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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 11 février 1997

.0936

[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte. Il nous manque deux ou trois de nos membres mais le greffier est là pour poursuivre notre réunion de l'autre jour.

Pendant le week-end j'ai fait quelques lectures intéressantes. Notre attaché de recherche a retrouvé dans le hansard une discussion sur les articles du Règlement relatif aux travaux des subsides. C'était le 26 juin 1973 et le débat entre l'honorable Stanley Knowles et plusieurs autres intervenants distingués portait sur le même dilemme que le nôtre aujourd'hui. Cela fait donc 23 ans, presque 24 ans, et le problème n'a toujours pas été résolu. Il n'est donc pas surprenant que nous y consacrions un certain temps.

Nous avons demandé à M. Marleau de revenir pour voir s'il pourrait nous donner certains compléments d'information et peut-être son avis sur certaines options.

Le dernier jour des travaux sur les subsides, le gouvernement propose une motion d'adoption. Si j'ai bien compris, il lui faut proposer cette motion car jusque-là le budget n'a pas encore été officiellement déposé pour être débattu à la Chambre. Je ne vois pas comment on peut vraiment faire autrement.

La question reste de savoir comment permettre que des avis d'opposition ou des propositions d'amendement du budget soient débattus. Il arrive que des comités déposent des rapports proposant des réductions de crédits. Dans ces circonstances, si le ministre ne les accepte pas - et généralement il ne les accepte pas - , il propose de mettre aux voix le rapport concerné, ce qui prévient toute possibilité de débat.

Ça va jusque-là, monsieur Marleau?

M. Robert Marleau (greffier de la Chambre des communes): Non car en fait, actuellement, avant cette motion d'adoption, s'il y a eu avis d'opposition à un crédit particulier, le gouvernement inscrit au Feuilleton une motion d'adoption de ce crédit. Il y a donc obligatoirement débat sur ce crédit. Si un comité a réduit le budget pendant son examen, le gouvernement inscrit à l'ordre du jour de cette dernière journée de débat une motion de rétablissement dudit crédit, s'il le souhaite ainsi.

La présidente: Le problème se pose à la fin de cette journée, à 21 h 45 quand toutes les motions sont proposées et qu'en général les seules motions à faire l'objet d'un débat sont celles du gouvernement. Nous aimerions, au minimum, trouver le moyen de permettre aux rapports de comités qui proposent des réaffectations ou des réductions de crédits de faire l'objet d'un débat. Est-ce que vous avez une solution magique à nous proposer?

Le problème d'après moi c'est cette dernière journée car quoi qu'en dise M. Williams, ces jours sont spécifiquement désignés pour l'étude des travaux des subsides et si l'opposition décide de s'en servir à toutes autres formes, je ne vois pas très bien ce que nous pouvons faire.

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Il me semble que la seule solution est de mettre de côté quelques jours consacrés uniquement aux motions sur les crédits, bien qu'au départ c'était ce à quoi ces jours désignés pour l'étude des travaux des subsides devaient justement servir. Nous savons tous que ce n'est pas le cas. Je ne sais pas si nous pouvons vraiment trouver une solution quand nous avons déjà vingt jours de désignés pour l'étude des travaux des subsides et que dans la réalité un seul de ces jours, le dernier, est vraiment utilisé à cette fin.

M. Marleau: Je crois que cela dépend de votre interprétation de subside. L'article 81(7) du Règlement, si c'est le bon - j'ai la version annotée - stipule que l'adoption du rapport d'un comité sur des crédits, lorsqu'il en propose le rejet ou la réduction, ne peut être débattue que pendant une des journées consacrées à l'étude des travaux des subsides. L'opposition peut donc proposer comme débat pour une de ces journées l'adoption d'un rapport de comité sur les subsides. Je ne pense pas qu'on puisse l'imposer. Comme vous l'avez dit, c'est à l'opposition de prendre cette décision. L'article 81(9) du Règlement le lui permet.

Le problème c'est que le Règlement limite la durée de ce dernier jour. Comment trouver le temps de débattre de certaines questions, qu'il s'agisse de propositions de réduction de crédits ou de toute autre proposition contenue dans des rapports de comité, quand il n'y a que cette journée et une série de procédures dont la première peut provoquer un débat qui dure toute la journée, interdisant toute autre possibilité? Je crois qu'il faut que vous décidiez si vous voulez consacrer ce dernier jour à toute une série de débats spécifiques et si vous voulez valoriser l'examen budgétaire des comités en permettant à la Chambre de concrétiser leurs recommandations.

Cela fait plus de 25 ans que c'est ainsi. Il ne manque pas d'exemples de débats le dernier jour désigné sur une motion d'adoption d'un crédit particulier, qu'il s'agisse du budget du Sénat ou d'un organisme gouvernemental quelconque. Les occasions de débats pour l'opposition existent et une tradition établie montre qu'elles ont souvent été saisies.

Si vous voulez valoriser le travail des comités, vous pourriez choisir parmi les recommandations des 20 comités permanents une ou deux qui seraient débattues le premier jour désigné.

Ce n'est pas forcément la solution magique et voici pourquoi. Je crois qu'on peut faire le parallèle entre les initiatives du renvoi de projets de loi en comité avant la deuxième lecture, pratiquées par le gouvernement au cours de sa présente législature, et l'article du Règlement qui prévoyait une intervention du gouvernement pour tout amendement nécessitant une recommandation royale, autrement dit pour tout amendement touchant à la prérogative financière de la Couronne. Cela n'empêche pas pour autant le projet de loi d'aller jusqu'en troisième lecture.

Nous avons l'exemple d'un projet de loi d'initiative parlementaire qui a été adopté dans ces circonstances. Le gouvernement a choisi d'intervenir au moment opportun, à l'étape de la troisième lecture ou à la précédente, avec une recommandation royale favorable. En d'autres termes, un député avait pris une initiative qui aurait eu des conséquences pour les dépenses. Le gouvernement s'est associé à cette initiative en obtenant du gouverneur général une recommandation royale.

Je crois qu'on pourrait faire le parallèle avec les réaffectations de crédits. Autrement dit, je dirais qu'il y a deux options. La première serait entièrement contrôlée par le gouvernement. Je ne suis pas certain que cela soit le voeu de votre comité mais c'est à vous d'en décider. Au moment du dépôt du budget chaque année en mars, avant le 1er mars, le président du Conseil du Trésor pourrait déposer une recommandation royale, une recommandation globale autorisant, à peu de choses près, les comités à réaffecter une partie des fonds, un pourcentage - pourcentage jugé acceptable par le gouvernement et par l'opposition. C'est une option.

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Ce serait une initiative du gouvernement seul et non pas de la Chambre ou des comités. En d'autres termes, c'est une permission que vous accorderait le gouvernement.

L'autre option serait d'adopter une série de règlements parallèles à ceux auxquels j'ai fait allusion pour les projets de loi interdisant aux comités de proposer des amendements et de réaffecter un pourcentage quelconque - 1 p. 100 par exemple - et d'introduire une motion un peu différente permettant aux comités de réaffecter une partie des crédits de dépenses du ministère dans cette enveloppe au moment de l'adoption du budget. Le gouvernement pourrait faire deux choses. Il pourrait proposer une motion d'adoption du budget sans aucune modification; proposer une motion avec débat de rétablissement du crédit ou proposer une motion de réaffection de ces fonds. À la suite d'une réaffectation par le comité, la Chambre - il faut que cela soit l'initiative du gouvernement car c'est la prérogative financière de la Couronne, après tout - proposerait une motion dans cette liste de motions d'adoption pour réaffecter ces fonds conformément à la proposition faite dans le rapport du comité.

L'action du comité pourrait se poursuivre jusqu'à ce point et ce serait au gouvernement de décider quoi faire le dernier jour, de la même manière que c'est à lui actuellement de prendre les décisions de rétablissement. Si vous rejetez un crédit, il doit y réfléchir. S'il ne fait rien, c'est fini. S'il ne propose pas une motion de réaffectation, il n'y a pas réaffectation. Le comité aura fait son travail. Les pressions exercées par le comité, ses recommandations, les témoignages, tout aura été fait. Vous pourriez aller jusqu'à un projet de loi de crédit et dire que la recommandation royale doit intervenir avant la troisième lecture d'un projet de loi de crédit.

Il faudrait y réfléchir un peu plus en détail. L'étape du projet de loi de crédit est peut-être un peu tardive dans la procédure à cause de la clôture et de l'adoption sans débat de la majorité des projets de loi de crédit.

Ce n'est pas une solution magique. C'est une transposition des règlements existants et du sort fait aux projets de loi avant la troisième lecture pendant cette législature.

