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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 107 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 3 juin 2024

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.

[Français]

    Bonjour.
    Je vous souhaite la bienvenue à la 107e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 21 mars 2024, le Comité commence son étude sur l'islamophobie.

[Traduction]

    Pour prévenir les retours de son, je rappelle aux membres du Comité et à tous les participants dans la salle qu'il est important de suivre les mesures préventives suivantes. Pour prévenir les incidents de retour de son perturbateur et potentiellement nocifs qui peuvent causer des blessures, tous les participants en personne doivent garder leur oreillette loin de tous les microphones, et ce, en tout temps.
    Comme indiqué dans le communiqué que le Président de la Chambre a envoyé aux députés le 29 avril, nous avons pris les mesures suivantes pour aider à prévenir les incidents de retour de son. Nous avons remplacé toutes les oreillettes par un modèle qui réduit le risque de retour de son. Veuillez utiliser une oreillette approuvée. Veuillez laisser toutes les oreillettes inutilisées débranchées, si vous n'en avez pas besoin. Veuillez consulter les cartes sur la table pour connaître les directives.
    Nous avons mis ces mesures en place pour mener nos travaux sans interruption et protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris des interprètes.

[Français]

    Je vous remercie à l'avance de votre coopération.

[Traduction]

    La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un mode hybride. Tous les témoins comparaissent par vidéoconférence ce matin. Conformément à la motion de régie interne du Comité sur les tests de connexion des témoins, je vous informe que tous les témoins ont réussi ces tests avant la réunion.
    À l'intention des membres du Comité et des témoins, il faut attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Je vous rappelle que vous devez adresser tous vos commentaires à la présidence.
    À l'intention de tous les nouveaux députés qui siègent ce matin, bienvenue à notre réunion. À l'intention des témoins, j'utiliserai un carton pour vous indiquer qu'il vous reste 30 secondes. Quand votre temps sera écoulé, je vais lever un autre carton par courtoisie. Je vous donnerai alors quelques secondes supplémentaires pour conclure; sinon, je devrai vous interrompre. Ne le prenez pas comme une attaque personnelle. C'est simplement ainsi que nous fonctionnons en comités.
    Ce matin, nous accueillons un groupe de témoins. La réunion se terminera à 13 heures. Tous les témoins comparaissent par vidéoconférence, et ils feront partie du même groupe.
    On m'a remis le nom des députés qui vous poseront des questions. Je vais commencer par...
(1105)

[Français]

    Madame la présidente, si vous le permettez, j'aimerais obtenir une clarification, avant que nous commencions les témoignages.
    Je vous écoute, monsieur Fortin.
     Vous dites que les témoins que nous recevons aujourd'hui font partie d'un seul et même groupe de témoins. Habituellement, nous entendons deux groupes de témoins successivement et, après la première heure, nous revenons au point de départ pour ce qui est du temps consacré aux questions. Ainsi, à l'arrivée du deuxième groupe de témoins, chaque parti a de nouveau la parole pour six minutes.
    Allez-vous gérer cela de la même façon aujourd'hui, madame la présidente? Autrement dit, est-ce que chaque parti aura la parole pour six minutes lors du premier tour et pour six minutes également lors du deuxième tour, afin d'éviter que M. Garrison et moi ayons des tours de parole de seulement deux minutes tout au long des deux heures après notre première intervention?
    Oui, nous allons procéder en suivant le même ordre et le même temps de parole que d'habitude, mais je dois le faire respecter, compte tenu du temps dont nous disposons.
     Merci, madame la présidente.
    Nous recevons tout d'abord Omar Babili, un étudiant qui témoigne à titre personnel.

[Traduction]

    Ali Islam témoigne aussi à titre personnel.

[Français]

    Nous recevons également M. Shaffni Nalir, qui est le directeur général du centre islamique et des services communautaires de Toronto.

[Traduction]

