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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 113 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 10 juin 2024

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    Bienvenue à la 113e réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes.
    Je tiens à souligner que nous nous réunissons sur les territoires ancestraux et non cédés des peuples algonquins anishinabes. Comme toujours, je tiens à exprimer ma gratitude étant donné que le Comité est en mesure d'accomplir son travail important sur les terres que ce peuple gère depuis des temps immémoriaux.
    Il y a quelques changements aujourd'hui. Je souhaite la bienvenue à notre nouveau greffier, M. Alexandre Roger. Je tiens également à souhaiter la bienvenue à M. Caputo, qui se joindra également à nous aujourd'hui.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le mercredi 10 avril, le Comité poursuit son étude sur les recettes fiscales des entreprises sur les territoires des Premières Nations.
    Avant de commencer, j'aimerais demander à tous les députés et aux autres participants en personne de consulter les cartes sur la table pour obtenir des lignes directrices sur la façon de prévenir les retours de son. Veuillez prendre note des mesures préventives en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes. Veuillez n'utiliser que l'oreillette noire approuvée. Il ne faut plus se servir des anciennes oreillettes grises. Gardez votre oreillette loin de tous les microphones en tout temps. Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, placez‑la face vers le bas sur l'étiquette apposée sur la table à cette fin.
    Je vous remercie tous de votre collaboration.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Conformément à la motion de régie interne du Comité concernant les tests de connexion avec les témoins, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests requis avant la réunion. Il se peut que nous ayons des difficultés techniques, mais nous les réglerons au fur et à mesure.
    Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins qui sont ici en ce moment.
    Nous accueillons le grand chef Joel Abram, de l'Association of Iroquois and Allied Indians, qui se joint à nous par vidéoconférence. Le Comité vous est très reconnaissant de la patience dont vous avez fait preuve en acceptant de nous rencontrer de nouveau aujourd'hui, compte tenu des difficultés rencontrées la semaine dernière. Je vous en remercie infiniment.
    Nous accueillons également Mme Jacqueline Ottmann, présidente de la First Nations University of Canada, qui témoigne également par vidéoconférence.
    À titre d'information, le chef Delbert Wapass, de la Première Nation de Thunderchild, ne peut pas être des nôtres aujourd'hui. Le grand chef Ken Kyikavichik va se joindre à nous, mais pas avant midi. Nous n'aurons qu'un seul tour de questions avec le grand chef Kyikavichik, à compter de midi.
    Sur ce, nous allons passer aux déclarations liminaires, en commençant par le grand chef Joel Abram.
    Vous avez cinq minutes. La parole est à vous.
     Je remercie le groupe. Espérons que vous m'entendez mieux cette fois‑ci.
    Je crois que vous avez reçu mes notes d'allocution. Pour ceux d'entre vous qui ont besoin d'interprétation, j'espère que vous les recevrez aussi très bientôt.
    Mon témoignage porte sur trois sujets particuliers, à savoir les taxes d'accise, les taxes sur les ventes des casinos et des guichets automatiques et les taxes sur le carbone.
    Le comité des chefs de l'Ontario sur le développement économique, que je préside, se concentre notamment sur le partage des recettes de la taxe d'accise et sa faisabilité. De plus, nous avons tous convenu de nous attarder à la taxe d'accise, et ce travail est en cours.
    Nous avons entrepris une étude de faisabilité juridique avec l'aide de Woodward & Company, qui recommandait à notre comité des chefs d'aller de l'avant avec le cadre pour le partage des recettes d'une taxe de vente sur le carburant, l’alcool, le cannabis et le tabac, ou CACT, qui est proposé dans le budget fédéral.
    Cependant, nous allons aussi examiner le mécanisme de plus près sur le plan juridique, compte tenu de l'affaire qui sera portée devant la Cour supérieure du Québec et de l'affaire du droit d’accise sur les produits du tabac Québec c. White et Montour, dans laquelle la cour a déjà conclu que les accusations portées contre ces personnes seraient abandonnées. Le gouvernement du Québec porte cette décision en appel.
    La cour a constaté que leurs gestes trouvent écho dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA, qui est devenue loi fédérale — les personnes ont droit au développement économique — et aussi dans le traité formant la chaîne d'alliance, qui a été jugé valide. En 2020, le ministre de l'époque, Marc Miller, a invoqué ce traité pour rencontrer les Mohawks qui bl oquaient les voies ferrées de Tyendinaga. Il est donc en vigueur. C'est aussi l'un des 13 secteurs que le Québec tente d'utiliser pour dire que le traité n'est plus valide. De plus, la cour a conclu que la taxe d'accise violait leurs droits issus de ce traité.
    Il sera intéressant de voir ce qui se passera à l'échelle fédérale. Si l'affaire se rend à la Cour suprême, l'Association of Iroquois and Allied Indians a accepté d'intervenir en faveur de White et de Montour, et de défendre ces droits à l'avenir.
    Nous allons tout de même nous pencher sur les autres éléments et sur la création du cadre pour le partage des recettes d'une taxe de vente CACT. Que l'article 89 s'y applique ou non, il incombe aux gouvernements fédéral et provinciaux de conclure de nouvelles ententes de partage des recettes avec les dirigeants des Premières Nations pour veiller à ce que les bénéfices fiscaux de la taxe soient utilisés pour répondre aux besoins des collectivités des Premières Nations.
    J'aimerais souligner qu'en Ontario, Grand River Enterprises paie bien au‑delà de 200 millions de dollars en taxes d'accise. Cependant, la communauté des Six Nations elle-même ne reçoit pas beaucoup de cet argent.
    En ce qui concerne les taxes sur les ventes des casinos et des guichets automatiques, les cartels provinciaux problématiques empêchent les propriétaires des casinos des Premières Nations de réaliser ces profits. Lorsque nous examinons le cadre de compétence fédérale pour le jeu aux États-Unis, nous constatons qu'il y a un plus grand nombre d'entreprises de jeu là‑bas. Le gouvernement fédéral devrait également envisager de créer des partenariats dans le domaine des jeux sur Internet.
    Une autre option s'offre au gouvernement — nous le savons grâce au projet de loi C‑92 et à cet appel du Québec —: le gouvernement fédéral a le pouvoir de passer outre aux lois provinciales et d'attribuer la compétence aux Premières Nations dans n'importe quel domaine. Bien sûr, le jeu pourrait aussi être l'un de ces secteurs. Les Premières Nations avaient des jeux de hasard auparavant.
    De plus, le critère énoncé dans Van der Peet est annulé. C'est un critère très colonial. La solidité de vos droits dépend du moment où vous avez rencontré un Européen, ce qui, comme nous le savons, est entièrement fondé sur le racisme des années 1400 et sur les doctrines de la suprématie.
    En ce qui concerne les taxes sur le carbone, les Chefs de l'Ontario et la Première Nation d'Attawapiskat ont déposé un examen judiciaire après que le gouvernement fédéral a omis de négocier la tarification du carbone avec les Premières Nations de l'Ontario.
    La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, ou LTPCGES, a établi le régime canadien de tarification du carbone, qui devait être sans incidence sur les recettes, mais qui a eu des effets disproportionnés sur les Premières Nations. Essentiellement, nous demandons au gouvernement fédéral de remanier la politique avec ses collectivités en exemptant les Premières Nations ou en leur permettant de récupérer des coûts.
    À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas faire de commentaires à propos des taxes sur le carbone en raison de l'action en justice qui est en cours.
    Il y a également eu des réactions négatives de la part d'autres communautés des Premières Nations, comme la nation Anishinabek ainsi que les chefs et les conseils unis de Mnidoo Mnising, qui ont présenté un exposé des arguments d'intervenants sur la LTPCGES à la Cour suprême en 2018. Ils soutenaient que la taxe sur le carbone ne tient pas compte des répercussions climatiques accrues qui touchent déjà les communautés des Premières Nations, qui sont particulièrement brimées en raison de leurs liens culturels avec leurs eaux et leurs terres.
(1115)
    Cette affaire a également mis en lumière l'article 29 de la DNUDPA et ses liens avec la taxe sur le carbone, qui reconnaît expressément, entre autres, que les peuples autochtones ont droit « à la préservation et à la protection de leur environnement et de la capacité de production de leurs terres ou territoires et ressources. »
    Pour les Premières Nations, les taxes sur le carbone ne sont pas une question de fédéralisme, mais plutôt une violation des droits territoriaux des Premières Nations et un affront aux efforts de réconciliation économique que le gouvernement fédéral a promis.
    Je vais m'arrêter ici pour l'instant. Je vous remercie.
    Merci beaucoup, grand chef.
    Sur ce, nous allons passer à Mme Jacqueline Ottmann, qui aura cinq minutes pour sa déclaration préliminaire.
     Aaniin, tout le monde. Je suis honorée de me joindre à vous aujourd'hui depuis le territoire visé par le Traité no 6. Je suis originaire de la Première Nation de Fishing Lake, en Saskatchewan. C'est une communauté Saulteaux, ou Anishinabe. Je suis également la présidente de la First Nations University of Canada.
    Aujourd'hui, conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité a entrepris une étude pour examiner la réconciliation économique, incluant les façons dont les recettes fiscales provenant des entreprises établies sur les territoires des Premières Nations pourraient relever de ces Premières Nations elles-mêmes.
    Aujourd'hui, je suis devant vous pour dire que les Premières Nations devraient avoir le contrôle autonome des sources de revenus qui proviennent actuellement des ressources tirées de leurs propres territoires. Nous avons déjà entendu un exemple.
    L'une des choses que nous faisons — je m'éloigne du texte — à l'Université des Premières Nations du Canada est de lancer un Institut national de la prospérité économique autochtone. En ce moment charnière de notre cheminement continu vers l'autonomisation économique et l'autodétermination des communautés autochtones partout au Canada, la Stratégie économique nationale pour les Autochtones — c'est le lien —, qui a été lancée il y a deux ans, est un document fondamental et essentiel qui encourage et oriente la réconciliation économique au Canada.
     La SENA est un plan directeur visant à inclure les peuples autochtones à l'économie canadienne, et à envisager un avenir où les peuples autochtones sont sur un pied d'égalité pour gérer et mettre à profit le capital naturel, et où les obstacles systémiques et législatifs à l'accès aux capitaux sont éliminés. Les Autochtones devraient déterminer eux-mêmes leur avenir, ce qui comprend également une emprise sur ce capital.
    C'est là que l'Institut national de la prospérité économique autochtone, dont la Banque du Canada a fait l'annonce publiquement la semaine dernière, joue un rôle important. Il répond directement aux appels à la prospérité économique décrits dans la SENA, plus précisément l'appel à la prospérité économique no 79, qui se lit comme suit:
Établir et renforcer un Institut autochtone pour collecter et gérer les données autochtones sur la population, les entreprises, les terres et les ressources.
    On y inclut également des renseignements liés à la fiscalité et aux entreprises. Je poursuis:
Cet institut surveillera et mesurera la mise en œuvre de ces appels à la prospérité économique.
    Il y a 107 appels à la prospérité économique dans quatre catégories, y compris les personnes, l'infrastructure et les terres. L'Institut national de la prospérité économique autochtone vise à s'attaquer aux disparités économiques en favorisant le développement durable et en créant de nouvelles avenues vers la prospérité.
    Les peuples autochtones sont depuis longtemps les gardiens de ces terres et possèdent des connaissances, une culture et des traditions inestimables. Malgré cela, de nombreuses communautés autochtones rencontrent des défis économiques qui les empêchent d'atteindre leurs pleines capacités.
