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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 9 décembre 1996

.1008

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte.

Bonjour à tous. Nous avons une longue journée devant nous. Laissez-moi vous donner une idée de ce que j'envisage. Comme vous pouvez le voir sur l'ordre du jour, nous avons de nombreux témoins aujourd'hui - environ seize groupes différents - et d'autres se rajouteront probablement à cette liste.

Nous allons entendre les témoins qui sont à la table dans un instant, et lorsque notre autre membre permanent du comité arrivera - M. Scott est en route - vers 10 h 30, je vous soumettrai une proposition relative aux autres témoins. J'aime autant attendre que tous les membres du comité soient ici.

Monsieur Hill, est-ce que quelqu'un d'autre de votre parti vient ce matin?

M. Hill (Macleod): Plus tard aujourd'hui seulement.

Le président: Très bien. Lorsque M. Scott sera arrivé, nous passerons à cette question de régie interne.

Entre-temps, j'aimerais rappeler aux membres du comité et aux témoins - pas uniquement ceux qui sont à la table, mais ceux qui seraient dans la salle et que nous entendrons plus tard aujourd'hui - le but de nos séances.

Si j'aborde cet aspect, c'est à cause des nombreuses télécopies que nous avons reçues pendant la fin de semaine et dans lesquelles on me fait plusieurs leçons sur la démocratie, etc. C'était très intéressant, mais dans certains cas on n'y était pas du tout, car quiconque lit cette bible qu'est le Règlement de la Chambre des communes constatera que si nous sommes ici aujourd'hui, ce n'est pas pour offrir une tribune aux témoins. Aussi important que cela puisse être, nous ne sommes pas une tribune à l'intention des témoins. Le comité s'est vu confier l'examen d'un projet de loi. Dans le cadre de ses travaux, dans le but de tenter de s'assurer qu'il s'agit du meilleur projet de loi dans les circonstances, le comité peut se prévaloir de sa prérogative et convoquer des témoins. C'est exactement ce que le comité a décidé de faire.

.1010

Je tiens à souligner ce contexte et pour les membres du comité et pour les témoins afin que tous comprennent que ce n'est pas l'endroit pour venir nous faire des discours de trois heures. Nous sommes là pour entendre les témoins qui ont accepté notre demande de venir nous faire part de leurs meilleurs avis sur ce projet de loi particulier.

Vu qu'il y a seize groupes de témoins qui disposeront de trente minutes chacun, je préviens le comité et les témoins que je vais diriger la réunion avec ce que j'appellerais une bride courte. À la fin de la demi-heure, vous avez terminé, car il faut être équitable envers les autres témoins. Si les témoins n'ont pas eu le temps de dire tout ce qu'ils voulaient dire, qu'ils se sentent tout à fait libres de nous faire part de toute autre idée par télécopieur.

Enfin, j'aimerais dire aux membres du comité que puisque chaque groupe de témoins dispose d'une demi-heure, et puisque chacun des témoins voudra sans doute faire un exposé, il nous restera moins de trente minutes pour les questions. Or, il y a trois partis représentés ici, et

[Français]

pour cela, j'ai besoin de l'attention du Bloc québécois.

[Traduction]

J'ai besoin de votre attention pendant un instant, parce que la proposition que je vais faire vous touche directement.

Puisque nous avons prévu une demi-heure, au maximum, pour chaque groupe, et puisque chaque témoin voudra sans doute faire un exposé, il restera moins de trente minutes aux membres du comité pour leurs questions. Je vais donc vous proposer que vous m'autorisiez à diviser le temps équitablement, par trois. S'il reste vingt-quatre minutes, vous aurez chacun huit minutes. S'il en reste dix-huit, chaque parti disposera de six minutes. Au bout de cette période, eh bien, je vous couperai tout simplement la parole.

Parce qu'ils regardent les témoins presque tout le temps, je demanderais aux membres du comité qui posent des questions de jeter de temps à autre, un coup d'oeil de mon côté. Je leur indiquerai que leur temps est presque écoulé. Je tenterai de le faire sans trop les interrompre, mais regardez de mon côté.

Est-ce convenu? Cela vous convient-il à tous?

Donc, en votre nom, permettez-moi de souhaiter la bienvenue à notre premier témoin. Il s'agit du directeur général de Place Ontario, Max Beck.

Bonjour, monsieur Beck. Peut-être pouvez-vous nous présenter le collègue qui vous accompagne, nous faire un bref exposé, et ensuite nous aurons quelques questions à vous poser.

M. Max Beck (directeur général, Place Ontario): J'ai aussi amené Bill Boyle. C'est un bon collègue de Harbourfront et notre allié au bord du lac à Toronto.

Puisque nous commençons en retard, j'espère que cela ne sera pas défalqué de notre temps, monsieur le président.

Le président: Vous disposez de trente minutes.

M. Beck: Parfait, merci.

Je peux peut-être commencer par vous parler de notre relation avec Benson & Hedges, et plus particulièrement dans le contexte de Symphony of Fire, les feux d'artifice. Nous offrons cet événement à Place Ontario depuis dix ans, essentiellement sans plainte du public relativement au fait que le commanditaire en est une compagnie de tabac. En fait, le plus grand nombre de plaintes reçues cette année portaient, à vrai dire, sur le fait que le public se demandait constamment pourquoi le gouvernement fédéral ne finançait plus les feux d'artifice la Fête du Canada - ce qui est malheureux.

Ces dernières années, nous avons offert du plaisir et du divertissement d'été familial à environ 20 millions de visiteurs. Le bord du lac, du centre-ville de Toronto à Oakville, est noir de monde. C'est la journée la plus occupée de l'été dans le port. Toutes les embarcations à affréter dans la ville de Toronto sont déjà réservées pour l'été prochain. Des milliers de réservations ont été faites. Les plages sont bondées et toutes les places des restaurants panoramiques sont réservées. Les terrains de Place Ontario et d'Exhibition Place sont pleins à craquer. Tous s'arrêtent même sur l'autoroute Gardiner pendant quelques minutes, au milieu des feux d'artifice.

Cet événement nous rapporte deux millions de dollars par année, et nous avons déjà commencé à en faire la publicité et vendu des milliers de sièges pour l'an prochain. À mon avis, l'événement revêt une grande importance pour le pays, puisque 750 000 touristes sont attirés à Toronto à tous les étés. Nous avons demandé à l'Institut Niagara de faire une étude sur cet événement il y a quelques années - je peux vous en laisser copie - et dans l'étude on évalue l'incidence économique totale de cet événement pour le Canada à environ 61,2 millions de dollars. Il y a environ 818 emplois; en jeu un emploi et la possibilité de faire manger ses enfants, ce sont là, à notre avis, des questions de santé aussi.

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Benson & Hedges nous fournit 5 millions de dollars pour la production et la promotion de l'événement. Place Ontario y investit 150 000$, ce qui vous donne une idée des ordres de grandeur. Il y a quelques autres commanditaires qui contribuent environ de 100 000 à 150 000$. Les dépenses de l'événement sont donc payées à 90 p. 100 par Benson & Hedges.

Nous offrons une bonne affaire à Benson & Hedges, mais il faut négocier ferme pour faire de bonnes affaires qui permettent de survivre à cette époque de compressions budgétaires. Place Ontario, qui recevait à une époque 60 p. 100 de son financement sous forme de subventions gouvernementales, n'en a plus aucune cette année. Nous produisons 9 millions de dollars de taxes à tous les paliers de gouvernement; donc, nous pensons apporter notre contribution.

Le projet de loi du gouvernement fédéral aura non seulement de graves répercussions sur cet événement, mais également une incidence très néfaste sur Place Ontario. En effet, nous ne pourrons plus obtenir de publicité à la télévision et à la radio, de panneaux-réclames, d'affiches dans les abris d'autobus et de bannières au-dessus du boulevard Lakeshore, tous les moyens publicitaires que nous utilisons pour attirer nos deux millions de spectateurs chaque été et deux millions de visiteurs encore à Place Ontario même. Nous pensons que la promotion de cet événement a des retombées sur le nombre total des visiteurs pendant l'été.

Le public et les recettes diminueront. Nous risquons très certainement de perdre le parrainage de Benson & Hedges et nous pensons que toutes ces restrictions ne feront pas la moindre différence quant au nombre de jeunes qui commenceront à fumer. Toutes nos annonces sont de bon goût, ne visent pas les jeunes et ne sont pas de la publicité sociétale.

J'ai apporté une vidéocassette, que malheureusement, me dit-on, je ne pourrai pas vous montrer aujourd'hui. Voici une planche; c'était notre affiche il y a quelques années. Nous en avions distribué dans toute la province. Voici une des affiches que nous avons envoyées aux États-Unis. Je ne pense pas que l'on puisse la qualifier de publicité sociétale offensante; du moins je l'espère. Voici notre publicité de cette année. Ici encore je pense que c'est de bon goût et je ne pense pas que ce soit de la publicité sociétale. C'est ce que nous utilisons surtout.

Sans ce genre de publicité, les annonces télévisées, sans publicité hors site, nous ne pourrions jamais attirer deux millions de spectateurs et nous ne serons plus en mesure de continuer d'apporter notre contribution à l'économie. À notre connaissance - et je vous en ai apporté de nombreux exemplaires - nous distribuons une brochure dans deux millions d'endroits et de foyers. C'est inclus dans toutes les brochures touristiques; nous distribuons cette documentation sur une grande échelle aux États-Unis, ce qui nous attire un grand nombre de visiteurs. Nous ne pourrons plus faire ce genre de feuillet, ou du moins nous ne pourrons pas y inclure de l'information sur Place Ontario.

En ce qui concerne le processus de consultation, j'ai travaillé pour le gouvernement libéral dans les années 70, et à l'époque il y avait consultation. Je suis outré par ce semblant de consultation cette fois-ci.

Aussitôt que nous avons vu l'avant-projet, nous avons écrit à Mme Diane Marleau pour lui demander de la rencontrer. Nous avons ce que nous pensons être le montant le plus important de commandite au Canada. Nous avions pensé qu'on aurait sans doute voulu faire appel à nous, mais non. Nous avons demandé une rencontre, mais elle ne nous a même pas répondu.

Quand M. Dingwall est devenu ministre, nous lui avons immédiatement écrit pour demander à le rencontrer. Ici encore, rien, sauf que nous avons fini, avec l'aide du bureau du ministre responsable d'ATG, par obtenir une brève rencontre avec un des collaborateurs de M. Dingwall. Il est ressorti très clairement à cette occasion - il était très tard, au milieu de l'été - qu'on ne souhaitait pas avoir notre contribution.

Quand j'ai appris que beaucoup de mes collègues éprouvaient également de la difficulté à obtenir un rendez-vous, nous avons décidé de travailler ensemble pour exercer des pressions sur le gouvernement. À la fin du mois d'août, j'ai constitué avec d'autres personnes des quatre coins du pays l'Alliance for Sponsorship Freedom, et nous avons commencé à travailler de concert pour obtenir des rencontres avec les députés fédéraux qui étaient disposés à nous voir. En quelques semaines à peine, 370 personnes intéressées se sont jointes à notre groupe. De nombreux ministres et députés nous ont réservé un très bon accueil, mais la plupart d'entre eux semblent aussi frustrés que nous en ce qui concerne ce projet de loi. À vrai dire, certains appuient le projet de loi, mais la plupart de ceux que nous avons rencontrés dans la région de Toronto sont très préoccupés par ce projet de loi.

Le 4 octobre, M. Dingwall a rencontré un petit nombre d'entre nous pendant environ 40 minutes. Nous avons quitté la rencontre avec l'impression que le ministre et ses collaborateurs avaient déjà pris leur décision, mais nous leur avons fait parvenir quelques suggestions, en fait, des suggestions très complètes, relativement à un compromis qui à notre avis pourrait sauver notre événement. On n'a pas tenu compte de cette lettre, sauf pour nous envoyer une très courte réponse, vendredi dernier, il y a quelques jours à peine. La lettre était antidatée de trois semaines, mais nous l'avons reçue vendredi.

Depuis près d'un an, nous tentons de rencontrer quelqu'un au gouvernement afin de mettre au point des solutions pratiques et applicables qui répondent aux problèmes de santé auxquels il faut trouver une solution, à notre avis, et aux questions essentielles sur le plan social et culturel. Cela aurait pu se faire et peut encore se faire. Toutefois, pendant toute cette période, il n'y a pas un seul fonctionnaire du ministère de la Santé qui ait même rencontré quelqu'un de mon organisme. Nous n'avons jamais rencontré qui que ce soit malgré nos appels dans ce but.

.1020

Je tiens à ce que vous sachiez que et Tourisme Toronto et la Chambre de commerce du Toronto métropolitain s'opposent fermement à ce projet de loi. Dans votre hâte à faire passer le projet de loi, je ne pense pas que vous aurez le temps d'entendre ou de consulter les représentants de ces organismes.

À vrai dire, je ne sais pas quelles options s'offrent à vous. Tout ce que vous pouvez sans doute faire, c'est renvoyer le projet de loi pour qu'il soit reformulé - en consultation avec des gens comme nous, du moins l'espérons-nous - ou rayer toutes ces restrictions relativement à la télévision, aux journaux et à la publicité hors site. Je ne pense pas que des événements de cette envergure puissent survivre et contribuer à l'économie, comme nous le faisons, sans la télévision et d'autres médias. Je dois dire que tous les journaux de Toronto semblent s'opposer à ces restrictions sur la commandite.

En dernière analyse, je pense que les membres du comité doivent se demander quel est l'objectif premier de ce projet de loi - limiter le nombre de jeunes qui commencent à fumer, objectif tout à fait louable, à notre avis, ou punir les présentateurs et organisateurs de grands événements artistiques et sportifs qui ont le plus d'esprit d'entreprise au Canada? Je ne pense pas que ce genre de publicité cible les jeunes ni les incite d'une façon ou d'une autre à commencer à fumer. Les membres de mon conseil d'administration ne le croient pas non plus.

J'ose espérer que vous apporterez des modifications à ce projet de loi afin que nos événements survivent et prospèrent. Sinon, j'espère que vos membres me diront ce que je devrai dire aux deux millions de visiteurs fâchés de l'été prochain qui vont apprendre avec colère que le gouvernement fédéral est responsable d'avoir annulé le plus gros événement, et manifestement l'un des meilleurs, qui se tient à Toronto, au bord du lac, tous les étés. Qu'est-ce que je dirai aux exploitants de bateaux d'excursion qui ont déjà des milliers de réservations? Qu'est-ce que je dirai à nos partenaires hôteliers ou aux restaurateurs avec lesquels nous travaillons?

Nous pensions que le gouvernement aurait appris sa leçon de la débâcle de Harbourfront, mais vous semblez vouloir annuler les bons événements, les bons emplois, les bonnes attractions touristiques, les événements qui créent des emplois, qui produisent des millions de dollars de nouvelles recettes, de nouveaux impôts pour la province et le gouvernement fédéral.

Nous espérons que vous repenserez à tout cela et que vous serez en mesure d'apporter des modifications au projet de loi de façon à ce que des événements tels que celui-ci, qui ont toujours fonctionné à l'intérieur des limites de la loi et dont la publicité respecte tous les règlements, puissent survivre.

Merci, monsieur le président.

Le président: Avant de céder la parole à M. Boyle, permettez-moi de préciser que vous avez pris neuf de vos 30 minutes. Nous voulons garder du temps pour que les trois partis puissent vous interroger.

Je vous exhorte donc à être bref, monsieur Boyle.

M. William Boyle (président-directeur général, Centre Harbourfront, Toronto): Merci, monsieur le président. Je serai le plus bref possible.

Je suis le président-directeur général du Centre Harbourfront à Toronto, l'un des grands centres au Canada qui font la promotion de la culture canadienne contemporaine. Nous attirons plus de trois millions de visiteurs chaque année qui viennent fêter ce qui fait de nous des Canadiens.

Il y a dix-huit mois, le Centre Harbourfront a failli trépasser lorsque le ministre des Travaux publics, David Dingwall, a éliminé toute aide financière fédérale pour ce bord de lac qui appartient au gouvernement fédéral. Le public torontois et canadien s'est clairement fait entendre au sujet de l'importance de ce centre dans sa vie. Le successeur de M. Dingwall a négocié quelque chose afin d'empêcher nos portes de fermer. Ce plan réduit de façon marquée l'investissement fédéral et augmente énormément notre dépendance par rapport à la commandite du secteur privé.

Notre conseil d'administration bénévole s'est rendu compte que nous pouvions atteindre nos objectifs au cours des cinq prochaines années, mais, maintenant, le projet de loi C-71 nous révèle à quel point notre optimisme semble avoir été prématuré. Le plan du gouvernement fédéral reposait sur le maintien du soutien de du Maurier limitée, notre partenaire depuis plus d'une dizaine d'années, qui verse entre 650 000$ et 1 million de dollars d'aide chaque année, soit environ 35 p. 100 du total que nous allons chercher auprès des sociétés. Pour la seule année 1990, du Maurier limitée nous a versé 2,8 millions de dollars avec l'approbation du gouvernement fédéral pour qu'on rénove le centre théâtral appartenant au gouvernement fédéral et le nomme Centre du Maurier. L'entreprise a continué à financer le théâtre, mais cela pourrait maintenant s'arrêter. On pourrait fermer les projecteurs dans un théâtre qui met en évidence des artistes venant de tout le Canada.

En outre, notre festival World Stage, qui permet au meilleur théâtre canadien de se mesurer au meilleur théâtre du monde entier, pourrait disparaître.

Je ne suis pas alarmiste; je ne l'ai jamais été. Je suis réaliste. À cause des restrictions que le projet de loi C-71 impose à la commandite, pour les compagnies de tabac, sur le plan commercial, ce sera une mauvaise affaire que de travailler avec nous. Il ne s'agit pas uniquement de grands organismes comme le Centre Harbourfront; il en va de même pour 370 petits événements et activités dans tout le Canada.

Par exemple, la perte pour la Danny Grossman Dance Company de Toronto du parrainage de du Maurier entraînera la mise à pied de tout le personnel pendant trois mois l'an prochain. Ce n'est qu'un exemple parmi des centaines d'autres. Tous ces groupes auraient aimé être ici aujourd'hui pour vous raconter leur histoire, mais on ne leur a pas permis de parler.

L'argent des commandites ne se trouve pas dans les arbres. Croyez-moi, cela fait plus de deux décennies que je secoue les arbres. La dernière pomme à tomber est toujours celle qui tombe pour la culture canadienne contemporaine.

.1025

Maintenant on nous dit que nos événements encouragent les jeunes à fumer. Je ne le crois pas, et la population canadienne non plus. Croyez-vous que le fait d'assister à une représentation au Centre théâtral du Maurier poussera un jeune de 15 ans à fumer? C'est fort peu probable.

Santé Canada nous dit posséder des données qui révèlent ce lien. Où sont-elles? Si le ministère a de telles données, il pourrait aider les groupes sportifs et artistiques en Amérique du Nord qui n'ont jamais - et je souligne «jamais» - pu démontrer à d'éventuels commanditaires l'existence d'un lien entre l'utilisation de leur nom pour un événement et la vente de leurs produits. Qu'il s'agisse de lait ou de coca-cola - ce sont également de grands commanditaires de Harbourfront - il n'y a pas de preuves.

Permettez-moi de tuer un autre mythe. Il n'y a pas une file de nouveaux commanditaires qui attendent de remplacer les compagnies de tabac. Si vous le croyez, ce n'est pas du tabac que vous fumez.

Le ministre de la Santé a une tâche importante à remplir, et nous l'appuyons dans ce rôle. Nous ne sommes pas d'accord avec ses méthodes. Il prétend qu'il n'interdit pas la commandite. C'est un peu comme nous dire que nous pouvons conduire la voiture, tout en nous enlevant les clés, la plaque d'immatriculation et le moteur.

Personne dans le secteur à but non lucratif des arts et du sport ne peut survivre dans les années 90 sans les fonds du secteur privé. Laissez-nous la liberté d'obtenir le maximum de ces fonds.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Boyle.

Je vous ai écouté avec intérêt. J'espère et je pense que votre exposé est fondé en grande partie sur les faits, à une exception près, sur laquelle je souhaite revenir.

Vous avez mentionné qu'on n'avait pas permis à certains d'être ici pour nous adresser la parole aujourd'hui. Peut-être pouvez-vous m'en fournir une liste, car j'ai ici une liste, et je peux vous dire ce qu'il y a sur cette liste. J'ai ici la liste, que le greffier m'a préparée samedi, des organismes et personnes qui avaient demandé à comparaître devant le comité, mais que nous n'avons pas pu inscrire à l'ordre du jour d'aujourd'hui. Cette liste comprend sept ou huit noms. À en juger par les seuls numéros de téléphone, il y en a trois dans la région de Toronto, au code 416. Il y a une personne et deux groupes que l'on pourrait qualifier de groupes antitabac.

Vous connaissez peut-être des personnes qui, d'après ce que vous dites, n'ont pas pu prendre la parole ici, mais ni le comité ni le greffier n'ont encore entendu parler d'elles. Donc, si vous voulez dire ce genre de choses, il vous faut pouvoir l'étoffer.

M. Boyle: Je vous fais respectueusement remarquer, monsieur le président, que la plupart des organismes comme le mien, dans tout le Canada, n'ont entendu parler que vendredi après-midi de vos projets et ont tenté par tous les moyens de savoir comment s'y prendre pour vous adresser la parole. Ils ont présumé qu'il y aurait plusieurs jours de séances, et non pas seulement une séance lundi. Donc, pour les gens de Vancouver, Halifax, etc., c'est très difficile si vous entendez parler vendredi après-midi...

Le président: Monsieur Boyle, nous pouvons tirer cela au clair. Si les représentants de ces groupes en ont entendu parler vendredi après-midi, et s'ils se dépêchaient pour apprendre comment s'y prendre, c'est qu'ils n'ont pas lu leur courrier de jeudi, car jeudi nous avons émis un communiqué de presse et avons communiqué directement aux organismes touchés l'information sur l'échéancier de nos séances.

Et je vous ferai remarquer que dans votre domaine on ne devrait pas éprouver de difficultés à trouver un numéro de téléphone de la Chambre des communes à Ottawa et à retracer le greffier du Comité de la santé. Ce n'est pas difficile.

M. Boyle: Je me permets de vous faire remarquer, monsieur le président, qu'il s'agit d'organismes à but non lucratif du domaine des arts, des quatre coins du pays. Le personnel y est très peu nombreux, s'il existe, et les organismes sont dirigés par des conseils d'administration composés de bénévoles. Ce ne sont pas de gros organismes.

Le président: Bill, nous n'allons pas nous convaincre l'un l'autre, sauf que je tiens à consigner au procès-verbal qu'il n'y a pas, selon le comité, une foule de gens, comme vous dites, qui ont été empêchés de comparaître devant le comité. Nous avons tenté de faire preuve de souplesse, et comme vous le constaterez lorsque nous en viendrons à parler plus tard ce matin des affaires du comité, nous allons le faire encore davantage.

Nous voulons entendre divers témoins, mais je reviens à ce que je disais au début de la réunion. Il ne s'agit pas d'une tribune populaire. Il est important que vous disposiez d'une tribune. Allez tenir une conférence de presse, émettez un communiqué de presse et tenez votre propre réunion. Ici, c'est notre réunion, et nous tentons, comme comité, de décider si ce projet de loi est le meilleur possible. Vous êtes ici pour nous y aider, et non pas pour vous plaindre de ce qui vous ennuie dans ce projet de loi. Nous comprenons que vous êtes ennuyés, mais vous avez choisi le mauvais endroit pour exprimer vos sentiments.

Avant de céder la parole aux membres du comité, j'aimerais ajouter encore une chose. J'ai écouté le premier groupe de témoins, mais je dois dire aux témoins qui se trouvent dans la salle et à ceux qui viendront plus tard au cours de la journée que nous sommes ici pour permettre aux membres du comité de vous interroger, et si vous prenez place ici et que vous nous faites la leçon pendant 20 minutes, nous n'aurons pas grand temps pour vous interroger. Je promets de ne plus vous faire la leçon aujourd'hui, mais je supplie les témoins d'être brefs dans leurs exposés, de façon à ce que les membres du comité puissent vraiment échanger des idées avec vous au cours de la demi-heure qui vous est consacrée.

.1030

[Français]

Je vais maintenant donner la parole au député de Lévis.

M. Dubé (Lévis): On n'aura pas beaucoup de temps, mais j'apprécie les efforts que fait notre président pour essayer de convaincre les témoins des circonstances difficiles auxquelles le comité a dû faire face. Dans le fond, il faut rappeler une chose. Le comité prend ses ordres de la Chambre et cette dernière, avec la majorité du gouvernement, a décidé que ce serait très court et qu'il n'y aurait qu'un seul intervenant par parti à l'étape de la deuxième lecture. Donc, cela a été décidé par la majorité libérale à la Chambre des communes et le comité ne fait que suivre les ordres de la Chambre.

Je suis d'accord avec vous qu'en ce qui a trait aux consultations, cela a été saboté. Cependant, vendredi dernier, le ministre est venu rencontrer le comité pour parler des commandites. D'ailleurs, son point de presse ne comportait qu'un seul élément. Il a tenté de jeter le discrédit sur les chiffres fournis par les organisateurs d'événements.

Je sais que vous êtes des organismes à but non lucratif, mais à Montréal, pour certains événements, on a utilisé les services d'une firme qu'on nomme SECOR pour faire des études là-dessus. Pourriez-vous déposer aujourd'hui quelque chose qui démontrerait ce que vous nous avez dit?

J'ai pris note de tout l'impact économique de ceci, et c'est considérable. Tout comme vous, du côté de l'Opposition officielle, nous pensons que faire de la publicité dans le cadre de spectacles pour adultes ne fait pas augmenter le tabagisme chez les adolescents. J'aimerais que vous me donniez une réponse. Avez-vous ces études? Êtes-vous capable de nous les fournir au plus tard ce soir?

[Traduction]

M. Beck: Comme je l'ai mentionné, j'ai fait faire une étude par l'Institut Niagara. C'était il y a deux ans, et elle est donc un peu dépassée, mais l'étude portait tout particulièrement sur notre événement. C'est dans cette étude que l'on chiffrait, comme je l'ai mentionné, l'ensemble de l'incidence économique pour le Canada à 600 millions de dollars. Il y a environ 800 emplois en jeu dans toute la province; donc, c'est très important.

Ce qui devrait vous intéresser, c'est que cet événement attire un grand nombre de touristes. On n'attire pas les touristes au moyen de bulletins d'information et par de la publicité dans le journal local. Il faut de la publicité à la télévision, il faut envoyer des brochures comme celle-ci aux États-Unis, et il faut travailler très fort.

[Français]

M. Dubé: Combien d'emplois?

[Traduction]

M. Beck: L'incidence économique globale se chiffre à 60 millions de dollars. Sept cent cinquante mille touristes se présentent pour l'événement. Il faut donc un grand nombre de chambres d'hôtel, de repas, et cela représente des recettes énormes pour le pays.

[Français]

M. Dubé: Combien d'emplois sont menacés?

[Traduction]

M. Beck: On a identifié environ 818 emplois - c'était il y a quelques années; c'est donc probablement plus élevé maintenant.

[Français]

M. Dubé: Il y a deux aspects. Il y a la possibilité, pour les compagnies de tabac, de faire de la publicité sur les sites, mais vous avez aussi dit que ce serait interdit à la télévision. Lequel des deux est le plus menaçant pour vous?

[Traduction]

M. Beck: Je pense que c'est la perte de la télévision qui serait le plus grave. Cet événement est diffusé simultanément à la radio. La seule façon dont cela peut fonctionner, c'est si des milliers de personnes entendent la musique qui accompagne les feux d'artifice. Nous diffusons à la radio, et des millions de personnes dans leurs embarcations et ailleurs peuvent entendre l'émission. On l'entend dans des restaurants. La perte des panneaux-réclames et l'interdiction d'afficher... Je vérifie auprès du personnel du bureau du ministre depuis ce matin.

Nous avons de la chance d'être sur une route à grande circulation. J'ai demandé si nous pouvions ériger un panneau d'affichage de notre côté, sur notre propriété, mais faisant face à la rive du lac, afin qu'il soit au moins visible. On a refusé l'autorisation en nous disant que nous ne serions autorisés qu'à mettre de petits panonceaux sur notre terrain, tournés du côté de la propriété, et non vers les grandes artères de circulation. Ce n'est pas avec quelques panonceaux sur un terrain, quelques annonces dans le journal et en distribuant des dépliants à des gens dont vous connaissez déjà les noms que vous obtiendrez un public de deux millions de personnes; or, nous n'avons pas la liste de ces deux millions de personnes.

.1035

Le président: Le député de Macleod.

M. Hill (Macleod): Vous avez dit tous deux, messieurs, que la publicité que vous seriez autorisés à faire ne vous permettrait pas d'attirer le nombre de personnes qui assistent actuellement à cet événement. Avez-vous des documents prouvant que vous allez perdre vos commandites si ce projet de loi est adopté?

M. Beck: Non, je n'ai pas de documents le prouvant noir sur blanc, et il est possible que nous ne perdions pas tout, mais ce qui va arriver, c'est que ces commandites vont s'amenuiser au fil du temps. La raison pour laquelle une commandite est actuellement précieuse, c'est parce que sa raison d'être, c'est le nombre de fois où le nom de la marque apparaît, l'autre raison étant l'importance numérique de la foule. S'il y a deux millions de spectateurs, vous touchez beaucoup plus d'argent que s'il n'y en a que 200 000. Ce qui va arriver, à mon avis, c'est que cette manifestation va progressivement perdre de son importance; nous conserverons bien encore une commandite, mais elle sera minime par rapport à cette catégorie d'événements. Cela ne sera plus comparable.

Nous devons, de toute façon, trouver un autre million de dollars en commandite cette année même si nous ne perdons pas ces 5 millions de dollars.

M. Hill (Macleod): Si je vous ai bien compris, c'est le nombre de fois où apparaît le nom de la marque qui est la raison d'être de la commandite.

M. Beck: Oui, dans une grande mesure, la valeur de la commandite est basée sur... Nous n'avons jamais nié qu'elle profite aux commanditaires; c'est la raison pour laquelle ils payent.

M. Hill (Macleod): Si vous reveniez sur les témoignages concernant le projet de loi qui a précédé celui-ci, vous constateriez que le même argument a été avancé, à savoir que les commandites allaient baisser. Pouvez-vous nous dire ce qu'il est advenu des commandites de ces sociétés depuis la promulgation de la dernière loi?

M. Beck: La dernière loi nous offrait une situation quasi idéale, à mon avis: les manufacturiers de produits du tabac n'avaient plus le droit de faire de la publicité, sinon par commandites. Je reconnais volontiers qu'un grand nombre d'entre nous en ont tiré parti et se sont alliés avec des sociétés pour augmenter les commandites, alors qu'à présent les fabricants de produits du tabac seront autorisés à faire de la publicité et auront pratiquement les mêmes droits à la publicité que nous, et les commandites diminueront encore.

J'avais l'impression, auparavant, que le gouvernement savait au moins ce qu'il faisait: ce qu'il voulait alors, c'est que, s'il doit y avoir de la publicité, cet argent, en circulant, doit tout au moins profiter d'une certaine manière à toute la société. Cela a fonctionné de façon très satisfaisante; nous avons tiré bon parti de cette loi et l'avons utilisée à notre avantage, faisant preuve d'esprit d'entreprise et d'ingéniosité.

Avec ce projet de loi nous faisons marche arrière, parce que nous devons nous accommoder de certaines contraintes et que les manufacturiers de produits du tabac peuvent désormais se passer sans peine de nous. Pourquoi alors prendraient-ils la peine de nous financer?

M. Hill (Macleod): Vous pensez donc que pour votre événement, qui attire un grand nombre de gens et a des retombées économiques très bénéfiques, il n'existerait aucun autre commanditaire si celui-ci disparaissait?

M. Beck: Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il n'en existe pas d'autres, mais je ne vois guère comment, en deux, voire en trois ans, je pourrais songer à remplacer les 5 millions de dollars. Mon commanditaire qui vient au second rang pour Place Ontario, c'est General Motors du Canada, qui est certes une grosse société, mais qui nous donne seulement 250 000$. Quant aux banques, qui sont censées rouler sur l'or, la banque qui nous commandite nous donne entre 100 000$ et 150 000$. Ils ne se pressent pas au portillon ceux qui vont nous donner des millions de dollars pour faire leur promotion, comme le faisaient les manufacturiers de cigarettes.

M. Boyle: J'ajouterais que pour les arts contemporains ou la culture la situation se présente encore plus mal dans tout le pays. Il y a bien les feux d'artifice, mais il est quasi impossible de trouver une commandite pour un théâtre, ou un festival de théâtre ou une compagnie de danse. Nous n'arrêtons pas de prospecter à la recherche de commanditaires, mais pour les arts contemporains, à l'exception de du Maurier limitée, il n'y a personne qui s'intéresse tant soit peu aux manifestations culturelles de toutes sortes: danse contemporaine, théâtre, musique, etc.

.1040

M. Beck: À ce propos, je suis déjà à la recherche d'un autre 3 millions de dollars. Il me faut les trouver cette année, tout à fait en dehors du fait que je risque d'être lésé par ce projet de loi.

M. Boyle: Et Harbourfront doit trouver un autre million de dollars auprès du secteur privé.

M. Szabo (Mississauga-Sud): Je comprends vos difficultés. L'avant-projet de loi sur le tabac a paru en décembre 1995, et votre principal problème, c'est la promotion des commandites. Or, l'avant-projet de loi, qui date d'environ un an, recommandait, tout en encourageant dans une certaine mesure les commandites, de prendre des mesures visant à limiter l'attrait des styles de vie associés à l'usage du tabac. Le projet de loi actuel sur les produits du tabac, avec sa règle de 10 p. 100, semble répondre plus ou moins aux recommandations de l'avant-projet de loi de décembre 1995.

Si vous êtes d'accord avec ce dernier, pourquoi dites-vous que nous y apportons une hâte excessive, ou que vous n'avez pas l'occasion de présenter votre point de vue?

M. Beck: Je ne suis pas d'accord avec le projet. Nous pensons que le gouvernement - nous nous sommes évertués à le dire, mais sans grand succès - devrait s'en prendre à certaines de ces questions touchant le style de vie. Cette publicité ne me paraît nullement scandaleuse; elle ne montre pas beaucoup de jeunes gens qui flânent et encouragent les jeunes à fumer.

J'applaudis le gouvernement pour ses efforts sur ce point, mais je ne pense pas que notre organisation ait jamais prêté le flanc à des critiques concernant la publicité de style de vie. Nous avons remis au ministre une lettre de 8 à 10 pages sur les mesures que l'on pourrait prendre pour palier les objections que soulèvent les annonces publicitaires de ce genre. La loi actuelle, d'ailleurs, ne résout pas entièrement la question.

Mais ce qui est le plus frustrant, c'est de ne pas savoir pourquoi on nous force à faire une certaine publicité, pourquoi on nous empêche d'apposer ce panneau publicitaire dans le pays ou dans la province. Pourquoi n'ai-je pas le droit de diffuser cela? Pourquoi ne me permet-on pas de faire assister deux millions de personnes aux feux d'artifice et deux autres millions par an à d'autres événements? Ce panneau est une publicité toute l'année, longue, qui ne sert pas que pour un événement. Pourquoi ne puis-je faire une annonce publicitaire à la télévision?

M. Szabo: Vous êtes certainement au courant de la stratégie des fabricants des produits du tabac; vous savez quel marché ils veulent conquérir, où leurs nouveaux clients se trouvent. Vous ne disconviendrez certainement pas qu'ils sont à la recherche de nouveaux adeptes, de jeunes fumeurs, et tous les chiffres le prouvent.

Cet événement dont vous parlez, ces feux d'artifice tout à fait remarquables, auxquels j'ai assisté moi-même, attirent particulièrement les enfants.

M. Beck: Mais aussi les familles.

M. Szabo: Les familles, mais particulièrement celles avec enfants. Cette représentation - de toutes celles auxquelles je peux penser - devrait être celle avec laquelle on évite à tout prix d'associer le tabac, directement ou indirectement. Je ne sais ce que vous en pensez, mais à mon avis nous nous avançons en terrain miné si nous donnons à penser aux enfants que cette représentation extraordinaire, qui produit 60 millions de dollars en bénéfices, est liée à une société qui vend un produit qui risque de leur être nocif.

M. Beck: Je ne vois vraiment pas le lien. La meilleure réponse à cela, je l'ai entendue l'autre jour à une tribune téléphonique. Un jeune homme, qui approchait la trentaine, disait que depuis l'âge de six ans il avait été un fanatique des courses de voitures et que, pour l'une ou l'autre raison, il se passionnait pour Rothmans et collectionnait tous les souvenirs de cette marque sur lesquels il pouvait mettre la main. Il avait donc une grande collection de ces souvenirs, se passionnait pour tout ce qui touchait à cette marque et aux courses automobiles, et s'il y avait eu quelqu'un, disait-il, qui aurait dû être amené à fumer, et en particulier la marque Rothmans, c'était certainement lui.

Mais il a dit qu'à l'âge de 15 ans, époque à laquelle ses amis se sont mis à fumer, il a décidé, lui, peu importe la raison, de ne pas fumer. Moi aussi je suis un non-fumeur, et je ne pense pas que cet événement...

La question a été discutée par mon conseil d'administration, et je crois qu'on devrait s'en remettre à ces conseils et entreprises pour ce genre de décisions. Nous ne sommes pas d'avis, au conseil d'administration, que parce que le nom de Benson & Hedges figure quelque part les gens vont se dire: «Tiens, si on se mettait à fumer», ou qu'ils prennent cette décision parce qu'ils viennent assister à notre feu d'artifice.

Comme le disait Bill, si je pouvais prouver que chaque fois qu'un spectateur assiste à une représentation du Cirque du Soleil il va se précipiter pour acheter un billet de Canadien International, les commanditaires seraient légion; nous aurions l'embarras du choix. Mais il nous est impossible de garantir à une société que ceux qui assistent à nos spectacles vont se précipiter pour acheter demain son produit; alors pourquoi le raisonnement s'applique-t-il à ce cas, et seulement à celui-ci?

.1045

M. Szabo: Ma dernière question porte sur l'aspect financier de l'opération. Je suis sûr que Harbourfront et Place Ontario étudient depuis longtemps le fonctionnement économique de leurs entreprises. Vous nous avez soumis le chiffre de 60 millions de dollars en avantages économiques sous forme d'emplois, d'autres retombées économiques ou dérivées, etc. Si vous pensez que Benson & Hedges apporte environ 5 millions de dollars et qu'il y a d'autres fonds supplémentaires provenant du gouvernement...

M. Beck: Il n'y a aucune aide du gouvernement.

M. Szabo: Mais il y en a pour Harbourfront.

Vous nous avez parlé d'une entreprise qui rapporte beaucoup et profite à beaucoup de gens, et avec laquelle il est bon d'être associé. Dites-moi pourquoi les hôtels, la ville de Toronto, Tourisme Ontario et d'autres groupes, qui pourraient également bénéficier de ce genre de relations publiques, n'essaient pas d'en tirer parti si c'est un événement aussi prestigieux?

M. Beck: Le ministère auquel je suis comptable est Tourisme Ontario, et celui-ci taille dans les subventions; il n'est pas question de les augmenter. Voilà pourquoi je suis à la recherche de 3 millions de dollars, quel que soit le sort de ce projet de loi.

De nos jours les gouvernements sont astreints à des compressions de budget; ils subissent une cure d'austérité. Je peux m'en accommoder; nous sommes prêts à solliciter cet argent du secteur privé. Mon organisation, je pense, parviendra cette année à suffire à ses propres besoins, mais je n'y parviendrai pas si le gouvernement me met constamment des bâtons dans les roues et m'empêche de m'adresser à ceux qui seraient disposés à me financer.

Le président: Il y a quelque chose qui m'intrigue vraiment, monsieur Beck. Vous venez de nous présenter des arguments très convaincants pour nous persuader que tous ces efforts n'ont pas la moindre influence sur un fumeur potentiel. Devons-nous en conclure que les fabricants de produits du tabac agissent par pure générosité? Et si tel est le cas, pourquoi cette générosité ne s'affirmerait-elle pas également malgré les nouvelles restrictions?

M. Beck: Je ne vous ai jamais dit qu'ils agissaient par pure générosité. La publicité les fait connaître, certes, mais notre pays compte sept millions de fumeurs, et chaque marque a le droit d'essayer de conquérir une part de ce marché, ce que vise précisément la publicité. Celle-ci permet aux différentes marques de se mettre en vedette, et nous les y aidons.

Le président: Merci beaucoup. Nous avons épuisé le temps qui devait vous être consacré.

Pendant que se fait la transition entre témoins je voudrais remercier les membres du comité de m'aider à respecter les limites de temps, mais je voudrais tout de même vous prier, quand vous annoncez que vous avez une petite question à poser, de vous en tenir vraiment à l'essentiel, car si nous perdons chaque fois quelques minutes nous allons nous retrouver, en fin de journée, avec un retard considérable.

Puis-je demander au comité de m'accorder son attention pendant un instant? J'ai dit il y a quelques minutes que nous avons été en mesure d'entendre la plupart des gens qui avaient manifesté le désir de comparaître devant nous. Nous en avons entendu le plus grand nombre, mais pas tous, et j'aimerais en entendre le plus possible. Vous verrez, en examinant la liste que vous avez devant vous, que nous avons essayé de tenir compte des intérêts des uns et des autres.

Vendredi j'ai donc demandé à notre personnel de ne pas inviter à ce débat seulement les groupes qui étaient pour et contre, mais d'inviter également six ou sept parties intéressées. Parmi elles se placent ceux qu'on appelle «les antitabac», en second lieu ceux qui reçoivent des commandites, en troisième lieu les débits de tabac, le secteur des distributeurs automatiques, les fabricants de produits du tabac et les tabaculteurs. Nous en avons compté six et avons essayé de leur réserver une place à peu près égale, ce que vous constaterez en examinant votre liste.

Nous n'avons cependant pas réussi à trouver du temps pour entendre huit ou neuf groupes ou particuliers qui aimeraient comparaître. Nous avons demandé à certains d'entre eux de rester sur la touche en attendant votre décision devant la proposition que je vais vous faire.

.1050

Le comité n'ignore pas que demain doit être consacré à d'autres questions - à savoir le rapport définitif sur la santé chez les enfants, et l'audition de témoins au sujet de l'étude sur les drogues. Je propose que nous remettions jusqu'après Noël les audiences sur l'étude sur les drogues, et que nous remettions à une réunion spéciale, qui aura lieu jeudi à 9 heures, l'examen du rapport sur la santé des enfants. Il s'agira sans doute d'une réunion assez brève, d'une heure à une heure et demie.

Si vous êtes d'accord avec ces deux propositions, nous pourrions procéder, en ce qui concerne les audiences en cours, de la façon suivante: cette séance-ci se prolongerait jusqu'à 17 h 30 ou 18 heures, et nous ajournerions ensuite jusqu'à 9 heures demain matin. Nous entendrons ainsi d'autres témoins que ceux qui figurent sur votre liste, et ce, jusqu'à environ midi ou 13 heures, ou aussi longtemps qu'il le faudra pour entendre les témoins qui ont manifesté le désir de comparaître. Demain après-midi nous passerions alors à l'examen article par article du projet de loi C-71, avec l'intention d'en finir dans la journée de demain.

Si vous êtes d'accord avec cette proposition, j'aimerais que quelqu'un me soumette une motion à cet effet.

M. Volpe: J'en fais la proposition.

[Français]

Le président: La députée de Drummond.

Mme Picard (Drummond): Je suis désolée, monsieur le président, mais nous dites-vous que le comité ne siégera pas ce soir? Nous étions censés entreprendre l'étude article par article ce soir.

C'est reporté à demain après-midi?

[Traduction]

Le président: Je vous ai peut-être exposé la chose trop rapidement; je vais donc m'y reprendre une seconde fois.

Je propose, pour remanier notre programme de la journée, de modifier ce que nous allons faire demain matin. Nous devions examiner le rapport sur la santé des enfants et l'étude sur les drogues. Remettons le premier à jeudi matin, et à l'année prochaine l'audition des témoins au sujet de l'étude sur les drogues. Cela nous libère la matinée de demain pour faire les choses suivantes: ajourner vers 18 heures ce soir, après avoir entendu les témoins qui figurent sur votre liste, entendre d'autres témoins demain, de 9 heures jusqu'à 13 heures, selon le temps qu'il nous faudra, et ensuite passer demain après-midi à l'examen article par article du projet de loi. Nous ne siégerons donc pas ce soir; c'est là la proposition.

J'ai été saisi d'une motion de M. Volpe. Êtes-vous d'accord avec cette proposition?

Des voix: D'accord.

Le président: Nous accueillons à présent à la table des témoins les représentants du Grand Prix de Formule 1 du Canada. Bienvenue, monsieur Legault. Veuillez nous présenter votre collègue.

M. Normand Legault (président du conseil et PDG, Grand Prix F1 du Canada Inc.): Je suis président du comité organisateur du Grand Prix du Canada, et je suis accompagné de Richard Prieur, responsable de la couverture médiatique internationale de cet événement.

Monsieur le président.

[Français]

mesdames et messieurs, membres du comité, bonjour.

[Traduction]

Je vous remercie de me permettre de comparaître aujourd'hui pour vous faire part de mes inquiétudes concernant le projet de loi C-71 et l'impact qu'il risque d'avoir sur une vénérable tradition canadienne, la course automobile du Grand Prix du Canada. C'est de 1967, année du centenaire du Canada, que date la création du Grand Prix, qui est devenu le plus important événement sportif du pays, et en juin dernier a attiré un public de 228 000 spectateurs. Grâce aux efforts de plus d'un millier de bénévoles venus de tous les coins du Canada, cette course est devenue l'un des événements les plus renommés du championnat mondial de formule 1, qui ne compte que 16 courses âprement discutées.

.1055

Notre Grand Prix, monsieur le président, est bien davantage qu'une simple manifestation sportive. C'est avant tout l'occasion unique, pour le Canada, de toucher chaque année, dans le monde entier, un public de télévision qui ne le cède qu'à celui des Jeux olympiques. Le Grand Prix de 1996 a été diffusé dans 131 pays et a été vu, à la télévision, par 350 millions de spectateurs. Y ont assisté près de 300 journalistes étrangers, qui ont transmis leur reportage sur tous les continents.

Le Grand Prix contribue également, de façon significative, au secteur touristique. Plus de 20 000 étrangers y ont assisté en juin dernier, venus de l'Asie, de l'Europe et des États-Unis, et en ont fait l'un des événements touristiques les plus importants du pays, dépassant de loin la finale de la Coupe Grey ou tout congrès de gens d'affaires.

D'après le Bureau des congrès et du tourisme du Grand Montréal, le Grand Prix a rapporté plus de 50 millions de dollars en contributions directes à l'économie de la ville et fait de cette semaine celle qui, pour les hôtels, rapporte le plus de recettes.

Mais il n'y a pas que les touristes: le Grand Prix amène au Canada des centaines de représentants des grandes sociétés internationales en matière d'aéronautique, d'ordinateurs, d'automobiles, pour n'en nommer que quelques-unes, ce qui a des retombées pour le commerce et les investissements.

Dans le domaine médical le Grand Prix a permis à des spécialistes canadiens des traumatismes, en association avec leurs homologues d'autres pays, de travailler à des traitements de pointe pour les victimes de traumatismes, en faisant appel à une technologie dernier cri, telle que la télémédecine et l'évacuation des malades par voie aérienne, techniques mises au point par des sociétés canadiennes dont les produits ont donc bénéficié, grâce au Grand Prix, d'une mise en vedette dans le monde entier.

Cette course a également permis à deux athlètes canadiens - le regretté Gilles Villeneuve et son fils, Jacques, qui se range parmi les plus grands ambassadeurs du Canada dans le monde - de prendre leur place sur la scène internationale et de représenter notre pays à cet éminent niveau du sport professionnel.

Mais tout cela, monsieur le président, risque d'être remis en question. Nous ne sommes pas venus ici aujourd'hui pour discuter du retrait éventuel d'un commanditaire important de notre événement, comme Players, et de son impact sur le Grand Prix, mais plutôt pour vous informer d'une autre menace très réelle, très concrète, pour le Grand Prix si le projet de loi C-71 devait être adopté sous sa forme actuelle.

Certaines des automobiles qui participeront à la prochaine course du Grand Prix seront peut-être commanditées en partie par des fabricants internationaux de produits du tabac, même si la plupart des marques en vedette ne sont pas actuellement en vente au Canada. Le ministre de la Santé, répondant à une question de ce comité, a fait savoir que cette forme de promotion ne serait pas autorisée aux termes du projet de loi C-71.

Si de telles restrictions devaient être imposées aux participants, ou tout au moins à certains d'entre eux, les organismes internationaux chargés de donner leur approbation risquent de retirer le Canada du championnat du monde, mettant ainsi fin à une tradition, vieille de 30 ans, d'hospitalité canadienne envers le monde entier.

Tout en comprenant et en appuyant les objectifs du projet de loi nous voudrions faire remarquer en toute déférence à ce comité qu'en considération des nombreux avantages que recueille notre pays de la présentation de cet événement le projet de loi C-71 doit être modifié de façon à ne pas mettre en péril l'existence du Grand Prix du Canada.

Je vous remercie, monsieur le président, et membres du comité.

[Français]

Le président: Je vais accorder la parole à M. Dubé.

M. Dubé: Lorsque le ministre est venu vendredi dernier, je lui ai posé plusieurs questions dont une très pointue. Je lui ai demandé, parce qu'il avait été assez évasif jusque-là, s'il serait possible de mettre le nom d'une marque de cigarettes sur une voiture. Il m'a répondu non. Que pensez-vous de cela?

M. Legault: C'est de là que vient notre préoccupation ce matin puisque, sur 26 participants au Grand Prix, il pourrait y en avoir environ 10 qui pourraient avoir sur leurs voitures des noms de marques de cigarettes, principalement des marques étrangères, entre autres japonaises. Cette interdiction rendrait leur participation au Grand Prix impossible. Puisqu'il s'agit d'un championnat du monde où toutes les étapes comptent pour l'obtention du titre, cela voudrait dire l'élimination de l'épreuve du championnat.

.1100

M. Dubé: J'imagine que vous avez écouté sa réponse vendredi. Il a dit que les Grand Prix de Formule 1 en France, en Angleterre, en Allemagne, etc. - il les a tous nommés - avaient interdit cela et que cela ne causait pas de problèmes. Qu'avez-vous à répondre à ce sujet?

M. Legault: Eh bien, il est important de comparer des cas similaires. Dans le cas de la France, par exemple, avec la mise en application de la Loi Évin, cette forme de publicité est interdite. Ce qui a empêché la Fédération internationale de retirer cette épreuve, c'est la participation très très importante de grands groupes industriels français. Je pense entre autres, à la Régie Renault, au Groupe Peugeot-Talbot-Citroën et au groupe pétrolier Elf Antar France qui, à eux seuls, contribuent à la recherche en Formule 1 et au financement de la Formule 1 plus que toutes les compagnies de tabac réunies.

