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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 107e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
Avant de commencer, je tiens à rappeler les importantes mesures préventives suivantes à tous les députés et à tous les témoins dans la salle.
Pour prévenir les incidents de retour de son perturbateurs et potentiellement nocifs qui peuvent causer des blessures, tous les participants qui se trouvent dans la salle doivent garder leur oreillette loin des microphones en tout temps. Toutes les oreillettes ont été remplacées par un modèle qui réduit grandement le risque de retour de son. Les nouvelles oreillettes sont noires, tandis que les anciennes étaient grises.
Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer la face vers le bas au milieu de l'autocollant destiné à cet usage, que vous trouverez sur la table. Veuillez consulter les cartons placés sur la table qui présentent les directives visant à prévenir les incidents de retour de son. L'aménagement de la salle a été modifié pour augmenter la distance entre les microphones et réduire le risque de retour de son causé par une oreillette captant le son ambiant.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride. La greffière m'a assuré que les tests de connectivité avaient été effectués au préalable. Conformément à la motion de régie interne adoptée par le Comité sur les tests de connexion des témoins, tout a été fait et je suis heureux d'informer tout le monde que tout va bien.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 29 janvier 2024, le Comité reprend son étude sur l'approche du Canada à l'égard de l'Afrique.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Nous accueillons M. Denis Côté, analyste des politiques à l'Association québécoise des organismes de coopération internationale; et M. Andy Harrington, directeur exécutif de la Banque canadienne de grains. Nous sommes ravis d'accueillir, dans la salle, M. Philippe Dongier, directeur général du Centre d'étude et de coopération internationale.
Chacun d'entre vous disposera de cinq minutes pour faire sa déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité. Je demande à tous les témoins d'être attentifs. Lorsque votre temps d'intervention tirera à sa fin, je vous montrerai ceci, ce qui veut dire que vous devrez terminer dans les 10 à 15 secondes qui suivent. Cela s'applique non seulement à votre déclaration préliminaire, mais aussi à la période durant laquelle les députés vous poseront des questions.
Maintenant que tout a été expliqué, nous allons entendre les témoins. Nous commençons par M. Côté.
Monsieur Côté, vous avez la parole. Vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
Je tiens d'abord à remercier le Comité de m'avoir invité, dans le cadre de cette étude, à témoigner au nom de l'Association québécoise des organismes de coopération internationale, ou AQOCI.
Notre association regroupe 75 organismes de coopération et de solidarité internationale qui, basés au Québec, travaillent en collaboration avec plus de 1 300 partenaires locaux dans 112 pays partout dans le monde en faveur de l'éradication des causes de la pauvreté et en faveur de la construction d'un monde basé sur des principes de justice, d'inclusion, d'égalité et de respect des droits de la personne.
Plus de 50 de ces organismes sont actuellement actifs dans plus de 40 pays d'Afrique. Leurs activités sont fortement concentrées dans les pays du Sahel, notamment au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso, ainsi qu'au Bénin et en République démocratique du Congo.
En ce qui concerne l'engagement du Canada à l'égard des pays du continent africain, selon nous, la conjoncture actuelle se prête non pas à un retrait du Canada, mais plutôt à un engagement renforcé dans la région. En effet, dans un contexte de multiplication des crises, notamment sur le plan politique, climatique et sécuritaire, il est plus important que jamais de soutenir les partenaires avec lesquels nous travaillons depuis de nombreuses années et de montrer aux communautés locales que le Canada est solidaire de leurs luttes pour l'élimination de la pauvreté, pour le développement économique et la justice sociale, et contre l'insécurité et les changements climatiques.
Les organismes de coopération internationale du Québec et du Canada ont établi des partenariats de longue date avec des groupes locaux qui leur confèrent une compréhension approfondie des réalités sociales et des besoins réels des populations dans de nombreuses communautés africaines. Cela leur donne un avantage unique pour concevoir des programmes qui sont pertinents, réactifs et efficaces.
Compte tenu du désengagement de certains pays donateurs, notamment dans la région du Sahel, le Canada a une place à prendre et pourrait jouer un rôle de leader dans les pays du Sahel et de la francophonie, notamment. Notre longue tradition de partenariat avec ces nations nous permet d'apporter une importante contribution à leur développement et à leur stabilité. Le Canada est l'un des rares pays à pouvoir encore intervenir dans la région du Sahel, en raison justement de son approche respectueuse des populations locales et de son engagement à travailler en partenariat avec elles.
Certains de nos membres mentionnaient d'ailleurs, lors de la consultation que nous avons menée avec eux dernièrement, que des régions où des activités de coopération internationale avaient été soutenues par le Canada par le passé se montraient déjà plus résilientes face au contexte actuel de polycrises. Cela démontre que notre engagement donne des résultats et qu'il faut maintenir cet engagement là où nous avons déjà établi des liens solides.
Au-delà de l'approche, cependant, l'engagement du Canada dans la région doit aussi passer par un financement accru.
En 1970, les pays de l'OCDE, dont le Canada, se sont engagés à consacrer annuellement 0,7 % de leur revenu national brut à l'aide internationale. Malheureusement, 54 ans plus tard, le Canada a atteint à peine la moitié de cette cible. Des pays comme la Suède, la Norvège, l'Allemagne et le Danemark l'ont atteinte. D'autres, comme l'Irlande, les Pays‑Bas et la Suisse, s'en rapprochent. Alors, pourquoi le Canada n'y parvient-il pas? Accroître le financement est essentiel pour garantir que nous disposons des ressources nécessaires pour soutenir efficacement le développement en Afrique.
Finalement, le Canada a aussi une occasion de se distinguer des autres acteurs internationaux présents dans la région en s'assurant que ses entreprises se comportent de manière responsable sur le continent africain. En effet, on a rapporté trop d'allégations de violation des droits de la personne au cours des dernières années pour ne pas agir à cet égard. Le Canada se doit d'adopter rapidement une loi sur la diligence des entreprises en matière de droits de la personne et d'environnement pour prévenir les abus commis par certaines de nos entreprises en Afrique et ailleurs dans le monde. Il doit aussi donner au Bureau de l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, comme il s'y était d'ailleurs engagé lors de la mise sur pied de ce bureau, de véritables pouvoirs d'enquête pour forcer les entreprises visées par des allégations d'abus de droits de la personne à témoigner et à produire des documents.
Merci.
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Je remercie les membres du Comité de m'avoir invité à participer à leur importante étude qui tombe à point nommé. L'approche du Canada à l'égard de l'Afrique est un sujet de discussion permanent et je suis heureux de présenter quelques observations sur la question.
En tant que réseau de 15 organismes confessionnels canadiens voués à l'aide et au développement, la Banque canadienne de grains fournit de la nourriture aux gens en situation de crise humanitaire. En outre, elle aide les agriculteurs à adapter leurs pratiques agricoles aux changements climatiques afin d'assurer une sécurité alimentaire durable pour l'avenir. Notre projet Nature+, financé par Affaires mondiales Canada dans le cadre de l'initiative Partenariats pour le climat, en est un exemple.
Nous entreprenons ce travail dans un contexte où 158 millions de personnes en Afrique subsaharienne sont confrontées à une grave insécurité alimentaire et où 30 millions de personnes souffraient de malnutrition aiguë rien qu'en 2023. Entre 2022 et 2023, la Banque canadienne de grains a mis en œuvre 88 projets dans 21 pays africains et a aidé plus de 700 000 personnes, ce qui inclut la réponse à la crise de la faim en Afrique de l'Est dans le cadre de la Coalition humanitaire.
Des témoins qui ont comparu devant ce comité vous ont parlé de stabilité politique, de débouchés commerciaux et de promotion et de protection des intérêts canadiens. Ce qui ressort clairement de ces témoignages, c'est que le Canada a la possibilité d'accroître son influence dans un contexte où d'autres puissances voient la leur décliner, mais seulement si nous augmentons nos investissements de façon globale. Nous avons trois recommandations à formuler.
Premièrement, il est essentiel de disposer d'un plan global et stratégique d'aide humanitaire et d'aide au développement. En politique étrangère, nous devons tenir compte des trois D et du C: diplomatie, défense, développement et commerce.