    L'Institut servira de catalyseur du changement, en faisant la promotion de solutions novatrices et en favorisant la résilience économique des communautés autochtones. Il fournira une plateforme pour la recherche, le développement et la mise en œuvre de stratégies économiques dirigées par les Autochtones et adaptées à leurs besoins et à leurs forces uniques. De plus, en facilitant l'accès aux ressources, à la formation et au mentorat, l'Institut renforcera l'autonomie des entrepreneurs et des entreprises autochtones, créera des modèles d'affaires durables et améliorera la littératie financière. Il appuiera également l'élaboration de politiques et les efforts de défense des droits pour veiller à ce que les voix autochtones soient entendues et intégrées dans les politiques économiques plus larges.
    Grâce à ces efforts, l'Institut vise à aider à bâtir un avenir économique solide et dynamique pour les peuples autochtones, en contribuant à la prospérité et au bien-être globaux de nos collectivités.
    Cet institut est à la fois significatif et inspirant. C'est une lueur d'espoir, une source de créativité et de motivation, et un centre d'innovation. Il offrira de la formation, de la recherche et des ressources adaptées aux besoins et aux aspirations uniques des communautés autochtones.
(1120)
    Cet institut est rendu possible grâce au généreux soutien financier de deux fondations en particulier: la Fondation Mastercard et la Fondation McConnell. Cela témoigne de leur engagement à l'égard de la réconciliation économique. C'est aussi ce que nous espérons voir se concrétiser au sein de toutes les formes de gouvernement, fédéral et provincial.
    À l'Université des Premières Nations du Canada, nous sommes profondément attachés aux principes d'autodétermination et d'autonomisation économique des peuples autochtones. Cet institut cadre très bien avec nos propres principes et fondements à l'égard...
    Veuillez m'excuser, madame Ottmann, mais je vais devoir vous demander de conclure.
    ... des systèmes de connaissances autochtones.
    L'institut est sur le point d'être lancé. C'est un sujet dont vous entendrez parler davantage au cours des prochains mois.
     Gichi meegwetch.
    Merci beaucoup, madame Ottmann. Je suis certain que les députés auront l'occasion de poser des questions. Vous pourrez donc compléter vos propos.
    Sans plus tarder, pour la première série de questions, nous allons écouter M. Schmale, qui a six minutes.
(1125)
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de comparaître aujourd'hui sur ce sujet très important. Je suis ravi de cette conversation pour un certain nombre de raisons, mais plus précisément pour ce dont notre dernière témoin, Mme Ottmann, vient de parler, à savoir la réconciliation économique.
    Avant de lui poser des questions, je vais commencer rapidement par le grand chef Joel Abram. Vous avez parlé dans votre exposé de la taxe sur le carbone et de ses répercussions sur vos nations, en particulier l'augmentation des coûts des biens et des services. Pourtant, vos gens ne voient pas la couleur du remboursement que le gouvernement semble favoriser.
    En réalité, ce que nous voulons faire, c'est commencer à discuter avec le gouvernement fédéral du recouvrement des coûts et de l'incidence disproportionnée, qui varie également d'une région à l'autre. Ces répercussions fluctueront considérablement pour une Première Nation éloignée, de petite taille ou de grande taille. Nous pensons qu'il y a une façon de régler ce problème en commençant à avoir ces conversations importantes.
    Je pense que toutes les Premières Nations de l'Ontario veulent vraiment aller de l'avant plutôt que de toujours emprunter la voie juridique. À mon avis, il est toujours préférable d'avoir ce genre de conversations et de résoudre ces problèmes de cette façon, plutôt que de simplement se faire dire non et d'être forcé de passer par les tribunaux.
    Puisque nous parlons de taxation et de compétence dans les réserves — vous en avez parlé un peu dans votre exposé —, pouvez-vous nous expliquer l'importance pour votre communauté que votre nation soit en mesure de conserver une plus grande partie, voire la totalité des recettes sur le carburant, l'alcool, le cannabis, le tabac, le jeu et ce genre de choses? Ces revenus changeraient la dynamique du statu quo, qui consiste à laisser l'argent quitter les terres, pour ensuite supplier Ottawa de récupérer les fonds.
    Oui, c'est tout à fait vrai. Le fait de ne pas avoir ces menottes fait partie de la réconciliation économique.
    Dans un contexte plus large, les doctrines de supériorité sont intégrées au tissu législatif et aux politiques fédérales. Personne en vie aujourd'hui n'en est responsable, mais elles étaient certainement fondées sur le racisme des années 1400 et remontaient jusqu'aux bulles papales. Nous devons commencer à décoloniser cette relation, et la réconciliation économique en est un élément important, tout comme la reconnaissance des anciens traités qui sont toujours en vigueur et sur lesquels le Canada se fonde pour détenir ses terres.
    Encore une fois, nous n'avons jamais eu de conversations sur la façon dont l'interprétation des traités par les Premières Nations était différente de ce qui est écrit sur papier. Nous l'avons vu avec la clause relative aux médicaments, il y a quelques années. Je pense que dans le cadre du Traité no 8, on a constaté que le savoir culturel des aînés était utilisé pour plaider en faveur de ces médicaments. Cela montre que les traditions orales sont également inestimables lorsqu'il s'agit de déterminer quels traités sont valides, qu'ils aient été conclus après ou avant la Confédération.
    C'est la base. Nous voulons que les Premières Nations aient autant de compétence et de souveraineté qu'à l'origine. Nous rejetons l'idée selon laquelle il devrait s'agir d'une relation comme celle d'un père avec son enfant. Notre relation initiale est davantage fondée sur le Traité du wampum à deux rangs ou sur le Pacte d'amitié de la chaîne d'argent. Une fois que cette relation est entachée, un des membres secoue l'extrémité de la chaîne. La personne qui tient l'autre bout en ressent les effets, puis les deux se réunissent et polissent la chaîne, pour ainsi dire, afin de renouveler cette relation.
    Comme vous le savez, l'argent peut ternir si vous n'entretenez pas cette relation. Une partie de ce que nous faisons ici vise à régler ce genre de choses.
    Grand chef, vous avez parlé tout à l'heure de décoloniser l'atmosphère dans laquelle nous nous trouvons actuellement, et l'espace où nous sommes en ce moment. Étant donné que nous avons de multiples mesures législatives — nous avons des décisions des tribunaux et des traités —, comment envisagez-vous d'arriver au point dont vous parlez, petit à petit?
(1130)
    Je sais que le gouvernement aime adopter une approche panautochtone, unique. Ce n'est pas toujours possible, selon la région visée par le traité. Certaines régions n'ont même pas de traités, comme la Colombie-Britannique. Il n'y en a pas, sauf des traités modernes comme celui des Nisga'a. Cependant, ils ne sont pas couverts par aucun. Je pense que la plupart des Premières Nations rejetteraient cette idée de toute façon. La nation anishinabe est différente de la Confédération des Haudenosaunee, et ainsi de suite. Ils ont même des traités différents.
    Par exemple, en Ontario, nous avons les territoires de chasse au castor, qui sont couverts par le traité Nanfan de 1701, et le traité du « bol à une seule cuillère » de 1701, ce qui a également mené à 1764 à Niagara Falls, à la proclamation.
    Nous devons examiner beaucoup d'éléments qui se chevauchent, et une approche panautochtone ne fonctionne pas souvent.
    Merci beaucoup, monsieur Schmale. C'était la dernière question.
    C'est maintenant au tour de M. Powlowski, qui dispose de six minutes.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Je pense que c'est une étude intéressante. L'un des aspects les plus intéressants, à mon avis, c'est que nous avons un problème fondamental ici.
    En général, les taxes sont une bonne chose. Si nous n'avions pas de taxes dans notre société, nous ne pourrions pas financer les soins de santé et l'éducation, nous n'aurions pas de routes, de ponts, d'installations sanitaires, et nous n'aurions pas d'eau. Nous n'aurions rien de tout cela, et nous n'aurions pas non plus l'argent nécessaire pour répondre à des préoccupations communes, comme investir dans la recherche sur les maladies qui nous touchent, ou dans la lutte contre les changements climatiques, qui semblent nous toucher tous. Il y a des avantages très nets pour notre société qui découlent de la fiscalité.
    Je sais que les communautés autochtones disposent de toutes sortes de moyens de taxation, comme la taxe de vente des Premières Nations et la taxe sur les produits et services des Premières Nations. Elles peuvent aussi percevoir des impôts fonciers en vertu de la Loi sur la gestion financière des premières nations, et apparemment — et c'est ce qui m'intéresse le plus — 14 groupes autochtones autonomes ont adopté l'impôt sur le revenu.
    Je pense que, de toute évidence, c'est de l'argent qui peut être utilisé pour améliorer le sort des communautés autochtones. Le problème fondamental, c'est que nous semblons avoir de la difficulté à trouver des chefs pour venir nous en parler parce que — vous savez quoi? —, imposer une taxe n'est jamais vraiment populaire. Personne ne veut être taxé, moi y compris. Si vous me dites: « Hé, Marcus, tes taxes vont augmenter de 20 000 $ par année, est‑ce que cela te convient? », je vais vous répondre: « Non merci, pas d'augmentation. Je n'aime pas cela. »
    Madame Ottmann, vous pourriez commencer. Quel est l'obstacle concret? Je pense — et vous le savez — que les Premières Nations peuvent utiliser leurs pouvoirs de taxation à leur avantage; cependant, vous vous en remettez aux responsables politiques pour potentiellement assumer le coût de l'imposition de ces taxes. Je suis certain qu'il y a un compromis à faire, et vous pourriez nous donner votre point de vue philosophique sur cette question.
    Je vous remercie de vos observations.
    Je pense que ce que nous faisons, dans une large mesure, c'est de nous positionner pour avancer en territoire inconnu. Bien sûr, on discute depuis de nombreuses années de la façon dont les Premières Nations ou les peuples autochtones bénéficient ou ne bénéficient pas des taxes qui leur sont imposées. En réalité, dans mon cas, de nombreux membres des Premières Nations paient des taxes. Très peu de gens dans les Prairies bénéficient du seul allégement de taxe qu'il y a eu. En Saskatchewan, nous avons de nombreuses réserves urbaines. Comme vous l'avez mentionné, certaines Premières Nations imposent des formes de taxation qui profiteront directement à la communauté et à ses membres.
    Je vais parler de l'Université des Premières Nations du Canada, qui en est à sa 47e année d'existence. Beaucoup de gens ne se rendent pas compte que cette institution existe depuis si longtemps. Deux de nos établissements sont situés dans des réserves urbaines. C'est le cas de notre campus de Regina et de celui de Saskatoon, contrairement à celui de Prince Albert. Nous nous retrouvons dans une situation où les employés de notre campus de Prince Albert sont imposés, même si nous travaillons pour les membres des Premières Nations et que nous nous considérons comme une solution, c'est‑à‑dire l'éducation, à bon nombre des problèmes que connaissent nos communautés aujourd'hui. Les obstacles auxquels nous nous heurtons concernent l'Agence du revenu du Canada et le fait que Prince Albert est considérée comme un lieu qui est imposé, même si nos campus principaux, deux d'entre eux, se trouvent dans des réserves urbaines.
(1135)
    Je suis désolé. Pouvez-vous me donner des précisions à ce sujet?
    Vous êtes situé dans une réserve urbaine et, comme il s'agit d'une réserve, vous ne payez pas d'impôt sur le revenu, mais comme St. Albert n'est pas dans une réserve, vous devez payer des impôts?
    Il s'agit de Prince Albert. C'est une ville qui se trouve dans le nord de la Saskatchewan. Nous y avons un campus. Nous avons trois campus.
    Même si l'immeuble appartient au Grand Conseil de Prince Albert, une organisation des Premières Nations, les employés du campus doivent payer tous les impôts.
    C'est un problème que nous avons actuellement avec l'Agence du revenu du Canada. C'est une décision qu'elle a prise. Même si notre campus principal est situé dans une réserve urbaine à Regina, ces employés des Premières Nations sont perçus différemment. C'est très frustrant. C'est un problème auquel les entreprises et les organisations des Premières Nations se heurtent tous les jours. Évidemment, il y a des avantages à... Tout le monde comprend les avantages de la fiscalité, mais il y a aussi la qualité de...
    Madame Ottmann, je suis désolé. Je dois vous interrompre. Nous avons largement dépassé le temps prévu pour cette question.
    D'accord. Merci.
    Je suis certain que vous aurez l'occasion de poursuivre cette discussion avec un autre député sous peu.