    Enfin, nous accueillons Maryam Al‑Sabawi, Dareen Shilbayeh et Hamza Omer, qui représentent la Youth Coalition Combating Islamophobia.
    Nous allons commencer par la première personne sur la liste: Omar Babili.
    Vous disposez de cinq minutes, s'il vous plaît.
    Assalam alaikum. Que la paix soit avec vous tous.
    J'aimerais reconnaître respectueusement que je suis un immigrant qui vit, étudie et joue sur les terres non cédées du peuple lək̓ʷəŋən, connu sous le nom des nations Songhees et Esquimalt, dont la relation historique avec ces terres se poursuit jusqu'à aujourd'hui.
    Bonjour, madame la présidente, honorables députés. Merci de m'avoir invité à comparaître devant ce comité pour lui communiquer mon expérience et mon point de vue dans l'étude qu'il fait sur l'islamophobie.
    Je m'appelle Omar Babili, j'ai 25 ans et j'étudie actuellement en génie civil à l'Université de Victoria.
    J'ai vécu de l'islamophobie pour la première fois à Bellevue, dans l'État de Washington, en 2017. L'Islamic Center of Eastside, le lieu de culte et centre communautaire de nombreux musulmans là‑bas, a été réduit en cendres dans un incendie criminel. Cet incident m'a beaucoup touché, car j'étudiais au collège Bellevue à l'époque. La destruction de notre centre islamique était un rappel brutal de la haine et du sectarisme qui existent dans notre société.
    À la suite de cet incident, ma famille m'a conseillé de quitter les États‑Unis, par crainte pour ma sécurité. Elle croyait que le Canada serait un pays plus sûr pour pratiquer notre religion. Toutefois, mon expérience subséquente m'a révélé que le Canada n'est pas à l'abri de l'islamophobie.
    Je suis profondément inquiet de la montée en flèche de l'islamophobie et du racisme contre les Arabes et les Palestiniens au Canada. Permettez‑moi d'être clair. La haine dont ma communauté fait l'objet n'est pas abstraite. Elle se manifeste de nombreuses façons.
    Le 3 décembre 2023, mes craintes sont devenues une cruelle réalité. Je faisais du bénévolat dans une manifestation pacifique dans ma ville de Victoria. J'exerçais mon droit à la liberté d'expression et mon droit de réunion et j'appelais à un cessez‑le‑feu, une cause à laquelle je crois profondément. J'espère que ce comité et le gouvernement du Canada vont réaliser à quel point il est important pour le Canada de défendre la paix dans la crise à Gaza.
    Plus tard dans la journée, je suis retourné mettre de l'argent dans le parcomètre. À mon retour, j'ai constaté une certaine commotion le long du chemin que je parcourais. J'ai aperçu un homme dans une voiture rouge se disputer avec un manifestant. À ma grande stupéfaction, la situation a rapidement dégénéré. Soudainement, l'homme dans la voiture qui se disputait avec un manifestant pacifique s'est mis à accélérer dans ma direction. La vue de ce véhicule accélérant dans ma direction était terrifiante. Mon coeur s'est mis à battre la chamade. J'ai reçu une décharge d'adrénaline. Heureusement, j'ai réussi à l'esquiver et à éviter des blessures graves, voire la mort.
    Après l'incident, j'étais toujours sous le choc. J'ai décidé de participer à une assemblée publique tenue par Dean Murdock, le maire de la ville de Saanich, en Colombie‑Britannique, pour exprimer mes préoccupations et me faire dire que cet incident ne se reproduirait plus. J'ai été étonné qu'après avoir appris que j'avais été victime d'un incident, le maire Murdock se montre si peu inquiet, n'exprime pas d'empathie et ne cherche pas à me rassurer.
    Le manque de soutien et de préoccupation du maire m'a consterné. J'avais l'impression qu'on faisait fi de mon expérience et de l'enjeu plus vaste de l'islamophobie; je sentais que tout cela ne comptait pas.
    À cette période‑là, je devais passer mes examens de fin d'année. Je faisais énormément d'anxiété à cause de l'incident, donc j'ai expliqué ma situation à mon département d'université et j'ai demandé une exemption pour ne pas faire mes examens. La réponse du département était loin d'être soutenante.
    Durant cette épreuve, je n'ai reçu aucun soutien de l'université. Personne n'a pris contact avec moi ni n'a vérifié comment j'allais. J'étais seul à traverser cette situation stressante.
    Le traumatisme de cette journée‑là est resté gravé dans mon esprit. J'ai des flashbacks de ce qui s'est passé, et je n'y peux rien, mais je vis dans la peur constante. Chaque fois que je quitte mon domicile, je suis rongé par l'anxiété et je me demande si cela pourrait m'arriver encore ou arriver à quelqu'un d'autre, juste parce que cette personne exerce sa liberté d'expression.
    Toute cette expérience me fait sentir comme si j'avais perdu mon droit d'exprimer mes croyances de façon libre et en toute sécurité. Le manque de soutien des élus et de l'université n'a fait que renforcer ce sentiment. Je me sens incertain et isolé.
    Cet incident n'est pas un incident isolé. Il s'inscrit dans une tendance d'islamophobie et de harcèlement violents auxquels bien des musulmans au Canada sont confrontés tous les jours. Les conséquences psychologiques de vivre avec cette peur sont immenses et nuisent à notre quotidien. Il ne faut pas tolérer la haine et la violence envers notre communauté ou toute autre communauté.
    Aujourd'hui, je vous demande de prendre des mesures vigoureuses à l'égard de l'islamophobie et du racisme contre les Palestiniens et de protéger nos libertés civiles, dont le droit de manifester pacifiquement.
    Merci.
(1110)
    Merci beaucoup.
    Nous continuons avec Ali Islam pour cinq minutes.
    Je vous parle depuis London, en Ontario, le territoire traditionnel du peuple anishinabe depuis plus de 13 000 ans.
    Ce jeudi marquera le troisième anniversaire de l'attaque délibérée d'un jeune homme au volant d'une camionnette contre ma nièce Madiha Salman, son mari Salman Afzaal, sa belle‑mère Talat Afzaal, sa fille de 15 ans Yumna Afzaal et son fils de 9 ans Fayez Afzaal.
    Trois générations ont été rayées de la carte par un homme qui voulait faire peur aux Canadiens musulmans pour qu'ils quittent le Canada. Quel crime ma famille a‑t‑elle commis? Ils étaient visiblement musulmans et étaient en public. Cette attaque en sol canadien n'était ni innommable ni inconcevable. Depuis des décennies, on dépeint délibérément les Canadiens musulmans comme « les autres ». Je vais le répéter. Selon le discours omniprésent, on dépeint activement et intentionnellement les Canadiens musulmans comme des étrangers, comme « les autres ». On continue intentionnellement de brosser ce tableau, qui a des répercussions réelles, brutales et mortelles. Qui d'entre vous dira que les conditions qui ont mené à l'événement du 6 juin n'existent plus de nos jours?
    L'auteur de l'attaque contre notre famille de London s'est directement inspiré de deux hommes, ce qui témoigne de l'interconnexion internationale de la haine idéologique. La première attaque, une attaque terroriste contre une mosquée de la Nouvelle‑Zélande en 2019, a fait 51 morts. La seconde attaque s'est produite en Californie, en 2019 aussi, et s'inspirait du manifeste de la Nouvelle‑Zélande. L'homme a tenté de mettre le feu à la mosquée, et après que des membres de la congrégation qui se trouvaient à l'intérieur ont déjoué ses plans, il a pris la fuite et a tiré sur trois personnes dans une synagogue à la place. Cela nous montre que la haine est transférable.
    L'innocence de tous les enfants de ma famille s'est volatilisée, surtout celle de mon petit‑neveu de 9 ans, désormais orphelin. Il fait face à la pire consécration d'une ostracisation socialement acceptable et incontestée, de l'étiquette sans nuances qu'on accole aux musulmans, selon laquelle chacun des musulmans canadiens serait responsable des actes déviants commis à l'étranger. L'exclusion éhontée des musulmans se révèle dans le quotidien, et les gens ne sentent même plus le besoin de se cacher. J'ai dit à Fayez Afzaal qu'un criminel qui n'avait que quelques années de plus que Yumna est passé sur le corps de tout le monde, ne laissant aucun survivant. « Il n'a laissé aucun survivant? » a‑t‑il demandé. C'est le prix de l'islamophobie que Fayez devra payer le reste de sa vie.
    Mon plus jeune fils s'est demandé comment on pouvait tuer quelqu'un sans même le connaître, et pourquoi on tuerait quelqu'un même si on le haïssait. Dans sa belle innocence, il pensait que si le criminel avait pris le temps de manger des kebabs et de boire un frappé à la mangue avec notre famille, il aurait changé d'idée. Mon fils se demande maintenant si le Canada, son pays de naissance, est vraiment un pays sécuritaire. Son identité de musulman le rend‑il moins canadien?
    En tant que musulmans, nous prions cinq fois par jour. Par le passé, mon fils n'avait aucun problème à prier en public, mais maintenant, il est conscient que des gens le jugent ou pire, que quelqu'un lui voudra du mal pour cela. Il se demande, quand il portera son chandail de hockey avec le nom « Islam » dans le dos, par quel nom les autres parents vont l'appeler ou quels commentaires ils vont faire. Il dit qu'il considérait son pays comme étant sécuritaire, avant. « Le Canada, c'est toujours chez moi, mais je ne sais plus vraiment si j'y suis encore le bienvenu ou si je m'y sens toujours en sécurité. » Il a 13 ans.
    Son frère, un adolescent un an plus jeune que Yumna, m'a dit que la haine envers les musulmans lui a enseigné que c'est dangereux pour un Canadien musulman de se sentir attaché à quoi que ce soit ou à qui que ce soit, parce que rien n'est garanti. On ne sait même pas si l'on sera là demain. Il a 16 ans.
    Ma fille, mon aînée, qui n'a que deux ans de plus que Yumna, a perdu sa vivacité et son sentiment d'appartenance. Elle est devenue très taciturne, se servant de son isolement comme d'un bouclier dans un milieu où on lui dit que les musulmans n'ont pas leur place. Elle dit ne pas se sentir écoutée ou valorisée par la société. Elle a appris que c'était irréaliste de chercher le bonheur; il vaut mieux chercher la paix. Elle a 18 ans.
    Pour ma femme, l'expression violente de l'islamophobie a comme conséquence que dans son esprit, elle nous dit un dernier au revoir aux enfants et à moi quand nous sortons de la maison, tous les jours. Cela l'épuise, mais c'est sa réalité. Elle a vécu la guerre et a vu et connu la violence à l'étranger, mais elle ne s'est jamais sentie aussi vulnérable que maintenant. Elle dit sentir qu'on lui a menti à propos de la diversité et de la promesse d'égalité pour tous au Canada. Elle se sent naïve d'avoir cru à cette promesse d'égalité pour tous. Depuis l'attaque, elle a perdu espoir que la société accorde une valeur égale à tous les citoyens. Accorde‑t‑on cette valeur égale seulement aux Canadiens d'origine européenne?
(1115)
    Une jeune femme de ma famille qui porte le hijab craint ce qui pourrait se passer quand elle sort à l'extérieur. Le hijab, un signe d'humilité qui signale son honnêteté et sa dévotion, fait maintenant d'elle une cible ambulante. Non seulement son hijab la met-elle en danger, mais il met tout le monde qui l'accompagne en danger. Donc, en plus de traîner sa peur, elle porte le poids de la culpabilité.
    À l'approche du troisième anniversaire de l'attaque contre notre famille de London, permettez‑moi de vous lire quelques commentaires qu'on a envoyés ces dernières semaines à des bénévoles et à des employés de la Ville de London qui organisent la vigile de jeudi soir. « L'islamophobie n'existe pas. » « Quand la Ville de London va‑t‑elle arrêter de se contorsionner pour plaire aux musulmans islamiques? » « Cessez de chercher à plaire à un peuple qui serait plus prompt à nous trancher la gorge qu'à nous aider. » « Ce sont les gens comme vous qui sont le problème. » « Qu'est‑ce que font les musulmans pour nous, à part rien du tout? » « Aucune sympathie. » « Arrêtez de terroriser les juifs de Toronto. » « Je pisse sur l'Islam. » « Vous devrez tous nous rendre des comptes. Nous vous attraperons tous. » « Gardons London pure. »
    En tant que famille victime d'un crime haineux, nous estimons qu'il y a un manque de ressources irréaliste et un manque de volonté pour comprendre la haine et parler de la façon dont elle se développe, de la façon dont elle se propage et de la façon de la combattre. Je demande aux parlementaires de mieux expliquer pourquoi l'islamophobie compte, même si elle ne touche que 5 % de la population. Est‑elle bien réelle? Est‑elle exagérée? Pourquoi 95 % des Canadiens devraient‑ils s'en préoccuper? Je demande aux parlementaires de dire ce qui devrait être évident. Au bout du compte, le Canada est‑il le pays des descendants des Européens blancs, ou autre chose?
    Écoutez votre conscience. Mettez un frein à l'ostracisation et à la déshumanisation intentionnelles des Canadiens musulmans. Regardez à gauche et à droite quand vous siégez à la Chambre, et dénoncez vos collègues. Nous sommes canadiens. Adoptez ou modifiez le projet de loi sur les préjudices en ligne pour protéger les jeunes, mais faites en sorte de l'adopter.
    J'ai vu les élus provinciaux se traîner les pieds. Ils n'ont pas adopté la loi sur notre famille de London, qui proposait des changements à l'éducation et visait à créer des zones sécuritaires autour des établissements religieux. Le Sénat a publié un rapport sur l'islamophobie en novembre 2023. Ce comité va‑t‑il le dépoussiérer?
    J'ai vu, madame la présidente...
    Je vais vous interrompre. Je vous ai donné un peu de temps supplémentaire, puisque nous n'avons qu'un groupe de témoins aujourd'hui. Vous pourrez donner des précisions durant les séries de questions.
    Nous passons maintenant à Shaffni Nalir, directeur général du Centre islamique et des services communautaires de Toronto.
    Bonjour, madame la présidente et honorables membres du Comité. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité dans le cadre de son étude sur l'islamophobie.
    Je m'appelle Shaffni Nalir. J'ai grandi à Toronto, où je vis actuellement avec ma femme et mes quatre enfants. J'ai immigré avec mes parents, qui ont fui la guerre civile et la persécution religieuse au Sri Lanka. J'ai fréquenté la Bond Street Nursery School, qui était administrée par la Metropolitan United Church. Comme la plupart des Canadiens de mon groupe d'âge, j'ai grandi avec des glaces à 50 ¢, j'économisais mes sous pour acheter des bonbons au dépanneur et je regardais The Elephant Show avec Sharon, Lois et Bram. Cependant, contrairement à la plupart des Canadiens, je peux me vanter de les avoir vus en direct — deux fois.
    Quand dès l'enfance, on fait partie d'une minorité visible, on apprend à s'endurcir. Il ne faut pas faire de vagues. Il faut rester tranquille et encaisser les insultes lancées çà et là, les commentaires sarcastiques et l'intimidation physique occasionnelle. Ce n'est que tout récemment que j'ai cessé de me considérer comme un visiteur reconnaissant au Canada et que je me suis rendu compte que je suis en fait un hôte, et j'espère être accueillant. Le Canada est mon pays autant que celui de n'importe quel autre Canadien.
    Je veux vous faire part de l'expérience de l'islamophobie que vit notre communauté et de la violence motivée par la haine perpétrée contre les lieux de culte. Je suis directeur général des Toronto Islamic Centre and Community Services, la première et la seule mosquée sur la rue Yonge et la seule mosquée de la circonscription de University—Rosedale. Le 10 octobre 2020, notre mosquée a reçu un courriel menaçant d'une personne qui prétendait être associée à la Ligue de défense juive, ou LDJ, qui est considérée comme une organisation terroriste par le FBI. Voici une partie du contenu de ce courriel menaçant: « Nous allons [tuer] chaque maudit musulman. Nous avons les armes pour refaire un Christchurch. » Nous avons signalé cette menace aux forces de l'ordre locales, qui nous ont conseillé de fermer la mosquée pendant quelques jours, le temps qu'elles évaluent la menace. Pendant quatre longues semaines, notre mosquée a été fermée au public et aux membres de la communauté. Les gens vivaient dans la peur et la panique.
    Je tiens à rappeler au Comité que notre communauté vit avec le traumatisme de l'attaque terroriste perpétrée à la mosquée de Québec, qui a coûté la vie à six fidèles en janvier 2017. Pendant cette période, ma famille craignait pour ma sécurité et me décourageait souvent de me rendre à notre mosquée pour faire du travail administratif, de peur que je ne rentre pas chez moi. Depuis cet incident, il y a eu plusieurs graffitis haineux à notre mosquée et, à l'occasion, des gens ont frappé à nos portes et à nos fenêtres pendant que nous priions à l'intérieur.
    Cependant, le 18 novembre 2023, les menaces contre notre mosquée se sont concrétisées. Vers 6 h 30 du matin, juste après la prière du matin, j'ai entendu, avec une cinquantaine de fidèles, y compris de jeunes enfants, plusieurs grands bruits aux fenêtres et à la porte de notre mosquée. Quelques fidèles et moi-même nous sommes précipités à l'extérieur pour voir ce qui se passait, et nous avons vu un individu à bicyclette qui proférait des menaces racistes et nous criait: « Maudits Arabes. Maudits musulmans. Nous allons tous vous achever. » Cet individu a ensuite craché plusieurs fois dans notre direction et s'est enfui.
    Je suis rentré à l'intérieur pour appeler la police et rapporter ce qui s'était passé. Peu après, cet individu est revenu et a lancé une grosse pierre vers un groupe de fidèles qui socialisaient devant la mosquée. Heureusement, il a manqué le gardien âgé de la mosquée de quelques pouces. Puis, il a crié: « Vous êtes tous morts » et s'est enfui encore une fois.
    Quelques membres de la communauté et moi-même l'avons pourchassé et avons réussi à le coincer. Heureusement, au même moment, un agent de la circulation qui passait par là a aidé à maîtriser la situation. Les policiers sont arrivés sur les lieux peu de temps après. Une fois que les agents ont appris ce qui s'était passé, ils ont procédé à son arrestation. J'ai poussé un grand soupir de soulagement. Plus tard dans la soirée, la police de Toronto a fait une déclaration. Nous avons appris que cet individu avait aussi commis plusieurs autres infractions quelques jours auparavant et qu'il avait attaqué deux autres personnes en raison de leur foi. Au total, 14 accusations ont été portées contre lui.
    Depuis ce jour, je ne peux pas me concentrer entièrement sur ma prière à la mosquée parce que je pense toujours au fait que quelqu'un pourrait entrer et à la façon dont je réagirais pour protéger les membres de ma communauté. Chaque fois que j'entends la porte s'ouvrir, mon corps se crispe, parce que je crains le pire. Mes enfants ont grandi dans cette mosquée. Mon plus jeune fils a même fait ses premiers pas dans cette mosquée. Ma femme et moi, ainsi que de nombreux autres parents, considérons notre mosquée comme un lieu sûr où les enfants peuvent se promener librement, sans que les parents ressentent le besoin de s'inquiéter. Cette personne a privé notre communauté de son sentiment de sécurité dans notre mosquée, qui est le fondement de notre communauté.
