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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 6 décembre 1996

.0907

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Bonjour tout le monde. Nous entreprenons l'étude en comité du projet de loi C-71, Loi réglementant la fabrication, la vente, l'étiquetage et la promotion des produits du tabac. Nous souhaitons la bienvenue au ministre, l'honorable David Dingwall, qui, avec ses collaborateurs, sera notre premier témoin.

Avant de l'inviter à faire une brève déclaration liminaire puis à répondre à nos questions, je voudrais aussi souhaiter la bienvenue à certains de nos collègues qui, bien qu'ils ne soient pas des membres réguliers de notre comité, remplacent ce matin les membres habituels qui ne pouvaient être présents: mon bon ami de Haldimand - Norfolk, Bob Speller, et mon bon ami de Kamouraska - Rivière-du-Loup, Paul Crête; bienvenue, monsieur Crête.

Ce matin, lorsque nous aurons entendu le ministre et que nous lui aurons posé certaines questions, nous entendrons les fonctionnaires de son ministère, comme il a été convenu hier. Puis, vers la fin de la matinée, vers 11h30, selon l'heure à laquelle nous en aurons terminé avec les fonctionnaires, je propose que nous entendions un autre témoin, qui nous a contactés hier soir. Il ne pourra être parmi nous lundi. Il s'agit de la Commission ontarienne de commercialisation du tabac jaune. Nous les entendrons donc à la fin de la matinée, probablement vers 11h30. Après quoi, nous en finirons pour aujourd'hui et reprendrons lundi à 10 heures pour siéger toute la journée sans interruption.

Bienvenue, monsieur Dingwall. Je crois que vous voulez faire une déclaration. Nous sommes contents de vous voir.

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à mes collègues du Comité de la santé.

Je suis accompagné de Judy Ferguson, directrice générale, Politique de la santé et information et de France Pégeot, directrice du Bureau de contrôle du tabac.

Si vous me le permettez, monsieur le président, et si mes collègues n'y voient pas d'inconvénient, j'aimerais faire une brève déclaration, puis vous passer une bande vidéo très courte.

.0910

Monsieur le président, je me réjouis d'avoir aujourd'hui l'occasion de discuter avec vous du projet de loi C-71, la Loi sur le tabac. Cette loi est à la base de la stratégie globale du gouvernement pour lutter contre le tabagisme. Elle vient compléter les hausses de taxes sur le tabac et les initiatives de lutte contre la contrebande annoncées la semaine dernière ainsi que les programmes visant à sensibiliser davantage les Canadiens aux risques que le tabagisme présente pour leur santé.

Par le dépôt de cette loi, le gouvernement poursuit un objectif primordial - la santé des Canadiens et des Canadiennes, particulièrement celle des jeunes. Les statistiques peignent un tableau sombre et éloquent. Le tabagisme tue prématurément chaque année plus de 40 000 Canadiens. À l'heure actuelle, un grand nombre des sept millions de Canadiens qui fument développent une dépendance par rapport au tabac. Un jeune Canadien sur trois fume, et la moitié verront leur vie abrégée en raison d'une maladie attribuable au tabagisme.

Peu de familles canadiennes ont été épargnées de la souffrance ou de la mort d'un être cher parce que celui-ci fumait. En fait, au cours de la dernière décennie, près d'un demi-million de Canadiens sont décédés à cause du tabac. Beaucoup d'intérêts sont peut-être en jeu dans ce dossier, mais les plus importants ne sont-ils pas la santé et les vies humaines?

Lorsque la cour a statué sur la Loi réglementant les produits du tabac en septembre 1995, elle a jugé que le contrôle de la publicité du tabac est un exercice valide du pouvoir fédéral en matière de droit pénal. Lorsque nous avons rédigé l'ébauche du projet de loi C-71, nous avons suivi à la lettre les orientations formulées dans la décision de la Cour suprême. Notre but a été de respecter intégralement la Charte des droits et libertés tout en établissant une loi qui nous permette de réaliser nos objectifs fondamentaux en matière de santé.

Depuis que le projet de loi C-71 a été déposé, les porte-parole des compagnies de tabac ont déclaré que les mesures que nous proposions étaient trop restrictives. D'autre part, les milieux médicaux et de la santé appuient nos mesures, et il y en a même qui estiment que nous aurions dû aller encore plus loin pour limiter la publicité et la promotion liées au tabac. Je crois que les mesures prévues dans le projet de loi C-71 sont équilibrées et raisonnables. Elles respectent la liberté d'expression des compagnies de tabac et permettent au gouvernement d'atteindre son objectif: protéger la santé des Canadiens et des Canadiennes, particulièrement celle des jeunes, contre un produit qui est en soi dangereux, qui engendre une dépendance et qui peut se révéler mortel.

Laissez-moi, monsieur le président, vous décrire brièvement les facteurs sur lesquels repose le projet de loi. En décembre dernier, le gouvernement a publié son Plan directeur pour protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens, dans lequel étaient définis nos objectifs en matière de santé et la démarche que nous avons proposée à l'époque pour lutter contre le tabagisme.

Depuis la publication du plan directeur, nous avons mené de vastes consultations auprès des Canadiens, d'un océan à l'autre. Nous avons examiné les points de vue exprimés lors des consultations ultérieures auprès des spécialistes médicaux et des experts en santé publique, des provinces et des territoires, des groupes communautaires, des organisations non gouvernementales, des industries touchées, des milieux des arts et du sport, et des Canadiens en général. Nous avons étudié plus de 3 000 mémoires présentés à Santé Canada. Je voudrais insister ici sur le fait que nous suivrons le processus réglementaire normal et mènerons d'autres consultations sur les règlements. Ceux et celles qui seront concernés auront toutes les chances de commenter la réglementation à mesure qu'elle sera élaborée.

Nous avons également tenu compte des recherches entreprises par Santé Canada et d'un nombre considérable et croissant de travaux de recherche à l'échelle internationale. Tout au long du processus d'élaboration, nous avons consulté le ministère de la Justice et travaillé étroitement avec lui pour nous assurer que nos propositions respectaient les orientations de la Cour suprême. Le ministre de la Justice a déjà dit être convaincu que le projet de loi C-71 respectait la décision de la Cour suprême et la Charte des droits et libertés.

Tous ces facteurs ont modelé nos propositions. Ils expliquent le fait que, même si notre démarche s'inspire des orientations énoncées dans le plan directeur, nous avons raffiné nos propositions originales dans certains domaines.

Par exemple, le plan directeur préconisait l'interdiction la plus totale possible de la publicité. C'est ce que nous proposons. Le projet de loi C-71 interdira toute publicité du tabac, à l'exception des annonces non axées sur le style de vie dans des publications destinées essentiellement aux adultes et dans les envois postaux directs.

.0915

En ce qui a trait à la promotion des ventes, aux points de vente et à la promotion de commandite, nous avons légèrement modifié notre proposition initiale de façon à éviter les risques réels de contrevenir à la Charte. Nous avons aussi écouté les détaillants, chez lesquels notre première proposition - qui ne les autorisait à placer dans un présentoir qu'un seul paquet de chaque marque de cigarette - avait suscité des réserves.

Les mesures que nous proposons permettront néanmoins de contrôler efficacement l'exposition des jeunes à la publicité et à la promotion du tabac, que ce soit par des panneaux publicitaires, des présentoirs en magasin ou la commandite d'activités.

Pour ce qui est de l'accès aux produits du tabac, de l'étiquetage et de la réglementation des produits, nous nous sommes guidés sur les propositions du plan directeur.

Dans l'élaboration du projet de loi C-71, notre priorité a été, comme je l'ai dit au départ, les jeunes, car ce sont eux les victimes les plus tragiques du tabagisme et de la dépendance par rapport au tabac. Quand on parle de promotion du tabac, les jeunes constituent aussi le groupe le plus au courant et le plus vulnérable. Chez les nouveaux fumeurs, 85 p. 100 commencent à fumer avant l'âge de 16 ans. Sans ces jeunes, le marché des produits du tabac finirait par disparaître, selon moi.

Les principaux opposants au projet de loi, les représentants de l'industrie du tabac, sont passés maîtres dans l'art de présenter les questions de façon à défendre leurs propres intérêts. Ils invoquent déjà la liberté d'expression pour défendre le «statu quo». En effet, ils rassurent tout le monde, et plus particulièrement les jeunes Canadiens, en déclarant que l'usage du tabac est normal et acceptable partout et qu'il projette une image de succès et de sophistication. Comme le diraient les jeunes, ils tentent de faire croire que fumer, c'est «sexy», c'est «cool», c'est «correct», c'est normal.

Le point de vue du gouvernement est tout à fait différent. L'enjeu, c'est la santé. C'est de leur santé - et non de cigarettes - dont ont besoin les enfants, que l'on pense à aujourd'hui ou à demain. La liberté de l'industrie de promouvoir un produit légal qui, ne l'oublions pas, crée la dépendance et entraîne la mort, doit être réglementée de façon à répondre à l'impératif de la santé. Le «statu quo» n'a pas sa place lorsqu'il s'agit d'un produit qui, chaque année, tue 40 000 Canadiens et entraîne des coûts directs de soins de santé de 3,5 milliards de dollars.

Les représentants de l'industrie ont déclaré qu'ils veulent simplement cibler les fumeurs adultes pour les persuader de changer de marque de cigarette. Mais, par ricochet, cette promotion massive des marques concurrentes qui est axée sur le style de vie a pour résultat que les jeunes sont pris entre deux feux, à un âge où ils décident de fumer ou de ne pas fumer et où il est terriblement important d'avoir l'air adulte.

Le gouvernement propose non pas d'interdire la publicité sur le tabac ou la promotion de commandite, mais plutôt de limiter et de réglementer le cadre dans lequel ces activités pourront être réalisées. Cette proposition est conforme aux recommandations de la Cour suprême, laquelle a reconnu la validité et l'importance des objectifs du gouvernement en déclarant toutefois que les sociétés de tabac devraient être autorisées à communiquer avec les consommateurs de leurs produits. Nous prenons des mesures pour limiter les torts que causent en définitive les incitations à adopter un produit du tabac et une marque, incitations qui viennent contrecarrer l'éducation en matière de santé et le meilleur conseil que la société puisse donner aux jeunes dans ce domaine - celui de ne pas fumer.

Dans leur ensemble, les restrictions proposées donnent à l'industrie des possibilités à la fois diverses et raisonnables - et je tiens à souligner leur caractère raisonnable - de communiquer avec les consommateurs adultes, en conformité avec la Charte. Les enfants seront toujours curieux et ils seront encore beaucoup trop nombreux à se laisser tenter par les produits du tabac. Cependant, grâce aux restrictions proposées, les promotions de tabac seront moins fréquentes, les véhicules qui permettent d'influencer directement les jeunes disparaîtront et les consommateurs adultes auront l'information dont ils ont besoin pour évaluer les conséquences de l'utilisation de ces produits légaux, mais mortels, pour la santé.

.0920

Pour conclure, je précise que le projet de loi C-71 a été rédigé avec le plus grand soin, en fonction des orientations de la Cour suprême. Notre but est d'accomplir avec ce projet de loi tout ce que nous pourrions espérer accomplir avec une loi axée sur la santé, et ce, sans porter atteinte aux droits protégés par la Charte.

J'espère bien que mes collègues se sentiront libres de faire des observations et d'exprimer des inquiétudes. Je vous prie de le faire. Mais permettez-moi cependant de vous inviter à le faire de façon constructive et expéditive. Montrons que la santé de la présente génération de Canadiens et des générations futures nous tient à coeur, et ne laissons pas ce dossier accaparer les Chambres du Parlement pendant plus d'un an, comme on l'a déjà vu.

Je vais comparaître devant vous ce matin durant environ une heure pour répondre à vos questions et réagir à vos commentaires, et mes fonctionnaires resteront ensuite avec vous pour une bonne partie de l'avant-midi pour répondre à vos questions plus détaillées.

Monsieur le président, permettez-moi, en guise de conclusion, de vous montrer un bref vidéo qui décrit très succinctement les raisons pour lesquelles nous sommes ici et les objectifs du projet de loi C-71.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Avant de poser des questions au ministre, nous allons visionner le vidéo.

[Visionnement une vidéo]

Le président: Les membres du comité vont prendre la parole à l'instant.

Veuillez retenir que nous avons en main certaines lignes directrices. Nous n'y faisons pas souvent appel, mais il serait souhaitable d'y revenir ce matin. Nous avons dix minutes pour le premier tour et, ensuite, cinq minutes pour les tours suivants.

Je rappelle tout simplement aux membres du comité que s'ils souhaitent avoir des réponses ils doivent cesser de parler avant d'avoir épuisé leurs dix minutes. Vous pouvez bien passer tout le temps qui vous est imparti à formuler un commentaire et à poser des questions, mais il ne restera alors plus de temps pour une réponse, et je devrai passer à l'intervenant suivant.

.0925

Je vous le ferai savoir lorsque huit minutes environ se seront écoulées, ce qui laissera le temps voulu pour que les témoins puissent répondre à votre question.

C'est le député de Lévis, M. Dubé, qui prendra tout d'abord la parole.

[Français]

M. Dubé (Lévis): Monsieur le ministre, vous avez pu constater hier que l'Opposition officielle, parce qu'elle souscrivait aux objectifs poursuivis par le projet de loi, a donné son accord et son appui en deuxième lecture. Pourquoi? C'est qu'il est habituellement d'usage parlementaire qu'en deuxième lecture, on discute des principes. Nous sommes relativement d'accord sur les objectifs et l'analyse reliée aux décès et aux maladies. Nous sommes d'accord. On l'a dit et on le répète, nous sommes d'accord. Cependant, il y a au moins cinq choses sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord. Je les décrirai très rapidement et je vous poserai ensuite des questions.

Au cours de votre exposé, vous disiez que vous aviez suivi un processus normal; c'est-à-dire que vous avez consulté beaucoup de gens et que vous en consulterez encore beaucoup d'autres au moment de l'élaboration des règlements.

Hier, il s'est produit quelque chose. L'Opposition officielle, tout comme le Parti réformiste, n'a eu droit qu'à l'intervention d'un seul député en deuxième lecture. Immédiatement après, le président du comité nous a convoqués pour une réunion et finalement nous sommes ici matin. C'est très rapide et clairement avoué; on nous laisse clairement entendre que ce projet de loi doit être adopté avant les Fêtes.

Compte tenu de tout l'aspect des règlements et comme, dans le fond, vous demandez à chaque chapitre à la Chambre des communes de vous laisser le soin d'établir des règlements, c'est en principe acceptable. Il y a toutefois ici des règlements assez sévères qui normalement, selon nous, devraient être adoptés au niveau de la Chambre des communes, dans le cadre d'une loi. L'un de vos objectifs, et c'est clairement précisé, était de suivre un processus législatif.

Monsieur le ministre, je suis obligé de vous dire que vous avez recours à un processus réglementaire. Nous, de l'Opposition officielle, reconnaissons qu'il y a des causes importantes, bien sûr, et cette cause-ci est très importante, mais elle ne mérite pas qu'on bafoue les droits des parlementaires. C'est exactement ce qu'on est en train de vivre.

Quant à la Cour suprême, nous nous demandons pourquoi vous ne déposez pas l'avis juridique du ministre de la Justice si vous l'avez en main. Pourquoi pas? Si cela était possible, nous aimerions en avoir copie parce que comme parlementaires, nous aimerions vraiment savoir si cette loi a des chances de résister à des contestations.

On se pose des questions sur le chiffre magique de 10 p. 100 relativement aux commandites. D'où vient ce chiffre? Pourquoi 10 p. 100 et non pas 20 p. 100 ou 5 p. 100? Nous aimerions avoir des explications, d'autant plus que dans le cadre du 10 p. 100 en question, contrairement à ce qui était le cas avec l'ancienne loi, il semble que tout soit permis, à moins que vous ayez des intentions précises au niveau des règlements. Si tel est le cas, j'aimerais que vous nous le disiez ce matin.

Je soulève en dernier lieu la question des droits individuels dont on traite au paragraphe 53(2). À notre avis, on y inverse la démonstration de la preuve; c'est-à-dire qu'on obligerait les personnes accusées d'une infraction à faire la preuve qu'elles ne sont pas coupables. C'est inhabituel, monsieur le ministre, et c'est fortement contestable; on vous le dit tout de suite. Nous ne pouvons pour notre part, à moins d'éclaircissements ou d'une modification à cette proposition, accepter que les gens soient obligés de prouver leur innocence, alors que c'est habituellement le contraire en justice. On doit prouver que les gens sont coupables pour qu'ils soient reconnus comme tels.

Grosso modo, telle est notre position.

.0930

J'affirmais hier en Chambre que nous partagions les objectifs. Une certaine approche est peut-être nécessaire, soit ce que j'appelle l'approche morbide, c'est-à-dire qu'on parle des décès et qu'on reconnaisse que c'est la principale cause de décès évitables au Canada. Nous pourrions peut-être adopter en même temps une approche positive, c'est-à-dire parler des bénéfices dont jouissent les personnes qui ne fument pas, par exemple lorsqu'elles s'adonnent à un sport ou lorsqu'elles utilisent leur voix, comme dans le cas des artistes. Cet aspect n'a pas été assez développé; on n'a pas jusqu'ici développé assez de moyens d'éducation.

D'autre part, une loi est bonne dans la mesure où elle est applicable. Lorsqu'on constate, à la lecture d'une étude que vous avez chargé une firme indépendante de réaliser, que 50 p. 100 des détaillants de tabac ne respectaient pas la loi, on a un problème. Une belle loi qui n'est pas applicable et qui n'est pas appliquée n'est pas meilleure qu'une mauvaise loi. Ça devient simplement des discours. Qu'entendez-vous faire à cet égard?

C'était l'essentiel de mon intervention. Je vous cède la parole.

[Traduction]

Le président: Monsieur le ministre.

M. Dingwall: Le commentaire de l'honorable député contenait un grand nombre de questions et d'observations. Je dois lui dire tout d'abord que je suis très reconnaissant que son parti appuie les buts et objectifs du projet de loi C-71.

Comme l'honorable député en est certainement conscient, l'essentiel du projet de loi C-71 est contenu dans l'énoncé de son objet, à l'article 4. En votant pour le projet de loi en deuxième lecture, les députés du Bloc ont su s'élever au-dessus de l'esprit de parti, et je les en félicite.

Aux fins du procès-verbal, je signalerai que l'article 4 comporte un certain nombre d'éléments - à savoir les alinéas a), b), c) et d) - qu'il vaudrait la peine, d'après moi, d'inscrire au procès-verbal, puisqu'ils représentent la substantifique moelle de la mesure législative à l'étape de la deuxième lecture et l'objet du projet de loi. Je remercie donc mes collègues à cet égard.

Quant à vos commentaires concernant la procédure suivie, c'est le président du comité qui l'a le mieux résumée. Voilà fort longtemps que cette question est débattue. Lorsqu'une première ébauche du projet de loi a été diffusée en février 1995, il y eut, dans tout le pays, un certain nombre de consultations avec des groupes de l'industrie, des groupes culturels et des groupes oeuvrant dans le domaine de la santé, groupes qui, si je ne me trompe, étaient au nombre de 3 000 ou davantage.