[Français]

     Monsieur Lemire, vous avez maintenant la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Ottmann, je vais vous donner l'occasion de continuer votre réponse, mais, avant, j'aimerais mentionner quelque chose.
    Vous avez élaboré, en 2022 et de concert avec plusieurs organismes économiques des Premières Nations, une stratégie de réconciliation économique visant à établir et à fournir des directives claires pour que les peuples autochtones atteignent leurs objectifs de développement économique...

[Traduction]

    J'invoque le Règlement. L'interprétation ne fonctionne pas en anglais.
    Nous allons faire une courte pause.

[Français]

    Je vais parler français quelques instants, jusqu'à ce qu'on entende l'interprétation.
    On me fait signe que tout fonctionne bien maintenant.
    Monsieur Lemire, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Ottmann, vous avez élaboré, en 2022 et de concert avec plusieurs organismes économiques des Premières Nations, une stratégie de réconciliation économique visant à établir et à fournir des directives claires pour que les peuples autochtones atteignent leurs objectifs de développement économique. Cela a été fait en réponse au rapport de l'OCDE de 2020 sur le tissage de liens entre les organismes de développement économique autochtone. Votre travail fournit une feuille de route pour les aspects économiques et est fidèle aux travaux de la Commission royale sur les peuples autochtones pour combler les écarts socioéconomiques. La semaine dernière, vous avez annoncé la mise en œuvre de l'Institut national de la prospérité économique autochtone.
    Pouvez-vous nous parler de vos priorités et des besoins immédiats de votre organisme?
(1140)

[Traduction]

