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Publications de la Chambre

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44e LÉGISLATURE, 1re SESSION

HANSARD RÉVISÉ • No 157

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 9 février 2023




Emblème de la Chambre des communes

Débats de la Chambre des communes

Volume 151
No 157
1re SESSION
44e LÉGISLATURE

COMPTE RENDU OFFICIEL (HANSARD)

Le jeudi 9 février 2023

Présidence de l'honorable Anthony Rota


    La séance est ouverte à 10 heures.

Prière



Affaires courantes

[Affaires courantes]

(1005)

[Traduction]

Les comités de la Chambre

Commerce international

    Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le quatrième rapport du Comité permanent du commerce international concernant la motion adoptée le jeudi 2 février 2023, relative à l'interdiction de l'importation de biens liés au recours au travail forcé et à l'élaboration d'une stratégie connexe.

Le Code criminel

    Monsieur le Président, comme toujours, c'est un honneur de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui au nom des habitants de Kamloops—Thompson—Cariboo et de l'ensemble des Canadiens. C'est également un honneur d'être ici pour déposer mon quatrième projet de loi d'initiative parlementaire à la Chambre.
    Ce projet de loi vise à régler un problème grave lié à la réforme du système de mise en liberté sous caution. Il vise les personnes qui sont présumées avoir été en possession d'une arme à feu lors d'une infraction grave liée aux armes à feu alors qu'elles étaient sous le coup d'une interdiction de posséder des armes à feu. Si ce projet de loi est adopté, il alourdira le fardeau incombant à ces personnes pour obtenir une mise en liberté sous caution.
    Je presse le Parlement d'adopter ce projet de loi sans délai.

     (Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

Pétitions

Les aînés

    Monsieur le Président, le régime fiscal actuel donne aux couples âgés de nombreuses façons de réduire leurs impôts, tandis que les personnes vivant seules n’en ont aucune. Les couples âgés peuvent fractionner leurs revenus de pensions, ce qui leur permet de payer moins d'impôts, d'être admissibles au crédit d’impôt en raison de l'âge et de n'avoir à rembourser qu'une petite partie de leurs prestations de la Sécurité de la vieillesse sinon rien du tout.
    Les soussignés, les célibataires et autres citoyens du Canada, prient le gouvernement du Canada d’offrir des avantages fiscaux aux aînés seuls comparables à ceux offerts aux couples d’aînés, notamment en offrant aux aînés seuls une réduction de 30 % de leurs revenus imposables, et en permettant aux aînés seuls de transférer tout solde de leurs REER, de leur FERR ou de leur CELI au moment de leur décès dans les REER, le FERR ou le CELI du bénéficiaire de leur choix.

La mousse de polystyrène

    Monsieur le Président, j'ai une pétition signée par une soixantaine d'habitants de Powell River, qui sont très préoccupés par la mousse en provenance des infrastructures maritimes, car elle est une source croissante de pollution sur les plages du Canada.
    Comme il est impossible de nettoyer complètement le littoral et d'éliminer toute la mousse de polystyrène après qu'elle se soit défaite, la mousse en provenance des infrastructures marines endommagées, qu'elle ait été enveloppée ou non, risque fortement de pénétrer dans le milieu marin. Les pétitionnaires demandent donc au gouvernement du Canada d'interdire l'utilisation de la mousse de polystyrène en milieu marin.

Questions au Feuilleton

    Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.
    D'accord?
    Des voix: D'accord.

Ordres émanant du gouvernement

[Travaux des subsides]

[Français]

Travaux des subsides

Motion de l'opposition — L'utilisation de la disposition de dérogation

    Que la Chambre rappelle au gouvernement qu'il revient au Québec et aux provinces de décider seuls de l'utilisation de la disposition de dérogation.
    — Monsieur le Président, je vous exclurai du raisonnement, soyez-en assuré, mais j'ai l'impression que le Québec n'a pas beaucoup d'amis à la Chambre. Cette situation est particulièrement mise en lumière par ce qui, le mot paraîtra dur, fait figure de descente aux enfers du gouvernement libéral. Il en est, pour l'essentiel, le seul responsable, et il est utile dans ce contexte de revisiter un peu ce qui, encore une fois le mot paraîtra dur, fait figure de bêtisier récent. Je vous laisserai être juge de tout cela. Parlant de juge, on devra encore une fois se référer à la Cour suprême du Canada dans ce dossier-ci.
    Faisons une petite liste. Projet de loi C-21 sur le contrôle des armes à feu: recul maladroit, débandade dans le désordre, repli tout sauf stratégique, sans même l'admission d'une erreur qui est implicite et sans la considération admise qu'en effet, il fallait, outre la sécurité des civils et des femmes, préserver les privilèges légitimes des gens qui pratiquent la chasse sportive.
    Prenons l'exemple de la carte électorale. Je me souviens d'être passé en Gaspésie l'été dernier, à peine quelques jours après le premier ministre, au moment où la première nouvelle mouture de la carte électorale avait été considérée et que la circonscription de ma collègue d'Avignon—La Mitis—Matane—Matapédia disparaissait. Le premier ministre s'était présenté dans la région et n'avait pas dit un traître mot sur le fait qu'on affaiblissait les régions du Québec. Il y aurait peut-être même une menace à l'égard de la volonté exprimée par la députée de Gaspésie—Les Îles-de-la-Madeleine de préserver le dossier. Or pas un mot de la part du premier ministre; encore cette fois-ci, le gouvernement abandonne essentiellement sa députée ministre.
     Il y a Medicago, une entreprise, un fleuron technologique de recherche qui, par une espèce de négligence perpétuée dans le temps et des interventions souvent trop tardives, risque de voir le résultat du génie québécois s'en aller au Japon, sauf bonne foi de Mitsubishi, avec ce qui, de facto, sera une perte majeure pour l'État québécois et l'État canadien.
    Il y a l'acquisition de Produits forestiers Résolu par Paper Excellence, qui appartient à Sinar Mas. Cela représente 25 % des droits de coupe de forêts publiques au Québec et cela ne se qualifie pas dans le nouveau projet de loi C‑34, qui ne protégerait même pas cela. Mon Dieu, si on ne protège pas cela, qu'est-ce qu'on protégera avec le projet de loi C‑34?
    Il y a évidemment les transferts en santé. C'est vraiment un truc fort intéressant. Ici, entre tous, nous verrons qu'il n'y a que le Bloc québécois qui non seulement parle pour le Québec, mais qui se trouve aussi à être le porte-parole du front commun des provinces. Le Bloc québécois se porte à la défense — et il est le seul à le faire — du Yukon, de l'Île‑du‑Prince‑Édouard, de la Nouvelle‑Écosse, de l'Alberta. Nous allons attendre les remerciements des banquettes voisines. Il n'y a que le Bloc pour se porter à la défense de la volonté des provinces, des territoires et du Québec, les autres faisant preuve d'opportunisme ou de mollesse. On va nous dire que ce que nous faisons est une perte de temps. Ce n'est pas une perte de temps, c'est extrêmement révélateur du fonctionnement.
    Il y a le cas de McKinsey. Je n'ai pas le temps de faire le tour de tout ce qui touche McKinsey. Il y aurait beaucoup trop de secrets à sortir de plein de boîtes occultes, comme McKinsey en éthique, McKinsey en lobby, McKinsey en défense, McKinsey dans des offres à commande dont l'ancien grand patron — assurément moins naïf que ce qu'il a bien voulu nous faire croire en comité — disait lui-même que, s'il avait été client, il n'aurait pas signé le contrat qu'on a fait signer par le gouvernement du Canada. C'est tout de même intéressant. Il y a aussi McKinsey et l'immigration, McKinsey et l'Initiative du Siècle. Cent millions de Canadiens, comme c'est joli. Cela en fait toutefois beaucoup avec l'incapacité pour le Québec d'absorber au gré du temps, en français et avec nos valeurs, le nombre d'immigrants que cela commande. J'ai posé cette question à M. Barton: avez-vous tenu compte du Québec? Ils n'en ont pas tenu compte pantoute. Ce n'était même pas sur l'écran radar.
(1010)
    Si on se fie à l'ignorance exprimée, ma foi, je veux devenir patron de McKinsey. Il ne travaille pas trop et il dit qu'il ne sait rien. De plus, je soupçonne que la paie n'est pas si mal. McKinsey a un rôle à jouer en matière de gestion des frontières et, bien sûr en matière de langue et d'identité.
    Il y a aussi l'instrumentalisation du chemin Roxham. Comme mon collègue de Lac‑Saint‑Jean l'a mentionné, selon des révélations récentes, on ajoute maintenant un forfait tout-inclus aux passeurs criminels d'un côté comme de l'autre. On offre le billet d'autobus et on envoie les migrants au chemin Roxham sans s'en cacher. Des menottes, personne ne veut cela. Toutefois, après un bref moment d'inconfort avec les menottes, c'est le bonheur, parce qu'on est au Québec, et c'est aux frais du Québec que ces gens sont accueillis de façon humaine par la suite.
     Il y a la nomination de Mme Elghawaby. On ne refera pas tout le discours et je ne veux pas le personnaliser. Cela dit, on a bien vu que la capacité d'isolement du gouvernement était extraordinaire. S'il fallait que nos maisons soient aussi bien isolées que le gouvernement, il ferait chaud chez nous.
     Bien sûr, il y a aussi le renvoi à la Cour suprême du Canada de la loi québécoise sur la laïcité dans l'espoir de la casser.
    Par ailleurs, la division au sujet du projet de loi C‑13 est assez spectaculaire. Je ne m'inviterai pas au caucus du Parti libéral et je pense que ses membres ne le souhaiteraient pas non plus, mais il doit y avoir des conversations assez passionnantes au sein du caucus. Cela doit être aussi fascinant que les conversations sur l'avortement chez les conservateurs. Il y a peut-être des petites choses à régler. De notre côté, cela se passe très bien. De plus, il est possible que le fédéral aille en Cour suprême au sujet de la loi 96, qui porte sur la langue française.
    Nous arrivons finalement au sujet de la motion, soit la disposition de dérogation, qui pourrait aussi se retrouver devant la Cour suprême du Canada. J'aimerais parler d'un aspect assez intéressant. Sur le principe, Papa Trudeau disait qu'il fallait que la volonté du législateur ait ultimement préséance. C'est la raison pour laquelle, dans la Constitution de 1982, que nous classons plutôt parmi les documents odieux, il y avait ce principe d'assurer la préséance de la démocratie des Parlements. Rappelons-nous que nous n'avons jamais adhéré à cette Constitution. Cela commence à faire quelques semaines que nous le rappelons.
     Cela a été testé rapidement. Dès 1988, l'arrêt Ford établissait, d'une part, que le recours à la disposition de dérogation était légitime et, d'autre part, que le rôle de la cour n'était pas de tergiverser sur le sexe des anges qui passent, mais bien de juger du fond et de la formulation des choses.
    Rappelons-nous, pour sa mémoire, que M. Lévesque avait invoqué et installé bien confortablement la disposition de dérogation dans l'entièreté des lois adoptées à l'Assemblée nationale du Québec. Il y eut bien quelques crises d'apoplexie, mais le Canada y survécut.
    Il est nécessaire de comprendre la démarche ou le fantasme législatif ou juridique du gouvernement actuel. Par le truchement de documents d'Ottawa comme la Charte canadienne des droits et libertés et la Constitution canadienne et par le truchement de nominations pour remplacer au fur et à mesure les juges qui partent, le premier ministre espère substituer la Cour suprême du Canada aux assemblées législatives provinciales et à celle-ci même pour modifier par interprétation la Constitution canadienne. Comme nous le disions, cette dernière est bien davantage la leur que la nôtre.
    Le premier ministre, ayant eu l'occasion au gré du temps de nommer des juges, a bon espoir — ceci prouvant cela — d'avoir une Cour suprême du Canada dont la constitution, sans mauvais jeu de mots, sera en sa faveur. Il veut modifier la Constitution par son interprétation par des juges qu'il aura nommés. Cela existe ailleurs dans le monde, et c'est rarement un procédé honorable. Un Parlement est toujours souverain, sinon un Parlement imposerait sa volonté à un autre.
(1015)
    L'Assemblée nationale du Québec est souveraine dans ses choix et dans ses votes. Le Parlement québécois est, en effet, national. Or, plus que jamais, l'Assemblée nationale du Québec a besoin de la disposition de dérogation, qui garantit la prérogative et la préséance des Parlements et des élus sur le jugement des tribunaux, qui n'est là que pour interpréter, même si on apprend, au gré de l'histoire du Québec en particulier, que l'interprétation peut être, au gré du temps et sans jeter la pierre, un peu orientée. Ce n'est pas le gouvernement des juges que nous devons avoir, mais le gouvernement des élus, le gouvernement de la volonté populaire.
    Comme je l'ai dit au début, il n'est pas banal de mentionner que la disposition de dérogation est un héritage de Pierre Elliott Trudeau. Je me souviens bien sûr d'une période des questions orales au cours de laquelle on nous a dit: c'est terrible, ce n'est pas contre la clause dérogatoire que nous en avons, c'est contre son usage préventif.
    Bien sûr, comme le gouvernement en a l'habitude, c'est quand on n'a plus de questions qu'on répond les pires niaiseries. Celle-là en était une solide. Or, si la disposition de dérogation n'est pas préventive, à quoi sert-elle?
    La disposition de dérogation, c'est comme un vaccin contre la COVID‑19. On prend le vaccin pour ne pas avoir la COVID‑19, et non une fois que nous l'avons. La disposition de dérogation protège les lois du Québec. Nous pourrions dire « du Québec et des provinces », mais entendons-nous: à part un cas récent assez spectaculaire en Ontario, c'est surtout au Québec qu'elle est utilisé, surtout en matière d'identité et de juridiction nationale, pour justement ne pas avoir à se faire dire par les tribunaux qu'on ne peut pas appliquer notre loi, qu'elle est défiée et qu'il faut maintenant aller utiliser la disposition de dérogation de façon réparatrice d'un état de fait qui aura été nuisible dans l'intervalle.
    Évidemment, cela ne peut pas être là notre volonté ou la façon d'utiliser la disposition de dérogation. Le mal serait fait trop souvent et les mêmes tribunaux devraient suspendre l'application des lois. La disposition de dérogation, c'est un petit morceau de souveraineté. On a bien peur du mot « souveraineté ». Dire ce mot soulève des passions et des sueurs froides. Or, la souveraineté, c'est essentiellement une juridiction exclusive; de qui soit-elle. Ce Parlement-ci se revendique d'ailleurs de sa souveraineté, exception faite des ballons espion chinois.
    Il est essentiel de reconnaître que par le recours à la disposition de dérogation, une juridiction qui est un Parlement, lequel est par définition souverain, se revendique d'un petit morceau de cette souveraineté dans des champs de compétence qui, en toute logique, devraient lui appartenir de façon exclusive.
    Cette séquence entre l'identité, le fait que le Québec soit une nation reconnue à contrecœur par ce Parlement dans un contexte bien particulier, le 16 juin 2021, et le fait que le Québec doive y recourir entre tous, c'est parce que le Québec est une nation, parce que son Parlement est national. Je me permettrai de dire que c'est, de mon point de vue, trop peu.
    C'est trop peu parce que, bien sûr, nous souhaitons que les Québécois aient — à leur rythme, évidemment, mais nous allons alimenter ce rythme — une réflexion sur l'entièreté de la souveraineté, une nation qui a un seul Parlement national et qui, comme le définissait M. Parizeau, prélèverait toutes les taxes et tous les impôts — c'est une aptitude que nous avons et nous aurions un débat tout autre sur les transferts en santé —, qui vote l'entièreté des lois applicables sur le territoire québécois, qui signe tous les traités et qui adhère à l'ensemble des traités existants, le cas échéant.
    D'habitude, on ne réfléchit pas à être normal. C'est comme si cela allait de soi. On s'empare de la normalité, on se saisit de la normalité et on assume la normalité. Que le Québec ne fasse qu'y réfléchir, pour l'instant et pour un certain temps, et qu'il observe comment son identité nationale est traitée dans un Parlement qui devrait être un bon voisin, à défaut d'être un bon partenaire.
(1020)
    C'est une réflexion qui restera essentielle, mais qui ne peut pas, dans le contexte actuel, être celle de demain matin. Le jeu du chat et de la souris, les faux-fuyants juridictionnels, les empiétements, les ingérences et les intrusions sont tout sauf du progrès, de l'efficacité ou des instruments pour le bien commun.
    En attendant cette réflexion qui doit aller beaucoup plus loin, nous devons assurément, dans ce Parlement, solliciter la bonne foi des collègues et des élus pour reconnaître la légitimité du recours pour le Québec et les provinces qu'est la disposition de dérogation. Nous ne demandons pas un changement à l'état de fait actuel. Nous demandons sa reconnaissance. Nous voulons juste énoncer un fait et demandons que le Parlement dise que cela correspond bel et bien à la réalité.
    Voter contre ce fait reviendrait à mettre au défi la Constitution même du Canada. On a vu cette tentation dans les propos du premier ministre. Cela nous avait fait un peu sourciller, compte tenu de l'héritage. Nous demandons à la Chambre de reconnaître un fait réel existant, ne serait-ce que par respect.
    Dans l'intervalle, et malgré le vote, la nation québécoise et ceux qui la représentent ont dans cette assemblée un seul ami sincère. Les enjeux de langue, d'identité, d'immigration, de financement des soins de santé et de préservation de la disposition de dérogation sont portés par une seule formation politique dans ce Parlement. Ses élus sont tout aussi légitimes que tous les autres. Ces gens, ce sont les députés du Bloc québécois. Le Bloc québécois se dresse fièrement encore une fois, sans compromis, avec un sens des responsabilités et avec courage, pour défendre, porter et promouvoir les intérêts du Québec, à qui nous souhaitons d'aller encore beaucoup plus loin.
(1025)
    Monsieur le Président, en lisant la motion, je crois avoir constaté un oubli. On semble oublier que le Parlement du Canada, lui aussi, peut invoquer la disposition de dérogation. Il ne l'a jamais fait. J'ai de la difficulté à imaginer une circonstance où on invoquerait cette disposition.
    Ma question pour le chef du Bloc québécois est la suivante. Y a-t-il lieu d'apporter un correctif à sa motion?
    Monsieur le Président, le chauffeur peut difficilement reprocher le parcours. Les clés des enjeux constitutionnels et les officines de la Cour suprême sont davantage fréquentées par les gens du gouvernement fédéral que par les souverainistes québécois, par les provinces ou par les territoires.
    Il serait étonnant que le Parlement fédéral se prévale d'une disposition constitutionnelle qui sert à le protéger contre lui-même. On comprendra que, l'histoire étant ce qu'elle est, et les perspectives d'avenir étant ce qu'elles sont, cela nous est apparu comme illusoire.
    Monsieur le Président, c'est intéressant d'entendre le chef du Bloc québécois prendre la parole ce matin. Ce qui est intéressant, c'est son réquisitoire contre le premier ministre et le gouvernement libéral. Il y a de nombreux échecs et le premier ministre a entretenu les divisions partout au Canada en dressant les Canadiens contre les Canadiens et les Québécois contre les Québécois. Ce sont 63 % des Canadiens, y compris les Québécois, qui estiment que le Canada est brisé après huit années de ce premier ministre.
    Le chef du Bloc québécois pense-t-il que le premier ministre essaie de créer une crise dans le pays dans le but de détourner l'attention de ses échecs?
    Monsieur le Président, je serais étonné qu'il n'en ait pas eu la tentation.
    Je pense que, parfois en politique, il y a cette fâcheuse habitude d'instrumentaliser des crises ou des situations difficiles. Là, comme on dit chez nous: il l'a échappé solide.
    Il y a une multiplication de crises, d'enjeux, d'échecs, de cafouillages, de comédies d'erreurs qui font qu'il ne peut pas en tirer un profit à court terme. J'imagine mal quelqu'un dire que c'est bien géré cette affaire-là.
    Alors, s'il y a eu une volonté d'instrumentaliser des crises, pour l'instant, à une pile d'échecs, on ajoutera celui-ci.
(1030)
    Monsieur le Président, avant de poser une question à mon collègue, j'aimerais lui rappeler deux choses.
    Premièrement, il n'a pas la propriété exclusive d'être le porte-parole de la nation québécoise; c'est heureusement répandu parmi plusieurs de mes collègues à la Chambre. Deuxièmement, j'espère qu'il partage aussi la vision du philosophe français Albert Camus qui nous rappelait que la démocratie n'est pas la loi de la majorité, mais la protection des minorités. J'imagine que son collègue de Jonquière le lui rappelle de temps en temps.
    Sur l'utilisation de la disposition de dérogation, il y a un dérapage, un certain glissement depuis quelques années. On l'a vu en Saskatchewan et on l'a vu en Ontario récemment. On s'est attaqué au mouvement syndical et aux droits des travailleurs et des travailleuses en utilisant de manière préventive et abusive la disposition de dérogation.
    N'est-il pas d'accord avec moi que, comme progressistes, notre premier devoir est aussi de baliser cette utilisation de la disposition de dérogation pour éviter de s'attaquer au droit à la libre association des travailleurs et des travailleuses et au droit à la libre négociation des conventions collectives?
    Monsieur le Président, il y a quelque chose d'autogratifiant dans le propos de mon estimé collègue.
    Je le comprends de se porter à la défense de la minorité parce qu'il est le seul de son parti parmi les députés québécois et qu'il y a 32 députés du Bloc québécois. Toute autre chose étant égale et la voix de chacun étant tout à fait valable, nous ne parlons certainement pas moins pour le Québec que lui. Donc, nous ne nous empêcherons pas de parler. Je ne pense pas qu'il s'empêche de dire ce qu'il pense sous prétexte qu'il y a 32 députés qui ne pensent pas comme lui. Le contraire ne se produira assurément pas.
    La Constitution est écrite pour encadrer un ensemble d'institutions et non pas pour porter un jugement d'emblée sur l'usage qui en sera fait. Dans son rôle de député de Rosemont—La Petite-Patrie, il se trouve à devoir se mettre au service d'un ensemble de députés du NPD qui ont une méconnaissance assez chronique du Québec. Il est alors obligé de défendre des choses que nous, et beaucoup de Québécois, jugerons indéfendables.
    C'est son jugement par opposition aux gens qui, quand ils seront appelés à voter, iront voter.
    Monsieur le Président, mon collègue a suggéré dans son discours de remercier les députés de la Chambre.
    Moi, je le remercie parce qu'il est le premier député à la Chambre à mentionner la menace envers notre industrie forestière, notamment Paper Excellence. C'est la première fois que j'entends quelqu'un parler de cette entreprise détenue par un milliardaire indonésien, lequel a acheté Produits forestiers Résolu, Domtar Corporation et d'autres comme Catalyst Paper Corporation, dans ma province de la Colombie-Britannique. Cette entreprise énorme a acheté plusieurs entreprises de pâtes et papiers et il n'y a pas eu un seul mot qui a été dit ici à ce sujet, sauf par mon cher collègue du Bloc québécois.
    Monsieur le Président, je partagerai la reconnaissance avec mon collègue de Jonquière. Depuis cette transaction, à de nombreuses reprises, nous avons soulevé la question, d'abord en privé avec le ministre responsable.
    Nonobstant les effets nocifs de l'exercice, s'il s'était agi d'une société pétrolière, il n'aurait pas fallu trois coups de cuillère à pot pour que le Canada se dresse, invoque la sécurité nationale et bloque la transaction. Il ne s'agit que de bois, ce n'est que de la forêt et c'est juste au Québec, alors on laisse passer.
    Si le projet de loi C‑34 est pertinent, il va devoir couvrir la transaction derrière laquelle se cache Sinar Mas et le travail forcé des Ouïghours.
(1035)
    Monsieur le Président, la disposition de dérogation a été utilisée à de nombreuses reprises, notamment pour la loi sur la relève agricole, la Loi sur l'équité en matière d'emploi, la Cour des petites créances et le tribunal de la jeunesse, sans que jamais personne n’ait pensé à demander à la Cour suprême de statuer sur la disposition de dérogation. Or, cette réflexion de faire appel à la Cour suprême apparaît lorsque le Québec veut défendre sa culture, sa différence, sa nation et ses valeurs.
    N'y a-t-il pas là un problème hautement discriminatoire? J'aimerais savoir ce que mon collègue en pense.
    Monsieur le Président, la différence, c'est que moi, les questions plantées, je ne les lis pas à l'avance, mais c'est un autre débat.
    Depuis 1982, il n'y a pas eu au Canada un gouvernement ayant eu d'aussi violentes velléités d'intrusion, d'ingérence et d'occupation des compétences du Québec; en particulier en matière de langue, de valeurs et d'identité. Ce sont des affrontements irrespectueux quotidiens qui passent par des recours en justice, des nominations au bas mot douteuses, des instrumentalisations d'enjeux politiques et cette mauvaise habitude de répéter le contraire de la vérité.
    C'est comme si le Québec reprenait une expression qu'il utilise fort souvent et qui se résume à dire: peuvent-ils se mêler de leurs affaires?
    Monsieur le Président, je dois avouer que je suis un peu surprise de voir une motion du Bloc québécois qui défend bec et ongles notre Constitution canadienne.
    Au vu du discours de mon collègue, le chef du Bloc québécois reconnaît-il comme moi la légitimité de notre Constitution canadienne de 1982?
    Monsieur le Président, est-ce que je peux prendre 20 minutes supplémentaires?
    En 1982, même moi j'étais encore jeune. En 1982, une Constitution a été imposée, enfoncée dans la gorge du Québec et du gouvernement de René Lévesque, dans la foulée d'une série — il y en aura d'autres — de ruptures de front commun des provinces.
    Non, il n'y a aucune trace de légitimité. La disposition de dérogation est tout ce que contient la Constitution pour essayer de préserver qui nous sommes et qui nous avons le droit d'être.
    Monsieur le Président, cela me fait plaisir de partager mon temps de parole avec mon honorable collègue le député de Lac-Saint-Louis.
    La Charte canadienne des droits et libertés est un document constitutionnel fondamental. Elle protège les droits et libertés de tous et de toutes au Canada, y compris les Québécois et les Québécoises. Ce document est l’une des pierres d’assise de notre société. Depuis son adoption en 1982, elle a démontré sa flexibilité et sa capacité à s’adapter.
    Notre Charte est aussi une source d’inspiration pour de nombreux pays…
    Des voix: Oh, oh.
    À l'ordre.
    L'honorable secrétaire parlementaire a la parole.
    Monsieur le Président, je crois comprendre que le Bloc québécois n'a pas aimé ma question à son chef. Je poursuis mon discours.
    Notre Charte est aussi une source d’inspiration pour de nombreux pays partout dans le monde qui ont rédigé certains de leurs documents constitutionnels à son image. Je suis fière qu’il y a 40 ans nous ayons décidé, en tant que société, de nous doter d’un tel instrument.
    L’article 33 de la Charte, communément appelée la disposition de dérogation, a permis l’atteinte d’un compromis politique entre différentes entités qui composaient le Canada au moment de son adoption. Cet article autorise le Parlement ou l'assemblée législative d’une province à déroger à certaines dispositions de la Charte, notamment celles protégeant les libertés fondamentales, les garanties juridiques et le droit à l’égalité. Il s’agit, dit simplement, d’un outil permettant à un gouvernement de court-circuiter les protections offertes par la Charte.
    Or, c'est clair: toute utilisation de la disposition de dérogation implique que des droits fondamentaux soient brimés par la loi dans laquelle l’article 33 est invoqué. L'utilisation de la disposition de dérogation est bien évidemment permise, même si l’intention a toujours été qu’elle serait utilisée rarement et de manière exceptionnelle.
    Or, son utilisation préventive est fort problématique, selon moi. En fait, en invoquant de façon préventive la disposition de dérogation, un gouvernement dit qu'il sait qu'il brime les droits fondamentaux des Canadiens, mais qu'il procède tout de même, et ce, sans donner la chance aux tribunaux de s’exprimer.
(1040)

[Traduction]

    Soyons clairs. En invoquant de façon préventive la disposition de dérogation, un gouvernement dit qu'il sait qu'il brime les droits et libertés fondamentaux des Canadiens, mais qu'il procède tout de même; cela, sans donner la chance aux tribunaux de s’exprimer.
     Le premier ministre, le ministre de la Justice et d'autres membres du Cabinet ont clairement dit que le gouvernement est préoccupé par l'invocation préventive de la disposition de dérogation et le gouvernement fédéral est fermement résolu à défendre les droits et libertés protégés par la Charte.
    La Charte est l'expression de certaines des valeurs les plus fondamentales de la société canadienne. Elle garantit nos droits et libertés. J'ose dire qu'elle représente ce que c'est que d'être Canadien. Ces droits et libertés sont le fondement même de notre pays et de notre démocratie. Cependant, la Charte reconnaît que même ces droits cruciaux ne sont pas absolus, et c'est pourquoi l'article 1 existe.
    L'article 1 de la Charte fournit un cadre réaliste et pragmatique pour équilibrer les différents droits et libertés et il est inclus parce qu'un gouvernement peut parfois justifier la restriction des droits et libertés constitutionnels. Au fil de décennies de jurisprudence, le Parlement et les assemblées législatives provinciales se sont engagés dans ce dialogue permanent avec nos tribunaux.
     Le recours préventif à la disposition de dérogation met fin à ce dialogue. Il permet de passer outre au dialogue qui est nécessaire pour garantir le fonctionnement en bonne et due forme de la Charte.

[Français]

    Notre tradition constitutionnelle est marquée par le dialogue, notamment entre le législateur et le tribunal. Le recours préventif à la disposition de dérogation vient limiter ce dialogue en limitant le débat judiciaire.
    Lorsqu'on utilise la disposition de dérogation de façon préventive, ces dialogues et débats deviennent plutôt théoriques, puisque les tribunaux n'ont pas l'occasion d'ordonner des mesures de réparation.
    II est aussi important de rappeler qu'un pouvoir judiciaire fort et indépendant représente la pierre angulaire d'une démocratie saine. L'usage préventif de la disposition de dérogation limite le travail de nos tribunaux, qui ne peuvent pleinement assumer leur rôle prévu par notre Constitution.

[Traduction]

    Entre 2001 et 2017, l’article 33 n’a jamais été invoqué. La pratique qui consistait à n’y recourir que rarement semblait être la norme, et la disposition de dérogation était considérée comme une mesure exceptionnelle.
    Depuis 2017, en revanche, les provinces se sont mises à invoquer de façon préventive cette disposition pour empêcher la contestation d’une loi. C'est arrivé en Ontario, au Québec et au Nouveau‑Brunswick, et la Saskatchewan a menacé d’y recourir.
    Que perd-on en invoquant cette disposition de façon préventive? La transparence, la volonté politique et la responsabilité. La Charte n’a pas été conçue pour dispenser un gouvernement de ces conditions. Au contraire, la nécessité de justifier les limites imposées aux droits et libertés sert précisément ces objectifs. Le recours approprié à la disposition de dérogation est conforme à ces objectifs, mais son utilisation préventive va à l’encontre des valeurs que la Charte est censée protéger.

[Français]

     Si le recours à la disposition de dérogation était autrefois exceptionnel, il en demeure que son utilisation est en hausse. Je répète que l'utilisation de la disposition de dérogation est certes légale, mais elle ne doit pas être prise à la légère, puisqu'elle a pour effet de suspendre des protections juridiques garanties par les chartes québécoise et canadienne des droits et libertés.
    Je suis d'avis qu'un gouvernement qui utilise un recours d'une telle portée doit exposer les considérations exceptionnelles qui justifient à ses yeux la suspension de ces protections juridiques.
    En terminant, je souhaite souligner à quel point tous les députés de la Chambre peuvent se considérer chanceux d'être Canadiens et de pouvoir compter sur les droits reconnus par la Charte canadienne des droits et libertés. II en revient à nous tous à la Chambre d'en assurer la protection.
(1045)

[Traduction]

    Monsieur le Président, ma collègue d’en face a fait remarquer que la disposition de dérogation n’a pas été invoquée très souvent jusqu’en 2017. Je souligne que, depuis huit ans, le pays est de plus en plus divisé. Il y a le problème du chemin Roxham, il y a l’inflation galopante, et une foule d’autres problèmes.
    Le premier ministre a divisé le pays comme aucun autre premier ministre. Il se peut que le recours à la disposition de dérogation soit devenu plus fréquent à cause des décisions du premier ministre. La députée est-elle prête à reconnaître que l’actuel premier ministre est le plus clivant de toute notre histoire?
    Monsieur le Président, je ne pense pas que la remarque de mon collègue ait rapport avec le débat d’aujourd’hui, mais je ferai remarquer que ce sont les premiers ministres provinciaux qui prennent la décision d’invoquer la disposition de dérogation. En revanche, c’est à nous qu’il appartient, dans cette Chambre, d’assurer la protection des droits et libertés des Canadiens. Je trouve surprenant que le Parti conservateur ne semble pas se préoccuper du respect des libertés des Canadiens. En tout cas, le gouvernement libéral s’en préoccupe, lui.

[Français]

    Monsieur le Président, ma collègue ne croit-elle pas que l'utilisation de la disposition de dérogation de façon préventive va épargner de nombreuses années de procès inutiles pour avoir la même conclusion en bout de piste? Ne considère-t-elle pas notre discours comme étant raisonnable?
    Ce que nous demandons au Parlement est simple. On lui demande de respecter au moins ce qui est écrit dans le contrat qu'il nous a enfoncé dans la gorge en 1982.
    Monsieur le Président, comme je l'ai dit à maintes reprises, l'utilisation de la disposition de dérogation est possible. L'utilisation préventive de cette disposition ne laisse pas les tribunaux et les législateurs avoir ce dialogue, qui est nécessaire dans une société libre et démocratique.
    Mon collègue semble à la fois défendre des clauses dans la Constitution et en contester sa légitimité. Qu'il se positionne: soit il défend la Constitution ou pas.
    Le Bloc québécois ne peut pas parler des deux côtés de la bouche.

[Traduction]

    Monsieur le Président, le débat que nous avons aujourd’hui est très important, car soit la Charte protège les droits des citoyens, soit elle ne les protège pas. Ce que nous observons, c’est que les gouvernements provinciaux sont de plus en plus tentés d’invoquer la disposition de dérogation de façon préventive dans le but de limiter les droits des travailleurs et des minorités religieuses ou de justifier des lois constitutionnelles, ce qui est extrêmement préoccupant. Une telle pratique contribue à bafouer les droits fondamentaux des citoyens et les empêche de contester l’action des gouvernements provinciaux.
    Pendant que cette disposition est utilisée de manière scandaleuse, le gouvernement fédéral, lui, se contente de faire de l’attentisme et de conseiller aux citoyens de se défendre eux-mêmes. Le gouvernement fédéral va-t-il enfin se porter à la défense des principes de la Charte, ou celle-ci n’est-elle qu’un document comme un autre, que tout gouvernement provincial au pouvoir peut utiliser ou tout simplement ignorer?
(1050)
    Monsieur le Président, je partage la préoccupation du député face au recours accru, par les provinces, à la disposition de dérogation, à titre préventif. Pour répondre à la question, je dirai que ce sont les gouvernements libéraux qui, au cours des dernières années, se sont portés à la défense de la Charte et qui ont défendu les droits et libertés des Canadiens, et nous entendons bien continuer à le faire.

[Français]

    Monsieur le Président, pour débuter, j'aimerais parler de ce beau et grand pays qu'est le Canada, un pays béni de richesses variées et abondantes qui font l'envie du monde.
    Pensons entre autres à l'hydro-électricité du Québec, qui répond à nos besoins énergétiques et qui chauffe nos maisons, et qui alimente en énergie nos voisins en Ontario et dans l'État de New York, aux États‑Unis. Pensons aussi au blé et aux autres produits agricoles qui aident à nourrir la planète. Pensons même au pétrole qui permet de produire du matériel médical et qui continue de chauffer nos domiciles dans cette période de transition vers une économie plus verte et plus propre. Pensons enfin à nos cours d'eau, qui nourrissent nos écosystèmes et qui servent de courroies de navigation pour transporter nos ressources, nos produits intérimaires et nos produits finis vers les marchés en Amérique du Nord et outremer.
    Cependant, ce qui fait réellement la force d'un pays, ce sont les valeurs qu'incarnent ses citoyens. Ici, au Canada, les Canadiens et les Canadiennes, y compris les Québécois et les Québécoises, privilégient les valeurs du vivre-ensemble et de l'entraide. Ils privilégient également les valeurs démocratiques. Ce sont des valeurs qui se traduisent, entre autres, par un profond attachement à la Charte canadienne des droits et libertés dans notre Constitution canadienne. Que ce soit en Colombie‑Britannique, à l'Île‑du‑Prince‑Édouard, au Québec ou en Ontario, les Canadiens et les Canadiennes de partout au pays tiennent mordicus à leurs droits et libertés, peu importe les gestes que peuvent poser les gouvernements de temps en temps.
     Pensons par exemple à la regrettée Nicole Gladu, qui s'est servie de la Charte canadienne des droits et libertés de la Constitution canadienne pour affirmer son droit à l'aide médicale à mourir. Je dois souligner que c'est un tribunal québécois qui lui a accordé ce droit en vertu de la Charte. Je crois qu'il nous incombe de remercier et de rendre hommage à Pierre Elliott Trudeau d'avoir consacré sa vie politique à faire rapatrier notre Constitution et à y inscrire cette charte, une des plus modernes du monde entier parce qu'elle reconnaît les intérêts des collectivités.
    La Charte comprend également une disposition de dérogation. Il faut souligner que cette disposition ne peut être utilisée pour brimer les droits des minorités de langue officielle. C'est un point que je tiens à souligner, car beaucoup de personnes oublient souvent que cette disposition de dérogation ne peut pas brimer tous les droits, certains étant garantis par la Charte et la Loi constitutionnelle de 1982.
    Depuis mon élection, et même auparavant, je n'ai jamais été en faveur d'invoquer cette disposition de dérogation, ce que peut par ailleurs faire le Parlement en vertu de la Constitution, même si on semble l'oublier. Or, cette disposition existe et elle sert un objectif précis, celui de permettre au gouvernement fédéral ou à un gouvernement provincial de prendre le temps de réfléchir et de s'ajuster à une décision d'un tribunal qui invaliderait une de ses lois totalement ou en partie. Son application est cependant limitée dans le temps, et ce n'est donc pas un chèque en blanc ni un champ ouvert. En effet, le recours à cette disposition de dérogation doit être renouvelé tous les cinq ans.
(1055)
     Il y a plusieurs éléments de cette disposition qu'on peut qualifier de démocratiques. Par exemple, elle donne le dernier mot, mais pas tout à fait, car le mot doit être répété tous les cinq ans. Elle permet à une assemblée législative de se retirer sur une base temporaire d'une décision de la cour.
    Évidemment, nous pouvons débattre de cette question, mais, selon moi, la disposition de dérogation a été conçue pour permettre à la cour de statuer et de donner un avis ancré dans nos traditions juridiques, dans notre système de droit. De surcroît, la disposition de dérogation a été conçue dans l'optique de créer l'obligation d'avoir un débat politique ouvert sur le bien-fondé de l'utilisation de la disposition de dérogation, et ce, aux cinq ans.
     Dans les deux cas qui sont devant la cour présentement, soit les lois 96 et 21, le gouvernement Legault, de la province de Québec, a utilisé cette disposition de manière préventive. Cela a pour effet de couper l'herbe sous le pied de la cour. Les mains de la cour sont en fait liées. La cour ne peut rien faire. On sait que, dans le cas de la loi 21, c'est la Cour supérieure du Québec qui s'est exprimée sur certains aspects de la loi qui briment des droits. Cependant, elle a admis qu'elle ne pouvait rien faire à cause de la disposition de dérogation.
    Ce qui est problématique dans l'utilisation de la disposition de dérogation de manière préventive, c'est que, non seulement les mains de la cour sont liées, mais on ne peut avoir un plein débat sur l'utilisation de la disposition, un débat au sein d'une assemblée législative sous les feux de la caméra, un débat suivi dans tous ses détails par nos médias. Je trouve cela extrêmement problématique et cela vient ajouter un élément antidémocratique à une disposition qui est, on doit l'admettre, démocratique et bien légale.
    Une question s'impose lorsque les gouvernements utilisent cette disposition de manière préventive, que ce soit au Nouveau‑Brunswick, en Ontario, au Québec ou n'importe où au Canada. De quoi ces gouvernements ont-ils peur? Ont-ils peur de leurs juristes, de leurs cours, ou de leurs citoyens? Ont-ils peur que leurs citoyens suivent le débat sur une mesure qui vient retirer leurs droits et qu'ils changent d'opinion au sujet de la mesure que le gouvernement en question a instaurée au moyen de sa loi? Ces gouvernements ont-ils peur des deux, des juristes et de la population dans son ensemble?
    Je m'arrête maintenant et je suis prêt à répondre aux questions.
(1100)

[Traduction]

    Monsieur le Président, j’ai écouté attentivement le discours du député ce matin, et l’une des choses dont il a parlé, au début, c’est de nos besoins énergétiques. Le gouvernement s’est livré à un véritable assaut sur le secteur des ressources naturelles et le secteur de l’énergie. Le chancelier allemand et le premier ministre japonais sont venus au Canada pour nous implorer de leur vendre du gaz naturel liquéfié, mais le premier ministre les a éconduits comme des moins que rien. Pourtant, il y a une forte demande, dans le monde, pour de l’énergie canadienne propre.
    Je sais bien que nous sommes en transition et qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais pourquoi le premier ministre les a-t-il éconduits alors qu’ils voulaient acheter de l’énergie canadienne propre?
    Monsieur le Président, je suis vraiment perplexe. Nous sommes en train de discuter d’une question très importante, la préservation des droits et libertés des Canadiens dans un cadre démocratique, dans le contexte du recours potentiel à la clause de dérogation, et voilà un député qui intervient en posant une question d’ordre économique. Je ne vois pas le rapport.

[Français]

    Monsieur le Président, je remercie notre collègue de son discours. Je trouve intéressant et un peu farfelu d'entendre nos collègues libéraux parler de leur vision de la disposition de dérogation et de ce qu'eux en pensent, alors que la Cour suprême a déjà eu à statuer sur la question à quelques reprises, notamment en 1988 avec l'arrêt Ford qui disait que l'Assemblée nationale a la pleine liberté d'inscrire la disposition de dérogation dans toute loi qu'elle adopte si telle est son désir. Elle peut le faire de manière préventive, sans avoir à attendre qu'un tribunal invalide la loi au préalable.
    Un arrêt de la Cour suprême étant toujours un peu long, je vais m'arrêter à ces deux déclarations dans la décision de la Cour suprême de l'arrêt Ford en 1988.
    Selon mon collègue, est-ce que son opinion et l'opinion de son gouvernement auraient préséance sur une décision de la Cour suprême? Est-ce qu'on ne pourrait pas se fier un peu à ce qui a déjà été déterminé par le plus haut tribunal du pays?
    Monsieur le Président, c'est une bonne question, et je l'apprécie. Toutefois, on sait que les décisions de la Cour évoluent dans le temps, selon les circonstances et selon ce qu'on peut constater au sein d'une société en pleine évolution.
    Évidemment, je respecte les décisions de la Cour suprême. Comme je l'ai dit dans mon discours, je n'ai jamais favorisé l'appel à la disposition de dérogation par ce Parlement. Je respecte les opinions de la Cour, mais j'aimerais que mon collègue nous en dise encore davantage mon collègue à ce sujet.
    Monsieur le Président, je crois comprendre que mon collègue de Lac‑Saint‑Louis nous dit que la disposition de dérogation est légale, que nous sommes conscients qu'il est permis de l'utiliser, mais que l'utilisation préventive de la disposition de dérogation est problématique.
    J'aimerais que mon collègue nous parle des commentaires et des inquiétudes qu'il entend de la part de ses concitoyens de Lac‑Saint‑Louis pour pouvoir justifier nos commentaires, aujourd'hui, sur la motion du Bloc québécois.
    Monsieur le Président, je tiens à remercier mon honorable collègue de sa question. Je crois qu'il va presque sans dire que beaucoup de mes concitoyens sont très préoccupés par l'utilisation qui semble être de plus en plus commune de cette disposition de manière préventive. C'est effectivement un sujet de préoccupation chez moi.
    Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de Perth—Wellington.
    Après huit ans de gouvernance lamentable du premier ministre, ce dernier tente maintenant de détourner l'attention de son bilan, de la crise du coût de la vie qu'il a créée, des plus hauts pics d'inflation en 40 ans et de la multiplication par deux du prix des loyers et des coûts hypothécaires. Il veut détourner l'attention des Canadiens de l'utilisation record des banques alimentaires, de la dette record sur les cartes de crédit et du fait qu'il a triplé la taxe sur le carbone. Il veut que les Canadiens oublient que les crimes violents sont en hausse de 32 %, que les homicides liés aux gangs sont en hausse de 92 %, qu'il entretient des relations étroites avec des lobbyistes qui coûtent une fortune, et qu'il a violé les règles d'éthique.
     Le premier ministre tente encore une fois d'attiser les divisions au Canada. Il essaie aussi de créer une fausse crise constitutionnelle. C'est sa dernière tentative de diviser et de détourner l'attention de ses échecs.
     Pour sa part, le Bloc québécois n'a pas de solutions aux vrais problèmes du Québec. Le 15 juin 1991, il y a plus de 30 ans, en contestation à l'échec de l'accord du lac Meech, Lucien Bouchard, accompagné d'autres députés, a fondé le Bloc québécois, et ce, pour une période « temporaire ». Est-ce que j'aurais moi-même fait partie de ce groupe? Peut-être. Cependant, le Bloc québécois temporaire de 1991 n'a rien à voir avec le Bloc québécois de 2023. En tout cas, ce n'était pas l'intention de Lucien Bouchard à l'époque.
    Aujourd'hui, on comprend pourquoi le Bloc québécois, à l'image du Parti libéral du Canada, est complètement déconnecté de la réalité des citoyens du Québec. Il prend une journée complète, une journée de l'opposition, pour parler de la Constitution, alors qu'il y a tellement d'autres sujets plus importants pour les Québécois.
    Comme lieutenant du Québec pour le Parti conservateur du Canada, j'essaie de comprendre où s'en va le Bloc québécois avec ses stratégies parfois très nébuleuses. Il faut noter que je ne m'attaque pas aux députés dûment élus, mais à l'organisation politique, qui n'a que la souveraineté du Québec à l'esprit et qui, sous de grandes envolées souvent lyriques de son chef, n'a qu'une idée en tête: faire tomber la fédération canadienne.
    C'est pour cette raison que je remets en question le choix stratégique de consacrer une journée complète de débat à parler d'un sujet qui n'intéresse pas les Québécois: la Constitution canadienne. N'y a-t-il pas un sujet plus important pour les Québécois actuellement?
    Malgré ses grands discours patriotiques, je comprends que le Bloc québécois n'en a que pour le gouvernement libéral et son programme gauchiste.
    Dans les huit dernières années, nous avons vu un Bloc québécois désorienté, qui cherche à marquer des points politiques sur différents dossiers alors que les citoyens du Québec s'attendent à ce que leurs députés fédéraux travaillent pour eux.
    Dans le document intitulé « Proposition Principale », préparé en prévision du congrès national du Bloc québécois de mai prochain, l'article 070 indique ceci: « Nous revendiquons le droit de nous tromper, de revoir nos positions, de changer d’idée. » Profitons donc de cet engagement pour corriger le tir.
    Il y a plusieurs exemples d'actions du Bloc québécois qui sont discutables. Était-ce une bonne idée d'appuyer le projet de loi C‑5 du gouvernement libéral, la fameuse loi qui permet aux voyous des gangs de rue d'éviter la prison et aux agresseurs sexuels de purger leur peine à la maison au lieu d'être à la bonne place, en prison? Était-ce une bonne idée d'avoir voté avec le gouvernement libéral en faveur du projet de loi C‑75, qui permet aux pires criminels de bénéficier d'une libération sous caution alors qu'ils sont toujours une menace pour la société? Était-ce une bonne idée de vouloir punir les chasseurs et les Autochtones en soutenant le projet de loi C‑21 des libéraux?
    Le Bloc a un programme très à gauche. Il est le meilleur allié du gouvernement libéral. Est-ce que les Québécois le savent?
    J'entends des collègues qui rient. Ils peuvent bien rire. Qu'ils rient tant qu'ils veulent. Les faits sont les faits.
    Lors de la création du Bloc par Lucien Bouchard, ce dernier a clairement mentionné que le Bloc québécois devait être une mesure temporaire. Plus de 30 ans après la création de ce parti, on voit vraiment l'usure. Le paragraphe 018 de la « Proposition Principale » mentionne ce qui suit: « Nous sommes comme l’immense majorité des Québécoises et des Québécois: c’est naturellement vers l’Assemblée nationale du Québec que nos regards se tournent lorsqu’on nous parle de notre gouvernement. » Nous voyons encore un parti qui se cherche.
     C'est un parti politique qui prétend soutenir l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec. Pourtant, il a mis toute son énergie et ses ressources pour soutenir le Parti québécois lors de la dernière campagne électorale au Québec en travaillant contre la Coalition Avenir Québec, dont le gouvernement en place a remporté l'élection par une très grande majorité. Comment le Bloc peut-il prétendre être un allié du gouvernement du Québec lorsque son objectif est de faire élire des députés péquistes? De plus, comment peut-il être reconnu comme étant porte-parole efficace du Québec alors qu'il n'a réussi à faire élire que trois députés du Parti québécois?
(1105)
    Une voix: Ce n'est pas assez pour jouer aux cartes.
    M. Pierre Paul-Hus: Monsieur le Président, effectivement, ce n'est pas assez.
    Voici une autre proposition du Bloc que l'on retrouve à l'article 068 de sa proposition principale: « Nous nous opposons à la censure, à la culture de l'annulation, à l'intimidation, à l'humiliation et aux tribunaux populaires qui se substituent au système de justice, notamment sur les réseaux sociaux et sous le couvert de l'anonymat. Nous sommes des tenants de la conversation ouverte et de la société de droit. »
    Or le projet de loi C‑11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion sera renvoyé à la Chambre des communes après avoir été amendé par les sénateurs. Les sénateurs conservateurs ont tout fait pour faire adopter des amendements afin d'empêcher le CRTC, soit le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, d'exercer un contrôle exagéré des algorithmes à cause d'un gouvernement autoritaire qui déciderait d'imposer des règles. Dans le cadre du projet de loi C‑11, les sénateurs conservateurs ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour empêcher qu'un gouvernement, quel qu'il soit, exerce des pouvoirs supplémentaires sur le contrôle des algorithmes pour tout ce qui est numérique. Les sénateurs indépendants libéraux ont refusé. Le projet de loi sera renvoyé à la Chambre.
    Le Bloc québécois appuie le projet de loi C‑11. Je sais que ce projet de loi contient des éléments positifs, mais il y a des éléments très critiques auxquels il faut s'opposer absolument. Encore une fois, je ne comprends pas pourquoi le Bloc appuie les libéraux dans le cadre d'un projet de loi qui va mener à plus de contrôle du fédéral sur ce que les Québécois vont pouvoir écouter ou regarder sur Internet. Est-ce que c'est cela, la mission d'origine du Bloc québécois de 1991? Je ne le pense pas.
    Nous avons donc à nos côtés un parti déconnecté, un parti souverainiste de gauche qui marche main dans la main avec les libéraux. Il faut vraiment le faire. Pour leur part, les conservateurs combattront l'inflation, annuleront la taxe sur le carbone, mettront fin au gaspillage du gouvernement et licencieront les consultants qui coûtent cher. Les libéraux créent de la division, mais je dois donner raison au ministre du Patrimoine canadien, qui dit régulièrement que le Bloc ne cherche que la chicane.
    Les députés du Bloc sont très condescendants. Malheureusement pour eux, ils n'ont pas le monopole de la vérité en ce qui concerne le peuple québécois. De notre côté, nous cherchons à travailler pour l'unité et le respect de tous les Canadiens, et cela inclut tous les Québécois.
(1110)

[Traduction]

    Monsieur le Président, nous avons ratifié la Charte des droits et libertés et rapatrié la Constitution canadienne en 1982. Je ne pense pas qu’à l’époque, Pierre Elliott Trudeau et Jean Chrétien auraient pu imaginer, par exemple, que la province de l’Ontario invoquerait la disposition de dérogation de façon préventive pour limiter les droits des travailleurs. Il faut bien reconnaître que depuis quelques années, certaines provinces semblent utiliser cette disposition de façon préventive. Je pense qu’une grande majorité des Canadiens désapprouve une telle pratique. J’invite mon collègue à nous dire ce qu’il pense du recours préventif à cette disposition, par le gouvernement national ou par un gouvernement provincial.