    J'admets que nous avions peur, mais que cela ne nous empêchait pas de continuer d'y aller. Nous prions encore en communauté, mais notre budget annuel pour la sécurité est passé de 4 800 $ à 36 000 $. Notre budget comprend de la surveillance et des enregistrements vidéo 24 heures sur 24, ainsi que des exercices de tir actif et de la formation pour nos membres. Dorénavant, il y a toujours des fidèles qui montent la garde pendant que les autres prient.
    Aujourd'hui, je veux demander au Comité de prendre des mesures contre l'islamophobie et la violence auxquelles nos communautés sont confrontées et de veiller à ce que notre gouvernement assure la protection de nos lieux de culte.
(1120)
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à la Youth Coalition Combating Islamophobia. Je crois comprendre que Maryam Al‑Sabawi fera l'exposé au nom du groupe et que deux autres personnes seront également disponibles pour répondre aux questions.
    Je serai indulgente, car je crois comprendre que vous pensiez avoir un peu plus de temps. Nous ferons de notre mieux.
    Madame Al‑Sabawi, vous avez la parole.
    Je m'appelle Maryam Al‑Sabawi et je suis en 12e année.
    Yumna était ma grande amie. Yumna et moi étions dans la même classe depuis la deuxième année. Au secondaire, nous avons intégré le programme de Baccalauréat international et nous étions ensemble dans presque toutes les classes. Nous nous sommes présentées au conseil étudiant en duo. Nous avions l'intention de démarrer une entreprise ensemble, dont nous avions convenu de remettre les profits à des organismes de bienfaisance. Nous avions prévu aller à l'université ensemble. Nous avons souvent parlé de notre avenir, de nos espoirs et de nos rêves, comme la plupart des jeunes.
    Yumna était plus qu'une amie pour moi. Elle était ma confidente, mon réseau de soutien, ma partenaire d'étude, la gardienne de mes secrets et une source d'espoir. Surtout, elle me rappelait constamment que les bons amis existent.
    Yumna me manque. Il ne se passe pas une journée sans que je pense à elle. Son rire, son sourire, sa gentillesse et son sens de l'humour me manquent.
    Si seulement nous pouvions revenir en arrière. C'est ce que je fais tous les soirs. Je repense aux souvenirs, au son de son rire, aux messages textes interminables et aux conversations qui me liaient si profondément à elle. Je repense même au 6 juin 2021. C'est là que j'aimerais pouvoir arrêter le temps. Mais je ne peux pas.
    L'idée que mon amie ait été ciblée, pourchassée dans les rues, fauchée et tuée simplement en raison de sa foi musulmane a été très traumatisante, surtout pour moi, une fille musulmane de 14 ans à l'époque. Pouvez-vous imaginer à quel point il m'est difficile de digérer ce qui s'est passé? Pouvez-vous imaginer la difficulté de simplement exister, de se sentir en sécurité ou d'essayer de passer à autre chose?
    Trois ans se sont écoulés, et certaines parties de moi sont mortes avec elle. Le décès de Yumna a laissé un trou béant en moi. Il n'y a pas assez de mots dans le dictionnaire pour décrire à quel point les dernières années ont été difficiles. Je suis submergée par le souvenir de ce qu'elle était, par l'idée de ce qu'elle aurait pu devenir et de ce qu'elle est. Tous les soirs, je me réveille avec le même rêve: Yumna se fait écraser alors qu'elle rentre chez elle avec sa famille. Je me réveille en sueur en me disant: « Ne t'inquiète pas, Maryam. Ce n'est qu'un rêve. » Mais ce n'est pas qu'un rêve.
    Le deuil est accablant, à tel point que parfois, ceux qui m'aiment ne me reconnaissent plus. Parfois, je ne me reconnais plus moi-même. Je ne suis plus la même. Aucun d'entre nous ne l'est. Comment pourrions-nous l'être? La plupart des jeunes de 14 ans n'auront jamais à enterrer leur ami, puis à trouver un moyen de s'assurer de ne pas avoir à en enterrer d'autres. Je n'aurais jamais imaginé que les années les plus formatrices de ma vie, mon adolescence, seraient consacrées à lutter contre la haine et l'islamophobie afin que d'autres ne vivent pas la souffrance que mes amis et moi avons dû vivre.
    Le monde nous a imposé une responsabilité qui écraserait une montagne, mais nous devons la porter parce que d'autres ne l'ont pas fait. Nous devons la porter pour que personne d'autre ne vive la souffrance que nous vivons. Nous devons la porter, car si nous ne le faisons pas, il semble que personne d'autre ne le fera.
    Les nuits sans sommeil, la peur des camions et l'incapacité d'aller marcher m'ont fait réfléchir à ce qui nous a été enlevé le 6 juin 2021. Nous n'avons pas seulement perdu Yumna et sa belle famille. Nous avons également perdu notre sentiment d'appartenance, notre sentiment de communauté, notre sentiment de sécurité et notre identité. Nous avons même perdu notre innocence. Le monde n'est pas aussi gentil que nous le croyions. Tout cela nous a été dérobé par de la haine non contrôlée, de la haine qui a eu d'innombrables occasions de croître, de la haine qui a soigneusement incubé dans le silence des autres.
    Je pense souvent aux derniers moments de Yumna. Je l'imagine souvent seule, gisant au sol. Je me demande si elle a eu peur, si elle a eu mal ou si elle savait que sa mort était imminente. Ces pensées m'empêchent de dormir la nuit. Juste comme ma mère m'avait finalement convaincue qu'elle était morte sur le coup, j'ai appris au procès que ses yeux étaient ouverts, que de la mousse lui sortait de la bouche et qu'elle essayait peut-être de parler. Je me demande ce qu'elle voulait dire. Je me demande quel message elle enverrait. Je me demande combien d'autres doivent mourir ainsi.
    Encore une fois, je me sens paralysée, engourdie, et je me bats simplement pour exister et pour que cela n'arrive à personne d'autre. Je suis épuisée. Ma famille est épuisée. Mes amis sont épuisés. Ma communauté est épuisée. Nous ne pouvons même pas faire notre deuil en paix. Il nous a pris ce qui ne lui appartenait pas, et il n'y a pas de retour en arrière possible.
    La douleur est accablante, et nous sommes forcés d'en porter le poids. Le deuil fait mal. Il pique, il brûle, il nous ébranle, nous écrase et pourrait même nous tuer. Il nous a volé nos rêves, nos espoirs, notre paix et même notre identité. Ce deuil est le plus grand point commun dans notre communauté, car personne n'y échappe.
(1125)
    Nous espérons que notre gouvernement cessera d'utiliser des termes qui nous déshumanisent, qu'il s'agisse de musulmans ici ou à l'étranger. C'est la perpétuelle déshumanisation des musulmans qui permet à d'autres de justifier les meurtres commis à notre encontre et qui ouvre la porte à l'islamophobie violente que nous continuons de vivre dans nos écoles, dans nos rues et dans nos collectivités.
    Nous espérons que nos gouvernements, à tous les niveaux, reconnaîtront l'importance de l'éducation pour lutter contre la haine envers les musulmans et qu'ils utiliseront l'éducation comme outil pour lutter contre cette haine. Nous espérons que notre gouvernement mettra la politique de côté et accordera la priorité aux gens.
    Je dois partir parce que j'ai un cours, mais mes amis Hamza et Dareen du YCCI répondront aux questions au nom de la Youth Coalition Combating Islamophobia.
    Merci.
(1130)
    Merci. J'en avais été avisée à l'avance.
    Avant que vous partiez et que nous passions aux questions, permettez-moi de vous remercier tous d'être ici aujourd'hui et de vous remercier de la bravoure dont vous faites preuve en comparaissant devant le Comité pour nous faire part de vos observations sincères. Nous vous en sommes profondément reconnaissants et nous vous offrons nos sincères condoléances, à vous et à toute la famille, pour la perte que vous avez subie.
    Nous allons maintenant commencer notre série de questions de six minutes. Nous allons commencer par M. Moore.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins — y compris Maryam, qui vient de partir pour son cours — de leurs témoignages percutants et d'avoir transformé la douleur et la perte personnelle qu'ils ont vécues en un effort pour résoudre certains des problèmes d'aujourd'hui et, espérons‑le, améliorer la situation ici, au Canada.
    J'aimerais poser une question à M. Islam.
    Tout d'abord, monsieur Islam, je vous remercie de votre témoignage percutant. Vous avez personnellement subi une perte et nous apprécions votre point de vue à ce sujet.
    J'ai remarqué dans un article que j'ai lu que vous n'utilisiez pas le nom de l'agresseur qui a enlevé la vie à des membres de votre famille. De même, concernant la fusillade survenue à la mosquée de Québec, où six personnes ont été tuées, vous avez dit que vous n'utiliseriez pas le nom de l'agresseur. J'aimerais vous poser une question à ce sujet.
    La loi a déjà été modifiée de manière à ce que dans les cas — heureusement rares — de tueries de masse ou de meurtres multiples au Canada, les personnes qui commettent ces crimes odieux ne bénéficient pas de peine au rabais, pour ainsi dire, pour avoir enlevé la vie à plus d'une personne. Elles écopaient ainsi de peines consécutives à perpétuité.
    Avant la modification de la loi, si une personne — nous avons récemment entendu parler de l'affaire Paul Bernardo — avait pris plusieurs vies, elle ne pouvait obtenir qu'une seule période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, soit 25 ans. Après que ce changement ait été apporté, un individu comme celui qui a abattu trois agents de la GRC à Moncton pouvait se voir imposer des périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Cette personne a été condamnée à une peine de 75 ans au lieu de 25 ans.
    Nous avons entendu des membres des familles des victimes. La veuve de l'une des victimes a dit que même si cela ne ramènerait pas son amour, elle trouve du réconfort dans le fait que sa fille n'aura pas à assister à des audiences de libération conditionnelle tous les deux ans pour essayer de le garder derrière les barreaux.
    Comme vous le savez probablement, il y a quelques années, la Cour suprême du Canada a invalidé cette loi sur les périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. De vives critiques ont fusé par la suite. Je sais que l'ancien président du centre culturel islamique où la fusillade a eu lieu a exprimé sa déception à l'égard de cette décision du tribunal en ce termes: « À notre avis, cette décision ne prend pas en considération à leur juste valeur l'atrocité et le fléau des meurtres multiples qui se multiplient en Amérique du Nord, de même que l'aspect haineux, islamophobe et raciste du crime. » Il a également dit: « Nous sommes profondément inquiets pour les orphelins qui croiseront l'assassin sur les routes de Québec 25 ans après cette tragédie. »
    Pensez-vous que nous, en tant que Parlement ou que gouvernement, devrions prendre des mesures en réponse à cette décision de la Cour?
(1135)
    Monsieur Moore, si je comprends bien, la détermination de la peine et le système judiciaire relèvent du procureur général et ministre de la Justice, tandis que le système de libération conditionnelle, dans sa forme actuelle, relève du ministre de la Sécurité publique. Il y a probablement de bonnes raisons de séparer ainsi ces responsabilités. Personnellement, je ne pense pas que cela fonctionne bien pour les Canadiens, et en particulier pour les Canadiens qui ont été victimes d'un crime haineux ou qui ont été victimes, disons, de l'auteur d'une tuerie ou d'un tueur en série.
    Le mandat du ministre de la Sécurité publique et du régime de libération conditionnelle semble être axé sur la réadaptation. On semble accorder une très grande importance à la réadaptation sans en donner suffisamment à la dissuasion. C'est peut-être une formule qui a pu fonctionner à une certaine époque, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.
    Je pense que l'une des solutions faciles pour faire en sorte que les individus qui ont commis les crimes les plus odieux — en terrorisant les Canadiens — demeurent incarcérés doit passer par le système de libération conditionnelle. On devrait veiller à ce que ces gens‑là restent en prison. Qu'une personne soit réhabilitée ou non, il faut tenir compte des autres facteurs qui sont à l'origine du crime ainsi que de toutes les autres victimes. Dans le cas des crimes haineux, les victimes ne sont pas seulement la famille immédiate et les personnes décédées. Ce sont aussi tous ceux et toutes celles qui ont été touchés par ailleurs.
    Merci de votre réponse.
    Merci beaucoup, monsieur Moore.
    Madame Zahid, vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Ma première question s'adresse à M. Babili.
    Tout d'abord, je suis heureuse que vous soyez en sécurité aujourd'hui et que l'incident dont vous avez été victime ne vous ait pas coûté la vie. J'ai une question simple à vous poser. Croyez-vous que l'individu qui vous a attaqué l'a fait parce que vous êtes musulman? Selon vous, qu'est‑ce qui l'a incité à se montrer aussi violent et ignoble en essayant de foncer avec sa voiture sur une personne visiblement musulmane?
    Il y a de multiples facteurs qui entrent en ligne de compte. Tout d'abord, je pense que ce qui l'a énervé, c'est que nous manifestions pour la Palestine ce jour‑là. Cependant, je peux dire qu'il y avait aussi de l'islamophobie, car après l'incident et son arrestation par la police, il y est allé de commentaires racistes à l'endroit de l'autre manifestant qui argumentait avec lui plus tôt, en lui disant notamment de retourner dans son pays.
    C'est à la fois l'islam et le fait que nous manifestions pour la Palestine ce jour‑là qui l'ont irrité et l'ont poussé à faire ce qu'il a fait.
    J'aimerais savoir par ailleurs si vous estimez que votre université vous a appuyé dans cet horrible incident. Sentez-vous que l'on vous protège, vous et les autres étudiants musulmans sur le campus? Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est?
    Après cet incident, personne de mon université ou de ma faculté n'a communiqué avec moi, même si je les ai moi-même contactés. J'ai expliqué ma situation et ce qui s'était passé. On dirait qu'ils ne se souciaient pas de ce qui m'était arrivé. Personne n'a communiqué avec moi.
    J'ai dû passer mes examens, ce qui fut un processus très stressant pour moi. J'avais quatre examens, et c'étaient des examens finaux dans des matières très difficiles, mais j'ai dû les passer sans obtenir quelque soutien que ce soit. Personne n'a communiqué avec moi ou ne m'a fait part de ses préoccupations.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Islam.
    Monsieur Islam, tout d'abord, je compatis vraiment avec vous pour la perte de ces membres de votre famille dans un acte de terrorisme islamophobe. Pensez-vous que justice a été rendue dans le cadre du processus en place? Estimez-vous que le climat de haine et d'islamophobie qui a mené à cet acte terroriste tragique existe encore aujourd'hui au Canada?
(1140)
    Je pense que le système judiciaire a fait ce qu'il pouvait dans les limites qui régissent son fonctionnement. Il y a des contraintes, et je vais vous en expliquer quelques-unes.
    Le Comité souhaite en apprendre davantage sur l'islamophobie. C'est un mal qui ne se manifeste pas d'une seule manière. Il y en a de nombreux types, et il y a de nombreuses manifestations différentes. La forme la plus bénigne, si nous pouvons faire l'analogie avec le milieu médical, est attribuable à l'ignorance au sujet des musulmans. Il y en a aussi une forme sournoise et sinistre qui découle, disons, de la géopolitique. Ainsi, la haine des musulmans sert de justification pour tenir les voix musulmanes à l'écart des grandes sphères de pouvoir et d'influence, et ce, intentionnellement.
    Il y a une forme d'islamophobie qui émane de l'extrême gauche, et il y en a aussi une qui découle du nationalisme blanc. Ce type de racisme va de pair avec l'antisémitisme, la misogynie, le racisme contre les Noirs et les attitudes anti-LGBT. Il y a de nombreuses voies différentes pour arriver au même résultat final. Je pense que nous comprenons mal en quoi la hausse de l'islamophobie peut influer sur ces autres formes de haine. C'est là que les gouvernements, le Parlement et les universitaires peuvent apporter une contribution. Si vous n'analysez pas tous les différents éléments constitutifs de la haine, je ne pense pas que vous arriverez à bien en saisir les causes profondes.
    Il faut en outre s'efforcer d'actualiser notre approche. La haine n'est plus propagée aujourd'hui comme elle l'était par le passé. Les entreprises technologiques ont un rôle important à jouer, car elles ne sont pas de simples vecteurs d'information. Elles offrent des moyens de radicaliser les gens en les exposant à des caisses de résonance et à des bulles de filtres. C'est ce qui peut arriver en ligne, et c'est un autre élément important au titre duquel nous devons faire du rattrapage. Une simple vérification des faits ne suffit plus pour garder les gens hors des cercles de la haine. La vérification des sources doit être une composante importante de notre analyse des modes de propagation de la haine. Je ne pense pas que nous fassions du bon travail à cet égard en ce moment.
    J'ai une brève question à vous poser. Vous avez mentionné dans votre exposé que la haine peut être transférée. Vous avez aussi parlé de votre fils et de l'importance de se connaître les uns les autres. Vous avez déclaré à CBC que chacun devrait prendre le temps d'apprendre à connaître ses voisins et les gens qui sont différents de lui. Comment pouvons-nous encourager cela au niveau communautaire, et comment pouvons-nous y contribuer dans notre rôle de titulaire d'une charge publique?
    Si je reviens à certains des éléments constitutifs de l'islamophobie, sa forme la plus bénigne vient de l'absence totale de contact avec des musulmans ou de l'ignorance de la réalité musulmane. Certains n'ont peut-être jamais rencontré un musulman de toute leur vie. Il y a de grands secteurs au Canada où c'est assurément chose possible.
    On pourrait notamment y remédier en permettant aux musulmans de s'exprimer davantage, notamment via une plus large diffusion des récits les concernant. Pour en revenir au rôle du gouvernement et du Parlement, je pense que le Parlement doit trouver une façon de dire aux Canadiens — aux 95 % de Canadiens qui ne sont pas musulmans — pourquoi il est important de lutter contre l'islamophobie et les autres formes de haine. Comme cela ne touche pas la majorité, il faut expliquer en quoi la protection de la minorité est bénéfique pour tout le pays.
    Merci, monsieur Islam.
    Nous passons maintenant à M. Fortin.

