique les meilleurs produits au moindre coût. La preuve, c'est que pendant très longtemps nous étions l'unique fournisseur de luzerne granulée du Japon, car d'autres pays avaient du mal à se conformer aux normes de qualité imposées au secteur canadien.
Quelle est la cause de cette situation? La réponse est fort simple: au cours de la dernière année, la luzerne granulée fortement subventionnée que produisent les pays membres de l'Union européenne a été vendue sur le marché japonais et d'autres marchés asiatiques—les produits européens commencent à présent à percer les marchés non asiatiques—ce qui a eu pour effet de casser les prix. Le prix a baissé de plus de 50 $ la tonne depuis mars dernier.
Il importe que les membres du comité se rappellent aussi la situation actuelle des secteurs du bétail et des céréales, car 50 $ la tonne représente une chute importante dans un secteur comme le nôtre.
Les administrateurs de notre association ont rencontré un certain nombre de représentants du gouvernement et de députés en mars 1998. Nous leur avons fait savoir que les prix chutaient et que nous n'arriverions pas à vendre nos produits pendant longtemps encore face à des concurrents dont les pratiques détruisaient le marché.
Je me présente devant vous aujourd'hui pour vous annoncer que le marché actuel est pratiquement détruit.
L'Union européenne a récemment vendu des quantités importantes de luzerne granulée à nos clients japonais. Nous avons également entendu dire que Puerto Rico en aurait acheté des volumes importants, et nos concurrents européens continuent de faire des offres semblables sur tous nos marchés traditionnels. Il faut bien comprendre que les offres de vente entraînent la même distorsion des marchés que les ventes elles-mêmes.
Depuis mars dernier, la situation ne cesse de se détériorer. À au moins trois reprises, nous avons contacté les responsables gouvernementaux pour les tenir au cours de la situation et pour leur faire comprendre qu'une solution canadienne s'impose.
Nous félicitons le gouvernement d'avoir pris certaines mesures pour améliorer la situation catastrophique du secteur agricole. Cependant, nous craignons de plus en plus que la luzerne transformée, qui représente sans aucun doute l'un des produits les plus gravement touchés par la crise actuelle, ne soit pas un produit admissible dans le contexte d'un programme d'aide financière très ciblé.
On peut établir de nombreux parallèles entre les opérations de déshydratation et les opérations agricoles en général. Sur une période de trois ans suivant l'ensemencement, les usines se chargent normalement de l'ensemble des opérations dans les champs. Nous possédons et nous exploitons nos propres machines, nous nous chargeons de toute la transformation, et nous sommes responsables de l'expédition de nos produits vers les marchés d'exportation.
Bien entendu, les usines n'ont pas accès aux comptes du CSRN. Même les cultivateurs de luzerne de semence, qui concluent ensuite des contrats avec les usines, ont un accès très limité au CSRN. Ce n'est que récemment qu'on a accepté d'inclure la luzerne dans la liste des prix visés par le CRSN, et par conséquent, les comptes du CSRN des cultivateurs de luzerne sont faiblement approvisionnés.
• 0930
Nous sommes conscients du fait que nos doléances ont été
présentées par la voie diplomatique aux responsables de l'Union
européenne, y compris dans le cadre d'une récente démarche. Mais
ces efforts n'ont pas réussi jusqu'à présent à corriger le
problème. Nous savons, grâce à nos contacts directs avec les
représentants de l'Union européenne et du secteur européen de la
luzerne déshydratée que les autorités sont très peu réceptives aux
demandes de notre gouvernement. Il importe par conséquent de
comprendre que la subvention de l'Union européenne est inhabituelle
même dans le contexte de l'agriculture européenne. Elle est versée
directement aux transformateurs plutôt qu'aux agriculteurs, et ce
au moment où la luzerne transformée quitte l'usine.
Nous croyions que les subventions versées aux transformateurs seraient complètement éliminées pendant la dernière série de négociations du GATT. Ces subventions sont versées en plus de l'aide accordée aux agriculteurs européens. C'est un point très important sur lequel il convient d'insister: nous parlons ici d'une subvention qui est versée aux transformateurs en plus de l'aide agricole qu'ils reçoivent. Elle entraîne une distorsion considérable du marché, puisqu'elle favorise la production, quelles que soient les conditions de ce dernier.
Par exemple, au cours des 10 dernières années, l'Espagne qui était le client du Canada s'est transformée en productrice, à tel point que son industrie affiche deux fois la production de l'industrie canadienne. Jusqu'au moment où l'Espagne est devenue membre de l'Union européenne en 1996, elle avait été un client traditionnel du Canada et achetait jusqu'à 50 000 tonnes de luzerne par année aux producteurs canadiens. Depuis 1986, l'industrie espagnole, grâce à cette subvention, a pris énormément d'expansion et est actuellement deux fois plus grande que l'industrie canadienne. Donc, au lieu de nous acheter 50 000 tonnes de produit chaque année, l'Espagne est devenue un pays producteur dont la production devrait se situer à environ 1,7 millions de tonnes l'année prochaine. D'autres pays européens ont également élargi leur production de luzerne. C'est une situation tout à fait unique, en ce qui nous concerne, qui illustre bien l'effet de distorsion qu'entraîne cette subvention à la production.
La subvention que touchent les transformateurs est au moins égale aux prix canadiens. Elle est peut-être même supérieure aux prix canadiens, étant donné que les prix baissent à l'heure actuelle. Nos prix à l'exportation ont chuté d'environ 30 p. 100 cette année. Est-ce vraiment surprenant que les opérations de déshydratation s'en ressentent? Nous pourrions sans doute survivre au ralentissement de l'économie—ce qu'on appelle la grippe asiatique—mais nous ne survivrons certainement pas si nos concurrents continuent d'offrir une subvention qui est égale ou supérieure aux prix que reçoivent actuellement les usines canadiennes de transformation.
Monsieur le président, notre mémoire présente en détail les objectifs à long terme des négociations de l'OMC. Nous préconisons l'autolimitation immédiate des exportations subventionnées et d'autres réductions des tarifs. Nous favorisons également l'élimination des subventions à l'exportation et de celles versées aux transformateurs. Nous voulons que le secteur agricole soit visé par l'ensemble des dispositions fiscales relatives aux subventions.
Le problème, c'est que nous avons besoin de mesures de redressement maintenant et nous ne pouvons donc attendre l'an 2004 ou la signature d'un nouvel accord commercial pour les avoir. Notre secteur disparaîtra si l'Union européenne continue à vendre ses produits moins chers que les nôtres sur nos marchés traditionnels. C'est aussi simple que ça, et par conséquent, nous assistons déjà à la rationalisation du secteur.
Nous préférerions qu'il n'y ait plus du tout de subventions agricoles. Depuis qu'on a mis fin à la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, nous ne touchons plus aucune subvention. Le programme en question a été conçu au départ pour dédommager les producteurs du coût élevé du transport des exportations sur de longues distances pour les acheminer aux ports, ce qui constituait un problème particulier pour le Canada. La LTGO offrait le seul programme de subventions qui aidait vraiment le secteur canadien de transformation de la luzerne. Nos concurrents européens essaient à présent de justifier leurs subventions en invoquant le problème des coûts qui, selon eux, ne touchent que les producteurs européens.
Nous avons toujours été inclus dans les programmes mis sur pied par le gouvernement, qu'on parle de la LTGO, du programme spécial canadien pour les grains, des programmes d'aide aux victimes de la sécheresse et d'autres initiatives du même genre. La justification de notre inclusion cette fois-ci est tout aussi claire. Vu la gravité de notre situation, nous en avons tout autant besoin aujourd'hui. Vous conviendrez certainement avec moi qu'une industrie à valeur ajoutée qui s'est édifiée sur 25 ans, qui apporte une contribution considérable à la véritable économie agricole, que le gouvernement a toujours citée comme modèle auprès des autres secteurs à valeur ajoutée dans les Prairies et qui renforce les résultats commerciaux du Canada, vaut bien la peine d'être conservée.
Le Canada s'est réservé le droit de mettre sur pied des programmes conformément aux règles de l'OMC. D'ailleurs, nous affirmons depuis un bon moment qu'il y a de solides arguments à avancer en faveur d'un programme pour contrebalancer les subventions versées par l'Union européenne aux transformateurs. Nous croyons comprendre que le programme que prépare actuellement le gouvernement a le potentiel d'inclure notre industrie, mais il y a également le risque qu'on ne profite pas de cette occasion. Le secteur de la transformation de la luzerne, qui est analogue au secteur agricole à bien des égards, souffre énormément de la crise actuelle. Il est possible que nos producteurs ne soient pas inclus à moins qu'on ne réponde à cet appel au secours tardif. Une aide financière à court terme correspondant même à seulement 25 p. 100 de la subvention que touchent les transformateurs européens serait d'une grande utilité pour ce qui est de maintenir la viabilité de notre secteur en attendant les résultats des négociations de l'OMC.
• 0935
Je vais conclure en vous rappelant ainsi qu'à d'autres députés
que nous avons sonné l'alarme pour la première fois il y a un an,
et nous l'avons fait à plusieurs reprises depuis. Entre-temps,
certains intéressés ont commencé à comprendre l'ampleur de la crise
des revenus agricoles, tout comme nous l'avons compris il y a un
an. Nous sommes des acteurs relativement peu importants. Nous avons
l'impression de devoir nous battre pour qu'on nous écoute. Je lance
donc un appel à tous les membres du comité en leur demandant de se
rendre compte que des emplois et d'autres avantages économiques
sont en jeu, notamment dans l'ouest du pays. Nous ne pourrons
survivre à la crise qui va se poursuivre pendant les prochaines
négociations commerciales sans votre aide.
Monsieur le président, voilà qui termine mes remarques liminaires. M. Benoit et moi-même sommes évidemment disposés à répondre aux questions des députés, quand vous le jugerez approprié. Merci infiniment.
Le président: Merci, monsieur Davidson.
Nous entamons donc le premier tour de questions, et notre premier intervenant, M. Hilstrom, disposera de sept minutes.
M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président. Bienvenue, messieurs.
J'ai quelques questions à poser qui vont...
Le président: Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Hilstrom. J'ai manqué quelqu'un. Comment ai-je pu faire ça? Monsieur Levasseur, je ne sais pas au juste pourquoi, mais je croyais que vous faisiez partie du groupe de M. Pellerin et M. Proulx. Je suis vraiment désolé. On en apprend tous les jours. Mes excuses, monsieur Hilstrom, mais vous allez devoir attendre pour poser vos questions.
Monsieur Levasseur, êtes-vous le porte-parole?
[Français]
M. Denis Levasseur (directeur, Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière): M. Pilon va lire le mémoire et nous pourrons par la suite répondre aux questions.
[Traduction]
Le président: Très bien. Merci, et bienvenue, monsieur Pilon.
[Français]
M. André Pilon (président exécutif, Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière): Merci, monsieur le président. Vous avez raison, nous sommes très près de l'Union des producteurs agricoles.
L'AQINAC, c'est l'Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière. Nous sommes le regroupement du secteur privé.
Les 225 entreprises du secteur privé qui sont membres de l'Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière contribuent grandement, depuis près de 50 ans, au développement du secteur agroalimentaire québécois. Cette contribution se fait non seulement au niveau de la fabrication et des productions animales et végétales, mais également au niveau de la transformation et de la mise en marché, qui sont également une partie importante de leurs activités commerciales. Nos membres génèrent près de 20 000 emplois dans le secteur agroalimentaire.
Dans le mémoire, que nous n'avons malheureusement pas fait traduire mais dont nous vous remettrons une copie aux fins de la traduction, nous incluons la liste de nos membres.
Eu égard aux ententes et aux négociations de l'OMC, l'AQINAC est concernée parce que ses membres sont producteurs de porc, de volaille et d'oeufs. De plus, ils achètent quotidiennement des céréales pour la fabrication d'aliments pour les bestiaux et les volailles. Mais l'impact se fait surtout sentir chez les clients des membres de l'AQINAC, soit les producteurs agricoles.