[Français]

    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question.
    En parlant de Pierre Elliott Trudeau, je pense qu'il serait un peu déçu de voir la façon dont son fils gère le pays aujourd'hui. Cela étant dit, lorsqu'on parle d'utiliser la disposition de dérogation, que ce soit en amont ou en aval, il reste que son utilité est certaine. Je crois que lorsque le premier ministre a parlé de l'utilisation de la disposition de dérogation, ce n'était encore une fois qu'une façon de diviser les Canadiens, de faire dévier le débat et de faire diversion pour qu'on oublie les problèmes économiques actuels et la façon dont il gère le pays depuis huit ans.
    Monsieur le Président, je veux d'abord revenir sur le discours de mon collègue de Charlesbourg—Haute-Saint-Charles. Je tiens à dire que c'est bien correct et qu'il peut avoir son opinion sur les sujets que le Bloc québécois aborde lors de ses journées de l'opposition. Son opinion est correcte, mais on s'en bat un peu les steaks.
    Personnellement, je trouve que notre proposition de débat aujourd'hui est nettement plus intéressante que le fait de proposer sept fois l'annulation de la taxe sur le carbone, proposition qui a été rejetée chaque fois. À un moment donné, il faut être à l'écoute aussi. Il y a un autre élément de son discours que j'ai trouvé particulièrement savoureux, soit l'association du Bloc avec les libéraux.
    Le député a parlé du projet de loi C‑11 et je me suis senti interpellé. La position du Bloc québécois sera toujours de défendre les intérêts du Québec d'abord et avant tout, peu importe avec qui ou contre qui nous le faisons. Dans ce cas, il se trouve que nous avons une position qui s'accorde un peu mieux avec celle des libéraux qu'avec celle des conservateurs, qui y vont d'un paquet de mensonges et de désinformation pour faire peur au monde au sujet du projet de loi C‑11. Pourtant, le but de ce projet de loi est de défendre les intérêts du Québec et la culture québécoise et francophone au Québec et au Canada.
    Aujourd'hui, nous parlons de la disposition de dérogation. J'aimerais savoir si mon collègue est d'accord pour que ce soit le Québec et les provinces qui déterminent quand c'est bon ou non d'utiliser la disposition de dérogation, qui fait partie de leurs prérogatives.
(1115)
    Monsieur le Président, normalement, je pense que nos réponses doivent être aussi longues que les questions. Cela veut dire que je vais refaire un discours parce que la question de mon collègue était très longue.
    En commençant, je pourrais répondre au député de Drummond que, moi aussi, je peux m'en battre les steaks de sa question, mais je vais essayer d'être un peu plus poli que lui là-dessus.
    Comme je l'ai dit dans mon discours, c'est clair que le Bloc québécois veut la souveraineté; c'est un parti de gauche qui appuie le Parti québécois. On ne peut pas s'en défaire.
    Le gouvernement du Québec n'est pas le Parti québécois. Le Bloc québécois n'a pas la primauté de parler au nom de tous les Québécois. C'est totalement faux. Je suis Québécois et fier de l'être, comme mes collègues conservateurs et même plusieurs députés libéraux. Nous sommes tous Québécois et nos parlons tous pour le Québec.
    Lorsque je fais des liens entre les positions du Bloc québécois, je prends des positions de leur plateforme et je prends des états de fait, soit les projets de loi C‑5, C‑75 et C‑21. Je pourrais continuer et en nommer d'autres, mais je n'ai pas assez de temps.

[Traduction]

    Monsieur le Président, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt le discours du député. Je me souviens d’avoir participé à des missions commerciales internationales avec le Bloc québécois en 2008. À l’époque, leur devise était « J’aime le Canada, j’aime le Québec, ce sont deux grands pays. Tout est dit, passons à autre chose ». À l’époque, on trouvait de tout dans ce parti, aussi bien des marxistes-léninistes que des entrepreneurs.
    Aujourd’hui, les députés du Bloc québécois observent ce que fait le Parti libéral et comment il déchire le tissu social qui unissait le pays. Et leur nouvelle devise est tout simplement: « On voit bien que le Canada est divisé, il ne sert à rien de rester ». C’est la raison pour laquelle ils veulent se séparer.
    Je sais que le député a parlé de l’évolution du Bloc québécois depuis quelques années, mais quelle réponse peut-il me donner?

[Français]

    Monsieur le Président, effectivement, comme je le disais dans mon discours, on a vécu une autre période, d'autres temps, avec le Bloc québécois; aujourd'hui, on vit une autre situation.
    C'est un parti très à gauche qui appuie surtout trop souvent les positions du Parti libéral du Canada. Ce dernier travaille à diviser les Canadiens, et le Bloc québécois veut profiter de la situation pour séparer le Québec du Canada.
    Au Parti conservateur, nous voulons travailler à notre unité avec nos différences et faire en sorte que le pays se tienne. Oui, nous sommes différents. Une des premières choses que j'ai faites en arrivant à la Chambre en 2015, c'est voir quelles étaient les diverses réalités de mes collègues des différentes provinces du Canada. Je me disais que, comme Québécois, nous avons nos réalités, tout le monde a ses réalités, alors travaillons ensemble dans l'unité.

[Traduction]

    Monsieur le Président, c'est effectivement un honneur et un privilège de prendre la parole à la Chambre à nouveau et de participer au débat sur la motion de l'opposition d'aujourd'hui.
    Je veux tout d'abord parler un peu de la situation actuelle au Canada. Malheureusement, selon certaines informations, 67 % des Canadiens estiment que rien ne va plus au pays. Le problème, c'est qu'après huit ans sous la direction du gouvernement libéral et du premier ministre, nous voyons des motions comme celle-ci qui tentent d'alimenter des crises constitutionnelles plutôt que d'unir les Canadiens. Après huit ans d'échecs de la part du gouvernement libéral, nous nous retrouvons avec des libéraux qui essaient de semer la peur et la division dans notre pays au lieu de se concentrer sur les questions qui comptent pour les Canadiens et les habitants de circonscriptions importantes comme Perth—Wellington, Oshawa et Cypress Hills—Grasslands. Dans ces circonscriptions, les gens s'inquiètent de l'augmentation du coût de la vie causée par l'inflation, qui est à son plus haut niveau depuis 40 ans.
    Quand les conservateurs ont la chance de débattre à la Chambre, nous soulevons ces enjeux. Pas plus tard que cette semaine, nous avons donné l'occasion à tous les députés de voter en faveur de l'annulation de la taxe sur le carbone. Comment ont‑ils réagi? Les députés de tous les autres partis ont voté contre cette proposition. Ils n'ont pas voulu donner un répit aux Canadiens. Ils se sont opposés à une mesure qui aurait permis aux Canadiens de payer moins d'argent pour faire l'épicerie, se chauffer et mettre de l'essence dans leur voiture afin de pouvoir conduire leurs enfants à l'école et aller travailler chaque jour. Ils ont également voté contre des mesures que nous jugeons importantes, comme la réforme du système de mise en liberté sous caution.
    Malheureusement, au cours de la dernière année au Canada, cinq courageux policiers ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions. En décembre, dans la circonscription d'Haldimand—Norfolk, un policier a été tué dans l'exercice de ses fonctions par un individu qui avait été mis en liberté sous caution. Les 13 premiers ministres provinciaux et territoriaux ont demandé au gouvernement de procéder à une réforme du système de mise en liberté sous caution. Quand la Chambre a eu l'occasion de se prononcer sur cette question lundi dans le cadre de la motion de l'opposition conservatrice...
(1120)
    Le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes invoque le Règlement.
    Monsieur le Président, je soulève la question de la pertinence. Nous débattons de la disposition de dérogation, de la Constitution et de la Charte des droits et libertés. Le député a eu une foule d'occasions de nous dire ce qu'il en pense. Selon moi, ce qu'il a dit n'est pas du tout pertinent, à moins qu'il propose que nous utilisions la disposition de dérogation pour la réforme du système de mise en liberté sous caution.
    Le député de Barrie—Innisfil intervient sur le même rappel au Règlement.
    Monsieur le Président, ce n'est pas parce que le député n'aime pas ce que dit mon collègue qu'il peut invoquer le Règlement. Un rappel concerne les règles et le Règlement, et je sais que vous, monsieur le Président, prendrez la décision qui s'impose.
    Je remercie les députés de leurs interventions. Nous laissons beaucoup de latitude aux députés pour qu'ils reviennent au sujet à l'étude, et je suis certain que c'est ce que fera le député de Perth—Wellington.
    Le député de Perth—Wellington a la parole.
    Monsieur le Président, n’en déplaise au député du Parti libéral, nous sommes aujourd’hui saisis d’une motion de l’opposition qui porte sur une question constitutionnelle, alors qu’il y a tant d’autres problèmes qui préoccupent les Canadiens. Si le député tient à ce que je continue de parler de la Constitution, de son histoire et de ce qui nous a menés jusqu'ici, je suis tout à fait disposé à le faire, mais il faudrait qu’il me donne son plein consentement, car j’aurais besoin d’au moins une heure et demie pour traiter à fond de la question.
    Cela dit, je vais revenir sur la situation dans laquelle se trouve notre pays, sur les divisions constitutionnelles que certains cherchent à attiser, et sur la motion dont la Chambre est saisie aujourd’hui. Les Canadiens sont loin d’être satisfaits du statu quo. Ils sont même très préoccupés quand ils voient que les crimes violents ont augmenté de 32 % et que les homicides liés à des gangs ont augmenté de 92 %. On voit que des lobbyistes libéraux influents s’en mettent plein les poches pendant que les Canadiens doivent faire face à une inflation sans précédent depuis 40 ans et au triplement de la taxe sur le carbone. C’est ça le problème que nous avons au Canada.
    En ce qui concerne la position des conservateurs sur la question des droits et libertés des Canadiens, je dirai que le Parti conservateur s’en est toujours fait le champion. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler la citation célèbre du grand John Diefenbaker: « Le Parlement est autre chose qu’un code de coutumes; il a la garde de la liberté de la nation. » C’est à nous, parlementaires, qu’il incombe de défendre les droits et les privilèges des Canadiens. N’oublions pas que lorsque John Diefenbaker a présenté la Déclaration canadienne des droits, les députés du Parti libéral l'ont appuyée avec peu d'enthousiasme.
    Il suffit de remonter à Jack Pickersgill. C'était un adversaire farouche de John Diefenbaker, qui avait dit à son sujet: « Le Parlement sans Pickersgill, ce serait comme l’enfer sans le diable. » Quoi qu’il en soit, si on consulte les déclarations de Pickersgill de l’époque, on constate que le Parti libéral n’a fini par appuyer la Déclaration des droits proposée par Diefenbaker qu’à son corps défendant. Il a même déclaré: « J’ai toujours pensé que les droits de la personne seraient mieux protégés par un Parlement élu que par des juges nommés. Malgré les réticences de certains députés, nous avons décidé, au caucus libéral, que nous ne pouvions pas, pour des raisons politiques, nous opposer au principe d’une déclaration des droits. »
    Ne laissons pas les libéraux avoir le monopole de la protection des droits et des privilèges des Canadiens. Les députés du Parti conservateur ont toujours défendu les droits et les libertés les Canadiens.
    En fait, les principes sur lesquels s’arc-boute la fondation de notre pays reconnaissent les libertés des Canadiens, qui ne sont pas apparues comme par magie en 1982. Nos droits, nos libertés et privilèges ne nous ont pas été conférés, comme par magie, en cette fameuse journée du printemps de 1982. Tout cela provient d’une longue évolution des principes constitutionnels qui régissent notre pays, depuis la Magna Carta et jusqu’à aujourd’hui.
    En ce qui concerne la motion dont nous sommes saisis et les divisions que certains cherchent à attiser, n’oublions pas qu’en tant que parlementaires, nous représentons tous les citoyens, tous les Canadiens de ce pays uni, même s’il existe des différences au sein de notre société.
    N’oublions pas non plus que c’est pendant le mandat du premier ministre Stephen Harper que le Parlement a reconnu, par une motion, que les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni, reconnaissant ainsi que les Québécois ont une histoire et une culture distinctes et uniques, mais qu’ils font partie d’un Canada uni. Cela illustre bien l’évolution du mouvement conservateur: reconnaître qu’il y a des différences, mais que ces différences enrichissent notre pays.
(1125)
    J'aimerais citer George-Étienne Cartier, un des fondateurs de notre pays, qui a déclaré ceci:
     Une distinction de cette nature existera toujours, de même que la [diversité] paraît être dans l’ordre du monde physique, moral et politique.
    Quant à l’objection [voulant] qu’une grande nation ne peut pas être formée parce que le Bas-Canada est en grande partie français et catholique et que le Haut-Canada est anglais et protestant, et que les [provinces maritimes] sont mixtes, elle constitue, à mon avis, un raisonnement [complètement] futile. [...] Dans notre [confédération], nous aurons des catholiques et des protestants, des Anglais, des Français, des Irlandais et des Écossais, et chacun, par ses efforts et ses succès, ajoutera à la prospérité et à la gloire de la nouvelle confédération.
    Voilà la vision que la Chambre des communes devrait aspirer à incarner. Elle doit représenter la diversité des points de vue, des origines et des schèmes de pensée afin que le Parlement, dans son ensemble, représente les Canadiens. Nous devons, maintenant et pour toujours, défendre les droits et les libertés des Canadiens. En tant que conservateurs, nous allons toujours être du côté des familles de vaillants travailleurs de notre pays qui ne ménagent pas leurs efforts chaque jour pour subvenir aux besoins de leurs êtres chers.
    Monsieur le Président, le député vient de dire que les conservateurs se porteront toujours à la défense des libertés et des droits des Canadiens. Est-ce que ce principe s’applique aussi à la province de l’Ontario, alors qu’elle a utilisé la disposition de dérogation de façon préventive pour limiter les négociations collectives? S’agissait-il, à son avis, d’une utilisation appropriée de la disposition de dérogation de façon préventive?
    Monsieur le Président, le Parti conservateur adhère à un autre principe fondamental, celui de la séparation des pouvoirs, selon lequel chaque province a le droit de faire ce qu’elle veut dans la limite de ses compétences. Le Parti conservateur a toujours respecté le droit des provinces d'exercer les compétences qui leur reviennent, et si le député désapprouve une décision provinciale, il devrait essayer de se faire élire à l’assemblée provinciale pour y exprimer son désaccord.
    Nous avons des droits et des libertés, et nous avons des garde-fous qui les protègent. Le député sait parfaitement que, dans l’exemple qu’il a donné, la province a annulé son recours. Qui plus est, l’article 33 limite la validité de la déclaration à cinq ans, après quoi les députés provinciaux de chacune des provinces ont le droit de se prononcer à nouveau sur une question qui est visée par l’article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982.

[Français]

    Monsieur le Président, je suis un peu sidéré de voir constamment les conservateurs, chaque fois que nous avons une journée de l'opposition, nous faire des sermons pour nous dire qu'il y a d'autres choses dont on doit parler, dont l'inflation. Je pense qu'ils ont fait sept journées sur l'inflation sans proposer aucune fichue solution, seulement « pitcher » des slogans à répétition toute la journée. Ils n'ont pas de leçon à nous donner.
    La question que nous soulevons aujourd'hui est fondamentale. J'aimerais bien que mon collègue le comprenne. Il me parle d'un beau grand pays uni où tout le monde peut affirmer ses différences. Avec le contrat qu'on s'est fait enfoncer dans la gorge, il y a un outil pour préserver la différence québécoise, justement. Cela s'appelle la disposition de dérogation.
    Le gouvernement essaie de dénaturer le contrat que le Québec n'a jamais accepté et avec lequel on est obligé de vivre. En tout respect, que les libéraux ne viennent pas me demander de reconnaître la légitimité de leur contrat. Il y a d'autres mots qui viendraient après ça. Comme on est dans un parlement, je vais les garder pour moi.
    Je demande aux conservateurs d'appuyer notre motion. S'ils ne l'appuient pas, c'est qu'ils acceptent que le gouvernement débourse des milliers de dollars en frais d'avocats pendant 10 ans avant que ces lois soient reconnues et que l'on fonctionne. Cela veut dire que ce sera encore plus tout croche que ce l'est maintenant. Comme si cela se pouvait.
(1130)
    Monsieur le Président, je pense qu'il y a une question qui se pose.
    Soyons clairs. Nous, au Parti conservateur, croyons qu'il y a des questions importantes dans notre pays. Selon nous, l'inflation est le défi le plus important, en ce moment, pour les Canadiens et pour les Québécois.
    Concernant la motion du Bloc québécois, il s'agit d'une question de faits. La Constitution est claire au sujet des provinces. On peut lire ceci:
    Le Parlement ou la législature d'une province peut adopter une loi où il est expressément déclaré que celle-ci ou une de ses dispositions a effet indépendamment d'une discussion donnée de l'article 2 ou des articles 7 à 15 de la présente charte.
    Le Bloc nous demande de nous prononcer sur une question de faits. Les faits sont clairs. C'est dans la Constitution. Nous croyons ce qui est dit dans la Constitution.

[Traduction]

    Monsieur le Président, je suis très inquiet quand je vois le Parti libéral du Canada aligner son idéologie sur celle du Bloc Québécois. Ils sèment la division. Le Bloc, au moins, est clair à ce sujet, mais j'aimerais rappeler à la Chambre qu'il n'y a jamais eu de crise constitutionnelle sous le Parti conservateur lorsque ce dernier était au pouvoir. Aujourd'hui, les libéraux s'unissent aux bloquistes pour ne pas avoir à parler de ces huit années misérables sous leur gouverne et de leur piètre bilan pour le peuple canadien et québécois.
    J'aimerais que mon collègue dise ce qu'il pense de ce jeu dangereux, auquel les libéraux et les bloquistes se livrent, pour l'unité canadienne.
    Monsieur le Président, je suis d'accord avec mon collègue. C'est un jeu dangereux lorsque le Parti libéral et le Bloc attisent les divisions au sein de notre pays plutôt que de rassembler le pays sur des questions qui comptent pour tous les Canadiens.

[Français]

    Monsieur le Président, je tiens à préciser que je vais partager mon temps de parole avec mon honorable collègue d’Esquimalt—Saanich—Sooke.
    J'aimerais d'abord, à la suite de la tragédie survenue à Laval hier, prendre un instant pour exprimer mes pensées pour les enfants de cette garderie qui a été frappée par un geste insensé et horrible, ainsi que pour leurs parents et leurs familles. Je pense également aux employés de cette garderie. Je pense que nous devons avoir une réflexion collective au sujet des nombreux problèmes de santé mentale. Enfin, j'espère que nous aurons plus de détails au cours des prochains jours.
    Cela étant dit, je voudrais commencer par dire une chose qui risque d'en surprendre plus d'un. Je tiens à remercier le Bloc québécois d'avoir déposé cette motion dans le cadre de cette journée de l'opposition. Il est rare que je dise une telle chose, et cela va peut-être en faire sourire certains. Toutefois, je pense qu'il s'agit là d'un débat fondamental, au sens premier du terme, puisque nous parlons des droits et des libertés fondamentaux des citoyens et des citoyennes que nous représentons.
    Cela nous permet de mener un débat sur notre vision de la démocratie, un débat juridique, constitutionnel et politique, presque philosophique. Il est important d'avoir ce type de débat dans un Parlement. Au-delà de cela, il s'agit d'une discussion et d'un débat de la société civile au complet, d'une réflexion sur des gestes que posent nos assemblées législatives et qui ont aussi des conséquences extrêmement concrètes dans la vie des gens. On ne fait pas que pelleter des nuages. On ne fait pas qu'avoir des différends sur des visions qui s'opposent. Ce débat porte sur l'utilisation d'une disposition légitime qui existe, mais qui a des conséquences sur les gens. Nous ne devons pas oublier et nous devons le prendre en considération.
     La disposition de dérogation fait partie d'une espèce de compromis. Nous sommes au courant de l'exclusion du Québec lors de la nuit des longs couteaux. On ne reviendra pas là-dessus. C'est épouvantable, surtout pour René Lévesque et pour le Québec en entier. Or, on y a négocié l'utilisation de la disposition de dérogation. Il ne faut pas le nier, c'est vrai. Cependant, comme pour toute utilisation, on peut soit en faire une bonne ou une mauvaise.
     Je pense que, dans l'histoire, on en a fait une bonne utilisation avec la Charte de la langue française au Québec qui, à la suite de contestations, a pu utiliser la disposition de dérogation. Cela a permis également un débat de société et l'évaluation par des tribunaux de l'utilisation de cette disposition. L'utilisation de la disposition de dérogation visait, dans ce cas, un bien commun qui était plus grand: la défense de la langue française au Québec dans une situation minoritaire en Amérique du Nord. Je pense qu'aujourd'hui, ce qu'on appelle la loi 101 fait largement consensus au Québec 40 ou 50 ans après son adoption, et ce, peu importe à qui on en parle.
    Est-ce que cela veut dire qu'on peut utiliser la disposition de dérogation pour tout et n'importe quoi? Il n'y a rien d'absolu. Comme la liberté d'expression n'est pas absolue, l'utilisation de la disposition de dérogation ne devrait pas non plus, à notre sens, au NPD, en tant que progressistes, être absolue.
    Par ailleurs, ce n'est pas uniquement à neuf juges de la Cour suprême de décider quels doivent être les critères ou les conditions de son utilisation. C'est pour cela que j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un débat public qui doit se dérouler dans notre société au complet. Je pense que de déterminer quand doit être utilisée cette disposition fait partie d'une discussion démocratique saine et légitime.
    Rappelons qu'au départ, c'était pour une utilisation exceptionnelle, presque en dernier recours. Aujourd'hui, on voit plusieurs assemblées législatives, pas uniquement l'Assemblée nationale du Québec, l'utiliser de façon répétitive, peut-être même abusive, systématique — mes collègues du Bloc n'aimeront pas nécessairement ce dernier mot —, mais aussi préventive, ce qui est extrêmement troublant.
    Nous devons nous demander si le législateur peut, en tout temps et sans justification majeure, suspendre la majorité des droits et libertés, qui sont pourtant protégés. N'a-t-il pas à donner de très bonnes raisons pour justifier son utilisation et pour s'assurer d'être capable de faire face à une plaidoirie et à une contestation judiciaire?
    Autrement, cela voudrait dire qu'un Parlement majoritaire pourrait faire, en matière de violation des droits fondamentaux, tout et n'importe quoi, en tout temps et sans justification. Je pense qu'il y a là matière à réflexion. Je sais que cela fait bondir mes collègues du Bloc, mais rappelons les mots du philosophe français Albert Camus: « La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. »
(1135)
    C'est une conception des droits fondamentaux qui doivent être un rempart contre une utilisation tous azimuts et sans limites d'une disposition de dérogation qui suspend les droits des citoyens et des citoyennes. C'est un rempart qui a déjà été utilisé par le passé en tant que protection judiciaire et permanente et qui a joué en faveur du droit à l'association, des droits des femmes à l'avortement ou des droits des conjoints de même sexe.
    On a deux pôles. D'un côté, on a l'expression démocratique qu'est le Parlement et de l'autre côté, l'État de droit et des chartes qui protègent les citoyens et les citoyennes. Il y a une discussion entre les deux. Ces chartes ne sont pas uniquement la Charte canadienne des droits et libertés. Il y a aussi la Charte québécoise des droits et libertés de la personne qui est arrivée avant la Charte canadienne des droits et libertés. Ne l'oublions pas. Ensuite, il y a la société civile et les médias.
    On doit rappeler que c'est un usage exceptionnel et que l'utilisation préventive n'était pas prévue au départ.
    Je veux citer certains juges de l'arrêt Ford. Le juge Jacques rappelle que l'exercice du pouvoir de l'article 33 doit donc s'inscrire à l'intérieur des principes fondamentaux de notre société. Il rappelle que cette utilisation prive le citoyen d'un recours judiciaire constitutionnel contre l'empiétement sur un droit que la Constitution lui garantit, pour limiter son recours au seul recours politique, en disant que, si on n'est pas content, on a juste à renverser le gouvernement. C'est un peu un pléonasme, parce que c'est justement le gouvernement, par sa majorité, qui a imposé la disposition de dérogation. Il doit donc y avoir plus qu'un recours politique.
    Dans le cas du Québec, rappelons aussi que la Cour supérieure écrivait récemment que « [...] par définition, dans une société soucieuse de respecter les droits fondamentaux qu'elle accorde à ses membres, l'utilisation de la clause dérogatoire devrait se faire de façon parcimonieuse et circonspecte. D'aucuns peuvent penser que l'utilisation faite dans le cas à l'étude par le législateur québécois la banalise d'autant plus que la dérogation intervient avant tout débat judiciaire sur [s]a validité constitutionnelle [...]. » L'utilisation préventive vient couper court à toute discussion et au débat et elle vient menotter le juge dans sa capacité à défendre les droits fondamentaux.
    Le juge Blanchard de la Cour supérieure continuait en disant que « puisqu'il s'agit de neutraliser des droits et libertés fondamentaux, le simple respect de ceux-ci devrait militer en faveur d'une utilisation plus ciblée de ce pouvoir qui, après tout, doit demeurer exceptionnel. »
    Il doit demeurer exceptionnel dans l'utilisation pour suspendre des droits et libertés des citoyens et des citoyennes, mais il doit aussi être exceptionnel dans le cas où on s'attaquer aux droits des travailleurs et des travailleuses.
    On a vu en Saskatchewan et récemment en Ontario une utilisation préventive de la disposition de dérogation pour suspendre les droits des travailleurs et des travailleuses d'exercer des moyens de pression et de négocier librement leurs conditions de travail et leur contrat de travail. En Ontario, on parle de 55 000 travailleuses professionnelles du secteur de l'éducation qui sont mal payées, qui ont tout à fait le droit de revendiquer de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires. On a vu un gouvernement conservateur qui est venu s'attaquer au mouvement syndical, qui a voulu briser les droits de ces travailleuses avec une utilisation, à notre sens, abusive de la disposition de dérogation. Je trouve que cette discussion est importante. parce qu'on voit ce dérapage et ce glissement. En tant que militant syndical, en tant qu'homme de gauche, partisan des droits des travailleurs et des travailleuses, je pense qu'on doit se poser cette question: est-ce qu'on peut utiliser la disposition de dérogation pour s'attaquer à des droits fondamentaux des travailleurs et des travailleuses, à leurs conditions de travail, au fait qu'elles veulent revendiquer une meilleure vie?
    Je pense que cela fait partie du mouvement social depuis plusieurs années de promouvoir de meilleures conditions de travail et de meilleures conditions de vie, de lutter contre la pauvreté, de lutter contre les inégalités. Une utilisation abusive de la disposition de dérogation vient ici saper des droits fondamentaux d'association des travailleurs et des travailleuses, de libre négociation. C'est bien qu'on se pose la question sur les conditions d'application et d'exercice de cette disposition qui déborde la simple question du Québec, mais qui vient s'attaquer au mouvement syndical, aux citoyens et aux citoyennes et à l'ensemble des travailleurs et des travailleuses. Posons-nous donc cette question qui est fondamentale.
(1140)

[Traduction]

    Monsieur le Président, nous débattons d'un sujet très intéressant ce matin. Je viens d'écouter les remarques de mon collègue néo-démocrate.
    Je me souviens qu'en 2018, le gouvernement provincial nouvellement élu de l'Ontario avait décidé de tenir les élections municipales à l'automne de la même année. Je crois que c'est quelques jours avant que le bref soit émis que ce même gouvernement a décidé de couper de moitié le nombre de sièges au conseil municipal. À l'époque, ce gouvernement tentait de recourir à la disposition de dérogation.
    Cela me semble plutôt ironique, car des élections représentent une occasion de savoir ce que les gens souhaitent comme gouvernement, mais ce gouvernement a recouru à la disposition de dérogation afin de réduire de moitié les sièges du conseil, et ce, même si les juristes faisaient valoir qu'il s'agissait d'une atteinte à la démocratie et aux droits des personnes. J'aimerais savoir ce que mon collègue néo-démocrate en pense.

[Français]

    Monsieur le Président, effectivement, c'est un bon exemple. Je me souviens de cet épisode un peu malheureux du conseil municipal de Toronto où une utilisation encore là abusive de la disposition de dérogation est venue miner les droits des citoyennes et des citoyens de Toronto d'être bien représentés ou d'être représentés adéquatement par un nombre qu'ils jugeaient nécessaire de conseillers municipaux. Était-ce qui était prévu dans l'esprit des représentants des provinces qui, en 1982, réclamaient cette disposition de dérogation pour pouvoir parfois s'exclure de l'application de la Charte des droits et libertés? Je ne pense pas que c'était dans cet esprit.
    Je pense que c'est correct d'avoir cette discussion aujourd'hui sur des conditions d'exercice. Y a-t-il un besoin réel et urgent? Cela correspond-il au bien commun ou cela vient-il saper de manière abusive des droits fondamentaux?
    Ayons cette discussion. N'ayons pas peur de l'avoir.
(1145)

[Traduction]

    Monsieur le Président, mon collègue a terminé son discours en disant que ce dossier déborde la simple question du Québec, et il a entièrement raison. Ce qu'il omet de reconnaître ou de mentionner, c'est que très souvent, c'est le premier ministre qui est la cause du recours à la disposition de dérogation.
    Le recours à cette disposition a augmenté depuis 2017, et le dénominateur commun est le très diviseur premier ministre. Pourtant, le député continue de le soutenir. Je me demande si, à un moment donné, il cessera de soutenir ce gouvernement libéral essoufflé et corrompu afin que nous puissions nous attaquer aux problèmes qui touchent les Canadiens.

[Français]

    Monsieur le Président, je pense que le caucus du NPD a utilisé de manière intelligente son rapport de force et la balance du pouvoir pour être capable de forcer les libéraux à faire des choses qu'ils n'ont jamais voulu faire dans le passé et qui vont profiter à des milliers de Québécois et de Canadiens. On peut penser aux soins dentaires accessibles pour tous, à une assurance-médicaments, au logement social et abordable, au logement autochtone ou, enfin, à une loi antibriseurs de grève que réclame le mouvement syndical québécois et canadien.
    Tant que nous pourrons progresser et faire réaliser les points de l'entente sur lesquels nous avons forcé les libéraux à agir, alors qu'ils avaient toujours voté contre par le passé, nous allons continuer à travailler fort pour le bien des gens.
    Soyons-en convaincus.
    Monsieur le Président, je me pince encore après avoir entendu le discours de mon collègue.
    Le lieutenant politique du Québec du NPD doit défendre les intérêts des Québécoises et des Québécois. Or, les intérêts des Québécoises et des Québécois, c'est aussi une question de minorité. Le Québec utilise la seule disposition de la Constitution pour protéger son droit de vivre en français, pour protéger son droit de vivre ensemble et son identité comme peuple et pour préserver la nation. Ce sont des lois adoptées à l'Assemblée nationale.
    Je comprends mal qu'on puisse être tiède sur ces questions et ne pas reconnaître fondamentalement le droit du Québec et des provinces d'utiliser la disposition de dérogation pour protéger ce qu'on a de plus profond; il s'agit de préserver la législation et le droit des élus de décider par et pour eux-mêmes et de ne pas confier aux tribunaux cet espace.
    Monsieur le Président, je pense que ma collègue n'a pas bien écouté mon discours. J'ai dit dès le départ que je trouvais que c'était une bonne utilisation de la disposition de dérogation pour soutenir la Charte de la langue française et le droit des Québécois de vivre en français. Je tiens à le répéter.
    Au sujet de l'accusation qu'il ne faut pas avoir un gouvernement des juges, je suis un peu surpris d'entendre ma collègue du Bloc québécois parler ainsi, parce que c'est plutôt un argument qui a été utilisé par les conservateurs de Stephen Harper et qui est souvent utilisé aussi par le Parti républicain. Si on veut défendre les droits des Québécoises et des Québécoises, il faut aussi défendre leur droit à la libre association et à la libre négociation syndicale. Je trouve cela assez bizarre que l'ancienne présidente de la Centrale des syndicats du Québec ne voie pas le problème qu'il y a d'utiliser la disposition de dérogation pour s'attaquer aux syndicats.

[Traduction]

    Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole d'abord sur un sujet plus général, la Charte canadienne des droits et libertés. Après ce petit écart, je reviendrai à la motion dont nous sommes saisis.
    Soulignons qu’au moment de son adoption, la Charte canadienne des droits et libertés était controversée. Lorsque la Constitution a été rapatriée, nous n’étions pas habitués à l’idée d’une charte écrite, quelque chose qui relève d'une tradition de droit civil, parce que nos institutions avaient été fondées sur le système britannique, qui tient la suprématie du Parlement comme sacrée. Un compromis a été atteint lors du rapatriement de la Constitution, et le Parlement national ainsi que les parlements provinciaux ont accepté de se restreindre à une constitution écrite et à une charte écrite des droits et libertés.
    Je dirais qu’à l’époque, ce fut un cas d'exercice de la souveraineté parlementaire et d'une restriction volontaire. Nous avions reconnu que nous devions nous mettre d’accord sur les règles de base de notre vivre-ensemble et que celles-ci devaient être difficiles à modifier; c’est pourquoi nous avons une constitution écrite. Nous avions également reconnu que, même dans un système britannique, coucher la Charte par écrit contribuerait à préserver les droits et libertés des Canadiens.
    Soit dit en passant, mon propre enthousiasme pour la Charte, à l’époque, a été tempéré par ce qu’on a souvent qualifié d’omission de l’orientation sexuelle dans un article de la Charte, comme si elle avait été en quelque sorte inconnue ou oubliée à l’époque. Ce n’était pas le cas, et je le savais bien. Je sortais tout juste de l’université et je travaillais ici, à la Chambre des communes, pour Ed Broadbent à l’époque. Pendant l'examen en comité de la Loi constitutionnelle par la Chambre, le député néo-démocrate Svend Robinson avait proposé d’ajouter l’orientation sexuelle à l’article 15 en tant que motif protégé contre la discrimination.
    C’était à l’étape du comité. Il y a eu un débat et un vote pour savoir si l’orientation sexuelle devait faire partie de ces droits protégés. La proposition d’ajouter l’orientation sexuelle a été rejetée par 22 voix contre 2, seuls Svend Robinson et Lorne Nystrom du NPD ayant voté pour. Il a fallu une série d’affaires judiciaires après l’adoption de la Charte pour confirmer que l’orientation sexuelle constituait un motif de discrimination interdit analogue aux motifs énumérés dans la Constitution.
    Les députés comprendront dans un instant où je veux en venir. Je vais établir un lien avec la disposition de dérogation.
    Les membres de la communauté LGBTQ+ ont poursuivi le combat pour faire reconnaître leur droit à l'égalité. Il y a eu une toute une série de causes judiciaires, à commencer par l'affaire Haig et Birch c. Forces armées canadiennes en 1992, suivie d'Egan c Canada en 1995 pour aboutir à l'affaire Vriend c Alberta en 1998. Toutes ces causes ont servi à bien faire comprendre que ce n'est pas parce qu'un droit comme le droit à la citoyenneté ou le droit de ne pas subir de discrimination en raison de son orientation sexuelle n'est pas inscrit dans la Charte qu'il n'est pas protégé.
    En 1998, la Cour suprême du Canada a constaté l’omission de l’orientation sexuelle dans la loi albertaine sur les droits de la personne. À noter que dans cette cause, la Cour suprême du Canada se prononçait sur la validité d'une loi de l'Alberta. La Cour suprême a constaté que cette omission constituait une violation du droit garanti par la Charte à une protection égale par la loi. Autrement dit, à l'époque, la Cour suprême du Canada a ordonné à l'Alberta de modifier sa loi de sorte qu'elle assure une protection contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, conformément à la Constitution et à la Charte.
    Tout de suite après, des Albertains ont réclamé l’application de la disposition de dérogation. Ce fut instantané. Pourquoi le gouvernement de l’Alberta ne l’a-t-il pas fait? C'est parce qu’il y a eu un tollé public contre l’utilisation de la disposition de dérogation. L'opposition à cette idée était alors très forte, car le gouvernement de l’Alberta, à peine quelques mois auparavant, avait présenté un projet de loi pour invoquer la disposition de dérogation. Dans cette affaire, une décision avait été rendue contre le gouvernement, qui avait procédé à la stérilisation forcée des personnes atteintes de déficience intellectuelle. Les victimes avaient remporté un important règlement contre le gouvernement de l'Alberta, qui avait donc présenté un projet de loi proposant le recours à la disposition de dérogation pour limiter l’indemnisation des personnes ayant été stérilisées de force.
    La tentative d’utiliser de la disposition de dérogation pour interdire l’indemnisation qui avait été remportée à juste titre devant les tribunaux en raison de ce traitement discriminatoire avait suscité un énorme tollé. Ce précédent datait de seulement quelques mois auparavant, ce qui a alimenté le débat sur le recours à la disposition de dérogation dans le but de contourner la décision de la Cour suprême d'imposer l'inclusion de l'orientation sexuelle dans la loi albertaine sur les droits de la personne.
(1150)
    C’est ainsi que ceux qui ont adopté la Constitution et la Charte pensaient que la disposition de dérogation fonctionnerait: à la suite de décisions judiciaires ou législatives controversées. Il ne s’agissait pas de l'utiliser comme mesure préventive, mais plutôt pour réagir à l’évolution du droit. En fin de compte, qui doit décider si le recours à cette disposition est légitime? C’est la Cour suprême du Canada, car notre pays fonctionne selon la primauté du droit.
    Nous sommes saisis d'une motion qui dit, en des termes assez simplistes, que c’est aux provinces de décider si elles veulent ou non utiliser la disposition de dérogation, ce qui est manifestement faux sur le plan juridique. C’est également faux d’un point de vue politique. Il ne revient pas strictement aux provinces de décider, c'est évident. C’est aux Canadiens de décider de l’action appropriée et de juger leurs gouvernements.
    Je reviens à l’Alberta. Deux ans après qu’une série de décisions judiciaires ont reconnu le droit au mariage entre personnes de même sexe, l’Alberta a ajouté à sa loi sur le mariage une disposition de dérogation lui permettant de dire que le mariage n’est qu’entre un homme et une femme. Dans un renvoi devant la Cour suprême en 2004, cette dernière a conclu que, pour des raisons de compétence, l’Alberta ne pouvait pas recourir à la disposition de dérogation. Autrement dit, puisque le mariage relève de la compétence fédérale, l’Alberta ne pouvait pas utiliser la disposition pour s'affranchir de cette réalité. Le gouvernement fédéral a le pouvoir exclusif de prendre cette décision.
    Encore une fois, nous avons l’exemple d’une situation où ce n’est pas à une province de décider si elle veut utiliser une disposition de dérogation. La Cour suprême a jugé qu’elle ne pouvait pas le faire pour des raisons de compétence.
    Après ce très long détour sur des questions qui sont très importantes pour moi personnellement et pour un grand nombre de Canadiens, nous revenons au point de la motion dont nous sommes saisis, qui dit qu'« il revient au Québec et aux provinces de décider seuls de l’utilisation de la disposition de dérogation ». Les arguments que j’ai présentés aujourd’hui montrent clairement que ce n’est pas le cas. Ce n’est pas quelque chose qu’un gouvernement peut décider de faire.
    Nous avons la Constitution et nous avons la primauté du droit. Cependant, et c’est le plus important, les trois exemples de l’Alberta illustrent comment ceux qui ont conçu la Charte et la Constitution pensaient que cela fonctionnerait. L’opinion publique joue un rôle énorme quant à ce que les gouvernements peuvent et ne peuvent pas faire lorsqu’il s’agit du recours à la disposition de dérogation. C’est pourquoi je pense que l’utilisation préventive est problématique.
    En appliquant la disposition sans qu'il y ait eu de débat public, qu'un tribunal ait rendu une décision ou que quoi que ce soit soit arrivé sur un sujet donné, une province évite tout cela. Elle anticipe les résultats. Cela dénote une attitude selon laquelle, plutôt que d’essayer de trouver une solution au problème qui se pose, il est plus simple de devancer le débat et de dire que nous ne parlerons pas de cette question et que nous ferons tout ce que nous voulons. Malheureusement, je pense que la motion du Bloc renforce l’idée que cela serait approprié au Canada dans la démocratie que nous avons.
    Si nous examinons les cas où la disposition de dérogation a été utilisée, elle l’a été le plus souvent par opportunisme, lorsque la négociation collective échouait. En 1986, le gouvernement conservateur Devine de la Saskatchewan a utilisé la disposition de dérogation pour mettre en œuvre une loi de retour au travail après avoir échoué à conclure un accord avec les employés du secteur public.
    Plus récemment, en 2022, le gouvernement Ford a utilisé la disposition de dérogation pour interdire de façon préventive la grève des travailleurs de l’éducation et leur imposer un contrat. Je dirais qu’il existe un droit à la négociation collective et que le fait de contourner ce droit au moyen de la disposition de dérogation signifiait que le gouvernement ne voulait tout simplement pas s’asseoir et négocier équitablement avec les travailleurs.
    Entre 1990 et 2018, la disposition de dérogation n’a été utilisée que quatre fois, et beaucoup d’entre nous pensaient qu’elle était en train de disparaître. Le fait que nous en débattions aujourd’hui, comme s’il s’agissait d’un pouvoir illimité des provinces, est inquiétant. Comme je l’ai dit, nous savons déjà qu’elle est limitée. Elle est limitée dans le temps, puisqu’elle ne peut être utilisée que pendant cinq ans. Elle ne s’applique pas à certains articles de la Constitution. Elle est limitée par les décisions de la Cour suprême sur la question de compétence.
    Espérons que l’utilisation de la disposition de dérogation sera toujours limitée par l’opinion publique de ce pays et par la partie de notre culture politique et de nos valeurs politiques qui dit que nous sommes très fiers de notre Charte des droits et libertés, et que la dérogation à une partie de ces droits et libertés ne doit pas être prise à la légère.
(1155)
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de son discours bien articulé au sujet de la disposition de dérogation et en particulier de son incidence sur les droits des personnes LGBTQI.
    L'année dernière, aux États-Unis, il y a eu l'annulation de l'arrêt Roe c. Wade. Cette décision est très problématique, et pas seulement aux États-Unis. De nombreux Canadiens sont assez inquiets de l'incidence qu'elle aura sur les droits au Canada.
    Je me demande si le député pourrait parler de la possibilité que la disposition de dérogation soit utilisée de manière préventive et de la mauvaise façon en ce qui concerne le droit à l'avortement au Canada.
(1200)
    Madame la Présidente, je remercie le député de sa question, car il exprime la préoccupation à laquelle je voulais en venir. Si le recours bon gré mal gré et de manière préventive à la disposition de dérogation devient partie intégrante de notre culture politique, certains acteurs et dirigeants politiques seront tentés d'essayer de séduire des segments de la population en offrant d'utiliser cette disposition pour répondre à leurs préoccupations en matière de politique publique. C'est très dangereux, et je ne voudrais pas que nous nous engagions dans une voie où nous considérons la suspension des droits comme une pratique normale du régime politique canadien.

[Français]

    Madame la Présidente, je remercie mon collègue de son discours.
    Je suis un peu surpris de l'entendre et d'entendre les députés, notamment mon collègue de Rosemont—La Petite-Patrie, dire que les membres de la gauche sont toujours prêts à défendre toutes les diversités, les expressions particulières et les minorités.
     Vouloir limiter le droit du Québec à défendre sa différence est ce dont on parle de ce matin. Voilà ce qu'est la disposition de dérogation. Le Québec est une nation, ce qui a été reconnu ici. Il a une langue particulière et une façon de vivre ensemble particulière. En tout temps, tous les jours, le Bloc québécois est obligé de se lever pour défendre cette différence.
    Encore une fois, ce matin, avec cette motion, nous voulons dire que ce droit est inscrit et qu'on est tanné de se faire attaquer tout le temps. On n'est pas pareil. On veut que ça reste de même. On veut pouvoir sauvegarder notre pouvoir de défendre la différence québécoise. C'est tout.

[Traduction]

    Madame la Présidente, la seule chose que je peux répondre, c'est qu'il y a une contradiction dans l'argument même du député qui a déclaré que la nation québécoise et ses droits ont été reconnus. Les Québécois vivent au Canada et ils sont reconnus par tout le monde dans cette enceinte. Je ne suis pas certain que le fait de souligner la nécessité d'une disposition de dérogation ait quoi que ce soit à voir avec les droits déjà reconnus et inscrits du Québec.
    Madame la Présidente, je remercie mon collègue et voisin d'Esquimalt—Saanich—Sooke de ses propos et de ses réflexions sur le fait que dans la version initiale de la Charte, il n'était pas question de protéger le droit à l'orientation sexuelle.
    Comme le député a parlé de mon vieil ami Svend Robinson dans cette discussion, je vais faire mention de deux personnes de ma circonscription. Svend Robinson habite à l'île Galiano dans ma circonscription, et je lui suis grandement redevable de nombreuses positions qu'il a prises au fil des ans. La conservatrice Pat Carney, elle aussi résidante de ma circonscription, a été la première députée fédérale à présenter une mesure législative pour assurer l'égalité des droits en matière de mariage. Cette mesure est l'une des nombreuses initiatives pionnières dans ce dossier.
    Je tiens à faire remarquer quelque chose au député. Il affirme, à juste titre, que nous n'avions absolument jamais prévu que la disposition de dérogation serait invoquée comme le premier ministre Ford l'a récemment envisagé pour bafouer les droits des enseignants. Nous n'aurions jamais pensé que cette disposition serait utilisée dans une mesure législative forçant le retour au travail qui serait appliquée sans discernement.
    Que pouvons-nous faire pour mobiliser l'opinion publique afin de protéger la Charte des droits et libertés de tentatives politiques pour bafouer les droits de façon cavalière alors que...
    Je dois donner au député d'Esquimalt—Saanich—Sooke la possibilité de répondre.
    Madame la Présidente, ce que le débat d'aujourd'hui nous permet de faire, c'est d'attirer l'attention du public sur le fait que la disposition de dérogation n'a jamais été conçue pour être employée de cette façon, et de rappeler aux Canadiens que nous devons faire preuve de vigilance pour protéger nos droits et veiller à ce que certains gouvernements au pays ne considèrent pas la suspension des droits comme une procédure normale.

[Français]

    Madame la Présidente, je tiens à préciser que je vais partager mon temps de parole avec le député de Trois‑Rivieres. Je n'ai qu'une rivière, il en a trois et nous allons partager cela à parts égales.
    La motion d'aujourd'hui est rédigée ainsi: « Que la Chambre rappelle au gouvernement qu’il revient au Québec et aux provinces de décider seuls de l’utilisation de la disposition de dérogation. »
    La disposition de dérogation, ou la clause dérogatoire ou, plus communément appelée la clause nonobstant, est une disposition inscrite à l'article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés. Elle donne aux élus du peuple, à l'Assemblée nationale du Québec, au Parlement fédéral et aux assemblées législatives des provinces et des territoires, la capacité d'adopter des lois qui pourraient aller à l'encontre de l'une ou l'autre des dispositions de la Charte.
    L'article 33 est libellé ainsi:
    
    Le Parlement ou la législature d’une province peut adopter une loi où il est expressément déclaré que celle-ci ou une de ses dispositions a effet indépendamment d’une disposition donnée de l’article 2 ou des articles 7 à 15 de la présente charte.
    Il y a ensuite le fait qu'on dit que la loi en question aura effet indépendamment des dispositions de la Charte, qu'elle doit être renouvelée tous les cinq ans, sinon elle sera échue, et que, finalement, tout cela est conforme.
    On me dira que cela va de soi. On pourrait me dire que tout cela a déjà été réglé, que c'est inscrit dans nos lois depuis 1982 — cela fait maintenant 41 ans —, et que, finalement, aujourd'hui, en principe, on parlerait pour ne rien dire. Je voudrais bien qu'on n'ait pas cette motion devant la Chambre aujourd'hui parce que c'est une question qui est réglée pour moi aussi.
    Or, on a entendu le premier ministre s'exprimer depuis quelque temps en proposant que la disposition de dérogation ne puisse être utilisée qu'après que les tribunaux auront invalidé une loi.
    Il y a un premier ministre qui propose de laisser les gens dépenser temps et argent dans des recours judiciaires inutiles pour, en fin de compte, se faire dire que, gagnant ou perdant, ils auront perdu. On va dépenser des dizaines de milliers de dollars, voire des centaines, pour aller chercher un jugement en Cour supérieure, en Cour d'appel ou en Cour suprême. Si jamais on a la chance de gagner, le gouvernement va dire que c'est bien dommage et que, même avec la disposition de dérogation, même si on a gagné, on perd. Cela me semble totalement illogique.
    Nos tribunaux sont présentement encombrés. Il y a des délais; on parle souvent d'années avant d'avoir un procès. Pourquoi veut-on en rajouter? Je ne sais même pas pourquoi. Il faudrait demander au premier ministre pour quelle raison il propose cela. Cela me semble tellement absurde. Cependant, je dirais que, à certains égards, c'est fascinant.
    D'abord, la Cour suprême a tranché dans l'arrêt Ford, en 1988, en établissant que l'Assemblée nationale du Québec a pleine liberté d'inscrire la disposition de dérogation dans toute loi qu'elle adopte, si tel est son désir. Elle peut le faire d'une manière préventive, sans avoir à attendre qu'un tribunal invalide la loi au préalable. Le tribunal n'a pas l'autorité de juger de la substance de la loi ou de la légitimité de l'invocation de la disposition de dérogation. Le seul rôle du tribunal consiste à regarder si la disposition de dérogation respecte la forme prescrite. Cela veut dire qu'elle doit être explicite et préciser à quel article de la Charte elle entend soustraire la loi en question.
    Inutile d'ajouter que le gouvernement de René Lévesque avait adopté la Loi concernant la Loi constitutionnelle de 1982 qui introduisait, de manière préventive encore, les dispositions de dérogation pour toutes les lois québécoises. Bref, la Loi est claire, elle est en vigueur depuis 40 ans et on ne l'a pas ou à peu près pas contestée.
    La Cour suprême a confirmé la façon de la lire, mais tout cela, pour une raison qui m'échappe, n'a pas l'air d'atteindre l'oreille de notre premier ministre. J'avoue avoir très hâte de voir comment nos collègues libéraux, surtout notre premier ministre, voteront sur cette motion.
    Dans une note de recherche en 2016, le professeur de droit à l'Université de Sherbrooke Guillaume Rousseau a dénombré 41 lois adoptées par l'Assemblée nationale du Québec qui comprenaient au moins une évocation de la disposition de dérogation.
    À ce sujet, il y en a au moins 11 qui sont toujours en vigueur. Sur ces 41 lois, 9 prévoyaient des dérogations aux deux chartes, soit la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne québécoise.
(1205)
    Au total, il y avait 32 dérogations à la charte québécoise et 18 dérogations à la charte canadienne. Tout cela, ce sont des statistiques.
    Ce qui est intéressant, c'est de lire les exemples. On parle de la Loi sur Financière agricole du Québec qui prévoit une aide financière pour la relève agricole, donc les jeunes agriculteurs de 40 ans et moins. On s'entend que c'est de la discrimination basée sur l'âge. C'est effrayant, aux yeux de la Charte, mais cela a bien du sens aux yeux de la société québécoise. On s'est dit que cette loi serait en vigueur malgré les dispositions de la Charte. C'est donc une utilisation de la disposition de dérogation. Personne n'a déchiré sa chemise là-dessus.
    La Loi sur l'équité en matière d'emploi enjoint au gouvernement de privilégier des personnes issues de communautés sous-représentées. Encore une fois, cela contrevient aux deux chartes; on parle de discrimination. Puisque la société québécoise trouvait que cela avait de l'allure, la Loi a été adoptée malgré les dispositions de la Charte, en invoquant l'article 33 sur la disposition de dérogation.
     Je veux aussi parler de la Cour des petites créances. On a décidé d'instaurer cela pour alléger le processus judiciaire dans les causes moins importantes financièrement, soit celles de 15 000 $ et moins. On s'est dit que cela n'avait pas de bon sens que pour une cause, par exemple de 10 000 $, des gens attendent des années en cour et se paient un avocat au coût de 20 000 $ ou 30 000 $ pour peut-être aller chercher un jugement de 15 000 $ ou de 10 000 $. On a donc créé la Cour des petites créances où les avocats ne sont pas autorisés à représenter des clients. Les gens se représentent eux-mêmes. Le tribunal rend une décision après les avoir entendus et après avoir consulté l'ensemble de la preuve. Cela va à l'encontre de la Charte parce que le droit à l'avocat y est reconnu. Comme société, on trouvait que cela avait de l'allure; on a adopté cela en utilisant la disposition de dérogation.
     Autre exemple, la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec prévoit l'anonymat des enfants. On trouvait cela important, au Québec. Je pense que c'est pareil partout au Canada. Cependant, l'anonymat va à l'encontre des dispositions de la Charte parce que les procès sont publics. Il faut dire que, récemment, on a vu autre chose, mais je n'en parlerai pas, car j'ai seulement dix minutes et cela m'en prendrait vingt pour parler de cela. Je disais donc que la Charte dit que les procès doivent être publics. On a créé la Chambre de la jeunesse en utilisant la disposition de dérogation de l'article 33.
    Tout cela, ce sont des choix que l'Assemblée nationale du Québec a faits. Elle avait le loisir de le faire grâce à une chose. Malgré le fait que le gouvernement fédéral ait décidé d'adopter la Loi constitutionnelle de 1982 dans le dos du Québec, sans obtenir l'aval du Québec, il a quand même eu le minimum de décence de permettre au Québec de sortir de là avec les dispositions de dérogation de l'article 33. C'était l'entente entre le premier ministre du Canada et les premiers ministres des neuf autres provinces, sans le Québec, en 1982.
    Je rappellerais qu'en 1982, c'était le père de notre premier ministre actuel qui était là. Malgré le fait qu'on trouvait qu'il n'était pas toujours décent, à plusieurs égards, il a eu cette décence de dire que même s'il faisait cela dans le dos du Québec, il lui permettrait de s'en sortir.
    Comment se fait-il qu'aujourd'hui le premier ministre actuel remette en cause ce que son père a décidé à l'époque et qu'il tente de brimer l'autonomie des provinces et celle du Québec? Cela m'apparaît indécent.
    J'écoutais mes collègues parler de différentes mesures législatives au Canada avec lesquelles ils ne sont pas d'accord. Je ne serais peut-être pas d'accord moi non plus au sujet de décisions prises ailleurs. Il n'en demeure pas moins que la démocratie, c'est le droit de légiférer, et cela inclut le droit de se tromper. Il ne faut pas oublier cela.
    Un État démocratique n'est pas un État qui adopte des lois qui conviennent aux citoyens des autres États. Un État démocratique adopte des lois qui conviennent à ses citoyens, aux sujets de cette démocratie-là.
    Moi, je veux respecter la démocratie qui permet au gouvernement ontarien ou à tout autre gouvernement d'adopter des lois qui ne nous conviendraient peut-être pas au Québec. Je respecte cela. C'est à leurs citoyens d'en décider. Ils ont des élections là aussi.
    Chez nous, nous voulons nous prévaloir de notre droit à la démocratie. Nous voulons que notre gouvernement et notre Assemblée nationale adoptent des lois qui sont conformes à nos valeurs et qui nous ressemblent, sans avoir à s'imposer les normes que le gouvernement fédéral a décidé d'imposer à tout le monde, encore une fois dans le dos du Québec, sans notre accord.
(1210)
    Madame la Présidente, le ministre de la Justice a indiqué clairement que le gouvernement avait des préoccupations quant à l'utilisation préventive de la disposition de dérogation. Les provinces devraient être persuadées que leurs lois sont conformes à la Charte. Nous avons de sérieuses préoccupations quant à l'utilisation de la disposition de cette façon.
    Je demanderais à mon collègue s'il est d'accord sur la manière dont Doug Ford a utilisé la disposition de dérogation à l'automne dernier.
(1215)
    Madame la Présidente, je vais répéter ce que j'ai dit en terminant mon discours, parce que mon collègue, que je remercie de sa question et que je respecte beaucoup d'ailleurs, aborde un sujet important. J'ai rapidement abordé ce sujet à la fin de mon discours.
    Voici ce qu'est la démocratie: je n'ai pas à être d'accord avec Doug Ford et il n'a pas à être d'accord avec François Legault. Ce sont deux États différents qui décident de façon différente, selon ce qui convient à leurs électeurs. S'ils se trompent, ce qu'ils ont le droit de faire, leurs électeurs sanctionneront cette erreur aux prochaines élections.

