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L'OPINION DISSIDENTE DU PARTI RÉFORMISTE CONCERNANT L'ÉTUDE DE LA STRATÉGIE NATIONALE SUR LE SIDA


Sharon Hayes, députée, Port Moody-Coquitlam

INTRODUCTION

Le Sous-comité sur le VIH/sida a été créé en novembre 1994. Son mandat était le suivant :

La première phase de l'étude consistait en l'examen du rôle que joue le gouvernement fédéral dans la lutte contre le VIH/sida. Le Sous-comité a entendu le témoignage d'organismes, de professionnels et de fonctionnaires du ministère de la Santé pour examiner plus particulièrement les programmes de la phase II de la Stratégie nationale sur le sida «en vue de cerner les lacunes de la Stratégie nationale sur le sida et d'en renforcer les mesures».

Le Rapport portant sur l'étude de la Stratégie nationale sur le sida livre les résultats des audiences tenues du 14 décembre 1994 au 31 mai 1995. L'examen attentif du rapport révèle des failles et des points litigieux quant à ses conclusions. La présente opinion met en question la validité du processus, expose la faiblesse particulière de volets de la Stratégie et souligne l'absence d'ordre de priorité et de cadre de responsabilité et d'évaluation en ce qui concerne plusieurs aspects de la Stratégie.

Priorités budgétaires : Santé Canada

Le rapport traite, entre autres, de l'épidémiologie du sida au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Toutefois, le degré d'intervention et de soutien financier du gouvernement fédéral doit être considéré par rapport à d'autres maladies graves qui sévissent dans notre population. La réduction croissante des ressources financières de l'État fédéral exige que tous les engagements du gouvernement, sous la forme de ressources ou de fonds ministériels, soient examinés en fonction des priorités nationales en matière de dépenses. Santé Canada ne fait pas exception à cet égard. Le rapport susmentionné ne tient aucunement compte des autres stratégies en matière de santé du ministère.

En fait, le Sous-comité a limité son examen à la seule question du financement et des dépenses du gouvernement fédéral consacrés à la lutte contre le VIH/sida. Comme le rapport l'indique, Santé Canada a affecté environ 40,7 millions de dollars au budget de la phase II de la Stratégie pour 1995-1996. Au terme de la phase II, en 1998, on aura affecté 203,5 millions de dollars à la Stratégie (pour la période allant de 1993 à 1998 inclusivement)(1).


(1) Résumé des témoignages produit pour le Sous-comité de la Chambre des communes sur le VIH/sida. O. Madore et W. Murray, Service de recherche, Bibliothèque du Parlement, p. 9.

La gravité de la maladie et les souffrances que celle-ci cause dans notre société sont indéniables. Comme d'autres problèmes de santé, cette maladie nécessite qu'on prenne des engagements formels en ce qui touche la prévention, les soins et la recherche. Il est également vrai, cependant, que beaucoup d'autres maladies que le sida, tels les cancers du sein, de la prostate et du cerveau, les maladies cardiovasculaires et les maladies du foie, peuvent être évitées et font peser une grave menace sur la santé de la population.

En fait, selon une analyse comparative, les priorités budgétaires du gouvernement fédéral ne reflètent pas l'incidence de la maladie. La ministre a reconnu, dans son témoignage devant le Sous-comité, que les réalités fiscales et budgétaires limitent l'éventail des choix pour l'affectation des fonds du gouvernement fédéral. Les choix qu'on a faits montrent à l'évidence, non seulement l'ordre des priorités budgétaires du gouvernement, mais aussi les incidences négatives de celui-ci sur les autres programmes de santé de l'État.

Dépenses consacrées à certains programmes
(en millions de dollars(2))

1986-1987

1993-1994

1994-1995

Stratégie sur le sida

Programme

0,0

9,4

15,1

Action communautaire

1,4

16,3

19,6

Recherche

0,0

9,3

8,7

Total

1,4

35,0

43,4

Cancer du sein

Programme

0,0

0,9

1,1

Action communautaire

0,0

0,5

0,5

Recherche

1,0

1,4

2,5

Total

1,0

2,5

4,0

Maladies cardiovasculaires

Programme

0,0

0,0

0,0

Action communautaire

0,0

0,4

0,6

Recherche

0,7

3,4

3,2

Total

0,7

3,8

3,8


(2) Planning, Analysis & Reporting Division, DPFA, CSB EGR14/PARLREQ, 2 novembre 1995.