[Français]

    Vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à vous, chers témoins, d'être des nôtres ce matin. Votre témoignage est important.
    En ce qui me concerne, j'apprends des choses. J'en ai appris lors des réunions que nous avons tenues sur l'antisémitisme, et ce matin j'en apprends sur l'islam. Je pense que nous n'avons pas fini d'en apprendre.
    Je reprends les paroles que M. Islam vient de prononcer: on ne connaît peut-être pas suffisamment l'islam, la religion musulmane, et il y aurait peut-être lieu, effectivement, de mieux connaître les préceptes de cette religion.
    Cela dit, nous souhaitons tous avoir un milieu de vie sécuritaire, évidemment. Nous souhaitons que nos rues soient sécuritaires et nous souhaitons que tout le monde puisse vivre la religion de son choix librement et sans persécution.
    Récemment, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne s'est beaucoup penché sur l'antisémitisme. Maintenant, nous étudions la question de l'islamophobie.
    Monsieur Islam, est-ce qu'on devrait traiter toutes les formes de discrimination de la même façon? Pensons, par exemple, à l'islamophobie, à l'antisémitisme, au racisme, dont vous parliez à l'instant, ou à la discrimination fondée sur la couleur de la peau ou sur l'orientation sexuelle. Tout cela vient nuire au maintien d'un sain climat au Canada et au Québec. À votre avis, est-ce qu'on devrait traiter toutes ces formes de discrimination de la même façon ou est-ce qu'il y a des défis particuliers qu'on doit aborder différemment, notamment dans le cas de l'islamophobie?
    Monsieur Islam, ma question s'adresse à vous.
    Madame la présidente, est-ce que le témoin m'entend?
(1145)

[Traduction]

    Monsieur Islam, je ne sais pas si vous avez entendu la question de M. Fortin.
    Soit dit en passant, j'ai arrêté le chronomètre.

[Français]

    Je crois que son micro est en sourdine.

[Traduction]

    Son microphone est activé.
    Avez-vous pu entendre la question de M. Fortin en français? C'est à vous qu'il s'adressait.
    J'ai pu l'entendre en français, mais je n'ai pas fait de français depuis la 11e année et je suis un peu rouillé.
    Avez-vous activé l'interprétation?
    Non.
    Notre greffier va fournir les indications nécessaires aux témoins en ligne qui n'ont pas pu activer l'interprétation.
    Merci, madame la présidente.
    Si vous allez au bas de votre écran, vous avez un bouton pour l'interprétation. Vous pouvez cliquer sur le bouton et sélectionner la langue de votre choix.
    Le voyez-vous?
    Oui, je le vois maintenant.
    Nous allons revenir un peu en arrière.

[Français]

    Monsieur Fortin, je vous donne encore un peu de temps de parole pour poser votre question au témoin de nouveau, mais est-ce que vous pouvez le faire de façon plus concise?
    Est-ce que tous les témoins m'entendent quand je parle en français? Est-ce qu'ils peuvent tous entendre l'interprétation en anglais?

[Traduction]

    Oui, ils peuvent l'entendre.

[Français]

    En êtes-vous certaine?
    Vous comprendrez que je veux m'assurer de ne pas parler inutilement.

[Traduction]

    J'invoque le Règlement.
    C'est une situation avec laquelle M. Fortin doit souvent composer. Ce serait bien d'inclure, dans les remarques que vous faites au début de la réunion, des directives sur la façon d'accéder à l'interprétation afin que M. Fortin n'ait pas à revivre cela continuellement.

[Français]

    Si je dois répéter ma question, allez-vous remettre mon temps de parole à zéro, madame la présidente?
     Oui. S'il vous plaît, répétez votre question.
    Merci, madame la présidente.
    Comme je le disais, je remercie tous les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
    L'antisémitisme est une préoccupation importante, voire majeure, pour l'ensemble du Québec et du Canada. Personnellement, je suis bien heureux d'en apprendre davantage sur la religion islamique et la vie des musulmans au Canada. Vos témoignages vont assurément nous être utiles.
    Nous venons de mener une étude sur l'antisémitisme. Cela nous a permis, à tout le moins dans mon cas, d'en apprendre beaucoup sur la religion juive et sur les différents défis auxquels fait face la communauté juive au Canada. Ce matin, j'en apprends sur les défis auxquels vous faites face, pour votre part. Je trouve ces enseignements très précieux. Je vous remercie donc de votre présence.
    J'ai une question à poser à M. Islam.
    Selon ce que je comprends des témoignages que nous avons entendus jusqu'à maintenant, les gens éprouvent de la peur lorsqu'ils marchent dans les rues, qu'ils vont à l'école ou qu'ils se rendent dans des endroits publics. Mme Al‑Sabawi et quelques autres témoins nous l'ont mentionné aujourd'hui. C'est un aspect important.
    La question que je me pose est la suivante: devrait-on traiter de la même façon les différentes formes de discrimination et les défis qu'ils posent? Pensons à l'islamophobie, à l'antisémitisme, au racisme fondé sur la nationalité ou sur la couleur de la peau, ou à la discrimination à l'endroit des groupes LGBTQ, par exemple. Devrait-on traiter tous ces problèmes de la même façon ou devrait-on envisager des solutions différentes dans le cas de l'islamophobie, puisque les défis sont différents?
    Monsieur Islam, j'aimerais connaître votre opinion à cet égard.
(1150)

[Traduction]

    Toutes les formes de haine que vous avez mentionnées, sans exception, méritent absolument que l'on s'y intéresse. Il y a un chevauchement dans certains cas, et il faut alors déployer des solutions communes permettant de régler certaines des problématiques similaires.
    J'ai mentionné qu'une des formes d'islamophobie vient du suprémacisme blanc, une croyance dans la théorie du grand remplacement. L'islamophobie qui en découle va de pair avec l'antisémitisme. Comme je l'ai indiqué, l'auteur de la tuerie dont mes proches ont été victimes s'est inspiré d'événements survenus en Nouvelle-Zélande, mais aussi en Californie où un terroriste qui n'a pas été en mesure de mettre le feu à une mosquée a tiré sur des gens dans une synagogue.
    On peut certainement retracer une chaîne de tueurs avec Buffalo, dans l'État de New York, en 2022; El Paso, au Texas; et la synagogue de Pittsburgh. La grande théorie du remplacement, les caisses de résonance qui accaparent les gens et la spirale conspirationniste dans laquelle ils sont entraînés sont tout ce qu'il y a de plus réel. En s'y attaquant, on désamorcerait donc simultanément de nombreuses formes de haine. Ce ne serait toutefois pas la solution à tous les maux.

[Français]

     Merci, monsieur Islam.
    Selon vous, pourrait-on faire quelque chose pour satisfaire en bonne partie les besoins de la communauté islamique et de la communauté juive au Canada? Évidemment, je ne parle pas des conflits à l'étranger. Bien que ceux-ci nous peinent tous, nous avons peut-être un peu moins de pouvoir à cet égard. Que pourrait-on faire ici, au Québec et au Canada, pour améliorer la situation tant pour la communauté juive que pour la communauté islamique?

[Traduction]

    C'est à ce titre que les entreprises de technologie et les médias ont une responsabilité à assumer. La communication n'est pas seulement la transmission d'un fait d'une personne à une autre. C'est la transmission d'idées et de récits. Toute idée qui est liée à une émotion ou qui est intégrée à un message suscitant la peur, la colère ou un sentiment d'injustice a préséance sur toute communication qui tente d'être factuelle. Les auteurs de discours haineux utilisent des mèmes, du sarcasme, de l'humour et de belles paroles pour séduire les adolescents et les jeunes, et plus les gens passent de temps en ligne...

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Islam. Je ne veux pas être impoli, mais mon temps de parole file rapidement. Il ne me reste qu'une minute et j'aimerais poser la même question à M. Babili.
    Monsieur Babili, à votre avis, pourrait-on faire quelque chose pour améliorer la situation tant pour la communauté juive que pour la communauté islamique?
    Votre micro est en sourdine, monsieur Babili.

[Traduction]

    Comme l'a dit M. Islam, c'est là que les médias ont un rôle à jouer. C'est avec la sensibilisation que l'on peut aider les communautés musulmanes et juives. Nous devons sensibiliser les Canadiens aux croyances islamiques et juives. Je pense que cela permettra aux gens de comprendre ce que sont l'islam et le judaïsme, et nous pourrons dès lors trouver une solution pour atténuer la haine envers ces deux religions ici au Canada.

[Français]

    Je vous remercie.
    Est-ce que je pourrais entendre, en quelques secondes, la réponse d'un des étudiants qui accompagnent Mme Al‑Sabawi?
(1155)

[Traduction]

    Nous reviendrons aux autres témoins plus tard.
    Nous allons maintenant passer à M. Garrison pour une période de six minutes.

[Français]

    Madame la présidente, avec votre permission, j'aimerais faire une petite remarque.
    Je voyais bouger les lèvres d'un des étudiants, mais nous ne pouvions pas l'entendre. Il faudrait peut-être que M. le greffier rappelle la façon d'activer le micro, pour s'assurer que personne ne perd de son temps de parole.