[Traduction]

    Madame la Présidente, le député laisse-t-il donc entendre qu'Ottawa n'a absolument aucun rôle à jouer si un gouvernement provincial décide de recourir à la disposition de dérogation pour faire ce que bon lui semble, même si les citoyens du pays estiment qu'un certain leadership doit être exercé à l'échelon national sur un enjeu donné?

[Français]

    Madame la Présidente, la réponse est courte et simple: c'est oui. La Cour suprême l'a dit et je le répète: c'est oui. Ce que les provinces décident ne concerne pas le gouvernement fédéral, dans la mesure où c'est légal. Les tribunaux vont invalider ou pas une loi selon un bon nombre de critères, une panoplie de conditions que les lois doivent respecter.
    Cependant, leur conformité ou leur non-conformité à la Charte des droits et libertés relève de l'article 33, et cela ne relève pas du gouvernement fédéral, qui n'a pas à arbitrer les valeurs, les intérêts et les décisions prises par les assemblées législatives.
    Madame la Présidente, ma question est la suivante. Si le gouvernement fédéral veut amener la disposition de dérogation devant la Cour suprême du Canada pour l'encadrer et la modifier, n'est-ce pas là une ouverture que le fédéral fait lui-même pour renégocier la Constitution?
    Madame la Présidente, je remercie ma collègue de sa question, qui est pertinente comme toujours.
    Effectivement, elle a raison. Cela touche un peu ce que demandait mon collègue d'en face il y a quelques instants. Est-ce que le gouvernement fédéral doit rester les bras croisés? Si le gouvernement fédéral n'est pas satisfait de sa loi, il peut l'amender ou proposer de l'amender.
    La Loi constitutionnelle de 1982 peut être modifiée. C'est compliqué, nous en convenons, mais elle peut être modifiée. Si elle ne lui convient pas telle qu'elle est libellée actuellement, qu'il propose une ronde constitutionnelle. On verra ce que les provinces vont en dire. On verra s'il y aura des changements ou pas et, le cas échéant, quels seront les changements.
    Une chose est certaine, on a voulu nous cadenasser avec cette loi malgré le fait que nous n'y avions pas consenti. Ne nous imposons pas en plus une interprétation qui va à l'encontre de la logique, à l'encontre de ce que la Cour suprême du Canada a dit, à l'encontre de ce que M. Trudeau père a dit à l'époque et à l'encontre du gros bon sens.

[Traduction]

    Madame la Présidente, je tiens à être très clair. Par exemple, le gouvernement provincial de l'Ontario a pris des mesures considérables de façon préventive pour aller à l'encontre des syndicats. La position du Bloc est qu'Ottawa ne devrait même pas se prononcer sur la question.
    Il ne s'agit pas tant d'une question de compétence que de défendre la Charte canadienne des droits et libertés et de dire ce qui est bien, à de nombreux égards.
    Pour être très clair, le député dit qu'Ottawa n'a pas son mot à dire.

[Français]

    Madame la Présidente, Ottawa a le droit de faire des commentaires. Nous avons tous le droit de faire des commentaires, car nous sommes dans un pays libre. La liberté d'expression, c'est important.
    Je ne dis pas qu'on n'a pas le droit de faire des commentaires. Je dis que cela relève de la compétence de la province. Mon collègue d'en face n'a pas l'autorité de dicter sa conduite au gouvernement ontarien, pas plus qu'il n'a l'autorité de dicter sa conduite au gouvernement du Québec. Cela relève des assemblées nationales, cela relève du Parlement, cela ne relève pas du gouvernement.
    Encore une fois, il faut vivre avec la loi telle qu'elle est. La démocratie ontarienne n'a pas besoin d'être pareille à la démocratie québécoise ou à la démocratie des autres provinces.
(1220)
    Madame la Présidente, au début de mes études en philosophie, en 1992, le premier problème qui nous a été présenté était celui de la notion de gouvernement des juges. Dix ans après l'imposition de la Charte, notamment au Québec, on s'était demandé si, au bout du compte, ce sont les juges et les non-élus qui doivent prendre les décisions. Ce débat n'est donc pas nouveau.
    Au Parlement, quand il est question de la disposition de dérogation, un ange passe. D'ailleurs, je connais un auteur français qui aurait beaucoup à dire à ce sujet.
    Commençons par l'histoire.
    Cicéron expliquait que le verbe derogare, qui veut dire « déroger », est composé du privatif de, c'est-à-dire un préfixe qui enlève quelque chose, comme dans « dédouaner », « démissionner » ou « déblatérer », et de rogare, qui signifie « demander ». Le mot « déroger » est donc, au sens strict, « dé-demander ». Autrement dit, on veut sortir de quelque chose.
    Oresme, un autre philosophe, qui était aussi astronome, mathématicien, économiste, musicologue, physicien, traducteur et théologien de langue latine — tous des profils que l'on retrouve sur les banquettes d'en face —, ayant vécu dans les années 1300, nous a laissé deux héritages: la célèbre citation « Je sais donc que je ne sais rien » et l'usage juridique du mot « dérogatoire ».
    Dans toute discussion, le plus délicat est toujours de faire la différence entre une querelle de mots et une querelle de fond. Afin de régler la querelle de fond, voyons au préalable aux mots.
    Je répète souvent à la Chambre qu'un mot est la combinaison d'un son et d'un sens et que, parfois, la confusion s'installe. Prenons l'exemple du son du mot « laïcité ». Tout le monde va me croire: à la Chambre, on peut donner au moins deux sens à ce mot. Quand on utilise des mots comme « laïcité » ou « dérogatoire », il importe de préciser ce dont on parle.
    Le mot « dérogatoire » fait référence au fait d'abroger une loi ou certaines de ses dispositions. Quand il est question, en langage plus courant, de la « clause nonobstant », c'est un peu la même chose. L'expression latine non obstare veut dire « ne pas faire obstacle ». La « clause nonobstant » empêche le gouvernement fédéral de faire obstacle au gouvernement provincial; dans ce cas-ci, il s'agit du gouvernement du Québec. Dans tous les cas, la disposition dérogatoire constitue une protection accordée par le législateur, rédacteur initial, afin de ne pas faire obstacle à l'avenir, au progrès de la société ou aux changements qui surviennent au fil du temps.
    Dès son inscription dans la Constitution de 1982, qui n'a jamais été signée par le Québec — mes collègues vont l'entendre 32 fois aujourd'hui —, Trudeau père, ayant vu poindre la possibilité d'un gouvernement des juges, avait lui-même jugé favorable l'ajout de la disposition en question. Il avait même déclaré, dans un style que je n'oserai pas imiter:
     Je dois avouer franchement que je ne crains pas vraiment la clause dérogatoire. On peut en abuser comme de toute chose, mais il suffit de se reporter à la Déclaration canadienne des droits adoptée par Diefenbaker en 1960; elle comporte une clause dérogatoire qui n'a pas fait grand scandale. Je ne crois donc pas que la clause dérogatoire nuise beaucoup à la Charte. C'est un moyen pour les assemblées législatives fédérale et provinciales de garantir que ce sont les représentants élus du peuple plutôt que les tribunaux qui ont le dernier mot.
    Dès le départ, la disposition de dérogation a donc eu comme horizon de permettre aux gouvernements de la fédération l'expression de leurs choix, de leurs préférences. On a enchâssé leur droit de faire une chose plutôt qu'une autre, sans pour autant que ce choix ne touche les autres membres de la fédération.
    Je vais maintenant dire ce qui suit, afin de désamorcer la question que me poserait certainement mon collègue de Winnipeg-Nord.
    La disposition de dérogation permet des compromis entre les partenaires en matière d'équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs des différentes cultures membres de la fédération.
    Prenons de la hauteur un instant, sans parler du ballon chinois.
    À ce sujet, sur le plan géographique, le Canada est un territoire immense. On en convient tous, puisqu'il s'étend sur environ 10 millions de kilomètres carrés. Si l'on transposait ce territoire immense en Europe, par exemple, qui s'étend sur environ 9,9 millions de kilomètres carrés, on se rendrait compte que l'Europe contient 56 entités, souveraines. Comme les députés le savent, la France peut être contenue six fois dans le Québec. Dans les régions françaises, en Bourgogne ou en Alsace, par exemple, la culture est différente. La manière de vivre et l'identité sont différentes. Il y a 56 entités qui font partie de l'Europe. La France n'est pas l'Allemagne, l'Allemagne n'est pas la Finlande et la Finlande n'est pas l'Italie.
(1225)
    Ici, sans la disposition de dérogation, ce serait la même chose pour tous sur 10 millions de kilomètres carrés, du pâté chinois pour tous. Cela n'a pas de sens. Cela ne reconnaît pas les spécificités de chacun ou, du moins, de certains territoires.
     À mon avis, sur le plan de la géographie, le Canada est une erreur historique. Si on suit la logique européenne, certains membres se seraient rapprochés, d'autres se seraient éloignés, et le Québec serait un État souverain dans le vaste ensemble de l'Amérique du Nord. La disposition de dérogation est venue amoindrir ou pallier cette erreur historique en permettant, lorsque nécessaire, une correction. Cette disposition vient ici corriger l'inhérent déséquilibre ou iniquité de tout texte de loi, qui est un texte figé dans le temps. Cette disposition donne de la flexibilité aux membres d'un gouvernement, de la fédération, dans les cas non prévus par le législateur.
    Quand on parle d'iniquité, il faut parler d'équité. On dit que l'équité est une forme plus parfaite de justice parce qu'elle tient compte des exceptions. Quand on trace une ligne équitable, c'est une ligne qui va moduler autour des deux points afin de pouvoir refléter les préoccupations de chacun, contrairement à une ligne égalitaire, qui est une ligne droite entre deux points. La disposition de dérogation instaure de l'équité, et elle veille aussi à éviter ce qu'on qualifie de gouvernement par les juges. On laisse la maîtrise de leur destin aux élus, plutôt qu'aux nommés.
     Le Québec, avant toute chose, c'est la diversité et la tolérance. Le Québec, c'est une histoire, une culture et une identité distinctes.
    Il y a une philosophe polonaise que j'aime beaucoup qui s'appelle Maria Ossowska. Elle prônait que, dans les relations entre les nations, on devait faire preuve d'ouverture d'esprit, de courage, d'honnêteté intellectuelle, de sens critique, de responsabilité de la parole — qui parfois fait défaut à la Chambre — et d'un sens de l'humour. Ce qu'on veut dire, surtout, c'est que, dans les relations entre les nations, il convient d'être décent et de traiter l'autre comme on voudrait soi-même être traité.
     Je conclus par cette citation anonyme: « Un traité est une parole éternelle. L'expérience prouve qu'il est pratique de se départir de la parole donnée. La première dérogation crée une logique pour la seconde, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de la parole donnée. »
    C'est un peu ce qu'on souhaite.
    Madame la Présidente, j'ai une question très simple pour le député.
    Lorsqu'on en vient au recours à la disposition de dérogation, où tracerait-il la ligne? Quels droits verrait-il brimer d'un mauvais œil, et quels droits serait-il acceptable de brimer?
    Madame la Présidente, je remercie mon collègue de sa question piège.
    Il n'est pas question ici de brimer des droits, mais de moduler l'application de certaines dispositions en reconnaissant l'importance de chacun. La communauté anglophone n'est pas brimée par la disposition de dérogation au Québec. Son statut de minorité favorisée continuera de s'appliquer, ce qui ne nous a jamais causé de problème.
    Madame la Présidente, puisqu'il le faut, je vais offrir une passe sur la palette à mon collègue de Trois-Rivières.
    Il a fait un excellent discours et je tiens à le souligner. Si mes collègues ne sont pas prompts à se lever, c'est peut-être parce qu'il a été trop éloquent et trop en hauteur.
    J'aimerais lui demander s'il pense que la spécificité, l'identité particulière et le modèle de vivre ensemble du Québec pourraient être préservés sans la présence de la disposition de dérogation dans la Constitution canadienne.
    Madame la Présidente, je remercie mon collègue de Drummond de sa question.
    Nous tenons beaucoup à la disposition de dérogation de la Constitution de 1982, même si le Québec n'a toujours pas ratifié cette dernière. Cette disposition a assuré notre survie, notre identité, notre culture et notre spécificité tout ce temps. Sans cette disposition, c'est la noyade.
(1230)

[Traduction]

    Madame la Présidente, je voudrais que le député donne quelques précisions. Mon collègue lui a posé une question au sujet des droits qui, d'après lui, pourraient être brimés comparativement à d'autres qui ne devraient pas l'être. A-t-il une liste qui indique quels droits il faut absolument respecter et quels droits peuvent être brimés?

[Français]

    Madame la Présidente, je remercie mon collègue de Winnipeg-Nord et j'aurais été désolé s'il ne m'avait pas posé de question. J'apprécie toujours ses questions qui ont le don de susciter le débat.
    La province de Québec fait ses propres lois au profit des citoyens québécois et c'est permis par la disposition de dérogation. On ne parle pas de hiérarchiser les droits, on parle de juger selon nos propres culture, identité et prérogative.
    Madame la Présidente, je tiens à remercier mon collègue de son discours cet après-midi. Nous travaillons ensemble au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. Ses contributions à ce comité comme ses contributions à la Chambre aujourd'hui sont toujours réfléchies.
    Le député conviendrait-il avec moi qu'il n'y a jamais eu un premier ministre dans l'histoire de notre pays comme le premier ministre actuel qui a utilisé la division pour dresser les Canadiens contre les Canadiens, les Québécois contre les Québécois et qui a utilisé une crise constitutionnelle pour détourner l'attention de ses échecs?
    Madame la Présidente, mon collègue de Barrie—Innisfil, avec qui j'ai toujours le plaisir de travailler au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, pose une question fondamentale.
    La division instaurée par le premier ministre actuel, c'est du jamais vu, à un niveau inacceptable, et elle est insultante.
    Il y a quelques jours, je consultais chez moi un livre sur le Québec. C'est un livre de photographies. On y voit des gens voilés, des gens pas voilés, et tout le monde est en harmonie. Tout le monde vivait en harmonie sans problème jusqu'à ce que quelqu'un commence à créer des problèmes autour de ces éléments.
    Franchement, je crois que le premier ministre actuel entretient la division et contribue à séparer les citoyens entre eux.

[Traduction]

    Madame la Présidente, j'attache une grande valeur à la Charte des droits et libertés et je sais que l'intention derrière cette motion est assurément de protéger l'identité du Québec et des Québécois. Je comprends l'importance de l'identité, mais je respecte également l'identité des autres nations à l'intérieur du Québec, comme les nations autochtones, notamment les Cris de la Baie James, par exemple, qui sont visées par des ententes bilatérales signées par Québec et le gouvernement fédéral. Je souligne qu'il s'agit de relations différentes, puisque les peuples autochtones ont leurs propres relations avec la Couronne.
    Quand il est question de nation, que pense mon collègue de l'interprétation que je fais du mot « nation »?

[Français]

    Madame la Présidente, j'oublie en quelle année, mais Bernard Landry avait signé « La paix des braves » avec la Première Nation des Cris. Ce traité visait à reconnaître les droits des peuples autochtones en favorisant l'intégration de ceux-ci et la collaboration entre eux et nous, ou plutôt entre nous, tous ensemble. Alors, je suis tout à fait d'accord avec ma collègue.

[Traduction]

    Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole cet après-midi. Je vais partager mon temps de parole avec la députée d’Aurora—Oak Ridges—Richmond Hill.
    Je tiens d'abord à souligner que nous sommes réunis ici sur les terres traditionnelles non cédées du peuple algonquin.
    Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais faire part à mes collègues de quelques réflexions importantes sur la Charte canadienne des droits et libertés. Il s’agit d’un document qui a inscrit dans le droit canadien des droits et des libertés fondamentaux auxquels, je pense, les gens du monde entier aspirent. Au fil des ans, ce document a été un guide dans ma vie. Je pense qu’il a servi de guide à de nombreuses personnes dans ce pays. Bien qu’il ne soit pas parfait, il a offert une voie très importante vers la reconnaissance des droits internationaux de la personne et de leur universalité. Bien sûr, nous pouvons faire remonter cette reconnaissance à la Déclaration universelle des droits de l’homme qui a été signée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ainsi qu’à l’ancienne Déclaration canadienne des droits et à d’autres pactes et documents internationaux auxquels le Canada est partie.
    Sur une note plus personnelle, ma famille est venue au Canada il y a 40 ans cette année. Nous avons fui un conflit armé au Sri Lanka, où les droits des minorités étaient éliminés, le à volonté et souvent avec l’appui de la loi. Dans cette Chambre, dans ce pays et dans ma circonscription, des millions de Canadiens peuvent faire remonter leur l'histoire à des difficultés parce que les gouvernements ont choisi de supprimer leurs droits en raison de leur identité.
    En fait, au Canada, nous pouvons souvent voir ce genre de choses. Le député d’Esquimalt—Saanich—Sooke a parlé de l’expérience de la communauté LGBTQI, et bien sûr, la députée de Winnipeg-Centre a souvent parlé de la disparité entre les Canadiens autochtones et non autochtones.
     La Charte canadienne des droits et libertés a établi une référence que nous devons suivre à bien des égards. Bien qu’il soit important que nous ayons pu conclure cet accord en 1982 avec les provinces en incluant la disposition de dérogation, cette disposition a toujours été destinée à être utilisée avec parcimonie par les gouvernements.
(1235)

[Français]

    Notre Charte est aussi une source d'inspiration pour les nombreux pays qui ont bâti certains de leurs documents constitutionnels à son image. Bref, en tant que Canadien, je suis fier qu'il y a 40 ans, nous ayons décidé, en tant que société, de nous doter d'un tel instrument.

[Traduction]

    L’article 33 de la Charte, que l’on appelle communément la disposition de dérogation, a permis d’atteindre un compromis politique entre les différentes entités composant le Canada lors de l’adoption de la Charte. Cet article autorise le Parlement ou l’assemblée législative d’une province à déroger à certaines dispositions de la Charte, notamment celles qui protègent les libertés fondamentales, les garanties juridiques et le droit à l’égalité.

[Français]

    Je dois interrompre l'honorable député.
    L'honorable députée de Shefford souhaite invoquer le Règlement.
    Madame la Présidente, je suis désolée d'interrompre le discours de mon collègue, mais l'interprète mentionne que son oreillette est trop proche du microphone et qu'il y a un risque d'effet Larsen.

[Traduction]

    Je demanderais au député d'éloigner l'oreillette du microphone qui se trouve sur le bureau.
    Madame la Présidente, ce survol historique vise à souligner deux points importants.
    Premièrement, il est important de rappeler qui s’est servi de la disposition de dérogation dans un contexte politique et historique particulier. L’utilisation de cette disposition était exceptionnelle jusqu’à tout récemment lorsque l’Ontario l’a utilisée de façon préventive. Le coût politique était tout simplement trop élevé pour qu’il en soit autrement.
    Deuxièmement, les assemblées législatives des provinces avaient l'habitude d’invoquer la disposition de dérogation en réponse à la décision d’un tribunal. À mon avis, le seul temps où il est potentiellement légitime de recourir à l’article 33, c'est si les tribunaux se sont prononcés. Notre tradition constitutionnelle est marquée par le dialogue. Tout recours préventif à la disposition dérogatoire qui élimine le débat judiciaire est contraire à nos traditions et doit être désapprouvé.
     Pendant un certain temps, l’Assemblée législative du Québec a inclus une disposition de dérogation standard dans chacune de ses nouvelles lois; cette pratique s’est poursuivie jusqu’aux élections de 1995.
    Par la suite, la clause dérogatoire n’a été invoquée que quelques fois par les législatures provinciales. Au milieu des années 1980, l’Assemblée législative de la Saskatchewan a adopté une loi de retour au travail invoquant la disposition de dérogation. Elle l’a fait en réponse à une décision de la Cour d’appel de la Saskatchewan qui avait déclaré inconstitutionnelle une version antérieure de la loi qui ne comprenait pas de disposition dérogatoire. En fin de compte, la Cour suprême a cité l’Assemblée législative de la Saskatchewan, et elle a conclue que la loi ne contrevenait pas à la Charte et que, par conséquent, il n’était pas nécessaire d’invoquer la clause dérogatoire.
    L’Alberta a aussi eu recours à la disposition de dérogation. En 2000, la loi albertaine a adopté la Marriage Amendment Act, 2000. Cette loi modifiait la loi provinciale sur le mariage pour déclarer qu’un mariage ne pourrait unir que deux personnes de sexe opposé.
    À part l’exemple initial et particulier du Québec immédiatement après le rapatriement de la Constitution en 1982, on constate que le recours à la clause dérogatoire a été relativement exceptionnel. Avant 2018, trois provinces seulement avaient des lois qui invoquaient la disposition de dérogation, et elles ne l’ont fait que quelques fois
    Depuis 2018, il semblerait que l’intérêt pour l’utilisation de cette clause se soit renouvelé. L’Assemblée législative de l’Ontario a failli invoquer la disposition de dérogation en 2018 en réponse à une décision de la Cour supérieure de l’Ontario selon laquelle une loi visant à réduire la taille du conseil de la Ville de Toronto était inconstitutionnelle. La Cour d’appel de l’Ontario est toutefois intervenue pour empêcher l’utilisation de la disposition de dérogation.
    Par la suite, l’Assemblée législative de l’Ontario a adopté, pour la première fois, une loi invoquant la disposition de dérogation dans la Loi de 2021 visant à protéger les élections et à défendre la démocratie. La disposition de dérogation a été invoquée en réponse à la décision de la Cour supérieure de l’Ontario, qui avait déclaré inconstitutionnelles certaines dispositions relatives aux dépenses électorales des tiers.
    Ce nouveau projet de loi de l’Assemblée législative de l’Ontario révèle une tendance inquiétante. Comme je l’ai souligné, le recours à la disposition de dérogation était exceptionnel dans le passé, mais cela semble être de moins en moins le cas à l’heure actuelle. On pourrait ajouter à ces exemples la tentative ratée de l’Assemblée législative du Nouveau‑Brunswick en 2019.
    Cette disposition ne doit pas être prise à la légère. Lorsqu’on l’a incluse dans la Charte, il n’a jamais été question qu’elle devienne un outil que l’on utilise régulièrement. Elle ne devrait servir que dans les cas de politique publique les plus pressants qui ne laissent envisager aucune autre option. À quoi servirait une charte qui incorpore des droits et des valeurs fondamentaux dans notre Constitution si nous y dérogeons au moindre inconvénient?
    Une démocratie saine ne devrait pas être fondée sur la règle de la majorité. Elle doit respecter et protéger tous les Canadiens en leur donnant la chance de remettre en question les décisions du gouvernement au pouvoir. La Charte permet de contester des décisions gouvernementales en appliquant des lignes directrices claires. Il n’est pas normal qu’un gouvernement puisse prendre des décisions sans se soumettre à une évaluation scrupuleuse de la part de sa population. Cependant, l’article 33 vise à éviter tout débat et tout échange d’idées sur une mesure proposée. Il permet aux gouvernements de se cacher derrière la disposition de dérogation pour éviter de se remettre en question. Je ne pense pas que cela nous permette de vivre dans une démocratie saine.
(1240)
    Il faut également tenir compte du moment où la disposition de dérogation est invoquée. Lorsqu’on l’utilise de façon préventive, elle a des répercussions encore plus négatives sur notre système parlementaire, puisque les gouvernements peuvent adopter des lois sans s’inquiéter des répercussions de celles-ci sur les droits fondamentaux des citoyens. Son utilisation préventive risque de briser l’équilibre fragile qui existe entre la protection des droits fondamentaux et le fonctionnement efficace du système parlementaire.
    Je conclurai en indiquant que je vois d’un mauvais œil ce recours fréquent à la disposition de dérogation. Cette pratique banalise nos protections les plus fondamentales. Je suis heureux de pouvoir discuter de cette question importante au nom des Canadiens de tout le pays.

[Français]

    Madame la Présidente, je remercie mon collègue de son discours. C'est un homme passionné qui, à mon avis, est respectueux des droits et libertés de chacun et des peuples. J'ai deux questions à lui poser.
    Tout d'abord, est-ce que je dois comprendre de son discours qu'il souscrit à la Loi constitutionnelle de 1982, sauf à l'article 33?
    Ensuite, est-ce qu'il considère que le même raisonnement devrait s'appliquer pour tous les peuples dans le monde, c'est-à-dire que tous les peuples, y compris le Sri Lanka, dont il est originaire, devraient être libres de décider de certaines lois, mais uniquement à la condition de respecter certains préceptes édictés par le Royaume‑Uni, par exemple?
(1245)

[Traduction]

    Madame la Présidente, nous avons un instrument international en matière de droits de la personne qui définit les droits et libertés fondamentaux. La Charte canadienne des droits et libertés en est le reflet à bien des égards. Elle va même beaucoup plus loin que les normes internationales à certains égards.
    À mon avis, il est important que nous respections tous un même ensemble de valeurs fondamentales; les articles 7 à 15 de la Charte sont des éléments essentiels de la protection des droits de la personne. Par conséquent, je suis convaincu que toute dérogation à cette règle devrait être profondément réfléchie, qu’elle ne devrait pas être préventive et qu’elle devrait pouvoir résister à l'épreuve des tribunaux. Il est donc important que l’article 33 de la Constitution de 1982 ne soit pas invoqué à la légère.
    Madame la Présidente, je me réjouis que la Chambre ait cette discussion, car nous devons nous demander si nous sommes vraiment prêts à défendre la Charte canadienne des droits et libertés ou non. Avons-nous ou non des droits constitutionnels qui protègent les minorités? Il est très préoccupant de voir de nouvelles lois cibler les femmes musulmanes du Canada et entraîner leur congédiement. Nous avons pu voir des gouvernements provinciaux utiliser la disposition de dérogation pour priver des travailleurs à faible salaire de leurs droits. Cet outil laisse les gouvernements échapper à l'examen des tribunaux et priver des minorités du droit de remettre en question la validité même d'une loi.
    J'aimerais que le député me dise ceci: le gouvernement fédéral est-il prêt à défendre la Charte des droits et libertés, ou continuera-t-il de dire, en se tordant les mains, qu'il est toujours dommage qu'un gouvernement provincial décide qu'il est plus facile, pour lui, de priver arbitrairement des citoyens de leurs droits constitutionnels que de suivre une autre voie? Allons-nous protéger la Constitution et la Charte, ou seulement déplorer que certains gestes ne sont vraiment pas gentils?
    Madame la Présidente, je suis heureux d'avoir l'occasion de répondre à cette question.
    Le premier ministre a été absolument clair: le Canada est le pays de la Charte. Nous sommes le parti de la Charte. Le gouvernement libéral est fermement résolu à faire en sorte que les valeurs de la Charte soient protégées pour tous les Canadiens. Je peux assurer au député d'en face que le ministre de la Justice, le premier ministre et l'ensemble du gouvernement défendront toujours les droits garantis par la Charte.

[Français]

    Madame la Présidente, c'est à mon tour de féliciter mon collègue libéral pour son discours.
    J'ai posé une question à mon collègue de Trois-Rivières, tout à l'heure, et je m'attendais un peu à sa réponse. Je dois vous l'avouer bien candidement.
    J'aimerais poser la même question à mon collègue d'en face. Le Québec est reconnu comme étant une nation à part entière avec sa langue, sa culture, ses valeurs et son modèle de vivre-ensemble, qui est différent. Ce modèle a souvent besoin d'être défendu parce qu'il est mal compris et pas toujours respecté.
    Si cette disposition de dérogation n'existait pas dans la Constitution, que nous n'avons pas signée, je le rappelle, qu'est-ce qu'il resterait au Québec pour protéger ses valeurs et sa vision du vivre-ensemble?
    J'aimerais entendre mon collègue là-dessus.

[Traduction]

    Madame la Présidente, je pense qu'il est juste de dire que mon collègue d'en face défend fermement ce qu'il croit être la bonne chose à faire au Québec. Lorsque ma famille et moi sommes arrivés au Canada, le Québec a été le premier endroit où nous avons demeuré. Je comprends donc assez bien la société québécoise.
    Il s'agit à bien des égards d'une société modèle en matière de protection des minorités dans le contexte d'un pays comme le Canada. Bien sûr, il y a encore beaucoup à faire. Cependant, utiliser la disposition de dérogation et le faire de façon préventive n'est pas la bonne façon de protéger la société québécoise. Je dirais que le Québec a beaucoup à offrir au monde et qu'en tant que Canadiens, nous avons tous l'obligation de nous assurer que le Québec...
(1250)
    Nous devons reprendre le débat.
    La députée d'Aurora—Oak Ridges—Richmond Hill a la parole.
    Madame la Présidente, en tant que députée d'Aurora—Oak Ridges—Richmond Hill, je suis ravie de prendre la parole aujourd'hui au sujet de ce dossier très important. La Charte canadienne des droits et libertés est un texte fondamental qui reflète l'identité et les valeurs canadiennes.
    J'aimerais d'abord citer quelques déclarations qui s'étendent sur une période allant des origines de la Déclaration canadienne des droits, proposée par John Diefenbaker, jusqu'à aujourd'hui. L'honorable John Diefenbaker a déclaré ceci:
     Je suis Canadien, un Canadien libre, libre de m'exprimer sans crainte, libre de servir Dieu comme je l'entends, libre d'appuyer les idées qui me semblent justes, libre de m'opposer à ce qui me semble injuste, libre de choisir les dirigeants de mon pays. Ce patrimoine de liberté, je m'engage à le sauvegarder pour moi-même et pour toute l'humanité.
    Comme nous le savons, cette déclaration date de 1960, année où la Déclaration canadienne des droits a été proposée.
    En 1981, avant l'adoption de la Charte des droits et libertés, le très honorable premier ministre Pierre Elliott Trudeau a dit ceci:
     Nous devons maintenant établir les principes de base, les valeurs et les croyances fondamentales qui nous unissent en tant que Canadiens, de sorte que par-delà nos loyautés régionales, nous partagions un style de vie et un système de valeurs qui nous rendent fiers de ce pays qui nous donne tant de liberté et une joie aussi immense.
    Plus récemment, le 17 avril 2022, à l'occasion du 40e anniversaire de la Charte des droits et libertés, le premier ministre actuel a déclaré avec éloquence:
     La Charte protège les droits et libertés qui nous définissent comme Canadiens en nous permettant d’exprimer notre individualité et de célébrer nos différences. Érigée autour de nos valeurs communes d’égalité, de justice et de liberté, elle nous rapproche comme pays et comme population. Pour des gens du monde entier, elle fait aussi du Canada un endroit de choix où élever une famille.
    Je sais qu'un grand nombre de résidants de ma circonscription tiennent à ces droits et libertés, et au fait qu'ils sont inscrits dans la Constitution.
    C'est avec inquiétude que je reçois cette motion de l'opposition, et je suis préoccupée qu'on envisage l'utilisation préventive et croissante par les provinces, ou par certaines provinces, de la disposition de dérogation prévue dans la Charte canadienne des droits et libertés dans une tentative d'empêcher les tribunaux de déterminer si une mesure législative provinciale viole les droits et libertés fondamentaux inscrits dans la Constitution, ainsi que pour éviter un débat public sur ces questions.
    L'Ontario a récemment présenté la Loi de 2022 visant à garder les élèves en classe, dont le nom n'est pas très approprié à mon avis, mais qui, si elle est adoptée par l'Assemblée législative, supprimerait dans les faits le droit à la négociation collective, qui est protégé par l'article 2 de la Charte garantissant la liberté d'association. C'est un exemple d'utilisation de la disposition de dérogation.
    Un grand nombre d’intervenants ont souligné aujourd’hui l’utilisation accrue de cette disposition. Lorsque la Charte des droits et libertés a été enchâssée dans la Loi constitutionnelle de 1982, les Canadiens étaient fiers que les droits et libertés fondamentaux soient garantis et protégés par la Constitution, à savoir la liberté de conscience et de religion, la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, ainsi que la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association.
    La Charte offre des garanties juridiques, comme le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Elle prévoit que la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi. Bien entendu, ces droits peuvent être restreints par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. Ces limites sont prévues à l’article 1 de la Charte.
    L’adoption de la Charte il y a 40 ans constitue une étape majeure de la protection des droits fondamentaux au Canada. Je suis convaincu qu’elle a démarqué le Canada dans le domaine de la protection des droits de la personne. Elle s’inspire en partie de la Déclaration des droits présentée par l’honorable John Diefenbaker et dont j’ai déjà parlé.
    C’était une loi quasi constitutionnelle qui méritait une interprétation large et libérale, mais elle était néanmoins seulement une loi fédérale, et les tribunaux l’ont appliquée avec prudence. Cette prudence était nécessaire dans notre contexte de souveraineté parlementaire afin d’éviter qu’un gouvernement ne défasse le travail accompli au cours d'une législature antérieure en adoptant une nouvelle loi incompatible avec la loi précédente.
(1255)
    L'équilibre entre la protection des droits fondamentaux et la reconnaissance de la souveraineté continue du Parlement est exprimé à l'article 2 de la Déclaration canadienne des droits, qui se lit comme suit:
     Toute loi du Canada, à moins qu’une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu’elle s’appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s’interpréter et s’appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l’un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression [...]
    En d'autres mots, la Déclaration canadienne des droits stipule que les lois adoptées par le Parlement doivent être interprétées et appliquées de manière à ne pas restreindre ou enfreindre les droits et les libertés reconnus et déclarés dans celle-ci, à moins que le Parlement ne déclare expressément qu'une loi doit s'appliquer nonobstant la Déclaration.
    La Charte canadienne des droits et libertés va beaucoup plus loin dans la protection des droits de la personne et établit un meilleur équilibre entre cette protection et la prise de mesures législatives. À l'article 1, la Charte garantit dans la Constitution les droits qui y sont énoncés et précise qu'ils ne peuvent être restreints que par la disposition sur les limites raisonnables. Elle assure la tenue d'un dialogue démocratique respectueux entre le Parlement et les assemblées législatives provinciales, ainsi qu'entre le Parlement et les cours de justice, en tenant compte de la portée et des limites des droits et libertés garantis.
    Toutefois, selon le compromis politique qui a donné lieu à la version définitive de la Charte, en novembre 1981, une disposition de dérogation faisant écho à l'article 2 de la Déclaration canadienne des droits a été ajoutée à l'article 33 de la Charte. La disposition prévoit ceci:
     Le Parlement ou la législature d’une province peut adopter une loi où il est expressément déclaré que celle-ci ou une de ses dispositions a effet indépendamment d’une disposition donnée de l’article 2 ou des articles 7 à 15 de la présente charte.
    Il s'agit des dispositions qui garantissent les libertés fondamentales, les droits juridiques et les droits à l'égalité.
    Selon plusieurs observateurs, avec je suis d'accord avec eux, il s'agissait d'un lourd prix à payer pour que les provinces parviennent à un consensus fort afin de rapatrier la Constitution et d'y enchâsser la Charte des droits. Toutefois, la politique est l'art du possible, et c'est ce qui a été possible et nécessaire pour parvenir à un consensus.
    L’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 stipule que « la Constitution du Canada est la loi suprême du Canada ». Le Parlement et les assemblées législatives provinciales tirent leurs pouvoirs uniquement de la Constitution, comme la Cour suprême l’a souligné en 1998 dans le Renvoi sur la sécession. Au Canada, nous avons une suprématie constitutionnelle et non une suprématie parlementaire, ainsi qu’une culture politique qui valorise les droits fondamentaux, le débat démocratique et les décisions de nos tribunaux, qui sont les gardiens de la Constitution. Le Parlement et les assemblées législatives sont souverains dans les sphères de compétence qui leur sont attribuées par la Constitution et dans les limites des garanties de la Charte.
    L’article 33 de la Charte a été conçu comme un outil de dernier recours et non de premier ressort. Il a rarement été invoqué pendant de nombreuses années, mais dernièrement on l’invoque beaucoup plus souvent. Toutefois, on ne devrait l’envisager que dans des circonstances absolument exceptionnelles.
    Le gouvernement a toujours dit clairement qu’il était très préoccupé par l’utilisation préventive de la disposition de dérogation par les gouvernements provinciaux, et nous examinons diverses options. Nous sommes fermement résolus à défendre les droits et libertés protégés par la Charte canadienne des droits et libertés. Dans le dialogue entre le Parlement et les tribunaux, le premier mot prononcé ne devrait pas être le dernier.
    Bien que l’utilisation de la disposition de dérogation soit légale, elle a de graves répercussions, parce qu’elle suspend les protections juridiques garanties par la Charte canadienne des droits et libertés qui, je le crois bien, sont des valeurs fondamentales auxquelles tous les Canadiens sont attachés.
    Nous croyons qu’un gouvernement qui utilise un recours de cette ampleur doit définir les circonstances exceptionnelles qui justifient la suspension de ces protections juridiques. Le gouvernement s’inquiète quand des gouvernements l’utilisent de façon préventive avant d’entamer un débat ou avant que les tribunaux ne se soient prononcés. À notre humble avis, cela ne correspond pas aux valeurs canadiennes que sont la démocratie et les droits de la personne.

[Français]

    Madame la Présidente, nous, les députés du Bloc, sentons toujours que, quand le Québec se lève à la Chambre pour défendre son unicité, cela semble un peu suspect. Pourtant, du côté de mes amis libéraux, on voyait le premier ministre Trudeau, à une certaine époque, aller dans certains pays, se déguiser et mettre toutes sortes de costumes...
(1300)
    Je rappelle à l'honorable député qu'il est interdit d'utiliser les noms des députés actuels.
    L'honorable député de Longueuil—Saint‑Hubert a la parole.
    Madame la Présidente, donc, on voyait le premier ministre mettre des costumes de toutes sortes de nations, ce qui est bien correct et qu'on respecte tout à fait. Cependant, quand vient l'idée d'appuyer le fait que le Québec est une minorité particulière, ayant des valeurs, une histoire et une façon de vivre particulières, c'est toujours un peu suspect à la Chambre.
    Aujourd'hui, cette disposition de dérogation que nous défendons, c'est justement la capacité de défendre cette particularité à l'intérieur de cette fédération. Aujourd'hui, j'entends clairement qu'on ne veut pas que le Québec conserve ce droit.
     Je vois que la seule solution, c'est que le Québec devienne un pays. Quand on va devenir indépendant, on va pouvoir s'assumer totalement dans tout ce qu'on est, dans toute notre langue et notre culture et dans toutes nos valeurs. Ça va être le meilleur que je souhaite à toute la nation du Québec.

[Traduction]

    Madame la Présidente, je ne crois pas que nous trouvions les intentions du Bloc québécois suspectes. Je crois que la culture et l'histoire distinctes du Québec ont beaucoup apporté à notre pays, et elles ont une valeur inestimable à mes yeux. Pour moi, c'est très important que les lois fassent l'affaire du Québec, mais je crois aussi qu'il faut respecter les droits et libertés fondamentaux des Québécois et de tous les Canadiens, et qu'il ne faut recourir à la disposition de dérogation que dans des circonstances très exceptionnelles.
     Fondamentalement, les réserves que nous exprimons aujourd'hui se rapportent au fait que l'on recourt de plus en plus à cette disposition à titre préventif.
    Madame la Présidente, je vais reprendre la toute dernière observation de ma collègue au sujet de l’aspect préventif de cette dérogation. Je citais en exemple le recours de la province de l’Ontario à celle-ci dans le contexte de problèmes de main-d’œuvre qui touchaient littéralement des milliers de travailleurs, dans le domaine de l'éducation. De nombreux membres de notre caucus et moi-même estimions que le recours à la disposition de dérogation de façon préventive était tout simplement inacceptable.
    Je me demande si ma collègue pourrait nous expliquer plus en détail si elle pense que le gouvernement de cette province utilise la disposition de dérogation de façon préventive.
    Madame la Présidente, comme mon collègue le sait, je suis fermement convaincue que, dans ce cas particulier, la disposition de dérogation n’a pas été utilisée à bon escient. Il s’agit de droits fondamentaux des Canadiens. À mon avis, un premier ministre provincial devrait respecter ces droits fondamentaux. Nous sommes profondément inquiets de le voir présenter un projet de loi qui empêche les enseignants et les travailleurs de notre système d’éducation de négocier collectivement.
    J’espère que les députés du Bloc québécois partagent notre inquiétude quant à la nécessité de protéger les droits et libertés fondamentaux de nos travailleurs et leur droit à la négociation collective.

[Français]

    Madame la Présidente, j'ai bien écouté le discours de ma collègue. À maintes reprises, elle a parlé de l'importance et de la beauté de la liberté et de l'égalité.
     En effet, je suis d'accord avec cela. Ce n'est pas parce qu'on recourt à la disposition de dérogation qu'on mine la liberté. Je vais en donner un exemple. La loi ayant créé la Chambre de la jeunesse précise que ce tribunal n'est pas public. Il y a donc discrimination entre les jeunes et les adultes, ce qui permet justement à ces jeunes d'être protégés.
    Dans ce cas, l'utilisation de la disposition de dérogation est-elle une atteinte à la liberté, à l'équité et à la beauté du Québec et du reste du Canada? Où ma collègue trace-t-elle la ligne? Pour quels sujets faut-il tracer une ligne?
(1305)

[Traduction]

    Madame la Présidente, je ne prétends pas savoir où tracer la ligne. Je fais confiance à notre système judiciaire à cet égard. Nous avons établi une jurisprudence. Je crois que, dans des cas comme celui-ci, la sagesse du tribunal en verrait l’effet bénéfique.
    Pourquoi utiliser la disposition de dérogation? Pourquoi ne pas présenter cette motion et voir si elle suscite une contestation? Si c’est le cas, laissons nos tribunaux trancher.

[Français]

    Madame la Présidente, je dois dire d'entrée de jeu que je ne serai pas la vedette de ce segment. En fait, je fais la première partie du discours de mon collègue de Berthier—Maskinongé, et j'en suis honoré.
    Je suis un amoureux du Québec. J'ai eu la chance, le privilège énorme de voyager partout sur le continent dans le cadre de mon travail précédent, et à plusieurs endroits dans le monde pour le plaisir. Partout où nous passons, quand nous disons que nous sommes du Québec, on nous pose plusieurs questions, on est curieux. Qu'est-ce que c'est que c'est, cette bibitte, ce Québec qui refuse de se fondre dans l'océan anglophone de l'Amérique du Nord? Qu'est-ce que c'est, ce bout de pays où les gens ne mangent pas la même chose qu'ailleurs au Canada et où la mode est différente? On n'a qu'à regarder le député de Longueuil-Saint-Hubert. Aujourd'hui, il n'est pas pire, mais, habituellement, il nous surprend.
    Qu'est-ce que c'est, cette province où l'immense majorité des artistes préfèrent s'épanouir dans leur langue plutôt que de profiter de la manne qui est à leur portée avec le marché anglophone? Toute la nation monte au créneau pour qu'on réserve aux artistes du Québec la place qui leur appartient sur les ondes radio, dans nos télés, dans nos cinémas et sur les plateformes de diffusion.
    On a brièvement parlé tantôt du projet de loi C‑11. Mon collègue Charlesbourg—Haute-Saint-Charles en a parlé dans son discours ce matin. Le projet de loi C-11 est une belle démonstration de la différence qui existe entre le Québec et le reste du Canada. Alors qu'au Québec, la communauté et l'industrie culturelle se sont mobilisées pour défendre la spécificité de la culture et de la culture d'expression française particulièrement, dans le reste du Canada, on avait d'autres préoccupations et on s'opposait à ce projet de loi pour d'autres raisons, qui sont celles du reste du Canada. C'est correct, mais cela démontre encore une fois qu'il existe des différences importantes.
    Je vais continuer à parler des différences. Qu'est-ce que cette nation où les femmes se marient sans prendre le nom de leur époux? C'est quand elles se marient, parce qu'on se marie moins au Québec que dans le reste du Canada. Ce n'est pas que nos gens ne sont pas beaux ou qu'ils ne sont pas en amour. Nous ne pensons pas de la même manière, tout simplement. C'est une nation où les parents, de plus en plus souvent, donnent le nom de famille de la mère à leurs enfants. C'est assez nouveau.
    À l'étranger, les gens nous demandent ce qu'on pense d'un Québec qui rejette l'exploitation des énergies fossiles au profit des énergies renouvelables, qui préfère les voitures électriques aux pick-up trop gros pour nos besoins?
    Comment gère-t-on une nation qui veut à tout prix protéger sa langue et sa culture, ses valeurs fondamentales et son modèle de société? Le nœud du problème, il est souvent là. Nous avons des différences de point de vue sur le modèle d'intégration, le modèle de société. Celui du Québec se veut ouvert, mais il requiert aussi une ouverture de la part de ceux et de celles qui veulent s'y intégrer. Il ne s'agit pas d'une ouverture au point de s'oublier et de se fondre dans une masse homogène. Non, ce n'est pas du tout ce que nous voulons. Ce que nous voulons, c'est une ouverture aux valeurs fondamentales qui sont le socle de la société québécoise: l'égalité entre les hommes et les femmes, la séparation de la religion et de l'État, le français comme langue officielle et comme langue commune.
    Plusieurs députés qui siègent à la Chambre l'ignorent peut-être, mais il existe au Québec une déclaration à laquelle s'engagent celles et ceux qui souhaitent s'y établir. On y lit ceci:
    Le Québec est une société pluraliste qui accueille des personnes immigrantes venues des quatre coins du monde avec leur savoir-faire, leurs compétences, leur langue, leur culture et leur religion.
    Le Québec offre des services aux personnes immigrantes pour faciliter leur intégration et leur participation pleine et entière à la société québécoise afin de relever les défis d’une société moderne tels que la prospérité économique, la pérennité du fait français et l’ouverture sur le monde. En retour, les personnes immigrantes doivent s’adapter à leur milieu de vie.
    Toutes les Québécoises et tous les Québécois, qu’ils soient natifs ou immigrés, ont des droits et responsabilités et peuvent choisir librement leur style de vie, leurs opinions ou leur religion; cependant tous doivent respecter toutes les lois quelles que soient leurs convictions.
    L’État québécois et ses institutions sont laïques: les pouvoirs politiques et religieux sont séparés.
    Toutes les Québécoises et tous les Québécois jouissent des droits et libertés reconnus par la Charte des droits et libertés de la personne et d’autres lois et ont la responsabilité de respecter les valeurs qui y sont énoncées.
    Il est ensuite question des valeurs communes. J'en ai nommé trois tantôt.
    Les principales valeurs énoncées dans cette charte qui fondent la société québécoise sont les suivantes:
    Le Québec est une société libre et démocratique.
    Les pouvoirs politiques et religieux au Québec sont séparés.
(1310)
    Le Québec est une société pluraliste.
     La société québécoise est basée sur la primauté du droit.
    Les femmes et les hommes ont les mêmes droits.
    L'exercice des droits et libertés de la personne doit se faire dans le respect de ceux d'autrui et du bien-être général.
    La société québécoise est aussi régie par la Charte de la langue française qui fait du français la langue officielle du Québec. En conséquence, le français est la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires.
    Ce sont des rappels importants à faire le plus souvent possible à la Chambre, parce que, on le constate régulièrement, on a tendance à l'oublier. Ce n'est pas nous qui l'oublions; nous nous en souvenons plutôt bien.
    On ne se cachera pas que la raison derrière la résurgence du débat actuel sur la disposition de dérogation vient beaucoup du fait de l'utilisation récente par le Québec de l'article 33 dans le cas d'une loi qui touche la langue française et la laïcité de l'État. On revient souvent dans le débat public sur le parcours du Québec au fil des 75 ou 80 dernières années. C'est en fait depuis les années 1960 que les différences ont vraiment commencées à se faire sentir plus fortement.
    L'affirmation des Québécoises et des Québécois, l'affirmation de leurs valeurs, c'est le désir de faire reconnaître leurs valeurs et leur vision de la société sans gêne, sans honte. On s'est libéré de quelque chose. Cela a été un long processus, mais on s'est libéré de quelque chose. On a souhaité une société laïque où la religion prenait le bord, parce que l'Église catholique a eu la mainmise sur la société québécoise pendant de trop nombreuses décennies. On voulait une société où l'Église ne met pas ses grosses pattes.
    Je suis un enfant de cette génération. Dans les années 1960, j'ai étudié chez les frères. J'étais servant de messe. On allait à l'église tous les dimanches, et même plus souvent, dépendant de l'humeur de ma mère. Je comprends donc très bien le cheminement de la société québécoise, ce cheminement, qui a mené au rejet de la religion dans les affaires de l'État. On ne parle pas du rejet de la religion dans la vie du monde. Les gens ont le droit. Chez nous, au Québec, tout le monde pense que chacun a le droit de croire à ce qu'il veut, mais cette croyance et cette conviction religieuse se pratiquent en privé. Ce n'est pas quelque chose qui se pratique dans les services offerts à la population par l'État.
    Quand on comprend et que l'on explique bien ce cheminement, on comprend aussi bien la vigueur avec laquelle les Québécois tiennent à distance le religieux des affaires de l'État. Le problème est aussi que les années passent et que les témoins de ce chemin parcouru sont de moins en moins entendus. Il est donc encore plus pertinent aujourd'hui de ne pas tomber dans le piège de la division. La division semble d'ailleurs être le cheval de bataille du premier ministre. Je vais donner l'exemple d'hier, quand on l'a entendu accuser le Bloc québécois de se foutre des francophones hors Québec. J'ai rarement entendu quelque chose d'aussi insultant.
    Je reviens au projet de loi C‑11, qui était anciennement le projet de loi C‑10, et pour lequel le Bloc québécois a travaillé avec les associations francophones de partout au Canada, avec les Acadiens du Nouveau‑Brunswick et les francophones hors Québec de partout au pays, pour faire valoir tous ensemble l'importance de mettre en valeur la culture francophone du Canada au complet dans notre système de radiodiffusion. Se faire dire cela, hier, c'est une insulte inacceptable.
    Bref, ne tombons quand même pas dans le piège de la division, parce que l'éviter est la seule chose qui va faire en sorte que nous pourrons bâtir une société dans laquelle nous pourrons collaborer malgré nos différences. Elles sont là, nos différences. Peu importe le modèle de société qu'on aura au cours de l'histoire, que ce soit au sein d'un Canada plus ou moins fonctionnel ou avec un Québec indépendant qui sera un bon partenaire et un bon voisin, il va falloir qu'on apprenne à maintenir le dialogue, à se parler, à se comprendre et à se respecter si on veut travailler de façon productive et intelligente. Sinon, on va toujours se chicaner.
    Alors, je dis au diable les discours populistes et au diable la désinformation. Je réitère que la disposition de dérogation, même si cela ne doit pas être un buffet à volonté, est un outil important justement pour préserver la vision du Québec pour une société laïque, pour préserver et pour protéger le Québec et ses valeurs fondamentales, qui peuvent parfois choquer certaines personnes qui ne comprennent peut-être pas la réalité du Québec.
(1315)

[Traduction]

    Madame la Présidente, c'est le recours préventif à la disposition de dérogation qui a posé problème au cours des dernières années. Je pense en particulier à l’exemple le plus récent survenu en Ontario où le premier ministre, Doug Ford, a invoqué cette disposition pour limiter de façon préventive la capacité des enseignants de faire la grève.
    À la Chambre, les députés du Bloc affirment souvent qu’ils encouragent et surtout qu’ils soutiennent les travailleurs et le mouvement syndical en particulier. Mon collègue du Bloc appuierait-il le recours à la disposition de dérogation par le gouvernement du Québec s’il faisait ce que Doug Ford a fait en limitant le droit qu’ont les enseignants de négocier collectivement? J’espère que le député va répondre au lieu de…
    Le député de Drummond a la parole.