La présidente: Si mes collègues veulent bien m'accorder encore une minute, j'ai l'impression que nous voulons nous assurer que les rapports de ces comités bénéficient d'une certaine priorité devant le débat à la Chambre; autrement dit, qu'ils ne soient pas systématiquement supplantés par une motion du gouvernement et donc jamais débattus.

Pourquoi le gouvernement doit-il proposer une motion de rétablissement de crédit? Pourquoi ne pourrait-il pas accepter le rapport du comité tel qu'il est et lui proposer un amendement?

M. Marleau: Il pourrait. C'est la confirmation de réaffectation par la Chambre qui nous intéresse vraiment, confirmation appuyée par le gouvernement puisque c'est lui qui a l'initiative financière. Cela pourrait prendre la forme d'une motion d'adoption d'un rapport de comité

La présidente: Il aurait ce choix.

M. Marleau: Oui. Nous pourrions dire: «Conformément au rapport adopté par... le budget est réaffecté en conséquence» ou quelque chose de ce genre qui rendrait hommage à l'effort du comité. C'était une affaire de libellé, je suppose.

La Constitution est incontournable. Il ne s'agit pas de simples articles du Règlement. La Constitution donne au gouvernement, au cabinet, l'initiative financière absolue. Il ne peut y avoir de formule magique sans amendement constitutionnel.

La présidente: Monsieur Montpetit.

M. Camille Montpetit (greffier adjoint, Service de la procédure, Chambre des communes): J'aimerais vous donner quelques petites explications complémentaires concernant la procédure des avis d'opposition.

La procédure actuelle respecte l'initiative financière du gouvernement. En 1968, quand ce règlement est entré en vigueur, la Chambre avait convenu qu'une fois les rapports des comités sur les budgets déposés - sans modification, réduits ou rejetés - une motion globale proposée par le gouvernement serait alors proposée à la Chambre pour contrer ces crédits. Une motion d'adoption du Budget principal était proposée, contrairement à ce qui se passait auparavant, quand le comité plénier qui se constituait en comité des subsides devait étudier chaque crédit de la même manière que le font actuellement les comités permanents.

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La proposition adoptée par la Chambre était une motion globale mais afin de permettre un débat spécifique sur un des crédits budgétaires, le règlement autorisait également les députés à demander à ce qu'une motion distincte soit proposée à la Chambre par le gouvernement pour ce crédit particulier. C'est ce que nous appelons les avis d'opposition. La Chambre ne peut être saisie d'une motion de réduction proposée par un député. La Chambre doit être saisie d'une motion du ministre ou du gouvernement, mais sur un crédit particulier. Le député peut alors proposer un amendement de réduction du crédit. La Chambre n'est jamais saisie de l'avis d'opposition; c'est impossible.

La présidente: La Chambre est saisie de l'ensemble du budget. Les crédits qui font l'objet d'une opposition en font partie.

M. Montpetit: C'est tout le budget qui est devant la Chambre et il y a la motion principale d'adoption de l'ensemble du budget - c'est ce que j'ai qualifié de motion globale - et pour avoir un débat spécifique, et tout particulièrement un vote spécifique sur un crédit spécifique, un député doit déposer un avis d'opposition afin que ce crédit soit soustrait à la motion principale pour...

M. Marleau: Elles doivent toutes être déposées par un ministre. Elles doivent être proposées par le président du Conseil du Trésor et appuyées par... elles ne sont jamais proposées par un député de l'opposition. La décision prise par la Chambre est à l'initiative d'un représentant de la Couronne.

La présidente: Je me demande pourquoi nous ne pouvons pas traiter le budget un peu plus comme un projet de loi tout en protégeant la recommandation royale. Autrement dit, la motion du gouvernement pourrait être une motion d'adoption du budget modifié, et s'il souhaite repousser certains de ces amendements, il pourrait proposer ses propres motions à la Chambre.

M. Marleau: Ce que nous suggérons c'est que les comités pourraient approuver les budgets qui leur sont confiés en proposant des réductions, des suppressions et des réaffectations - ce serait nouveau - dont ils feraient rapport à la Chambre. Et le dernier jour de subside, quand le gouvernement propose à la Chambre sa motion d'adoption du budget, ils pourraient rétablir, réaffecter selon les recommandations contenues dans les rapports des comités - il y aurait un lien direct avec ces rapports de comité, ce ne serait pas simplement une nouvelle réaffectation décidée par le gouvernement mais conformément à un rapport de comité - et proposer l'adoption.

La présidente: Pourquoi le comité en question ne pourrait-il saisir lui-même la Chambre de sa recommandation de réaffectation?

M. Marleau: C'est ce que je dis. Quelle que soit la motion de réaffectation, l'article du règlement pourrait stipuler que cette proposition doit émaner d'un rapport de comité. Autrement dit, ce ne serait pas une proposition d'un député de l'opposition ou du gouvernement mais celle d'un comité.

La présidente: Monsieur Laurin, je m'excuse d'avoir été aussi longue.

[Français]

M. Laurin (Joliette): Monsieur Marleau, j'aimerais que vous nous éclairiez sur la situation suivante. Il semble qu'il soit difficile de faire évoluer nos procédures en vue d'améliorer notre situation. On s'en rend bien compte. Historiquement, ça a toujours été comme ça. Est-ce que le Règlement actuel nous permettrait de modifier légèrement le fonctionnement des comités et de la Chambre pour permettre que dans certains cas la Chambre puisse exercer un premier droit de veto sur une motion de crédit, un peu comme cela se passe dans les municipalités?

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Au Québec, le maire d'une municipalité a un premier droit de veto, par exemple sur l'approbation des procès-verbaux. Lorsqu'une séance du conseil a eu lieu et que le maire n'est pas d'accord sur une décision du conseil, il peut opposer un droit de veto et retarder l'adoption de cette résolution pour un certain temps.

Ne pourrait-on pas avoir quelque chose de semblable qui ferait en sorte que lorsqu'un comité se penche sur l'étude des crédits et recommande qu'on apporte des modifications à une allocation, en la refusant ou en l'augmentant, il serait possible que la Chambre se prévale d'un premier droit de veto sur l'adoption d'un tel crédit? Ainsi, s'il voulait maintenir son allocation, le ministre aurait à expliquer à la Chambre pourquoi il refuse les recommandations du comité et pourquoi il doit maintenir l'allocation en question. Est-ce que le Règlement actuel nous permet une telle approche et est-ce qu'à votre avis elle peut être défendable dans la tradition ou dans la culture de notre parlementarisme?

M. Marleau: Je réponds oui à vos deux questions. Essentiellement, c'est ce que nous avons déjà dans la procédure. Un comité peut réduire les prévisions budgétaires ou les rejeter en entier et à la dernière étape, et le ministre, en Chambre, a un certain droit de veto puisqu'il peut initier la motion visant à les réinstituer. S'il ne fait rien dans les circonstances, c'est parti et les prévisions budgétaires sont modifiées. Mais il peut les réinstituer.

La seule différence entre cela et ce que je soulevais plus tôt avec Mme Catterall réside dans la réattribution des crédits à l'intérieur d'un poste budgétaire, ce qui n'existe pas en ce moment et qui ne peut pas non plus exister dans notre culture procédurale et constitutionnelle, parce que l'initiative de dépenser de l'argent et d'en fixer les objets, les qualifications et les conditions appartient au parti ministériel. C'est là que la réallocation des crédits devient un petit peu plus complexe.

Mais si le gouvernement ne fait rien, s'il ne vient pas dire à la dernière étape avec une recommandation royale qu'il est d'accord sur ce que le comité a fait et qu'il l'appuie, ces réallocations recommandées par un comité n'auront pas force de loi.

M. Laurin: Je ne comprends pas. Si le ministre dit qu'il est d'accord sur les recommandations du comité, elles seront adoptées?

M. Marleau: Si le ministre est d'accord et dépose à la Chambre une motion pour réallouer les fonds en s'inspirant du rapport du comité, il n'y a pas de problème.

M. Laurin: C'est ça.

M. Marleau: Mais s'il n'est pas d'accord, il n'a rien à faire. Il peut tout simplement ignorer le rapport du comité. Parce que les recommandations ne seraient pas sanctionnées par le gouverneur général, elles n'auraient pas force de loi.

M. Laurin: Faudrait-il modifier notre Règlement actuel pour obliger un ministre qui n'est pas d'accord sur la recommandation d'un comité, non pas à ignorer le rapport, mais à justifier son opposition? Que faudrait-il faire pour obliger le ministre à agir ainsi?

M. Marleau: Il s'agit de s'opposer au crédit comme tel, ce que prévoit déjà le Règlement. Le dernier jour, vous inscrivez un avis d'opposition à ce crédit parce que le gouvernement ne veut pas agir, et il y a un débat sur ce crédit.