J'ai demandé à mes collaborateurs de fournir aux membres du comité, ce lundi au plus tard, une liste des personnes et groupes consultés, mais s'il vous reste encore des doutes, il y a plusieurs cartons ici qui contiennent les mémoires qui nous sont parvenus des quatre coins du pays. Certains d'entre vous voudront en prendre connaissance, et nous vous donnerons les pièces jointes et divers mémoires présentés.

Ces consultations ont donc été légion. J'espère que nous pourrons nous entendre, entre partis politiques et malgré les différentes idéologies, sur ce que nous ferons au stade du rapport et de la troisième lecture, et que la sagesse prévaudra. Présentez-nous des propositions constructives, et je m'empresserai de les examiner très soigneusement, et, dans la mesure du possible, compte tenu des objectifs du projet de loi, nous essaierons de tenir compte des suggestions des députés.

Quant au troisième point, à savoir l'opposition entre les règlements et la loi, je crains de ne pouvoir être d'accord avec mon collègue. Sur la plupart des aspects de la question la loi s'exprime clairement, comme vous pouvez le voir en examinant l'article 4, entre autres.

.0935

Pour arrêter un règlement nous sommes tenus, en tant que parlementaires, de procéder à des consultations, et c'est ce à quoi je me suis engagé devant la Chambre lorsque j'ai annoncé la politique du gouvernement. Je ne puis que réitérer cet engagement à mon collègue, mais nous ne pouvons nous arrêter là. Il faut consulter, certes, mais il faut également publier dans la Gazette, ce qui déclenche automatiquement d'autres consultations, avec le secteur industriel et les divers groupes qui seront touchés par cette loi.

Mais le projet de loi dont vous êtes saisis constitue la substantifique moelle de la politique gouvernementale relative au contrôle des produits du tabac.

Quant à votre question concernant la proportion des coûts qui peuvent être assumés par la commandite, à savoir les 10 p. 100 que nous avons jugés raisonnables, nous sommes disposés, si c'est ce que propose le député, à envisager la possibilité de ramener ce pourcentage à 5 p. 100. Si vous présentez à cette fin un amendement approprié, je l'examinerai certainement attentivement.

Quant au paragraphe 53(2), que l'on intitule ou pourrait intituler «Renversement du fardeau de la preuve», je peux assurer à mon collègue que cette disposition a fait l'objet d'un jugement de la Cour suprême du Canada. Conformément aux lois et traditions, l'État, pour obtenir une condamnation, doit toujours prouver qu'il existe une intention et un acte délictueux. Ce paragraphe n'a donc rien de spécial ou d'exceptionnel; il a été confirmé par la Cour suprême du Canada.

En faisant ressortir que le fait de ne pas fumer a des aspects positifs, mon collègue a fait une remarque fort judicieuse. L'État, certainement aux niveaux fédéral et provincial, pourrait faire porter l'accent davantage sur les méfaits du tabac pour la santé, et sur les avantages qu'il y a à ne pas fumer.

Dans nos entretiens avec les jeunes, ceux-ci nous ont dit que le message ne passait jamais aussi bien que lorsqu'il était transmis par des jeunes, parce que ce qui amène le plus souvent les jeunes à fumer, c'est la pression des autres de se conformer à eux. «Le fait est là, monsieur le ministre, nous ont dit les jeunes; si vous voulez que cela change, il faut que ce soit des jeunes qui disent aux autres: c'est chic de ne pas fumer.»

D'autres peuvent-ils s'en charger? Nous le pouvons, je crois, répondrais-je à mon collègue. Je ne voudrais pas vous donner trop de détails, mais je me suis entretenu, entre autres, avec d'éminents groupes sportifs qui m'ont dit qu'ils se chargeraient volontiers, que ce soit par des annonces ou par de la promotion, par exemple, d'encourager les gens à ne pas fumer. Ces messages pourraient mettre en valeur les aspects positifs plutôt que négatifs, ainsi que vous le préconisez.

Mais on n'échappe pas à cette réalité: si notre message s'adresse avant tout aux jeunes, ce sont les jeunes qu'il faut mobiliser à cet effet; ce sont eux qui devront convaincre leurs semblables que le plus simple, c'est de ne pas se mettre à fumer. Cet argument massue, seuls les jeunes sont capables de le faire passer.

Mais je reconnais le bien-fondé de ce que disait mon collègue, à savoir qu'on ne prend pas les mouches avec du vinaigre, et nous devrons songer à trouver d'autres alliés. Cette question ne relève pas que de la responsabilité de l'État; les parents, eux aussi, doivent en prendre leur part, de même que les enseignants, les ONG et les administrations, à quelque niveau que ce soit. Avec tous nous devons former une alliance.

Le président: Monsieur Silye, vous avez la parole.

M. Silye (Calgary-Centre): Je vous remercie, monsieur le président.

Merci, monsieur le ministre, d'avoir bien voulu comparaître devant nous ce matin. Je voudrais changer un peu de sujet et vous poser quelques questions très concises: si vous pouvez me répondre dans la même veine, nous arriverons peut-être à couvrir beaucoup de terrain.

Vous êtes pris entre l'arbre et l'écorce, entre l'enclume et le marteau, en particulier avec la décision de la Cour suprême. Nous essayons tous de trouver la juste voie et écartons, plus qu'ailleurs, les considérations de partis. Je sais que le tabac engendre la dépendance, plus encore que l'alcool, et qu'il a donc des effets très nocifs pour nos jeunes. Je suis donc d'accord avec tout ce que vous avez dit à ce sujet.

.0940

Vous devez toutefois vous livrer à un exercice d'équilibriste entre les intérêts des producteurs et ceux des clients, et c'est là une question qui me préoccupe. Vous affirmez ne pas vous opposer à la publicité ou à la commandite, mais les fabricants affirment le contraire en disant que vous interdisez, en fait, la publicité de marques aux points de vente.

J'aimerais que vous nous disiez ce qu'il en est. Allons-nous avoir des difficultés à cet égard avec la Cour suprême? L'affaire sera-t-elle portée devant les tribunaux? C'est la première question.

Mme Judy Ferguson (directrice générale, Politique de la santé et information, ministère de la Santé): La publicité sera limitée aux points de vente. Nous limitons la publicité aux publications imprimées qui s'adressent essentiellement aux adultes, au courrier direct adressé à des adultes, ce qui comprend le courrier électronique, et aux panneaux installés dans des endroits dont l'accès est interdit aux jeunes.

Quant à la publicité qui sera autorisée, nous envisageons certaines annonces qui seront soumises à des règlements élaborés après consultation avec le secteur du tabac. Ces annonces publicitaires seront assorties de messages relatifs à la santé, à la teneur en produits toxiques, mais il y aurait également une description des emballages autorisés pour les produits du tabac, ceux-ci étant l'un des principaux outils de publicité des fabricants de produits du tabac.

M. Silye: S'agira-t-il d'un emballage neutre, ou bien de...

Mme Ferguson: Non, nous n'envisageons nullement cela.

M. Silye: Une marque comme Rothmans ou du Maurier pourrait donc y figurer?

Mme Ferguson: Certainement.

M. Silye: Très bien.

M. Dingwall: Permettez-moi d'intervenir, monsieur le président; les manufacturiers pourront mettre leur marque sur le produit, car si nous ne les y autorisions pas, ce serait une infraction tant à la Loi sur les marques de commerce qu'à la Charte des droits et des libertés, en raison du fait que le tabac n'est pas un produit illégal. C'était donc un compromis nécessaire.

M. Silye: Je comprends très bien.

La deuxième question porte sur les pouvoirs accordés, aux termes des règlements, au gouverneur en conseil. C'est là une question très grave. Si vous donnez à Santé Canada des pouvoirs très étendus, qui vont même au-delà de la portée de la loi, et si Santé Canada n'a pas à demander de permission au Parlement - car après tout nous sommes ceux qui doivent veiller à la défense du public - c'est tout le processus démocratique qui pourrait être mis en cause.

C'est donc là ce qui m'inquiète. Et ce qui inquiète surtout M. Grant Hill, notre principal porte-parole en matière de santé, ce sont les pouvoirs octroyés aux termes des alinéas 7e), 14e), 14f), 17b), 17c), 33i), 33j) et de l'article 42. M. Hill nous fait remarquer qu'il y a beaucoup trop d'articles dans le projet de loi qui commencent par «Le gouverneur en conseil peut, par règlement» ou qui ont pour condition «conformément au règlement». Ajoutons à cela le fait que tous les changements, après que le projet de loi aura été approuvé ou adopté, pourront être effectués par Santé Canada par simple décret du conseil.

Cet aspect ne vous inquiète-t-il pas, monsieur le ministre, si vous songez au jour ou à l'année où vous n'y serez plus?

M. Dingwall: Seriez-vous au courant d'une chose que j'ignore?

M. Silye: Oui, mettons, d'ici quelques années.

M. Dingwall: Monsieur le président, mon collègue soulève là une question très importante, et je dois y consacrer le temps qu'elle mérite. Il a raison d'évoquer les consultations visant les règlements, mais le projet de loi a été rédigé de telle sorte qu'il en est fait mention à divers endroits.

C'est ainsi que vous avez une partie I et une partie II. La partie I porte sur les produits du tabac et comprend en elle-même toute une série de règlements; la partie II porte sur l'accès, qui est assorti de règlements; de même la partie III, etc. Autrement dit, chaque partie est accompagnée d'un règlement.

En voici l'explication. Supposons qu'il y ait contestation sur le caractère constitutionnel de ce projet de loi et qu'on conteste par exemple le règlement sur l'étiquetage, qui relève de la partie III. Si la Cour suprême décidait que les règlements sont contraires à la Constitution ou constituent un excès de pouvoir, ce serait seulement la partie en question - et non toute la loi - qui serait nulle et non avenue.

La dernière fois que la Cour suprême a été saisie d'une loi, elle a déclaré celle-ci nulle et non avenue et constituant un excès de pouvoir, et la loi a été rejetée, mais s'il y avait de nouveau contestation, celle-ci ne se limiterait qu'à la partie en question.

En second lieu, nous avons l'intention de recueillir des informations quant au pouvoir de l'État d'exercer un contrôle par réglementation aux fins de mettre en place des politiques pour le bien public. Il existe sur ce sujet une information scientifique considérable que l'État doit recueillir pour avoir la capacité, la loi habilitante, de recueillir cette information.

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Ce n'est qu'alors que l'État sera en mesure de présenter une nouvelle politique publique. Si nous ne procédions que par règlements, ces derniers devraient quand même être publiés dans la Gazette, après consultation, et il devrait y avoir des consultations sur le processus de publication dans la Gazette.

D'après l'usage actuel, tout Parlement serait saisi d'une telle question soit à la Chambre des communes, soit devant le comité permanent du jour, qui aurait le pouvoir et le droit de demander ce qui se passait avec le contrôle réglementaire.

Cela ne pose pas tant un problème au regard de la sévérité de cette loi; il s'agit plutôt de la nécessité d'obtenir des informations afin que nous puissions prendre les mesures appropriées dans l'intérêt de la santé des Canadiens.

M. Silye: Il me reste à aborder une autre question: la distinction entre les taxes prélevées sur les cigarettes et le prix net au détail. Nous avons maintenant de la contrebande dans l'Est et dans l'Ouest. Des gens de la Colombie-Britannique viennent dans l'Est, achètent pour 500 $ de cigarettes au Club Price et les emportent dans leur province. Nous avons mis fin à une partie de la contrebande frontalière.

L'un des éléments importants susceptibles d'aider à empêcher les jeunes de fumer, c'est d'obtenir une aide financière pour ceux qui, dans les localités, sont près de ces jeunes et des cours de récréation, un peu comme dans le cas des Alcooliques anonymes. Vous connaissez certains de ces groupes. Je vous ai fait parvenir des informations sur certains d'entre eux. Ils sont qualifiés et légitimes et ne veulent que le bien des jeunes. Ils sont également actifs dans les réserves, et leur action s'adresse à tous les Canadiens.

Il me semble qu'en augmentant cette taxe de 1,50$ par cartouche... Je vous fais toutefois remarquer que c'est là mon opinion personnelle, et non celle du Parti réformiste, mais je pense que pour aider ces groupes, qui sont légitimes, qualifiés et que Santé Canada approuverait, on pourrait bien ajouter 50c. à la taxe. Cela permettrait à ces groupes d'exercer leur action éducative dans des endroits comme Ottawa, Arnprior, Calgary ou ailleurs.

Quant à la publicité, il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre; nous le savons tous. L'argent qu'on y consacre pourrait être mieux utilisé, je pense, si l'on procédait par l'intermédiaire de groupes, en ateliers, dans le cadre du processus éducatif. Si vous visez les jeunes, c'est là une des façons de les aider. C'est une recommandation que je demande à votre ministère de prendre en considération. Mon collègue a même proposé que vous augmentiez encore beaucoup plus la taxe, et vous en auriez la latitude, avant que n'augmente la contrebande...

Je vous remercie, monsieur le président.

M. Dingwall: Là encore mon collègue a avancé un argument très convaincant, monsieur le président, et je pense que nous allons prendre en compte sa proposition. Je sais de quoi au juste il parle, et je puis lui assurer que nous songeons fortement à intervenir dans cette direction.

Vous avez parfaitement raison: nous n'obtiendrons de résultats qu'en faisant appel à divers groupes agissant sur les jeunes, exerçant une influence sur eux, de concert avec la collectivité, que ce soit dans les écoles, les lieux sportifs ou autres. C'est là une stratégie très importante.

Je voudrais toutefois vous faire remarquer qu'on est parvenu à établir un équilibre entre une augmentation du prix et la question de la contrebande. J'ai eu trois discussions au moins avec le commissaire de la GRC, le solliciteur général, Revenu Canada et, bien entendu, mes collègues du Cabinet. Nous sommes parvenus à un équilibre très fragile, et, d'après mes sources les mieux informées, si nous augmentions tant soit peu le prix au-delà de ce que nous avons déjà fait, la contrebande risquerait de reprendre.

J'étais l'un de ceux qui privilégiaient une augmentation plus considérable, et je n'étais certainement pas le seul. C'est parce que le prix joue un grand rôle et a des effets considérables.

Mais si nous l'avions fait, nous aurions déclenché plus de problèmes que nous n'en aurions résolu, parce qu'avec la contrebande interprovinciale et internationale les cigarettes sont meilleur marché. Elles deviennent également accessibles à certains éléments de notre société, donc meilleur marché, et un nombre plus grand de gens se mettent à fumer. Or, la dernière chose que nous voudrions faire, c'est augmenter la consommation de tabac.

.0950

Armés des meilleurs conseils, nous sommes parvenus à un certain équilibre, et je dois écouter attentivement les commentaires de la GRC et de mes collègues, mais je comprends fort bien ce que dit le député, et il a tout à fait raison, mais nous avons essayé de tenir compte de tous les facteurs.

Le président: Je vous remercie, monsieur le ministre.

Monsieur Murphy, vous avez la parole.

M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Je vous remercie, monsieur le président. Merci de votre présence, monsieur le ministre. Je vous félicite de votre projet de loi; c'est du beau travail, et vous savez que j'en suis un défenseur acharné.

Ce sont des gens de ma circonscription qui, pas plus tard qu'hier, m'ont signalé les deux faits suivants. L'une de ces communications émane du propriétaire d'un débit de tabac qui m'a écrit à trois reprises, et ma téléphoné deux fois hier. Il est persuadé que Santé Canada a le droit d'informer les gens des risques qu'amène l'usage du tabac, mais il y a une limite d'après lui: «Quand le gouvernement franchit le seuil de mon magasin et commence à me dire ce que je dois y faire, je considère cela comme une intrusion.» J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

L'autre question a été soulevée par l'animateur d'une tribune téléphonique de la vallée que je connais fort bien. Il m'a téléphoné deux ou trois fois hier et s'est adressé à moi-même et à mon personnel en disant: «Allons, John, tu sais bien combien le tabac rapporte de recettes à l'État, et c'est la raison pour laquelle vous ne l'interdisez pas purement et simplement.» J'ai eu beau invoquer toutes sortes d'arguments, il m'a répondu: «Si le gouvernement voulait vraiment interdire ce produit, il le pourrait, mais il perdrait trop lui-même en taxes.» Ce à quoi j'ai répondu: «Il y a sept millions de fumeurs; impossible de les ignorer.»

Voilà les deux questions auxquelles j'aimerais que vous répondiez.

M. Dingwall: Merci, cher collègue.

En ce qui concerne la loi et la politique, nous avons considéré les quatre éléments clés des stratégies commerciales pour les différents annonceurs, que ce soit Nike, Pepsi, Coca-Cola et les autres: le prix, l'endroit, le produit proprement dit et la promotion. Dans la loi et dans la politique, nous avons essayé de traiter chacun de ces éléments clés de façon complète et équilibrée.

En ce qui concerne le prix, les groupes de promotion de la santé diront sans doute que nous ne sommes pas allés assez loin et que le prix aurait dû augmenter beaucoup plus, et c'est du reste ce qu'ont également demandé à juste titre certains de mes collègues. Mais comme je l'ai indiqué dans ma réponse précédente, c'était pour nous une question d'équilibre.

En ce qui concerne l'endroit, il faut certaines restrictions quant au point de vente du produit et aux conditions de cette vente.

À celui qui prétend que le gouvernement va trop loin, je répondrai que 41 000 Canadiens meurent chaque année à cause de la consommation de tabac. Les ministres de la Santé du Québec, de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse disent qu'il en coûte 3,5 milliards de dollars à leur système de soins de santé. Nous devions donc imposer certaines restrictions quant au point de vente, à la promotion et au produit proprement dit. C'est ce que nous avons essayé de faire.

Quant à l'interdiction, si nous interdisons ce produit, on voit très bien ce qui va se passer. Nous avons sept millions de Canadiens qui fument, et je pense qu'une interdiction déclencherait des opérations de contrebande et de trafic comme nous n'en avons pas connu depuis l'époque de la prohibition. Nous n'avons certainement pas l'intention de favoriser la contrebande et le trafic, car nous considérons qu'en définitive cela ne ferait qu'augmenter le nombre des fumeurs.

On ne peut pas interdire le produit, mais on peut imposer des restrictions de façon à refuser l'accès aux cigarettes pour les jeunes, et à les protéger des effets du tabac. Tant qu'on les empêche d'accéder au produit, on diminue le risque qu'ils tombent en état de dépendance.

.0955

Dans mon exposé j'ai utilisé, je crois, le chiffre 29. En effet, 29 p. 100 des jeunes de 15 à 19 ans fument. Quatorze pour cent des jeunes de 10 à 14 ans sont déjà des fumeurs, et 85 p. 100 des fumeurs ont commencé à fumer avant l'âge de 16 ans. C'est donc une proportion énorme des fumeurs.