Le développement est un aspect central de ce cadre et doit être considéré sur le même pied que les trois autres éléments. Nous ne pouvons pas faire abstraction du fait que les besoins humanitaires et de développement augmentent sur le continent, étant donné le nombre important de personnes qui sont en situation d'insécurité alimentaire aiguë en Afrique subsaharienne et au Sahel.
Ce comité a déjà entendu le témoignage de M. Tieku, professeur à l'Université Western, qui affirme que si l'on règle le problème de l'insécurité alimentaire, il y a de fortes chances que l'on obtienne une meilleure stabilité. Je suis d'accord avec lui. Si les besoins en matière de développement ne sont pas satisfaits, la situation sera difficile sur le plan de la diplomatie, de la défense et du commerce.
Sauver des vies et réduire la pauvreté ne sont pas de nouveaux objectifs pour le Canada. C'est ce à quoi sert l'aide que nous apportons de façon intelligente. Or, dans chaque région, en particulier en Afrique, nous devons adopter une approche stratégique plutôt que d'agir sans vision globale. Grâce à son propre travail, la Banque canadienne de grains dispose de preuves solides qu'investir dans l'aide est un investissement intelligent.
Par exemple, entre 2015 et 2020, avec l'appui du gouvernement canadien, nous avons mis en œuvre un projet qui a permis d'améliorer la vie de plus de 60 000 familles en Éthiopie, au Kenya et en Tanzanie. L'objectif était d'améliorer les moyens de subsistance des ménages de petits exploitants agricoles en élargissant la pratique de l'agriculture de conservation. Il s'agit d'un processus qui contribue à l'établissement de systèmes alimentaires résilients aux changements climatiques.
Le projet a permis d'améliorer les revenus des familles, la sécurité alimentaire et la santé des sols, tout en renforçant la résilience pour l'avenir. Il a également permis la réalisation de progrès au chapitre de l'égalité entre les hommes et les femmes, tant sur le terrain que sur le plan du marketing. Les revenus des femmes ont augmenté de 40 %. En fait, en Éthiopie, le projet a amené le gouvernement à élaborer un programme national visant à promouvoir l'agriculture de conservation.
J'ai visité la ferme de l'une des participantes au projet en Éthiopie, une femme qui s'appelle Asnakech Zema, et j'ai vu à quel point le projet lui a permis non seulement d'accroître ses ressources, mais aussi de gagner en dignité et d'avoir une meilleure stature au sein de la communauté. Elle nous a dit: « Ma famille a maintenant de la nourriture toute l'année et le projet nous a permis de gagner de l'argent pendant les mois les plus difficiles. »
Jane Njeri, une participante au projet au Kenya, nous a également dit: « Maintenant que nous avons adopté l'agriculture de conservation, nous avons plus de nourriture en utilisant moins de terre... Nous obtenons plus du double de la quantité de nourriture que nous avions auparavant. »
Il est évident que les efforts déployés en matière de développement et d'aide humanitaire permettent non seulement d'assurer la stabilité, mais aussi de transformer les communautés et les nations.
Deuxièmement, je recommande un partenariat et une collaboration mutuellement bénéfiques. D'autres témoins ont indiqué devant ce comité que l'Agenda 2063 de l'Union africaine était un document stratégique d'orientation qui pourrait et devrait éclairer l'approche du Canada.
Je conviens qu'il ne s'agit pas seulement de savoir ce que nous pouvons tirer de la relation, ce qui n'a jamais correspondu à l'approche ou au programme du Canada. Il s'agit plutôt d'évaluer la manière dont l'avenir de l'Afrique est défini et de voir comment nous pouvons aider les Africains à atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés, ce qui renforce notre capacité à collaborer avec eux sur les plans de la diplomatie, de la défense, du développement et du commerce et au fur et à mesure que nous évoluons ensemble.
Ma dernière recommandation concerne le positionnement du Canada. Il est dans l'intérêt du Canada de jouer un rôle en Afrique. Nous avons vu la Chine et la Russie y étendre leur influence et les dirigeants africains se tourner vers elles tandis que d'autres pays s'en sont détournés.
En cette période critique pour l'avenir d'un continent qui a tant à offrir au monde, le Canada se trouve dans une position unique pour choisir de se manifester et de montrer à quoi pourrait ressembler un leadership fondé sur des principes. À ce titre, les engagements que nous prenons en matière d'aide sont déterminants pour l'image que l'on se fait de nous. Ils vont de pair avec nos efforts diplomatiques et commerciaux non seulement pour renforcer notre place dans le monde, mais aussi pour faire en sorte que, dans les années à venir, ce monde soit plus juste et plus équitable.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, c'est un honneur pour moi de comparaître devant vous aujourd'hui au nom du Centre d'étude et de coopération internationale, ou CECI.
Le CECI est un acteur de la coopération entre le Canada et l'Afrique depuis plus de 65 ans. Il est actif dans 10 pays d'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique centrale. Il est aussi un partenaire d'Affaires mondiales Canada qui, par l'entremise de son portefeuille d'environ 250 millions de dollars en Afrique, appuie l'entrepreneuriat féminin, les droits des femmes et des filles ainsi que la résilience climatique.
Personnellement, avant de me joindre au CECI, j'ai travaillé pendant près de 20 ans à la Banque mondiale, entre autres comme directeur régional à Dar es Salaam, en Afrique de l'Est, et j'ai travaillé pendant cinq ans pour General Electric à Nairobi.
Comme vous le savez, l'Afrique prendra de plus en plus d'importance en tant que marché. On dit que la classe moyenne consommatrice sera composée de plus de 700 millions de personnes d'ici 2030. L'Afrique prendra aussi de l'importance comme producteur de ressources minières stratégiques, comme bassin de biodiversité à risque et comme acteur géopolitique. En effet, plusieurs des 54 pays d'Afrique diversifient leurs partenariats internationaux, y compris ceux avec la Chine et la Russie. Selon les projections, il y aura 2,5 milliards de personnes en Afrique d'ici 2050 et près de 4 milliards d'ici la fin du siècle, ce qui représentera 40 % de l'humanité.
Bien que l'Afrique monte en puissance, un nombre croissant de pays ont une gouvernance instable, sont touchés par les conflits, par l'extrémisme violent et par la crise climatique et voient s'accroître le niveau de pauvreté extrême. On voit aussi une détérioration des conditions pour les femmes, alors qu'on observe une augmentation de la violence basée sur le genre dans ces pays en particulier et une montée de l'intolérance. On prévoit aussi que, d'ici 2050, les villes africaines, grandes et moins grandes, accueilleront près de 1 milliard de personnes de plus. Or, dans les villes, 74 % des femmes travaillent dans le secteur informel, sans aucune protection sociale ou presque.
Maintenant que je vous ai expliqué le contexte, j'aimerais vous faire part des trois recommandations que nous voulons soumettre au Comité.
La première recommandation est de maintenir le cap sur l'égalité des genres et la résilience climatique. Le CECI applaudit le fait que le Canada se soit positionné comme un chef de file en matière d'égalité des genres en Afrique. Nous pensons aussi que les efforts du Canada en matière de financement climatique sont louables, et nous recommandons que ces actions ciblées se consolident encore. Nous sommes convaincus que cela contribuera à un monde plus prospère et plus inclusif, et ce, de façon durable.
La deuxième recommandation est d'appuyer les populations des pays du Sahel central, soit le Mali, le Burkina Faso et le Tchad. Comme vous le savez, l'Afrique, y compris ces pays, souhaite se libérer de l'héritage colonial. En Afrique de l'Ouest, la tension est forte avec le gouvernement français, qui est fréquemment perçu par plusieurs comme le complice d'une élite politique corrompue et exploitant ses anciennes colonies. Alors que plusieurs pays prennent leur distance de la France, il est important que la Russie ou la Chine ne soient pas la seule solution de rechange pour les pays du Sahel central. Une troisième voie est nécessaire. Parmi d'autres pays, le Canada a un potentiel d'influence à moyen terme, et il faut le considérer. Pays bilingue faisant partie de la francophonie, le Canada a une image relativement positive auprès des populations, et il a le potentiel de contribuer à une sortie de crise. Il est donc vraiment important de maintenir une aide humanitaire et une aide au développement auprès des communautés des pays du Sahel central. Nous pensons qu'un retrait complet de l'aide du Canada limiterait son potentiel d'influence à moyen terme.