Dans le cas de l'Allemagne, il y a une situation similaire dans le cas de la société Mercedes-Benz AG, division du groupe Daimler-Benz AG, qui motorise, si vous me permettez l'expression utilisée dans le sport automobile, certains des participants.

Dans le cas spécifique du Royaume-Uni, environ 80 p. 100 des équipes participant au championnat du monde sont basées au Royaume-Uni, au nord de Londres, dans ce qui est devenu un creuset technologique, une espèce de silicone valley de la recherche de pointe en développement automobile. Il est donc à peu près impensable que ces équipes ne participent pas au Grand Prix d'Angleterre.

Un cas que je crois comparable à celui du Canada est celui de l'Australie où, lors de l'introduction du Tobacco Advertising Prohibition Act, en 1992, le ministre de la Santé australien a, en vertu de cette loi, publié des notices octroyant certaines exemptions pour des événements à caractère international qui sont importants pour le Commonwealth et l'Australie. Par exemple, cette exemption s'applique au Grand Prix d'Australie, mais également à la Coupe des Amériques, que les Australiens avaient remportée. Afin qu'elle puisse être présentée en Australie, on avait dû bénéficier d'une telle exemption. Ce fut aussi le cas d'un tournoi de golf professionnel pour dames.

Ce sont des exemptions très pointues.

M. Dubé: Je ne veux pas vous diviser par rapport à d'autres, mais si le gouvernement fédéral permettait le même type d'exceptions pour le Grand Prix, qu'en penseriez-vous?

M. Legault: À tout le moins, nous pourrions ainsi présenter l'épreuve et tenter de relever le défi du financement qui nous serait imposé par le projet de loi C-71. En ce moment, nous ne pouvons même pas relever le défi puisque la présentation de l'épreuve serait compromise dans son entièreté.

M. Dubé: Si vous étiez obligés de changer le nom de l'événement, votre commanditaire principal continuerait-il de vous suivre ou vous abandonnerait-il?

M. Legault: Si on devait changer le nom de l'événement? Je ne peux présumer de l'intention d'un commanditaire, mais il est évident que le soutien monétaire qu'il nous apporte serait grandement diminué et qu'on devrait tenter de le remplacer à ce niveau-là.

[Traduction]

Le président: Monsieur Hill, de la circonscription de Macleod.

M. Hill (Macleod): Je vous remercie, messieurs, d'avoir bien voulu comparaître.

Il s'agit là d'un sujet qui m'intéresse vivement. Je vous dirai simplement, en guise d'explication, que je suis moi-même pilote d'une voiture de course et que j'ai participé à des compétitions internationales. Quant à vos commentaires sur les trois pays qui ont arrêté leur commandite... je suis la question de très près, je regarde la publicité sur les voitures et je vois que dans les pays que vous avez mentionnés on ne trouve plus signe de Marlboro. Vous me dites que c'est parce que ces pays participent de beaucoup plus près au sport automobile qu'ils continueront, et le Canada, lui, disparaîtra à cet égard de la face du monde. Vous pensez donc que vos commanditaires vont vous quitter?

M. Legault: Ceux du Grand Prix?

M. Hill (Macleod): Oui.

.1105

M. Legault: D'après les règlements qui doivent être publiés, et d'après le rôle qu'ils risquent de jouer, je ne sais pas s'ils se retireront pour de bon. Ils trouveront peut-être encore un rôle à jouer dans la promotion de cet événement, mais un rôle quelque peu diminué.

M. Hill (Macleod): Mais c'est une simple hypothèse, n'est-ce pas?

M. Legault: Oui, c'est seulement une hypothèse, monsieur.

M. Hill (Macleod): Les sociétés en question ne vous ont pas dit tout net que si le projet de loi C-71 est adopté il n'y aura plus de formule 1.

M. Legault: C'est exact: ce qui nous préoccupe davantage ce matin, monsieur, ce sont les commanditaires des équipes plutôt que nos commanditaires, parce qu'en tant qu'organisateurs nous n'intervenons pas dans ce qui figure ou ne figure pas sur les voitures; c'est le rôle des organismes internationaux d'approbation.

M. Hill (Macleod): Puisque vous suivez ce genre de questions d'aussi près que moi vous devez savoir que lorsque des événements sont transfrontaliers, tel le grand rallye qui va d'un pays à l'autre, dans des pays où les commandites sont interdites, on couvre la marque du commanditaire sur l'uniforme du pilote, et on la remplace par autre chose. Ce sont les conséquences pour l'ensemble de l'événement? Vous n'ignorez certainement pas que dans le monde entier l'évolution se fait dans le même sens que ce qui se passe au Canada.

M. Legault: Non, je ne l'ignore pas. On nous a dit que dans le cas des deux courses qui se tiendront l'an prochain en Allemagne, pour la saison 1997, celle du circuit de Nürburgring devrait permettre aux voitures de formule 1 de faire de la publicité pour le tabac, mais pas celle de Hockenheim, dans une autre région du pays.

Pour répondre à votre question sur les rallyes, dans le cas de la course de formule 1 il s'agit plutôt d'une question d'offre et de demande. Les rallyes auxquels vous faites allusion, comme le Paris-Dakar, ne peuvent contourner certains de ces pays s'ils doivent préserver ce qui fait la nature même de l'événement.

Dans le cas de la formule 1, qui est limitée à 16 ou 17 courses par an, il y a actuellement cinq ou six pays qui sont sur ce que j'appellerais une liste d'attente et ont sollicité le privilège de présenter cet événement. Cela permet donc à la fédération internationale de faire un choix, si je puis dire. C'est donc une situation bien différente de celle que vous dépeignez.

M. Hill (Macleod): En conclusion, pensez-vous que le Canada perdra le privilège d'être l'hôte de cette course si ce projet de loi est adopté?

M. Legault: Oui, j'en suis quasi persuadé.

Le président: Monsieur Dhaliwal.

M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): Je voudrais vous remercier tous d'eux d'être venus aujourd'hui.

Beaucoup de membres du comité, dont moi, se préoccupent de savoir ce qu'il adviendra d'un grand nombre d'événements, le vôtre entre autres, et d'autres, tels que le festival de jazz et le festival de cinéma.

Avant mon élection je faisais partie du monde des affaires et je devais souvent décider si nous allions, ou non, commanditer certains événements. Comme d'autres témoins l'ont dit précédemment, on ne sait pas toujours, quand on finance un événement ou quand on aide à l'organiser, combien de recettes en tirera l'entreprise. La décision est donc prise sur une simple supputation: si le pronostic est favorable, vous allez accorder une aide financière. N'est-ce pas ainsi que cela se passe?

M. Legault: Oui.

M. Dhaliwal: C'est ce que j'ai constaté personnellement; j'ai eu à décider si le groupe que je représentais allait parrainer une activité ou pas.

Je croirais qu'un grand nombre d'intervenants de l'industrie du tabac procèdent de la même façon: ils appuient l'événement parce qu'ils appuient ce genre d'activité. Ils pensent qu'il s'agit là d'une bonne chose et veulent en fait y participer.

Ne croyez-vous pas qu'ils continueront à parrainer et à appuyer ce genre d'activités qu'ils jugent être de bonnes activités? C'est pourquoi ils y participent, pas simplement parce qu'ils pensent qu'ils feront des sous ou qu'ils pourront accroître leurs revenus, mais simplement parce qu'ils choisissent certains événements importants. Évidemment, ils ne peuvent pas appuyer toutes les activités, mais ils en choisissent quelques-unes qu'ils décident d'appuyer et qu'ils continueront, j'en suis convaincu, à appuyer.

Compte tenu de ce type de processus décisionnaire, ne croyez-vous pas que les intervenants de l'industrie du tabac continueront à appuyer votre événement et d'autres événements qu'ils parrainent actuellement?

.1110

M. Legault: Oui. Nous croyons que notre événement est un événement de qualité, qui joue un rôle important dans l'économie locale. Nous espérons que les commanditaires actuels continueront à nous appuyer. Cependant, comme je l'ai signalé dans mon exposé, il existe une menace très directe, car il se pourrait que l'événement n'ait même plus lieu. Nous n'avons absolument pas voix au chapitre, puisque cette décision est prise par la Fédération internationale de l'automobile et l'Association internationale des constructeurs de formule 1, qui sont les organismes internationaux qui régissent ce sport.

C'est justement l'élément sur lequel nous voulons attirer votre attention ce matin. Si l'événement n'a plus lieu ou ne peut pas avoir lieu, même si nos commanditaires ont les meilleures intentions du monde, cela ne donnera absolument rien.

M. Dhaliwal: Mais si cet événement a toujours lieu, croyez-vous que vous continuerez à obtenir une aide financière des intervenants de l'industrie du tabac?

M. Legault: Oui, nous recevrons une certaine aide d'eux, mais elle sera réduite, et ce, de façon marquée.

M. Dhaliwal: Très bien. Merci, monsieur le président.

Le président: Puisque personne d'autres ne veut intervenir, je vais remercier nos témoins d'être venus nous rencontrer.

[Français]

Monsieur Patenaude, voulez-vous nous présenter vos collègues.

M. Pierre Patenaude (secrétaire, REDAC): Je m'appelle Pierre Patenaude et je suis accompagné de M. Michel Bouliane et de M. André Pichette, le président de l'association, qui prendront la parole au nom de l'association. Je donne donc la parole à M. Bouliane. Il saura sûrement mieux nous représenter.

[Traduction]

Le président: J'aimerais cependant vous demander, Pierre, que vous nous disiez ce que représente l'acronyme REDAC qui désigne votre organisation.

[Français]

M. Michel Bouliane (aviseur, Regroupement des exploitants de distributrices automatiques de cigarettes (REDAC)): REDAC est une association bona fide dont l'acronyme signifie Regroupement des exploitants de distributrices automatiques de cigarettes. Depuis que nous avons fait cette représentation, nous avons fait un cheminement, de sorte qu'aujourd'hui, nous ne sommes plus des exploitants de distributrices automatiques, mais des exploitants de distributrices de cigarettes.

Vous vous rappellerez qu'en 1994, lors du premier projet de loi ayant trait au contrôle de la vente des produits du tabac aux jeunes, on avait inséré un article qui limitait nos appareils aux bars dont les revenus provenaient à au moins 80 p. 100 de la vente de boissons alcoolisées et qui imposait certaines limites quant à l'installation de ces appareils. À cette époque, nous avions fait des représentations au ministère et nous lui avions proposé une diversification qui fait que nos appareils ne sont plus des appareils automatiques; ce sont plutôt des points de vente contrôlés par les exploitants des établissements.

Nous avons reçu des lettres du ministère qui nous disaient: «La loi ne s'applique pas à vous parce que vos appareils ont été modifiés de sorte qu'ils ne sont plus automatiques». Je m'explique.

.1115

L'appareil est situé dans un endroit bien établi, à la vue de l'opérateur de l'établissement, et la personne qui veut obtenir un produit du tabac doit s'adresser au tenancier, à la personne derrière le comptoir, et s'identifier. Une fois qu'elle s'est identifiée, elle va à l'appareil et fait son choix. L'opérateur déclenche alors l'appareil et il en sort un paquet de cigarettes, pas plus. Il y a donc un contrôle visuel et un contrôle manuel.

C'est un peu comme si c'était un placard qui, au lieu d'être situé derrière le point de vente officiel, est situé devant, de l'autre côté. L'intérêt pour l'opérateur est qu'il n'a pas à faire de comptabilité. Il rend service à son client, mais il n'a pas à faire la comptabilité et à garder le contrôle. De plus, il ne peut se faire voler.

Cela a été accepté et nous avons, à grands frais pour nos membres, qui procurent presque 1 200 emplois au Québec, dans près de 60 entreprises, modifié la majorité de nos appareils pour en faire des points de distribution de vente non automatiques.

L'article 12 du projet de loi nous intrigue. Cet article se lit ainsi qu'il suit:

12. Il est interdit de fournir ou de laisser fournir des produits du tabac au moyen d'un appareil distributeur sauf dans un lieu où le public n'a pas normalement accès.

C'est un peu de la tautologie. Si le public n'y a pas accès, il n'y a pas de raison d'avoir d'appareils distributeurs. A-t-on voulu les interdire? Je ne crois pas que c'est ce que le législateur voulait, puisque le législateur ne parle jamais pour ne rien dire.

Il a voulu que les distributeurs puissent exister. Par contre, il faut qu'ils soient accessibles au public, sous le contrôle du tenancier de l'établissement, que ce soit un restaurant, un bar, un hôtel, un dépanneur ou quoi que ce soit.

Nous osons croire que le législateur n'était peut-être pas au courant de ces discussions qui ont eu lieu entre les inspecteurs qui sont allés consulter les contentieux du ministère et qui en sont venus à la conclusion qu'il n'y avait pas entrave dans la loi. Cette modification s'est faite sur une période de deux ans.

Je ne sais pas s'il y en a encore aujourd'hui qui sont comme cela, mais au Québec, la majorité des appareils, sauf ceux qui sont dans les bars auxquels de toute façon les mineurs n'ont pas accès, sont équipés d'un contrôle à distance. Ce sont des appareils délégués, si vous voulez. Le propriétaire de l'établissement, au lieu de l'avoir derrière lui, l'a devant lui, et c'est lui qui en contrôle l'accès. Il n'y a aucune publicité sur la majorité de ces appareils, sauf les noms pour permettre le choix des cigarettes, et ces noms sont indiqués d'une manière tout à fait discrète.

Nous trouvons que la loi, telle qu'elle est rédigée, est extrêmement discriminatoire pour nos membres. Nous n'incitons pas à la consommation. Par contre, les gens qui sont là, s'ils permettent à quelqu'un d'avoir accès à une cigarette, seront taxés et punis parce qu'ils pourront être accusés d'une infraction, ce qui n'est pas le cas en pharmacie, où les gens pourront acheter des cigarettes, puisqu'il semble qu'on va le permettre. Les gens n'ont pas intérêt à promouvoir la vente au moyen de ces appareils et ils ne reçoivent pas de pourboires.

Nous croyons que l'effet de la loi, à l'heure actuelle, est beaucoup trop fort. On prend une masse, dans le cas des appareils distributeurs, pour tuer une mouche. Je ne dis pas que le fait de fumer est comparable à une mouche. Ce n'est pas bénin. On n'est pas contre l'esprit de la loi. Cependant, on ne va pas réglementer et contrôler les accidents routiers et les morts sur nos routes en contrôlant la vente de l'essence.

Avec les modifications que nous avons faites, il y aurait place pour reconnaître dans un règlement cette délégation du propriétaire de l'établissement. Il aurait un appareil qui est sous son contrôle ou sous celui de son employé, et aucun mineur ni même un adulte... Si l'employé n'est pas là, personne n'a accès à l'appareil. Il peut être fermé à clé. Personne n'a accès à l'appareil distributeur.

Si vous me dites, monsieur, que par «appareil distributeur», on n'entend pas les appareils non automatiques, c'est parfait. Que le législateur me le dise et on va continuer notre petit bonhomme de chemin. On va continuer à modifier nos appareils et ils seront parfaitement contrôlés.

.1120

Dans certains cas, l'interdiction de fumer est en soi suffisamment dissuasive. Il faut faire la distinction entre cela et la difficulté d'accès. Nous n'avons pas de problème à cet égard, car c'est ce que nous avons fait comme modification. À quoi cela sert-il de mettre un appareil distributeur, même contrôlé, dans un endroit auquel le public n'a pas accès? On n'ira pas cacher les appareils distributeurs dans les cuisines, dans les placards ou dans le vestiaire. Cela ne sert à rien et cela ne diminuera pas les ventes.

Ces opérateurs paient des taxes et c'est contrôlé. En restreignant trop l'accès, on va faciliter l'accès parallèle, c'est-à-dire le commerce illégal et l'absence de taxes.

En terminant, j'insiste sur la discrimination par rapport aux autres qui peuvent distribuer des cigarettes et qui n'ont pas un meilleur contrôle. Il n'y a pas de meilleur contrôle. Le nôtre est aussi efficace, sinon plus.

Monsieur Patenaude, j'ai terminé. Voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Patenaude: J'aimerais peut-être ajouter que tout ce que nos membres demandent, c'est d'avoir les mêmes droits que les pharmaciens ou même les dépanneurs qui, eux, doivent respecter la loi au niveau de la consommation des jeunes. Nous avons les mêmes dispositifs, comme M. Bouliane le disait, et ils sont probablement même plus efficaces parce qu'en fait, les dépanneurs et les pharmaciens font des profits, alors que les gens qui exercent notre contrôle ne le font que pour rendre un service. Ils ne vont certainement pas prendre le risque de se faire imposer des amendes.

Ce n'est pas dans leur intérêt de vendre des cigarettes aux mineurs et c'est facile pour eux de demander des cartes d'identité, etc. Je demande donc d'avoir les mêmes droits que M. Jean Coutu ou même les dépanneurs du coin. C'est tout ce que j'avais à ajouter. Merci.

M. Bouliane: Nous sommes disponibles pour vos questions, monsieur le président.

Le président: Madame Picard.

Mme Picard: Bonjour et bienvenue au comité. Plus tôt, vous avez dit que, lors de l'adoption du projet de loi sur la réglementation du tabac, vous aviez exercé des pressions auprès du ministre et que le ministre avait... [Inaudible - La rédactrice] ...le concept des machines distributrices.

Je vais vous poser mes trois questions et je vais vous laisser le temps d'y répondre. Dans un premier temps, vos machines distributrices sont-elles seulement dans les débits de boisson? En quelle année le ministre avait-il accepté le concept de vos machines distributrices? Cela avait vraiment trait au renforcement de la loi.

Je suis un peu d'accord avec vous en ce qui a trait à la difficulté d'accès. Le projet de loi actuel veut vous exclure de ces bars, alors que la loi n'est pas renforcée dans le cas des restaurants et des dépanneurs qui, eux, vendent encore des cigarettes aux jeunes de moins de 18 ans. Donc, je suis d'accord avec vous et j'aimerais que vous me disiez ce que vous pensez de cela.

M. Bouliane: Tout d'abord, en ce qui a trait au projet de loi de 1994, que j'ai ici entre les mains et qui réglementait l'accès des jeunes, nous avions présenté un mémoire. C'est le problème des lois. Quand on veut aller trop loin, souvent, on va trop loin et on n'a pas besoin de cela.

.1125

On permettait la vente dans les bars. Je suis un spécialiste dans le domaine de l'alcool, en tant qu'avocat et non en tant que consommateur. Je représente beaucoup de tenanciers de bars. Je leur avais dis que cela n'avait pas de bon sens, parce que pour être considéré comme un bar ou une brasserie auquel les mineurs n'avaient pas accès, il y avait une exigence: on pouvait vendre des cigarettes à cet endroit à la condition que 80 p. 100 des revenus proviennent de la vente de boissons alcoolisées. C'est ridicule. La majorité des brasseries sont des brasseries-restaurants et 75 p. 100 de leurs ventes proviennent de la nourriture.

Dans les bars qui servent de la nourriture, jusqu'à 30 p. 100 des ventes peuvent provenir de la nourriture. Ce sont des bars où on peut dîner le midi, comme le Beaver Club, qui est considéré comme un bar. Vous avez aussi de ces établissements à Ottawa.

C'était aberrant. On donnait quelque chose d'une main et on l'enlevait de l'autre en les obligeant à tirer 80 p. 100 de leurs revenus de la vente de boissons alcoolisées. Que vous vendiez 10, 50 ou 100 p. 100 de boissons dans un bar, les mineurs n'ont pas plus le droit d'y aller. Ce n'est pas l'accès à la nourriture qui fait rajeunir quelqu'un ou qui lui donne accès à l'endroit en question. C'était le premier point.

En 1995, entre autres, nous recevions une lettre des unités des produits du tabac. Je vous en donne un exemplaire. Tous nos clients l'ont eue et c'est à la suite de cela qu'on a fait nos recommandations.

La lettre disait: que les articles 5.1, 5.2 et 5.3 de la loi sur la vente du tabac aux jeunes décrivaient les conditions s'appliquant à l'utilisation des appareils distributeurs. Afin de clarifier la situation concernant la conversion d'appareils distributeurs de produits du tabac installés dans des endroits publics - là on parlait de n'importe quel endroit public, sans se restreindre aux bars - , nous disions que la position de Santé Canada était que l'utilisation d'appareils nécessitant l'intervention d'un employé de l'établissement ne contrevenait pas à la loi parce que ces appareils n'étaient plus totalement automatiques. Comme il y a intervention humaine, il y a possibilité de vérifier l'âge du client. Nous disions que ces appareils devaient être modifiés ou placés dans un lieu hors d'atteinte du consommateur afin de ne pas être utilisables directement par celui-ci. Quand on disait «hors d'atteinte», on entendait «atteinte personnelle».

Donc, nous avons modifié les appareils au cours des deux dernières années et on se retrouve aujourd'hui avec cette distinction qui fait en sorte qu'avec cet article 12, on semble nous dire qu'on n'a pas fait notre travail et qu'on n'a pas bien contrôlé les choses, ce qui est totalement faux parce qu'on n'a pas commis d'infractions depuis ce temps-là. La seule infraction qu'on a commise, c'est quand certains de nos membres éloignés ont oublié de faire la modification ou ne l'ont pas faite assez rapidement. On ne peut retirer toutes les machines; il faut les amener en usine et faire la modification.

Le troisième point que vous souleviez avait trait à l'accès. Vous savez qu'on précisait que dans les restaurants, il fallait que l'appareil soit situé à au moins dix mètres d'un endroit où une personne pouvait manger. Donc, ce devait être dans le hall d'entrée. Ce devait être visuellement repérable par l'employé.

Donc, que ce soit dans le bar ou ailleurs, il y a des endroits où ils ne sont pas permis. Mais ce n'est plus un appareil de distribution au sens de la loi. On n'a pas mis, dans le texte de loi, de définition d'«appareil distributeur». Peut-être qu'on aurait dû dire que, s'il y a une intervention humaine et un contrôle par l'établissement, cela ne s'applique pas. On est en faveur de cela.

M. Dubé: Combien a coûté à l'ensemble de vos membres le changement que vous avez fait pour vous adapter à l'ancienne loi?

M. Bouliane: Nous estimons que la modification nous a coûté un minimum de 200 $ par appareil. Je ne calcule pas les pertes encourues pendant le temps de la modification. Les ventes ne se sont pas faites pendant ce temps-là. La modification s'est faite graduellement parce que, lorsque vous avez 200 appareils d'installés, personne n'en garde 300 autres en réserve.

M. Dubé: Combien coûte une machine distributrice?

M. Patenaude: Environ 1 500 $, à part les conversions.

M. Dubé: Donc, 1 500 $ plus 200$. Merci.

Le président: Merci, monsieur Dubé.

[Traduction]

Monsieur Hill, voulez-vous poser une question?

[Français]

M. Hill (Macleod): C'est absolument clair.

M. Bouliane: Ce qu'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément. Si on veut faire cette distinction, je n'y vois aucune objection. Ce n'est pas clair parce qu'on emploie les mots «appareil distributeur». Si on avait dit «appareil automatique de distribution», je dirais que cela ne nous touche pas.

M. Hill (Macleod): Il serait nécessaire d'avoir une clarification?

M. Bouliane: Une clarification pour s'assurer que les appareils auxquels on n'a accès que par l'intervention humaine ne sont pas touchés. Je parle de l'intervention humaine de l'opérateur, du propriétaire de l'établissement, qui peut vérifier.

M. Hill (Macleod): Avez-vous eu un échange à ce sujet avec le ministère de la Santé?

.1130

M. Bouliane: Nous en avions eu un et nous avions cette correspondance. Nous étions en paix et tout allait bien. C'est la première fois, avec ce projet de loi, qu'on voit que l'appareil distributeur doit être dans un endroit non accessible au public. Si on nous disait que l'«appareil distributeur» ne vise pas les appareils contrôlés au niveau de la distribution par le propriétaire de l'établissement, nous serions satisfaits.

M. Hill (Macleod): Cela touche combien de machines?

M. Bouliane: Cela touche tous nos appareils. Combien y a-t-il de machines distributrices au Québec?

M. Patenaude: Sûrement entre 1 600 et 2 500.

M. Bouliane: Environ 2 000.

M. Patenaude: Au Québec seulement.

M. Hill (Macleod): Et dans les autres provinces?

M. Patenaude: On ne le sait pas. Je crois que nous étions les seuls à avoir fait ces modifications. J'ignore ce qui est arrivé dans les autres provinces.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Hill.

Monsieur Szabo, voulez-vous poser une question?

M. Szabo: Monsieur Bouliane, outre vos préoccupations à l'égard des distributeurs automatiques, avez-vous une opinion particulière quant à l'importance de la question qu'étudie le comité, soit l'incidence du tabagisme sur la santé des Canadiens, tout particulièrement des jeunes Canadiens? Avez-vous une opinion quelconque sur l'ampleur du problème?

[Français]

M. Bouliane: Lorsque nous avions fait nos représentations, il y a deux ans, nous avions dit que nous n'étions pas contre. Nous étions en faveur de la liberté de consommation et du contrôle, et c'est à ce moment-là qu'on a proposé cela. La majorité de nos membres sont pour la liberté et pour le contrôle, mais pas un contrôle qui soit coercitif au point d'interdire totalement l'accès. À ce moment-là, ce n'est plus un contrôle, mais une interdiction.

Donc, si l'objectif de la loi était de défendre totalement l'usage des produits du tabac, la loi serait différente. La loi veut rendre les gens conscients du danger du tabac. Par contre, elle ne veut pas leur enlever leur liberté.

La proposition que nous avions faite, que nous faisons aujourd'hui et que nous avions appliquée dans le temps était exactement dans cette ligne de pensée. Nous pensons que nos produits exercent un meilleur contrôle parce que, dans un établissement, même derrière un comptoir, il est facile d'aller voler des cigarettes. Défoncer une machine distributrice quand elle est fermée à clé ou partir avec une machine distributrice, cela ne se fait pas souvent, d'abord parce qu'on n'y trouve que de très petites quantités de produits du tabac.

Donc, l'élément dissuasif,

[Traduction]

l'effet dissuasif,

[Français]

est beaucoup plus fort dans le cas des machines distributrices qu'il ne l'est pour le service derrière un comptoir, et même les employés qui ne touchent pas de pourboires sont moins intéressés. Il n'y a pas d'intérêt pour le propriétaire ou les employés. Tout ce qu'ils veulent, c'est ne pas avoir à s'occuper des cigarette.

La personne doit se lever, s'identifier et donner son argent à la personne qui actionne le déclencheur. C'est beaucoup plus difficile que d'acheter des cigarettes au comptoir, que de demander: Donnez-moi un paquet de du Maurier.

[Traduction]

M. Szabo: Pouvez-vous nous faire part des changements qui se sont produits dans le secteur des distributeurs automatiques de cigarettes depuis qu'on a décidé d'installer des dispositifs de verrouillage pour en limiter l'accès? Savez-vous combien de distributeurs sont en usage? Ce chiffre est-il à la hausse ou à la baisse?

[Français]

M. Bouliane: Nous croyons qu'elles seront diminuées de moitié.

[Traduction]

M. Szabo: Vous dites que le nombre a diminué de moitié?

[Français]

M. Bouliane: Oui, à raison de...

[Traduction]

M. Szabo: Par qui a été prise cette décision?

[Français]

M. Bouliane: Par les propriétaires d'établissements. Par exemple, pour celui qui pouvait en installer une dans un bar, il n'y avait pas de problème. Celui qui voulait en installer une dans un restaurant devait tout à coup trouver un endroit à 15 mètres de tout endroit où il y avait consommation de nourriture. Deuxièmement, il devait la garder à vue. Donc, il disait qu'il n'avait pas de place. Si je ne peux pas la mettre là où je le plaçais, près des toilettes, dans la salle à dîner ou quelque part à l'entrée, je ne le ferai pas. Des contraintes physiques empêchaient que cela se fasse dans beaucoup de cas.

.1135

[Traduction]

M. Szabo: Le nombre de distributeurs était déjà à la baisse avant même que ce projet de loi soit déposé. Puisque l'un des principaux objectifs du projet de loi est d'assurer que les jeunes de moins de 18 ans n'aient pas accès aux produits du tabac et que les gens qui désirent en acheter puissent prouver qu'ils ont l'âge nécessaire pour le faire, comment, d'après vous, faudrait-il organiser la vente de cigarettes par distributeurs automatiques pour que les mêmes restrictions soient imposées à ce type de vente?

[Français]

M. Bouliane: Il s'agit de faire une comparaison. Prenons les deux systèmes qui existent à l'heure actuelle. Celui qui veut un paquet de cigarettes doit aller l'acheter dans un endroit, à un comptoir ou quelque chose du genre. Il se doit de faire cela; il n'a pas le choix. Donc, s'il ne peut acheter son paquet là, il va aller le chercher dans un appareil. N'oubliez pas que l'article que j'attaque est dans la partie «accès». C'est bien important.

Il s'agit de se demander si ce que nous faisons en pratique, à l'heure actuelle, est plus accessible. C'est faux. Je prétends que les cigarettes sont au moins aussi peu accessibles, sinon moins accessibles. C'est un service qu'on rend à celui qui veut l'utiliser, mais pour les jeunes, les cigarettes sont moins accessibles parce que la personne qui veut acheter doit s'identifier. Si vous achetez des cigarettes d'un dépanneur, cela se fait très rapidement car il y a dix personnes qui attendent. La moitié du temps, personne ne demande de pièce d'identité. Là, vous devez vous identifier et la personne vous demande ensuite votre argent. Il y a plusieurs gestes à poser. Par la suite, la personne s'assure que vous allez à la machine et la déclenche.

On a mis en place une série de procédures qui rendent plus difficile l'accès des jeunes. C'est dans la partie «accès» que cela est prévu. Donc, on veut limiter l'accès, surtout l'accès des jeunes. C'est dans ce but que cela a été imposé.

[Traduction]

M. Szabo: J'aimerais poser une dernière question, monsieur le président. On dit que, tout compte fait, l'article 12 de la partie II interdit simplement et de façon concrète la vente de cigarettes par distributeur automatique, et que les exceptions prévues portent simplement sur le type de distribution qui en fait permettrait à ceux qui se trouvent dans un contexte commercial d'avoir accès à des cigarettes pour les vendre à une tierce partie.

M. Richard Prieur (directeur, Communications, Grand Prix F1 du Canada Inc.): Il s'agit de l'accès à un employé.

M. Szabo: C'est exact. Mais on interdit la vente directe par distributeur automatique au public.

M. Prieur: Non...il s'agit d'un endroit où le public n'a pas normalement accès.

M. Szabo: C'est exact. Il y a donc restriction ou interdiction...

M. Prieur: Il ne s'agit pas de... Il y a une certaine restriction.

M. Szabo: Il faudra peut-être obtenir de plus amples renseignements, monsieur le président, mais en lisant cette disposition j'ai cru comprendre qu'on interdisait les ventes directes au public par distributeur automatique.

M. Prieur: Là où le public a accès. Il s'agit simplement d'une définition. Qu'entend-on par distributeur automatique? Nos appareils font-ils partie de cette catégorie? Je crois qu'il faudrait apporter cette précision.

M. Szabo: Je suis d'accord.

[Français]

Le président: Une petite question de M. Dubé.

M. Dubé: J'aimerais demander au témoin de déposer la correspondance qu'il a reçue du ministère et surtout la réponse du ministère quant aux modifications qui ont été apportées il y a deux ans.

[Traduction]

Le président: Oui, nous pouvons accepter votre suggestion: il ne s'agirait pas d'une annexe, mais d'une pièce à l'appui.

M. Prieur: Monsieur le président, voulez-vous cette lettre aujourd'hui?

Le président: Oui.

M. Prieur: Je peux... je ne trouve pas la demande que nous avons présentée, mais j'ai retrouvé la lettre que nous avons reçue.

[Français]

Le président: Je tiens à remercier les témoins.

[Traduction]

M. Prieur: Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

Le président: Merci.

.1140

[Traduction]

Je demanderais maintenant aux témoins représentant le Conseil canadien sur le tabagisme et la santé de prendre place à la table des témoins. Le Dr Ron Stewart est là. Il est le vice-président aux Affaires publiques.

Bienvenue, docteur Stewart. Pouvez-nous nous présenter ceux qui vous accompagnent, puis nous présenter un bref exposé? N'oubliez pas de nous laisser du temps pour poser des questions.

Dr Ron Stewart (vice-président, Affaires publiques, Conseil canadien sur le tabagisme et la santé): Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'appelle Ron Stewart, et je suis vice-président, à titre bénévole, aux Affaires publiques du Conseil canadien sur le tabagisme et la santé. Je suis aussi médecin et ancien ministre de la Santé de la Nouvelle-Écosse et membre de l'Assemblée législative de cette province.

Je suis accompagné aujourd'hui de M. David Hill, ancien président à titre bénévole du conseil et éminent avocat d'Ottawa, de Mme Janice Forsythe, directrice générale du conseil, et de M. Pierre Fortin, professeur d'économique à l'Université du Québec à Montréal et ancien président de l'Association canadienne d'économique, et ce n'est là qu'un des nombreux postes qu'il a occupés. Je suis très heureux qu'il nous accompagne aujourd'hui.

Nous avons l'intention aujourd'hui de faire un bref exposé, après quoi nous serons heureux de répondre à vos questions.

Nous sommes ici aujourd'hui pour manifester notre appui et celui de nos organismes membres, ainsi que de nos bénévoles de toutes les régions du Canada, au projet de loi C-71. Une liste de nos organismes membres a été remise au greffier; y figurent des groupes tels que la Fondation des maladies du coeur du Canada et l'Association pulmonaire du Canada.

De façon générale, nous croyons que ce projet de loi est une tentative assez réussie de réglementer un produit qui, à la suite d'événements fortuits, et bien que légal, est responsable de taux considérables de mortalité et d'invalidité dans notre pays. Nous appuyons également de tout notre coeur l'intention du ministre de la Santé, M. Dingwall, de faire adopter ce projet de loi le plus rapidement possible, étant donné qu'il s'est déjà écoulé plus d'un an depuis que la Loi réglementant les produits du tabac a été presque entièrement révoquée.

Mesdames et messieurs les députés, nous n'avons pas les moyens de permettre que nos jeunes restent encore plus longtemps sans protection contre les activités de commercialisation des fabricants de tabac. Nous vous engageons donc à agir rapidement et de façon décisive dans cette affaire.

Les membres de l'industrie du tabac prétendent qu'il n'existe aucune preuve que le tabac engendre une dépendance et rende vraiment ses utilisateurs malades et finisse par les tuer. Ils disent que la publicité n'a rien à voir avec le fait que les enfants commencent à fumer. Nous sommes venus vous présenter cette montagne de preuves obtenues du Centre national de documentation sur le tabac et la santé, qui démontrent bien le contraire.

Mesdames et messieurs les députés, que faut-il de plus pour qu'un gouvernement, quel qu'il soit, reconnaisse la nécessité d'adopter des mesures concertées? La réponse du ministre de la Santé, M. Dingwall, semble être «rien». Nul besoin de plus de preuves; il ne faut rien de plus. Les documents que nous présentons aujourd'hui au comité, au nombre de plus de 200, soit environ 10 000 pages, ne sont qu'un échantillon des études, des rapports, des travaux de recherche et des autres renseignements au sujet du tabac qui appuient l'esprit du projet de loi C-71. Ces documents traitent directement de la question de l'épidémie du tabac dans notre pays.

Nous les apportons au comité aujourd'hui, non pas à titre de renseignements de base qui doivent être lus immédiatement, mais plutôt pour appuyer notre exposé et à titre d'information sur l'ensemble du problème de la lutte contre le tabagisme, et comme documents qui pourront être utilisés si l'industrie des produits du tabac intente des poursuites contre le gouvernement.

.1145

Nous avons également remis au greffier une liste de ces documents à titre de référence. Je demanderais maintenant à M. David Hill de poursuivre l'exposé.

M. David Hill (Conseil canadien sur le tabagisme et la santé): Merci, docteur Stewart.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Conseil canadien sur le tabagisme et la santé aimerait également proposer officiellement quelques modifications au projet de loi C-71. Nous avons pu constater, dans le cas de la Loi réglementant les produits du tabac, avec quelle créativité l'industrie du tabac est parvenue à profiter de toutes les échappatoires ou lacunes de la loi. Nous avons appris beaucoup en observant ce processus. Nous vous engageons à ne pas laisser l'histoire se répéter.

Le texte particulier des modifications que nous proposons a été présenté au comité dans un document de la Société canadienne du cancer, de la Fondation des maladies du coeur du Canada, de l'Association pulmonaire du Canada, de l'Association pour les droits des non-fumeurs et de notre conseil. Des représentants de la Société canadienne du cancer et de l'Association pour les droits des non-fumeurs doivent s'adresser à votre comité un peu plus tard aujourd'hui. Ils pourront à ce moment-là discuter eux aussi de ces amendements.

En bref, les principaux articles qui à notre avis devraient être modifiés comprennent l'article 24, qui porte sur les commandites, soit sur la capacité d'imposer un plafond aux dépenses consacrées aux commandites et à leur promotion; l'article 25, qui limite le nombre des installations permanentes portant le nom de produits du tabac à celles qui existaient déjà le 2 décembre 1996, et l'article 2, en ce qui a trait à l'intrusion de la «couleur» dans la définition des éléments de marque des produits du tabac.

Quant aux pouvoirs de réglementation, qui sont abordés aux paragraphes 15(1) et 15(2), nous croyons que le projet de loi devrait accroître les pouvoirs de réglementation afin de permettre d'exiger l'impression de messages sur les emballages de tabac, comme par exemple des conseils en matière de renoncement, ou un numéro sans frais d'interurbain pour obtenir de l'aide pour renoncer. De plus, en ce qui a trait à l'alinéa 17a), ce dernier devrait accroître les pouvoirs de réglementation afin de permettre le contrôle des messages inscrits sur les emballages par l'industrie du tabac.

L'article 22 porte sur la publicité de style de vie; nous croyons que le projet de loi devrait accroître le pouvoir du gouvernement d'empêcher l'industrie du tabac de mettre en valeur des caractéristiques intangibles de l'image des produits du tabac créées par les campagnes de publicité et de promotion des compagnies de tabac.

On devrait obliger l'industrie à ne pas mentionner autre chose que les attributs tangibles et physiques dans ses messages au sujet des caractéristiques de ses produits. On améliorerait ainsi le projet de loi C-71 en éliminant un type d'annonces qui évoquent essentiellement un style de vie. En apportant des modifications à ces articles du projet de loi C-71, vous en augmenterez très certainement l'efficacité et vous réduirez considérablement le nombre des échappatoires dont l'industrie du tabac pourrait tirer avantage.

Pour terminer, j'aimerais inviter M. Fortin à dire quelques mots.

M. Pierre Fortin (professeur, Faculté d'économie, Université du Québec à Montréal): Merci beaucoup. Le conseil m'a demandé de me joindre à lui ce matin parce que mon grand-père était médecin, mon père était médecin, mon frère est médecin, et, tout compte fait, c'est un milieu que je connais assez bien.

Je suis venu vous rencontrer pour donner essentiellement une réponse raisonnable à la question suivante: quel serait l'impact sur l'emploi au Canada d'une réduction de 20 p. 100 de la consommation de tabac étalée sur dix ans? Puisque environ 53 000 emplois au Canada sont attribuables directement ou indirectement au secteur des produits du tabac, une réduction de 20 p. 100 représenterait une perte de 10 000 emplois dans ce secteur au Canada et dans les secteurs connexes, y compris la vente au détail par exemple, au cours des dix prochaines années.

Il y aurait une orientation du pouvoir d'achat du consommateur qui n'achèterait plus de produits du tabac vers d'autres secteurs de l'économie; la question qu'il faut donc se poser maintenant, c'est combien d'emplois seraient créés par cette réorientation du pouvoir d'achat vers d'autres secteurs. En utilisant les tableaux des échanges interindustriels de Statistique Canada aux fins du calcul, il en ressort que 18 000 emplois seraient créés. En d'autres termes, 10 000 emplois disparaîtraient dans le secteur des produits du tabac et 18 000 emplois seraient créés dans le reste de l'économie à la suite de la réorientation du pouvoir d'achat du consommateur.

.1150

Cette création réelle de quelque 8 000 emplois est attribuable principalement au fait que lorsque vous dépensez 1$ pour des produits du tabac, 62 c. vont en taxes, et il ne reste que 38 c. en valeur produite; cependant, si vous dépensez le même montant pour d'autres produits et services, seulement 25c. vont en taxes, et il reste donc 75 c. en valeur produite. De cette façon vous créez beaucoup plus d'emplois pour l'économie canadienne que vous n'en détruisez.

Enfin je désire signaler qu'il est évident que dans cette réorientation du pouvoir d'achat les gouvernements perdront des sous, puisque si les gens fument moins ils paieront moins de taxes sur les produits du tabac. Vous vous demandez donc peut-être comment les gouvernements pourront compenser ce manque à gagner.

Il existe deux solutions à ce problème. Tout d'abord, il est bon de rappeler que plus de la moitié de ce montant sera économisé par les gouvernements provinciaux au chapitre des soins de santé. Deuxièmement, comme l'a signalé récemment dans une étude la Banque Royale du Canada, puisque nous avons depuis trois ou quatre ans remis de l'ordre dans les finances publiques nous nous retrouverons avec un important dividende financier; inversement, les gouvernements pourront réduire les impôts au cours des dix prochaines années s'ils le désirent; tout cela pourrait être absorbé dans le dividende financier. En d'autres termes, le gouvernement pourrait se permettre de perdre quelque 300 millions de dollars à l'échelle des provinces et au palier fédéral pendant cette même période.

J'en conclus qu'une baisse de 20 p. 100 de la consommation de tabac serait un créateur net d'emplois. De plus, l'impact économique serait absorbé par les coûts plus faibles assumés par le secteur de la santé et par des réductions d'impôt que pourront se permettre les gouvernements, puisqu'ils ont remis de l'ordre dans les finances publiques, ou sont en train de le faire.

Le président: Merci. Nous passons maintenant aux questions.

[Français]

Monsieur Dubé.

M. Dubé: Monsieur le président, d'entrée de jeu, j'aimerais rappeler que l'Opposition officielle, qui est le Bloc québécois, a voté en faveur du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture parce qu'il ne s'agissait que d'en accepter le principe et les objectifs. En cela, on était d'accord avec le gouvernement.

Notre opposition, à ce stade-ci, est axée sur les commandites. J'ai consulté beaucoup d'études qui démontraient les dommages causés par le tabac.

Quant aux commandites, vendredi dernier, j'ai interrogé le ministre. Je lui ai demandé: «Avez-vous une étude, au moins une, qui démontre scientifiquement qu'il existe un lien réel entre la publicité d'une marque de cigarette sur un lieu de commandite et l'augmentation du tabagisme?». Le ministre a été incapable de répondre. Je vous pose la même question. Auriez-vous des documents ou une étude qui pourraient me dire si ce lien existe? Je crois que vous avez compris la question.

[Traduction]

Dr Stewart: Je vous remercie beaucoup de votre question, qui est non seulement pertinente, mais également d'une importance primordiale.

Cela touche les sciences sociales ou les sciences du comportement, parce que la dépendance est un problème de comportement, et nous devons étudier tous les facteurs scientifiques qui sous-tendent ces dépendances. Il existe plusieurs traités et documents scientifiques qui démontrent ce qui peut influer sur les dépendances d'un particulier. Il y a également des études importantes qui laissent entendre qu'il existe un lien entre la création d'un milieu social, l'acceptation sociale d'une dépendance, ce qui est peut-être ce dont nous parlons lorsque nous parlons des commandites... nous parlons de la normalisation d'une dépendance. Il existe des études - et nous avons d'ailleurs remis certaines d'entre elles à votre greffier - qui font ressortir cet aspect.

.1155

Il faut cependant se demander, s'il est vrai que la publicité et les commandites influent très peu ou pas du tout sur le comportement des gens, pourquoi les fabricants de produits du tabac dépensent des millions et des millions de dollars pour commanditer des activités et pour essayer d'influencer le comportement? Si, comme certains d'entre eux le soutiennent, ils sont très conscients de leurs responsabilités sociales, je les invite alors à commanditer diverses activités sans cependant se servir de leurs emblèmes et de leurs couleurs bien connus. Lorsque quelqu'un fait cette proposition, on voit bien leur réaction.

Il est vrai qu'il existe des preuves scientifiques dans le domaine des sciences du comportement qui indiquent qu'une fois qu'une dépendance a été normalisée on retrouve dans la société un plus grand nombre de victimes.

[Français]

M. Dubé: J'aurais une question pour M. Fortin en ce qui a trait à l'aspect économique.

Vous me direz que je mélange les dossiers, monsieur Fortin, mais étant de la région de Québec, je sais qu'il y avait un fort lobby pour garder les Nordiques à Québec. Certaines personnes nous disaient que cela allait se recycler autrement dans l'économie, mais il y a des dépenses qui ne sont pas recyclables.

Par exemple, on nous dit qu'au Grand Prix de Montréal, une proportion importante des spectateurs est composée de touristes. En ce qui a trait aux Feux d'artifice de Toronto, on nous dit que les spectateurs sont des touristes. On nous parle de l'arrivée de spécialistes dans des domaines reliés à l'automobile, etc. Cela représente une valeur ajoutée considérable, monsieur Fortin.

Vous prétendez que le tabagisme diminuerait de 20 p. 100. L'objectif du projet de loi est de faire en sorte que le tabagisme chez les jeunes n'augmente pas. Santé Canada admet son impuissance face au changement des habitudes des six millions de fumeurs. Certains parlent même de dix millions de fumeurs. On dit que 50 p. 100 des fumeurs ne réussissent pas, pour toutes sortes de raisons, à arrêter de fumer. Je trouve que votre approche est très optimiste. Comment pensez-vous qu'on puisse réduire de 20 p. 100 la consommation du tabac chez les consommateurs actuels? Quels sont les moyens? Je doute fort qu'une loi puisse réussir à faire cela.

Je vous donnerai un autre exemple, si vous en cherchez un. La marijuana est interdite et pourtant la consommation augmente.

M. Fortin: Sur la première question, je dirai que le Grand Prix de Montréal est le plus grand événement sportif annuel au Canada. C'est celui qui attire le plus de spectateurs et qui est le plus rentable de tous les évènements sportifs qu'on peut réaliser au cours d'une année au Canada. C'est absolument incroyable. On se bat aux portes du Grand Prix pour pouvoir le commanditer. Quand vous commanditez le Grand Prix, vous avez une fenêtre internationale et des centaines de millions d'individus vont regarder la publicité de votre produit.

Il ne faut pas essayer de me faire croire que si les compagnies de tabac ne peuvent plus commanditer de façon aussi libre ce produit, le Grand Prix du Canada va disparaître. Il y a des centaines de commanditaires potentiels qui attendent à la porte pour les remplacer. C'est tout simplement une décision que M. Legault, le président, aura à prendre: qui va les remplacer?

La deuxième question porte sur l'hypothèse qu'il pourrait y avoir une réduction de 20 p. 100 du tabagisme si le projet de loi de M. Dingwall était adopté. Cette réduction de 20 p. 100 est simplement une standardisation. C'est une hypothèse qui est faite simplement pour démontrer que s'il y avait une réduction de 20 p. 100, il y aurait quand même une création nette de 8 000 emplois au Canada et de 2 500 au Québec en gros.

.1200

M. Dubé: Il n'y a pas beaucoup de chances que cela survienne.

M. Fortin: Il y aura cette création nette d'emplois. Évidemment, si le succès est de 10 p. 100, c'est sûr que la création d'emplois sera de 4 000 plutôt que de 8 000.

Si vous pensez que les réglementations, les incitations, l'éducation et les taxes n'ont pas d'effets sur la consommation des jeunes, vous n'êtes pas passé dans ma cour de garage. Avant 1994, quand la cigarette coûtait très cher, un adolescent sur cinq, parmi les amis de mes enfants, fumait. Depuis 1994, c'est quatre adolescents sur cinq qui fument. Je n'ai pas besoin de Statistique Canada - en passant, les calculs que j'ai faits sont ceux de Statistique Canada - pour me dire que l'énorme baisse du prix du tabac a eu un impact absolument dramatique sur la consommation de tabac des adolescents.

Comme vous le savez, le tabac est une drogue. La nicotine cause la dépendance, et c'est évident que les compagnies convoitent la clientèle des jeunes parce qu'elles savent très bien que si les jeunes accrochent entre 15 et 20 ans, ils vont dépenser 1 000$ par année en consommation de tabac pendant les 40 prochaines années, sans même qu'elles aillent les chercher, parce qu'ils seront déjà dépendants. Demandez à M. Havel de la Tchécoslovaquie ce qu'il en pense.

[Traduction]

Le président: Le problème, c'est que ce député a déjà pris deux fois plus de temps qu'il n'aurait dû; j'espère que vos réponses seront très brèves.

Je ne veux pas empêcher les autres députés qui le désirent de poser des questions.

Dr Stewart: Si vous le permettez, j'aimerais signaler qu'il s'agit ici de mesures visant à empêcher les jeunes de commencer à fumer, et non pas à convaincre ceux qui fument déjà d'arrêter de fumer. Ce projet de loi cible les jeunes. C'est quand les gens sont jeunes qu'ils décident de fumer; en Nouvelle-Écosse, c'est 11 ans. Ils choisiront alors de devenir dépendants, ce qui se produit assez rapidement avec la nicotine. C'est là le problème. Ce projet de loi est une mesure de prévention qui permettra un jour d'atteindre la cible de 20 p. 100, peu importe la cible établie; mais elle cible vraiment les jeunes.

Le président: Nous passons maintenant au député de Macleod, M. Grant Hill.

M. Hill (Macleod): Monsieur Fortin, vous avez parlé d'avantages réels nets. Que pensez-vous de l'étude effectuée pour les sociétés productrices de tabac qui indiquent que le tabagisme présente un avantage net pour la société, puisque les gens qui fument meurent plus jeunes?

M. Fortin: Ce n'est pas logique, parce que même si ces gens avaient vécu plus longtemps et auraient donc coûté plus cher au secteur de la santé, il ne faut pas oublier qu'ils auraient également travaillé pendant plus longtemps et obtenu des revenus qui auraient permis de financer le secteur de la santé.

Les avantages nets seront représentés par les économies que nous réaliserons au niveau des coûts initiaux une fois qu'une baisse de la consommation sera enregistrée; dans cette étude, les sociétés du secteur du tabac par exemple n'évaluent pas l'étude effectuée par M. Renaud, qui est un ancien président du CIAR. On n'évalue pas l'impact des pertes de vies humaines. Cela démontre bien à notre avis que l'étude est absolument inacceptable.

M. Hill (Macleod): Croyez-vous qu'en disant que les gens meurent plus jeunes en raison de leur tabagisme les fabricants disent quelque chose de différent de ce qu'ils ont dit au fil des années?