Si nous pouvons retarder cette décision... Vous savez sans doute, comme moi, qu'on permet de moins en moins aux gens de fumer. On ne peut plus fumer comme on le faisait autrefois. La cigarette n'est plus tolérée. Mais elle est tout à fait tolérée par les jeunes. Nous essayons donc, dans la mesure du possible, de les empêcher d'accéder au produit.

M. Murphy: Merci, monsieur le ministre.

Le président: Pour gagner du temps, comme John Murphy n'a utilisé que la moitié de son temps d'intervention, je vais demander à Bob d'utiliser l'autre moitié.

M. Speller (Haldimand - Norfolk): Harb doit quitter la séance.

Le président: D'accord. Harb Dhaliwal est le député de Vancouver-Sud. Harb, vous n'avez que cinq minutes.

M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): J'ai une question, mais je tiens à dire à mon collègue que je saisis simplement l'occasion de poser une question parce qu'il a décalé les tours. J'ai un autre engagement.

Tout d'abord, monsieur le président, je voudrais féliciter le ministre pour ce projet de loi. Comme le ministre le sait sans doute, nous avons recueilli d'excellents témoignages sur toute cette question de la cigarette. Je suppose que le succès ou l'échec du projet de loi C-71 va dépendre des résultats de cette mesure législative. Ce sont eux, monsieur le ministre, qui vont constituer le test véritable.

Ma première question est la suivante: on compte sept millions de Canadiens qui fument, soit à peu près le quart de la population, et je voudrais savoir si vous avez des objectifs à long terme, en tant que ministre de la Santé, en ce qui concerne la réduction du nombre des fumeurs.

Pour ma deuxième question, je voudrais citer le Dr Andrew Pipe, qui a présenté un excellent exposé au comité. Il a dit: «Les fumeurs fument pour la nicotine, mais ils meurent à cause du goudron.» Je suppose que les gens fument à cause de leur dépendance par rapport à la nicotine, mais le danger pour la santé, ce sont les composantes de la fumée et le goudron.

Dans la partie I de la loi, il est question du produit et de son contenu. Envisagez-vous de contrôler la teneur des cigarettes en nicotine? Pouvez-vous répondre à cette question?

Par ailleurs, d'après les interventions faites auprès du comité... Évidemment, la mesure la plus rentable, c'est d'empêcher les jeunes de fumer, car une fois qu'on a commencé il est très difficile d'arrêter, à cause de la dépendance.

On nous a beaucoup parlé de la corrélation entre le prix et la consommation, qui sont inversement proportionnels; cette corrélation a un effet plus sensible auprès des jeunes.

Nous avons posé diverses questions aux experts: que penser du risque de contrebande? Peut-on favoriser une augmentation des prix aux États-Unis? Qu'a-t-on fait pour faire monter les prix aux États-Unis? Entre autres réponses, on nous a dit que dans certains États les taxes sont plus élevées qu'au Canada, et que les États-Unis ont progressé plus que nous à bien des égards.

C'est ce que nous a dit le Dr Andrew Pipe. Que pouvez-vous répondre à cela? Je suis d'accord pour qu'on fasse plus d'efforts auprès des jeunes, car c'est la réduction du nombre de fumeurs qui sera la plus avantageuse à long terme.

M. Dingwall: Monsieur le président, je tiens à assurer à mon collègue que je connais très bien le Dr Andrew Pipe. Il m'a fait l'honneur de me remercier lors d'une conférence tenue ici même, à Ottawa. Il l'a fait avec beaucoup d'éloquence et de passion, et je me souviendrai toujours de cet événement.

.1000

Mais le député a tout à fait raison. L'important n'est pas la mesure législative ou la politique, mais leurs résultats.

Je veux répondre très clairement à mon collègue. Le gouvernement fédéral n'est pas le seul à avoir un rôle à jouer. J'ai bon espoir que cette loi sera efficace, qu'elle va susciter un débat dans les écoles, dans le milieu sportif et le milieu culturel, ainsi que parmi les différents intervenants canadiens. J'espère qu'on va voir se multiplier les municipalités comme Vancouver et Toronto et les sociétés privées comme McDonald's, Safeway, Air Canada et Avis, qui jouent des rôles de premier plan en ce qui concerne l'interdiction de la cigarette et les effets de la consommation de tabac.

Si nous voulons atteindre nos objectifs, chacun d'entre nous a un rôle important à jouer. Au niveau fédéral, nous sommes bien convaincus de jouer le rôle qui nous échoit.

Mais vous avez tout à fait raison: ce sont les résultats qui importent avant tout. Nous devons travailler en partenariat avec tous les groups concernés pour les obtenir.

En ce qui concerne la réduction du nombre des fumeurs, vous avez raison. D'après les témoignages que j'ai reçus, pour que l'industrie du tabac reste aussi rentable qu'elle l'est, il faut plus de 100 000 nouveaux fumeurs chaque année.

Comme le devinent les membres du comité, l'industrie ne va pas trouver ces nouveaux fumeurs parmi nos grands-parents ou nos parents. Où va-t-elle les trouver? Parmi les jeunes. Notre intention, c'est de réduire le nombre des fumeurs, en particulier des jeunes, grâce à cette mesure législative, à cette politique et à la coopération avec tous les groupes d'intérêts concernés.

En ce qui concerne la nicotine, nous avons effectivement des possibilités d'intervention et nous avons reçu des témoignages scientifiques. Nous ne sommes pas tout à fait prêts, car nous sommes encore en train de recueillir des preuves scientifiques.

Vous avez raison pour ce qui est du prix et de la consommation. Plus le prix est élevé, plus le taux de consommation de cigarettes chez les jeunes aura tendance à baisser. C'est ce que démontrent nos études, et c'est pourquoi mon collègue du Parti réformiste a fait son observation tout à fait pertinente, mais il fallait maintenir un certain équilibre.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Il nous reste encore un peu de temps, et, avec un peu de collaboration de la part des députés, nous pourrions avoir une autre période complète de questions. Si vous respectez le temps qui vous est alloué, nous réussirons.

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui un député qui ne fait pas d'habitude partie du comité. Il s'agit du député de Prince George - Bulkley Valley, Dick Harris.

En temps normal, ce serait le tour de M. Dubé, mais il a aimablement accepté de donner sa place à M. Harris parce que celui-ci a un autre engagement ailleurs dans très peu de temps. Ce sera donc Dick Harris, ensuite Antoine Dubé, suivi de Bob Speller et de Paul Szabo.

Allez-y, Dick.

M. Harris (Prince George - Bulkley Valley): Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à vous féliciter de l'initiative que vous avez prise en présentant ce projet de loi, ce que vous allez peut-être trouver étrange de la part d'un réformiste. Vous avez pu constater cependant l'appui que nous avons donné à votre projet de loi hier à la Chambre, et nous sommes tout à fait d'accord quand le gouvernement prend des initiatives positives.

Je voudrais simplement vous poser quelques questions rapides. Une chose que nous avons constatée et qu'ont confirmée de récentes études, c'est que le nombre de jeunes fumeurs a sensiblement augmenté depuis deux ans au Canada. C'est une chose qui inquiète tout le monde, et je suis certain que cela vous préoccupe beaucoup.

Il faut cependant noter que cette augmentation du tabagisme chez les adolescents depuis deux ans semble directement liée à la baisse du prix des cigarettes décrétée par le gouvernement pour lutter contre la contrebande. Comme vous le savez, bien sûr, nous n'étions pas d'accord avec cette tactique. Il semble donc que le gouvernement lui-même a contribué par les politiques fiscales adoptées il y a deux ans à l'augmentation du tabagisme chez les adolescents.

À titre de ministre de la Santé, puisque vous devez avant tout voir à la santé des Canadiens, pourquoi n'avez-vous pas pu voir à vos propres obligations et laisser le ministère de la Justice ou le ministère du Solliciteur général s'occuper de la contrebande? Pourquoi ce mariage des deux ministères? Cela semble presque contradictoire. Vous voulez que les Canadiens soient en bonne santé, mais le ministère de la Justice nous dit que, pour garder les Canadiens en bonne santé, il faut empêcher que le prix des cigarettes n'augmente, sinon la contrebande augmentera. Bien des gens ont du mal à comprendre ce genre de raisonnement. Pourriez-vous commenter là-dessus?

.1005

M. Dingwall: Oui, monsieur le président.

Je tiens à remercier mon collègue et je veux aussi remercier les membres du Parti réformiste de leur appui et de leur objectivité relativement à cette question très importante pour la santé.

Je voudrais que mon collègue comprenne ce qu'il en est. Nous avons toujours reconnu, même en 1994, que le fait de baisser le prix entraînerait probablement une augmentation de la consommation. Nous l'avons reconnu, je pense, quand nous avons présenté des mesures pour réduire la contrebande. Cependant, la contrebande causait tellement de dommages en 1994 et le problème devenait tellement grave que cela causait du tort non seulement à nos objectifs en matière de santé, mais aussi au commerce, à l'industrie et à la société en général. Il fallait donc prendre des mesures draconiennes. C'est pour cela que nous avons adopté cette politique à l'époque.

Je dois être très clair. Le député a raison. Il existe des liens, et les divers ministères fédéraux travaillent de concert, mais certaines ressources ont été affectées au Solliciteur général, dont relève la GRC, au ministre du Revenu et aux agents des douanes pour qu'ils continuent à lutter contre la contrebande. La lutte contre la contrebande a été efficace jusqu'ici et continuera de l'être parce que nous lui avons affecté les ressources nécessaires.

Nous avons maintenu un certain équilibre. Nous permettons au prix de remonter graduellement, mais nous surveillons en même temps très attentivement ce qui se passe du côté de la contrebande. Le tabac de contrebande coûte beaucoup moins cher, et plus de gens fument à cause de la contrebande parce que les cigarettes deviennent très peu dispendieuses. C'est donc une question d'équilibre.

Certains diront, avec raison parfois, que nous devrions peut-être augmenter un peu le prix ou réduire telle autre chose, mais nous devons maintenir un certain équilibre en nous fondant sur les renseignements que nous fournit la GRC.

Le président: Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: Monsieur le ministre, autant nous partageons les objectifs du projet de loi, autant le Bloc québécois se retrouve dans le clan opposé relativement à un aspect particulier tel que vous le proposez jusqu'à présent. Il s'agit de la question des commandites. J'espère que vous êtes aussi conscient que moi des retombées économiques négatives qui risquent de se produire si les restrictions que vous proposez sont maintenues. Vous n'interdisez pas les commandites, au fond, puisque vous craignez que la Cour suprême ne vous empêche de le faire. Vous les permettez, mais dans une proportion extrêmement limitée, soit 10 p. 100. Ça soulève certaines questions.

Premièrement, pouvez-vous nous donner une preuve qu'il y a un lien entre l'augmentation du tabagisme et le fait qu'un spectacle culturel ou sportif auquel assistent des adultes ait été commandité? Quelle démonstration pouvez-vous faire à ce sujet? C'est extrêmement important.

.1010

Nous parlons de quelque 60 millions de dollars pour l'ensemble du Canada, dont 30 millions pour le Québec. Juste dans la région de Montréal, les festivals et le Grand Prix génèrent2 878 emplois. J'espère que vous êtes conscient de cette dimension économique. J'aimerais que vous nous disiez ce que vous entendez faire à cet égard. Recommanderez-vous à votre collègue, la ministre du Patrimoine canadien, d'accorder des compensations, toujours en vous rappelant que, la preuve n'étant pas faite, nous ne sommes pas capables de vous suivre sur cet aspect?

J'ai une autre toute petite question qui a un caractère pointu partout dans le monde. Vous savez que se sont tenus des débats en Australie, en France et un peu partout. Permettra-t-on qu'au Grand Prix de Montréal, on appose une marque de cigarettes sur la voiture d'un coureur? Oui ou non?

Mme France Pégeot (directrice intérimaire, Bureau de contrôle du tabac, ministère de la Santé): Pour répondre à votre première question, à savoir quel est le lien entre les commandites et le tabagisme, je vais commencer par expliquer un tout petit peu le processus qui fait que quelqu'un fume ou ne fume pas. C'est un processus assez complexe qui s'étend sur une certaine période de temps.

Voici ce qui est particulièrement important chez les jeunes qui en sont à ce stade d'expérimentation. Un jeune commence par...

M. Dubé: Je m'excuse, mais ce n'est pas ma question. Ma première question est simple: êtes-vous capable de démontrer que chez un public adulte, les restrictions relatives à la commandite pourraient se traduire par une diminution du tabagisme? La situation contraire qui prévaut actuellement, qui permet cette commandite, a-t-elle pour effet d'augmenter le tabagisme? Quelle preuve scientifique ou de marketing social pouvez-vous nous donner à cet égard? C'est ça, la question. Ne me parlez pas de tout le processus. J'ai lu à ce sujet et les Canadiens et les Québécois le connaissent. Nous sommes d'accord sur l'aspect des jeunes. On vous parle d'un spectacle pour adultes et de l'influence de la commandite.

Mme Pégeot: À partir du moment où la promotion est réduite et accessible seulement aux adultes, nous croyons que sa restriction contribuera à diminuer le tabagisme chez les jeunes. La commandite permet d'associer un événement qui est populaire, «cool» et attrayant pour les jeunes à un produit qui tue 40 000 personnes par année au Canada. En réduisant le lien entre ce produit et des événements attrayants, on modifie l'environnement et cela a une influence sur les jeunes quand ils décident de fumer ou pas.

M. Dubé: Votre réponse ne me satisfait pas. Sur quelle étude ou quelles données vous basez-vous? Vous nous parlez de vos convictions et de vos impressions.

[Traduction]

M. Dingwall: Monsieur le président, le député a posé des questions très importantes, mais il en a posé peut-être 18...

Le président: Et il vous a laissé 14 secondes pour y répondre.

M. Dingwall: Oui. Il a dit une chose, et ce n'était certainement pas par esprit de sectarisme, à propos des contributions financières des fabricants de tabac à divers groupes culturels. Je reconnais que les fabricants font de telles contributions, comme le confirment certaines études.

La Conférence canadienne des arts a notamment mentionné les contributions à l'Orchestre symphonique de Montréal, qui reçoit 2,4 p. 100 de son financement des fabricants de tabac. L'Opéra de Montréal, en reçoit 0,3 p. 100. Le Nouvel ensemble moderne de Montréal tire 3,3 p. 100 de ses recettes des fabricants de tabac. Nous devons donc être très prudents.

Le député se tourne vers son adjoint et fait signe que non. Je déposerai le rapport à ce sujet, mais le fait est que certains citent des chiffres qui ne s'appuient sur aucune preuve statistique. Je ne veux pas dire par là que ces recettes ne sont pas importantes, mais elles ne sont pas aussi importantes qu'on le laisse entendre dans les médias.

Pour ce qui est de la question finale, relativement au nom des compagnies sur certains articles, la réponse est non. Je peux dire au député que ce genre de publicité est interdite en France, en Allemagne, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis.

Le président: Le député de Haldimand - Norfolk...

Monsieur Dubé, invoquez-vous le Règlement?

[Français]

M. Dubé: Une question de privilège.

[Traduction]

Le président: Nous ne pouvons pas nous occuper de questions de privilège aux comités. S'agit-il d'un recours au Règlement?

[Français]

M. Dubé: Je lui ai posé une question.

.1015

Êtes-vous capable de me démontrer que le fait de mettre des commandites dans les lieux où se tiennent des événements pour adultes a une influence sur le tabagisme? Existe-t-il oui ou non une étude qui démontre que cela a un effet? Ni la représentante du ministre ni le ministre n'ont su me répondre. Je répète: est-ce que vous avez des études qui démontrent qu'il y a un lien, oui ou non?

[Traduction]

Le président: À l'ordre! Ce n'est pas un recours au Règlement. M. Dubé a posé une question. Le témoin peut y répondre ou non. Nous avons déjà passé plus de sept minutes à cela alors que le temps prévu était de cinq minutes. Si le ministre veut répondre très brièvement, qu'il le fasse, mais nous devons poursuivre.

M. Dingwall: Je peux répondre au député qu'il y a effectivement un lien entre la publicité et la consommation. La Cour suprême du Canada l'a bien dit en confirmant la décision de la section de première instance de la Cour supérieure.

Le président: Je peux dire à M. Dubé et aux autres députés que s'ils se servent de faux recours au Règlement pour prolonger le débat nous allons avoir beaucoup de plaisir ce matin.

Bob Speller.

M. Speller: Merci, monsieur le président. Je voudrais profiter de mes cinq minutes pour poser une question au ministre. J'en poserai une autre à ses adjoints du ministère après son départ.

Je voudrais vous poser une question au sujet de vos pouvoirs de réglementation en vertu de ces articles. C'est une chose qui préoccupe les habitants de ma région. Vous savez que ma circonscription compte des producteurs de tabac, 800 d'entre eux. Ils disent et ont toujours dit que si les Canadiens doivent fumer, ils devraient fumer du tabac canadien.

Les pouvoirs réglementaires qui vous seront conférés par le projet de loi vont-ils s'appliquer de la même façon à d'autres produits? Est-ce quelque chose d'exceptionnel? Selon vous, à titre de ministre de la Santé, est-ce que cela aidera à réduire le tabagisme?

RJR-Macdonald a envoyé un message par télécopieur pendant la nuit et je l'ai reçu ce matin. Voici ce qu'on y dit:

Ailleurs, on dit ceci:

Enfin, très brièvement, relativement à la réglementation de la nicotine, a-t-on essayé de voir ce qui arriverait, par exemple, si l'on abaissait le taux de nicotine? Est-ce que cela incitera les gens à acheter d'autres marques de cigarettes, par exemple les marques américaines, ce qui nuira aux producteurs de tabac de ma région? Qu'arrivera-t-il si l'on réduit le taux de nicotine? Les fumeurs essaieront-ils d'obtenir leur nicotine ailleurs? Pouvez-vous répondre à ces questions?

Mme Ferguson: Il y a effectivement des études relatives à la réglementation de la nicotine, mais nous devrions nous-mêmes effectuer des recherches pour évaluer les conséquences d'une réduction des taux de nicotine. C'est la nicotine qui crée l'accoutumance des produits du tabac. C'est de là que vient l'effet de stimulation. Après chaque bouffée, il faut sept secondes avant que la nicotine n'atteigne le cerveau. Comme vous le savez, la teneur en nicotine varie selon les marques de cigarettes. L'une des choses que nous allons vouloir garantir, c'est que si nous réduisons le taux de nicotine, nous n'entraînerons pas un comportement de compensation, soit en poussant les gens à fumer davantage ou à essayer d'obtenir des cigarettes à plus forte teneur en nicotine ailleurs. Ce n'est pas une chose que nous songeons à faire tout de suite. Il est bien évident que nous devrons effectuer des recherches pour nous assurer de ne pas causer par inadvertance des effets négatifs sur la santé ou sur l'économie.