Les principaux objectifs que les producteurs agricoles, incluant les membres de l'AQINAC, doivent se fixer dans un contexte de mondialisation sont l'efficacité et la compétitivité. Les coûts de production, dans la majorité des secteurs, devront être réduits si on veut maintenir et améliorer nos parts de marché. On devra également favoriser des augmentations de la taille des entreprises, tout en assurant l'application et l'utilisation des technologies de fine pointe. Cette productivité accrue et les économies ainsi réalisées nous permettront de produire à de moindres coûts.
En ce qui a trait aux normes agroenvironnementales et aux programmes de qualité (HACCP), ceux-ci vont devenir des prémisses dans la mise en marché de produits agroalimentaires à la grandeur de la planète. Nous devrons être créatifs dans cette implantation afin d'éviter des coûts additionnels et une non-compétitivité à l'échelle mondiale.
• 0940
Nous allons maintenant présenter notre position sur
les productions contingentées, c'est-à-dire
les oeufs, la volaille
et le lait.
Pour obtenir une stabilité des prix, la gestion de l'offre et la réglementation doivent continuer d'être pancanadiennes. Il faut absolument éviter les surproductions provinciales, tout comme cela s'est produit dans le secteur du poulet il y a deux ans.
La réglementation devra favoriser l'expansion des entreprises pour améliorer l'efficacité et la compétitivité. À titre d'exemple, la taille des fermes laitières au Québec est beaucoup plus petite que dans le reste du Canada et aux États-Unis, qui sont nos principaux concurrents. On doit donc fournir aux producteurs les outils nécessaires pour favoriser les exportations. On devra donc considérer des quotas et des prix différents pour les produits d'exportation.
Dans les productions non contingentées, c'est-à-dire le porc, les céréales et les autres productions, on devra améliorer et rendre conformes aux règlements de l'OMC des programmes universels de sécurité du revenu de façon à inciter les producteurs à augmenter leur volume de production et à améliorer la génétique et les technologies, afin que nos coûts de production soient compétitifs à l'échelle mondiale. De plus, le gouvernement fédéral, tout comme il semble disposé à le faire présentement, doit créer un fonds d'urgence pour les productions en situation de crise.
Pour les productions contingentées et non contingentées, on devra favoriser des programmes universels—et on dit bien universels—d'aide financière pour instaurer des mesures agroenvironnementales de manière à se conformer aux exigences futures. L'objectif est de maintenir la compétitivité des entreprises agricoles tout en étant soucieux de l'environnement.
Il conviendra également d'appuyer le plus rapidement possible l'implantation de programmes de contrôle de la qualité. Il faut, de plus, favoriser et appuyer les initiatives personnelles des transformateurs de ces productions pour leur permettre non seulement de maintenir, mais aussi de pénétrer de nouveaux marchés d'exportation en développant de nouvelles niches pour des produits à valeur ajoutée.
Nous vous avons parlé des règles de l'OMC, mais nous faisons aussi allusion, dans le message qu'on vous livre, à l'actuelle crise des produits agricoles ou, en d'autres termes, à la crise du revenu agricole et du prix des produits.
En conclusion, il va sans dire que les objectifs visés doivent être conformes aux règles de l'OMC. Nous nous attendons à ce que, lors des prochaines négociations, le gouvernement et tous les partenaires de l'industrie développent les stratégies nécessaires pour nous assurer une plus grande présence sur les marchés intérieurs et sur les marchés d'exportation.
S'il y a des questions, comme M. Levasseur le disait précédemment, on va tenter d'y répondre le plus intelligemment possible.
[Traduction]
Le président: Merci encore une fois, monsieur Pilon. Excusez- moi de ne pas vous avoir reconnu tout à l'heure. On dirait que mon esprit marche un peu au ralenti aujourd'hui.
Je cède donc la parole à M. Hilstrom, qui sera notre premier intervenant. Vous disposez donc de sept minutes.
M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président.
Monsieur Pilon, je voudrais m'adresser à vous en premier. Les arguments que vous avez avancés dans votre exposé me semblent un peu contradictoires. Au départ, vous disiez que nous devons absolument examiner les accords de l'OMC. Vous avez parlé de la mondialisation des marchés et de votre secteur en particulier. Vous avez dit que les exploitations agricoles vont devoir prendre de l'expansion pour rester concurrentielles. Vous dites aussi que vous voulez faire avancer la technologie; vous voulez aussi augmenter les exportations. Et vous dites que tout cela est nécessaire pour maintenir votre compétitivité.
• 0945
Mais ensuite, vous avez parlé de «stabilité» et d'«outils pour
favoriser les exportations». Vous voulez également éviter la
surproduction. Vous parlez donc alors de gestion de l'offre.
Voilà donc les deux éléments auxquels nous serons confrontés dans les prochaines négociations de l'OMC. Il s'agit de savoir comment les concilier de façon à réaliser vos objectifs en matière de mondialisation et d'exportation tout en protégeant l'intégrité du système de gestion de l'offre au Canada. À votre avis, pour accroître les exportations, le gouvernement devrait-il intervenir pour réglementer toutes ces activités, ou les forces de l'offre et de la demande sur ce marché mondialisé devraient-elles plutôt déterminer la taille des exploitations agricoles, le niveau des exportations, etc.?
[Français]
M. Denis Levasseur: Est-ce que M. Paradis pourrait traduire la question? On a peut-être mal compris certains des éléments de celle-ci.
M. Denis Paradis: Vous n'avez pas d'interprétation?
M. Denis Levasseur: Non.
[Traduction]
Pourrais-je vous demander de répéter la question?
M. Howard Hilstrom: Monsieur le président, je recommence.
Le président: Nous allons attendre quelques instants que M. Levasseur mette son écouteur. Êtes-vous prêt maintenant, monsieur Levasseur?
M. Denis Levasseur: Oui.
Le président: Très bien. Monsieur Hilstrom, pourriez-vous recommencer? Nous n'allons pas compter ce temps-là; nous recommençons à zéro.
Très bien. Allez-y.
M. Howard Hilstrom: Je suis désolé, mais «Monsieur Pilon» sont les seuls mots que j'ai pu prononcer en français.
Ma question concernait ce qui semble être une contradiction entre la façon dont l'industrie est organisée au Canada et vos tentatives pour augmenter massivement les exportations à l'étranger. Au début de votre exposé, vous avez parlé de la mondialisation et des changements qui sont nécessaires dans votre secteur pour vous adapter à cette réalité et en profiter au maximum. Vous dites qu'il faut des exploitations agricoles plus importantes. Vous voulez faire avancer la technologie et augmenter les exportations. Et vous souhaitez également une réduction des subventions offertes dans d'autres pays. Essentiellement, vous demandez un marché entièrement libre. Est-ce vrai que vous voulez éliminer complètement les subventions qui existent actuellement dans d'autres pays? Vous voulez un marché libre, n'est-ce pas?
[Français]
M. Denis Levasseur: Notre présentation est complémentaire à celle de l'Union des producteurs agricoles.
Lorsqu'on a parlé des productions contingentées, on a insisté pour dire qu'il fallait absolument garder un contrôle pancanadien pour éviter les variations de prix comme celles qu'on a vécues dans certaines productions, il y a deux ou trois ans.
Lorsqu'on parle de marchés libres, il faut absolument inclure les productions contingentées, et on tient à ce que de telles structures continuent d'exister au Canada. Vous nous dites que cela semble contradictoire. Toutefois, on a à vivre avec les structures qu'on a au Canada.
L'autre question, et j'ai bien aimé l'exposé de M. Proulx à ce sujet, est de savoir si les autres pays respectent en totalité les règles des ententes signées il y a plusieurs années à l'OMC ou au GATT. À cet égard, il faut que le Canada s'assure, comme M. Proulx le disait, que les autres pays en viennent à notre niveau si on veut continuer de faire des exportations.
[Traduction]
M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur Levasseur.
Ce dont nous parlons aujourd'hui, c'est de la stratégie que nous allons adopter dans ces négociations avec d'autres pays pour réaliser une circulation plus libre des produits du monde entier qui favorisent tout le monde. Mais au moment d'entamer les pourparlers, n'est-il pas vrai que...
Permettez-moi de revenir un peu en arrière. En 1993, les contingents du secteur laitier ont été transformés en tarifs, n'est-ce pas? Et ces tarifs devaient aller en diminuant. C'est vrai ou non?
[Français]
M. Denis Levasseur: Normalement, c'est exact. Je ne suis toutefois pas un spécialiste au niveau de la réglementation et de ce qui a été signé à cet égard. Le message qu'on voulait livrer...
[Traduction]
M. Howard Hilstrom: Monsieur Proulx, s'il vous plaît.
M. Yvon Proulx: Oui. Ils ont été conçus pour aller en diminuant progressivement de 36 p. 100 en moyenne, mais dans les secteurs visés par la gestion de l'offre, des mesures ont été prises pour les réduire de 15 p. 100 jusqu'en l'an 2001. Il faudra par conséquent renégocier ces mesures pour voir si ces tarifs vont être réduits davantage ou non.
M. Howard Hilstrom: Très bien. Vous reconnaissez donc que, dès le lancement des prochaines négociations, ces éléments-là seront déjà sur le tapis. Oui ou non?
M. Yvon Proulx: Oui, absolument.
M. Howard Hilstrom: Très bien.
M. Yvon Proulx: C'est pareil pour tous les pays. Tous veulent protéger leurs secteurs vulnérables et libéraliser les échanges dans le cas d'autres secteurs moins vulnérables.
M. Laurent Pellerin: La position canadienne n'est pas plus contradictoire que celle des États-Unis en ce qui concerne les produits d'exportation et ceux visés par la gestion de l'offre; aux États-Unis, ils veulent protéger le secteur du sucre et de l'arachide. Et pour l'Union européenne, c'est la même chose; ils veulent protéger certains secteurs d'activité. Donc, la situation au Canada n'est guère différente de celle des autres pays.
M. Howard Hilstrom: Et quelle est la principale raison pour laquelle le secteur laitier et le système de gestion de l'offre sont vulnérables au Canada? Pouvez-vous m'expliquer ça, monsieur Proulx?
M. Yvon Proulx: C'est parce que ce sont surtout ces produits- là qui bénéficient de subventions à l'exportation au sein de l'Union européenne.
M. Howard Hilstrom: Très bien.
M. Yvon Proulx: Comme nous l'avons déjà dit, tant que les autres pays ne vont pas éliminer leurs subventions à l'exportation, nous refuserons d'ouvrir notre marché. C'est aussi simple que ça.
M. Howard Hilstrom: Très bien. Pourquoi dites-vous donc que vous voulez augmenter les exportations...? Les deux vont de pair. Vous dites que le gouvernement doit vous fournir les outils nécessaires pour favoriser les exportations? De quels outils s'agit-il?
Monsieur Pilon.
[Français]
M. André Pilon: Lorsque nous parlons d'outils, il s'agit d'autoriser des quotas d'exportation. Il y a présentement une réglementation qui dessert le marché interne, mais nous voulons avoir des quotas. On ne parle pas nécessairement de subventions à ce moment-ci. Ce n'est pas du tout de cela qu'on parle. On parle de permettre, par les systèmes de plans conjoints pour les productions contingentées, d'avoir des quotas d'exportation; on pourrait vendre à des prix qui seraient concurrentiels mais qui pourraient être inférieurs à ceux du marché intérieur.
[Traduction]
M. Howard Hilstrom: Bon, je vais conclure. Au Manitoba, un gros producteur d'oeufs s'était trouvé un marché étranger. Il avait pris toutes ses dispositions et ce projet devait aller de l'avant. On lui a dit finalement qu'en raison du régime de gestion de l'offre, il serait quatrième sur la liste pour approvisionner ce marché. Donc, à cause de notre système de gestion de l'offre, ce type-là a fait un gros investissement mais n'a pas la possibilité d'accéder à ce marché et de réaliser des gains pour le Canada en devises étrangères. Que dites-vous donc à cette personne?
Le président: Une réponse très courte, s'il vous plaît.
M. Laurent Pellerin: Je voudrais justement réagir. Et le prix du porc, par exemple? Nous pourrions exporter de grandes quantités de porc dans le monde entier. Voilà une autre occasion ratée.