    Oui, bien sûr. Je vous remercie de ce commentaire et de cette question.
    La Stratégie économique nationale pour les Autochtones qui a été lancée il y a deux ans, en 2022, était, comme je l'ai mentionné, répartie en quatre catégories: les infrastructures, les finances, la population et les terres. Elle contient environ 25 appels à la prospérité économique autochtone dans chacune de ces catégories. Sa mise en œuvre ne relève pas uniquement des communautés ou des peuples autochtones, mais de tous les Canadiens et les organismes du secteur privé. La formule s'apparente à celle des appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, où tout le monde a un rôle à jouer dans leur mise en œuvre.
    L'objectif, ou l'un des objectifs, est non seulement la réconciliation économique, mais aussi la collaboration entre les entreprises autochtones et non autochtones, entre Autochtones et non-Autochtones, afin de contribuer à la prospérité économique des peuples autochtones, dont profiteront tous les Canadiens. On mise, dans ce document, sur la réciprocité et les avantages mutuels. Comme de nombreux Autochtones vivent encore dans la pauvreté et se heurtent à des obstacles pour réussir, cette stratégie est une feuille de route pour tous les Canadiens.
    Le lancement de l'Institut national de la prospérité économique autochtone est très important, car il servira de centre d'information. Il produira de la recherche. Il permettra de regrouper les études de cas. Il permettra de suivre la mise en œuvre des appels à la prospérité économique dans tous les secteurs. Toutes ces données seront regroupées, ce qui mettra en évidence les réussites du gouvernement fédéral, du secteur privé, du secteur de la santé ou du secteur de l'éducation dans la mise en œuvre de ces appels à l'action.
    Cela ressemble beaucoup au Centre national pour la vérité et la réconciliation, qui fait un travail semblable. Il s'occupe du suivi et de la promotion. Willie Littlechild, qui a participé à l'élaboration des appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, a souligné qu'il y avait une lacune dans ces appels à l'action concernant la réconciliation économique et la prospérité économique des Autochtones.
    C'est donc l'objet de ce document, soit combler cette lacune. C'est un document évolutif, comme cela a été mentionné. Il pourrait se transformer et être bonifié au bout de deux ou trois ans après un examen et la rétroaction. Nous allons vivre avec ce document pendant quelques années. Ensuite, il pourrait y avoir une révision de la stratégie. C'est une feuille de route essentielle.
    Nous nous préparons maintenant à afficher un poste de directeur général. Une équipe sera embauchée et elle se mettra immédiatement au travail. Nous avons un budget de promotion. Encore une fois, nous sommes très reconnaissants envers les fondations qui nous ont aidés à lancer cet institut. Beaucoup de gens ne savent pas qu'il existe environ 26 associations d'entrepreneuriat et de gens d'affaires autochtones au pays. Cet institut appuiera ces associations, mais il servira aussi de lien et de centre d'information pour ces associations.
(1145)

[Français]

     Merci.
    Avez-vous évalué le coût de cet appel à la prospérité autochtone du Canada?

[Traduction]

    Le coût dépend de l'engagement de l'organisation. L'institut comme tel sera logé à l'Université des Premières Nations du Canada. À l'heure actuelle, nous disposons d'un peu moins de 7 millions de dollars pour aider au lancement de l'institut.
    Une municipalité, par exemple, pourrait choisir quatre appels à la prospérité économique autochtone sur lesquels elle va se concentrer. Elle pourrait procéder d'une façon unique par rapport à une autre municipalité. Cela dépendra sans doute de l'engagement financier d'une organisation au départ.
    L'une de ces initiatives pourrait être... Je pense à la Ville de Regina. Selon sa politique d'approvisionnement, 20 % de ses marchés seront attribués à des entreprises autochtones. C'est un exemple de réconciliation économique qui répond à certains des appels à la prospérité économique qui sont mentionnés.
    Merci.
    Je suis désolé, madame Ottmann. Je dois vous interrompre.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Lemire.

[Traduction]