M. Dingwall: J'ai deux choses à ajouter, monsieur le président. Le député a parlé des infractions prévues dans le projet de loi. Il s'agit surtout d'infractions sur déclaration sommaire de culpabilité. Je pense qu'il y a deux exceptions et que deux infractions sont effectivement des délits punissables par la loi, ce qui n'est pas inusité dans une loi.

Pour ce qui est de prétendre que le Parlement ne pourra pas examiner les questions réglementaires, cela dénote que les auteurs comprennent mal le processus démocratique dont disposent les parlementaires. Peu importe qu'un règlement ait fait l'objet de consultations, et a été publié dans la Gazette du Canada, ait fait ensuite l'objet de nouvelles consultations et soit enfin entré en vigueur, le Parlement a toujours le droit à n'importe quel moment, soit par l'entremise des divers comités de la Chambre, soit à la Chambre des communes, soit encore à l'autre endroit, au Sénat, de réexaminer n'importe lequel des règlements ou bien le projet de loi lui-même, c'est-à-dire la loi habilitante dont découle le règlement en question.

.1020

Enfin, je tiens à signaler à mon collègue, qui s'intéresse beaucoup aux producteurs de tabac et tout particulièrement aux conséquences qu'aura pour eux le projet de loi, que nous sommes convaincus que cette mesure n'aura aucune conséquence pour les producteurs de tabac. Si vous jetez un coup d'oeil à l'article 2 du projet de loi, qui donne les définitions, vous verrez que la définition qui porte sur les fabricants ne mentionne nullement les producteurs de tabac. Ils ne sont donc pas visés par cette mesure particulière.

Le président: Paul Szabo.

M. Szabo (Mississauga-Sud): Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu témoigner devant notre comité.

Je suis tout à fait d'accord avec vous. Cette question est reliée à la santé. À mon avis, la mesure répond dans l'ensemble à nos préoccupations relatives à la santé et nous fournit certains des outils nécessaires pour atteindre nos objectifs. La seule chose à propos de laquelle j'ai certaines réserves n'est pas l'étiquetage, mais plutôt le fait que le rôle du gouvernement fédéral consiste à appliquer la Loi canadienne sur la santé et à appliquer les principes de la loi et que les régimes de santé relèvent des provinces. Si l'on va plus loin, on constate même que les gouvernements régionaux et municipaux ont aussi un rôle à jouer pour régir les conséquences du tabagisme. Par exemple, ce sont les gouvernements municipaux qui doivent ramasser les mégots de tous les fumeurs qui considèrent la terre comme leur cendrier.

Monsieur le ministre, je voudrais savoir si vous comptez réunir les premiers ministres des provinces ou bien leurs ministres de la Santé, les agents de santé des provinces, l'Association médicale canadienne, la Fondation de la recherche sur la toxicomanie, le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies et les maires de chaque municipalité membre de la Fédération des municipalités canadiennes pour vous attaquer ensemble au problème du tabac. Il y a déjà eu des faux départs dans le passé et je ne pense pas que nous puissions nous permettre de nouveaux échecs dans notre lutte contre le tabac. Comptez-vous vous entourer d'un consortium de tous les chefs de file du Canada au lieu de compter uniquement sur des héros sportifs qui vont répéter les slogans publicitaires aux adolescents?

M. Dingwall: Monsieur le président, c'est une autre question très vaste. Je dois dire que mon collègue a tout à fait raison de noter que le gouvernement fédéral est chargé de faire respecter la Loi canadienne sur la santé et que ce sont les provinces qui s'occupent de fournir les soins de santé. J'irai cependant encore plus loin. Certains essaient de laisser entendre que le gouvernement fédéral n'a qu'un rôle très secondaire à jouer dans le domaine de la santé. Je sais que ce n'est pas ce qu'a dit le député, mais je tiens malgré tout à préciser que, d'après ma propre interprétation de la Constitution, le gouvernement du Canada a un rôle important à jouer dans le domaine de la santé au Canada. Nous jouons ce rôle de diverses façons. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui reflète ce rôle important.

Le député a tout à fait raison et nous essayons effectivement d'obtenir l'appui de tout le monde. Il y a moins de 48 heures, le Nouveau-Brunswick a annoncé qu'il appuyait l'initiative du gouvernement du Canada. La province met sur pied son propre programme provincial. La Saskatchewan a aussi appuyé notre initiative. Au Québec, le ministre de la Santé, M. Rochon, a vraiment fait preuve d'initiative en disant qu'il tenait à présenter aussi un ensemble complet de mesures sur le tabagisme et, à juste titre puisque 11 000 Québécois meurent à cause du tabac chaque année.

Pour ce qui est de la question plus générale, nous avons effectivement besoin de l'appui des gouvernements provinciaux, des municipalités, du secteur privé, des ONG et des héros sportifs. Il faut que tous en parlent. Qui plus est, il faut que tout monde s'engage. Comme l'a signalé le député réformiste, nous devons nous efforcer de mettre sur pied des programmes efficaces à relativement peu de frais pour atteindre les résultats que nous visons tous. Ce serait une chose très utile et j'espère pouvoir prendre des mesures en ce sens.

.1025

Le président: Je tiens à remercier les membres du comité de leur collaboration ce matin. Nous avons réussi à nous en tenir à peu près à l'horaire fixé. Nous avons promis au ministre de le laisser partir vers cette heure-ci parce qu'il a un autre engagement ailleurs.

Monsieur Dingwall, nous vous sommes très reconnaissants d'être venu ici ce matin. Je pense que cette séance a été très utile et, dans quelques instants, nous pourrons aussi poser des questions à vos adjoints ministériels.

Le comité prendra maintenant une pause de deux minutes, mais le ministre voudrait dire une chose auparavant.

M. Dingwall: En effet, monsieur le président, si vous me le permettez.

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Dingwall: Je vous en suis très reconnaissant. Certains ont exprimé des préoccupations à propos de la mesure. Je tenais à garantir aux députés que s'ils pensent avoir des modifications utiles à proposer, je les étudierai avec toute l'ouverture d'esprit possible. J'accepterai volontiers d'examiner toute proposition d'amendement de façon très positive. Je tenais à signaler aux députés de tous les partis politiques que je jetterai volontiers un coup d'oeil à leurs propositions d'amendement avant même qu'on en discute devant le comité ou à la Chambre pour leur donner une idée de ce que nous pouvons faire.

Nous cherchons, si vous le voulez, à peaufiner le libellé, en l'occurrence, et j'en donne préavis aux membres du comité, dans le cas des articles 10 et 13 du projet de loi. Nous voulons préciser le libellé de l'alinéa 18(2)b). Nous ne voulons pas perturber les gens inutilement.

Je suis tout à fait disposé à accueillir des propositions sous forme d'amendements. Monsieur le président, si les fonctionnaires du ministère peuvent vous être utiles pour rédiger des amendements ou préciser le libellé, ils seront volontiers à la disposition des membres du comité.

Merci.

Le président: Merci, monsieur le ministre. Nous prenons bonne note de votre dernière remarque, car votre offre pourrait se révéler particulièrement utile. Encore une fois, merci d'être venu.

Nous allons faire une pause de deux minutes, si vous le voulez bien.

.1028

.1035

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît.

Nous reprenons nos travaux.

Dans un instant, je donnerai la parole à nos témoins qui sont des représentants du ministère de la Santé. Je tiens toutefois à apporter deux ou trois précisions pour expliquer le contexte de nos travaux.

Nous venons pendant environ une heure de nous entretenir avec le ministre au sujet du projet de loi C-71. Rappelons-nous ce qui nous réunit ici ce matin. Hier, le comité a dû se réunir à la hâte - car la Chambre avait adopté le projet de loi C-71 en deuxième lecture plus tôt que ce qui était prévu - et nous avons dû décider de la façon dont nous examinerions ce projet de loi et fixer un échéancier.

Je crois comprendre que le gouvernement a l'intention de donner priorité à l'adoption de ce projet de loi. Le comité a convenu de faciliter la réalisation de cet objectif. Si je rappelle cela c'est à cause d'une remarque faite ici ce matin par un des députés. Hier, nous avons pris une décision réfléchie, à savoir que nous ferions de notre mieux pour accélérer le processus, et c'est pourquoi nous n'avons prévu qu'un échéancier relativement court pour ce qui est des audiences publiques.

Depuis longtemps, j'estime qu'il n'est pas nécessaire de faire traîner les choses en longueur. Il n'est pas nécessaire de nous hâter non plus, mais rien ne nous force à faire traîner les choses. Tout citoyen de plus de trois ans connaît l'existence de ce projet de loi depuis 14 mois. Quiconque a un intérêt acquis, d'un côté ou de l'autre de la question, a donc eu toutes les chances possibles de réfléchir à ce qui devrait figurer ou ne pas figurer dans ce projet de loi.

Je ne vais donc pas m'appesantir sur l'argument de ceux qui estiment que les gens ont été pris au dépourvu et qu'ils n'ont pas eu le temps de se préparer. Les partisans comme les détracteurs de ce projet de loi étaient parfaitement au courant et ils ont une opinion sur la question, mais qui plus est, ils peuvent vous donner une description tout à fait détaillée du genre de projet de loi qu'ils souhaitent ou ne souhaitent pas.

Nous avons prévu un calendrier nous permettant d'entendre le ministre et les fonctionnaires aujourd'hui. Les autres témoins seront entendus lundi. Ainsi, les témoins éventuels disposent de trois ou quatre jours supplémentaires pour formuler leurs opinions, s'ils le souhaitent.

Enfin, je voudrais attirer votre attention sur ce que le ministre a dit il y a quelques minutes avant de nous quitter. Il a dit qu'il accueillerait volontiers des propositions d'amendement. Les membres du comité devraient peut-être concentrer leurs efforts là-dessus car cela sert tout à fait le même objectif, à savoir adopter la meilleure loi possible. Les avocats et les fonctionnaires de Santé Canada ont analysé la question et nous avons sous les yeux un avant-projet de loi mais qui peut être amélioré. Le cas échéant, que les témoins et les membres du comité nous fassent connaître ce qu'ils proposent. En fin de compte, il faudrait que nous puissions renvoyer à la Chambre des propositions législatives qui soient les plus parfaites possible.

Mettons-nous donc à l'oeuvre. Nous accueillons Judy Ferguson, directrice générale, Politiques et information, ministère de la Santé. Bienvenue, Judy. Je sais que vous étiez aux côtés du ministre tout à l'heure, mais nous vous souhaitons à vous et à vos collègues la bienvenue.

Voulez-vous faire une déclaration liminaire?

Mme Ferguson: Non.

Le président: Pouvez-vous présenter les collègues qui vous accompagnent et nous passerons ensuite directement aux questions. Nous allons faire comme s'il s'agissait d'une nouvelle séance, le premier tour étant de dix minutes et ensuite un autre tour de cinq minutes.

Mme Ferguson: Je suis accompagnée par Bill Maga, de la Division de la politique en matière de santé, France Pégeot, du Bureau de contrôle du tabac, et Murray Kaiserman, du même Bureau.

.1040

Le président: Tout d'abord le député de Lévis et ensuite le député de Calgary-Centre.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: Puis-je utiliser mon temps pour poser des questions courtes et les grouper?

Le président: Oui.

M. Dubé: Pourquoi avez-vous appelé cette loi «Loi sur le tabac»? Cela crée un petit problème, parce que lorsqu'on dit «tabac», cela peut aussi concerner les producteurs de tabac même si on dit le contraire dans la loi. On voit bien que l'objectif de la loi est plutôt le contrôle de la vente de publicité et des produits du tabac. Pourquoi n'avoir parlé que du tabac?

Mme Pégeot: Il existe plusieurs raisons. Premièrement, c'était simple et court et cela représentait un certain parallèle avec d'autres lois, par exemple la Loi sur les aliments et drogues. Deuxièmement, la loi touche à différents aspects du contrôle du tabac, au produit lui-même, à l'accès, à la promotion et à l'étiquetage. Donc, nous croyions que le titre reflétait bien le contenu de la loi. Finalement, il existe aussi, comme vous le savez sans doute, des lois provinciales qui tournent autour du tabac; elles parlent du contrôle du tabac, de la réglementation sur le tabac. Nous voulions distinguer notre loi des lois provinciales.

M. Dubé: Je vais tout de suite à l'article 7, qui stipule que le gouverneur en conseil peut, par règlement, établir des normes applicables aux produits du tabac, etc. J'aimerais que vous m'expliquiez ce que veut dire «régir les quantités des substances».

Mme Pégeot: Cela veut dire que lorsque les connaissances toxicologiques ou les connaissances en sciences sociales au niveau de l'utilisation du produit évolueront ou encore si un nouveau produit arrive sur le marché et que le gouverneur en conseil croit que ce produit ne devrait pas être sur le marché canadien, ce pouvoir lui permettra d'établir des quantités de substances.

Ce pourrait être, par exemple, la nicotine, le monoxyde de carbone contenu dans la fumée ou encore le gardon contenu dans le tabac et dans la fumée. L'établissement de quantités de substances permises fera en sorte que le produit pourra être relativement sécuritaire. Ces mesures ne seront prises que lorsque le gouverneur en conseil sera convaincu qu'elles doivent l'être pour protéger la santé des Canadiens et des Canadiennes.

M. Dubé: J'attire l'attention de mes collègues et du président sur le fait que c'est un acte de bonne foi que de laisser au ministre le soin de réglementer de cette façon pendant aussi longtemps. On peut croire l'actuel ministre sur parole et il peut aller dans un sens, mais on peut changer de ministre à un moment donné, et le nouveau ministre va peut-être changer d'idée. Il se peut qu'il décide de ne pas intervenir tant qu'on n'aura pas fait la preuve. Cela peut aller dans les deux sens. Il pourrait agir, mais il ne nous dit pas qu'il va le faire. On accorde des pouvoirs à un ministre sans avoir la certitude qu'il va vraiment agir.

Je me fais l'avocat du diable. Imaginons un ministre qui ne fait cela qu'à des fins électorales. Il fait adopter la loi, mais après cela, il laisse les choses comme elles étaient. Cela ferait de beaux discours, mais cela ne nous garantit pas qu'on va adopter des règlements. En tant que législateur, je n'aime pas l'imprécision, les zones grises. Je n'aime pas qu'on laisse trop de flexibilité à un ministre.

Mme Pégeot: Ce genre de pouvoir existe dans d'autres lois qu'administre le ministère, notamment la Loi sur les aliments et drogues ou encore la Loi sur les produits dangereux. Ce genre de pouvoir n'existait pas auparavant dans le cas des produits du tabac, et il a été jugé nécessaire que ce genre de pouvoir puisse être exercé. Si la science évolue et nous donne les connaissances nécessaires qui permettraient au gouverneur en conseil de prendre certaines mesures afin que le produit devienne sécuritaire ou si on mettait sur le marché un produit qui, pour toutes sortes de raisons, serait vraiment jugé inacceptable du point de vue de la santé des Canadiens et des Canadiennes, le gouverneur en conseil se devrait, à ce moment-là, de prendre ce type de mesures. Il en va de sa responsabilité.

.1045

M. Dubé: J'ai un autre problème. Mon collègue du Parti réformiste l'a rappelé, mais ils ne le font pas souvent. Cela a trait aux juridictions. On est dans le domaine de la santé.

Vous savez que, de par la Constitution, la santé est de compétence provinciale, mais que les provinces ont accepté que le fédéral intervienne au niveau de certains éléments, soit l'importation de produits, les animaux, etc., qui pourraient avoir des effets sur la santé. Si le ministre émet un règlement sévère alors que les provinces souhaiteraient un règlement moins sévère, compte tenu qu'il y aurait un problème de juridictions, est-ce que ce serait la province qui aurait raison au plan constitutionnel ou si, selon vous ou votre ministère, ce serait le ministre fédéral de la Santé? Dans ce dernier cas, les provinces concernées seraient tenues de se soumettre au règlement fédéral.

Mme Pégeot: Dans un premier temps, je me permets de vous rappeler que la Cour suprême, lorsqu'elle a rendu sa décision en septembre 1995, a validé le pouvoir du gouvernement fédéral en ce qui a trait au contrôle des produits du tabac en disant que ces éléments-là étaient sous le pouvoir de la loi criminelle.

La loi proposée tient lieu de normes minimales pour l'ensemble du pays. Si les provinces veulent par la suite prendre des mesures plus restrictives, elles seront libres de le faire.

En ce qui a trait aux règlements, la manière dont...

M. Dubé: Mais dans le cas contraire?

Mme Pégeot: Quand cette loi aura préséance, comme je le disais, elle établira une norme minimale pour l'ensemble du pays. Pour ce qui est des règlements, pour répondre plus spécifiquement à votre question, nous les élaborons toujours en consultation avec les groupes intéressés, particulièrement avec les provinces. En fait, nous avons une relation de travail que je pourrais qualifier d'excellente dans le domaine du contrôle du tabagisme. Nous avons régulièrement des rencontres avec nos collègues provinciaux, notamment avec ceux du Québec avec qui nous avons été en contact assez étroit ces derniers temps.

Par exemple, au niveau de la mise en application de la loi, on a conclu des ententes de contribution avec les provinces à ce sujet-là. Avant d'adopter un règlement, nous nous assurions d'avoir consulté les provinces.

M. Dubé: Je vous crois sur parole. Mais pourquoi ne pas indiquer dans la loi que, vu qu'il s'agit, comme vous le dites, d'une juridiction «partagée», le ministre, avant d'adopter un règlement, consultera ou aura l'accord de ses collègues provinciaux de la Santé?

Mme Pégeot: Cette loi est de juridiction fédérale. La question de consulter est de nature plus politique que législative. C'est un processus qui est établi. Le Conseil du Trésor a des politiques et il s'assure que les ministères les respectent au niveau du développement de règlements. Cela implique nécessairement une consultation avec les groupes intéressés, particulièrement avec les provinces. C'est une question de nature politique plutôt que législative.

M. Dubé: Je ne partage pas votre point de vue là-dessus. La Cour suprême s'est penchée sur l'aspect constitutionnel. Vous n'accordez pas beaucoup d'importance à la Constitution en qualifiant cette question de «politique». La Constitution demeure au-dessus des lois. La Charte des droits et libertés qui lui est associée depuis 1982, ce n'est pas rien. C'est à cause de cela d'ailleurs que la Cour suprême a débouté les anciennes lois. Donc, on ne peut pas dire que c'est simplement politique.

Mme Pégeot: Je m'excuse. J'ai dû mal m'exprimer. Je voulais dire que la Cour suprême a confirmé la juridiction fédérale dans le domaine du contrôle du tabagisme et des produits du tabac.

M. Dubé: Dans quel jugement?

Mme Pégeot: Peut-être que les avocats qui m'accompagnent pourraient m'aider, mais je ne crois pas qu'il soit approprié d'inscrire dans une loi que nous allons consulter les provinces avant de faire des règlements. C'est une procédure que nous suivons de manière générale, régulièrement.