La troisième recommandation est d'avoir une identité canadienne plus forte dans les programmes géographiques bilatéraux avec chacun des pays que le Canada appuie. Nous soutenons les importantes contributions qu'apporte le Canada aux institutions multilatérales par l'entremise de la section de l'aide multilatérale d'Affaires mondiales Canada. Ces institutions jouent des rôles essentiels. Cependant, nous avons pour préoccupation que les programmes géographiques bilatéraux d'Affaires mondiales Canada utilisent trop ces agences multilatérales. Nous préconisons une plus grande utilisation des organisations canadiennes dans la livraison de l'aide bilatérale, ce qui amènerait, à notre avis, plusieurs avantages. Cela procurerait d'abord une plus grande valeur à chaque dollar investi et, surtout, cela assurerait une plus grande visibilité du Canada. Quand Affaires mondiales Canada finance le Programme des Nations unies pour le développement, par exemple, personne ne voit la contribution canadienne. Or, quand Affaires mondiales Canada finance une organisation canadienne, la visibilité canadienne est assurée. Le financement des agences des Nations unies se fait de façon assez facile et rapide par Affaires mondiales Canada, car il y a peu d'exigences de reddition de comptes. À l'inverse, le financement d'organisations canadiennes requiert de lourds et lents processus, qui mènent souvent Affaires mondiales Canada à privilégier l'option la plus simple, plutôt que de se baser sur une analyse de la valeur de l'argent investi et de considérer les bénéfices pour la visibilité du Canada. Nous recommandons donc d'examiner la possibilité de simplifier les processus dans le financement des organisations canadiennes en Afrique, en particulier pour les organisations qui ont démontré un niveau de risque fiduciaire faible et de bons résultats dans la livraison de programmes.
En conclusion, nous pensons que le Canada devrait anticiper la place importante de l'Afrique dans l'avenir du monde et profiter du capital de sympathie que lui accordent plusieurs pays. Il faut privilégier les liens avec les peuples de l'Afrique et entre les entreprises du Canada et celles des pays africains, et pas seulement les appuis gouvernementaux institutionnels. Les organisations canadiennes portent directement le drapeau canadien et travaillent souvent avec plus d'efficacité et plus d'efficience que les agences multilatérales.
Je tiens à souligner que ces recommandations visent avant tout à favoriser une meilleure réputation et une meilleure influence du Canada auprès des pays africains.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins.
Je poserai d'abord des questions à M. Harrington, de la Banque canadienne de grains. Par souci de transparence et aux fins du compte rendu, je précise que je suis un ancien défenseur de la Banque canadienne de grains et que j'étais un de ses employés avant d'être élu. Nous continuons à organiser un projet de culture sur notre ferme. Je connais donc bien le fonctionnement de l'organisation.
Je sais que les fonds, ainsi que ceux de quelque 200 autres projets de culture, sont souvent complétés à hauteur de quatre pour un dans le cadre des efforts humanitaires du Canada et de la Convention relative à l'assistance alimentaire. Je crois que la Banque canadienne de grains a reçu une autorisation, ou a signé un accord avec le ministère des Affaires mondiales, pour le renouvellement de la subvention globale de 25 millions de dollars.
Pouvez-vous me dire quand vous vous attendez à ce que le ministre signe l'accord? Un nouvel exercice financier a commencé et la signature devrait avoir lieu dans quelque temps, je l'espère. Que savez-vous à ce sujet?
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Merci, monsieur Epp. C'est un plaisir de vous voir.
Ce que je peux dire à propos de cette subvention, c'est qu'elle existe depuis des décennies, en fait, et qu'elle a été accordée par différents gouvernements du Canada. C'est un élément clé de l'engagement du Canada à l'égard de la Convention relative à l'assistance alimentaire. Elle s'élève à 25 millions de dollars par année.
Nous avons reçu une subvention entre 2021 et 2024. Elle est utilisée pour offrir de l'aide alimentaire humanitaire aux personnes dans le monde que l'on juge en situation d'insécurité alimentaire aiguë ou encore plus grave selon l'analyse du Cadre intégré de classification de la phase humanitaire de la sécurité alimentaire. Cette subvention a expiré le 31 mars. Avant cette date, nous avions passé un an à renégocier avec Affaires mondiales Canada dans le cadre d'un partenariat très étroit. Une évaluation externe s'est avérée très positive et nous nous sommes donc entendus sur tous les paramètres de la subvention. Je crois que le dossier a été transmis au aux fins d'approbation. Il lui a été transmis en octobre, je crois.
Entretemps, l'ancienne subvention a expiré. Nous avons des programmes permanents et essentiels dans des pays comme la Syrie, le Liban et la Somalie. Nous utilisons actuellement nos propres ressources en attendant que l'accord de subvention soit signé. Nous sommes sûrs qu'il le sera bientôt, mais nous voudrions que ce soit fait rapidement, car certains de ces besoins sont urgents.
Lorsque nous parlons de sécurité alimentaire, nous parlons des besoins fondamentaux. Lorsque nous parlons du besoin de nourriture et de l'importance de la nourriture dans ce contexte, ne pas avoir faim est un besoin humain fondamental. Lorsque la faim sévit, il en résulte des conflits. C'est ce que l'on peut constater dans le monde à l'heure actuelle. Si l'on considère la nécessité de l'alimentation, c'est essentiellement un élément constitutif non seulement du système international de sécurité alimentaire, mais aussi de l'humanité.
Lorsque nous pensons au soutien apporté à des pays comme le Soudan, par exemple, qui touche actuellement 18 millions d'habitants, nous constatons qu'il s'agit du pays dans le monde qui compte le plus grand nombre de personnes qui souffrent gravement de la faim. Le manque de nourriture provoque conflits, migrations et insécurité quant au bien-être des populations. La capacité à fournir de la nourriture, que ce soit par une aide d'urgence ou par des programmes de développement à long terme, ce que nous faisons dans de nombreuses régions du monde, est essentielle pour maintenir la paix et assurer la stabilité du système international.
Je pense que nous pouvons tous voir ce qui se passe. Je sais que nous parlons de l'Afrique ici aujourd'hui, mais nous pouvons le constater à Gaza. Nous pouvons le voir au Yémen. Nous le voyons partout dans le monde en ce moment. Le manque de nourriture provoque des conflits, de l'insécurité et des migrations. Malheureusement, dans certains endroits, il est presque utilisé comme une arme pour accroître l'instabilité. C'est pourquoi l'alimentation revêt une importance capitale, non seulement pour le développement, mais aussi pour la stabilité internationale. C'est entièrement lié aux éléments que sont la diplomatie, la défense, le développement et le commerce. Donc, si nous...
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C'est une excellente question.
Tout d'abord, je pense qu'il s'agit de simplifier le processus. Affaires mondiales Canada entreprend actuellement un processus de simplification du système de subventions et de contributions. Nous appuyons cette initiative. Le nombre d'obligations, de règles et de dispositions dans les accords quant à ce que chaque organisation de la société civile doit fournir pour effectuer ce travail est vraiment très élevé. Je sais que tout le monde en est conscient, et nous devons simplifier le processus.
Deuxièmement, je pense que nous devons réfléchir à la sécurité alimentaire dans un cadre élargi. Nous parlons d'assistance alimentaire et nous parlons de développement. Dans de nombreux endroits, nous apportons une aide d'urgence qui pourrait être transformée en aide à plus long terme si nous simplifiions les processus, en particulier au sein d'Affaires mondiales Canada. Ces processus sont souvent cloisonnés. Nous faisons de l'aide d'urgence ici. Nous nous occupons du développement à long terme ici. Dans de nombreux endroits, nous pourrions en fait passer de l'un à l'autre. Nous l'avons prouvé dans nos projets d'assistance humanitaire, de redressement et de développement.
Nous devons réfléchir, en fonction d'un cadre élargi, à la manière dont nous pouvons nous occuper du développement...
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C'est une excellente question.