M. Laurin: Il n'y a pas obligatoirement de débat?

M. Marleau: Vous voulez qu'on oblige le gouvernement à présenter une motion d'adoption du crédit et qu'on le force à justifier son opposition au rapport qu'un comité pourrait avoir fait sur la réallocation.

Le problème que vous avez au niveau du débat, c'est qu'il s'enchaîne dans le dernier jour des subsides, où la première, deuxième ou troisième motion de la liste peut bloquer le débat sur le crédit que vous voulez.

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M. Laurin: Autrement dit, cela pourrait vouloir dire qu'à toutes fins pratiques, on pourrait ne pas avoir de débat sur ce crédit parce qu'il ne reste plus de temps.

M. Marleau: Mais il y a un vote.

M. Laurin: Mais lorsqu'on n'a qu'un vote, on n'a pas de justification.

M. Marleau: La frustration que vous ressentez aujourd'hui par rapport à l'étude des crédits, sans parler du pouvoir de réallocation, ne disparaît pas à cause de ce dernier jour des subsides, et les choix que vous avez à faire dans une journée qui compte en moyenne six heures de débat portent sur les recommandations de 22 comités dont 12 pourraient avoir fait des recommandations de réallocation.

M. Laurin: Je ne suis par sûr d'avoir bien compris. Vous semblez dire que le gouvernement pourrait retarder au dernier jour...

M. Marleau: Non, pas retarder au dernier jour, mais vous disposez du dernier jour des subsides au mois de juin pour inscrire vos avis d'opposition à certains crédits.

M. Laurin: Ne peut-on pas le faire avant?

M. Marleau: Oui, vous pouvez le faire avant. Vous pouvez choisir une journée réservée à l'opposition au préalable et débattre d'un rapport de comité sur les prévisions budgétaires. Le Règlement le permet depuis très longtemps, mais je ne me souviens pas qu'il y ait eu un débat là-dessus.

M. Laurin: Qu'est-ce qui empêcherait l'opposition de proposer par exemple une motion sur un crédit qu'elle voudrait voir réattribuer au début des 20 jours des subsides? Est-ce que le ministre a le pouvoir de retarder au dernier jour l'étude de cette motion pour éviter qu'il y ait débat?

M. Marleau: Non. Comme je vous l'expliquais la semaine dernière, l'opposition a une grande latitude quant au choix des sujets dont elle veut traiter au cours des jours réservés à l'opposition. Si vous voulez débattre du crédit des établissements portuaires de la ville de Québec, de telle rubrique du Livre bleu sur les prévisions budgétaires pour l'année courante ou l'année qui vient, vous avez toute liberté de le faire.

M. Laurin: Quelle disposition du Règlement ferait en sorte que lors de la dernière journée, on ne pourrait plus débattre de la question de la réallocation d'un crédit?

M. Marleau: Le dernier jour, à 9 h 45, toutes les questions doivent être mises aux voix sans plus ample débat. Lorsque la séance commence, disons un jeudi à 10 h, la Chambre est peut-être saisie de six motions ou avis d'opposition à des crédit, ce qui veut dire que six motions ont été parrainées par le ministre pour adopter ces crédits.

La première motion peut porter sur n'importe quel sujet, par exemple sur le Sénat comme ce fut le cas dernièrement. Vous pouvez passer toute la journée à débattre de ce sujet. Rien ne force la Chambre, à moins que le débat ne s'écroule, à passer au prochain point, qui pourrait être un sujet de réallocation. Si vous passez toute la journée à débattre du Sénat, le crédit contenant une réallocation ne sera jamais débattu.

M. Laurin: Qu'est-ce qui nous empêcherait d'en débattre avant cette dernière journée?

M. Marleau: C'est ce que je vous ai dit. Si vous voulez désigner un de vos jours pour débattre d'un crédit spécifique ou d'un rapport de comité qui a proposé une réduction ou une réallocation, si le Règlement a été modifié en conséquence, rien ne vous empêche de le faire. Cela doit se faire un jour réservé à l'opposition. Cette procédure qui permet de débattre d'un rapport de comité sur les prévisions budgétaires existe depuis très longtemps, mais l'opposition a choisi de ne y avoir recours.

[Traduction]

La présidente: Ce pourrait être donc une motion proposant que la moitié des jours désignés soient consacrés à une motion sur les travaux de subsides.

[Français]

M. Marleau: Une des solutions à laquelle nous faisions allusion la semaine dernière serait d'imposer une limite de temps pour chacune des motions débattues au cours de la dernière journée.

Par exemple, je vous avais dit que vous pourriez décider d'accorder tant de temps aux motions de l'opposition et aux avis de motion d'adoption des crédits, et tant de temps aux projets de loi. On pourrait jouer avec la dernière journée en faisant des attributions de temps assez spécifiques selon le nombre de motions présentées. On éviterait ainsi un débat qui bloquerait les autres.

M. Laurin: Avant de choisir autre chose?

.1005

M. Marleau: On peut imaginer plusieurs formules. Par exemple, on pourrait décider d'entendre un critique par parti sur chaque motion pour que les positions soient établies et de tenir un vote à la fin de la journée. On pourrait imaginer toutes sortes de formules pour garantir qu'un minimum de temps soit accordé aux questions qui sont devant la Chambre ce jour-là.

M. Laurin: Je ne pense pas que le problème réside dans le nombre de journées qu'on a pour discuter de ces questions. Encore une fois, le problème est tout entier et réside dans les pouvoirs que possèdent les comités de suggérer quelque changement que ce soit.

M. Marleau: En ce moment, vous avez le pouvoir de réduire ou de rejeter. Vous avez ce pouvoir. Quand vous faites rapport à la Chambre et que le gouvernement ne fait rien, les crédits sont adoptés tels que modifiés par le comité. Pour le moment, vous n'avez pas le pouvoir de réallouer.

M. Laurin: Oui, mais ce n'est pas un pouvoir exécutoire. Le comité pourrait dire qu'il suggère ou recommande une réallocation. Si le ministre ne fait rien, ça passe, mais le ministre peut faire quelque chose.

M. Marleau: Si vous parlez d'allocation, c'est une autre question. Son pouvoir est exécutoire quant au rejet et à une modification visant une réduction. Le parallèle est semblable à celui que vous établissiez avec le maire qui a le droit de veto; le comité a pris une décision exécutoire et le ministre a l'occasion d'exercer son droit de veto devant la Chambre, sous réserve du vote de la Chambre.

M. Laurin: D'accord.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Pagtakhan.

M. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): J'aimerais être sûr de bien comprendre, monsieur Marleau. Si le comité recommande une diminution ou un rejet total et que la Couronne ne fait rien, que se passe-t-il?

M. Marleau: En fait, c'est la Chambre qui décide que le budget soit adopté sous sa forme modifiée. Le débat se termine toujours par une motion d'adoption.

M. Pagtakhan: D'accord. Autrement dit, avant le vote sur la motion d'adoption globale, c'est la recommandation du comité qui est débattue. Mais si le gouvernement n'intervient pas, c'est la recommandation du comité qui l'emporte. Cependant, lorsque la motion d'adoption globale est mise aux voix, c'est le résultat de ce vote qui détermine la décision finale.

M. Marleau: Non. Avant d'arriver à la motion globale sur le budget, le ministre a la possibilité de proposer une motion de rétablissement.

M. Pagtakhan: Et s'il ne le fait pas, que se passe-t-il?

M. Marleau: Vous vous retrouvez alors avec la motion globale sur le budget sous sa forme modifiée, donc avec la recommandation du comité. Si le ministre veut que ce crédit soit rétabli, il doit en prendre l'initiative.

M. Pagtakhan: D'accord.

M. Marleau: S'il ne prend pas cette initiative, la motion globale propose que le budget soit adopté sous sa forme modifiée, et il faut entendre par là «modifiée» par le comité.

M. Pagtakhan: Très bien, c'est très clair maintenant.

Pourquoi proposer cette motion de rétablissement? En d'autres termes, il est possible que le gouvernement soit en partie d'accord sur le fond de l'amendement, mais n'est-ce pas à cause de la convention selon laquelle tout changement apporté à la motion d'adoption globale est considéré comme une motion de censure?

M. Marleau: Encore une fois, c'est une question d'interprétation. S'il décide de rétablir un crédit particulier, c'est plutôt parce que ce crédit détermine l'orientation d'un programme donné et non à cause des simples conséquences de la réduction proposée. Le gouvernement peut finir par en faire une question de confiance, mais ce n'est pas obligatoire.

M. Pagtakhan: D'accord.

M. Marleau: Des propositions de ce genre ont été faites dans le passé pour obliger la Chambre à voter, certains crédits étant simplement réduits d'un dollar. C'était pour obliger la Chambre à débattre d'une question particulière. S'il avait été possible de rejeter tout le budget, cela aurait probablement été fait. Mais d'une manière générale, ces amendements d'un dollar servent à obliger la Chambre à débattre et à voter. Mais même s'il ne s'agit que d'un dollar, le gouvernement peut estimer que c'est une question de confiance, parce que cela touche une dépense de la plate-forme ou à cause de son importance dans le budget, par exemple.