M. Fortin: Pardon?

M. Hill (Macleod): Pendant des années ces gens ont nié que le tabac tuait. Dans cette étude ils disent que les gens meurent plus jeunes en raison du tabagisme, ce qui représente une économie nette...

M. Fortin: Je n'avais pas compris cette nuance. Si j'avais été un avocat plaidant, cela ne m'aurait probablement pas échappé.

M. Hill (Macleod): Enfin, votre conseil est-il d'avis que ce projet de loi représente une mesure de prévention visant les jeunes plutôt qu'une mesure visant ceux qui fument déjà? Nous aimerions tous arrêter de fumer, mais...

Dr Stewart: C'est vrai. Cependant, je crois que nous devons signaler que nous jugeons que ce projet de loi est une mesure préventive et qu'en fait elle vise à lutter contre le tabagisme chez les jeunes. Nous reconnaissons, comme l'ont fait les médecins et les scientifiques, qu'il est très difficile de lutter contre la dépendance par rapport à la nicotine. Il s'agit d'une drogue très puissante, et elle doit faire l'objet de règlements. Il faut s'attarder pour l'instant à la prévention plutôt qu'à la guérison de cette dépendance.

.1205

Le président: Merci. Monsieur Murphy.

M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Merci, monsieur le président.

Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins, tout particulièrement à vous, Ron, un vieil ami de la Nouvelle-Écosse.

J'aimerais faire deux commentaires. Avez-vous d'autres commentaires à faire sur la façon d'endiguer le tabagisme chez les jeunes? C'est une question qui nous intéresse vivement. Nous essayons de prévoir des mesures de prévention. Je me demande si nous pourrions faire autre chose... Pas nécessairement pour améliorer le projet de loi; vous avez déjà fait des commentaires à ce sujet.

Une autre question se pose assez souvent. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec cette idée. On établit un lien entre le tabagisme et les coûts dans le secteur des soins de santé en raison des pontages, des problèmes cardiaques, du cancer et d'autres problèmes. Sans vouloir refuser aux fumeurs l'accès aux services de santé, certains se demandent si on ne devrait pas leur demander cependant de payer une amende ou des frais supplémentaires. Je sais qu'il existe chez eux une dépendance, mais les gens posent souvent cette question. Il est très difficile d'y répondre, parce qu'il s'agit après tout ici d'une dépendance. Il est très difficile de taper sur les doigts de quelqu'un simplement parce qu'il souffre d'une dépendance.

Dr Stewart: J'aimerais répondre au premier commentaire, monsieur le président, si vous me le permettez. Je tiens d'ailleurs à remercier le député de cette question. Il désire savoir si nous pouvons faire encore plus pour dissuader les jeunes d'utiliser les produits du tabac.

Tout semble indiquer que les jeunes réagissent au prix élevé des cigarettes en ne les achetant pas. Nous croyons que les taxes sont un mécanisme qui permet de réduire la consommation chez les jeunes.

Évidemment, le projet de loi cherche à faire la part des choses. Je suis convaincu qu'il existe autour de la table des opinions divergentes sur les plus récentes augmentations de taxes.

Lorsque nous étudions ce qui influence le plus les jeunes, nous constatons qu'il s'agit de la pression exercée par les pairs. Cependant, les pairs ont une conception de la dépendance et du tabac qui provient de la publicité et des commandites, et on a semblé créer dans la société l'impression que cette dépendance est parfaitement normale. Ce projet de loi s'attaque dans une certaine mesure au problème, et c'est pourquoi nous l'appuyons. Nous devons faire les premiers pas, soit adopter cette mesure législative le plus rapidement possible.

La deuxième question portait sur la pénalisation des fumeurs. Je sais que vous n'avez pas employé ce terme, John, mais si on parle de coûts supplémentaires pour ceux qui ont cette dépendance, j'aimerais vous rappeler que 90 p. 100 de ceux qui fument actuellement ont pris cette décision lorsqu'ils avaient 14, 12, ou même dans certains cas, neuf ans. Allons-nous punir nos citoyens parce qu'ils ont pris cette décision lorsqu'ils n'avaient pas assez d'expérience de la vie pour prendre une bonne décision?

Étudions le problème, soit l'industrie des produits du tabac et ceux qui profitent de la mort et de l'invalidité des Canadiens.

Le président: Je cède maintenant la parole à Mme Bonnie Hickey, députée de St. John's-Est.

Mme Hickey (St. John's-Est): J'aimerais poser deux petites questions rapides qui reviennent un peu à ce que dit mon collègue du Bloc. J'aimerais savoir s'il existe à votre connaissance des preuves que la publicité et la promotion des produits du tabac visent directement les jeunes. Nous devons savoir si ces compagnies visent directement les jeunes dans leur publicité.

Dr Stewart: Vous pouvez vous demander: quels autres groupes devraient-elles viser? Ces sociétés disent qu'elles veulent encourager les fumeurs à changer de marque, mais si vous étudiez les événements qu'elles commanditent, vous voyez qu'elles les choisissent très attentivement et qu'il existe toute une gamme de choix. Ces sociétés donnent un petit peu d'argent à une jeune troupe de théâtre en Nouvelle-Écosse qui se servira simplement d'un petit emblème. Puis il y a des commandites importantes où l'on voit les emblèmes et les couleurs sur les voitures de course, les affiches et d'autres choses.

Les spécialistes des sciences sociales diront, munis de preuves crédibles, que les commandites et la création de l'acceptation de la dépendance comme chose normale, c'est le problème. Tout semble démontrer que les jeunes réagissent face à cette acceptation.

Par exemple, regardez les voitures de course. Qui se rend aux courses d'automobiles avec leur papa et leur maman? Les enfants. Qui suit la mode? Les adolescents. En Nouvelle-Écosse, 25 p. 100 des jeunes filles de 15 ans fument. C'est une honte nationale. S'intéressent-elles à la mode? Bien sûr. Lisent-elles des livres qui sont conçus pour les jeunes de 15 ans? Non. Elles lisent Seventeen. Elles lisent des revues destinées aux adultes.

Ainsi, les spécialistes des sciences sociales - et ils ont des preuves - diront que tout cela vise à encourager les jeunes à consommer des produits du tabac. Sinon, pourquoi une industrie qui, comme tout le monde le sait, cherche à faire des profits investirait-elle des millions et des millions de dollars dans ces événements, cette commandite? Posez-vous la question et vous connaîtrez immédiatement la réponse. Ces sociétés veulent présenter la dépendance et leurs produits comme étant une chose normale qu'un jeune peut choisir, à l'âge moyen d'environ 12 ans. Voilà la réponse.

.1210

Mme Hickey: J'aimerais faire un petit commentaire. Compte tenu de tous les documents qui démontrent que la nicotine qu'on trouve dans le tabac crée une dépendance, pouvez-vous nous dire qui soutient aujourd'hui que la nicotine ne crée pas de dépendance?

Dr Stewart: Monsieur le président, j'invite les députés à lire les documents des États-Unis qui démontrent en fait que lorsqu'on leur a posé la question: «Croyez-vous que la nicotine crée une dépendance chez l'utilisateur?» les représentants du secteur du tabac ont dit non. C'est assez clair.

M. Dhaliwal: Je désire obtenir un peu plus de renseignements sur une question particulière, monsieur le président.

Le président: Très brièvement. Nous sommes en retard.

M. Dhaliwal: Je désire simplement obtenir une précision sur les taxes. Vous avez parlé d'un équilibre. Aux fins du procès-verbal, pouvez-nous nous dire si vous proposez que le gouvernement augmente les taxes? Croyez-vous que ce soit adéquat? Que pense le conseil des augmentations de taxes que nous avons proposées?

Dr Stewart: Nous ne pourrions pas vous donner un chiffre - c'est au comité qu'il revient de prendre cette décision - mais nous croyons qu'il faut augmenter suffisamment les taxes sur les cigarettes pour que le prix soit un facteur dissuasif... Personnellement je crois - et c'est mon opinion personnelle - que les taxes sont beaucoup trop faibles et qu'elles devraient être augmentées.

M. Dhaliwal: Très bien. C'est ce que je voulais savoir.

Le président: Je tiens à vous remercier, docteur Stewart, ainsi que vos collègues, d'être venus nous rencontrer. Nous n'avons malheureusement plus de temps.

Dr Stewart: Merci beaucoup.

Le président: Nous essayons d'être juste envers tous. Merci beaucoup d'être venus.

Nous invitons maintenant à la table des témoins quelqu'un qui comparaît à titre personnel. M. Pierre Lemieux.

[Français]

Allez-y.

M. Pierre Lemieux (économiste, témoigne à titre personnel): Mesdames et messieurs les députés, enfin ceux qui restent, on ne peut considérer le projet de loi C-71 sans égard à la question générale du tabac et de sa relation avec un concept dont vous entendez bien rarement parler dans cette auguste assemblée, à savoir la liberté individuelle.

Je vais poser l'hypothèse que le tabac est aussi dangereux pour la santé du fumeur que la propagande étatique veut nous le faire croire. Je vous rappelle toutefois que, comme en toutes choses, il existe certains doutes sur cette hypothèse et que, si le tabac provoque des maladies, il en prévient d'autres, dont la maladie d'Alzheimer, par exemple.

Un autre avantage du tabac est de combattre l'obésité. Selon une étude du New England Journal of Medicine, il y a presque autant de personnes qui meurent des conséquences de l'obésité que des maladies attribuées au tabac. Ce n'est pas seulement le tabac qui est dangereux pour la santé. Il est risqué de boire, de faire du ski, de conduire une automobile, de baiser, etc. La question est de savoir si l'État doit interdire le plaisir parce que c'est dangereux.

Quant à la fumée secondaire, c'est probablement l'imposture du siècle, que vos bureaucrates ont importée les yeux fermés des États-Unis. Le facteur de risque de la fumée secondaire, tel que calculé par l'Environmental Protection Agency américaine, c'est-à-dire 1,19, est minuscule au point de n'avoir pas de signification épidémiologique claire. En fait, 80 p. 100 des études épidémiologiques actuelles ne montrent aucune corrélation positive et statistiquement significative entre la fumée secondaire et le cancer du poumon.

De plus, même si la fumée secondaire faisait les ravages que l'on dit, les droits de propriété privée et la liberté contractuelle - d'autres idées dont vous n'entendez pas souvent parler ici - réaliseraient les arbitrages nécessaires entre les préférences des fumeurs et celles des non-fumeurs.

.1215

Je ne peux évidemment pas m'étendre sur ces questions dans le temps qui m'est dévolu ici. Je vous conseille, à ce sujet, de lire mon petit ouvrage qui paraîtra en janvier sous le titre Tabac et liberté: L'État comme problème de santé publique.

Bref, la question de savoir si un individu fume est une question de liberté individuelle. Fichez-nous la paix! Leave us alone!

Certes, le projet de loi C-71 n'est pas le pire de ceux que le Parlement fédéral aura étudiés et adoptés, qui grugent continuellement nos libertés traditionnelles et, lentement mais sûrement, transforment ce pays en «tyrannie administrative», pour reprendre l'expression de Tocqueville. Mais il va dans le même sens.

On ne réfléchit pas assez sur une des conséquences de la législation antitabac, qui est de creuser encore davantage la dépendance des individus devant l'État. On en est venu à trouver normal que l'État détermine ce qu'il est bon pour l'individu de consommer, de lire et de dire. En quoi cela vous regarde-t-il si je décide, dans ma chambre à coucher, de fumer «une cigarette après l'amour», pour reprendre les termes d'une chanson de Charles Dumont? En quoi cela vous regarde-t-il que je décide d'organiser une manifestation culturelle et qu'un fabricant de tabac ou de quoi que ce soit accepte de la commanditer à des conditions qui nous conviennent mutuellement?

L'histoire montre bien que l'accoutumance à l'État est beaucoup plus dangereuse que l'accoutumance à quelque plante que ce soit. L'État est la pire des drogues. Vous me pardonnerez ma franchise - il faut bien que quelqu'un vous parle franchement de temps à autre, mesdames et messieurs les législateurs - , mais vous êtes devenus le problème de santé publique numéro un. Fichez-nous la paix! Leave us alone!

Je passe très rapidement sur la question pourtant fondamentale de la liberté d'expression. Alors que nos prétendues chartes proclament, avec moult réserves il est vrai, le principe de la liberté d'expression, vos assemblées législatives ne cessent de trouver des prétextes pour la limiter. Il faut protéger les gens contre la pornographie, la littérature haineuse, les opinions indépendantes durant les campagnes électorales, la publicité du tabac et j'en oublie. Qu'allez-vous donc trouver d'autre la prochaine fois?

Ne comptez pas sur les fabricants de tabac pour défendre le principe de la liberté individuelle. Au fond, ils s'en fichent autant que vous. Mais ce n'est pas une raison pour que je ne défende pas, comme tout partisan de la liberté le ferait, leur droit de s'exprimer pour promouvoir directement ou indirectement leurs produits.

En vérité, s'il y a une sorte de publicité qu'il faudrait interdire, c'est plutôt la propagande mensongère de l'État. Il faut lire l'alinéa 4a) de votre projet de loi à la lumière de ce qu'on a appelé la «doctrine Lalonde». Dans un ouvrage publié en 1974 par le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social et signé par le ministre Marc Lalonde, le chapitre consacré à «la science et la promotion de la santé» commence par ces mots, et je cite:

En fait, nous dit le gouvernement, la prudence et le scepticisme de la science peuvent même nuire quand il s'agit de «modifier le comportement de la population».

Cessez donc de modifier le comportement de la population selon vos modèles idéaux. Fichez-nous la paix! Leave us alone!

Un autre aspect inquiétant du projet de loi C-71 réside dans les nouveaux pouvoirs qu'il confie à un État qui en a déjà trop. Le gouverneur en conseil, c'est-à-dire au mieux le parti au pouvoir et au pire les bureaucrates, acquièrent de vastes pouvoirs discrétionnaires. Le projet de loi est, bien sûr, truffé d'«interdit de» et de peines de prison. Il contribuera à étendre l'emprise des papiers d'identité officiels, contraires à la tradition canadienne. Dans certains cas, le fardeau de la preuve est renversé, comme cela devient de plus en plus à la mode dans vos lois. Des pouvoirs énormes sont confiés à une nouvelle race d'inspecteurs, de «flicaille» pour parler en clair. Fichez-nous la paix! Leave us alone!

Et tout cela pour quoi? Pour empêcher des viols d'enfants et des assassinats de petites vieilles? Pour protéger la liberté et la propriété des Canadiens? Non, au contraire. C'est pour combattre le fléau innommable qui consiste en ce que des individus décident que le plaisir de fumer l'herbe à Nicot fait plus que compenser ses dangers. Fichez nous la paix! Leave us alone!

.1220

Est-ce que cette loi découragerait au moins les jeunes de fumer? Je n'ai pas d'opinion sur l'influence éventuelle que la publicité du tabac exercerait sur les jeunes. Admettons une telle influence pour les fins de notre discussion. Il y a un pas entre cette hypothèse et la conclusion qu'il est justifié d'employer la coercition étatique pour contrôler minutieusement la vente et la promotion du tabac.

À quoi diable servent les parents sinon à apprendre à leurs enfants à devenir des individus libres et responsables? Comment se fait-il que vous fassiez si peu confiance aux adultes qui vous élisent et aux enfants qui vous remplaceront bientôt? À mon avis, une bonne partie de la diarrhée législative et réglementaire actuelle a justement pour effet de déresponsabiliser les jeunes, d'infantiliser tout le monde; et le législateur a beau jeu ensuite de considérer ses assujettis comme des imbéciles incapables de prendre des décisions personnelles éclairées. Enfin, je vous ferai remarquer qu'il ne doit pas être impossible de cesser de fumer puisque la moitié des non-fumeurs sont d'anciens fumeurs.

En poursuivant votre guerre sainte contre le tabac, vous vous faites les complices du nouveau puritanisme qui déferle sur le monde et qui n'est qu'une résurgence des anciennes formes de puritanisme. Dans La démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville remarquait comment le puritanisme des colonies américaines s'était traduit en interdictions légales du blasphème, de l'adultère et du tabac. Je vous fais grâce de la citation exacte.

Ce n'est pas un pur hasard que les États totalitaires de l'histoire aient souvent combattu le tabac. Il y avait un slogan en Asie qui proclamait: «Les femmes allemandes ne fument pas». Hitler, un ancien fumeur, entretenait une conception précise de la morale du parfait nazi, qui incluait le végétarisme et la haine de l'alcool et du tabac. Hitler interdisait même de fumer dans son bureau, encore qu'il n'était pas allé jusqu'à l'interdire dans le bureau des autres. On aurait dû lui dire, à lui aussi, avant qu'il ne fût trop tard: Fichez nous la paix! Leave us alone!

Il suffit d'être père de famille, voire seulement d'avoir une connaissance élémentaire de la nature humaine, pour prévoir certains effets pervers de la nouvelle croisade bien pensante dont le projet de loi C-71 est représentatif, notamment l'attrait de la chose défendue chez les jeunes. Au Canada comme aux États-Unis, les estimations gouvernementales indiquent que, parallèlement à l'intensification de la croisade moralisante des gouvernements, l'usage du tabac chez les adolescents a récemment repris une tendance à la hausse.

Certains suggèrent même que la propagande ridicule de l'État sur la fumée secondaire dilue les dangers du tabac, voire les dangers des drogues fortes, et stimule leur consommation. Mais l'illustration ultime de l'effet pervers de la moralisation étatique nous est donnée par un phénomène encore plus frappant: le tabac interdit promu au rang de fantasme sexuel.

Il existe maintenant des vidéos pornographiques qui montrent des femmes tout habillées qui ne font qu'inhaler et exhaler sensuellement de la fumée de cigarette. Il y a un newsgroup Internet qui s'appelle alt.sex.fetish.smoking. Le rédacteur en chef d'un magazine fétichiste américain déclare, et je cite:

Pour conclure, je crois que si les députés ont encore quelque respect pour la liberté et la dignité individuelle de ceux qui les élisent, ils rejetteront le projet de loi C-71. Ce ne sont pas seulement les modalités de ce projet de loi qui sont inacceptables, mais son principe même. Du reste, il est impossible de mener avec des moyens légitimes la croisade morale antitabac dans laquelle l'État s'est engagé comme un chien dans une boutique de porcelaine.

En trois ou quatre mots, selon la langue officielle que vous préférez: Fichez-nous la paix! Leave us alone!

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie.

.1225

[Traduction]

Le président: Si vous ne voulez pas prendre la parole, je peux passer à M. Hill. Je croyais que vous aviez indiqué...

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: Monsieur Lemieux, votre réputation vous précède et on peut reconnaître que vous vous exprimez avec franchise et clarté à propos de la liberté. On ne commencera pas d'autres débats. J'ai très souvent lu vos propos sur d'autres débats. On dit habituellement que l'Opposition officielle est là pour s'opposer et critiquer. Dans ce cas-ci, monsieur Lemieux, sauf pour l'inversion du fardeau de la preuve auquel nous nous opposons, la volonté du législateur ne semble pas y être. On va essayer de la formuler autrement pour que ce soit plus clair et à votre satisfaction.

D'ailleurs, c'est tout le débat qui a été tenu à la Cour suprême: la liberté individuelle versus les droits collectifs ou le droit individuel d'autres individus à ne pas subir les conséquences de l'exercice d'un droit individuel de quelqu'un d'autre. Vous n'en traitez pas et j'aimerais vous entendre là-dessus. On est dans une salle où on ne fume pas; quand quelques fumeurs arrivent, j'ai l'impression que la liberté individuelle n'est pas respectée.

Je comprends votre exemple de chambre à coucher. M. Trudeau l'invoquait - vous vous en rappelez sans doute - en 1968, mais vous n'en traitez pas. Je fais exprès pour vous amener sur ce terrain. Jusqu'où peut-on laisser les droits individuels de certains empiéter sur ceux des autres qui n'adhèrent pas à la même option?

M. Lemieux: C'est une très bonne question et je prendrais volontiers trois heures pour y répondre si on me les donnait. Je vais essayer de vous donner une réponse rapide qui, du reste, est traitée dans le petit livre dont je vous ai parlé et qui va paraître incessamment. En fait, le livre traite surtout du genre de question que M. le député m'a posée.

L'idée est la suivante. La vie en société demande de concilier les préférences de certains individus et les préférences d'autres individus, les préférences individuelles étant différentes. De ce point de vue, le tabac est un bon exemple. Qu'est-ce qui se passe quand l'État ne met pas ses grosses pattes là-dedans?

Il se passe ce qui se passait auparavant. Quelqu'un est libre de fréquenter un restaurant pour fumeurs ou un restaurant réservé aux non-fumeurs. S'il y a suffisamment de non-fumeurs qui réclament des endroits où ils seront protégés des méchants fumeurs, il y aura des entrepreneurs privés, menés par le vil appât du gain, qui vont leur en offrir. Si les fumeurs ont des préférences assez fortes pour pouvoir persuader des commerçants ou des restaurateurs de leur offrir des endroits où ils pourront fumer, ils vont les trouver. Pourquoi faut-il interférer avec ce mécanisme qui fait qu'il existe des moyens privés pour concilier les préférences des gens?

Je sais que ma réponse n'est pas très élaborée. Il y a un nouveau mouvement, aux États-Unis, contre les parfums et eaux de toilette dont le slogan est: Perfume pollutes. Ce sont des gens qui n'aiment pas les eaux de toilette. Ils n'aiment pas l'odeur des eaux de toilette et ils voudraient qu'elles soient réglementées dans les lieux dits publics, les lieux dits publics étant en fait, la plupart du temps, des endroits privés que l'État a définis comme étant des lieux publics. Un restaurant est un endroit privé, de même qu'un bureau.

Ce problème des parfums ou des mauvaises odeurs corporelles se règle assez normalement dans le cours des relations humaines. De nos jours, il y a des gens qui sont allergiques à toutes sortes de choses, sauf au pouvoir de l'État, bien sûr. S'il est vrai qu'il y a des gens qui sont allergiques aux parfums et aux eaux de toilette, il y a des restaurateurs qui auront la bonne idée de leur offrir des restaurants ou des sections de restaurants où il n'y aura pas d'eau de toilette.

Un article récent du Wall Street Journal mentionnait que, dans certains grands restaurants, le maître d'hôtel est spécialement formé pour déceler les odeurs fortes quand des clients qui se présentent et isoler ces gens-là au besoin. Tout cela se règle dans le cadre normal des relations humaines d'une part, avec la tolérance naturelle qu'on doit manifester et, d'autre part, par les droits de propriété qui font que je peux interdire de fumer chez moi ou, au contraire, permettre aux gens de fumer. Ceux qui ne sont pas d'accord n'ont qu'à ne pas venir. C'est la même chose dans les restaurants, les bureaux, les commerces ou quoi que ce soit.

.1230

[Traduction]

Le président: Chers collègues, je crois que nous avons pris suffisamment de temps pour bien connaître les opinions de ce témoin. S'il y a une question brûlante, posez-la. Sinon, je crois qu'il faudrait passer au témoin suivant.

Une voix: Passons à un autre témoin.

Merci, monsieur Lemieux.

Je demanderais maintenant aux représentants du Ralliement pour la liberté de commandite de prendre place à la table des témoins.

Pendant que nos témoins s'installent, j'aimerais signaler aux députés que s'ils envisagent de proposer des amendements au projet de loi, il serait bon qu'ils fassent parvenir copie de ces amendements au greffier du comité. Je sais que certains d'entre vous ont peut-être déjà consulté les greffiers responsables de la rédaction législative, mais ces derniers, évidemment, vous aident à titre confidentiel et ne peuvent communiquer ces modifications au greffier du comité; vous seuls pouvez le faire. Ainsi, si vous vouliez signifier au greffier du comité votre intention de présenter des amendements, et lui remettre le texte de ces derniers, cela permettrait de faciliter le processus que nous entamerons demain. Je vous demanderais de le faire aujourd'hui.

Nous accueillons maintenant Mme Mary Moulton, qui représente le Ralliement pour la liberté de commandite.

Pouvez-vous me dire qui vous êtes? C'est-à-dire, puisque vous représentez un ralliement, je sais que vous représentez divers groupes. Pouvez-vous me dire le poste que vous occupez au sein du ralliement et qui vous accompagne aujourd'hui? Puis vous pourrez présenter une brève déclaration, qui sera suivie, si le temps le permet, d'une période de questions.

Mme Mary Moulton (Ralliement pour la liberté de commandite): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés. Je suis membre du conseil d'administration du Ralliement pour la liberté de commandite. Je représente le Neptune Theatre de Halifax.

Je suis accompagnée aujourd'hui de plusieurs autres représentants: Léon Méthot, du Grand Prix Players de Trois-Rivières; Michel Létourneau, du Festival d'été de Québec; Andy Nulman, de Juste pour rire, de Montréal; Christine Matton, de la Symphonie de feux, de Montréal; et Mike Smith, qui représente la course Molson-Indy. Michel Létourneau présentera avec moi l'exposé, puis nous pourrons passer à la période de questions.

Plus de 370 organisations au Canada reçoivent la commandite de compagnies fabriquant des produits du tabac. Ces organisations se trouvent dans de grandes villes et dans de petites villes. Elles se démènent toutes pour offrir des emplois à des acteurs, des musiciens, des danseurs, des costumiers, des artistes-interprètes et des athlètes. Leurs efforts sont couronnés de succès. Les secteurs que nous représentons figurent parmi ceux dont la croissance est la plus rapide dans l'économie canadienne. Mais tous ces efforts ne sont pas déployés simplement pour créer et maintenir des emplois. Ils visent également à accroître la vitalité de nos collectivités et à accroître également notre qualité de vie. Comme on l'indiquait clairement dans le Livre rouge du gouvernement, ces secteurs sont l'élément central de notre identité nationale.

Pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui? Nous sommes venus vous dire que nous ne pouvons pas nous tirer d'affaire sans le financement accordé par le secteur privé; nous croyons que le projet de loi C-71 met en péril ce financement.

Comme vous le savez pertinemment, le financement accordé par les gouvernements à nos organisations baisse progressivement depuis 10 ans. Aucun ministre des Finances au Canada ne nous a dit de nous attendre à une attitude différente à l'avenir. Il est très ironique en fait que nous soyons venus aujourd'hui défendre la commandite du secteur privé, puisque depuis déjà longtemps on nous dit justement d'essayer de créer des partenariats avec ce secteur. Les compagnies de tabac sont les plus grands commanditaires dans le domaine des arts et des sports au Canada, accordant 60 millions de dollars en financement direct et près de 200 millions de dollars en aide indirecte au titre de la promotion.

.1235

Le projet de loi C-71 créera en fait un climat peu intéressant pour nos commanditaires du secteur du tabac, ce qui entraînera une réduction, sinon une élimination, du financement. Cette réduction ou cette élimination aura un impact énorme, qui se fera sentir dans toutes les régions du pays, dans les petites comme dans les grandes villes.

La majorité des témoins que vous entendrez aujourd'hui représentent de grands organismes; j'aimerais donc prendre quelques minutes pour vous parler des événements de moins grande envergure qui ont lieu au Canada.

À Vancouver, par exemple, la Bard on the Beach Theatre Society a pu monter trois pièces de théâtre originales grâce à la commandite d'une compagnie de tabac. Cela a permis de créer des emplois pour des auteurs, des metteurs en scène, des acteurs, une chorale de 30 chanteurs et 17 musiciens canadiens.

Decidedly Jazz Danceworks, à Calgary, crée un nouveau spectacle grâce à la commandite d'une compagnie de tabac, une commandite qui représente plus de 40 p. 100 de l'aide financière reçue par ce groupe.

La commandite du Winnipeg Fringe Festival par une compagnie de tabac représente 36 p. 100 de la commandite totale de ce groupe et permet à 12 troupes de théâtre de présenter leurs pièces.

La commandite reçue du secteur du tabac par Danceworks à Toronto représente 24 p. 100 de la commandite totale reçue du secteur privé et permet de payer 10 danseurs et de financer un des cinq spectacles annuels de cette troupe.

La Arts Theatre Company de St. John's se sert de l'appui financier de son commanditaire pour créer de nouvelles pièces de théâtre; une de ces pièces emploie quatre acteurs; du Maurier est la plus importante société commanditaire de cette organisation.

À Halifax, le Neptune Theatre reçoit un financement de du Maurier pour sa série studio, qui embauche quelque 15 artistes et employés de production. Cette aide financière représente 15 p. 100 du coût de ces trois mises en scène. Nous recevons une commandite de du Maurier depuis plus de 12 ans, et notre directeur artistique est convaincu qu'il est fort peu probable que nous puissions trouver ailleurs dans le secteur privé un autre commanditaire pour remplacer du Maurier.

Avant de céder la parole à Michel, qui parlera particulièrement du cas du Québec, j'aimerais faire un dernier commentaire. Nous sommes ici aujourd'hui parce que nous sommes tous inquiets. Nous craignons que des milliers d'emplois au Canada ne soient menacés si ce projet de loi est adopté dans son libellé actuel.

Il importe également de vous rappeler que nous créons dans les collectivités des débouchés pour les artistes et les athlètes canadiens, qui peuvent s'épanouir et démontrer leurs talents à leurs concitoyens. De plus, nous présentons le Canada au reste du monde. C'est ce que nous faisons. Nous n'encourageons pas les jeunes à fumer.

Michel.

[Français]

M. Michel Létourneau (Festival d'été de Québec): Il y a quelques chiffres qu'il est bien important de comprendre. Il y a l'Omnium de tennis pour qui la commandite d'une compagnie de tabac représente 40 p. 100 de son budget et 80 p. 100 de son portefeuille de commandite; le Grand Prix Players du Canada dont 20 p. 100 des revenus viennent de la commandite de tabac, ce qui représente sans doute de 25 à 30 p. 100 de son portefeuille de commandite; le Festival Juste pour rire, dont 10 p. 100 du budget viennent de la commandite de tabac, ce qui représente 50 p. 100 de son portefeuille de commandite; notre Festival d'été de Québec, 15 p. 100 de notre budget, mais 50 p. 100 de notre portefeuille de commandites; le Festival international de jazz de Montréal, 12 p. 100 de son budget, mais 45 p. 100 de son portefeuille de commandite; et les Internationaux Benson & Hedges de Montréal, 80 p. 100 de son budget, ce qui représente 100 p. 100 de son portefeuille de commandite. C'est donc vous dire l'importance indéniable du soutien des compagnies de tabac dans la culture et les grands événements.

Je répondrai aussi au ministre de la Santé que l'Orchestre symphonique de Montréal et celui de Québec ont reçu des montants importants qui ont notamment permis à ces orchestres de développer de nouveaux marchés et de faire des tournées régionales, donc d'apporter la culture en région au Québec et au Canada.

.1240

Si le projet de loi est adopté tel que présenté, notre festival et bien d'autres événements vont perdre les avantages reliés à la promotion à l'extérieur de nos sites, de notre ville, de notre région, de notre province et de notre pays. Cela aura des conséquences sur notre notoriété, notre rayonnement et l'apport économique généré par notre clientèle touristique.

Quand je vois, dans le document de Santé Canada, que cela sera toujours permis, je m'interroge sur le sérieux avec lequel les gens qui ont rédigé le projet de loi ont travaillé. Santé Canada reconnaît que l'influence des amis est de loin la raison la plus courante que donnent les jeunes quand on leur demande pourquoi ils ont commencé à fumer. Laissez nos événements tranquilles. Merci.

[Traduction]

Mme Moulton: Monsieur le président, en terminant, j'aimerais vous parler de deux ou trois documents que nous avons déposés aujourd'hui. Le premier fait état des résultats d'un projet de recherche effectué par Insight Canada Research sur les perceptions du public canadien concernant les commandites assurées par les compagnies de tabac; le deuxième est une étude de l'incidence économique d'une vingtaine d'événements au Canada; le troisième est composé de coupures de journaux qui portent sur la question de la commandite assurée par les compagnies de tabac.

Le président: Merci.

[Français]

Madame Pauline Picard.

Mme Picard: Bonjour et bienvenue au comité. Je suis très heureuse de vous voir ici. Comme vous l'avez mentionné, il s'en est fallu de peu que vous ne puissiez pas assister à ces audiences, étant donné la vitesse à laquelle le projet de loi a été renvoyé au comité. Il est heureux qu'on puisse entendre ces témoins aujourd'hui.

J'aimerais vous poser une petite question. Les représentants du Conseil canadien sur le tabac et la santé nous ont dit que les fabricants de tabac ne visaient que les jeunes dans leurs commandites, parce que ces activités culturelles et sportives n'attiraient que les jeunes.

Je pense au Festival Juste pour rire, à l'Orchestre symphonique de Montréal et au Tournoi de tennis du Maurier. J'aimerais savoir ce que vous en pensez quand on dit que ces activités culturelles et sportives n'ont d'attrait que pour les jeunes, alors que les billets sont très chers. Que pensez-vous de leur réponse?

[Traduction]

M. Andy Nulman (Ralliement pour la liberté de commandite): Il s'agit là d'une question très complexe; j'aimerais vous donner une réponse en fonction de l'événement dont je suis responsable, soit le Festival Juste pour rire Craven A.

J'aimerais bien que les jeunes dont vous parlez fassent partie de notre public. Ce n'est pas le cas. Notre public est composé d'adultes. La majorité de nos spectacles sont présentés dans des clubs où vous ne pouvez avoir accès si vous n'avez pas 18 ans. Le reste de nos spectacles sont présentés principalement dans des théâtres, où nous ciblons un public haut de gamme, où les gens paient de 30$ à 50$ pour un billet. Ce n'est pas là que vous trouverez les jeunes.

Je sais où se trouvent certains de ces jeunes, et je ne peux pas mentir et essayer de cacher les faits. Il est vrai que lorsque nous avons des spectacles en plein air on y retrouve des jeunes. Mais il s'agit de petits enfants de moins de six ans. La majorité de ceux qui viennent à ces spectacles accompagnent leurs parents, et sont dans des poussettes. Ils ne peuvent rien reconnaître; ils ne savent ce qu'est l'emblème d'une compagnie de tabac. Ils ne savent pas ce que représentent les mots «Juste pour rire». Où sont donc ces jeunes que nous influençons?

J'étudie les statistiques concernant nos événements et je constate que chaque fois que nous avons un spectacle la grande majorité des spectateurs sont des adultes. Où sont les enfants? Ils ne sont pas à nos spectacles. Mais c'est drôle; plus j'entends ces choses, plus je m'emporte, parce que le gouvernement ne s'attend pas à ce que sept millions de Canadiens procèdent à un sevrage brutal de leur dépendance par rapport au tabac; pourtant, on s'attend à ce que nous le fassions.

Je n'aime pas toujours répéter la même chose, mais je dois le faire parce que je crois vraiment que nous sommes les seuls perdants dans toute cette affaire. Le gouvernement augmente les taxes, et les ventes de 140 millions de dollars demeureront stables. Croyez-vous que les ventes vont diminuer simplement parce qu'il en coûte 20c. de plus le paquet ou en raison simplement des restrictions que vous nous imposez?

Il s'en balance. Les compagnies de tabac sont très heureuses. Elles vont se dire: voyons, pourquoi donner des sous pour le théâtre et les courses d'automobiles et d'autres événements? Nous pouvons économiser cet argent. L'argent sera toujours disponible pour les groupes de lutte contre le tabagisme, qui sont financés par le gouvernement. Et nous? Nous sommes l'agneau immolé.

.1245

Nous sommes les seuls perdants. On ne parle pas de financement de remplacement, de période de transition ou de quoi que ce soit de ce genre. Pourquoi? C'est absolument incroyable. Les gens nous demandent ce que nous voulons, mais tout ce que nous voulons, ce sont simplement les mêmes droits que vous. Vous voulez le droit de réaliser des profits à même l'existence des compagnies de tabac. Il s'agit de votre plus important partenaire et, comme l'a démontré Michel, il s'agit également de mon plus important partenaire.

Pourquoi est-ce que nous nous tournons vers les compagnies de tabac? C'est parce que nous n'avons plus d'aide de Bell. Bell était notre principal commanditaire et nous donnait 850 000$. Puis il y a eu plus de concurrence dans le secteur, et Bell a réduit de plus de la moitié sa commandite. Soudainement, nous devions trouver un nouveau commanditaire. C'est pourquoi nous nous sommes tournés vers les compagnies de tabac. Elles ne se sont pas adressées à nous. Personne n'est venu nous voir - c'est vraiment regrettable.

Le fait est que le secteur du tabac nous donne de l'argent tout comme il vous donne de l'argent. Au moins, quand on dépense de l'argent dans notre secteur, c'est de l'argent bien investi. En fait... je ne me suis pas bien exprimé. Tout au moins les compagnies de tabac accomplissent deux bonnes choses quand elles investissent dans le secteur des arts et de la culture.

L'élimination de nos événements ne fera pas disparaître le tabagisme chez les jeunes. Je ne vois pas vraiment pourquoi on établit toujours un rapport entre nos activités et les jeunes.

Le président: Grant, voulez-vous poser une question?

M. Hill (Macleod): Qui finance vos activités?

Mme Moulton: Le ralliement est financé par ses organismes membres - par l'industrie du tabac et par d'autres sociétés qui appuient le principe de la liberté.

M. Hill (Macleod): Quel pourcentage de votre financement provient du secteur du tabac?

Mme Moulton: Je n'ai pas de chiffres pour l'ensemble du ralliement.

M. Hill (Macleod): Pouvez-vous me donner un chiffre approximatif?

Mme Moulton: Je ne peux même pas vous donner un chiffre approximatif parce que je ne le sais vraiment pas. Je sais que la part la plus importante provient des membres du ralliement.

M. Hill (Macleod): Qui paie pour les télécopies que vous recevez et envoyez, les choses de ce genre?

Mme Moulton: Les télécopies que nous recevons sont payées fait par le ralliement, et il en va de même pour celles que nous expédions. Je n'ai malheureusement pas de chiffre.

M. Hill (Macleod): Et les groupes membres du ralliement ne paient-ils pas des droits?

M. Mike Smith (Ralliement pour la liberté de commandite): Nous finançons par exemple nos propres déplacements pour des réunions comme celle-ci. Nous expédions toutes nos lettres. Nous sommes un partenaire du secteur du tabac. Ce dernier commandite nos activités et nos événements. Nous collaborons avec le secteur du tabac dans l'étude de ce projet de loi parce que nous voulons nous assurer qu'il ne sera pas trop restrictif.

M. Hill (Macleod): Vous avez dit que vous êtes un partenaire des compagnies de tabac.

M. Smith: Oui, comme c'est le cas pour les événements que nous organisons.

M. Hill (Macleod): Vos commanditaires vous ont-ils dit directement qu'ils ne commanditeront plus vos activités si le projet de loi C-71 est adopté?

M. Léon Méthot (Ralliement pour la liberté de commandite): Vingt-cinq p. 100 de notre budget provient de Players, ce qui représente 500 000$. Nous avons lancé le Grand Prix de Trois-Rivières en 1989 et avons pu procéder à ces activités grâce à la commandite de Players. Sans cette société, nous ne serions pas là aujourd'hui, nous n'existerions pas.

M. Hill (Macleod): Vous n'avez pas saisi ma question.

M. Méthot: Je dis simplement que cela est logique. Pour que nous réussissions, nous devons faire de la publicité à bien des endroits; nous devons utiliser la télévision, la radio, distribuer des brochures et des affiches. Si le projet de loi est adopté, nous ne pourrons faire ces publicités si nous voulons y inclure notre commanditaire. Nous ne pourrons le faire. Si nous ne pouvons pas le faire, cette compagnie de tabac dépensera-t-elle 500 000$ pour financer nos activités et ne rien obtenir en retour? Je ne crois pas. Il n'y aura plus de commandite de la compagnie de tabac, et il n'y aura pas de Grand Prix l'année prochaine.

M. Hill (Macleod): Votre compagnie de tabac commanditaire vous a-t-elle dit, oui ou non, qu'elle annulerait sa commandite? C'est ce que je vous demande. Oui ou non?

M. Méthot: Toute personne intelligente pourra en venir à cette conclusion après ce que je viens de vous dire.

[Français]

M. Létourneau: J'ai parlé avec du Maurier, qui m'a dit que si le projet de loi est accepté tel quel, on devra renégocier notre contrat.

[Traduction]

Le président: Vous avez la parole, Mary.

Mme Moulton: Je n'ai pas discuté de la série studio avec du Maurier.

M. Nulman: J'ai parlé aux représentants de Craven A, et ils ont dit que tout était en suspens et qu'ils attendaient de voir ce qui adviendrait du projet de loi. C'est tout.

[Français]

Mme Christine Mitton (directrice des relations publiques, Société du parc des Îles (Feux Benson & Hedges), Alliance for Sponsorship Freedom): Pour les feux d'artifice, j'ai parlé à mon commanditaire qui est Rothmans-Benson & Hedges. Commanditer un événement comme les feux d'artifice sur 10 p. 100 de l'affiche et 10 p. 100 des bannières ne les intéresse plus.

.1250

[Traduction]

M. Smith: J'ai parlé à des représentants de Players, et ils m'ont dit que leur commandite sera réduite de façon dramatique s'ils n'ont pas d'affiches sur les lieux ou d'affiches qui sont vues à la télévision - je tiens à vous rappeler que les affiches qu'ils ont sur les lieux de l'événement sont dix fois moins nombreuses qu'auparavant. Les droits payés seraient beaucoup moins importants.

Il y a un autre problème. Le week-end dernier Indy Car nous a dit quelque chose qui se rapproche des propos tenus par la formule 1, soit que si le projet de loi est adopté dans son libellé actuel, ils ne croient pas que la course automobile serait viable au Canada. Cela veut dire que le Molson-Indy à Toronto et à Vancouver serait en péril. Ces courses n'auraient pas lieu au Canada si l'on n'autorisait pas les compagnies de tabac à mettre leur emblème sur les voitures de course. Indy Car a des contrats avec des fabricants de tabac dans d'autres pays, et si leur emblème ne figure pas sur les voitures, ces courses n'auront pas lieu au Canada.

Le président: Monsieur Murphy.

M. Murphy: Merci, monsieur le président.

Mary, je désire vous poser une question. J'ai cru comprendre que le secteur du tabac investit entre 25 000$ et 30 000$ dans le Neptune Theatre, que j'apprécie beaucoup d'ailleurs.

Mme Moulton: En fait, il s'agit plutôt de [Inaudible]

M. Murphy: Oui, mais vous avez dit que 15 personnes ont été employées grâce à cet investissement. Je sais que l'APECA investit beaucoup d'argent - plusieurs millions de dollars - dans le théâtre. Je m'inquiète beaucoup, car il semble que la création d'emplois et la croissance économique ont pour conséquence indirecte de mener les jeunes au tabagisme; et cela mène à la dépendance.

Permettez-moi d'être très direct. Si le gouvernement appuie vraiment certains intervenants du secteur des arts comme Neptune Theatre, et qu'il est convaincu de l'importance et du bien-fondé de cette mesure législative, et que vous voulez maintenir vos rapports avec le secteur du tabac, le gouvernement devrait-il cesser de financer les arts? J'ai peine à accepter que le gouvernement appuie les arts au moment même où il appuie et défend cette mesure législative. Devrions-nous appuyer financièrement les arts? Vous savez ce à quoi je veux en venir.

Mme Moulton: Tout d'abord, sauf le respect que je vous dois, je dois dire qu'il est un peu bizarre de penser que le gouvernement pourrait cesser de financer le secteur des arts au Canada. Outre le Neptune Theatre, je représente un groupe beaucoup plus vaste d'organisations dans la région atlantique, et nous dépendons énormément de l'aide que nous offre le secteur public.

Pour répondre à votre commentaire sur le tabagisme chez les jeunes, je crois qu'il importe de signaler que nous croyons que le gouvernement a pris d'excellentes décisions pour lutter contre le tabagisme chez les jeunes. Nous croyons tous que c'est une bonne chose et qu'il s'agit d'une mesure appropriée de la part du gouvernement. Cependant, pour reprendre ce qu'a dit Andy, nous ne voulons pas être l'agneau qui sera immolé. Il ne faut tout de même pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

Ces événements dont nous parlons sont destinés aux adultes. Ils sont axés sur les adultes. Les adultes représentent la plus grande partie de notre public, et nous devons pouvoir continuer à vendre ce produit aux adultes. Nous avons besoin de l'aide de partenaires du secteur privé pour poursuivre nos activités. Je crois qu'il est extrêmement important que ces choses soient conciliables. Il n'y a rien à perdre. Nous en avons d'ailleurs parlé au ministre de la Santé.

Le président: Trois autres députés désirent poser des questions. Si vous procédez rapidement, vous poserez vos questions dans l'ordre suivant: M. Scott, M. Dubé et M. Volpe.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Merci, monsieur le président.

Mary, j'aimerais qu'on fasse la distinction entre le projet de loi actuel et certains documents qui ont été présentés avant le dépôt du projet de loi.

Certains croyaient qu'il y aurait une interdiction totale de la publicité. Je crois que cela explique certains des commentaires faits dans un communiqué rendu public le 4 novembre. On y parle d'autres événements qui pourraient disparaître en raison de la décision du Conseil des ministres fédéral, et je suppose qu'il s'agit là d'une interdiction totale, parce que dans les choses qui disparaîtraient on inclut le Neptune Theatre et le Theatre New Brunswick.

Je suis un ancien directeur de la campagne de financement de Theatre New Brunswick. Je sais à quel point il est difficile de trouver du financement, et je suis très friand de théâtre, pas simplement à Fredericton, mais dans toutes les régions du pays. Je comprends le dilemme auquel vous êtes confrontés, mais j'ai peine à imaginer que...

Je sais que certaines années la commandite de du Maurier peut s'élever à 30 000$ et parfois simplement à 20 000$ au TNB. Je connais le budget de ce groupe, et si la commandite de du Maurier disparaissait cela ne veut pas dire que Theatre New Brunswick n'existerait plus. En fait, je me demande si les choses ne sont pas quelque peu différentes, puisqu'il n'y a pas interdiction totale.

.1255

M. Nulman: Vous avez parfaitement raison de dire que ce projet de loi ne prévoit pas une interdiction totale, mais nous croyons qu'il s'agit plutôt là d'une interdiction indirecte. Pour faire la comparaison, c'est comme s'il y avait un grand champ où on retrouve plein de mines terrestres. Vous l'avez entouré de barbelés et y avez enfermé deux chiens de garde. Vous direz que vous n'avez interdit à personne de traverser le champ.

C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Il est vrai qu'il ne s'agit pas là d'une interdiction totale. C'était une façon particulièrement brillante et rusée de procéder.

Cependant, voici le problème. Si l'on ne peut pas faire de publicité pour Juste pour rire à la radio et à la télévision, comment vais-je pouvoir encourager les gens à venir aux spectacles? Si je ne peux pas faire cette publicité, conformément au projet de loi tel que présenté, le commanditaire ne voudra plus investir de l'argent. Ainsi, cela représente une interdiction indirecte.

M. Scott: Sauf le respect que je vous dois, j'aimerais que Mary réponde à la question.

Mme Moulton: Oui. Je sais que vous parlez plutôt des petits groupes qui reçoivent un financement plus limité. C'est vrai.

Je crois que nos sociétés commanditaires réagissent de la même façon dans la région atlantique, sauf que l'échelle est un peu différente. Nos marchés ne sont pas aussi importants. Des sociétés commanditaires de tous les genres viennent nous aider, mais leur aide dépend de la mesure dans laquelle elles peuvent faire connaître leurs produits. Qu'il s'agisse de 20 000$ pour Theatre New Brunswick ou de 5 millions de dollars pour Place Ontario, les mêmes décisions sont prises en fonction des mêmes facteurs.

M. Scott: Cela serait-il annulé? Croyez-vous vraiment que cela se produirait?

Mme Moulton: Pour ce qui est de Neptune Theatre, je peux dire que notre directeur artistique m'a dit très clairement qu'on avait essayé d'obtenir du financement pour la série studio à divers endroits, et que du Maurier était la seule organisation disposée à appuyer le théâtre expérimental. Je ne peux parler que de...

M. Scott: Mais pour en revenir à ce que je disais, ce document indique également que d'autres événements disparaîtraient en raison de la décision du Conseil des ministres fédéral et on inclut le Neptune Theatre d'Halifax.

Mme Moulton: Il s'agit de la série studio du Neptune Theatre.

M. Scott: Mais ce n'est pas ce qu'on dit; on dit que Theatre New Brunswick disparaîtrait.

Mme Moulton: C'est l'événement commandité par les compagnies de tabac dont nous parlons.

Une voix: Comprenez-vous le problème auquel nous sommes confrontés dans le secteur des courses?

Une voix: Certainement.

[Français]

M. Dubé: Monsieur le président, j'aimerais que les trois études qu'a citées Mme Moulton au tout début soient déposées au comité. Je trouvais cela intéressant, de même que les chiffres que M. Létourneau a cités lorsqu'il a parlé de pourcentages pour les événements qu'il regroupe, les pourcentages ayant trait à leur budget et le pourcentage concernant les commandites.

J'aurais une dernière question. J'ai bien compris que cette loi non seulement menace les événements actuels, mais hypothèque complètement l'avenir de nouveaux événements qui pourraient se produire, comme des projets et des tournées régionales.

J'aurais également une question sur un troisième aspect sur lequel vous n'avez pas suffisamment pu parler. Il y a de petits événements culturels et sportifs organisés dans les régions, non pas à Québec ou à Montréal, mais en Abitibi, au Lac-Saint-Jean, partout au Canada. Je ne vous demanderai peut-être pas de répondre sur-le-champ, mais de nous fournir la liste de tous les... Vous citez les principaux événements, mais je sais, monsieur Létourneau, que plus les événements sont petits, plus la proportion de la commandite dans le budget est importante. J'ai beaucoup d'inquiétudes à votre sujet, mais encore plus au sujet des plus petits événements en région, parce que généralement, les commandites d'importance ne sont pas très intéressées à aller en région. Donc, j'aimerais que vous nous fournissiez ces chiffres.

Je donne un petit exemple. En fin de semaine, j'étais l'invité de l'École de musique de l'Université Laval. C'était financé par une commandite du Maurier. Je suis persuadé que beaucoup d'événements de ce genre ne pourront se reproduire si les commandites sont enlevées. J'aimerais que vous puissiez fournir ces chiffres au comité d'ici demain, avant qu'il ne soit trop tard.

Mme Mitton: Je comprends votre inquiétude au sujet des petits événements et des petits commanditaires. Vous avez tout à fait raison d'en parler aujourd'hui.

Une autre chose n'a pas été mentionnée. Nous représentons de grands événements. Ces grands événements, sur la scène internationale, sont numéro un; ce ne sont pas les meilleurs événements.

.1300

Je pense au Festival Juste pour rire, qui est le seul grand événement d'humour sur le planète. Je pense à nos feux d'artifice qui sont la crème de l'art pyrotechnique sur la planète. C'est le plus grand festival de feux au monde. La crème des producteurs de pyrotechnique viennent ici. Les gens de Disney ne vont plus partout dans le monde. Ils viennent à Montréal pour regarder ce qui se passe en pyrotechnique pour ensuite programmer leur saison à Walt Disney. La même chose se produit pour le Grand Prix de Montréal, le tennis et le Grand prix atlantique.