    La dernière intervenante de notre série de questions de six minutes est Mme Idlout.
    Vous avez la parole. Allez‑y, je vous prie.
    [La députée s'exprime en inuktitut et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi: ]
    Merci.
    Je tiens tout d'abord à vous remercier de votre rapport. On comprend ainsi mieux la fiscalité.
    Grand chef Abram, j'ai une question à vous poser.
    Vous avez parlé des taxes imposées à l'époque et du fait que rien n'a changé — pas de mise à jour, pas de réexamen — et que certains éléments doivent être réexaminés et mis à jour. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la quantité de travail nécessaire pour procéder à cette mise à jour?
    Il y a des recommandations et des résolutions. J'aimerais savoir si, pour les peuples autochtones — les Premières Nations, les Métis et les Inuits —, nos modes de vie, nos règlements, nos lois et notre philosophie doivent être intégrés dans les changements actuels, comme celui dont on parle ici, si nous procédons à un réexamen.
    Je vous remercie de cette question. Je ne pense pas qu'il y ait de réponse facile, mais je pense que, lorsqu'il s'agit de bénéficier de la fiscalité, les Premières Nations ont toujours été au bas de la liste. Si vous regardez les déficits en matière de logement et les personnes qui ont réellement profité des terres et des ressources qui en ont été extraites, ce ne sont pas les Premières Nations.
    Quand on regarde les énormes sommes d'argent qui ont été tirées du tabac, l'un de nos médicaments, cela n'a vraiment pas profité aux Premières Nations avant les dernières décennies. Quand on parle de richesse, il ne s'agit pas seulement d'argent. Il faut avoir une vision globale. Le bien-être en fait partie, qu'il soit social, émotionnel, mental, spirituel ou financier. Il y a l'innovation sociale, la finance sociale, l'entrepreneuriat — qui revient maintenant —, les coopératives et les organismes sans but lucratif, et il y a les éléments essentiels, qui sont des éléments avec lesquels nous avons vraiment eu des difficultés par le passé: le logement, la nourriture, l'emploi, la raison d'être et l'éducation. Cela découle en grande partie d'éléments comme la Loi sur les Indiens, qui limitait vraiment ce qu'on pouvait faire.
    Par exemple, nous commençons tout juste à faire du rattrapage pour inclure les peuples autochtones dans l'économie. Pendant longtemps, nous ne pouvions même pas embaucher des avocats, par exemple. Nous ne pouvions pas voter. Nous n'avons pas vraiment été inclus, alors nous voulons simplement rattraper le retard, nous sommes en mode rattrapage. Il n'y avait pas de financement législatif, mais plutôt du financement discrétionnaire, qui dépend de la bonne volonté du gouvernement. J'ose espérer que nous pouvons tous convenir que le gouvernement n'a pas fait preuve de beaucoup de bonne volonté à l'égard des Premières Nations. Quand on pense au nombre d'avis d'ébullition de l'eau qu'il y a eu au cours des dernières décennies, à la crise du logement ou à toutes les femmes et filles autochtones assassinées et disparues, on sait que les Premières Nations n'ont pas reçu beaucoup de soutien. Le régime fiscal ne leur a pas beaucoup profité à cet égard.
    Les Premières Nations contrôlent aujourd'hui moins de 1 % du territoire canadien, alors le Canada profite de 99 % des terres et des ressources qui en ont été tirées. Nous devons examiner les choses non seulement du point de vue de la fiscalité, mais aussi du partage des revenus tirés des ressources, et nous devons aussi prendre soin de l'environnement de façon durable afin que les sept prochaines générations puissent en profiter de la même façon que nous le faisons aujourd'hui. Encore une fois, la jouissance de l'environnement est une autre forme de réconciliation économique, à mon avis. Il y a aussi le tourisme, etc.
    Je pense que sur le plan fiscal, nous avons été désavantagés. De plus, il y a toutes sortes d'impôts cachés dont nous n'avons pas encore vraiment parlé [difficultés techniques] sur toutes sortes de biens et de services. J'espère que cela répond à votre question.
(1150)
    [La députée s'exprime en inuktitut et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi: ]
    Merci. Le gouvernement fédéral a déclaré qu'il en résulterait une réconciliation économique. J'aimerais que vous m'expliquiez davantage ce que le gouvernement fédéral propose. J'aimerais entendre le grand chef et le chef.
    Quelle est votre réponse à la réconciliation économique et quelle est votre vision?
    Je pose la question d'abord au grand chef, puis à Mme Ottmann. Merci.
    Pour être très bref, je pense que dans le cadre de la réconciliation économique, on reconnaît l'indépendance, la souveraineté et la compétence des Premières Nations.
    Nous savons que jusqu'à tout récemment — et j'en ai déjà parlé —, le gouvernement fédéral considérait les Premières Nations comme des enfants incapables de s'occuper de leurs propres affaires, et il a légiféré en conséquence. C'est ce qui nous a donné notamment la Loi sur les Indiens, les pensionnats, la rafle des années 1960, la situation qui perdure concernant l'aide à l'enfance et le sous-financement dans tous les domaines. Il y a eu beaucoup de cas où des agents des Indiens ont volé les ressources des Premières Nations.
    Afin de nous réconcilier, nous devons entendre la vérité sur la relation qui existait à ce moment, à quel point elle était déséquilibrée, et vraiment commencer, comme je l'ai dit, à la décoloniser et à revenir à la relation initiale — plus d'égal à égal —, au partage des ressources de la terre et des responsabilités qui en découlent également. Je pense que c'est vraiment ce que nous voulons faire dans le cadre de cette réconciliation, qui se veut globale, et non pas seulement axer sur l'aspect économique.
    Merci beaucoup, grand chef. Je crains de devoir vous arrêter ici.
    Merci beaucoup, madame Idlout. Cela met fin à notre première série de questions.
    Nous passons à la deuxième série — la série de cinq minutes —, et je cède la parole à M. Melillo.
    Allez‑y, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos deux témoins d'être avec nous et de leur participation à cette importante discussion.
    Je vais commencer par le grand chef Abram, en poursuivant dans la même veine que ma collègue. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé un peu en particulier de la taxe sur le carbone, ce qui ne m'a pas vraiment surpris. Nous voyons de plus en plus de Premières Nations se prononcer contre cette politique, y compris les chefs de l'Ontario, bien sûr, qui poursuivent le gouvernement en justice au sujet de cette taxe, une politique qui leur est préjudiciable.
    Je me demande si vous pouvez nous en dire plus à ce sujet. Je crois que vous avez dit qu'il s'agissait d'une « violation » des droits territoriaux. Je veux simplement savoir si vous pouvez nous en dire plus sur ce que vous entendez par là, et comment vous voyez la taxe sur le carbone.
    Je peux voir la nécessité d'imposer une telle taxe, en particulier aux industries qui produisent beaucoup de carbone, mais cela a des répercussions disproportionnées sur les Premières Nations, surtout dans les territoires visés par des traités. Je sais que le gouvernement fédéral se considère comme ayant le contrôle total sur 99 % des terres. Cependant, les Premières Nations ont des territoires ancestraux sur lesquels elles ont des droits, qu'il s'agisse de chasse, de pêche ou de ressources, si bien que nous estimons vraiment que le gouvernement doit avoir un certain niveau de responsabilité à l'égard des Premières Nations pour protéger et préserver ces droits.
    L'article 29 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones reconnaît que les peuples autochtones ont droit « à la préservation et à la protection de leur environnement et de la capacité de production de leurs terres ou territoires et ressources ». Encore une fois, pour nous, les taxes sur le carbone ne sont pas vraiment un problème lié au fédéralisme, mais plutôt une violation de nos droits ancestraux, et cela va à l'encontre des efforts de réconciliation économique dont on parle en ce moment. Encore une fois, je ne peux pas trop entrer dans les détails parce que nous avons une action en justice au sujet de ce droit en ce moment, mais j'espère que nous pourrons régler cette question le plus tôt possible.
(1155)
    Merci beaucoup, grand chef.
    Madame Ottmann, je vais vous poser quelques questions sur le renforcement des capacités. Je crois que vous en avez parlé plus tôt. Je pense que c'est un aspect très important de cette étude.
    Je viens du Nord-Ouest de l'Ontario. Ma circonscription compte 42 Premières Nations. Bien entendu, différentes communautés essaient sans cesse d'obtenir des fonds fédéraux pour soutenir leurs projets. Lorsque tout semble indiquer que les choses vont avancer, il y a des retards. Il y a des obstacles bureaucratiques, le gouvernement n'est pas prêt, les coûts augmentent et il semble que ce processus s'éternise. Par conséquent, les besoins en matière d'infrastructures essentielles et d'autres besoins ne sont pas comblés.
    À votre avis, en quoi la capacité des Premières Nations de percevoir directement les recettes fiscales les aiderait-elle à renforcer leurs capacités et à faire avancer certains de ces projets plus rapidement, soit en jouant un plus grand rôle dans ces projets, soit, même, en allant de l'avant, au besoin, sans soutien fédéral? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Je vous remercie de votre commentaire et de votre question.
    Je commencerai par dire qu'il existe une relation unique entre le gouvernement fédéral et les communautés des Premières Nations, relation qui est enchâssée non seulement dans les traités, mais aussi dans la Constitution canadienne. Le gouvernement fédéral a pris un engagement envers les communautés des Premières Nations. Je dirais même que cet engagement a trait aux infrastructures, puisque le gouvernement fédéral s'occupe aussi des infrastructures. Je ne pense pas que la responsabilité fiduciaire à l'égard des Premières Nations devrait être éliminée ou supprimée en raison de toutes ces ententes constitutionnelles et législatives.
    Pour les Premières Nations, il y a un manque à gagner. C'est ce que le grand chef a dit. Il n'y a pas de parité économique. Les gouvernements et les entreprises autochtones sont continuellement à la recherche de ressources ou de revenus pour combler ce manque à gagner.
    Notre campus dans le Nord en est un exemple. Ce campus se trouve dans un très vieil immeuble. Il est situé près d'un site d'injection supervisée. La Ville de Prince Albert nous a donné cinq acres de terrain pour cinq dollars. Ce terrain se trouve dans un endroit extraordinaire. Nous avons donc soumis une proposition de 25 millions de dollars dans le cadre du Programme fédéral pour les bâtiments communautaires verts et inclusifs. Nous avions le terrain, un plan détaillé et l'engagement communautaire. Comme je l'ai dit, l'éducation est la solution à de nombreux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Cependant, nous n'avons pas obtenu la subvention, et nous ne savons pas pourquoi.
    Nous sommes confrontés à cette difficulté, tout comme le Grand Conseil de Prince Albert et la FSIN — la Fédération des nations autochtones souveraines. C'est un problème qui dure depuis 30 ans au campus de Prince Albert, alors nous envisageons...
(1200)
    Madame Ottmann, je dois malheureusement vous interrompre.
    D'accord.
    Merci.
    Je regrette de vous interrompre encore une fois, mais je crains que nous ayons dépassé le temps alloué.
    Sur ce, nous allons passer au deuxième intervenant de cette deuxième série de questions.
    Monsieur Powlowski, vous avez cinq minutes.
    Je vais commencer, puis je céderai la parole à Mme Gainey.
    Chef Abram, vous avez exprimé votre mécontentement à l'égard de la taxe sur le carbone, mais vous avez aussi parlé des changements climatiques, qui ont peut-être une incidence disproportionnée sur les communautés autochtones, en particulier dans le Nord, comme dans la circonscription de mon ami Michael McLeod dans les Territoires du Nord-Ouest, qui a été assez durement touchée.
    Nous savons également que la plupart des économistes conservateurs pensent que la taxe sur le carbone est le moyen le plus efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
    Chef Abram, est‑ce la taxe sur le carbone en soi qui vous pose problème ou le fait que vous pensiez que les Premières Nations devraient obtenir un remboursement plus important? Nous savons que la taxe se veut sans incidence sur les recettes. Je sais que les Autochtones, comme tout le monde, obtiennent leurs remises pour les particuliers. Or, l'argument est peut-être que les communautés des Premières Nations utilisent plus de combustibles fossiles en raison de leur isolement — elles sont dans le Nord —, et qu'elles devraient obtenir une plus grande part du remboursement.
    Encore une fois, est‑ce la taxe sur le carbone à elle seule qui vous pose problème, ou bien la façon dont le remboursement est géré? Pensez-vous que les communautés des Premières Nations devraient bénéficier d'une entente plus avantageuse?
    Je pense que le problème comporte deux éléments.
    Il y a d'abord l'aspect collectif... Où sont les avantages pour les Premières Nations? Par exemple, cette initiative pourrait nous aider à construire des infrastructures dans les collectivités du Nord. Nous savons que cela se fait dans une certaine mesure. Cependant, pour soutenir l'offre d'une énergie plus propre dans ces collectivités...
    Je pense que nous savons tous que les gaz à effet de serre...

[Français]

     Monsieur le président, il faudrait s'assurer que le témoin parle plus près du micro, parce qu'il y a une difficulté sur le plan de l'interprétation.

[Traduction]

    D'accord. Excusez-moi. Je vais essayer de parler un peu plus fort.
    Est‑ce que c'est mieux?
    Je pense que oui. Nous pouvons donc continuer.
    Nous voulons d'abord et avant tout qu'une plus grande part de ces recettes fiscales soit affectée à des projets collectifs, comme la construction d'infrastructures destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Je pense que cela est bon pour le climat en général.
    Il faut aussi parler de l'incidence des feux de forêt. Nous pouvons faire valoir à juste titre que ces feux sont liés aux changements climatiques. Chaque fois que la température augmente d'un degré, nous savons que les tempêtes seront plus violentes et plus intenses, qu'il s'agisse d'inondations, de tornades, de feux de forêt et de toutes ces autres catastrophes naturelles qui se produisent de plus en plus souvent.
    Là encore, les données recueillies au fil des ans permettront de le confirmer. Je pense que cela constitue une partie du problème. L'incidence sur les Premières Nations n'a pas seulement trait à la taxe sur le carbone. Cela est particulièrement vrai pour les collectivités nordiques, qui doivent être évacuées chaque été ou chaque printemps à cause des incendies, des inondations et des autres phénomènes qui se produisent.

