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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 27 septembre 1996

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[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux élèves de 10e et 11e années de Cam McGregor de la Inuksuk High School.

Nous sommes heureux de vous accueillir. Merci d'être venus nous rencontrer.

Nous accueillons cet après-midi M. Roger Sévigny, du département des Services sociaux de la municipalité d'Iqaluit; John Clay du Comité de la justice pour la jeunesse; et un autre intervenant.

M. Doug Sage (surintendant de la région de Baffin, ministère de la Santé et des Services sociaux, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest): Je m'appelle Doug Sage et je représente le ministère de la Santé et des Services sociaux.

La présidente: Merci d'être venu.

Avez-vous un exposé à nous présenter? Si c'est le cas, allez-y. Puis nous passerons à la période des questions.

M. Roger Sévigny (directeur adjoint, département des Services sociaux, municipalité d'Iqaluit): Mon exposé de cet après-midi sera en grande partie improvisé. J'aimerais simplement d'abord vous faire part des points saillants.

Le département des Services sociaux de la municipalité d'Iqaluit se trouvait jusqu'à tout récemment dans une position unique, puisqu'il s'agissait là du seul département des Services sociaux des territoires. Nous avions donc une grande liberté à l'égard de l'élaboration des services. Nous pouvions faire les choses comme nous le voulions.

Je suis convaincu que M. Sage pourra vous en dire un peu plus long sur ce genre d'attitude.

Nous pensons que notre département est sensible aux besoins de la communauté. C'est parfois difficile, compte tenu des lignes directrices qui nous sont imposées, mais lorsque nous offrons des services, nous essayons d'offrir ceux qui répondent le mieux aux besoins de la municipalité d'Iqaluit.

Nous sommes un département des Services sociaux génériques, car nous offrons toute une gamme de services à nos clients, comme les services de bien-être destinés aux enfants, l'aide sociale, l'orientation familiale, les services de probation destinés aux jeunes et aux adultes, les services de libération conditionnelle et du counselling.

Nous nous occupons des jeunes contrevenants depuis l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants. À l'époque, la majorité de nos employés devaient travailler avec les jeunes contrevenants. Nous nous occupions surtout du volet probation et, dans une moindre mesure, de la garde par l'entremise de services facultatifs de placement au foyer. Il n'existait à l'époque aucun placement sous garde dans l'est de l'Arctique, et tous les jeunes de la région qui étaient condamnés à la garde en milieu ouvert ou à la garde en milieu fermé étaient envoyés dans la région ouest de l'Arctique.

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Les services facultatifs de placement sous garde au foyer que nous avons utilisés nous permettaient d'envoyer les jeunes surtout dans des foyers d'accueil. Nous avons eu plus ou moins de succès à cet égard. Certains placements se sont très bien déroulés, d'autres moins. Mais c'était certainement mieux que d'envoyer nos jeunes dans une situation complètement étrangère, si je peux utiliser ce terme.

Nos jeunes se retrouvaient à Yellowknife dans un foyer collectif qui était en fait un centre de garde en milieu ouvert, à la Division des jeunes contrevenants du Centre correctionnel de Yellowknife ou à Hay River. C'est un peu comme si on envoyait quelqu'un de Montréal purger une peine à Terre-Neuve; c'était tout aussi logique. Il y avait une différence de langue et de culture. Cela posait des problèmes, et il était très difficile d'assurer la réinsertion sociale des jeunes contrevenants.

Je crois que vous avez visité hier l'installation réservée aux jeunes contrevenants. Cette installation a été créée principalement parce qu'un nombre toujours croissant de nos jeunes étaient condamnés à la garde en milieu fermé et qu'on les envoyait dans la région ouest de l'Arctique. Une fois cette installation construite, nous avons constaté une chose très importante: le nombre de jeunes contrevenants de l'est de l'Arctique - et certainement d'Iqaluit - condamnés à la garde en milieu fermé a chuté. Cette installation accueille maintenant un grand nombre de personnes de l'Ouest de l'Arctique qui ont été condamnées à la garde en milieu fermé. C'est agréable de voir ce renversement de situation.

Cependant, j'ai constaté avec désarroi qu'il y a toujours des jeunes contrevenants qui sont condamnés à la garde en milieu ouvert. Je désire dire officiellement que notre département n'est pas du tout heureux de cette situation. Nous sommes d'avis qu'en fait cela va à l'encontre des dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants parce que la peine n'est pas appropriée, compte tenu de l'infraction.

En 1986, notre département a créé un nouveau poste, celui de travailleur auprès des jeunes. Ce poste a été créé pour confier à ce travailleur tous les cas de jeunes contrevenants, afin de centraliser le service. Nous voulions également créer le Comité de la justice pour la jeunesse, dont M. Clay vous parlera sous peu.

Il y a quelques années, le ministère de la Justice a assumé la responsabilité de la Division des services correctionnels, qui jusqu'alors relevait du ministère de la Santé et des Services sociaux. Avant ce changement, notre département s'occupait du placement de tout jeune contrevenant condamné à la garde. Nous pouvions dans une large mesure décider où ces jeunes seraient envoyés et quelle sorte de services leur seraient offerts.