Outre l'aspect technologique dont nous avons parlé, nous devons comprendre qu'il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire en ce qui a trait aux pratiques agricoles. La Banque canadienne de grains dispose d'une équipe de conseillers techniques en agriculture et en moyens de subsistance qui travaillent partout au Canada avec des partenaires locaux à des projets qui visent à établir des systèmes alimentaires résilients aux changements climatiques.
Je vais vous parler rapidement de deux choses.
Premièrement, notre programme Nature+ au Kenya, en Éthiopie, au Mozambique et aux frontières du Zimbabwe porte sur la reforestation, la mise en valeur des terres, la santé des sols, la fertilité des sols et la création de nouveaux marchés dans des zones qui étaient complètement dégradées.
Une partie de ces efforts ne consiste pas à recourir énormément à la technologie. Il s'agit en partie d'utiliser les connaissances locales, combinées aux connaissances dont nous disposons, afin de bâtir des systèmes alimentaires résilients qui produisent davantage, qui ont de meilleurs rendements et qui sont, en fait, meilleurs dans un contexte climatique. Notre programme d'agriculture de conservation constitue une autre version de cette approche.
Nous devons tenir compte du fait que les changements climatiques ont des conséquences considérables pour les Africains. Les gens sont chassés de leurs terres et il est donc très important que le Canada utilise son expertise de toutes les façons possibles afin de contribuer à la mise en place de systèmes alimentaires résilients aux changements climatiques qui permettront aux Africains de mieux résister aux situations d'urgence auxquelles ils sont actuellement confrontés.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence. L'échange que nous avons est vraiment passionnant, notamment en ce qui concerne le financement des organismes à l'échelle locale. Je vais y revenir. J'aimerais commencer par aborder une autre question.
Je pense qu'il n'y a pas lieu d'insister plus que vous ne l'avez fait, monsieur Dongier, sur l'importance de l'Afrique tant sur les plans démographique et économique que sur le plan de la francophonie, et sur le fait que le Canada s'y intéresse si mal. En effet, on ne sait pas trop quelle est sa vision pour la suite des choses. S'agira-t-il d'une stratégie, d'un cadre, d'une politique? Comme les fonctionnaires sont venus nous le dire il y a quelques jours, on ne sait plus trop comment appeler ce qu'on veut développer pour l'Afrique. Cela donne l'impression qu'on navigue un peu à vue.
Qui plus est, la question est de savoir de quel budget nous disposons pour mettre en œuvre une telle politique, un tel cadre, une telle stratégie ou on ne sait trop quoi. Nous constatons que, l'année dernière, le gouvernement fédéral a réduit sa contribution à l'aide publique au développement. C'était la toute première fois depuis des décennies qu'il le faisait. Nous sommes donc très loin de l'objectif de 0,7 %. Quand j'en ai parlé lundi dernier, alors que le ainsi que des fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada comparaissaient devant le Comité pour discuter des crédits budgétaires, on m'a dit que le Canada ne s'était jamais engagé à atteindre l'objectif de 0,7 % du PIB.
Ma question s'adresse d'abord à M. Dongier, puis à M. Côté.
Est-ce la compréhension que vous aviez, à savoir que le Canada ne se serait pas engagé à atteindre cet objectif de 0,7 %?
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Je pourrai vérifier l'information et vous répondre ultérieurement, mais, selon ce que je comprends, un engagement à cet égard a été pris il y a plus de 40 ou 50 ans.
Comme plusieurs personnes l'ont mentionné aujourd'hui et lors de plusieurs autres de vos réunions que j'ai pu suivre, il y a actuellement une occasion pour le Canada de jouir d'une influence plus grande dans l'avenir, en particulier en Afrique de l'Ouest. Il y a vraiment un vide en ce moment. Ces pays veulent continuer à avoir des relations avec des pays comme le Canada, mais, pour l'instant, c'est comme s'ils avaient seulement le choix entre la France et la Russie. J'exagère un peu, mais on retrouve quand même cette dynamique.
Ce serait donc le moment pour le Canada d'entrer en Afrique de façon beaucoup plus sérieuse, peut-être au moyen de ressources additionnelles, effectivement, et de devenir un acteur plus sérieux. Le Canada est très respecté et a le potentiel de jouer un rôle décisif dans une partie du monde qui, d'un côté, peut vraiment grandir, mais qui, de l'autre, peut aussi devenir instable. C'est une contribution majeure que le Canada pourrait et devrait apporter.
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Merci, monsieur Bergeron.
J'avais également compris que le Canada s'y était déjà engagé. Il faudrait cependant retrouver la source exacte, car je ne l'ai pas devant moi. Cela dit, nous travaillons effectivement en nous appuyant sur ce postulat depuis de nombreuses années.
Il peut arriver que certaines années budgétaires soient plus difficiles que d'autres. Cependant, lorsque la cible est atteinte à peu près à moitié après 50 ans, l'absence d'augmentation des budgets accordés à l'aide internationale ne peut pas être attribuable à une année budgétaire difficile. C'est qu'il y a quelque chose de problématique dans le système lui-même.
Je voudrais renforcer le message qu'on a passé à propos du financement des agences multilatérales et des organisations de la société civile. En regardant les chiffres, j'ai même observé une baisse du pourcentage qui a été accordé aux organisations de la société civile canadienne, ces dernières années, comparativement au pourcentage accordé aux agences multilatérales, par exemple. Il serait important de rétablir un peu l'équilibre entre les différents canaux de financement.
J'ajouterais que le Canada a développé un très beau volet de financement ces dernières années pour appuyer les petits et moyens organismes qui font de la coopération internationale. Ces derniers sont très nombreux au Canada et, souvent, parce que les appels à projets portent sur des montants très élevés, ils ne peuvent pas avoir accès à ces sources de financement. Ce projet est donc très important pour beaucoup de plus petits organismes au Canada. Nous espérons que ce programme sera pérennisé et renforcé. Une augmentation totale du budget permettrait aussi d'éviter certains arbitrages entre les différents canaux.
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C'est une excellente question.
En ce qui concerne les États fragilisés, nous parlons de certains des endroits du monde où il est le plus délicat de travailler. Ce sont aussi des endroits où nous devons continuellement retourner pour offrir de l'aide alimentaire. Je dirais qu'il y a trois aspects à considérer.
Tout d'abord, en plus de fournir de l'aide alimentaire ou des services d'urgence dans ces pays, nous devons y être présents. C'est là que la formule diplomatie, défense, développement et commerce entre en jeu selon moi. Nous, Canadiens, devons être présents afin de voir la transition s'opérer et assurer un développement suffisamment durable pour réduire les risques de catastrophe. Nous devons sans cesse retourner aux mêmes endroits pour apporter notre aide dans des situations d'urgence. Nous repartons, une nouvelle crise éclate et nous voilà de retour. Nous devons assurer une présence soutenue. Je pense que M. Côté l'a très bien exprimé. Nous devons également être présents par l'entremise de nos partenaires locaux qui sont vraiment au fait des circonstances qui prévalent dans leur pays.
C'est la première chose que je dirais. Il est primordial de s'éloigner des cloisonnements qui nous font passer d'une aide d'urgence concrète un jour à l'aide au développement l'année suivante pour plutôt combiner ces deux éléments.
Je pense aussi que l'on attribue de grandes quantités de ressources aux États fragilisés sans toutefois prendre le temps de vraiment réfléchir à la façon dont nous pouvons utiliser ces ressources intelligemment en travaillant avec des partenaires locaux. De nombreux citoyens de ces pays ont une résilience dont nous ne tenons pas toujours compte. Les contributions de grande envergure sont assorties de toutes sortes de clauses et de modalités. Il arrive que nous nous rendions compte en cours de route qu'il serait préférable de procéder différemment, mais il nous est impossible de changer le cours des choses du jour au lendemain parce que nous avons les mains liées par ces modalités. Dans le cadre de ce processus de soutien financier et de transformation, je dirais que la gestion fondée sur des données probantes est un élément clé.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
J'ai deux questions que je voudrais poser à nos trois témoins.
Vous comparaissez dans le cadre d'une étude sur l'approche du Canada à l'égard de l'Afrique. En outre, cette étude suit son cours parallèlement à la réflexion entreprise par le gouvernement du Canada quant à la meilleure façon de collaborer avec l'Afrique, et notamment avec l'Union africaine.