Montréal jouit donc d'une plus-value qui repose sur des événements internationaux de grand calibre. Si la commandite des fabricants de tabac devait tomber, les conséquences seraient dramatiques pour nos événements. Leur ampleur serait réduite de 50 p. 100, de 60 p. 100 ou de 20 p. 100. C'est un point que j'aimerais soulever.

D'autre part, la ville de Montréal ne serait plus pareille l'été prochain si la commandite des fabricants de tabac tombait maintenant. Le projet de loi ne précise aucun délai, aucune date fixe. Si le projet de loi était adopté tel quel, il entrerait en vigueur l'été prochain, en 1997. Nous sommes en train de préparer nos événements. Ce serait donc dramatique pour l'été qui s'en vient.

[Traduction]

Le président: Joe Volpe.

M. Volpe (Eglinton - Lawrence): Merci, monsieur le président.

Vous nous avez tous tracé un tableau fort pessimiste. Je suppose qu'on peut ne pas être d'accord, du point de vue philosophique ou idéologique, sur ce qui pourrait se produire si le projet de loi est adopté sans modification. Vos commanditaires pourraient cesser de parrainer vos activités.

Vous utilisez tous des chiffres qui indiquent qu'un pourcentage particulier, un pourcentage élevé, de votre parrainage provient du secteur du tabac. Mais quand on compare ces pourcentages à vos revenus, ils ne sont pas si importants. Une étude a été effectuée - et je crois qu'elle l'a été pour un de vos groupes - sur la commandite du secteur du tabac dans le domaine des arts, et on indique que dans certains cas cette commandite représente à peine 0,4 de 1 p. 100 de vos revenus généraux. J'ai lu tous les chiffres et la commandite du secteur du tabac ne représente jamais beaucoup plus de 3 p. 100 des revenus généraux.

Si le pire se produisait et qu'il vous fallait trouver une autre source de financement, serait-il très difficile de l'obtenir?

[Français]

M. Létourneau: D'où ces chiffres proviennent-ils? De quoi parlez-vous, monsieur?

[Traduction]

M. Volpe: Je parle de la commandite comme pourcentage de vos revenus généraux.

[Français]

M. Létourneau: La recette globe du Festival d'été de Québec est de 4,5 millions de dollars, dont 550 000$ proviennent de la commandite de du Maurier. Quel pourcentage ceci représente-t-il? Je vous laisse faire le calcul. Votre affirmation est fausse, monsieur Volpe. Je ne sais pas où vous avez pris ces chiffres; ils ne sont pas exacts. Bien sûr que la commandite représente 3 p. 100 du budget global de certains événements. Par contre, elle représente 80 p. 100 du budget de certains autres événements. On est toutefois très loin de votre 0,04 p. 100. Je m'excuse, mais je ne sais pas où vous avez pris ces chiffres.

[Traduction]

M. Volpe: Vous avez peut-être raison. Il se pourrait que vous ayez des données et des chiffres qui soient plus récents et pertinents que les miens. Je suppose que nous faisons un peu la même chose.

Vous venez nous présenter une situation et vous nous dites qu'elle est générale et qu'elle vaut pour tous. C'est l'impression que vous donnez.

Je vais dans le détail, et je constate que dans certains cas la commandite des compagnies de tabac ne représente que 0,4 de 1 p. 100 des revenus totaux. Vous dites que dans un cas, la commandite représente 80 p. 100 des revenus généraux. Je n'ai trouvé aucun exemple de cela dans le document. Nous avons probablement une impression quelque peu différente si nous étudions les chiffres et les détails de chaque groupe.

Convenons que vous essayez de communiquer une impression et que j'essaie d'en communiquer une autre, complètement différente. J'aimerais revenir à ma question. Est-il déraisonnable de croire, comme principe général, que vous pourriez en fait remplacer une partie du financement que vous verse l'industrie du tabac?

M. Smith: J'aimerais répondre à cette question.

Par exemple, pour le Grand Prix Formule 1 de Montréal, Molson a décidé de ne plus être le principal commanditaire, titre qu'il avait depuis déjà 10 ans. Nous nous sommes tournés vers le marché et personne n'était disposé à remplacer Molson. Coke, McDonald et même Labatt, un concurrent de Molson, n'étaient pas intéressés à remplacer cette société. C'est Players qui s'est porté volontaire.

.1305

Tous les jours nous cherchons de nouveaux commanditaires. Si les compagnies de tabac mettent fin à leurs commandites, on ne se bousculera pas aux portes.

Comme vous le dites, cette commandite ne représente peut-être pas un pourcentage élevé de nos revenus, mais elle représente quand même des millions de dollars et ce n'est pas tâche facile de les remplacer.

Mme Moulton: J'aimerais ajouter quelques mots, si vous me le permettez, monsieur le président.

C'est une chose que d'obtenir des sommes importantes pour financer des événements importants, bien connus. Cependant, dans le cas de manifestations ou de groupes qui opèrent à partir de régions et de collectivités qui n'ont pas ce type de marché, trouver 10 000$ est une chose très difficile. Les gens ne font pas la queue à nos bureaux pour nous offrir ce genre de financement.

Le président: Merci, madame et messieurs, d'être venus. Vos commentaires nous ont été fort utiles.

J'avais espéré, Andy, que vous nous feriez peut-être un peu rire ce matin.

M. Nulman: Je peux simplement dire que si vous voulez rire, vous n'avez qu'à syntoniser CBC ce soir à 20 heures, pour le Just for Laughs Comedy Festival.

Le président: Nous serons devant nos téléviseurs. Merci beaucoup.

J'invite maintenant la Conférence des arts à prendre place à la table des témoins. Nous accueillons Keith Kelly, le directeur national.

Pendant que notre témoin s'installe,

[Français]

je voudrais inviter ma collègue, la vice-présidente du comité, Mme Pauline Picard, députée de Drummond, à prendre le fauteuil pendant quelques minutes.

La vice-présidente (Mme Picard): Nous invitons M. Kelly, de la Conférence canadienne des arts, à nous faire un bref exposé à la suite duquel nous lui poserons des questions.

[Traduction]

M. Keith Kelly (directeur national, Conférence canadienne des arts): Merci, madame la présidente, madame et messieurs les députés, d'avoir permis à la Conférence canadienne des arts de prendre part à cette importante discussion.

Nous participons à la discussion sur la commandite des compagnies de tabac depuis plus de 14 mois. Nous avons procédé pendant cette période à de longues consultations, non simplement auprès de nos propres membres et des artistes de toutes les régions du pays mais également auprès des organisations du secteur de la santé. Nous avons constaté qu'il s'agit là d'une question qui suscite beaucoup d'émotion et où la logique cède souvent sa place aux réactions viscérales des gens qui ont vu des êtres chers mourir ou souffrir de maladies attribuables au tabagisme.

Pour nous, il s'est agi de discuter du financement du secteur des arts. Cependant, il est devenu de plus en plus évident lors de nos travaux qu'il était impossible de séparer le financement des arts du tabagisme.

Nous avons entendu, à maintes reprises, des intervenants de notre secteur et du secteur de la santé parler de ce qu'ils appellent des préoccupations légitimes dans le domaine de la santé associées à la commandite des compagnies de tabac. C'est pour cette raison que le conseil d'administration de la CCA a décidé d'encourager le ministre de la Santé à permettre la commandite par les compagnies de tabac, mais à élaborer une série de restrictions qui répondraient aux préoccupations des intervenants du secteur de la santé. Ainsi, on pourrait prévoir des mesures qui permettraient de s'assurer que les commandites ne seraient pas utilisées pour encourager le tabagisme chez les enfants et les jeunes.

Nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour étudier le projet de loi C-71, mais nous croyons que le message a été entendu par le ministre. Nous avons cependant de sérieuses réserves dont nous aimerions vous faire part.

.1310

Les détails du projet de loi sont très vagues. On nous a dit que les règlements régissant la commandite seront élaborés par des fonctionnaires du ministère de la Santé et du ministère du Patrimoine canadien. Cela ne sera cependant pas fait dans le cadre de consultations publiques comme c'est le cas aujourd'hui. Nous craignons que des fonctionnaires un peu trop zélés n'essaient, grâce aux règlements, de concrétiser l'orientation énoncée par le ministre dans le projet de loi.

Nous croyons que le ministre de la Santé doit nous garantir que les groupes touchés seront consultés lors de la rédaction des règlements, parce que ce sont ces textes qui détermineront vraiment l'avenir de la commandite du secteur du tabac - pas nécessairement l'adoption du projet de loi C-71.

Nous ne voulons pas que nos membres, parce qu'ils acceptent la commandite de compagnies de tabac, soient limités dans leur capacité de promouvoir leurs événements ou leurs activités. Si nous ne pouvons pas dire aux Canadiens ce que nous faisons, nous ne pourrons pas avoir de spectateurs. Nous serons doublement pénalisés.

Nous voulons donc que les règlements soient soigneusement rédigés pour s'assurer que la commandite des compagnies de tabac ne servira pas à promouvoir le tabagisme auprès des jeunes et des enfants. Nous ne voulons cependant pas qu'ils limitent indûment les activités normales des groupes oeuvrant dans le secteur des arts dans toutes les régions du pays.

Aujourd'hui, vous entendrez toutes sortes d'opinions à ce sujet, certaines provenant même de notre secteur. Il serait malhonnête de ma part de vous dire que tout le monde est du même avis dans le secteur des arts. Ce serait faux. Vous rencontrerez plus tard aujourd'hui des représentants du groupe Les artistes pour des commandites sans tabac. Cette divergence d'opinions, à notre avis, est caractéristique des tensions créatrices qui existent en tout temps dans le domaine des arts.

Il y a une autre divergence d'opinions. Les groupes producteurs, qui étaient représentés par le ralliement et qui font partie du CCA, s'inquiètent sincèrement de la viabilité financière des activités artistiques au Canada. Nous avons connu dix ans de réductions imposées par le gouvernement fédéral auxquelles viennent maintenant s'ajouter celles des gouvernements provinciaux et des administrations municipales. Nous avons beaucoup de difficultés à trouver les ressources nécessaires pour conserver les emplois du 1,2 million de Canadiens qui travaillent dans le secteur culturel.

Lorsque vous étudiez la commandite, nous espérons que vous gardez ces facteurs à l'esprit. Il importe que nous ayons les outils nécessaires pour promouvoir nos activités, pour intéresser des commanditaires, non seulement du secteur public mais également du secteur privé. Un régime punitif de restrictions à la commandite des compagnies de tabac amènera d'autres commanditaires à hésiter encore plus à investir dans le secteur des arts.

On a posé un peu plus tôt une question sur les pourcentages que représentent les commandites du secteur du tabac. J'aimerais dire que dans le monde merveilleux des statistiques, vous pouvez arriver à... D'accord j'attendrai peut-être pour répondre à cette question.

Nous nous inquiétons, en ce qui a trait au projet de loi, de la définition de «promotion» et de «publicité de style de vie». Nous croyons qu'il faut étudier de très près ces définitions. Nous nous inquiétons également des dispositions d'application qui entraîneraient peut-être l'imposition d'amendes très importantes pour les conseils d'administration d'organismes du domaine des arts qui auraient enfreint les dispositions de la loi, ce qui représenterait un fardeau financier supplémentaire pour un secteur déjà éprouvé.

Nous vous recommandons d'étudier le modèle utilisé actuellement en Ontario pour la publicité des boissons alcoolisées: lorsqu'il y a infraction, c'est le commanditaire qui fait l'objet de mesures de représailles et non pas l'organisation qui reçoit cette commandite. Je crois que nous reconnaîtrons tous que le secteur du tabac peut facilement absorber ces coûts; ce n'est pas notre cas.

Nous aimerions recommander également une autre modification. Nous pourrions discuter longuement de la question de savoir si la commandite encourage le tabagisme et nuit à la santé. Ce qui nous inquiète cependant c'est la capacité des compagnies de tabac à continuer à faire des dons aux partis politiques fédéraux. Je crois que si l'on veut vraiment donner l'exemple à tous les Canadiens, le projet de loi C-71 devrait interdire tout soutien financier des compagnies de tabac aux partis politiques.

.1315

Pour nous, cela a un lien avec le financement du secteur des arts. On pourrait mettre fin à cette discussion et éviter toute discussion à venir sur la commandite s'il existait la volonté politique nécessaire d'assurer un investissement public adéquat et raisonnable dans le secteur des arts. Tant que cela ne sera pas le cas, le CCA continuera à défendre notre capacité d'établir des partenariats financiers avec le secteur privé, de façon responsable.

Merci.

La vice-présidente (Mme Picard): Merci. Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: La Conférence canadienne des arts regroupe différentes disciplines artistiques. Je me suis toujours posé des questions sur les avantages que pouvaient trouver les compagnies de tabac à financer certains événements d'ordre artistique, particulièrement dans le domaine vocal comme le chant, l'opéra ou le théâtre. Je compare ces activités artistiques à une discipline olympique comme l'athlétisme.

J'aimerais que vous nous parliez de statistiques. Si vous ne pouvez répondre tout de suite, vous pourrez le faire plus tard. Je pense que quelqu'un qui chante l'opéra, ou tout autre chant, ne fume pas. Je ne lui ai pas posé la question, mais je suis sûr que Céline Dion ne fume pas. Les jeunes admirent ces vedettes. Alors à quoi sert-il de financer ce genre d'événement pour les compagnies de tabac?

J'aimerais que vous nous fournissiez des statistiques. Peut-être que par un tel partenariat, les compagnies de tabac essaient de redorer leur image de citoyens corporatifs. Cela peut être attaquable à certains égards, mais je trouve curieux que vous soyez à ce point dépendants des compagnies de tabac au niveau de la commandite.

[Traduction]

M. Kelly: Je ne trouve pas ça étrange du tout. Je crois qu'il s'agit là d'une conséquence naturelle de l'absence de volonté politique de fournir un soutien financier adéquat au secteur des arts. Je dois avouer que nous nous sentons un peu comme des otages dans toute cette affaire. D'un côté il y a les compagnies de tabac qui nous ont appuyés généreusement et qui s'inquiètent de l'impact de cette mesure législative et qui menacent de mettre fin à leurs commandites. De l'autre côté, il y a des projets de loi d'initiative privée, comme celui de M. Clifford Lincoln, qui dit que si on accepte la commandite de compagnies de tabac, on ne sera plus admissible au financement du gouvernement fédéral.

Comment défendre les intérêts du secteur des arts? Quand le bien-être du secteur des arts au Canada devient-il une question importante pour la société canadienne, indépendamment du tabagisme, du tourisme, ou peu importe? Nous nous sentons un peu tiraillés.

Bien des intervenants de notre secteur ne sont pas à l'aise avec la commandite des compagnies de tabac. Je serai le premier à l'admettre, et j'en entends parler tous les jours. Cependant, faute d'autre source réelle de financement, il faudra bien tirer le meilleur parti de la situation et essayer de trouver une façon de répondre aux préoccupations légitimes du public en matière de santé tout en assurant la viabilité du secteur des arts dans toutes les régions du pays.

[Français]

M. Dubé: Vous m'amenez justement à traiter de ce que vous venez presque d'annoncer. En fait, vous défendez la politique du moindre mal. Étant donné que les gouvernements, dans l'ensemble du Canada, se mettent à couper dans les subventions, vous n'avez pas vraiment le choix si vous voulez assurer la survie des arts. Mais si vous aviez le choix et si le gouvernement, par le ministre du Patrimoine canadien, vous donnait une compensation pour rejeter les commandites qui vous viennent des compagnies de tabac pour votre financement, que diriez-vous?

.1320

[Traduction]

M. Kelly: Il importe lorsque l'on parle de fonds de remplacement de reconnaître que si les commandites du secteur du tabac étaient interdites sur-le-champ, il nous faudrait remplacer également d'autres sources de financement.

Le gouvernement pourrait dire qu'il va nous rendre les choses si difficiles que nous ne pourrons plus accepter la commandite de compagnies de tabac, d'autant plus qu'il ne devrait pas être très difficile de remplacer 0,3 p. 100, 0,4 p. 100 ou 4 p. 100 de notre budget. Mais il reste que le gouvernement a réduit de 40, 50 ou 60 p. 100 le financement qu'il accordait à certains groupes. C'est ce financement que nous essayons actuellement de remplacer. S'il devait y avoir un programme de remplacement de financement, il devrait viser à remplacer le financement provenant du gouvernement également, pas simplement celui qui était assuré par les compagnies de tabac.

Dans le monde de la justice naturelle, les gens qui vous créent du tort ont rarement l'occasion de l'évaluer et d'étudier des modalités de dédommagement. Nous croyons que s'il y avait interdiction totale prévue dans la loi ou les règlements, et que les organismes du secteur des arts ne pouvaient pas assumer le risque d'accepter la commandite du secteur du tabac ou que la situation devenait telle que les compagnies de tabac n'étaient plus intéressées à nous commanditer, il faudrait envisager la question du remplacement sous cet angle.

Bref, pour répondre à votre question, je dois dire qu'il s'agit d'un problème beaucoup plus vaste et que nous avons une réponse, une solution plus générale à vous offrir.

[Français]

M. Dubé: J'avais d'autres questions, mais je n'abuserai pas.

La vice-présidente (Mme Picard): Oui, parce que vous avez dépassé votre temps, monsieur Dubé.

M. Dubé: Je m'excuse, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Picard): Monsieur Szabo.

[Traduction]

M. Szabo: Merci.

Monsieur Kelly, j'aimerais vous faire part d'une supposition. J'étudie la liste des témoins et je constate qu'aucune compagnie de tabac ne comparaîtra devant le comité, aucune.

Vous savez quoi? La dernière fois que nous avons étudié les produits du tabac et la question de l'emballage, aucune compagnie de tabac n'a comparu devant notre comité. Une d'entre elles a délégué un avocat, qui représentait ses intérêts, mais aucune compagnie de tabac n'a comparu. Cela donne à penser.

En Amérique du Nord, les législateurs étudient le problème du tabagisme depuis au moins le début des années 70. On ne peut nier qu'au point de vue stratégique, les pressions exercées en raison des préoccupations de santé placent le secteur du tabac dans une situation précaire.

Il faudra probablement un jour interdire complètement le tabac, à moins que son usage ne disparaisse tout simplement en raison des mesures prises par la société. Ce qui se produit ici - et c'est tragique on ne saurait le nier - c'est que la stratégie à long terme du secteur du tabac consiste à choisir le secteur des arts, de la culture et des loisirs pour venir le défendre.

Cela nous place dans une situation plutôt difficile, parce que nous ne nous opposons pas aux arts, à la culture ou aux loisirs, mais vous venez défendre ici le secteur du tabac. Si 10 p. 100 des Canadiens mouraient chaque année en raison du tabagisme, est-ce que votre groupe ou les autres communautés culturelles accepteriez de l'argent - ce serait le prix du sang - du secteur du tabac pour financer vos activités? Y a-t-il des choses que vous n'accepteriez pas?

Je suppose que c'est à cela que ça revient. À mon avis, c'est malheureux, mais vous représentez ici deux groupes d'intérêts différents.

M. Kelly: Pas du tout. Je ne représente qu'un groupe, je vous l'assure.

Au cours des 14 derniers mois, le CCA a été critiqué par le secteur du tabac parce que le Conseil appuie les objectifs de santé publique présentés dans l'ébauche sur le tabagisme; le secteur de la santé nous a critiqués parce que nous défendons les intérêts du secteur du tabac.

Le fait est que nous défendons un seul thème, et ce depuis le début - nous nous préoccupons du secteur des arts. Je me fiche éperdument des profits réalisés par les compagnies de tabac, Ce qui m'intéresse c'est la santé du secteur des arts au Canada.

Dans tous nos exposés, nous nous sommes dits favorables aux objectifs du projet de loi C-71 en matière de santé publique, comme nous l'avions fait précédemment pour son ébauche.

Je ne représente donc qu'un seul groupe.

.1325

M. Szabo: Je vous crois, monsieur. Je voudrais aussi vous demander s'il est possible, à votre avis...?

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Est-ce que vous avez une deuxième question? Il faut qu'elle soit courte parce que nous avons d'autres intervenants.

[Traduction]

M. Szabo: Sachant ce que l'avenir réserve au tabac, pensez-vous qu'il est possible qu'au cours des 20 dernières années, l'industrie du tabac ait eu pour stratégie d'aller vous chercher, plutôt que l'inverse?

M. Kelly: Si elle a tenté de venir nous chercher, elle n'y a guère réussi. Nous avons dû la solliciter humblement en lui soumettant diverses propositions. Dans le domaine du financement, il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus.

Pour nous, la stratégie primordiale à long terme, c'est la santé des arts au Canada. Nous ne voulons pas agir au nom des compagnies de tabac. Comme je l'ai dit, lorsque nous nous déclarons favorables à cet objectif de santé publique, nous nous exposons de façon certaine à la réaction de l'industrie du tabac.

La vice-présidente (Mme Picard): Monsieur Scott.

M. Scott: Merci beaucoup, madame la présidente.

Je tiens à assurer à mon collègue, M. Szabo, que je fais partie de ceux qui ont sollicité des commanditaires, en l'occurrence pour le Theatre New Brunswick, et je peux lui dire qu'il est très rare que des gens vous appellent pour vous proposer de l'argent. Ça n'arrive pratiquement jamais.

Cela étant dit, je tiens à vous féliciter pour votre intervention. Nous essayons de résoudre un problème de santé publique tout en reconnaissant qu'il risque d'en résulter un effet négatif pour une communauté importante.

C'est ce qui apparaît dans une certaine mesure dans le projet de loi; du moins, c'était l'un des objectifs. Il y a trois semaines, on craignait la possibilité d'une interdiction pure et simple. Dans une certaine mesure, vos préoccupations ont fait prévaloir une autre solution. Je suis très content de cette prise de conscience.

Qu'est-ce qui nous sépare encore?

M. Kelly: On ne peut pas le dire avant d'avoir lu les règlements. Nous nous posons des questions très sérieuses quant aux restrictions qui vont peser sur les activités de promotion des organismes, qu'ils soient ou non commandités par l'industrie du tabac. Nous devons regarder de très près non seulement les dispositions de la loi, mais également les règlements.

Nous avons déjà participé à un projet législatif jugé d'un tel intérêt public que le temps était une considération primordiale; je veux parler de la pornographie infantile. À l'époque, nous avons critiqué certaines dispositions au motif qu'elles risquaient de pénaliser des productions artistiques légitimes.

Harvie Andre, qui était alors leader du gouvernement à la Chambre, nous a assurés que toutes les précautions seraient prises et que le projet de loi ne serait jamais utilisé contre des artistes. La première personne accusée en vertu de cette loi a été une artiste professionnelle qui exposait dans une galerie de Toronto des oeuvres qui avaient été choisies collégialement par des artistes en fonction de leur excellence artistique.

Lorsque nous considérons le présent projet de loi, nous voulons le faire avec beaucoup d'attention, en vérifiant s'il ne contient aucune bombe à retardement susceptible de nous pénaliser. La meilleure solution, c'est de préserver la commandite assortie de restrictions raisonnables. Il est trop tôt pour dire ce qui nous sépare encore, à défaut de pouvoir considérer conjointement le projet de loi et les règlements.

M. Scott: Merci.

La vice-présidente (Mme Picard): Monsieur Hill.

M. Hill (Macleod): Je vous remercie de votre exposé.

Pensez-vous avoir eu suffisamment de temps pour étudier cette mesure depuis le début du processus de consultation?

M. Kelly: Nous sommes évidemment intervenus très activement dans le débat sur l'ébauche de projet de loi. Nous avons travaillé avec les médecins pour un Canada sans fumée et avec la Société canadienne du cancer pour réunir des représentants de la communauté artistique et du domaine de la santé dans six villes canadiennes afin de trouver des compromis convenant à tout le monde.

.1330

Cependant, ce projet de loi n'a été déposé à la Chambre que lundi dernier, et nous n'avons pas eu le temps de l'étudier de très près. Nous n'avons pas pu obtenir les avis juridiques nécessaires pour vérifier si les intérêts de nos membres sont respectés.

Comme je l'ai dit, il reste la grande inconnue des règlements. Nous souhaitons être consultés. En fait, j'ai rencontré le ministre de la Santé il y a deux semaines, et il m'a promis de me consulter lors de la rédaction des règlements. C'est très rassurant.

Si nous pouvions nous permettre deux ou trois semaines de plus de réflexion attentive, le projet de loi pourrait nettement être amélioré, au lieu d'être adopté avec tous les défauts qu'il comporte à l'heure actuelle.

M. Hill (Macleod): En plus de faire l'objet de consultations avec vos groupes, estimez-vous que les règlements doivent être avalisés par des élus, pour vous assurer que le gouverneur en conseil ne promulgue pas tout simplement des dispositions auxquelles on ne s'attendait pas?

M. Kelly: Voilà certainement un aspect qui nous inquiète. Une fois adopté, le projet de loi C-71 va donner lieu, comme vous le savez, à toute une liste de règlements. Or, le processus réglementaire se déroule sans participation directe du Parlement, ce que nous jugeons fort regrettable.

La tenue d'audiences publiques comme celles auxquelles nous participons revêt une très grande importance dans l'élaboration de toute politique d'intérêt public. Pourtant, c'est derrière des portes closes qu'on va mettre au point les dispositions vitales du projet de loi pour ensuite le publier dans la Gazette du Canada. Nous aurons alors 60 jours pour le commenter. Nous n'avons aucun moyen de vraiment participer au processus, comme ce serait le cas si l'ensemble des dispositions était déjà énoncé dans le projet de loi.

M. Hill (Macleod): Quel devrait être le comité d'examen, selon vous?

M. Kelly: Il devrait s'agir, d'après moi, d'un comité mixte: pour la réglementation qui touche le milieu des arts, un comité mixte santé-patrimoine devrait être chargé de l'examen de la réglementation.

M. Hill (Macleod): Merci.

M. Kelly: Merci.

Le président: Merci, monsieur Kelly. Je suis convaincu que votre témoignage a été fort utile au comité.

J'invite maintenant Luc Dumulong et ses collègues, de l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie, à s'approcher de la table.

J'invite la personne qui, parmi vous, a la préséance à prendre la parole pour identifier votre groupe et présenter ses collègues.

M. Luc Dumulong (vice-président exécutif, Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie): Bonjour. Je m'appelle Luc Dumulong. Je suis le vice-président exécutif de l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie.

M. David Crauch (président, Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie): Je m'appelle David Crauch. Je suis le président national de l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie.

M. Mark Tobenstein (président du conseil, Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie): Je m'appelle Mark Tobenstein. Je suis un distributeur de Montréal et je suis le président du conseil de l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie.

Je suis quelque peu mal à l'aise d'être devant le micro numéro 13. J'espère que cela ne me portera pas malheur aujourd'hui.

M. Volpe: C'est pourtant un chiffre chanceux en Europe de l'Est et dans le bassin du sud-est de la Méditerranée.

M. Tobenstein: J'espère que vous avez raison. J'évite habituellement la rangée 13 lorsque je prends l'avion.

Des voix: Oh, oh!

M. Dumulong: J'aimerais maintenant présenter notre organisation et faire quelques commentaires au sujet du projet de loi C-71. Après cela, nous serons disposés à répondre aux questions des membres distingués de votre groupe.

L'Association a été créée en 1955 et elle représente des distributeurs en gros indépendants d'un océan à l'autre. Les activités de nos membres ne se limitent pas au tabac et à la confiserie, malgré notre nom. Nos membres distribuent également des produits d'épicerie, de santé et de beauté, de papier, des briquets, des services alimentaires, des fruits et légumes et des viandes fraîches.

Notre association regroupe plus de 140 points de distribution au Canada. L'an dernier, nos membres ont servi plus de 43 000 détaillants d'un bout à l'autre du pays, et leur chiffre de vente a totalisé plus de 14 milliards de dollars. Des milliers d'emplois dépendent des activités de nos membres.

.1335

Nous sommes partie intégrante du réseau de distribution licite des produits du tabac à titre d'intermédiaire entre fabricants et détaillants. Le tabac représente une proportion importante du chiffre d'affaires annuel de la plupart de nos membres. L'an dernier, comme vous le savez, le gouvernement a perçu en impôt sur le tabac plus de 5,9 milliards de dollars.

Nous tenons à signaler que nous ne sommes pas des promoteurs de l'usage du tabac. Nous ne faisons que le distribuer.

Le projet de loi C-71, dans sa forme actuelle, aura de graves répercussions financières sur les détaillants et les grossistes que nous représentons partout au Canada.

J'aimerais tout d'abord vous dire à quel point nos membres sont inquiets du fait que le gouvernement a l'intention d'agir par la voie d'une réglementation dont nous ne pourrons prendre connaissance qu'après qu'elle aura été adoptée. Puisqu'il n'est pas nécessaire de tenir des consultations au moment de la rédaction des règlements, et puisque la période de consultation est très brève, nous estimons qu'il s'agit là d'une démarche injustifiée qui risque de nous priver d'une occasion légitime de participer au processus et de faire valoir nos vues. Nous risquons de nous retrouver devant une réglementation qui nuira au commerce et à l'emploi.

Une interdiction de la publicité au détail aurait des effets extrêmement néfastes pour les clients des grossistes, à savoir les détaillants. Les activités de promotion constituent pour le réseau de distribution une source importante de revenus. Or, ces activités n'ont pas d'incidence sur la décision de fumer ou de faire usage du tabac.

Les règles de présentation des emballages au détail ne sont pas encore connues. Elles doivent être déterminées par réglementation. Les limites imposées en matière de présentation risquent d'avoir des conséquences très néfastes pour les grossistes et les détaillants. Sans les 60 millions de dollars que versent les fabricants aux détaillants, ces derniers risquent d'avoir de sérieux problèmes de rentabilité partout au Canada.

Ce sont les petits détaillants indépendants, des entreprises familiales, qui risquent d'être le plus durement frappés par ces mesures. Avec des règles de présentation modifiées - et c'est ce qui semble ressortir de la mesure législative - les détaillants auront à réaménager leurs étalages à leurs propres frais. Encore ici, ce sont les petits dépanneurs indépendants, qui n'ont que peu de ressources, qui seraient les plus durement frappés.

Les exigences imposées aux grossistes en matière de rapport frappent tout particulièrement nos membres et entraînent un fardeau administratif coûteux, non seulement pour nous mais pour vous également. Puisqu'il s'agit d'un commerce très concurrentiel par les temps qui courent, il faudrait des mises à jour quotidiennes, ce qui exigerait beaucoup de ressources et d'énergie.

Des pénalités inutilement sévères risquent de compromettre l'existence même de certaines entreprises. Une mesure raisonnable doit viser à empêcher les gens de violer la loi, et non pas à les acculer à la faillite.

La mesure introduit la notion de détaillant approuvé, qui doit être définie dans la réglementation. Quels seront donc les critères d'approbation du détaillant?

Compte tenu de l'importance de la catégorie du tabac dans la vente au détail, notamment pour les petits dépanneurs indépendants, pour lesquels le tabac représente jusqu'à 45 p. 100 du chiffre d'affaires, les exploitants actuels pourront-ils répondre aux exigences?

Comme vous pouvez le constater, ce sont les petites entreprises qui seront le plus durement touchées par le projet de loi C-71. Étant donné que la majorité de nos membres sont des grossistes indépendants et des entreprises familiales qui servent la majorité des dépanneurs indépendants du Canada, bon nombre d'entre eux perdraient des clients, ce qui entraînerait des pertes d'emplois aussi bien dans le commerce de gros que de détail.

Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions, si vous en avez.

Le président: M. Dubé, M. Grant Hill et M. Szabo.

[Français]

M. Dubé: À la dernière page de votre mémoire, vous faites plusieurs recommandations. Je sais que vous n'avez pas eu beaucoup de temps. Est-ce que ces recommandations sont dans un ordre prioritaire?

.1340

M. Dumulong: Non. Elles couvrent à peu près l'ensemble des problèmes que nous décelons dans le projet de loi C-71.

M. Dubé: Si je vous demandais s'il y en a une ou deux auxquelles vous aimeriez qu'on accorde une attention prioritaire, lesquelles choisiriez-vous? Vous avez couvert beaucoup de matière.

M. Dumulong: En effet, parce qu'il y avait beaucoup de matière à couvrir. Nous en avons discuté avec les membres du conseil d'administration. Une des choses qui semblent le plus les inquiéter, c'est le manque de consultation et la courte période allouée à tout le monde pour donner un peu son avis et aider le gouvernement à mettre en place une loi qui, tout en appuyant une politique de la santé, prenne aussi en considération les priorités des gens qui sont sur le terrain quotidiennement. On parle des petits indépendants.

M. Dubé: C'est la forme.

M. Dumulong: Oui.

M. Dubé: Si le gouvernement a toujours l'intention d'adopter son projet de loi en troisième lecture d'ici Noël, je suis un peu obligé de vous forcer - disons de vous inciter parce que je veux pas vous forcer - à nous dire rapidement, à nous qui avons à faire l'étude du projet de loi article par article demain après-midi, sur quels points vous aimeriez qu'on se penche davantage. J'avoue que mon attention a peut-être faibli depuis ce matin, mais comme vous en couvrez large, j'aimerais que vous me disiez ce qui est l'essentiel pour vous.

M. Dumulong: Ce sont toutes les lois.

[Traduction]

Vous pouvez intervenir lorsque vous le jugerez opportun.

M. Tobenstein: Le projet de loi vise essentiellement à empêcher les gens, et plus particulièrement les jeunes, de fumer. Or, je ne vois pas comment le fait de supprimer la publicité dans les commerces peut être le moyen d'y arriver. Ce n'est pas la solution.

J'ai pris la peine d'arrêter chez un détaillant pour acheter de l'essence. J'ai demandé à la jeune préposée si, selon elle, la publicité sur les lieux d'un commerce incitait les gens à fumer. Elle m'a répondu que non. Je lui ai demandé si elle fumait et elle m'a répondu qu'elle ne fumait pas. Elle m'a dit qu'elle était très sportive, qu'elle ne voulait pas se faire du tort et que, d'après elle, le fait de fumer n'était pas bon pour la santé.

Elle travaille toute la journée au magasin, m'a-t-elle dit, entourée de cigarettes, et cela ne l'incite pas à fumer. Pourquoi donc est-ce que cela inciterait d'autres personnes à fumer? Tout est là.

Je ne m'oppose pas à l'objectif du projet de loi; je crois tout simplement que c'est la mauvaise façon d'y arriver. Je ne vois pas le rapport entre ce qui est proposé et le fait d'inciter les jeunes à fumer ou à ne pas fumer.

La publicité aux points de vente, telle qu'elle existe à l'heure actuelle, sert surtout à tenter de convaincre les 10 p. 100 des fumeurs qui ne sont pas fidèles à une seule marque de changer de marque. Il s'agit peut-être là de la seule occasion pour les compagnies de tabac de se tailler une part de marché. Je ne crois pas que cela incite les gens à fumer.

Je crois qu'il vous suffirait d'interroger les gens pour vous en rendre compte.

[Français]

M. Dubé: Je vous pose une sous-question un peu ratoureuse. Il reste que qu'en ce qui concerne les pertes, certains détaillants ou dépanneurs ont dit, au cours de consultations informelles, que leur intérêt était surtout d'ordre monétaire. Ils recevraient en moyenne, au Québec, 5 000$ pour conserver un présentoir dans leur dépanneur. Est-ce une simple rumeur? Est-elle fondée ou non?

M. Dumulong: Sur ce plan, c'est négocié à la pièce par les détaillants et les représentants des manufacturiers. Je ne pourrais pas vous donner un chiffre précis pour chaque personne ou chaque opérateur. Cependant, ce sont des montants substantiels. En ce qui concerne les détaillants et les dépanneurs, c'est au Québec qu'on retrouve le plus d'indépendants en fonction de la population et c'est là que plus de gens seront affectés en comparaison des autres endroits au Canada.

Les gens qui font partie d'une corporation qui les appuie, comme celle des Provisoirs, pourront plus facilement faire face aux impacts négatifs. Les indépendants vont disparaître. On contribue donc à renforcer la tendance à ce que les corporations soient de plus en plus fortes que ne le sont les indépendants.

M. Dubé: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Le député de Macleod.

.1345

M. Hill (Macleod): Merci, monsieur le président.

Nous sommes nombreux à être inquiets au sujet de la réglementation. Vous avez dit qu'elle n'était pas définie, que sa portée serait considérable et qu'elle ne serait pas du tout revue par le Parlement. Vous estimez également que le processus de consultation n'est pas suffisant. Que doit-on faire, selon vous, pour que la réglementation fasse l'objet d'un examen plus rigoureux.

M. Dumulong: Idéalement, je suppose que tout devrait être inclus dans la loi de manière à ce que nous puissions en discuter et faire valoir nos points de vue devant le comité. Ainsi, la réglementation adoptée serait raisonnable. Elle tiendrait compte des objectifs du gouvernement aussi bien que des inquiétudes des détaillants et des grossistes. Nous avons l'impression d'avoir été tout à fait laissés pour compte dans ce processus. Je ne vois...

M. Hill (Macleod): Évidemment, la réglementation ne fait pas partie du projet de loi. Lorsqu'elle aura été formulée, comment pourrons-nous faire en sorte que vos intérêts soient protégés?

M. Dumulong: Nous aimerions beaucoup participer à une forme quelconque de consultations. J'estime que notre point de vue est d'une extrême importance. Nous représentons beaucoup de gens, des gens qui créent de nombreux emplois, et un grand nombre de petits exploitants dont le gouvernement doit tenir compte.

M. Hill (Macleod): Il doit y avoir des consultations, et qui doit ensuite étudier la réglementation? Doit-elle tout simplement être acheminée au gouverneur en conseil? Doit-elle être soumise à des élus?

M. Dumulong: Les élus doivent donner leur aval à la réglementation. Après tout, s'ils sont élus, c'est pour veiller à ce que toutes les lois adoptées par le gouvernement soient conformes à la volonté de la population qui les a élus.

M. Hill (Macleod): A quel comité devrait-on confier un tel examen...?

M. Dumulong: Il faudrait, je crois - à moins que je ne me trompe - un comité mixte auquel participeraient les ministères des Finances ou du Revenu et de l'Industrie et du Commerce, de manière à ce que l'examen déborde le cadre de la santé. En plus des spécialistes de la santé, il faut d'autres participants, de manière à ce que la question soit étudiée dans une perspective plus vaste. Il faut éviter d'avoir des oeillères.

M. Hill (Macleod): Si cela se produisait, si cette occasion vous était donnée, jugeriez-vous le projet de loi moins inquiétant?

Oui, allez-y, monsieur Crauch.

M. Crauch: Si nous connaissons certaines des dispositions réglementaires prévues, je crois bien que...

M. Hill (Macleod): Ce ne sera pas le cas. C'est-à-dire que je ne les connais pas.

M. Crauch: Non. C'est la première fois que je participe à ce genre de processus, mais il me semble extrêmement frustrant de ne pas vraiment... Nous nous inquiétons des problèmes possibles pour nos entreprises. Nous sommes tous des grossistes indépendants; nous représentons des grossistes indépendants et nous servons des détaillants indépendants.

Nous nous inquiétons des problèmes qui risquent de découler d'une initiative qui vise à résoudre un problème dont nous reconnaissons tous l'existence. Nous ne voulons pas inciter les jeunes à fumer. Mais le gouvernement semble vouloir exercer des pressions à tous les niveaux, ce qui n'est pas nécessaire. Si c'est la seule solution, des consultations nous rendraient la tâche plus facile. Cependant, nous aimerions tout d'abord prendre connaissance de la mesure dans son ensemble.

M. Hill (Macleod): Merci.

Le président: Nous allons maintenant changer de côté et passer à de brèves interventions de la part de la députée de St. John's-Est, Bonnie Hickey, et ensuite, du député de Vancouver-Sud, Herb Dhaliwal.

Mme Hickey: Merci, monsieur le président.

Vous nous avez dit que le projet de loi C-71 aurait une incidence sur la présentation des produits du tabac. À l'heure actuelle, dans les petits magasins et dépanneurs, il y a souvent un gros présentoir immédiatement derrière le comptoir. Ce présentoir a certainement pour effet de mettre en vedette les produits du tabac auprès des jeunes. Comment envisagez-vous de modifier l'étalage de manière à dissuader les jeunes de fumer?

M. Dumulong: Nous avons justement abordé cette question plus tôt, Mark, en parlant des avertissements.

M. Tobenstein: Je ne comprends pas votre question. Que dites-vous au juste? Vous dites que les présentoirs encouragent les gens à fumer?

Mme Hickey: En effet. Les présentoirs sont là derrière le comptoir dans chaque magasin. Ils occupent beaucoup d'espace.

M. Tobenstein: En quoi cela encourage-t-il les gens à fumer?

Mme Hickey: Ils sont là, juste devant le client. Le client les voit. Il les regarde.

M. Tobenstein: Fumez-vous la cigarette?

.1350

Mme Hickey: Je fumais auparavant.

M. Tobenstein: Je suis non-fumeur. Lorsque j'entre dans le magasin et que je vois le présentoir à cigarettes, je ne suis pas incité à fumer. Tous ceux à qui j'ai posé la question m'ont répondu que cela ne les incitait pas à fumer.

Mme Hickey: Je ne suis pas d'accord. Supposons que je sois dans un magasin et que j'aie oublié ce que j'allais acheter. Si à ce moment-là j'aperçois l'image d'un pain, par exemple...

M. Tobenstein: Oui, mais un pain c'est autre chose. Si vous entrez au magasin et vous voyez un étalage de bonbons, il se peut que vous décidiez de prendre un sac de croustilles ou une tablette de chocolat. C'est ce qu'on appelle des achats spontanés. Or, on n'achète pas spontanément un produit du tabac ou de la bière. Les gens qui ne fument ou ne boivent pas ne vont certainement pas acheter de la bière ou des cigarettes à cause de l'emballage. J'en suis convaincu.

Mme Hickey: Si les étalages n'ont pas une si grande valeur pour elle, pourquoi l'industrie du tabac est-elle disposée à payer les propriétaires de magasins pour mettre en vedette leur produit?

M. Crauch: Les fabricants cherchent à inciter le consommateur à changer de marque. Dans l'économie de marché qu'est la nôtre, les compagnies se font concurrence. Cette concurrence ne vise pas le non-fumeur, elle vise la personne qui a déjà pris la décision de fumer. Les entreprises tentent d'accroître leur part du marché. Tout le monde se rend bien compte que les fabricants sont à l'affût des bénéfices. Il est évident qu'ils s'efforcent de porter leurs bénéfices au maximum, ce qui est leur droit le plus strict dans notre société.

Comme l'a dit Mark, les statistiques ont montré que l'achat de bonbons peut être un achat spontané. Devant un étalage de bonbons, il se peut que je décide d'acheter. Or, je suis un non-fumeur. J'ai déjà vu des étalages de cigarettes, mais je n'en ai jamais encore acheté. La décision de fumer peut dépendre de la pression exercée par les pairs et d'une foule d'autres facteurs, mais elle ne dépend pas des étalages.

M. Tobenstein: Nous avons mené une enquête pour le compte de notre association. Elle nous a permis de constater que, parmi les fabricants - et nous comptons parmi nos membres un grand nombre de fabricants de bonbons et de produits du tabac - les fabricants de bonbons veulent augmenter le nombre d'étalages et de points de vente, tandis que les fabricants des produits du tabac en veulent moins. Si vous avez raison de dire que les gens vont se mettre à fumer parce qu'ils sont exposés à des étalages de cigarettes, alors pourquoi les fabricants de cigarettes ne souhaitent-ils pas une augmentation du nombre de points de vente? Pourquoi souhaitent-ils qu'il y en ait moins?

Mme Hickey: Je suppose qu'un adulte peut se dire que l'annonce n'incite pas à fumer, mais je crois que l'étalage contribue à la décision que prend l'enfant ou le jeune au sujet de la cigarette.

M. Dumulong: Santé Canada a mené une enquête auprès des jeunes, me semble-t-il, il y a de cela un an ou un an et demi. On a demandé aux jeunes de citer en ordre d'importance les raisons qui les incitaient à fumer. Or, c'est la pression exercée par les pairs qui figure en tête de liste. La publicité n'était même pas citée. La décision de fumer peut être attribuable à toute une série de facteurs sociétaux et économiques - le stress, les problèmes familiaux et ainsi de suite. Il s'agit d'un problème de société. La question n'est pas simple. Elle est fort complexe.

Mme Hickey: Merci.

Le président: Monsieur Dhaliwal.

M. Dhaliwal: Merci, monsieur le président.

J'ai été pompiste dans ma jeunesse et on m'a toujours dit que la vente des cigarettes n'était pas très profitable, que les marges bénéficiaires étaient très minces. Si on vend des cigarettes, c'est notamment pour inciter les gens à venir au magasin et non pas tant pour faire de l'argent. Si l'industrie du tabac paie les gens pour vendre des cigarettes, c'est entre autres parce que les marges bénéficiaires sont restreintes, justement, et les fabricants fournissent même les présentoirs.

Vous parlez de difficultés pour les propriétaires de magasins. À l'heure actuelle, le magasin a son présentoir où sont exposées les du Maurier, les Rothmans et autres marques. Si j'ai bien compris, selon le projet de loi, les commerçants seront obligés de déplacer les présentoirs, d'en réduire la taille, et peut-être d'entreposer les cigarettes à un autre endroit.

Il est pratique pour les commerçants de combiner l'entreposage et la publicité en un seul et même endroit. Or, vous nous dites que la mesure proposée va obliger les commerçants à retirer les étalages qui servent actuellement aussi bien à l'entreposage qu'à la présentation du produit. Est-ce bien ce que vous êtes en train de nous dire?

.1355

M. Tobenstein: Les commerçants vont devoir changer de système puisqu'ils ne pourront pas présenter le produit de la même façon. Il leur en coûtera évidemment quelque chose. Nous avons également fait observer que les commerces reçoivent à l'heure actuelle un revenu - de l'ordre de 6 000$ par année en moyenne, selon nos calculs - qui leur est bien utile. Avec la situation économique actuelle, leur situation est assez précaire. Qu'adviendra-t-il s'ils perdent cette source de revenus? Il y aura peut-être un redressement à long terme, mais combien d'entre eux risquent d'être obligés de fermer boutique?

J'aimerais souligner également que, à l'époque où il y avait un grave problème de contrebande au Québec et où 70 p. des produits du tabac étaient vendus dans les cours d'école et dans les rues, nos détaillants n'arrivaient pas à vendre de produits de confiserie - des produits que le consommateur achète spontanément, comme nous le disions tout à l'heure - puisque personne ne fréquentait les magasins.

M. Dhaliwal: J'aurais une dernière question.

Nous comprenons tous les effets de la cigarette sur la santé. D'après les statistiques, les personnes qui n'ont pas commencé à fumer entre les âges de 16 et 19 ans ne fumeront jamais, dans99 p. 100 des cas. Or, pour survivre, l'industrie dépend de nouveaux fumeurs. Autrement, elle va cesser d'exister. Je crois pour ma part que les gens ont tendance à moins fumer et j'espère que cela va continuer. Votre groupe s'est-il penché sur la réalité d'une diminution du nombre de fumeurs à long terme? Comment tentez-vous de composer avec une telle perspective? Quelles sont vos solutions? Faites-vous des efforts pour vous adapter à la perspective d'une baisse du nombre de fumeurs et des ventes de cigarettes à l'avenir?

M. Tobenstein: Nous tentons depuis des années de nous diversifier vers d'autres produits. Lorsque je me suis lancé en affaires, il y a plus de 27 ans, nous vendions surtout des bonbons et des produits du tabac, ainsi qu'une certaine quantité de boissons gazeuses et de journaux. À l'heure actuelle, nous vendons des produits d'épicerie, du vin, du fromage, des journaux et toutes sortes d'autres produits en papier. Nous nous efforçons de diversifier nos produits en prévision d'une baisse éventuelle des ventes des produits du tabac,

M. Dhaliwal: Merci.

Le président: Merci.

Je tiens à vous remercier Luc, et à remercier vos collègues. Votre témoignage a été utile. Si vous voulez ajouter quelque chose, n'hésitez pas à nous faire parvenir vos commentaires par télécopieur. Nous avons dû limiter le temps des comparutions à cause du très grand nombre de témoins qui souhaitaient comparaître. Merci encore.

[Français]

Je souhaite maintenant la bienvenue à la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac et à son coordonnateur, Louis Gauvin, ainsi qu'à ses collègues. Bienvenue.

[Traduction]

Pendant que nous nous préparons à accueillir un nouveau groupe de témoins, permettez-moi de signaler que le greffier a travaillé diligemment à préparer une liste de témoins pour demain matin. Il semble que nous allons entendre des témoins de 9 h à 13 h 30 environ, après quoi nous passerons à l'étude article par article.

[Français]

M. Louis Gauvin (coordonnateur, Coalition québécoise pour le contrôle du tabac): Monsieur le président du comité, mesdames et messieurs, membres du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac est venue vous présenter l'appui de 312 organisations du Québec au projet de loi qui a été déposé au Parlement canadien.

M. Mario Bujold, directeur du Conseil québécois sur le tabac et la santé, m'accompagne. M. Gilles Lépine, qui se joindra à nous dans quelques instants - il est déjà ici - représente la Fédération du sport étudiant, région de Québec, et le Dr Laurent Marcoux est directeur de la Santé publique de la région de Lanaudière, une région productrice de tabac.

.1400

La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac a été lancée au mois de juin, il y a bientôt six mois, avec l'objectif de faire adopter des mesures législatives antitabagiques efficaces et vigoureuses. Le regroupement compte actuellement 312 organismes, au moment où l'on se parle, provenant de toutes les régions du Québec et représentant divers secteurs de la société. Outre les institutions de santé et les organisations de lutte au tabagisme, nous comptons aussi des membres parmi les milieux d'éducation, les milieux de jeunes, les municipalités, les groupes écologiques et communautaires, et la Coalition augmente de jour en jour.

La Coalition a établi une plateforme de demandes pour des mesures législatives, qu'on peut résumer en cinq points:

1) l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs;

2) l'interdiction de toute promotion du tabac, qu'il s'agisse de publicité ou de commandite;

3) un contrôle efficace sur la fabrication des produits du tabac;

4) l'élimination de la fumée de tabac dans les endroits publics, les milieux de travail et les institutions scolaires;

5) un soutien offert aux fumeurs qui désirent mettre fin à leur habitude.

Ces deux derniers points ne font pas l'objet du présent projet de loi.

Dr Laurent Marcoux (Coalition québécoise pour le contrôle du tabac): À titre de représentant de la Santé publique, je désire rappeler quatre aspects qui singularisent le tabac au Québec par rapport à l'ensemble canadien.