[Traduction]

    Tout le monde sait comment activer son microphone pour prendre la parole? Des tests ont été effectués avec tous les témoins et les micros fonctionnent. Lorsque vous voulez prendre la parole, activez simplement votre micro. Merci.
    Monsieur Garrison, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je tiens d'abord à exprimer mes condoléances aux familles qui ont perdu des êtres chers. Je remercie les témoins — et je suis d'accord avec notre présidente sur ce point — de la bravoure dont ils font preuve en témoignant devant nous aujourd'hui.
    Je sais que tous les membres du Comité voudront être mis au fait de toute conséquence que pourrait avoir votre comparution. Un témoin m'a parlé d'une tentative de représailles à la suite de sa comparution devant le Comité dans le cadre de notre étude sur l'antisémitisme, et nous ne manquerons pas de prendre les mesures qui s'imposent. Nous nous préoccupons vivement des risques que certains veuillent intimider les gens qui témoignent devant notre comité et nous serons très vigilants à cet égard.
    Nous avons eu droit aujourd'hui à de vibrants témoignages qui vont tout à fait dans le sens de ce que j'espérais. Lorsque nous avons commencé à envisager une étude sur l'antisémitisme, je me suis dit que nous devrions aussi étudier l'islamophobie, pas nécessairement parce que les deux vont toujours de pair, mais parce que ce sont deux des formes les plus virulentes de haine sévissant à l'heure actuelle au sein de notre société.
    Vous nous avez fait part de considérations bien senties au sujet de la perte du sentiment d'appartenance et du sentiment de sécurité. Le Parlement doit absolument faire quelque chose. J'aimerais demander à M. Nalir, du Centre islamique et de services communautaires de Toronto, ce qui, selon lui, a été le plus efficace pour rétablir un sentiment de sécurité, si cela a été possible, et ce qui serait le plus utile pour que les fidèles de sa mosquée puissent à nouveau se sentir en sécurité.
    La prise de contact avec les forces de l'ordre et leur présence ont mis un pansement sur la plaie, ce qui a permis d'améliorer les choses. Nous constatons des interactions plus étroites qu'auparavant.
    En ce qui concerne les différents programmes offerts, le Programme de financement des projets d'infrastructure de sécurité que le gouvernement a mis en place a été utile. Cependant, il est extrêmement difficile de présenter une demande et d'obtenir une approbation. De nombreuses mosquées dans nos collectivités me disent que le programme est merveilleux pour autant que l'on puisse y avoir accès. Lorsque nous avons présenté une demande dans le cadre du programme, nous avons dû maugréer un brin avant qu'elle soit approuvée.
    Je dirais qu'il faut interagir davantage avec les forces de l'ordre. Il y a aussi le fait que la police a mis beaucoup de temps à réagir lorsque nous avons fait appel à ses services. Lorsque des lieux de culte ou des institutions accueillant de nombreuses personnes appellent la police, il serait peut-être bon de faire le nécessaire pour raccourcir le délai d'intervention. Ce serait utile.
     Avez-vous été en mesure de mobiliser des ressources pour ceux qui se sentent les plus touchés par ce genre de choses au sein de la communauté? Y a‑t‑il des programmes que l'on pourrait mettre en place pour contribuer à renforcer la résilience de la communauté fréquentant la mosquée?
    Il y a différents programmes, mais je dois vous dire en toute honnêteté que nous essayons de nous débrouiller par nous-mêmes. C'est trop de travail de demander des subventions gouvernementales. Il est question ici de la sécurité des gens, de leur bien-être et des traumatismes qu'ils vivent. Nous n'avons pas le temps de nous asseoir, d'envoyer des demandes, d'attendre une réponse, et tout le reste. On nous a dit non trop souvent. C'est malheureux, mais nous préférons assurer notre propre protection en essayant de recueillir des fonds. Il y a des enfants qui vendent des biscuits pour ramasser de l'argent afin de payer notre gardien de sécurité. C'est la réalité dans notre mosquée et dans de nombreuses autres mosquées, je crois.
(1200)
    Je pense que tous les membres de notre comité vous sont reconnaissants du travail que vous accomplissez au sein de votre communauté.
    Je vais poser un peu la même question aux représentants de la Youth Coalition Combating Islamophobia. Dans le travail que vous faites en tant qu'organisme jeunesse, pouvez-vous me dire ce que vous trouvez le plus efficace et le plus utile pour lutter contre l'islamophobie?
    Notre coalition se concentre principalement sur l'éducation et la sensibilisation. Nous avons été à même d'en observer amplement les effets. Il n'en demeure malheureusement pas moins que ces mêmes jeunes, moi compris, doivent composer avec la réalité de la situation, comme le disait le camarade Nalir. Au bout du compte, il y a une limite à ce que nous pouvons faire avec les ressources à notre disposition lorsque les institutions et les gouvernements avec lesquels nous vivons tiennent un discours qui rend sans cesse les choses de plus en plus difficiles. Il y a des limites à ce que nous pouvons accomplir en matière d'éducation, alors qu'une grande partie de nos efforts sont annihilés par ce discours que tiennent les institutions et le gouvernement.
    Je vous remercie.
    Monsieur Islam, j'ai entendu un certain nombre de personnes dire que nous avons besoin de tribunes communautaires pour parler de l'importance de lutter contre l'islamophobie et les autres formes de haine. Pensez-vous que de telles tribunes, qui pourraient être financées par le gouvernement fédéral, pourraient être un outil efficace?
    Non. Je ne crois pas que les messages que le gouvernement a envoyés à ce sujet sont très convaincants. On nous répète sans cesse que la diversité est notre force. C'est simplement un mantra. Cela ne veut rien dire pour moi. Pourquoi serait‑ce notre force? Comment le gouvernement a‑t‑il démontré que c'est notre force? Si vous n'avez pas de réponse à cela, je ne pense pas que les gens vont vous croire sur parole lorsque vous l'affirmez.
    La protection de toute minorité, et pas seulement des musulmans, doit être assurée par le gouvernement. J'estime qu'il incombe au gouvernement de mieux faire comprendre à tous les moyens qu'il met en œuvre pour protéger les communautés les plus vulnérables ou marginalisées, et les raisons pour lesquelles il est important qu'il le fasse. Je ne crois pas qu'il suffise de présenter encore plus de faits pour persuader les gens qui sont de l'avis contraire. On doit faire valoir des éléments beaucoup plus convaincants pour rallier les Canadiens, tous les Canadiens, et c'est le gouvernement qui doit s'en charger.
    Les minorités sont bel et bien ostracisées. Comme M. Omer vient d'y faire allusion, cela se passe au niveau institutionnel. Il peut s'agir de gens qui, pour des raisons politiques, veulent que les musulmans soient considérés comme « les autres ». Il faut régler ce problème.
    Les comités parlementaires ont un rôle à jouer à cet égard. Surtout depuis les attentats du 11 septembre, les personnes et les organisations qui ont été invitées à témoigner devant les comités parlementaires ont été recrutées au sein d'organisations et de groupes de réflexion financés par des donateurs privés et des fondations familiales privées, et non par la population musulmane en général. Il ne s'agissait pas toujours non plus d'universitaires représentant un établissement reconnu. Si vous invitez des pseudo-universitaires ou des ex‑musulmans partisans à témoigner au Parlement, vous contribuez à cette ostracisation, ce qui est condamnable. Les comités de la Chambre et du Sénat doivent mettre en œuvre des mécanismes de vérification des sources, et pas seulement des faits, parce que la vérification des faits ne fonctionne tout simplement plus dans l'état actuel des choses.
    Merci, monsieur Islam.
    Comme vous pouvez tous le constater, je fais preuve d'une grande souplesse par rapport au temps de parole, en particulier pour ce qui est des réponses données par les témoins. Je suis en mesure de le faire parce que nous n'avons qu'un seul groupe de témoins aujourd'hui. Sinon, ce ne serait pas possible.
    Nous allons maintenant passer à notre deuxième série de questions.
    La parole est maintenant à M. Ziad Aboultaif, qui aura cinq minutes.
    Madame la présidente, merci de m'avoir permis de participer au débat important d'aujourd'hui.
    Madame Al‑Sabawi, messieurs Babili, Islam, Nalir et Omer, assalam alaikum wa rahmatullahi wa barakatuhu, et bienvenue au Comité.
    Je suis désolé d'entendre tous ces récits vécus, ces histoires de souffrance. Surtout au Canada, c'est douloureux d'entendre que nous devons encore faire face à ces problèmes, même si nous croyons vivre dans un monde différent de celui que nous avons connu au cours des dernières décennies. Ce ne sont pas les preuves qui manquent ni les incidents. Je pense qu'il y a un manque d'action.
    Monsieur Islam, vous avez abordé plusieurs points. Vous avez dit que le message du gouvernement n'était pas efficace. Vous croyez qu'il y a encore des moyens qui n'ont pas été déployés pour s'attaquer au problème. Vous avez examiné ce que vous appelez la « maladie », puis vous avez mentionné qu'il y a de nombreux types d'islamophobie, ce dont nous sommes conscients. Cela peut être fonction d'une région ou d'une origine ethnique. Une religion ou des sectes peuvent être mises en cause. L'islamophobie se décline en maintes formes.
    Nous faisons face à un grand défi. Je sais que la communauté musulmane n'est pas seule. On assiste également à une montée de l'antisémitisme au pays.
    Monsieur Islam, quel est le plan d'action? Nous avons besoin d'un plan à court terme et de solutions à long terme dans ce dossier chaud auquel nous sommes confrontés. Vous représentez votre communauté et vous êtes membre d'une famille qui a vécu une épreuve terrible. Que voyez-vous comme solution? Comment peut‑on concerter les efforts? Vous-même et la communauté, avez-vous un plan en tête? Pensez-vous que cela va mettre les choses en perspective et nous aider à nous attaquer à ce fléau?
(1205)
    C'est une excellente question, monsieur Aboultaif. De toute évidence, il faudra une réponse multisectorielle pour y arriver, et pas seulement celle du gouvernement, ni des dirigeants communautaires.
    Il ne faut pas oublier le rôle de l'éducation. On a peut-être tendance à ranger cela sous la responsabilité provinciale, mais au nom de l'unité nationale et de la cohésion, on ne peut pas négliger le système d'éducation.
    L'un des moteurs de la haine est aussi l'un des moteurs de la polarisation. De façon générale, quel que soit le sujet, la polarisation a augmenté au fil du temps, et la place des modérés est en train de rétrécir comme peau de chagrin. Les gens se campent sur des positions diamétralement opposées. Les sujets de discorde sont divers. Le changement climatique, les vaccins, et j'en passe. C'est là que l'étude de la polarisation doit chevaucher l'étude de la haine. Il faudra réunir de nombreuses disciplines.
    La réalité, c'est que nous n'obtenons plus d'information de sources neutres. On nous transmet de plus en plus d'information sur ce que nous aimons. Si vous interagissez avec l'information, la transmettez et la commentez, les algorithmes supposent que vous l'aimez et vous en enverront de plus en plus de la même teneur. Les entreprises de technologie le savent et elles en profitent. Cela répond à leurs besoins. Elles ne sont pas tenues d'être des citoyens responsables. Je pense que c'est là l'origine du clivage dans la société.
    La réponse est très complexe. Comme je l'ai dit plus tôt, le message au public doit être très efficace. Il faut faire appel aux émotions et ne pas se contenter de se fonder sur des faits. Si nous commençons par le système d'éducation pour vacciner les gens contre différents types d'algorithmes qui valident les préjugés, contre les sophismes logiques et les pièges intellectuels, on peut commencer à un très jeune âge. Cela va au‑delà de l'enseignement des mathématiques et de l'orthographe. On irait au cœur de la logique. Si nous commençons à l'école primaire, je pense que nous nous porterons mieux en tant que société.
    Merci.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup.
    M. Zuberi, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leur présence et les députés de leur intérêt pour cette question importante.
    Nos discussions tombent à point. Nous tenons de nombreuses conversations importantes sur l'antisémitisme. C'est maintenant le Mois de la fierté. Notre gouvernement lutte contre toutes les formes de discrimination, qu'elle vise les Noirs ou d'autres groupes au sein de la société. C'est une étude extrêmement importante, et je tiens à remercier les témoins de leur force et de leur courage, en particulier ceux qui ont vécu une tragédie personnelle. J'espère que leur processus de guérison se poursuit.
    Je n'ai que quatre minutes et demie environ, alors je vous prie d'être concis. J'aimerais commencer par M. Nalir.
    Monsieur Nalir, vous avez parlé de la sécurité des institutions, comme les lieux de culte et les établissements communautaires. Tout d'abord, connaissez-vous le Programme de financement des projets d'infrastructure de sécurité pour les collectivités à risque? Si oui, et j'espère que la réponse est oui, avez-vous de la difficulté à y accéder? Je vous prie de répondre succinctement à mes questions.
(1210)
    Oui, je connais le programme. L'accès à l'information est facile, mais il est difficile de présenter une demande.
    Ce que j'entends, c'est que vous connaissez le programme et que dans la pratique, il est difficile d'accéder aux fonds en raison de la complexité de la demande. Est‑ce exact?
    Oui.
    Je suppose que vous voulez de la facilité, de la facilitation et de l'aide pour préparer la demande. Cela aiderait‑il vos institutions et, à votre connaissance, d'autres institutions à connaître une meilleure sécurité à l'avenir?
    Oui. Toute personne en situation d'urgence devrait avoir un agent de liaison pour la préparation de la demande.
    Merci beaucoup. L'idée de liaison est excellente.
    J'aimerais passer à M. Ali Islam.
    Vous avez parlé d'un texte législatif très important, à savoir le projet de loi C‑63, la Loi sur les préjudices en ligne. L'espace en ligne me préoccupe beaucoup. J'ai remarqué sur mes propres comptes de médias sociaux que lorsque je publie des messages sur certains sujets, je m'attire l'ire des trolls. Je ne sais pas si ce sont des particuliers ou des usines à robots, mais ils sont nombreux à m'envoyer énormément de propos haineux. Je ne peux pas supprimer les bras d'honneur. Je ne peux pas supprimer les commentaires haineux à l'égard d'autres groupes identifiables.
    Pensez-vous que le projet de loi C‑63, la Loi sur les préjudices en ligne, aidera à régler le problème de la désinformation, des robots et de la haine en ligne.
    Tout ce que je sais du projet de loi C‑63, je l'ai appris des médias. Je n'ai pas lu le projet de loi moi-même.
    Veuillez répondre succinctement en fonction de vos connaissances générales, s'il vous plaît.
    À ma connaissance, il s'agit d'une mesure très positive qui aurait dû être prise depuis longtemps.
    Internet, c'est vraiment le Far West. Je m'attends tout à fait, et c'est peut-être le cas également des autres témoins, à recevoir des commentaires sur les médias sociaux au sujet de notre comparution ici aujourd'hui. Je m'attends à recevoir les commentaires habituels du genre « Rentrez chez vous » ou « Comptez-vous chanceux d'être ici ». Voilà ce à quoi je m'attends.
    Je comprends.
    Diriez-vous que vous avez une assez bonne connaissance de la Loi sur les préjudices en ligne, en tant que profane qui a suivi l'affaire dans les médias?
    C'est exact.
    À votre connaissance, en tant que profane qui suit les médias, diriez-vous que la Loi sur les préjudices en ligne aiderait à répondre aux préoccupations qui sont présentées au Comité et à d'autres formes de discrimination?
    En un mot, oui. Je sais que l'intimidation...
    Parfait. Merci.
    J'allais mentionner que l'intimidation et la protection des jeunes sont abordées dans la Loi. Il faut trouver l'équilibre entre le droit à la liberté d'expression et les types de commentaires que les gens font en ligne.
    C'est certainement un exercice d'équilibre vital. Je fais personnellement la promotion de la défense des libertés civiles et de la liberté d'expression. Les deux principes sont importants. Il est important de s'attaquer directement à la discrimination et de trouver un équilibre.
    Dans les 30 secondes qui restent, je veux donner la parole à quiconque peut répondre en une vingtaine de secondes.
    Au cours des sept derniers mois, avez-vous constaté personnellement que la discrimination liée à l'islamophobie s'est manifestée différemment, en particulier en ce qui concerne la liberté d'expression sur les droits du peuple palestinien?
    Nous pourrions peut-être passer à Ali Islam.
    En fait, je vais laisser l'une des étudiantes universitaires répondre à cette question.
    Je peux en parler très rapidement.
    En un mot: absolument. En tant qu'étudiante sur le campus et en tant que passante et membre de la communauté à London, en Ontario, j'ai constaté une hausse fulgurante de la confiance des auteurs de crimes haineux ou d'agressions verbales. J'en ai été victime. Presque toutes les personnes que j'aime et qui sont visiblement musulmanes ont été victimes d'agressions verbales et de harcèlement physique.
(1215)
    Pensez-vous que le racisme anti-Palestine devrait faire partie de la stratégie du gouvernement?
    Absolument.
    Je vous en remercie.
    Nous allons maintenant accorder deux minutes et demie pour chaque intervenant.
    M. Fortin sera le premier.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je croyais que, au début de la deuxième heure, nous aurions chacun un tour de six minutes.
     Je veux suivre le plan que j'ai devant moi.
     Je comprends, mais, dans mon cas, j'ai eu un premier tour de six minutes, et maintenant je me demande si j'aurai seulement des tours de parole de deux minutes et demie jusqu'à la fin.
    Malheureusement, nous en sommes encore au premier tour. Nous ne l'avons pas encore terminé.
    Je vous ai posé la question dès le début, madame la présidente. J'ai eu des discussions entre autres avec notre collègue M. Housefather, qui suggérait que nous fassions ce que vous avez décidé de faire, c'est-à-dire que nous entendions un seul groupe de témoins pendant deux heures. Le problème est que, du côté des partis de l'opposition, soit le NPD et le Bloc québécois, nous perdons environ quatre minutes de parole à chaque tour. Il était donc question de réinitialiser, comme je le disais tantôt, les temps de parole au début de la deuxième heure.