Premièrement, si vous étiez chargé d'élaborer une stratégie canadienne pour l'Afrique, comment la structureriez-vous, quelles seraient vos priorités dans le cadre de cette stratégie et quelles ressources, quels fonds y rattacheriez-vous?
Deuxièmement, la stratégie devrait-elle avoir une portée continentale ou plutôt établir une distinction entre l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne? Devrait‑on aller encore plus loin en se concentrant sur des sous-régions particulières de l'Afrique subsaharienne, que ce soit l'Afrique australe, l'Afrique de l'Est ou l'Afrique de l'Ouest?
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Merci. C'est une très bonne question.
Grâce au financement de la Fondation Bill et Melinda Gates, Crestview a publié il y a quelques années un excellent rapport intitulé Opportunity 2050. On peut y lire ceci:
Au cours des 30 prochaines années, l'aide internationale, la saine gouvernance, le commerce et les industries génératrices d'emplois pourraient ajouter plus de 15 billions de dollars au PIB de l'Afrique subsaharienne. Cela pourrait du même coup créer plus de 400 000 emplois et contribuer à l'économie canadienne jusqu'à hauteur de 2,7 billions de dollars au cours de la même période.
Je dirais d'abord et avant tout qu'il faut s'engager. Nous détournons le regard. Nous fermons les robinets. Nous devons renouveler notre engagement dans tous les domaines dont nous avons parlé — la défense, la diplomatie, le commerce et le développement.
N'oubliez pas que le développement est vraiment à la base de tout cela. Mes collègues ont parlé de tout l'argent qui passe par les Nations unies et d'autres organisations. Je me souviens de l'époque où je me rendais en Afrique et où je voyais des drapeaux canadiens flotter au‑dessus des sites de projets dirigés par de très petites et moyennes organisations.
Je dirais qu'il faut demeurer mobilisés. Il y a un contexte africain plus large, mais aussi des considérations régionales à prendre en compte. On ne peut pas voir l'Afrique comme une entité indivisible. Le Sahel est très différent de l'Afrique subsaharienne, qui elle-même ne ressemble en rien à l'Afrique du Nord, laquelle se démarque aussi nettement de l'Afrique australe. Il faut tenir compte du contexte régional.
Dans l'ensemble, notre engagement doit se situer à un niveau beaucoup plus élevé. Il faut vraiment voir cela comme quelque chose qui profiterait au Canada aussi bien qu'à l'Afrique.
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Merci, monsieur le président.
Je dirais que, compte tenu de la grande croissance de la population en Afrique, l'objectif premier devrait être de déterminer comment avoir une croissance rapide mais inclusive, pour que beaucoup de gens en profitent, et ce, de façon durable. Les PME composent maintenant 80 % de l'économie africaine. Or, l'accès à la finance et l'accès aux services d'appui à l'entreprise leur manquent. Il faudrait qu'il y ait des systèmes d'appui à la finance. Dans quelles industries devrions-nous nous concentrer? Il y a beaucoup d'industries, mais une industrie très porteuse pour l'Afrique est le secteur agroalimentaire. Il est très intensif en main-d'œuvre et il rejoint les besoins d'alimentation et de croissance économique. Nous avons parlé de biodiversité auparavant. Comment faire grandir le secteur agroalimentaire avec les PME de façon durable et de façon à instaurer une résilience au climat?
Ensuite, il faut déterminer dans quelle zone de l'Afrique nous avons un avantage. L'Afrique francophone est une zone où le Canada a manifestement un avantage particulier, en raison de ce qu'on a dit avant, c'est-à-dire que l'Afrique francophone change de partenaires et que le Canada a un rôle un peu spécial à jouer à cet égard. Nous pouvons bien sûr être actifs partout en Afrique, mais je dirais que l'Afrique francophone, celle de l'Ouest en particulier, est une zone où nous devrions nous concentrer.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
Je vais d'abord poser une question générale au sujet de l'aide au développement.
Il est important pour nous de situer certaines choses. Jusqu'à maintenant, notre gouvernement a été là pour soutenir le secteur. En même temps, il faut tenir compte de ce que disent les chefs des autres formations politiques. Par exemple, le chef de l'opposition officielle promet de faire des coupes dans l'aide au développement international.
[Traduction]
Si un gouvernement du Canada — pas le nôtre qui a toujours contribué au développement international — choisissait de réduire son aide, comme certains ont promis de le faire, quelles seraient les répercussions sur le secteur?
J'aimerais donner la parole à tous les témoins.
Vous pouvez me répondre d'une manière générale. C'est une question théorique.
:
Permettez-moi d'essayer de répondre à cette question.
En tant qu'organisation, nous sommes non partisans. Depuis des décennies, nous travaillons avec des gouvernements de différentes allégeances. Je pense que nous avons déjà discuté aujourd'hui de cette cible de 0,7 % que nous n'atteignons pas en matière d'aide publique au développement. Le montant de notre aide a fluctué selon le gouvernement au pouvoir. À l'heure actuelle, tout dépend des chiffres que vous utilisez, mais nous en sommes à un peu plus de 0,3 %.
Si nous voyions cette proportion diminuer encore plus, nous constaterions des conséquences très importantes sur trois plans: premièrement, pour les personnes avec lesquelles nous travaillons dans les contextes les plus fragiles; deuxièmement, pour l'engagement canadien et le désir d'apporter sa contribution partout dans le monde; et troisièmement, pour l'écosystème des agences de développement elles-mêmes. On ne peut pas juste décider d'augmenter la cadence. Si nous voulions l'année prochaine en faire davantage, nous ne pourrions pas simplement aller de l'avant et déployer nos équipes. Nous devrions prendre conscience du fait que notre secteur n'a ni les capacités ni l'expertise voulues.
Je pense que cela aurait des conséquences assez dramatiques.
:
Merci, monsieur le président.
Compte tenu du peu de temps qu'il me reste, je n'insisterai pas davantage sur le sujet dont il était question précédemment, à savoir le financement des petites et moyennes organisations en développement international, qui sont souvent davantage ancrées sur le terrain que ne le sont les grandes organisations. Comme l'évoquait Mme McPherson, nous devons avoir un meilleur équilibre dans le financement accordé aux organisations multilatérales, qui demeurent importantes, aux grandes organisations et aux petites et moyennes organisations.
Monsieur Côté, j'aimerais revenir sur la partie de votre présentation où vous demandiez que soit adoptée rapidement une loi sur la diligence des entreprises en matière de droits de la personne et de l'environnement, afin que l'ombudsman de la responsabilité des entreprises puisse jouir de véritables pouvoirs d'enquête.
Diriez-vous que l'adoption du projet de loi sur le travail forcé et le travail des enfants, qui requiert seulement des déclarations volontaires de la part des entreprises, ou que la mise en place de cet ombudsman avaient simplement pour but de se donner bonne conscience?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Côté, j'ai déposé le projet de loi , qui donnerait à l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises les outils qui nous ont été promis il y a de nombreuses années déjà. J'inviterais donc tous ceux qui ont à coeur de permettre à l'ombudsman de mieux remplir son rôle à examiner de plus près le projet de loi C‑263.
Je dois cependant dire que je ressens une certaine frustration. J'ai bien écouté l'information que vous nous transmettez, monsieur Côté.
J'ai aussi entendu vos commentaires, monsieur Harrington, au sujet de la complexité des choses à Affaires mondiales. Il y a environ sept ans, j'ai été membre du Groupe d'action pour une efficacité améliorée, et nous avions ces mêmes conversations. Nous discutions des motifs qui devraient nous inciter à corriger ces lacunes que nous cherchons encore à corriger aujourd'hui.
Selon vous, qu'est‑ce qui nous empêche d'y arriver? Pourquoi ces choses sont-elles si difficiles à régler pour les gouvernements?
Monsieur Harrington, je vais commencer par vous.
:
Je vous souhaite à nouveau la bienvenue.
Nous reprenons la séance. Nous allons entendre le deuxième groupe de témoins d'aujourd'hui.
Je souhaite la bienvenue à M. Jason Nickerson, qui représente Médecins Sans Frontières au Canada.