[Français]

    Madame la Présidente, c'est vraiment une question que je vais m'abstenir de critiquer.
    La question fondamentale, c'est qu'il appartient aux assemblées législatives et à l'Assemblée nationale du Québec de déterminer l'usage de la disposition de dérogation. Ensuite, si elle doit être contestée, elle pourra l'être et le sera. Le droit d'invoquer la disposition de dérogation implique aussi qu'on puisse parfois se tromper, d'où le recours aux tribunaux.
     Pour ce qui est de l'utilisation préventive de la disposition de dérogation, l'arrêt Ford de la Cour suprême en 1988 disait qu'on ne pouvait pas s'y opposer. Honnêtement, cette utilisation préventive est pas mal moins coûteuse pour la société que l'obligation d'aller la défendre ou la contester à coup d'avocats et de centaines de milliers ou de millions de dollars pour finir par obtenir le même résultat.
    Madame la Présidente, j'ai bien écouté le discours de mon collègue et je suis d'accord avec lui sur la grande majorité de son discours. Comme Québécois, nous voulons tous le meilleur pour le Québec, pour notre culture et pour notre façon d'être. Sur ce, je l'appuie à 100 %.
    Par contre, une chose est sûre: si mes collègues veulent la souveraineté, il faudrait qu'ils se fassent élire à l'Assemblée nationale du Québec, parce que c'est là que cela va se passer, pas ici, à Ottawa.
    Ma question porte sur le projet de loi C‑11. Dans ce projet de loi, il y a des éléments pour protéger le français, ainsi que la culture francophone et québécoise, bien entendu. Ce qui m'inquiète, c'est l'effet du projet de loi sur le contrôle de l'information sur les plateformes et la possibilité que le gouvernement fédéral et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes décident, comme certains pays le font, de changer les algorithmes afin d'empêcher des contenus étrangers sur nos plateformes.
    En tant que Québécois, mon collègue ne voit-il pas là un danger important?
    Madame la Présidente, j'invoque le Règlement.
    La question du député n'est pas du tout reliée au débat à l'étude.
    Je dois laisser une certaine latitude au député, d'autant plus qu'on a fait référence plus tôt au projet de loi C‑11.
    L'honorable député de Drummond a la parole.
    Madame la Présidente, c'est excellent. J'allais justement dire la même chose. Je pense que la question est pertinente parce que j'ai évoqué le projet de loi C‑11 dans mon discours pour parler des différences de points de vue entre le reste du Canada et le Québec.
    À la question de mon collègue de Charlesbourg—Haute‑Saint‑Charles, je répondrai qu'il y a effectivement eu des inquiétudes concernant la possible manipulation des algorithmes ou leur contrôle sur les plateformes des géants du Web à des fins qui sont tout à fait discutables. Or, ce n'est pas cela que le projet de loi C‑11 veut faire.
     Peu importe le moyen, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes doit pouvoir vérifier que les objectifs visés sont atteints. On ne donne pas le pouvoir au Conseil d'imposer un contrôle sur les algorithmes des médias sociaux, ce sur quoi je ne serais pas d'accord. Je suis cependant d'accord que le CRTC prenne tous les moyens possibles et nécessaires pour s'assurer que les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion sont atteints. Elle est là, la nuance, et nous divergeons peut-être de points de vue sur la façon dont c'est rédigé. Cependant, la question de mon collègue est tout à fait légitime.
(1320)
    Madame la Présidente, pour donner suite à la question de mon collègue conservateur et étant donné que c'est la deuxième question que le gouvernement libéral peut poser, je me demande si le Bloc sait pourquoi les conservateurs ne veulent pas se mouiller dans ce débat. En effet, je constate que les conservateurs n'ont pas encore pris position sur la motion du Bloc à l'étude aujourd'hui.
    Mon collègue peut-il nous éclairer à ce sujet?
    Madame la Présidente, la réponse courte est non.
    La réponse longue, c'est que je présume que les conservateurs ont lu la motion proposée par le Bloc québécois, qu'ils trouvent qu'elle a tout simplement du bon sens et qu'ils attendent la fin de la journée pour dire qu'ils l'appuient.
    Madame la Présidente, cela me fait plaisir de parler de ce sujet aujourd'hui.
    Je veux juste prendre quelques secondes, au début de mon discours, pour transmettre mes meilleurs vœux aux familles touchées par le drame survenu à Laval, hier, puisque c'est la première fois que j'ai l'occasion de le faire à la Chambre. Je suis de tout cœur avec elles.
    La motion d'aujourd'hui est beaucoup plus simple que ce que plusieurs parlementaires semblent penser. Elle rappelle comment cette disposition est écrite et ce qu'elle a comme fonction depuis une quarantaine d'années. Cela fonctionne.
    L'intention de la motion d'aujourd'hui n'est pas d'aller changer quoi que ce soit, c'est de rappeler au gouvernement qu'il y a une seule chose sur laquelle on peut se baser quand on a besoin de protéger notre spécificité, dans la Constitution avec laquelle nous sommes dans l'obligation de vivre. Alors, de grâce, ne tombons pas dans le ridicule de me demander de reconnaître cette Constitution aujourd'hui. On connaît déjà la réponse. Nous demandons seulement de respecter au moins cette partie. C'est ce que nous faisons aujourd'hui.
    Je vais revenir sur quelques commentaires qui ont été faits aujourd'hui. Le député de Charlesbourg—Haute-Saint-Charles se demande pourquoi le Bloc est encore ici. C'est parce que nous sommes des gens travaillants et que nous n'abandonnons pas notre cause. Bien sûr, nous aurions voulu que cela prenne moins de temps, mais ce n'est pas fait encore. Tant que cela ne sera pas fait, il faudra que nous soyions ici pour sauver les meubles. Nous le faisons avec brio et nous allons continuer à le faire, même si cela ne fait pas leur affaire. Ce qui me semble un peu plus dépassé, c'est le populisme conservateur. Je les inviterais peut-être à proposer des solutions constructives plutôt que de lancer des slogans à longueur de journée.
    Quant au député de Lac-Saint-Louis, qui faisait allusion au beau grand pays qu'est le Canada, je suis tout à fait d'accord avec lui. C'est un beau grand pays. Par contre, j'ai le regret de lui annoncer que ce n'est pas le mien, et je vais expliquer pourquoi.
    Aujourd'hui, nous parlons de la Constitution avec laquelle nous vivons, que le peuple du Québec n'a jamais approuvée. Les gouvernements du Québec ne l'ont jamais approuvée. Cela ne date pas d'hier, c'est historique. J'ai l'impression que c'est une tentative de plus pour affaiblir le Québec et sa capacité à protéger son intégrité sociale, son modèle de société différent et sa volonté de vivre ensemble, qui est plus forte que l'individualisme. Ce sont des visions qui s'affrontent. Si ce n'est pas cela l'intention, j'aimerais l'entendre de la part des députés du gouvernement.
    J'aurais bien le goût de donner un petit cours d'histoire pour que les gens ici réalisent que, chaque fois qu'on a adopté une loi constitutionnelle, elle n'était pas approuvée par le Québec. Les fois où cela avantageait un peu le Québec, c'est parce qu'on se servait de lui. Dans cette Confédération, on voit un gouvernement en dominer un autre, et cela ne fait pas notre affaire tout le temps. En fait, cela ne fait jamais notre affaire. D'ailleurs, c'est à tort qu'on l'a appelée ainsi. Si c'était une vraie confédération, nous aurions peut-être beaucoup moins de problèmes.
    La Constitution contient cette disposition de dérogation qui nous permet de voter des lois raisonnables de façon collective. Tantôt, je dresserai une liste de quelques-unes de ces lois raisonnables, et mes collègues verront que c'est quelque chose de bien essentiel pour le Québec, contrairement à toutes les lois antifrancophones qui ont été votées dans l'histoire du Canada et à la volonté du fédéral de toujours bloquer l'émancipation québécoise.
    J'aimerais aussi rappeler à la Chambre que le poids relatif du Québec à l'intérieur du Canada est en constante...
(1325)
    À l'ordre. J'interromps le député pour quelques secondes.
    Peut-on s'assurer qu'il n'y a pas de bruit venant des antichambres, s'il vous plaît?
    L'honorable député de Berthier—Maskinongé a la parole.
    Madame la Présidente, je rappelais à mes honorables collègues, qui sont en grande discussion, que le poids du Québec est en constante diminution dans cette fédération et qu'il est primordial de préserver cet outil démocratique. Voilà ce dont il s'agit. C'est un outil démocratique qui est régulièrement utile au gouvernement du Québec.
    Aujourd'hui, j'ai entendu toutes sortes d'affaires. On disait que c'était arrivé de façon très exceptionnelle et qu'il fallait ajouter des balises. Ce sont 41 lois qui ont été touchées par une disposition de dérogation au Québec. Ce n'est pas si exceptionnel que cela.
    Tantôt, mon collègue de Rivière-du-Nord a dressé une liste de quelques lois. Je vous les rappelle rapidement. Concernant la loi sur la relève agricole, on a appliqué...
    Je suis désolée, mais je dois encore encore interrompre l'honorable député.

[Traduction]

    Je demande à ceux de nos collègues qui discutent dans la salle de poursuivre leurs discussions dans l'antichambre.
    Le député de Berthier—Maskinongé a la parole.

[Français]

    Madame la Présidente, concernant la loi sur la relève agricole, comme société québécoise, on a décidé de donner un coup de pouce aux jeunes qui démarrent en agriculture. C'est sûr que c'est discriminatoire, parce qu'on va leur donner un soutien financier qu'on ne donne pas à des gens plus âgés. On applique la disposition de dérogation. Cela surprend, mais on parle de lois ordinaires.
    Pour favoriser l'emploi de femmes ou de minorités visibles, on a utilisé la disposition de dérogation dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi. On interdit la présence d'avocats à la Cour des petites créances — mon collègue de Rivière-du-Nord en a parlé tantôt — pour permettre aux gens de ne pas hypothéquer leur maison pour se défendre dans des causes de moins grande importance sur le plan financier. Sans quoi, quelqu'un pourrait dire qu'il a le droit d'être défendu par un avocat et « scraper » tout le système. Ce sont des choses intelligentes comme cela qu'on a faites.
    Est-il vraiment déraisonnable de protéger la vie privée des enfants dans les cas de droits de la jeunesse? Je pense que le gouvernement du Québec a fait la démonstration qu'il est raisonnable.
    Comme je le disais tantôt, aujourd'hui, on assiste au choc des cultures. La Constitution de 1982 nous a été imposée de force. Nous vivons avec parce que nous n'avons pas d'autre choix et parce qu'un tribunal a décidé que c'était correct. Là, on nous demande de renoncer à la possibilité d'avoir recours à la disposition de dérogation pour donner ce pouvoir à ces mêmes juges. Est-on sérieux?
    Le pouvoir des élus de se faire élire, de faire des choix collectifs et de présenter leur vision de société à leurs électeurs, c'est de cela qu'on parle. On oppose aujourd'hui l'individualisme aux valeurs collectives. Au Québec, on a décidé qu'on vivait ensemble avec des valeurs communes et on veut que cela continue à fonctionner.
    Constamment, le gouvernement fédéral entrave notre travail au chapitre de l'administration. On l'a vu encore cette semaine: il n'y a pas moyen d'avoir notre fichu argent pour gérer nos hôpitaux. Les lois fédérales empiètent constamment sur les lois du Québec. Les lois se chevauchent constamment, particulièrement en immigration — cela intéressait quelqu'un tantôt — avec les délais épouvantables créés par le fédéral. On a cela constamment.
    Quand on peut avoir recours à quelque chose de raisonnable pour avoir nos lois et les protéger, on vient nous dire qu'on ne peut pas le faire avant de passer 10 ans devant les tribunaux. Soyons raisonnables.
    La motion n'est pas révolutionnaire. Nous demandons au gouvernement de reconnaître le contrat qu'il a fait dans notre dos et d'avoir un minimum de décence en le respectant.
    Le Québec en a besoin pour protéger notre langue. Qui pourra reprocher à quelqu'un qui arrive au Québec de n'importe où dans le monde d'opter pour l'anglais, alors qu'il se rend compte que cela fonctionne en anglais sans problème et qu'il y a un bassin de 400 millions d'anglophones autour lui? C'est pour cela qu'on a besoin d'une loi.
    Pour ce qui est de la religion, cela a été évoqué tantôt, on est en train d'opposer le modèle de neutralité religieuse adopté par le Canada à celui de la laïcité de l'État qu'on a choisi au Québec. Il y a un historique au Québec à ce chapitre. Un jour, on a dit: cela suffit; à chacun sa religion, mais pas dans le gouvernement. On mélange les droits individuels quand on fait ces débats. Mon droit individuel s'arrête où celui des autres commence. Si je représente un État, je n'ai pas à imposer mes symboles personnels aux gens que je reçois et que je sers. C'est aussi simple que cela. Ce n'est pas de la discrimination, mais, à cause de la Constitution qu'on n'a pas signée, on doit avoir recours à cette disposition de dérogation. On en a besoin. C'est un outil démocratique.
    J'aimerais que les gens à la Chambre arrêtent de me faire des beaux discours sur le beau grand pays où tout le monde est différent et j'aimerais qu'on essaie 30 secondes d'arrêter d'écraser et de faire taire le Québec. Chaque fois qu'il y a un petit quelque chose, le gouvernement laisse passer un peu de temps, trouve une autre piste à essayer pour encore une fois noyer davantage le Québec et lui enlever des outils.
(1330)
     Heureusement, le Bloc québécois est encore à Ottawa après toutes ces années. C'est toute une chance que nous soyons là pour garder le fort. Le Québec est aujourd'hui devant deux choix: l'assimilation au modèle canadien ou l'indépendance dans sa différence. Je pense que le choix est de plus en plus évident. Vive l'indépendance!
    Madame la Présidente, mon collègue a dit: ce n'est pas ma Constitution.
    C'est pourtant la même Constitution dont le Bloc québécois est en train de défendre l'article 33, la même Constitution qui garantit la participation du Bloc ici, au Parlement, et la même Constitution qui permet à mes collègues de tenir ce débat aujourd'hui.
    Pour une Constitution qui n'est pas la sienne, mis à part l'article 33, quels autres articles aimerait-il garder?
    Madame la Présidente, ma réponse toute simple est « aucun », parce que ce contrat-là, je ne l'ai pas signé.
    Par ailleurs, quand j'ai dit que ce n'était pas ma Constitution — je disais alors que ce grand pays est un beau pays que je ne conteste pas — je reprenais les paroles de quelqu'un d'autre. J'expliquais que c'est bien plate, mais que ce pays n'est pas le nôtre, parce que nous n'avons pas été respectés dans l'instauration du système administratif.
    Si mes collègues souhaitent un jour arrêter de se demander pourquoi il existe encore des indépendantistes, il faudrait d'abord commencer par respecter le Québec et reconnaître ce qu'il est, concrètement, dans la vie quotidienne.
    Madame la Présidente, mon collègue a brièvement abordé un élément à la fin de son discours. J'aimerais y revenir parce qu'il semble y avoir une incompréhension de ces trois concepts qui s'entrechoquent: le sécularisme, la neutralité religieuse de l'État et la laïcité de l'État.
    Dans un esprit de bonne communication et de meilleure compréhension entre des cultures qui se côtoient, qui se voisinent, mais qui ne se comprennent pas toujours parce qu'elles sont différentes, mon collègue peut-il expliquer rapidement la différence entre ces trois concepts?
    Je demanderais au député de Berthier—Maskinongé de donner une brève réponse.
    Madame la Présidente, vous me lancez là un grand défi. Dans ce cas, je vais insister sur les deux plus importants concepts.
    Voici ce qui est en opposition ici.
    Le modèle canadien a choisi d'être neutre, c'est-à-dire que tout le monde peut afficher tout ce qu'il veut. C'est correct. Cela ne dérange pas le Bloc québécois que le Canada soit multiculturaliste. Ce que nous voulons, c'est pouvoir continuer de garder notre modèle. La neutralité, c'est cela.
    Au Québec, nous avons fait un choix différent, celui d'assurer la laïcité pour préserver le droit de neutralité à tout citoyen qui s'adresse à l'État. Nous avons choisi que l'État n'ait aucune religion.
    Elle est là, la distinction, et la disposition de dérogation nous permet de le faire.
(1335)
    Madame la Présidente, j'aimerais premièrement demander au député de quoi il a peur. Pourquoi semble-t-il avoir peur de permettre un débat démocratique, ouvert, sur l'utilisation de la disposition de dérogation en aval dans une législature devant le public, devant les médias?
    Il me semble avoir entendu plus tôt, de sa part ou de la part de quelqu'un d'autre, que cela ne donnerait rien, qu'on allait dépenser trop d'argent dans les recours aux tribunaux et qu'on allait arriver à la même conclusion.
    Ma deuxième question est la suivante: est-ce que le député veut mettre les droits des Québécois à la remorque du compte bancaire?
    Madame la Présidente, je remercie mon collègue de ses questions. Il y a toutefois quelques amalgames là-dedans.
    Premièrement, ai-je peur? Il n'y a pas grand-chose qui me fasse peur. Nous sommes ici pour débattre. Ce que nous essayons d'arrêter, et ce n'est pas parce que nous en avons peur, c'est la tendance centralisatrice du gouvernement fédéral.
    Je n'ai pas donné de cours d'histoire tantôt, mais je vais maintenant en faire un petit. Je rappelle que depuis 1867, le fameux John A. Macdonald, encensé par plusieurs et condamné par plusieurs autres — je n'entrerai pas dans ces débats-là — voulait une fédération hypercentralisée. La raison pour laquelle les gens qui représentaient le Québec à l'époque ont accepté d'embarquer, c'est qu'ils avaient besoin d'un marché commun, et ils ont eu des garanties qu'ils avaient des compétences qui relevaient purement et simplement de leur gouvernement. Or, cela est constamment non respecté, et c'est encore une nouvelle tentative.
    L'autre exemple mentionné par mon collègue est un argument de plus dans le tas, mais ce n'est pas une question strictement financière. C'est aussi une question de respect du contrat qu'ils ont fait dans notre dos. Est-ce si difficile?

[Traduction]

    Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député de Winnipeg-Nord.
    J’aimerais commencer ma contribution au débat d’aujourd’hui en abordant l’un des points les plus récents soulevés par le député du Bloc qui a pris la parole avant moi. Il a dit que la Constitution a été imposée aux Québécois. Je rappelle au député que le Québec a décidé, non pas une fois, mais bien deux, de ne pas quitter le Canada. Pas plus tard qu’en 1995, c’est-à-dire après l’adoption de la Constitution de 1982, les Québécois ont choisi de ne pas quitter le Canada. Malgré le fait que le Bloc se présente à la Chambre et affirme un certain degré de souveraineté sur le Québec, je lui rappelle que la majorité des Québécois ont décidé de rester au sein du Canada.
    Très franchement, en tant que député de l’Ontario, je leur en suis très reconnaissant. Je pense que si notre pays est aussi riche et diversifié, c'est grâce à l’incroyable contribution du Québec, à sa culture et à sa diversité. Il s’agit d’une relation qui a sans doute été difficile de temps à autre au fil des ans, mais qui a fait de notre pays un endroit meilleur. Elle n’a pas seulement ajouté au dynamisme et à la diversité culturelle, mais elle nous a encouragés à nous attaquer aux questions difficiles entourant cette relation et elle a fait du Canada un meilleur pays.
    Ce qui me préoccupe au sujet de cette motion particulière aujourd’hui n’est pas que je considère que la disposition de dérogation posait problème au moment où elle a été intégrée dans la Constitution il y a des années. Je considère que c'est le recours préventif à celle-ci qui pose maintenant problème. J'aimerais surtout parler de l’utilisation qui en a été faite récemment en Ontario; toutefois, mon point de vue rejoint certains des commentaires que le député de Drummond a formulés plus tôt, et j’y reviendrai dans un instant.
    Parlons du recours préventif de Doug Ford à la disposition de dérogation. Curieusement, juste après son arrivée au pouvoir, l’une de ses priorités a été de déterminer la composition du conseil municipal de Toronto. Ne me demandez pas pourquoi il a fait cela à titre de nouveau premier ministre de l’une des plus grandes provinces du pays. Je ne comprends pas pourquoi cela devait être une priorité, mais il en a été ainsi. Il a introduit dans une mesure législative le recours préventif à la disposition de dérogation.
    Le problème est que, lorsqu’une personne a ainsi recours à la disposition de dérogation de manière préventive, elle dit essentiellement: « Je ne me soucie pas de savoir si la loi que j'adopte est constitutionnelle. Je ne me soucie pas de savoir si les tribunaux la confirmeront. Je ne suis même pas intéressée à plaider ma cause devant les tribunaux pour essayer de prouver que ce que je fais est juste ». Ce que ces personnes disent essentiellement, c’est qu’elles ne se soucient pas de tout cela parce qu’elles n’accordent aucune importance à la loi ou à la Constitution. C’est effectivement ce qui se passe lorsque les premiers ministres provinciaux tentent d'avoir recours à cette dérogation de manière préventive.
    Dès le premier jour, Doug Ford l’a fait. Il l’a fait à nouveau, en 2021, avec la Loi de 2021 visant à protéger les élections et à défendre la démocratie, qui a finalement reçu la sanction royale, le 14 juin.
    La dernière fois que Doug Ford a eu recours à cette disposition, que j’ai évoquée dans l’une de mes questions, c'était comme outil préventif pour empêcher les enseignants de pouvoir négocier de bonne foi. Imaginez cela. Les enseignants, comme tous les travailleurs organisés, ont le droit, dans notre pays, de négocier collectivement la position de leur syndicat. Il s’agit d’un droit fondamental pour les syndicats de notre pays, et je dirais même de la plupart des pays développés, surtout ceux qui fonctionnent dans un système démocratique comme le nôtre. Nous avons ici un premier ministre qui dit qu’il ne se soucie pas vraiment de leur capacité à négocier. Il ne se soucie pas de savoir s’ils veulent le faire. Il va simplement l’annuler avant même de présenter une loi, et déterminer qu’ils n’ont pas le droit de le faire.
(1340)
    J’ai trouvé cela très intéressant lorsque j’ai soulevé cet aspect précédemment et que j’ai demandé au député de Drummond ce que je pensais être une question très légitime. Cela m’inquiète. Je crois au processus de négociation collective. Je crois aux droits des syndicats. Je crois que les syndicats devraient avoir la capacité de négocier de bonne foi. J’ai toujours pensé que les membres du Bloc Québécois étaient du même avis. Ils ont toujours parlé ici des syndicats, des mouvements syndicaux forts et de la nécessité d’en avoir. C’est pourquoi j’ai posé une question très simple au député de Drummond: croit-il que le Québec devrait avoir le droit de piétiner ces droits syndicaux comme Doug Ford l’a fait? Le député de Drummond a critiqué ma question et a essentiellement dit que les provinces devraient avoir le droit de l’utiliser à leur façon, ce qui est une façon de dire qu’il l’appuie dans les faits.
    Je n'ai d'autre choix que de croire que le Bloc Québécois est d’accord pour qu’une province, y compris le Québec, utilise la disposition de dérogation pour priver un syndicat de son droit de négocier. J’en conclus que ce qui compte le plus pour le Bloc québécois, plus que n'importe quel droit, c'est le pouvoir et le fait de protéger le pouvoir de la province de piétiner n'importe quelle loi. C’est essentiellement ce que disent les bloquistes lorsqu'ils ne répondent pas à cette question et qu'ils ne reconnaissent pas, à tout le moins, que Doug Ford a dépassé les bornes. Ils auraient pu le dire. Le député de Drummond aurait pu dire que Doug Ford est peut-être allé un peu trop loin, mais il ne l’a pas fait parce que le Bloc a peur de céder ne serait-ce qu'un millimètre dans ce dossier. Les bloquistes ne voudront jamais laisser entendre le moindrement qu’il pourrait y avoir quelque situation que ce soit où il ne serait pas approprié de recourir à la disposition de dérogation.
    Je pense que quiconque regarde ce débat ou réfléchit au fait que le Bloc méprise ces droits dans le but de sauvegarder un pouvoir devrait être inquiet car, comme mon collègue néo-démocrate de la Colombie‑Britannique l’a dit plus tôt, nous vivons dans un pays fondé sur la primauté du droit. Nous vivons dans un pays reposant sur une Constitution qui confère certains droits et certaines responsabilités. Nous sommes tenus de les faire respecter, notamment le droit des travailleurs, y compris des syndicats, de négocier.
    Je terminerai là où j’ai commencé, c’est-à-dire en disant que le fait que les provinces commencent à utiliser cet outil de manière préventive m'inquiète énormément, car elles déclarent ainsi qu’elles ne se soucient pas de savoir si ce qu’elles font est inconstitutionnel; elles le font quand même, et c’est un problème. C'est quelque chose qui devrait inquiéter tous les citoyens, car Doug Ford ne l’a peut-être fait que trois fois, sauf que cela n’avait pratiquement jamais été fait en Ontario auparavant.
    Doug Ford et le gouvernement conservateur de l’Ontario ne font que tâter le terrain. Ils misent sur le fait que les gens finiront par ne plus vraiment s’en soucier parce que ce se sera produit plusieurs fois sans que le ciel nous tombe sur la tête. Nous devons faire très attention. Nous devons protéger cela et nous devons voir à ce que le recours abusif à la disposition de dérogation ne prive personne de droits que lui confère la Constitution.
(1345)

[Français]

    Madame la Présidente, comme j'ai été directement interpellé, je vais poser une question à mon collègue.
    Il y a plusieurs éléments à aborder. Des grosses affaires se disent et j'aimerais recentrer le débat. Personne ici n'a approuvé les décisions du premier ministre de l'Ontario. Ce n'est pas ce que nous avons fait. Nous avons simplement dit que ces questions devaient être réglées dans la province. Le tollé populaire a fait ce travail, je pense.
    Ce n'est pas parce qu'il s'est fait quelque chose de moins acceptable ailleurs qu'il faut qu'on accepte de diminuer l'autonomie du Québec, qui, lui, n'a pas agi de cette manière. C'est la première correction que je voulais apporter.
    Je vais maintenant apporter une deuxième correction. Mon collègue dit que les Québécois ont dit « non » deux fois à l'indépendance et qu'ils sont contents d'être dans le Canada. Les Québécois et le gouvernement québécois n'ont jamais signé la présente Constitution. Les Québécois se sont fait berner deux fois par des belles promesses et des mamours comme on en entend ici à longueur de semaine quand ce n'est pas trop grave. En 1982, on a dit qu'on mettait ses sièges en jeu pour changer la Constitution, et cette constitution, on nous l'a enfoncée dans la gorge. Nous sommes pleins de bonne volonté, et en 1995, il y a eu un beau love-in à Montréal. Nous nous sommes dit que c'était des nouvelles personnes et que nous allions leur donner une autre chance. Cependant, ces gens n'ont rien fait depuis ce temps.
    Ma question au député est la suivante. Quand va-t-il lancer une initiative à l’intérieur de son parti pour enfin offrir au Québec ce qu'il veut?

[Traduction]

    Madame la Présidente, ce que j’ai dit, c’est que la Constitution a été adoptée en 1982. Le Québec a eu l’occasion de partir après cette date, mais il a choisi de ne pas le faire, et je lui en suis très reconnaissant. J’étais beaucoup plus jeune à l’époque, mais je me rappelle que je regardais les nouvelles. Comme adolescent, je ne pouvais pas imaginer que le Québec ne fasse pas partie de notre pays. Cela ne veut rien dire pour ce député, qui lève les bras au ciel. Je comprends, mais il n'en reste pas moins que je tiens à ce que le Québec fasse partie de notre pays. Peu importe ce qu'en pensent les bloquistes, j'espère ne jamais voir un Canada sans le Québec.
    Madame la Présidente, le député semble partager une de mes préoccupations. Dans le débat d’aujourd’hui, nous ne passons pas beaucoup de temps à parler des droits de la personne. Or, la Charte canadienne des droits et libertés porte sur les droits de la personne, et la disposition de dérogation vise à éviter de respecter les droits de la personne et de faire le travail difficile qui serait autrement nécessaire. Je me demande si le député pourrait approfondir un peu sa pensée sur l’importance des droits de la personne dans le débat d’aujourd’hui.
    Madame la Présidente, c’est ce que je disais vers la fin de mon discours, et je suis heureux qu'on me pose la question, car aujourd’hui, Doug Ford a piétiné les droits syndicaux. Demain, qui sait ce que lui ou un autre premier ministre tentera de fouler aux pieds? Aujourd’hui, le mouvement syndical et l'opinion publique ont empêché Doug Ford d’aller de l’avant, mais nous ne savons pas si ce sera le cas demain.
    L’objectif de la protection de ces droits, c'est de protéger les droits des minorités. Si on se met dans une position où il devient normal d’utiliser cet outil pour priver les gens de leurs droits, le problème sera autrement plus grave que ce qui est arrivé aux syndiqués en Ontario.
(1350)
    Madame la Présidente, voici ma question: le député d'en face semble être très offensé que toutes sortes d'autres ordres de gouvernement violent des droits et des libertés garantis par la Charte. Cependant, que dirait-il du gouvernement dont il fait lui-même partie, qui s'en prend constamment à la liberté d’expression, à la liberté de religion, au droit de circuler librement et ainsi de suite?
    Madame la Présidente, je suis tellement heureux d’entendre les conservateurs participer au débat aujourd’hui, car ils étaient jusqu'à présent aux abonnés absents. Pourtant, même lorsqu’ils décident d’intervenir, ils n’abordent pas le sujet qui nous occupe. Il est question du recours à la disposition de dérogation et de la motion présentée par le Bloc, alors je trouve que les conservateurs ont du front tout le tour de la tête de vouloir soudainement participer au débat alors qu’ils n’ont pas pipé le moindre mot de toute la matinée.
    Madame la Présidente, je remercie mon collègue de Kingston et les Îles d’avoir parlé des droits. Je suis profondément offensée, inquiète et effrayée pour notre pays parce que le premier ministre de l’Ontario lance à qui mieux mieux l’idée qu’il va se servir de la disposition de dérogation pour piétiner les droits des enseignants et des travailleurs. J'encourage vivement tous les députés, quelle que soit leur allégeance, à se porter à la défense de la Charte des droits et libertés dans notre pays.
    Madame la Présidente, tous les Canadiens devraient s’intéresser à la question, car plus le recours à la disposition de dérogation sera fréquent, plus il se normalisera d'un bout à l'autre du pays et plus les gens seront prêts à l’accepter. Si nous ne dénonçons pas cette utilisation maintenant en nous érigeant contre elle, les problèmes ne seront que plus grands par la suite.
    Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui pour parler de cette motion particulière présentée par le Bloc.
    Je ne suis pas surpris que les bloquistes présentent cette motion, car, après tout, du point de vue du Bloc, ils veulent causer la division, même si, lorsque nous examinons leur tentative cette fois-ci, l'hypothèse du député de Kingston et les Îles est juste.
    Si nous réfléchissons à la logique, ce que le Bloc propose en fait, c’est de dire que le gouvernement fédéral ne joue aucun rôle et qu’il devrait se taire lorsqu’une province veut invoquer, de façon préventive, la disposition de dérogation. Le meilleur exemple que je puisse donner est celui de la province de l’Ontario, qui est la plus grande province du pays sur le plan de la population. Lorsque la province de l’Ontario déclare qu’elle veut supprimer les droits des travailleurs, nous devrions tous être inquiets, car cela touche des milliers de personnes. Le Bloc essaie de donner la fausse impression qu’il est pour le mouvement syndical ou les travailleurs, mais cette motion contredit cela. Cependant, je ne suis pas surpris par le Bloc. Je m’y attends.
    Par contre, je peux affirmer aux députés que les Canadiens seraient très déçus d'apprendre que l'opposition officielle partage le même point de vue, et c'est là-dessus que j'aimerais revenir. Je dirais que l'une des choses auxquelles nous tenons le plus en tant que Canadiens, en plus de notre système de santé — et c'est là un autre débat —, c'est la Charte canadienne des droits et libertés. Nous en saisissons toute l'importance. Pour ce qui est de nos valeurs, nous aimons les diffuser partout dans le monde, et la Charte canadienne des droits et libertés a été adoptée par d'autres pays.
    Le Canada fait preuve de leadership depuis 40 ans sur la question des droits de la personne et de la protection des libertés et des droits individuels. Bien qu'on puisse penser que le Parti conservateur du Canada s'y intéresse lorsque ces questions s'appliquent ici, au Canada, il n'en est rien.
    En ce qui concerne la question des travailleurs de l'éducation et de leur syndicat en Ontario, et le fait que le gouvernement ait eu recours de façon préventive à la disposition de dérogation pour fouler aux pieds les droits de milliers de travailleurs de l'Ontario, voici ce que le premier ministre avait à dire:
     Les Canadiens eux-mêmes devraient se montrer extrêmement préoccupés par la tendance croissante des gouvernements provinciaux à utiliser la clause dérogatoire à titre préventif pour restreindre leurs droits et libertés fondamentaux. La Charte des droits et libertés ne saurait devenir une simple suggestion.
    Depuis 2017, nous avons vu l’Ontario, le Nouveau-Brunswick, le Québec et, dans une certaine mesure, la Saskatchewan, utiliser ou envisager d’utiliser la disposition de dérogation, qui, selon moi, est une forme de menace pour retirer des droits. Le premier ministre, faisant preuve de leadership, s’est prononcé sur ce sujet.
    Cependant, l’actuel chef de l’opposition officielle est introuvable. Si les députés regardent le débat d’aujourd’hui et examinent les débats qui ont eu lieu sur cette question très importante, ils constateront une absence de leadership chez le Parti conservateur. Les libéraux se lèveront et défendront la Charte des droits et libertés et reconnaîtront comment...
     Des voix: Oh, oh!
(1355)
    À l'ordre. Pouvons-nous faire au député la courtoisie de le laisser prononcer son discours dans le calme?
    Le secrétaire parlementaire a la parole.
    Madame la Présidente, comme le dit mon collègue, la vérité est parfois difficile à entendre. En fin de compte, nous n’avons rien entendu de significatif. Oui, ils ont été obligés d’en parler à quelques reprises, mais ils ont été pratiquement forcés de le faire. Si nous lisons le contenu du discours, nous constatons que les conservateurs préfèrent répéter ce qu'on leur dicte dans l'antichambre. Voilà ce dont les conservateurs veulent parler.
    Lorsqu’il s’agit de questions de fond qui ont une incidence sur les droits et libertés des Canadiens et que je pose des questions aux conservateurs à ce sujet, ils ne savent pas quoi dire. En fait, un des députés a dit qu’ils n’ont rien à voir avec cela et que c’est entièrement à la province de décider. Ils ont d'ailleurs demandé aujourd'hui pourquoi ils participeraient à ce genre de discussion. Or, les conservateurs évitent de prendre la parole parce qu’ils ne veulent pas avoir à rendre de comptes sur cette question particulière.
    J’ai fait mention du nombre de provinces qui y ont eu recours depuis 2017. Je soupçonne que, depuis 2017, il y a probablement eu plus d’utilisations de nature préventive qu’il n’y en a eu au cours des 35 années précédentes. Je n’en ai pas la certitude, mais je pense que c’est peut-être le cas. En fin de compte, lorsque les Canadiens attendent de leurs politiciens ici à Ottawa qu’ils défendent ces droits et libertés, les conservateurs restent silencieux. J’espère qu’ils vont réfléchir pendant la période des questions et décider de participer véritablement au débat.
    Le Parti conservateur appuie-t-il, par exemple, ce que Doug Ford a fait lorsqu’il a utilisé de manière préventive la disposition de dérogation pour fouler aux pieds les droits des syndiqués en Ontario, affectant ainsi des milliers de travailleurs? Y a-t-il un député conservateur qui se lèvera dans cette enceinte pour dire que c’était répréhensible? Bien sûr, les conservateurs ne le feront pas, mais ce n’est pas nouveau, car ils ne le feront pour aucune administration provinciale, d’après...
(1400)
    Le député disposera de deux minutes et demie pour terminer son discours après la période des questions.

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Déclarations de députés]

[Traduction]

Richmond Hill

    Madame la Présidente, cette année marque le 150e anniversaire de ma belle circonscription, Richmond Hill, et donne l'occasion de célébrer notre passé, de nous réjouir du présent et de renouveler notre engagement envers l’avenir.
    Aujourd’hui, Richmond Hill continue d’offir l'image d'une société diversifiée, compatissante, jeune et ambitieuse, dotée d’un sens aigu de la collectivité et du développement communautaire, où des gens ordinaires font des choses extraordinaires.
    Cette année, les célébrations ont débuté le 25 janvier par une cérémonie de lever du drapeau dans les bureaux municipaux de la ville. Samedi dernier, nous avons célébré le 54e anniversaire du carnaval de Richmond Hill à l'occasion duquel j’ai annoncé l'octroi d'un financement de 60 000 $ du gouvernement fédéral.
    La célébration de cet anniversaire important se poursuit dans le cadre des programmes de la bibliothèque publique de Richmond Hill, notamment avec l’événement « seedy Saturday » et le projet sur les étoiles de mer; la plantation de 150 arbres indigènes au parc Lake Wilcox; trois projets d’art collectif; et un sommet sur le patrimoine au Richmond Hill Centre for the Performing Arts, organisé par la Richmond Hill Historical Society.
    À Richmond Hill, nous sommes fiers de nos réalisations et nous sommes fiers de notre collectivité, car c’est Richmond Hill et c’est notre foyer.

La taxe sur le carbone

    Monsieur le Président, la taxe sur le carbone du premier ministre a eu un effet dévastateur dans ma province, la Saskatchewan.
    Le 1er avril, la taxe sur le carbone fera augmenter le coût du carburant de 14 ¢ le litre. La gens de ma circonscription me disent que les coûts de chauffage et d’électricité sont déjà inabordables.
    Un agriculteur canadien type devra maintenant payer 150 000 $ uniquement en taxe sur le carbone, ce que ses concurrents n’auront pas à payer. Nos agriculteurs sont les plus efficaces au monde. Alors que le monde a besoin de plus d’exportations de produits alimentaires canadiens, le premier ministre rend la survie de nos agriculteurs impossible. Il doit cesser de nuire à leur capacité de nourrir le monde.
    Les émissions de carbone continuent de croître et les familles, les entreprises et les agriculteurs continuent de s'appauvrir. Si l'objectif est de lutter contre le changement climatique en réduisant les émissions, il est évident que la taxe sur le carbone n’est pas la solution.
    Les conservateurs ont une meilleure solution. Un gouvernement conservateur éliminerait la taxe sur le carbone.

Les changements climatiques

    Monsieur le Président, dans ma circonscription, on commence à voir des publicités trompeuses qui ont été payées par mes collègues conservateurs. Je me permets donc de clarifier les choses pour les députés d'en face.
    Voici les faits. Premièrement, les changements climatiques sont une réalité. Deuxièmement, nous venons de prendre des mesures énergiques en matière de lutte contre le climat. Troisièmement, huit familles sur dix dans St. John’s-Est recevront plus d'argent qu'elles n'en paient. Cela signifie qu'une famille de quatre recevra 328 $ tous les trois mois.
    Je précise que le système fédéral remplacera seulement le système provincial le 1er juillet. Grâce à notre approche, les Canadiens auront plus d'argent dans leurs poches. Pourquoi les conservateurs veulent-ils priver les Canadiens de ces chèques? Il suffit de penser à l'impact dévastateur de l'ouragan Fiona sur la côte sud-ouest de ma province.
    Les Canadiens veulent des solutions. Ils en ont assez des slogans creux et des tactiques alarmistes des conservateurs.

[Français]

La Maison d'Haïti

    Monsieur le Président, la Maison d'Haïti va fêter ses 50 ans samedi.
    Ce qui, au départ, devait être un projet d'été s'est transformé en cinq décennies de travail communautaire, d'alphabétisation, d'intégration, de services d'accueil et de revitalisation du quartier Saint‑Michel. Des services cruciaux sont offerts généreusement, tant à notre importante communauté haïtienne qu'aux Québécois de partout dans le monde.
    Au fil des années, la Maison d'Haïti s'est aussi impliquée dans de grandes luttes, comme les mouvements féministes, la lutte contre le racisme et la discrimination ainsi que l'accès au monde du travail pour tous. Plusieurs personnes ont marqué son histoire: Ernst Gresseau, Max Chancy et Adeline Magloire Chancy, que la Maison considère elle-même comme les architectes de son ADN. Il y a aussi Célitard Toussaint, directrice pendant plus de 30 ans, et Marjorie Villefranche, l'actuelle directrice qui s'occupe aussi de la programmation depuis plus de 30 ans.
    Samedi, saisissons l'occasion de célébrer avec la communauté haïtienne ces 50 ans à bâtir des ponts entre les Québécois de toutes origines.
    J'invite tout le monde à se joindre à la fête, samedi, dès 10 h 30, à la TOHU.
    Je souhaite un bon 50e anniversaire à la Maison d'Haïti.
(1405)

[Traduction]

Les entrepreneurs noirs

    Monsieur le Président, la région de Waterloo compte une communauté florissante d’entrepreneurs noirs, et ce n’est pas un hasard.
     Nous avons la chance de bénéficier de programmes d’entrepreneuriat, comme le programme Liftoff, administré par l'association canado-caribéenne de la région de Waterloo, dirigée par le Dr Trevor Charles. Au cours de la dernière année, le Dr Charles et son équipe ont aidé 50 nouveaux entrepreneurs de cinq cohortes.
     Des entrepreneurs noirs bien établis, comme Mme Lenore Johnson, de LenJo Bakes, et Mme Ajoa Mintah, de Four All Ice Cream, inspirent leurs pairs à suivre leur exemple, en plus de redonner à la communauté en encadrant les participants au programme Liftoff.
     Par ailleurs, la région de Kitchener a la chance de bénéficier d’un volet du programme Sokoni, un programme d’entrepreneuriat pour les Noirs. Les participants tiendront une foire marchande ce samedi 11 février, au marché de Kitchener.
    En dépit des obstacles systémiques que les entrepreneurs noirs rencontrent sur le chemin de la réussite, la région de Waterloo compte une grande communauté de bâtisseurs qui incarne l’excellence des Noirs.

[Français]

La communauté francophone de Nickel Belt

     Monsieur le Président, dans Nickel Belt et le Grand Sudbury, on est privilégié d'avoir plusieurs organismes communautaires à vocation sociale, culturelle ainsi que des établissements d'enseignement tels que le Collège Boréal, l'Université de Sudbury, I'ACFO du Grand Sudbury, la Place des Arts du Grand Sudbury, Le Voyageur, La Nuit sur l'étang, le Conseil des arts de Nipissing Ouest, le Théâtre du Nouvel-Ontario et plusieurs conseils scolaires qui contribuent à l'épanouissement de la communauté francophone.
     En 1971, il y a eu la création de la première école secondaire publique nommée Franco-Cité à Sturgeon Falls, où des étudiants militants ont pris le contrôle de l'école plusieurs jours. En janvier dernier, à Franco-Cité, nous avons annoncé, pour la première fois, qu'en 2022 nous avons atteint la cible de 4,4 % d'immigration francophone à l'extérieur du Québec.
    C'est pourquoi il est nécessaire de travailler tous ensemble pour faire adopter le plus rapidement possible le projet de loi C‑13 et permettre de promouvoir et de défendre les minorités linguistiques partout au Canada. C'est un projet de loi qui va faire la promotion du français et qui va protéger toutes les communautés de langues officielles en situation minoritaire partout au pays.

[Traduction]

L'industrie du crabe des neiges

    Monsieur le Président, en 2022, le Japon a pratiquement doublé ses achats de crabe des neiges auprès de la Russie par rapport à l'année précédente et cela se poursuit.
     Le Japon avait l'habitude d'acheter environ 40 % de la récolte de crabe des neiges du Canada. Or, l'an dernier, il n'a acheté qu'une fraction du volume habituel et a plutôt choisi d'augmenter considérablement ses achats auprès de la Russie, soutenant ainsi, indirectement, la machine de guerre russe.
    Tandis que le Japon, un pays allié et un partenaire commercial du G7, continue d'acheter son crabe en Russie, une portion de 30 % de la récolte de crabe des neiges du Canada de l'an dernier n'a toujours pas été écoulée. En juin dernier, un autre partenaire du G7, les États‑Unis, a décidé d'imposer un moratoire sur l'importation de crabe de la Russie dans le but de couper le financement de l'effort de guerre de la Russie en Ukraine.
     Mes collègues conservateurs et moi avons tenu plusieurs rencontres avec des représentants japonais pour exprimer la nécessité, pour les alliés, de se soutenir autant que possible les uns les autres dans leurs échanges commerciaux.
     Il est temps que la ministre des Affaires étrangères et la ministre du Commerce international libérales fassent pression auprès du Japon en lui rappelant son obligation morale, en tant que partenaire du G7, de soutenir l'industrie du crabe du Canada atlantique.

Des félicitations à l'occasion d'un départ à la retraite

    Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à Bhavana Varma, citoyenne et leader communautaire exceptionnelle de ma circonscription, Kingston et les Îles. Bhavana vient d’annoncer qu’elle quittera son poste de directrice générale de Centraide pour Kingston, Frontenac, Lennox et Addington à la fin d’août.
    Depuis 1999, le leadership de Bhavana a inspiré des campagnes annuelles de collecte de fonds record et des initiatives locales réussies. Véritable partenaire de la collectivité, Bhavana a été un chef de file dans la résolution de problèmes complexes tels que l’insécurité alimentaire, la réduction de la pauvreté, les dépendances, ainsi que la santé mentale et l’itinérance.
    Avec Bhavana à la barre, l’impact de Centraide s’est considérablement accru dans notre région, fournissant un soutien financier à un réseau important d’organismes qui offrent des programmes et des services essentiels. Chaque année, Centraide aide des milliers de personnes dans notre région.
    En tant que député de Kingston et des Îles, je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à Bhavana pour tout ce qu'elle a accompli au cours des 24 dernières années. Je suis persuadé qu’elle laissera l’agence entre de bonnes mains et qu’elle continuera d'être une force positive au sein de notre collectivité.
    Je souhaite à Bhavana la meilleure des chances dans ses projets futurs.
(1410)

La Semaine canadienne du counseling scolaire

    Monsieur le Président, c'est la Semaine canadienne du counseling scolaire, une occasion de reconnaître le remarquable travail qu'accomplissent les conseillers scolaires pour soutenir le développement scolaire, social, émotionnel et professionnel des élèves de tous les niveaux.

[Français]

     Selon un sondage mené par la Commission de la santé mentale du Canada, les plus grands défis auxquels nos jeunes sont confrontés sont le sentiment d'isolement et de solitude, l'accès limité à des ressources en santé mentale et d'autres soutiens liés à la santé.

[Traduction]

    Parce qu'ils écoutent, qu'ils se concentrent sur les solutions positives et qu'ils travaillent de concert avec les parents et les enseignants, les conseillers scolaires donnent à chaque élève les outils dont il a besoin pour surmonter ses défis personnels et atteindre son potentiel maximal.
    Je remercie tous les conseillers scolaires du travail incroyable qu'ils accomplissent, mais surtout, je les remercie d'aider les jeunes Canadiens à atteindre leurs buts dans un environnement scolaire sûr qui les soutient.

[Français]

    Je souhaite bonne Semaine canadienne des conseillers scolaires à tous les conseillers et toutes les conseillères.

[Traduction]

La justice

    Monsieur le Président, après huit ans de politiques laxistes du gouvernement libéral en matière de criminalité, rien de va plus dans notre système de justice.
    Récemment, l’agent de la Police provinciale de l’Ontario Greg Pierzchala, un résidant de Barrie, a été assassiné par un récidiviste violent qui était en liberté sous caution. L’agent Pierzchala a connu une mort dévastatrice et évitable. Je tiens à offrir mes plus sincères condoléances à sa famille, à ses amis et à ses collègues.
    En réponse à cette tragédie, le commissaire de la Police provinciale de l’Ontario, Thomas Carrique, a déclaré: « Une minorité de délinquants commet la plupart des crimes au Canada, et la nature chronique de la récidive de ces individus n’est pas reconnue adéquatement dans les pratiques actuelles de mise en liberté sous caution et de détermination de la peine. »
    En raison de l’élimination par le gouvernement libéral des peines d’emprisonnement obligatoires pour les infractions violentes, les criminels ont le champ libre pour terroriser nos collectivités. Le résultat de cette politique ratée est clair. L’année dernière, à Toronto, il y a eu 44 homicides par armes à feu. De ces 44 criminels, 24 étaient en liberté sous caution.
    Après huit ans, le premier ministre doit assumer la responsabilité de ses échecs. Il doit écouter les premiers ministres provinciaux, les associations de policiers et les défenseurs de la collectivité et réformer le système défaillant de mise en liberté sous caution du Canada.

Le Mois du patrimoine africain

    Monsieur le Président, c'est le Mois du patrimoine africain en Nouvelle‑Écosse. Sackville—Preston—Chezzetcook soulignera l'occasion en célébrant les réalisations et les contributions liées à l'héritage culturel des personnes d'origine africaine au Canada.
     Le thème de cette année est « Des océans de lutte — des peuples africains d'un océan à l'autre » et vise à reconnaître la force et la détermination dont ont fait preuve les personnes d'origine africaine, depuis les rivages de l'Afrique jusqu'à ceux de la Nouvelle‑Écosse. Une panoplie d'événements est prévue, y compris des célébrations locales, des visionnements de films, un spectacle de lumières, des spectacles sur scène, et bien plus.
    Comme d'habitude, le Centre culturel noir sera au cœur des activités. Le centre est devenu connu à l'échelle nationale dans les dernières années. L'été dernier, il a reçu le premier ministre dans le cadre de la présentation d'excuses historiques au 2e Bataillon, et le premier ministre avait alors reconnu tout le travail et les recherches effectués par le centre.
    Continuons tous de célébrer l'histoire des Noirs en février et le reste de l'année.

Le Parti libéral du Canada

    Monsieur le Président, chaque jour, d'innombrables personnes dans ma circonscription me parlent de leurs frustrations, alors qu'elles tentent de survivre à la crise de l'abordabilité provoquée par les libéraux.
    Après huit ans sous le règne des libéraux, rien ne va plus au Canada. Après huit ans, les Canadiens n'ont plus d'argent et n'ont pas les moyens de se nourrir, de se chauffer ou de se loger. Au moment où nous pensions que la situation ne pouvait pas empirer ou que le coût de la vie ne pouvait pas augmenter, nous apprenons que la taxe sur le carbone augmentera de nouveau le 1er avril. Il n'est pas surprenant que certains Canadiens se tournent vers les banques alimentaires, car c'est leur seul moyen de nourrir leur famille.
    Après huit années au pouvoir, le gouvernement a mal géré le dossier du transport et la crise de l'abordabilité, a laissé des arriérés s'accumuler dans le traitement des demandes de passeport et d'immigration, a préféré offrir aux gens l'aide médicale à mourir plutôt que d'offrir de les aider, a facilité la mise en liberté sous caution des criminels, et a éliminé l'imposition de peines minimales obligatoires aux délinquants.
    Après huit ans, il est temps que le règne du gouvernement libéral prenne fin. Avec les conservateurs, on pourra se chauffer sans être taxé.

[Français]

Le Parti libéral du Canada

    Monsieur le Président, après huit ans, le gouvernement libéral n'a fait que rendre la vie des Canadiens plus difficile. Ses politiques idéologiques et son manque de leadership touchent tous les Canadiens, et les choses ne font qu'empirer.
     Après huit ans, ce gouvernement n'a toujours pas réglé le dossier de l'immigration. Les gens attendent des mois, voire des années, avant d'avoir une réponse d'IRCC. Cela pèse lourdement sur les familles et les entreprises.
     Après huit ans, Services Canada n'est toujours pas capable de répondre aux demandes de passeport et d'emploi, laissant nos citoyens les plus vulnérables sans argent pour mettre de la nourriture sur leur table.
     Après huit ans, ce gouvernement continue de nuire aux agriculteurs avec des politiques ridicules qui augmentent les coûts de production et qui poussent les Canadiens à utiliser les banques alimentaires plus que jamais.
     Après huit ans, l'inflation bat des records. La taxe sur le carbone fait augmenter le coût de tout.
    Le gouvernement ne se rend pas compte que cette politique inefficace ne fonctionne pas. Un gouvernement conservateur, avec notre nouveau chef, remettra les Canadiens en contrôle de leur vie. Assez, c'est assez. C'est à notre tour, maintenant.
(1415)

La tragédie dans une garderie de Laval

    Monsieur le Président, je suis profondément attristé par la tragédie qui s'est produite hier à Sainte-Rose de Laval. Saint-Augustin définissait la nation comme une multitude d'êtres rationnels unis par les objets communs de leur amour. L'objet qui nous unit le plus est la famille. C'est un moment sombre à Laval, au Québec et partout au Canada. Nous sommes là, nous étions avec vous hier, nous le sommes aujourd'hui et nous le serons encore demain.
    Je remercie tous les premiers répondants et tous ceux et celles qui ont donné un coup de main. Je rends un hommage particulier aux employés des garderies et des écoles qui sont allés travailler ce matin, afin d'ensoleiller la journée de nos tout petits qui ne méritent qu'amour, tendresse et sécurité. Cette tragédie nous rappelle qu'il ne faut pas laisser la partie la plus sombre de nous-mêmes l'emporter sur la meilleure.
    Mes pensées, mes prières sont avec mes concitoyens, ainsi que les victimes.

[Traduction]

La fiscalité

    Monsieur le Président, aujourd'hui, l'organisme Canadiens pour une fiscalité équitable a publié un rapport accablant sur la façon dont les sociétés les plus riches du Canada ont utilisé la Subvention salariale d'urgence du Canada pour s'enrichir et éviter de payer des impôts. Selon le rapport, la plupart des grandes entreprises canadiennes qui ont reçu des subventions publiques pendant la pandémie ont utilisé les paradis fiscaux, ont versé des dividendes à leurs actionnaires pendant la pandémie, ont augmenté le montant total de leurs dividendes, ont procédé à des rachats d'actions et ont réduit leurs effectifs.
    L'élite politique et capitaliste du Canada se sert à nouveau dans l'assiette au beurre en utilisant les fonds publics à des fins personnelles. Lorsqu'il est question d'équité fiscale, qu'il s'agisse des libéraux ou des conservateurs, c'est du pareil au même. Ils ne tiennent pas tête à ces sociétés. Ils refusent d'instaurer une taxe sur les bénéfices exceptionnels, refusent d'augmenter le taux d'imposition des sociétés et refusent de s'en prendre à leurs amis qui utilisent les paradis fiscaux.
    Les Canadiens en ont assez. Les travailleurs et les personnes à revenu fixe ont du mal à joindre les deux bouts, et seul le NPD demande que des mesures soient prises. Il est temps de tenir tête aux entreprises canadiennes et de reprendre ce qu'elles doivent aux Canadiens.