Parallèlement à ces données, il est à noter également qu'à la fin de décembre 1994, on enregistrait au total au Canada 10 689 cas de sida ainsi que 7 471 décès attribuables à cette maladie. Il faudrait comparer cela aux quelque 17 700 cas de cancer du sein diagnostiqués et aux 5 400 décès dus à cette maladie, en 1995 seulement(3).


(3) Statistiques canadiennes sur le cancer 1995, Institut national du cancer du Canada, p. 22-24.

En outre, le rapport traduit la mentalité prévisible et dépassée qui caractérise les dépenses gouvernementales en fin d'exercice. Dans sa septième recommandation, le Sous-comité a averti Santé Canada qu'il devrait dépenser le total des sommes prévues au budget de chaque exercice financier pour la Stratégie nationale sur le sida (p. 17). En réalité, le Sous-comité a recommandé que l'on dépense les montants budgétés sans se préoccuper de savoir si les dépenses ont un but précis et si elles sont justifiables.

Une telle façon de procéder prête le flanc à une politisation douteuse du processus de budgétisation et de financement. En d'autres termes, la mentalité des dépenses de fin d'exercice est loin de favoriser l'utilisation prudente, judicieuse et efficace des fonds publics pour la lutte contre le sida. En fait, le Sous-comité a adopté une position opposée à celle de la ministre. Dans son témoignage, la ministre a affirmé qu'il est essentiel de dépenser avec prudence et efficacité en vue d'atteindre les objectifs de la Stratégie plutôt que de dépenser sans discernement(4).


(4) Témoignage de Diane Marleau, ministre de la Santé, Témoignages et procès-verbaux, p. 1:10.


Priorités budgétaires : Stratégie nationale sur le sida

Le tableau qui suit présente l'enveloppe budgétaire consacrée à la Stratégie nationale sur le sida :

Volet

Enveloppe annuelle moyenne

Budget réel 1993-1994

Enveloppe pour 1994-1995

Enveloppe pour 1995-1996

Action communautaire

9,8

10,4

9,8

9,8

Éducation et prévention

6,2

5,3

6,3

6,3

Recherche et épidémiologie

17,8

15,6

18,7

16,7

Soins, traitements et soutien

5,4

3,3

8,6

6,4

Coordination et collaboration

1,5

1,0

1,7

1,5

TOTAL

40,7

35,6

45,0

40,7

Ce tableau et l'analyse qu'on en fait dans le rapport révèlent plusieurs tendances plutôt inquiétantes.

Il est à noter que les crédits de 1995 correspondent directement à la moyenne des dépenses des deux exercices précédents. Or, on n'a pas évalué l'efficacité des dépenses de ces exercices, ni en fait celle de quelque autre régime de dépense, sans compter que le Sous-comité a accepté une moyenne des montants records dépensés au cours de ces deux exercices, sur le conseil d'intervenants et de bénéficiaires de subventions.

L'examen de ce tableau indique aussi que les soins et le soutien dispensés aux victimes du sida a atteint un niveau très bas dans l'échelle des priorités. En fait, ces activités mobilisent environ 1/6 du budget total. De même, les arguments relatifs au financement qui ressortissent aux coûts élevés des médicaments et des soins pour les victimes du sida (environ 100 000 $ par patient, dont la majeure partie déborde le cadre des soins de santé traditionnels) sont très bas dans l'ordre de priorité de la Stratégie nationale sur le sida, bien après le financement des campagnes visant des «changements de comportement» dans le cadre des programmes d'éducation et d'action communautaire. Les dépenses de programmes plutôt floues et impossibles à contrôler consacrées à l'action communautaire (9,8 millions) ainsi qu'à l'éducation et à la prévention (6,3 millions) équivalent à peu près aux fonds affectés à la recherche (16,7 millions).

ÉVALUATION ET COORDINATION DES PROGRAMMES

Certaines personnes ont des doutes quant à l'efficacité de stratégies de ce type. C'est ce qui ressort de plusieurs témoignages ainsi que de rapports de recherche provenant de Suisse, pays où l'on retrouve le plus haut taux de sida déclaré en Europe. Un examen de mi-mandat a été demandé, mais il ne sera pas disponible avant la fin de l'année. En fait, les résultats de l'examen de mi-mandat devraient avoir un effet obligatoire sur les décisions de conception et de financement que doit prendre le Comité dans ses recommandations. Il est totalement inadéquat de prendre des engagements à long terme sans se fonder sur l'expérience.