Nous accueillons aussi Marie‑Pierre Nogarède, directrice générale adjointe; et Maxime Allard, directeur du Programme de coopération volontaire de la Fondation Paul Gérin‑Lajoie.
Enfin, nous accueillons Catriona Addleton, directrice des programmes internationaux d'Islamic Relief Canada, qui se joint à nous par vidéoconférence.
Vous disposerez chacun de cinq minutes pour présenter votre exposé.
Nous accusons beaucoup de retard, donc je serai intransigeant cette fois‑ci pour que tout le monde respecte son temps de parole. Les limites de temps s'appliquent non seulement à vos exposés, mais aussi aux réponses que vous donnez aux questions des députés.
Après toutes ces explications, nous allons commencer par M. Nickerson.
Vous avez cinq minutes pour présenter votre exposé.
Médecins Sans Frontières, ou Doctors Without Borders, est une organisation humanitaire médicale internationale qui donne des soins médicaux aux gens touchés par des conflits armés, des catastrophes naturelles, des déplacements forcés et de la négligence. Nous menons des interventions médicales d'urgence dans plus de 70 pays où le système de santé est perturbé et où les autorités locales et d'autres fournisseurs de soins ne répondent pas ou ne peuvent pas répondre aux besoins urgents.
Des pays où nous travaillons de nos jours, 35 sont situés en Afrique, ce qui représente plus de la moitié de nos activités et de nos dépenses, pour un total de 1,15 milliard de dollars. En tout, 8 de nos 10 principaux programmes par pays sont déployés dans des pays africains.
Chacun de ces pays, et le travail que nous y effectuons est complexe et se caractérise par une grande diversité, donc je tiens à parler durant mon exposé de ce dont nos équipes sont témoins de nos jours dans deux pays en particulier: le Soudan et la République démocratique du Congo.
Nous sommes présents au Soudan depuis 1979 et nous prodiguons des soins médicaux, faisons des chirurgies et donnons des soins primaires à des patients externes dans 11 États. En ce moment, plus de 10 millions de Soudanais sont déplacés, à cause du conflit qui a éclaté en avril 2023. Plus de 1,7 million de personnes ont franchi la frontière pour se rendre dans des pays voisins, comme le Tchad, la République centrafricaine et le Soudan du Sud. Nous menons de vastes programmes médicaux d'urgence dans chacun de ces pays et y avons beaucoup intensifié nos activités.
Depuis des mois, nous sonnons l'alarme quant à la situation humanitaire qui se détériore au Soudan et à la réponse qui se situe bien en deçà des normes d'urgence. Cette période a été marquée par les obstructions administratives des parties au conflit, qui refusent aux organisations humanitaires les visas nécessaires, les autorisations de voyage, les permissions d'acheminer des fournitures et d'aller à la rencontre des populations touchées.
Les conséquences sont bien réelles. La semaine dernière, nous avons publié un communiqué de presse où nous soulignons les résultats des dépistages de malnutrition menés par nos équipes dans le camp Zamzam, dans le Nord du Darfour, au Soudan. Les résultats effarants montrent que 30 % des 46 000 enfants que nos équipes ont évalués souffrent de malnutrition aiguë, et que 33 % des 16 000 femmes enceintes et allaitantes évaluées souffrent de dénutrition aiguë.
Tout cela sur fond de conflit violent, si bien que nos équipes traitent des centaines de patients blessés à cause du conflit, y compris des enfants, alors que nous demandons le renforcement urgent de la réponse humanitaire. Nous demandons que les parties en conflit assurent la protection des civils, des travailleurs humanitaires et de l'infrastructure de santé. Nous demandons aussi que des pays comme le Canada mettent à profit toute leur influence diplomatique pour garantir cette protection.
Dans l'Est de la RDC, nous répondons à une gigantesque crise humanitaire, dans la foulée de la reprise des combats en 2022, qui ont causé le déplacement de 1,6 million de personnes, dans un conflit qui est largement négligé et où la violence contre les civils est endémique. Par exemple, seulement en 2023, nous avons donné des soins dans nos cliniques à 20 556 survivants de violence sexuelle dans le Nord‑Kivu, et nous savons que cela ne représente qu'une fraction des besoins.
Néanmoins, la réponse humanitaire générale à la crise est extrêmement inadéquate, c'est pourquoi nous ne cessons de réclamer une aide humanitaire accrue. Nous demandons au Canada, en particulier, de renforcer son aide humanitaire et de mettre à profit tous ses leviers diplomatiques pour trouver des solutions à cette crise.
Le Canada est un donateur humanitaire respecté qui agit selon des principes et qui fait la distinction entre l'aide humanitaire et la politique. Cette distinction est importante, mais je tiens aussi à souligner que la résolution des conflits n'est pas de la responsabilité des organisations humanitaires; c'est la responsabilité des États. Nous aimerions que le Canada fasse plus clairement usage de diplomatie et s'engage dans les États fragiles touchés par des conflits, y compris les pays africains.
En terminant, je tiens à mentionner que comme organisation humanitaire médicale, nous demeurons extrêmement préoccupés par le manque d'accès de nos équipes et de nos patients aux médicaments essentiels, qui après la pandémie de COVID‑19 sont devenus un enjeu explosif de santé publique, de droits de la personne et de commerce international. Bien des pays africains ont été privés d'un accès opportun aux vaccins et aux médicaments thérapeutiques. Malheureusement, ce n'est pas inhabituel pour le marché de fonctionner ainsi, mais nous pouvons tirer des leçons de cette expérience pour orienter la stratégie du Canada en matière de recherche médicale et de développement.
Par exemple, de 2018 à 2020, la RDC a connu la deuxième éclosion d'Ebola en importance de l'histoire, et elle s'est produite en même temps qu'un conflit armé violent de longue date. À l'époque, il n'y avait qu'un vaccin expérimental, élaboré par le Laboratoire national de microbiologie du Canada, mais son développement a finalement été interrompu pendant des années, parce que le Canada a octroyé le brevet à une société pharmaceutique qui n'a pas jugé bon de poursuivre le projet. Il n'existait aucun traitement approuvé.
De nos jours, il existe des vaccins et des traitements contre le virus Ebola. Toutefois, les vaccins, bien qu'ils soient très efficaces, sont les plus dispendieux au monde, et nous signalons dans un rapport récent que nous avons beaucoup de mal à accéder aux deux traitements qui existent contre le virus Ebola.
Le Canada fait du bon travail dans ce domaine, mais il doit adopter une approche différente en matière d'innovation et d'octroi de brevets pour garantir que l'accès aux médicaments et l'abordabilité dans des endroits comme plusieurs pays africains soient mis en priorité.
Je vous remercie de mener cette étude. C'est avec grand plaisir que je répondrai à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Chers membres du Comité, je suis honorée de me présenter devant vous, aujourd'hui, au nom de la Fondation Paul Gérin‑Lajoie pour discuter de l'approche du Canada à l'égard de l'Afrique. Je salue l'initiative du Comité d'étudier ce thème, particulièrement dans le contexte actuel de multiplication des crises.
Depuis 47 ans, la Fondation Paul Gérin‑Lajoie favorise l'accès à une éducation équitable de qualité tout au long de la vie, garantissant à chaque personne les moyens de façonner son avenir et celui de nos sociétés, en particulier en Afrique francophone. Grâce à La Dictée PGL, qui a mobilisé 15 millions d'élèves et leurs parents depuis plus de 30 ans, nous contribuons également à la sensibilisation du public aux efforts du Canada en matière d'aide internationale.
Les messages que nous voulons que vous reteniez, aujourd'hui, sont les suivants.
L'éducation est le levier le plus puissant pour le développement et la stabilité grâce à son pouvoir transformateur sur les individus et les sociétés; le Canada devrait investir, à hauteur de 0,7 % de son revenu national brut, dans l'aide publique au développement, dont au moins 10 % en éducation; et la stratégie du Canada en Afrique devrait accorder une place prépondérante à l'éducation, notamment à cause de la composition sociodémographique de sa population.
Premièrement, nous croyons que l'éducation est l'outil le plus puissant pour maximiser les retombées des investissements du Canada sur le continent africain. Nous croyons que l'éducation a le pouvoir de provoquer le changement et de mener à des sociétés plus résilientes, équitables, pacifiques et prospères.