.1050

M. Dubé: Je vais vous aider. Ayant siégé au Comité permanent du développement des ressources humaines, je puis vous dire que plusieurs lois que nous avons étudiées indiquaient que le ministre, dans les domaines touchant l'éducation, devait avoir l'accord des lieutenant-gouverneurs en conseil, c'est-à-dire des provinces. Je pourrais vous donner de multiples exemples de cela. Pourquoi n'a-t-on pas prévu une telle disposition cette fois-ci?

Mme Pégeot: Je pourrais répéter ce que M. Dingwall a dit juste avant de partir. Si c'est l'une des modifications que vous aimeriez apporter au projet de loi, puis-je vous suggérer de nous la soumettre?

M. Dubé: Comptez sur moi. Je vois que le président me laisse continuer. Je vous poserai une autre question. En ce qui a trait au fardeau de la preuve, on dit au paragraphe 53(2), page 19:

(2) Dans les poursuites visées au paragraphe (1), il incombe à l'accusé de prouver qu'une exception, exemption, excuse ou réserve, prévue par le droit, joue en sa faveur; quant au poursuivant, il n'est pas tenu, si ce n'est à titre de réfutation, de prouver que l'exception,...

le poursuivant étant le ministère

Autrement dit, le seul qui est obligé de prouver quelque chose est celui qui est accusé. C'est le contraire de ce qu'on fait habituellement. Dans ce pays et dans les démocraties normales, c'est le gouvernement, la justice qui doit prouver la culpabilité de quelqu'un et non l'inverse.

Mme Pégeot: Vous avez raison, et cet article ne changera rien à l'obligation du fardeau de la preuve que vous venez d'énoncer. En fait, cette disposition existait déjà dans l'ancienne loi, la Loi réglementant les produits du tabac.

M. Dubé: Mais cette loi n'existe plus.

Mme Pégeot: Non, mais c'est une disposition qui a toujours existé et qui n'a jamais créé de problèmes. Ce type de disposition existe dans d'autres lois également. Comme je vous l'ai dit, elle n'affecte en rien l'obligation du fardeau de la preuve.

M. Dubé: Auparavant, il y avait des poursuites et les gens se défendaient...

[Traduction]

Le président: À l'ordre. Vous pourrez poser votre question au deuxième tour.

Je donne maintenant la parole, dans cet ordre, au député de Calgary-Centre, Jim Silye, et ensuite au député de Haldimand - Norfolk, Bob Speller.

M. Silye: Merci, monsieur le président.

Je retiens donc la proposition du ministre, à savoir qu'il est disposé à accueillir tout amendement qui pourrait améliorer les dispositions du projet de loi.

Selon moi, l'article 24 n'est pas très logique. En fait, l'alinéa 24(1)a) dispose que la promotion d'un produit du tabac est acceptable dans la mesure où il s'agit d'une activité associée aux jeunes ou que les jeunes sont les principaux bénéficiaires de cette activité. Est-ce qu'on ne veut pas éviter cela précisément?

Mme Ferguson: Je sais qu'à première vue cela semble contradictoire, mais il faut lire cet article en même temps que l'article 19. L'article 19 constitue une interdiction générale de promotion d'un élément de marque d'un produit du tabac sauf dans les cas autorisés par règlement. L'article 24 énonce le contexte d'application, décrit notamment au paragraphe 24(2) et 24(3).

M. Silye: Mais on donne ici la permission de le faire, n'est-ce pas?

Mme Ferguson: On dit bien que si on fait la promotion d'une personne, d'une entité, d'une manifestation ou d'une activité, qui sont associées aux jeunes ou à une façon de vivre, alors les paragraphes 24(2) et 24(3) s'appliquent. Dans ces cas-là, s'il s'agit des jeunes ou d'un style de vie, alors la règle des 90 p. 100-10 p. 100 s'applique de même que les restrictions quant aux endroits où peuvent figurer les éléments de marque d'un produit du tabac.

C'est un peu comme une pelure d'oignon. Il y a l'interdiction générale qui figure à l'article 19. Ensuite on dit que l'on peut faire une certaine promotion, mais que si cette promotion peut être interprétée comme visant les jeunes ou une façon de vivre, alors des restrictions lui sont imposées: la marque d'un produit de tabac ne doit figurer qu'au bas du matériel de promotion, dans un espace occupant au maximum 10 p. 100 de la surface de ce matériel, et celui-ci est lui-même restreint à des publications expédiées par courrier, adressées à des adultes et...

M. Silye: Vous recommandez donc qu'on laisse le libellé tel quel, à en juger d'après votre réponse, n'est-ce pas?

Mme Ferguson: Nous avons bien examiné ce libellé avec les rédacteurs et ils estiment que cela va.

M. Silye: D'accord.

Quelle est la portée éventuelle de l'article 25:

.1055

Si je comprends bien les règlements, la marque d'un produit du tabac peut figurer sur 10 p. 100 de la taille d'un paquet, 10 p. 100 ou autre chose; c'est autorisé. Sans vouloir exagérer, advenant que la tour du CN soit renommée tour du Maurier, par exemple, ou tour Rothman, serait-il légal de faire figurer une marque de tabac de 500 pieds de hauteur et sinon, pourquoi pas?

Mme Ferguson: Nous voulons ici limiter l'association entre une marque de tabac et une façon de vivre et la promotion d'activités associées aux jeunes. On aurait du mal à prétendre que la tour du CN est une façon de vivre à laquelle sont associés les jeunes. Toutefois, l'autorité réglementante restreindra l'utilisation d'une marque pour qu'elle ne soit pas envahissante, pour qu'elle ne soit pas si évidente que les jeunes ne puissent faire autrement que la remarquer. Nous essayons de contrôler ici le contact entre les jeunes et les marques de tabac.

M. Silye: Mais sous quel réglementeriez-vous la taille de la marque de tabac dans le cas qui nous occupe?

Mme Ferguson: Il faudrait examiner la situation, mais comme il s'agit d'une disposition prévoyant des règlements, il y aurait des consultations avec les représentants des fabricants et les autres parties concernées.

M. Silye: C'est l'ouverture que permet le projet de loi...

Mme Ferguson: C'est exact.

M. Silye: ...de négocier les questions soulevées plus tard.

Mme Ferguson: Pour la tour du CN ou tout autre immeuble qui comporte le nom d'une marque d'un produit du tabac, nous devrions pouvoir grâce à cette disposition réglementer la taille de l'affiche, le nombre des affiches et leur remplacement.

M. Silye: Aux alinéas 22(2)a) et b) et 24(3)b), concernant la publicité dans les publications, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas fixé le pourcentage réglementaire des lecteurs adultes? En gros, le projet de loi ne parle que des adultes qui reçoivent à leur adresse des revues. Pourquoi ne pas parler d'un lectorat de 60 p. 100, de 55 p. 100 d'adultes et d'un niveau pour lequel il peut y avoir de la publicité et en dessous duquel il ne peut y en avoir?

Mme Ferguson: Encore une fois, cela serait fixé par règlement. Nous envisageons actuellement une répartition de 85 p. 100-15 p. 100. Si la proportion de jeunes lecteurs est supérieure à 15 p. 100, ce n'est plus une publication pour adultes.

M. Silye: Mon collègue du Bloc a parlé du fardeau de la preuve, au sujet du paragraphe 53(2). Je suis d'accord avec mon collègue du Bloc. Cette disposition peut être mal interprétée. J'estime que le fardeau de la preuve doit revenir aux accusateurs, et non à... Vous êtes innocent tant qu'on n'a pas prouvé votre culpabilité. Je pense que ceux qui entament les poursuites doivent jouer un rôle. Je ne vais pas insister là-dessus, puisque vous avez déjà répondu à la question, mais pour les besoins du compte rendu, voilà quelle est notre position. Je pense que vous devez soit clarifier les choses, soit dire clairement qu'on est innocent jusqu'à preuve du contraire.

Mme Ferguson: Le ministère de la Justice nous dit que cette disposition ne viole en rien la présomption d'innocence. Mais nous pouvons toujours réexaminer le libellé pour nous assurer qu'il n'y a pas de problème.

M. Silye: Si je vais en cour et que quelqu'un entame une procédure contre moi, il doit dire de quoi je suis accusé, par exemple, parce que j'ai enfreint telle ou telle loi. Il revient ensuite à la Couronne de prouver que j'ai enfreint la loi. Ensuite, je me défends. Mais si la Couronne n'a qu'à venir dire «vous avez enfreint la loi» et que ce n'est pas le cas, c'est à moi de le prouver et ce n'est pas bien.

Mme Ferguson: Je vais demander au ministère de la Justice de vous répondre.

M. Chris McNaught (conseiller juridique, Services juridiques, ministère de la Santé): Bonjour.

Monsieur le président, je ne vous donne pas un avis juridique. Comme l'a dit Mme Ferguson, j'essaie simplement de clarifier la disposition proposée.

Comme on l'a dit, les mêmes dispositions, avec une autre numérotation, se trouvent dans la Loi réglementant les produits du tabac et ont été approuvées avant la mise en oeuvre de la loi, sans qu'on ait depuis formulé d'objection à leur sujet. L'argument de l'honorable député est toutefois très compréhensible, particulièrement à la lumière de la note en marge: Fardeau de la preuve. C'est une phrase qui peut prêter à malentendu. Ce n'est pas à moi de le suggérer, mais c'est quelque chose qu'on pourrait réexaminer, de manière à modifier la note dans la marge.

Si l'on examine de près le paragraphe 53(2), on constate que le fardeau de la preuve se rapporte à «l'exception, l'exemption, l'excuse ou la réserve». En fait, on ne parle pas d'innocence ou de culpabilité. Les procureurs de la Couronne, comme pour toute infraction criminelle, ont encore la responsabilité du fardeau de la preuve, hors de tout doute raisonnable, de la culpabilité de l'accusé.

.1100

M. Silye: Je vais terminer avec une suggestion faite par mon adjoint. Pourquoi ne pas épargner des montagnes de papier et dire tout simplement dans la loi: «Conformément aux règlements, le gouverneur en conseil peut prendre des règlements pour tout ce qui se rapporte à cette loi».

M. McNaught: Je pense que c'est une bonne façon de terminer ma réponse à vos questions.

M. Silye: Ma question suivante porte sur le paragraphe 15(2). Pourquoi l'exigence relative au prospectus d'information sur le produit n'est-elle applicable que si les règlements l'exigent, comme à la ligne 33? Pourquoi cette ambiguïté? C'est exigible ou ce ne l'est pas. Quelle est la raison de ce compromis?

Mme Ferguson: C'est une chose que nous voulons étudier davantage. On parle d'autres produits que les cigarettes, dans divers types de contenants ou d'emballages, par exemple les cigares offerts seuls. Nous voulons que des renseignements sur la santé soient donnés et nous voulons considérer l'efficacité des prospectus, leur contenu, le libellé et le message à transmettre. Nous nous laissons donc une certaine latitude d'ici à ce que nous ayons terminé nos études sur l'efficacité de cette option.

M. Silye: Le ministre a parlé des améliorations qui seront apportées à l'article 10. Le mot «sauf» se trouve là par erreur, et c'est ce dont il parlait. Voilà une autre chose.

Encore deux choses, monsieur le président, je crois.

Au paragraphe 8(1), un adulte pourrait-il fournir des cigarettes sur demande à un jeune de moins de 18 ans et se retrouver accusé et sommé de payer une amende de 3 000$? Qu'arrive-t-il si j'ai un fils de 16 ans à qui je donne une cigarette?

Mme Ferguson: Techniquement, c'est une infraction à la loi, mais je dois insister sur le fait que nous pensons surtout ici aux activités commerciales. Nous ciblons surtout le détaillant. Nous ne pensons pas à aller dans tous les foyers ni à protéger l'intégrité de la famille.

Les poursuites ne se feront qu'en dernier ressort. Si dans une cour d'école, un adolescent âgé, un jeune de 19 ou 20 ans, vend des cigarettes aux enfants, nous n'entamerons peut-être pas de poursuites mais nous communiquerons certainement avec l'école ou avec les autorités municipales. En dernier ressort, si un jeune agit comme détaillant, il doit être traité en tant que tel. Mais il est clair qu'on pense ici surtout aux transactions commerciales.

M. Silye: À l'article 9, aux lignes 15 et 16, dans quelles circonstances un commerçant peut-il être exempté de l'application du règlement se rapportant à l'affichage?

Mme Ferguson: Cela se rapporte aux provinces qui ont des exigences plus sévères que cette loi, qui propose des normes minimales. En Ontario, par exemple, l'âge minimum est de 19 ans et c'est ce qu'on retrouverait sur les affiches.

M. Silye: Merci, monsieur le président.

Le président: Avant de donner la parole à Bob Speller, j'aimerais revenir à votre avant-dernier commentaire au sujet des cigarettes fournies par un adulte.

Au paragraphe 8(1), on peut lire:

Vous avez dit presque le contraire. Pourtant, la loi proposée permettrait des poursuites contre un parent, par exemple, ou contre un frère aîné qui fournirait des cigarettes. Est-ce que je me trompe? Est-ce bien là l'intention de la loi?

Mme Ferguson: C'est exact. C'est prévu. Ce n'est pas quelque chose...

Le président: J'ai relevé cela, Judy, parce que vous disiez que vous pensiez surtout aux transactions commerciales. Il est clair que dans ce cas-ci, il n'y aurait pas de commerce, à moins que les frères en cause n'aient pas de très bonnes relations, par exemple. Voici ma question, et ce n'est pas un commentaire sur le bien-fondé de la disposition: nonobstant ce que vous avez dit plus tôt, a-t-on l'intention d'entamer des poursuites dans ce genre de circonstances?

Mme Ferguson: Oui.

M. Silye: Des agents très zélés pourraient vraiment nous embêter, dans certaines collectivités.

Mme Ferguson: C'est possible, mais je ne pense pas que ce soit probable. Les inspecteurs reçoivent une formation très poussée quant aux intentions des dispositions et quant à leur application.

Le président: Il y a une chose qui me tracasse, pas nécessairement dans le cadre de ce projet de loi: il s'agit de l'inspecteur malveillant, celui qui prend plaisir à appliquer la loi à la lettre, et dont le plaisir n'est que décuplé par les situations bizarres qu'il arrive à créer ce faisant.

Il est possible que ce genre de chose se produise. Ainsi, les membres d'une même famille pourraient, à strictement parler, contrevenir au paragraphe 8(1) de la loi. Prenez l'exemple du frère aîné de 19 ans qui offre à son frère cadet de 17 ans une cigarette dans un lieu public. Aux termes du paragraphe 8(1), cela constitue une infraction à la loi.

.1105

Je pense qu'une personne zélée pourrait faire ses choux gras de ce genre de disposition et causer des tas de problèmes alors que cela n'était pas du tout l'intention des législateurs.

Mme Ferguson: Mon collègue du Bureau de contrôle du tabac qui est chargé de l'application de la mesure pourra vous donner de plus amples détails, mais il importe de se rappeler que ce n'est qu'en dernier recours que des poursuites seront engagées. Il y aura un processus d'avertissements, et d'avertissements répétés, avant que l'on ne porte des accusations contre qui que ce soit.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le processus de formation des agents d'exécution et des inspecteurs est très sérieux et très détaillé, et l'intention de cette disposition leur serait clairement expliquée.

Mme Pégeot: Je tiens tout d'abord à préciser que cette disposition s'appliquerait uniquement dans les lieux publics, sans plus. Nous ne voulons pas intervenir dans des résidences privées. Je tenais à le préciser.

En outre, je vous rappelle que c'est toujours le privilège du procureur général du Canada d'engager des poursuites. Les inspecteurs sont là pour appliquer la loi, mais en matière de poursuites, c'est le procureur de la Couronne qui décide s'il y a lieu ou non d'aller de l'avant.

Comme ma collègue, Mme Ferguson, vient de le signaler...

Le président: Sans vouloir vous manquer de respect, France, je ne suis pas sûr que vous m'ayez bien compris. Je me suis probablement mal exprimé.

Comprenez-moi bien: si ce n'était que de moi, personne ne pourrait donner de cigarettes à quelqu'un d'autre à quelque moment que ce soit. Mais là n'est pas la question. La question est de savoir si le paragraphe 8(1), sous sa forme actuelle, ne risque pas de donner lieu à un comportement malveillant.

J'ai songé à un exemple. Deux frères, l'un âgé de 19 ans et l'autre de 17 ans, sont en autobus. Ils n'ont même pas l'intention d'allumer leurs cigarettes dans l'autobus. Celui de 19 ans se borne à passer une cigarette à celui de 17 ans. Selon mon interprétation du paragraphe 8(1), cela serait une infraction à la loi.

Je voudrais savoir pourquoi vous sentez le besoin de ratisser aussi large. N'y a-t-il pas une façon plus restrictive d'arriver au même résultat sans créer...? Vous n'êtes pas sans comprendre mon inquiétude. Je songe à un fanatique malveillant qui voudrait appliquer la loi au pied de la lettre et créer une situation gênante inutile pour les deux personnes en cause dans l'exemple que j'ai inventé.

Mme Pégeot: Je comprends votre inquiétude, monsieur le président, et en fait, c'est une chose à laquelle nous avons réfléchi avant de rédiger cette disposition.

Dans l'ancienne loi, la Loi sur la vente du tabac aux jeunes, qui est toujours en vigueur, le libellé précise «dans le cadre d'une activité commerciale». À notre avis, ce libellé est trop restrictif car il ne nous permet pas d'appréhender un enfant plus vieux ou un adulte qui s'adonne à la revente de produits du tabac dans une cour d'école.

M. Silye: [Inaudible - Éditeur]... activité commerciale.

Mme Pégeot: C'est bien là le hic lorsqu'on parle d'une activité commerciale. Cela ne s'applique pas aux cas où quelqu'un achète des cigarettes et les revend, que ce soit dans une cour d'école ou simplement à l'extérieur des magasins de détail. Or, ce genre de situation a été portée à notre attention par les inspecteurs.

Je ferai un parallèle avec l'alcool. Un parent peut faire boire de l'alcool à ses enfants à la maison, mais il ne peut le faire dans un lieu public.

Nous avons essayé de trouver la meilleure formulation pour répondre à nos besoins, et c'est ce libellé qui nous apparaît le plus conforme.

Le président: Je dois quitter la salle pendant quelques instants. J'invite l'un de mes vice-présidents, le député de Vancouver-Sud, Harb Dhaliwal, à prendre le fauteuil.

Nous allons maintenant entendre le député de Haldimand - Norfolk, Bob Speller, et ensuite, le député de Mississauga-Sud, Paul Szabo.

M. Speller: Merci, monsieur le président.

Je suppose que c'est la raison pour laquelle nous accueillons des fonctionnaires, pour qu'ils passent tout cela en revue et qu'ils nous expliquent exactement ce qu'il en est. Je suis législateur et il m'arrive, à la lecture des dispositions, de ne pas en comprendre toutes les répercussions.

D'après ce que j'ai compris de votre échange, vous aviez précisément l'intention, avec ce libellé, de pincer le grand frère de 19 ans qui fournit des cigarettes à son petit frère de 17 ans.