M. Howard Hilstrom: J'aimerais bien que vous me répondiez, monsieur Pellerin.
M. Laurent Pellerin: On est en train de construire des granges un peu partout pour élever des porcs. Mais il n'y a pas de marché. Quel est le rendement des investissements de ces Canadiens-là? Absolument rien.
Le président: Merci. Madame Alarie, vous avez sept minutes.
[Français]
Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Ma question s'adresse à M. Proulx.
J'ai bien aimé que vous commenciez par faire un examen de conscience et par présenter un constat précisant où nous en sommes rendus dans les négociations. J'estime que le comportement des autres pays doit fortement inspirer le nôtre.
Je me souviens qu'il y a quelques semaines, lors de la réunion tenue à Montréal sur l'OMC—une réunion que vous aviez d'ailleurs organisée—, deux porte-parole, soit un porte-parole américain et un porte-parole de l'Union européenne, disaient clairement, si j'ai bien compris leur discours, qu'ils n'étaient pas prêts à éliminer les subventions à l'exportation. Le porte-parole européen parlait de les maintenir jusqu'en 2010. Quant aux Américains, ils avaient la conscience bien en paix devant leurs mesures, que je qualifie de protectionnistes, parce qu'ils voulaient continuer à protéger plusieurs secteurs de l'économie américaine. Cela ne les troublait aucunement de donner des subventions à la production.
Dans ce contexte, je me demande quelle sorte de gants de boxe on va devoir prendre pour commencer les négociations. Si on fait le bilan, on constate qu'on est purs, qu'on est beaux et qu'on s'est bien comportés face aux autres pays. Toutefois, ceux-ci nous disent d'avance, et j'ignore si c'est pour nous faire peur: «Nous autres, on n'est pas prêts à changer d'attitude.» Comment peut-on gérer cela? D'abord et avant tout, est-ce que j'ai bien compris?
M. Yvon Proulx: Vous avez très bien compris. Je pense que la prochaine ronde de négociations sera difficile parce que, effectivement, les Européens tiennent aux subventions à l'exportation et n'ont pas envie de les abandonner.
En ce qui nous concerne, nous sommes radicaux à ce sujet. Pourquoi ouvrir les marchés si c'est pour donner cela à des gens qui subventionnent l'exportation? Comme je l'ai dit plus tôt, il n'y a aucune raison de donner notre marché aux gens qui subventionnent. Nous sommes prêts à compétitionner. Nous sommes prêts à compétitionner contre les producteurs agricoles des États-Unis et de la communauté européenne, mais pas contre le gouvernement américain et contre la montagne d'eurodollars de l'Union européenne. Contre cela, nous ne voulons pas compétitionner. Contre les producteurs, cela nous convient.
Je pense que ce sera un peu difficile parce que les Européens ne veulent pas céder là-dessus et qu'il est bien évident que les Américains vont continuer à soutenir leur production. Ils viennent d'ailleurs de le démontrer. Ils ont très rapidement décidé d'augmenter les subventions. Ils ont très rapidement décidé d'augmenter les crédits à l'exportation. Officiellement, dans leur langage, ils disent qu'ils veulent s'ouvrir mais, en réalité, ils vont continuer à être protectionnistes.
Par conséquent, si les Américains et les Européens optent pour de telles positions, la seule qui nous reste est de maintenir la nôtre. Si tous les pays fonctionnent de cette manière, c'est sûr que ce sera difficile à diriger. Cela risque de prendre encore cinq ou six ans. Il va falloir beaucoup de tordage de bras pendant cinq ou six ans avant d'aboutir à quelque bonification que ce soit.
Il ne faut pas oublier que le processus d'ouverture des marchés et d'augmentation du commerce dans le monde est lent et graduel. On ne peut pas tout faire la même journée. On va commencer par sortir les gouvernements du domaine des subventions à l'exportation et ensuite on examinera ce qu'on peut faire d'autre.
Mme Hélène Alarie: J'ai une deuxième question. Dans votre exposé, vous n'avez pas du tout abordé ce que j'appelle les barrières non tarifaires, les mesures phytosanitaires, les biotechnologies, l'harmonisation de tous les règlements avec les autres pays. Ce que j'ai compris des témoins qui ont comparu précédemment et de la vraie vie, c'est que lorsque cela ne fonctionne pas au niveau des mesures tarifaires, on trouve une autre façon de nous barrer la route et on tombe rapidement dans les mesures non tarifaires. Est-ce que vous pouvez commenter à ce sujet?
M. Laurent Pellerin: C'est une question sur laquelle on n'est pas intervenus spécifiquement, mais oui, il y avait eu une entente, lors de la dernière ronde de négociations de l'OMC, pour effectuer un minimum de travail sur l'harmonisation des normes sanitaires et phytosanitaires. Dans les faits, ces travaux n'ont pas encore donné beaucoup de résultats. Vous avez tout à fait raison. Ces mesures sont plus souvent qu'autrement utilisées comme nouvelles barrières au commerce quand les tarifs baissent ou quand les accès minimums grandissent.
La deuxième mesure de protection, c'est de revenir avec des mesures pseudosanitaires ou phytosanitaires. Il sera urgent, à l'occasion de la prochaine ronde, de préciser ces normes internationales et de les consigner par écrit. À ce sujet, le Canada et les producteurs agricoles canadiens ont toujours revendiqué de ne pas abaisser nos normes, mais plutôt que les autres pays aient à atteindre les nôtres.
• 1000
On sait que le Canada jouit, partout dans le monde, d'une excellente
réputation au niveau de la qualité de ses produits.
On n'abaissera évidemment pas nos normes pour satisfaire aux
règles d'une
harmonisation vers le bas. D'ailleurs,
c'est un beau défi pour les autres pays que d'atteindre
les normes sanitaires canadiennes. Toutefois, en
attendant que cela se produise, cela peut nous donner
accès à des marchés fort
intéressants. Et ce n'est pas bidon parce que les
normes sanitaires canadiennes existent.
Mme Hélène Alarie: J'ai une dernière question, si vous le permettez, monsieur le président. Elle touche un peu les arguments que j'ai entendus aussi de la part des autres témoins en ce qui a trait à toutes les normes agroenvironnementales.
Présentement, au Québec, le coût de production du porc est relativement plus élevé parce qu'on a des normes agroenvironnementales très coûteuses et qu'on les met en vigueur. Par la force des choses, on est obligé de les mettre en vigueur. Je n'arrive toutefois pas à voir comment cette mesure pourra s'appliquer aux autres pays. Comment peut-on en arriver à négocier des normes agroenvironnementales? Parfois, seulement entre nous, on a de la difficulté à se comprendre à ce chapitre. Je ne sais pas si vous avez des commentaires à formuler à ce sujet.
M. Denis Levasseur: J'ai un seul commentaire, parce qu'on l'a bien indiqué dans le mémoire. C'est sûr qu'à l'avenir, il faudra absolument favoriser des normes agroenvironnementales permettant de produire dans un milieu qui sera harmonisé.
L'élément majeur est qu'il faut absolument trouver des solutions pour limiter l'augmentation des coûts de production lorsqu'on implante des normes aussi sévères que celles qu'on a au Québec. Si nos coûts de production augmentent à cause des normes, on se sort du marché. Dans notre mémoire, on mettait l'accent sur l'importance, pour les paliers de gouvernement, de se pencher là-dessus pour favoriser des moyens susceptibles d'améliorer nos normes, tout en minimisant l'impact sur les coûts de production afin qu'on puisse demeurer compétitifs.
[Traduction]
Le président: Merci.
Je donne maintenant la parole à M. Calder, qui dispose de sept minutes.
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais reprendre l'exemple de M. Hilstrom.
Nous constatons à présent que, pour l'année 1998, les États- Unis vont injecter quelque 15 milliards de dollars dans le secteur agricole. L'Union européenne va sans doute en faire autant. Il va sans dire que ce genre d'intervention entraîne une distorsion des échanges. Mettons qu'un producteur—et je vous signale que je suis aviculteur de métier. Donc, mettons que ce producteur souhaite construire une grosse usine au Canada, produire beaucoup de poulets et les vendre sur le marché international pour gagner plein d'argent.
Seulement le prix du poulet est très faible, comme celui du porc. Peu de temps après, il ira voir les autorités en leur disant: «Me voilà, j'ai construit cette usine, je crée des emplois au Canada et je n'ai même pas accès au marché intérieur canadien. Je veux commencer à vendre mon poulet au Canada, parce que je ne gagne rien quand je le vends à l'étranger.»
On peut donc supposer qu'il en résultera une perturbation de l'offre intérieure au Canada et une baisse importante du prix à la production que touche l'agriculteur. Il n'est pas sûr que le prix de gros et de détail baisse également, car cela n'a certainement pas été le cas dans le secteur du porc.
Que pensez-vous de cet exemple?
M. Laurent Pellerin: Vous êtes aviculteur. Moi je suis éleveur de porcins, et je comprends très bien ce qui se produit actuellement sur le marché.
D'abord, il est important de dire qu'à notre avis, le Canada était bien intentionné lorsqu'il a signé le dernier accord commercial mondial. Cela ne fait absolument aucun doute, en ce qui nous concerne. Mais le fait est que l'accord en question n'a pas permis de réaliser son objectif essentiel. Les chiffres que nous avons cités ce matin nous permettent de constater que le Canada est sans doute le seul pays à avoir surpassé tous ses engagements. Ce n'est certainement pas le cas des autres pays, notamment les États- Unis et la CEE.
• 1005
Je suis convaincu que nous sommes, sinon les meilleurs, parmi
les meilleurs agriculteurs du monde. Tous produits confondus, nous
au Canada sommes en mesure de rivaliser avec n'importe quel autre
agriculteur du monde. Pour moi, ça, c'est clair.
Le problème, c'est que notre gouvernement n'est pas en mesure de rivaliser avec les autres gouvernements. Voilà le plus grave problème que nous avons à régler actuellement. En deux mois, les États-Unis ont doublé leur apport financier aux agriculteurs de sorte qu'ils leur versent actuellement près de 6 milliards de dollars. Ce n'est pas une petite somme; c'est beaucoup d'argent.
Une voix: C'est exact.
M. Laurent Pellerin: Et ils ont pris cette décision en deux mois.
J'ai lu dans le journal la semaine dernière qu'au Canada, les agriculteurs attendront au moins le printemps prochain avant de toucher plus d'argent. Ce sera environ un an après le début de la crise. C'est tout de même un peu décevant. Plus qu'un peu—très décevant.
M. Murray Calder: Eh bien, dans cette situation...
M. Laurent Pellerin: Tout cela prend trop de temps.
M. Murray Calder: ...au gouvernement, nous essayons de réagir le plus rapidement possible.
M. Laurent Pellerin: Oui, je le sais, mais cela ne suffit pas.
M. Murray Calder: Je sais. Cela ne suffit jamais, et les choses ne vont jamais assez rapidement.
M. Laurent Pellerin: Et mon critère d'évaluation est très simple. Les États-Unis l'ont fait en deux mois. Pourquoi faut-il attendre six ou dix mois au Canada? Sommes-nous moins efficaces que les Américains?
En fin de compte, je ne puis accepter l'argument selon lequel nous n'avons pas d'argent, nous ne sommes pas assez riches ici au Canada, nous sommes dans l'impossibilité de concurrencer les États- Unis, et notre gouvernement est trop pauvre. Au Canada, l'aide financière que nous accordons pour l'activité agricole se chiffre à 143 $ par habitant. Aux États-Unis, c'est 297 $ par habitant. C'est donc deux fois plus.
Rien n'empêche le citoyen canadien d'offrir le même soutien que celui accordé aux États-Unis, vu le faible prix des céréales et du porc à l'heure actuelle. Il y a effectivement un problème, mais ce n'est pas la faute des agriculteurs, car individuellement, nos agriculteurs peuvent rivaliser avec les meilleurs agriculteurs du monde. La productivité est fonction du nombre de porcelets par truie, de l'indice de transformation, qu'on parle de porc ou de poulet, et du lait produit par chaque vache. Nous sommes en mesure de rivaliser avec les agriculteurs du monde entier sur tous les plans.
Mais à mon avis, notre société n'est pas en mesure de concurrencer notre gouvernement. Les chiffres que j'ai obtenus m'inquiètent un peu en ce qui concerne la possibilité que notre gouvernement ne puisse pas affronter la concurrence. Si c'est vrai, nous avons un gros problème.