[Français]

    Monsieur le président, je suis obligé de vous arrêter de nouveau. Le son coupe, ce qui rend le travail d'interprétation difficile.
(1205)

[Traduction]

    Un instant, s'il vous plaît.
    Nous allons essayer de régler ce problème. S'il persiste, nous devrons peut-être suspendre la séance à nouveau, mais j'espère que nous réussirons à le résoudre.

[Français]

    Monsieur Lemire, si le problème persiste, vous pourrez faire un rappel au Règlement.

[Traduction]

    Je redonne maintenant la parole au grand chef.
    L'autre point important que j'aimerais soulever est que, si nous voulons décoloniser cette relation et parler du prélèvement de recettes fiscales dans les communautés des Premières Nations, il faut discuter avec ces communautés et les membres des régions visées par un traité pour savoir à quoi cela pourrait ressembler. Il faut obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé, qui est maintenant inscrit dans une loi fédérale.
    Je vous remercie.
    Merci.
    Monsieur Powlowski, il vous reste 1 minute et 20 secondes.
    Je vais donner la parole à Mme Gainey.
    J'aimerais poser une question à Mme Ottoman, si elle est toujours en ligne.
    Je m'interroge au sujet du renforcement des capacités de l'Université des Premières Nations et de la manière dont vous renforcez les capacités dans le domaine des connaissances en matière de développement économique par le biais de l'université. Comment pourrions-nous peut-être mieux soutenir ou, par l'intermédiaire de l'université, offrir plus de soutien à certaines des régions qui ont moins de ressources ou moins de capacités?
    J'ai l'impression que les capacités et les ressources sont réparties de façon inégale au pays. Je me demande si vous pourriez nous en parler quelque peu et peut-être nous dire ce que l'Université des Premières Nations peut faire à cet égard.
    Je vous remercie de cette question.
    L'un des principes de l'Université des Premières Nations du Canada est d'être à l'écoute des collectivités d'un bout à l'autre du pays.
    Nous offrons, par exemple, un programme de langue mohawk à Fort Erie. Nous avons mis en place des programmes dans les Territoires du Nord-Ouest. Plusieurs de nos programmes les plus récents seront lancés dans le Nord de la Saskatchewan, à Black Lake et Hatchet Lake, qui sont beaucoup plus au nord. Les membres d'une communauté sont venus nous voir pour nous demander de mettre sur pied un programme de travail social. Notre souplesse nous permettra de lancer ce programme en septembre prochain dans cette communauté.
    Nous avons un programme pour les entreprises autochtones. La littératie financière fait partie de la formation offerte dans le cadre de ce programme. Des programmes de leadership et d'administration sont offerts aux dirigeants des Premières Nations et à leurs équipes. L'institut élargira également notre portée et nous permettra de renforcer les capacités au sein des collectivités et des organisations des Premières Nations.
    Merci beaucoup, madame Ottoman. Je dois malheureusement vous interrompre à nouveau.
    Nous allons maintenant suspendre brièvement la séance pour permettre au grand chef Ken Kyikavichik de se connecter.
    Nous suspendons la séance un instant. Merci.
(1205)

(1210)
    Nous reprenons nos travaux.
    Avant de donner la parole à M. Kyikavichik pour sa déclaration liminaire de cinq minutes, je veux simplement vous dire qu'en raison du changement à notre horaire aujourd'hui, chaque parti disposera de quatre minutes pour poser des questions après la déclaration du grand chef Kyikavichik.
    Sur ce, grand chef, je vous donne la parole pour cinq minutes.
    Drin gwiinzii. Monsieur le président et honorables membres du Comité, bonjour.
    Je m'appelle Ken Kyikavichik et je suis le grand chef du Conseil tribal des Gwich'in des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon.
    Le Conseil tribal des Gwich'in a été créé en 1992 avec la signature de l'Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich'in. Nous travaillons en collaboration avec les gouvernements du Canada, des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon à la mise en œuvre de ce traité moderne qui touche nos quelque 3 500 membres qui habitent partout au pays. Nos communautés sont situées dans la région du delta du Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest, et sont connues aujourd'hui sous les noms d'Aklavik, Inuvik, Tetl'it Zheh, ou Fort McPherson, comme on l'appelle maintenant, et Tsiigehtchic.
    Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser au Comité au sujet des recettes fiscales sur les territoires des Premières Nations. Il s'agit d'une question importante et d'une occasion qui a une incidence sur le développement économique et l'autosuffisance de notre région.
    Aujourd'hui, j'aimerais soulever quelques points pour que vous puissiez les examiner dans le cadre de cette étude. Je parlerai d'abord des distinctions entre les titulaires de traités modernes, comme le Conseil tribal des Gwich'in, et les Premières Nations qui vivent dans les réserves, par exemple, dans le Sud du Canada. J'aborderai ensuite l'intérêt des Gwich'in à établir des zones libres d'impôts, à la fois dans la région visée par l'entente avec les Gwich'in et dans les régions où nous décidons d'investir. Enfin, je terminerai en parlant du rôle que les recettes fiscales peuvent jouer dans la réconciliation économique.
    Permettez-moi de vous donner plus de contexte. Les Gwich'in ont signé le dernier traité numéroté au Canada, le Traité no 11. Ce traité a été signé dans nos communautés de Tsiigehtchic et Tetl'it Zheh en juillet 1921. À cette époque, beaucoup d'entre nous faisaient partie des peuples Locheux. Nous menions un mode de vie nomade et de subsistance sur notre territoire traditionnel, complétant cette économie de subsistance en participant au commerce de la fourrure.
    Le Traité no 11 est le seul traité au Canada qui n'a pas créé de réserves pour les Dénés des Territoires du Nord-Ouest. Aujourd'hui, les seules réserves des Territoires du Nord-Ouest sont situées sur le territoire visé par le Traité no 8, dans la région de South Slave, près de la rivière Hay et de Fort Smith.
    Je reviens à mon premier point. Il est essentiel de reconnaître que les divers groupes et nations autochtones du Canada se trouvent dans des situations distinctes et ont des besoins qui leur sont propres. Les Premières Nations des Prairies, par exemple, sont confrontées à des défis uniques par rapport aux Premières Nations qui ne sont pas visées par un traité et qui se trouvent, notamment, en Colombie‑Britannique, et aux titulaires de traités modernes dans le Nord, comme les Gwich'in. Les différents contextes juridiques, sociaux et économiques propres à chaque groupe et nation doivent être pris en compte lorsque l'on discute de recettes fiscales et de politique économique. Les Métis et les peuples autochtones non inscrits sont confrontés à des défis distincts, comme vous le savez, surtout en ce qui concerne la reconnaissance et l'accès aux programmes et aux services.
    Ensuite, le Conseil tribal des Gwich'in souhaite établir des zones libres d'impôts dans la région visée par l'entente avec les Gwich'in et dans d'autres endroits où se trouvent nos membres, comme à Yellowknife, Whitehorse et Edmonton. Il s'agirait de zones visées par une exemption fiscale et non de réserves. Il s'agit là d'une distinction importante. Ces zones offriraient des avantages fiscaux à nos citoyens et à nos entreprises et nous donneraient l'occasion d'investir dans les centres du Sud.
    Enfin, nous voulons également avoir la possibilité d'imposer des taxes sur les ventes et des taxes d'accise aux citoyens non autochtones qui pourraient recourir à nos entreprises. Notre prochain gouvernement pourrait alors être en mesure d'investir dans nos communautés pour améliorer les infrastructures et les services que nous fournissons, ce qui entraînerait une certaine redistribution de la richesse et réduirait notre dépendance actuelle au financement fédéral pour la construction d'infrastructures et la prestation de programmes et de services. Cela constituerait une étape cruciale vers la réconciliation économique.
    Qu'il s'agisse du développement économique ou de la protection de nos terres et de nos ressources essentielles, comme le caribou de la Porcupine, la défense des droits et des intérêts des Gwich'in a été et continuera d'être notre priorité.
    Pour être une nation véritablement souveraine, nos nations, notre langue, nos traditions, nos terres et nos ressources doivent être gouvernées de façon rigoureuse et responsable. Nous pensons que les recettes fiscales potentielles et les exemptions fiscales accordées à d'autres ordres de gouvernement à l'heure actuelle, que ce soit dans un environnement autonome ou non, nous aideront à atteindre cet objectif. Pour être efficace, cette mesure législative doit reconnaître les différences en matière de compétences entre les nations autochtones, le rôle complémentaire que peuvent jouer les zones libres d'impôts pour les entreprises et les gouvernements autochtones, et la capacité des gouvernements autochtones à réclamer des taxes de vente et des taxes d'accise aux non-résidents qui recourent à ces services, comme moyen d'améliorer les programmes et services à l'avenir.
(1215)
     Même si l'étude sur les recettes fiscales est constructive en soi, ce n'est qu'au moment de sa mise en œuvre et de la vérification de son applicabilité aux nations du Nord — telles que la nation Gwich'in — que nous pourrons, comme toute chose, juger de son succès.
    Hài'. Merci de m'avoir consacré du temps et de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
(1220)
    Merci beaucoup, grand chef.
    Comme je l'ai déjà mentionné, notre série de questions écourtée comptera quatre minutes par parti. Nous commençons par le Parti conservateur.
    Monsieur Shields, vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence parmi nous aujourd'hui et de votre présentation.
     Le député Bob Zimmer m'a demandé de vous saluer de sa part. Je vous transmets donc son message.
    Vous avez insisté sur le fait que l'approche universelle ne convient pas à tout le monde. Vous avez comparé les traités modernes aux traités historiques. Pourriez-vous expliquer rapidement la différence entre les deux types de traités et parler de la réalité économique qui leur est rattachée?
     Puis‑je répondre directement au député, ou dois‑je répondre par l'entremise de la présidence?
    Grand chef, vous pouvez répondre par l'entremise de la présidence. La parole est à vous.
    Le dernier traité numéroté, le Traité no 11, a été signé en 1921. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, ce traité nous permettait de conserver notre mode de subsistance et reconnaissait nos droits dans la région. Il octroyait également la somme astronomique de 5 $ par année à chaque homme, femme et enfant. Certaines dispositions prévoyaient de petits paiements aux chefs et aux chefs de village et son champ d'application était très limité.
    Il faut avancer de 70 ans pour arriver aux traités modernes, qui s'inscrivent dans la politique sur les revendications territoriales globales et dans les efforts consentis par les nations autochtones, telles que la nation Gwich'in, pour arriver à des ententes tournées vers l'avenir. Ces traités ont octroyé des fonds et des terres en fief simple dans les régions qui se trouvaient dans notre territoire traditionnel. Ils nous ont amenés à faire un pas de plus vers la réconciliation économique en nous donnant le financement dont nous avions besoin pour assurer la prestation de programmes et de services à nos peuples, pour mettre en œuvre nos accords et pour renouveler nos relations avec le gouvernement du Canada et avec d'autres.
    Merci.
    Nous avons entendu entre autres des commentaires sur la structure des subventions annuelles qui vous sont destinées pour soutenir le développement économique. Cette structure diffère beaucoup des demandes habituelles de subventions annuelles liées au développement économique. Nous parlons d'une structure de gouvernance et de politique fiscale beaucoup plus vaste. À quel moment cette mouture pourrait-elle être mise en œuvre?
    La mise en œuvre pourrait se faire au cours des cinq prochaines années si nous le souhaitons, selon l'évolution des négociations. Notre nation est une des rares titulaires de traités modernes au Canada qui ne prévoient rien sur l'autonomie gouvernementale. Lorsque nous avons signé notre entente en 1992, nous nous attendions à ce que l'autonomie gouvernementale s'en suive. Nous ne pensions pas commencer le nouveau millénaire sans avoir franchi cette étape. Pour diverses raisons, les négociations s'étirent depuis plus de 24 ans. La fiscalité a été dans le passé le principal obstacle qui nous a empêchés de parvenir à une entente.
    Comme plusieurs d'entre vous le savent, une politique du gouvernement fédéral exigeait des nations autochtones qui concluaient une entente sur l'autonomie gouvernementale qu'elles renoncent aux exemptions fiscales rattachées au statut d'Indien inscrit. La modification de cette disposition il y a quelques années nous permettra d'en arriver à une entente plus tôt que tard. Toutefois, plusieurs divergences techniques doivent être réglées dans le cadre du processus de négociation. Nous faisons partie des nations qui souhaitent détenir la compétence et le pouvoir de gouverner dès le premier jour de la mise à exécution de l'entente. Le régime d'imposition est un élément clé des mesures fiscales que nous voulons négocier avec le Canada.
    Depuis 24 ans, le plus gros obstacle est la fiscalité...
    Malheureusement, les quatre minutes sont écoulées, monsieur Shields. Je suis certain que d'autres collègues comptent aborder directement ou non les mêmes questions.
    Sur ce, je vais céder la parole à M. McLeod pour quatre minutes.
(1225)
    Merci, monsieur le président.
    Merci, grand chef, de votre présence parmi nous, et de vos commentaires sur cette question primordiale.
     Nous pourrions poursuivre la discussion que vous avez amorcée avec M. Shields. Vous parliez des éléments essentiels au fonctionnement d'un gouvernement, notamment des sources de revenus fiables. La plupart des nations autonomes mobilisent divers moyens de générer des recettes à cette fin. Outre le financement de base versé par le gouvernement fédéral, elles reçoivent des fonds pour les programmes, des dividendes des entreprises, des redevances et des recettes fiscales.
     Pourriez-vous parler brièvement de l'importance des pouvoirs d'imposition pour le Conseil tribal des Gwich'in dans le cadre des négociations sur l'autonomie gouvernementale?
    Je vis depuis presque une décennie à Saskatoon. Le chef Darcy Bear et la Première Nation dakota de Whitecap se trouvent dans cette ville.
    Comme vous le savez peut-être, la nation dakota de Whitecap a été en mesure, en l'espace de...