Depuis que le ministère de la Justice a assumé la responsabilité de ce secteur, notre participation est pratiquement limitée exclusivement aux services de probation. Nous sommes très rarement consultés en ce qui a trait aux services de placement ou aux services offerts aux jeunes contrevenants sous garde. Cela ne veut pas dire que les efforts déployés par les gens de Isumaqsunngittukkuvik ne sont pas importants. Je connais la plupart d'entre eux personnellement et je peux vous dire qu'ils font tout ce qu'ils peuvent en fonction des lignes directrices qui leur sont imposées.

Une autre question nous préoccupe. Nous avons noté un taux de roulement important chaque année chez les agents de la GRC. Les nouveaux agents ont déjà des attitudes et des opinions bien claires. Ils arrivent, peu importe d'où ils viennent, avec des façons différentes de fonctionner.

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Nous avons consacré beaucoup de temps et d'efforts pour créer le Comité de la justice pour la jeunesse, et cela veut dire que lorsque ces nouveaux agents arrivent il faut expliquer à nouveau le rôle de ce comité.

Nous croyons également qu'on n'a pas suffisamment recours aux services de ce comité. Nous sommes en partie responsables de la situation. Nous devrions faire plus d'efforts pour convaincre la GRC de l'importance de ce comité. Mais je crois que le gouvernement fédéral est conscient du rôle positif que ce comité joue et nous donne toutes les occasions possibles d'intervenir.

Je suis convaincu que John vous en parlera.

Lorsque nous avons lu la loi, nous nous sommes inquiétés de la façon dont certains jeunes sont traités lorsqu'ils sont placés sous garde, tout particulièrement sous garde en milieu ouvert. Nous craignons qu'ils ne soient pas traités de la façon la moins restrictive. On semble penser plus à l'incarcération qu'à la réadaptation et la réinsertion sociale.

Je suis convaincu que la Loi sur les jeunes contrevenants encourage clairement la réinsertion sociale. D'après mon interprétation de la loi, c'est là l'objectif visé par la Loi sur les jeunes contrevenants; je m'inquiète donc lorsque l'incarcération devient l'objectif principal.

On a beaucoup discuté de modifier à la hausse ou à la baisse les limites d'âge en ce qui a trait aux jeunes contrevenants. Je ne peux pas parler au nom du département à cet égard parce que nos travailleurs ne s'entendent pas sur la question. J'aimerais donc vous dire ce que j'en pense personnellement.

Je crois que pour les infractions graves, soit les crimes avec violence, il faudrait abaisser la limite d'âge minimum. Je crois également qu'il faudrait abaisser la limite d'âge maximum pour certaines autres infractions. En d'autres termes, au lieu d'ordonner le renvoi au tribunal pour adultes d'un jeune contrevenant qui commet un crime grave, je préférerais que l'âge minimum pour certaines infractions soit abaissé, de sorte que le jeune contrevenant soit automatiquement jugé par un tribunal pour adultes.

Je voudrais également que la Loi sur les jeunes contrevenants prévoie un mandat plus clair pour les comités de justice pour la jeunesse. Les dispositions sont trop vagues.

Je crois que les comités de justice pour la jeunesse peuvent accomplir beaucoup. L'expérience nous a appris que si votre premier contact se fait lorsque la personne est très jeune, il y a de fortes chances qu'elle n'ait plus jamais de démêlés avec la justice. Nous devrions donc concentrer nos efforts dans ce secteur.

C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant. Je serai disposé à répondre aux questions.

La présidente: Merci, monsieur Sévigny.

Monsieur Clay.

M. John Clay (président, Comité de la justice pour la jeunesse, municipalité d'Iqaluit): Merci.

Je représente le Comité de la justice pour la jeunesse dans cette ville. Je fais partie du comité depuis sa création en 1989; ce comité s'occupe des jeunes depuis 1990. Depuis, nous avons étudié quelque 140 dossiers. Sur ces 140 enfants différentes - eh bien, pas tous différents - il y a environ 10 p. 100 de récidive, - ce qui indique un taux de succès assez bon.

Nous exigeons de rencontrer les jeunes avec leurs parents. Nous voulons que les parents participent.

Nous nous réservons également le droit - je crois que c'est la meilleure façon de le dire - de décider quels jeunes nous aideront en fonction de nos chances de réussite. Si nous savons que nous ne pourrons pas assurer la réadaptation d'un jeune dont le dossier nous a été renvoyé avec les ressources dont nous disposons, nous préférons que son dossier soit renvoyé aux tribunaux. Nous voulons travailler avec les jeunes lorsque nous avons des chances de succès; c'est en partie pourquoi le taux de récidive est si faible.

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Nous avons aidé des jeunes qui avaient été accusés de voies de fait, d'introduction par effraction et de vol. Pour ce qui est des vols, dans la majorité des cas il s'agissait de vols de motoneiges ou de ballades dans une voiture volée. Nous nous sommes occupés également d'un ou deux cas d'infractions moins graves relatives aux armes, quoique ces dossiers soient plutôt difficiles.

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Nous ne nous occupons pas des dossiers où l'infraction touche les drogues. Ces contrevenants vont directement devant les tribunaux.

Nous avons un budget très limité. Le comité est composé de cinq personnes qui représentent tous les groupes d'âge en ville, des personnes âgées aux jeunes adultes, hommes et femmes, Inuit et non-Inuit. Certains des membres du comité sont unilingues anglophones ou unilingues inuktitut. Dans la mesure du possible, nous n'avons recours aux services d'interprètes que lorsque c'est absolument nécessaire.