M. Murray Calder: Oui.
M. Yvon Proulx: Puis-je vous demander quelque chose? Même le prix de détail du lait est inférieur au Canada qu'aux États-Unis, n'est-ce pas?
M. Murray Calder: C'est exact.
M. Laurent Pellerin: Je voudrais réagir à l'autre aspect de votre question, concernant un accès accru pour les nouveaux agriculteurs, par exemple, aux marchés mondiaux. Il est vrai que nous avons parfois l'occasion de vendre nos produits ailleurs au monde. Nous devons nous préparer. Vu l'état actuel du marché des céréales et du porc, l'idée de prévoir un système mondial de gestion de l'offre et de la demande n'est pas si farfelue.
Les Japonais achètent 55 p. 100 de leurs matières premières sur les marchés mondiaux. Ils veulent être sûrs que les produits qu'ils consomment sont des produits de bonne qualité. Donc, le jour où nous pourrons accomplir ce travail sur une base contractuelle n'est pas si lointain. L'offre gérée ou la gestion de l'offre—je ne suis pas très sûr de l'agencement des mots—mais je sais que nous allons devoir gérer quelque chose dans un très proche avenir. C'est d'autant plus vrai que les besoins en matière d'alimentation seront importants au cours des 25 prochaines années, et il faudra faire quelque chose si nous voulons être en mesure de nourrir tout le monde sur la...
Le président: Murray, monsieur Pellerin, il ne reste plus qu'une minute, et je pense que M. Pilon voudrait intervenir.
[Français]
M. André Pilon: Un des volets de la question de M. Calder portait sur ce que nous disions dans notre mémoire, à savoir l'établissement de quotas pour l'exportation. On parle de rendre plus productives les capacités d'élevage qui ont été instaurées et non pas d'attribuer de nouveaux quotas à des gens qui ne sont pas déjà dans l'industrie. Lorsque les marchés d'exportation et la demande existeraient, on permettrait à quelqu'un, au moyen de ces quotas, d'utiliser et de rentabiliser au maximum son effectif. Si, à un moment donné, il y avait une diminution de la demande, on reviendrait alors simplement à la normale. On ne parle donc pas d'attribuer des quotas à de nouveaux joueurs. C'est simplement pour rentabiliser davantage l'effectif existant.
[Traduction]
Le président: Merci. Nous n'avons plus de temps.
Monsieur Pellerin, je comprends votre frustration en ce qui concerne la mise sur pied d'un programme de secours aux victimes de la crise actuelle. Dans ce genre de situation, le temps semble toujours très long. Mais il convient de vous faire remarquer que ce qu'on nous a dit, et surtout ce qu'on a dit au gouvernement, c'est que les agriculteurs ne veulent surtout pas de programme dit spécial. Et nous ne pouvons non plus essayer de régler le problème à coups de millions, comme cela a été fait par le passé. Nous devons absolument élaborer un programme bien défini qui respecte l'ensemble de nos obligations en vertu de différents traités, qui tient compte des programmes de sécurité déjà en place, etc. Malheureusement, quand on adopte ce genre de stratégie, ça prend un peu plus longtemps, mais je pense que tout le monde comprend très bien votre frustration.
M. Laurent Pellerin: Je voudrais réagir à votre dernier commentaire. S'il y a une chose que les agriculteurs détestent, ce sont les subventions. Ils ne veulent pas du tout de subventions. Ils préfèrent obtenir un prix juste pour leurs produits sur le marché.
Au cours des deux, trois ou cinq dernières années, beaucoup de gens—des représentants du gouvernement, des élus, des universitaires—sont venus expliquer aux agriculteurs l'aspect positif des exportations, non seulement pour eux mais pour l'ensemble de la population canadienne. Mais où sont-ils aujourd'hui, tous ces gens-là? Où sont-ils?
Le président: Nous allons en rester là pour le moment.
M. Laurent Pellerin: Ils ont disparu.
Le président: Restons-en là pour le moment. Je dois maintenant donner la parole à M. Proctor.
Monsieur Proctor, vous avez cinq minutes.
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup.
Ma première question s'adresse à M. Proulx. Comme vous le savez, en réponse au blocus instauré cet automne à la frontière, c'est-à-dire au 49e parallèle, entre le Midwest des États-Unis et le Canada, les autorités canadiennes ont porté plainte auprès des responsables de l'OMC et de l'ALENA contre les mesures prises par les Américains, dont certaines avaient l'aval du gouvernement de l'État concerné. Je crois comprendre que par suite de l'entente conclue la semaine dernière, Sergio Marchi, ministre du Commerce international, a maintenant suspendu cette procédure. C'est du moins ce que j'ai cru comprendre, à savoir que nous ne sommes pas sûrs de maintenir la plainte que nous avons déposée auprès des responsables de l'ALENA et de l'OMC.
Tous les membres assis autour de la table n'ont pas arrêté de dire pendant tout l'automne qu'à la prochaine série de négociations, le Canada doit absolument être en position de force. Et si je ne me trompe pas, c'est ce que ces messieurs nous disent également ce matin à leur façon.
Après ce long prologue, j'arrive enfin à ma question: si les affirmations du ministre du Commerce international sont exactes, comme je le prétends, ce fait nouveau est-il de bon augure pour l'avenir? Ou est-ce que cela indique au contraire que nous arriverons difficilement à protéger l'industrie agricole dans le cadre des prochaines négociations commerciales mondiales?
M. Laurent Pellerin: En ce qui concerne les exportations de blé—c'est-à-dire le blocus dont vous avez parlé—je ne sais pas si nous pouvons pour le moment voir dans les affirmations du ministre un signe positif ou négatif par rapport à la prochaine série de négociations. Tout dépendra des modalités qui seront acceptées à la fin du processus de négociation.
À cet égard, vous savez très bien que les ministres et le gouvernement doivent jouer ce petit jeu avec les élus américains. Il y a énormément de discussions publiques à ce sujet. Mais il ne s'agit pas de véritables négociations. Ce sont des hommes politiques, et pour le moment, nous ignorons les termes qui vont réellement être employés et la nature de la plainte qui sera peut- être déposée à ce sujet.
M. Dick Proctor: Monsieur Davidson, vous avez indiqué dans votre mémoire, ce matin, que le CSRN n'est pas une solution, que le programme d'aide financière qui est prévu n'aidera pas tellement les producteurs de luzerne déshydratée et que, comme nous le savons tous, il faudra attendre des années avant que la prochaine série de négociations ne soit conclue à l'OMC. Pourriez-vous donc dire aux membres du comité en quoi consistent les éventuelles solutions pour votre secteur d'activité? Qu'est-ce qu'il vous faut au juste?
M. Bryan Davidson: Eh bien, par le passé, les producteurs de luzerne déshydratée ont toujours été traités de la même façon que les céréaliculteurs. Nous avons toujours été jugés admissibles en vertu de la LTGO, des programmes spéciaux pour les grains et d'autres initiatives du même genre. J'espère donc que cette fois- ci, des gens comme nous seront inclus. Il y a des parallèles entre notre branche d'activité et l'agriculture. Nous avons un parc d'équipement pour travailler les champs, des usines de transformation, et tout le reste. Nous sommes donc ici pour demander au gouvernement et aux membres du comité de ne pas oublier des gens comme nous.
La discussion précédente concernant les subventions dont bénéficient d'autres secteurs d'activité m'a semblé très intéressante. Il est question d'accorder au secteur agricole canadien une aide financière initiale d'environ 400 millions ou 500 millions de dollars. Je vous signale cependant que le secteur européen de la luzerne déshydratée touche environ 500 millions de dollars par année sous forme de subventions versées aux transformateurs. Et ça, c'est en plus des subventions qu'ils touchent à titre d'exploitations agricoles.
Comme vous le constatez, l'aide financière qu'on propose d'accorder au secteur agricole canadien n'est pas plus importante que celle dont bénéficie actuellement le secteur européen de la luzerne déshydratée. Il faut surtout bien comprendre qu'au fur et à mesure que se constitue un excédent en Europe, nous aurons de plus en plus de mal à rester concurrentiels.
Comme l'indiquait notre mémoire, depuis l'élimination de la LTGO, nous ne bénéficions plus d'aucune subvention. Nous estimons qu'il aurait suffit de réduire la subvention de 36 p. 100 que prévoit la LTGO pour respecter les dispositions des accords conclus au GATT. Malgré tout, la décision a été prise de l'éliminer complètement. Pour nous, cela représente un fardeau considérable.
Nous souhaitons simplement que ce programme qu'on envisage de créer prévoie une disposition de ce genre qui permette d'aider des gens comme nous.
Le président: Merci.
Monsieur Borotsik, vous avez cinq minutes.
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Merci. Je voudrais continuer à explorer le sujet soulevé par M. Proctor.
Monsieur Davidson, à votre avis, quels autres transformateurs se trouvent dans la même situation que les producteurs de luzerne déshydratée? Il est possible que d'autres transformateurs souffrent en raison des prix actuels, parce que leur produit n'a pas la même valeur sur les marchés libres.
Connaissez-vous d'autres transformateurs, à part les producteurs de luzerne déshydratée, dont la situation serait semblable à la vôtre?
M. Bryan Davidson: Je n'ai pas vraiment pris le temps de faire cette évaluation. Mais en ce qui concerne la LTGO et le débat sur sa conservation ou son élimination, il est clair que cette bataille a fait des vainqueurs et des vaincus. Dans le secteur du canola ou des céréales en général, certains avantages sont passés des exportateurs aux transformateurs intérieurs.
Comme je l'ai indiqué dans notre mémoire, entre 80 et 90 p. 100 du produit est exporté dans notre secteur. C'était...
M. Rick Borotsik: En ce qui concerne les 90 p. 100 dont vous parlez justement dans votre mémoire, la majorité des exportations en question sont acheminées vers les pays asiatiques. Est-ce qu'une partie de ces exportations vont aux États-Unis?
M. Bryan Davidson: Oui, une faible quantité est exportée aux États-Unis, mais les plus gros volumes sont destinés aux pays asiatiques.
M. Rick Borotsik: Y a-t-il d'autres débouchés aux États-Unis?
M. Bryan Davidson: Non, parce que l'industrie est déjà bien établie dans diverses régions du pays.
M. Rick Borotsik: Comme en Europe. Là, aussi, ils ont leur propre industrie.
M. Bryan Davidson: Oui.
M. Rick Borotsik: Donc, serait-il juste de dire qu'il existe actuellement une surcapacité par rapport au marché mondial, et que nous devons donc interrompre la production? Je comprends très bien vos arguments en ce qui concerne les subventions. Quand certains touchent une subvention supérieure à 150 $ la tonne, les autres ont nécessairement du mal à rester concurrentiels. Mais diriez-vous qu'il y a actuellement une surcapacité sur le marché canadien?
M. Bryan Davidson: Oui. Il y a une légère surproduction à l'heure actuelle, parce que ce secteur a pris énormément d'expansion en Europe grâce aux subventions.
M. Rick Borotsik: Oui, je me souviens d'avoir lu ça.
M. Bryan Davidson: Les subventions sont tellement importantes qu'elles entraînent une véritable distorsion des échanges. Ils sont maintenant disposés à acheminer leur produit depuis l'Europe vers l'Asie en passant par le canal de Panama pour moins cher que nos frais de transport depuis Vancouver.
M. Rick Borotsik: Et quel est l'état actuel du marché intérieur pour ce produit?
M. Bryan Davidson: Le marché intérieur est correct. Certains d'entre nous travaillent très fort pour nous procurer une plus grosse part du marché intérieur, mais dans l'ouest du Canada, où se trouve la majeure partie des usines, les possibilités de vente accrue sont limitées.
Il faut aussi se rappeler qu'on doit concurrencer d'autres produits alimentaires à l'heure actuelle. C'était d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les dispositions de la LTGO nous visaient également. C'était pour tenir compte du fait que nous devons transporter notre produit sur de très longues distances pour l'acheminer sur les ports, et que d'autres produits alimentaires bénéficiaient de ces dispositions spéciales.