M. Pagtakhan: Il pourrait arriver que la réaffectation de certains crédits par des comités risque de mettre en danger un compromis ou un consensus, appelez-le comme vous voudrez, atteint au niveau du Cabinet entre ministères. Qui sait? Nous ne savons pas ce qui se passe au Cabinet, mais, intuitivement, je suppose que certaines réunions se concluent par «non, pas ça, mais plutôt ça à la place». Et en fin de compte, chaque ministère se retrouve avec son budget.

.1010

Réaffecter des crédits d'un ministère à un autre pourrait s'avérer très difficile, même si je suis d'accord sur le principe de réaffectation...

La présidente: Rey, avant d'aller trop loin, ce que nous suggérons ce n'est pas la réaffectation de crédits d'un ministère à un autre, mais la réaffectation de crédits à l'intérieur d'un même ministère, par exemple à l'intérieur du ministère de l'Environnement.

M. Pagtakhan: Oh, seulement interministériel. Très bien.

La présidente: Mais ce débat soulève une question intéressante. Si un comité a la responsabilité d'étudier le budget de plusieurs ministères, pourrait-il procéder à de telles réaffectations?

M. Pagtakhan: À mon avis, si jamais nous faisons une recommandation concernant la réaffectation, il faudrait que cela soit ministère par ministère, pour la raison...

La présidente: C'est la recommandation que nous faisons actuellement.

M. Pagtakhan: Autrement, ce serait encore une fois très négatif.

M. Marleau: Je crois que nous avions mal compris votre recommandation ou que nous avions mal compris votre pensée...

M. Pagtakhan: Interministériel, et il faut que cela soit clair, s'il y en a deux.

En fin de compte, quand j'y réfléchis, il s'agit de savoir si un changement peut être considéré comme un changement ou comme une motion de censure. En fait, le député demande simplement que le gouvernement soit obligé de s'expliquer.

La présidente: C'est le but de l'exercice - mais il ne s'en sert pas. Nous devrions les sermonner un peu sur ce sujet. Si nous devons sermonner le gouvernement de son utilisation abusive de la question de confiance, il faudrait aussi sermonner l'opposition.

M. Pagtakhan: C'est mon avis. En réalité, c'est peut-être par manque de compréhension que nous n'utilisons pas pleinement les procédures qui sont à notre disposition pour débattre de tout crédit qui nous intéresse. Par contre, les réaffectations c'est une toute autre histoire.

Que pensez-vous de l'omniprésence de cette question de confiance... Est-ce que du point de vue de la procédure c'est inéluctable? C'est toujours une question de confiance à moins que le gouvernement en juge autrement?

M. Marleau: Il serait très difficile d'inscrire dans le règlement une définition exécutoire ou non exécutoire de la confiance tout simplement parce qu'il n'y a pas de règlement sur cette question dans la procédure. Ce n'est pas la prérogative du président. C'est le gouvernement qui décide d'en faire ou non une question de confiance et de démissionner. C'est lui qui décide. Être battu sur un vote à la Chambre ne devient une censure que si le gouvernement en décide ainsi et démissionne.

M. Pagtakhan: Retirez cette prérogative au gouvernement, qu'il soit majoritaire ou minoritaire, ne serait-il pas en fait, d'après vous, la transférer au président de la Chambre qui aurait à décider si le gouvernement a été ou non censuré? N'est-ce pas?

La présidente: Rey, il ne peut pas.

M. Marleau: Ce serait retirer sa prérogative au chef de l'État, au gouverneur général. Le gouverneur général bien entendu suit l'avis de son premier ministre sur la possibilité pour son gouvernement de survivre à une série de votes négatifs à la Chambre des communes. C'est à ce niveau que la décision est prise et...

M. Pagtakhan: Je comprends.

M. Marleau: ... vous ne pouvez la transférer au président.

M. Pagtakhan: Non, je disais que si on poussait l'argument jusqu'au bout, comme certains l'ont déjà fait... si en fin de compte, c'était à la Chambre de décider... vous savez...

M. Marleau: Je reviens à ce que je disais la semaine dernière: ce que vous proposez c'est un changement fondamental de notre système parlementaire...

M. Pagtakhan: Je suis d'accord avec vous.

M. Marleau: ... le passage au parlementarisme. C'est se rapprocher du système américain. Il faudrait comme contre-pouvoir que le gouverneur général ait un pouvoir de veto sur la décision prise par la Chambre qui l'utiliserait ou non, un peu comme le président des États-Unis a un pouvoir de veto sur les décisions du Congrès et vice-versa. Autrement il serait impossible de gouverner.

M. Pagtakhan: J'ai un dernier point. Les motions pendant les jours désignés sont automatiquement considérées, tout du moins c'est ce que nous croyons savoir, comme des votes de confiance. En tout cas c'est ainsi que les gouvernements les ont toujours plus ou moins interprétées.

M. Marleau: Les gouvernements fédéraux, oui.

M. Pagtakhan: Pendant ces jours désignés, les motions émanant de l'opposition, bien entendu, sont généralement des motions de censure. Si la motion ne censure pas le gouvernement, serait-il judicieux de penser à modifier cette tradition de vote de confiance?

.1015

M. Marleau: Il y a déjà eu plusieurs cas de motions d'opposition qui n'étaient pas des votes de confiance.

M. Pagtakhan: Mais elles ont quand même été jugées comme telles.

M. Marleau: Elles ont été jugées comme telles par le gouvernement car elles concernaient les subsides et le gouvernement doit exercer son contrôle sur les subsides ou sur les questions liées aux subsides.

M. Pagtakhan: La motion dont je me souviens est celle où je proposais - ne connaissant pas la tradition - que la Chambre confirme son engagement envers le caractère universel de l'assurance-maladie. J'ai été surpris que le gouvernement me dise ne pas pouvoir voter pour ma motion, malgré qu'il soit en plein accord avec moi. C'est difficile à expliquer à quelqu'un qui ne connaît pas la procédure parlementaire. Bien entendu, le gouvernement a voté contre ma motion.

La procédure pourrait-elle clarifier ce genre de circonstances?

M. Marleau: Il y a aussi le contraire. Il est arrivé que le gouvernement vote pour quelque chose...

M. Pagtakhan: Et que s'est-il passé ensuite?

M. Marleau: ... et dise ne pas considérer que c'était un vote de confiance. Je crois que c'est Doug Lewis qui était alors leader à la Chambre, qui a dit juste avant le vote: «Nous allons voter pour cette motion, monsieur le président, parce que nous croyons qu'elle va dans le bon sens et qu'elle s'intègre à notre politique, mais ce n'est pas une question de confiance». Elle n'a donc pas été traitée en conséquence.

M. Pagtakhan: C'est donc possible.

M. Marleau: C'est tout à fait possible.

M. Pagtakhan: Donc le gouvernement a eu tort...

M. Marleau: Je ne peux pas dire qu'il a eu tort.

M. Pagtakhan: Merci.

M. Marleau: Il a choisi d'agir de cette manière ce jour-là.

La présidente: C'est comme quand on dit «je vous aime». Il n'y a pas d'explication rationnelle, c'est un sentiment. Si le gouvernement estime que c'est une motion qui met en question sa capacité de gouverner, il le dit.

M. Pagtakhan: Maintenant je comprends. Je pourrais utiliser cette explication. Quand un gouvernement dit d'une motion très positive: «elle nous plaît, mais malheureusement c'est un vote de confiance», c'est parce qu'il est obligé de parler des deux côtés du coeur.

M. Marleau: Une motion contient beaucoup de mots. Parfois, sur le fond, le gouvernement peut ne pas être contre, mais au niveau de la forme, elle peut être moins facile à avaler.

La présidente: Selon le contexte.

M. Marleau: Ou le débat même.

La présidente: On pourrait dire: «Vous prétendez que nous n'en faisons pas suffisamment en matière de soins de santé, nous le contestons et»...

M. Marleau: Cela pourrait vous venir à la fin, au moment du débat, comme le dit ma collègue. Le matin, on aurait pu penser: «Cela a l'air d'une bonne proposition, nous allons peut-être l'appuyer». En fin de journée, à la lumière du débat en Chambre, le gouvernement change d'idée et décide de ne pas appuyer la motion.

La présidente: Qu'est-ce qui...

[Français]

M. Laurin: La question de confiance s'adresse toujours aux membres du parti au pouvoir. Si vous demandez à l'opposition si elle a confiance au gouvernement, il est sûr qu'elle vous répondra toujours non. Quand le gouvernement pose la question de confiance, c'est pour s'assurer que ses propres membres lui font encore confiance, parce qu'il veut avoir la majorité.