Tout d'abord, il y a celui de la mortalité et de la souffrance. Le Québec paie un très lourd tribut à l'usage du tabac. Selon les données les plus récentes, le tabac est responsable du décès de près de 12 000 Québécois chaque année, dont une bonne partie chez des non-fumeurs.

Vient en second lieu le niveau de consommation du tabac. La plus récente étude de Santé Canada nous a révélé que c'est au Québec que le taux de tabagisme est le plus élevé au Canada, non seulement dans l'ensemble de la population, mais aussi, ce qui est fort inquiétant, chez les jeunes de 11 à 14 ans et ceux de 15 à 19 ans. Dans le document qui a été déposé, vous avez les statistiques relatives à ces affirmations.

Il s'agit, dans un troisième point, de la vente de tabac aux mineurs. Deux enquêtes nationales indépendantes réalisées à peu près à pareille date l'an dernier, l'une pour le Bureau de contrôle du tabac de Santé Canada, l'autre par la Société canadienne du cancer, en sont arrivées aux mêmes conclusions: de toutes les provinces canadiennes, c'est au Québec que les jeunes se procurent des cigarettes avec le plus de facilité. Selon l'étude à laquelle on se réfère, les proportions de commerçants complaisants varient de 75 p. 100 à près de 100 p. 100.

Enfin, quatrièmement, la commandite des produits du tabac est omniprésente au Québec. De plus, depuis la décision de la Cour suprême sur la publicité, on assiste à une relance marquée de la publicité traditionnelle des produits du tabac.

Le réseau de santé publique québécois reconnaît donc la nécessité de mesures législatives rigoureuses qui agiront en synergie avec les autres mesures. Merci.

M. Gauvin: M. Gilles Lépine ne s'étant pas encore joint à nous, je me fais son porte-parole en tant que représentant de la Fédération québécoise du sport étudiant. Il allait nous dire qu'il est particulièrement en faveur des restrictions qui seront imposées à la commandite des événements culturels, mais surtout sportifs, en ce qui le concerne.

La commandite des événements sportifs par l'industrie du tabac est une aberration. Le sport exalte la performance physique, est un stimulant pour la santé et augmente la qualité de vie. L'usage du tabac, au contraire, diminue la performance, détruit la santé et réduit la qualité de vie.

Pour toutes ces raisons, les intervenants du sport étudiant au Québec ont fait le choix de ne jamais accepter de commandite du tabac.

Venons-en au projet de loi proprement dit. Les mesures énumérées dans le projet de loi correspondent à celles que prône la Coalition - vous les avez entendues au début dans notre présentation - et nous les considérons comme d'énormes gains pour la santé publique. Certes, elles ne vont pas aussi loin que nous l'aurions souhaité, mais cela n'affecte en rien notre appui à ce projet de loi.

En fait, nous appuyons entièrement et sans réserve l'esprit du projet de loi tel qu'énoncé par le ministre de la Santé devant ses collègues de la Chambre et devant les médias. Cependant, à la lecture du projet de loi, nous constatons que d'importantes lacunes dans le libellé de la loi mineront indubitablement son esprit.

Nous aimerions donc vous signaler les plus importantes faiblesses en espérant vous convaincre d'adopter des amendements qui rectifieront ce qui va à l'encontre des intentions des législateurs. Au meilleur de nos connaissances, ces améliorations sont conformes aux positions exprimées par les porte-parole de toutes les parties qui se sont prononcées sur ce projet de loi.

Nous avons identifié une série d'amendements souhaitables, que vous trouverez dans l'annexe A ci-jointe. Pour l'instant, nous nous en tiendrons aux principales améliorations que nous réclamons quant à la commandite, à la publicité et à l'étiquetage.

.1405

Premièrement, nous demandons la création d'un plafond sur la commandite de façon à interdire la commandite de nouveaux événements et installations et à limiter les dépenses liées à la commandite aux montants déboursés en 1996, ce qui aurait pour intérêt de protéger les événements actuellement existants.

Deuxièmement, nous demandons l'interdiction de toute forme de promotion des produits du tabac sur les produits autres que le tabac.

Troisièmement, nous demandons la restriction de la publicité permise à ce que la Cour suprême considère comme approprié, en supprimant toute référence à la publicité «préférentielle» et en renforçant le terme «caractéristiques» avec l'ajout de «physiques», «quantifiables» ou «tangibles» comme qualificatif.

Enfin, nous demandons le renforcement des restrictions sur l'étiquetage pour pouvoir inclure des messages portant sur des aspects de la cigarette autres que les questions exclusives de santé afin de pour pouvoir interdire d'éventuelles variantes concoctées par l'industrie.

Voyons la promotion d'abord, soit les articles 24 à 27. La Coalition s'oppose en principe à toute commandite de tabac tout en encourageant la création d'un fonds de compensation pour les événements présentement commandités.

Cependant, les restrictions proposées constituent une amélioration et, en permettant certaines formes de commandite, ne nécessitent pas de fonds de compensation. Le cadre dans lequel la commandite liée au tabac est permise est tout à fait conforme à ce que d'autres compagnies considèrent comme déjà normal, par exemple les compagnies de produits pharmaceutiques. Il empêche l'exploitation d'une commandite à des fins promotionnelles dépassant l'événement en question comme, par exemple, l'annonce de la Course Formule 1, commanditée par Rothmans, qui est un événement local d'une fin de semaine, mais dont on voit la publicité dans toute la province à longueur d'année.

Il reste néanmoins des lacunes qu'il faudrait éliminer. Tout d'abord, il est étrange que seule la commandite liée à des événements, activités ou personnages qui sont attrayants pour les jeunes ou qui sont associés à un style de vie soit assujettie aux restrictions énoncées dans le projet de loi. Le projet de loi ne prévoit aucune restriction sur la commandite d'autres types d'activités. Les compagnies de tabac pourront donc créer un événement d'un jour qui échappe aux critères de la loi, par exemple un festival du solstice d'été, et le promouvoir avec des campagnes publicitaires sophistiquées et séduisantes pour les associer à leur marque de cigarettes à l'année longue.

À notre avis, cette concession est tout à fait inutile. C'est pourquoi les alinéas a) et b) de l'article 24, qui établissent les critères promotionnels applicables, de même que le paragraphe (4) du même article, qui permet les autres types de commandite, devraient être éliminés.

Dans son jugement sur la publicité, la Cour suprême a clairement dit que la publicité «style de vie» et les commandites pouvaient être complètement interdites, mais en plaçant des restrictions sur la commandite au lieu de l'interdire, le gouvernement semble avoir voulu répondre aux préoccupations des événements culturels et sportifs qui dépendent de la commandite de tabac et qui craignent une perte de financement.

Bien que nous soyons prêts à accepter ce compromis, nous soulignons que cette largesse sera certainement exploitée par les fabricants de tabac, qui multiplieront le nombre d'événements commandités et intensifieront la promotion de leurs marques de cigarettes par le biais de ceux-ci.

Tout en protégeant les événements qui dépendent présentement du financement de l'industrie, il faudrait empêcher le problème de s'aggraver au fil des ans. Il en découle qu'un plafond sur la commandite devrait être créé pour interdire la commandite de nouveaux événements et limiter les dépenses liées à la commandite aux montants actuellement déboursés en 1996.

Le second point porte sur la promotion par des produits autres que le tabac, traitée dans les articles 25, 27 et 28. Dans le même ordre d'idées, aucun produit autre que le tabac ne devrait pouvoir servir de promotion de marques de cigarettes. Une telle mesure permettra d'empêcher des manoeuvres comme le train Marlboro aux États-Unis, d'où notre demande d'amendement.

Je vous présente M. Gilles Lépine de la Fédération québécoise du sport étudiant, région de Québec.

Toute nouvelle installation ou nouvelle appellation donnée à une installation existante liée au tabac devrait être interdite. Les critères définissant les produits pour lesquels l'affichage est interdit devraient être supprimés.

Promotion et publicité constituent le troisième point. Le jugement de la Cour suprême a laissé entendre que l'industrie devrait pouvoir communiquer certaines informations sur ses produits à ses clients, comme ses caractéristiques physiques, le pH, le taux de goudron, la nicotine, les filtres ventilés, etc.

La notion de «publicité informative» répond à ce concept en autorisant la transmission de renseignements pertinents sur les produits à leurs consommateurs, sans les promouvoir par le biais de notions extrinsèques au tabac, comme le style de vie ou le succès social. Nous appuyons entièrement cet objectif.

Cependant, nous croyons que le texte de loi contient des faiblesses quant à la définition du type d'information permise. Nous croyons qu'un renforcement de cette définition est essentiel pour limiter l'information en question tout en autorisant l'inclusion des caractéristiques physiques quantifiables, tangibles ou concrètes qui distinguent une marque de cigarettes d'une autre, par exemple sa dimension ou sa teneur en nicotine.

.1410

Dans la définition de «publicité informative», le terme «caractéristiques» devrait être étoffé en ajoutant le terme «physiques», «quantifiables» ou «tangibles».

De plus, il faudrait supprimer toute référence à la publicité préférentielle pour empêcher l'utilisation de caractéristiques créées de toutes pièces par l'industrie, mais qui pourraient être considérées comme des caractéristiques réelles de la marque, par exemple l'attrait féminin de Virginia Slims, la qualité traditionnelle d'Export A, la sophistication de du Maurier ou le courage associé à Rothmans. Donc, toute référence à la publicité préférentielle devrait être supprimée.

Enfin, il y a l'étiquetage. Les paquets de cigarettes constituent l'élément principal des campagnes de promotion de l'industrie du tabac. Ils confèrent aux différentes marques leur image distinctive et sont inextricablement liés aux campagnes publicitaires.

De plus, ils sont des supports publicitaires en eux-mêmes et atteignent des millions de fumeurs chaque jour. Le contrôle des messages qui apparaissent sur ces paquets est donc essentiel. Le contrôle devrait couvrir non seulement les avertissements de santé, mais aussi des messages qui dépassent ce domaine, comme les conséquences sociales et économiques qui sont aussi des considérations importantes.

De plus, ce contrôle devrait pouvoir empêcher la création de messages rédigés par l'industrie, messages qui chercheraient, par exemple, à contredire les messages de santé.

C'est pourquoi la référence aux informations sur les emballages ne devrait pas être limitée aux avertissements de santé, mais pouvoir être plus large. La possibilité d'interdire certains autres messages devrait aussi être prévue.

J'ajoute un élément qui n'est pas dans le mémoire. Dans les définitions, il faudrait inclure la couleur dans les éléments de marque. C'est à l'article 2.

M. Mario Bujold (Coalition québécoise pour le contrôle du tabac): En terminant, tant le Conseil québécois sur le tabac et la santé, que je représente, que la Coalition croient que le projet de loi qui est proposé est loin d'être un projet de loi extrémiste, qui irait à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne, comme le prétend l'industrie du tabac.

En réalité, cette loi donne le même pouvoir au gouvernement et impose le même cadre réglementaire à l'industrie du tabac que ceux dont s'accommodent très bien, depuis plusieurs années, l'industrie pharmaceutique ou encore l'industrie de l'alimentation, qui est beaucoup plus réglementée que celle du tabac.

Dans les faits, ce sont les manufacturiers du tabac qui ont bénéficié d'un traitement d'exception depuis toujours, compte tenu de la toxicité de leur produit. Par son projet de loi sur le tabac, le gouvernement met enfin les pendules à l'heure en ce qui concerne le tabac et confère à ce produit un statut conforme à sa nocivité. En effet, faut-il rappeler que le tabac tue trois fois plus de Canadiens et de Canadiennes que le sida, l'alcool, les drogues illicites, les accidents de la route, les suicides et les meurtres combinés? Il est vraiment temps que le tabac ait le traitement qu'il mérite. Merci.

M. Gauvin: Monsieur le président, excusez-nous d'avoir excédé un peu le temps qui nous était alloué.

Le président: Merci beaucoup. Nous inaugurerons la période des questions avec notre collègue, M. Antoine Dubé.

M. Dubé: D'abord, je dois vous féliciter pour la présentation de votre mémoire. Ce que vous avez présenté était un résumé, mais j'ai feuilleté rapidement toute votre analyse et même vos propositions d'amendements et constaté que, malgré le peu de temps que vous avez eu à votre disposition, vous avez travaillé vite et bien.

Je tiens à rappeler encore une fois que l'Opposition officielle, le Bloc québécois, a voté en faveur du projet de loi en deuxième lecture, parce qu'en deuxième lecture, il s'agissait des objectifs poursuivis. Nous avons des réserves et nous les ferons valoir lors de l'étude article par article. Vous savez que nous avons des réserves en ce qui a trait à la commandite.

D'ailleurs, je sens bien que vous n'êtes pas insensibles aux pertes d'argent que risquent de subir les événements sportifs et culturels d'envergure. Vous n'y êtes pas insensibles puisque vous suggérez quelque chose, par exemple un fonds de compensation qui serait gelé au niveau des commandites actuelles. En cela, vous démontrez que vous n'êtes pas insensibles à cela.

Vous reconnaissez les inconvénients qui en découlent pour les victimes, pour utiliser votre langage, mais en même temps, vous savez bien que le gouvernement a dit à plusieurs reprises - et le ministre l'a redit vendredi - qu'il n'avait pas l'intention de compenser et que la ministre du Patrimoine canadien n'a pas, elle non plus, l'intention de compenser.

.1415

On verra cela en troisième lecture, mais c'est un fait qu'on ne peut pas ignorer. Donc, devant la position ferme que maintient le gouvernement actuellement, est-ce que vous maintiendrez la vôtre? Vous supposez que le gouvernement va accepter votre proposition, mais ça ne sera pas le cas. Maintenez-vous quand même votre position malgré tout?

M. Gauvin: En fait, monsieur Dubé, notre recommandation ne s'adresse pas au gouvernement. Elle répond aux menaces de l'industrie. L'industrie a dit que si les restrictions sur la commandite étaient maintenues, elle allait reconsidérer les investissements qu'elle faisait dans le domaine de la commandite, au point que M. Andy Nulman et monsieur de la Formule 1 sont venus nous dire que l'été prochain leurs événements pourraient être compromis. Vous avez entendu cela comme moi, ce matin.

Nous disons à ces groupes qui ont fait part de leurs préoccupations que nous proposons au gouvernement, pour ne pas les pénaliser, qu'il y ait un amendement au règlement qui dise qu'en ce qui concerne les événements actuels, l'industrie peut continuer à les subventionner, mais à partir du moment où la loi sera adoptée, il ne pourra plus y avoir de nouvelles commandites ce qui, pour nous, serait un compromis acceptable.

Nous ne demandons pas au gouvernement de créer un fonds de compensation. Nous disons que les subventions actuelles aux événements pourraient être autorisées à condition qu'il n'y ait pas de nouveaux événements. Donc, nous recommandons qu'il y ait une limite dans le temps à la commandite, qu'il n'y ait pas de nouveaux événements et qu'il y ait également un plafond aux montants investis par l'industrie. Nous croyons que c'est un compromis intéressant.

M. Dubé: Je suis avec vous dans cette recherche d'un compromis. On verra plus tard.

Vous avez ajouté, à mon avis, un dernier aspect très intéressant. À ce sujet, je suis entièrement d'accord avec vous de même que l'Opposition officielle; c'est sur le soutien offert aux fumeurs qui décident de mettre fin à leur habitude. On pourrait aller beaucoup plus loin que ce que le gouvernement entend faire pour faire la promotion de la qualité de vie dont jouit quelqu'un qui ne fume pas.

Je m'adresse peut-être à quelqu'un du monde du sport amateur. Comme je le disais un peu plus tôt, un athlète aux Olympiques, M. Bailey, ne fume sûrement pas; M. Surin non plus. Les athlètes qu'on dit «amateurs» bénéficient aussi de commandites. Je ne sais pas s'il y en a qui bénéficient de commandites de tabac. M. Villeneuve ne fume pas et Céline Dion non plus, etc.

Vous êtes conscients que le gouvernement n'a pas développé une approche suffisamment positive à l'égard du bien-être qu'on ressent quand on ne fume pas. J'ai fait un peu de course, non pas le marathon, mais dix kilomètres, et je savais que fumer n'était pas compatible avec cela. Il me semble qu'on devrait trouver contradictoire que le gouvernement soit en train de couper toutes les subventions aux sports amateurs, à beaucoup de disciplines olympiques. Par exemple, Myriam Bédard a une énorme difficulté à se faire aider pour aller représenter le Canada sur la scène internationale. Ne trouvez-vous pas contradictoire, monsieur Lépine, ce genre d'approche? Est-ce que vous y êtes sensible autant que M. Gauvin l'est aux commandites des événements?

M. Gilles Lépine (Coalition québécoise pour le contrôle du tabac): J'y suis tout aussi sensible, monsieur le député. On peut y voir des paradoxes; d'un côté, on tente d'éduquer nos jeunes et vous savez combien c'est parfois difficile. On investit le peu d'argent qu'on reçoit du gouvernement ou des gens qui financent, par exemple. Dans le sport étudiant et dans les nombreuses écoles que je représente, on tente d'éduquer les jeunes à une meilleure éthique sportive, à avoir une meilleure santé, une meilleure philosophie, mais avec les moyens que l'on a.

Si on arrive, avec plusieurs milliers de dollars, à donner une image gratifiante de la cigarette, à dire que fumer va faire qu'on va vous prendre pour un grand, à bonifier l'image que vous voulez projeter de l'adulte que vous êtes, je pense qu'essayer de compenser, c'est se battre contre Goliath.

Je comprends les gens de tennis. Je suis moi-même un amateur de tennis. Je comprends ce qui peut se passer. Si d'un côté, je valorise certains joueurs de tennis qui sont, à l'occasion d'un événement, commandités par des firmes telles que du Maurier ou Players et que, d'un autre côté, je projette une image très positive de la cigarette, je néglige ces gens-là.

.1420

En bout de ligne, même si on dit qu'on amène au bûcher ceux qui sont les otages, les organismes commandités, je ne voudrais pas oublier les 13 000 Québécois qui, chaque année, en meurent. Si au moment où on se parle, il y en a 32 qui meurent, et si on peut, en tentant de limiter cette normalisation de la cigarette, abaisser ce nombre de quelques vies, ce sera déjà un progrès. C'est là-dessus qu'on doit se battre.

Si je travaille pour l'éthique dans le sport et que, d'un autre côté, le hockey encourage la bagarre, j'ai de la difficulté à convaincre les jeunes d'arrêter de se battre. Il en va de même pour la cigarette. J'ai beau travailler pour la santé, mais si, d'un autre côté, on normalise et que les jeunes qui écoutent la télévision entendent le Festival Juste pour rire ou... Excusez-moi, messieurs, si j'ai été long.

M. Dubé: Je n'estime pas que votre appui...

[Traduction]

Le président: Je m'excuse; le temps est écoulé. Il nous faut garder du temps pour les autres témoins.

M. Hill a dit vouloir poser une question, mais il n'est pas ici. Y a-t-il quelqu'un d'autre? Non.

Alors, allons-y.

[Français]

M. Dubé: Vous avez un autre élément dans votre sommaire, au point 4, qui est l'élimination de la fumée de tabac dans les endroits publics. Qu'est-ce que vous entendez par endroits publics? Est-ce que c'est ce à quoi semble avoir renoncé le Québec, entre autres les bars et restaurants?

M. Gauvin: Évidemment, cela ne fait pas partie de l'objet de la présente loi. Le gouvernement a déjà des lois qui touchent certains espaces publics, gouvernementaux et autres.

Pour répondre précisément à votre question, notre plateforme vise à élargir, au Québec en tout cas, ce qu'on peut entendre par «lieux publics» pour y inclure tout lieu accessible au public, qu'il s'agisse de restaurants, d'écoles ou d'hôpitaux. Vous savez comme moi qu'on peut, tout en observant la loi actuelle de protection des non-fumeurs, fumer dans les écoles et les hôpitaux. Cela se produit d'ailleurs présentement. C'était l'objectif de plateforme, mais spécifiquement en fonction du Québec.

M. Dubé: Vous allez me permettre de soulever un dernier point. Je suis ici au Parlement fédéral qui a adopté, il y a deux ans - j'étais alors critique à la jeunesse - des dispositions limitant la consommation du tabac par les jeunes.

Il y a eu aussi une loi interdisant de fumer dans les édifices fédéraux, laquelle loi existe toujours. Dans ce parlement, là où vous êtes - il faut se rendre compte que la vie est parfois remplie de contradictions - , il n'y a aucun endroit aménagé pour les fumeurs à l'intérieur, de sorte qu'à tous les jours et à répétition, je vois des gens sortir, rester dehors par des froids de moins 30 degrés et s'exposer à des problèmes de santé. Cela me semble contradictoire.

Il en est ainsi parce que, de quelque façon, la loi n'est pas totalement appliquée. Je ne dis pas qu'il faut encourager les fumeurs, mais qu'ils existent et qu'ils vont continuer à fumer. Est-ce que la non-application de la loi ne vous préoccupe pas également?

Le gouvernement propose des lois, mais, dans le fond, ne se soucie pas de les faire appliquer. Vous dites vous-même que 75 p. 100 des dépanneurs au Québec continuent de vendre, sans aucune obstruction, des cigarettes à des jeunes de moins de 18 ans. Est-ce que cela ne vous inquiète pas? C'est beau de légiférer, mais s'il n'y a pas d'éducation, s'il n'y a pas de solidarité ou de cohésion qui fasse que le public dans son ensemble soit d'accord sur la loi, finalement, cette dernière ne sera pas respectée. Je trouve que celle-là va dans le même sens que les autres et risque de ne pas être appliquée complètement.

M. Gauvin: Vous avez tout à fait raison, monsieur Dubé. Il existe au Québec une loi sur la protection des non-fumeurs. L'an dernier, des gens nous demandaient si elle existait encore parce qu'ils n'en entendaient plus parler.

Le point de l'application de la loi et du renforcement de la loi est le plus important. On voit d'ailleurs au Québec, depuis quelques mois, le ministère fédéral de la Santé procéder à des inspections et même, semble-t-il, distribuer des constats d'amendes. On sent un mouvement ou une prise de conscience actuellement chez les commerçants et les détaillants des produits du tabac, qui savent que le ministère de la Santé est de plus en plus vigilant dans ce domaine. On sent donc que la loi fait oeuvre d'éducation.

M. Dubé: Croyez-vous sincèrement que 40 inspecteurs fédéraux vont suffire pour faire appliquer la loi dans l'ensemble du Canada?

M. Gauvin: Je ne pourrais vraiment pas répondre à cette question, monsieur Dubé.

.1425

Monsieur le président, je pourrais apporter un complément d'information à une question que M. Dubé a posée à plusieurs reprises à nos prédécesseurs concernant le lien entre la commandite et la consommation chez les jeunes, si vous me le permettez.

Le premier élément, c'est que si aucune étude n'a été déposée, c'est probablement parce que celles qui établiraient un lien direct entre la présence d'un jeune à un événement culturel et le fait qu'il se mette à fumer n'existent pas. Par contre, il existe des présomptions. La Cour suprême l'a reconnu dans son jugement, monsieur Dubé, et je me permettrai de vous demander de vous y reporter. Lorsqu'elle parle de la modification des comportements, la Cour suprême nous dit: Nous ne demandons pas, dans le domaine de la modification des comportements, le genre de preuves que nous pouvons demander pour d'autres causes parce que ces preuves sont extrêmement difficiles à obtenir, mais on peut s'attendre à ce que le lien qui est établi par le bon sens, la raison et la logique dans ce cas puisse prévaloir.

Je serais très étonné que l'industrie du tabac, en cette matière, soit la seule industrie au monde qui déroge aux lois du marketing. Toutes les industries au monde savent ce que rapporte la commandite auprès de leurs consommateurs nouveaux et actuels. La commandite confirme les actuels consommateurs et permet d'en recruter de nouveaux à long terme. La commandite n'est pas un moyen qui donne des résultats immédiats.

Je fais simplement vous rappeler que 90 p. 100 des fumeurs sont fidèles à leur marque. Les gens qui fument ou qui ont fumé le savent. En général, ils sont fidèles à leur marque, et 80 p. 100 des gens qui commencent à fumer ont moins de 18 ans. Il faut tout de même recruter quelque part ces jeunes qui commencent à fumer.

Je voulais apporter cet élément d'information, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Nous tenons à remercier les témoins qui représentent la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac.

Je vous remercie de votre comparution. Votre témoignage nous a été utile.

Puisque nous sommes en avance, nous allons prendre une pause de trois minutes.

.1427

.1433

Le président: Nous allons maintenant poursuivre nos délibérations. Nous souhaitons la bienvenue au président du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac, M. Robert Parker, ainsi qu'à certains de ses collègues.

Bob, veuillez tout d'abord vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent, après quoi vous pourrez nous faire un exposé, laissez-nous cependant du temps pour vous poser des questions.

M. Robert Parker (président et directeur général, Conseil canadien des fabricants des produits du tabac): Merci, monsieur le président.

Mon nom est Robert Parker, je suis le président du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac, le CCFPT, l'association de l'industrie des trois grands fabricants de produits du tabac au Canada: Imperial Tobacco Limitée; Rothman-Benson & Hedges Inc. et RJR-Macdonald Inc.

À mes côtés se trouvent Marie-Josée Lapointe, directrice des communications pour le CCFPT, et maître Colin Irving, de McMaster Meighen, un avocat spécialisé en droit constitutionnel dont les services ont été retenus par l'industrie.

J'essaierai, le plus rapidement possible, de résumer nos objections principales au projet de loi C-71, et au processus connexe. Je demanderai ensuite à Maître Irving de parler brièvement des questions juridiques et constitutionnelles soulevées par ce projet de loi.

Dès le départ, permettez-moi de vous dire très clairement quelle est la position de l'industrie. Nous reconnaissons qu'il existe des risques à la santé liés à l'usage du tabac. C'est pourquoi nous croyons que la décision de fumer, ou de ne pas fumer, est une décision réservée aux adules avisés. Nous appuierons, comme nous le faisons depuis des années, toute proposition raisonnable et réalisable en vue de dissuader les jeunes Canadiennes et Canadiens de fumer, et à limiter leur accès aux produits du tabac.

J'aurais sept observations à faire au sujet du projet de loi à l'étude et de ce que vous et la population canadienne avez pu en entendre dire.

Premièrement, on a déclaré que la présentation de ce projet de loi a été précédée de consultations approfondies avec les parties touchées, y compris cette industrie. C'est absolument faux. Au nom de l'industrie, j'ai tenté à plusieurs reprises, au cours de la dernière année, d'organiser des rencontres avec le ministre pour discuter des principaux problèmes que soulève le projet de loi et de leurs répercussions sur notre industrie. Ces efforts n'ont rien donné.

.1435

On vous a dit que ce projet de loi respectait la décision de la Cour suprême du Canada annulant la Loi réglementant les produits du tabac. En réalité, le projet de loi contredit la récente décision de la Cour suprême et il est anticonstitutionnel sous plusieurs autres aspects, ce dont Maître Irving parlera davantage tout à l'heure.

On vous a assurés que le projet de loi C-71 ne constituait pas une interdiction totale de la publicité du produit. Or, selon l'avis juridique préliminaire que nous avons obtenu, le projet de loi impose la mise en veilleuse de tout projet de publicité. Même les représentants de Santé Canada n'ont pas pu la semaine dernière nous fournir un seul exemple de message publicitaire ou de publication répondant aux exigences de la mesure législative.

On vous a dit que l'intention du projet de loi était de préserver les commandites de manifestations et d'activités culturelles, sportives et communautaires par les fabricants des produits du tabac. Pourtant, ce projet de loi crée des conditions, et surtout une telle incertitude, que l'annulation d'un bon nombre de ces commandites est pratiquement garantie, tout comme la perte de centaines de millions de dollars et de milliers d'emplois qu'elles créent.

Sur ce point, monsieur le président, soyons très clairs: si, en effet, ces activités n'ont plus lieu ou sont considérablement réduites, ce sera à cause du projet de loi C-71, et non pas à cause des fabricants des produits du tabac qui les commanditent, ni des organisateurs. Nous voulons que ces activités survivent.

Ce projet de loi constitue un abus extraordinaire des pouvoirs réglementaires. Pas moins de 19 dispositions clés du projet de loi enlèvent au Parlement pratiquement tout contrôle de ce qui est permis et de ce qui ne l'est pas pour cinq industries connexes et tous leurs fournisseurs, et remet ce contrôle entre les mains de fonctionnaires non élus et du Cabinet. Il s'agit là, selon nous, d'une situation absolument sans précédent.

Le projet de loi promet le chaos s'il entre en vigueur. À cette réunion dont j'ai parlé tout à l'heure, qui a eu lieu moins de 48 heures après le dépôt en première lecture du projet de loi, les hauts fonctionnaires de Santé Canada nous ont dit qu'à plusieurs endroits importants, la rédaction du projet de loi ne reflète pas leurs intentions. Il ne contient aucune disposition de transition, il dépend à chaque tournant de règlements que personne n'a vus, et il menace d'imposer des amendes importantes et même l'emprisonnement d'individus qui ne peuvent savoir avec précision ce qui est permis et ce qui est interdit.

Le point le plus important de tous est que le gouvernement n'a pas fourni la preuve que ce projet de loi réussira à réaliser l'objectif déclaré, soit de réduire l'usage du tabac. Disons-le carrément, la rhétorique dit une chose, et les faits en disent une autre. Aucune preuve factuelle ne vous a été présentée, ni à quiconque, pour expliquer comment ce projet de loi accomplira ses objectifs déclarés. Mais les faits de la dernière décennie relativement à l'incidence de l'usage du tabac parmi la population canadienne nous dit, en premier lieu, que les lois abusives ne donnent pas les résultats attendus, et en second lieu, que les prévisions du gouvernement soutenant le contraire ont toujours été erronées.

Outre le fait qu'il ne réduira pas l'usage du tabac, le projet de loi C-71 causera de graves torts - la perte de milliers d'emplois et de millions de dollars.

Monsieur le président, il y a deux ans déjà, nous avons comparu devant ce comité lorsqu'il a été question de l'emballage neutre. Vous avez jugé que ce sujet méritait qu'on y consacre huit jours d'audiences au cours d'une période d'un mois, ainsi que la comparution de 37 témoins. On a finalement conclu que, comme nous vous l'avions dit à cette époque, l'emballage neutre serait illégal et impraticable.

Et aujourd'hui, en vous fondant sur une heure de débat à la Chambre des communes et moins de deux jours d'audiences publiques - c'est en fait trois jours à cause du changement qui a été apporté ce matin - , d'après ce qu'on dit ici, vous avez l'intention d'approuver demain non seulement une politique publique, mais une mesure législative réelle qui est tout aussi illégale et impraticable, beaucoup plus complexe, et qui prête davantage à confusion.

À ce point-ci, nous n'avons aucune modification à proposer. Nous n'avons tout simplement pas eu suffisamment de temps pour étudier et analyser le projet de loi afin de peser ses conséquences, et par conséquent de décider quelles modifications pourraient être possibles en vue de corriger une loi comportant tant de failles sur de nombreux aspects importants. Nous aurions besoin d'un délai convenable - au moins 10 jours - pour le faire. Compte tenu des questions fondamentales en jeu, nous ne croyons pas que ce soit trop demander - surtout lorsqu'on sait que cela prendra des mois pour que les règlements soient rédigés, approuvés et publiés.

En dernier lieu, monsieur le président, je veux revenir à la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, soit la décision prise par la Cour suprême du Canada en septembre 1995, annulant l'ancienne interdiction de faire de la publicité et les dispositions à cet effet de la Loi réglementant les produits du tabac. Nous aurions cru que le Parlement aurait tenu compte des paroles de l'opinion de la majorité. La liberté d'expression, même d'expression commerciale, est un principe important et fondamental d'une société libre et démocratique. Si le Parlement désire porter atteinte à cette liberté, il doit être disposé à offrir une justification bien fondée et suffisante de cette violation et de sa contestation. Cela n'a pas été fait.

.1440

Nous soutenons, au moment où nous entreprenons l'examen d'une nouvelle mesure législative interdisant la publicité du tabac, que cela n'a pas été fait.

Je demanderais maintenant à Maître Colin Irving de parler en termes plus précis des aspects juridiques et constitutionnels de ce projet de loi.

M. Colin Irving (avocat, McMaster Meighen): Monsieur le président, je tiens à préciser d'entrée de jeu que, comme je n'ai reçu le projet de loi que depuis peu, tout ce que je dirais sera forcément quelque peu préliminaire. Il s'agit d'une mesure législative très compliquée. Il faut beaucoup de temps pour la lire et arriver à la comprendre quelque peu. À bien des endroits, la rédaction confine même à l'incohérence. Je veux simplement insister sur ce qu'a dit M. Parker. Il semble qu'on veuille examiner très rapidement cette mesure législative assez complexe.

À mon avis, la mesure soulève des questions juridiques très importantes à trois égards. Premièrement, il existe un principe en droit criminel canadien selon lequel, quand on crée une infraction criminelle, le libellé doit être tel qu'il puisse être compris. Vous comprendrez aisément pourquoi. Le droit criminel comporte des conséquences très graves. Les gens doivent savoir si tel ou tel comportement constitue une violation de la loi. La mesure à l'étude crée à plusieurs endroits des infractions criminelles qui pourraient conduire à l'emprisonnement ou à de lourdes amendes, et il est pratiquement impossible d'en saisir vraiment le sens.

Je vous donne un ou deux exemples pour illustrer mon propos. Comme vous le savez tous, la mesure prévoit l'interdiction de toutes les formes de publicité relatives au tabac, sous réserve d'un certain nombre d'exceptions énoncées à l'article 22. Certains types de publicité figurant dans certaines catégories de publications ou d'envois postaux seraient ainsi autorisés. Les exceptions ne s'appliqueraient toutefois pas - et je cite ici le paragraphe 22(3):

Ainsi, on pourrait poser une affiche dans un bar dont l'accès serait interdit aux jeunes de par la loi, de sorte que l'affiche tomberait sous le coup des exceptions... S'il existait des motifs raisonnables de croire que cette publicité pourrait être attrayante pour les jeunes, la personne qui aurait mis l'affiche aurait commis une infraction pour laquelle elle serait passible de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 300 000$ pour chaque jour où la publicité resterait affichée. Je crois que vous pouvez tous en venir vous-mêmes à vos conclusions pour ce qui est de savoir si un publicitaire, quel qu'il soit, pourrait lui-même décider s'il se conforme à l'article en question.

Pour illustrer mon propos - car j'ai participé à la contestation de la Loi réglementant les produits du tabac... Le témoin du gouvernement canadien qui est venu témoigner au procès sur ce qui motive les adolescents a dit à la cour - et c'était là l'avis du gouvernement - que, même si les publicités visant les jeunes étaient répréhensibles, les plus terribles étaient les publicités visant les adultes, car les jeunes veulent imiter les adultes et toute publicité visant les adultes est particulièrement attrayante pour les enfants. Si son témoignage avait été accepté, toute publicité visant les adultes dans quelque endroit que ce soit aurait constitué un délit très grave.

Ce n'est pas tout. Vous constaterez que, si la publicité est considérée comme une «publicité de style de vie», elle ne tombe pas non plus sous le coup des exceptions. Je ne sais pas si vous avez tous le texte du projet de loi entre les mains, mais le paragraphe 22(4) définit la publicité de style de vie ainsi:

Qui pourra savoir ce qui est susceptible d'évoquer une émotion positive ou négative? Nous nageons là dans le très subjectif. La publicité évoquerait une émotion positive ou négative chez qui? Chez combien de personnes évoquerait-elle cette émotion? Serait-ce chez la majorité des gens ou chez une ou deux personnes? Qu'est-ce qu'une émotion négative au sujet d'une façon de vivre ou d'un aspect de la vie?

.1445

À mon avis, cette disposition manque de cohérence, et l'on ne sera jamais sûr s'il y a infraction ou pas.

La même définition est reprise à la disposition concernant la promotion de commandite, c'est-à-dire à l'alinéa 24(1)b), qui dispose que les restrictions relatives à la promotion de commandite s'appliquent si l'activité ou la manifestation est associée:

Vous voudrez peut-être vous demander qui d'entre nous pourrait imaginer une activité qui ne serait pas associée avec un aspect quelconque de la vie? Voilà pour le premier point. Il y a le principe de l'imprécision ou du vide, et le principe s'applique ici à mon avis.

Deuxièmement, il y a la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire de la Loi réglementant les produits du tabac. Par cette décision, la Cour a statué que l'interdiction totale de la publicité du tabac allait à l'encontre de la Constitution.

Le libellé du projet de loi C-71 semblerait indiquer que ce qui est proposé est simplement une interdiction partielle, qu'il y aurait une forme de réglementation. Quand on le lit attentivement cependant - les tribunaux ne tiennent pas compte uniquement du libellé; ils tiennent aussi compte de l'effet de la loi dans la pratique - l'effet dans la pratique de ce projet de loi serait d'interdire toute forme de publicité. Étant donné le risque de sanctions criminelles, personne ne pourrait trouver un moyen d'afficher une publicité quelque part sans qu'il y ait un risque grave d'infraction en vertu de la définition de la publicité de style de vie. Qui peut déterminer ce qui va susciter une émotion?

À ma connaissance, le Parlement canadien n'a jamais simplement réédicté une interdiction que la Cour suprême du Canada, notre tribunal de dernière instance, a jugé contraire à la Charte des droits, qui fait partie de la Constitution, laquelle est en soi la loi suprême du pays.

Certains ont laissé entendre que la décision de la Cour suprême était simplement attribuable au manque de preuves, mais j'invite quiconque à se reporter aux détails du procès tels qu'ils ont été consignés. La Cour a tenu 70 jours d'audience à Montréal. Le gouvernement canadien a fait venir des témoins des quatre coins du monde. Ils ont dit essentiellement la même chose que ce que l'on trouve dans les études publiées récemment. Il n'y a rien de nouveau. Ce sont les mêmes faits.

Enfin, il y a la question de la compétence. Il a été déterminé que la Loi réglementant les produits du tabac relevait du droit criminel et qu'elle était donc du ressort du Parlement canadien. Cette loi, comme vous l'avez déjà entendu dire, prévoit une abondance de pouvoirs pour ce qui est de prendre des règlements. Il s'agit en réalité d'une loi réglementante et, sans entrer dans les menus détails, la loi prévoit même la possibilité de conclure des accords d'équivalence avec les provinces de façon que le gouvernement fédéral pourrait se retirer du dossier dans la mesure où les provinces auraient des lois semblables, et ce, pour toutes les dispositions de la loi, exception faite de celles qui prévoient une interdiction totale. Le droit criminel ne peut toutefois pas être confié aux provinces.

Le projet de loi confine encore davantage à un effort de réglementation d'une industrie en particulier, qui a toujours été considérée au Canada comme étant une question de compétence provinciale, ou simplement à un effort de réglementation de la publicité, qui relève aussi des provinces. Sur ce troisième point, celui de la compétence du Parlement, il y a aussi de sérieux doutes quant à la validité du projet de loi C-71.

Merci, monsieur le président. Voilà les trois points que je voulais soulever. J'ai essayé de vous les expliquer le plus brièvement possible.

Le président: Très bien. Nous avons une douzaine de minutes pour les questions. Soyez brefs, s'il vous plaît.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: Comme il faut être bref, je vais relire le mémoire que vous avez préparé ainsi que les questions, notamment celles de M. Irving dont tout le monde reconnaît la compétence puisqu'il était associé à la cause précédente.

Ma question ne sera pas à ce niveau-là. Il n'y a pas eu de consultations et le gouvernement semble maintenir son intention d'aller vite. J'aimerais cependant revenir sur cette question de pourcentage, ce fameux 10 p. 100 qui est écrit dans le projet de loi. Il ne figure pas dans le règlement, mais il est mentionné dans le projet de loi.

.1450

Quand j'ai demandé au ministre si on pourrait décider de multiplier par 10 la surface d'un panneau de quatre pieds par huit pieds pour obtenir la surface actuelle, il m'a répondu: «Ah, non, non». La fonctionnaire qui l'accompagnait nous disait qu'on verrait à réglementer pour remédier à une telle situation.

Je vais prétendre être un petit ministre amateur. Supposons qu'on en vienne à un règlement à l'égard du 10 p. 100, bien que je n'aie jamais vu une telle limite de 10 p. 100 dans quelque loi ou dans quelque pays. C'est la première fois que j'en entends parler.

Les compagnies et les représentants de la coalition antitabac sont sensibles aux pertes financières que subiront les organismes culturels et sportifs en perdant leurs commandites. Bref, il nous semble que... [Inaudible - La rédactrice] ...recherche un compromis à l'égard des 10 p. 100. Quel pourcentage les compagnies de tabac jugeraient-elles acceptables pour continuer à exercer leur commandite? Pouvez-vous répondre à cette question?

[Traduction]

M. Parker: Il est impossible de répondre à cette question au sujet d'une restriction prise isolément, monsieur Dubé. Le code qui régit actuellement l'industrie précise que le maximum est de 25 p. 100 de l'espace publicitaire et qu'on ne peut jamais dépasser en importance le nom de l'activité en question. Il y a non seulement les dimensions de la publicité qui doit être précisée par règlement, mais aussi les dimensions de l'affiche comme telle. La définition du lieu doit aussi être précisée par règlement, tout comme le nombre d'affiches pouvant être apposées dans le lieu en question. Le contenu de la publicité, qui se trouve inclus dans le projet de loi à l'étude, est soumis à un ensemble de définitions qu'il est impossible d'interpréter à notre avis. Selon nous, l'avocat qui serait appelé à se prononcer là-dessus dirait à l'entreprise ou à l'organisateur de l'activité qu'ils ne peuvent pas être sûrs de présenter l'activité ou la publicité sans risquer de se retrouver en prison. Il y a donc mise en veilleuse.

Nous serions heureux, et nous implorons depuis un an le ministre de la Santé - le ministre actuel et son prédécesseur - de s'asseoir et de venir nous dire quel genre de restrictions lui conviendrait. Si l'on nous avait proposé 10 p. 100 - je crois que le ministre a indiqué que c'était là un chiffre arbitraire - , l'industrie aurait été prête à envisager cela. Ça me paraît assez minime, mais l'industrie ne dirait certainement pas qu'il lui faut absolument avoir 50 p. 100. L'objet de ces publicités est de faire la promotion de l'activité en question. Nous n'avons pas eu de discussion à ce sujet, et nous serions ravis d'en avoir. Il faut examiner le dossier dans son ensemble. Nous ne pouvons pas le faire à la pièce.

[Français]

M. Dubé: Je comprends. Il me semble que vous avez vous-même précisé que le code d'éthique est appliqué volontairement par vos membres à cet égard et qu'il prévoit une limite de 25 p. 100. Ainsi, si jamais le ministre ou les députés d'en face acceptaient le statu quo à l'égard de la limite de 25 p. 100, vous seriez en quelque sorte obligés de dire que le ministre a raison, puisque c'est précisément ce que vous faites conformément à votre code d'éthique. Vous vous limitez actuellement à 25 p. 100.

Mme Marie-Josée Lapointe (directrice des communications, Conseil canadien des fabricants de produits de tabac): On parle d'une limite de 25 p. 100 qui s'inscrit dans le cadre d'un ensemble de restrictions qui sont raisonnables et qui permettent à l'industrie et aux organisateurs des événements de promouvoir l'événement et de mettre en lumière le nom de la marque de façon raisonnable. À mon avis, on ne peut traiter de cette question en faisant abstraction tous les autres facteurs.

M. Dubé: D'accord. Un dernier point.

[Traduction]

Le président: Il ne nous reste plus de temps. Je suis désolé.

[Français]

M. Dubé: S'il reste du temps, j'aimerais revenir avec une autre question plus tard.

[Traduction]

Le président: Monsieur Hill.

M. Hill (Macleod): Merci, monsieur le président.

Monsieur Parker, vous avez dit dans votre exposé préliminaire que vous appuieriez tout effort raisonnable pour empêcher les fumeurs qui n'ont pas l'âge voulu d'avoir accès aux produits du tabac et que les entreprises que vous représentez ne ciblent pas ces jeunes. J'ai ici un document interne où il est question des objectifs visés par la promotion d'une manifestation sportive en particulier. C'est un document d'une des entreprises que vous représentez.

L'objectif énoncé est le suivant:

Pouvez-vous m'expliquer en quoi le fait de cibler ces jeunes ne va pas directement à l'encontre de ce que vous avez dit au départ?

M. Parker: Naturellement, je voudrais voir le document en question, et je voudrais aussi voir une attestation selon laquelle la note est bel et bien de la main d'un cadre représentant un fabricant de tabac. Pendant l'affaire de la Loi réglementant les produits du tabac, il est souvent arrivé qu'on cite de façon sélective des documents de ce genre.

.1455

Pourrais-je demander à M. Irving de répondre à la question?

M. Irving: La citation me dit quelque chose, car il a été question pendant le procès d'un document qui disait quelque chose de ce genre. Il est ressorti toutefois qu'il s'agissait d'un document non pas d'un fabricant de tabac, mais bien au contraire d'un groupe de recherche quelque part au pays qui avait fait des suggestions auxquelles le fabricant en question n'avait pas donné suite.

Je ne sais pas de quel document il s'agit, puisque M. Hill ne l'a pas précisé, mais il me semble reconnaître le texte et je pense bien savoir d'où il émane. Je n'en connais pas d'autre, et je sais de façon certaine que RJR Macdonald, que j'ai représenté au procès, n'a jamais traité dans quelque circonstance que ce soit avec des personnes de moins de 18 ans.

M. Parker: Si vous me le permettez, monsieur Hill, j'ajouterai qu'il y a un universitaire canadien dont le cheval de bataille semble être de dire que l'industrie cible les jeunes. Il est venu témoigner devant votre comité sur la question de l'emballage neutre. Il a parlé de beaucoup des questions qu'il avait abordées pendant qu'il était sous serment lors du procès sur la Loi réglementant les produits du tabac, et les propos qu'il a tenus devant votre comité différaient énormément de ce qu'il a dit sous serment... énormément. Nous serions heureux de vous fournir des détails précis à ce sujet, si c'est ce que vous souhaitez.

Je ne sais pas s'il s'agit là d'une des pièces présentées par M. Pollay, mais nous vous enverrons le document en question.

M. Hill (Macleod): Si je comprends bien donc, les documents internes de ce genre, l'approche qui y est proposée, ne concordent pas avec l'approche des fabricants que vous représentez.

M. Parker: Non, monsieur.

M. Hill (Macleod): Merci.

Le président: Andy Scott.

M. Scott: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier d'avoir avoué dès le départ que le tabac a des conséquences sur la santé.

M. Parker: Ce n'est pas un aveu, monsieur Scott. Il y a des années que nous disons cela. C'est un fait reconnu.

M. Scott: Je vous sais gré de l'avoir répété, voilà tout.

La nicotine crée-t-elle une dépendance?

M. Parker: Si vous pouvez me donner une définition du terme «dépendance» qui serait applicable dans la pratique ou qui aurait vraiment un sens, je serais heureux de répondre à la question.

M. Scott: Vous pouvez opter pour l'interprétation qui vous convient, selon ce qu'est pour vous la dépendance.

M. Parker: D'accord, alors voici.

Je sais tout d'abord que les scientifiques ne s'entendent pas sur ce qu'est la dépendance par opposition à l'habitude. Je sais qu'un des documents clés à cet égard est celui de l'intoxication pharmacologique - autrement dit, le type de comportement qui vous amènerait à être très inquiet si le chauffeur qui se trouvait derrière vous avait bu et qu'il se promenait sur la grand-route, mais à ne pas vous préoccuper outre-mesure du fait qu'il serait en train de fumer une cigarette. Il en va de même pour le pilote qui se trouverait aux commandes de votre avion.

Je sais que certains fumeurs ont extrêmement de difficulté à renoncer au tabac. J'ai moi-même eu beaucoup de difficulté à quelques reprises. J'en connais d'autres qui sont capables de se défaire de cette habitude sans aucune difficulté, et j'ai également connu cela.

Il existe 6 millions d'anciens fumeurs au Canada, dont 95 p. 100 ont réussi à renoncer au tabagisme sans aucune aide extérieure, comme le timbre, la thérapie, l'hypnose, ou toute autre méthode actuellement sur le marché. Il y a 7 millions de fumeurs actuellement au Canada, dont certains renonceront à leur habitude au moment même où nous en parlons, alors que d'autres s'y adonneront pour la première fois. Je n'accepte pas que les 7 millions de fumeurs soient des être différents du point de vue physiologique, physique ou mental des 6 millions qui ont réussi à abandonner de façon permanente leur habitude.

M. Scott: Il nous sera très difficile de trouver une stratégie qui soit appropriée si nous nous retranchons constamment sur des positions contradictoires, vous et moi. Voilà tout ce que je voulais dire.

Passons maintenant au motif. Nous acceptons tous que les compagnies de tabac ne commanditent pas les programmes artistiques de ma localité sans avoir d'intérêts commerciaux dans cette commandite et dans ses résultats. Il me faut donc tenter de comprendre ceci: pourquoi continuent-elles à faire de la publicité si cela ne leur rapporte pas de nouveaux fumeurs?

J'imagine que vous allez me répondre exactement comme m'ont déjà répondu ceux à qui j'ai déjà posé la question, à savoir qu'elles se font la lutte pour obtenir une plus grande part du marché des fumeurs actuels.

M. Parker: C'est exact.

M. Scott: Mais si nous interdisions toute publicité, les compagnies n'auraient plus à dépenser quelque argent que ce soit pour se faire la lutte dans cette publicité. Voilà la faille dans votre logique que je ne m'explique pas.

M. Parker: Laissez-moi vous donner une brève explication, et je laisserai M. Irving répondre à son tour.

Au cours d'une année, 10 p. 100 des fumeurs canadiens changent de marque. Or, 1 p. 100 de la part du marché représente 22 millions de dollars par année en revenu brut pour l'entreprise qui acquiert de nouveaux fumeurs ou qui les perd. Les compagnies dépensent donc de l'argent en publicité pour défendre leur part du marché et pour aller voler des fumeurs aux autres marques.

.1500

Lorsque la Loi réglementant les produits du tabac a limité sévèrement la concurrence entre les trois grandes compagnies - en fait la concurrence a quasiment disparu, sauf pour ce qui est de l'activité de commandite - une des compagnies a réussi à s'approprier de 10 à 15 p. 100 de la part du marché.

Les compagnies veulent être libres de se faire la concurrence pour s'accaparer la part du marché des fumeurs adultes. Ni le gouvernement ni personne d'autre n'a réussi à démontrer qu'il y avait un lien entre cette décision et ce type d'activités de marketing.

M. Irving: M. Parker a tout dit ou à peu près, mais les économistes vous diront et nous ont dit que si on interdit la concurrence sous forme de publicité de produits plus ou moins similaires, la compagnie qui est le mieux établie sur le marché élargira sa part de façon inexorable et les plus petites compagnies seront perdantes devant la présence accrue de la grande marque. C'est exactement ce qui s'est passé pendant six ans.

M. Scott: Donc, la pratique commerciale me pousserait à conclure que la compagnie a la part du lion sur le marché devrait appuyer l'interdiction. Puisqu'elle se refuse à le faire, ne serait-ce pas que cela représente pour elle de nouveaux fumeurs?