Mme Ferguson: Tout dépend de la façon dont on interprète le terme «pincer». Nous essayons également de livrer un message aux jeunes. Les jeunes ont beaucoup d'admiration pour leurs modèles, et s'ils voient leurs parents ou des adultes offrir des cigarettes à des jeunes en public, cela donne l'impression que l'usage du tabac est acceptable, que cela ne pose pas de risque pour la santé, et qu'il n'y a rien là.

.1110

Nos observations de tout à l'heure voulant que les poursuites judiciaires soient le dernier recours continuent de s'appliquer, mais nous craignons qu'en n'essayant pas de cerner ce problème, nous ne transmettions le mauvais message au sujet du tabagisme. C'est un peu comme si l'on reconnaissait que fumer est acceptable alors que ce n'est pas du tout ce que nous voulons faire.

Le vice-président (M. Dhaliwal): Monsieur Speller.

M. Speller: Merci. Monsieur le président, j'ai quelques questions à poser. Comme vous le savez, les représentants de la Commission ontarienne de commercialisation du tabac jaune vont comparaître tout à l'heure, de sorte qu'ils poseront pour moi les questions que je pose au nom des producteurs.

Je voudrais revenir au document que j'ai reçu hier soir de la RJR-Macdonald. Je crois savoir que tous les députés en ont reçu un exemplaire. Je ne sais pas si vous en avez pris connaissance, mais on y invoque quelques arguments intéressants et je souhaiterais que vous y répondiez.

Sous la rubrique «Publicité relative au produit», ils disent ceci:

Pour ce qui est de la publicité au point de vente, ils affirment:

Enfin, au sujet de la commandite, ils sont d'avis que:

Pourriez-vous commenter les hypothèses de RJR-Macdonald?

Mme Ferguson: En ce qui concerne leur premier argument qui porte sur le fait que l'affichage de la marque est interdit au point de vente, la publicité est interdite au point de vente, mais non l'affichage. Dans sa déclaration liminaire, le ministre a mentionné brièvement une chose, soit qu'à l'origine, nous nous proposions de limiter l'affichage à un paquet par marque. À la suite du processus de consultation, nous avons convenu que cela n'était pas pratique, de sorte que l'affichage de la marque est permis. Il sera néanmoins réglementé et nous aurons des discussions ou des consultations avec l'industrie pour déterminer quelle forme prendra cet affichage et quelles dimensions seront autorisées.

Au sujet du deuxième point, soit la commandite...

M. Speller: Oui, on disait que les détaillants allaient perdre des contrats.

Mme Ferguson: Ils sont rémunérés par les compagnies de tabac qui ont des présentoirs au point de vente. Vous aurez sans doute remarqué que dans tous les dépanneurs ou les magasins de quartiers où l'on vend les produits du tabac, on trouve de multiples véhicules publicitaires. Il y a des plaques laminées sur les comptoirs, des affiches sur les murs et même des dessins laminés sur le plancher devant la caisse. Nous voulons délibérément restreindre ce genre de publicité. Nous n'en voulons pas car elle est envahissante. Elle présente publiquement le tabac comme un produit très attrayant, un produit d'usage courant qui séduit les jeunes. Il s'agit là d'une publicité...

M. Speller: Quelle incidence ces restrictions auront-elles sur les petits détaillants?

Mme Ferguson: Je n'ai pas les chiffres en main.

M. Speller: Avez-vous fait des études à ce sujet?

Mme Ferguson: J'ai des données sur ce que les compagnies de tabac versent exactement aux détaillants. Je suppose que cela varie d'un magasin à l'autre, selon qu'il fait partie d'une chaîne de magasins. Cela dépend en grande partie de l'industrie et du fait que l'on continue ou non à rembourser des détaillants pour exposer le produit même plutôt que des articles de promotion du produit.

M. Speller: Cette lettre dit qu'ils vont perdre des millions de dollars. Qu'en est-il pour le petit détaillant d'une petite localité?

Mme Ferguson: C'est une estimation approximative, mais un petit détaillant peut toucher 1 000$ par an pour faire la promotion du produit au point de vente. Je n'ai pas les données. Comme je l'ai dit, c'est une question que vous pourriez vouloir poser à l'industrie. Ils auraient des statistiques sur l'importance du remboursement et sur la valeur contractuelle de cette entente.

M. Speller: Enfin, pour ce qui est de la commandite, je pense que c'est la grande question que soulève tout ce projet de loi.

Mme Ferguson: Les compagnies de tabac vont encore pouvoir commanditer des événements et les promouvoir en associant leur nom de marque à l'événement. Nous n'essayons pas de les en empêcher ni de dire aux compagnies qui elles peuvent commanditer.

Nous estimons que le degré d'exposition que permet la règle des 90 p. 100-10 p. 100 est raisonnable. Nous essayons d'atténuer le profil du nom commercial et sa visibilité, et nous tentons d'en réduire l'omniprésence en raison de son attrait sur les jeunes. Nous estimons que la marge permise est raisonnable.

.1115

M. Speller: Enfin, monsieur le président, j'aimerais revenir à la question de la réglementation des taux de nicotine. Je ne suis pas sûr que le ministre ait répondu à ma question sur les études qui pourraient exister et qui montreraient les effets de la réglementation de la nicotine. Je pense à nouveau à mes producteurs, qui souhaiteraient s'assurer que si l'on réglemente la nicotine, les gens n'iront pas de l'autre côté de la frontière acheter leurs cigarettes pour avoir leur dose de nicotine.

Deuxièmement, si nous réglementions les niveaux de nicotine par cette loi et disions aux compagnies qu'elles doivent réduire les taux de nicotine, quelle incidence cela aurait-il sur nos producteurs, qui fournissent du tabac ayant un certain niveau de nicotine?

Mme Ferguson: J'aimerais dire deux choses, et ensuite je céderai la parole à Murray Kaiserman qui vous parlera davantage de l'aspect physiologique.

Le ministre a indiqué que le processus réglementaire reposerait sur la consultation. C'est manifestement un sujet extrêmement délicat. Nous n'envisagerions pas d'utiliser ce pouvoir tant que nous n'aurions pas les données scientifiques voulues pour être en mesure d'évaluer quelle serait l'incidence, tant en ce qui concerne le comportement des fumeurs... Fumeraient-ils davantage pour compenser la réduction du taux de nicotine? On a déjà mis sur le marché des produits ayant de très faibles taux de nicotine, et ils n'ont pas été très populaires auprès des consommateurs. Nous aimerions éviter toute incidence économique - la contrebande, etc.

Nous voulons aussi nous assurer qu'en modifiant les taux de nicotine, compte tenu des réactions possibles avec d'autres substances contenues dans ce produit, on ne provoque pas des effets sur la santé qui seraient tout aussi nocifs que ceux de la nicotine. C'est donc un point sur lequel nous devrions disposer de toutes les données - les données scientifiques et l'information sociologique - et nous ne le ferions pas sans consulter l'industrie et les autres parties intéressées, dont les producteurs.

M. Speller: Il n'y a donc pas d'études en cours maintenant.

Mme Ferguson: Il y en a.

Murray, voulez-vous apporter des précisions?

M. Murray Kaiserman (chimiste, Bureau de contrôle du tabac, ministère de la Santé): Il existe énormément d'informations sur la nicotine et la réduction de la nicotine. On a parlé plus tôt de fumeurs qui fumaient pour absorber de la nicotine et qui inhalaient du goudron en tant que produit dérivé. On fait face à deux écoles de pensée. Certains veulent supprimer la nicotine, pour que les gens n'aient alors plus aucune raison de fumer. D'autres proposent le contraire - supprimer le goudron et les autres substances toxiques et fournir de la nicotine. C'est ce que permet de faire le timbre à la nicotine, une méthode de sevrage.

Comme Mme Ferguson vient de le dire, aux États-Unis, une compagnie de tabac avait mis sur le marché un produit sans nicotine. Il ne faisait pas le poids face aux autres produits. On va donc d'une extrême à l'autre.

Il faut se rappeler que depuis une trentaine ou une quarantaine d'années, les taux de nicotine ont en fait baissé. Bien que les producteurs récoltent du tabac contenant plus de nicotine ou une nicotine plus efficace, les niveaux de nicotine dans les cigarettes ont diminué - c'est-à-dire la nicotine que les fumeurs absorbent. Cela s'est fait graduellement.

Comme l'a dit Mme Ferguson et comme le mentionne le Plan directeur, nous allons certainement débattre de cette question pour nous assurer qu'il n'y ait pas de contrebande. C'est pour nous un grand sujet de préoccupation.

Le vice-président (M. Dhaliwal): Merci, monsieur Speller.

Je vais donner la parole à M. Dubé puis ensuite à M. Szabo, étant donné que les cinq minutes accordées à notre parti sont écoulées.

[Français]

M. Dubé: À la page 7, à l'alinéa 18(2)b), juste au haut de la page, on peut lire:

b) aux comptes rendus, commentaires et opinions portant sur un produit du tabac ou une marque d'un produit du tabac et...

De la façon que c'est écrit et dans le contexte, c'est comme si c'était interdit. Par exemple, la formulation donne l'impression que quelqu'un, un expert ou un promoteur qui, une fois la loi adoptée, voudrait parler de cela, ne serait-ce qu'à un comité, lors d'une rencontre publique, pour dire que, selon lui, elle va trop loin, n'aurait plus le droit de s'exprimer contre cela.

.1120

Mme Pégeot: Non, telle n'est pas l'intention de cet alinéa. Il faut prendre l'alinéa 18(2)b) dans le contexte de la définition de «promotion» au paragraphe 18(1). Cette définition n'interdirait pas du tout le type d'intervention auquel vous venez de faire allusion.

M. Dubé: Je ne sais pas à quel article, mais on dit que dans le règlement, les seules choses permises sont celles qui sont autorisées par la loi. Vous dites que cela est permis, mais ce n'est pas écrit. Si ce n'est pas écrit, c'est donc interdit.

Mme Pégeot: Cet alinéa porte sur l'application de la loi et ce qui est dit...

M. Dubé: Non, je vous parle de 18(2).

Mme Pégeot: C'est cela. Le paragraphe 18(2) traite de ce à quoi la loi s'applique ou ne s'applique pas. On dit que la définition de «promotion» ne s'applique pas à ce type d'activités. Donc, cela ne couvre pas, par exemple, les activités de lobbying, les activités des gens qui feraient des rapports ou qui émettraient des opinions pour ou contre un produit du tabac en particulier.

En fait, cet alinéa a été écrit spécifiquement pour que le type d'activités que vous venez de suggérer ne tombe pas sous la loi.

M. Dubé: J'avais des réserves semblables par rapport à l'article 21. À la ligne 26, au paragraphe 21(1), on dit:

Mme Pégeot: Non, l'article 21 vise un personnage connu qui dirait, par exemple, qu'il fume telle marque et serait payé pour fumer cette marque-là. Donc, c'est la promotion du produit par une personnalité connue. Je ne sais pas si vous connaissez le personnage de Joe Camel aux États-Unis. Il est devenu un personnage de bandes dessinées et on le voit maintenant sur les paquets de cigarettes en train de jouer au golf ou au base-ball. C'est ce qu'on entend par le concept qui est dans l'article 21.

M. Dubé: Cela peut dépendre du territoire où l'on se trouve. Personnellement, je ne suis pas connu à Ottawa, mais j'ai l'impression de l'être dans ma circonscription.

Mme Pégeot: En effet, si les compagnies de tabac vous payaient pour que vous disiez que vous fumez Rothmans, du Maurier ou toute autre marque, vous deviendriez, à ce moment-là, assujetti à l'article 21.

M. Dubé: Donc, c'est le fait d'être payé. Si je le faisais bénévolement, qu'est-ce qui arriverait?

Mme Pégeot: La loi vise à contrôler la promotion des produits du tabac. Donc, à partir du moment où c'est une promotion, ce serait couvert par la loi.

M. Dubé: Même si je n'étais pas payé pour le faire?

Mme Pégeot: Cela dépend. Vous pouvez toujours dire à vos camarades quelle marque de cigarettes vous fumez. Ce n'est pas une activité commerciale. Ce n'est pas quelqu'un qui a un intérêt commercial qui vous a demandé cela.

M. Dubé: Rassurez-vous, je ne fume pas.

Un peu plus loin, au paragraphe 24(2), on traite du fameux 10 p. 100. Toujours en partant du fait que ce qui n'est pas autorisé est interdit, dans le cadre des commandites... Je vous pose des questions que les gens me posent afin de pouvoir leur répondre.

Mme Pégeot: Absolument. Vous avez raison, toute question est légitime.

M. Dubé: L'espace habituellement réservé sur les sites de commandites mesurait environ quatre pieds par huit pieds. Pourrait-il être possible qu'une compagnie de tabac - parce que ce n'est pas écrit dans la loi - décide de multiplier par dix la surface de la grande banderole et conserve, dans les faits, la même surface de publicité qu'auparavant, parce qu'on ne dit pas que c'est interdit?

Mme Pégeot: L'un des aspects que nous allons réglementer est justement la grandeur des affiches qui seront permises sur le site, parce que nous voulons prévenir le genre d'abus que vous venez de décrire.

.1125

M. Dubé: Mais pourquoi ne pas le stipuler dans la loi?

Mme Pégeot: Parce que c'est un des «détails» dont nous voulons traiter par règlement. De cette façon-là, on pourra consulter les parties intéressées pour voir ce qui est raisonnable et pour répondre à leurs besoins sur le site, mais dans le respect de nos mesures de santé. Donc, c'est l'un des aspects dont on traitera par réglementation.

M. Dubé: En tout cas, on pourrait en débattre longtemps. Évidemment, j'aurais préféré que ce soit écrit dans la loi pour que ce soit clair. En tout cas, le ministre et ses fonctionnaires vont régler cela.

Mme Pégeot: Le 10 p. 100 est en effet ce dont ont besoin les commanditaires pour avoir une certaine reconnaissance.

M. Dubé: Je me fais l'avocat du diable. L'esprit du projet de loi est-il d'éviter que des célébrités puissent s'associer au tabac? Je donne un exemple. Je pense à Céline Dion, une chanteuse connue internationalement, au sportif Jacques Villeneuve, un coureur automobiles, ou à Donovan Bailey, qui a gagné le 100 mètres aux Jeux olympiques. Ils seraient ensemble, en train de fumer, illustrant ainsi que la cigarette ne cause pas de dommage à la voix dans le premier cas et à la forme physique dans le deuxième. Il n'y a rien qui interdirait cela?

Mme Pégeot: Si ces personnages connus fumaient et que c'était clairement vu dans une promotion d'un produit du tabac, il faudrait voir comment nous interpréterions alors la loi. Cela pourrait peut-être tomber sous l'article 21, qui traite des attestations et témoignages.

M. Dubé: Mais si c'étaient des gens moins connus? Mon adjoint est moins connu que moi dans mon circonscription, mais qu'arriverait-il s'il faisait cela?

Mme Pégeot: C'est toute la question de l'interprétation de l'article 21. En principe, le 10 p. 100 est laissé pour l'identification des commanditaires alors que la partie de 90 p. 100 est laissée à l'événement lui-même. Donc, il y a une certaine flexibilité qui existe pour cela.

M. Dubé: J'ai de la difficulté avec les lois qui, dans l'ensemble, visent telle chose, mais qui, dans une de leurs parties, laissent place aux contraintes. Je sais que si le 10 p. 100 n'est pas davantage balisé, cela va laisser beaucoup de place à l'interprétation. C'est une zone grise considérable. Cela m'inquiète.

Plus tôt, le ministre m'a dit qu'on ne pourra annoncer une marque de cigarettes quelconque sur une automobile de Formule 1 au Grand Prix de Montréal. Il semble que vous et le ministre avez plusieurs trucs comme celui-ci. Il semble clair que vous ne voulez pas que cela apparaisse. Mais ce n'est pas stipulé dans la loi.

Mme Pégeot: Le projet de loi dit deux choses par rapport à la commandite. Il y a une première règle qui s'applique à tout type de matériel promotionnel qui sera permis. C'est la règle du 90-10 dont vous venez de parler. Une partie de 10 p. 100, tout au bas du matériel publicitaire, sera réservée à l'identification du commanditaire, alors que la partie de 90 p. 100 du haut sera réservée à l'événement.

Le deuxième aspect des restrictions qui s'appliquent est la localisation, c'est-à-dire là où le matériel publicitaire peut être posé ou apparaître. On précise quatre endroits dans la loi: les publications qui sont lues principalement par des adultes; les envois directs à des adultes, genre direct marketing; sur les affiches ou les programmes sur le site de l'événement; sur les affiches qui peuvent être placées dans des endroits dont l'accès est interdit aux jeunes par la loi. Tout cela est écrit dans la loi.

.1130

M. Dubé: J'ai vu cela et on est d'accord sur cette partie. Je voudrais savoir pourquoi ceux qui ont choisi ce chiffre de 10 p. 100 n'ont pas plutôt choisi 30 p. 100, par exemple. Cela se fait-il ailleurs dans le monde? Comment est-ce venu?

Mme Pégeot: Ce chiffre de 10 p. 100 semblait un compromis raisonnable. Nous voulions réduire la prédominance de la marque du tabac sur les affiches de parrainage, mais nous voulions aussi donner aux commanditaires un espace raisonnable pour se faire reconnaître. Le compromis qui a été trouvé, c'est 10 p. 100. Nous croyons que ce pourcentage permet aux compagnies de communiquer le fait qu'elles commanditent certains types d'activités.

[Traduction]

Le président: Monsieur Dubé, ces cinq minutes en ont en fait pris douze. Alors ce que nous allons faire maintenant, simplement pour nous rattraper, c'est entendre deux ou trois libéraux de suite. D'abord, de Mississauga-Sud, Paul Szabo; puis, de Vancouver-Sud, Harb Dhaliwal; et enfin, de Terre-Neuve, moi-même. Nous finirons ainsi cette ronde de questions.

M. Szabo: Pouvez-vous me dire d'où on tire ce renseignement selon lequel près de40 000 personnes meurent chaque année des effets du tabac?

Mme Ferguson: Santé Canada a fait ses propres projections et évaluations. M. Kaiserman peut vous expliquer comment on a fait le calcul.

M. Szabo: Je veux simplement savoir quelle est la source de ce renseignement. Je ne voulais pas savoir comment on l'avait calculé.

Mme Ferguson: D'accord.

M. Szabo: Le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, dans son rapport de juin 1996, fait état d'un chiffre assez différent, soit environ la moitié de celui que vous soumettez. Est-ce que vous rejetez leurs données?

M. Kaiserman: Non, en fait leur nombre était d'environ 8 000 victimes de moins. Il se situait aux environs de 32 000 à 34 000.

La différence tient à la façon dont les nombres sont calculés. Dans nos calculs et dans ceux de Santé Canada, nous utilisons principalement les évaluations des risques provenant de la deuxième étude sur la prévention du cancer effectuée par l'American Cancer Society, qui nous semblait refléter davantage la situation de la population canadienne.