M. Rick Borotsik: Est-ce que certains producteurs européens arrivent à vendre leurs produits sur notre marché au Canada, vu le prix qu'ils peuvent demander grâce aux importantes subventions qu'ils touchent?
M. Bryan Davidson: Ces dernières années, il y a eu quelques expéditions vers le Canada, et cette menace existe toujours. Deux fois au cours des six ou huit derniers mois, nous avons entendu dire que les producteurs européens expédieraient une certaine quantité de produit, mais je ne sais pas si ces envois ont été faits ou non.
M. Rick Borotsik: Vous avez dit à un moment donné qu'une offre d'achat est aussi négative en ce qui vous concerne que l'achat ou la vente elle-même. Est-ce que sur certains marchés...
M. Bryan Davidson: Oui, c'est surtout le cas d'un marché comme celui du Japon. À titre d'information, je peux vous dire que le Japon importe à l'heure actuelle environ 3 millions de tonnes de céréales fourragères, dont 700 000 tonnes viennent du Canada. Mais il faut surtout vous dire qu'on parle en l'occurrence d'un total de 3 millions de tonnes.
Ils ont leur propre secteur laitier. M. Pellerin en sait certainement plus long que moi, mais si je ne m'abuse, nous avons moins d'un million de vaches laitières au Canada. Au Japon, ils en ont plus de deux millions. On ne peut pas maintenir l'excellence du matériel génétique, comme ils l'ont fait au Japon sans donner de luzerne aux vaches laitières.
M. Rick Borotsik: Très bien. Merci beaucoup, monsieur Davidson. Je pense qu'il doit me rester quelques minutes. Je voudrais poser une question ou deux à M. Pellerin, si vous me permettez.
Comme d'autres autour de la table, je vois une sorte de contradiction entre le maintien de notre système intérieur de gestion de l'offre et les débouchés commerciaux qui se présentent sur les marchés mondiaux. J'ai donc deux questions à vous poser.
Vous avez parlé du porc, monsieur Pellerin, et je dois vous dire que j'apprécie beaucoup les producteurs de porc. Je viens de l'ouest du pays, et je connais bien le porc. À votre avis, le porc devrait-il être visé par le système de gestion de l'offre?
Deuxièmement, quels autres produits devraient à votre avis être visés par le système de gestion de l'offre?
Troisièmement, si vous deviez faire un choix dans le contexte des négociations de l'OMC, opteriez-vous pour un marché intérieur très solide plutôt que pour un marché international ouvert et élargi?
Le président: Vous avez une minute.
M. Laurent Pellerin: Bientôt nous allons devoir tout gérer. Si nous souhaitons nourrir tous les habitants du monde, nous devons tôt ou tard faire coïncider la demande et l'offre. Ça, c'est clair.
Je suis producteur de porc depuis 25 ans. L'argent que je vais perdre ou que je perds déjà cette année...
M. Rick Borotsik: Ce secteur devrait-il être visé par le système de gestion de l'offre?
M. Laurent Pellerin: Oui, je pense que oui, sur le plan mondial.
M. Rick Borotsik: Tout? Tous les produits agricoles?
M. Laurent Pellerin: À la limite, oui, car nous n'avons pas...
M. Rick Borotsik: Si vous deviez choisir, monsieur Pellerin, c'est ça que vous choisiriez plutôt que l'expansion des marchés internationaux?
M. Laurent Pellerin: Je suis tout à fait convaincu que si l'ensemble du marché mondial est géré de cette façon, le Canada saura conquérir une part très importante de ce marché. Je me permets de répéter que, du point de vue des coûts de production et de leur capacité concurrentielle, les agriculteurs canadiens sont parmi les meilleurs agriculteurs du monde. J'en suis intimement convaincu. Si les subventions qui existent dans les autres pays sont éliminées, de sorte que nous nous concurrençons en fonction de nos activités agricoles uniquement, nous ferons certainement très bonne figure.
Le président: Très bien. Merci.
Monsieur Bonwick, vous avez cinq minutes.
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): M. Davidson et M. Pellerin ont tous les deux dit que, dans un monde idéal, il n'y aurait plus de subventions. Vu les explications que vous nous avez fournies, je suppose que cette affirmation s'appuie sur votre confiance en l'industrie agricole au Canada. D'ailleurs, je partage cette confiance. Vous nous avez donné quelques exemples précis de subventions ciblées qui existent dans d'autres pays mais dont nous ne bénéficions pas ici au Canada.
Mais ma question concerne plutôt l'autre côté du bilan, c'est- à-dire les dépenses plutôt que les revenus. Vos associations ont- elles participé à des exercices d'échange d'information concernant les coûts de production avec d'autres groupes ou pays, comme l'Union européenne, par exemple?
Permettez-moi de vous donner deux ou trois exemples. Le coût du carburant dans certains pays est de deux à trois fois plus élevé qu'au Canada, et ce coût de production pour le transformateur ou l'agriculteur ne dépend absolument pas de lui. De même, l'équipement coûte beaucoup plus cher dans certains pays qu'au Canada.
Il y a aussi la question des soins de santé. Certaines familles d'agriculteurs ou certains secteurs agricoles ont dû supporter les coûts directs des soins de santé que reçoivent leurs employés ou les membres de leur famille. Il s'agit de coûts que les producteurs canadiens ou du moins certains secteurs agricoles au Canada n'ont pas à supporter. Je vous invite donc à réagir à ce commentaire et à me dire si vous avez fait des recherches à cet égard.
M. Bryan Davidson: Pourrais-je intervenir? Les Européens continuent à nous dire que leurs coûts de production sont extrêmement élevés, qu'on parle d'exploitation agricole, de transformation ou d'autres activités de ce genre. À notre congrès annuel qui s'est tenu vers la fin octobre de cette année, le directeur général de l'Association européenne des déshydrateurs a fait un exposé. S'il a voulu assister à notre congrès, c'est parce que l'association européenne souhaitait nous communiquer ses vues concernant la démarche faite par notre gouvernement. Le représentant européen a donc fait un très long exposé où il a présenté en détail l'ensemble de leurs coûts de production, mais en l'absence d'un repère commun, c'était assez difficile à suivre.
• 1025
Par contre, il a démontré que leurs coûts énergétiques sont
très élevés, comme vous-même venez de le dire, et que les dépenses
qu'ils ont à supporter pour différentes mesures de protection
environnementale sont peut-être plus élevées que les nôtres. Mais
j'avoue que j'écoutais très attentivement son exposé et qu'il n'a
pas mentionné tous les éléments qu'il aurait dû mentionner, à mon
avis, de sorte que je pouvais difficilement porter un jugement sur
les deux régimes.
Voilà ce que je peux vous dire à ce sujet. Garry, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Garry Benoit (directeur général, Canadian Dehydrators Association): Pour moi, c'est aux fruits qu'on juge l'arbre. Il suffit d'analyser la situation de l'Espagne à partir du moment où elle a adhéré au Marché commun et qu'elle a commencé à toucher la subvention. Grâce à cette seule subvention, elle a pu commencer à créer une industrie et à l'élargir progressivement. La production espagnole est passée de 50 000 tonnes à 1,7 million de tonnes, soit deux fois la production canadienne.
Pour moi, la subvention actuellement accordée est beaucoup trop élevée. Elle donne lieu à un énorme excédent de produit, excédent qui fait actuellement l'objet de dumping sur des marchés étrangers que nous avons obtenus difficilement au Japon et ailleurs, et cette pratique est en train de détruire l'ensemble du marché. Donc, malgré leurs coûts, certains éléments de la production européenne sont subventionnés à outrance, ce qui crée des excédents faramineux.
M. Paul Bonwick: Je suppose que je n'ai pas dépassé mon temps?
Le président: Allez-y, si vous voulez intervenir.
M. Laurent Pellerin: Nous avons certains chiffres qui comparent les coûts de production au Canada et ceux de certains autres pays membres de la CEE. Partout cela coûte plus cher ailleurs qu'ici au Canada pour élever des porcins, produire du lait ou fabriquer n'importe quel autre produit. Des fois, leurs coûts sont deux fois plus élevés que les nôtres.
Il y a donc une énorme différence entre la situation au Canada et celle des pays membres de la CEE. Nous pouvons facilement concurrencer ces exploitations agricoles, surtout s'il n'y a pas de paiement de dédommagement.
Pour ce qui est de comparer nos coûts à ceux des États-Unis, nous avons récemment travaillé avec nos homologues américains pour faire une analyse des coûts de production du lait. Quand on analyse tous les facteurs de production aux États-Unis, y compris les frais des services de vétérinaire, le coût des céréales fourragères, et tout le reste, on constate que la différence entre le Canada et les États-Unis est minime. La seule différence importante qui existe entre le Canada et les États-Unis sur le plan des coûts de production, c'est qu'au Canada, on paie le producteur. Donc, vis-à- vis des États-Unis, il n'y a pas de problème.
Le président: Merci.
Sept personnes ont demandé la parole. Vous êtes tout aussi capables que moi de voir l'horloge. Si ces sept personnes vont pouvoir poser leurs questions en 32 minutes, il va vraiment falloir faire vite.
Je cède la parole à M. Hilstrom.
M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président.
Monsieur Davidson, je voudrais vous poser une très brève question. On entend souvent parler autour de cette table de l'agriculteur type et pour vous dire vrai, c'est pour des raisons purement politiques qu'on parle de ce personnage mythique. Le fait est que les exploitations familiales, y compris les usines de déshydratation que possèdent certains transformateurs, peuvent être de toute taille. De même, il existe toutes sortes de coopératives, et je suis membre de certaines d'entre elles.
Donc, dans le contexte de la crise actuelle des revenus agricoles, le principal critère d'admissibilité à l'aide financière ne devrait-il pas être qu'une exploitation ou une entité a été lésé par les subventions étrangères qui entraînent une distorsion du commerce, plutôt que...? N'est-ce pas l'un des principaux critères à retenir, à votre avis, critère en vertu duquel vous seriez justement admissible?
M. Bryan Davidson: Eh bien, d'après ce que j'ai pu comprendre, le gouvernement, et surtout M. Vanclief, ont bien insisté sur le fait qu'ils veulent éviter à tout prix d'adapter une approche sectorielle. Dans l'actuel climat commercial, c'est une considération qui me semble valable. Quand d'autres programmes ont été mis sur pied précédemment, des fois nous nous sommes trouvés sur la touche. À ce moment-là, nous avons fait une démarche auprès du gouvernement. Ce dernier a fini par reconnaître que notre activité était fort semblable à celle du secteur céréalier, et par conséquent, nous avons été inclus.
Donc, la meilleure réponse que je puisse vous faire, c'est que dans le contexte de cette crise des revenus agricoles, nous sommes prêts à être traités sur un pied d'égalité avec toutes les autres entités agricoles, car telle est la nature de notre travail.
M. Howard Hilstrom: Merci beaucoup.
Je voudrais adresser une question à M. Proulx et à M. Pellerin. La gestion de l'offre est un énorme succès au Canada. Je me permets de me faire un peu l'avocat du diable, comme je suis ex-contre-interrogateur d'une force policière. Les exportations de céréales de la Commission canadienne du blé s'élèvent à environ 6 milliards de dollars. L'industrie du bétail représente environ 5 milliards de dollars. Et le secteur de l'élevage des porcins représente 2 ou 3 milliards de dollars de plus. Les usines de déshydratation génèrent des revenus massifs. Le système de gestion de l'offre dans le secteur laitier représente 350 millions de dollars d'exportations chaque année.
Donc, face à cette discussion, j'ai l'impression que le gouvernement libéral et ses négociateurs commerciaux vont conclure que pour le Canada, la voie de l'avenir est le libre-échange. Évidemment, il s'agit de savoir combien de temps nous allons prendre pour y arriver. À mon avis, parler de notre devoir de «nourrir le monde» est une sorte de faux-fuyant, parce qu'il ne fait aucun doute que nous pourrons nourrir la population mondiale, à moins de terribles catastrophes.