J'ai dit que j'étais président du comité, mais je devrais peut-être me décrire comme étant son porte-parole; en effet, durant les rencontres avec les parents et les jeunes, c'est celui qui est le mieux en mesure de composer avec ce dossier qui préside. Il se peut dans certains cas que lors de ces rencontres tous les membres du comité ne soient pas présents parce qu'ils ont d'autres engagements.

Ce que nous recherchons d'abord, c'est la réadaptation, la réintégration sociale, quand nous rencontrons le jeune et sa famille. Notre priorité n'est pas les sanctions. Nous essayons d'encourager chez les jeunes un comportement responsable.

Les programmes que nous créons pour les jeunes ne représentent habituellement pas de dépenses supplémentaires. Je crois qu'au cours des six dernières années le budget à ce chapitre s'est élevé à moins de 10 000 $. Dans la conjoncture actuelle, on peut certainement dire que nous sommes rentables.

J'ai certaines recommandations à formuler. En 1994, on nous a demandé de commenter un document s'intitulant: Rapport d'étape sur la sécurité dans les foyers et dans les rues. Nous l'avons fait, et avons fait parvenir un mémoire au comité à Ottawa.

Roger a déjà mentionné certains des points importants: meilleur accès aux jeunes, modification à la baisse de l'âge minimum pour le transfert au tribunal pour adultes, pour l'intervention des tribunaux, qui pourrait se faire avant l'âge de 12 ans...

Il serait à l'avantage de tous que nous puissions intervenir quand l'enfant est encore jeune. Il ne sert à rien d'attendre qu'un enfant ait 12 ans avant de prendre des mesures, avant d'intervenir. S'il était possible de prévoir une intervention anticipée, il serait possible de changer ces enfants.

Il faut assurer la participation des parents. Très souvent, si nous essayons d'aider un jeune et que ses parents ne participent pas au programme, le jeune finit par retourner dans le même milieu qu'auparavant. Il ne changera pas. Les mêmes tentations existent. Nous devons changer tout le milieu dans lequel les enfants grandissent.

Nous devons également écouter ce que les jeunes disent. Les rencontres sont informelles. Les parents, les membres du comité, le jeune... tout le monde peut prendre la parole et tout le monde écoute ce que l'autre a à dire. Après avoir étudié le dossier, nous nous entendons sur le programme pertinent pour le jeune. Nous faisons une proposition. Si les parents et l'enfant ont une meilleure idée, nous sommes prêts à les écouter parce qu'ils savent ce qui sera utile dans les circonstances.

Nous n'avons pas toutes les réponses. Si c'était le cas, aucun jeune n'aurait des démêlés avec la justice.

En 1994, la Cour supérieure du Québec a envoyé des représentants dans la région, des représentants qui ont rencontré notre comité. Le juge Jean-Charles Coutu a été très impressionné par le travail que faisait notre comité.

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L'année dernière, on nous a demandé d'aller au Québec, à Kuujjuaq, pour participer à la création de deux comités de la justice pour la jeunesse, un à Kuujjuaq, et l'autre à Povungnituk. Ces deux centres devraient avoir ouvert leurs portes, et nous suivrons leurs travaux de très près.

Nous avons eu jusqu'à présent un très bon appui des tribunaux, de la Couronne, et, comme Roger l'a signalé, nous avons eu un appui limité de la GRC, et cela est attribuable au taux de roulement du personnel. Je crois que le détachement actuel - et les choses changent en ce moment - nous accordera un appui plus marqué l'année prochaine.

C'est tout ce que j'avais à dire.

La présidente: Merci, monsieur Clay.

Monsieur Sage.

M. Sage: Bienvenue à Iqaluit.

Vous avez maintenant une bonne idée des problèmes qui existent dans la région.

J'aimerais ajouter deux ou trois choses. Je ne crois pas avoir beaucoup de nouvelles choses à dire. Je suis convaincu que vous avez déjà entendu pratiquement tout ce qu'il y a à savoir sur ce secteur.

Je travaille dans un département qui est responsable de toutes sortes de services sociaux, et je pense qu'on oublie souvent le genre d'enfants dont vous êtes venus entendre parler, parce que cela ne représente pas une des questions séduisantes et fascinantes dont les médias aiment tant parler. Il y a beaucoup de jeunes dans la région qui n'ont pas de démêlés avec la justice, et on semble parfois l'oublier. Certains d'entre eux sont ici aujourd'hui, et c'est une bonne chose.

Si on me demandait ce qui doit changer, je proposerais qu'on limite certains des obstacles bureaucratiques en ce qui a trait à la situation d'adultes accusés aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il arrive assez souvent que des gens à la fin de la vingtaine sont accusés d'un crime qu'ils ont commis lorsqu'ils étaient adolescents; il faut beaucoup de temps et d'efforts, en raison de la paperasserie et de la bureaucratie, pour les traduire devant le tribunal pour adultes. Évidemment, nous ne voulons pas que des gens de 28 ans purgent des peines dans des installations destinées aux jeunes. Tout le monde sait que la demande sera faite, mais la Couronne et d'autres intervenants doivent endurer toutes sortes de chinoiseries administratives avant d'obtenir gain de cause.