[Français]

La Semaine de la prévention du suicide

    Monsieur le Président, nous sommes aujourd'hui en plein cœur de la Semaine québécoise de la prévention du suicide. J'avertis mes collègues, le thème de cette année est lourd: « Mieux vaut prévenir que mourir. »
    On ne le dira jamais assez, qui dit prévenir le suicide dit parler. Nous avons tous le devoir de créer un climat d'ouverture, de bienveillance, sans tabous, où chaque personne sent qu'elle peut s'exprimer. Nous avons le devoir de rappeler que personne n'est à l'abri de la détresse. Cette détresse, cette souffrance existe, mais il faut prendre la parole; oser en parler; rappeler que les problèmes de santé mentale sont des problèmes de santé, qu'ils ne nous définissent pas et qu'ils se soignent; rappeler que l'aide existe; et surtout, simplement rappeler à nos proches qu'ils sont importants et que nous les aimons.

[Traduction]

L'économie

    Monsieur le Président, après huit ans sous la gouverne du premier ministre libéral, l'inflation est à son plus haut niveau en 40 ans.
    Après huit ans sous la gouverne du premier ministre libéral, la moitié des Canadiens réduisent leurs dépenses d'épicerie.
    Après huit ans sous la gouverne du premier ministre libéral, 20 % des Canadiens sautent des repas.
    Après huit ans sous la gouverne du premier ministre libéral, le loyer moyen dans les 10 plus grandes villes du Canada a doublé.
    Après huit ans sous la gouverne du premier ministre libéral, la moitié des détenteurs d'une hypothèque à taux variable disent qu'ils devront vendre ou quitter leur maison cette année parce que les taux d'intérêt sont à leur plus haut niveau depuis 23 ans, et 9 jeunes sur 10 pensent qu'ils ne pourront jamais acheter une maison.
    Après huit ans, une bande de libéraux bien connus, dont Mark Carney, Bill Morneau et John Manley, attribuent la crise de l'inflation actuelle aux dépenses du gouvernement avant, pendant et après la pandémie de COVID.
    Après huit ans, il y a de l'espoir. Les conservateurs sont prêts à former un nouveau gouvernement pour nettoyer ce gâchis.
(1420)

[Français]

La tragédie dans une garderie de Laval

     Monsieur le Président, un drame épouvantable et sans précédent s'est produit dans ma circonscription. À la Garderie éducative Ste-Rose, située sur la rue Terrasse Dufferin, à Laval, un autobus de la Société de transport de Laval est entré en collision avec cette garderie, causant la mort de deux jeunes enfants et blessant gravement six autres enfants.
    C'est vraiment très triste, et j'ai une pensée toute spéciale pour les enfants, pour leurs familles ainsi que pour les employés de la garderie. J'en suis profondément peiné. Je tiens à remercier les premiers répondants, les pompiers, les policiers, les ambulanciers ainsi que les citoyens qui étaient présents sur les lieux.
    Je remercie tous mes collègues, nombreux et de toutes les formations politiques, de leur sympathie et de leurs condoléances suite à ce drame épouvantable. Je transmets mes plus profondes condoléances aux familles éprouvées.

QUESTIONS ORALES

[Questions orales]

[Français]

L’Agence du revenu du Canada

    Monsieur le Président, le directeur parlementaire du budget dénonce, cette semaine, le fait que le gouvernement ait décidé que cela ne valait pas la peine de poursuivre les 15 milliards de dollars qui ont été payés en trop à de grandes entreprises à titre de subventions salariales. C'est de l'argent qu'elles n'auraient pas dû recevoir et qui vient de la poche des Canadiens. Cela équivaut à 1 000 $ pour chaque famille canadienne.
    Quand le premier ministre va-t-il finalement aller chercher l'argent qui a été donné illégalement à ces grandes entreprises?

[Traduction]

    Monsieur le Président, je rappelle au député qu'il a accès à cette information, étant donné qu'elle est publique. La semaine dernière, au comité des comptes publics, le commissaire de Revenu Canada a indiqué clairement que le travail de vérification visant à déterminer l'admissibilité aux divers programmes d'urgence liés à la COVID‑19 est en cours.
    Ce sont les fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada qui ont contribué de façon très ciblée à administrer les divers programmes mis en place lors de la pandémie de COVID‑19. Ils effectuent maintenant le travail essentiel de vérification. Ce travail est pris au sérieux. Il s'agit d'une approche financièrement responsable. Le député a voté pour cette approche. Poursuivons sur cette voie.
    Monsieur le Président, le principal percepteur d'impôts du premier ministre, Bob Hamilton, commissaire de Revenu Canada, a dit que « cela [ne] vaudrait pas la peine » de faire un examen et de récupérer les 15,5 milliards de dollars versés illégalement à ces sociétés. Il a déclaré que cela n'en vaudrait pas la peine.
    Il faut savoir que 15 milliards de dollars représentent 1 000 $ pour chaque ménage au Canada. Il s'agit d'argent pris aux mères seules de la classe moyenne qui n'arrivent pas à nourrir leurs enfants et versé à de riches sociétés ayant des liens avec le gouvernement. Pourquoi les libéraux refusent-ils de récupérer l'argent perçu illégalement pour le remettre aux Canadiens?
    Monsieur le Président, le chef de l'opposition parle des Canadiens. Où était-il au plus fort de la pandémie? Lorsque les Canadiens avaient besoin de leur gouvernement, il parlait d'un programme d'austérité, il parlait de compressions et il n'appuyait pas les divers programmes qui ont contribué à soutenir le Canada.
    Le travail de l'Agence du revenu du Canada se poursuit, comme je l'ai déjà dit. Il n'est pas près d'arrêter. Il est sérieux et ciblé. D'ailleurs, le député devrait vérifier le hansard. En novembre 2020, c'est lui et son parti qui ont voté pour mettre fin au travail de l'Agence du revenu du Canada.
    Monsieur le Président, c'est tout à fait faux. Où étais‑je? J'étais à la Chambre en train de dire au gouvernement qu'il ne devrait pas donner des subventions salariales à des sociétés assez riches pour verser des dividendes et des primes et racheter des actions. Voilà où j'étais.
    Maintenant, nous apprenons que la situation était pire que nous le pensions, et que le gouvernement a accordé des subventions salariales de 81 milliards de dollars à 37 sociétés qui ont versé des dividendes à leurs riches actionnaires. Ce n'était pas de l'argent pour les travailleurs, mais pour les riches. Pourquoi le gouvernement dépouille-t‑il toujours ceux qui rament pour engraisser ceux qui se prélassent en yacht?
(1425)
    Monsieur le Président, je le répète: le député s'est opposé à tous les programmes essentiels liés à la COVID qui ont permis aux entreprises de rester ouvertes. Les subventions salariales ont permis aux petites et moyennes entreprises, en particulier, de poursuivre leurs activités tout au long de la pandémie. C'est l'élément clé à retenir.
    Quant au travail vital effectué par l'Agence du revenu du Canada pour s'attaquer aux problèmes de l'évitement fiscal et de l'évasion fiscale, les conservateurs avaient réduit le budget de l'Agence, ce qui l'a empêché de faire ce travail efficacement. À partir de 2015, nous avons investi dans l'Agence pour qu'elle puisse effectuer ce travail. Le nombre d'enquêtes a augmenté, tout comme les condamnations au criminel et les peines d'emprisonnement pour les personnes reconnues coupables.
    Monsieur le Président, dans les faits, nous avons tout à fait réussi à percevoir des impôts auprès de puissantes sociétés tout en réduisant la bureaucratie à l'Agence du revenu du Canada. Nous avons accru les résultats et diminué les coûts. En comparaison, le principal percepteur d'impôts du premier ministre dit ne pas avoir les ressources nécessaires pour récupérer les subventions salariales illégales d'un total de 15 milliards de dollars que le premier ministre a versées à ces puissantes sociétés.
    L'Agence du revenu a maintenant 10 000 percepteurs d'impôts de plus. Que font-ils? Ils s'en prennent aux gens ordinaires. Pourquoi ne s'en prennent-ils pas plutôt aux amis du premier ministre dans le monde des affaires?
    Monsieur le Président, puisque les conservateurs souhaitent parler des gens ordinaires, je leur signale que j'ai des conversations avec des entrepreneurs et des représentants d'organismes de bienfaisance de partout au pays, et qu'ils me disent ceci à chacune de nos rencontres: « Merci pour la Subvention salariale d'urgence du Canada. Nous n'aurions pas pu continuer nos activités, ni garder nos employés à notre emploi, si nous n'avions pas reçu ce soutien crucial et essentiel au plus fort de la pandémie. » Pour sa part, le chef de l'opposition déclare malheureusement que l'opposition ne voulait pas d'une grosse machine gouvernementale et ne voulait pas aider les Canadiens pendant cette période.
    Nous avons opté pour une approche différente. Nous avons été là pour les Canadiens quand ils avaient besoin de nous, et nous continuerons d'être là pour eux.
    Monsieur le Président, la députée devrait parler à son collègue, qui vient d'admettre que j'avais voté en faveur de l'aide aux petites entreprises pendant la pandémie. Toutefois, de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes contre la fraude. Quinze milliards de dollars ont été versés en trop directement aux plus grandes sociétés, qui n'auraient jamais dû recevoir ces sommes. Voilà maintenant que le principal percepteur d'impôt du premier ministre dit qu'il ne tentera pas de récupérer cet argent. Il va simplement le laisser entre les mains des grandes sociétés. Cet argent équivaut à 1 000 $ par ménage canadien.
    Pourquoi les libéraux imposent-ils ce fardeau aux Canadiens qui croulent sous les dettes au lieu de s'en prendre aux puissantes sociétés qui roulent sur l'or?
    Monsieur le Président, je répondrai sans équivoque que notre gouvernement est lui aussi contre la fraude. Pour chaque dollar que nous investissons dans l'Agence du revenu du Canada, nous en récupérons cinq dans les poches de ceux qui pratiquent l'évitement fiscal. C'est un excellent rendement sur l'investissement.
    Soyons clairs: l'ARC travaille fort pour récupérer les subventions salariales qui ont été versées par erreur. Le gouvernement a aussi pris des règlements afin de récupérer de l'argent auprès des entreprises qui ne visent qu'à réaliser des profits. Il y a aussi la taxe exceptionnelle sur les profits excessifs des banques et des compagnies d'assurance.
    Nous faisons ce qui s'impose. Nous défendons les intérêts des Canadiens.

[Français]

Les langues officielles

    Monsieur le Président, hier, le premier ministre a refusé de dénoncer la désinformation sur la Charte de la langue française au Comité permanent des langues officielles. Il a même refusé de corriger cette désinformation pour rassurer les Anglo-Québécois sur les effets réels du projet de loi C‑13 et de la loi 96. Donc, il ne dénonce pas et il ne corrige pas. S'il ne dénonce pas et ne corrige pas, il cautionne.
    Finalement, la position des députés de Saint‑Laurent, de Notre‑Dame‑de‑Grâce—Westmount et de Mont‑Royal sur le français au Québec, c'est aussi la position du premier ministre. Est-ce que c'est ça?
    Monsieur le Président, nous avons été très clairs: notre gouvernement est le premier gouvernement à reconnaître le déclin du français partout au pays, y compris au Québec. C'est pour cette raison que nous allons de l'avant avec le projet de loi C‑13.
    Nous avons été très clairs dans le discours du Trône. Le premier ministre, lui aussi, a bien dit que nous allons de l'avant avec un projet de loi pour nous assurer que nous allons contribuer à protéger et à promouvoir le français partout au pays et protéger nos communautés de langue officielle en situation minoritaire.
(1430)
    Monsieur le Président, le premier ministre divise. Il divise les Canadiens et les Québécois avec la nomination d'Amira Elghawaby. Il divise les Québécois entre eux en envoyant sa gang du West Island pour faire de la désinformation sur la Charte de la langue française.
    Hier, il a tenté de diviser les Québécois et les francophones hors Québec en lançant des calomnies sur les intentions du Bloc québécois. Il a même trouvé le moyen de diviser son propre caucus sur la protection du français. Ça ne s'invente pas: le pyromane de la chicane a même mis le feu dans sa propre cabane.
    Où est-ce que ça va s'arrêter?
    Monsieur le Président, en tant que fière Acadienne qui habite en communauté de langue officielle en situation minoritaire, je connais l'importance de protéger et promouvoir le français partout au pays, y compris au Québec. C'est pour cette raison que nous allons de l'avant avec un projet de loi qui est ambitieux et qui va faire une différence pour nos communautés de langue officielle en situation minoritaire.
    Encore une fois, j'espère que nous allons avoir l'appui de tous nos collègues à la Chambre pour nous assurer que ce projet de loi sera adopté, puisque des intervenants d'un bout à l'autre du pays nous disent qu'ils veulent le voir adopté dans les plus brefs délais.

[Traduction]

Les anciens combattants

     Monsieur le Président, les anciens combattants et leurs familles sont préoccupés par la décision de confier des services essentiels en sous-traitance à Loblaws.
    Mon bureau a appris que des traitements ont été suspendus en attendant la réévaluation des blessures des anciens combattants par des sous-traitants, que la prestation de services a été considérablement retardée et qu'on a empêché des fournisseurs de confiance d'offrir aux anciens combattants des services dont ils ont désespérément besoin. Avec ce contrat, les contribuables paient 25 % plus cher pour moins de services. Les anciens combattants méritent mieux.
    Quand les libéraux vont-ils commencer à servir les anciens combattants au lieu de satisfaire la cupidité des entreprises à but lucratif?
    Monsieur le Président, au gouvernement, nous soutenons les anciens combattants depuis le début. Depuis 2016, nous avons investi plus de 11 milliards de dollars pour aider les anciens combattants, et nous avons mis en œuvre une foule de programmes pour les soutenir, qu'il s'agisse du centre sur la douleur chronique pour les anciens combattants ou de la pension à vie. Le gouvernement soutient les anciens combattants depuis le début et continuera de le faire.

La santé

    Monsieur le Président, les Canadiens ont des problèmes de santé mentale. Le niveau d'anxiété et le sentiment d'isolement n'ont jamais été aussi élevés, mais il est presque impossible d'obtenir de l'aide. Les thérapies coûtent tellement cher qu'elles sont hors de portée. Les services financés par le Trésor public ont de longues listes d'attente. Les gens n'ont nulle part où se tourner. Pourtant, le nouvel accord sur la santé que les libéraux ont conclu avec les provinces ne garantit aucune enveloppe pour la santé mentale. Après deux ans, pas un seul sou n'a été dépensé pour le transfert canadien en santé mentale qu'avaient promis les libéraux. Les promesses brisées s'accumulent.
    La ministre s'engagera-t-elle aujourd'hui à concrétiser le transfert canadien en matière de santé mentale?
    Monsieur le Président, afin de favoriser leur bien-être, les Canadiens devraient pouvoir accéder à des services de santé mentale et de traitement des toxicomanies qui sont fondés sur des preuves, qui sont adaptés à leur culture et qui tiennent compte de leurs traumatismes, et ce, en temps opportun.
    Grâce aux accords bilatéraux proposés sur les priorités communes en matière de santé, nous travaillons avec les provinces et les territoires pour que la santé mentale et la lutte contre la toxicomanie fassent partie intégrante de notre régime de santé universel. Cela permettra de veiller à ce que les provinces et les territoires fassent preuve de transparence et à ce qu'elles assument leur responsabilités quant à l'accès aux services de santé mentale et de traitement des toxicomanies les plus appropriés.

[Français]

L'économie

    Monsieur le Président, après huit ans sous la gouverne du premier ministre, l'inflation est hors de contrôle. C'est simple, tout coûte beaucoup plus cher: l'épicerie, le chauffage, le logement.
     Le premier ministre voudrait nous faire croire qu'il n'y est pour rien, mais c'est justement en raison de sa façon de dépenser sans compter que nous nous retrouvons dans cette situation. Même son ancien ministre des Finances Bill Morneau l'a récemment confirmé.
    Peut-il voir la vérité en face et avouer l'immense dommage qu'il crée à l'économie canadienne?
    Monsieur le Président, voici la situation à laquelle font face les Canadiens.
    Quel côté de la Chambre a un plan pour l'avenir? Qui a un plan pour les changements climatiques? C'est nous; les conservateurs n'en ont pas. Qui a un plan pour l'abordabilité? C'est nous; les conservateurs n'en ont pas. Qui a un plan pour l'avenir de l'économie canadienne? C'est les libéraux, pas les conservateurs.
    Les libéraux agissent et les conservateurs cherchent la chicane.
    Nous sommes ici pour les Canadiens.
    Monsieur le Président, qui massacre l'économie canadienne? C'est les libéraux.
    Selon un récent sondage Léger, les Québécois voient l'arrivée de 2023 avec un niveau de stress vraiment élevé. La préoccupation numéro un est l'impact de la hausse des prix à la consommation.
    Que va-t-il falloir pour que le premier ministre voie la même chose et entende la même chose que nous partout sur le territoire canadien?
(1435)
    Monsieur le Président, rappelons-nous des faits.
    Notre PIB réel est de 3,5 %, soit le plus haut taux depuis la pandémie. Nous avons l'un des taux d'inflation les plus bas; il est inférieur à celui des États‑Unis, de l'Allemagne et du Royaume‑Uni.
    Le FMI projette que notre croissance, cette année, sera la plus haute du monde, et l'an prochain aussi. Quelque 200 emplois ont été créés depuis septembre, et nous avons le plus bas taux de chômage depuis 1966.
    Qui mène l'économie? C'est nous, les libéraux.

[Traduction]

La tarification du carbone

    Monsieur le Président, après huit années sous la direction du premier ministre libéral, la ponction fiscale que représente la taxe sur le carbone fait l'effet d'une dégelée aux Canadiens. En effet, le gouvernement a indiqué que plus de la moitié des ménages canadiens paient plus de 200 $ par mois uniquement pour chauffer leur logement, et la situation va empirer quand la taxe sur le carbone aura triplé, ce qui fera augmenter le coût du chauffage de tous les logements au pays. Avec les conservateurs, on pourra se chauffer sans être taxé.
    Le premier ministre va-t-il prendre ses responsabilités en supprimant la taxe sur le carbone et en réparant les dégâts qu'il a causés?
    Monsieur le Président, chaque fois que nous proposons une mesure liée à l'abordabilité, comme l'aide au loyer, du soutien pour les soins dentaires, l'Allocation canadienne pour enfants ou une baisse d'impôt pour la classe moyenne, les conservateurs votent contre. Il y a quelque chose qu'ils ne comprennent pas. L'Incitatif à agir pour le climat laisse les Canadiens avec plus d'argent dans les poches que ce qu'ils paient à la pompe, et huit familles sur dix s'en trouveront mieux.
    Les députés savent-ils ce qui n'améliorera pas la situation des familles? C'est d'investir dans les cryptomonnaies et les bitcoins. Le chef de l'opposition va-t-il s'adresser dès maintenant à la Chambre pour présenter ses excuses aux Canadiens qui y ont laissé leur chemise?

L'économie

    Monsieur le Président, les députés savent-ils ce que feront les conservateurs? Nous mettrons la hache dans la taxe sur le carbone, qui fait grimper le prix de tout et qui aggrave l'inflation.
    Le gouvernement aime bien dire qu'il n'a aucune leçon à recevoir des conservateurs, et cette fin de non-recevoir est évidente parce que la situation ne fait qu'empirer. Un habitant de ma circonscription, Chris, dit qu'il a du mal à payer ses factures à cause de l'inflation. Il dit qu'il a un peu faim et un peu froid, et qu'il flotte maintenant dans ses vêtements. On enseigne à nos enfants à assumer la responsabilité de leurs actes. Or, le premier ministre blâme tout le monde sauf lui-même.
    Le premier ministre assumera-t-il sa responsabilité dans la crise du coût de la vie et réparera-t-il les pots qu'il a cassés?
    Monsieur le Président, j'aimerais que l'opposition assume la responsabilité des répercussions du jargon obscur qu'ils utilisent pour parler de ce que nous devons faire dans le dossier des changements climatiques. Ma circonscription a été dévastée, comme je l'ai dit à maintes reprises à la Chambre. L'industrie de la pêche est une source vitale de revenus dans ma circonscription. À cause de l'ouragan Fiona, les ports pour petits bateaux ont subi des dommages d'une valeur de 59,2 millions de dollars. Leurs infrastructures étaient plutôt en bon état avant que l'ouragan Fiona frappe. Ne rien faire pour lutter contre les changements climatiques a un coût bien réel.

Le logement

    Monsieur le Président, huit années de dépenses incontrôlées par le premier ministre libéral ont entraîné une hausse vertigineuse des taux d'intérêt. Par conséquent, près de la moitié des Canadiens qui ont un prêt hypothécaire à taux variable indiquent qu'ils pourraient devoir quitter leur maison d'ici quelques mois seulement. Comme si l'augmentation exponentielle des paiements hypothécaires ne suffisait pas, le premier ministre s'apprête à tripler la taxe sur le carbone que paient ces Canadiens en difficulté.
    Avec les conservateurs, on pourra se chauffer sans être taxé. Le premier ministre va-t-il enfin assumer la responsabilité de cette crise de l'abordabilité qu'il a créée ou va-t-il s'enlever du chemin pour que nous puissions régler le problème?
    Monsieur le Président, c'est vraiment quelque chose d'entendre les députés d'en face parler d'abordabilité dans le cas du logement. Ils ont voté contre toutes les mesures en matière de logement que nous avons présentées à la Chambre afin d'aider les Canadiens à réaliser leur rêve d'accéder à la propriété. Qu'il s'agisse du programme de 200 millions de dollars relatif aux locations avec option d'achat, du compte d'épargne libre d'impôt jusqu'à concurrence de 40 000 $ pour les acheteurs d'une première maison, du doublement du crédit d'impôt pour l'achat d'une première maison ou du fait d'interdire aux étrangers d'acquérir des biens immobiliers résidentiels au Canada, ils ont voté contre toutes ces mesures. Ils essaient de nous faire croire qu'ils appuient les Canadiens alors que ce n'est clairement pas le cas.
(1440)
    Monsieur le Président, le ministre doit sortir de sa tour d'ivoire à Ottawa. Il ne cesse de parler de programmes gouvernementaux, mais il n'écoute pas les Canadiens. Je parle de ces Canadiens qui ont vu leur loyer doubler au bout de huit ans sous la direction du premier ministre; de ces Canadiens qui sont maintenant confrontés à la perspective de devoir déménager s'ils ont une hypothèque à taux variable; de ces Canadiens qui n'ont plus les moyens de mettre de la nourriture sur la table, alors que le prix des aliments n'a jamais été aussi élevé en 40 ans et qu'un million et demi de citoyens font la file aux banques alimentaires.
    Pourquoi les libéraux ne prennent-ils pas leurs responsabilités en réduisant la taxe sur le carbone pour accorder un répit aux Canadiens?
    Monsieur le Président, le député d'en face a parlé de soutien aux locataires et des locataires en difficulté au Canada. C'est précisément la raison pour laquelle nous avons introduit l'Allocation canadienne pour le logement, qui vise à verser en moyenne 2 500 $ aux locataires vulnérables du pays. De plus, nous avons prévu un supplément ponctuel de 500 $ destiné à 1,8 million de locataires en situation précaire au Canada.
    Les conservateurs ont voté contre cette mesure et, par surcroît, ils se sont livrés à des manœuvres procédurales l'automne dernier pour retarder l'adoption du projet de loi qui visait à apporter un soutien précieux aux locataires.

[Français]

La santé

    Monsieur le Président, le fédéral avait promis une offre substantielle pour soutenir le système de santé. On a plutôt eu droit à une substantielle déception. Le ministre savait que le Québec et les provinces avaient besoin de 28 milliards de dollars de plus par année pour réparer les réseaux de santé. Il leur en offre à peine le sixième.
    Le ministre est-il sérieusement capable de prétendre qu'en offrant le sixième de l'argent nécessaire, il donne les moyens au Québec de régler les problèmes en santé?
    Monsieur le Président, les populations canadiennes s'attendent à pouvoir recevoir des services de santé quand ils en ont besoin. Notre gouvernement est là maintenant et pour l'avenir en faisant des investissements et tout ce qui est nécessaire.
    Monsieur le Président, tout le monde sait qu'il y a une crise en santé causée par le sous-financement chronique du fédéral, sauf le ministre. Le Québec et les provinces ont chiffré leurs besoins à 28 milliards de dollars de plus par année; le gouvernement met 4,6 milliards de dollars sur la table. Son offre garantit que les problèmes en santé vont continuer pour encore au moins 10 ans. Son offre rend permanent le sous-financement chronique de la santé et il a le culot d'attendre des résultats.
    Le ministre réalise-t-il qu'offrir si peu, c'est priver des malades de soins essentiels?
    Monsieur le Président, notre plan vise à améliorer les soins de santé des Canadiens, à veiller à ce que les patients reçoivent en temps opportun les services de santé qu'ils méritent et à soutenir nos travailleurs de la santé.
    Notre plan de 198 milliards de dollars sur 10 ans inclut un versement complémentaire immédiat et inconditionnel au Transfert canadien en matière de santé ainsi que des investissements ciblés et une augmentation du financement permanent du Transfert canadien en matière de santé.
    Monsieur le Président, vous savez comme moi que les conservateurs aiment répéter que le gouvernement dépense beaucoup trop d'argent. Pourtant, leur chef a promis de maintenir l'offre libérale de financement de la santé s'il prend le pouvoir un jour. C'est littéralement la seule politique publique libérale que le chef conservateur s'est engagé à protéger s'il devient premier ministre.
    Tout le monde sait que le chef conservateur, quand il écoute Séraphin, trouve qu'il dépense trop. N'est-ce pas là la preuve ultime que l'offre libérale en santé est une offre de Séraphin?
    Monsieur le Président, lors de la réunion de travail avec les premiers ministres des provinces et des territoires, nous avons discuté d'une augmentation de 196,1 milliards de dollars sur 10 ans pour le Transfert canadien en matière de santé, ou TCS, dont 46,2 milliards de dollars de nouveau financement.
    Ce financement comprend un complément immédiat et inconditionnel de 2 milliards de dollars au TCS pour répondre à la pression immédiate sur le système de soins de santé, notamment dans les hôpitaux pédiatriques et les salles d'urgence, et pour diminuer les longs délais d'attente pour les opérations.

[Traduction]

La tarification du carbone

    Monsieur le Président, après huit années sous la direction du premier ministre libéral, de nombreux Canadiens grelottent dans leur maison parce qu'ils n'ont plus les moyens de la chauffer, mais le premier ministre ne fait preuve d'aucune compassion et refuse d'assumer la responsabilité de la souffrance qu'il a causée avec sa taxe punitive sur le carbone. Cependant, les conservateurs répareront les dégâts causés par le premier ministre. Avec les conservateurs, on pourra se chauffer sans être taxé.
    Le premier ministre pense-t-il sincèrement que les Canadiens devraient porter leur manteau à l'intérieur pour se garder au chaud pendant l'hiver?
(1445)
    Monsieur le Président, il est décevant d'entendre les conservateurs chercher à instiller la peur chez les Canadiens pour faire des gains politiques, alors que nous savons que certains Canadiens sont vulnérables. Le député devrait savoir que, en moyenne, les gens de sa circonscription recevront plus d'argent grâce à la politique de tarification de la pollution. Je n'arrive pas à croire que le plan des conservateurs consiste à prendre l'argent des familles pour la donner aux pollueurs.
    Nous avons toujours pris des décisions qui visent à laisser plus d'argent dans les poches des familles de la classe moyenne et des familles ouvrières. Nous allons continuer d'être là pour ces familles, peu importe les efforts que déploient les conservateurs pour s'opposer à nous.
    Monsieur le Président, après huit ans de gouvernement libéral, le coût de la vie explose. Depuis huit ans, le coût du chauffage résidentiel a monté en flèche. Comble d'insulte, le gouvernement libéral triplera la taxe sur le carbone.
    Selon le directeur parlementaire du budget, la taxe sur le carbone laisse la plupart des Canadiens avec une perte financière nette. Le premier ministre éliminera-t-il cette taxe pour permettre aux Canadiens de continuer à chauffer leur logement?
    Monsieur le Président, il est très décevant d'écouter les députés d'en face. À peine quelques mois après la pire catastrophe climatique de l'histoire du Canada atlantique, les conservateurs veulent éliminer une mesure qui permet de lutter contre la pollution tout en remettant dans les poches des Canadiens plus d'argent qu'ils n'en ont payé.
    Le député s'est même moqué de certaines des mesures que nous voulons instaurer pour aider les Canadiens de l'Atlantique à abandonner le mazout étranger sale pour plutôt faire la transition vers des formes d'énergie plus propres. Cela s'explique par le fait que les conservateurs n'ont aucun plan pour contrer les changements climatiques, aucun plan pour rendre la vie plus abordable et aucun plan pour renforcer l'économie.
    Monsieur le Président, le député dit qu'il est déçu. Eh bien, je peux dire aux libéraux que ce sont les Canadiens de l'Atlantique qui sont déçus, car ils leur accordent leur confiance depuis 2015.
    Le gouvernement a dépassé sa date d'expiration. Corey, à Gander, le sait. Sa facture de mazout va passer à 8 000 $, alors qu'elle était de 4 000 $ l'an dernier, et la situation va empirer avec le triplement de la taxe sur le carbone. Cependant, avec les conservateurs, on pourra se chauffer sans être taxé.
     Le premier ministre assumera-t-il enfin sa part de responsabilité face à la situation déplorable dans laquelle se trouvent les Canadiens comme Corey afin de réparer les dégâts qu'il a causés?
    Monsieur le Président, je voudrais commencer par faire remarquer au député d'en face, et il le sait très bien, que le filet de sécurité fédéral ne s'applique pas à Terre-Neuve.
    Je veux aussi souligner que nous prenons des mesures pour rendre le chauffage domestique plus abordable pour les Canadiens. Nous avons le programme qui vise à aider les gens à passer du mazout aux thermopompes, la Subvention canadienne pour des maisons plus vertes et, plus encore, nous avons annoncé aujourd'hui l'initiative d'accélérateur des rénovations majeures pour aider les Canadiens à faire les rénovations nécessaires. Il y a de bonnes nouvelles au sujet de cette initiative: elle permettra de créer des emplois bien rémunérés liés à l'exécution de ces rénovations dans les petites et grandes collectivités de partout au pays.

L'Agence du revenu du Canada

    Monsieur le Président, aujourd'hui, l'organisme Canadiens pour une fiscalité équitable a publié un rapport qui a analysé 74 entreprises canadiennes ayant eu recours à la Subvention salariale d'urgence du Canada et à des stratagèmes d'évitement fiscal. Quand le premier ministre a dit que nous étions tous dans le même bateau, j'ignorais que nous vivions dans un paradis fiscal pour les milliardaires.
    Dans le cas de Brookfield Asset Management, par exemple, le trou dans les coffres de l'État s'élève à 6,5 milliards de dollars. Cinq de ses filiales ont reçu la subvention salariale même si leur siège social se trouve aux Bermudes. Enbridge et Thomson Reuters font partie du gratin des sociétés pratiquant l'évitement fiscal.
    Pourquoi les libéraux s'attendent-ils à ce que les Canadiens subventionnent le style de vie des ultrariches?
    Monsieur le Président, comme je l'ai déjà mentionné, le principal point à retenir au sujet de la subvention salariale, c'est qu'elle a aidé les petites entreprises, les propriétaires de petites entreprises et leurs employés, ainsi que les propriétaires de moyennes entreprises et leurs employés. C'est l'élément essentiel à retenir.
    Pour répondre à la question de la députée concernant l'évasion et l'évitement fiscaux, le gouvernement a investi pas moins de 1 milliard de dollars pour lutter contre ces deux problèmes. Les résultats sont clairs: le nombre d'enquêtes et de condamnations a augmenté.
    Si la députée a une autre question, je peux entrer dans les détails. Je serais ravi de répondre à nouveau à sa question, si elle le souhaite.
    Monsieur le Président, ce n’est pas rendre service aux petites entreprises que de les utiliser pour éviter de répondre aux questions concernant les grandes sociétés qui ont reçu plus de 15 milliards de dollars des contribuables alors qu’elles réduisaient la taille de leur effectif et versaient des dizaines de milliards de dollars en dividendes. Entretemps, si un Canadien vit sous le seuil de la pauvreté, le gouvernement sait exactement où le trouver et lui envoyer la facture.
    Pourquoi les grandes sociétés bénéficient-elles d’un allégement global de leur dette grâce aux programmes de prestations mis sur pied pendant la pandémie alors que les Canadiens les plus pauvres sont pourchassés par l’Agence du revenu du Canada? Où est l’équité dans tout cela?
(1450)
    Monsieur le Président, je respecte le député, car depuis qu’il a été élu, il attire l'attention de la Chambre sur les préoccupations des travailleurs de la classe moyenne et de leur famille.
    À ce sujet, la subvention salariale a été très efficace pour les habitants de sa circonscription ainsi que tous les Canadiens et toutes les entreprises, petites et moyennes, qui avaient besoin de soutien. Comme je le mentionnais plus tôt, l’exercice de vérification se poursuit par souci d’équité.
    En ce qui concerne la PCU et les questions relatives à l’amnistie qu’il a soulevées, le député sait pertinemment que le travail se poursuit à l’heure actuelle dans ce dossier. Étant donné que des milliers de Canadiens partout au pays ont vérifié s'ils étaient admissibles et ne l'étaient pas, il est tout à fait normal de mener l’exercice de vérification jusqu’au bout parce qu’ils ont pris le temps de...
    Le député de Bourassa a la parole.

La diversité et l'inclusion

    Monsieur le Président, en ce Mois de l'histoire des Noirs, pendant lequel nous soulignons les contributions et les réalisations considérables des Noirs au Canada, il est important de reconnaître les difficultés auxquelles les communautés noires doivent faire face partout au pays.
    En octobre dernier, le ministre de la Diversité a annoncé le Fonds de dotation philanthropique dirigé par les Noirs, un programme financé à hauteur de 200 millions de dollars qui vise à améliorer le bien-être social et économique des Noirs au Canada.
    Le ministre peut-il en dire davantage sur cette importante initiative?
    Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de Bourassa de ses efforts considérables dans ce dossier.
    Pour donner suite à l'engagement du gouvernement visant à éliminer le racisme anti-Noirs et à améliorer les conditions sociales et économiques des communautés noires du pays, nous avons lancé le tout premier fonds de dotation philanthropique dirigé par les Noirs.
    Pas plus tard qu'hier, j'ai eu le plaisir d'annoncer qu'au terme d'un appel d'offres équitable et transparent, la Fondation pour les communautés noires a été choisie pour administrer le fonds. En somme, ce fonds offrira de précieuses ressources à des organismes de bienfaisance et à but non lucratif qui desservent la communauté noire et qui ont beaucoup fait pour aider énormément de personnes avec très peu de ressources.

L'Agence du revenu du Canada

    Monsieur le Président, après huit années sous la direction du premier ministre libéral, la classe moyenne et les gens qui se démènent pour y rester sont pénalisés, alors que les amis des libéraux s'en sortent très bien. Trente-sept entreprises ont bénéficié de la subvention salariale des libéraux, puis elles ont consacré 173 milliards de dollars à des dividendes, à des rachats d'actions et à des acquisitions. Les libéraux refusent de les obliger à rembourser cet argent, de sorte que les travailleurs canadiens sont forcés de payer la note, alors qu'ils peuvent à peine payer leur hypothèque, leur loyer et leur épicerie.
    Quand les libéraux vont-ils obliger leurs amis du milieu des affaires à rembourser cet argent?
    Monsieur le Président, le secrétaire parlementaire est intervenu à de nombreuses reprises sur ce sujet. En réalité, le processus de collecte de l'argent est en cours. Je rappelle au parti d'en face qu'il s'est opposé, à ce moment-là, à bon nombre des mesures qui étaient essentielles pour s'assurer que de l'argent soit versé rapidement à ceux qui en avaient besoin pour garder les entreprises ouvertes. Tous les jours, nous avons l'occasion d'échanger avec les dirigeants de ces entreprises, qui nous le confirment.
    Non seulement les conservateurs se trompent à ce sujet, mais lorsqu'ils parlent de huit années au lieu de sept — et je sais qu'ils sont mauvais en mathématiques —, je leur demanderais de se montrer un peu plus réalistes dans leur façon de parler.
    Monsieur le Président, nous avons appuyé les mesures pour permettre aux entreprises de rester ouvertes. Ce à quoi nous nous sommes opposés, ce sont les énormes dividendes des grandes sociétés amies des libéraux.
    La ministre refuse de faire son travail, malgré le fait qu'elle est chargée de ce portefeuille depuis huit ans et qu'elle peut compter sur 10 000 nouveaux percepteurs d'impôts. Elle a le devoir de s'attaquer à toutes les fraudes touchant l'argent des contribuables. Elle protège plutôt les riches actionnaires et hauts dirigeants, son gouvernement fait grimper les taux d'intérêt et l'inflation, et le coût de la vie devient inabordable pour les travailleurs canadiens. Même le directeur parlementaire du budget sonne l'alarme au sujet de cette incompétence.
    Pourquoi a-t-on l'impression que tout va mal? C'est parce que le premier ministre refuse de faire son travail. Par conséquent, va-t-il s'écarter du chemin et laisser les conservateurs...
    Le secrétaire parlementaire a la parole.
    Monsieur le Président, la députée parle de responsabilité financière. Pendant que les conservateurs s'entêtent, malheureusement, à présenter les cryptomonnaies comme une voie d'avenir pour le Canada, le gouvernement a pris des mesures et continuera de faire le travail essentiel pour défendre les intérêts des Canadiens, pendant la pandémie et au-delà.
    En ce qui concerne la lutte contre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal que la députée a soulevée, uniquement dans l'affaire des Panama Papers, 900 personnes ont été identifiées comme personnes d'intérêt par l'Agence du revenu du Canada, 160 vérifications sont en cours et 200 vérifications ont été complétées. Le travail se poursuit.
(1455)

[Français]

    Monsieur le Président, après huit ans de ce premier ministre, rien n'est trop beau pour les amis des libéraux. Alors que la classe moyenne peine à payer ses factures, c'est le Klondike pour les grandes corporations. Trente-sept grandes compagnies n'ont pas hésité à réclamer des milliards de dollars en subventions salariales.
    Sait-on comment elles se sont récompensées? Elles l'ont fait en se donnant des bonus et des dividendes avec l'argent des Canadiens.
    Pendant ce temps, dans nos bureaux de circonscription, des citoyens nous appellent pour nous dire que l'Agence du revenu du Canada est à leurs trousses, alors même qu'elle décide de ne pas poursuivre l'argent dans les grandes corporations.
    Est-ce que le premier ministre va assumer ses responsabilités et rembourser les Canadiens?
    Monsieur le Président, soyons clairs au sujet des faits. Le secrétaire parlementaire a été très juste dans ses réponses, et il est évident que l'Agence du revenu du Canada continue ses vérifications à propos des subventions salariales. Notre gouvernement a mis en place des règlements précis pour récupérer l'utilisation abusive des subventions salariales, y compris celles qui ont été utilisées pour acheter des actions, pour payer des primes ou pour toute autre chose.
    Nous allons trouver les gens qui ont commis de la fraude. Nous allons défendre les Canadiens. Nous sommes là pour répondre aux attentes des Canadiens. C'est notre tâche. Nous allons le faire.
    Monsieur le Président, après huit ans de ce gouvernement, les libéraux ne savent même pas ce qui passe au sein de leur propre gouvernement. Le commissaire de l'Agence du revenu du Canada a déclaré que cela ne valait pas la peine de chercher à essayer de récupérer les 15 milliards de dollars qui ont été versés en trop en subventions salariales à des entreprises. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est le commissaire de l'Agence du revenu du Canada. Ces gens suivent l'exemple du premier ministre depuis huit ans.
    Est-ce que le premier ministre va demander à sa ministre du Revenu national de faire son travail et de récupérer son argent ou va-t-il plutôt lui demander de se tasser pour qu'on puisse réparer ses erreurs?
    Monsieur le Président, cela nous a pris sept ans et quelques mois pour réparer les dégâts qui ont été causés par le gouvernement conservateur qui nous a précédés. Nous en avons encore pour plusieurs années à continuer de réparer tous les dommages que les conservateurs ont causés aux Canadiens.
    Ils prétendent défendre les Canadiens. C'est nous qui défendons les Canadiens, grâce à une économie forte. Les conservateurs peuvent se plaindre, mais nous sommes ici pour répondre aux attentes des Canadiens et des Canadiennes.

Le commerce international

     Monsieur le Président, le président Joe Biden, dans son discours sur l'état de l'Union, avait de bien mauvaises nouvelles pour le Québec. Il a annoncé qu'il renforçait sa politique Buy America en promettant que tous les projets d'infrastructure n'utiliseront que des matériaux américains. La première chose qu'il a nommée, c'est le bois d'œuvre.
    Pense-t-on qu'Ottawa est à la veille de régler le conflit commercial? Le président Joe Biden n'a aucun souci pour le respect de l'entente qu'il a signée. Il l'a dit lui-même publiquement.
    Lorsque le président va venir à Ottawa, en mars, est-ce que le premier ministre va défendre nos industries, dont le secteur forestier du Québec?

[Traduction]

    Monsieur le Président, nous défendrons toujours les industries canadiennes. Nous défendrons toujours le secteur du bois d'œuvre.
    Nous avons rencontré le président américain il n'y a pas si longtemps. Nous avons convenu que le Canada et les États‑Unis ont une relation commerciale importante. Nos échanges commerciaux représentent environ 4 milliards de dollars par jour. Nous sommes les plus compétitifs au monde et nous luttons contre le changement climatique.
    Lorsque les Américains font des affaires avec le Canada, les travailleurs en bénéficient, car cela se traduit par des emplois bien rémunérés dans les deux pays. Nous luttons ensemble contre les changements climatiques. Nous poursuivrons sur cette lancée.

[Français]

    Monsieur le Président, le protectionnisme américain inquiète l'ensemble de nos secteurs industriels. En ce moment, une entreprise de chez nous qui aurait, disons, 50 millions de dollars à investir dans son développement, hésite à le faire. Elle se demande si elle doit croître au Québec ou si, au contraire, elle devrait se développer aux États‑Unis par crainte d'être exclue des contrats américains. Le discours du président Biden est un incitatif à la délocalisation de nos entreprises.
    Lorsque le premier ministre va rencontrer le président, en mars, va-t-il se tenir debout pour l'économie du Québec et rappeler aux Américains qu'ils ont des obligations à respecter?
    Monsieur le Président, je veux rassurer mon collègue. Nous avons toujours défendu les industries québécoises et canadiennes, et nous allons continuer de le faire.
    Nous croyons à l'importance du bois d'œuvre, à l'importance de développer l'économie de demain, d'avoir une place de choix dans l'électrification des transports, la filiale des batteries électriques.
    Il y a plein de bonnes choses qui s'en viennent pour le Canada. Pour le Québec, nous sommes extrêmement bien positionnés. Devant les Américains et devant le reste du monde, nous allons continuer de défendre nos entreprises et de prendre notre place dans l'économie de demain.
(1500)

Les services publics et l'approvisionnement

    Monsieur le Président, après huit ans de ce premier ministre, des entreprises sans moralité sont toujours les bienvenues pour faire des affaires avec son gouvernement.
    Pourtant le sous-ministre Paul Thomson a déclaré qu'une entreprise canadienne ne serait pas admissible aux contrats fédéraux si l'un de ses affiliés avait été reconnu coupable d'un crime, mais il prétend également que la firme McKinsey ne répond pas aux critères pour être bannie. Pourtant, à cause de la complicité de McKinsey, plusieurs milliers de personnes sont mortes d'une surdose d'opioïdes et beaucoup d'autres vies furent détruites.
    Quand interdira-t-il aux entreprises immorales de faire des affaires avec le gouvernement du Canada?
    Monsieur le Président, je pense qu'il est important de rappeler aux Canadiens et aux Canadiennes que le gouvernement précédent a mis en place un régime d'intégrité, et nous suivons ce régime d'intégrité pour nous assurer que les entreprises peuvent faire affaire au Canada.
    Nous allons alors continuer à faire affaire avec les entreprises qui respectent ce régime d'intégrité.

[Traduction]

    Monsieur le Président, après huit années de dépenses inflationnistes du gouvernement, la situation est pire que jamais pour les Canadiens qui peinent à joindre les deux bouts.
    Le gouvernement a versé plus de 100 millions de dollars à McKinsey & Company. Pourquoi le premier ministre n'assume-t-il pas simplement la responsabilité du fait que McKinsey influence le gouvernement et ne cesse-t-il pas de donner de l'argent à des initiés bien branchés?
    Monsieur le Président, lorsque les députés d'en face parlent de nos dépenses des deux dernières années, ils parlent de l'aide que nous avons fournie aux Canadiens au plus fort de la pandémie. Ils parlent de la Prestation canadienne d'urgence qui a aidé des millions de Canadiens à se maintenir à flot pendant une période très difficile.
    Nous allons continuer de soutenir les Canadiens. Nous serons là lorsque les temps seront durs, et nous le resterons lorsque la situation continuera à s'améliorer.
    Monsieur le Président, la ministre veut nous faire croire que les prodigalités flagrantes dont a profité McKinsey visaient en quelque sorte à aider les Canadiens. Je peux affirmer à la députée d'en face que, lorsque les conservateurs seront au pouvoir, il y aura de l'austérité pour McKinsey et de l'aide pour les Canadiens.
    Hier, la présidente du Conseil du Trésor a été incapable de répondre lorsque je lui ai demandé si McKinsey était une société faisant preuve d'éthique. Étant donné ce que l'on sait, la question n'est pas difficile. Est-ce qu'un ministre, n'importe lequel, peut répondre à la question suivante: le gouvernement estime-t-il que McKinsey est une société qui fait preuve d'éthique, oui ou non?
    Monsieur le Président, le député d'en face devrait savoir que les contrats conclus par la fonction publique le sont en toute indépendance. J'espère vraiment que le député n'est pas en train de dire que si les conservateurs devaient un jour être au pouvoir — ce qui, j'espère, n'arrivera pas —, ils interviendraient dans ces contrats et choisiraient ceux qui sont conclus en fonction de visées politiques. C'est ce que sous-entend sa question.
    En réalité, les contrats existent pour augmenter la capacité de la fonction publique à faire son travail. Ces marchés sont conclus en suivant les normes les plus rigoureuses. Le Canada est reconnu mondialement pour ces normes et les contrats sont conclus de manière indépendante.

[Français]

Le sport

    Monsieur le Président, depuis la pandémie de COVID‑19, nos athlètes canadiens demandent de plus en plus de soutien et de ressources pour leur santé mentale.
    La ministre des Sports et ministre responsable de l'Agence du développement économique du Canada pour les régions du Québec aurait-elle le plaisir de renseigner la Chambre sur les initiatives récentes qu'elle a mises en place pour venir en aide aux athlètes canadiens?
    Monsieur le Président, je veux d'abord remercier ma collègue de sa question et aussi de son soutien dans ce dossier vraiment important pour notre gouvernement.
    Régulièrement, mon équipe et moi sommes en contact avec des athlètes partout au pays, et l'un des éléments qui reviennent constamment est la santé mentale. C'est pour cela qu'en décembre dernier, j'ai annoncé un financement de 2,4 millions de dollars pour un plus grand soutien en santé mentale pour nos athlètes canadiens. Ils vont avoir accès à de l'aide psychologique sur leurs lieux d'entraînement, pas juste pour la performance, mais pour leur bien-être au complet.
    La santé des Canadiens passe aussi par la santé mentale, et on ne doit laisser personne derrière. C'est pour cette raison que je suis fière de mes collègues qui ont annoncé 198 milliards de dollars pour améliorer les soins de santé partout au pays.

[Traduction]

La justice

    Monsieur le Président, depuis maintenant huit ans, les libéraux se prêtent à des expériences radicales concernant le système de justice, et les Canadiens sont moins en sécurité que jamais. Tous les premiers ministres provinciaux et le commissaire de la Police provinciale de l'Ontario, Thomas Carrique, sonnent l'alarme. En raison des politiques de libération sous caution adoptées par les libéraux, clémentes envers les criminels, il y a plus de délinquants récidivistes en liberté que jamais. Ces politiques ont des conséquences fatales, et les Canadiens ne toléreront pas les échecs des libéraux.
    Quand le premier ministre se décidera-t-il à prendre ses responsabilités et à laisser ces brutes violentes derrière les barreaux, comme il se doit?
(1505)
    Monsieur le Président, les Canadiens ont le droit d'être en sécurité et de se sentir en sécurité. Les lois actuelles qui encadrent la libération sous caution sont claires. Si une personne présente une menace pour la société, elle ne devrait pas être libérée sous caution.
    J'ai rencontré mes homologues provinciaux et j'ai commencé à discuter de cet enjeu avec eux. Ce matin, le ministre de la Sécurité publique et moi-même avons d'ailleurs rencontré les dirigeants nationaux des associations de policiers, notamment le chef Carrique, pour qu'ils nous fassent part de leurs suggestions pour la suite de ce dossier.
    Nous convenons tous qu'il s'agit d'un enjeu complexe, qui exigera une combinaison de solutions. Nous travaillons ensemble.

[Français]

Les priorités du gouvernement

    Monsieur le Président, le Canada n'a jamais été en aussi mauvaise posture. Les crimes augmentent de façon phénoménale et les gens cherchent des moyens de payer leur nourriture et leur logement. Ce gouvernement abuse de la bonté des citoyens et des citoyennes. Cela fait huit ans que ce premier ministre dirige notre pays, et on s'en va dans le mur. Il faut changer de direction.
    Quels changements entend faire le premier ministre pour remettre le Canada sur la bonne voie?
    Ce pays fait l'envie du monde en ce qui concerne la façon dont nous avons traversé la pandémie. Tout au long de la semaine, monsieur le Président, vous avez entendu les conservateurs semer la peur et créer de l'anxiété. Notre tâche est d'offrir de l'espoir, de trouver des solutions et d'avoir des plans. Ils n'ont aucun plan. Nous avons un plan qui répondra aux attentes des Canadiens et qui leur donnera de l'espoir pour l'avenir.

[Traduction]

Les pêches et les océans

    Monsieur le Président, après huit ans sous la direction du premier ministre, les libéraux ont trouvé une nouvelle stratégie pour éliminer des emplois: protéger de la boue. Les libéraux proposent de mettre fin aux pêches cruciales de flétan et d'espadon au large du banc de Browns en créant une zone de protection marine d'ici la fin de l'an prochain. Plus de 95 % du fond océanique que les libéraux prévoient protéger est constitué de boue. Il semblerait qu'une ligne de pêche 12 pieds sous la surface constitue un danger pour la boue située 270 pieds plus bas.
    Les libéraux qui souhaitent éliminer des emplois pour protéger la rareté de la boue vont-ils...
    Le secrétaire parlementaire a la parole.
    Monsieur le Président, j'aime bien siéger au comité avec le député d'en face.
    Je crois qu'il est important de se rappeler qu'il fut un temps où le Parti conservateur était au pouvoir et qu'il muselait les scientifiques, supprimait des emplois à Pêches et Océans Canada et se souciait des pertes d'emplois dans les collectivités comme de sa première chemise. En ce qui concerne les pêches et les collectivités de pêcheurs, nous avons investi par l'entremise de la subvention aux pêcheurs et dans les ports pour petits bateaux.
    On sait que les ports pour petits bateaux et les emplois liés aux pêcheries sont les moteurs économiques des collectivités du Canada atlantique et d'ailleurs au pays. Nous allons continuer de lutter pour ces collectivités tandis que le député poursuit ses mauvaises blagues.

Le développement international

    Monsieur le Président, c'est la Semaine du développement international, qui nous donne l'occasion d'informer les Canadiens au sujet des initiatives de développement international du Canada ainsi que de les inspirer et de les mobiliser à cet égard. Bien que de nombreuses organisations souligneront leurs efforts cette semaine, les Nations unies ont signalé qu'environ 660 millions de personnes pourraient encore souffrir de la faim en 2030, en partie à cause des effets durables de la pandémie de COVID‑19 sur la sécurité alimentaire mondiale.
    Le ministre du Développement international peut-il expliquer à la Chambre comment le gouvernement aidera les plus vulnérables?
    Monsieur le Président, je remercie le député de son travail important dans le domaine du développement.
    C'est une excellente occasion pour moi de mettre en lumière la Semaine du développement international et notre Politique d'aide internationale féministe. Grâce à cette politique, nous finançons des programmes pour lutter contre l'insécurité alimentaire tout en donnant aux femmes et aux filles un accès égal à l'éducation et aux ressources. Je vais en donner un exemple aux députés. Selon une étude, si les agricultrices avaient le même accès aux ressources que les agriculteurs, le nombre de personnes souffrant de la faim diminuerait de plus de 40 %.
    Nous continuerons à financer des programmes qui ont une incidence directe sur la réduction de la faim dans le monde et qui accroissent la participation des femmes et des filles au processus décisionnel.
(1510)

L'aide aux sinistrés

    Monsieur le Président, les secours en Turquie et en Syrie nécessiteront une aide bien plus importante dans les semaines à venir. Les partenaires canadiens se mobilisent pour apporter leur aide, mais ils ont besoin d'être davantage soutenus. Jusqu'à présent, le gouvernement a seulement annoncé la création d'un fonds de contrepartie pour la Croix‑Rouge, mais pas pour la Coalition humanitaire. Cette dernière est un groupe de 12 organismes canadiens d'aide internationale de premier plan qui ont acquis une grande expérience dans la région et qui se trouvent actuellement sur le terrain.
    Le gouvernement va-t-il modifier le fonds de contrepartie pour s'assurer que ces organisations canadiennes puissent apporter leur aide aux personnes déplacées, en deuil et qui connaissent actuellement de profondes souffrances?
    Monsieur le Président, je tiens à remercier la Coalition humanitaire, un groupe d'ONG canadiennes qui fait un travail extraordinaire.
    Nous avons en effet annoncé un fonds de contrepartie de 10 millions de dollars qui vient s'ajouter aux 10 millions de dollars que nous avions déjà annoncés. Nous procédons actuellement à l'évaluation des besoins et toutes les possibilités sont envisagées, notamment le versement de fonds de contrepartie supplémentaires. Nous envisageons également de verser directement des fonds à la Coalition humanitaire afin de l'aider à accomplir son formidable travail sur le terrain.