• 1030
Pour ce qui est de la gestion de l'offre, il faut bien voir
les faits. Vous avez parlé du porc, et vous m'avez répliqué en
disant: voilà ce qui pourrait arriver. Mais je dois vous dire que
nous avons entendu un témoin ici même, M. Asnong du Conseil
canadien du porc, et je l'ai regardé en face... Je l'ai regardé
dans le blanc des yeux et je lui ai dit: «Souhaitez-vous que le
secteur du porc soit visé par le système de gestion de l'offre?» Il
m'a fait une réponse bien concise: «Non.»
Comment le gouvernement peut-il concilier votre argument avec cette position-là, et encore une fois, comment pouvez-vous vous attendre à augmenter les exportations et à réaliser des gains pour le Canada en devises étrangères si vous n'êtes pas prêts à accepter certains changements en vue de la mondialisation du commerce?
M. Laurent Pellerin: Je veux m'assurer que vous comprenez bien mes propos.
Je connais très bien M. Asnong, et je n'ai jamais dit que nous souhaitons dès maintenant que tous soient visés par un système de gestion de l'offre seulement au Canada; en ce qui me concerne, cela va se faire à l'avenir. À mon avis, nous nous rapprochons rapidement du moment où nous devrons envisager de faire concorder la demande et l'offre dans le monde entier.
Notre problème à l'heure actuelle, c'est que chaque porc nous rapporte 50 $, alors qu'il en vaut 600 $ au magasin de détail.
M. Howard Hilstrom: Monsieur Pellerin, parlez-vous d'une sorte d'administration mondiale, un peu comme l'ONU, qui prendrait toutes ces décisions pour l'ensemble des pays, l'ensemble des marchés, etc.?
M. Laurent Pellerin: Non, il ne s'agirait pas vraiment d'une administration mondiale, parce que les administrations en général ne m'inspirent pas confiance. Mais par exemple, si la population japonaise voulait avoir 200 tonnes métriques de porc chaque année pour les 10 prochaines années, n'est-il pas possible que nous concluions un contrat avec elle pour garantir un certain prix, certaines normes de qualité, et certains délais d'exécution, de sorte que nous nous engagions à nourrir les Japonais pendant les 10 prochaines années?
M. Howard Hilstrom: Ne pensez-vous pas que...
Le président: Je suis désolé, mais nous n'avons plus de temps. Nous passons tout de suite à M. Desrochers, qui sera suivi de Mme Ur et de M. Paradis.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Tous parlent d'une crise, d'une situation d'urgence, mais il semble que du côté du ministre de l'Agriculture, il n'y ait pas d'ouverture et qu'on veuille maintenir le statu quo des programmes actuels. Les États-Unis et le Québec ont bougé face à la crise du porc. Nous aimerions sûrement que le fédéral bouge à son tour et adopte une approche beaucoup plus flexible et réaliste qui nous aiderait dans l'immédiat, et non pas dans quatre, six ou dix mois. Ça, c'est le débat sur la sécurité du revenu.
J'aimerais maintenant revenir aux éventuelles négociations de l'OMC. Je partage les propos qui ont été tenus par M. Pellerin et M. Proulx de l'UPA: le Canada a assez donné; que les autres partenaires fassent maintenant leur part.
Monsieur Proulx, la position du Canada est très proche de celle du groupe Cairns, groupe où ne siègent pas les pays européens et les États-Unis. Comment expliquez-vous que le Canada appuie sa position à ce stade-ci? En regardant le tableau actuel, je suis porté à croire que c'est ça qui s'est passé dans le fond.
M. Yvon Proulx: Lors des dernières séances de négociations, le Canada a entamé les négociations avec une position très, très proche de celle du groupe Cairns, qui prônait une très grande ouverture des marchés. À la suite de pressions, de négociations et de discussions, le Canada est finalement revenu à une position plus équilibrée, et c'est ce qu'on va lui demander de faire encore cette année. On ne peut nier qu'au début des négociations, il a eu tendance à se rapprocher du groupe Cairns, qui regroupe des pays qui ne cherchent qu'à protéger les intérêts des exportateurs.
On connaît bien les autres pays du groupe Cairns, et ce n'est pas pour rien que l'Union européenne et les États-Unis n'en font pas partie. Nos principaux partenaires et compétiteurs sont les États-Unis et la communauté européenne, qui adoptent tous deux une position moins exclusivement pro-exportation et pro-ouverture. Par conséquent, il ne faut pas s'inspirer de la position de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, mais plutôt se battre avec les Américains et l'Union européenne. Ces principaux partenaires cherchent eux aussi à protéger certains secteurs, et nous ferons de même. Il est évident que le gouvernement canadien devra prendre cette voie.
M. Odina Desrochers: Est-ce que vous partagez ce point de vue, monsieur Pellerin?
M. Laurent Pellerin: Oui, tout à fait.
M. Odina Desrochers: Maintenant, j'étais moi aussi à Montréal, en novembre, et j'ai entendu des conférenciers de l'Union européenne et des États-Unis nous dire, à toutes fins pratiques, qu'ils nous fermaient les frontières pour des négociations. Que doivent faire le Québec et le Canada pour maintenir une position plus ferme et espérer gagner quelque chose, maintenant qu'on a donné beaucoup?
M. Laurent Pellerin: Comme nous l'indiquons dans notre document et comme nous le répétons depuis avant même la signature des derniers contrats de l'OMC, nous souhaitons que les engagements qui ont été signés à l'OMC en décembre 1993 soient respectés. Mais s'ils ne sont pas respectés, nous espérons que le gouvernement canadien et les décideurs politiques canadiens vont s'assurer que les industries agricoles ne disparaissent pas du pays sous prétexte que le Canada, lui, s'est acquitté de ses obligations, mais que les autres ne l'ont pas fait.
Il ne faut pas être enfants d'école après avoir été boy-scouts. Il va falloir agir sérieusement. On ne laissera pas disparaître les activités agricoles du Canada parce que certains pays n'ont pas rempli leurs obligations aux dernières séances de négociations de l'OMC. Il me semble que c'est clair dans l'esprit de tout le monde. Il ne faut pas laisser disparaître les industries agricoles du Canada parce que d'autres pays n'ont pas agi tout à fait correctement, tandis que nous avons trop bien respecté nos obligations.
M. Odina Desrochers: Monsieur Pellerin, devrions-nous exiger, avant de nous asseoir pour négocier, qu'on règle la question de 1993?
M. Laurent Pellerin: C'est ce que nous avons dit lors de notre présentation: faisons le bilan des engagements des autres pays, faisons le bilan de ce qui a été accompli et de ce qui n'a pas été accompli et, à partir de cela, si le Canada s'est acquitté, comme on le pense, de ses obligations et que les autres ne l'ont pas tous fait, ne mettons rien de nouveau sur la table avant que les autres aient rempli leurs obligations.
Le président: Merci.
[Traduction]
Je cède donc la parole à Mme Ur, qui sera suivie de M. Paradis et de M. Hoeppner, et nos deux derniers intervenants seront M. Coderre et M. McGuire.
Madame Ur.
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Pilon, votre exposé m'a un peu embrouillée—et c'est peut-être à cause de mon interprétation de vos propos. Vous dites que vous avez besoin d'outils pour rester concurrentiels, mais vous affirmez aussitôt après que vous souhaitez l'élimination des contingents parce que les agriculteurs sont les mieux placés pour savoir combien il faut produire et comment vendre leur produit.
C'est actuellement le cas dans le secteur du porc, et par conséquent je comprends mal qu'on affirme que c'est ça qui se produirait si les contingents disparaissaient. Nous avons déjà l'exemple du secteur du porc; cela ne s'est jamais produit. Les producteurs souhaitent au contraire prendre de l'expansion, en espérant que le marché saura répondre à l'offre, et finalement il n'en est rien.
Donc, d'une part, vous voulez certains outils, mais d'autre part, vous souhaitez faire disparaître vos outils. Que voulez-vous au juste?
[Français]
M. André Pilon: Je n'ai pas bien compris votre question. Vous semblez dire qu'on veut abolir les quotas; il n'en est pas du tout question.
[Traduction]
Mme Rose-Marie Ur: C'est ce que j'avais cru comprendre.
[Français]
M. André Pilon: Non. Nous avons dit que dans certaines productions, les marchés d'exportation pourraient rester ouverts, ce qui nous donnerait la possibilité de rentabiliser davantage nos fermes. On pourrait prévoir des quotas supplémentaires, qu'on pourrait appeler des quotas d'exportation, de façon à faire rouler davantage nos fermes. Lorsque la demande diminuerait, on pourrait éliminer ou retirer temporairement ces quotas. Quant aux quotas qui sont en place sur le plan intérieur, ils sont là pour y demeurer, à notre avis.
[Traduction]
Mme Rose-Marie Ur: Autrement dit, vous cherchez des marchés d'exportation en plus du marché intérieur contingenté.
M. André Pilon: C'est ça.
Mme Rose-Marie Ur: Très bien.
Monsieur Pellerin, comme j'élève aussi des porcs, je comprends très bien votre situation actuelle, parce que les téléphones sonnent sans arrêt dans nos bureaux. Et vous avez parfaitement raison. Qu'on parle de gestion de l'offre ou de production planifiée, c'est du pareil au même, et pour moi, la production planifiée est la seule façon d'assurer la survie du secteur agricole.
M. Hilstrom et moi ne sommes pas sur la même longueur d'ondes en ce qui concerne la gestion de l'offre, mais en tant qu'agricultrice, j'ai connu les deux systèmes, et je dois dire que je suis prête à travailler matin, midi et soir si je sais que j'ai un acheteur pour mon produit. Mais il est difficile de travailler matin, midi et soir quand il n'y a pas d'acheteurs pour ce produit.
À votre avis, dans combien de temps un système de ce genre va- t-il se concrétiser?
M. Laurent Pellerin: Pour moi, c'est une responsabilité humaine. Tous les habitants du monde ont besoin d'aliments.
Mme Rose-Marie Ur: Oui, et la population ne cesse de croître.
M. Laurent Pellerin: Je suis bien d'accord pour dire qu'il existe des marchés d'exportation que nous devons absolument pénétrer. Mais il faut se rappeler ce que nous, les agriculteurs, perdons cette année. Dans ma propre exploitation agricole, nous allons certainement perdre tous les gains que nous avons réalisés au cours des 25 dernières années. Donc, le marché libre ne m'apporte rien en tant que producteur agricole. Par contre, il apporte quelque chose aux Canadiens. Ce sont eux qui vont devoir le payer, pas moi. Comprenez-vous?
Mme Rose-Marie Ur: J'ai trouvé intéressant que M. Hilstrom affirme que le représentant du Conseil canadien du porc que nous avons reçu la semaine dernière n'était pas en faveur de la gestion de l'offre. Si je ne m'abuse, ce monsieur était également transformateur. Lorsqu'il nous a fait son rapport en s'appuyant sur l'information qu'il avait recueillie, il a parlé d'une hausse de 6,9 p. 100. Et si je vous montre ces chiffres-là, vous allez certainement vous demander pourquoi nous affirmons ici à Ottawa que l'industrie n'a pas connu une hausse aussi importante. Peut-être que son secteur à lui a connu une augmentation, mais il n'en va pas de même pour les producteurs primaires.
M. Laurent Pellerin: Oui, les intervenants au Canada n'ont pas tous la même perception du marché. J'en suis tout à fait conscient. Mais le fait est que dans le secteur du porc, le libre-échange n'a rien apporté aux éleveurs au cours des 25 dernières années. Voilà qui est sûr pour moi.
Mais s'il s'agit d'une priorité pour le pays, je suis parfaitement d'accord. Il faut à ce moment-là accorder à ces producteurs et aux autres agriculteurs dont les produits sont soumis au système de gestion de l'offre les outils qui vont leur permettre de rentabiliser leurs opérations. Et si nous pouvons générer des activités économiques qui vont nous permettre de percevoir suffisamment d'impôts pour payer les élus, les fonctionnaires, et tout le monde, tout ira bien. En fait, si tout cela pouvait se concrétiser, je serais même très fier. Mais je ne veux pas que les agriculteurs soient les seuls à devoir supporter ce stress économique.