On me consulte souvent dans ces affaires parce que je dois expliquer pourquoi il ne serait pas bon de laisser un délinquant sexuel récidiviste de 28 ans purger sa peine dans une installation ou un centre destiné aux jeunes.

Je crois qu'il y a d'autres petits problèmes de cette nature, mais je vous serais reconnaissant, si vous le pouvez, d'essayer de régler celui-ci.

Une autre de mes bêtes noires, c'est que, compte tenu du libellé actuel de la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est tout ou rien. Soit vous avez 12 ans et l'on peut vous accuser, soit vous avez moins de 12 ans et on ne peut rien faire. Je sais que vous avez déjà entendu les commentaires de la GRC, des procureurs de la Couronne et d'autres intervenants. Je n'insisterai donc pas trop sur la question. Je ne comprends pas pourquoi on autorise un juge à procéder à l'examen préliminaire d'un enfant de 6 ans qui sera appelé à témoigner lors d'un procès criminel pour savoir s'il peut dire la vérité, s'il connaît la différence entre le bien et le mal, mais qu'on ne lui permet pas d'interroger un enfant qui a commis une infraction pour savoir s'il devrait rendre des comptes pour ses actions.

Je ne dis certainement pas que les jeunes enfants devraient être intégrés dans le système comme les adolescents, mais je crois que si le gouvernement fédéral a décidé d'opter pour les sentences conditionnelles dans le système pour adultes pour démontrer une certaine souplesse, on pourrait certainement faire quelque chose de semblable pour les jeunes enfants. À mon avis, ce n'est pas impossible.

Je sais qu'on vous a déjà dit ces choses, mais je les répéterai, puisque c'est mon tour. Le gros problème, c'est celui des ressources, tout particulièrement dans les territoires, parce que nous dépendons énormément du gouvernement fédéral pour toutes nos ressources financières. Ainsi, lorsqu'il y a des compressions au niveau fédéral, l'impact se fait vraiment sentir ici. Nous sommes plus sensibles à ces choses que les provinces. Je sais que vous le savez, mais je dois vous le signaler.

Une des dernières choses que je veux vous dire, c'est que nous n'avons pas beaucoup de programmes qui visent à aider les jeunes pour qu'ils n'aient pas de démêlés avec la justice. À titre de gouvernement ou d'agence gouvernementale nous avons tendance à agir seulement lorsqu'il y a un problème. Nous ne faisons pas vraiment de prévention.

J'ai des idées, mais peu de sagesse, quant à la façon d'améliorer nos services. Je sais qu'on vous en a déjà parlé. Par exemple, on pourrait commencer par faire disparaître certaines des fausses idées que les gens ont sur ce qu'un jeune contrevenant est. Il ne s'agit pas là de jeunes qui font partie d'horribles gangs qui se promènent dans la ville pour s'en prendre aux gens. Je sais qu'il y a des gens qui pensent: «Si j'en avais l'occasion, je parlerais à un de ces jeunes et je lui dirais ma façon de penser.»

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On se fait de fausses idées, et je crois que ce groupe, ainsi que les membres de la commission, pourraient faire plus d'efforts pour dire au public ce que c'est qu'être un jeune contrevenant. Au lieu de s'attarder aux étiquettes, il faudrait plutôt essayer de remédier au problème. Mais encore une fois, c'est plus facile à dire qu'à faire.

Je termine ainsi mon exposé. Je vous remercie de m'avoir invité. Vous êtes probablement un peu las d'entendre la même chose de plusieurs témoins. Je vous remercie.

La présidente: Un des avantages de cette façon de procéder, c'est que nous n'entendons pas nécessairement toujours la même chose. Nous apprenons beaucoup de nouvelles choses.

Monsieur Ramsay

M. Ramsay (Crowfoot): J'aimerais que les commentaires que vous avez faits soient répétés plus souvent, parce qu'ils sont fort logiques.

Le comité est composé de représentants des divers partis politiques, qui ont évidemment des positions bien arrêtées sur la question. Notre parti a une position qui se rapproche beaucoup de la vôtre.

Lorsque le gouvernement fédéral, à titre de gouvernement responsable, aux termes de la Constitution, de l'administration de la justice, abandonne les enfants et la société en décidant de ne pas agir quand on commet des crimes avec violence, il y a lieu de s'inquiéter. Il oublie tout simplement les actes criminels avec violence commis par des enfants de moins de 12 ans. Lorsqu'il agit de cette façon, je me demande dans quelle mesure le gouvernement fédéral s'acquitte de sa responsabilité, qui est de protéger les vies et les biens des citoyens.

Au Québec, où nous venons de passer une semaine, le gouvernement a mis sur pied un très bon programme qui permet de combler les lacunes qui existaient au niveau de la protection de la jeunesse. Le Québec a affecté des ressources importantes à un secteur qui les mérite, à mon avis et de l'avis de mes collègues; et je crois que ceux que nous avons entendus et rencontrés dans cette région-ci sont du même avis. Ce domaine est celui de la détection et de la prévention.

Très peu d'autres provinces ont mis sur pied des programmes de ce genre.