Les institutions démocratiques

    Monsieur le Président, dans le numéro du 25 janvier du Hill Times, le leader du gouvernement à la Chambre affirmait que, pour la session parlementaire à venir, la troisième priorité du gouvernement serait de protéger l'économie et l'infrastructure du Canada contre l'ingérence étrangère et contre la monté du despotisme. On peut présumer que la protection de la démocratie et de la Loi électorale du Canada fait implicitement partie des objectifs énoncés par le leader du gouvernement.
    Le leader parlementaire peut-il informer la Chambre de ce qui a été fait pour soutenir cette priorité? En outre, le gouvernement connaît-il maintenant le nom de députés actuels ou de candidats aux élections de 2021 qui ont été visés par de l'ingérence étrangère ou qui ont été impliqués dans des activités illégales du genre?
    Monsieur le Président, depuis que nous formons le gouvernement, nous prenons très au sérieux la menace de l'ingérence étrangère. Nous apprenions pas plus tard que cette semaine qu'un ex-ambassadeur de l'époque de Stephen Harper s'inquiétait de cette menace. Or, les députés l'auront remarqué, aucune des recommandations et aucune des mesures de protection de la démocratie et des institutions canadiennes n'avaient été mises en œuvre avant que nous arrivions au pouvoir.
    Nous allons continuer de travailler avec tous les partis afin que les institutions canadiennes demeurent solides face à la menace constante de l'ingérence étrangère.

Présence à la tribune

    Je voudrais signaler aux députés la présence à la tribune des finalistes et des gagnants du prix Inspiration Arctique 2022. Ces personnes proviennent des diverses régions de l’Arctique canadien et elles sont reconnues pour leurs projets innovateurs qui améliorent la qualité de vie dans leur collectivité.
    Des voix: Bravo!

Les travaux de la Chambre

[Travaux de la Chambre]

    Monsieur le Président, je prends la parole pour poser la traditionnelle question du jeudi au gouvernement. Le gouvernement peut-il informer la Chambre des mesures législatives qui feront l’objet des débats dans les prochains jours?
    Je note toutefois qu’après la réunion des leaders parlementaires, il y a eu des discussions sur une mesure législative très importante, le projet de loi C‑39. Les conservateurs croient fermement...
    Je dois interrompre le leader parlementaire. Je demande à tous les députés de garder le silence afin de pouvoir entendre la question.
    Le leader parlementaire de l’opposition a la parole.
    Monsieur le Président, le jeudi, c'est le jour où le gouvernement informe la Chambre des travaux au programme pour les prochains jours.
    Je tiens notamment à mentionner la nécessité d'étudier le projet de loi C‑39, qui n'a été déposé que récemment, malgré le fait que le gouvernement savait depuis des années que la protection pour les Canadiens vulnérables prévue dans le régime d'aide médicale à mourir allait venir à échéance le 17 mars, ce qui est très bientôt.
    Les conservateurs croient fermement qu'il ne faut pas autoriser le recours à l'aide médicale à mourir lorsque la maladie mentale est le seul motif invoqué. Par conséquent, nous sommes tout à fait disposés à adopter ce projet de loi pour donner le temps au gouvernement et à l'ensemble des parlementaires de se mobiliser pour bien faire les choses à l'égard de cet aspect du régime.
    J'espère que, lorsqu'il prendra la parole pour informer la Chambre du programme des prochains jours, le leader du gouvernement à la Chambre pourra également nous dire à quel genre d'échéancier nous pouvons nous attendre pour l'étude de ce projet de loi à la Chambre, puis au Sénat, de sorte qu'il obtienne rapidement la sanction royale et puisse protéger les Canadiens vulnérables aux prises avec une maladie mentale.
(1515)
    Monsieur le Président, ayant moi-même connu des problèmes de santé mentale, je peux dire au député que ce projet de loi, pour le gouvernement, pour moi et, je crois, pour tous les députés de cette Chambre, est une mesure d'une importance capitale. Nous voulons bien faire les choses. Nous avons eu de très bonnes discussions et délibérations entre tous les partis, et je pense que nous aurons l'occasion de poursuivre ces échanges pour trouver un juste équilibre et atteindre l'objectif que nous avons tous, celui de protéger les personnes vulnérables.
    Demain, nous reprendrons le débat en deuxième lecture du projet de loi S‑8, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Lundi et mercredi, pour répondre à la question du leader à la Chambre de l'opposition officielle, nous examinerons le projet de loi C‑39, qui prolonge jusqu'au 17 mars 2024 l'exclusion temporaire de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir des personnes dont la seule condition médicale invoquée est une maladie mentale. J'aimerais également informer la Chambre que mardi et jeudi de la semaine prochaine seront des jours désignés.

Ordres émanant du gouvernement

[Travaux des subsides]

[Traduction]

Travaux des subsides

Motion de l'opposition — L'utilisation de la disposition de dérogation

     La Chambre reprend l'étude de la motion.
    Monsieur le Président, au moment où nous sommes passés aux déclarations de députés, je cherchais à souligner l'importance de la Charte canadienne des droits et libertés et le fait que nous ne devrions jamais la tenir pour acquise.
    Je pense que, au cours des 40 dernières années, les Canadiens de tout le pays n'ont pas seulement reconnu l'importance de la Charte: ils l'ont intégrée à leur système de valeurs. Lorsque nous voyageons à l'étranger, que nous soyons des parlementaires ou non, nous tirons un sentiment de fierté du fait que de nombreux pays se tournent vers le Canada, qui fait figure de chef de file sur la question de la Charte des droits et libertés.
    Certes, la Charte compte une disposition de dérogation. À l'époque, en 1982, lorsque Pierre Elliott Trudeau, la reine et Jean Chrétien, à titre de procureur général, ont signé la Charte des droits et libertés, il régnait un grand vent d'optimisme. Nous pouvons être fiers de la façon dont le Canada est perçu partout dans le monde.
    La disposition de dérogation en faisait partie, et elle a été mise en place pour établir l'autorité suprême du Parlement. C'est aussi une disposition qu'on ne devrait employer et invoquer que très rarement. Or, depuis 2017, nous avons vu la disposition de dérogation être invoquée de façon préventive. Nous devrions tous en être préoccupés.
    De ce côté-ci de la Chambre, des libéraux ont pris la parole à ce sujet. L'opposition officielle ne dit pas un mot là-dessus. C'est très inquiétant. Lorsque je questionne des conservateurs sur ce qu'on peut faire pour y remédier, ils répondent tout simplement que cela relève non pas du gouvernement fédéral, mais des gouvernements provinciaux. Je trouve cela dommage, car je crois que la grande majorité des Canadiens s'attendent à ce que le Parlement du Canada se porte à la défense des libertés et des droits fondamentaux de la personne.
    Mon temps de parole est écoulé. J'espère pouvoir répondre à quelques questions.
    Monsieur le Président, j'aimerais demander au député s'il pourrait me donner son avis sur la décision rendue en 1995 dans l'affaire Egan c. Canada, qui porte sur les critères établis dans l'arrêt Oakes. Il n'a pas cessé de parler de l'article 33, qui est essentiellement...
    Une voix: Oh, oh!
    M. Tom Kmiec: Pardonnez-moi. Vous n'aimez pas ma prononciation?
(1520)
    À l'ordre.
    Je prie les députés de s'adresser à la présidence et non à un autre député, et je tiens à rappeler aux députés qu'ils doivent se traiter mutuellement avec un certain respect, afin que nous puissions avoir des discussions un tant soit peu courtoises dans cette vénérable enceinte.
    Le député de Calgary Shepard peut poursuivre son intervention.
    Monsieur le Président, comme c'est le cas pour vous, l'anglais n'est pas ma langue maternelle. Puisque j'ai grandi au Québec, c'est une question qui m'interpelle énormément. Je suis un enfant de la loi 101, comme beaucoup de Québécois le reconnaîtront. Je ne connaissais ni le français ni l'anglais lorsque je suis arrivé au Canada, alors lorsque je pose une question sur la Constitution du Canada et sur les effets de la Charte dans notre vie, il se peut que je ne prononce pas correctement l'expression « critère énoncé dans l'arrêt Oakes ».
    Je voudrais simplement savoir quelque chose à propos de l'article 1 et de ce critère. De nombreux Canadiens et de nombreux résidants de ma circonscription sont mécontents de la façon dont il a été appliqué au Canada. Ils croient que des violations de leurs droits garantis par la Charte ont été commises pendant la pandémie. J'aimerais donc entendre le député du caucus libéral, puisque nous parlons de l'article 33 de la Charte, s'exprimer sur l'article 1 et les limites raisonnables que l'on peut imposer aux droits garantis par la Charte. Le critère énoncé dans l'arrêt Oakes est-il suffisant à l'époque actuelle?
    Monsieur le Président, je veux réfléchir à la motion que le Bloc a présentée à la Chambre aujourd'hui, qui est très préoccupante. Nous devrions tous y réfléchir, et on a cité l'exemple de l'Ontario, qui a utilisé la disposition de dérogation comme mesure préventive afin de piétiner les droits de libre négociation des syndicats, avec des conséquences pour des milliers d'Ontariens.
    Ce n'était pas dans les années 1990. C'était tout juste l'automne dernier, et j'ose imaginer que les députés des deux côtés de la Chambre sont préoccupés. Le ministre de la Justice a affirmé que nous devons être clairs sur le fait que l'utilisation anticipée de la disposition de dérogation préoccupe le gouvernement. Le premier ministre lui-même y a fait référence. Le Parti conservateur, en revanche, est demeuré muet. Sur une question si importante — une réflexion sur la Charte des droits et libertés et la disposition de dérogation —, les conservateurs sont restés silencieux. C'est regrettable.
    Le député veut peut-être parler de quelque chose qui remonte à des années, mais ce dont il est ici question, c'est de l'utilisation de la disposition de dérogation en amont. Nous devrions tous nous en préoccuper.
    Monsieur le Président, les libéraux disent qu'ils sont du côté des travailleurs, mais nous les avons vus essentiellement poignarder les travailleurs dans le dos. J'ai une question toute simple. Les libéraux conviennent-ils que recourir à une loi de retour au travail équivaut à négocier de mauvaise foi, qu'on invoque ou non la disposition de dérogation?
    Madame la Présidente, je ne mentionnerai pas le nombre de fois où des gouvernements provinciaux néo-démocrates ont adopté des lois de retour au travail. Je ne tomberai pas dans ce piège.
    Je crois que l'enjeu dont nous discutons réellement, c'est le fait que des gouvernements, particulièrement des gouvernements provinciaux, utilisent la disposition de dérogation de façon préventive. Je tiens à le souligner, car chaque utilisation de cette disposition signifie qu'on prive les gens de droits et de libertés. L'exemple que j'ai donné est très récent.
    J'aimerais que les députés réfléchissent à ce qui s'est produit en Ontario et qu'ils expriment leur opinion à ce sujet. Je n'en sais rien. À titre d'exemple, le Parti conservateur semble avoir pour position: « Ce qu'a fait le gouvernement provincial de l'Ontario ne nous intéresse pas. Ce n'est pas de nos affaires, car cela ne relève pas de nos compétences. » Les conservateurs devraient pourtant s'y intéresser, selon moi. Quand il est question de la disposition de dérogation et de la Charte des droits et libertés, nous sommes tous directement concernés.
    Combien de fois la Chambre a-t-elle parlé de la situation des droits de la personne dans un autre pays? La Charte canadienne des droits et libertés inspire des pays partout dans le monde. Quand ils voient un gouvernement abuser de la disposition de dérogation en l'utilisant de manière préventive, le Canada ne fait pas bonne figure.
(1525)

[Français]

    Madame la Présidente, je tiens à préciser que je vais partager mon temps de parole avec la fabuleuse députée de Manicouagan.
    Nous sommes réunis aujourd'hui pour réitérer un fait à tout le monde et à tous les parlementaires fédéraux: « Que la Chambre rappelle au gouvernement qu'il revient au Québec et aux provinces de décider seuls de l'utilisation de la disposition de dérogation. »
    C'est l'objet de la motion présentée par le Bloc québécois. C'est l'occasion pour les parlementaires d'indiquer clairement leur appui à une disposition bien connue de la Constitution canadienne, utilisée à maintes reprises, notamment par le gouvernement du Québec.
    S'il est important de protéger cette disposition, de le dire haut et fort, c'est parce que le gouvernement libéral, par la bouche même du premier ministre, a récemment remis en question cette disposition. Ce n'est pas anodin. C'est quelque chose de tellement important, et surprenant à la fois.
    Un premier ministre se permet d'évoquer un changement de paradigme important dans les relations entre Ottawa, le Québec, les provinces et les territoires. Un premier ministre se permet de remettre en doute la capacité du Québec et des provinces de décider d'elles-mêmes. Un premier ministre laisse entendre que l'utilisation de la disposition de dérogation, c'est bon, juste quand il la juge appropriée. C'est dans ce contexte que notre motion est importante.
    Avant que la Cour suprême du Canada soit appelée par le gouvernement d'en face à se prononcer sur l'utilisation de la disposition de dérogation, lançons un message très clair. La disposition de dérogation est une disposition essentielle au pacte fédératif. Sans disposition de dérogation, il n'y aurait pas de pacte fédératif tel qu'on le connaît. C'est d'ailleurs les provinces, pas le Québec, qui en sont arrivées à arracher ce droit à la différence.
    Je vais soumettre ceci humblement: la disposition de dérogation est le strict minimum pour respecter les visées démocratiques de l'Assemblée nationale du Québec. La remise en question du droit du Québec et des provinces d'utiliser la disposition de dérogation est le symptôme d'un malaise beaucoup plus profond. Le fédéral remet en question cette disposition constitutionnelle dans un contexte bien précis.
    Le contexte, selon ma perspective, c'est l'adoption très récente de deux lois au Québec, l'une sur la langue, l'autre sur la laïcité de l'État, qui utilisent la disposition de dérogation. Ces deux lois ont en commun de porter sur des éléments fondamentaux de l'identité québécoise, soit la langue et notre conception propre de la laïcité.
    Ces deux lois jouissent d'un large appui consensuel de la population québécoise. Ces deux lois ont aussi en commun d'avoir été débattues, bonifiées, commentées, étudiées, évidemment critiquées, mais ultimement adoptées par les élus québécois à l'Assemblée nationale du Québec, en toute connaissance de cause, en pesant tous les éléments dans la balance.
    La remise en question de la disposition de dérogation arrive donc dans un moment d'affirmation, par ces deux lois, de l'Assemblée nationale du Québec. Je soulève ce synchronisme. Je le soulève parce que c'est important.
    Les citoyens ne le savent peut-être pas, mais le Québec a utilisé à plusieurs reprises dans son histoire la disposition de dérogation. Lors des utilisations répétitives de la disposition de dérogation par le Québec, on n'a pas vu une levée de boucliers s'empresser à remettre en question les choix du Québec.
     Je vais donner des exemples afin d'être plus claire. Prenons la Loi sur la Financière agricole du Québec. Le Québec veut faire tout son possible pour soutenir la relève agricole, un secteur névralgique de son économie et de ses régions. On doit donc en quelque sorte favoriser les plus jeunes agriculteurs. Cela nécessite la disposition de dérogation. Est-ce que cela a créé un tollé? La réponse est non, pas du tout.
     Prenons maintenant la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Le Québec agit comme précurseur pour favoriser l'inclusion de tous ses citoyens de différents genres, origines et capacités dans ses milieux de travail. Cela a nécessité la disposition de dérogation. Y a-t-il eu un tollé? La réponse est non, pas du tout.
    Le fédéral s'empresse à appeler la Cour suprême du Canada pour remettre en cause la disposition de dérogation.
     Parlons de la Cour des petites créances. C'est un autre exemple bien concret. C'est une innovation québécoise qui permet aux citoyens de régler des litiges civils de manière plus accessible, ouverte et équitable. Cela nécessite la disposition de dérogation.
(1530)
    Encore plus près de nous, il y a le tribunal de la jeunesse. Les élus québécois font le pari que, protéger l'anonymat des enfants pendant des procès, c'est plus important que le droit à un procès public. Eh bien, cela nécessite la disposition de dérogation. Le jugement des élus québécois est-il remis en cause? Pas du tout. Ce que j'essaie de dire, c'est que, dans chacun de ces cas, la méthode québécoise est appliquée. Nos choix collectifs et démocratiques ont mené à des innovations et à des lois importantes qui ont toutes nécessité la disposition de dérogation. Jamais dans ces exemples l'utilisation de la disposition de dérogation n'a été remise en question. Pourquoi le droit du Québec de faire ses propres choix est-il contesté dès qu'on parle de la langue ou de laïcité?
    Peut-être que le fait de citer ces deux lois québécoises récentes, la loi 96 et la loi 21, qui créent d'ailleurs des remous assez publics dans les banquettes libérales, rend mon argument un peu émotif. C'est peut-être un mauvais exemple. Alors, je vais en prendre un autre.
    Les Québécois se rappelleront que Robert Bourassa, premier ministre libéral, avait créé tout un émoi, un émoi très public en invoquant la disposition de dérogation pour maintenir la règle de l'unilinguisme français dans l'affichage commercial. Les temps ont bien changé, mais je constate que le débat reste le même. Au fond, la disposition de dérogation est bien belle et bien pratique, sauf lorsque le Québec l'utilise pour s'affirmer. Dans ces cas, c'est sujet à débat. Cette tendance à réagir à l'affirmation du Québec est particulière. Je tenais à en faire rapidement à démonstration dans ce débat qui nous occupe aujourd'hui.
    Dans les discours de mes collègues libéraux et néo-démocrates, on entend une diversion bien commode. On entend des députés évoquer le débat quant à l'utilisation préventive de la disposition de dérogation. C'est un argument que certains députés ont mis de l'avant aujourd'hui. Ils disent que le Québec, par exemple, court-circuiterait le processus judiciaire en affirmant dès le départ que sa loi est légitime, nécessaire et équilibrée, bien qu'elle nécessite la disposition de dérogation. Je dis qu'il s'agit là d'une diversion commode pour certains députés, puisque la motion d'aujourd'hui ne demande même pas aux députés de trancher cette question.
    La motion d'aujourd'hui vient seulement affirmer un fait: elle vient confirmer que les députés fédéraux appuient l'article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés. J'invite donc mes collègues fédéraux, même s'ils n'appuient pas toujours les décisions de leur assemblée législative, à dire clairement qu'ils reconnaissent que le Parlement de leur province est légitime, qu'il prend des décisions de manière démocratique. En fait, je demande à ces députés de reconnaître l'autonomie et la souveraineté de leur parlement.
    Je peux dire aux citoyens de Salaberry—Suroît qu'il est indéniable que mes collègues du Bloc québécois et moi reconnaissons la légitimité et l'autonomie des élus de l'Assemblée nationale du Québec. Les députés sont élus, des débats ont cours. Plusieurs partis et courants de pensée sont représentés, la société civile est active, les médias font leur travail. Nous sommes dans un État de droit. Bref, ce n'est pas toujours parfait, mais on peut dire que le pouvoir et les contre-pouvoirs fonctionnent bien au Québec. L'utilisation par le Québec de la disposition de dérogation ne défait pas cet équilibre des pouvoirs démocratiques. En fait, la disposition de dérogation fait partie de l'équilibre des pouvoirs du Québec, de son assemblée nationale, de ses élus et, ultimement, des Québécoises et des Québécois face à un gouvernement fédéral de plus en plus militant et de moins en moins tolérant à l'égard des décisions légitimes et mesurées de la société québécoise.
    Décidons nous-mêmes: appuyons la motion présentée par le chef du Bloc québécois, le député de Beloeil—Chambly.
(1535)
    Madame la Présidente, je remercie ma collègue de son discours.
    Je souligne que René Lévesque était contre la disposition de dérogation. Il n'en voulait pas dans sa charte. Camille Laurin et lui étaient de grands partisans des droits de la personne. Avec les changements apportés à la charte québécoise par les lois 21 et 96, on ne peut plus dire que c'est la charte de René Lévesque et de Camille Laurin.
    J'aimerais entendre les commentaires de ma collègue sur ce qui suit. Le juge de première instance dans l'affaire de la loi 21 observait que l'emploi préventif de la disposition de dérogation avait l'effet non seulement de supprimer l'analyse judiciaire, mais aussi de supprimer le débat politique. C'est le contraire de ce que Robert Bourassa a fait légitimement quand il a utilisé la disposition de dérogation après une décision de la Cour suprême.
    Madame la Présidente, on peut bien commencer à donner des cours d'histoire d'un bord à l'autre de la Chambre à l'autre; il n'en reste pas moins que le premier ministre René Lévesque n'a jamais signé la Constitution, il l'a rejetée en bloc. Les autres provinces se sont unies pour arracher la disposition de dérogation.
    Madame la Présidente, j'entends mes collègues parler. J'ai fait preuve de respect en écoutant la question de mon collègue, et j'aimerais qu'il fasse preuve du même respect à mon égard. Je pense qu'il s'agit d'une demande légitime.
    Mon collègue a des notions en droit et je pense qu'il porte beaucoup d'estime au professeur Benoît Pelletier, qui est un professeur à l'Université d'Ottawa et un ancien ministre libéral des affaires intergouvernementales. J'aimerais citer ce dernier:
    Un des principaux dangers qui guettent le Québec, comme toutes les autres minorités nationales à travers le monde, est l'effet uniformisateur des tribunaux. Le recours à la disposition de dérogation a permis par le passé de lutter contre cette tendance universaliste et de faire valoir des droits collectifs qui sont nécessaires pour préserver les cultures minoritaires, mais qui ne sont néanmoins pas explicitement reconnues dans la Charte canadienne. Il s'agit d'une...
    Je suis désolée d'interrompre l'honorable députée, mais son temps de parole est écoulé.
    Certains députés de la Chambre ont d'autres questions à poser ou d'autres commentaires à faire.
    L'honorable députée d'Edmonton Strathcona a la parole.

[Traduction]

    Madame la Présidente, je suis Albertaine, et la disposition de dérogation a été brandie comme une menace et a été utilisée en Alberta sous Ralph Klein.
    En tant que personne qui, j'imagine, reconnaît que le changement climatique est réel et sait à quel point c'est grave, la députée veut-elle vraiment que Danielle Smith ait le pouvoir d'affaiblir nos protections environnementales, d'extraire du charbon dans les Rocheuses et de déverser l'eau de bassins de décantation en direction des Territoires du Nord-Ouest? Est-ce vraiment ce qu'elle aimerait qu'il se produise dans notre pays?

[Français]

    Madame la Présidente, je dis souvent à mon honorable collègue que je pense qu'elle n'est pas députée dans le bon Parlement.
    Je pense que si les Albertains élisent Mme Danielle Smith première ministre, c'est qu'ils lui font confiance. La démocratie, c'est aussi dans sa province. Ce n'est pas au Parlement, à la Chambre des communes, de dicter quoi faire aux provinces.
    Ma collègue devrait faire campagne pour battre Danielle Smith et faire élire une première ministre qui va utiliser ces outils législatifs et constitutionnels dans l'intérêt des citoyens, des Albertains.
    Madame la Présidente, la députée a fait référence au fait que le premier ministre a utilisé des tactiques de division pour dresser les Canadiens contre les Canadiens et les Québécois contre les Québécois; que cela ne surprendrait personne qu'il ait créé une crise constitutionnelle et qu'il ait fait cela pour détourner l'attention de ses échecs.
    Est-elle d'accord avec moi que, de toute l'histoire du Canada, l'actuel premier ministre est celui qui a le plus utilisé la division?
    Madame la Présidente, je ne sais pas s'il est le pire, mais je pense que les faits parlent d'eux-mêmes.
    Je pense que, depuis quelque temps, les dossiers problématiques, qui divisent les Canadiens et les Québécois, sont menés de front par le gouvernement, par certains députés et par le premier ministre. Je pense aussi que ce que les citoyens attendent de nous, c'est que nous donnions le meilleur de nous et que nous représentions nos citoyens de la meilleure façon. En ce sens, le premier ministre ne donne pas le bon exemple.
(1540)

[Traduction]

    Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Tout au long de la dernière série de questions et de réponses, il semble que la rétroaction acoustique soit toujours présente. Si vous l'entendez aussi, je me demande s'il n'y aurait pas une quelconque solution.
    J'ai signalé de nouveau que nous pouvons toujours entendre la rétroaction acoustique. Je ne sais pas si cela provient des oreillettes que nous utilisons. Nous demanderons à certains pages de faire le tour pour s'assurer que les oreillettes sont éteintes sur les bureaux où les députés ne sont pas présents.

[Français]

    S'il y a encore un problème, les députés peuvent me le faire savoir.
    L'honorable députée de Manicouagan a la parole.
    Madame la Présidente, comme le disait ma collègue plus tôt, le Bloc québécois demande aujourd'hui à la Chambre de reconnaître un fait en demandant « que la Chambre rappelle au gouvernement qu’il revient au Québec et aux provinces de décider seuls de l’utilisation de la disposition de dérogation. »
    Reconnaître un fait, cela paraît tomber sous le sens. Pourtant, l'histoire, même éminemment récente, nous rappelle qu'il ne faut rien tenir pour acquis. Non, rien n'est jamais acquis.
    C'est sérieux. Pensons par exemple à un Morgentaler qui lirait les projets de la loi de la députée de Yorkton—Melville, à un Pythagore qui apprendrait l'existence de la Flat Earth Society, à un John Locke qui entendrait le premier ministre du Canada s'exclamer un certain 23 janvier 2023 qu'il va intervenir à la Cour suprême dans le cas de la loi 21, jusqu'à baliser l'utilisation de la disposition de dérogation. Non, rien n'est jamais acquis et aucun droit n'est acquis.
    Le Bloc québécois le sait et veille pour les Québécois, et même pour les provinces et les territoires dans ce cas-ci. Il rappelle qu'il est impératif que la Chambre réitère unanimement que seul le Québec doit décider de son recours à la disposition de dérogation.
    Le premier ministre connaît-il vraiment le Québec? Connaît-il seulement l'histoire du Québec? J'en doute, le plus souvent. Connaître le Québec, c'est l'aimer, non le craindre ou le contraindre.
    Le premier ministre se souvient-il de ce peuple québécois qui s'est lentement, mais véritablement distancié des soutanes? Se souvient-il de la longue marche des Québécois pour en arriver à la séparation effective entre l'Église et l'État? Se souvient-il même de la nuit des longs couteaux? Se souvient-il que le Québec n'a jamais signé la Constitution de 1982? Se souvient-il encore que la disposition de dérogation pour le Québec, c'est peut-être un grain de sucre dans un verre contenant de la ciguë? De la façon la plus sincère qui soit, je ne le crois pas.
    Connaître le Québec, c'est se souvenir combien il est épris d'égalité et de liberté. C'est se souvenir que s'il a foi, c'est en l'intelligence et en la raison de l'homme. C'est savoir que le Québec croit en la souveraineté de l'État, que s'il est subordonné, ce ne peut être qu'à lui-même, au peuple québécois.
    Les dieux, quels qu'ils soient, n'ont donc rien à faire dans les affaires de l'État. Ils sont peut-être dans la chambre à coucher, dans la cuisine, dans l'auto, dans la rue, ou encore à l'église, à la mosquée, à la synagogue, dans un livre ou dans une pensée. Ils ne sont certainement pas sur les banquettes de la Chambre ni dans une toge de la Cour suprême, laquelle ne fait pas les lois.
    Imaginons un moment ce que cela représente pour une Québécoise comme moi, qui connaît et se souvient de son histoire, d'être théoriquement le sujet d'un monarque, qui plus est chef de l'Église anglicane, de siéger dans un Parlement où chaque jour des députés demandent au dieu chrétien de les légitimer dans leurs fonctions et dans leurs votes. Moi, comme élue, je me rapporte au peuple, pas aux dieux.
    Imaginons aussi ce que cela signifie pour une Québécoise comme moi d'entendre la peur, l'arrogance, le mépris et l'intolérance dans la cristallisation que fait le premier ministre du stéréotype fondamentalement malhonnête et trompeur d'un Québec qui serait xénophobe, voire raciste, et où la liberté et l'égalité ne seraient qu'un leurre. Moi, comme élue, je me rapporte au peuple, pas à moi-même.
    La charge frontale du premier ministre contre la loi 21, c'est une charge violente contre le peuple québécois. Or, qu'est-ce que la violence, sinon l'imposition de la volonté de l'un, par la force, sur l'autre? La violence, c'est I'envers de la démocratie.
    Parlant d'une charge éléphantesque, quel est donc l'éléphant dans la pièce? Qu'est-ce donc que cette terrifiante loi 21 qui autorise le premier ministre à lâcher les foudres de l'enfer canadien sur la souveraineté du Québec et de son Assemblée nationale et sur la volonté de la nation québécoise?
(1545)
    C'est une loi qui simplement « interdit le port de signe religieux aux employés de l'État en position d'autorité coercitive, ainsi qu'aux enseignants du réseau scolaire public, tout en reconnaissant un droit acquis aux personnes déjà en poste le 27 mars 2019, soit le jour précédant la présentation du projet de loi. »
    La loi 21 marque la séparation des pouvoirs de l'État et du religieux. Elle garantit la liberté et l'égalité pour tous. La liberté de conscience demeure. Nous devons toujours garder en tête que nous, en tant qu'élus, sommes redevables à la population et moi, comme député du Bloc québécois, à mon Assemblee nationale.
    J'entendais ce matin la députée d'Outremont. Elle a dit en résumé que l'article 133 sur la dérogation venait à l'encontre de l'article 33. C'est ce qui l'inquiétait. Elle s'inquiétait que la disposition de dérogation soit une disposition de dérogation. Je ne crois pas que le gouvernement ait l'intention d'ouvrir la Constitution, mais j'entendais qu'on s'inquiétait de ce que le Québec est le Québec.
    Pour conclure, c'est en quelque sorte un endroit occupé par la nation québécoise dans cette Constitution canadienne que la disposition de dérogation. C'est une Constitution canadienne que René Lévesque n'a jamais signée. C'est un endroit où arracher un peu de liberté pour le Québec. Je crois que c'est une hyperbole. C'est un peu de liberté pour son identité, pour son essence. C'est une permission, une exception d'exister.
    En demandant à ces juges d'étouffer la disposition de dérogation, c'est le Québec que le premier ministre entend étouffer. Pourquoi donc, la seule façon qu'a le premier ministre d'être canadien, est-elle d'attaquer violemment le Québec? Aucune nation ne peut dicter à une autre ce qu'elle doit être. Le Québec a ses valeurs. Le Québec est laïque. Son existence est loin de pouvoir se contenter de l'espace restreint, circonscrit par une disposition de dérogation. Comme personne, on ne peut me dicter qui être. Je suis pour la laïcité de l'État, je suis Québécoise, je suis indépendantiste et mes valises sont prêtes depuis longtemps.
    Madame la Présidente, ma collègue a pris des libertés en citant mes propos de façon complètement erronée. Je serai heureuse de partager mon discours avec elle. Elle ne devrait pas citer les propos d'autres collègues à la Chambre si elle n'a pas les bonnes informations.
    Elle répète sans cesse que cette Constitution n'a pas été signée par le Québec. C'est un fait. C'est vrai. Pourquoi le Bloc québécois et la députée défendent-ils bec et ongles l'article 33 de la Constitution qui, selon elle, ne s'applique pas au Québec?
(1550)
    Madame la Présidente, j'aurais aimé entendre ma collègue d'Outremont me dire plutôt ce qu'elle avait dit ce matin. En fait, je ne l'ai pas entendue. Pour moi, ce serait difficile...
    Mme Rachel Bendayan: C'est parce que vous n'étiez pas là.
    Mme Claude DeBellefeuille: Il faut écouter.
    Mme Rachel Bendayan: J'écoute.
    Mme Marilène Gill: Madame la Présidente, est-ce que je pourrais avoir l'occasion de répondre?
    Je vais rappeler à l'honorable secrétaire parlementaire qu'elle a eu l'occasion de poser une question et qu'elle devrait attendre une réponse. Il ne s'agit pas d'avoir des conversations et de continuer à parler de son côté.
    La parole est à l'honorable députée de Manicouagan.
    Madame la Présidente, je disais que si la députée d'Outremont ne faisait pas de tautologie ou de lapalissade, ce matin, je suis tout à fait ouverte à l'entendre, sinon à lire le hansard pour voir ce qu'il en était. J'ai compris que c'était quelque chose qui l'inquiétait comme en témoigne également la dernière question qu'elle a posée.
    Pour répondre à la deuxième portion de son intervention, tant que l'indépendance du Québec ne sera pas faite, c'est certain que je défendrai bec et ongles et, s'il le faut, bouche et griffes, le Québec et tout ce qui peut être une liberté ou quelque chose qui peut donner plus de liberté au Québec dont cette disposition dérogation.
    Madame la Présidente, avant de poser ma question, j'aimerais faire un petit rappel quant à ce que j'ai entendu plus tôt.
    J'ai entendu ma collègue de Salaberry—Suroît dire à ma collègue néo-démocrate d'Edmonton Strathcona qu'elle s'était peut-être trompée de Parlement. Le fait que cela provienne d'une députée du Bloc québécois, un parti séparatiste qui siège dans un Parlement fédéral, est assez particulier.
    Nous savons que ma collègue de Manicouagan est passionnée par la motivation indépendantiste. C'est son droit, et je le respecte. J'aimerais qu'elle nous donne son opinion concernant le fait que le premier ministre tente de nouveau d'attiser les divisions au Canada. Je pense que cela stimule certains indépendantistes.
    Un premier ministre qui tente encore une fois de créer une crise constitutionnelle avec la disposition de dérogation, est-ce normal? Est-ce acceptable?
    En terminant, j'aimerais dire que le seul parti qui puisse réparer tout cela est le Parti conservateur du Canada.
    Madame la Présidente, je remercie mon collègue. Je dois dire qu'en tant qu'indépendantiste, je n'ai besoin d'aucune motivation extrinsèque. J'ai des motivations intrinsèques qui sont bien assez fortes.
    J'ajouterais que, de toute façon, n'importe quelle nation ayant un goût de liberté utilisera tous les moyens en son pouvoir. Je représente des gens qui ont voté pour moi en tant que représentante d'un parti résolument indépendantiste. Je représente ma population, et nous avons le droit de siéger ici.
    Dans un deuxième temps, je répondrais à mon collègue, qui me demandait si cela était acceptable ou si le Canada était brisé, que je n'ai pas besoin de cette raison-là non plus. Le Canada peut se réparer, mais le Québec peut très bien vivre seul, sans ce Canada brisé ou recollé.

[Traduction]

    Madame la Présidente, j'apprécie ma collègue et bonne amie du comité des pêches. Convient-elle que le recours à la disposition de dérogation pour suspendre des droits ne devrait pas être pris à la légère et que cette disposition ne devrait être employée que dans des circonstances exceptionnelles?

[Français]

    Madame la Présidente, j'imagine que l'on confie l'utilisation de la disposition de dérogation à des Parlements, à mon Assemblée nationale. Je dois dire que j'ai entièrement confiance en l'Assemblée nationale du Québec dans l'utilisation de la disposition de dérogation.
    Ce jugement appartient aux élus, qui sont également les miens dans mon Parlement, et je leur fais confiance pour l'utilisation qu'ils en font ou qu'ils en feront.
    Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec l'honorable député de St. Catharines.
    C'est avec plaisir que je m'exprime aujourd'hui au sujet de la motion du député de Beloeil—Chambly. Je dirai d'abord que je suis Québécois et que je fais partie des Québécois qui sont contre la loi 21 et contre l'utilisation de la disposition de dérogation pour brimer les droits des minorités. Je m'inspire de René Lévesque, qui avait pris la même position et qui ne voulait pas d'une disposition de dérogation dans sa charte. Il était contre l'utilisation d'une disposition de dérogation pour brimer les droits des minorités, et je suis tout à fait d'accord avec lui.
    J'aimerais aussi souligner que, dans les discours des députés du Bloc québécois, il y a une présomption de base selon laquelle il y a une seule façon d'être Québécois et une seule voix québécoise. Ce n'est pas le cas. Je suis un fier Québécois et je ne partage pas les opinions exprimées par mes collègues du Bloc, selon lesquels il y a une seule façon de voir la nation québécoise.
    Selon la motion de mon collègue, il revient aux provinces de décider seules de l'utilisation de la disposition de dérogation quand cela soulève une question d'actualité. C'est une question qui est d'une très grande importance, non seulement pour notre gouvernement, mais également pour notre société, notre démocratie et notre pays.
    D'emblée, je tiens à préciser que je ne remets pas en question le fait que les provinces ont et qu'elles devraient avoir le droit de se prévaloir de la disposition de dérogation. J'avance plutôt que cette disposition a été conçue pour être utilisée uniquement dans des circonstances exceptionnelles, et seulement après que les tribunaux aient eu l'occasion de considérer pleinement et rigoureusement un projet de loi afin de déterminer s'il brime les droits et les libertés des citoyens.
    Le débat sur la disposition de dérogation nous concerne tous en tant que Canadiens et Canadiennes. Il ne cible pas spécifiquement le Québec ou son gouvernement, pas plus qu'il ne cible une autre province en particulier. Il s'agit d'un débat sur les valeurs de notre société libre et démocratique. Nous parlons de libertés fondamentales, de nos débats démocratiques et des tribunaux en tant que gardiens de notre constitution.
    Notre gouvernement a toujours été très clair quant à ses inquiétudes relatives à l'utilisation préventive de la disposition de dérogation par les provinces. Nous avons répété à de nombreuses reprises que nous considérions toutes nos options. Nous nous sommes fermement engagés à défendre les droits et les libertés protégés par la Charte. Nous sommes plusieurs à avoir des positions marquées sur la question de l'utilisation et du rôle de la disposition de dérogation dans notre démocratie. Nos divergences d'opinions ne doivent pas nous faire perdre de vue les principes qui sous-tendent le débat.
(1555)

[Traduction]

    En fin de compte, c'est pour cette raison que nous ne sommes pas d'accord avec le Bloc québécois aujourd'hui. Il incombe à tous les Canadiens, y compris au gouvernement fédéral et aux députés, de participer à ce débat. Il s'agit d'une question qui mérite un débat de société. C'est pourquoi le gouvernement a déjà annoncé qu'il contestera la loi 21 lorsque la Cour suprême du Canada en sera saisie, le cas échéant. Les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement fédéral participe à tout débat national sur le recours à la disposition de dérogation avant que ne se prononce le plus haut tribunal de notre pays.

[Français]

    La disposition de dérogation est le reflet d'un compromis politique. Dans le contexte des négociations constitutionnelles, l'inclusion de cette dérogation a, en partie, permis à la Charte canadienne des droits et libertés de voir le jour. C'est une concession qui a ouvert la voie à l'adoption de ce document constitutionnel fondamental, qui s'est avéré essentiel au maintien de notre société libre et démocratique.
    En incluant la disposition de dérogation dans la Charte, on ne souhaitait pas fournir un mécanisme autorisant le Parlement ou une assemblée législative provinciale à se soustraire à certaines dispositions de la Charte de façon routinière. Au contraire, selon le large consensus de l'époque, la disposition de dérogation était un recours extraordinaire. De plus, la disposition de dérogation ne devait être utilisée par le Parlement ou une assemblée législative provinciale seulement dans les cas les plus exceptionnels, lorsque aucune autre option ne pouvait être envisagée. Il n'a jamais été question qu'elle devienne un recours de première instance permettant à un gouvernement de se dérober à son devoir de protection des droits et des libertés fondamentales.
    En effet, nous devons être conscients du fait que le recours préventif à la disposition de dérogation par une assemblée législative constitue un aveu que la loi brime les droits et libertés fondamentales que la Charte prévoit pour tous les Canadiens.
    Justement, à son article 1, la Charte permet aux tribunaux et aux législateurs de considérer l'équilibre entre les droits de l'individu et les intérêts de la société dans le cadre de chaque nouvelle initiative législative.
    Ce large consensus historique au sujet de la nature hautement exceptionnelle de la disposition de dérogation s'est traduit par un usage relativement rare dans les années qui ont suivi le rapatriement de la Constitution.
    Avant 2018, seulement trois assemblées législatives provinciales ont eu recours à la disposition de dérogation. Par ailleurs, le Parlement n'a jamais eu recours à la disposition de dérogation.
(1600)

[Traduction]

    C'est pour cette raison qu'il est très inquiétant de voir la disposition de dérogation être de plus en plus employée dans les dernières années par les assemblées législatives provinciales. Ce qui est encore plus troublant, c'est la tendance croissante à avoir recours à cette disposition de façon préventive.
     L'utilisation préventive de la disposition de dérogation empêche les tribunaux de se pencher sur la loi concernée pour déterminer si elle respecte la Charte. On saute tout le processus pour arriver directement à la dernière étape sans possibilité de débat ou d'examen. On pourrait dire que cette façon de faire évacue tout le processus et tous les contrepoids prévus dans la Charte.
    Il ne faut pas oublier ce qui est en jeu ici. L'article 33 permet au Parlement ou à l'assemblée législative d'une province d'outrepasser les protections prévues à l'article 2, ainsi qu'aux articles 7 à 15 de la Charte.
    Voyons en quoi consistent certaines de ces protections. L'article 2 porte sur les libertés fondamentales, qui comprennent la liberté d'expression, de conscience, de religion et d'association. L'article 7 porte sur le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. L'article 15 concerne le droit à l'égalité devant la loi, l'égalité de bénéfice et la protection égale de la loi.
    Ces droits sont fondamentaux pour notre société. Je dirais même qu'ils constituent les piliers du cadre régissant les droits de la personne au Canada.
     J'ai déjà dit que l'article 33 se veut un outil de dernier recours pour l'exercice de la souveraineté parlementaire. Lorsqu'une assemblée législative choisit d'invoquer l'article 33, cela empêche les tribunaux d'invalider une loi qui limite de manière injustifiable des droits et libertés garantis par la Charte. Par conséquent, cela enlève tout recours possible aux Canadiens advenant que la loi viole leurs droits fondamentaux. Voilà pourquoi cette disposition a été conçue pour être utilisée seulement dans les circonstances les plus exceptionnelles, en dernier recours, et non d'emblée.

[Français]

     J'ai enseigné le droit civil pendant des années au Québec et le Code civil du Québec est interprété de façon cohérente. C'est la même chose pour la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège nos droits, de son article 1 qui établit un équilibre, jusqu'à son dernier article, l'article 33.
    Notre Constitution comprend un système de lois et de principes fondamentaux qui définissent la nature, les fonctions et les limites du régime gouvernemental canadien, tant au fédéral qu'au provincial. Notre Constitution établit aussi les trois pouvoirs qui constituent le gouvernement: le législatif, l'exécutif et le judiciaire. Comme on le sait, chaque pouvoir a un rôle à jouer afin de maintenir un juste équilibre et de permettre aux Canadiens et Canadiennes de vivre dans une démocratie saine.
    Enfin, il importe aussi de tenir compte des conventions constitutionnelles, ces règles qui lient les acteurs politiques et qui dictent comment et quand ils doivent avoir recours aux pouvoirs législatif ou judiciaire, qui sont protégés par le texte de la Constitution. Le rôle principal des conventions constitutionnelles est de s'assurer que ces pouvoirs s'exercent conformément aux valeurs fondamentales qui sous-tendent le texte des dispositions. Dit de manière plus simple, ces pouvoirs doivent non seulement respecter les dispositions de la Charte, mais aussi I'esprit de la Charte.
    Cette discussion doit inclure la question de l'usage préventif de la disposition de dérogation. Lorsqu'un gouvernement décide d'appliquer la disposition de dérogation à un projet de loi avant même que les tribunaux aient pu se prononcer sur sa constitutionnalité, cela paralyse effectivement le dialogue entre les pouvoirs législatif et judiciaire. Ce dialogue encourage pourtant une culture des droits qui se veut transparente, ouverte et pragmatique, et qui permet à tous les membres du public de partager leur opinion et de participer à notre vie démocratique.
    Avant de m'arrêter pour répondre aux questions, j'aimerais dire ceci: je suis Québécois, et il est clair que le Québec ne s'exprime pas d'une seule voix et que les Québécois n'ont pas une seule façon de s'exprimer.
    Madame la Présidente, dans un premier temps, je pense que le ministre ne devrait pas entrer dans ce débat. C'est une diversion. C'est inutile. Il est Québécois. C'est son choix. C'est un choix politique, être Québécois. Cela n'a rien à voir avec l'apparence d'être Québécois. Je lui suggère un livre de Michael Mandel, professeur de droit constitutionnel à l'Université York de Toronto, La Charte des droits et libertés et la judiciarisation du politique au Canada, écrit dans les années 1990. S'il l'a lu, je pense qu'il ne l'a pas compris. La même chose s'applique au député de Portneuf—Jacques-Cartier.
    Maintenant, je voudrais dire que j'ai failli me lever tantôt pour soulever une question de privilège, parce que le ministre est en train d'induire la Chambre en erreur.
     La motion du Bloc demande de reconnaître la Loi concernant la Loi constitutionnelle de 1982, la loi de René Lévesque, qui introduisait de manière préventive la disposition de dérogation dans toutes les lois québécoises. C'est c'est cela qui...
(1605)
    Je m'excuse, mais je dois laisser du temps pour les réponses aux questions. La parole passe à l'honorable ministre.
    Madame la Présidente, l'honorable député n'a pas tort sur…
    M. Luc Thériault: ...a pu faire en sorte que...
    À l'ordre. Je viens de couper la parole à l'honorable député de Montcalm parce qu'on manquait de temps. Il doit maintenant écouter la réponse, même s'il n'est pas d'accord.
    Je cède la parole à l'honorable ministre.
    Madame la Présidente, René Lévesque était contre l'idée d'une disposition de dérogation dans sa charte québécoise. En principe, il était en faveur des droits des individus, mais, en tant que premier ministre du Québec, et pour faire enrager le premier ministre Trudeau de l'époque, il a employé la disposition de dérogation pour plusieurs projets de loi au Québec pendant au moins un an. C'était plutôt une stratégie politique. Il était contre la disposition de dérogation. Il ne voulait pas en avoir une dans sa propre charte.
    Madame la Présidente, je trouve cela malheureux que le ministre de la Justice vienne dire qu'on profite d'un outil pour provoquer les Québécois et les Canadiens. Moi, je suis fier d'être Québécois et Canadien. On vient d'avoir une démonstration de chicane entre le Bloc québécois et le Parti libéral. Peut-on s'occuper des vraies affaires? Peut-on s'occuper du fait que le premier ministre est là depuis huit ans?
    Nous vivons une crise économique. Les gens ont de la misère à payer leur loyer. Ils ont de la misère à payer leur logement, et là on est en train de s'obstiner sur une disposition de dérogation. Cette disposition existe. J'aimerais donc demander ce qui suit à mon collègue.
    Comment peut-il empêcher les provinces et les territoires d'utiliser un outil qui est disponible? Fait-il confiance à la gestion des provinces et des territoires?
    Madame la Présidente, comme mon honorable collègue, je suis fier d'être Québécois et Canadien. Pour comprendre la structure de la Charte et les droits protégés, il faut regarder d'abord les articles qui équilibrent la Partie I et ensuite l'article 33 sur la disposition de dérogation. Il faut les voir d'une façon cohérente.
    Si on emploie la disposition de dérogation au début, on évacue les droits et on évite le processus d'équilibre envisagé par l'article 1. La disposition de dérogation est le dernier mot, pas le premier mot. Dans notre système, comme le sait mon honorable collègue, nous avons un dialogue entre les tribunaux et les assemblées législatives. Une province peut donc employer la disposition de dérogation, mais après une décision d'un tribunal ou, je dirais, d'une cour d'appel.

[Traduction]

    Madame la Présidente, à l'instar du ministre, je suis très préoccupée par l'utilisation croissante de la disposition de dérogation. Je vais parler plus précisément des droits de la personne.
    En 2000, en Alberta, Ralph Klein a tenté d'utiliser la disposition de dérogation pour priver la communauté des personnes ayant des orientations sexuelles et des identités sexuelles différentes du droit au mariage entre personnes du même sexe. Cette tentative a échoué parce que la Cour suprême a pu intervenir.
    Le ministre pourrait-il parler davantage des risques d'atteinte aux droits de la personne qui se poseraient si on laissait des personnes telles que Danielle Smith utiliser plus fréquemment cet outil?
    Madame la Présidente, si on utilise la disposition de dérogation au début, on agit comme si la Charte n'existait pas. Ce n'était pas l'intention des auteurs en 1981. Lorsque Allan Blakeney et d'autres premiers ministres des provinces de l'Ouest ont plaidé en sa faveur, elle devait servir de soupape de sécurité, de dernier recours. Son impact est terrible.
    Le juge qui a rendu la décision de première instance dans l'affaire relative au projet de loi 21, l'affaire Hak, au Québec, a fait remarquer que le recours préventif à la Charte a empêché à la fois l'examen judiciaire et le débat politique. C'est une tragédie pour notre démocratie, car cela met les minorités en danger.
(1610)

[Français]

    Avant de continuer, je veux mentionner que j'essaie de mon mieux de m'assurer que les gens ont l'occasion de poser des questions et de recevoir des réponses dans le temps alloué.
    Puisqu'il n'y a que cinq minutes de questions et commentaires, j'essaie de faire poser au moins trois questions dans ce laps de temps: deux questions et deux réponses d'une minute chacune, et une question et une réponse de 30 secondes chacune. Je sais que ce n'est pas idéal pour tout le monde, mais c'est le temps alloué.
     J'espère que cela donnera aux députés un aperçu de comment procèdent les occupants du fauteuil. La présidence n'a pas pour objectif de couper la parole aux députés, mais elle alloue du temps à chacun pour avoir un bon débat. Il revient à la présidence d'assurer le bon fonctionnement de la Chambre, y compris durant les débats.
    L'honorable député de Montcalm invoque-t-il le Règlement?
    Madame la Présidente, j'invoque effectivement le Règlement.
     Puisque vous soulevez le sujet, je vous invite à pratiquer l'équité et l'alternance. Tout à l'heure, vous avez reconnu à deux reprises, deux fois de suite, un député du NPD, alors que c'était à notre tour de prendre la parole. Vous avez également donné la parole au NPD, alors que c'était au tour des conservateurs. Je vous invite donc à respecter l'alternance dès que les gens se lèvent pour indiquer qu'ils veulent intervenir.
    Ceci devient un débat, mais ce que le député oublie, c'est qu'il ne s'agissait pas des mêmes orateurs. Quand un parti prend la parole, les questions vont aux autres partis, à moins qu'il y ait beaucoup de temps, auquel cas on peut accorder une autre question.
    Comme je l'ai dit, il est certain que le choix de la personne demeure à la discrétion de la présidence, mais cette dernière essaie d'être aussi équitable que possible dans les questions et commentaires.
     J'ai peut-être invité deux personnes du NPD à parler, tout comme j'ai invité deux personnes du Parti conservateur et deux personnes du Parti libéral, parce que l'orateur était du Bloc québécois.
    L'honorable député de Portneuf—Jacques‑Cartier se lève pour un rappel au Règlement.
    Madame la Présidente, je voudrais renchérir sur ce que vous venez de dire et ajouter que j'ai laissé passer mon collègue du Bloc québécois et que c'était bien au tour des conservateurs de prendre la parole. Vous avez donc bien géré la séance et je vous en remercie.
    Je vais ajouter un dernier détail avant qu’on reprenne le débat. Si c'est une journée de l'opposition consacrée au Bloc québécois, c'est à ce parti que revient la première question en réaction à un discours fait par le gouvernement..
    Nous reprenons le débat et la parole est à l'honorable secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien.