M. Marleau: Ils sont majoritaires de façon générale.

M. Laurin: Oui, c'est cela.

M. Marleau: Mais on a des...

M. Laurin: C'est différent pour ceux qui sont minoritaires.

M. Marleau: Pas nécessairement. En Angleterre, on a eu des situations où les membres d'un gouvernement minoritaire ont testé la Chambre et demandé sa confiance. Les membres de plusieurs partis d'opposition ont voté à l'appui du gouvernement. Ce n'est donc pas toujours une question qui s'adresse au parti ministériel.

M. Laurin: Vous avez raison, il peut y avoir des exceptions.

M. Marleau: Cela dépend surtout du contexte, comme le disait Mme Catterall, de la politique du jour et de la question qu'étudie la Chambre.

[Traduction]

La présidente: À nous entendre, il est difficile de croire que ce qui nous intéresse, ce n'est pas de démolir le budget des dépenses, mais de tenter de faire comprendre aux députés qu'ils doivent tenter d'influencer le budget des dépenses de l'année suivante avant qu'il n'arrive sur le bureau. C'est à ce moment-là qu'ils peuvent avoir le plus d'influence, et pourtant nous continuons à en discuter.

Pouvez-vous m'expliquer la raison d'être du règlement 81 (19), à la page 49? On peut y lire:

M. Marleau: C'est que seul un nombre limité de motions peuvent être mises aux voix. Il y en a sept au cours de cette période et huit de Pâques à juin qui sont des motions à mettre aux voix.

.1020

La présidente: Il s'agit alors de jours désignés.

M. Marleau: Non.

La présidente: Je pense qu'il s'agit du dernier jour.

[Français]

M. Marleau: Il y a sept jours dans cette période et huit dans la suivante.

[Traduction]

La présidente: Oui.

M. Marleau: Sur vingt motions par année, huit peuvent être mises aux voix. Dans le cas des autres motions qui ne peuvent faire l'objet d'un vote, on les réinscrit normalement au Feuilleton...

La présidente: Donc cela n'a rien à voir avec la dernière chose.

M. Marleau: ... après la reprise du débat. Ainsi le président de la Chambre peut rayer du Feuilleton les motions périmées qui ne peuvent être mises aux voix. Sinon, celles-ci continueraient à apparaître indéfiniment au Feuilleton.

La présidente: Je ne sais pas si nous pouvons vraiment poursuivre cette discussion. Je pense que les députés veulent, en priorité, pouvoir proposer des amendements et en débattre, et veulent tout particulièrement pouvoir donner la priorité à tout rapport de comité raisonné qui comporte des modifications au Budget principal.

Je ne sais pas exactement comment nous pouvons nous y prendre, si les partis d'opposition ne veulent pas utiliser leurs vingt jours pour présenter ces motions et vraiment en discuter à fond.

Rien n'empêche les partis d'opposition de présenter une motion qui porte sur les changements qu'ils souhaitent proposer aux trois différentes formulations des crédits.

J'ai presque l'impression que si le dernier jour, il y a moyen de donner la priorité au travail fait par les comités, il serait préférable de tenter d'obtenir que le Parlement et plus particulièrement ses comités, prennent leur travail plus au sérieux surtout en ce qui concerne le Budget principal afin d'assurer qu'au moins quelques-uns de ces rapports feront l'objet d'une discussion de durée raisonnable et afin d'obtenir que le gouvernement explique pourquoi il rejette les recommandations de ces rapports. Est-ce ce que nous voulons faire? Je ne vois pas comment c'est possible la dernière journée.

M. Marleau: Il faut préparer un règlement qui prévoit le temps nécessaire pour les rapports de comité, comme vous venez de l'expliquer. Ou encore, si vous choisissez de procéder par réaffectations, on pourrait les faire en priorité en les plaçant au haut du Feuilleton et consacrer à ces mesures un temps minimum de débat, à raison soit d'un député par parti, membre du comité, et le ministre, ou peut-être une heure chacun, ou une demi-heure chacun, si vous voulez des discours de dix minutes. Il y a moyen de trouver une structure qui réponde à certaines de ces préoccupations.

La présidente: Si l'opposition continue à se comporter de façon irresponsable - et nous avons été nous-mêmes dans l'opposition - lorsqu'il s'agit d'utiliser les jours désignés en n'accordant pas la priorité aux travaux relatifs aux subsides, la seule autre option consisterait, je pense, à ajouter peut-être deux ou trois jours désignés qui seraient consacrés aux rapports de comité sur le Budget principal.

M. Marleau: Il ne faut pas oublier que c'est l'opposition, ou le parti d'opposition qui détermine exclusivement le sujet faisant l'objet de débats les jours réservés aux travaux relatifs aux subsides. En ce qui concerne les rapports de comité, il peut s'agir d'un rapport majoritaire, il peut s'agit d'un rapport unanime.

Le dernier jour, tout député peut présenter une motion d'opposition aux subsides; il pourrait même s'agir d'un simple député du parti ministériel. Ainsi, les jours désignés supplémentaires dont vous parlez seraient mis à la disposition de l'opposition en tant que parti d'opposition et non pas nécessairement à la disposition des comités qui ont déposé des rapports.

La présidente: Je voudrais peut-être accorder des jours supplémentaires à la Chambre et pas uniquement aux partis d'opposition.

M. Marleau: C'est ce que j'essayais de dire, sans me prononcer...

La présidente: Ai-je tort de penser aux autres ici? C'est ce que nous tentons d'accomplir.

[Français]

Monsieur Laurin.

M. Laurin: Je ne vois pas ce que ces trois jours supplémentaires viendraient ajouter puisque le gouvernement a tout le loisir de présenter n'importe quand n'importe quel sujet. Dans le fond, ne serviraient-ils pas bien plus le gouvernement que l'opposition?

.1025

Il me semble que le principe même des jours désignés pour l'examen des subsides, c'est de permettre à l'opposition de faire valoir ses opinions. Pourquoi en ajouter trois autres? Je pense que le gouvernement a déjà amplement de latitude; il peut les étudier n'importe quand. Ai-je raison de faire cette affirmation?

M. Marleau: Ou il peut ne jamais le faire.

M. Laurin: S'il choisit de ne pas le faire.

[Traduction]

La présidente: Ce que je veux faire, ce n'est pas accroître le pouvoir du gouvernement de décider des débats en Chambre, mais en fait, donner plus de pouvoir aux comités du Parlement de déterminer le sujet des débats en Chambre; ou de soumettre le résultat de leurs travaux à la discussion en Chambre. Comme l'a dit M. Marleau, si un comité dépose un rapport accompagné de recommandations appuyées par la majorité des membres du comité, cela représente clairement beaucoup de travail, mais malheureusement, ce rapport ne représente peut-être que l'opinion des députés ministériels et donc il s'agit en fait d'un rapport minoritaire. Peut-être voulons-nous considérer les rapports adoptés à l'unanimité par un comité et leur accorder la priorité en ce qui concerne les débats en Chambre. Je ne sais pas.

Nous essayons peut-être d'entrer trop dans les détails, mais nous voulons donner une plus grande priorité à améliorer le travail fait par les comités sur le Budget principal. La seule formule qui me vient à l'esprit consiste à assurer aux rapports des comités une certaine priorité en Chambre avant la fin de l'examen du Budget principal.

M. Pagtakhan: Je conviens que le nombre de jours désignés réservés à l'opposition est ce qu'il faut. Si nous augmentons le nombre de jours désignés, l'opposition s'en réjouira mais pas le gouvernement. Si nous diminuons le nombre de jours, ce sera le contraire. Je pense donc qu'il faut maintenir ce nombre à son niveau actuel.

En ce qui concerne la possibilité pour l'opposition de choisir les sujets de débat, compte tenu de l'imagination des gens, je pense que cette possibilité existera toujours, quelles que soient les restrictions que nous imposons. Lorsque l'on présente un amendement de 1 $, cela touche le Budget principal. Donc, à mon avis, il faut se contenter de la situation actuelle.

Quant à ajouter une autre journée sans la réserver expressément aux rapports de comité, là encore, l'opposition - ou quiconque, mais fort probablement l'opposition - se servirait de cette journée de la même façon et donc nous n'atteindrons pas l'objectif visé. Si nous apportons des changements, il faut que ce soit en ajoutant des jours désignés de comité qui ne peuvent être utilisés que par un comité. En d'autres termes, qualifions ces jours d'un autre nom que jours désignés. En effet, nous ne pouvons pas parler de jours désignés, puisque actuellement, cette expression signifie des jours réservés à l'opposition, n'est-ce pas? Il faudrait donc parler de jours de comité afin que ce soit très clair.