L'ancienne Loi sur les jeunes délinquants, adoptée par le gouvernement fédéral à titre de responsable de l'administration de la justice au Canada, visait à garantir la protection des citoyens et de leurs biens au Canada; cette loi aurait été très efficace si l'on avait simplement élargi les dispositions portant sur le traitement des jeunes contrevenants, et c'est ce qui a été fait grâce à la Loi sur la protection de la jeunesse adoptée au Québec.

Je ne crois pas que la pitié devrait être plus importante que la justice. Je crois que vous avez raison, monsieur Sage, quand vous dites qu'il ne faudrait certainement pas s'attendre à ce que des enfants de moins de 12 ans soient exposés au système de la même façon que les gens plus âgés, y compris les adultes. Mais, d'après moi, il y a deux choses qu'on ne doit pas refuser à la société: la sécurité et la protection qu'elle mérite; je crois que ces choses ont été oubliées dans la Loi sur les jeunes contrevenants depuis 1984. Nous ne devons pas refuser à la société le rôle d'éducateur, parce que le système de justice fait partie du système d'éducation.

Lorsque j'étais jeune, on m'a dit certaines choses sur la loi, sur la différence entre le bien et le mal, ce qu'il m'arriverait si je faisais quelque chose d'illégal et ce qui arrive aux gens qui enfreignent la loi. De temps à autre on donnait des exemples de ce qui s'était produit lorsque des jeunes avaient enfreint la loi. Cela faisait partie de la façon dont nous étions élevés. Cela faisait partie de notre système d'éducation.

Qu'avons-nous maintenant? Que peuvent enseigner les gens à leurs enfants s'ils sont nés après 1984? Ils peuvent leur dire: oui, cela va à l'encontre de la loi, mais tu n'es pas responsable tant que tu n'as pas 12 ans.

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Je suis donc d'accord avec certains des commentaires que vous avez faits. Ce que je cherche, c'est un juste milieu entre les trois plans de responsabilité du système de justice, soit la protection de la société, la création d'une dissuasion grâce à une peine juste et équitable, ainsi que la réintégration de la personne dans la société, tout particulièrement celle de nos jeunes. J'ai bien aimé les commentaires que vous avez faits; j'aimerais en discuter plus longuement avec vous, mais j'ai très peu de temps.

J'aimerais vous poser des questions bien précises. J'aimerais savoir comment un délinquant sexuel récidiviste pourrait être placé sous garde dans un centre pour les jeunes?

Est-ce que j'ai bien compris? Est-ce ce que vous avez dit, Doug?

M. Sage: Presque. Ce contrevenant pourrait être détenu dans un centre pour adultes, mais s'il était reconnu coupable aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants, il faudrait s'assurer qu'il purge sa peine dans une installation pour adultes, et non pas dans un centre pour les jeunes.

M. Ramsay: Je vois, merci.

On nous a dit hier que dans certains cas la période de garde en milieu fermé n'est pas suffisamment longue pour que les programmes de réadaptation soient utiles. Qu'en pensez-vous? Voulez-vous faire des commentaires? En d'autres termes, il faut se demander pourquoi on condamne une personne à une période de garde en milieu fermé dans le but de les faire participer à des programmes de réadaptation alors que la période de garde est trop courte pour qu'elle soit réellement réadaptée. Autrement dit, c'est comme si on vous demandait de passer un examen après n'avoir passé que le tiers du temps nécessaire à l'école.

M. Sévigny: Le problème n'est pas vraiment la durée de la sentence, mais plutôt le financement. Les programmes de réadaptation pour les jeunes qui sont incarcérés sont financés, mais une fois le détenu élargi, il n'y a plus de financement. Même si vous voulez poursuivre le processus de réadaptation une fois que le jeune est placé en probation, il n'existe plus de financement. Si vous voulez donc assurer un programme de réadaptation spécial, vous devez le faire en fonction des limites de temps qui vous sont imposées par la période de garde.

Ce n'est pas nécessairement la meilleure façon de procéder. À mon avis, il serait de loin préférable d'avoir un processus suivi ou permanent, parce que si vous maintenez vos efforts après la libération du contrevenant, pendant sa période de probation, sa réintégration dans la communauté sera plus facile. Si la réadaptation se termine au moment de la sortie du centre ou du pénitencier, le contrevenant aura plus de difficultés à réintégrer la société.

Il arrive que les jeunes sont placés sous garde et participent à un programme. Les choses sont très strictes. Il y a une routine. Puis ils sont libérés, et cette routine n'existe plus. Ils n'ont plus de limites ou de restrictions. Ils se disent: «Bon, c'est fini, j'ai purgé ma peine. Je n'ai plus besoin de m'inquiéter de ces programmes.»

J'aimerais qu'on assure le financement des programmes offerts en période de probation pour que le processus de réadaptation soit permanent et se poursuive même après la période de probation, parce que très souvent il s'agit là d'un problème permanent. Il est impossible de régler le problème rapidement.

M. Ramsay: Ce principe est au coeur du régime des libérations conditionnelles pour détenus adultes, qu'on envoie dans un foyer de transition au lieu de les relâcher sans préparation.