[Français]

     Je suis désolé de vous interrompre.
    Monsieur le président, l'interprétation ne peut pas se faire à cause de la mauvaise qualité du son.

[Traduction]

    Est‑ce que je parle trop vite?
    Grand chef, les interprètes nous disent que ce serait plus facile si vous redressiez légèrement, de deux centimètres environ, la tige de votre microphone.
    Parlez un peu s'il vous plaît. Nous verrons ce que diront les interprètes.
    D'accord.
     Comme je l'ai mentionné plus tôt, les Dakotas de Whitecap ont été en mesure en l'espace d'une trentaine d'années...
    Je suis désolé, grand chef. Nous allons devoir refaire une pause. Le son n'est pas encore satisfaisant.
    Grand chef, le technicien nous dit que si vous enleviez le flou d'arrière-plan, le son sortirait peut-être plus clairement. Pourriez-vous essayer?
    Très bien. Est‑ce que c'est mieux?
    Je regrette de ne pas avoir mis le drapeau des Oilers d'Edmonton en arrière-plan. Heureusement, j'ai ma tasse de café.
(1230)

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    On nous signale que l'interprète peut se contenter de résumer ce qui est entendu. C'est un compromis, mais ce n'est pas idéal.

[Traduction]

    Grand chef, nous allons réessayer avec l'interprétation. Les interprètes pourront seulement faire un sommaire de vos propos. Ce ne sera pas traduit intégralement.
    Vous pouvez poursuivre. Il reste encore environ deux minutes et demie pour M. McLeod.
    L'environnement des nations autochtones telles que la nation dakota de Whitecap leur permet de prélever des impôts auprès d'une grande population non résidante et temporaire qui recourt à leurs programmes et à leurs services. Pour travailler en partenariat avec les gouvernements autochtones, il faut leur octroyer des exemptions fiscales, mais aussi la capacité de générer des recettes fiscales.
     Les nations comme la nation dakota de Whitecap tirent profit de leur emplacement à proximité d'un grand centre pour fournir des services, et je crois dans de rares cas... Il arrive rarement que des résidants non autochtones demandent d'accéder à des services tels que des hôpitaux et des écoles. C'est le cas de la nation dakota de Whitecap grâce à son pouvoir de prélever des taxes de vente et des taxes d'accise dans la collectivité.
     Au titre d'une entente entrée en vigueur en septembre dernier, cette nation est celle qui a accédé le plus récemment à l'autonomie gouvernementale au pays.
    Grand chef, je vais vous interrompre parce que je veux vous poser une question sur la récupération fiscale.
     Est‑ce important pour le Conseil tribal des Gwich'in de préserver l'intégralité des sources de financement du gouvernement fédéral même après l'augmentation de ses propres sources de revenus au moyen, entre autres, de son pouvoir de prélever des impôts?
     Cet aspect avait entravé les négociations sur l'autonomie gouvernementale de la nation Tłı̨chǫ. Le gouvernement fédéral conservateur en place à l'époque insistait pour que la nation utilise ses propres sources de revenus et pour que les recettes générées remplacent le financement provenant du gouvernement fédéral.
    C'est incroyablement important parce que comme vous le savez, à l'exception des investissements liés à l'extraction de ressources non renouvelables, notre région n'attire pas d'investissements privés. En outre, la faible densité de population dans la région ne peut pas donner lieu à des analyses de rentabilisation efficaces pour les entreprises, les investisseurs ou les industries, sauf si ces derniers reçoivent de généreuses subventions gouvernementales.
    Cette question doit être abordée dans la discussion plus vaste sur la capacité d'imposition de notre nation dans le contexte de l'autonomie gouvernementale.
     Merci beaucoup, monsieur McLeod.