[Traduction]

    Si vous êtes tous d'accord, nous pouvons accorder cinq minutes chacun à M. Fortin et à M. Garrison.

[Français]

    C'est mieux, mais vous comprendrez que, sans vouloir être belliqueux, je vais m'opposer à ce que nous procédions de la sorte la prochaine fois. Je vais demander à ce que les tours de parole habituels soient maintenus.

[Traduction]

    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Monsieur Moore.
    Je ne veux pas m'éterniser là‑dessus, parce que nous retarderions l'audition de nos témoins, mais nous avons convenu d'une formule pour les questions au Comité. M. Fortin en est à sa deuxième question. Certains de nos membres n'ont pas encore eu l'occasion de poser une seule question.
    Je pense que nous devrions simplement nous en tenir à la formule fixée par consensus au début de la séance pour ce cas de figure.

[Français]

     En tout respect, madame la présidente, je dirais qu'il n'y a pas eu d'entente sur ce format. C'est ce que vous avez indiqué que vous feriez, mais le format prévu par nos règles consiste en deux périodes d'une heure.
    Cela dit, je ne veux pas passer une heure là-dessus. Je vais me satisfaire des cinq minutes de temps de parole que vous me donnez, mais je vous dis simplement qu'en toute équité, il faudrait réinitialiser les temps de parole après la première heure.
    Monsieur Fortin, nous appliquons la même formule qu'avant.
    Ça va, je ne veux pas faire perdre de temps au Comité. Il reste seulement trois quarts d'heure. Je vais donc me contenter des cinq minutes.
    Je vais démarrer le chronomètre maintenant pour vos deux minutes et demie.
     Vous m'aviez dit que vous m'accordiez cinq minutes. Est-ce que c'est cinq minutes ou deux minutes et demie?
    Je n'ai pas obtenu le consentement du Comité pour vous accorder cinq minutes. Alors, vous disposez maintenant de deux minutes et demie.
    D'accord. Je vais mettre fin à cette discussion, mais nous allons la reprendre, madame la présidente, si vous le permettez. Merci.
    Monsieur Islam, à votre avis, les différents problèmes actuels pourraient-ils être réglés si on s'assurait que l'ensemble des intervenants du gouvernement ont des positions laïques, c'est-à-dire que le gouvernement gère les affaires de l'État sans montrer de préférence envers une religion ou une autre sur le territoire canadien?
    Je vous demanderais, si c'est possible, de me répondre en 30 secondes, puisque le temps file.

[Traduction]

    Non, je ne pense pas que cela fonctionne. Je pense que vous avez peut-être vu des illustrations de l'équité et de l'égalité. Si tout le monde ne commence pas au même point de départ, alors tout le monde ne réalisera pas son plein potentiel.
(1220)

[Français]

    Monsieur Islam...

[Traduction]

    Si vous êtes une communauté marginalisée, vous allez avoir besoin...

[Français]

    Monsieur Islam, je m'excuse de vous interrompre, mais il ne reste que quelques secondes de temps de parole.
    Si l'État n'est pas laïc, quelle religion l'État devrait-il favoriser? J'imagine que vous allez me dire que ça devrait être la religion musulmane. Soit l'État est neutre, soit l'État favorise une religion ou une autre. Quelle religion souhaitez-vous que l'État favorise?

[Traduction]

    Ce n'est pas la bonne question.

[Français]

     C'est ma question. C'est la réponse qui doit être adaptée à la question.
    Je vous demande si l'État doit être laïc ou s'il doit favoriser une religion ou une autre, selon vous.

[Traduction]

    Le gouvernement devrait avoir la responsabilité de renforcer la cohésion et de mettre fin à la haine. Si vous imposez la laïcité et privez les gens de leurs droits, alors...

[Français]

    Non, non, monsieur Islam...

[Traduction]

    ... ce n'est plus la laïcité. Cela [ Inaudible ] religion.

[Français]

     Vous m'avez mal compris. Je parlais de l'État.
    Mon temps de parole est maintenant écoulé. Nous reprendrons la discussion une autre fois. Je suis désolé.
    Merci.

[Traduction]