Dans l'étude menée par le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, on a analysé de nombreuses études effectuées un peu partout dans le monde, et qui correspondent sans doute d'assez près à la situation de chacun des pays, mais pas à celle de la population canadienne.

M. Szabo: Les hôpitaux ont des systèmes de rapport très complets pour les fins d'enregistrement des données de santé provinciales. Pourquoi ne pas simplement demander aux hôpitaux combien des personnes qui y ont été soignées sont mortes des effets du tabac?

M. Kaiserman: C'est que sur les certificats de décès on ne fait pas figurer le tabac comme une cause de décès. On parle de cancer des poumons, de crise cardiaque...

M. Szabo: Pourquoi ne le ferait-on pas?

M. Kaiserman: C'est une décision qui reviendrait à la profession médicale.

M. Szabo: J'ai toujours été intrigué par cela.

Selon les documents qui ont été distribués, il s'agirait là d'un texte législatif complet et intégré. On y dit entre autres choses que la loi va d'abord restreindre davantage les possibilités pour les jeunes de se procurer du tabac; ensuite, qu'on va limiter la publicité sur les produits du tabac; troisièmement, qu'on va fournir davantage d'informations relatives à la santé - j'insiste sur le mot «informations» sur les paquets de tabac; et quatrièmement, qu'on va établir des pouvoirs de réglementation des produits du tabac.

Pour ce qui est de l'information, je me demande si Santé Canada considère que l'information c'est la même chose que l'éducation ou si elle en fait partie.

Comme nous parlons d'un processus d'information ou d'éducation, pouvez-vous me dire si vous disposez d'études ou d'éléments de preuve qui montrent que l'étiquetage ou la fourniture d'informations ou d'éléments d'éducation sur le paquet d'un produit de consommation a une incidence sur le taux de consommation?

Mme Ferguson: Oui, nous en avons. Nous avons effectué depuis la parution du Plan directeur diverses études qui montrent que l'étiquetage des produits est, après la télévision, la principale source d'information de ce genre. Les fumeurs comme les non-fumeurs estiment que l'étiquetage est un moyen de faire connaître les risques que le tabac pose pour la santé.

Il y a le fait que la mention figurant sur le paquet, que le consommateur ne peut pas manquer de voir, lui rappelle constamment les risques que le tabac présente pour la santé. On nous a dit qu'on trouve que ces messages sont crédibles. On y croit.

.1135

Un nombre assez élevé de gens retiennent ces messages et on a même dit vouloir des renseignements additionnels au sujet des composantes toxiques du tabac et des émissions de fumée de tabac, ce que nous faisons dans ce projet de loi.

M. Szabo: Bien. Mais cela fait partie d'une approche globale.

Mme Ferguson: Oui, en effet.

M. Szabo: Je pense que c'est raisonnable. Nous voulons utiliser toutes les occasions légitimes de communiquer, d'éduquer et d'informer.

Permettez-moi de poser encore une question. Le ministre a dit également que le tabac entraîne des coûts directs de soins de santé de 3,5 milliards de dollars. Je demande là encore d'où vient ce chiffre.

Mme Ferguson: De Santé Canada.

M. Szabo: Il ne s'agit donc pas des gens dont le décès est causé par la fumée secondaire, d'après nous.

Mme Ferguson: Non.

M. Szabo: Il s'agit de fumeurs.

Mme Ferguson: L'estimation peut inclure des décès causés par la fumée secondaire. Nous estimons que le chiffre est d'environ 10 p. 100 de celui des États-Unis. Il y aurait donc un taux de mortalité due à la fumée de tabac ambiante d'environ 330 par année.

M. Szabo: Qu'est-ce qui est plus important, le nombre de personnes qui meurent ou les coûts?

Mme Ferguson: Le nombre de personnes qui meurent.

M. Szabo: Nous ne nous laissons pas vraiment influencer ou guider par les... Il s'agit vraiment de la santé des Canadiens.

Mme Ferguson: Très certainement, mais je pense qu'il est utile de se rappeler que les décès prématurés représentent également des coûts économiques. Mais il est évident que les coûts humains...

M. Szabo: Je suis d'accord avec vous. Je pense que nous parlions de vraies personnes. Les vies sont plus importantes que les dollars, s'il y a un choix à faire.

En ce qui concerne cette stratégie que nous avons lancée relativement au tabac, il est question d'environ 40 000 vies. Votre stratégie changerait-elle de quelque manière s'il s'agissait seulement de 10 000 vies?

Mme Ferguson: Non, je pense que nous rechercherions encore le même type d'équilibre, c'est-à-dire des mesures fiscales, des programmes d'éducation de la population, des lois et des mesures pour les faire respecter. Plus nos mesures seront variées, à mon avis, plus nous serons efficaces. Par conséquent, ce n'est pas tellement une question du nombre de personnes concernées; il s'agit plutôt de trouver le meilleur moyen de résoudre le problème.

M. Szabo: C'est une véritable question de santé. Nous voulons prendre l'initiative et nous assurer de bien instruire et informer la population.

Enfin, monsieur le président, ce paragraphe 8(1) présente un élément très intéressant. Je pense que vous devrez peut-être me fournir une réponse plus tard, car il faudrait trop de temps pour y répondre aujourd'hui, mais ma seule question est la suivante: existe-t-il d'autres articles du projet de loi qui contiennent les mêmes subtilités que le paragraphe 8(1), en ce qui concerne le but recherché, par opposition au libellé technique du projet de loi?

Mme Ferguson: Aucun article semblable à celui-ci ne me vient immédiatement à l'esprit.

M. Szabo: Mais vous nous le ferez savoir.

Mme Ferguson: Oui, nous le ferons.

[Français]

M. Szabo: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Le député de Vancouver-Sud, M. Dhaliwal.

M. Dhaliwal: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je veux seulement essayer d'obtenir une réponse. J'ai posé la question au ministre, mais je n'ai pas obtenu de réponse claire. Je n'ai peut-être pas posé ma question clairement et je vous demande donc la permission d'essayer à nouveau, monsieur le président.

J'ai demandé au ministre si les résultats concrets seront une indication du succès ou de l'insuccès de cette mesure. Je me demande si vous avez des objectifs clairs à long terme quant à la réduction du nombre de fumeurs et ce que vous espérez accomplir en proposant ce projet de loi.

Des témoins nous ont dit que si l'on fait une comparaison avec ce que nous faisions dans le passé et ce que d'autres pays font, nous avons un ensemble très complet de mesures. C'est ce que nous avions déjà jusqu'à ce que nous apportions des changements comme la réduction des taxes.

Je n'étais peut-être pas clair tout à l'heure, mais voici ma question: avez-vous des objectifs spécifiques quant au nombre de fumeurs qu'il y aura dans dix ans, comparativement à maintenant? À l'heure actuelle, environ 25 p. 100 ou 26 p. 100 des gens fument. Le ministre a dit qu'il y a sept millions de fumeurs. Je me demande donc si vous avez des objectifs clairs qui vous permettront d'évaluer le succès de la stratégie, afin que dans cinq ans, vous puissiez dire qu'elle a réussi et que vous êtes satisfaits des résultats. Ou devrez-vous rajuster ce programme d'ici cinq ans, quand vous constaterez qu'il n'a pas vraiment été aussi efficace que vous le vouliez?

Avez-vous un moyen pour évaluer le programme à plus long terme? C'est ma première question. Vous pouvez peut-être me répondre tout de suite. J'aurais peut-être une deuxième question à poser.

Mme Ferguson: Ma réponse comprendra deux ou trois volets. L'objectif est clairement de réduire le nombre de nouveaux fumeurs, c'est-à-dire d'essayer d'empêcher les gens de commencer à fumer. Comme le ministre l'a dit, 85 p. 100 des nouveaux fumeurs commencent à fumer avant l'âge de 16 ans et nous cherchons donc à réduire le nombre de jeunes qui commencent à fumer.

L'un des autres objectifs du projet de loi est d'aider les fumeurs actuels à se défaire de cette habitude et nous tentons donc de les encourager à cesser de fumer.

Mais pour ce qui est d'un chiffre précis, je vous renvoie à la décision de la Cour suprême, dans laquelle on dit que même une faible réduction du tabagisme constituerait un avantage considérable.

.1140

M. Dhaliwal: Mais vous n'avez pas d'objectif clair, c'est-à-dire que vous voulez atteindre dans cinq ou dix ans, une réduction de 20 p. 100 ou de 50 p. 100, ou peut-être même qu'il n'y ait plus aucun fumeur. Avec un programme de 10 ans, nous n'aurions peut-être plus de fumeurs. J'ai suggéré au comité et au ministre ma solution pour y parvenir, mais ils ne m'écoutent pas.

Existe-t-il un objectif? J'aimerais bien penser que nous avons un objectif à atteindre à la fin du programme. Premièrement, nous voulons évidemment voir baisser le nombre de fumeurs, mais ne devrions-nous pas avoir pour objectif de réduire le nombre de fumeurs de 5 p. 100 tous les cinq ans ou de 1 p. 100 par année?

Il me semble que nous devrions viser un certain objectif, afin d'avoir l'impression d'obtenir des résultats - je le voudrais bien - . Nous pourrions dire que d'ici cinq ans, nous aimerions réduire le nombre de fumeurs de 5 p. 100 et peut-être de 10 p. 100 d'ici 10 ans; donc, un objectif à long terme qui nous permettrait de nous évaluer. Si nous constations que nous n'atteignons pas cet objectif, nous devrions peut-être alors modifier notre façon de faire.

Mme Ferguson: Nous n'avons pas de chiffre précis à l'esprit. Il est évidemment souhaitable de réduire le plus possible le nombre de fumeurs. Nous examinerons la façon dont la loi influence le comportement en matière de tabagisme, en particulier chez les jeunes. Comme nous pouvons prendre des règlements en vertu de certaines des dispositions législatives, nous aurons une certaine latitude pour réagir à ce qui se passera et au comportement des gens et si besoin est, nous pourrons apporter des ajustements.

M. Dhaliwal: Permettez-moi de faire une suggestion, monsieur le président. Nous devrions peut-être fixer un objectif et dire que nous voulons réduire le nombre de fumeurs de 1 p. 100 par année, pendant les 10 prochaines années. Nous devrions peut-être essayer et si nous n'atteignons pas cet objectif, nous devrions peut-être modifier le programme.

Je propose donc à votre personnel et peut-être aussi au ministre, que nous fixions en effet un objectif spécifique à atteindre, afin que nous puissions déterminer si nous accomplissons de fait ce que nous pensons vouloir accomplir. De cette manière, nous pourrons aussi nous juger nous-mêmes et nous demander si nous avons vraiment accompli ce que nous voulions accomplir.

Merci, monsieur le président.

Le président: Nous arrivons presque à la fin de cette partie de la réunion. Nous n'avons cependant pas terminé et je ne veux donc pas que vous partiez déjà. Cependant, pour vous donner une idée du temps qu'il nous reste, je vous signale que certains employés de soutien, y compris les interprètes, doivent se rendre ailleurs dans peu de temps et il conviendrait donc à tous que la séance se termine avant 12h20 ou 12h25.

Pour ce qui est de la présente partie de la réunion, je signale aux membres du comité qu'elle tire presque à sa fin. J'ai quelques questions à poser, mais à moins que quelques membres du comité aient d'autres questions brûlantes à poser, je leur demanderais de bien vouloir s'abstenir afin que nous puissions entendre les autres témoins, qui représentent la Commission ontarienne de commercialisation du tabac jaune. Je voudrais leur accorder 30 ou 40 minutes pour présenter leurs arguments et pour répondre à des questions du comité. C'est ce que je veux faire, si vous êtes d'accord.

Il y a tant de questions qu'on pourrait poser, et plusieurs l'ont été d'ailleurs. Moi j'en ai trois, sans ordre particulier. Chose certaine, ce ne sont pas mes seules préoccupations aux questions qui m'intéressent relativement à ce projet de loi, mais comme on n'a pas posé ces questions ce matin, je juge bon de le faire maintenant.

Permettez-moi de me faire l'avocat du diable sur cette question du 10 p. 100 d'espace publicitaire. Y a-t-il quelque chose qui empêche le commanditaire de contourner complètement votre loi en installant un panneau géant dont 90 p. 100 serait occupé par un grand ciel bleu - ou même pas un grand ciel bleu mais quelque chose en gris et blanc afin de ne pas attirer l'attention - et de mettre ensuite tout son message à l'avant-plan? C'est 10 p. 100 de quoi? Si c'est 10 p. 100 d'une feuille de cette taille-ci, il vous serait presque impossible de la lire d'où vous êtes maintenant. Mais ces 10 p. 100 d'un panneau qui aurait la taille d'un terrain de base-ball... Y a-t-il des restrictions? Avez-vous prévu des moyens pour contrer cela?

Mme Ferguson: Oui, et je pense que nous avons prévu cette possibilité.

Vous avez mentionné, monsieur le président, la possibilité d'ériger un panneau. Si on fait cela, la restriction s'imposerait au site de la manifestation. On ne permettra pas de promotion publicitaire hors site. Le projet de loi nous donne l'autorité réglementaire qu'il faut pour limiter ou réglementer la taille de l'espace publicitaire lui-même, si bien que 10 p. 100 ne peut pas être quelque chose qui ferait deux ou trois étages de hauteur.

.1145

Le président: D'accord.

Je suis maintenant, Judy, à l'article 12 qui traite des distributrices automatiques. Pouvez-vous dire au comité où ce projet de loi permettrait l'installation de distributrices automatiques? Pouvez-vous nous donner un exemple?

Mme Ferguson: Oui. S'il s'agit d'un endroit auquel le public n'a pas un accès raisonnable, ce pourrait être dans une cuisine, un bureau ou la salle d'entreposage d'un restaurant ou d'un bar. On pourrait se servir de cette salle pour l'entreposage, mais elle ne serait pas aisément accessible à la clientèle.

Le président: Question d'uniformité, je veux seulement savoir pourquoi on traite la vente des cigarettes dans les distributrices automatiques différemment de la vente de cigarettes en soi. Est-ce une question d'accès? Est-ce ce que vous voulez...

Mme Ferguson: C'est une question d'accès. Les restrictions relatives à l'âge minimal et à l'application de cette disposition...si les sources d'alimentation en tabac privilégiées par les jeunes - les dépanneurs, les postes d'essence, ce genre de choses - deviennent moins accessibles à cause des restrictions actuelles, les jeunes pourraient se tourner vers des sources moins répandues, et les distributrices automatiques seraient l'une d'entre elles.

Le président: Par exemple, si je peux établir une comparaison qui n'est peut-être pas appropriée - si ce ne l'est pas, vous me le direz - au niveau de la publicité, vous la permettrez dans les revues destinées aux adultes. Avez-vous songé à permettre l'installation de distributrices dans les endroits qui ne sont fréquentés que par les adultes?

Mme Ferguson: Oui, et c'est ce que vise justement la disposition actuelle de la Loi sur la vente du tabac aux jeunes personnes. On ne peut installer des distributrices de cigarettes que dans des endroits comme les bars ou les brasseries ou...

Le président: Est-ce la disposition qui se trouve ici?

Mme Ferguson: Non. Nous sommes allés plus loin et nous avons...

Le président: C'est ma question. Pourquoi?

Mme Ferguson: Encore là, parce que cela pourrait être une source d'alimentation de plus pour les jeunes, particulièrement si leurs autres sources ne sont plus aussi accessibles: les dépanneurs et les postes d'essence, où s'appliquent les dispositions relatives à la carte-photo d'identité et aux restrictions sur le libre-service, ce genre de choses.

Le président: Je pense qu'on manque d'uniformité ici, si vous me permettez de revenir à la publicité qu'on permet dans certains médias imprimés. De toute évidence, vous ne vous préoccupez pas autant de l'accès à ces revues par ces mêmes jeunes, qui peuvent plus aisément ouvrir la revue Maclean's qu'entrer dans un bar sans carte d'identité.

Mme Ferguson: Nous avons consulté plusieurs organisations depuis la publication de notre plan. On nous a dit entre autres choses qu'un grand nombre de ces lieux - restaurants, bars - se servent des distributrices à des fins d'entreposage. Nous ne voulons donc pas les interdire complètement mais simplement, encore là, en restreindre l'accès, particulièrement aux jeunes. L'idée d'une transaction face à face inspire les autres mesures que prévoit la disposition sur l'accès, et c'est pourquoi nous y voyons une certaine uniformité.

Le président: Ma dernière question porte sur ce qui nous a amenés ici ce matin, je suppose, c'est-à-dire que si la poursuite devant les tribunaux n'avait pas été un succès la première fois, nous ne serions pas ici ce matin. J'espère que vous avez quelqu'un ici à cette table, ou dans la salle, qui peut répondre à la question. Tout à l'heure, j'ai remarqué la prudence de l'avocat qui nous a dit qu'il n'allait pas nous donner un avis mais plutôt un éclaircissement. J'espère que vous avez quelqu'un ici qui est moins prudent et qui pourra nous donner un avis ou tout au moins s'engager à nous en procurer un, car la question primordiale ici, étant donné la série des événements qui nous a amenés ici, consiste à savoir comment vous pouvez être certains que ce que vous avez fait cette fois-ci survivra à une contestation judiciaire aux termes de la charte.

Mme Ferguson: La Cour suprême a donné des directives assez claires, certains paramètres à l'intérieur desquels le gouvernement pourrait agir. Nous avons examiné ces dispositions et nous estimons que le projet de loi qui a été rédigé - nous avons pris beaucoup de soin à le rédiger - respecte la charte. La Cour suprême a indiqué que les compagnies de tabac ont un produit légal, qu'elles ont le droit de communiquer de l'information aux consommateurs adultes au sujet de leur produit, et le projet de loi est structuré et rédigé de façon à leur permettre de le faire.

La Cour suprême a par ailleurs indiqué, après avoir accepté la preuve qu'il existe un lien entre la publicité et la consommation et après avoir validé les moyens que prend le gouvernement fédéral en vue de réglementer la promotion des produits du tabac, que ce serait une limite raisonnable imposée à la liberté d'expression si la promotion ciblait les jeunes ou avait une connotation concernant le style de vie. Nous nous sommes donc inspirés de ces paramètres pour rédiger le projet de loi, de sorte que toute promotion qui serait attrayante pour les jeunes ou qui serait associée à une façon de vivre est interdite. Nous estimons que nous avons pris soin de refléter les directives de la Cour suprême à cet effet.

.1150

Le président: Je suis certain que les fabricants de tabac diront à notre comité ce qu'ils ont déjà dit à certains d'entre nous: que le projet de loi enfreint les droits confirmés par la Cour suprême de communiquer des messages concernant les préférences pour un produit ou une marque en interdisant d'afficher la marque de commerce au point de vente. Que répondez-vous à cela?

Mme Ferguson: Le tribunal a permis certaines autres façons d'aborder la question. Je crois comprendre que les compagnies de tabac ont dit ou allégué que cela soulèverait un problème de liberté d'expression. Le tribunal a mentionné certaines options, notamment une interdiction partielle de la publicité, une interdiction de promouvoir un style de vie, des mesures visant à interdire la publicité qui s'adresse aux enfants et aux adolescents ainsi que des exigences concernant l'information sur les dangers pour la santé devant apparaître sur l'emballage.