Je tiens à dire d'emblée... vous dites que certaines infractions plus graves que d'autres commises par les 16 et 17 ans devraient être soumises aux tribunaux pour adultes. C'est à mon avis une suggestion pleine de bon sens, et je crois que les recommandations que nous allons faire au gouvernement, et à tous ceux que la question intéresse, vont justement dans ce sens, à savoir qu'il devrait y avoir une liste d'infractions très graves, afin que les 16 et 17 ans qui savent distinguer le bien du mal, qui ont assez mûri... S'ils commettent ces infractions, s'ils blessent des gens, s'ils enlèvent la vie à quelqu'un, s'ils violent quelqu'un, s'ils commettent des agressions sexuelles, ils devraient passer automatiquement au système adulte. Mais encore aujourd'hui, lorsque le jeune délinquant qui a commis un meurtre est renvoyé aux tribunaux pour adultes, même si cela peut lui valoir la réclusion à perpétuité, l'admissibilité à la libération conditionnelle est très différente de l'admissibilité à la libération conditionnelle pour les adultes.

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On tient donc compte de l'âge du contrevenant même s'il est renvoyé au tribunal pour adultes. On pourrait proposer des amendements au projet de loi pour tenir compte de ce genre de choses. Pourtant, au même moment, je pense que le principe que vous venez d'énoncer est admis partout.

J'y reviendrai si j'en ai le temps, madame la présidente, mais c'est tout pour cette fois-ci.

La présidente: Merci.

Monsieur Gallaway.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Merci, madame la présidente. Comme M. Ramsay, j'aimerais moi aussi en savoir plus long.

Monsieur Clay, vous dites que le Comité de la justice pour la jeunesse valorise la réinsertion. Est-ce exact?

M. Clay: Oui.

M. Gallaway: Je ne suis pas sûr que tout le monde s'entend ici. Par exemple, M. Ramsay a dit que la société veut qu'on tienne compte de trois facteurs lorsqu'on prononce une sentence. Il s'agit de la protection du public ou de la société, des éléments de dissuasion et, troisièmement, de la réinsertion. Votre comité tient-il compte des éléments dissuasifs? Tient-il compte de la protection? Tient-il compte de la réinsertion?

M. Clay: Je crois que nous tenons compte des trois, et nous les unissons afin d'inculquer aux jeunes le sens des responsabilités. Les jeunes, lorsqu'ils voient cela, admettent qu'ils ont commis des erreurs et que cela leur a valu des ennuis. Dans plusieurs cas, les parents savent très peu de choses, et il faut donc que les jeunes soient confrontés à leurs parents. Nous ne pouvons pas imposer d'amende, nous ne pouvons pas les incarcérer, mais nous pouvons travailler avec ces jeunes et les aider de telle sorte que lorsque les mêmes circonstances se représenteront ils se conduiront différemment.

S'il s'agit de voies de fait, par exemple, nous tâchons de leur inculquer des moyens qui leur permettront de maîtriser le genre de situation qui provoque des affrontements. C'est par le counselling et d'autres moyens que nous déterminons ce qui convient au jeune qui a commis ces voies de fait.

Au même moment, nous leur demandons de payer leur dette à la société, par des ordonnances de service communautaire. Le service communautaire, c'est très vague, mais c'est le service communautaire qui nous a permis d'obliger des jeunes à travailler dans les écoles, à aider le concierge après l'école, à effacer les graffitis sur les pupitres et les murs, à donner un coup de main à la garderie, à travailler avec de plus jeunes et à les aider.

Nous les obligeons à faire tout ce qui leur permet d'acquérir le sens des responsabilités, et il y a plusieurs façons de faire les choses. Si nous disons au jeune qu'il doit donner une vingtaine d'heures de service à la société, ce n'est pas vingt heures, et après ça, c'est fini, tu t'en vas, au suivant. Il faut prendre son temps, et ce qu'on fait normalement, c'est qu'on les oblige à se présenter à peu près une heure par jour.

Ils se conduisent de façon responsable en assumant leurs obligations. Oui, j'ai vingt heures de service communautaire à faire. À raison d'une heure par jour, cela fait 20 jours, ou quatre semaines. Il faut leur donner un délai raisonnable pour qu'ils puissent faire leurs heures. On autorise aussi les journées de maladie et de petits accrocs, si vous voulez, parce qu'il s'agit après tout d'êtres humains.

Les jeunes nous reviennent tous les jours. Ils acceptent leurs responsabilités. Ils apprennent aussi à s'organiser. Ils ont accepté leurs obligations, et nous leur demandons de signer un contrat. S'ils ne font pas ce qu'ils se sont engagés à faire, nous avons toujours le droit de les renvoyer au tribunal, et c'est ce que nous avons fait dans quelques cas.

M. Gallaway: Je ne veux pas minimiser l'importance de ce que vous faites, mais votre comité s'occupe de ce que j'appellerais de petits délinquants.

M. Clay: C'est vrai.

M. Gallaway: Pour ce qui est d'abaisser l'âge pour les infractions graves, pensez-vous qu'il convient d'abaisser l'âge parce que nous voulons faire entrer dans le système des gens qui n'y sont pas aujourd'hui? Ou est-ce simplement parce que le réseau des services sociaux ne fonctionne pas? Autrement dit, le territoire n'a pas assez de ressources pour intervenir.

Pensez-vous qu'un enfant de sept ans qui vole une motoneige est animé d'une intention criminelle, ou pensez-vous que cet enfant est tout simplement un enfant négligé?