Selon la huitième recommandation du rapport, la ministre de la Santé doit s'assurer de la bonne gestion des fonds alloués à la Stratégie nationale sur le sida. Toutefois, cette recommandation ne prévoit aucun mécanisme pour atteindre ce but.

Dans sa douzième recommandation, le Sous-comité recommande que Santé Canada réexamine la question du financement ponctuel et de soutien. Pourtant, comme l'indique le rapport du Sous-comité, il se pose déjà des problèmes de mauvaise utilisation et de mauvaise gestion des fonds, qui sont actuellement à l'étude dans l'examen de mi-mandat. Le fait de se tourner vers un financement opérationnel figé, et dont il est souvent impossible de rendre compte, ne résoudra pas ces problèmes, et pourrait même accroître encore la difficulté d'obtenir des évaluations valables dans l'avenir.

Le rapport du Sous-comité n'a pas non plus considéré ce qu'il en coûte à Santé Canada et au gouvernement pour mettre en oeuvre ces recommandations. Les vingt-trois recommandations ne sont pas limitatives.

L'ACTIVISME DU GOUVERNEMENT, LES ENFANTS ET LES FAMILLES

Dans son rapport, le Sous-comité a pris en compte des données épidémiologiques provenant du monde entier, mais n'a pas réussi à réfléchir à des recherches connexes sur les effets d'approches «intégrées» similaires adoptées dans d'autres pays. Une étude suisse sur un programme très similaire à la Stratégie intégrée sur le sida a des incidences quelque peu troublantes. Ce programme polyvalent d'intervention prévoyait une campagne publique de cinq ans visant à accroître l'emploi des condoms en Suisse et mettant l'accent sur «la sexualité à risques réduits». Les données révèlent qu'après trois années de mise en oeuvre du programme, les jeunes filles âgées de 16 ans et moins semblent manifester un degré plus élevé d'activité sexuelle (les italiques sont ajoutées). De 1987 à 1990, le pourcentage de jeunes âgés de 16 ans qui ont eu une activité sexuelle s'est accru, passant de 36 à 57 % chez les filles et de 58 à 63 % chez les garçons(5).

(5) «Dealing with AIDS: Quo Vadis?» Stephen et Shelagh Genuis. Journal of the Society of Obstetricians and Gynaecologists of Canada, mars 1995, p. 220.

Notre Stratégie nationale sur le sida révèle la même orientation que le modèle suisse, et cette approche est maintenue dans les recommandations du rapport du Sous-comité. Par exemple, le rapport parle de démanteler les obstacles à l'efficacité des mesures de prévention, qui sont identifiés comme des attitudes, des restrictions dans l'emploi du langage, et l'accès à des installations scolaires et résidentielles.

Le rapport analyse aussi des propositions de certains témoins qui préconisent l'implantation obligatoire de programmes de santé sexuelle dans les écoles secondaires et qui sont en faveur de l'emploi de programmes éducatifs télévisés pour informer les enfants et les adolescents sur le VIH/sida. Par exemple, la Fondation canadienne pour la recherche sur le sida a financé et diffusé le programme «AIDS Scare/AIDS Care» parmi les présidents des conseils des élèves du secondaire dans tout le pays.

Ces efforts d'«éducation» aux incidences inconnues sur le comportement se sont aussi élargis à nos jeunes enfants. Pendant les audiences, des membres du Sous-comité ont examiné l'idée de distribuer dans tout le pays le «livre d'images» sur le HIV/sida intitulé Viens t'asseoir avec moi dans les écoles primaires à l'intention des enfants âgés de 4 à 8 ans.

CONCLUSION

Le rapport du Sous-comité n'a pas examiné les questions de la responsabilité financière, de l'intrusion du gouvernement et des processus connexes dans son examen de la Stratégie nationale sur le sida. Il est de notre responsabilité, en tant que législateurs, de peser correctement les options et les conséquences de nos décisions en vue de préserver et d'améliorer la santé de tous les Canadiens.

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