[Traduction]

    Madame la Présidente, nous discutons aujourd'hui d'un sujet important. Ce dont j'ai été témoin au cours des dernières années m'a vraiment inquiété en tant que député de l'Ontario et en tant qu'avocat, comme l'utilisation préventive de la disposition de dérogation par le gouvernement Ford en Ontario. Ce qui est intéressant, cependant, c'est que, pendant ce temps, les députés conservateurs se sont dits préoccupés par les actions de l'actuel gouvernement fédéral concernant certaines lois, arguant que ces actions portaient atteinte à la liberté d'expression et, dans le cas de mesures qui ont dû être prises pendant la pandémie, à d'autres droits prévus par la Charte.
    En tant que secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien, j'ai écouté ces affirmations complètement déconnectées de la réalité, selon lesquelles le gouvernement exerce une censure, ce qui est tout à fait faux. Cependant, les conservateurs s'inquiètent de la liberté de parole et de la liberté d'expression au titre de l'article 2 de la Charte. Je suis d'accord avec eux. Il s'agit d'un droit fondamental et d'une liberté que la Charte garantit aux Canadiens.
    Cependant, leur silence a été assourdissant lorsqu'en 2018, quelques mois seulement après son élection, le gouvernement Ford a invoqué de manière préventive la disposition de dérogation. C'était la première fois qu'il le faisait. Le gouvernement de l'Ontario n'a pas attendu et n'est pas passé par la Cour suprême. Il n'est pas comparu devant la Cour. Sur quelle loi s'est-il appuyé? Sur un projet de loi électorale. Le gouvernement Ford a agi ainsi pour empêcher la Cour de conclure qu'il y avait eu violation de la liberté d'expression.
    J'ai trouvé intéressant à l'époque que les prétendus champions de la liberté de parole et de la liberté d'expression d'en face gardent le silence. Nous ne les avons pas entendus broncher. Certes, les conservateurs n'étaient probablement pas disposés à critiquer un autre gouvernement conservateur. Je peux comprendre qu'ils sont des alliés politiques et des amis de Queen's Park. Cependant, lorsqu'il s'agit d'empêcher la Cour de conclure à une violation de la liberté d'expression dans le cadre d'une loi électorale, quelques mois avant les élections, ils restent silencieux. Où étaient ces fervents défenseurs de la Charte? L'affaire a fini par être portée devant les tribunaux, et le gouvernement Ford a fait marche arrière une première fois.
    La deuxième fois, il a procédé de la même manière. Le gouvernement provincial s'en est pris aux travailleurs vulnérables du secteur de l'éducation. Il s'en est pris aux droits des travailleurs garantis par la Charte. Encore une fois, les conservateurs ont gardé un silence absolu. Où étaient les fervents défenseurs de la liberté d'expression à ce moment-là?
    Quelqu'un dans les rangs des conservateurs a posé une question aujourd'hui comparant les droits de la communauté LGBT à ceux des personnes durant la pandémie de COVID. J'ai été choqué que les conservateurs songent même à faire cette comparaison. Encore une fois, je me demande pourquoi ils ne défendent pas les droits qui sont vraiment violés.
    Durant l'occupation de cette ville, les conservateurs sont intervenus à maintes reprises, surtout après l'invocation de la Loi sur les mesures d’urgence. Ils ont dit que le recours à cette loi était une violation de la Charte, même si ce n'est pas le cas. Cette mesure n'a supprimé aucun droit, mais de nombreux députés ont soutenu le contraire.
    Quelques mois après, le gouvernement de l'Ontario s'en est pris encore une fois aux travailleurs, cette fois‑ci aux concierges et aux travailleurs de soutien en éducation, qui sont les employés les moins bien rémunérés de notre système d'éducation. Où était le Parti conservateur, qui prétend défendre les travailleurs? Son silence était assourdissant quand le gouvernement provincial de l'Ontario a de nouveau invoqué de façon préventive la disposition de dérogation.
    Je ne sais pas si, lorsqu'ils interviennent pour parler de la liberté d'expression, les conservateurs se rendent compte à quel point il est paradoxal qu'ils demeurent muets à propos de l'utilisation de la disposition de dérogation par l'Ontario. C'est décevant. Heureusement, les Ontariens se sont élevés contre cette décision, et le gouvernement Ford a été forcé de reculer parce que, comme je l'ai dit, elle ciblait les travailleurs les plus vulnérables du secteur de l'éducation.
(1615)
    J'aimerais croire que tous les députés sont prêts à défendre nos droits. C'est d'une importance fondamentale. Nous condamnons tous à la Chambre les violations de droits ailleurs dans le monde. J'ose espérer que tous les députés sont d'avis que les droits des Canadiens sont garantis. Je pense que nous devrions exprimer des inquiétudes lorsque ces droits sont menacés. Il est vrai qu'une disposition de dérogation se trouve dans la Charte des droits et libertés, mais son utilisation d'une façon préventive revient à bloquer tout débat, toute discussion et toute occasion pour les tribunaux d'intervenir afin de protéger les droits de la population.
    La Charte reconnaît que nos droits ne sont pas absolus. Par exemple, comme le veut l'exemple classique qui est utilisé dans les facultés de droit au sujet des limites à la liberté d'expression, personne n'a le droit de crier au feu dans un théâtre bondé. C'est compréhensible: un tel comportement pourrait entraîner des risques ou causer des torts; des gens pourraient se faire tuer. C'est une infraction criminelle. La Charte aborde ce fait à l'article 1 en parlant de limites raisonnables. Elle « garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ». Les tribunaux se fient au critère énoncé dans l'arrêt Oakes pour trancher. Bien des arbres ont été coupés pour fournir le papier qui a servi aux nombreuses décisions portant sur le critère de l'arrêt Oakes.
    En tant que société, en tant que tribunal, nous n'avons cessé de modifier ces limites raisonnables; nous débattons toujours de la définition de ces limites dans une société libre et démocratique. Tout gouvernement qui invoque la disposition de dérogation examine l'article 1 et affirme que notre projet de loi n'est pas raisonnable et que sa justification ne peut pas se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique et que nous devons mettre de côté l'article 1 de la Charte et tout le reste. Cela me surprend, en tant qu'avocat et personne férue d'histoire, car, en rétrospective, ces droits ont été obtenus de haute lutte.
    Comme je l'ai dit, le député essayait de comparer les droits de la communauté LGBT à ceux des personnes, je suppose, qui ont dû porter un masque pendant un voyage en avion ou à ceux d'entre nous qui n'ont pas pu quitter le pays en raison de la pandémie mondiale. C'est dégoûtant, mais c'est ce qui s'est produit. Ces droits ont été obtenus après des décennies de lutte acharnée. Le premier ministre a présenté des excuses, et nous avons pu voir les victimes des abus du gouvernement à l'encontre de la communauté LGBT dans cette enceinte. Il a fallu plus de 40 ans pour reconnaître le traumatisme que le gouvernement leur a infligé. C'était émouvant et touchant, mais on a lutté avec acharnement pendant des décennies pour faire en sorte que ces droits soient inscrits dans la Charte. Même si elle ne contient pas l'expression « membres de la communauté LGBT », nous le savons, et les tribunaux ont reconnu ces droits dans l'article 15.
    Il s'agit d'un débat important, et j'espère que tous les députés défendent les droits reconnus au pays et les droits raisonnables dont la justification peut être démontrée dans le cadre d'une société libre et démocratique.
(1620)
    Madame la Présidente, j'ai écouté le discours du secrétaire parlementaire, et je ne sais pas si je suis amusé ou déconcerté. À un moment où les Canadiens souffrent énormément à cause de l'inflation, de la crise du coût de la vie et de l'augmentation des taux d'intérêt, et où les habitants de ma circonscription se demandent comment ils pourront se nourrir et faire leurs paiements hypothécaires, qui viennent de doubler, pourquoi sommes-nous plongés dans la crise constitutionnelle bidon qui sévit entre les libéraux et le Bloc québécois?
    Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une priorité. Que pense le secrétaire parlementaire du fait de se concentrer sur les choses qui comptent vraiment pour les Canadiens?
    Madame la Présidente, il est regrettable que le député estime que les droits des Canadiens ne devraient pas être une priorité, mais il n'appartient pas au gouvernement de décider quelles motions des subsides sont débattues.
    À mon avis, rendre la pollution gratuite au Canada ne devrait pas être une priorité, mais le député a voté pour une mesure visant à faire une telle chose. C'est la septième fois que les conservateurs le font au cours de la présente législature. Ils trouvent cela amusant que des gens meurent dans des inondations et des incendies. Ils racontaient des blagues l'autre jour sur le fait de produire de l'hydroélectricité à partir des rivières atmosphériques...
     La députée de Fort McMurray—Cold Lake invoque le Règlement.
    Madame la Présidente, en tant que députée de Fort McMurray—Cold Lake, collectivité qui a énormément souffert des feux de forêt, je ne trouve pas que c'est drôle de politiser des tragédies, où qu'elles se produisent...
(1625)
    Ce n'est pas un rappel au Règlement, mais un débat.
    Le secrétaire parlementaire peut terminer sa réponse.
    Madame la Présidente, c'est la députée qui a crié lorsque j'ai parlé de rendre la pollution gratuite. Je crois que c'est elle qui devrait regarder ses concitoyens dans les yeux et leur parler des blagues à la Chambre.

[Français]

     Madame la Présidente, je voudrais savoir ce que mon collègue pense d'un des penseurs du multiculturalisme, Will Kymlicka.
    À propos de la nation québécoise et de sa volonté de pouvoir disposer de moyens, comme la disposition de dérogation, il indiquait que « si le Québec ne s'était pas fait garantir les pouvoirs substantiels qu'il s'est vu conférer, et donc la protection contre le fait de se voir imposer les décisions de la majorité canadienne anglaise, il est certain qu'il n'aurait jamais joint la fédération canadienne et aurait fait sécession peu longtemps après ».

[Traduction]

    Madame la Présidente, il est extrêmement important de protéger la langue française, tant pour le Québec en tant que minorité linguistique au sein du Canada que pour les autres minorités linguistiques, en particulier les minorités francophones, dans les autres régions du pays. Toutefois, je rappelle une fois de plus l'application de la disposition de dérogation à une loi qui n'est pas raisonnable et dont la justification ne peut se démontrer dans une société libre et démocratique.
    Ce sont là les mots de la loi, les mots de la Constitution. Nous devrions vraiment en tenir compte et nous en souvenir lorsque nous intervenons en faveur de cette mesure.
    Madame la Présidente, une bonne partie des observations de mon collègue aujourd'hui concernait les droits de la personne, qui, bien entendu, me tiennent à cœur. Je me demande par contre pourquoi le gouvernement n'a rien fait pour défendre les droits de la personne à l'échelle de la planète.
    Le peuple d'Afghanistan attend depuis très longtemps que le gouvernement instaure une exclusion pour les organisations humanitaires. Le gouvernement promet de le faire depuis 18 mois. Si les libéraux ont vraiment à cœur les droits de la personne, pourquoi ne mettent-ils pas en place cette mesure?
    Madame la Présidente, je ne comprends pas très bien le sens de la question. La députée connaît bien les enjeux liés aux droits de la personne, mais, dans le cas de l'Afghanistan, le gouvernement accueille des dizaines de milliers de réfugiés et il est conscient des souffrances que vivent les Afghans.
    Il n'y a pas de soldats canadiens là-bas. Les Forces canadiennes n'y sont pas déployées. La situation est difficile et compliquée, mais nous arriverons à nos objectifs en ce qui concerne l'Afghanistan, mais également en ce qui concerne les Ouïghours, au moyen de la puissante motion présentée par le Parti libéral, ainsi que les Ukrainiens. Le Canada est là.
    Le Canada est reconnu dans le monde pour la défense des droits de la personne, et le gouvernement entend maintenir cette réputation.
    Madame la Présidente, je veux commencer par dire que, de ce côté-ci de la Chambre, les conservateurs croient au soutien des compétences provinciales. Je suis très fière d'être Albertaine. En Alberta, Peter Lougheed a été au départ l'un des grands défenseurs de cette disposition visant à protéger les droits des provinces.
    Les Albertains ont indiqué on ne peut plus clairement qu'ils ne veulent pas d'une taxe sur le carbone, et pourtant, le gouvernement a décidé de passer outre à cela à maintes reprises et de continuer à promouvoir ses idées. Les libéraux sont les seuls à provoquer et à attiser une crise constitutionnelle dans ce pays.
    Madame la Présidente, il est très clair que la députée n'a pas lu la Charte des droits et libertés, sinon elle saurait que la taxe sur le carbone n'a rien à voir avec la Charte.

[Français]

    Madame la Présidente, je tiens d'abord à préciser que je vais partager mon temps de parole avec l'espiègle député de Mirabel.
     Parlons maintenant de la disposition de dérogation. J'ai commencé par me demander pourquoi le premier ministre était sorti pour vouloir encadrer la disposition de dérogation. Lors de sa sortie, le premier ministre semblait utiliser comme prétexte sa volonté de préserver les droits individuels. Il parlait de ce qu'avait fait Doug Ford contre les syndicats. Je tiens d'ailleurs à faire remarquer que, rapidement, la levée de boucliers de sa population a fait que M. Ford a dû reculer.
     On utilise donc comme prétexte les droits individuels. C'est quand même assez rigolo, parce que, dans l'histoire canadienne, je pense que les seules personnes qui ont vu leurs droits individuels être vraiment bafoués, ce sont les Québécois en 1970. La Loi sur les mesures de guerre est venue bafouer le droit des Québécois. Des gens ont été arrêtés en pleine nuit pour le simple fait, le simple délit d'être des souverainistes. Ils ont arrêté Gaston Miron en pleine nuit, un poète québécois. Quand le gouvernement fédéral parle de respect des droits individuels, on peut se permettre d'avoir certaines réserves.
    On parle aussi des droits des minorités. L'utilisation de la disposition de dérogation embête le gouvernement fédéral parce qu'elle irait à l'encontre des droits des minorités. C'est là-dessus que je veux m'arrêter, parce que le nœud du problème est effectivement sur le droit des minorités. Or il faut bien le comprendre, et il faut comprendre de quelle minorité on parle. Le nœud du problème est, selon moi, assez simple: il est identitaire.
    Ce qui embête fortement le gouvernement fédéral, c'est que la disposition de dérogation permet aux Québécois, qui ont une identité collective différente de celle des Canadiens — même si certains n'aiment pas l'entendre —, de maintenir cette identité. Pour en faire la démonstration, je vais revenir sur quelque chose d'assez simple. Comment ce litige a-t-il pris forme?
    Pour mieux le comprendre, il faut revenir en 1963, lorsque le gouvernement fédéral se rend compte que quelque chose comme une identité nationale commence à se développer au Québec. Pour répondre à cela, que fait le gouvernement fédéral? Il lance la Commission Laurendeau-Dunton, une commission sur le bilinguisme et le biculturalisme. L'objectif de cette commission était de donner une reconnaissance à la nation québécoise. Le Canada allait devenir un pays bilingue et biculturel.
    Cependant, il y a des gens qui se sont mis à penser. Ils se sont dit que si on offrait une reconnaissance aux Québécois, les Québécois ne s'arrêteraient pas là. Ils continueraient leur marche vers l'autonomie. Le père Trudeau a donc eu l'idée de génie de dire que le Canada, qui pourrait devenir un pays bilingue, devrait en fait devenir un pays multiculturel.
    En reconnaissant toutes les cultures, dans les faits, on n'en reconnaît aucune. Toutes les cultures sont noyées dans la mosaïque canadienne. Il n'y a pas une culture au-dessus des autres. C'est la première rebuffade qu'a vécue le Québec. C'est le premier moment où, dans un exercice fait par le gouvernement fédéral, alors que le Québec y allait de bonne foi et était prêt à écouter les propositions du gouvernement fédéral, le gouvernement fédéral lui a tourné le dos.
    Finalement, le rapport de la commission débouchera sur le multiculturalisme, mais sur le multiculturalisme institutionnel. J'insiste sur ce dernier terme, parce que je parlerai tantôt du multiculturalisme comme théorie.
    Que signifie donc le multiculturalisme institutionnel? Cela signifie que le pays qu'est le Canada est un pays d'une pluralité de cultures, d'une mosaïque de cultures et qu'aucune culture n'est au-dessus des autres. Cela veut dire qu'on ne reconnaît pas la culture particulière des Québécois.
    Cela se développe en 1963. On laisse de côté les Québécois, qui ont une culture particulière et qui ont besoin, parce qu'ils sont une minorité nationale, de certaines mesures pour conforter leur place dans les institutions fédérales et assurer leur pérennité comme peuple, ce que n'a jamais voulu faire le gouvernement fédéral.
(1630)
    Finalement, la disposition de dérogation sert, au Québec, à se protéger. De la même façon, au Canada, il y a dans la Constitution canadienne, qui a évoué, la possibilité pour des gens issus des minorités ethnoculturelles de demander des accommodements raisonnables. C'est reconnu. Une minorité ethnoculturelle peut se soustraire à la loi en demandant un accommodement raisonnable. C'est le cas dans l'arrêt Multani, ce jeune homme qui veut porter le kirpan pour aller à l'école.
    C'est la même chose pour une minorité nationale; elle peut utiliser la disposition dérogatoire pour protéger des pans importants de son identité, par exemple, la loi 21 sur la laïcité et la loi 96 sur la langue. Voilà ce qui embête le gouvernement libéral. Voilà ce qu'il veut encadrer. Il veut s'assurer que le Québec n'a pas les outils pour garantir la pérennité de son identité. C'est parce que la seule identité valable selon le gouvernement fédéral, c'est l'identité pancanadienne. Les Québécois devraient être des Canadiens comme les autres, une nation noyée.
    Mes collègues ont sûrement entendu que le premier ministre a utilisé à plusieurs occasions l'idée que le Canada est le premier pays postnational. Je ne suis pas sûr qu'il comprend ce que c'est, mais ne soyons pas mesquins. Du même souffle, il s'égosille à reconnaître toutes les nations autochtones. Je reconnais les nations autochtones, elles existent. Je veux qu'on voie plus de leurs manifestations, je veux que leurs langues soient défendues et je comprends qu'on doit avoir une sensibilité particulière à cet égard. Si on est un pays postnational, comment peut-on reconnaître d'un côté les nations autochtones, mais ne pas reconnaître la nation québécoise? Je me le demande encore.
    La logique est somme toute très simple. On a peur que la nation québécoise fasse de l'ombre à la nation canadienne et qu'elle demande plus d'autonomie. Je vais en faire la démonstration imparable en revenant sur une théorie fort intéressante, développée par le philosophe canadien Will Kymlicka.
    Will Kymlicka va longtemps travailler sur le multiculturalisme, non pas le multiculturalisme institutionnel, qui s'est développé dans les années 1960 au Canada, mais sur le multiculturalisme comme théorie libérale. Il dit qu'il y a deux types de minorités qui demandent des protections. Il y a les minorités ethnoculturelles — les juifs, les Grecs, les Turcs, nommons-les tous, les musulmans — qui ont besoin, dans des pays pluriculturels, d'avoir une certaine forme de protection. Cette protection vient par la reconnaissance qu'on leur offre. C'est essentiel et je suis d'accord sur cela. Il faut offrir une reconnaissance aux minorités ethniques. Il faut leur accorder une reconnaissance qui passe quelquefois par des accommodements raisonnables et par la reconnaissance que leur identité particulière est valable.
    Will Kymlicka dit cependant qu'il n'y a pas juste des minorités ethniques, il y a aussi des minorités nationales. C'est là que le bât blesse. Quand Will Kymlicka parle du multiculturalisme et dit qu'il y a des minorités nationales, il vient dire que ces minorités nationales, pour se maintenir, ont besoin d'autonomie politique, autonomos chez les Grecs, ou se donner ses propres lois. N'est-ce pas que c'est chic?
    Comment veut-on définir une identité collective si on ne peut pas se donner ses propres lois? Cela devient véritablement difficile. Will Kymlicka dit que, d'un côté, on a besoin de la reconnaissance pour les minorités ethnoculturelles et, de l'autre, pour les minorités nationales, on a l'autonomie politique. C'est cette autonomie politique que le gouvernement fédéral ne veut pas voir entre les mains du Québec. C'est pourquoi la disposition de dérogation lui apparaît comme étant une abomination. Il va même travestir le sens de la disposition de dérogation en disant finalement que cela devient une menace pour les droits individuels et que cela devient une menace pour les minorités quand cette même disposition dérogatoire permet à la minorité nationale qu'est le Québec de maintenir son identité en place.
    La loi 21 est un élément essentiel de ce qu'est l'identité collective québécoise. Notre rapport au religieux est différent. La sécularisation de la société québécoise qui s'est faite avec la Révolution tranquille, c'est un des mythes de l'identité québécoise, c'est fondamental.
    La mère de mon père a eu 18 enfants. Qui connaît quelqu'un aujourd'hui qui a 18 enfants? Si aujourd'hui on parlait à ma grand-mère de la religion — il y a longtemps qu'elle est décédée —, je ne suis pas sûr qu'elle aurait une vision positive de ce qu'est la religion. Le Québec s'est fait sous cet imaginaire. Il faut accepter cela. De la même façon que la loi 96 vise à protéger une langue qui dans l'ensemble nord-américain est minoritaire.
(1635)
    Maintenant, ce gouvernement et tous les députés libéraux du Québec anglophone se disent que la loi 96 va brimer les minorités. Pourtant, la population anglophone du Québec représente 8 % de la population totale et elle reçoit 30 % du financement des établissements d'enseignement postsecondaires. Si c'est cela, brimer des minorités, j'aimerais bien être brimé dans le Canada.

[Traduction]

    Madame la Présidente, en écoutant le député, on pourrait croire que la principale motivation des bloquistes, avec la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui, est de parler de division et d'essayer de semer et de cultiver la division au Québec. L'exemple dont j'ai parlé est celui de la province de l'Ontario. Je n'ai même pas fait mention du Québec. L'Ontario a agi en amont en utilisant la disposition de dérogation pour flouer les syndicats, ce qui a eu des répercussions sur des milliers d'enseignants.
    Je soutiens que le gouvernement fédéral a une responsabilité, mais tout ce dont le Bloc veut parler, c'est de l'application ou de l'utilisation de la disposition de dérogation uniquement dans la province de Québec. Chaque député du caucus libéral a un amour et une passion pour la province de Québec qui sont tout aussi importants que les sentiments du député d'en face. Le député voit le Québec sous un jour différent. Je vois la province de Québec comme une province très unique qui ajoute énormément à notre patrimoine canadien, mais ce dont nous parlons...
(1640)
    Je suis désolée, mais je dois interrompre le député. Je dois permettre à d'autres députés de poser des questions.

[Français]

    L'honorable député de Jonquière a la parole.
    Madame la Présidente, le secrétaire parlementaire me donne raison parce qu'il utilise le prétexte dont j'ai parlé tout à l'heure.
    Parlons toutefois de ce à quoi sert réellement la disposition de dérogation. En 1977, quand la loi 101 est entrée en vigueur, au Canada, tout le monde criait que c'était dégueulasse et épouvantable et qu'il fallait mettre fin à cette loi. Aujourd'hui, personne n'irait à l'encontre de ce qu'est la loi 101. On sait très bien que cela permettait de protéger la langue française.
    Dans 20 ou 30 ans, peut-être qu'on va prendre exemple sur le Québec et qu'on va adopter une loi sur laïcité, comme on l'a fait avec 20 ans de retard pour les services de garde. Cela dit, la disposition de dérogation aura permis au fait français de se maintenir. J'aimerais qu'on arrête de faire dévier le débat en disant que Doug Ford l'a utilisée pour enquiquiner les syndicats.
    Ce que nous souhaitons, à l'avenir, c'est pouvoir avoir cet outil pour qu'une nation, la seule nation francophone en Amérique du Nord, puisse assurer sa pérennité.

[Traduction]

    Madame la Présidente, dans cette enceinte, je pense que nous reconnaissons tous que les Canadiens doivent faire face à nombre de difficultés en ce moment. Ce pays doit faire face à une crise des soins de santé, à une crise de l'abordabilité et à une crise climatique. Je me demande si le député a jugé que c'était la chose la plus importante que le Bloc québécois pouvait mettre de l'avant pour répondre aux besoins des gens de sa circonscription.

[Français]

    Madame la Présidente, cette question, c'est un classique.
    C'est le classique des conservateurs qui nous disent que ce n'est pas le temps de débattre de cela. Quand nous parlons du Québec, ce n'est jamais le bon moment. Dans le discours de son collègue, ce matin, on parlait de cela. Quand nous parlons du Québec, ce n'est jamais le bon moment, ce n'est jamais le temps d'utiliser une journée de l'opposition pour faire valoir le point de vue du Québec.
    J'aimerais dire à la députée qu'on a déjà fait un débat très futile. Le débat le plus futile qu'on n'ait jamais fait dans la Chambre a eu lieu pendant la pandémie. On a pris une journée pour déterminer s'il fallait créer une journée pour célébrer le pétrole au Canada.
    Il y a déjà eu des débats futiles, beaucoup plus futiles que la volonté d'assurer la pérennité d'une nation.

[Traduction]

    Madame la Présidente, il est certain que personne de ce côté-ci de la Chambre ne mettrait en doute l'importance de ce débat, mais il faut comprendre que le pays doit faire face à plusieurs crises. Je pense que la députée d'Edmonton Strathcona a tout à fait raison. Nous devons faire face à des crises économiques et constitutionnelles créées par le premier ministre pour détourner l'attention de ses nombreux échecs.
    Tout le pays doit faire face à ces crises à cause du premier ministre, et je me demande si le député aurait des observations à faire sur les manœuvres de diversion et de division que le premier ministre emploie chaque fois qu'il se met dans le pétrin.

[Français]

    Madame la Présidente, le député de Charlesbourg—Haute-Saint-Charles disait ce matin qu'il trouvait ce débat futile.
    Maintenant, voici ce que je pourrais répondre à mon collègue. S'il veut faire œuvre utile, il pourrait nous indiquer clairement si le Parti conservateur est pour ou contre la loi 21 et la loi 96. J'aimerais que les conservateurs nous disent s'ils contesteraient ces lois devant les tribunaux s'ils étaient au gouvernement. En répondant à cette question, le député ferait œuvre utile en lien avec le débat d'aujourd'hui.
    Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera lors de l'ajournement ce soir, à savoir: le député de Spadina—Fort York, L'infrastructure; et la députée d’Edmonton Strathcona, Les affaires étrangères.
    Madame la Présidente, je suis très heureux que vous ne m'ayez pas confondu avec le député de Jonquière, ce qui aurait quand même été un grand compliment.
     Par ailleurs, madame la Présidente, je vous prie d'accepter mes salutations, parce que c'est aujourd'hui un grand jour pour moi, un jour assez spécial que je ne pensais jamais vivre.
    Depuis des années, le gouvernement fédéral, en particulier le premier ministre actuel, nous dit que la Constitution n'intéresse personne, que cela n'intéresse pas les Québécois ni les Canadiens, que les débats constitutionnels sont futiles, que c'est inintéressant pour notre vie collective et, surtout, qu'il ne faut pas discuter de ces choses. C'est à un point tel que le ministre du Patrimoine canadien, qui est aussi, je présume, le ministre délégué à la chicane — on a vu aujourd'hui son secrétaire parlementaire —, est venu nous dire que nous cherchons à soulever des conflits en voulant parler de la Constitution, ce document que nous n'avons jamais signé et qui encadre essentiellement le vivre-ensemble au sein d'une fédération dans laquelle je préférerais évidemment ne pas être.
    Ce que fait le premier ministre en voulant aller voir les tribunaux et en demandant éventuellement un arrêt de la Cour suprême, c'est vouloir changer la Constitution de façon unilatérale. Elle est claire, la Constitution. La plupart des juristes l'ont dit, du moins la plupart des juristes qui ne sont pas libéraux à la Chambre: la disposition de dérogation est par définition préventive. C'est pour ça que le premier ministre n'arrête pas de répéter le mot « préventif », pour essayer de nous faire croire qu'il en a déjà été autrement. Cependant, la jurisprudence est claire: la disposition de dérogation est préventive.
     C'est exactement à cause du comportement du premier ministre actuel. C'est à cause de son paternalisme et de sa tendance à vouloir dicter au Québec que faire quand il est insatisfait des gouvernements que les Québécois et les Québécoises élisent. C'est exactement pour cette raison qu'existe cette soupape qu'est la disposition de dérogation pour le gouvernement du Québec et les gouvernements des provinces.
    Évidemment, le premier ministre n'est pas un gars courageux. C'est un filou. C'est un individu qui n'a aucun courage. Cela lui a pris 28 mois avant de rencontrer les ministres de la Santé. Alors, jamais le premier ministre n'aura le courage de dire qu'il veut ouvrir la Constitution. Il va faire faire son sale travail par la Cour suprême, parce que c'est gagnant-gagnant pour lui. Probablement que la Cour suprême va dire qu'il a tort, mais il y a une petite chance, à cause des juges que le premier ministre a lui-même nommés, que la Cour suprême va encore créer une brèche comme cela a déjà été fait.
    Aujourd'hui, ce n'est pas un débat sur la disposition de dérogation. C'est un débat sur l'égo du premier ministre et sa volonté de dicter des conditions au Québec. C'est un débat sur l'égo de cet individu. On le voit encore dans sa volonté de réécrire unilatéralement la Constitution. C'est un individu qui se pense au-dessus des lois. Il est né avec une cuillère d'argent dans la bouche, et il ne fait pas la différence entre sa personne, la Constitution, la loi et les institutions. C'est le premier ministre de WE Charity, qui ne fait pas la différence entre le gouvernement, la business, la famille et les amis, ni entre son compte de chèques, le compte de chèques du gouvernement et le Trésor public.
     C'est le premier ministre qui ne sait pas, quand il va chez l'Aga Khan, s'il est en vacances ou en voyage officiel, qui ne sait pas de quel compte de banque les dépenses sortent. C'est le premier ministre qui paie à coût de milliers et de milliers de dollars des chambres d'hôtel avec des robinets en or pour aller voir la monarchie. C'est le premier ministre qui congédie la ministre dans l'affaire SNC-Lavalin parce que ça ne fait même pas son affaire que ses propres ministres respectent la loi.
     Quand on va chez le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, c'est tout juste s'il n'y a pas en permanence dans le bureau du commissaire une chaise avec le nom du premier ministre. C'est blâme après blâme. C'est donc aujourd'hui un débat sur l'égo du premier ministre.
    C'est aussi un débat sur les droits collectifs des Québécois que nous voulons amorcer. On se rappellera que les Québécois n'ont jamais signé une seule Constitution. C'est un peuple soumis qui n'a jamais mis sa signature au bas d'un document constitutionnel.
     En 1763, la première Constitution de cette monarchie, qu'on fête et qu'on célèbre avec la masse devant nous, nous a été imposée par les armes en vue de nous assimiler. Après, on a eu celle de 1774, pendant la Révolution américaine, dans laquelle on nous a donné quelques droits parce que nous aimions tellement les Anglais qu'ils avaient peur que nous allions nous battre aux côtés des Américains.
    Ils nous ont donc instrumentalisés, ils ont instrumentalisé quelques droits. Ils nous en ont donné, mais c'était pour mieux revenir avec l'Acte constitutionnel de 1791, dans lequel ils ne nous ont jamais donné le gouvernement responsable et où ils ont banni l'anglais de la fonction publique parce qu'ils nous tenaient pour acquis.
(1645)
    Cela n'est même pas proche de ce qui s'est passé avec la Constitution de 1840. Après les révoltes des patriotes, la monarchie et le Canada anglais ont commis des crimes contre l'humanité dans ma propre circonscription. On a commis des meurtres et des viols et on a fait de la destruction sans aucune forme d'excuse ni aucune forme de pleurs du premier ministre. Pourtant, on sait qu'il ne rate pas souvent les occasions de brailler.
    La Constitution de 1840 était fondée sur le rapport Durham, qui disait que les Canadiens français étaient un peuple sans histoire, sans culture et sans littérature. C'est ce qu'on pensait de nous et c'est ce qu'on pense encore de nous. Je ne sais pas si Lord Durham nous regarde d'en haut aujourd'hui, mais je me demande ce qu'il penserait de la culture canadienne en voyant Don Cherry le samedi soir à la soirée du hockey faire des commentaires francophobes qui occasionnent des esclandres seulement au Québec. C'est beau, un peuple avec de la culture. C'est cela, le Canada.
    Cela dit, la Constitution de 1867 est encore pire. Nous n'avons pas signé la Constitution de 1867. Le Canada était un rejet en Occident, car l'Angleterre n'en voulait plus, et les États‑Unis non plus. On s'est rassemblé et on a fait deux petites conférences et on a créé une confédération. Il n'y a jamais eu de processus démocratique. On est allé en Angleterre pour nous imposer cela. John A. Macdonald, un raciste francophobe et orangiste était à la tête du groupe. Il s'agit d'un raciste anti-francophone qui a fait sa carrière contre les francophones. C'est cela, la naissance du Canada, c'est là-dessus que le pays a été bâti.
    En 1982, on a rapatrié la Constitution. À ce moment-là, la notion de souveraineté du Parlement est revenue à l'avant-plan. C'est à ce moment-là qu'on a trouvé important de préserver la souveraineté du Parlement dans les champs des compétences des provinces et du Québec.
    Sait-on qui a demandé cette disposition? C'est la Colombie‑Britannique, l'Alberta et la Saskatchewan. Nous l'aurions probablement demandée, mais, pendant la nuit des longs couteaux, pendant la nuit où on nous a enfoncé la Constitution dans la gorge, nous n'étions pas là. On l'a fait sans nous. Je comprends qu'on trouve cela bizarre de nous voir défendre la Constitution.
    À entendre les libéraux, ils ont fait une erreur. S'ils considèrent que c'est une erreur, c'est parce que cela a donné des droits au Québec, parce que cela a préservé la souveraineté du Parlement du Québec. Quand ils font du bien au Québec, ils considèrent que c'est une erreur. Je peux garantir que je ne développerai pas le syndrome de Stockholm ici.
    Henri Brun, grand constitutionnaliste canadien, a dit: « Au Canada anglais, on entend toujours: “La Charte, la Charte, la Charte.” C'est devenu le symbole de la nation canadienne. La Charte tente de faire primer des droits individuels sur des droits collectifs et transfère du pouvoir de décision des politiciens vers les juges. Ce concept est plus fort au Canada anglais qu'au Québec. » On le voit aujourd'hui.
    Peter Russell, professeur émérite à l'Université de Toronto, dit que la Charte canadienne des droits et libertés reste une interprétation des juges, et que les juges sont faillibles et peuvent se tromper. Selon M. Russell, il est normal que ce soit des gens élus qui aient le dernier mot sur les grandes décisions, mais cela ne veut pas dire qu'il faut l'utiliser à tout vent.
    Cela démontre le fait que le Parlement doit être souverain.
    Que nous rappellent tous les débats que j'entends aujourd'hui? Quelle en est la conclusion? C'est que l'histoire constitutionnelle du Canada, depuis le début jusqu'à aujourd'hui, c'est l'histoire du Canada anglais qui se pose la question fondatrice suivante: comment fera-t-on pour gérer ce peuple francophone qu'on a colonisé, écrasé, et tenté d'assimiler en lui volant ses symboles culturels jusqu'à son nom, les Canadiens, pour qu'il ne puisse jamais s'émanciper pleinement?
    Ce que les libéraux font avec la disposition dérogatoire, c'est la même chose que d'habitude. C'est odieux. C'est essayer de réécrire les règles sans courage et de façon détournée. Nous, les Québécois, nous sommes battus pour pouvoir nous émanciper. Cela fait des centaines d'années que nous sommes épris de liberté. Nous ne cesserons jamais ce processus.
(1650)

[Traduction]

    Madame la Présidente, l'actuel débat ne devrait pas porter sur la province de Québec. Ce devrait être un débat sur la disposition de dérogation, sur l'utilisation préventive de celle-ci et sur les arguments pour ou contre.
    L'exemple que j'utilise constamment est celui de la province de l'Ontario et du syndicat des enseignants. J'aimerais entendre le député s'exprimer sur la position du Bloc concernant le recours préventif à la disposition de dérogation contre le syndicat des enseignants.
    Le député peut-il aussi expliquer pourquoi René Lévesque, alors qu'il était premier ministre, n'a pas inclus une disposition de dérogation dans la Charte québécoise?
(1655)

[Français]

    Madame la Présidente, ce que fait l'Ontario, ce sont ses affaires. Ce que fait l'Alberta, ce sont ses affaires.
    Cette espèce de manie de vouloir se mêler de ce qui ne les regarde pas, on le leur reproche. Je ne vais donc pas commencer à faire la même chose.
    Comme je l'ai déjà dit, le débat d'aujourd'hui, réellement, est initié par le premier ministre actuel. C'est le premier ministre lui-même qui veut aller devant les tribunaux pendant qu'on est aux prises avec l'inflation et que les gens en arrachent. C'est le premier ministre lui-même qui démarre cela.
    Le débat d'aujourd'hui, c'est sur le manque de courage du premier ministre, qui n'est pas capable de regarder les Canadiens et les Québécois dans les yeux, qui n'est pas capable de parler ouvertement de Constitution et qui n'est pas capable de faire les choses proprement.
    Le père du premier ministre avait bien des défauts, mais il avait du courage. Je pense que certaines qualités n'ont pas été héritées.

[Traduction]

    Madame la Présidente, bien que je sois en désaccord, le député peut dire qu’il ne veut pas commenter ce qui s’est récemment passé en Ontario, ou que les autres n’ont pas à se prononcer sur ce qui se passe au Québec. Cependant, ce que la motion n’indique pas, c'est que la disposition de dérogation est une mesure qui risque d’être utilisée non seulement par les gouvernements provinciaux, mais aussi par le gouvernement fédéral. La façon dont les gouvernements décident de l’utiliser dans leurs domaines de compétence respectifs aura une incidence sur ce qui est permis ailleurs, que ce soit sur le plan politique, juridique ou autre.
    Il n’est pas tout à fait exact de dire que la manière dont les gouvernements utiliseront la disposition de dérogation n’entraînera aucune conséquence parce qu’il y aura des répercussions, notamment en matière d’acceptabilité sociale ou politique et, au bout du compte, dans la jurisprudence pour toutes les fois où cette disposition aura été utilisée par un gouvernement. Le député ne peut vraisemblablement pas prévoir toutes les occasions où la disposition de dérogation pourrait être utilisée.
    Certains d’entre nous pensent que le recours à la disposition de dérogation aura une incidence, peu importe comment elle est utilisée par une province en particulier. Je peux facilement croire que les députés du Bloc ont de sérieuses inquiétudes sur les diverses occasions où le gouvernement fédéral pourrait s’en prévaloir. C’est pourquoi nous devons comprendre à quel point la manière dont un gouvernement utilise la disposition de dérogation a réellement une incidence sur les autres gouvernements.

[Français]

    Madame la Présidente, c'est une espèce de détournement de débat. J'ai pour ma part des problèmes avec toutes sortes de lois, d'un point de vue moral. Il y a des lois qui sont adoptées dans d'autres provinces canadiennes, au Québec, dans d'autres pays et un peu partout, et avec lesquelles je suis en désaccord, qu'elles utilisent ou non la disposition de dérogation.
    Les précédents dont parle mon collègue viendront du fait qu'on essaie de révoquer le caractère inconditionnel de la disposition de dérogation et d'ajouter des couches d'interprétation supplémentaires, alors que la Cour suprême a déjà été très claire.
    La souveraineté des Parlements, cela vient aussi avec la possibilité que ces Parlements fassent des erreurs. Cela vient aussi avec la possibilité qu'ont les électeurs de prendre les gouvernements qui font des erreurs et de les sacrer dehors.
    Madame la Présidente, je félicite mon collègue pour son discours. Je considère, et je pense qu'il l'a déjà dit un peu, que la disposition de dérogation, c'est en quelque sorte une défense contre la dictature de la majorité canadienne. En effet, tant que le Québec n'est pas indépendant, nous sommes une minorité.
    Nous nous sommes fait imposer une Constitution contre notre volonté et nous nous faisons imposer une loi sur les langues officielles souvent contre notre volonté.
    J'aimerais savoir ce que mon collègue en pense.
    Madame la Présidente, la démocratie en matière constitutionnelle, cela intéresse les Canadiens quand ils sont neuf contre un.
    On l'a vu en 1982, on l'a vu en 1867, où ils étaient à peu près tous contre un, et on l'a vu dans les Constitutions précédentes, où c'était le roi contre nous autres.
    C'est vrai que les Québécois sont une minorité. Je pense que le Québec devrait être souverain et que cela irait beaucoup mieux, de part et d'autre.
    Néanmoins, cette disposition de dérogation peut être utilisée de façon tout à fait saine et son usage, par définition, est préventif. Ce que nous faisons aujourd'hui, c'est nous assurer que tout le monde est capable de lire une définition. De toute évidence, ce n'est pas toujours le cas.

[Traduction]

    Madame la Présidente, c'est toujours un honneur et un plaisir de participer aux débats à la Chambre des communes. Nous voilà ici aujourd'hui. C'est une journée de l'opposition du Bloc, une journée où le Bloc peut choisir de présenter n'importe quelle motion, et la motion d'aujourd'hui est un peu inhabituelle. Le Bloc a choisi de passer la journée à débattre d'une motion qui vise simplement à rappeler au gouvernement les règles d'utilisation de la disposition de dérogation, et de tenir un vote par appel nominal sur cette motion.
    Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à préciser que j'ai l'intention de partager mon temps de parole, et je veux donc m'assurer que c'est clair.
    La seule façon dont mes collègues et moi pouvons expliquer ce débat à nos concitoyens, c'est en disant que le premier ministre se complaît dans la division des Canadiens. Le premier ministre est toujours à la recherche de différentes façons de diviser les Canadiens. L'une des tactiques qu'il utilise consiste à inventer de faux problèmes ou de fausses réponses aux problèmes afin de diviser l'opposition politique. Dans ce cas-ci, il a créé une fausse crise constitutionnelle au sujet de l'utilisation de la disposition de dérogation, et le Bloc a mordu à l'hameçon; il a tout avalé.
    Depuis qu'il est en poste, le premier ministre divise les Canadiens: l’Est contre l’Ouest, le Québec contre l’Alberta, les Québécois contre les Québécois, et de nombreux segments de la société canadienne à propos de divers enjeux. Les libéraux tentent de créer toutes sortes de clivages au sein de la population de manière à se faufiler pour se maintenir au pouvoir avec le minimum d'appui. C’est ce que réussit à faire le premier ministre.
    Malheureusement, au lieu d’utiliser une précieuse journée de l’opposition pour exiger des comptes du gouvernement pour ses échecs incroyables et, disons-le, spectaculaires, le Bloc gaspille une journée de l'opposition en fonçant les yeux fermés dans l’un des pièges du premier ministre. La personne qui se réjouit le plus du débat d'aujourd'hui est le premier ministre lui-même. Pendant que la Chambre des communes ressasse des arguments qui remontent à des décennies à propos de la Constitution — en nous faisant revivre les 40 ans d'existence de la Charte et de la disposition de dérogation —, le premier ministre évite de rendre des comptes sur la façon dont le gouvernement a rendu la vie si inabordable pour des millions de Canadiens.
    Nous sommes en pleine crise du coût de la vie. L'inflation est à son plus haut niveau en 40 ans. Les gens n'ont pas les moyens de faire l'épicerie ou de se chauffer. Des gens qui vivent dans des collectivités éloignées du Canada, notamment au Québec, dépendent du mazout pour ne pas geler en hiver. Certains de ces habitants des régions éloignées comptent parmi les personnes les plus pauvres au Canada et ils n'ont pas les moyens de payer 1 000 $ ou plus par mois pour du mazout, mais ils ne peuvent pas non plus se priver de chauffage en hiver.
    Pendant que nous débattons de cette motion, le premier ministre évite de rendre des comptes pour la façon dont il a délibérément rendu la vie inabordable pour les Canadiens avec ses taxes punitives, surtout la taxe sur le carbone. Par conséquent, même si c'est toujours un plaisir de débattre à la Chambre, j'aimerais que, lors d'une journée de l'opposition, nous passions la journée à parler des échecs du gouvernement actuel au lieu de lui donner une journée de congé.
     Toutefois, ce n'est pas si mal. Je suppose qu'il faut reconnaître que, pendant que nous parlons de cette motion, le gouvernement ne présente pas ses propres motions. Nous passons au moins une journée sans que le gouvernement fasse un pas de plus vers l'adoption de terribles projets de loi, comme, disons, le projet de loi C‑11, en vertu duquel le gouvernement tente de se donner un contrôle sans précédent sur ce que les Canadiens, dont les Québécois, voient, publient ou trouvent sur Internet. En fait, c'est un projet de loi plutôt étrange. Le Bloc a indiqué qu'il allait en fin de compte aider le gouvernement à faire adopter le projet de loi C‑11 et à donner à un organisme fédéral le pouvoir de réglementer ce que les Québécois voient, trouvent et publient sur Internet. C'est un étrange projet de loi, mais, au moins, pendant que nous parlons de la motion d'aujourd'hui, il n'avance pas.
(1700)
    Sous le gouvernement actuel, la vie est de plus en plus inabordable pour les Canadiens. Les loyers ont doublé dans les 10 plus grandes villes du Canada, les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi élevés depuis 23 ans et la dette des consommateurs atteint des sommets. Près de la moitié des personnes qui ont une hypothèque à taux variable au Canada disent qu'elles vont devoir vendre ou quitter leur maison cette année parce qu'elles ne sont plus en mesure de faire leurs paiements hypothécaires. Rien de ce qui est dit dans le débat d'aujourd'hui ne va aider l'un ou l'autre de ces Canadiens qui ont du mal à joindre les deux bouts.
    Nous jouons le jeu des libéraux aujourd'hui. Nous évitons ces questions en débattant la motion qui nous est présentée et nous nous engageons dans cette crise constitutionnelle fabriquée de toutes pièces pendant que le premier ministre esquive les questions sur l'abordabilité. Il esquive également les questions sur son éthique et celle du gouvernement et sur le flot continu de ministres qui ont enfreint la loi, y compris lui-même.
    Aujourd'hui, alors que nous revivons d'anciens débats, le premier ministre évite de rendre des comptes sur les violations que les membres du gouvernement et lui-même ont commises de façon répétée tout au long de leur mandat, de leurs huit ans au pouvoir, et aussi sur la façon dont ils distribuent des milliards de dollars en contrats de consultation lucratifs à leurs amis bien branchés.
    Pendant que ce débat fait rage, rien ne bouge au sujet de ces dossiers ou de la crise de sécurité publique qui a commencé sous le gouvernement actuel. Les crimes violents sont en hausse de 32 %, les homicides dus aux gangs de plus de 90 %, et les crimes contre les biens et les fraudes ont augmenté eux aussi.
    Le vol de propriété intellectuelle est un autre problème. On le constate avec les lacunes du projet de loi C‑34, dont nous avons débattu hier et qui est incapable de protéger les Canadiens contre les effets des investissements par des sociétés d'État étrangères. Le Canada demeure aussi une destination de choix pour le blanchiment d'argent à l'échelle internationale. Ce sont là des problèmes concrets qui ont une incidence sur les Canadiens dans leur quartier, et c'est exactement le genre de débat que nous devrions avoir.
    Le débat d'aujourd'hui, qui évite tous ces problèmes, est le genre de débat que souhaite le premier ministre. Il souhaite un débat où il peut éviter de parler du fait que le coût de la vie est devenu insupportable sous le gouvernement actuel, et où il peut éviter de rendre des comptes au sujet de son incapacité à offrir des services publics tels que l'émission de passeports ou le traitement des demandes d'immigration, ou n'importe quel service d'immigration. Avec le gouvernement actuel, l'arriéré dans le traitement des demandes d'immigration touche 2,5 millions de personnes.
    Chose certaine, le gouvernement est très heureux de pouvoir parler d'autre chose que des échecs colossaux qui se sont produits sous sa gouverne. Ses députés évitent de parler de la crise des finances publiques qui couve sous l'actuel gouvernement, de la flambée des taux d'intérêt qui va de plus en plus compromettre la capacité du gouvernement à fournir des services de base sans réduire les services ou augmenter les impôts, alors que les coûts du service de la dette grèvent lourdement le budget fédéral.
    Avec la motion d'aujourd'hui, on rate une occasion d'obliger le gouvernement à être meilleur. L'opposition devrait exiger du gouvernement qu'il fasse mieux, par le processus de débat, pour que les meilleures idées aillent de l'avant. Elle devrait mettre le gouvernement au défi et cerner les erreurs qu'il a commises afin qu'il puisse les corriger. C'est ainsi que nous servons nos commettants. C'est ainsi que nous contribuons à tenir les gouvernements responsables et que nous améliorons les services offerts aux Canadiens.
    Je vais m'arrêter là et laisser les députés poser des questions, s'ils en ont.
(1705)
    Madame la Présidente, aujourd'hui, c'est une journée de l'opposition, alors c'est l'opposition qui a choisi de quoi nous allions débattre. À ce sujet, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle, c'est que les conservateurs auront aussi une journée de l'opposition la semaine prochaine. Ce sera l'occasion pour le Parti conservateur d'affirmer toutes sortes de fausses informations.
    La mauvaise nouvelle, c'est qu'en cette journée de l'opposition, nous attendons toujours qu'un député conservateur ait le courage politique d'affirmer que l'emploi préventif de la disposition de dérogation par Doug Ford brime les droits des syndiqués, de milliers d'enseignants, et que c'était une erreur. C'est mon avis.
    Le député sera-t-il le premier conservateur à avoir le courage d'affirmer que Doug Ford est dans l'erreur?
(1710)
    Madame la Présidente, c'est assez particulier d'entendre ce député du Manitoba exiger de moi, député de l'Alberta, que je me prononce sur la politique provinciale de l'Ontario, alors que le gouvernement évite de rendre des comptes sur les enjeux dont il est responsable.
    C'est un parfait exemple du type de diversion auquel se livre le gouvernement. Les députés savent-ils combien de fois des concitoyens m'ont demandé de me prononcer sur le gouvernement Ford? Jamais.
    Mes concitoyens ne m'ont pas envoyé à Ottawa pour m'occuper de ce qui se passe à Queen's Park. Ce n'est pas non plus pour cela que ses concitoyens l'ont envoyé à Ottawa.

[Français]

    Madame la Présidente, j'ai entendu mon collègue dire qu'on avait d'autres choses à faire que de discuter de la disposition de dérogation.
    Cependant, je voudrais lui faire remarquer que la disposition de dérogation permet d'assurer deux choses à la nation québécoise et à l'Assemblée nationale du Québec: la séparation de l'État et de la religion dans le cas de la loi 101, et la pérennité de la langue française dans le cas de la loi 96.
    Pour une nation qui se veut pérenne dans l'histoire, je veux lui laisser la chance de revenir sur ses propos parce que, s'il soutient encore que c'est une perte de temps pour les Québécois, je veux qu'il l'assume politiquement, ainsi que son parti, au Québec.

[Traduction]

    Madame la Présidente, je pense que ce débat est une occasion manquée d'exiger du gouvernement de meilleurs services pour les Canadiens. Il appartient au parti du député et à ses collègues du caucus du Bloc québécois de décider de ce dont ils veulent débattre à la Chambre, mais je maintiendrai ce que j'ai dit, à savoir que nous aurions pu mieux faire valoir nos arguments et, ce faisant, débattre des lacunes du gouvernement et des nombreuses façons dont il a rendu la vie moins abordable pour les Canadiens, nos collectivités moins sûres et nos finances publiques plus mal en point.
    Madame la Présidente, plus tôt, mon collègue a dit qu'il ne souhaitait pas parler de politique ontarienne, du moins certainement pas avec un député du Manitoba. Alors, peut-être voudra-t-il parler de politique albertaine avec une politicienne de l'Alberta.
    Le député trouve ce débat pénible parce que le sujet n'est pas prioritaire pour les citoyens de sa circonscription et l'ensemble des Canadiens.
    Si ce débat n'est pas ce que les Canadiens veulent entendre, le député convient-il que les Albertains tiennent probablement peu à débattre de la loi sur la souveraineté de Danielle Smith, un autre cas où le gouvernement provincial est allé trop loin?
    Que pense-t-il de la loi sur la souveraineté? L'appuie-t-il?
    Madame la Présidente, des élections provinciales se tiendront bientôt en Alberta, et j'invite la députée à s'y porter candidate, car tout ce qu'elle fait ici, c'est soulever des questions qui relèvent de la politique provinciale.
    Nous sommes au Parlement fédéral. Concentrons-nous sur les questions fédérales et laissons cette députée poser sa candidature aux élections provinciales si elle souhaite débattre avec Danielle Smith de la loi sur la souveraineté.

[Français]

    Madame la Présidente, je vais essayer de rester calme parce que j'ai entendu au cours de la journée des arguments qui révèlent vraiment une méconnaissance.
    Lorsqu'une communauté humaine établie sur un même territoire possède une langue, une culture, un patrimoine, lorsqu'elle est animée d'une conscience collective, d'une volonté de durer dans l'histoire et lorsqu'elle s'articule autour d'un projet collectif, on appelle cela une nation.
    Quand la Chambre des communes prétend reconnaître la nation québécoise et que celle-ci, par la voix des élus du peuple qui constitue son Parlement, l'Assemblée nationale, adopte démocratiquement la loi 21 et la loi 96, lorsque la Constitution canadienne dit qu'un Parlement doit être au-dessus des gouvernements, mais que, par un principe de judiciarisation de l'espace politique, les libéraux actuellement à la Chambre manquent de courage et veulent amener le débat devant les tribunaux pour décider à la place du peuple, et lorsque le peuple québécois a décidé aux dernières élections de réélire les 90 députés du gouvernement qui a déposé et fait adopter ces lois, je me demande où est le déficit démocratique.
(1715)
    Comme il est 17 h 15, il est de mon devoir d'interrompre les délibérations et de mettre aux voix sur-le-champ toute question nécessaire à l'expédition des travaux des subsides.
    Le vote porte sur la motion.

[Traduction]

    Si un député d'un parti reconnu présent à la Chambre désire que la motion soit adoptée ou adoptée avec dissidence, ou désire demander un vote par appel nominal, je l'invite à se lever et à l'indiquer à la présidence.

[Français]

    Madame la Présidente, je demande un vote par appel nominal.
    Conformément à l'ordre adopté le jeudi 23 juin 2022, le vote par appel nominal est différé jusqu'au lundi 13 février, à la fin de la période prévue pour les questions orales.

[Traduction]

    Madame la Présidente, je pense que si vous demandez l'opinion de la Chambre, vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour faire comme s'il était 17 h 30.

[Français]

    La Chambre est-elle d'accord?
    Des voix: D'accord.