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M. Clay: Il n'a probablement pas d'intention criminelle, mais si on lui laisse faire tout ce qu'il veut, ça va finir par devenir un gros problème.

Si j'étais le propriétaire de la motoneige... Cela dépend aussi de votre perspective. Ce qui me préoccupe, moi, ce n'est pas le fait d'infliger des peines, c'est la faculté que nous avons d'intervenir tôt, qui nous évitera de créer une classe de jeunes gens qui deviendront intouchables et qui entreront tout à coup dans le système, où ils vont s'endurcir. Ça, ça va coûter cher.

M. Gallaway: Et cela va nous causer des tas de problèmes.

Pensez-vous que recourir aux tribunaux pour faire cela - parce qu'il s'agit d'une loi fédérale qui émane du ministère de la Justice, et, par conséquent, il faut d'une manière ou d'une autre recourir aux tribunaux - est une bonne façon d'utiliser nos ressources, où on va dépenser en frais de justice ce qu'on pourrait dépenser en services sociaux?

M. Clay: On n'a pas besoin de recourir aux tribunaux. Dans la mesure où l'on admet qu'il s'agit d'un enfant qui a un problème, et que, si on ne s'en préoccupe pas, ce problème va s'aggraver... Il faut qu'il y ait dans la loi une mesure qui nous permette d'intervenir, une mesure qui nous donne le vrai pouvoir d'intervenir avant que cela devienne un gros problème.

M. Gallaway: Je pense que nous nous entendons alors.

En ce sens, vous devez admettre aussi que si une loi fédérale vous donne le droit d'intervenir, on ne peut cependant pas vous donner à vous, ou à quiconque, le droit d'intervenir unilatéralement, sans le moindre frein, sans qu'il y ait un certain contrôle judiciaire ici. Il faut qu'il y ait un frein judiciaire quelconque qui dit que c'est le juge qui doit déterminer la nature et l'ampleur de votre pouvoir dans tous les cas.

J'en reviens à ma thèse initiale. Ne vaut-il pas mieux nous servir d'une autre loi plutôt que du Code criminel?

M. Clay: Il y a probablement d'autres façons de procéder. Il n'y a jamais une seule solution à tout, et s'il y a une meilleure façon de faire les choses, je dis que oui, il faut l'essayer. J'ignore quel autre moyen on pourrait utiliser aujourd'hui, parce que si l'enfant a 11 ans et 364 jours, et qu'il dit: «Je n'ai pas 12 ans, vous ne pouvez pas me toucher», à qui allons-nous nous adresser pour que l'on puisse aider cet enfant? Je crois que lorsque l'enfant se met dans le pétrin à 7, 8, 9, 10 et 11 ans, c'est un appel à l'aide - qu'il s'agisse de rebâtir la famille ou de quoi que ce soit d'autre.

M. Gallaway: Ma question suivante est peut-être injuste, parce que je vais vous demander de quantifier quelque chose. Quel est le pourcentage ou le nombre de jeunes gens dont votre comité s'occupe et qui ont de toute évidence commis une infraction, mais chez qui le problème est beaucoup plus profond que le fait qu'on a commis une infraction? Disons que la situation ou la famille de l'enfant est la vraie cause du problème. Autrement dit, il y a négligence...

M. Clay: Oui, vous avez raison, votre question est injuste.

Je ne sais pas. Ça fait longtemps que je m'occupe des jeunes, dans le Nord et partout où j'ai vécu. J'ai 25 ans de métier dans ce domaine. Il y a des tas d'enfants qui ont des tas de problèmes, et parfois nous ne voyons que la pointe de l'iceberg.

Les jeunes que nous voyons nous arrivent du tribunal. Je reparlerai plus tard de l'intervention opportune. Si nous avions pu intervenir plus tôt, on n'aurait pas sur les bras une jeune personne qui est accusée au criminel.

M. Gallaway: Il y a un témoignage que nous n'avons pas entendu ici, mais dans l'une des provinces; il s'agissait d'un établissement où un enfant a dit qu'il avait dix ans lorsqu'il a commencé à faire de vrais mauvais coups. Il rentrait chez lui ivre à trois heures du matin.

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Il y a des circonstances où les gens diraient que cet enfant doit être traduit devant les tribunaux. En fait, il s'agit d'un appel à l'aide. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Mais au même moment on entend des gens dire, et on l'entend surtout ici, qu'il faut également faire intervenir les parents. On nous dit qu'il faudrait peut-être établir un mécanisme qui obligerait les parents à intervenir, ou quiconque a la garde de l'enfant, avant que les tribunaux interviennent - je ne dis pas nécessairement à titre d'accusés, mais à titre de personnes qui ont peut-être une part de responsabilité dans la situation ou qui doivent maîtriser la situation.

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Vous dites que dans la plupart des cas les parents se présentent avec leur enfant à votre comité. Que diriez-vous si la loi comportait une obligation pour les parents d'accompagner à tout le moins leur enfant au tribunal?

M. Clay: Pour une jeune personne, je dis que oui, bien sûr, les parents doivent intervenir, parce que cette jeune personne grandit et que nous voulons en faire un adulte responsable et productif. Sans l'attention de la famille et tout le reste, ce jeune n'y arrivera pas. Si la famille ne l'aide pas d'une manière quelconque, ou si elle n'intervient pas, c'est parce qu'elle a elle aussi besoin d'aide.