Mme Rose-Marie Ur: Non, étant moi-même productrice, je peux très bien comprendre votre position. Et c'est justement ce que je dis, moi. Pour assurer la survie du secteur agricole et pour garantir aux producteurs un prix juste—c'est-à-dire, un prix juste dans un contexte où il n'y aura plus de subventions—pour leur produit, nous devons nous serrer les coudes et nous considérer—c'est-à-dire les producteurs primaires, les transformateurs et les consommateurs—comme une grande famille. Si nous ne nous considérons pas comme une famille, quelqu'un va nécessairement perdre. C'est d'ailleurs ce qu'on observe actuellement.
M. Laurent Pellerin: Je vous ai donné quelques chiffres tout à l'heure concernant l'investissement que fait chaque citoyen canadien en faveur des activités agricoles. Cet investissement s'élève à 143 $. Comparez ce chiffre à l'investissement de nos voisins de l'autre côté de la frontière, qui se monte à près de 300 $. De plus, le panier à provisions coûte moins cher au Canada que dans n'importe quel autre pays. Donc, ils sont deux fois gagnants.
Le président: Merci.
Monsieur Paradis, vous avez cinq minutes.
[Français]
M. Denis Paradis: Ma première question a trait aux mécanismes d'application et elle s'adresse à M. Pellerin.
Vous avez mentionné, tout comme l'a fait M. Proulx, que nous avions rempli à peu près 91 p. 100 de nos engagements et vous avez souligné l'importance du respect des engagements. Auriez-vous des suggestions à nous faire quant à ces négociations? Devrions-nous songer à des sanctions nouvelles, à des sanctions supplémentaires? Est-ce l'audition des griefs ou des différends qui prend trop de temps? Quelle devrait être la position des négociateurs canadiens en vue d'accroître la possibilité de sanctions ou d'améliorer le respect des engagements pris?
M. Laurent Pellerin: Nous sommes convaincus que le Canada a un rôle important à jouer en vue de générer de nouvelles idées pour faire mieux fonctionner cette entente au niveau du commerce international. Même si le Canada est un pays relativement petit, il a quand même une influence assez grande à la table des joueurs mondiaux. Si ce n'est pas le Canada qui apporte de nouvelles idées pour mieux remplir les engagements, ce ne seront sûrement pas les Américains ou les Européens qui le feront puisqu'il est déjà clair qu'ils n'ont pas l'intention de s'en acquitter.
Oui, il y aurait de nouvelles façons et on pourrait avoir un processus de règlement de différends encore plus rapide et expéditif, mais le Canada ne devrait sûrement pas apporter de nouvelles propositions d'ouverture sur la table tant que les engagements passés n'auront pas été remplis correctement. Le Canada devrait exiger qu'on mette sur la table les données pour illustrer la façon dont les engagements ont été réalisés avant que les négociations ne commencent. C'est une condition de base qu'il faudra remplir avant d'entamer les prochaines séances de négociations: que chacun des pays qui est partie à l'engagement livre la marchandise.
Le président: Oui, monsieur Proulx.
M. Yvon Proulx: J'aimerais revenir à une question qu'a posée M. Proctor. Je me demande s'il ne faudrait pas devenir un peu plus agressifs et durs face aux Américains.
• 1045
M. Proctor disait tout à l'heure qu'ils bloquent les
frontières, ce que nous n'avons jamais fait. Je
me demande s'il ne faudra pas un jour, que ce soit à
Lacolle, à Niagara ou à un endroit quelconque dans
l'Ouest, leur rendre la monnaie de leur pièce.
M. Denis Paradis: Merci, monsieur Proulx.
Monsieur Pellerin, M. Pilon nous mentionnait tout à l'heure qu'il envisageait la possibilité d'un quota et de prix différents pour les produits destinés à l'exportation. Quelle est votre position à ce sujet?
M. Laurent Pellerin: On a déjà fait allusion à certains producteurs d'oeufs du Manitoba pour lesquels on avait établi un quota spécial relativement à une certaine quantité de poules qui produisaient des oeufs destinés à l'exportation. Il existe donc actuellement, dans le cadre du système canadien de contingentement, un quota spécial pour les produits destinés à l'exportation. Cela pourrait se faire au niveau des producteurs de volaille, tout comme cela se fait déjà au niveau des producteurs laitiers. Il n'y a plus de limite de quantité de production laitière au Canada; les producteurs peuvent en produire autant qu'ils le veulent. La partie de la production qui n'est pas nécessaire au marché domestique est automatiquement dirigée vers l'exportation, avec le prix que cela procure, soit à peu près 25 $ l'hectolitre actuellement comparativement à un coût de production d'environ 50 $ l'hectolitre. L'intérêt des producteurs se mesure assez rapidement.
Je dois préciser que les producteurs du Manitoba à qui on a accordé des quotas supplémentaires dans le domaine de la poule pondeuse en vue de l'exportation ne produisent pas les oeufs sur la même génétique. Ils ne produisent pas les oeufs avec les mêmes standards de qualité. Les oeufs vont obligatoirement au décoquillage parce que ce ne sont pas des oeufs pour la consommation directe. On peut certainement produire à moindre coût, mais on en a toujours un peu pour notre argent aussi.
M. Denis Paradis: Merci, monsieur Pellerin.
Monsieur Pilon, vous avez répété à quelques reprises que les coûts de production devront être réduits. On connaît les marchés. On sait qu'on n'a pas tellement d'influence sur le prix de l'essence et que les prix du grain sont négociés à l'échelle mondiale. Quels sont ces coûts de production que vous pensez pouvoir réduire?
Le deuxième volet de ma question porte sur les quotas et les prix différents pour les produits destinés à l'exportation. Si on se dirige vers cette avenue, n'y a-t-il pas un danger que nos consommateurs soient mécontents de payer un produit canadien plus cher que l'étranger, un Américain par exemple, qui l'achète au prix de l'exportation?
M. André Pilon: M. Levasseur va vous répondre.
M. Denis Levasseur: En réponse au premier volet de votre question au sujet des coûts de production, on a mentionné ce matin à juste titre qu'au niveau mondial, nos coûts de production étaient relativement bien concurrentiels. La problématique se situe plutôt face à l'Amérique du Nord, ici.
En Amérique du Nord, il faut absolument favoriser les entreprises sachant faire concurrence aux Américains. Ce faisant, il faut leur donner tous les outils au niveau de la technologie, de l'encadrement et de leur taille pour s'assurer que nos coûts de production actuels et futurs sauront être concurrentiels en Amérique du Nord.
M. Denis Paradis: Quelle est la position du consommateur canadien face au prix inférieur des produits destinés à l'exportation?
M. Denis Levasseur: Comme M. Pellerin le mentionnait, le prix au détail de notre lait ou de notre poulet n'est pas nécessairement beaucoup plus élevé qu'aux États-Unis. Si on identifie des marchés potentiels pour la viande ou les oeufs qu'on produit et qu'on croit pouvoir en tirer bénéfice, je pense qu'il faut absolument aller de l'avant.
M. André Pilon: Par voie de conséquence, cela nous aide à réduire nos coûts pour le marché intérieur.
[Traduction]
Le président: Merci.
Je donne la parole à M. Hoeppner, qui sera suivi de M. Coderre et de M. McGuire, et nous lèverons ensuite la séance.
Monsieur Hoeppner, vous avez cinq minutes.
M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais essayer d'aborder ce problème sous un angle un peu différent et différencier les observations des uns et des autres. Comme vous le savez, le même débat—mais peut-être plus vigoureux encore—s'est tenu aux États-Unis dans les années 80. J'ai entendu parler d'une étude, menée à l'époque, qui indiquait que quelle que soit l'importance des subventions versées par le gouvernement aux agriculteurs, sur le plan fiscal, le résultat net pour le gouvernement serait toujours positif. Autrement dit, le gouvernement en retirait plus qu'il n'en versait sous forme de subventions. Nous avons eu des prix très élevés il y a deux ans, notamment dans le secteur des céréales et du blé. Mais à l'époque, personne ne s'est plaint du fait que les subventions en étaient la cause.
Vous qui êtes hommes d'affaires pouvez peut-être m'expliquer alors pour quelle raison les subventions n'ont pas d'effet sur les prix élevés mais en ont sur les prix faibles? Cette étude indiquait que les pays qui soutenaient leurs producteurs en permanence étaient les plus avantagés. Par contre, ceux qui leur offraient un soutien sporadique par l'entremise de programmes spéciaux perdaient gros. N'est-il pas vrai à votre avis que nous avons fait fausse route et manqué à notre devoir envers le secteur de production alimentaire en négligeant d'instaurer un programme complet de protection des revenus agricoles il y a cinq, six ou 10 ans?
M. Laurent Pellerin: Je voudrais faire un commentaire à ce sujet.
Dans un pays comme le Canada, avec notre important secteur agricole, ce qu'il nous faut surtout c'est une certaine stabilité. En mesurant la proportion de notre revenu que nous tirons du marché, par rapport à la subvention, nous nous sommes rendu compte qu'au cours des cinq dernières années, nous avons tiré 91,2 p. 100 en moyenne de nos revenus du marché, et ce pour les producteurs de tous les produits alimentaires. Tout le monde se plaint des subventions ou du moins prend position là-dessus. Mais au Québec, les subventions correspondent à une infime proportion de nos revenus, à moins de 10 p. 100 en moyenne.
Si nous consacrions autant d'énergie à l'amélioration des marchés, il est probable que nous laissions tomber assez rapidement les subventions. C'est très bien de penser qu'on pourra sortir de ce... Je ne trouve pas le mot. Ce n'est pas un bon...
M. Jake Hoeppner: Le marché présente probablement une certaine distorsion.
M. Laurent Pellerin: Il y a d'autres moyens à prendre sur le marché, et dans tout le secteur visé par la gestion de l'offre, ils ont fait quelque chose; ils ont réalisé leur objectif. Ne pourrions-nous pas tenter de faire quelque chose de semblable en vue d'établir des conditions de marché qui permettent d'améliorer les revenus à l'exploitation? À mon avis, il faut envisager sérieusement cette possibilité.
M. Jake Hoeppner: Est-ce que d'autres voudraient répondre?
M. Bryan Davidson: À l'heure actuelle, monsieur Hoeppner, notre secteur ne touche aucune subvention, et pour moi, les prix élevés conduisent souvent à une production élevée. En Europe, par exemple, les subventions sont très élevées, ce qui entraîne une production plus élevée. Il y a peut-être un ou deux facteurs qui font baisser la demande. Nous savons, par exemple, que certains problèmes ont été causés par la maladie de la vache folle et des hivers particulièrement doux, problèmes qui ont donné lieu à un excédent en raison des prix plus forts à l'heure actuelle.
À mon avis, il est raisonnable de penser que, face à une industrie non subventionnée qui s'en sort toute seule, une industrie qui fabrique des produits de qualité exceptionnelle même si ses coûts sont parmi les plus faibles du monde, mais qui est lésée par l'offre excédentaire dans d'autres pays, des mesures devraient être prises pour maintenir la viabilité de ce secteur plutôt que de le laisser disparaître.
Notre position est essentiellement la suivante: nous ne sommes pas en faveur de versements spéciaux, mais par contre, ils peuvent être justifiés dans une situation comme celle-là.
M. Jake Hoeppner: Ne devrions-nous pas en conclure qu'il convient d'instaurer un programme à long terme pour que nous puissions y avoir recours lorsque le besoin s'en fait sentir? Les Européens vont maintenir leur marché que vous fassiez faillite ou non, et qu'on prenne ou non des mesures. Cette étude a démontré que dans un contexte cyclique, les pays qui n'offrent aucun soutien, quelle que soit la situation du secteur agricole, sont ceux qui perdent gros.
Je sais que dans mon exploitation, si je suis tantôt éleveur de porcins et tantôt producteur de canola, à force de miser sur les deux tableaux, je vais finir par faire faillite. N'ai-je pas raison?
Le président: Merci.
Nos deux derniers intervenants seront M. Coderre et M. McGuire.
Monsieur Coderre.
[Français]
M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Les témoins qui viennent comparaître nous disent souvent comment on devrait négocier. Bien que ma question puisse paraître bizarre, je crois qu'elle est quand même assez importante. Monsieur Pellerin, quelle est votre perception de nos négociateurs actuels? Avez-vous le pressentiment qu'on va lâcher prise et qu'on va céder aux États-Unis et à l'Union européenne tout ce qu'ils veulent, ou qu'on saura défendre la position canadienne, notamment au niveau de la gestion de l'offre? Avez-vous confiance?