M. Parker: À l'époque, la théorie donnait des résultats, en tout cas pendant l'interdiction imposée par la Loi réglementant les produits du tabac.

Laissez-moi vous parler d'une autre théorie portant sur le prix par rapport à la consommation. On a tous l'impression qu'il existe un lien contraire et que plus le prix est élevé, plus faible sera la consommation. Depuis dix ans, les taxes ne font qu'augmenter. Or, il y a deux ans, les taxes ont chuté considérablement dans cinq provinces.

Je suis sûr qu'on vous a parlé longuement de ce que faisaient les fumeurs quand les taxes étaient élevées et de ce qu'ils ont fait depuis. Tous les chiffres compilés par Statistique Canada depuis dix ans le démontrent.

Cela prouve-t-il qu'il n'y a aucun lien entre le prix à la consommation? Non. Ce que cela prouve simplement, c'est que pendant dix ans, il existait un lien beaucoup plus ténu - quasi invisible - que personne n'aurait jamais osé imaginer. Vous comprenez que cette grande compagnie ne se demande pas si son succès des sept dernières années est attribuable à sa seule commandite, commandite qui lui sera désormais interdite en vertu de la nouvelle loi.

Elle s'inquiète énormément de sa capacité à faire concurrence aux autres compagnies, à défendre ses clients actuels et à préserver leur loyauté tout en allant en chercher d'autres. C'est vrai tout autant pour la grande compagnie que pour la petite.

Le président: Merci.

Nous n'avons plus de temps, mais je laisserai M. Dhaliwal intervenir, à condition qu'il soit bref.

M. Dhaliwal: Je n'ai qu'une question, et je serai bref.

Dans votre exposé, vous avez mentionné les méfaits du tabac, mais votre association considère-t-elle le tabagisme comme un problème de santé grave au Canada?

M. Parker: Le ministre et d'autres encore, tout au long des débats entourant ce projet de loi-ci, ont discuté longuement des chiffres reliés aux dangers que le tabagisme représente pour la santé. Or, les chiffres varient énormément selon celui qui parle, mais nous ne sommes pas ici pour débattre des risques que représente le tabagisme pour la santé.

Le ministre a affirmé que ce projet de loi-ci visait la santé des Canadiens, à cause du risque que présentait le tabagisme. Je pourrais être d'accord avec lui, si ce projet de loi-ci modifiait le comportement. Toutefois, rien ne le prouve, et personne n'a réussi à démontrer que le projet de loi modifiera le comportement. Au contraire, beaucoup sont venus expliquer que le projet de loi aura pour effet de faire annuler de grands événements ou que les compagnies de tabac ne pourront plus faire aucune publicité parce que le projet de loi pèche par manque de précisions, notamment. Par conséquent, si l'on ne parvient pas à modifier le comportement, pourquoi imposer ce projet de loi?

M. Dhaliwal: Eh bien, c'est à l'usage que l'on verra les résultats, mais les gens d'affaires comme vous peuvent faire de deux choses l'une. Si vous reconnaissez le problème, vous pouvez essayer d'agir; ou alors, vous pouvez vous contenter d'attendre et de voir venir.

Notre gouvernement considère que c'est un problème suffisamment grave pour vouloir agir et que cela vaut mieux que de se tourner les pouces. Le gouvernement a donc choisi de présenter une proposition qui n'est sans doute pas la panacée, mais qui est du moins une tentative pour résoudre le problème qui nous semble grave.

M. Parker: Je ne remets en question ni le sérieux ni les objectifs des députés ou du gouvernement. Je mets plutôt en doute l'efficacité de la stratégie, et je me demande à quoi aboutiront dix années de taxes élevées, de même qu'une interdiction complète de faire de la publicité assortie de plusieurs autres mesures.

Je suis prêt à vous faire voir ceci, si cela vous intéresse.

M. Dhaliwal: Merci, monsieur le président.

Le président: merci.

Merci à M. Parker et à ses collègues du Conseil des fabricants des produits du tabac de leur témoignage, qui nous sera certainement très utile dans notre réflexion.

Passons maintenant aux représentants de la Société canadienne du cancer. J'accueille avec plaisir Ken Kyle, directeur des affaires publiques.

.1505

Pourriez-vous nous présenter vos collègues, monsieur Kyle?

M. Ken Kyle (directeur des affaires publiques, Société canadienne du cancer): Merci, monsieur le président.

Lyne Deschênes est recherchiste à la Société canadienne du cancer et Rob Cunningham est analyste principal de politiques; il travaille à temps plein sur le dossier du tabac, Il a également publié un livre intitulé Smoke and Mirrors: The Canadian Tobacco War, que vous connaissez peut-être.

Nous serons brefs, car nous voulons laisser beaucoup de temps aux questions.

Monsieur le président, nous sommes ici pour appuyer un projet de loi destiné à contrôler les produits d'une industrie qui fait la honte du système de libre entreprise du Canada. Il existe au Canada trois grands secteurs: le secteur privé, le secteur public et le secteur bénévole. Ce dernier, qui inclut des groupes tels que le nôtre, peut agir en organisant des programmes d'éducation du public et de la recherche, mais il n'y a que le gouvernement, au nom de nous tous, qui puisse freiner une industrie multimilliardaire qui s'adonne à des pratiques de marketing déloyales.

Nous avons appris au fil des ans que l'éducation, destinée aux jeunes ou à d'autres milieux, ne suffisait pas. En effet, l'éducation à elle seule n'est pas la panacée; elle doit s'appuyer sur des règlements gouvernementaux.

Les non-fumeurs ne veulent pas voir leurs enfants s'adonner au tabagisme, et plusieurs d'entre eux ont évidemment tenté de renoncer à leur habitude. Il existe de nombreux regroupements au Canada, comme les femmes ayant un cancer du sein, qui s'organisent pour aller amasser des fonds destinés à la lutte contre le cancer du sein; ce qui nous distingue, pour notre part, c'est que nous représentons ici les Canadiens et leurs familles qui ne peuvent s'organiser et agir car 95 p. 100 de ceux qui souffrent du cancer des poumons sont très malades et ont une survie très limitée. Le cancer du poumon ne porte pas à rire.

Monsieur le président, comment parler de liberté quand on a affaire à une dépendance ou que l'on vit dans l'aile des cancéreux ou dans l'aile des soins chroniques à l'hôpital.

Je cède maintenant la parole à Lyne, puis à Rob.

[Français]

Mme Lyne Deschênes (chargée de recherches, Questions d'intérêt public, Société canadienne du cancer): Le tabagisme est un réel problème de santé publique. Il tue plus de personnes que toute autre cause de décès évitable. Quarante pour cent des décès attribuables à l'usage du tabac sont causés par des cancers.

Soulignons que le cancer du poumon est la principale cause de mortalité par cancer au Canada et que 85 p. 100 des cancers du poumon sont reliés au tabagisme. Est-ce qu'il est utile de vous rappeler que les chances de survie d'une personne diagnostiquée du cancer du poumon sont de 1 sur 10, que ses chances sont de 3 sur 4 pour ce qui est du cancer du sein et de 5 sur 6 pour le cancer de la prostate? La situation est alarmante. L'incidence du tabagisme chez les 15-19 ans est à la hausse. La Société canadienne du cancer ne peut baisser les bras, d'où notre présence ici aujourd'hui.

Je cède maintenant la parole à Rob Cunningham.

[Traduction]

M. Rob Cunningham (analyste principal de politiques, Société canadienne du cancer): Merci. Je serai bref pour que nous ayons tout le temps pour les questions.

Je voudrais faire deux choses, pour souligner certains aspects de notre mémoire que vous avez tous reçu dans les deux langues officielles. Tout d'abord, j'aimerais réagir au témoignage que nous venons d'entendre de la part du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac.

Tout d'abord, on nous a dit que chaque pourcentage de la part du marché représentait 22 millions de dollars en revenu brut. Sachez que Imperial Tobacco dépense plus de 100 millions de dollars par année pour le marketing. Regardons maintenant du côté des profits d'Imperial Tobacco: si l'on tient pour acquis que le revenu brut n'équivaut pas aux bénéfices, si cette compagnie fait 10 millions de bénéfice par point de pourcentage du marché, cela signifie qu'elle doit augmenter de 10 p. 100 sa part du marché pour pouvoir rembourser ses dépenses de marketing. Or, une bonne année représente pour elle 2 p. 100 d'augmentation de sa part du marché.

On nous a dit que cette compagnie allait de toute façon augmenter sa part du marché si l'on interdisait la publicité, du simple fait qu'elle est la compagnie dominante sur ce marché et du fait qu'elle compte un grand pourcentage d'adolescents dans sa clientèle. Sa part du marché ne pourra qu'augmenter au fur et à mesure que sa clientèle vieillira.

M. Hill a mentionné un document portant sur la publicité ciblant la jeunesse. Dans mon livre vous trouverez de nombreux autres exemples, exemples qui viennent particulièrement d'Imperial Tobacco et dans lequel on explique que l'on cible particulièrement les jeunes n'ayant pas l'âge d'acheter leurs cigarettes. C'est après avoir lu ces documents que la Cour suprême du Canada a conclu à la majorité des juges que l'industrie du tabac visait particulièrement les jeunes.

.1510

On a brandi des chiffres démontrant que le nombre de fumeurs ne baissait pas. À la page 16 de mon livre, vous trouverez un graphique établi à partir des chiffres des ventes de l'industrie, auxquels on inclut la contrebande. La consommation par habitant a décru de 40 p. 100 au Canada entre 1982 et 1993. C'est pendant cette même période que les taxes ont augmenté, que des restrictions ont été imposées sur la publicité et sur l'usage du tabac, qu'on a apposé des étiquettes sur les emballages, etc. Ces données sont irréfutables.

L'industrie du tabac prétend qu'elle n'a pas eu le temps de préparer des amendements. Notre mémoire consiste pour l'essentiel en des amendements que nous vous proposons. Nous avons fait de notre mieux pour étudier le projet de loi et pour proposer des suggestions et des recommandations pour bonifier le projet de loi.

Nous vous proposons toute une série d'amendements dont certains sont plus importants que d'autres. Je m'attarderai seulement à deux d'entre eux. La publicité de commandite nous préoccupe énormément, et vous avez déjà reçu nombre de témoins là-dessus. L'Organisation mondiale de la santé recommande que l'on interdise complètement la commandite. Les gouvernements et les assemblées législatives de la Nouvelle-Zélande, de la France, et maintenant des États-Unis, ont banni complètement la publicité de commandite. Après avoir entendu ces témoignages, on a conclu dans ces pays que c'était la seule chose à faire pour préserver la santé de la population. Nous souscrivons à ces conclusions.

Lorsque la Cour suprême du Canada s'est penchée sur les raisons justifiant les limites à imposer au marketing, elle a jugé qu'elles justifiaient l'interdiction de la publicité sociétale. La publicité de commandite n'est en effet que de la publicité sociétale dans son style le plus pur. Elle ne présente aucune information sur le produit. Je m'appuie en cela avec plaisir sur le jugement de la Cour suprême.

Que recommandons-nous? On s'inquiète de ne pouvoir protéger les groupes déjà existants. Si c'est le cas, il n'y a qu'à ajouter une disposition protégeant les droits acquis. On prétend qu'il n'y aura plus de nouveaux événements. Incluons donc également une disposition qui prévoit le plafonnement des dépenses. Protégeons les événements, mais sans permettre aux compagnies d'augmenter leurs dépenses de publicité tous azimuts.

Je vais distribuer aux membres du comité une publicité sociétale qui est parue dans la revue Times la semaine dernière. Vous trouvez ici le nom du Maurier au bas de la page, et cela représente de 10 à 12 p. 100 de l'ensemble de la page. La compagnie peut facilement modifier son lettrage. Vous voyez ici que, malgré le peu de place accordé au nom, il s'agit d'un pur exemple de la publicité sociétale. Je le donne au greffier pour qu'il le fasse circuler.

Pour ce qui est de l'étiquetage, nous recommandons au comité d'élargir la disposition qui porte sur l'étiquetage sur les emballages. Le projet de loi permet d'exiger de l'information, mais certaines choses sont toujours impossibles à obtenir, telles que le numéro de téléphone sans frais pour aider ceux qui veulent cesser de fumer, de l'information sur les produits de remplacement à la nicotine, les trucs pour cesser de fumer, etc.

Pour ce qui est des exceptions à l'interdiction de faire de la publicité, nous vous exhortons à vous assurer que la disposition parle d'information tangible sur les produits. Dans son témoignage, M. Irving signalait que le projet de loi se traduisait dans les faits par une interdiction complète de la publicité. Impossible de faire de la publicité sans savoir si l'on enfreint ou pas la loi. Il faudrait donc prévoir qu'il s'agira d'information pratique sur les produits.

Il ne fait pas de doute que le projet de loi permet de l'information pratique sur les produits, et la communication de l'information à l'intention des consommateurs est au coeur même de la protection de la liberté commerciale prévue dans notre Constitution. C'est d'ailleurs ce sur quoi reposait le jugement majoritaire de la Cour suprême.

On pourra continuer à communiquer de l'information. Voici ce que nous voudrions recommander. Je sais qu'il est inusité d'entendre un groupe prônant la santé recommander une nouvelle exception à l'interdiction de faire de la publicité. À cet égard, nous vous suggérons de permettre la distribution de brochures d'information au point de vente, toujours en conformité des règlements, dans lesquelles on trouverait de l'information pratique. Cela se justifie par le fait que cela pourrait être utile pour se défendre en cas de contestation judiciaire de la loi invoquant la Constitution. Ce n'est qu'une petite exception, mais elle répond directement à certaines des doléances de l'industrie. Je vous incite à en tenir compte.

Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président: Nous entendrons d'abord M. Dubé, M. Hill et M. Dhaliwal.

[Français]

M. Dubé: Monsieur Cunningham, la parution de la version française de votre volume n'ayant pas encore été rendue possible, je n'ai pas pu le lire aussi rapidement que je l'aurais souhaité. Cependant, mon adjoint, qui maîtrise mieux l'anglais que moi, m'en a donné un compte rendu. C'est la première fois qu'on peut voir un élément duquel on peut tirer une conclusion. C'est vraiment un éventail historique de toutes les tentatives en matière de législation et de réglementation qui ont été faites au Canada. Vous avez aussi parlé des expériences d'autres pays.

.1515

Il y a pourtant déjà eu des tentatives de réglementation et je ne remonterai pas à l'Arche de Noé. Je ne parlerai que de celles qui régissent l'usage du tabac par les jeunes. Bien qu'un projet de loi ait été adopté il y a deux ans, on nous disait ce matin qu'au Québec, 75 p. 100 des détaillants ne s'y conformaient pas. Je croyais que c'était 50 p. 100. À quoi sert une loi si elle n'est pas appliquée? Quarante inspecteurs fédéraux suffiront-ils pour appliquer une telle loi exigeant la présentation d'une pièce d'identité?

M. Cunningham: Dans ce pays, nous avons des lois fédérales qui interdisent la vente de tabac aux jeunes depuis la première partie de ce siècle. Nous devrions peut-être songer à un système de vérification pour nous assurer que les détaillants ne vendent pas de tabac aux jeunes, un système plus efficace, peut-être semblable à celui utilisé aux États-Unis, où certaines juridictions connaissent des succès de l'ordre de 90 p. 100 et 100 p. 100.

M. Dubé: En faisant quoi?

M. Cunningham: Si le détaillant ne se conforme pas au règlement et néglige de demander aux jeunes une pièce d'identité, il reçoit une contravention ou une amende qui peut consister en une interdiction de vendre pendant une semaine. Il devient ainsi plus conscient, pour des raisons économiques, de la nécessité d'appliquer la loi. Les grands journaux rapportent que ce système, qui existe en Floride et près de Chicago, n'exige que peu de ressources et peut remporter beaucoup de succès. Ce n'est qu'au cours des 10 derniers mois que la Colombie-Britannique et l'Ontario ont commencé à utiliser ce système.

M. Dubé: J'ai toujours pensé qu'il fallait renforcer la sévérité des mesures pour interdire la vente de tabac aux jeunes. J'y pense et cette question continue de me hanter. Bien que la loi ait été mise en vigueur il y a deux ans, on constate une augmentation continue du tabagisme chez les jeunes, notamment au Québec, chez les jeunes filles et les jeunes en plus bas âge. Nous semblons ne parler que des dispositions du projet de loi qui régissent la commandite, mais pourquoi ne parlerions-nous pas de la loi interdisant la vente de tabac aux jeunes? Comment expliquez-vous la situation actuelle?

M. Cunningham: La loi a été mise en vigueur le 8 février 1994. Depuis cette fameuse date, les taxes ont diminué. Selon nous, cette réduction du prix des cigarettes est l'une des raisons majeures qui expliquent l'augmentation de l'incidence du tabagisme chez les jeunes.

M. Dubé: Lorsque les taxes augmentent, on assiste à un phénomène de contrebande.

M. Cunningham: Oui.

M. Dubé: On a alors moins de ventes officielles, mais plus de ventes non officielles. Finalement, on n'atteint pas l'objectif visé. Par analogie, on pourrait parler de la marijuana dont la consommation est illégale au Canada. Santé Canada a constaté au cours des dernières années une augmentation considérable de la consommation de la marijuana, bien qu'elle soit illégale et ne soit pas vendue légalement. Cette situation m'amène à dire qu'on ne peut avoir la certitude qu'une loi, même si elle est appliquée, va toujours réussir. Quand on fait la lecture de votre livre, c'est presque la démonstration qui semble s'en dégager.

M. Cunningham: Selon moi, les résultats qu'on a obtenus au cours des premières années qui sont suivi 1980 se sont traduits par une grande réduction du tabagisme chez les adultes et les jeunes, compte tenu de la consommation per capita. En nous penchant sur l'historique des interventions faites au Canada, nous constatons que lorsqu'on fait simultanément des interventions de différentes sortes, on obtient des résultats. Les chiffres internes qu'a compilés Imperial Tobacco sur l'incidence de la consommation de tabac chez les adultes démontrent qu'à la suite de la mise en vigueur du projet de loi C-51, la consommation avait diminué à une vitesse accélérée.

[Traduction]

Le président: Monsieur Hill.

M. Hill (Macleod): Merci, monsieur le président.

Nombre de témoins se sont inquiétés de ce que les règlements pourraient être larges et trop vagues. Partagez-vous ces préoccupations?

M. Cunningham: À certains égards, le pouvoir donné au gouverneur en conseil est moindre que celui que lui confèrent d'autres lois telles que la Loi sur les produits dangereux et la Loi sur les aliments et drogues. Dans la Loi sur les produits dangereux, tout est assujetti à la réglementation.

Nous étudions le dossier du tabac depuis déjà plusieurs décennies, et nous avons constaté que, pour limiter l'épidémie, il importait d'avoir la marge de manoeuvre voulue pour réagir rapidement aux tentatives de l'industrie d'exploiter les échappatoires. Nous sommes d'accord, par conséquent, avec le cadre de réglementation permissif et élargi que propose le projet de loi.

M. Hill (Macleod): Que diriez-vous de faire étudier les règlements par les élus avant qu'ils ne soient adoptés et annexés à la loi?

M. Cunningham: La publication dans la Gazette permet à n'importe qui de participer aux consultations, et vous, comme parlementaires, aurez tout autant la possibilité que n'importe qui d'autre d'étudier les ébauches de règlements avant qu'ils ne soient définitifs. En plus d'intervenir directement, les Canadiens peuvent tenir le gouvernement responsable devant le Parlement, et cette intervention serait souhaitable s'il advenait que les règlements ne soient pas suffisamment stricts ou soient mal conçus.

M. Hill (Macleod): Votre organisation a-t-elle eu suffisamment de temps pour étudier le projet de loi et pour tirer ses conclusions? N'allons-nous pas trop vite? Ne trouvez-vous pas que le gouvernement force l'adoption de la loi, et que cela va trop vite pour vous?

M. Cunningham: Nous avons eu amplement le temps d'étudier le projet de loi et de préparer notre mémoire et nos recommandations par écrit. Nous vous exhortons à l'adopter rapidement. Nous vous recommandons de tenir compte de nos amendements lorsque vous étudierez ce projet de loi en détail.

Le président: Monsieur Dhaliwal.

M. Dhaliwal: Merci beaucoup, monsieur le président.

Bienvenue à nos témoins. Ce n'est pas la première fois que vous comparaissez et, comme toujours, votre exposé était excellent.

Premièrement, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la déclaration faite par les fabricants:

.1520

M. Cunningham: Nous ne sommes pas d'accord. Nous croyons qu'il existe des preuves de divers types, dont certaines ont été soumises aux membres du comité plus tôt ce matin par le Conseil canadien sur le tabagisme et la santé. Il n'y a qu'à voir les témoignages d'experts qu'on retrouve dans le secteur universitaire, dans les études qui ont été publiées, dans les documents internationaux, dans les autres pays qui ont étudié les questions, dans les rapports de comité...et je pense aussi que les documents internes des fabricants de tabac sont extrêmement probants, tout comme la logique fondamentale qui émane de toutes ces interrogations.

M. Dhaliwal: Au sujet des taxes, j'aimerais savoir si vous pensez que le gouvernement aurait dû les augmenter.

De même, vous étiez probablement ici lorsque Santé Canada a témoigné. J'ai demandé à ses représentants s'ils pouvaient fixer des buts et objectifs précis que notre société devrait réaliser à long terme et si leur ministère était disposé à prendre l'initiative pour le compte du gouvernement pour réduire la consommation du tabac. À mon avis, la plupart des Canadiens croient que le tabac constitue une menace très grave pour la santé et qu'il faut contrer cette menace. Votre organisation serait-elle d'accord avec notre gouvernement si nous mettions de l'avant des objectifs précis comme celui-là? Nous devrions peut-être réduire de 10 p. 100 la consommation de tabac d'ici les 10 prochaines années. Seriez-vous d'accord avec ce genre de buts et d'objectifs si le gouvernement et le Parlement les mettaient de l'avant?

M. Cunningham: Oui, monsieur, nous serions d'accord. Nous irions même plus loin. Dans le plan que comporte notre mémoire, nous recommandons au gouvernement de produire un rapport annuel sur les progrès de sa stratégie antitabac. Nous saurions ainsi chaque année quels progrès nous avons faits. On pourrait ainsi exiger des comptes et trouver des moyens visant à améliorer la stratégie.

Au sujet des taxes, nous sommes certes d'accord avec l'augmentation des taxes qu'a annoncée le gouvernement en 1996. À notre avis, on pourrait augmenter les taxes, et ce, plus rapidement. La réduction combinée fédérale-provinciale en Ontario et au Québec se chiffrait à une vingtaine de dollars. Nous n'avons eu jusqu'à présent qu'une augmentation de moins de 3$. Au rythme actuel, il faudra attendre l'an 2011 pour revenir aux niveaux précédents.

Le président: J'aimerais poser quelques questions. Monsieur Cunningham, vous avez mentionné un tableau dans votre livre où vous indiquiez qu'il y avait eu une chute de 40 p. 100...

M. Cunningham: Il ne s'agit pas du nombre de fumeurs mais de la consommation par habitant.

Le président: De quelle période s'agissait-il?

M. Cunningham: De 1982 à 1992-1993.

Le président: Ce que M. Parker nous a montré, c'était celle-ci. J'ai entendu dire un jour qu'il y avait dans l'ordre les mensonges, les mensonges gros comme le bras, et les statistiques. Il y a quelqu'un qui se trompe ici, ou quelqu'un qui a donné une interprétation optimiste de certaines données. Comment pouvez-vous concilier votre tableau avec leur tableau à eux?

M. Cunningham: Tout d'abord, leur tableau mentionne le pourcentage de la population qui fume; on ne tient pas compte de la consommation quotidienne. Leur tableau, s'il ressemble aux autres tableaux que l'industrie a présentés par le passé, s'appuie sur divers sondages qui ne sont pas à caractère annuel et qui s'inspirent parfois de méthodologies différentes. Chose certaine, si l'on tient compte des sondages que le gouvernement a faits, on s'inspire largement du sondage de 1986, qui indique un taux de consommation inhabituellement bas parmi les adultes comparativement au sondage fait par Gallup et même les sondages internes de l'industrie.

Le président: J'aimerais aussi revenir à ce que vous disiez au sujet des dépenses de marketing que les fabricants de tabac font pour augmenter leur part du marché. Je dois vous dire que j'ai toujours pensé qu'on cachait des choses ici parce que quand j'ai entendu les nombreux groupes artistiques et culturels dire, comme je l'ai entendu dire aujourd'hui et auparavant, voici tous ces millions de dollars que nous touchons des fabricants de tabac, et quand j'entends les fabricants de tabac dire de leur côté, eh bien, écoutez, si seulement 10 p. 100 des fumeurs changent de marque pour prendre la nôtre, ça ne représente que 220 millions de dollars... Comme je l'ai dit ce matin, elles ne sont peut-être motivées que par la charité pure et non par le désir de s'emparer d'une part du marché, ou peut-être s'agit-il d'autre chose. Peut-être veulent-elles autre chose qu'une meilleure part du marché. Qu'en pensez-vous?

M. Cunningham: Je suis d'accord avec ceux qui disent qu'elles veulent plus qu'une meilleure part du marché. Chose certaine, cela compte, mais les fabricants de tabac pourraient toucher un véritable pactole si l'on interdisait totalement la publicité et la commandite. Pourtant, même si les compagnies y gagnaient davantage, elles continuent à s'opposer à l'interdiction de la publicité. Nous avons examiné la preuve et nous sommes parvenus à la ferme conclusion que la commandite et les autres formes de publicité ont un effet sur la demande générale, y compris parmi les jeunes.

.1525

Le président: Que pensez-vous de la commandite? Je vous ai écouté, mais pourriez-vous me dire ce que vous pensez de cette question en particulier? Je crois savoir que vous privilégiez l'interdiction totale de toute commandite. Que répondriez-vous aux organisations qui ont eu besoin de ce genre de financement jusqu'à ce jour? Est-ce que vous leur accorderiez des droits acquis ou les encourageriez-vous à rechercher de nouvelles sources de financement, ou quoi?

M. Cunningham: Nous ne nous opposerions pas à ce qu'on trouve des fonds de remplacement. Personnellement, je crois que certains petites groupes continueraient d'être financés un peu directement, et ce serait le cas aussi de certaines grandes organisations. Si j'en crois les rapports annuels des fabricants, une bonne part des contributions aux arts d'Imperial Tobacco, par l'entremise de du Maurier, sont considérées comme des dons de charité, et si certaines de ces contributions sont vraiment des dons de charité, elles seront maintenues.

Mais au minimum, c'est la santé publique qui doit primer. S'il faut trancher entre des objectifs rivaux, nous vous implorons de suivre le modèle américain.

M. Kyle: Nous ne nous opposons pas à la commandite. C'est la publicité qui l'accompagne qui fait problème pour nous.

Le président: Je vous remercie beaucoup pour vos interventions, pour la preuve que vous nous avez soumise.

J'invite maintenant à la table un représentant du Festival international de jazz de Vancouver, M. Robert L. Kerr, directeur administratif.

Monsieur Kerr, nous vous remercions d'avoir répondu à notre appel avec un préavis si court pour nous aider à examiner la proposition de loi dont nous sommes saisis, le projet de loi C-71. Si vous avez un texte, vous pouvez nous en donner lecture, après quoi nous pourrons vous poser des questions.

M. Robert L. Kerr (directeur administratif, Festival de jazz international, Vancouver): Merci, monsieur le président, membres du comité, d'avoir accepté d'entendre mes vues qui sont très pessimistes quant aux effets du projet de loi C-71 sur la commandite des arts par les fabricants de tabac.

Je suis le directeur administratif de la Coastal Jazz and Blues Society. Nous sommes les maîtres d'oeuvre du festival international annuel de jazz du Maurier de Vancouver. Je suis également le président de l'Association de jazz WESTCAN. Il s'agit d'une association à but non lucratif réunissant dix sociétés de jazz et des producteurs de festival de jazz de l'ouest du Canada.

Je tiens aussi à vous dire que je ne suis ni un porte-parole ni un paravent de l'industrie du tabac. Je suis le producteur d'un festival artistique. C'est dans ce contexte que je veux jeter un éclairage un peu plus favorable sur l'évolution de la commandite des fabricants de tabac.

Pour ma part, il y a 12 ans que je collabore avec les commanditaires de l'industrie du tabac. En 1986, du Maurier est devenu le commanditaire en titre du Festival international de jazz de Vancouver. Les 100 000$ qu'elle a investis cette première année ont constitué pour notre organisation populaire un soutien financier dont elle avait grand besoin. Chose certaine, le gouvernement ne faisait rien pour nous à cette époque. Ce n'est que trois années plus tard que le gouvernement a accepté de faire sa petite part, et il nous a bien fait savoir dès ce moment que nous ne pouvions compter que sur un soutien limité, peu importe le caractère innovateur de notre oeuvre ou sa contribution à la formation d'artistes canadiens.

Bien sûr, il y a dix ans, le soutien gouvernemental aux arts était déjà une peau de chagrin. Il y avait de moins en moins d'argent pour les arts, et le gros de cette somme était déjà destiné aux grandes associations et institutions artistiques établies. Mais le gouvernement nous a proposé une solution il y a 10 ou 12 ans. Il nous a invités à nous adresser au secteur privé pour obtenir des commandites.

C'est ce que nous avons fait. Nous avons trouvé un commanditaire.

Il est devenu évident pour nous que, si nous voulions que notre festival prenne son essor, il nous fallait collaborer davantage avec du Maurier. Tout en étendant notre vision artistique du festival de jazz, nous nous sommes efforcés également d'élargir son rayonnement promotionnel, de trouver des commandites à la radio, à la télévision et dans la presse écrite. Cela a eu pour effet d'augmenter la valeur promotionnelle pour du Maurier, qui a subséquemment augmenté sa commandite, ce qui a permis d'élargir notre programmation - et ainsi de suite.

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Aujourd'hui, du Maurier verse plus de 450 000$ directement à la Coastal Jazz and Blues Society. Le Festival de jazz est devenu la plus grande manifestation artistique annuelle de Vancouver, avec 260 spectacles réunissant plus de 1 000 artistes pour un auditoire de plus de 300 000 personnes. Notre festival est reconnu dans le monde entier, c'est une manifestation artistique dominante ainsi que l'une des pierres angulaires du jazz au Canada. Rien de tout cela n'aurait pu se faire sans la commandite à long terme de du Maurier.

Le soutien de du Maurier est également important à l'échelle nationale. Du Maurier est le commanditaire en titre des festivals de jazz de Toronto, Montréal et Halifax, ainsi qu'un commanditaire secondaire au festival de Winnipeg, Saskatoon, Edmonton et Victoria. L'élimination ou la réduction draconienne de la commandite de du Maurier causera l'effondrement des festivals de jazz au Canada. Je n'ai aucun doute à ce sujet.

Pourquoi le projet de loi C-71 créera-t-il un tel bouleversement dans la communauté artistique du Canada?

Le projet de loi dit que les fabricants de tabac peuvent continuer de commanditer des manifestations et même d'utiliser leurs marques de commerce. Donc quel est notre problème? Le problème, c'est que le projet de loi C-71 est trompeur et frauduleux quant à la question de la commandite. Même s'il affirme qu'il continuera de permettre de telles activités, le projet de loi a pour effet de les corseter parce qu'il impose tant de restrictions et de règlements au niveau promotionnel que les fabricants de tabac n'y verront plus le moindre intérêt.

Étant donné que notre festival est commandité, nous ne pourrons plus mentionner le nom de notre commanditaire dans notre réclame radio ou télévisée. Son logo ne pourra plus apparaître sur nos affiches, sur nos enseignes, sur nos panneaux, sur les autobus ni même dans notre programme primeur si celui-ci était distribué à l'extérieur du site du festival.

Nous ne pourrons plus mentionner le nom de du Maurier que sur la publicité envoyée directement par la poste, sur la publicité apparaissant au site du festival et dans les bars, ou dans les publications dont le lectorat sera surtout adulte, peu importe comment on définit cela.

Le ministre de la Santé affirme bien haut qu'il ne veut pas miner le statut économique des groupes artistiques et il fait valoir que ces restrictions au niveau des commandites sont raisonnables et équilibrées. Après avoir pris connaissance du projet de loi C-71, je suis d'avis, sauf tout le respect que je vous dois, qu'ou bien le ministre ne comprend pas l'effet réel que cette loi aura sur la commandite, ou alors il se moque bien de ce qu'il adviendra des arts au Canada.

Pour moi, le projet de loi C-71, c'est la solution à 10 p. 100 pour la commandite. Au lieu d'interdire totalement toute commandite, le ministre de la Santé a eu l'habilité de produire une loi qui réduira grandement sa valeur promotionnelle. Ce que ça veut dire pour nous, c'est qu'au lieu de verser pour plus de 450 000$ au Festival de jazz de Vancouver à titre de commanditaire en titre, du Maurier, et on la comprend, ne versera que 40tas000$ ou 50 000$ au mieux, à titre de commanditaire secondaire ou tertiaire.

Il en sera ainsi non pas parce qu'on restreindra la taille de son nom. Il en sera ainsi parce qu'on ne pourra plus mentionner son nom dans tous les médias. Après avoir écouté l'avis juridique du CCFPT, je suis encore plus pessimiste quant à sa volonté de s'engager dans de futures commandites.

Comment allons-nous compenser cet appui financier que nous allons perdre? Bonne question. À l'heure actuelle, la contribution de du Maurier compte pour environ 30 p. 100 de tout notre budget opérationnel et 83 p. 100 de toutes les contributions liquides à la commandite. Le deuxième don en importance que nous ayons jamais reçu était de 60 000$, et il provenait de Volkswagen, qui n'est pas une petite entreprise.

Je ne peux pas vous dire combien de lettres de refus j'ai reçues des banques et des institutions financières du Canada. Le festival de jazz est peut-être la plus grande manifestation artistique annuelle de Vancouver, cela ne compte pas beaucoup dans le marché global des médias. Nous ne pouvons concurrencer les grandes manifestations sportives télévisées et les stades, et aujourd'hui, même les gouvernements, les universités et les sports de plein air jouent des coudes pour obtenir des commandites.

Le ministre Dingwall affirme que la commandite du tabac ne constitue qu'une part négligeable du mécénat. Trente pour cent de notre budget, ce n'est pas négligeable. Et c'est particulièrement important pour les arts modernes et pour les petites organisations artistiques, qui souvent n'ont pas eu droit au soutien que l'État accordait aux arts dans notre pays.

J'aimerais également mentionner le document que M. Volpe, je crois, a mentionné plus tôt aujourd'hui lorsqu'il a dit «que ce n'est que 0,04 p. 100 d'un budget.» Dans cette même étude de la CCA, notre organisation y figure pour 27 p. 100 de notre budget. C'était il y a trois ans, et c'est un peu plus maintenant, près de 30 p. 100. Je pense que vous allez trouver d'autres exemples de commandites très importants dans cette étude.

Les arts au Canada ont profité grandement du soutien de du Maurier depuis plus de 25 ans. Pourquoi faisons-nous de la promotion? Nous faisons la promotion de nos manifestations, et en même temps nous faisons la promotion de notre commanditaire, une marque de commerce, c'est vrai, mais nous ne faisons pas la promotion des produits du tabac en soi. On ne voit aucun produit du tabac dans notre matériel de promotion, dans notre graphisme ou dans la publicité associée aux manifestations commanditées. Nous n'avons jamais vendu de cigarettes aux sites du festival du jazz. D'ailleurs, la plupart de nos sites sont des espaces non-fumeurs. En outre, notre auditoire se compose d'adultes; 96 p. 100 ont plus de 19 ans, et plus de 85 p. 100 ont plus de 25 ans.

.1535

J'aimerais vous montrer notre affiche. Je ne crois qu'on puisse dire d'elle que c'est une réclame pour une marque de cigarettes. Il s'agit d'une réclame pour une manifestation artistique, une oeuvre d'art qui dépeint une manifestation artistique.

Dire que la commandite encourage les gens à fumer est une affirmation ridicule à mon avis. Penser que la commandite crée des comportements, c'est faire bien peu de cas des consommateurs et trop de cas de commandites. Si la commandite détermine le comportement, il y aurait des tas d'entreprises qui feraient la queue pour nous encourager, et ce n'est pas le cas. Dans une industrie lourdement réglementée, la commandite demeure l'un des rares moyens que les fabricants de tabac ont à leur disposition pour faire connaître leurs marques de commerce.

Nous sommes d'accord pour dire que certaines restrictions doivent s'appliquer, mais le projet de loi C-71 va trop loin. Les restrictions relatives à la commandite que contient le projet de loi C-71 vont causer un tort économique énorme à la communauté artistique du Canada sans que la santé publique n'en profite d'une manière appréciable. Il n'y a pas d'équilibre ici, la logique est absente aussi.

En outre, le gouvernement du Canada refuse de reconnaître ou d'admettre la moindre responsabilité pour la crise que ce projet de loi va créer dans le financement des arts. Le ministre de la Santé affirme allégrement que les fabricants de tabac vont continuer de verser ces 25 millions de dollars en liquide aux groupes artistiques à titre d'activités philanthropiques et non plus à titre de commandites.

Soyons francs ici. Il n'y a pas de commandite sans promotion pour le commanditaire. Un don de 5 000$ ou de 10 000$ n'est jamais une commandite de 500 000$. On n'aurait pas pu choisir pire moment pour la communauté artistique du Canada. Les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux s'emploient tous à réduire ou à éliminer les programmes de financement des arts. Une telle décision ne peut être prise dans le vide. Les restrictions du projet de loi C-71 à la commandite doivent être repensées dans le cadre d'un processus transparent et honnête de consultation avec tous les intéressés.

À tout le moins, le gouvernement du Canada doit prévoir une période de transition d'un minimum de cinq ans pour la mise en oeuvre de ces restrictions ou alors proposer une disposition de droits acquis qui permettrait aux organisations qui sont actuellement commanditées par les fabricants de tabac de continuer de faire la promotion complète de leurs commanditaires aux termes de contrats futurs.

Plus tôt aujourd'hui, M. Kelly de la Conférence canadienne des arts a dit qu'il n'y avait pas unanimité au sein de la communauté artistique sur cette question. Je suis d'accord avec lui parce que je ne partage pas la conception prudemment optimiste qu'il se fait des propositions visant la commandite dans ce projet de loi. Si l'on ne parvient pas à régler cette question, toutes les régions du Canada vont subir des torts énormes sur le plan culturel et économique. La communauté artistique du pays vous supplie de repenser ce projet de loi.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kerr.

[Français]

Monsieur Dubé.

M. Dubé: Une toute petite question étant donné que je n'ai assisté qu'à une partie de l'exposé.

J'aimerais que vous détailliez davantage votre compromis concernant les droits acquis relativement aux commandites.

[Traduction]

M. Kerr: Pardonnez-moi, mon écouteur me fait mal un peu, mais si je vous comprends bien, vous voulez plus de détails sur la disposition de droits acquis et les restrictions à la transition. À mon avis, tout cela revient à dire que les fabricants de tabac consacrent aujourd'hui 25 millions de dollars aux arts au Canada. C'est énormément d'argent. C'est un très gros pourcentage de nos budgets. À tout le moins, je pense que nous devons protéger ce 25 millions de dollars et permettre aux organisations qui collaborent actuellement avec ces commanditaires de maintenir cette collaboration. Si l'on veut adopter ces restrictions et ces règlements, nous aurons besoin d'au moins cinq ans.

Je recueille des fonds pour notre organisation. J'en suis le directeur administratif. Nous avons besoin d'au moins cinq ans pour trouver des moyens raisonnables de remplacer cette contribution, parce que ça prend beaucoup de temps. Ce que ça veut dire, c'est qu'il faudra trouver beaucoup plus d'entreprises pour encourager les arts. Pour moi, c'est évident.

.1540

[Français]

M. Dubé: Si je comprends bien, vous parlez de 25 millions de dollars, mais il semble qu'il s'agit de plus de 60 millions de dollars. Disons que je ne ferai pas de guerre de chiffres avec vous. Les organisateurs d'événements culturels et sportifs parlent de 60 millions de dollars en commandites pour l'ensemble du Canada.

Donc, vous proposez un genre de moratoire; on irait vers une diminution sur une période de cinq ans. C'est bien ce que vous avez dit?

[Traduction]

M. Kerr: Ce que j'ai dit, c'est qu'il faut protéger cette commandite, ces 60 millions de dollars pour les arts et les sports, par des dispositions de droits acquis. Je pense que ce serait une situation idéale pour nous. Cela nous permettrait de produire d'autres grandes manifestations artistiques.

Le président: Monsieur Hill.

M. Hill (Macleod): Je vous remercie de votre intervention. Si du Maurier partait, votre festival international cesserait-il d'exister?

M. Kerr: Si du Maurier partait, ce ne serait plus un festival international. Ça deviendrait un festival communautaire, un festival local. La taille de notre festival se rétrécirait de 10 ou 15 p. 100. Nous ne pourrions plus envoyer en tournée d'un océan à l'autre des spectacles de jazz et des artistes de jazz canadiens. Nous ne pourrions faire venir de grands artistes de calibre international d'Europe, d'Afrique, d'Asie et des États-Unis. Au mieux, ce ne serait plus qu'une petite manifestation.

Autre chose, c'est qu'il existe plusieurs festivals de jazz au Canada. Les grands festivals des grandes villes - Vancouver, Toronto et Montréal, ainsi que Halifax - sont des festivals pilotes, et ils soutiennent les petits festivals qui ont lieu en même temps. C'est tout un réseau que nous avons là, et tout ce réseau va fermer ou se rétrécir considérablement.

M. Hill (Macleod): Du Maurier vous a-t-elle dit clairement ce qu'elle compte faire si ce projet de loi est adopté?

M. Kerr: Je serai franc avec vous, je lui ai parlé. Elle m'a dit que c'est beaucoup trop vague; c'est tellement confus qu'elle ne peut pas prendre position pour le moment. Mes affirmations se fondent sur mes 12 années d'expérience comme producteur culturel et sur ma collaboration avec d'autres commanditaires, et sur la façon dont nous avons fait la promotion de notre manifestation et de nos commanditaires.

M. Hill (Macleod): Étant donné que vous êtes dans ce domaine depuis tellement longtemps, vous vous souviendrez probablement de ce qui s'est produit lorsqu'a été adoptée la Loi réglementant les produits du tabac. Vous vous souvenez que le même débat a eu lieu?

M. Kerr: Oui, je m'en souviens. D'ailleurs, j'ai même témoigné aux audiences parlementaires sur le projet de loi C-51.

M. Hill (Macleod): Les craintes que vous aviez exprimées à ce moment se sont-elles concrétisées? Si je me rappelle bien votre témoignage, vous teniez essentiellement le même langage.

M. Kerr: C'est vrai, et je pense que le gouvernement de l'époque nous a écoutés. Il a permis le maintien des commandites en adoptant la disposition qui permettait aux entreprises de maintenir leur raison sociale dans la promotion. Je crois très sincèrement que le gouvernement savait à l'époque que les fabricants de tabac créeraient ces compagnies comme du Maurier Limitée, Players Limitée, Rothmans Inc., et d'autres compagnies, et des responsables gouvernementaux me l'ont confirmé en privé.

M. Hill (Macleod): Vous avez dit que du Maurier avait commencé avec 100 000$ et qu'elle avait haussé sa contribution à 450 000$ en liquide. Admettez-vous que les préoccupations que vous avez exprimées à l'époque n'étaient pas fondées?

M. Kerr: Au contraire. Comme je l'ai dit, du Maurier a pu maintenir sa commandite en utilisant son nom. Elle a dû modifier sa raison sociale à du Maurier Limited, pour se conformer à la loi, mais elle a pu maintenir l'association de du Maurier au festival de jazz. C'est pour ça que nous avons pu élargir notre manifestation et en faire une manifestation commanditée par une marque de commerce.

M. Hill (Macleod): Merci.

Le président: Merci.

Nous allons passer à vous, monsieur Scott, et nous vous demanderions d'accorder un peu de temps à votre collègue, M. Szabo.

M. Scott: Merci beaucoup, monsieur le président.

Lorsque vous avez communiqué avec du Maurier, lui avez-vous demandé quelle restriction serait acceptable?

M. Kerr: Non. Le gros problème ici, ce sont toutes ces limites à l'inclusion du nom du commanditaire dans notre promotion. Si son nom n'est pas mentionné dans la promotion que nous faisons pour le festival, tout cela n'a alors aucune valeur pour lui. Encore là, tout s'est fait tellement vite que j'ai eu à peine le temps de lire le projet de loi avant de rédiger mon mémoire.

M. Scott: Mais vous dites que vous vous êtes entretenu avec votre commanditaire et qu'il ne pouvait pas vous dire si oui ou non il allait retirer son appui financier. Je vous posais cette question seulement pour savoir si votre commanditaire vous avait proposé une solution de rechange à votre problème, qu'il doit comprendre.

.1545

M. Kerr: Non, il n'a proposé aucune solution.

M. Scott: Je n'ai plus qu'une question, monsieur le président.

Si le genre de publicité qui se fait - et je ne pose pas cette question parce que je veux tout ramener à moi, au contraire - au festival très modeste que soutient du Maurier à Fredericton coûte environ 5 000$, ce festival ne sera pas du tout touché. Il n'y a pas de publicité dans les journaux; il n'y a rien à la radio. Essentiellement, tout ce qu'on fait, c'est mettre des tas d'affiches sur le site. J'imagine que vous avez une idée de ce que je veux dire. Il y a une licence pour chaque endroit où il y a spectacle. Donc, essentiellement, cette loi n'aura pas beaucoup d'effet sur les activités associées à notre petit festival.

Si du Maurier décide qu'elle ne peut plus consacrer 454tt000$ à votre festival et qu'on lui permet de subventionner de petits festivals comme le mien à Fredericton, y voyez-vous un avantage? Je ne veux pas dire que c'est une bonne solution, mais y voyez-vous un avantage pour la promotion du jazz au Canada?

M. Kerr: Non. Pour notre festival, comme je l'ai dit à M. Hill, l'ampleur ne serait plus du tout la même. Notre festival est une manifestation internationale. L'organisation de ce festival suscite des activités à longueur d'année à Vancouver.

Pour ce qui et de savoir si les fabricants de tabac continueraient de contribuer pour 5 000$ au festival de Fredericton...eh bien, sans doute que oui. Mais je pense que les promotions en souffriraient quand même, parce que sans le logo de du Maurier sur son programme, le festival de jazz de Fredericton ne serait plus en mesure de publier son programme à l'avance. Le festival ne pourrait plus poser ses affiches partout en ville et dans la province à l'avance. Donc, je crois que les promotions en souffriraient, et cela obligerait tout probablement les entreprises à retirer même leurs plus petites contributions. Mais une contribution de 5 000$ est essentiellement un don philanthropique.

Le président: Merci, monsieur Scott.

Monsieur Szabo.

M. Szabo: Merci, monsieur le président.

Robert, votre conviction et votre attachement au Festival international de jazz de Vancouver ne font absolument aucun doute dans mon esprit - et chose certaine, c'est le cas aussi pour tous les groupes qui ont témoigné devant le comité. Cela doit être très difficile pour vous, mais vous devez comprendre notre point de vue - et je pense que vous êtes un très bon exemple de la situation - et nous constatons que le financement de vos activités par l'industrie du tabac a augmenté d'environ 450 p. 100 en très peu de temps. Il y a lieu de se demander pourquoi et comment les festivals de jazz ont tellement changé à cause de ça.

Je ne suis pas sûr si vous étiez ici plus tôt ou non. J'ai conjecturé ou simplement lancé l'hypothèse que l'industrie du tabac, qui n'a pas encore témoigné devant notre comité et qui ne témoignera pas non plus - vous ne verrez pas ici Imperial Tobacco ou Benson & Hedges ou un autre fabricant de tabac. Ces entreprises nous ont délégué leur association. Cette association ne court aucun risque sur le plan juridique, pour ainsi dire, si elle déclare quoi que ce soit à notre comité. Elle n'est pas obligée de répondre à certaines questions, mais on dirait presque que les fabricants de tabac qui vous commanditent vous ont mis dans une situation où tous vos oeufs sont dans le même panier et vous êtes maintenant presque leurs prisonniers. C'est une mauvaise stratégie, à mon avis, et vous l'admettrez probablement vous-mêmes maintenant.

À votre avis, étant donné que tous les fabricants de tabac continueront d'être assujettis aux mêmes règlements et que l'activité que vous organisez et d'autres activités semblables représentent encore leurs marchés cibles, leur faudra-t-il encore faire de la publicité ou faire de leur mieux en respectant les règles du jeu, même si celles-ci sont plus ou moins limitées? Ne pensez-vous pas qu'ils devront quand même faire de la publicité?

M. Kerr: Votre question est à deux volets et j'y répondrai donc en deux parties. Premièrement, toute proportion gardée, nous recevons de la compagnie du Maurier, en 1996-1997, le même niveau de financement qu'en 1986, où nous avons obtenu 100 000$. À l'époque, notre budget était d'environ 250 000$ ou 300 000$, et cela représentait donc près d'un tiers de notre budget.

Je me plais à croire que si nous avons réussi à négocier des contrats plus importants avec du Maurier, c'est grâce à notre expérience et notre savoir-faire dans l'organisation de notre activité. Celle-ci a pris de l'importance et est beaucoup plus connue que par le passé. Je le répète, nous avons également fait appel à d'autres commanditaires médiatiques et à toutes sortes d'autres moyens pour donner plus d'ampleur à cette activité depuis 1986. Si cette compagnie a augmenté sa commandite, c'est parce que nous avons fait du bon travail. L'un des objectifs d'un organisateur d'événements, d'un producteur artistique ou autre, c'est sans aucun doute d'obtenir plus d'appui de la part des commanditaires.

.1550

M. Szabo: J'ai une dernière question qui est brève. Bon nombre des autres groupes représentant le domaine artistique et culturel qui ont comparu devant le comité se sont hasardés à exprimer une opinion sur l'efficacité des commandites ou de la publicité liées au comportement. Vous l'avez fait également et c'est pourquoi j'aimerais vous demander de nous fournir des preuves, découlant de recherches scientifiques ou autres, pour étayer l'avis professionnel que vous venez de nous donner.

M. Kerr: Je ne peux qu'invoquer les travaux que j'ai faits avec mes pairs, ou l'information recueillie lors de conférences sur la commandite. Il existe à Chicago un excellent organisme appelé le International Events Group, qui publie de la documentation, des bulletins, etc., sur les commandites. Les recherches et l'expérience de ce groupe étayent sans nulle doute les déclarations que j'ai faites. La commandite revient en fait à affermir la place d'une société sur le marché, surtout lorsqu'une société ne peut pas y associer un produit.