    J'aurais besoin que vous me donniez des exemples lorsque vous posez cette question.
    Merci.
    Monsieur Garrison, vous avez deux minutes et demie.
    Le greffier vous expliquera la répartition du temps de parole, monsieur Fortin.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'espère que nous ne poursuivrons pas nos querelles intestines au détriment du temps des témoins.
    Je veux revenir à la Youth Coalition Combating Islamophobia. Nous avons entendu le témoignage très éloquent de Mme Al‑Sabawi, mais nous n'avons pas eu l'occasion d'en apprendre autant que je l'aurais souhaité sur les activités de son organisme. J'aimerais donner aux représentants plus de temps pour parler de ce qu'ils font pour lutter contre l'islamophobie.
    Je peux en parler.
    Notre coalition se concentre sur la défense des droits et vise à faire en sorte que les jeunes musulmans se sentent plus confiants dans leur identité. Il devient possible de défendre ses droits lorsqu'on les connaît. Malheureusement, les jeunes musulmans doivent maintenant se débrouiller tous seuls, et c'est vraiment une responsabilité qui ne devrait pas leur tomber dessus. Mme Al‑Sabawi en a parlé à maintes reprises dans ses exposés, et c'est malheureusement une responsabilité qui a été imposée à quelques-uns d'entre nous, des gens qui essaient simplement de se frayer un chemin dans la vie, comme vous l'avez fait à notre âge.
    Il s'agit de permettre aux jeunes musulmans de connaître leurs droits, d'être fiers de leur identité et de ne pas avoir peur de qui ils sont et de ce en quoi ils croient.
    Pouvez-vous nous parler plus précisément de la façon dont vous vous y prenez pour rendre les gens moins craintifs et plus fiers?
    Notre travail se fait sur deux fronts, dont l'un consiste à créer des environnements où les jeunes musulmans peuvent se retrouver et se sentir soutenus.
    Nous travaillons également sur le volet législation, politiques et sensibilisation au sein des systèmes d'éducation. Nous avons créé un programme pour le conseil scolaire du district de Thames Valley, ce qui est un excellent point de départ pour examiner la question à l'échelle nationale. Nous outillons les gens afin que la responsabilité ne retombe pas sur les victimes encore et encore. C'est une question d'éducation. Il y a des éléments de notre programme qui sont maintenant obligatoires dans la formation des policiers. Il s'agit d'uniformiser l'éducation sur la lutte contre l'islamophobie.
    Merci beaucoup pour ces exemples précis.
    J'ai très peu de temps. Pouvez-vous me dire si d'autres communautés ont des organismes semblables à la Youth Coalition Combating Islamophobia?
    Je suis certaine qu'il y en a. Parlez-vous précisément des jeunes qui luttent contre l'islamophobie...
    Oui.
    ... ou dans d'autres communautés?
    Je n'en suis pas certaine. Je suis sûre qu'ils existent, mais je ne sais pas...
    Si vous en connaissez, vous pouvez soumettre les renseignements au Comité après la réunion. Ce n'est pas un problème.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant poursuivre notre première série de questions, en accordant cinq minutes chacun à M. Van Popta et à M. Ali.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
    Monsieur Islam, ma première question est pour vous. Tout d'abord, je vous offre mes condoléances, à vous et à votre famille, car je crois comprendre que vous avez des liens de parenté avec la famille Afzaal, qui a été victime d'une attaque brutale à London il y a trois ans.
    Je ne vais pas prononcer le nom de la personne. La personne qui a finalement été condamnée pour cette attaque a été reconnue coupable de cinq chefs d'accusation distincts, dont quatre de meurtre au premier degré et un de tentative de meurtre. De plus, la Cour supérieure de l'Ontario a conclu que la personne avait commis des actes de terrorisme. Cette décision n'a eu aucune incidence sur la détermination de la peine, mais j'aimerais que vous me disiez si, à votre avis, elle a changé quelque chose.
    Cela fait‑il une différence pour vous, pour votre famille, pour la communauté musulmane en général et, je dirais, pour tous les Canadiens, que cette personne ait été reconnue coupable d'un acte de terrorisme?
(1225)
    Je vais vous expliquer ce que cela signifie pour moi.
    C'était une décision très nécessaire et très porteuse de guérison. Le lendemain de cette décision, je conduisais mon fils au gymnase et, sur notre route, nous sommes passés devant deux hommes portant un turban qui, je suppose, étaient des hommes sikhs. Je me suis dit: « Après ce qui s'est passé hier, les gars, vous êtes plus en sécurité aujourd'hui. » C'était un message important en matière de sûreté et de sécurité pour toutes les minorités visibles au Canada, et je pense que la décision était juste. Je me sens plus en sécurité parce que cela pourrait dissuader quelqu'un d'utiliser un véhicule comme arme à l'avenir.
    Merci, monsieur.
    Je vais m'adresser aux représentants des jeunes et à Mme Shilbayeh en particulier.
    Votre amie, Maryam Al‑Sabawi, a témoigné, mais elle n'est pas ici en ce moment. J'ai une citation de ses propos que j'ai trouvée dans une publication. Je pense que c'était de la CBC. Je vais simplement la lire, puis je vous demanderai de la commenter. « Nous n'avons pas seulement perdu Yumnah et sa belle famille. Nous avons perdu notre sentiment d'appartenance. Nous avons perdu notre sens de la communauté. Nous avons perdu notre sentiment de sécurité et notre estime de soi. Nous avons même perdu notre innocence. »
    Si Maryam était ici, je lui poserais la question ou je lui demanderais simplement de nous en dire plus à ce sujet. Je vais plutôt vous demander ce que vous en pensez.
    Je pense que cette déclaration aura une signification particulière pour chaque personne qui l'entendra. Je ne veux pas parler de la façon dont cela peut la toucher, mais pour moi, cela signifie que je ne me sens pas aussi Canadienne que les autres. Je ne me sens pas en sécurité lorsque je marche dans la rue. Je me souviens avoir pensé au fait qu'il y a quelques années, après la perte tragique de la famille Afzaal, plus personne ne voulait se promener. Tout le monde avait peur de sortir de chez soi. L'année dernière, avec l'augmentation des incidents islamophobes et du racisme à l'égard des Palestiniens, nous avons vu la situation s'aggraver considérablement.
    C'est vraiment déchirant de savoir que nous ne sommes pas soutenus et que nous ne sommes pas protégés. Nous sommes obligés de recourir au système de surveillance mutuelle. Au cours des derniers mois, nous avons dû le faire pour nous rendre d'un bâtiment à l'autre sur le campus. Nous devons donc constamment faire tout en notre pouvoir pour nous protéger, parce que nos représentants, les personnes qui sont censées parler en notre nom et nous protéger, ne veillent pas sur nous.
    Madame Shilbayeh, je vais poursuivre avec vous. Il y a deux ou trois ans, CTV a rapporté ce que vous avez dit au sujet des promesses qu'ont faites les chefs des partis fédéraux de condamner l'islamophobie et de la combattre. Vous avez dit que vous ne pensiez pas qu'ils avaient fait quoi que ce soit à cet égard et qu'ils devaient traduire leurs paroles en actes.
    Il vous reste 30 secondes.
    Peut-être pourriez-vous faire un commentaire à ce sujet, très brièvement. Selon vous, qu'a fait le gouvernement fédéral? A‑t‑il tenu cette promesse?
    Je vais essayer de répondre le plus rapidement possible à cette question. C'est que le discours dont M. Omer a parlé — et M. Ali en a également beaucoup parlé — est très peu convaincant lorsqu'il s'agit de condamner ce qui se passe aujourd'hui et de s'y opposer. Lorsque l'on est passif quant aux vies musulmanes perdues, par milliers en mer, on est passif quant aux vies musulmanes perdues au pays. C'est ce que l'on enseigne aux populations.
    Ce que nous voyons, c'est que le gouvernement utilise un discours ferme dans le cadre de politiques strictes, comme le projet de loi 21. C'est ce qui montre la position du gouvernement, car les paroles d'empathie peu convaincantes ne tiennent pas, mais les politiques et les mesures fermes, oui.
(1230)
    Je veux dire aux députés qui posent des questions et aux témoins que je vais désormais respecter le temps de parole prévu parce que nous devons conclure dans les 30 minutes et que j'aurai besoin d'une minute à la fin de la séance. Si je vous interromps, ce qui arrivera probablement, n'en soyez pas offusqués. Je n'ai pas le choix.
     Nous passons maintenant à M. Shafqat Ali pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leur présence et de leurs exposés, qui étaient percutants, en particulier celui de Mme Al‑Sabawi.
    Monsieur Islam, je suis père de trois enfants et me suis rendu à Londres après la tragédie. Ma fille va à l'école. Elle est en 9e année et elle porte un hidjab. Depuis cet incident, je ne l'ai pas laissée rentrer chez elle ou aller à l'école à pied. Ma femme va la chercher et la dépose à l'école.
     Cet incident a eu des répercussions durables sur tous les musulmans du Canada. Je n'avais jamais ressenti cela auparavant. Mes enfants et ma famille n'avaient jamais ressenti cela avant cet événement. Lorsque vous parliez de l'incident et des sentiments de votre fils et de votre fille, je pouvais faire un lien avec ma famille.
    Je voudrais savoir ce que vous pensez de la décision du tribunal. Je sais que vous en avez parlé. On peut voir la réponse du gouvernement, de nos forces de l'ordre et du tribunal à cet incident. Pensez-vous que nous travaillons à améliorer la façon dont nous luttons contre l'islamophobie et l'antisémitisme? Qu'en pensez-vous?
     Monsieur Ali, ma femme et moi parlons de plusieurs choses avec des gens à l'échelle provinciale au sujet de l'islamophobie dans le système judiciaire. À l'échelle fédérale, je dirais que j'aimerais qu'un juge puisse inclure l'utilisation d'un véhicule comme arme lorsqu'il est question d'une interdiction de possession d'armes. Actuellement, l'interdiction ne s'applique pas à un véhicule si on en a utilisé un dans un crime répertorié. Elle s'applique aux armes à feu, aux couteaux et aux explosifs. L'auteur de ce crime a dit précisément qu'il voulait inciter les gens à utiliser des véhicules parce qu'il est plus difficile de se procurer des armes à feu au Canada qu'aux États-Unis, par exemple.
     Il est possible de moderniser le Code criminel pour qu'il tienne compte du fait que des gens peuvent utiliser des armes non traditionnelles. Il devrait être du ressort d'un juge de première instance de l'inclure dans une interdiction d'armes. C'est une mesure que je préconise.
     Dans son récent rapport sur l'islamophobie, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne indique que « [p]lusieurs témoins ont souligné que le Canada est désormais le pays du G7 où le nombre d'assassinats ciblant des musulmans et motivés par l'islamophobie est le plus élevé. » Compte tenu de l'attentat de 2017 à la mosquée de Québec, qui a tué six hommes pendant la prière du soir et en a blessé plusieurs autres, et de l'attentat de 2021 contre la famille Afzaal à London, pourriez-vous nous dire dans quelle mesure la prise de conscience de ces actes de violence a eu une incidence sur les craintes que les musulmans éprouvent à l'égard de leur sécurité?
    J'aimerais que M. Nalir réponde à la question, s'il vous plaît.
(1235)
     Vous disposez de 30 secondes.
    Je suis désolé. Est‑il possible de répéter la question?
    J'avais 30 secondes. C'est terminé. Peut-être pourriez-vous envoyer votre réponse par écrit.
    Si vous voulez répéter la question, monsieur Ali, vous avez le temps. Peut-être le témoin pourra‑t‑il répondre par écrit, à moins qu'il ne soit en mesure de le faire rapidement.
     Dans un récent rapport sur l'islamophobie, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne indique que « [p]lusieurs témoins ont souligné que le Canada est désormais le pays du G7 où le nombre d'assassinats ciblant des musulmans et motivés par l'islamophobie est le plus élevé. » Compte tenu de l'attentat de 2017 à la mosquée de Québec, qui a tué six hommes pendant la prière du soir et en a blessé plusieurs autres, et de l'attentat de 2021 contre la famille Afzaal à London, pourriez-vous nous dire dans quelle mesure la prise de conscience de ces actes de violence a eu une incidence sur les craintes que les musulmans éprouvent à l'égard de leur sécurité?
    Si vous le pouvez, nous vous prions de bien vouloir nous transmettre votre réponse par écrit.
    Veuillez nous transmettre le tout par écrit, si possible.
    Compte tenu de l'heure, chacun des quatre partis disposera de cinq minutes. Nous commencerons par Mme Gladu, qui sera suivie du député Ehsassi, de M. Fortin, puis de M. Garrison. C'est ainsi que se terminera notre réunion.
     Merci, madame la présidente.
    Je tiens à remercier tous nos témoins de leur présence aujourd'hui. Je tiens également à offrir mes condoléances à ceux d'entre vous qui ont perdu des êtres chers.
    J'ai été très frappée par ce qu'a dit Omar Babili. Il a parlé des répercussions de l'attaque contre son église. Les élus locaux n'ont rien fait. Cela m'a touchée, car une centaine d'églises chrétiennes ont été incendiées au pays et le gouvernement libéral n'a rien dit ni fait. Dans le cadre de l'étude sur l'antisémitisme que nous venons de terminer, on a signalé que le nombre d'incidents haineux antisémites avait augmenté de 500 %. D'autres personnes sont également d'avis que le gouvernement fédéral n'avait pas agi de manière adéquate.
     J'aimerais qu'on me parle de l'islamophobie, car depuis 2017, une étude sur l'islamophobie a été réalisée à la Chambre des communes, dans laquelle 16 recommandations ont été formulées; le rapport du Sénat, qui a été mentionné, qui contient 60 recommandations sur ce que le gouvernement pourrait faire a été publié; et un sommet national sur l'islamophobie a été organisé au Canada. Par ailleurs, le gouvernement a nommé une représentante spéciale chargée de la lutte contre l'islamophobie.
    Compte tenu de tout cela, monsieur Babili, pensez-vous que les efforts que le gouvernement fédéral a déployés ont permis de réduire l'islamophobie au Canada?
    Je ne suis pas tout à fait sûr, car je ne sais pas ce que fait le gouvernement fédéral au sujet de l'islamophobie. Il faudrait que je vous revienne sur cette question.
    J'aimerais poser la même question à M. Nalir.
    Comme vous l'avez dit, certaines choses ont été faites, mais je dirais qu'elles pourraient être mieux communiquées aux gens sur le terrain.
    Je vous remercie.
    Selon vous, qu'est‑ce qui contribue à la montée de l'islamophobie que nous observons au Canada?
    Comme l'a mentionné M. Islam, lorsque les gens ont l'air différents, cela entraîne naturellement de l'ignorance. Cependant, lorsqu'on s'attaque à ce problème, non seulement parmi les gens ordinaires, mais aussi parmi les personnes au pouvoir, je pense que cela donne de la force et qu'il devient acceptable de parler de l'islam. Il est acceptable de s'attaquer à l'islamophobie lorsque les dirigeants s'y attaquent également. Ce n'est plus un sujet tabou et je pense que cela peut aider.
    Ma prochaine question s'adresse à tous les témoins.
    Nous avons vu dans les nouvelles de nombreux incidents liés à la situation à Gaza et à ce qui se passe sur le terrain au Canada, par exemple le blocage de chemins de fer en Colombie-Britannique, l'occupation de la gare Union et les nombreuses manifestations qui bloquent certaines infrastructures. Quel est, selon vous, l'impact de ces incidents sur l'islamophobie, le cas échéant?
    J'aimerais d'abord entendre la réponse de M. Babili.
(1240)
    De mon point de vue, les manifestations pacifiques qui ont lieu au Canada montrent le bon côté des musulmans. Par exemple, un grand nombre de chrétiens et de juifs viennent nous soutenir. Comme il s'agit de manifestations très pacifiques, cela montre qu'ils ne font rien d'illégal.
    Je pense que les gens commencent à changer d'avis sur l'islam. De nombreuses personnes que j'ai rencontrées ont commencé à lire sur l'islam, à aimer l'islam et à me faire part de leur opinion sur l'islam. Cela contribue à réduire l'islamophobie au lieu de l'accroître. C'est mon opinion.
    C'est très bien.
    Monsieur Islam, qu'en pensez-vous?
    Comme je l'ai dit, la montée de la haine contre les musulmans dans une catégorie des éléments constitutifs a un effet inconnu, mais elle a probablement un effet réel sur l'islamophobie qui provient d'autres éléments constitutifs. Il existe certainement une petite minorité — mais elle est bien réelle — de Canadiens qui pensent que le Canada est une construction pour les personnes d'origine européenne. Cette construction ou cette croyance mène à l'exclusion de nombreuses minorités différentes, et pas seulement des musulmans.
    Je vous remercie beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Ehsassi. Il a cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente. Je remercie sincèrement les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Les témoignages que vous nous avez fournis sont très éloquents. Je sais que ce n'était pas facile, mais je pense que vous avez tous établi que l'islamophobie est malheureusement bien présente et que notre pays devrait faire beaucoup plus pour lutter contre l'islamophobie, comme nous le faisons pour d'autres crimes haineux.
    J'aimerais d'abord m'adresser à M. Islam.
    M. Fortin a commencé par demander s'il existe des points communs entre l'islamophobie et l'antisémitisme. Il se demandait en effet si nous pouvions utiliser les mêmes outils pour lutter contre l'islamophobie. Évidemment, les deux phénomènes sont troublants.
    Vous avez eu l'occasion d'affirmer qu'à certains égards, il y avait des chevauchements entre les deux. Toutefois, j'imagine que vous vouliez également préciser les particularités de l'islamophobie et les raisons pour lesquelles elles sont importantes. Ai‑je bien évalué la situation, et pourriez-vous nous en dire plus sur ce point?
    Oui, vous avez bien évalué la situation. Même le mot « islamophobie » est difficile à définir, bien plus que le mot « antisémitisme ». Les gens éprouvent une certaine confusion et se demandent si le fait de ne pas aimer l'islam en tant que théologie fait en sorte qu'une personne est islamophobe. Ce n'est pas le cas. Ce mot est difficile à définir. Je pense que dans certains contextes, il serait plus exact d'utiliser les mots « haine contre les musulmans ».
    Le maintien du statu quo à l'échelle internationale joue un rôle dans l'islamophobie chez nous. L'objectif est de faire des musulmans canadiens une entité externe ou une cinquième colonne. Ce type d'islamophobie n'a aucun chevauchement avec l'antisémitisme.
    En ce qui concerne les gens qui adhèrent à la théorie du grand remplacement dans le nationalisme blanc, les causes profondes et les explications se recoupent largement. En fait, la théorie du grand remplacement indique qu'il s'agit d'une conspiration juive visant à faire venir des musulmans, des Noirs ou d'autres minorités en Amérique du Nord pour remplacer le bloc électoral. C'est ridicule, mais c'est ce que croient ces gens.
    Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Babili, je suis terriblement désolé de l'indifférence à laquelle vous avez fait face de la part de votre représentant élu et de l'Université de Victoria. Il est inacceptable que vous ayez dû vivre une expérience aussi terrible et pénible et que l'on n'y ait pas remédié de manière appropriée.
    Ma question s'adresse à tous les témoins, mais j'aimerais d'abord entendre la réponse de M. Babili. Nous avons malheureusement observé une forte augmentation de l'antisémitisme au cours des sept derniers mois. Pensez-vous que l'islamophobie a aussi connu une telle augmentation au cours des sept derniers mois?
(1245)
    C'est une excellente question.
    Au cours des sept derniers mois, l'islamophobie a augmenté de façon incroyable. Nous pouvons le constater dans les rues, dans les universités et lors des manifestations, où un contre-manifestant fait des commentaires racistes. Je pense donc que la réponse à cette question est oui, l'islamophobie a augmenté.
    J'aimerais également entendre les réponses de M. Islam, de M. Nalir et de Mme Shilbayeh.
    Monsieur Islam, très brièvement, est‑ce que l'islamophobie s'est accrue au cours des sept derniers mois, à votre avis?
    Oui, elle s'est accrue. Tout ce qui s'ajoute au réservoir de haine fait augmenter le niveau de ce réservoir, peu importe la source.
    Je suis désolé, mais en raison des contraintes de temps, je vais donner la parole à M. Nalir.
    Je suis désolée, mais le temps imparti est écoulé.
    Si vous souhaitez envoyer une réponse par écrit, je vous encourage à le faire.
    D'accord.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    La parole est maintenant à M. Fortin, qui a ce qui est probablement la dernière série de questions de cinq minutes de la réunion.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Ma question s'adresse à l'étudiant M. Omer.
    Présentement, l'article 319 du Code criminel interdit de fomenter la haine ou de fomenter l'antisémitisme. Cependant, il existe une exception à cette interdiction. À l'alinéa 319(3)b), on dit que « nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction » quand « il a, de bonne foi, exprimé une opinion sur un sujet religieux ou une opinion fondée sur un texte religieux auquel il croit, ou a tenté d'en établir le bien-fondé par argument ». Il est donc interdit de fomenter la haine ou l'antisémitisme, mais on peut le faire si, de bonne foi, on exprime une opinion sur un sujet religieux.
    On a déposé récemment un projet de loi visant à éliminer ces exceptions, pour que personne ne puisse, en aucune circonstance, fomenter la haine ou l'antisémitisme. Le fait que la personne se base sur un texte religieux importe peu. Cela devrait être tout simplement interdit.
    J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez, en une trentaine de secondes, monsieur Omer. Ensuite, j'aimerais poser la même question à d'autres témoins.