Permettez-moi de vous donner un exemple concret.
À la suite de la Déclaration de Charlevoix sur l'éducation de qualité pour les filles, les adolescentes et les femmes dans les pays en développement, lors du G7 de 2018, la Fondation Paul Gérin‑Lajoie, en consortium avec le Centre d'étude de coopération internationale, ou CECI, et en partenariat avec des organisations locales, a mis en œuvre un projet d'éducation et de formation professionnelle dans la région des Grands Lacs. Grâce au financement d'Affaires mondiales Canada, des milliers de filles et d'adolescentes déscolarisées, incluant des réfugiées, ont intégré le système scolaire et le marché du travail. Grâce au projet, elles étudient dans des écoles mieux adaptées et sécurisées, où l'enseignement est de meilleure qualité et est dispensé selon une pédagogie sensible au genre et aux conflits. Nous constatons une amélioration du climat social dans les communautés où les populations réfugiées et d'accueil cohabitent de façon plus harmonieuse, et où des entreprises privées sont créées collectivement par les deux communautés.
Deuxièmement, historiquement, les engagements du Canada, notamment par l'entremise de sa Politique d'aide internationale féministe, l'ont positionné comme un chef de file respecté sur le plan des droits des femmes partout au monde. Cependant, nous reconnaissons que la présence du Canada en Afrique est encore insuffisante. Avec une moyenne d'environ 0,23 % dans les dernières années, l'aide publique au développement canadienne reste bien en deçà de l'objectif de 0,7 % du revenu national brut, ou RNB, fixé par les Nations unies. Comme mon collègue Denis Côté l'a aussi mentionné tout à l'heure, d'autres pays atteignent leur objectif en matière d'aide publique au développement.
De plus, depuis plusieurs années, le gouvernement canadien investit environ 10 % de son aide publique au développement en éducation, ce qui, selon nous, doit absolument être maintenu et, idéalement, augmenté, pour un secteur aussi primordial. Il est crucial d'atteindre ces objectifs pour repositionner le Canada comme chef de file en matière de solidarité internationale et d'éducation. C'est également important d'un point de vue stratégique pour les intérêts canadiens sur les plans économique, sécuritaire et humanitaire.
Troisièmement, l'Afrique subsaharienne a la main-d'œuvre la plus jeune au monde, et celle-ci sera la plus nombreuse en 2050. Pourtant, la région a également les taux les plus élevés d'exclusion de l'éducation. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, ou UNESCO, 60 % des jeunes âgés de 15 à 17 ans n'y sont pas scolarisés. Ce grave manque d'accès à l'éducation freine le potentiel de développement économique du continent africain et le rend encore plus vulnérable aux conflits, aux instabilités politiques et aux conséquences des changements climatiques.
La population africaine façonnera l'avenir, et l'influence de ce continent sera de plus en plus importante dans différents enjeux mondiaux. Le Canada, avec ses modèles éducatifs réputés et prisés à l'échelle mondiale, a historiquement joué un rôle de chef de file en matière d'éducation en Afrique. Dans ce contexte d'explosion démographique, il est crucial que le Canada se réapproprie ce rôle en renouvelant et en multipliant les financements en éducation dans les pays africains.
En conclusion, accorder la priorité à l'éducation garantit une meilleure utilisation des ressources et maximise les retombées des investissements canadiens, publics ou privés, en Afrique.
Nous réaffirmons la nécessité d'investir davantage dans l'aide publique au développement, tout en maintenant ou en augmentant la part consacrée à l'éducation. En effet, le Canada doit renforcer son appui au continent africain, particulièrement dans le domaine de l'éducation, pour lui permettre d'assurer son développement et sa stabilité.
Nous vous remercions de votre attention.
Merci de m'avoir invitée à représenter Islamic Relief Canada et à prendre part aux discussions sur l'Afrique que tient le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
Islamic Relief est née en Afrique de l'Est, en réaction à la famine de 1984. Depuis 40 ans, nous poursuivons notre travail en Afrique et y mettons en oeuvre des programmes humanitaires et de développement, surtout dans les régions les plus éloignées et les moins bien servies. L'Afrique est un continent immense et d'une grande diversité, confrontée à de nombreuses difficultés, mais qui présente aussi des occasions à saisir.
J'aimerais prendre le temps qui m'est imparti pour vous parler d'une stratégie dans laquelle le Canada peut investir, étant donné que bien des difficultés sont exacerbées par la crise climatique, les conflits qui s'aggravent et qui perdurent et une croissance économique variée, entre autres. Nous devons appliquer une stratégie holistique qui reste axée sur le renforcement de la résilience et qui aide les collectivités à élaborer et à mettre en œuvre des politiques locales, inclusives et durables.
Cela étant dit, j'aimerais vous présenter une brève anecdote.
Durant une visite à nos installations au Mali, j'ai été frappé par une remarque très simple. Plusieurs personnes m'ont dit: « nos collectivités ne différencient pas les besoins selon le type de réponse à privilégier, comme les urgences, le développement et la consolidation de la paix. Nous pensons qu'il faut répondre à tous ces besoins. »
Ce sentiment illustre le besoin d'appliquer une approche holistique, qu'on appelle aussi l'approche « triple nexus », surtout dans le contexte des investissements du gouvernement du Canada. Il faut notamment réduire au minimum la rigidité des modalités de financement. J'aimerais vous présenter deux exemples qui montrent le genre d'incidence que peut avoir une stratégie holistique.
Au Kenya, nous avons mis en place un programme triple nexus de petite taille, à l'aide du financement de l'Agence suédoise de coopération internationale pour le développement. Ce programme visait à apaiser les tensions liées aux conflits pour les ressources et à élaborer des plateformes de dialogue, dont des comités pour la paix, ainsi qu'à mener des activités de subsistance et d'aide pour gérer les ressources naturelles. Grâce à nos efforts, la prévalence et la récurrence des conflits entre les communautés ont diminué. Le comité pour la paix a établi un système d'alerte rapide en cas de conflit, des biens pillés ont été rendus à leurs propriétaires et la communication entre les communautés a été renforcée.
Dans un autre exemple, au Soudan du Sud, nous mettons en oeuvre un programme transformateur pluriannuel qui vise à promouvoir l'égalité des genres, à favoriser la paix et à concevoir des moyens de subsistance résilients. À l'aide de diverses initiatives d'assainissement de l'eau, de renforcement de la paix dans les collectivités, d'amélioration des moyens de subsistance et de mentorat, le programme génère des résultats positifs. Un titulaire de droits ou un bénéficiaire a dit: « Grâce à la paix, nous pouvons faire des progrès dans tous les secteurs de notre communauté. »
La phase un produit des résultats épatants, dont l'augmentation de plus de 200 % des revenus annuels des familles ciblées, l'augmentation de 49 % des actifs productifs appartenant à des femmes, l'augmentation de 44 % du nombre de titulaires de droits pouvant discuter de sujets liés à la paix et une réduction de 8 % du nombre de conflits durant la mise en œuvre du projet.
Ces résultats montrent la puissance de programmes bien intégrés axés sur la dignité humaine, qui offrent des outils essentiels, une façon tangible de se sortir de la pauvreté et un environnement favorable à la participation inclusive et à la prospérité.
Dans cette optique, nous recommandons tout d'abord que le gouvernement accroisse son financement à l'Afrique. Compte tenu de l'augmentation de la prévalence des catastrophes et de facteurs aggravants comme les crises qui perdurent dans le temps, il est impératif que le Canada déploie davantage d'efforts de financement.
Deuxièmement, dans le cadre de l'augmentation du financement, nous recommandons que le Canada investisse de manière considérable dans la stratégie triple nexus, soit dans l'imbrication de l'aide humanitaire, du développement et de la consolidation de la paix. Nous savons que le développement durable dépend de la paix, et les résultats sont encore meilleurs quand on déploie des efforts sur les trois fronts de manière bien coordonnée.
L'approche triple nexus est recommandée dans de nombreuses évaluations des programmes que le Canada déploie dans des pays comme l'Éthiopie et la RDC, donc il est temps de redoubler d'efforts dans la stratégie triple nexus. Il faudra également améliorer les liens intergouvernementaux pour intégrer le programme triple nexus. Je répète qu'il faudra pour cela faire preuve de moins de rigidité dans les modalités de financement.