M. Szabo: Merci.

Le vice-président (M. Dhaliwal): Je vous remercie, Robert. Nous sommes heureux de vous revoir parmi nous. Je sais que vous m'avez déjà fait part de ces préoccupations lors de nos rencontres précédentes. Je suis sûr que ces préoccupations reflètent celles de nombreux groupes artistiques - comme le festival du film à Vancouver - et d'autres organismes. Vous nous avez très bien présenté votre position. En notre qualité de députés, nous avons très à coeur certains problèmes dont vous avez parlé. À l'heure actuelle, sauf erreur, aucun de vos commanditaires ne vous a informé de son intention de ne plus participer à votre activité. Tout cela est un peu présomptueux, n'est pas?

M. Kerr: Là encore, je ne peux parler que d'après mon expérience personnelle, en vous donnant mon avis professionnel: je dois vous dire que je ne fais pas semblant, lorsque j'affirme que je suis très inquiet.

Le vice-président (M. Dhaliwal): Très bien, merci beaucoup d'être venu depuis Vancouver pour nous rencontrer.

M. Kerr: Je vous remercie.

Le vice-président (M. Dhaliwal): Nous passons maintenant au groupe suivant, l'Association pour les droits des non-fumeurs.

Je vous souhaite à tous la bienvenue devant notre comité, et surtout au groupe de M. Mahood, M. Sweanor et François Damphousse. Qui va débuter l'exposé?

M. Garfield Mahood (directeur exécutif, Association pour les droits des non-fumeurs): Je vais commencer, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, et je vais vous présenter mes collègues. Je m'appelle Garfield Mahood et je suis directeur exécutif de l'Association pour les droits des non-fumeurs. Je suis accompagné aujourd'hui de David Sweanor, conseiller juridique principal de notre association. David agit comme conseil auprès de l'Organisation mondiale de la santé et il a été expert-conseil auprès de la Food and Drug Administration des États-Unis lors de ses délibérations récentes sur la règle de la FDA. Nous sommes également accompagnés par François Damphousse, directeur de notre bureau de Montréal. Il y a environ un an qu'il occupe ses fonctions, en s'occupant à plein temps des questions relatives à la réglementation du tabac.

.1555

Je voudrais d'entrée de jeu féliciter le gouvernement d'avoir proposer ce projet de loi. Comme je l'ai déjà dit, il est imparfait mais c'est malgré tout un excellent pas en avant. À notre avis, il est essentiel non seulement d'adopter ce projet de loi, mais également de le faire dans les plus brefs délais. Nous continuons d'espérer - en espérant que ce n'est pas pure naïveté de notre part - qu'il sera adopté comme promis d'ici la fin de la semaine.

Ce projet de loi est d'une importance cruciale pour un certain nombre de raisons et notamment parce que le Canada joue dans ce domaine un rôle de chef de file dans le monde - et David pourra vous en dire plus sur ce point. Les mesures que prend le Canada ont sans nul doute influer sur la politique en matière de santé d'autres pays. Il y a à ce titre une certaine urgence chez nous également. Cette raison à elle seule est suffisante, mais cela nous rappelle également qu'il importe d'essayer d'améliorer la législation en vigueur chaque fois que possible.

Nous allons recommander certains amendements qui nous paraissent extrêmement importants et nous espérons que nos recommandations seront utiles. À notre avis, il importe de supprimer certaines échappatoires car l'industrie du tabac est connue pour la façon dont elle exploite au maximum ces échappatoires - et j'aimerais vous en citer quelques exemples.

Lorsqu'on a interdit la publicité sur le tabac en France, on a vu par la suite des annonces publicitaires à pleine page dans les revues nationales. Bien sûr, quiconque y jette un coup d'oeil se rend compte sur-le-champ qu'il s'agit d'une publicité pour le tabac, mais il faut être très vigilant. Il s'agit en fait de publicité pour les boîtes d'allumettes à un cent. Le gouvernement désirait interdire la publicité pour le tabac, et les fabricants ont tout simplement produit des publicités qui étaient des reproductions exactes d'annonces publicitaires pour le tabac, lesquelles atteignaient le même objectif. Ils sont prêts à tout pour défendre leur position. Il faudrait vraiment manquer de réalisme pour prétendre qu'il ne s'agit pas d'une publicité pour le tabac. Toutefois, en France, ces publicités de Marlboro concernaient des briquets et pas du tout les cigarettes. Aucune société ne fait de la publicité pour des boîtes d'allumettes et des briquets dans les revues nationales, mais Marlboro l'a fait. Il va sans dire qu'il a fallu supprimer cette échappatoire.

Les fabricants de tabac vous diront qu'ils ne s'intéressent pas au marché des enfants. Eh bien, il s'agit de la société mère de RJR-Macdonald, responsable de la campagne publicitaire de Joe Camel. Si vous voulez voir la publicité sans doute la plus obscène jamais produite... Non, il est difficile d'user de superlatif pour parler de cette industrie. Il s'agit de publicités de Joe Camel. Les emballages sont tellement formidables que nous espérons les récupérer ensuite une fois qu'ils sont terminés. Pour vos dossiers, toutefois, nous en avons ici certaines photos qui montrent à quel point les fabricants de tabac n'ont vraiment aucune limite.

Le vice-président (M. Dhaliwal): Puis-je vous poser une question, monsieur Mahood? S'agit-il des petits paquets - ce qu'on appelle les «mini-paquets» - qui, d'après ce qu'on nous a dit, sont destinés aux jeunes, coûtent moins cher et renferment moins de cigarettes qu'un paquet normal?

M. Mahood: Non, il s'agit d'un paquet de cigarettes Camel de taille normale. Il vient juste d'être mis en marché aux États-Unis, mais les cigarettes Camel sont également en vente dans notre pays, comme vous le savez.

Nous soulevons cette question pour deux raisons: d'une part, pour montrer jusqu'où l'industrie est prête à aller et d'autre part, pour expliquer - quand David parlera des amendements - pour quelle raison il est indispensable de supprimer ces échappatoires en vue d'empêcher que ces campagnes de promotion ne visent les enfants canadiens.

Cela dit, après avoir fait ces remarques en guise d'introduction, je vais demander à François de dire quelques mots et nous donnerons ensuite la parole à David qui vous présentera nos amendements.

.1600

[Français]

M. François Damphousse (Association pour les droits des non-fumeurs): Merci beaucoup, mesdames et messieurs.

Nous voulons surtout dire que nous accueillons favorablement le projet de loi. Comme vous le savez, surtout au Québec, on a la plus forte prévalence de tabagisme au pays et nous en sommes très préoccupés. Même le ministre de la Santé, Jean Rochon, au Québec, prévoit adopter une loi. Votre projet devrait encourager énormément le gouvernement au Québec à poursuivre sa démarche.

Nous croyons que le projet de loi présenté par le gouvernement fédéral n'est pas extrémiste. Il comprend les mêmes pouvoirs qu'on retrouve dans la Loi sur les produits dangereux ou dans la Loi sur les aliments et les drogues. C'est tout à fait approprié pour une industrie qui est responsable, comme vous le savez, d'un grand nombre de décès chaque année.

Effectivement, pendant de nombreuses années, les fabricants de tabac ont joui d'une liberté exceptionnelle pour mettre sur le marché leur produit mortel. On ne peut plus tolérer une telle situation et nous souhaitons que vous adoptiez le projet de loi le plus rapidement possible. Merci.

[Traduction]

M. Mahood: J'aimerais faire une dernière remarque avant de passer à nos amendements.

On a beaucoup parlé de contestation. J'en ai entendu parler vendredi et il y a été fait allusion encore aujourd'hui. Permettez-moi de dire que lorsque le Canada jouera un rôle de chef de file, les représentants de l'industrie vont contester devant les tribunaux, quoi que nous fassions. Il n'est pas réaliste de s'attendre à ce qu'il n'y ait pas contestation.

À quoi cela est-il dû? Dans les autres pays où nous voyageons et où nous travaillons à l'occasion, l'industrie veut être à même de dire que la loi canadienne fait l'objet de contestation devant les tribunaux pour gagner un report de sept ans, car bon nombre de pays vont attendre de voir ce qui se passe au Canada avant d'agir dans ce domaine.

Il y aura contestation quoi que l'on fasse. Je pense que David pourra vous expliquer comment rendre la législation plus efficace avant même d'en arriver là.

M. David T. Sweanor (conseiller juridique principal, Association pour les droits des non-fumeurs): D'autres ont dit que ce projet de loi n'est pas aussi draconien que certains semblent le croire.

Si l'on envisage d'adopter des lois dans le domaine de la santé publique, il faut que celles-ci confèrent de vastes pouvoirs. Ceux qui reprochent à ce projet de loi d'être trop strict n'ont jamais lu les textes de loi en matière de santé publique provinciale s'adressant aux professionnels de la santé, ou alors ils n'y comprennent rien. Ils ne comprennent rien non plus à la législation visant les médecins légistes. Ils n'ont visiblement jamais pris connaissance de la Loi sur les produits dangereux ou de la Loi sur les aliments et drogues. Toute loi visant à protéger la santé publique doit prévoir de vastes pouvoirs, car lorsqu'on est confronté à un problème sérieux, il ne faut pas être obligé de saisir à nouveau l'assemblée législative pour modifier la loi en vigueur. Cela prend trop de temps et on déplore trop de victimes dans l'intervalle.

Un autre problème se pose lorsqu'on fait face à des dispositions concernant le tabac, comme celles-ci. C'est un peu la mauvaise nouvelle. Il faudra revenir et modifier la loi, quoi qu'il arrive, car on se trouve exactement dans la même situation que pour la Loi de l'impôt sur le revenu. Tant qu'une personne a un intérêt financier à contourner la loi en vigueur, elle va le faire. Il faut commencer par des dispositions aussi générales que possible pour disposer de vastes pouvoirs, mais il faut bien admettre que la loi devra être modifiée en cours de route. Cette loi devra évoluer au même titre que la Loi de l'impôt sur le revenu car de nouveaux problèmes se posent continuellement.

Pour avoir une idée de l'aspect économique de la question, l'industrie du tabac prétend qu'elle ne veut pas que les enfants fument. Quelle incitation pourrait-elle avoir à mal se conduire? Les bénéfices de certains de ces fabricants sont de l'ordre de 50c. le paquet. Une personne qui fume un paquet par jour leur rapporte environ 200$ par an. Un enfant de 15 ans qui commence à fumer aujourd'hui et qui fume pendant 25 ans, en moyenne, avant d'arrêter de fumer ou d'y laisser la vie, représente 5 000$ de bénéfices à venir pour les fabricants, même s'ils n'augmentent jamais le prix des cigarettes.

Si l'on multiplie cette somme par 100 000 ou 150 000 enfants qui commenceront à fumer cette année, on obtient entre 500 et 750 millions de dollars de bénéfices futurs découlant uniquement des enfants qui commenceront à fumer cette année. C'est une incitation énorme.

À mon avis, l'industrie du tabac fera fi de tout cela au même titre qu'une société pétrolière fait fi de la possibilité de découvrir un énorme nouveau gisement de pétrole. C'est l'avenir de l'industrie qui est en jeu.

Comme Gar l'a dit également, le Canada est un chef de file reconnu dans le monde entier dans ce domaine, et s'il existe un domaine où il faut faire preuve de leadership et même prendre des risques, c'est bien celui-là. L'Organisation mondiale de la santé nous dit que plus de un demi-milliard de personnes en vie aujourd'hui vont mourir des conséquences directes des produits du tabac. Dans le monde entier - et je le sais parce que je voyage dans bon nombre de ces pays - , le Canada est considéré comme un chef de file dans le domaine de la santé en général, et surtout de la santé publique, et tout particulièrement en matière de réglementation du tabac.

.1605

Il y a six jours, j'ai comparu devant un comité législatif en Pologne. J'examinais les lois et règlements de ce pays, qui s'inspirent de ceux du Canada. Ce matin, j'ai reçu dans mon bureau une note indiquant que le ministre de la Santé de la Pologne vient d'approuver de nouvelles dispositions législatives relatives aux avertissements pour la santé qui s'inspirent de ceux en vigueur au Canada: en blanc et noir, 30 p. 100 et sur le dessus et à l'endos des paquets.

Il en est allé de même en Australie, en Thaïlande, à Singapour et en Afrique du Sud. Ce sont des pays qui prennent exemple sur le Canada et s'inspirent des recommandations émanant de comités législatifs comme le vôtre. Ces mesures ont une incidence dans le monde entier.

Étant donné l'importance de cette loi, il est possible d'améliorer certaines dispositions sur-le-champ, ce qui nous évitera de devoir saisir le Parlement d'éventuelles modifications trop rapidement.

Je vais passer brièvement en revue nos recommandations, mais vous avez notre mémoire en main. Vous y trouverez le libellé exact en annexe.

À l'alinéa 7a), il est question de l'organisme de réglementation qui existera pour établir des normes applicables aux produits du tabac. À notre avis, cette disposition est trop limitée. À l'heure actuelle, il est prévu de régir les quantités des substances que peuvent contenir les produits et les substances qui ne peuvent pas être ajoutées aux produits.

Les législateurs souhaitent régir les caractéristiques autorisées pour le produit. Par exemple, le taux d'acidité de la fumée du tabac influe énormément sur l'aptitude des enfants à avaler la fumée. Il s'agit d'une caractéristique et non d'une norme. Le recours à des orifices de ventilation pour truquer les machines qui servent aux essais est une caractéristique, et non une norme. Je crois qu'il faudrait prévoir des façons de contrôler ce genre de choses.

Si nous désignons les substances qui ne peuvent pas être ajoutées aux produits, il faut être en mesure de désigner les substances qui peuvent y être ajoutées. J'ai parlé à suffisamment de gens qui travaillent ou ont travaillé pour des fabricants de tabac pour savoir qu'il est possible de modifier ces produits de nombreuses façons, et le gouvernement devrait être en mesure de régir ces modifications si cela permet de sauver des vies au Canada.

L'article 10 du projet de loi vise à interdire à toutes fins pratiques les «mini-paquets», soit les paquets destinés aux enfants qui contiennent moins de 20 cigarettes. C'est à mon avis une mesure importante, mais nous laissons entendre que le gouvernement a le pouvoir de fixer, par règlement, non seulement la taille minimum du paquet, mais la taille du paquet en général.

L'expérience d'autres pays, et même du Canada, nous prouve que le fait de créer des paquets plus gros peut vraiment accroître la consommation. En Australie, il existe des paquets de 40 cigarettes. Il existe des preuves selon lesquelles au fur et à mesure que l'industrie du tabac augmente la taille des paquets, bien des gens qui fument un paquet par jour conserveront leur habitude, que le paquet contienne 20, 25 ou 30 cigarettes, ou même davantage. Nous est-il possible d'empêcher les fabricants de tabac de mettre en marché ces superpaquets? Je pense qu'il faudrait au moins prévoir des pouvoirs de réglementation nous permettant d'y remédier.

L'article 15 porte sur l'étiquetage, tant sur l'emballage extérieur qu'intérieur. En fait, le libellé de cette disposition - et d'autres groupes en ont parlé - limite les pouvoirs du gouvernement du Canada. En effet, la disposition ne s'applique qu'à l'information exigée sur le produit et ses émissions, ainsi que sur les dangers pour la santé et les effets sur celle-ci liés à l'usage du produit et à ses émissions.

Toutefois, il existe d'autres renseignements qui ne concernent pas les dangers pour la santé mais qu'il faudrait pouvoir indiquer sur les emballages.

Dans divers pays, des groupes de promotion de la santé ont demandé qu'il soit fourni de l'information sur la façon d'arrêter de fumer. Nous savons, en dépit des arguments des fabricants de tabac selon lesquels ce produit ne crée aucune accoutumance, que la grande majorité des fumeurs ne veulent pas fumer; ils veulent qu'on les aide à s'arrêter. On pourrait indiquer sur les emballages un numéro de téléphone sans frais que les gens pourraient appeler pour obtenir de l'information sur les moyens d'arrêter de fumer. On pourrait peut-être leur donner l'adresse d'un médecin local susceptible de les aider ou leur indiquer quels produits pharmaceutiques sont disponibles sur le marché à cette fin.

Mais cela est impossible si nous ne modifions pas les paragraphes 1 et 2 de l'article 15 du projet de loi, de façon à en limiter l'application à l'information en général. Il faudrait à cette fin modifier l'article 17, qui concerne le pouvoir de réglementation. Il s'agit là encore de nous permettre de préciser les renseignements que doivent contenir les emballages et les prospectus, au lieu de se limiter à l'information sur les dangers pour la santé.

L'article 24 porte sur les commandites. Là encore, divers groupes en ont déjà parlé. À notre avis il faudrait prévoir un plafond. Nous ne voulons pas que l'industrie du tabac puisse aller dépenser 100 millions de dollars de plus pour créer des dépendances avant même que vous n'ayez le temps de rédiger les règlements.

.1610

Voilà les recommandations qui figurent sur notre liste A, mais il y en a d'autres. Certaines ont déjà été mentionnées et je n'entrerai donc pas dans les détails.

À l'article 2, la définition de «élément de marque» devrait inclure la couleur. Sous sa forme actuelle, le libellé de la définition exclut précisément la couleur. La Food and Drug Administration des États-Unis reconnaît qu'il faut inclure la couleur.

Si vous examinez notre mémoire, vous verrez ce que l'industrie du tabac a fait pour la couleur lors de manifestations comme le Championnat de tennis du Maurier. Ils savent utiliser la couleur. Je tiens à vous dire qu'il n'est même nécessaire d'inscrire le nom «du Maurier» à l'écran pour que tous les enfants qui regardent la télévision sachent exactement ce qui se passe. Il faudrait au moins prévoir le pouvoir de réglementer ce genre d'absurdité.

Il faudrait qu'il existe une information à laquelle tout le monde pourrait avoir accès plutôt que de prévoir la transmission de renseignements au gouvernement. Par exemple, il est précisé à l'article 6 que les fabricants de tabac devront transmettre au gouvernement bon nombre de renseignements. Partons du principe que cette information sera divulguée au public. Faisons le nécessaire à cette fin.

Le ministre a peut-être le droit d'empêcher, par règlement, que cette information ne soit transmise au public, mais évitons de nous trouver dans la situation actuelle où les fabricants de tabac peuvent faire ce qu'ils veulent de leurs produits et y ajouter ce qui leur passe par la tête, sans que la population - y compris les millions de fumeurs invétérés - n'ait le droit de savoir quelles substances renferment le produit car l'industrie du tabac soutient qu'il s'agit d'un secret de fabrication.

Enfin, à l'article 9 qui porte sur les affiches relatives à la vente de tabac aux enfants, là encore, le libellé de cet article 9 nous limite quant à ce que nous pouvons dire. Il y est stipulé que les affiches peuvent seulement informer les gens qu'il est interdit de vendre des produits du tabac aux enfants. Cela nous empêche de faire allusion au danger pour la santé, ce qui apporte de l'eau au moulin des fabricants de tabac qui prétendent que le tabagisme est un comportement adulte. La loi devrait nous permettre de placer des affiches qui indiquent aux enfants pourquoi on ne peut pas leur vendre de tabac, des affiches qui renferment des avis pour la santé.

Voilà un bref aperçu de nos recommandations. Tout le reste se trouve dans notre mémoire.

Le président: Merci.

[Français]

J'accorde maintenant la parole à M. Dubé, suivi de Mme Hickey et M. Dhaliwal.

M. Dubé: Je vous rappelle encore qu'en deuxième lecture, nous étions d'accord sur le projet de loi. Évidemment, vous avez une position diamétralement opposée à celle des gens qui sont contre le projet de loi. Vous en ajoutez en disant qu'il y a du danger. Vous avez signalé des éléments qui, de l'avis même des gens qui représentent les compagnies de tabac, sont des zones grises. Il y a matière à clarification dans plusieurs articles. Il faudrait, selon moi, un peu plus de temps pour raffiner cela. Je vous remercie néanmoins pour ce que vous nous apportez, car cela nous permettra de nous pencher là-dessus au cours des prochaines heures.

J'aurais une question sur votre postulat de base. Vous dites que le Canada est reconnu comme le chef de fil dans la lutte antitabac dans le monde.

Si les résultats étaient en conséquence, je dirais: Merveilleux, voilà un modèle qui marche. Cependant, les statistiques démontrent que le Québec, notamment, n'est pas le champion du monde par rapport au pourcentage de la population qui fume. Ce n'est pas nous qui fumons le moins. Je vais vous laisser répondre à cela et votre réponse va entraîner une autre question.

M. Damphousse: Quand on dit que le Canada est le chef de fil, c'est parce qu'on regarde ce qui s'est passé dans les années 1980. Avec la politique de taxation et ensuite l'adoption de la Loi réglementant les produits du tabac, on a eu des baisses de la consommation sans précédent. Pendant une période de 10 à 12 ans, on a eu une chute de 45 p. 100 de la consommation comparativement aux États-Unis, où on a constaté une chute de 25 p. 100.

Il y a eu des événements tragiques qui ont fait en sorte que la tendance s'est renversée, surtout après la baisse des taxes et l'abolition de la Loi réglementant les produits du tabac. On remarque une forte hausse de la consommation, surtout chez les jeunes, et on remarque aussi que c'est chez les femmes, au Québec, qu'il y a la plus haute prévalence au monde, selon l'Organisation mondiale de la santé. C'est pour cela qu'on encourage le gouvernement à adopter cette mesure législative. On a besoin d'aide. Les programmes d'éducation et de cessation ne suffisent plus. Il faut adopter des mesures pour contrôler l'activité de l'industrie.

.1615

M. Dubé: Mais quel est notre rang mondial, actuellement, par rapport à la consommation du tabac?

[Traduction]

M. Sweanor: Les chiffres sont encore beaucoup trop élevés au Canada. Ce qu'il importe de rappeler, c'est qu'au début des années 80, le Canada était parmi les pays où la consommation de tabac était la plus élevée au monde et dont le bilan en matière de réglementation était parmi les pires. Depuis lors, nous avons vu la consommation de tabac diminuer considérablement lorsque le Canada a commencé à suivre les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, à adopter le genre de mesures que recommandait Jean Rochon. Nous avons vu les résultats. Même si les fabricants de tabac aiment manipuler les statistiques, nous avons vu ce qui pouvait se passer et d'autres pays prennent modèle sur nous à cet égard.

Pour ce qui est de la consommation par habitant, nous avons maintenant nettement reculé dans la liste. Nous sommes bien mieux placés que des pays comme ceux de l'Europe centrale et de l'Est ou encore certains pays asiatiques, quand on voit la situation dramatique de la santé publique actuelle en Chine. Nous avons fait de grands progrès, mais nous sommes toujours confrontés à un énorme problème en matière de santé, à l'instar de nombreux autres pays.

[Français]

M. Dubé: D'après ce que l'on voit, et il semble que ces chiffres viennent du gouvernement fédéral, cela tourne autour de 30 p. 100.

M. Damphousse: Je voudrais dire que ce graphique est basé sur des études faites par Santé Canada, mais que ces études sont incomplètes. En effet, il y a deux trous, l'un entre 1986 et 1990 et l'autre de 1990 à 1994. Il manque énormément de chiffres entre ces études, mais malheureusement, c'est la seule source d'information dont nous disposons. Même l'étude qui a été faite en 1994 a été fortement critiquée par des statisticiens. Il y a d'autres sources d'information qui viennent de l'industrie du tabac concernant la consommation des cigarettes. Il semble qu'il y ait eu une baisse de la consommation jusqu'en 1993 et ensuite une augmentation. Il ne faut pas considérer une seule source d'information; il faut la comparer aux diverses autres sources. Quand plusieurs autres sources démontrent le contraire, il faut essayer de faire la part de choses avant de juger.

M. Dubé: Nous, les souverainistes, sommes habitués à cela. Vous avez raison de nous mettre en garde. Il ne faut pas toujours prendre tous les chiffres pour de l'argent comptant.

J'ai une dernière question. J'ai participé à une activité organisée par la Coalition pour le contrôle du tabac où j'ai assisté à différents ateliers et lu certains documents. Quelques statistiques données par la Coalition sont très révélatrices. Premièrement, plus on est pauvre, plus on est un consommateur potentiel de tabac. Deuxièmement, il y a eu une grande augmentation de la consommation de tabac chez les femmes. Troisièmement, la proportion augmente encore plus chez les jeunes, en particulier les jeunes filles, de famille monoparentale.

Est-ce qu'il se pourrait que la pauvreté au Canada, où un enfant sur cinq de moins 18 ans est maintenant reconnu comme pauvre, soit un facteur qui pousse à la consommation du tabac? Les statistiques montrent en effet que les gens les plus scolarisés ou plus fortunés, qui connaissent des conditions de vie plus faciles, consomment moins de tabac que les autres. Cela m'a beaucoup surpris.

M. Damphousse: Je peux vous dire que l'industrie du tabac s'est aperçue, un jour, que les femmes constituaient un marché potentiel, et des études montrent que la consommation de tabac de ce groupe a augmenté considérablement à partir du moment où l'industrie a commencé à cibler les femmes dans sa publicité. Il est vrai que les études démontrent qu'il y a un pourcentage plus élevé du tabagisme dans les groupes socioéconomiques plus faibles, mais il ne faut pas oublier que ces gens-là sont aux prises avec une problématique de dépendance et qu'il ne leur est pas facile de lâcher prise.

On s'aperçoit aussi souvent que les gens les mieux informés sur les conséquences du tabagisme sont les groupes de niveau socioéconomique plus élevé. Ils ne commenceront pas à fumer parce qu'ils sont informés. Il y a peut-être un problème d'information auprès des groupes socioéconomiques plus faibles et il est important de prendre cela en considération.

Quand on prend des mesures législatives, ce n'est pas uniquement pour ces gens-là mais pour l'ensemble de la population. Il n'y a pas seulement les économiquement faibles qui connaissent le problème du tabagisme, même si ce sont le plus nombreux, mais aussi des personnes d'autre secteurs économiques.

.1620

Quelles seront les mesures les plus efficaces pour atteindre tous ces gens-là? Nous demandons des mesures législatives, justement pour pouvoir atteindre tous ces gens-là.

[Traduction]

Le président: Bonnie Hickey.

Mme Hickey: Merci, monsieur le président.

Au début de l'après-midi, vers 13 heures environ, les représentants de l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie m'ont dit qu'ils rejettent l'idée que le tabac est un produit d'achat impulsif. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Comment faudrait-il faire la publicité pour les produits du tabac, selon vous?

M. Sweanor: Je vais répondre à vos questions en commençant par la dernière. Comment faudrait-il faire la publicité pour le tabac? En un mot: de façon honnête. Si les fabricants disaient vraiment aux consommateurs la vérité au sujet du produit, ils ne voudraient plus faire de publicité car il s'agit du seul produit légal qui fait des victimes lorsqu'on l'utilise exactement de la façon prévue. L'Organisation mondiale de la santé nous dit que le tabac tue environ la moitié de ceux qui en consomment pendant longtemps. C'est un produit qui crée une dépendance, qui n'a aucun minimum de consommation sans danger, dont pratiquement tous les nouveaux utilisateurs sont des enfants et dont 90 p. 100 des utilisateurs souhaitent ardemment pouvoir se passer des produits du tabac. Si les fabricants se décidaient à dire la vérité, ils faciliteraient considérablement la réglementation du tabac.

Quant à savoir s'il s'agit d'un produit d'achat impulsif, il va sans dire que c'est l'avis des fabricants de tabac; autrement, je ne comprends pas pourquoi ils ont autant de présentoirs sur les comptoirs de libre-service, juste à côté des bonbons, à la hauteur des yeux d'un enfant de six ans. C'est sans nul doute un produit d'impulsion pour les enfants. Je ne sais pas combien d'entre vous ont déjà volé des produits sur ces présentoirs, mais je peux vous garantir que certains enfants l'ont fait. C'est également un produit d'impulsion puisqu'il s'agit d'un produit qui crée une dépendance. Les victimes sont des êtres humains et il suffit de voir ce que devient l'activité cérébrale; il est facile de voir ce qui se passe.

Les responsables de l'industrie du tabac ne comprennent peut-être pas que le tabac crée une dépendance. Ils disent que c'est sujet à controverse. Le mois dernier, j'ai assisté à l'assemblée annuelle de la American Society of Addition Medicine à Washington. Les spécialistes des dépendances n'ont aucun doute à ce sujet. Ils savent que la nicotine modifie effectivement la structure du cerveau et les récepteurs de dopamine - autant de choses auxquelles je ne comprends rien lorsque les scientifiques en parlent.

Il s'agit là d'un problème très grave. Les gens reçoivent continuellement un message de leur cerveau qui leur dit qu'ils ont besoin de nicotine et l'industrie du tabac leur en fournit continuellement.

Mme Hickey: On peut donc dire sans exagérer que vous souhaitez voir une interdiction totale visant tous les produits du tabac.

M. Sweanor: Non. On ne peut pas interdire un produit dont sont dépendants six ou sept millions de Canadiens. J'aimerais qu'on propose davantage de mesures d'aide à la grande majorité des fumeurs qui veulent cesser de fumer. Il faudrait à mon avis trouver d'autres façons de donner de la nicotine aux gens qui ne peuvent pas s'en passer sans qu'ils aient besoin de recourir au sale dispositif d'administration que sont les produits du tabac. Il faudrait fournir une information beaucoup plus complète aux personnes qui veulent cesser de fumer pour qu'elles soient plus nombreuses à le faire.

Les fabricants de tabac nous disent que leurs produits ne créent aucune dépendance, mais moi je parle à des gens qui me disent avoir tout essayé pour arrêter de fumer, mais en vain, et qui ne savent plus quoi faire. Il faut leur venir en aide. Il faut indiquer sur les paquets de cigarettes un numéro de téléphone sans frais que les gens peuvent appeler pour s'informer. C'est absolument indispensable.

Le président: Très bien. Nous n'avons plus de temps, mais je vais permettre à Grant Hill et à Harb Dhaliwal de faire de très brèves interventions.

M. Hill (Macleod): Merci.

Vous avez dit que Joe Camel pose un problème au Canada. Ce projet de loi mettra-t-il un terme à cette publicité?

M. Mahood: Si nous avons soulevé cette question, c'est notamment, comme vous le savez, parce que le projet de loi stipule que le gouvernement pourra, par règlement, ajouter certains renseignements à l'emballage. Nous sommes convaincus que le gouvernement doit avoir tous les pouvoirs voulus pour interdire l'information erronée figurant sur les emballages. Autrement dit, les deux aspects sont aussi importants l'un que l'autre.

Certains se demandent - et j'aimerais que David nous en parle - si oui ou non le projet de loi à l'étude permettrait ce genre de chose. Grâce aux amendements que nous avons recommandés, nous estimions que, pour ce qui est des pouvoirs relativement à Joe Camel... En fait, on vient de nous remettre des agrandissements de ce qu'ils ont fait de l'orignal sur les marques vendues au Canada. Les fabricants sont prêts à modifier leurs marques de commerce pour réitérer le succès qu'a connu Joe Camel.

David.

.1625

M. Sweanor: La façon la plus facile de résoudre le problème qui se pose au Canada, à mon avis... Ce projet de loi vise, à l'article 21, à mettre un terme à la représentation de personnages de dessins animés, de personnes ou autres sur les emballages, comme technique publicitaire. Le paragraphe 21(3), qui protège en réalité les marques de commerce actuelles, nous préoccupe. À notre avis, ce genre de choses devrait être assujetti à la réglementation de sorte que si les fabricants prennent une marque de commerce actuelle et disent: «Nous allons simplement l'agrandir mais c'est toujours la même marque de commerce», ou «Nous allons simplement la mettre un peu au goût du jour; nous allons simplement agrandir la gamine Macdonald et la faire ressembler davantage à Pamela Anderson»...

La loi nous permet-elle d'empêcher ce genre de choses? Ce serait une bonne chose que l'on prévoie des pouvoirs de réglementation en vue d'empêcher les fabricants de tabac de jouer à des petits jeux avec l'orignal, le chameau ou la gamine Macdonald ou encore le héros Players, ou quels que soient les logos qu'ils adoptent.

M. Hill (Macleod): J'ai une autre brève question. Avez-vous eu suffisamment de temps pour examiner ce projet de loi?

M. Mahood: Tout d'abord, la réalité étant ce qu'elle est, plus on retarde les choses, plus cela avantage l'industrie du tabac, en toute franchise, au détriment de l'industrie de la santé. Il ne fait aucun doute que si ce projet de loi n'est pas adopté... et oui, nous avons travaillé d'arrache-pied pour examiner ce projet de loi dans ses moindres détails et avoir une bonne idée des recommandations que nous voulions formuler au comité et au gouvernement. En toute franchise, nous pensons y être parvenus. Tout retard dans l'adoption de ce projet de loi servira l'intérêt des fabricants de tabac, car ils cibleront... Nous connaissons tous les moyens qu'ils pourront mettre en oeuvre pour faire dérailler ce genre de projet. S'ils y parviennent, étant donné que cette mesure est très avantageuse pour la santé publique, nous savons que cela pourra entraîner des pertes énormes pour notre pays.

M. Sweanor: Nous avons eu suffisamment de temps. Ce projet de loi est assez simple. J'étais outre-Atlantique lorsqu'il a été proposé. J'ai eu le temps de l'examiner. Je sais que les fabricants de tabac ont dit que personne ne pourrait comprendre toutes les dispositions de cette mesure en quelques jours. Cela confirme simplement l'opinion de certaines personnes selon laquelle les fabricants de tabac ne sont pas des êtres humains. Cette mesure n'est pas difficile à comprendre.

Est-elle parfaite? Non. Allons-nous devoir y revenir? Oui. Si nous passons trois ans à en examiner les moindres détails, cela n'empêchera pas l'industrie du tabac d'y trouver des échappatoires.

Le président: Harb Dhaliwal a encore une fois le dernier mot.

M. Dhaliwal: Monsieur le président, je sais que le temps presse, mais j'aimerais féliciter les témoins de leur excellente présentation. J'espère que nous examinerons leur mémoire et les amendements qu'ils ont recommandés.

Monsieur le président, le temps nous manque et je m'en tiendrai à ces quelques observations.

M. Mahood: Monsieur le président, étant donné les délais qui nous sont impartis, il est difficile de présenter chacun de ces amendements, mais dans la justification de chacune de nos recommandations, nous avons énoncé clairement pourquoi cette mesure est essentielle et pourquoi nous avons là l'occasion d'adopter un projet de loi encore plus efficace. Je vous remercie.

Le président: Merci à vous de votre témoignage. Au nom du comité, je remercie les représentants de l'Association pour la protection des droits des non-fumeurs.

Nous souhaitons maintenant la bienvenue aux représentants de Tennis Canada, et notamment le président-directeur général, M. Bob Moffatt.

Soyez le bienvenu, monsieur Moffatt. Veuillez nous présenter vos collègues et faire votre exposé, le cas échéant. Nous aimerions ensuite vous poser des questions.

M. Bob Moffatt (président-directeur général, Tennis Canada): Merci, monsieur le président. Nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître pour vous donner notre avis sur les répercussions de ce projet de loi sur Tennis Canada.

.1630

Je suis heureux de vous présenter Jane Wynne, directrice de tournoi des Internationaux du Canada à Toronto, ainsi que Richard Legendre, chef du bureau de Montréal et directeur de tournoi des Internationaux du Canada à Montréal.

Je m'appelle Bob Moffatt, et je suis président de Tennis Canada.

Tennis Canada est une association de sport amateur sans but lucratif, constituée en société au niveau fédéral et responsable de la promotion et du développement du tennis au Canada. Nos membres sont les 10 associations provinciales outre celles du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest.

Nous avons des bureaux à l'Université York de Toronto, et bien entendu au merveilleux nouveau centre de tennis du Parc Jarry à Montréal.

Notre association, créée il y a 106 ans, était l'un des organismes fondateurs de la Fédération internationale de tennis. Nos principaux championnats pour les femmes et les hommes, qu'on appelle actuellement les tournois Open du Maurier, existent également depuis 106 ans. Ces deux tournois sont des événements sportifs importants sur la scène internationale et arrivent presque à la hauteur des quatre grands tournois, lesquels englobent évidemment Wimbledon, les Internationaux de France, le U.S. Open et l'Australian Open.

Nous sommes ici aujourd'hui pour exprimer nos inquiétudes quant à l'avenir de nos tournois et les répercussions que leur disparition, totale ou partielle, risquent d'avoir sur Tennis Canada et le tennis en général dans notre pays.

Il nous est difficile de croire que les auteurs de ce projet de loi comprennent pleinement les répercussions néfastes qu'il aura sur notre association et sur bien d'autres dans notre pays.

Il y a de nombreuses années, les responsables de notre association se sont donnés comme objectif de ne plus dépendre du financement gouvernemental et de se tracer une voie qui leur garantisse la stabilité financière et la croissance à très long terme. Nous pensons avoir mis en oeuvre avec succès cette stratégie, mais nous constatons aujourd'hui que notre avenir est gravement mis en question par le projet de loi C-71.

Il importe de rappeler que nos deux grands championnats ne sont pas des fins en soi mais qu'ils sont plutôt les moyens de réaliser l'objectif que notre association s'est fixé, à savoir favoriser la participation et l'excellence à tous les niveaux du sport.

À cet égard, les deux championnats de Toronto et de Montréal sont organisés dans le but d'être rentables. En 1996, les bénéfices combinés ont été de près de 2,5 millions de dollars. Cet excédent et la contribution de 380 000$ que nous recevons chaque année de Sport Canada servent précisément à la promotion de notre mandat dans tout le Canada.

Pour votre gouverne, je vous signale que ces bénéfices combinés ont augmenté régulièrement au fil des ans et ont en fait doublé depuis 1987.

Des championnats de calibre mondial comme les nôtres coûtent cher à organiser et à mettre sur pied. Nous fonctionnons sur un marché vraiment mondial et, pour préserver notre place sur ce marché, il nous faut continuellement augmenter nos dépenses dans des secteurs d'importance cruciale pour nous assurer que nous nous conformons aux exigences internationales et aux attentes des participants aux tournois, ainsi que des organisateurs. Si nous échouons dans cette entreprise - et j'insiste sur ce point - , il existe bien d'autres villes dans le monde qui seront ravies de prendre notre place sur le calendrier mondial.

Nous nous estimons extrêmement chanceux d'avoir trouvé un associé chez Imperial Tobacco qui, depuis 18 ans, nous soutient dans notre poursuite de l'excellence internationale et s'est montré prêt à engager des fonds toujours plus importants pour appuyer le professionnalisme et la qualité qu'exigent nos championnats.

Il est peut-être utile de signaler que même si la participation financière de cette société a augmenté considérablement au fil des ans, sa visibilité n'a pas augmenté de façon proportionnelle. J'ajoute que, en 1988, les commandites de cette société pour les tournois de Tennis Canada étaient de l'ordre de 1,5 million de dollars. Elles atteignent aujourd'hui ou dépassent 5 millions de dollars par an.

Dans ces circonstances, nous sommes convaincus qu'Imperial Tobacco n'acceptera pas les limites que lui imposent, ainsi qu'à nous, les dispositions du projet de loi C-71. Par exemple, pourquoi la société continuerait-elle d'engager 5 millions de dollars par an en commandites pour avoir droit à un espace de 10 p. 100 des affiches et des panneaux, comme l'exigerait la nouvelle loi?

Il est ridicule de prétendre que ces commandites continueront de représenter un investissement intéressant pour ces sociétés ou qu'elles auront une valeur commerciale identique. Soit dit en toute déférence, sur quoi s'est-on fondé pour proposer ces mesures restrictives? Pourquoi a-t-on fixé une limite de 10 p. 100 plutôt que 15 p. 100? Quels motifs ou quelles preuves le gouvernement a-t-il invoqués pour justifier ce train de mesures? Aucun, jusqu'ici. Comment peut-on accepter ce genre de choses étant donné l'importance du dossier et ses nombreux enjeux?

.1635

De temps à autre, certains ont dit que si Imperial Tobacco ou un autre fabricant de tabac cesse de commanditer ces championnats, d'autres sociétés au Canada ou ailleurs prendront volontiers leur place. Permettez-moi de vous donner l'assurance que nous cherchons régulièrement et de façon active de nouveaux commanditaires au Canada ainsi qu'en Europe et aux États-Unis, et aucune société, d'après notre expérience, n'a manifesté le désir d'assumer les mêmes obligations financières très lourdes qu'Imperial Tobacco.

Nous vous affirmons sans hésiter que la commandite des tournois canadiens par Imperial Tobacco est sans égale pour ce genre de tournoi ailleurs dans le monde. Les chances de remplacer une commandite de 5 millions de dollars au Canada sont pour le moins douteuses et très vraisemblablement nulles.

En outre, il est essentiel de rappeler que dès que le projet de loi sera adopté, Tennis Canada ne sera qu'un des 300 organismes et plus au Canada qui, en même temps, chercheront à remplacer plus de 60 millions de dollars en commandites de l'industrie du tabac.

Tennis Canada est consciente des problèmes de santé liés à la consommation du tabac et à ses effets, surtout pour les jeunes, et elle y est sensible. Nous savons également que la participation aux sports et l'influence des pairs constituent des facteurs importants du choix de consommer ou non des produits du tabac.

Des milliers de garçons et filles de moins de 18 ans participent à nos programmes, nos manifestations et nos activités organisés dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada. Ces programmes sont très variés, allant des championnats juniors nationaux s'adressant au moins de dix ans aux cours d'accréditation des entraîneurs, ainsi que les activités axées sur le tennis visant à encourager la participation aux clubs communautaires, dans les parcs et les centres de loisirs. Cela finit par déboucher sur les performances de haut niveau de nos compétitions par équipes internationales, comme la Coupe Davis pour les hommes et la Coupe Fed pour les femmes.

À notre avis, ces programmes et ces manifestations sont un facteur de dissuasion à la consommation du tabac car ils font la promotion d'un mode de vie sain et incitent plus précisément les jeunes à pratiquer le tennis pendant toute leur vie. Il n'existe absolument aucun rapport direct ou en matière de promotion commerciale entre ces activités et l'organisation des tournois du Maurier à Toronto et à Montréal.

En réalité, évidemment, les bénéfices dont j'ai parlé plus tôt et qui découlent de l'organisation de ces deux championnats nous permettent d'entreprendre cette vaste gamme d'activités d'un bout à l'autre du pays et de sensibiliser nos jeunes aux avantages liés à la participation aux activités sportives et de loisirs.

Nous pensons que ces activités seront fortement compromises si le projet de loi C-71 est adopté sous sa forme actuelle, étant donné que les contributions financières qui y sont faites diminueront considérablement ou disparaîtront même tout à fait, dans la plupart des cas.

Pour toutes ces raisons, il nous paraît crucial que le gouvernement fasse preuve de la plus grande circonspection en l'occurrence, surtout en ce qui a trait aux restrictions visant les commandites par des fabricants de tabac de manifestations artistiques, culturelles et sportives. Il est possible que ce projet de loi ait des répercussions beaucoup plus néfastes que le problème auquel le gouvernement cherche à remédier. Autrement dit, la fin ne justifie peut-être pas les moyens dans ces circonstances tout à fait particulières.

En outre, depuis le début du débat sur cette question, le gouvernement n'a fourni aucune preuve que les commandites de fabricants de tabac influent d'une façon ou d'une autre sur la lutte permanente contre la consommation de tabac. Tout cela semble faire partie de la stratégie législative d'ensemble proposée par le ministre de la Santé sans justification fondamentale, si ce n'est que ce train de mesures globales est conforme aux lignes directrices établies par la Cour suprême. Le ministre n'a pas dit aux Canadiens ou au Parlement quels objectifs quantifiables le projet de loi C-71 permettra d'atteindre s'il est adopté, et cette omission soulève de graves questions quant à l'objet et à l'opportunité de la stratégie du gouvernement.

À tout le moins, nous estimons que ces questions exigent de plus amples consultations, ainsi que d'autres recherches et études avant qu'on adopte le projet de loi C-71 et qu'on donne ainsi au ministre d'énormes pouvoirs de réglementation qui lui permettront d'agir sans que ses décisions ne soient soumises à l'examen du public ou ne fassent l'objet d'un débat à l'avenir. Après tout, il y a plus d'un an que ce dossier est à l'étude au ministère de la Santé et pratiquement aucune information n'a été distribuée ou débattue en profondeur.

Nous croyons que les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, à Tennis Canada, en ce moment, sont sans précédent et tout à fait particulières. L'été dernier, nous avons terminé la construction du nouveau centre de tennis du parc Jarry, à Montréal. Nous apprécions beaucoup le soutien important que nous avons reçu du gouvernement du Canada, de la province de Québec et de la ville de Montréal, dans le cadre du programme fédéral-provincial d'infrastructure. Nous apprécions également la contribution de cinq millions de dollars que nous ont apportée du Maurier, Bell Canada et la Banque Laurentienne, pour achever la construction de ce complexe de 24 millions de dollars. Cette installation a été un grand succès, même au cours des premiers mois qui ont suivi son ouverture.

.1640

Comme vous pouvez l'imaginer, il serait vraiment dommage que cette installation, qui fait l'admiration des joueurs et des organisateurs du monde entier, ne soit plus le site de nos championnats internationaux. Si le projet de loi C-71 a les conséquences que nous prévoyons, il est possible que le centre de tennis du parc Jarry devienne l'emplacement d'un championnat relativement mineur, qui attirera 5 000 spectateurs, par exemple, dans un stade conçu pour en recevoir 11 000. Cela n'a rien d'impossible et c'est pourquoi nous insistons pour que le projet de loi C-71 fasse l'objet d'un examen approfondi portant notamment sur ses répercussions et ses objectifs.

Enfin, nous savons que la Chambre désire adopter rapidement le projet de loi C-71, mais nous voudrions vous faire part de certaines réflexions et recommandations, dans l'espoir que vous trouverez le temps de les examiner. Premièrement, le projet de loi C-71 ne devrait pas être adopté à toute vapeur, simplement parce que le gouvernement a tardé à préparer cette mesure au cours de l'année écoulée ou parce qu'il estime qu'elle répond aux réalités de la politique ou aux pressions du public. Plus précisément, il ne faudrait pas adopter telles quelles les dispositions limitant les commandites avant qu'elles n'aient fait l'objet d'un examen intensif.

Deuxièmement, une année de travail a donné un projet de loi qui ne contient pas grand-chose, mais qui confère au ministre et au Cabinet des pouvoirs importants pour prendre d'autres règlements. C'est peut-être son but, mais cela crée une atmosphère d'incertitude et d'indécision pour ceux d'entre nous qui seront très gravement touchés par ce projet de loi et son règlement d'application.

Troisièmement, nous estimons que le projet de loi C-71 et ses répercussions, surtout en ce qui concerne la promotion et la commandite, devraient faire l'objet d'un examen approfondi, de débats et de modifications avant la troisième lecture à la Chambre des communes afin qu'on puisse évaluer les conséquences qu'il risque d'avoir et celles qu'il est censé avoir.

Quatrièmement, si le projet de loi C-71 est adopté sans autre amendement - ce que nous ne souhaitons pas - et ensuite adopté par le Sénat, il est absolument nécessaire que le gouvernement le mette à l'essai pendant une période de transition raisonnable. Nous proposons cinq ans ou une clause des droits acquis comme celle que Robert Kerr a suggérée, pour les organismes touchés par les dispositions concernant les commandites. Ce n'est pas la solution que nous préférons, mais certains organismes auraient suffisamment de temps pour conclure de nouvelles ententes de commandite. Je vous rappelle que la réglementation et la législation australiennes prévoient des exemptions pour certaines manifestations sportives internationales commanditées par des fabricants de tabac.

Enfin, nous vous exhortons à réexaminer ce projet de loi, surtout les restrictions concernant la commandite des fabricants de tabac, et nous espérons que vous agirez à temps pour empêcher que des centaines d'organismes du Canada ne connaissent de graves difficultés.

Je voudrais céder la parole à Richard, qui a une brève déclaration à vous faire en français.

Le président: Dans un instant, mais comme nous l'avons dit tout au long de la journée et comme il faudrait peut-être le répéter, vous avez certainement votre opinion sur la question, mais notre comité n'est pas une tribune pour les défenseurs de l'industrie du tabac. Nous vous avons invités pour que nous puissions tenir compte de vos observations, mais vous nous en empêchez si vous parlez tout le temps. Il nous faut du temps pour vous poser des questions. Par conséquent, si M. Legendre veut bien être assez bref, nous pourrions passer aux questions.

M. Moffatt: Nous serons très brefs, monsieur le président.

[Français]

M. Richard Legendre (directeur, tournoi de Montréal, Tennis Canada): Je pense que je vais vous surprendre, mais je vais vous parler de quelque chose qui va sûrement vous intéresser: la santé et le tennis.

Je ne fume pas, et la raison pour laquelle je ne fume pas, c'est qu'adolescent, je jouais au tennis. Personne ne m'a jamais empêché de fumer, mais jouer au tennis et fumer étaient tout simplement incompatibles.

J'ai eu de la chance, cependant, car à l'époque l'organisation du tennis était plutôt modeste. Depuis, le tennis a grandi au Canada, et des milliers de jeunes ont maintenant la chance que j'ai eue.

.1645

Mais si le tennis a grandi, il faut bien dire que c'est surtout grâce au développement fulgurant, au cours des dernières années, des Internationaux de tennis du Canada commandités par Imperial Tobacco depuis 18 ans. L'Omnium du Maurier fait également la promotion de notre sport et encourage les jeunes et les adultes à jouer. Il motive les jeunes en leur faisant voir les meilleurs joueurs du monde. L'Omnium du Maurier dégage des profits majeurs qu'on réinvestit dans le développement de nos jeunes. Par exemple, il y a, à Montréal, un centre public exceptionnel, le centre de tennis du parc Jarry, où tous les jours, plus de 300 personnes, dont une centaine de jeunes, jouent au tennis. L'Omnium de tennis du Maurier nous a permis de grandir et de contribuer ainsi à la santé de centaines de milliers d'amateurs de tennis.

Je voudrais rapidement vous lire un petit témoignage:

Tennis et tabac, est-ce un paradoxe? Bien sûr, mais un paradoxe qui joue en faveur largement du citoyen et de la communauté. Merci.

[Traduction]

Le président: Plusieurs membres du comité désirent la parole. Je demanderais à chacun d'être très brefs.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: Combien de temps avons-nous chacun?

[Traduction]

Le président: Douze minutes pour nous six.

[Français]

M. Dubé: Vous avez présenté l'essentiel de votre proposition, ce dont je vous remercie. En fait, ce sont les points 1, 2, 3, 4 qui sont des recommandations.

J'ai beaucoup apprécié votre témoignage, monsieur Legendre. Vous avez été l'une des vedettes du Canada au niveau du tennis et un excellent commentateur. D'ailleurs, vous avez un adepte du tennis devant vous.

Cela étant dit, vous faites une ouverture tout comme la plupart des gens qui sont en faveur de ce projet de loi et qui sont favorables aux principes et aux buts poursuivis dans le projet de loi concernant la santé. Nos principales restrictions concernent les commandites. Vous avez parlé d'une transition raisonnable et j'ai senti qu'il y avait aussi de l'autre coté une volonté de statu quo. J'ai aussi l'impression que si le ministre avait voulu y consacrer plus de temps - et c'est là que le bât blesse - , il aurait peut-être été possible de s'entendre strictement sur l'aspect de la commandite.