[Traduction]

    À mon avis, cela devrait être interdit. Aucune manifestation haineuse ne devrait être autorisée. C'est ma réponse courte.

[Français]

     Merci.
    En fait, ma question s'adressait plutôt à l'étudiant Hamza Omer, qui s'est ajouté au groupe de témoins, mais qui n'a pas encore eu l'occasion de répondre à des questions. Ce n'est pas grave, je vais laisser tomber, puisque le temps file.
    J'aimerais entendre la réponse de M. Nalir à cette même question.
    Avez-vous entendu la question, monsieur Nalir?
    Il semble que non, alors je vais laisser tomber.
    Je me tourne donc vers vous, monsieur Islam. Je m'excuse, mais il ne me reste que quelques secondes pour entendre votre opinion sur la question.
    L'article 319 du Code criminel interdit de fomenter la haine ou l'antisémitisme. Il existe une exception qui dit qu'on peut le faire si on se base sur un texte religieux. Nous proposons d'abolir cette exception. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Je vais devoir vous croire sur parole au sujet de l'article 319, car je ne sais pas de quoi il s'agit. Cependant, si ce que vous décrivez est exact, on peut certainement être en désaccord sur la théologie. Toutefois, je ne vois pas comment cela pourrait aller jusqu'à la haine ou à la promotion de préjugés, et certainement pas jusqu'à la violence.
(1250)

[Français]

     Merci, monsieur Islam.
    Je reviens à vous, monsieur Nalir. Je ne sais pas si votre micro fonctionne bien. Pouvez-vous répondre à la question? Avez-vous entendu la question?

[Traduction]

    Il essaie.
    Allez‑y, monsieur Nalir.
    Oui, j'ai entendu la question.
    Comme l'a mentionné M. Islam, je ne sais pas trop comment on peut passer de la critique de la théologie à la haine, mais vous nous avez entendu témoigner de la montée de l'islamophobie.
    Nous vous avons parlé des proches que nous avons perdus — la famille de M. Islam —, de M. Nalir qui a failli être tué par un camion et du risque ce que cela représente pour nous. On ne nous permet pas de faire notre deuil. Je ne sais pas pourquoi Mme Gladu a posé de telles questions sur les manifestations et d'autres choses de ce genre. Nous vous disons que des personnes ont failli être tuées et vous répondez par ce genre de choses. Je trouve cela étrange.

[Français]

     En résumé, monsieur Nalir, vous seriez en faveur de l'abolition de l'exception religieuse prévue à l'article 319 du Code criminel, pour qu'il soit interdit de fomenter la haine, peu importe qu'on se base sur un texte religieux ou pas.
    Est-ce bien ce que vous voulez dire? Ai-je bien compris, oui ou non?

[Traduction]

    Il ne faut pas inciter à la haine, mais je dois examiner le projet de loi pour répondre à cette question.

[Français]

     Je vous remercie.
    Madame Shilbayeh, qu'en pensez-vous? À votre avis, l'interdiction de fomenter la haine devrait-elle faire l'objet d'une exception si on se base sur un texte religieux ou devrait-on pouvoir abolir cette exception?
    Madame Shilbayeh, avez-vous entendu ma question?

[Traduction]

    Oui. Malheureusement, je ne connais pas très bien le projet de loi et je ne suis donc pas en mesure de donner une réponse appropriée, mais la haine ne devrait pas mener à la violence [difficultés techniques].

[Français]

    Je n'ai pas bien entendu la réponse, madame la présidente.
     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Garrison a accepté d'avoir une série de questions de moins de cinq minutes, et je vais donc lui céder la parole pour les deux dernières minutes.
    Vous avez la parole, monsieur Garrison.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    J'aimerais revenir sur un point que j'ai mentionné plus tôt. L'un des témoins qui ont comparu lors d'une réunion précédente m'a signalé qu'on l'avait menacé de mesures désavantageuses à la suite de sa comparution devant le Comité. Ce témoin ne souhaite pas être identifié publiquement à ce moment‑ci. Mon bureau travaille avec lui.
    Si cette menace persiste, je présenterai au Comité la motion appropriée concernant l'outrage au Parlement. Les témoignages des gens qui comparaissent sont protégés et ils ne doivent pas subir des conséquences indésirables à la suite de leur comparution devant un comité.
    Je souhaite simplement informer le Comité que cela s'est produit. Je ne souhaite pas non plus faire courir un risque supplémentaire à ce témoin, si nous pouvons résoudre ce problème avant que les choses n'aillent plus loin. Je tiens simplement à informer le Comité que cela s'est produit. Si le problème ne cesse pas — les gens qui sont au courant peuvent m'entendre —, je présenterai au Comité une motion pour outrage au Parlement.
    Je vous remercie, monsieur Garrison.
    Monsieur Zuberi, vous avez la parole.
    Madame la présidente, j'aimerais faire remarquer que cela s'est produit dans d'autres comités dont je fais partie, comme le Sous-comité des droits internationaux de la personne. Il est établi dans le compte rendu que M. Mehmet Toti, un défenseur de la cause ouïghoure, a reçu des menaces avant son témoignage. Je pense que nous devons prendre très au sérieux ce genre de menaces contre la vie d'une personne ou contre la vie d'un proche. Cela lui est déjà arrivé auparavant. C'est dans le compte rendu.
    Je pense que ce sont des points importants. Nous invitons nos témoins à témoigner librement devant le Comité.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je remercie beaucoup les témoins d'avoir comparu aujourd'hui. Encore une fois, tous les membres du Comité sont très reconnaissants de votre franchise et de votre présence. Si vous pensez pouvoir fournir une réponse à une question qu'on vous a posée, mais à laquelle vous n'avez pas pu fournir une réponse complète, n'hésitez pas à nous envoyer vos réponses par écrit.
    Cela m'amène au sujet que je dois aborder avec le Comité. Je propose que le vendredi 21 juin soit la date limite pour le dépôt des mémoires dans le cadre de l'étude sur la lutte contre l'islamophobie. Je tiens donc à ajouter au compte rendu que le 21 juin sera la date limite pour le dépôt de mémoires dans le cadre de cette étude. Je pense qu'il a été rappelé que les mémoires doivent avoir trois pages.
    C'est ce qui met fin à cette réunion du Comité.
    Merci beaucoup aux témoins.
    Je remercie beaucoup les membres du Comité. Quelqu'un a‑t‑il levé la main pour intervenir au sujet de ce que j'ai dit?
    Monsieur Garrison, vous avez la parole.
(1255)
    Je pense qu'il faut faire attention à la date limite, étant donné le jour férié qui aura lieu.
    Quel jour férié?
    Nous parlons de la journée nationale de réconciliation, qui est une fête nationale officielle. Je veux simplement m'assurer qu'il n'y a pas de conflit avec les dates que nous fixons.
    Je m'excuse. Je n'ai pas écouté assez attentivement.
    Je pense que les gens peuvent soumettre un mémoire jusqu'au 21 juin. S'il y a un problème avec cette date, nous la déplacerons au 20 juin ou au 22 juin. Je reviendrai jeudi après avoir parlé aux analystes et au greffier. Cela ne concerne pas les soumissions au Comité, mais à la Chambre des communes. Je ne les reçois pas personnellement. J'espère que je ne serai pas présente.
    Nous poursuivrons notre étude jeudi matin.

[Français]

    Je souhaite une bonne journée à tous et à toutes.

[Traduction]

    La séance est levée.
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