En ce qui concerne quel comité disposera des jours de comité en Chambre, ce sera très difficile à gérer. Parmi les 20 comités, lesquels les utiliseront?

La présidente: La solution consiste peut-être dans les rapports de comité. Je ne propose pas de réduire le nombre de jours désignés. Toutefois, je pense que puisque nous reconnaissons qu'il ne s'agit pas de jours réservés aux travaux relatifs aux subsides, nous voudrons probablement modifier le règlement afin qu'il soit clair que ces jours peuvent servir à discuter des subsides ou de tout autre sujet, au choix de l'opposition. Néanmoins, il nous faut éliminer cette comédie de prétendre qu'il s'agit de jours réservés aux subsides.

Si nous voulons accorder un jour ou deux à l'examen des rapports de comité sur le Budget principal, il me semble tout à fait raisonnable de permettre aux partis d'opposition de choisir les rapports qui feront l'objet d'un débat ou encore notre nouveau Comité du budget des dépenses pourrait recommander un groupe de rapports.

M. Pagtakhan: Évidemment, un rapport de comité unanime - unanimement en faveur du budget des dépenses - n'est pas un sujet intéressant de discussion. Après tout, n'est-ce pas une motion universelle d'adoption? Par contre, un rapport unanime portant réaffectation ou diminution des crédits au sein d'un ministère, voilà quelque chose qu'il vaudrait vraiment la peine d'examiner, dans le contexte actuel. S'il y a augmentation des crédits, cela constitue, d'une certaine façon, un vote de confiance. Une diminution du total qui vise tous les crédits ou une motion portant réaffectation des crédits au sein d'un ministère qui fait l'objet d'un examen en comité, je présume un ministère par comité, si c'est fait à l'unanimité... En d'autres termes, un vote unanime sur un budget des dépenses précis, en comité, qui conteste les propositions initiales du gouvernement, voilà qui devrait faire l'objet d'un jour supplémentaire de discussion. Cela pourrait donner lieu à un débat animé venant de la base.

.1030

La présidente: Je dois partir dans cinq minutes, si je ne veux pas obtenir une contravention pour excès de vitesse en me rendant à CJOH. Vous pouvez rester là tous les deux et continuer, mais je ne sais pas quel est le quorum.

M. Pagtakhan: J'ai terminé mes questions.

La présidente: Voulez-vous demander à M. Marleau de faire quelque chose? J'ai hâte de régler cela et de passer à ce rapport pour en finir, messieurs.

M. Marleau: Madame la présidente, puis-je dire quelque chose?

La présidente: Certainement.

M. Marleau: Rien ne nous empêche de rédiger un ensemble de règlements qui porteraient sur les questions de procédures que vous avez soulevées. Je pense que tout peut être prêt pour la dernière journée de temps désigné, etc.

Ici, permettez-moi de revenir à certains des témoignages de la semaine dernière. Je sais que vous êtes pressés, mais j'aimerais le mentionner en votre présence. Qu'est-ce qui ramènera les députés en salle de comité pour discuter du budget des dépenses? Si vous ne répondez pas d'abord à cette question, alors vous ne ferez que réécrire des règlements qui ne donnent rien et qui sont la source de la frustration actuelle. Vous aurez tout simplement reporté cette frustration de la dernière heure à la première heure ou à une heure au milieu, à mon humble avis.

Qu'est-ce qui redonnera aux députés le goût d'étudier les crédits, d'examiner le budget des dépenses et de présenter des rapports à la Chambre sur ces questions? Nous savons qu'il ne sert à rien de rejeter le budget des dépenses, cela n'a rien donné depuis 1968. Les réductions au budget ont été minimes et à l'occasion, motivées par des considérations purement politiques, soit au sens partisan, soit à cause de la conjoncture à l'époque, sans avoir à voir avec l'étude des crédits.

La semaine dernière, j'ai dit que je pensais qu'en parlant de réaffectation, vous étiez sur la bonne voie. Je pense que cela permettrait une dynamique qui pousserait les députés de l'opposition à former des alliances, des coalitions, à se fixer des objectifs dans l'étude des crédits. Ce dont il a été question ce matin ne fait que changer le mal de place à moins que vous ne reveniez à la question fondamentale, c'est-à-dire celle d'intéresser les députés au livre bleu parce qu'ils y trouveront leur compte. Quant à formuler une demande...

La présidente: C'est pourquoi nous nous arrêtons à cet aspect. S'il y a débat en Chambre, si l'on met l'accent sur les recommandations des comités plutôt que celles du gouvernement, cela pourrait permettre d'y parvenir. En fait, depuis plus d'un an maintenant, c'est justement la question à laquelle nous tentons de répondre.

M. Pagtakhan: Je reconnais que ce ne sera pas... on s'en rappellera peut-être pendant une législature. Ensuite, ce sera oublié. Je pense qu'il faudra pouvoir réaffecter les crédits, parce que chaque député a ses priorités. On peut espérer qu'il y aura consensus sur des priorités collectives. Voilà ce que nous cherchons à savoir.

[Français]

La présidente: Monsieur Laurin.

M. Laurin: Si on ne s'entend pas sur un principe, on ne va nulle part et ça ne donne rien de continuer à discuter en vue d'apporter des modifications. Il faut changer fondamentalement le fonctionnement du comité qui fait l'étude des crédits.

À mon avis, la seule façon d'amener les députés au comité pour en discuter, c'est de leur permettre de s'exprimer librement et qu'il n'y ait pas de vote de parti au comité. C'est un comité d'étude. Nous n'étudions pas au nom du Parti libéral ou du Bloc québécois.

Bien sûr, je suis imbu de mes principes autant que vous l'êtes des vôtres. Le comité devrait nous permettre d'apporter des recommandations et des suggestions et de convaincre nos collègues; c'est un comité d'étude qui fait des recommandations au gouvernement. Le gouvernement pourra ensuite voter selon sa discipline de parti. Ici, au comité, si chacun des députés pouvait sentir qu'il est capable d'apporter des suggestions susceptibles de faire l'objet d'une recommandation unanime d'un comité, nous pourrions réussir à intéresser les députés à revenir. Chacun pourrait se sentir valorisé et nous livrer son apport philosophique sur une question d'importance fondamentale.

Bien sûr, l'esprit de parti sera toujours en arrière quelque part. Déclarer de façon officielle que chacun ici doit se prononcer librement, sans risque de représailles de la part de son parti, serait la façon la plus moderne d'envisager le fonctionnement d'un comité. Autrement, on parle pour rien. On va discuter de ce sujet pendant encore deux mois et on ne trouvera sans doute pas d'autres solutions.

.1035

[Traduction]

M. Pagtakhan: À ce sujet...

La présidente: Oui, excusez-moi, je dois partir, sinon je serai en retard. Je peux lever la séance officiellement et vous pouvez continuer à discuter si vous le souhaitez.

Je vais lever la séance officiellement. Vous pouvez continuer à discuter aussi longtemps que vous le voulez et me faire part des résultats.

M. Pagtakhan: Mais il n'y aura pas de compte rendu. La réunion sera à huis clos?

La présidente: Vous pouvez continuer comme sous-comité, sous la présidence, disons, de M. Pagtakhan? Si je demandais à M. Pagtakhan d'assumer la présidence? La réunion pourrait continuer et vous pourriez me faire rapport des résultats.

Le président suppléant (M. Pagtakhan): J'aimerais simplement dire que, personnellement, comme membre de comité, je ne me suis jamais senti obligé. J'ai toujours exprimé mon opinion personnelle comme membre de ce comité, sachant évidemment quelle était la philosophie de mon parti. Je pense qu'il en va de même de tous les députés. Les procès-verbaux de comité, révèlent que c'est bien ce que j'ai fait.

Toutefois, je pense que vous voulez faire valoir que si certains députés estiment... en fait il s'agit de savoir quel message nous allons transmettre. Même si vous dites que les députés sont libres, s'ils se comportent comme ils l'ont fait par le passé, c'est-à-dire en suivant leur conscience politique, dans l'ensemble, la décision sera prise par un bloc de partis et le résultat sera le même.

Donc cela ne me préoccupe pas. Toutefois de dire que les membres de comité doivent se sentir libres de...

[Français]

M. Laurin: Monsieur Pagtakhan, s'il est vrai que vous vous êtes toujours senti libre d'exprimer vos opinions au comité, pourquoi le parti au pouvoir doit-il y être majoritaire? La question fondamentale est là. Si le parti au pouvoir tient à sa majorité au sein des comités, c'est parce qu'il veut absolument qu'on y défende l'opinion du parti et non celle des députés. Si le contraire était vrai, on pourrait avoir la parité dans les comités et ça ne changerait rien à la ligne de parti.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Pagtakhan): Oui, mais vous définissez alors la démocratie comme une démocratie de partis, de nombres égaux, alors que la démocratie réelle suppose la représentation proportionnelle au sein du comité, fondée sur le nombre de députés par parti. Par exemple, si vous voulez dire...