Malheureusement, on est obligés de faire rapport très prochainement, dans les prochaines heures, et de commencer l'étude article par article de ce projet de loi. Je vous demanderais d'intervenir rapidement sur le thème 4, qui parle de transition, et de nous expliquer un peu plus clairement ce que vous proposez.

[Traduction]

M. Moffatt: Si tout le reste échoue, même si nous préférons que le projet de loi fasse l'objet d'un examen plus approfondi, car nous croyons qu'il n'a pas été suffisant...si le comité est d'accord et si la Chambre des communes adopte le projet de loi en troisième lecture et si cette mesure est ensuite adoptée par le Sénat, dans ces circonstances, le gouvernement canadien doit au moins prévoir une période de transition pour les organismes touchés, que ce soit cinq ans avant que la loi ou les politiques n'entrent en vigueur ou, par exemple, l'application d'une cause des droits acquis à certains organismes ou certaines manifestations, pour la durée du contrat.

.1650

Le président: Monsieur Hill.

M. Hill (Macleod): Merci, monsieur le président.

Comme vous vous intéressez aux aspects internationaux du tennis, vous savez certainement que l'Open d'Australie qui était commandité par un fabricant de tabac, a trouvé un autre commanditaire. Le circuit international féminin, qui était commandité par Virginia Slims, est maintenant commandité par Corel. Je veux souligner que vous avez un sport de grand prestige.

Vous dites qu'il y a là une contradiction. Je ne peux pas croire que l'Australie ne soit pas passée par là où nous passons maintenant. Pouvez-vous affirmer que vous ne trouverez pas de commanditaire plus adéquat pour votre sport?

M. Moffatt: Tout ce que nous pouvons vous dire, monsieur, c'est que nous passons beaucoup de temps sur le marché de Toronto et de Montréal de même qu'outre-mer et aux États-Unis. Nous savons quelle est la valeur des commandites, à l'échelle mondiale, pour des manifestations de la taille de la nôtre. Je ne peux pas affirmer sans nul doute que nous ne trouverons pas de remplacement, mais tout indique que si la commandite était remplacée, ce serait à un niveau nettement plus bas qu'actuellement.

M. Hill (Macleod): Votre commanditaire vous a-t-il dit qu'il vous abandonnerait?

M. Moffatt: Je ne suis pas certain qu'il l'a dit, mais il nous a certainement indiqué qu'étant donné la valeur commerciale que la loi lui ferait perdre, sa participation future ne resterait pas au même niveau.

M. Hill (Macleod): Vous souvenez-vous que le bill C-51 a donné lieu au même débat?

M. Moffatt: Pas particulièrement, non.

Le président: Andy Scott.

M. Scott: Merci, monsieur le président.

Acceptez-vous l'argument de l'industrie du tabac? Elle nous a dit qu'elle n'essayait pas d'attirer de nouveaux fumeurs, mais qu'elle voulait simplement préserver sa part du marché. Je suppose que vous avez réfléchi à la question.

M. Moffatt: En l'absence de preuve du contraire, cela nous paraît raisonnable. En fait, la société du Maurier a été très franche avec nous en nous disant que sa part du marché avait énormément augmenté depuis 10 ou 12 ans. Si j'ai bien compris, elle est passée de moins de 50 p. 100 à environ 63 p. 100. Elle considère que c'est certainement un avantage important comme source de revenu.

M. Scott: Pour ce qui est des nouveaux fumeurs, leur nombre augmente certainement. Voyez-vous un rapport entre cela et ce que vous faites?

M. Moffatt: Pas particulièrement.

M. Scott: Reconnaissez-vous qu'il serait contradictoire qu'on dise aux gens qu'il est malsain de fumer alors que le tennis est commandité par les fabricants de tabac? Pouvez-vous voir cette contradiction?

M. Moffatt: Nous vivons tous avec un certain degré de paradoxe. Les fonds que nous tirons de ces manifestations servent pour une bonne cause. En fait, je ne pense pas qu'on voit de jeunes âgés de 10 à 16 ans qui participent à ce sport fumer dans les clubs de tennis ou dans les centres de loisirs du pays.

M. Scott: Je ne pense pas que les fabricants cherchent à recruter les joueurs de tennis. Ces derniers savent sans doute qu'il est malsain de fumer et sont probablement moins portés à le faire. Il y a beaucoup plus de gens dans les gradins qu'il y en a sur les courts.

Mme Jane Wynne (directeur de tournoi, Open du Canada, Association canadienne de tennis): Une très faible proportion des spectateurs sont des enfants. Je crois que nous avons récemment effectué un sondage. Il y en a peut-être 5 p. 100, mais pas plus.

J'ai deux filles et je suis tout à fait contre l'usage du tabac. Je n'ai jamais fumé. Toutefois, je ne crois pas qu'un enfant qui assiste au championnat commencera à fumer à cause des couleurs rouge et noire ou de la bannière du Maurier. Je suis sûre que non.

.1655

M. Scott: L'ennui, c'est que vous parlez à des gens, réunis autour de cette table, qui investissent tous beaucoup d'argent dans des petits panneaux de pelouse qu'ils diffusent dans leur circonscription au moment des élections.

M. Moffatt: Et cela ne marche pas.

Le président: Andy, votre temps de parole est expiré.

M. Scott: Merci.

Le président: Nous allons passer rapidement à Joe Volpe.

M. Volpe: J'ai une ou deux brèves observations.

Comme nous n'avons pas parlé de la teneur de la loi, mais de son résultat, étant donné que nous avons entendu d'autres opinions aujourd'hui, trouvez-vous que cette loi soit trop mince et pas assez détaillée ou au contraire complexe et compliquée?

M. Moffatt: Je ne suis pas avocat...

M. Volpe: Mais vous avez dit qu'elle était mince.

M. Moffatt: Elle manque de substance. À mon avis, elle se contente de charger le ministre de la Santé et le Cabinet de prendre des règlements qui combleront les lacunes qui figurent actuellement dans la loi.

M. Volpe: Par conséquent, si vous estimez qu'on n'a pas consacré beaucoup de temps à cette mesure, pensez-vous que votre groupe a beaucoup d'autres sujets à aborder à propos de ce projet de loi?

M. Moffatt: Nous sommes certainement prêts à en discuter avec n'importe qui, n'importe quand, si cela peut être utile.

M. Volpe: Non, je parle de la loi, car c'est la raison pour laquelle vous êtes venus ici. Vous avez dit tout ce que vous aviez sur le coeur, et vous avez fait toutes les observations que vous aviez à faire au sujet de cette mesure.

J'ai une observation à formuler. Nous parlons de sources de financement, mais le Stade du Maurier, par exemple, va quand même pouvoir continuer à porter ce nom. Ce n'est qu'une simple réflexion de ma part, et vous n'avez pas à y répondre, mais je pense que le gouvernement fédéral a investi environ 8 millions de dollars dans la construction et du Maurier à peu près 1 million...

M. Moffatt: Désolé, combien?

M. Volpe: Un million de dollars.

M. Moffatt: Non, 3 millions.

M. Volpe: D'accord. La moitié de cette somme a été amortie, si bien que le contribuable canadien a financé l'autre moitié.

M. Moffatt: J'ignore ce qui a été amorti ou non.

M. Volpe: Je suppose que cela a été fait. Je tenais à le préciser, afin qu'on sache que, lorsqu'on recueille des fonds, il y a toujours quelqu'un d'autre qui intervient et que la situation n'est pas aussi catastrophique que tout le monde l'a laissé entendre aujourd'hui.

C'est un peu comme la boule de neige qui dévale une colline. Je me demande où tout cela nous mène.

Comme je l'ai dit, je voulais faire une simple observation; vous n'avez pas à y répondre.

Le président: Si vous voulez le faire...mais nous n'avons plus de temps.

Bonnie Hickey.

Mme Hickey: Merci.

Monsieur Moffatt, votre manifestation sportive permet au fabricant de tabac d'accroître la valeur de ses produits, des produits qui sont nocifs pour la santé des Canadiens.

Votre organisme reconnaît-il les torts que le tabagisme cause pour la santé des Canadiens et ne trouvez-vous pas gênant de faire de la promotion pour les fabricants de tabac qui veulent accroître leurs recettes grâce à vos produits?

M. Moffatt: Nous sommes certainement conscients de ce genre de choses.

Comme Jane l'a dit tout à l'heure, nous ne croyons pas que la commandite de nos tournois contribue, dans une large mesure, à inciter des gens à commencer à fumer ou à consommer du tabac.

Mme Hickey: Merci.

Le président: J'ai une ou deux questions.

Monsieur Moffatt, vous avez employé l'expression: «en l'absence de preuve du contraire». Je vais vous donner quelques preuves et vous demander ce que vous en pensez. Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé de l'investissement que le fabricant de tabac fait dans ces manifestations sportives. Un investissement sous-entend un rendement.

Examinons un peu les chiffres. L'industrie du tabac a déclaré elle-même, aujourd'hui, par le truchement de M. Robert Parker, président du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac, que 1 p. 100 de la part du marché du tabac représentait 22 millions de dollars. Il a dit également que 90 p. 100 des fumeurs restaient fidèles à la même marque; autrement dit, il ne reste aux diverses marques que 10 p. 100 du marché à se disputer. Ces 10 p. 100 multipliés par 22 millions de dollars donnent un montant total de 220 millions de dollars que chacun cherche à s'accaparer. C'est une part du marché qui vaut 220 millions de dollars.

.1700

Vous savez certainement que les fabricants de tabac dépensent plus que ce montant pour commercialiser leurs produits, sous la forme de commandites ou autrement. Si vous cherchez donc des preuves du contraire, n'est-il pas prouvé que les fabricants de tabac consacrent davantage d'argent aux frais de commercialisation que la part du marché à conquérir?

M. Moffatt: Je ne peux pas répondre à cela, étant donné que j'ignore combien l'industrie dépense pour la publicité et la promotion. Je sais ce qu'elle consacre à la commandite.

Le président: Elle dit dépenser 50 à 60 millions pour la commandite, mais elle dépense plus, bien entendu, pour faire de la publicité en dehors de ces commandites.

Monsieur Moffatt, vous avez également parlé des conséquences de cette loi. Je crois que vous parliez des conséquences pour les manifestations sportives commanditées. Mais vous savez bien entendu qu'il y a aussi d'autres conséquences.

Vous avez dit qu'on chargeait quelqu'un d'une responsabilité. Je ne vois pas de personne mieux choisie pour se charger d'une responsabilité en matière de santé que le ministre de la Justice. Cela me paraît une excellente chose. Si les politiciens avaient l'habitude de se décharger ainsi de leurs responsabilités, nous serions dans une bien meilleure situation.

Le gouvernement et les législateurs tentent de prendre une initiative dans ce domaine en raison des conséquences qui sont en jeu. Je voudrais parler des 40 000 personnes qui meurent directement à cause du tabagisme. C'est également une conséquence à considérer. Voilà pourquoi nous sommes ici. Ce n'est pas parce que nous voulons faire disparaître des manifestations sportives ou les rendre plus difficiles. C'est une des conséquences.

Si vous le voulez bien, j'aimerais que vous nous disiez vraiment le fond de votre pensée. Je serai direct. Voulez-vous dire que 40 000 personnes vont mourir, mais que vous avez quand même besoin de cet argent? Pourriez-vous nous faire part de vos inquiétudes à l'égard des commandites dans le contexte de la situation réelle?

M. Moffatt: Nous soutenons les objectifs du gouvernement. Ce n'est pas une question que nous voulons discuter. Nous sommes absolument pour.

Ce dont nous parlons c'est des moyens choisis. Nous voulons être certains que ceux d'entre nous qui dépendent des commandites, qui avons travaillé pour les obtenir, ne vont pas les perdre sans raison valide.

Il y a peut-être d'autres façons de résoudre ce problème. Je ne suis pas certain qu'on ait suffisamment examiné la situation.

Nous n'avons pas vu de données sur les résultats ou les effets réels d'une interdiction de publicité dans les autres pays. Quelles sont les répercussions sur la consommation? Nous n'avons pas encore vu de renseignements à ce sujet.

Nous appuyons totalement les objectifs du gouvernement. Nous sommes ici aujourd'hui pour vous dire que nous les appuyons, mais que nous nous inquiétons également de notre propre survie.

Le président: Ma propre solution à l'égard des commandites n'a pas été acceptée par le pouvoir en place. J'ai préconisé une interdiction totale des commandites et un financement de remplacement, pendant peut-être cinq ou six ans, afin de laisser aux groupes bénéficiaires le temps de s'y adapter. Si la loi prévoyait une interdiction totale et un financement gouvernemental de remplacement, seriez-vous ici aujourd'hui?

M. Moffatt: Probablement.

Nous aurions des inquiétudes au sujet de ce financement de remplacement. Quelle serait sa durée? Quelle serait sa raison d'être? Comment ces fonds seraient-ils répartis? Seraient-ils également offerts à d'autres organismes? Cette solution soulève également des questions.

Le président: Je remercie les témoins d'avoir pris le temps de nous faire part de leurs opinions. Merci beaucoup.

.1705

Nous recevons maintenant Artists for Tobacco-Free Sponsorship. Comme il y a plusieurs personnes, je ne sais pas qui est le porte-parole du groupe.

M. Jack Micay (membre, Artists for Tobacco-Free Sponsorship): Merci, monsieur le président et membres du comité. Je suis Jack Micay et je suis réalisateur de documentaires et de films éducatifs. Je suis accompagné de Charles Montpetit, un écrivain récipiendaire du Prix du gouverneur général qui est également un artiste de la scène, de Montréal; Andrew Cash, un compositeur de chansons qui a remporté le prix Juno, musicien rock et journaliste, et Alain Poirier, l'animateur de deux émissions à Radio-Canada, Comment ça va? et M'aimes-tu?

Nous sommes membres d'Artists for Tobacco-Free Sponsorship, un regroupement de 300 artistes canadiens, de tous les domaines des arts, et à la fois du Canada anglais et du Canada français. Notre groupe comprend d'éminents artistes et écrivains canadiens comme Anton Kuerti, le pianiste bien connu, Nancy White, une chanteuse - compositeur de chansons qu'on a pu entendre à Radio-Canada, et June Callwood, écrivain et journaliste.

Si nous en avons le temps, à la fin de notre exposé, je voudrais vous présenter un court vidéo dans lequel certains de nos membres les plus connus, qui n'ont pas pu venir aujourd'hui, font une déclaration. Nous avons également déposé la liste de nos membres et des déclarations auxquelles ils ont souscrit, ainsi que d'autres documents.

Notre groupe a été constitué pour dissiper la fausse impression qu'a voulu donner l'industrie de tabac selon laquelle la communauté artistique tout entière approuve sa commandite. Nous ne représentons qu'un petit échantillon des nombreux membres de la communauté artistique canadienne qui voient également une incompatibilité fondamentale entre l'objectif des arts, qui est d'améliorer la vie, et la promotion des cigarettes, à laquelle visent les commandites de tabac. Nous sommes ici pour appuyer une loi efficace qui empêcherait l'industrie du tabac de recruter les groupes artistiques pour qu'ils l'aident à vendre ses produits mortels et se portent à sa défense. Comme nous n'avons aucun intérêt personnel en jeu, contrairement aux artistes commandités, soyez certains que nous parlons vraiment du fond du coeur.

Je vais maintenant céder la parole à Charles.

[Français]

M. Charles Montpetit (porte-parole, Artists for Tobacco-Free Sponsorship): En moyenne, les artistes, c'est bien connu, souffrent d'un manque chronique de fonds et les compagnies de tabac le savent. Exactement de la même façon que les cigarettes créent une dépendance chez les fumeurs, les commandites créent une dépendance financière chez les artistes. Pire encore, elles détournent l'attention du vrai problème.

Une commandite permet de se servir de nous, les artistes, pour dire: «Ne regardez pas les gens qui meurent un peu partout! Écoutez la musique! Regardez les spectacles! Écoutez les gens rire!» Nous trouvons que c'est une attitude monstrueuse et qu'il n'est pas non plus très propre d'en être complice. Est-ce qu'il suffit d'investir de l'argent dans le domaine des arts pour faire oublier le mauvais côté d'une industrie?

En tant qu'artistes, nous ne voulons pas être associés à cette tactique. D'ailleurs, grâce aux commandites, l'industrie est en train de s'arranger pour que les artistes n'osent plus se prononcer sur la question du tabac de peur de déplaire aux compagnies. Ou pire encore, comme on l'a vu aujourd'hui, cela force les artistes à venir se présenter devant vous pour prendre la défense de l'industrie, ce qu'ils n'auraient jamais fait autrement. C'est absurde, car l'art existe pour améliorer la vie des gens, non pas pour la détruire. C'est là le message que nous vous demandons de ne pas oublier aujourd'hui.

[Traduction]

M. Andrew Cash (membre, Artists for Tobacco-Free Sponsorship): Nous approuvons le projet de loi C-71 du gouvernement, mais nous ne croyons pas que ce soit la solution idéale. Deux choses nous inquiètent particulièrement.

Le projet de loi C-71 propose d'imposer des restrictions à l'égard des commandites des marques de tabac, mais il permet quand même à cette industrie de rester associée aux arts. En effet, le gouvernement n'offre pas de remplacer une source de financement qui risque de disparaître, même si l'on a proposé des plans réalistes qui permettraient de remplacer l'argent perdu sans que cela ne coûte grand-chose aux contribuables. Nous aurions souhaité une interdiction complète des commandites et un mécanisme pour remplacer le financement perdu.

.1710

À notre avis, l'industrie du tabac va certainement exploiter les lacunes que présentent les nouvelles restrictions touchant les commandites. Pour compenser la perte de publicité, elles vont certainement chercher à créer davantage de possibilités de commandite. Cela va non seulement rehausser l'image du tabac comme produit acceptable, mais également accroître la dépendance de la communauté artistique.

Notre groupe n'a jamais fait valoir l'argument voulant que si un jeune assiste à un événement commandité, à la sortie, il ira aussitôt acheter un paquet de cigarettes. Nous n'avons jamais fait valoir ce genre d'argument.

Cependant, étant musicien de rock, dans un secteur artistique qui attire certainement les jeunes, j'aimerais beaucoup vous raconter comment l'industrie du tabac cible les jeunes en commanditant les spectacles de rock and roll.

[Français]

Dr Alain Poirier (Artists for Tobacco-Free Sponsorship): On ne souhaite de dépendance à personne, ni à la population ni aux artistes. Je veux seulement vous rappeler que j'ai animé une émission de télévision pendant plusieurs années qui allait chercher un million de dollars par année en commandites, mais évidemment, jamais de l'industrie du tabac parce que c'était à la télévision.

J'en profite pour vous rappeler que quand on a banni la publicité télévisée du tabac à la fin des années 1960, les catastrophes qu'on annonçait à l'époque comme devant frapper l'industrie de la télévision étaient les mêmes que celles qu'on annonce actuellement. On disait que des postes de télévision allaient disparaître, qu'il y aurait un gros problème dans le monde de la télévision. Ce qui est arrivé, vous le voyez autant que je le vois chez moi: il y a des cinquantaines de canaux de télévision qui entrent dans nos foyers.

Un jour, on l'espère, l'interdiction de la commandite par l'industrie du tabac devrait devenir complète, comme c'est le cas à la télévision. Qu'arrivera-t-il en attendant si la commandite continue à entretenir le volume des fumeurs en attirant les jeunes? On n'a jamais dit que la commandite attirait directement les jeunes mais il faut savoir comment elle opère: très subtilement, mais tout aussi efficacement que la publicité.

Ce n'est pas moi qui le dis. Il y a trois ans, justement pour trouver des commandites, j'ai suivi un cours d'un spécialiste montréalais de la commandite à l'Université de Montréal, M. Vincent Fischer. Il nous expliquait que la commandite est d'autant plus efficace et subtile que la publicité moderne n'offre, le plus souvent, aucune information sur le produit. Elle cherche tout simplement à créer une image favorable. Moins le produit a d'utilité, plus sa vente repose sur l'image. En ce sens, la commandite et la publicité opèrent de la même façon auprès des jeunes. C'est xxxVincent Fisher qui le dit, ce n'est pas moi.

La commandite aura donc continué d'entretenir le volume de fumeurs en recrutant des jeunes et, comme le disait Andrew, aura rendu encore plus difficile le retrait de cette forme de financement pour le milieu artistique.

Malheureusement, il semble que le gouvernement n'a pas retenu l'idée d'une interdiction totale. Cela ne fait pas partie de ce que vous nous avez présenté. Dans ce contexte, si vous décidez, en tant que gouvernement, de ne l'interdire que partiellement, on voudrait au moins que vous empêchiez que la situation n'empire, même si ce n'est pas là notre premier choix.

.1715

Notre deuxième choix serait de vous recommander qu'aucun nouvel événement ne bénéficie de l'aide de l'industrie du tabac et que les budgets de commandite soient gelés au niveau de 1995, avant le dépôt du plan d'action de la ministre à l'époque du fameux blueprint. On sait que depuis qu'elle se sent menacée, l'industrie a augmenté le montant. Donc, geler le montant et n'investir dans aucune nouvelle activité constitueraient, non pas le meilleur choix, mais un choix raisonnable pour empêcher l'augmentation de la dépendance qu'on connaît actuellement.

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

M. Micay: Monsieur le président, si vous le permettez, nous allons vous montrer rapidement un passage du vidéo. J'attends votre signal.

Le président: Jack, nous ne sommes pas à cour d'indulgence, mais à court de temps. Nous allons donc regarder le film, mais nous n'aurons plus que cinq ou six minutes pour vous poser des questions.

M. Micay: C'est court. Si vous voulez que je l'arrête, je l'arrêterai.

Le président: Quel est sa longueur?

M. Micay: Six minutes.

[Présentation d'un vidéo]

.1720

[Français]

Le président: Order, please. Je vais maintenant donner la parole à Pauline Picard, à Grant Hill et à John Murphy.

Mme Picard: Bonjour, messieurs. Je suis d'accord avec vous; si on pouvait rayer la cigarette de la planète, ce serait un bienfait pour tout le monde. Mais espérer cela relève de l'utopie.

Je ne suis pas vraiment convaincue de ce que vous venez de nous démontrer en ce qui concerne les commandites par rapport aux artistes. En effet, depuis que nous siégeons à ce comité relativement au projet de loi, donc depuis plusieurs mois, nous avons été envahis par des groupes d'artistes et des groupes représentant des organismes culturels et sportifs venus nous dire qu'ils seraient en danger.

Je ne suis pas vraiment d'accord quand vous dites que les commandites peuvent créer une dépendance chronique chez les artistes. Je pense que pour eux, c'est un moyen de survie.

Vous dites qu'il pourrait exister d'autres moyens de financement. J'aimerais bien savoir quelles sont ces autres possibilités de financement. Actuellement, nous faisons face à un sérieux problème. Si les fabricants de tabac retirent leur commandite, qu'arrivera-t-il du Festival Juste pour rire? Notamment à Montréal, ce serait une catastrophe économique pour toutes les activités, qu'elles soient sportives ou culturelles. J'aimerais donc connaître vos solutions et vos mesures de transition pour que ces activités ne s'effondrent pas pendant les mois qui viennent.

J'aimerais bien aussi que vous me soumettiez, si vous en êtes capable, une étude sérieuse qui démontrerait que la commandite de grands événements, comme le Festival Juste pour rire, financé par Craven A, entraîne une augmentation du tabagisme chez les jeunes parce que le fabricant de tabac a affiché son nom et commandité le festival.

Les études sérieuses que nous avons reçues jusqu'à maintenant démontrent que ces commandites pourraient à la rigueur inciter les fumeurs à changer de marque. Alors, j'attends vos solutions. Merci.

Dr Poirier: En ce qui concerne les études, il est toujours difficile d'en trouver qui portent sur une commandite et un type de consommateurs. Il n'y a personne qui affirme cela chez les tenants de la position antitabac qui sont ici. Cela ne se fait pas. On ne peut pas dire que parce que j'ai assisté à un match de tennis, je me suis mis à fumer. Moi-même, j'aime le tennis et les concerts et je ne fume pas. Donc, il n'y a jamais de lien direct, et pas davantage en publicité. Si vous voyez un message publicitaire sur le ketchup, vous n'irez pas acheter le ketchup demain matin. Ça n'existe pas, ni en publicité ni en commandite.

Ce qu'on sait, par exemple, c'est que le marketing d'un produit, de façon générale, que ce soit par de la commandite ou de la publicité, opère de façon subtilement différente, mais de façon tout aussi efficace pour transformer une norme sociale. Un jeune qui voit un panneau publicitaire de Jacques Villeneuve dit quatre fois sur cinq - je l'ai vérifié auprès de mon fils de huit ans et de ma fille de dix ans - que c'est une pub de tabac.

.1725

On vérifie auprès des jeunes et auprès de toute la population s'ils pensent que le tabac est vraiment dangereux. Je vous donne des évidences indirectes, non pas des résultats d'études directes. Les gens répondent que le tabac n'est sûrement pas si dangereux que ça puisque le gouvernement autorise qu'on en fasse la publicité ou qu'il serve de commandite.

Il y a quatre pays qui ont vérifié, de façon assez systématique, les liens entre la publicité et la consommation. Quand je dis «systématique», je veux dire que plus d'une centaine de pays ont des lois sur le tabac. Certains d'entre eux ont été capables d'isoler l'effet de la publicité sur la consommation. La réduction du tabagisme attribuable aux restriction de la publicité varie entre 4 et 9 p. 100.

Depuis 1993, on a aussi fait des observations dans d'autres pays, comme en France. Cependant, comme on y a associé d'autres mesures, il devient difficile de dire quelle proportion est attribuable seulement à la commandite. On ne peut pas dire quel est l'effet de la commandite seule, mais on sait que la norme sociale peut être transformée dans une société. Cela s'observe partout. Posez la question à n'importe qui, et 50 p. 100 des gens vous répondront que cela ça ne doit pas être si dangereux, puisqu'il y en a partout.

[Traduction]

Le président: Nous allons maintenant passer au Dr Hill.

M. Hill (Macleod): J'ai demandé à l'Alliance for Sponsorship Freedom qui la finançait. Vous avez un joli document, avec une belle couverture. Puis-je vous poser la même question? Comment êtes-vous financés?

M. Micay: Nous nous finançons nous-mêmes. Nous avons également reçu un peu d'aide du milieu de la santé, surtout sous la forme de services pour nous aider à nous organiser. Mais pour ce qui est des fonds, nous avons dépensé très peu d'argent.

M. Hill (Macleod): Avez-vous eu suffisamment de temps pour examiner cette loi, formuler des suggestions et les présenter au comité? Les choses ont-elles été trop rapides?

M. Micay: Personnellement, j'estime que nous avons eu suffisamment de temps. D'autre part, je suis très conscient des risques qu'un retard présenterait, tant sur le plan de la santé, car les jeunes se font recruter au rythme de 10 000 par mois, mais aussi parce que cela laisse au puissant lobby de l'industrie du tabac le temps de se mobiliser contre ce projet de loi. Je suis donc pour son adoption rapide.

Le président: John Murphy.

M. Murphy: Merci, monsieur le président. Merci pour votre exposé intéressant.

Je vis dans la Vallée d'Annapolis et il y a une heure environ, j'ai appelé Michael Bawtree de l'Atlantic Theatre Festival, pour savoir quelle était sa position. J'ai été heureux d'apprendre que le festival n'accepte pas de commandite des fabricants de tabac. C'est contraire à ses règles et à sa politique.

Je compatis avec la communauté artistique, la communauté sportive et le secteur culturel, parce que les fabricants de tabac les ont placés sous leur coupe. Malheureusement, ils ont dû venir ici pour les défendre. Ce n'est pas juste, car ils sont coincés.

Vous avez mentionné quelques solutions. Je me demande si vous voyez d'autres mesures qui pourraient aider ceux qui sont sous la coupe des fabricants de tabac à s'en sortir. Je ne suggère même pas qu'ils restent sous leur coupe.

M. Montpetit: Comme nous l'avons précisé à la fin de notre exposé, nous recommandons de maintenir les commandites déjà en place en 1995. Il ne faudrait pas compromettre des festivals comme le Festival de comédie Juste pour rire, mais nous ne voudrions pas que cela aille plus loin.

Si nos recommandations sont suivies, ceux qui sont actuellement commandités, qui ont comparu devant vous aujourd'hui, ne peuvent absolument pas prétendre qu'ils perdront leur financement. Nous recommandons qu'ils ne le perdent pas et que les fonds qu'ils reçoivent dans le cadre de ces commandites soient bloqués à leur niveau actuel afin que le problème ne s'aggrave pas.

M. Micay: Je ne pense pas que vous rendrez service à la communauté artistique en lui permettant de rester dépendante de l'argent des fabricants de tabac, car cette situation devra inévitablement cesser, un jour ou l'autre.

C'est dans ce sens que le monde évolue. En Australie, en Nouvelle-Zélande, en France, et même maintenant aux États-Unis, les commandites sont en voie de disparaître. Plus vous attendez, plus les groupes artistiques deviendront dépendants et plus il leur sera difficile de se passer de cet argent. Cela peut être douloureux maintenant, mais ce sera encore plus pénible plus tard.

.1730

M. Murphy: En fait, votre solution est... vous n'êtes pas du même avis.

M. Micay: Je voudrais un plafond afin que la situation ne s'aggrave pas, mais je pense que les choses empireront en l'absence de plafond.

M. Cash: Nous disons clairement qu'à notre avis, la solution - et je pense à la Campagne ontarienne d'action contre le tabac proposé au ministre de la Santé pendant tout ce processus - consiste à créer un fonds de dotation, à l'extérieur du gouvernement, un peu comme celui dont dispose le Conseil des arts de l'Ontario, en plus du financement que le gouvernement ontarien lui accorde. Cela nous semble être une solution tout à fait réaliste.

Le président du comité l'a mentionné lui-même et c'est une chose que nous approuvons. Je dois dire que tout cela m'a beaucoup découragé. Je ne comprends pas que les artistes n'aient pas réussi à s'unir et à le faire clairement comprendre au gouvernement. La solution aurait été, et serait sans doute encore, de prendre la surtaxe que le gouvernement fédéral a déjà imposée sur les profits après impôts de l'industrie du tabac et de canaliser ces sommes dans un fonds de dotation pendant cinq ans. Ce serait la solution au problème.

M. Murphy: Merci beaucoup.

Le président: Nous remercions les témoins d'avoir pris la peine de venir. Votre témoignage nous a été utile. Merci beaucoup.

Nous invitons maintenant le dernier groupe de témoins d'aujourd'hui, qui représente Santé Canada. Venez à la table.

Nous avons, encore une fois, le plaisir d'accueillir Judy Ferguson, directrice générale, information et politique de santé, et France Pégeot, directrice du bureau de contrôle du tabac, du ministère de la Santé.

Je pourrais peut-être dire quelques mots en guise de préambule. Je m'attends à ce que cette audience soit très brève.

Si nous avons invité les témoins du ministère à revenir - car ils ont passé un peu de temps avec nous vendredi matin - c'est pour soulever deux questions, à la suite des témoignages que nous avons reçus. Premièrement, je demanderais aux témoins si elles ont des commentaires à faire à propos de ce qu'elles ont entendu ces deux derniers jours et ensuite, je demanderais aux membres du comité s'ils ont des questions à soulever avec les témoins du ministère de la Santé compte tenu de ce qu'ils ont entendu ces deux derniers jours?

Comme je l'ai dit, il n'est pas nécessaire que ce soit long, mais j'ai cru important que nous donnions au moins aux deux parties l'occasion de se faire entendre.

Judy.

Mme Judy Ferguson (directrice générale, Information et politique de santé, ministère de la Santé): Merci, monsieur le président. Nous n'avons pas eu l'occasion de suivre en détail les témoignages présentés au comité. Mais dans la mesure où certains commentaires nous ont été résumés, je voudrais mentionner une ou deux choses après quoi nous pourrons passer directement aux questions.

Une question qui est revenue souvent est celle de savoir si les mesures que contient le projet de loi seront efficaces ou non. Nous avons souvent entendu dire que l'industrie ne cessait de répéter qu'une interdiction de la publicité n'était pas efficace et que ce projet de loi ne le serait peut-être pas davantage.

.1735

Mais je crois important de se rappeler que l'interdiction de la publicité imposée par la loi réglementant les produits du tabac n'a pas mis un terme à toute publicité. Les commandites ont été largement utilisées et ont même remplacé la publicité pour les produits d'une façon très insidieuse et très importante pour que le tabac conserve une grande visibilité.

De nombreux pays qui ont des stratégies de contrôle du tabac ont pris des mesures visant les commandites au même titre que la publicité, mais qui s'attaquent surtout aux commandites. Ils ont reconnu que cette forme de promotion publicitaire était un facteur assez important pour inciter les gens à décider de fumer.

Pour faire un dernier commentaire sur l'efficacité de la loi, la Cour suprême du Canada a reconnu assez clairement l'importance de l'objectif sanitaire de la Loi réglementant les produits du tabac et a dit qu'une réduction même limitée de la consommation justifiait une restriction de la liberté d'expression des fabricants de tabac.

Cette loi, alliée aux autres éléments de la stratégie globale du gouvernement, qui comprend des mesures fiscales de même que la sensibilisation du public, devrait avoir l'effet souhaité.

Le président: Merci.

[Français]

Madame Picard, est-ce que vous avez des questions à poser?

Mme Picard: Pas à ce moment-ci. Je suis en train d'y réfléchir.

[Traduction]

Le président: Grant Hill.

M. Hill (Macleod): Je voudrais un simple éclaircissement, si vous le permettez. Au paragraphe 8(1), il est dit que:

Un peu plus loin, à l'article 45, il est question d'une pénalité. Je crains que cela ne permette d'imposer une amende de 3 000$ à quelqu'un qui donnerait une cigarette à un copain qui se trouverait là. Est-ce l'objectif visé? Est-ce dans cette direction que le gouvernement veut aller?

Mme Ferguson: Non. Nous avons examiné cette question assez longuement vendredi. Cela vise plutôt les activités commerciales, les transactions au détail. Les poursuites et les amendes seraient une solution de dernier recours. Nous comptons principalement sur l'observation volontaire et les avertissements avant d'en arriver à l'application des articles qui prévoient des amendes et des peines.

M. Hill (Macleod): Pensez-vous qu'il faudrait préciser qu'il s'agit de la vente au détail?

Mme Ferguson: Si cela clarifie l'intention de cette disposition, ce serait à envisager.

M. Hill (Macleod): On craint que le paragraphe 18(1) s'applique autant aux annonces antitabac qu'au genre d'annonces que vous visez probablement. Cette disposition pourrait-elle empêcher de diffuser une annonce antitabac?

Mme Ferguson: Cette clause ne vise pas à limiter les observations qui sont faites dans un contexte interne ou scientifique. Dans un tel contexte, je ne pense pas que ce serait le cas.

M. Hill (Macleod): L'ennui c'est que la loi parle de ce qui est «susceptible d'influencer et de créer des attitudes». C'est à la fois positif et négatif. Le fabricant de tabac voudrait bien entendu faire valoir que son produit est bon et merveilleux. Si quelqu'un vient dire qu'il n'est ni bon ni merveilleux, cette disposition risque fort de l'en empêcher.

Mme Ferguson: Si vous prenez la définition de la promotion, nous cherchons à nous attaquer à la communication d'informations qui pourraient influencer un comportement à l'égard d'une marque ou d'un produit. Encore une fois, c'est dans un contexte tout à fait commercial et cette disposition ne vise pas l'expression d'opinions au sujet du tabac qui peuvent figurer dans un rapport ou un témoignage devant un comité comme celui-ci...

M. Hill (Macleod): J'ai une autre question concernant la Loi sur les produits dangereux qui prévoit une exemption pour le tabac. Il y aurait une contradiction entre cette loi et celle-ci qui vise spécifiquement le tabac. Devons-nous éliminer l'exemption que la Loi sur les produits dangereux prévoit pour le tabac?

.1740

Mme Ferguson: Je crois que non.

M. Hill (Macleod): Je vous le signale afin que vous en soyez vraiment certaine.

Mme Ferguson: D'accord.

M. Hill (Macleod): Enfin, certains témoins nous ont parlé ce matin de leurs distributrices automatiques pour lesquelles on doit pousser un bouton à un poste exposé à la vue de quelqu'un, par exemple dans une salle de billard. Ces distributrices sont-elles visées au même titre que les machines à sous?

Mme France Pégeot (directrice, Bureau de contrôle du tabac, ministère de la Santé): L'ancienne loi autorisait ce genre de machine. La loi actuelle propose de les interdire. Néanmoins, dans le cadre d'autres amendements, nous pourrions songer à modifier le projet de loi afin de les inclure. C'est une chose que nous pourrions envisager.

M. Hill (Macleod): Ce serait très onéreux pour ces personnes, qui se sont conformées à la loi depuis une époque pas si lointaine.

Mme Pégeot: Oui. Pour ce qui est des ventes de tabac aux jeunes, la loi actuelle autorise ce genre de machine. Celle-ci ne les autorise pas. Selon certaines études, surtout celles qui ont été faites aux États-Unis, ces dispositifs entraînent un taux d'infraction très élevé. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons voulu l'interdire dans cette loi. Nous pourrions toutefois consulter les exploitants de distributrices et voir comment répondre à leurs besoins. C'est une chose que nous allons certainement devoir examiner.

M. Hill (Macleod): Merci.

Le président: Pauline Picard.

[Français]

Mme Picard: Tantôt vous nous avez dit que les commandites n'étaient pas interdites. Pourtant, comme certains témoins nous l'ont dit, même si le projet de loi les autorise, elles sont rendues impossibles par la façon dont sont rédigés les articles, parce que les restrictions sont tellement renforcées qu'aucun commanditaire ne sera intéressé à promouvoir un événement.

Donc, vous dites que ce n'est pas interdit, mais quand on s'arrête aux restrictions qu'on impose, c'est comme si quelqu'un vous disait de marcher dans un champ mais de faire attention parce qu'il est miné.

Mme Pégeot: Ce sera, bien entendu, la décision de l'industrie du tabac de continuer ou non à commanditer différents événements. Selon nous, le projet de loi laisse quand même une latitude raisonnable à l'industrie du tabac, de continuer à commanditer et aussi de donner de la visibilité à leur commandite.

Par exemple, tous les participants qui vont à un événement vont pouvoir voir le nom de la marque du produit et clairement identifier le commanditaire par des affiches qui pourront être posées sur le site. Les événements pourront continuer d'être promus dans les magazines qui sont lus principalement par les adultes. Les messages pourront continuer à être envoyés directement à leurs consommateurs adultes. Donc, toutes les campagnes d'abonnement, par exemple, pourront continuer.

Donc, nous croyons avoir laissé quand même une latitude raisonnable dans la loi pour que la commandite puisse continuer.

Mme Picard: Vous me parlez de publicité, non pas de commandite. Je vous parle de la commandite de grands événements.

Mme Pégeot: Oui, c'est de la commandite.

Mme Picard: Quand vous ne laissez qu'une marge de 10 p. 100 sur une affiche ou dans le bas de la page et que vous interdisez les annoncez à la radio ou à la télévision, il est certain que c'est moins intéressant de commanditer un événement. C'est pourquoi les représentants de ces organismes ont peur à leur survie parce que, même si vous ne l'interdisez pas, les mesures sont tellement restrictives que les commanditaires ne seront plus intéressés.

Mme Pégeot: La commandite est un élément clé dans la stratégie de promotion des compagnies de tabac. Pour faire avancer nos objectifs de santé, il est absolument essentiel qu'elle soit contrôlée.

Mme Picard: Mais sur quoi vous basez-vous pour déterminer de telles mesures alors qu'on dit qu'il n'y a aucune étude sérieuse, à l'heure actuelle, démontrant que la réduction de la commandite des grands événements - je vous parle seulement des grands événements, comme l'Orchestre symphonique de Montréal - peut avoir un impact sérieux sur la réduction du tabagisme chez les jeunes? Su quoi vous êtes-vous fondés pour affirmer ce principe?

.1745

Mme Pégeot: Il existe des études qui démontrent l'influence de la promotion sur le processus qui mène à la décision de fumer. Il existe d'ailleurs une bibliographie qui énumère les études qui appuient les différentes mesures qui sont contenues dans le projet de loi. Il me fera plaisir de m'assurer qu'une copie soit mise à votre disposition. Quatre-vingt-cinq pour cent des jeunes de 10 à 19 ans considèrent que la commandite constitue en fait de la publicité en faveur des produits du tabac. La Cour suprême a reconnu qu'il existait un lien entre la consommation des produits du tabac et certains types de publicité.

Mme Picard: Merci.

[Traduction]

Le président: Le député de Fredericton - York - Sunbury, monsieur Scott.

M. Scott: Merci, monsieur le président.

Je voudrais poser une ou deux questions au sujet des sanctions prévues dans le projet de loi. En parlant à des journalistes...le sujet a peut-être été abordé et je m'en excuse. L'un des témoins d'aujourd'hui a parlé des infractions et des peines en disant que les fabricants de tabac avaient sans doute davantage les moyens de payer les amendes que les compagnies théâtrales ou autres organismes. Que prévoit le projet de loi à cet égard?

Mme Pégeot: Le projet de loi dit que les deux parties seront responsables. Nous croyons que si l'une d'elles accepte de l'argent pour faire commanditer ses activités, elle doit rendre des comptes au même titre que l'industrie du tabac. Comme vous le savez, la politique à l'égard des poursuites relève du procureur général du Canada et c'est donc à lui de décider s'il y aura poursuite ou non.

M. Scott: A-t-on annoncé publiquement - car je n'en ai pas eu connaissance - le processus qui serait suivi pour la réglementation et le reste? Cela suscite beaucoup d'inquiétudes. À votre connaissance, quelqu'un a-t-il apporté des précisions à ce sujet, le ministre ou quelqu'un d'autre?

Mme Pégeot: Nous avons l'intention de suivre le processus de réglementation habituel, qui est établi par le Conseil du Trésor et qui comprend des consultations intensives avec les parties intéressées. On commence généralement par publier dans la gazette le projet de règlement, après quoi il y a une période de consultation, puis une autre publication dans la gazette.

Pour ce qui est de la politique de Santé Canada en matière d'élaboration de règlements, très souvent, nous envoyons également ce que nous appelons une «lettre d'information». Nous l'envoyons aux intéressés avant même la première publication dans la gazette pour les informer que nous sommes sur le point de prendre un règlement et les informer également de nos intentions.

Je crois que nous aurons suffisamment l'occasion de tenir des consultations approfondies et d'entendre l'opinion de tous ceux qui seront touchés par le projet de règlement.

M. Scott: A-t-il été question de mettre sur pied un groupe consultatif quelconque? Savez-vous si le ministre a dit quelque chose à ce sujet?

Mme Pégeot: Pourriez-vous être un peu plus précis?

M. Scott: J'ai l'impression qu'il y a là beaucoup d'aspects pratiques, pour ce qui est des endroits où les annonces pourraient être diffusées. Comme on semble vouloir faire un compromis entre une interdiction absolue qui permettrait de poursuivre les commandites, et un retour à une certaine publicité, si elle se limite aux lieux de ventes, comme on semble vouloir faire ce compromis, ne serait-il pas souhaitable de demander aux premiers intéressés comment procéder exactement?

Mme Ferguson: Dans le cadre du processus de consultation, nous allons discuter avec tous les groupes visés, pour mettre au point les détails des mesures requises et établir les règles du jeu.

Je crois que la question a été abordée quand les représentants de l'industrie ont comparu. Comme nous l'avons dit vendredi, même si la loi ne l'exige pas...en plus des lignes directrices d'interprétation qui seront établies pour compléter ou clarifier le règlement, nous serions prêts à travailler en collaboration avec l'industrie à l'établissement d'un mécanisme de pré-autorisation qui lui permettra de savoir d'avance si ses annonces sont autorisées.

Le président: Le député d'Annapolis Valley - Hants, John Murphy.

M. Murphy: Je vous remercie.

Après avoir entendu toute la journée ce que nos témoins ont eu à nous dire, ce qui retient surtout mon attention c'est la question de la commandite. Je vois à quel point l'industrie du tabac est présente dans le domaine de la culture, des sports et des arts. Maintenant qu'on a compris leur jeu, ils essaient de se justifier. Mais comme ils ne peuvent pas se justifier, ils doivent essayer de défendre l'industrie du tabac.

.1750

Je crois que vous avez aussi écouté les arguments qui ont été présentés ici aujourd'hui. Il nous faut essayer de trouver une solution, mais je ne sais pas si la solution consiste vraiment à accorder une période de transition de quatre ans à l'industrie du tabac. Nous savons combien de jeunes peuvent commencer à fumer pendant cet intervalle. Je me demande simplement si vous n'avez pas songé à une autre solution. Je pourrais proposer qu'on interdise complètement les commandites par l'industrie du tabac et que les gouvernements fédéral et provinciaux compensent pour cette perte de fonds en imposant des taxes supplémentaires sur les cigarettes. On pourrait donner trois ans, par exemple, au milieu sportif pour chercher de nouveaux commanditaires.

Je me rappelle aussi ce que nous a dit un témoin...

Le président: Monsieur Murphy, votre temps est écoulé.

M. Murphy: Très bien.

Je serai bref. L'un des organisateurs du festival de jazz de Vancouver a comparu devant nous. Quelqu'un comme lui pourrait peut-être siéger à un comité consultatif qui étudierait cette question. J'essaie de voir si nous n'avons pas oublier quelque chose.

Mme Ferguson: Je ne suis pas sûre d'avoir d'autres solutions à vous proposer. Quant à savoir si nous avons vraiment réfléchi à tout cela, je peux dire que oui. Nous en avons cependant conclu que puisque nous pensons que les conditions fixées à la participation des fabricants de tabac à ce genre d'événements sont raisonnables, on aurait peut-être du mal à justifier l'octroi de ce genre d'aide, en particulier lorsqu'on songe qu'il faudrait décider à qui offrir cette aide. Comment réglerait-on le cas des organismes qui ont refusé d'accepter des fonds de l'industrie du tabac? Ces groupes ont pris des décisions se fondant sur ce principe. Je suppose que le fait de prévoir une aide à l'intention des groupes qui ont accepté le soutien financier de l'industrie du tabac irait à l'encontre du principe que nous défendons.

Le président: Je vais permettre deux brèves interventions, mais nous devons avoir quitté la salle à 18 heures. Une autre réunion devait commencer dans cette salle à 4 heures, mais on nous a accordé la préséance. Nous nous sommes cependant engagés à quitter la salle à 18 heures.

Je vais permettre deux brèves interventions de Paul Szabo et Harb Dhaliwal.

M. Szabo: Je me permets d'abord de faire remarquer que j'ai été sidéré de voir combien de gens niaient le lien entre la stratégie et la modification du comportement. Nous n'avons peut-être pas très bien fait passer ce message.

Les représentants de l'industrie nous ont dit que personne ne pouvait leur expliquer quel type de publicité était acceptable au point de vue juridique. Autrement dit, selon eux, il leur est presque impossible de faire de la publicité. J'espère que nous pourrons régler ce problème. Soit nous allons permettre la publicité, soit nous allons l'interdire. Je suis sûr que nous discuterons plus à fond de la réglementation dans ce domaine, mais je voulais simplement signaler cette préoccupation.

Je voulais aussi attirer votre attention sur le paragraphe 10(1). On m'assure qu'il s'agit d'une erreur typographique.

Mme Ferguson: On modifiera cet article pour qu'on lise que le paquet doit en contenir au moins 20.

M. Szabo: Très bien. Je ne vais pas décrier tout le projet de loi parce qu'il contient une erreur typographique. J'espère qu'on va cependant régler tous ces petits problèmes parce qu'il nous est très difficile de défendre un projet de loi devant des témoins lorsqu'il contient une erreur typographique. Je comprends cependant que cela peut arriver.

Mme Ferguson: Je vous remercie.

Très brièvement, monsieur Szabo, vous avez soulevé le fait que l'industrie dit avoir du mal à comprendre si elle peut faire de la publicité ou non. L'essentiel des mesures que nous proposons figure dans le projet de loi. Je reconnais cependant que le règlement donnera plus de précisions à cet égard. Nous consulterons d'ailleurs l'industrie et tous les intéressés à ce sujet.

.1755

En outre, comme je l'ai déjà mentionné en réponse à une question de M. Scott, si cela peut être utile à l'industrie, nous pouvons offrir d'examiner à l'avance toute stratégie en matière de publicité afin de voir si elle se conforme au règlement avant que celui-ci ne soit rendu public.

Le président: Harb Dhaliwal.

M. Dhaliwal: Je serai très bref, monsieur le président.

Je ne vous demande pas de réponse, mais j'aimerais simplement attirer votre attention sur les points suivants parce que je vais y revenir au moment de l'étude article par article.

Plusieurs témoins ont réclamé que nous fixions un plafond aux commandites individuelles ou collectives des fabricants de tabac. On a aussi proposé qu'on réexamine la loi tous les deux ou trois ans. Je crois que c'est une bonne idée. Le comité devrait se demander un peu plus tard si le projet de loi atteint bien ses objectifs. Peut-être conviendrait-il de faire un suivi annuel.

Plusieurs amendements ont aussi été proposés ici aujourd'hui. Le personnel pourrait-il comparer à notre intention les différents amendements proposés en vue de renforcer la loi. Pour l'instant, il est difficile de se faire une idée là-dessus, mais il faudra bien prendre une décision au moment de l'étude article par article. Si c'est possible, nous devrions aussi savoir si le ministère approuve ou désapprouve ces amendements. S'il les désapprouve, il faudrait peut-être qu'on nous donne des motifs. Nous serons ensuite en mesure de prendre une décision éclairée sur ceux-ci. Voilà tout ce que je demande.

Le président: Avant de vous donner la parole, Judy, j'aimerais d'abord dire à Harb que nous avons demandé au personnel de résumer tous les changements qui nous ont été proposés. Ce document vous sera distribué en fin de matinée dès qu'il aura été traduit.

Avez-vous quelque chose à ajouter avant que je ne lève la séance, Judy?

Mme Ferguson: Nous sommes au courant des amendements qui ont été proposés. Nous les évaluons actuellement.

Le président: Avant que vous ne partiez, j'aimerais attirer votre attention sur quelques points importants. Premièrement, je vous rappelle que nous nous réunissons ici demain à 9 heures. Nous entendrons d'autres témoins de 9 heures jusqu'à environ 13 h 30, après quoi nous passerons directement à l'étude article par article non seulement du projet de loi C-71, mais aussi du projet de loi C-24. Il s'agit du projet de loi sur l'attribution. Il s'agit d'un projet de loi très bref, mais nous avons décidé il y a déjà quelques mois d'étudier les deux projets de loi en même temps. Je vous signale donc que demain nous passerons à l'étude article par article de ces deux projets de loi.

La séance est levée. Nous reprendrons nos travaux demain à 9 heures.

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