Je songe à un cas particulier où c'est le tuteur qui est intervenu. Il nous a demandé pourquoi il devait intervenir. Nous le lui avons expliqué. Cela ne s'est pas fait le premier jour. D'ailleurs, la semaine suivante, nous nous sommes revus. Il est revenu et nous a dit qu'il avait réfléchi et qu'il était prêt à travailler avec nous. C'est aujourd'hui l'un de nos collaborateurs les plus enthousiastes, alors qu'à ses débuts il nous était très hostile. Mais il a bien vu que ce que nous voulions faire, c'était l'aider lui aussi. Il avait la responsabilité d'une situation qui lui avait été imposée. Ce qu'il nous disait en fait, c'est qu'il ne savait pas quoi faire. Comme nous avons pu travailler avec lui et la jeune personne, il a pu voir un rayon d'espoir pour lui-même.

M. Gallaway: J'ai une dernière question, et peut-être que quelqu'un d'autre voudrait y répondre.

Si je vous ai bien compris, il y a des situations où les enfants sont issus de foyers dont le mode de vie n'est pas très acceptable, où il y a de l'alcoolisme ou autre chose. Disons qu'on retire un enfant de 12 ans d'un foyer comme celui-là et qu'on le met dans un établissement pendant un an, puis qu'on le renvoie dans la même famille au terme de sa peine. Comment une telle peine dissuadera-t-elle cet enfant de récidiver?

Peut-être que quelqu'un d'autre veut répondre.

Si la dissuasion est l'un des facteurs que les tribunaux et la société jugent importants lorsqu'on impose une peine à une jeune personne...

M. Sévigny: C'est un élément dissuasif dans la mesure où l'on éloigne l'enfant de son cadre de vie habituel. Il est loin de ses amis. Il ne peut plus faire les choses qu'il veut faire. On lui impose un mode de vie tout à fait différent, très enrégimenté. Pour un grand nombre de nos jeunes, cela constitue un élément dissuasif en soi. Cela ne règle pas le problème qui est à l'origine de l'infraction, mais cela demeure un élément de dissuasion. Ce n'est pas toujours le meilleur élément de dissuasion, mais c'est un élément de dissuasion tout de même.

La présidente: Monsieur Anawak.

M. Anawak (Nunatsiaq): Merci.

Mon collègue du Parti réformiste a fait une observation sur les différences entre les partis. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent qu'il faut protéger la société à tout prix. Je suis d'accord pour dire qu'il faut protéger la société et que la justice doit suivre son cours.

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Je pense que le thème fondamental de l'exposé de ce matin était la prévention, et pas nécessairement l'incarcération à tout prix. Cette idée, ainsi que la réinsertion, sont à mon avis les mots essentiels que nous avons entendus dans les exposés d'aujourd'hui.

Encore là, il faut se souvenir, lorsqu'il s'agit du système de justice que nous avons ici, que ce système a été imposé sans le consentement des gens d'ici. Quand on parle de «justice équitable», c'est une justice équitable pour qui?

Il y a des gens qui disent qu'il faut jeter les gens en prison pour toujours, alors que nous, nous disons que si cette personne a de gros problèmes, nous devons faire tout en notre pouvoir pour aider cette personne à régler ses problèmes. Nous avons donc des convictions différentes et nous ne faisons pas les choses de la même façon. Pour ce qui nous concerne, je crois dans la bonté fondamentale de la personne, que la jeune personne qui commet un crime n'est pas nécessairement une mauvaise personne, mais une personne qui a besoin d'aide.

Je tiens seulement à répéter ce qu'on a dit plus tôt, à savoir qu'il y a une façon différente de s'occuper des contrevenants. Même si on dit fondamentalement ici que, oui, la justice doit suivre son cours, il est essentiel de se rappeler que ces gens demeurent foncièrement, avant toute chose, des êtres humains, et qu'il faut s'en occuper de la façon qui répond le mieux à la société d'ici.

Je suis heureux que vous ayez posé la question au sujet de la participation des parents. Je pense que l'attitude indifférente de certains parents tient au fait qu'on nous a déresponsabilisés lorsqu'on nous a imposé ce système de justice. Autrefois, les parents intervenaient toujours lorsqu'il y avait un problème, mais c'est une responsabilité qu'on a retirée aux parents, et c'est pourquoi ils en sont venus à renoncer à cette responsabilité parce qu'ils n'avaient aucune prise sur l'administration de ce système de justice.

Ce ne sont que des observations. Ce n'est pas vraiment une question.

Même au sujet de la dissuasion, je pense que le but fondamental demeure la prévention. Il est bon d'avoir des éléments dissuasifs, mais ici, je pense qu'il est plus important de prévenir les crimes que les jeunes gens commettent aujourd'hui. Je dis cela parce que je ne peux que rappeler que la mentalité est totalement différente ici, même si on veut s'assurer qu'il n'y a qu'une seule loi pour toute la société.

La présidente: Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui. Nous avons passé ici, à Iqaluit, 24 heures très intéressantes et nous avons beaucoup profité de votre témoignage à vous trois et de celui des autres aussi. Ce fut une expérience formidable: merci beaucoup.

La séance est levée.

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