M. Laurent Pellerin: J'ai déjà dit que je reconnaissais que le Canada avait signé de bonne foi la dernière entente de commerce mondial. Les choses n'ont pas fonctionné comme elles auraient dû, et le Canada a complètement capitulé au cours des trois ou quatre dernières années.
M. Denis Coderre: Mais on s'apprête à négocier. Comment pensez-vous...
M. Laurent Pellerin: On s'en va négocier. On n'est pas appelés à partir. On n'est pas encore en voiture.
M. Denis Coderre: D'accord. Il faudrait leur tenir la bride un peu plus haute.
M. Laurent Pellerin: Les Européens et les Américains ont compris que le Canada avait démantelé tous ses systèmes d'intervention. Donc, à leur place, je me dirais que c'est le temps de lui rentrer dedans, de détruire son industrie de déshydratation de luzerne, de détruire son industrie du grain et de détruire son industrie du porc, parce qu'il faut au Canada un an avant d'intervenir pour soutenir ses producteurs. C'est là le message qu'on leur livre.
M. Denis Coderre: On va bloquer les autoroutes.
M. Laurent Pellerin: C'est la guerre, ça.
M. Denis Coderre: On va bloquer les autoroutes comme vous l'avez fait.
M. Laurent Pellerin: Eh bien, il faudrait s'équiper. Il faudrait que le Canada exprime clairement sa volonté de ne pas laisser tomber son secteur agricole, parce qu'eux n'ont pas rempli leurs obligations. Il faudrait affirmer que nous sommes là pour rester. Ensuite, on s'assoira à la table de négociation. Vous verrez qu'alors, le travail sera fait beaucoup plus sérieusement. Il faut montrer qu'on ne se tassera pas sous prétexte que les autres ne veulent pas se tasser et que nous restons dans le business.
M. Denis Coderre: Jusque-là, je vous suis. Nous ne sommes pas en désaccord. On se connaît bien tous les deux. Avez-vous le pressentiment que nos négociateurs, actuellement, ne sont pas assez solides? Est-ce qu'ils dorment sur la switch? La formule est bonne. Est-ce que leur position est trop attentiste?
M. Laurent Pellerin: Je ne les connais pas personnellement. C'est difficile pour moi de dire qu'ils dorment sur la switch. Toutefois, je pense qu'une certaine dose de fermeté ne nuirait sûrement pas, de même qu'un peu plus de stratégie.
Je suggérerais aux négociateurs de s'associer de très près aux producteurs agricoles parce que nous connaissons le marché des produits agricoles.
M. Denis Coderre: La raison pour laquelle je posais cette question....
M. Yvon Proulx: On va leur accorder le bénéfice du doute en partant, mais je vous garantis qu'on va les surveiller de près.
M. Denis Coderre: J'espère, en plus, que la Fédération des produits de lait va travailler son dossier avec les négociateurs. Vous vous souvenez du fameux problème causé par l'huile de beurre? On avait adopté une définition du produit laitier, à 51 contre 49; la Nouvelle-Zélande et le Mexique, notamment, ont joué avec cette définition et ont mis au point un nouveau produit. Pensez-vous qu'au cours de cette négociation-ci, on devrait redéfinir ce qu'est un produit laitier?
M. Laurent Pellerin: Je pense que la définition était bonne. Le problème était relié aux 200 et quelques lignes décrivant les combinaisons de produits. Une de ces combinaisons, contenant un certain niveau de sucre, n'existait pas à ce moment-là; elle a été inventée par la suite. On pourrait dire que c'est comme dans une définition de tâches, quand on ajoute «toute autre tâche connexe». Dans ce cas-ci, on disait «tout autre produit mélangé».
Nous allons devoir être imaginatifs, nous aussi. Les Américains sont assez imaginatifs pour contourner les ententes. Le Canada ne devra pas être dernier de classe en ce qui a trait à l'imagination.
M. Denis Coderre: Vous êtes confiant.
M. Laurent Pellerin: C'est le message qu'on vous livre. Nous ne les connaissons pas personnellement, mais nous allons les serrer de près.
M. Denis Coderre: Monsieur Pellerin, vous connaissez mieux le monde que cela.
J'ai une autre question. À la suite d'une demande faite par les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, la politique canadienne de fixation des prix concernant les exportations de produits laitiers est examinée à la loupe par un groupe spécial de l'OMC. Si le Canada perdait, quel devrait être, selon vous, le plan B pour les exportations de produits laitiers?
M. Laurent Pellerin: On verra à ce moment-là. Nous avons bon espoir que le Canada sera gagnant, d'autant plus que le système canadien vient d'être modifié. Il est maintenant complètement ouvert; les producteurs peuvent produire du lait autant qu'ils le veulent et la seule limite est le prix sur le marché mondial. Si le prix mondial devient intéressant, je suis convaincu que les producteurs répondront. Si le prix mondial est ce qu'il est actuellement...
M. Denis Coderre: La réponse que vous nous donnez pourrait servir de fondement aux négociations sur...
M. Laurent Pellerin: Sûrement. Cela démontrerait clairement quelles modifications ont été apportées au système canadien, justement pour répondre aux exigences de la dernière entente sur le commerce international.
M. Denis Coderre: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Coderre.
Notre dernier intervenant sera M. McGuire.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais demander quelques éclaircissements à M. Davidson ou M. Benoit.
Votre situation semble particulièrement catastrophique depuis quelques années. Estimez-vous avoir une place dans un programme agricole de grande envergure, soit dans l'immédiat, soit à long terme? Ce dernier sera-t-il adapté aux besoins de votre secteur?
M. Garry Benoit: Si vous me permettez d'y répondre, ce qui est important pour vous, les législateurs, c'est de bien comprendre que nous sommes des producteurs.
C'est nous qui fabriquons notre produit. Dans la plupart des cas, nos usines de transformation possèdent leur propre équipement. C'est nous qui récoltons les produits et qui approvisionnons les usines de déshydration 24 heures sur 24 de plantes vertes fraîches entre juin et octobre, après quoi nous faisons nos stocks de foin à transformer pendant les mois d'hiver. Et comme cela finit par être reconnu dans le contexte de différents programmes touchant les céréales, nous sommes des producteurs et il faut que ce soit bien compris.
M. Joe McGuire: La différence, c'est que cette fois-ci, le programme ne visera pas un seul produit. Il ne peut viser un seul produit. Il n'y a pas de compromis possible. Ou alors on est exclusivement producteur alimentaire, ou alors on est exclu.
M. Garry Benoit: À mon avis, si le critère principal est la marge, nos usines de transformation pourront prouver, en vous montrant leurs livres, qu'en ce qui concerne les revenus, notre secteur est en pleine crise à l'heure actuelle pour les mêmes raisons que...
M. Joe McGuire: On parle d'agriculteurs individuels. On ne parle pas uniquement de transformateurs. Ce programme sera un programme intégral de soutien des fermes qui visera donc les fermes individuelles. Si nous optons pour ce genre de programme, il offrira un soutien agricole intégral. Autrement dit, ce programme ne visera pas uniquement les producteurs de porc, de blé, de canola ou de luzerne; il visera les fermes dans leur intégralité. Je voudrais simplement savoir dans quelle mesure ce concept correspond à vos besoins.
M. Garry Benoit: Si vous êtes éleveur de porcs, vous produisez du porc, de sorte que dans le cadre d'un programme de secours aux victimes d'une crise, vous pourrez montrer vos livres et prouver qu'en tant que producteurs de porcs...
M. Joe McGuire: Ou vous pourriez faire autre chose aussi. Vous êtes peut-être céréaliculteur ou producteur de canola, en plus d'être éleveur de porcs.
M. Garry Benoit: Il est vrai que certaines usines ont également d'autres activités; mais dans la plupart des cas, elles se spécialisent dans la transformation de la luzerne. En l'occurrence, la crise actuelle les touche exactement de la même façon. Elles possèdent, elles aussi, des machines agricoles. Comme tous les autres, les transformateurs de luzerne s'occupent de la production, de la préparation des envois...
M. Joe McGuire: Les usines le font peut-être, mais est-ce que les agriculteurs le font?
M. Garry Benoit: Les usines et les agriculteurs, c'est la même chose. Les transformateurs doivent être considérés comme des agriculteurs.
M. Joe McGuire: Donc, c'est interchangeable—les agriculteurs et les usines, c'est la même chose.
M. Bryan Davidson: Oui, souvent.
M. Joe McGuire: C'est vrai?
M. Garry Benoit: Oui, c'est souvent le cas. Nous sommes déjà passés par là, car par le passé, lorsque d'autres programmes semblables étaient en voie d'élaboration, nous avons dû présenter de solides arguments pour prouver que nous sommes des producteurs et que nous avons le droit d'être inclus. Donc, assurons-nous de prévoir des critères suffisamment larges pour que les intervenants du secteur de la déshydration puissent également être inclus.
M. Joe McGuire: À mon avis, les critères sont déjà définis dans l'entente que nous avons signée en 1993 à l'OMC. Tout programme d'aide que nous décidons d'offrir doit absolument se conformer à ces critères. Si je comprends bien ce que disent les experts du commerce international, il ne peut être question d'offrir une aide financière aux producteurs d'une denrée alimentaire en particulier. Tout programme d'aide que nous offrons doit viser l'exploitation dans son intégralité.
M. Bryan Davidson: Certaines dispositions d'un accord signé lors de la dernière série de négociations au GATT prévoyaient la réduction des subventions à l'exportation de seulement 36 p. 100. La moitié de la production canadienne de luzerne granulée est produite dans le nord-est de la Saskatchewan. Lorsqu'il a décidé d'éliminer le tarif du Nid-de-Corbeau, le gouvernement a très mal servi notre secteur. Il nous a enlevé la seule subvention dont nous pouvions nous prévaloir pour contrebalancer les frais de transport très élevés entre le nord-est de la Saskatchewan et Vancouver. Il l'a tout simplement éliminée. Vous nous avez donc mis à la merci de l'industrie européenne, qui touche des subventions de l'ordre de 500 millions de dollars par année. Nous ne sommes pas venus vous voir au cours des deux dernières années, parce que notre secteur a été profitable. C'est seulement au cours des six derniers mois que nous avons commencé à subir les véritables contrecoups de cet état de choses. Le prix de la luzerne transformée sur les marchés d'exportation a baissé de 50 $ la tonne au cours des six derniers mois.
M. Joe McGuire: Je ne dis pas le contraire.
M. Bryan Davidson: À notre avis, si nous ne sommes pas considérés admissibles, cette industrie disparaîtra.
M. Joe McGuire: Mais je vous pose une question: À votre avis, êtes-vous des producteurs primaires ou des transformateurs?
M. Bryan Davidson: Nous avons toujours été considérés comme des producteurs en vertu d'initiatives précédentes, qu'il s'agisse de programmes spéciaux pour les grains, de programmes d'aide pour les victimes de la sécheresse, de la LTGO ou d'autres programmes du même genre.
M. Joe McGuire: En ce qui vous concerne, il n'y a donc aucune raison de ne pas vous inclure dans notre programme d'aide agricole intégrale.
M. Bryan Davidson: Tout dépendra de la définition que vous adopterez. Je demande donc au comité de retenir des critères suffisamment larges pour comprendre des gens comme nous, car si nous sommes exclus, nous allons devoir prouver le bien-fondé de nos arguments en plaidant la cause de notre propre secteur. Il reste que l'accord conclu à l'OMC permettrait de remplacer cette portion de la subvention qui a été éliminée sans raison. Voilà justement ce que va demander notre secteur, si vous nous obligez à le faire.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Davidson, vous avez dit que vos membres ont été laissés à la merci des pays européens. Mais ils se sont montrés assez impitoyables jusqu'à présent, n'est-ce pas?
M. Bryan Davidson: Oui, absolument.
Le président: Merci. Nous avons eu une discussion très complète ce matin. Je remercie donc les témoins et les membres du comité de leur précieuse collaboration. À mon avis, nous avons fait un excellent travail. Merci.
La séance est levée.