[Français]

M. Laurin: Ce n'est pas ce que je dis.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Pagtakhan): Prenons le gouvernement actuel, sans allusion à sa performance. Le Parti conservateur n'a que deux membres. Voulez-vous dire que ceux-ci devraient être représentés, au sein de chaque comité, sur un pied d'égalité avec un parti comme le vôtre, qui possède 54 députés? Cela ne m'apparaît pas juste, parce que les membres de votre parti se plaindront si un parti de deux députés a une représentation proportionnelle beaucoup plus grande. Cela signifierait aussi que les députés en Chambre ne sont pas sur un pied d'égalité. Je pense que cela va à l'encontre de l'argument que vous faites en faveur de la représentation égale.

N'est-il pas vrai que la représentation au sein d'un comité est fondée sur le nombre de députés de chaque parti politique?

M. Marleau: Oui, la représentation proportionnelle des partis à la Chambre se trouve normalement reflétée dans la composition des comités.

.1040

Le président suppléant (M. Pagtakhan): Donc de fait, si le gouvernement est minoritaire, cela signifierait qu'en comité, il le sera aussi.

[Français]

M. Laurin: Nous pourrions tenir une discussion dans un corridor de la Chambre des communes et nous entendre sur ce sujet. Si nous tenions la même discussion, vous en tant que député libéral et moi en tant que bloquiste, peut-être ne serions-nous plus d'accord parce que nous aurions la responsabilité de défendre la ligne de notre parti. Lorsque je suis arrivé ici, je croyais que les comités auxquels on siégeait étaient des comités d'étude.

Lorsque je discute avec un député et lui fais part de mon opinion, je sais d'avance que mon opinion, si bonne soit-elle, ne sera jamais acceptée à cause de la ligne de parti. Je lui ai donc parlé pour rien; je viens de parler dans le désert. Bien qu'il puisse accepter que ce que j'ai dit a du bon sens, il n'en conviendra jamais parce que sa ligne de parti le lui défend. C'est ce que je reproche au comité. Si je participe à un comité d'étude, je n'étudie pas mieux, que je sois rouge, bleu ou bloquiste. Quand j'étudie, j'étudie avec mon bon sens, mon expérience et ma formation. C'est ainsi que j'étudie un problème et que j'échange des opinions.

Après un échange d'opinions, notre comité pourra formuler une recommandation qui sera étudiée par la Chambre sous un autre angle. C'est à ce moment qu'on déterminera si la recommandation du comité cadre bien dans la philosophie de chaque parti et qu'on procédera au vote. Mon opinion comme député aurait ainsi davantage la chance d'être écoutée et de convaincre. Autrement, ce n'est pas possible. Nous faisons toujours ici, au comité, une répétition de ce qui se passera en Chambre; on se teste ici. C'est ce qui justifie la présence de la majorité au comité. Autrement, ce ne serait pas une vraie répétition. Quand on fait une répétition au théâtre, on essaie de reproduire les conditions dans lesquelles on se retrouvera le soir de la première. C'est ce qu'on fait au comité: on fait des répétitions générales avant le jour de la première en Chambre. On sait alors comment ça va se passer; on se dit que la décision a été majoritaire au comité et que ce sera donc la même chose en Chambre.

J'ai lu des rapports sur l'utilité et l'apport des comités. Ils en viennent presque tous aux mêmes conclusions. Les députés viennent au comité pour occuper leur temps. Le chef du parti ou le whip a bien moins de soucis s'il sait que son député assiste aux séances d'un comité. De plus, le député est moins achalant. Il ne parle pas aux journalistes pendant qu'il est assis là. Il ne peut faire autre chose.

Ce n'est pas la raison pour laquelle je suis ici, moi. Je ne suis pas ici pour perdre mon temps, et vous non plus. Nous sommes ici pour faire valoir nos opinions de temps en temps, bien qu'elles soient toujours teintées par la philosophie que nous avons d'abord épousée dans notre parti. Il faudrait toutefois que de temps en temps nous puissions faire valoir nos opinions sans nous sentir obligés, comme cela se produit lorsque nous sommes en Chambre, d'accepter telle opinion. En Chambre, je me rallie à mon parti même si je ne suis pas toujours d'accord sur certaines philosophies. Règle générale, j'ai épousé les philosophies de mon parti et quand vient le temps de voter, je suis solidaire. J'aimerais toutefois pouvoir exprimer ailleurs mes opinions personnelles, des opinions qui représentent celles de mes électeurs.

Mes électeurs ont épousé globalement ma philosophie souverainiste, ce qui ne veut pas nécessairement dire qu'ils sont toujours d'accord sur ma façon de faire. J'aimerais pouvoir en discuter quelque part et pouvoir les représenter. C'est ici, au comité, que la plus grande démocratie peut se manifester, où chacun peut s'exprimer sans avoir en arrière-plan la peur de représailles ou la peur de mettre en danger la philosophie de son parti.

Je ne vois pas d'autres solutions. Sinon, le fonctionnement des comités restera le même, et aucun député ne se sentira valorisé par sa participation au travail d'un comité.

.1045

[Traduction]

Le président suppléant (M. Pagtakhan): Bien que nous ayons évidemment des divergences d'opinion, nous convenons de plusieurs points. En fait, à vrai dire, je me sens libre. À titre personnel, je pense que mes brefs antécédents à la Chambre - et j'ai pris quelques notes ici, par exemple - lorsque j'ai pu obtenir l'appui unanime de la Chambre, relativement à quelques motions privées... j'ai même pu appuyer une motion sur la taxe d'accise que j'avais rejetée lorsque j'étais député de l'opposition. Je n'ai pas appuyé cette motion parce que c'était la position de mon parti, mais parce que j'étais capable d'apprécier une approche différente à ce moment-là.

En fait, j'ai fait une analogie avec la médecine. C'était le cas de la taxe d'accise. Je croyais qu'elle ferait réduire la consommation de tabac. Mais je sais aussi que même en médecine, si on prescrit un médicament qui est bon mais qui à la longue peut avoir des effets secondaires, l'administration continue du médicament peut causer la mort du patient. Il faut donc soit supprimer le médicament ou en réduire les doses. À mon sens, mon rôle en tant que parlementaire était de parler de la question dans le contexte de mes connaissances en ce domaine. Autrement dit, j'ai dit «prenons l'ensemble des mesures». On a alors présenté un ensemble de mesures visant à régler ce problème: la réduction des taxes encourageait la contrebande, c'est pourquoi on les a augmentées un peu.

Il y a par ailleurs l'élément éducation, la surtaxe et tout le reste; autrement dit, les médicaments qu'on choisit en second lieu pour le même traitement, soit de réduire la consommation de tabac, et qui n'auront pas l'effet secondaire de causer la contrebande par ailleurs. Autrement dit, si je peux concilier dans mon esprit... Mais personne ne m'a dit cela. Cela fait partie de mes antécédents que j'ai pu utiliser en donnant cet exemple. J'y ai réfléchi en toute liberté, mais on me disait que j'avais voté en suivant la position du gouvernement, parce que je faisais partie du gouvernement. J'ai répondu que non. J'ai pu trouver les raisons de le faire par moi-même. À mes yeux, c'était le gros bon sens.

Bien entendu, je comprends vos arguments. Pour l'instant, j'aimerais dire que la réaffectation est possible. Pour moi, il n'est pas nécessaire de déclarer que les membres du comité ont droit au vote libre, parce que j'ai toujours voté en toute liberté.

À mon avis, l'argument selon lequel il doit y avoir un nombre égal de députés du gouvernement et de l'opposition à tout comité vient en second par rapport à un principe plus important, soit celui de la représentation égale et proportionnelle des députés de la Chambre qui, par ailleurs, appartiennent à un parti donné. En agissant autrement, on enfreindrait les droits de ces députés: le fait qu'ils appartiennent au parti de la majorité leur nuirait. Comment pourraient-ils alors répondre à leurs électeurs qui leur demanderaient, s'ils appartiennent au parti du gouvernement, comment il se fait qu'ils ont moins de privilèges au sein d'un comité que les membres d'un parti qui n'a élu que deux députés? Aucun Canadien n'accepterait cette proposition.

Il est très grave de proposer qu'il y ait un nombre égal de députés, seulement parce que nous avons deux blocs, l'opposition et le gouvernement. Si vous dites que c'est une approche plausible, qu'est-ce qui l'empêcherait...? Faudrait-il se limiter uniquement aux membres de l'opposition officielle? Qu'en est-il d'un troisième, d'un quatrième ou d'un cinquième parti d'opposition?