[Traduction]


Affaires émanant des députés

[Affaires émanant des députés]

[Traduction]

Loi sur l'intégrité du secteur public

     La Chambre reprend l'étude, interrompue le 2 novembre 2022, de la motion portant que le projet de loi C‑290, Loi modifiant la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
    Madame la Présidente, je crois qu'il est important de jeter un bref coup d'œil au résumé du projet de loi C‑290. Il propose d’élargir les protections prévues dans la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles pour y assujettir des catégories additionnelles de fonctionnaires, de permettre qu’une divulgation protégée soit faite à un superviseur, d’ajouter une obligation de prestation de soutien aux divulgateurs et d'abroger les articles de la loi qui empêchent le chevauchement avec d'autres mécanismes de recours et les dispositions qui établissent la norme des actes répréhensibles graves.
    Je tiens à souligner à l'intention des députés l'importance des mesures législatives sur la protection des divulgateurs. J'ai eu l'occasion ici, à Ottawa, dans le passé et à l'Assemblée législative du Manitoba de souligner combien il est important de permettre la divulgation et d'améliorer la loi dans la mesure du possible. Nous savons que le gouvernement travaille avec les parties intéressées sur la façon dont nous pouvons l'améliorer. Ce processus est en cours depuis un certain temps déjà. Je ne connais pas nécessairement tous les détails, mais je sais à quel point il est important de reconnaître ce processus et, à tout le moins, de reconnaître ceux qui ont déployé tant d'efforts pour nous amener au point où nous en sommes aujourd'hui.
    À mon avis, la mesure législative dont nous sommes saisis soulève un certain nombre de préoccupations. Si elle devait passer à la prochaine étape, elle nécessiterait à tout le moins des amendements.
    La fonction publique déploie des efforts phénoménaux à bien des égards. Il n'y a pas si longtemps, nous nous sommes tournés vers les fonctionnaires, au début de la pandémie, pour leur dire qu'il fallait mettre en place des programmes qui viendraient en aide aux Canadiens. Je tiens à souligner tous les efforts qui ont été déployés. Puis, vers la fin de mon intervention, j'expliquerai pourquoi il est important d'avoir des lois sur la protection des dénonciateurs à l'échelle provinciale et nationale. Je vais d'abord rendre à César ce qui appartient à César.
    Au début de la pandémie, il n'y avait rien qui ressemblait à la PCU ou à un programme qui permettait de verser des centaines de millions, voire des milliards de dollars aux Canadiens. En partant pratiquement de zéro, les fonctionnaires ont créé un tel programme. Plus tôt aujourd'hui, nous avons parlé longuement du programme de subvention salariale. C'est encore une fois les fonctionnaires qui ont répondu à l'appel et qui ont établi ce programme. En général, la grande majorité du travail effectué au sein de la fonction publique sert à soutenir les Canadiens sept jours sur sept, 24 heures sur 24.
     Pour illustrer l'efficacité de nos fonctionnaires dans la création des programmes dont je viens de parler, il faut la mettre en perspective: plus de 9 millions de Canadiens ont reçu des prestations, et rien de tout cela n'aurait été possible sans notre fonction publique. Elle a fourni les ressources financières qui étaient nécessaires pour que les gens puissent subvenir à leurs besoins. Nous pouvons aussi parler des dizaines de milliers d'entreprises, dont certaines ont été mentionnées plus tôt aujourd'hui et auprès desquelles l'Agence du revenu du Canada fera un suivi, qui ont bénéficié des efforts des fonctionnaires administrant les programmes et les processus nécessaires pour soutenir les entreprises et protéger les emplois, de sorte que le Canada soit dans une bien meilleure position.
(1720)
    Le député qui a parlé de ce projet de loi avant moi a évoqué la question de l'immigration. Nous avons des fonctionnaires dans le monde entier qui sont là chaque jour pour veiller à ce que notre nation continue de croître et de prospérer grâce à des politiques d'immigration. Au fur et à mesure que l'immigration augmente, ces fonctionnaires sont de plus en plus sollicités et nous leur fournissons les fonds nécessaires.
    Comme nous le savons, tout n'est pas parfait. Il existe des moyens de chercher à améliorer le système. Je veux communiquer quelques statistiques en ce qui concerne les problèmes. Par exemple, de 2007‑2008 à 2021‑2022, il y a eu 161 divulgations internes qui ont mené à un constat d'acte répréhensible et 443 divulgations internes qui ont abouti à des mesures correctives. Le commissaire à l'intégrité du secteur public du Canada a traité 17 cas qui ont mené à un constat d'acte répréhensible et à des mesures correctrices, ainsi que deux cas qui ont mené à des mesures correctrices sans constat d'acte répréhensible. En fait, huit cas ont été renvoyés au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs. Il n'y a eu aucune constatation de représailles. Je pense que c'est vraiment important.
    C'est la raison pour laquelle nous débattons d'un projet de loi sur les dénonciateurs et de la manière dont nous pouvons améliorer la fonction publique. C'est ainsi que je vois les choses en fin de compte: comment pouvons-nous améliorer notre fonction publique de classe mondiale? L'une des façons d'y parvenir, c'est de protéger les fonctionnaires qui sont placés dans une situation où ils ont l'obligation morale ou, parfois, le devoir quasi légal de rapporter quelque chose, de sorte qu'il n'y ait pas de représailles en conséquence directe de cette plainte.
    De 2016 à 2021‑2022, le commissaire à l'intégrité du secteur public du Canada a reçu 505 plaintes relatives à des représailles, ce qui a donné lieu à 62 enquêtes, dont 22 ont été résolues par voie de conciliation. Je pense qu'il est important de souligner que les données n'ont pas été compilées pour les années 2007‑2008 et 2015. Au cours des cinq dernières années, le nombre de nouvelles allégations d'actes répréhensibles faites à l'interne s'est établi en moyenne à environ 269 par année. Au cours des cinq dernières années, le commissaire à l'intégrité du secteur public du Canada a reçu en moyenne 145 divulgations d'actes répréhensibles et 48 plaintes relatives à des représailles.
    Je pourrais continuer à fournir des statistiques, mais je tiens à souligner que nous pensons que les fonctionnaires qui divulguent des actes répréhensibles graves doivent être protégés. Nous le reconnaissons. La Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles contribue à assurer une culture de travail éthique et à soutenir l'intégrité du secteur public fédéral.
    Comme je l'ai dit d'entrée de jeu, en tant que parlementaire, j'ai constaté au fil des années le rendement exceptionnel des fonctionnaires fédéraux et des fonctionnaires des autres ordres de gouvernement. Si l'on compare le Canada dans son ensemble aux autres pays du monde, je pense que nous pouvons en tirer une grande fierté. Je suis heureux d'entendre que le ministère lui-même cherche des moyens d'améliorer le système en intégrant une loi sur la protection des dénonciateurs qui ajoutera une véritable valeur au processus et protégera nos fonctionnaires.
(1725)
    Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui au sujet d'un projet de loi qui, selon moi, aurait dû être adopté depuis longtemps, puisqu'il porte sur un problème auquel j'estime que nous aurions dû nous attaquer depuis longtemps.
    Le projet de loi C‑290 modifierait la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles afin de renforcer les dispositions actuelles sur la protection des fonctionnaires qui dénoncent des actes répréhensibles. C'est une excellente initiative, et je félicite mon collègue d'avoir présenté le projet de loi.
    Comme le parrain de ce projet de loi l'a mentionné dans son discours, même si la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles s'appuie sur de bons principes, elle comporte un certain nombre de lacunes et ce projet de loi vise à y remédier. C'est pourquoi il est important de renforcer ces protections le plus tôt possible. Cependant, à la Chambre des communes, on dirait que seule l'opposition souhaite que ces mesures de protection pour les dénonciateurs soient mises en place rapidement.
    Après cinq ans à ne pas donner suite à des recommandations bien formulées en matière de protection des dénonciateurs, le gouvernement veut maintenant consacrer plus de temps ainsi que des millions de dollars à l'étude de telles mesures. Les libéraux pourraient même décider de retenir les services d'une société d'experts-conseils externe pour qu'elle lui dise quoi faire. Nous ne pouvons tout simplement plus attendre.
    Les mesures de protection offertes sont essentielles au bon fonctionnement du gouvernement. Si les fonctionnaires craignent de sonner l'alarme, la corruption et le gaspillage de fonds publics se généralisent. L'absence de telles mesures de protection crée une culture de peur: les fonctionnaires craignent de subir des représailles s'ils signalent leurs préoccupations à propos de gestes posés par le gouvernement.
    C'est souvent grâce à des fonctionnaires que le public prend connaissance de gestes répréhensibles du gouvernement. À titre d'exemple, au début de l'année, quand la CBC/Radio-Canada a fourni dans un article des détails à propos des contrats octroyés à McKinsey, deux employés occupant des fonctions importantes à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada étaient cités. Ils ont parlé des enjeux entourant les contrats accordés à McKinsey et de leurs préoccupations, sous le couvert de l'anonymat.
    Si le système avait pu les protéger et leur permettre de soulever leurs préoccupations plus tôt, nous ne serions peut-être pas dans la situation actuelle, alors que les contrats confiés à McKinsey par le gouvernement dépassent les 100 millions de dollars. C'est pourquoi il faut voir à ce que les dénonciateurs bénéficient de solides protections. Le projet de loi renforcerait ces protections de plusieurs façons.
    Le projet de loi C‑290 vise à élargir la définition de ce qu’on entend par actes répréhensibles. En outre, la notion de superviseur serait élargie de manière à ce que les fonctionnaires puissent faire une divulgation à n'importe quel supérieur au sein de leur organisation. Cela permettrait aux fonctionnaires de s'adresser à tout supérieur en qui ils ont confiance pour exprimer leurs inquiétudes. Ainsi, les fonctionnaires pourraient être plus à l'aise de se confier en sachant qu'ils peuvent le faire auprès d'un supérieur de confiance autre que leur superviseur immédiat.
    Le projet de loi propose également de prolonger la période durant laquelle une plainte en matière de représailles peut être déposée, la faisant passer de 60 jours à une année. En donnant aux fonctionnaires plus de temps pour déposer leur plainte, on s'assurerait d'avoir largement le temps pour cerner et sanctionner les mesures de représailles. Il est important que les inquiétudes des fonctionnaires soient entendues et que les personnes fautives soient punies, faute de quoi on risque d'avoir des récidives.
    Le projet de loi prévoit aussi les sanctions en cas de représailles à l'encontre des divulgateurs et les mesures de protection à l'égard de ces derniers. L'augmentation significative des sanctions pécuniaires en cas de représailles aurait un effet dissuasif sur les personnes fautives qui tenteraient de punir ou de réduire au silence les divulgateurs. Ces sanctions plus sévères auraient sans aucun doute un puissant effet dissuasif contre les représailles.
     Le projet de loi prévoit aussi la prise de mesures de réparation à l'égard d'un divulgateur ayant subi des représailles. C'est une mesure importante parce que le divulgateur pourrait non seulement obtenir réparation s'il a subi des représailles, mais aussi être indemnisé d'une certaine façon pour les représailles subies et les conséquences qui en ont découlé. De surcroît, en obligeant les supérieurs à protéger et à offrir du soutien aux fonctionnaires divulgateurs, les divulgateurs pourraient avoir l'assurance que c'est ce qui se produirait lors de leur divulgation.
    Le dernier élément du projet de loi dont je veux parler est l'exigence de mener un examen législatif quinquennal. Je suis certain que les députés ministériels accueilleront cet ajout avec enthousiasme, compte tenu de l'empressement qu'ils viennent de manifester pour examiner le projet de loi.
(1730)
    Bien entendu, nous avons constaté que si nous n'y accordons pas une attention particulière, les lacunes de la loi sont exploitées. Comme les députés s'en souviennent peut-être, la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles a été adoptée en 2006 sous le gouvernement conservateur précédent. Cette mesure législative découlait du scandale libéral des commandites. Au cours des dernières années, nous avons pu constater que les protections dont bénéficient actuellement les divulgateurs ne sont pas suffisantes.
    Comme l'a déclaré le parrain de ce projet de loi dans son intervention, nous pouvons probablement compter sur les doigts de nos deux mains le nombre de personnes qui ont effectivement bénéficié de mesures de protection dans le cadre du régime actuel. Nous devons en faire plus. Sachant que le premier ministre et le Cabinet ont été reconnus coupables de cinq manquements à l'éthique — un record —, nous devons plus que jamais compter sur les divulgateurs pour mettre en lumière les agissements douteux et contraires à l'éthique du gouvernement en coulisses.
    On n'a qu'à se rappeler la façon dont le premier ministre a traité son ancienne ministre de la Justice lorsqu'elle a cherché à défendre l'intégrité de sa charge. Elle a été rapidement mise à la porte. Si un ministre ne peut être protégé, comment pouvons-nous nous attendre à ce que les fonctionnaires manifestent leurs préoccupations? Ce projet de loi constitue un premier pas vers le renforcement des mesures de protection des divulgateurs. Espérons que le gouvernement mettra pleinement en œuvre l'ensemble des recommandations formulées par le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires en 2017.
    Les conservateurs ont toujours été en faveur de solides mesures de protection à l'égard des dénonciateurs. C'est pourquoi nous appuyons ce projet de loi, tout comme nous avions appuyé, en 2017, les recommandations suivantes du comité des opérations gouvernementales: élargir les définitions de l’expression « acte répréhensible » et du terme « représailles » ainsi que modifier la définition de l’expression « divulgation protégée » prévues dans la loi; modifier la loi pour protéger et soutenir les divulgateurs et prévenir les représailles contre ceux-ci; dans les cas de représailles, renverser le fardeau de la preuve en le faisant porter à l’employeur plutôt qu’au divulgateur; fournir, au besoin, des conseils juridiques ou sur la procédure aux fonctionnaires qui veulent divulguer des actes répréhensibles ou déposer une plainte en matière de représailles; incorporer dans la loi des dispositions relatives à la confidentialité de l’identité des témoins; octroyer au Commissariat à l’intégrité du secteur public des responsabilités en matière de formation, d’éducation et de supervision du mécanisme de divulgation interne; et enfin, instaurer le signalement obligatoire et en temps opportun des activités de divulgation.
    Comme l'a dit l'automne dernier ma collègue ministre du cabinet fantôme responsable du Conseil du Trésor:
    Les conservateurs ont longtemps défendu les dénonciateurs, d’abord avec la création de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, sous le premier ministre Stephen Harper, ainsi que des réformes visant à renforcer la loi incluses dans nos plateformes de 2019 et de 2021. Comme le gouvernement libéral ne donne pas la priorité à ces importantes protections, nous poursuivrons notre travail pour défendre les fonctionnaires et protéger les dénonciateurs.
    J'espère que toutes les recommandations seront mises en œuvre le plus tôt possible. Le projet de loi marque un excellent début, je crois. J'espère que les députés libéraux l'appuieront. Sinon, nous devrons nous demander pourquoi ils ne souhaitent pas que les fonctionnaires signalent leurs préoccupations à propos de gestes du gouvernement.
(1735)
    Madame la Présidente, c'est un plaisir de prendre la parole ce soir pour appuyer le renvoi de ce projet de loi à un comité. La protection des divulgateurs est indéniablement un enjeu sérieux et important. C'est l'une des rares voies par lesquelles les Canadiens peuvent être informés d'inconduites, voire d'infractions aux règles et de comportements contraires à l'éthique qui surviennent au sein du gouvernement. Il est de notoriété publique que le régime canadien de protection des dénonciateurs doit être amélioré.
    En 2021, l'Association internationale du barreau a mené une étude portant sur une cinquantaine de pays, et le Canada s'est classé en dernière place à la suite de l'évaluation de son régime de protection des divulgateurs. C'est un résultat auquel nous ne pouvons pas rester indifférents. Pendant la 42e législature, ma première en tant que députée, le gouvernement actuel a finalement mené une étude relativement approfondie de la loi concernant la protection des dénonciateurs, qu'il s'était engagé à améliorer. Cette étude a mené à plusieurs recommandations qui n'ont toutefois pas été mises en œuvre.
    Notre régime de protection des divulgateurs n'est pas aussi solide qu'il devrait l'être, ni aussi solide que les Canadiens l'imaginent, oserais-je dire. C'est un fait établi, qui a été reconnu dans de nombreux forums tant au Canada qu'à l'échelle internationale.
    S'il faut parler des empêcheurs de tourner en rond, comme certains ont l'habitude de faire à la Chambre, un des éléments importants pour créer plus de responsabilité pour ces empêcheurs de tourner en rond est de s'assurer que leurs subordonnés soient en mesure de cerner les situations où ils ne font pas ce qu'ils devraient faire, où ils ne travaillent pas dans l'intérêt de la population — alors qu'ils ont juré de le faire —, où leurs maîtres politiques ne le font pas non plus. Dans ces situations, il est effectivement très important que de telles mesures de protection soient en place.
    Évidemment, le chef du Parti conservateur aime beaucoup parler des empêcheurs de tourner en rond et de son désir de protéger les Canadiens contre ces derniers, mais c'est en fait lui, lorsqu'il était ministre en 2006, qui a présenté un projet de loi vivement critiqué en tant que très mauvaise mesure de protection des divulgateurs au sein de la fonction publique canadienne. Les Canadiens devraient se demander ce qui arrivera si la personne qui a réussi à concevoir le pire système de protection des divulgateurs au monde, du moins parmi les 50 pays examinés par l'Association internationale du barreau, accède au poste de premier ministre et essaie de s'attaquer aux empêcheurs de tourner en rond.
    On remarque qu'il dit vouloir tenir tête aux empêcheurs de tourner en rond dans d'autres domaines également, comme le logement. Il prétend que le seul problème, ce sont les administrations municipales, et que si nous pouvions les amener à approuver les demandes de permis plus rapidement, nous résoudrions la crise du logement. Il ne parle aucunement des géants du secteur privé qui réalisent des milliards de dollars de profits grâce à la financiarisation du marché canadien de l'habitation ni du genre de choses que nous pourrions faire pour qu'il soit moins lucratif pour ces grandes sociétés de recourir à la rénoviction, qui jette les locataires à la rue.
    Il ne parle pas non plus de tout des acteurs du secteur privé qui, dans l'économie, agissent comme des empêcheurs de tourner en rond. Il ne voit qu'un aspect du problème: le gouvernement. Parfois, il est vrai que c'est le gouvernement qui nuit. Les empêcheurs de tourner en rond gouvernementaux existent. Dans l'exemple que j'ai donné, le ministre avait l'occasion de régler un problème, mais au lieu de le faire, il a conçu l'un des pires régimes qui soient pour exiger des comptes de la part empêcheurs de tourner en rond. Je tenais simplement à mentionner aux Canadiens des faits importants qui appartiennent au bilan du chef de l’opposition officielle et que ce projet de loi me ramène à l'esprit comme il les ramène peut-être aussi à l'esprit d'autres députés.
    Je m'écarte toutefois du sujet. Il importe aussi de parler du bilan du gouvernement en ce qui concerne la dénonciation. Après tout, à un certain moment, le premier ministre a dit qu'il se souciait de cette question et qu'il était conscient des lacunes dans le régime canadien pour protéger les dénonciateurs. Ensuite, une fois de plus, il n'a pas donné suite à ses engagements en vue d'améliorer le régime.
    Nous en sommes là. Un sujet brûlant revient souvent à la Chambre ces jours-ci, et à juste titre: les énormes contrats qui sont accordés par le gouvernement fédéral à des cabinets comme McKinsey, et j'ajouterais à cette liste des entreprises comme Deloitte, KPMG et d'autres — j'aimerais bien que mes collègues conservateurs fassent de même plus souvent.
    Comment peut-on être informé d'un contrat d'une durée 80 ans, un contrat qui vient à échéance en 2100, qui est accordé sans appel d'offres et qui n'est pas une bonne utilisation des fonds des contribuables canadiens, mais qui ne fait que rediriger vers une entreprise privée l'argent qui devrait servir à une fonction publique efficace, bien formée et bien soutenue? Nous pourrions nous attendre à ce qu'une personne chargée de gérer ce contrat le dénonce, mais nous ne pouvons pas avoir accès à ce type d'information si les gens craignent de ne pas être bien protégés en nous la révélant.
(1740)
    Je pense que certains sujets d'actualité abordés ici, à la Chambre des communes, font ressortir l'importance de pouvoir obtenir de bons renseignements de la part des fonctionnaires en leur offrant la protection qu'ils méritent lorsqu'ils constatent, dans leur lieu de travail, que leurs supérieurs dans la fonction publique ou leurs maîtres politiques n'agissent pas dans l'intérêt du public et font des choses qui devraient à juste titre être examinées dans cette enceinte, dans les médias et dans tous les autres forums qui comptent si nous voulons une démocratie qui fonctionne bien.
    Nous pourrions également nous attendre, franchement, à un peu plus de respect envers les fonctionnaires. Nous parlons aujourd'hui de dénonciation, mais un autre aspect important est lié au dossier McKinsey, Deloitte, KPMG et PricewaterhouseCoopers. Le gouvernement, qui dit vraiment apprécier les fonctionnaires et le travail qu'ils ont accompli au cours de la pandémie et qu'il continuera de l'apprécier, n'est pas de bonne foi lorsqu'il se présente à la table pour négocier avec ces travailleurs qu'il est prêt à encenser dans cette enceinte. Lorsqu'ils retournent dans leurs bureaux ministériels et que le moment est venu de passer à l'action et d'honorer ces paroles dans le cadre du processus de négociation collective, le gouvernement se défile.
    Les membres de l'Alliance de la fonction publique du Canada qui travaillent au centre fiscal de la circonscription que je représente, Elmwood-Transcona, sont sans contrat depuis deux ans maintenant. Comme le gouvernement ne veut pas se présenter pour discuter de l'offre qu'ils ont mise sur la table, les travailleurs envisagent la grève. En quoi cela reflète-t-il l'engagement de respecter la fonction publique que le gouvernement a pris en 2015, alors qu'il parlait aussi d'améliorer la protection des dénonciateurs? Cela ne le reflète pas.
    Comment le gouvernement ose-t-il prétendre à la table des négociations qu'il n'a pas d'argent pour payer les fonctionnaires à leur juste valeur alors qu'il couvre d'or des sociétés comme McKinsey, Deloitte, KPMG et PricewaterhouseCoopers pour faire un travail qui revient à la fonction publique? C'est hallucinant.
    Le régime de protection des dénonciateurs est toujours inadéquat, et ce n'est qu'une autre façon dont le gouvernement, qui dit vouloir traiter les travailleurs avec respect, continue de leur manquer énormément de respect. On leur manque de respect en ne leur accordant pas les protections nécessaires pour qu'ils puissent dénoncer des problèmes en milieu de travail. On leur manque de respect en refusant de négocier de bonne foi à la table des négociations. On leur manque de respect tandis qu'on paie des milliards de dollars à des experts-conseils du secteur privé pour faire le travail pour lequel les fonctionnaires ont été engagés. Le gouvernement dit ensuite qu'il ne peut pas investir dans la fonction publique, mais c'est de la foutaise, puisqu'il a l'argent nécessaire; il choisit simplement de le dépenser autrement.
    Je serai heureux de voter pour le renvoi de ce projet de loi à un comité, non seulement parce qu'il vise à améliorer les mesures de protection pour les dénonciateurs au Canada, ce qu'on aurait dû faire depuis longtemps, mais aussi parce que cela s'inscrit dans l'objectif plus vaste de faire preuve de respect envers les fonctionnaires, car, comme d'autres l'ont dit dans cette enceinte, ils ont offert des services exceptionnels aux Canadiens en mettant en œuvre les programmes dont la population avait besoin de toute urgence pendant la pandémie. Dans bien des cas, ils ont dû le faire à partir de chez eux tout en s'occupant des enfants qui n'étaient pas à l'école, pendant que leurs conjoints travaillaient aussi à la maison. C'était une situation éprouvante, et comme nous, bon nombre d'entre eux sont restés marqués par cette expérience.
    Le manque de respect dont le gouvernement fédéral fait preuve en ne se présentant pas à la table des négociations et en ne donnant pas aux dénonciateurs la protection qu'ils méritent ne fait qu'exacerber la situation et miner le moral à un moment où l'État peine à fournir des services de base. Pendant ce temps, nous découvrons que le gouvernement a beaucoup d'argent pour payer ses amis du secteur privé afin qu'ils fassent le travail des fonctionnaires.
    C'est pourquoi je suis très heureux de voter pour le renvoi du projet de loi au comité, où, je l'espère, les dispositions sur les dénonciations seront étudiées plus en détail.
(1745)

[Français]

    Madame la Présidente, quel beau projet de loi.
    Je me suis demandé qui était le député qui avait eu cette idée de génie, puis j'ai constaté que c'était le député de Mirabel, un député inspirant. Comment lui est venue cette idée de génie?
    Souvent, des gens nous accusent malheureusement à tort de chercher la chicane; pourtant nous avons tout le temps plein de solutions à offrir. Le député de Mirabel a eu cette idée fantastique de déposer un projet de loi sur les divulgateurs, en parlant à des gens qui avaient, comme le dit un des sosies du député de Mirabel, des choses à nous dire. Qui écoute Infoman à l'occasion saura de quoi je parle.
    C'est donc en parlant à des gens qui avaient des choses à nous dire et qui malheureusement se sentaient peut-être mal à l'aise de dire ces choses-là que lui est venue la fantastique idée de déposer ce projet de loi. Je sais qu'il n'a ménagé aucun effort pour faire cheminer son idée. Aujourd'hui, on se retrouve devant quelque chose qui est assez consensuel. J'ai l'impression que les collègues du NPD, les collègues libéraux et nos amis conservateurs seront en faveur de cela, ce qui fait la démonstration que, quand on a de bonnes idées, ce qui arrive souvent au Bloc québécois, on peut fédérer les gens. Arriver à faire changer les choses, c'est fantastique.
    Les fleurs sont lancées. Essayons maintenant d'amener le pot.
    Seule une personne qui est à l'intérieur de l'appareil de l'État est à même de constater les malversations, les actes illégaux, les cas d'abus de pouvoir, qui sont, il faut le dire, encore fréquents, ou pire l'ingérence politique qui arrive souvent dans des décisions qui devraient relever uniquement de la fonction publique et non de la partisanerie. Cela suppose qu'on est obligé de vivre avec le fait que les fonctionnaires sont souvent, derrière les portes closes, les yeux de la population. Le principe premier de la démocratie, c'est de pouvoir avoir de l'information pour prendre des décisions. Si, des fois, il y a des coches mal taillées et qu'on ne peut pas avoir cette information-là, c'est la démocratie qui en souffre.
    Ce qui est contradictoire, en disant que les fonctionnaires sont les yeux de la démocratie lorsqu'elle se joue derrière des portes closes, c'est qu'il y a un autre principe assez important pour les fonctionnaires, qui est le devoir de réserve. On sait qu'ils ont l'obligation d'obéir à une hiérarchie, que la loyauté et l'allégeance à l'autorité ne peuvent pas être remises en question et que la discrétion est nécessaire. On demande aux fonctionnaires la neutralité politique. Cela fait partie de leur devoir de réserve, leur honnêteté, leur impartialité, l'absence de conflit d'intérêts.
    Tous ces principes fort essentiels ne sont pas remis en cause dans le projet de loi que dépose mon collègue. Ce qui est remis en cause, c'est le moment où le bien public est paralysé par l'exercice de la réserve que doivent avoir les fonctionnaires et par l'application de la réserve des fonctionnaires à des fins parfois discutables pour pouvoir camoufler des actions répréhensibles.
    Ce projet de loi arrive à un très bon moment. Si on regarde le contexte actuel, on voit arriver dans la politique fédérale un phénomène qui existait peut-être auparavant, mais qui prend une ampleur quand même assez importante. C'est celui d'une entreprise privée qui vient se substituer à l'État. On voit tout de suite où je veux aller.
    Je pense entre autres à McKinsey, une entreprise privée qui se substitue à l'État et qui vient définir des politiques d'État. Là, on n'est plus dans l'idée de conseils stratégiques, on n'est plus dans l'idée d'expertise qu'on va chercher à l'extérieur. On est purement et simplement dans une entreprise privée qui se substitue à notre devoir. Si on avait de bons politiciens — je peux m'adresser la critique aussi —, ils seraient en mesure de présenter des projets de loi et des orientations intéressantes pour l'administration et qui nous feraient avancer. Aujourd'hui, l'appareil de l'État tente de laisser de côté les initiatives du politique, les initiatives des fonctionnaires, pour avoir recours à des firmes privées.
(1750)
    C'est assez préoccupant, notamment en matière d'immigration. Personnellement, j'avoue que l'Initiative du Siècle me fait peur.
    Il y a des gens qui nous parlent de cela. Il y a des fonctionnaires qui reçoivent et qui voient arriver ces plans de communication ou ces idées de développement et qui se disent que c'est complètement inapplicable à leur réalité, alors que ce sont eux qui connaissent le mieux le fonctionnement de leur ministère. Pourtant, on investit des sommes folles là-dedans et dans ces consultants.
    Bien entendu, ces gens peuvent être écoutés par leur hiérarchie et ont des moyens à leur disposition, mais lorsque l'intensité devient trop grande et si la chose va à l'encontre du bien commun, ils doivent avoir la possibilité d'alerter la population et les médias pour leur en faire part.
     C'est ce que fait le projet de loi de mon collègue de Mirabel, un projet de loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles. Il a deux objectifs quand même assez simples, mais qui peuvent avoir des effets non négligeables. Le premier objectif est de protéger les fonctionnaires qui dénoncent les actes répréhensibles dans la gestion de l'État, ce qui peut prendre plusieurs formes. Le deuxième objectif est de mettre en place un processus d'enquête sur ces actes répréhensibles afin de contribuer à y mettre fin.
    La loi créerait en quelque sorte un mécanisme par lequel un fonctionnaire pourrait dénoncer des actes répréhensibles et verrait son anonymat protégé. Il serait mis à l'abri de représailles comme le congédiement et la rétrogradation. Même des firmes externes recevant des contrats du gouvernement pourraient être couvertes et protégées du non-renouvellement de leur contrat. C'est donc intéressant.
    En pensant à cela aujourd'hui, je me suis demandé pourquoi ne pas regarder les actions fort discutables, voire litigieuses, entreprises par le gouvernement dans le passé et pour lesquelles ce projet de loi nous aurait peut-être permis d'avoir davantage d'informations.
    Puisque je suis souverainiste et qu'on ne se refait pas, le premier cas qui me vient en tête est le scandale des commandites. Allan Cutler, qui était le fameux « Ma Chouette » et qui travaillait au ministère des Travaux publics en 1995 quand il a sonné l'alarme et a commencé à communiquer avec des journalistes, a été rétrogradé cette même année.
     Si on y regarde bien, et même si le terme est vulgaire, l'objectif du programme des commandites était de graisser la patte d'amis avec des subventions généreuses, tout en essayant de mettre des bâtons dans les roues des souverainistes en essayant de développer davantage l'image du Canada. Ce scandale qui a été mis au jour a mené à la rétrogradation d'un fonctionnaire en 1995, ce dont le présent projet de loi l'aurait protégé.
    Je pense aussi aux fonctionnaires Shiv Chopra, Margaret Haydon et Gérard Lambert, qui avaient dénoncé les menaces à la santé associées à l'hormone de croissance bovine et aux mesures insuffisantes du gouvernement pour prévenir la maladie de la vache folle. En 2004, tous ces fonctionnaires ont été congédiés parce qu'ils avaient eu l'audace et le courage de dénoncer une situation qui aurait pu avoir des effets considérables sur la santé publique.
    Je pense aussi à la fonctionnaire Sylvie Therrien, qui était impliquée dans l'affaire des quotas d'assurance-emploi. On se rappelle qu'en 2013, le gouvernement conservateur avait imposé des quotas aux agents de l'assurance-emploi pour débusquer les « chômeurs récurrents ». Cette dame a elle aussi subi les foudres du gouvernement parce qu'elle était bien intentionnée et voulait soulever une question d'ordre public qui rendait son travail fort discutable.
    Je pense aussi au Centre for Free Expression de l'Université de Toronto, où on nous disait que le scandale Phénix aurait probablement explosé au grand jour parce que plusieurs personnes voulaient être entendues. Or, ces gens avaient encore une fois peur de subir les foudres de l'administration publique et sont restés cois.
    On pourrait dire la même chose pour ce qui est du gouvernement du Québec.
(1755)
    Je finirais en disant qu'il était grand temps qu'un pareil projet de loi soit déposé. Si je me fie à l'Association internationale du barreau qui a compilé 50 lois qui protègent les dénonciateurs, dans un rapport qu'elle a...
    Je suis vraiment désolée, mais le temps de parole du député est dépassé de beaucoup.
    L'honorable député de Mirabel dispose de cinq minutes pour son droit de réplique.
    Madame la Présidente, d'abord, j'aimerais remercier mes collègues de tous les partis d'avoir pris le temps de considérer la mesure législative que j'ai portée à leur attention. Il y a eu des commentaires constructifs et positifs dans absolument tous les cas. Cela nourrit beaucoup d'espoir chez moi. J'ai bien cet espoir de voir ce projet de loi étudié de façon non partisane, de façon constructive également en comité.
    Ceux qu'il faut écouter, ce ne sont pas les députés, ce n'est certainement pas le député de Mirabel. Ceux qu'il faut écouter, ce sont d'abord les fonctionnaires, la fonction publique, ceux qui travaillent au sein de la machine d'État et qui sentent ce besoin d'être davantage protégés, même dans le cadre du régime de protection actuel.
    Tout à l'heure, le secrétaire parlementaire disait qu'il n'y a pas beaucoup de représailles. Certaines personnes me parlent de représailles, de rétrogradations et de menaces au sein de la fonction publique. Ces gens pensent qu'ils ont besoin d'être davantage protégés. C'est pour cela que je me tiens debout devant mes collègues et devant la Chambre aujourd'hui.
    Ceux qu'on doit écouter, c'est l'Association du Barreau canadien, les syndicats, les anciens lanceurs d'alerte, les témoins de toutes allégeances confondues qui sont venus par dizaines témoigner au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires il y a déjà plusieurs années. Aucune des recommandations du rapport n'a été, à ce jour, appliquée.
    C'est l'Organisation internationale du travail qui nous rappelle l'importance d'avoir un régime plus efficace pour nos lanceurs d'alerte. Ce sont les chroniqueurs et les journalistes qui s'intéressent à ce dossier depuis des années, qui nous disent que le temps est venu d'agir et non de consulter davantage avant d'agir. Évidemment, on peut consulter. La route vers l'excellence est un processus continu qui ne doit cependant pas être entravé par davantage de consultations.
    Si on avait parlé avec les lanceurs d'alerte qui m'ont contacté et qui sont la raison même du dépôt de ce projet de loi, on constaterait que ce qu'il faut écouter aujourd'hui c'est le bon sens et le bon sens qui est porté par ce rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, dont beaucoup de recommandations se retrouvent dans ce projet de loi.
    Essentiellement, on offre une protection pour davantage de fonctionnaires, pour des contractuels, pour d'anciens fonctionnaires. On offre davantage d'anonymat pour ceux qui portent plainte, mais aussi pour les témoins. Lorsqu'on est appelé à témoigner, lorsqu'on a constaté, au même titre qu'un plaignant, des irrégularités, on n'est pas protégé dans le cadre de la loi actuelle. Il faut pouvoir confier certaines enquêtes au vérificateur ou à la vérificatrice générale. On le sait, son travail est fondamental pour l'évaluation des plaintes.
    C'est par le travail de la vérificatrice générale Sheila Fraser à l'époque qu'on a déniché le scandale des commandites. C'est pour éviter davantage de représailles, pour réécrire et élargir la définition d'acte répréhensible et pour donner davantage de temps et davantage de moyens aux fonctionnaires qui veulent faire leur devoir en toute quiétude, en toute honnêteté et en toute loyauté envers l'appareil d'État, qu'ils et elles doivent servir d'abord, que nous travaillons aujourd'hui.
    J'ai eu des signaux positifs de la part du gouvernement. Évidemment, j'ai eu des signaux plus que positifs de la part des deux partis de l'opposition qui m'accompagnent ici aujourd'hui et je note que la ministre, au moment du dépôt de mon projet de loi, a lancé une ronde de consultations pour éventuellement modifier la loi. Cela impliquerait des délais importants avant de pouvoir bonifier un régime qui peut être bonifié aujourd'hui. J'espère que ces consultations, qui sont les bienvenues, ne viendront pas entraver le processus qui mènera à l'amendement et à l'adoption de ce projet de loi.
    En conclusion, j'aimerais rappeler que, évidemment, une loi sur les fonctionnaires divulgateurs, c'est un peu comme un petit pansement sur un bobo. Cela ne se substitue pas, à long terme, à un changement de culture profonde dans certains ministères, dans certaines sociétés d'État et dans certains organismes d'État qui ont besoin de changer de façon plus profonde leur façon de faire. J'espère que l'entrée en vigueur éventuelle de ce projet de loi les aidera à cheminer vers des changements de culture qui sont, dans certains cas plus que d'autres, extrêmement nécessaires.
(1800)
    Le vote porte sur la motion.
    Si un député d'un parti reconnu présent à la Chambre désire que la motion soit adoptée ou adoptée avec dissidence, ou désire demander un vote par appel nominal, je l'invite à se lever et à l'indiquer à la présidence.
    Madame la Présidente, je demande un vote par appel nominal.

[Traduction]

     Conformément à l'ordre adopté le jeudi 23 juin 2022, le vote par appel nominal est reporté au mercredi 15 février, à la fin de la période prévue pour les questions orales.

Motion d'ajournement

[Motion d'ajournement]

     L'ajournement de la Chambre est proposé d'office conformément à l'article 38 du Règlement.

[Traduction]

L'infrastructure

    Madame la Présidente, j'ai bon espoir que le débat de ce soir portant sur une question posée précédemment à la Chambre fera l'objet d'une réponse du représentant concerné de Patrimoine canadien, et non d'Affaires intergouvernementales.
    Il est probablement difficile d'être cohérent et compréhensif lorsque la question ne concerne pas son ministère. Quoi qu'il en soit, je tiens à poser de nouveau ce que je pensais être au départ une question très simple sur un sujet qui préoccupe profondément de nombreux habitants de Spadina—Fort York, et qui représente aussi, comme le dit l'un de mes concitoyens, une perte pour notre collectivité, les habitants de la région du Grand Toronto et les entreprises situées dans le secteur riverain et à proximité.
    Le 21 août 2021, le gouvernement fédéral a annoncé un investissement de 20 millions de dollars pour effectuer des réparations urgentes et des travaux de mise à niveau au Harbourfront Centre, à Toronto. Le raisonnement était le suivant: améliorer les infrastructures culturelles et communautaires permet de bâtir des collectivités fortes, dynamiques et prospères. Toutefois, ces nobles objectifs ne se sont pas concrétisés.
    Le problème tient en partie au fait que, après avoir obtenu les fonds, le Harbourfront Centre a négligé d'obtenir l'avis des habitants, qui auraient bien voulu qu'ils soient utilisés à bon escient pour revitaliser le centre afin qu'il puisse continuer à offrir les services et les loisirs de grande qualité qui attirent plus de 5 millions de visiteurs par année.
    Pendant les mois d'hiver, la patinoire du Harbourfront Centre attire beaucoup de monde. Depuis des décennies, elle est devenue une attraction dynamique au cœur de notre collectivité. Toutefois, les députés ne sont pas obligés de me croire sur parole. J'ai récemment organisé une assemblée publique sur le dossier du Harbourfront Centre, et voici quelques remarques que mes concitoyens ont faites au sujet de la patinoire et de l'absence de consultation publique.
    Tracy m'a dit que ses quatre enfants aimaient patiner là‑bas. Elle a ajouté que c'est une activité d'hiver gratuite et très divertissante. Elle croit — et je la cite — qu'il est « scandaleux » que le Harbourfront Centre n'ait même pas consulté les habitants de la collectivité. Elle a même demandé si la décision de fermer la patinoire découlait « d'ententes louches conclues en coulisses ».
    Renata aimerait rappeler au gouvernement que « le centre‑ville de Toronto ne possède pas assez de parcs et n'offre pas suffisamment d'activités récréatives aux familles durant l'hiver ». Elle l'implore d'agir pour que cette « institution bien‑aimée » demeure ouverte.
    Joan a décrit la patinoire comme le cœur de la collectivité.
    Joe n'a pas mâché ses mots. Il aimerait que le gouvernement sache qu'il « n'apprécie pas le fait que de gros goinfres nommés par le gouvernement font tout ce qu'ils veulent pour aider les grandes sociétés à obtenir tout ce qu'elles souhaitent ».
     Gordon Moores voulait que ses remarques lui soient entièrement attribuées. Gordon est consterné par cette décision inadmissible et par le fait qu'elle a été prise sans consultation. Il aimerait que le gouvernement sache que lorsque sa conjointe a reçu un diagnostic de cancer, l'une des toutes premières choses qu'ils ont faites le jour même a été d'aller patiner sur la patinoire du Harbourfront Centre.
    La patinoire du Harbourfront Centre était le cœur de notre communauté, le cœur de notre ville. C'était le seul endroit où les gens de tout Toronto et de toute la région du Grand Toronto pouvaient réellement patiner sur les bords du lac Ontario. C'est quelque chose que de nombreux habitants et de nombreux visiteurs font depuis des générations.
    Ma question à mon collègue est la suivante. Est-il d'accord pour que le gouvernement donne 20 millions de dollars de deniers publics sans vraiment consulter le public?
(1805)
     Madame la Présidente, le début du discours du député au sujet du ministre de l’Infrastructure était vraiment fallacieux, et il a ensuite posé une question sur l'infrastructure. Cependant, je suppose que ce n'est pas surprenant étant donné sa candidature peu sincère et le peu de renseignements qu'il a communiqués aux habitants de sa circonscription pendant la campagne électorale. Je pense que les gens qu'il représente seraient très surpris de découvrir ce qu'il leur a caché et ce qu'il continue de leur cacher.
    Le Harbourfront Centre, comme le sait le député, est un organisme culturel indépendant à but non lucratif qui offre une programmation de renommée internationale dans les domaines des arts, de l'éducation et des loisirs, le tout dans un ensemble de lieux distinctifs au cœur du secteur riverain du centre-ville de Toronto. Cet organisme a un effet social et culturel important. Plus de 4 000 événements ont lieu chaque année à Harbourfront, dont bon nombre sont offerts gratuitement au public. On estime que près de 5 millions de personnes visitent le Harbourfront Centre chaque année.
    Cet établissement travaille avec des centaines d'intervenants et d'organisations communautaires pour proposer des événements et des festivals reflétant la diversité de la société canadienne. Il n'y a pas si longtemps, j'ai eu l'occasion de me rendre au Harbourfront Centre et de participer à un échange culturel nordique. Chaque année, on y engage plus de 1 000 artistes professionnels des quatre coins du monde, représentant diverses disciplines artistiques et de communication. À ce titre, l'investissement dans le Harbourfront Centre favorise l'accès aux arts, à la culture et aux loisirs, en plus de mettre en valeur la diversité et la richesse de la vie au Canada.
    Le gouvernement du Canada entretient une relation de longue date avec le Harbourfront Centre et il fournit un financement et un soutien annuels pour ses opérations et ses installations. Le Harbourfront Centre est situé sur un terrain de 10 acres dans le secteur riverain de Toronto, et il constitue une destination importante pour les Torontois et les visiteurs. Ses installations comprennent quatre théâtres, un amphithéâtre extérieur, la galerie d'art contemporain The Power Plant, les Harbourfront Craft and Design Studios, le Bill Boyle Artport et plusieurs autres aires d'exposition, ainsi que des marinas, des quais, des restaurants et de nombreux autres espaces intérieurs et extérieurs.
    Une grande partie du Harbourfront Centre a été réaménagée à partir d'un espace industriel datant de bien avant sa création. L'infrastructure vieillissante constitue un défi pour l'organisme et nécessite des investissements importants.
    Les organismes du secteur culturel, notamment le Harbourfront Centre, ont été durement touchés par la pandémie. Le budget de 2021 prévoyait un investissement de 500 millions de dollars sur deux ans pour le Fonds de relance pour les secteurs des arts, de la culture, du patrimoine et du sport, et le Fonds de réouverture, afin d'aider le secteur à retrouver son dynamisme d'avant la pandémie. Une part importante de ces fonds a été investie dans le secteur des arts du spectacle, des festivals communautaires, et de la musique.
    Dans le cadre de ce Fonds, un montant supplémentaire de 20 millions de dollars a été accordé au Harbourfront Centre pour des travaux d'infrastructure sur deux ans. Ce financement visait à apporter des améliorations et des réparations urgentes aux bâtiments afin de moderniser les espaces et les lieux de représentation; à prendre en compte les questions de santé et de sécurité afin d'accueillir à nouveau les artistes, les visiteurs et le personnel; à améliorer l'accessibilité au site; à réduire la consommation d'énergie et d'eau afin d'atteindre la carboneutralité et à effectuer des réparations urgentes.
    En tant qu'organisme indépendant sans but lucratif, le Harbourfront Centre est chargé d'établir ses priorités pour les projets d'infrastructure en cours et de prendre ses propres décisions en conséquence.
    Madame la Présidente, ce n'est pas la première fois que je croise le fer avec le député, et on dirait que chaque fois, il choisit de s'en prendre à moi au lieu de débattre de la question. C'est probablement parce qu'il doit défendre l'indéfendable.
    La patinoire de Harbourfront était un endroit emblématique. C'est là que les Néo-Canadiens venaient apprendre à patiner. J'ai entendu parler d'immigrants qui ont appris à patiner et adopté le patinage sur cette patinoire qui est maintenant démantelée sans aucune consultation publique. La décision a été prise derrière des portes closes par des gens qui ne connaissent pas notre communauté ou qui n'ont que faire de ce que la population souhaite. Est-ce ainsi que le gouvernement fédéral vérifie comment on dépense 20 millions de dollars de l'argent des contribuables?
    Je demande à Patrimoine canadien d'examiner les modalités de cette contribution, y compris ses plans initiaux, ainsi que l'absence totale de consultation publique de la part du Harbourfront Centre.
(1810)
    Madame la Présidente, le député a parlé sans faire d'ironie de « défendre l'indéfendable ». À ce jour, il n'a toujours rien fait au sujet des accusations portées à son endroit qu'il avait cachées aux gens de sa circonscription. Il est assez choquant que tous les quatre à six mois, le député prétende se soucier des enjeux liés au patrimoine canadien.
    Le ministre du Patrimoine et son cabinet travaillent sur cette question. Aujourd'hui même, le cabinet du ministre a rencontré les représentants du centre Harbourfront. Nous défendons l'art. Nous le faisons tous les jours et non tous les quelques mois lorsque le député se dit qu'il devrait poser une question.

Les affaires étrangères

    Madame la Présidente, c'est un honneur de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui. Je reviens à la charge parce que j'ai tenté à de multiples reprises et de multiples façons d'obtenir des renseignements au sujet du régime de sanctions qu'impose le gouvernement du Canada. J'ai fait inscrire des questions au Feuilleton. J'ai posé des questions à la période des questions et j'en ai soulevé pendant les débats, mais il m'a été impossible, en tant que parlementaire, d'obtenir des réponses claires de la part du gouvernement concernant sa façon de garantir l'efficacité de notre régime de sanctions.
    C'est un enjeu d'une grande importance parce que le régime de sanctions est la pièce maîtresse d'une partie de notre politique étrangère. Pensons à ce qui se passe en Ukraine. Pensons à l'invasion illégale de l'Ukraine par la Russie et aux gestes terribles que posent Vladimir Poutine et ses fiers-à-bras de la Fédération de Russie. L'un des outils dont nous disposons, et peut-être l'un des meilleurs, c'est que nous avons la possibilité d'imposer des sanctions à ces oligarques et de voir à ce qu'ils paient pour ce qu'ils font subir au peuple ukrainien. Nous avons recours à des sanctions dans divers pays. Nous imposons des sanctions en Haïti. Nous en imposons aussi en Iran. Nous imposons des sanctions aux responsables du génocide des Tamouls, bien que ce soit loin d'être suffisant.
    Cependant, le régime de sanctions n'est efficace que dans la mesure où il est appliqué, ce qui n'est pas évident à l'heure actuelle. Il est impossible d'obtenir quelque renseignement que ce soit à ce sujet. Ce régime ne semble pas du tout fonctionner. Nous n'avons aucune idée des raisons pour lesquelles certaines personnes sont ajoutées à la liste, du moment où elles le sont et des actifs qui sont saisis. Pour tous les députés, il est extrêmement frustrant de ne pas pouvoir obtenir ces réponses de la part du gouvernement.
    Nous avons entendu la ministre des Affaires étrangères prendre la parole. Franchement, elle semble se prendre pour Oprah Winfrey en distribuant des sanctions à tout le monde. Il est tout à fait indiqué que les noms de ces 1 600 personnes figurent sur la liste. Cependant, combien de temps leur faudra-t-il pour se rendre compte que ces sanctions importent peu si le gouvernement du Canada ne les fait pas appliquer?
    Je vais raconter une petite histoire. Lorsque j'ai posé des questions sur le régime de sanctions et sur ce qui était saisi, on m'a répondu que le gouvernement n'avait à signaler qu'un seul actif saisi en six mois en réponse à l'invasion de Poutine: un seul actif, celui de Roman Abramovitch, d'une valeur de 120 millions de dollars. C'est tout. La liste de sanctions compte 1 600 noms, et le gouvernement a saisi 120 millions de dollars. C'est beaucoup d'argent pour moi et pour les députés, mais ce n'est pas beaucoup d'argent pour les oligarques russes. C'est une somme tellement petite pour eux que c'en est gênant.
     À quel moment le gouvernement finira-t-il par se rendre compte que le régime de sanctions canadien n'est pas restrictif? Quand pense-t-il que nos alliés finiront par nous demander quel est l'intérêt de ce régime si nous n'appliquons pas les sanctions? Si le gouvernement ne met pas en place les outils pour les appliquer, à quoi bon?
    En 2017, le comité des affaires étrangères a formulé des recommandations sur le régime de sanctions. Le gouvernement a eu amplement le temps de les mettre en œuvre. Il ne l'a pas fait. J'aimerais beaucoup savoir pourquoi. Cinq ans plus tard, j'ai demandé une nouvelle étude du régime de sanctions. J'aimerais que le comité des affaires étrangères l'étudie, mais, pour l'instant, il ne le fait pas. J'ai besoin de réponses.
(1815)
    Madame la Présidente, j’aimerais remercier la députée. C’est la deuxième question qu’elle m’adresse aujourd’hui et elle affiche une détermination sans faille pour défendre les droits de la personne, au Canada et ailleurs dans le monde.
    Le Canada et ses alliés collaborent étroitement pour réclamer des changements dans les politiques et les comportements des individus et des États étrangers responsables d’actes odieux. Pour y arriver, le Canada mise sur la coopération et la coordination de mesures visant à infliger des sanctions aux plus grands responsables de ces actes. Ensemble, nous restreignons l’accès aux revenus et aux ressources qui alimentent leur violence de façon à entraver leur capacité d’agir dans les sphères politiques, économiques et militaires.
    Au cours de la dernière année, le Canada a intensifié son recours aux sanctions en réponse à de nombreuses crises mondiales, y compris l’invasion illégale et injustifiée de l’Ukraine par la Russie ainsi qu'à des situations difficiles en Iran, au Myanmar et à Haïti. En 2022, le Canada a imposé 60 séries de sanctions autonomes, ce qui représente une augmentation globale de 150 % de l’utilisation de cet instrument de politique étrangère par rapport aux quatre années précédentes combinées.
    En réaction à la guerre illégale et injustifiable menée par la Russie, le Canada a imposé une vaste interdiction de conclure des transactions avec plus de 1 600 personnes et entités russes, bélarusses et ukrainiennes. Dans les faits, l'interdiction de conclure des transactions gèle les avoirs des personnes désignées et interdit à ces personnes et entités de conclure des transactions avec des Canadiens ou des personnes qui se trouvent au Canada. Le Canada a également imposé une interdiction qui frappe les expéditions ainsi qu'un large éventail de secteurs clés générant des recettes. Ces mesures sont surtout prises en coordination avec nos alliés. Grâce aux sanctions coordonnées de la communauté internationale, nous constatons des répercussions sur l'économie de la Russie. Il y a aussi des preuves que la Russie cherche de plus en plus désespérément à trouver des moyens de financer et de mener sa guerre.
    En ce qui concerne l'Iran, le Canada a imposé de vastes mesures visant à lui refuser l'accès au marché canadien et à lui interdire des produits névralgiques, des produits technologiques et des sources d'investissement canadien qui pourraient appuyer les activités répréhensibles de ce régime.
    En Haïti, les sanctions ont un effet et il est reconnu qu'elles jouent un rôle clé dans les pressions exercées sur les membres de l'élite pour résoudre la crise, comme le montre l'accord politique du 21 décembre, qui a été approuvé par de nombreuses factions politiques et le secteur privé de ce pays.
    De plus, au Myanmar, les sanctions du Canada ciblent les responsables de la violence et sont conformes à l'engagement du Canada de faire respecter la démocratie et de mettre fin à l'impunité dans ce pays.
    L'application des sanctions est essentielle pour garantir leurs effets et leur efficacité. Le gouvernement prend cette responsabilité au sérieux. Grâce à la collaboration interministérielle, j'aimerais reconnaître et remercier les Canadiens et, en particulier, les personnes qui travaillent dans des institutions financières canadiennes, qui ont joué un rôle clé dans l'application des sanctions, non seulement en divulguant les interdictions de transactions sur des entités individuelles, mais aussi en divulguant à la GRC tout actif en possession de ces entités.
    Reconnaissant que l'application efficace des sanctions est un élément central des effets souhaités des sanctions canadiennes, le premier ministre a annoncé, en octobre 2022, que de nouveaux fonds appuieraient la création d'un bureau responsable des sanctions à Affaires mondiales Canada et renforceraient la capacité des organismes d'application de la loi du Canada à s'acquitter de ces tâches. Ces ressources supplémentaires permettront au Canada d'approfondir sa capacité en matière de sanctions et de mieux l'aligner sur celle de ses alliés les plus proches.
    Madame la Présidente, inscrire plus de personnes sur la liste des sanctions si on n'applique pas les sanctions est tout simplement du théâtre politique vide de sens. Le gouvernement devrait avoir honte de ses agissements concernant le régime des sanctions.
    Madame la Présidente, les sanctions prises par le Canada sont sans précédent quant à leurs effets, leur portée et le degré de coordination avec nos partenaires internationaux. Nous reconnaissons l'importance de garantir que les sanctions du Canada soient efficaces grâce à une meilleure application, à une plus grande coordination entre les gouvernements et à une coopération accrue avec nos alliés et partenaires, en particulier pour attraper les personnes qui se soustraient aux sanctions. Ces nouveaux fonds destinés à renforcer la capacité du Canada en matière de sanctions permettront d'atteindre ces objectifs.
    Les sanctions ne sont qu'un outil de politique étrangère parmi tant d'autres. En plus d'imposer des sanctions à l'encontre des personnes qui portent atteinte à sa sécurité internationale, le Canada a également apporté un soutien et une aide considérables aux populations de l'Ukraine, d'Haïti, de l'Iran et du Myanmar.
     La motion portant que la Chambre s'ajourne maintenant est réputée adoptée. La Chambre s'ajourne donc à demain, à 10 heures, conformément à l'article 24(1) du Règlement.
     (La séance est levée à 18 h 19.)
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