Enfin, nous recommandons que le Canada maintienne son attention sur l'amélioration de la gouvernance, surtout celle des autorités locales et des sociétés civiles, dans le cadre de l'approche triple nexus. Cela exige indirectement l'élaboration de voies vers la localisation et met en valeur les relations entre l'État et la société. Par le fait même, le gouvernement doit favoriser les solutions locales aux défis humanitaires et du développement.
Nous croyons fermement que la stratégie du Canada pour l'Afrique doit s'assortir d'un financement accru, miser sur des programmes transformateurs holistiques qui répondent aux besoins interreliés des collectivités et contribuer à une Afrique prospère.
Merci du temps que vous m'avez accordé.
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Merci, monsieur le président.
Je vais partager mon temps avec ma collègue, Mme Vandenbeld.
Dans les deux minutes dont je dispose, j'aimerais parler du Soudan. Monsieur Nickerson, vous avez mentionné qu'il faut miser sur une approche pangouvernementale, utiliser une gamme complète d'outils diplomatiques.
Tout d'abord, je suis sûr que vous savez très bien que notre gouvernement a donné 132 millions de dollars en aide au Soudan et 142 millions de dollars à la République démocratique du Congo. Nous sommes là, mais je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il y a toujours beaucoup plus à faire, et je respecte pleinement le travail que vous et votre organisation accomplissez au Soudan.
Dans les circonstances actuelles, nous avons aussi un programme pour ceux qui fuient la violence au Soudan. Nous accueillerons ainsi 3 250 demandes de personnes qui cherchent refuge au Canada.
En ce qui concerne les outils diplomatiques, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le Soudan, en une minute?
Je sais que nous avons très peu de temps.
D'après ce que nous entendons, il y a deux choses. Il y a la hauteur du financement, mais il y a aussi la souplesse, l'agilité, la fausse dichotomie entre le développement et l'aide humanitaire, l'imbrication de l'aide humanitaire, du développement et de la paix.
Depuis 2015, le Canada a augmenté son aide publique au développement de 54 %, et nous nous sommes engagés à continuer sur cette voie jusqu'en 2030. Dans le dernier budget, nous avons annoncé l'injection de 350 millions de dollars supplémentaires exclusivement pour les crises humanitaires.
Je suis très heureuse, monsieur Nickerson, que vous mentionniez la République démocratique du Congo. Le ministre et moi sommes tous deux allés en RDC au cours des quatre derniers mois. Comme on l'a mentionné, nous avons augmenté notre contribution de 142 millions de dollars là‑bas, tout comme nous avons augmenté le financement destiné au Soudan.
Pourriez-vous me dire très rapidement ce que nous pouvons faire, au‑delà du financement à proprement parler, pour le rendre plus souple, plus prévisible et plus durable, afin que nous puissions être plus efficaces lorsque nous devons changer de cap et qu'un problème de développement devient une crise humanitaire et vice versa?
Tout à l'heure, je rappelais le fait qu'on a évoqué l'importance qu'aura l'Afrique au cours des prochaines décennies pour ce qui est de la démographie de l'économie et de la Francophonie. On a souvent tendance à se conforter en se disant que le français est la langue qui connaîtra la plus grande croissance au cours des prochaines décennies grâce à l'Afrique.
Vous avez évoqué le fait que Jean‑Louis Roy, la semaine dernière, nous a rappelé que ce n'était pas une évidence et que, pour que le français continue de progresser en Afrique, il faudra effectivement faire en sorte d'enseigner le français à ces millions d'enfants qui s'assoiront sur les bancs d'école.
Encore faudra-t-il qu'il y ait des écoles et qu'il y ait de l'enseignement du français dans ces écoles. En effet, si on n'enseigne pas le français dans les écoles en Afrique, ces jeunes parleront certainement le wolof ou le swahili, mais ne parleront probablement pas le français.
Il y a donc un effort à faire, et, comme l'évoquait à juste titre l'un des témoins précédents, la France est un peu disqualifiée dans plusieurs pays francophones en Afrique.
Le Canada est-il en train de manquer le bateau quant à l'importance qu'il doit accorder à l'éducation, particulièrement en français, en Afrique?
:
En ce qui a trait au fait français, il est certain que le Canada a un avantage grâce à son bilinguisme et à sa présence à l'Organisation internationale de la Francophonie, ou OIF.
À la Fondation Paul Gérin‑Lajoie, nous travaillons avec l'OIF dans certains programmes, notamment dans le secteur éducatif. Il faut se rappeler que, pour la plupart des gens qui vont à l'école en français, le français est leur langue seconde. On travaille à assurer une transition harmonieuse entre la langue maternelle et la langue française, notamment au moyen de cours dans la langue maternelle des élèves au début. Quand on commence par la langue française, il y a souvent une perte d'apprentissage qui se fait en tout bas âge et qui est difficile à rattraper.
Cela étant dit, le Canada devrait-il se positionner un peu plus? Probablement. Nous en avons l'occasion en raison de la réputation de la France en ce moment, notamment en Afrique de l'Ouest. De plus, le Canada a la réputation d'être très bienveillant dans les pays d'Afrique francophones, en général, et d'Afrique de l'Ouest, en particulier.
Il y a donc probablement une occasion en ce sens.
:
Oui, je dirai deux ou trois choses là‑dessus.
Premièrement, je pense que nous avons les mécanismes en place, juridiquement, pour attester du fait que les humanitaires bénéficient de certaines protections en vertu du droit humanitaire international. Je ne pense pas qu'on ait forcément besoin de nouvelles lois. Il suffit d'assurer le respect des protections existantes.
Le Canada dénonce haut et fort les attaques perpétrées contre des travailleurs humanitaires. C'est bien. Cela aide à établir un genre de cadre normatif et les attentes. C'est utile, mais encore là, cela nous ramène à la diplomatie et à la nécessité de communiquer clairement aux parties aux conflits les attentes de la communauté internationale par des moyens diplomatiques. Encore là, c'est un peu en dehors de notre champ de compétences, mais nous nous attendons à ce que le droit humanitaire international et des textes comme les Conventions de Genève soient considérés comme dans le bien commun et à ce qu'on fasse activement la promotion des protections accordées aux humanitaires. C'est ainsi que nous pourrons rester en sécurité. C'est le cadre dont dépend notre protection dans des circonstances très difficiles.
Je pense que le Canada doit continuer d'en faire la promotion sur diverses tribunes, y compris par la voix de la présidence du Groupe des amis de la Résolution 2286, qui est une résolution sans équivoque du Conseil de sécurité des Nations unies à ce sujet, soit sur la protection de la mission médicale dans les conflits armés, et qu'il doit continuer de s'en faire le défenseur.
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Je commencerais par dire qu'il est essentiel de continuer de financer des interventions médicales et psychosociales complètes contre la violence sexuelle et sexiste.
Notre rôle, en tant qu'organisation médicale et humanitaire, est d'offrir des soins de la qualité visée là où nous travaillons. Nous sommes en mesure de fournir un ensemble complet d'interventions médicales, de services psychologiques et d'autres choses. Je dirais que l'une des choses à prendre en considération, c'est la difficulté d'assurer la protection voulue pour prévenir la violence sexuelle et fondée sur le sexe et qu'il faut y accorder beaucoup plus d'attention.
Nous nous heurtons constamment aux mêmes difficultés lorsque nos interventions se terminent. Les gens ont encore besoin d'avoir accès à un refuge sûr, à de l'aide juridique et ainsi de suite. En général, à bien des nombreux endroits, il est préférable que ces services soient fournis par des organisations locales. Il y a un certain nombre d'organisations féministes locales qui offrent des refuges sûrs, qui fournissent des services de protection et ainsi de suite, afin que les victimes ne retournent pas ensuite dans la collectivité où vit leur agresseur, par exemple.
Je pense qu'il s'agit clairement d'une chose que les organisations locales apportent que les organisations internationales, non gouvernementales et humanitaires ne peuvent pas apporter parce qu'elles ne sont tout simplement pas bien adaptées pour cela. Les organisations locales ont nettement des liens plus étroits avec les services de protection, de soutien et ainsi de suite.