Si l'on ouvre la porte à la représentation égale en comité en fonction de l'affiliation à un parti, nous pourrions nuire dans les faits à la raison d'être d'une représentation égale en comité.

[Français]

M. Laurin: Compte tenu de la teneur de nos discussions, je me demande s'il est nécessaire de retenir M. Marleau ici.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Pagtakhan): L'interprète doit nous quitter dans cinq minutes.

[Français]

M. Laurin: J'estime que l'argument de la représentation proportionnelle des partis n'est pas valable pour les comités. Je vous donne un exemple. Si vous êtes dix personnes à m'affronter et que je suis seul, est-ce que vos paroles ont plus de valeur que les miennes parce que vous êtes appuyé de neuf autres personnes et que je suis seul? À la limite, ça voudrait dire que je ne devrais pas parler trop fort parce que vous êtes neuf. En termes de violence physique, on pourrait vous donner raison parce que vous êtes dix et que je suis seul. Mais si on parle rationnellement, ce que je vais vous dire, seul de mon côté, peut avoir autant d'importance que ce que vous allez me dire même si vous êtes dix. Ce n'est pas le nombre qui rend une chose intelligente; c'est la profondeur de nos propos.

.1050

J'ai souvent l'impression qu'en raison de votre majorité dans les comités, un seul de vous pourrait s'exprimer et quand viendrait le temps de voter, les autres, qui ne seraient jamais venus aux autres réunions du comité, viendraient voter comme vous puisqu'ils sont soumis à la ligne du parti. C'est la loi du plus fort. Je reconnais la loi de la majorité en Chambre, mais si nous la maintenons dans les comités, nous ne devons plus songer à intéresser les députés.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Pagtakhan): Je suis d'accord avec vous et je me suis servi du même argument lorsque j'étais conseiller scolaire. Le pouvoir de la raison doit toujours être associé au pouvoir des chiffres. C'est presque en contradiction avec la démocratie, mais on espère que dans une démocratie, la raison règne, quel que soit le nombre. Par conséquent, dans ce cas-là, le pouvoir prime sur le pouvoir de la raison; mais il serait faux de dire que le nombre est nécessairement dénué de raison.

Si j'accepte votre thèse selon laquelle le pouvoir de la raison, comme je le crois également, est plus grand que le simple pouvoir du nombre, vous n'avez donc rien à craindre en tant qu'opposition, même si vous êtes moins nombreux, puisque vous croyez au pouvoir de la raison. Je pense qu'on se trompe parfois en parlant du nombre. En effet, on croit parfois que le nombre est automatiquement dénué de raison et qu'il manque automatiquement à la raison le pouvoir du nombre.

Je pense qu'on contesterait souvent ce que j'ai dit. En toute modestie, je suis souvent parmi les deux sur sept qui soulèvent toujours des objections. Mais rappelez-vous que le plus grand nombre est là, il s'agit du public, et qu'il verra si l'opposition est sensée, même si son nombre est moindre.

Il faut toujours penser à l'opinion publique, particulièrement lors des séances publiques du comité. C'est là que le sens commun est mis à l'épreuve. Ce qui compte ce n'est pas ce que nous croyons, mais ce que le public croira. C'est-à-dire, ce qui est sensé.

[Français]

M. Laurin: Monsieur Pagtakhan, c'est ce que vous avez l'occasion de faire en Chambre. C'est le principe qu'ont compris les Caisses populaires au Québec. Ce n'est pas la somme qu'une personne dépose dans son compte de banque qui lui donne de l'importance à l'assemblée générale; on accorde à un homme un vote et à une femme un vote, peu importe leur fortune personnelle. On sait bien que la fortune personnelle donne du prestige et qu'un argument plus faible pourrait avoir gain de cause à cause de la fortune.

C'est ce que je ressens souvent dans les comités. Même un argument plus faible a des chances d'être appuyé à cause de la solidarité. Ce n'est pas un vrai jeu. Les choses ne sont pas équitables. On sait que c'est perdu d'avance. C'est David contre Goliath. Ce n'est pas l'intelligence qui l'emporte, mais la force physique, la force des bras. Je ne suis pas intéressé à aller me battre, bien que j'aime bien parler et gesticuler. Si je sais d'avance que c'est perdu, j'aime mieux essayer de convaincre les gens ailleurs. Je n'ai pas la bonne tribune.

Je serais probablement plus utile si j'investissais six heures à travailler dans mon comté plutôt que dans un comité. Quand je parle à mes commettants, je le fais toujours de façon égale et j'essaie de les convaincre de mes idées. Par contre, personne ne les oblige à partager mes idées. Personne ne leur dit en arrière qu'ils doivent penser comme Laurin pour ne pas risquer des représailles. Ici, au comité, on sent souvent que le député doit penser de telle façon, sinon il représente mal son parti, n'adopte pas la ligne qu'il faut suivre et ne fait pas preuve de solidarité.

Au comité, ce n'est pas la place pour agir ainsi; c'est l'endroit où on peut valoriser le député. C'est là qu'il a le rôle le plus important. En Chambre, il n'est qu'un parmi quelque 300 députés. Si j'attendais mon tour pour parler, je parlerais peut-être une fois tous les quatre ans.

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C'est ce qui arrive la plupart du temps à la très grande majorité des députés qui font partie du gouvernement au pouvoir. Ils sont trop nombreux et ils n'ont pas le temps de parler en Chambre. Ailleurs ils peuvent parler, mais ils ne peuvent pas dire ce qu'ils veulent, et quand ils peuvent le dire, je doute que ce soit en toute liberté.

C'est pourquoi je vous dis de ne pas chercher des solutions différentes. Il faut donner au député une place où il pourra s'exprimer à titre de représentant des personnes qui l'ont choisi. La toile de fond sera toujours le parti, on le sait. Je pense que nous pourrions établir un juste équilibre pour le député s'il pouvait parfois s'exprimer sans ligne de parti et si les partis prévalaient en Chambre.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Pagtakhan): Cette question pourrait faire l'objet d'une motion pour une journée consacrée à l'opposition.

Merci beaucoup.

[Français]

M. Laurin: Je le sais bien. Monsieur Marleau, puisque que vous êtes toujours parmi nous, puis-je vous demander si c'est possible? Pourrait-on adopter l'approche que je viens d'exprimer sans changer le Règlement de la Chambre? Est-ce que cette question relève uniquement des partis ou de la réglementation interne des partis, ou si elle a des répercussions sur le Règlement de la Chambre?

M. Marleau: Cette question relève d'abord des partis puisque, de façon générale, vos commentaires touchent des éléments de la discipline de parti.

J'aimerais ajouter que tous les thèmes que vous avez soulevés relativement à l'apport d'un député au travail des comités sont des thèmes qui reviennent assez souvent dans le contexte des réformes dites procédurales. Ils touchent essentiellement une foule de questions qui n'ont rien à voir avec la procédure. Par exemple, au début des années 1980, la Chambre a tenté des expériences semblables à celle que vous proposez en formant ce que l'on appelait des task forces ou des groupes de travail. Il s'agissait de très petits comités très souvent composés de trois députés, un de chaque parti. Il y avait parité: on avait un président libéral, un député de l'Opposition officielle conservatrice et un député du NPD. On leur avait confié des mandats d'enquête sur la pauvreté, le libre-échange et une foule d'autres questions.

À mon avis, vous ne pouvez pas prêcher de façon absolue cette égalité ou cette parité en comité dans notre système sans tenir compte de la question qu'étudie le comité.

En 1968, la Chambre a choisi de confier l'étude des projets de loi aux comités, ce qui était auparavant la prérogative de la Chambre. Les prévisions budgétaires et les subsides no 1 émanent des ordres du gouvernement. Si vous regardez dans le Feuilleton, vous y lirez: «Ordres émanant du gouvernement - No 1 - Subsides». L'initiative de ces subsides appartient au gouvernement. Vous confrontez donc le rôle souhaité pour le député, soit un rôle plus démocratique, plus ouvert et plus libre, à des termes de gouvernance qui sont fondamentaux à notre système et qui ne touchent pas la procédure.

Ce que vous proposez est peut-être faisable dans un cadre d'enquête pur où, pour le bien de la nation, les députés se rassemblent autour d'une table, se penchent sur un problème et formulent des recommandations qui pourraient inspirer un gouvernement. Cela a déjà été tenté et a connu un certain succès dans le passé. Il y a toutefois une incompatibilité qui est peut-être insurmontable dans ce que vous proposez, dans un contexte où un gouvernement a le mandat de gouverner et où les questions qui se retrouvent devant le comité touchent à ce mandat de gouverner.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Pagtakhan): Il est 11 heures, et l'interprète nous quitte dans un instant. Cette discussion a été très intéressante.

La séance est levée.

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