[Français]

    Monsieur Lemire, vous avez la parole pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Grand chef Kyikavichik, lors de notre dernière rencontre, vous faisiez de belles suggestions pour la réconciliation économique, que l'on retrouve aussi dans la stratégie présentée par Mme Ottmann.
    La mise en place d'un organisme autochtone pour les importations et les exportations vous semble-t-elle aussi être une solution pertinente afin de faciliter le commerce avec les États‑Unis et de faire reconnaître les zones de libre-échange?

[Traduction]

     J'ai besoin des services d'interprétation.
     Grand chef, au bas de votre écran Zoom, vous allez voir une sphère. En cliquant sur la sphère, vous pourrez sélectionner « anglais » afin d'obtenir la traduction simultanée des délibérations en anglais.

[Français]

     Monsieur Lemire, pourriez-vous répéter votre question?
    Avec plaisir, monsieur le président.
    Grand chef Kyikavichik, lors de notre rencontre, vous nous aviez fait de belles suggestions concernant la réconciliation économique, que l'on retrouve aussi dans la stratégie présentée par Mme Ottmann.
    La mise en place d'une organisation autochtone pour les importations et les exportations vous semble-t-elle aussi une solution pertinente afin de faciliter le commerce avec les États‑Unis et de faire reconnaître des zones de libre-échange, également?

[Traduction]

    Nous en sommes convaincus.
    Avant l'établissement de la frontière entre le Canada et les États‑Unis, la nation Gwich'in s'étendait sur l'Alaska, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest. Sa population s'élevait à au moins 9 000 âmes au total. La mise en place de la frontière internationale a limité les activités commerciales, qui étaient monnaie courante dans le passé.
    Comme d'autres nations telles que les Six Nations et les Mohawks dans le Sud du Canada, la nation Gwich'in a besoin de mobilité transfrontalière. Nous estimons que des accords, peu importe s'ils sont conclus par l'entremise d'un organisme autochtone ou non, faciliteraient les activités commerciales, particulièrement dans notre région qui souffre d'un accès limité aux fournitures, aux produits alimentaires et au bois d'œuvre. Une voie d'approvisionnement ouverte par l'Alaska serait beaucoup moins éloignée que des endroits comme Edmonton, dont dépendent les collectivités pour le réapprovisionnement. Sur le plan pratique, surtout si les niveaux d'eau sont faibles, l'emplacement des voies d'approvisionnement va s'avérer extrêmement important.

[Français]

    Le gouvernement devrait déposer une loi qui garantirait les droits inhérents des Premières Nations et éliminerait toutes les échappatoires qui font en sorte que les droits sont souvent bafoués ou ignorés par les prometteurs des projets sur les terres ancestrales.
    Le consentement préalable libre et éclairé est-il une condition essentielle au développement des Premières Nations?
(1235)

[Traduction]

     La question n'a pas été entièrement traduite.

[Français]

    Je vais répéter la dernière partie de ma question.
    Pour vous, le consentement préalable libre et éclairé est-il une condition essentielle au développement de projets avec les Premières Nations sur le plan économique?

[Traduction]

     C'est tout à fait essentiel. Nous voulons établir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause de pair comme processus décisionnel partagé avec les différents niveaux de gouvernement. De notre point de vue, ce principe ne constitue pas un droit de veto. Il permet plutôt de lancer la discussion avec les gouvernements et l'industrie sur les possibilités d'investissement dans les territoires autochtones. Il faut par contre que ces communications aient lieu au préalable sur une base régulière pour ouvrir la voie à des discussions fructueuses entre toutes les parties. Sans cet élément, les choses sont très difficiles.

[Français]

    Madame Ottmann ou grand chef Abram, voulez-vous ajouter quelque chose sur le principe du consentement préalable libre et éclairé?

[Traduction]

     Bien sûr. Nous savons que la Cour suprême considère que ce principe fait partie des lois fédérales à présent que la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a été adoptée [difficultés techniques] et que ce même principe doit être défini par chaque Première Nation. Chaque nation mettra donc en place ses propres lignes directrices qui établiront en quoi consiste le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
    Cette tâche ne relève pas de moi. Chaque Première Nation déterminera les discussions qui doivent avoir lieu concernant tel ou tel sujet. Une fois que ces discussions se seront déroulées, nous pourrons peut-être mettre en place le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause pour la suite des choses.
    Toutes mes excuses, monsieur Lemire.

[Français]

     Votre temps de parole est écoulé. Je sais que nous pourrions parler de ce sujet pendant plusieurs réunions.

[Traduction]

     Sur ce, nous passons aux dernières questions de la deuxième série de questions.
    Madame Idlout, vous avez quatre minutes.
    [La députée s'exprime en Inuktitut et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
     Merci, monsieur le président.
    Merci, grand chef Kyikavichik. Je suis heureuse de vous revoir. Je vous ai reconnu.
    Grand chef Kyikavichik, madame Ottmann, je vais vous poser la même question. Vous pourrez y répondre tous les deux.
    Services aux Autochtones Canada a déclaré qu'il allait « travailler avec [ses] partenaires autochtones pour proposer un cadre de réconciliation économique qui éliminera les obstacles et soutiendra les visions autochtones de prospérité économique. »
    Que veut dire pour vous la réconciliation économique?
    Grand chef Kyikavichik, vous pouvez y aller en premier.
    Màhsi’, madame Idlout. C'est un grand plaisir de vous revoir également. Je trouve toujours intéressantes les discussions que nous avons fréquemment sur les problèmes qui touchent aux territoires nordiques.
    La nation Gwich'in recherche ce que tous les Canadiens recherchent et qu'ils tiennent parfois pour acquis, c'est‑à‑dire de bons emplois, des logements de qualité, de bonnes écoles, des activités sportives et des programmes pour les jeunes, des infrastructures solides et des mesures permettant le développement économique local. Dans les économies occidentales, tout cela prend forme grâce aux investissements majeurs de tous les niveaux de gouvernement et de l'industrie. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, souvent, les collectivités n'ont pas accès... les investissements privés. Ce contexte limite le développement économique local.
    En termes simples, je vois la réconciliation économique comme la mise sur pied d'une économie qui permet aux entrepreneurs d'établir des entreprises locales qui fourniront les commodités auxquelles les collectivités n'ont pas accès actuellement. Je pense aux choses simples que j'ai mentionnées et qui sont tenues pour acquises telles que le Tim Hortons dans certains de nos grands centres et l'accès aux produits alimentaires et aux choses dont jouissent les populations dans le Sud du Canada. Ce sont des choses que bon nombre de nos collectivités aimeraient obtenir un jour. Les gens veulent que soit mise en place une économie semblable qui permet d'investir dans les entreprises locales et qui fournit aux gens de bons emplois et des maisons écoénergétiques. Aujourd'hui, dans le Nord, comme vous le savez, le chauffage et l'électricité sont incroyablement coûteux. Il faut que cela change pour que les résidants des collectivités ne ressentent plus le besoin de déménager — notamment dans le Sud — pour des raisons économiques.
    Pour nous, la réconciliation économique veut dire l'accès des collectivités aux choses que nous voyons dans le Sud du Canada et dans les économies occidentales, qui permettront aux membres de nos collectivités et les autres de faire des investissements.
    Màhsi’.
(1240)
    Madame Ottmann, la parole est à vous.
    Comme d'autres l'ont déjà souligné, les dispositions législatives sur la participation des peuples autochtones à l'économie ont été systématiquement abrogées. Avant la création des réserves, des économies et des activités commerciales florissantes existaient dans les collectivités dans tout le territoire. Les anciens systèmes... Toutes ces barrières ont empêché les peuples autochtones de participer à l'économie.
    À présent, je dirais qu'il y a une prise de conscience de l'importance de la réconciliation économique. L'entrepreneuriat prend de la vigueur et le nombre d'entreprises autochtones va en s'accroissant. Les gouvernements autochtones essaient sans relâche de participer à l'économie et de donner aux collectivités l'accès à l'autodétermination. La barrière est toujours...
    Services aux Autochtones Canada a pris un engagement d'environ 1,5 million de dollars dans le cadre de la réconciliation économique. Le...
     Madame Ottmann, je dois malheureusement vous interrompre encore une fois. Je suis désolé, mais nous avons très peu de temps. Nous avons encore dépassé le temps alloué.
     Madame Ottmann, grand chef Abram, grand chef Kyikavichik, je vous remercie énormément de votre participation à notre étude. Nous tiendrons sûrement compte de vos commentaires dans notre rapport très important et dans nos recommandations destinées au gouvernement. Je veux donc vous remercier.
    Nous allons suspendre la séance avant de poursuivre à huis clos pour les travaux du Comité.
    Merci beaucoup.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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