Nous avons donc suivi ces conseils lors de la rédaction du projet de loi. Je ne peux que vous demander de vous reporter aux commentaires du procureur général qui a dit qu'il était persuadé que le projet de loi respectait la charte. Nous avons travaillé avec le ministère de la Justice pour nous assurer que c'était bien le cas.

Le président: Merci. Y a-t-il encore quelques dernières petites questions que les membres du comité aimeraient poser?

Monsieur Dhaliwal.

M. Dhaliwal: J'ai une question concernant les taxes qui ont augmenté. Les taxes viennent-elles tout juste d'être augmentées au niveau où elles étaient avant qu'on ne les réduise? Quel est le pourcentage de taxes à l'heure actuelle par rapport à ce qu'elles étaient auparavant?

Mme Ferguson: Si vous voulez des détails à ce sujet, nous devrons consulter le ministère des Finances, mais les taxes ne sont pas au même niveau qu'elles étaient avant 1994.

Le président: C'est une façon euphémique de dire les choses. Je pense que vous devez être plus honnête et dire qu'elles ont été réduites de 5$ au fédéral et qu'elles ont maintenant augmenté de 75c. Est-ce exact?

Mme Ferguson: Je pense que c'est 70c.

Le président: Je tiens à remercier Judy Ferguson, directrice générale, et ses collègues, d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer ce matin. Votre témoignage nous a été très utile. Nous vous remercions.

Nous allons prendre une minute pour faire la transition. Mais auparavant, permettez-moi de souhaiter la bienvenue à notre collègue du Lac Saint-Jean, M. Tremblay.

.1153

.1157

Le président: Nous allons reprendre nos travaux.

Nous avons un autre groupe de témoins. Je vous ai mentionné que notre temps était quelque peu limité car les interprètes ont d'autres engagements. Nous devons terminer à 12h30 au plus tard.

Je souhaite la bienvenue à Frank Menich de la Commission ontarienne de commercialisation du tabac jaune. Je ne sais pas pourquoi la commission ne devrait pas avoir un nom plus simple, mais quoi qu'il en soit, les voici.

M. Frank Menich (président, Commission ontarienne de commercialisation du tabac jaune): Tout d'abord, monsieur le président, je vous remercie d'avoir accepté de nous entendre à si bref délai. Nous avons appris hier seulement que vous teniez des audiences.

Le président: Nous l'avons appris en même temps.

M. Menich: Le problème, c'est que nous venons tout juste également de recevoir un exemplaire du projet de loi C-71.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais vous présenter mon collègue, George Gilvesy, qui est membre de la Commission de commercialisation.

Monsieur le président, si nous sommes ici aujourd'hui, c'est tout d'abord parce que nous voulions obtenir certains éclaircissements. Ce qui nous inquiète, c'est la rapidité du processus et les conséquences que cela aura pour les producteurs de l'Ontario. J'imagine que nos collègues du Québec ont les mêmes préoccupations.

Si j'ai bien compris - et j'ai tenté d'obtenir un éclaircissement à ce sujet ce matin - le projet de loi n'aura aucune conséquence pour les producteurs. Ma première question est donc la suivante: sommes-nous ou non visés par cette réglementation? Si nous pouvons tirer cette question au clair, alors je serai sans doute très bref.

Le président: Frank, vous avez inversé les rôles. Nous posons normalement les questions. La raison pour laquelle nous les posons, c'est que nous n'avons pas de réponses non plus.

Je ne pense pas cependant que quiconque ici à cette table soit en mesure de répondre à votre question. Il y a pratiquement deux minutes, il y aurait eu quelqu'un ici qui aurait pu répondre à la question. Tout ce que je sais de cette question, c'est ce que le ministre a dit en comité.

Étiez-vous ici lorsque le ministre a comparu et qu'il a fait sa déclaration?

M. Menich: Non.

Le président: Il a déclaré, comme vous l'avez mentionné il y a quelques minutes, que le projet de loi n'aurait pas de conséquences pour les producteurs. C'est essentiellement ce qu'il a dit, je crois. Si vous voulez une réponse plus complète, je peux m'engager à vous l'obtenir dans le cadre de nos délibérations. Mais nous ne pouvons pas vous donner une réponse plus détaillée maintenant.

.1200

M. Menich: Je suppose que c'est le processus que nous allons suivre alors. Je vais donc vous laisser ces questions et vous demander d'y répondre plus tard au cours de vos délibérations.

J'aimerais peut-être maintenant aborder une de nos préoccupations. Lorsque votre définition d'un produit du tabac inclut les feuilles et les graines, cela a des conséquences pour notre capacité de production. Donc, si nous sommes visés à cet égard, nous avons de nombreuses préoccupations sur la façon dont nous communiquons tout d'abord avec tous nos producteurs. Pour ce qui est de la correspondance, pourrions-nous tenir des séances avec nos producteurs et améliorer leurs pratiques de production? Les questions sont nombreuses. C'est pourquoi je voulais un petit éclaircissement, et j'aurais pu vous épargner quelques-unes de nos préoccupations.

Si j'ai bien compris, vous pourriez inclure une réglementation concernant le contenu. Nous sommes d'avis que lorsque vous réglementez ou légiférez pour enlever la capacité des producteurs du Canada d'offrir le produit aux consommateurs canadiens, votre réglementation ou votre mesure législative n'est plus alors dans notre intérêt.

À cet égard, nous sommes d'avis que nous sommes visés par le projet de loi étant donné votre définition. Si c'est le cas, nous voulons que cela soit clair, car je pense que le ministre dans sa déclaration a dit qu'il y avait des gens qui fumaient au Canada. Nous estimons que c'est notre droit et notre privilège d'offrir un produit aux consommateurs canadiens. S'il y a un changement d'orientation à cet égard, nous aimerions en être avisés.

Il me semble que l'on nous dit, depuis des années, que l'agriculteur canadien doit être au service du consommateur canadien en appliquant de bonnes pratiques agricoles. Nous croyons que ce projet de loi peut menacer cet état de fait par sa teneur, quel qu'en soit le sens, et nous ne comprenons pas très bien l'intention du législateur à cet égard. Comme vous l'avez signalé, c'est assez ouvert, mais vous devez comprendre que lorsque vous changez les composantes ou que vous modifiez un produit que le consommateur veut, ce consommateur cherche à obtenir le produit en question ailleurs. C'est à cela que nous nous opposons, c'est-à-dire quand vous modifiez un élément que le consommateur canadien estime partie intégrante de son mode de vie.

En bref, à cause de la hâte avec laquelle ce projet a été élaboré, nous sommes très inquiets quant à ses répercussions sur les producteurs de l'Ontario et du Canada. C'est pourquoi nous estimions nécessaire de faire entendre notre voix au sujet de la portée du projet de loi C-71 et des répercussions qu'il aura sur notre capacité de servir le consommateur canadien.

Le président: Avant de donner la parole aux membres du comité, je voudrais seulement répondre brièvement à deux points.

Je trouve que vous devriez faire attention quand vous utilisez l'expression «la hâte avec laquelle ce projet a été élaboré». Vous voulez peut-être dire la hâte avec laquelle on l'étudie à la Chambre. C'était peut-être ce que vous vouliez dire. Quant à l'élaboration du projet, elle s'est étalée sur une période de 14 mois, depuis que la cour a invalidé la loi dans ce domaine. On ne peut donc vraiment pas parler de hâte, du moins pas d'après ma définition. Quiconque a un quotient intellectuel de 10,5 ou plus savait pertinemment que le gouvernement du Canada élaborait une nouvelle loi. On aurait dû le savoir depuis 14 mois, surtout ceux qui sont intéressés au premier chef comme les producteurs de tabac. Par conséquent, je réfute cet argument.

.1205

Maintenant, je crois qu'il faut revenir à ce que le ministre a dit ce matin. Le ministre a dit que ce projet de loi n'aborde pas la question de la culture du tabac. Je suppose qu'il aurait pu ajouter - mais encore là, point n'est besoin d'être physicien nucléaire pour le comprendre - que si la campagne du gouvernement est couronnée de succès, un jour viendra où nous n'aurons plus besoin d'autant de tabac, qu'il soit canadien ou étranger. Par conséquent, je crois qu'en ce sens, le projet va toucher votre secteur, parce que vous devrez en produire moins si vous en vendez moins et c'est ce qui se produira si les gens cessent de fumer. Mais à mes yeux, ce n'est pas la trouvaille du siècle. Je pense que la plupart des gens l'ont déjà compris.

Depuis que vous avez pris la parole, nous fouillons dans le projet de loi; or, il ne semble pas y être question d'aucune façon des producteurs de tabac. La seule question que l'on peut se poser, c'est qu'arrive-t-il si les producteurs de tabac font de la publicité dans une publication de leur secteur pour annoncer des graines de tabac? Est-ce autorisé par la loi? Je l'ignore. Hier soir, en feuilletant le projet de loi, j'ai bien remarqué une disposition qui précise que les fournisseurs de tabac peuvent en faire la promotion auprès des détaillants sans commettre une infraction. C'est ce que la loi dit essentiellement et la question que je viens de poser peut se poser dans ce contexte. Je ne suis pas avocat et je ne connais pas ce dossier précis, mais vous devriez peut-être concentrer votre attention là-dessus.

Voulez-vous répondre à cela, puisque j'ai pris la liberté de réfuter vos arguments?

M. Menich: Si vous le permettez, oui. Vous avez soulevé plusieurs questions. Le plan directeur, comme vous l'avez signalé, est en chantier depuis pas mal de temps, environ 14 mois, mais ce qui ne circule pas, c'est le texte du règlement et son interprétation. Pour reprendre vos propres termes, vous n'en êtes pas certain vous-même. Si vous n'en êtes pas certain, cela m'inquiète énormément.

Le président: Non, Frank, cela ne devrait pas vous inquiéter, parce que je ne suis pas expert en la matière. Mon travail est simplement de présider le comité. Je sais comment épeler le mot tabac, mais cela ne veut pas dire que je connais le dossier. Je suis seulement un animateur dans ce processus, je ne prétends pas être un expert. Le fait que je l'ignore ne devrait absolument pas vous inquiéter.

M. Menich: Serait-il juste de dire que je m'inquiète parce que le ministre ignorait où il s'en allait et parce qu'on veut en faire davantage?

Le président: Peut-être. Il faudrait que je connaisse votre degré d'inquiétude.

M. Menich: Ce qu'il y a, c'est que tout cela est non limitatif. Nous essayons de dire et, j'espère, de dire clairement, que pour les consommateurs du Canada, la consommation de tabac, de notre point de vue, ne devrait pas être changée de manière à forcer les consommateurs canadiens à s'approvisionner auprès d'autres sources à l'extérieur du Canada. Si vous ne faites pas attention, vous mesurerez peut-être de prétendus taux de réussite que vous croirez exacts, alors que le tabac sera fourni par les États-Unis ou d'autres sources. Nous essayons de vous dire que vous devez faire attention dans votre interprétation. Nous ne croyons pas que nous devrions être remplacés par un autre pays, si vous modifiez ce que le consommateur veut.

Je voudrais m'expliquer davantage. Comme on l'a dit ce matin, nous avons témoigné quand on a présenté des mesures fiscales et je sais que c'est un autre dossier, mais nous avons beaucoup souffert dans tout ce dossier de la taxe et de la contrebande. Nous sommes très conscients des répercussions qui se feront sentir sur nous si le projet de loi modifie l'attitude du consommateur à l'égard du tabac canadien.

Nous envisageons la mesure à l'étude sous le même angle. Quand vous réglementez de manière à modifier le point de vue du consommateur, c'est nous qui en souffrons. La définition de produit du tabac inclut les graines et les feuilles. Cela touche jusqu'au point de vente dans les options que nous contrôlons.

.1210

Je le dis tout net, nous en faisons la promotion parce que c'est notre gagne-pain. Nous sommes les fournisseurs. Nous vendons. C'est pourquoi nous nous inquiétons de cette définition.

Nous communiquons aussi avec nos producteurs. Dans toute notre région, les localités fourmillent de gens qui sont associés indirectement au matériel utilisé dans le secteur du tabac: machineries pour la culture du tabac, fournisseurs d'engrais qui approvisionnent nos producteurs, etc. Toute l'infrastructure est fondée sur le tabac et nous n'avons pas honte de le dire.

Le problème, c'est que nous ignorons quelles pourraient être les répercussions de tout cela sur l'infrastructure de toute notre collectivité. Comment communiquer?

Le président: Je me permets d'attirer l'attention des membres du comité et des témoins sur l'article 18 du projet de loi, et plus précisément l'alinéa 18(2)c) qui stipule que la présente partie ne s'applique pas:

Il me semble que pour répondre à vos préoccupations, à moins que la question soit abordée ailleurs que dans le projet de loi, les rédacteurs voudraient peut-être se pencher de nouveau sur cette disposition-ci et en élargir la portée pour préciser que cela comprend les promotions faites par n'importe qui, c'est-à-dire le producteur, l'Office de commercialisation, etc., pourvu que cette promotion s'adresse uniquement à une personne qui fabrique ou distribue... Je pense que vos promotions s'adresseraient en partie aux fabricants et en partie aux autres producteurs.

Je ne suis pas avocat, mais il me semble qu'à moins que la préoccupation soulevée par Frank ne soit abordée quelque part ailleurs dans le projet de loi, on pourrait facilement s'en occuper ici.

D'après ma lecture du projet de loi, et après avoir entendu les interventions des témoins et du ministre ce matin, il me semble que le problème que vous pointez du doigt est un effet imprévu de cette mesure.

Les produits du tabac sont des produits légaux au Canada. Pour qu'ils soient en vente, il faut bien que quelqu'un fournisse la matière première. La question est de savoir si elle sera canadienne ou étrangère et votre argument est donc valable.

Je prends le ministre au mot, mais nous allons faire un suivi. Il a dit ce matin que la mesure ne visait pas les producteurs. Il faudra peut-être trouver le libellé voulu pour tenir cet engagement du ministre.

Avez-vous terminé? Nous n'avons que 15 minutes et je veux entendre quelques...

M. Menich: Je voudrais faire quelques brèves observations, si vous me le permettez.

J'étais un peu plus inquiet au sujet du paragraphe 18(1), qui est un peu plus général. Je me demandais si cela s'appliquait au fait de parler des produits; d'ailleurs, cela pose encore la question de savoir quelle est la définition de «produit».

Au sujet des produits du tabac, il en est fait mention à l'article 7.

Je crois l'avoir déjà dit, nous estimons que cela nous cible, qu'il pourrait y avoir des conséquences et que d'autres sources étrangères pourraient fournir le produit au consommateur. Je ne suis pas sûr que telle était l'intention visée avec le projet de loi C-71.

Le président: Deux députés veulent intervenir, dans l'ordre suivant: le député de Haldimand - Norfolk, Bob Speller, et le député de Vancouver-Sud, Harb Dhaliwal.

M. Speller: Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur Menich et monsieur Gilvesy, d'être venus aujourd'hui.

Je tiens à dire que je partage vos préoccupations pour ce qui est de l'échéancier du projet de loi. Il semble cheminer assez rapidement, tout au moins dans notre processus. Nous sommes à la fin de l'année et ce genre de choses arrivent à cette époque de l'année. Cela ne veut pas nécessairement dire que l'on n'y consacrera pas autant d'attention; c'est simplement qu'on va tout faire dans un délai plus serré.

.1215

Mais je ne crois pas que le gouvernement ait l'intention de faire passer quoi que ce soit sans que vous, les producteurs, sachiez exactement quelles en sont les répercussions sur vous. Je peux vous assurer, surtout compte tenu de ce que le ministre a dit ce matin, que je veillerai à ce que ce soit précisé, si ça ne l'est pas déjà dans le projet de loi.

Je me demande si vous pourriez expliquer davantage aux membres du comité en quoi un projet de loi comme celui-ci touche les producteurs. Vous le savez, nous ne discutons pas de la petite augmentation de taxe que les gouvernements fédéral et provinciaux ont décrétée; nous parlons plus spécifiquement de ce projet de loi.

Vous appartenez à ce milieu. Le tabac est cultivé dans une toute petite région du pays et dans un certain nombre de localités environnantes, un pourcentage important des revenus provient du tabac. Pourriez-vous donner au comité une meilleure idée de l'incidence qu'un projet de loi comme celui-ci pourrait avoir non seulement sur les producteurs, mais aussi sur les localités de cette région?

M. Menich: Avec plaisir.

Je suppose que le meilleur moyen de vous faire comprendre cela, c'est de revenir aux années 80, quand il y a eu chute des ventes et que nous avons perdu 40 p. 100 de nos producteurs. Peu importe la raison, mais c'est ce qui s'est passé et cela a créé un bouleversement socio-économique dans notre secteur. À l'issue de cette crise, on a senti le besoin de compiler, au niveau des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux, une étude d'impact économique en matière d'emplois et de ressources financières.

Beaucoup de nos membres ont participé à cette étude d'impact et je pense que c'est une étude valable qui présente un reflet fidèle de nos localités. La valeur des produits à la ferme est supérieure à 330 millions de dollars. Nous employons environ 17 000 personnes, de façon saisonnière; je crois que cela représente environ 5 800 équivalents temps plein.

Inutile de dire que les marchands et toute la collectivité vivent de cette industrie. C'est pourquoi cela nous tient tellement à coeur dès qu'une loi ou un règlement vise directement notre collectivité. Ce n'est pas seulement une question d'affaires. Ce n'est pas 90c. au lieu de 80c. ou un quelconque chiffre que quelqu'un sort de son chapeau. C'est un mode de vie. C'est une collectivité. Le dossier est chargé d'émotion.

C'est pourquoi nous sommes tellement sensibles à tout cela. Voilà ce que vous devez comprendre. Quand vous prenez des règlements dans ce domaine, vous devez en tenir compte. Si vous n'en connaissez pas l'incidence sur nos producteurs et si, par la suite, l'approvisionnement provient d'un autre pays, vous aurez vraiment raté le coche.

J'ignore si cela répond à votre question.

M. Speller: Comme vous le dites, et comme le démontre votre étude d'impact économique, les répercussions sociales sont également considérables. Par exemple, le nombre de suicides a augmenté dans la région.

Cela a un impact et il est important que le gouvernement sache quelles sont les répercussions d'une loi comme celle-ci sur les localités visées, surtout si l'on songe qu'à une autre époque, les gouvernements encourageaient la culture du tabac et encourageaient les gens à venir s'installer dans la région pour y cultiver le tabac.

Enfin, je me demande, monsieur Menich, si vous pouvez nous aider à mieux comprendre comment fonctionne le processus de réglementation. Cela semble s'insérer dans le cadre de la réglementation de la nicotine. Quel est votre cycle, comme agriculteur? En quoi cela vous toucherait-il si l'on décidait, disons, d'abaisser la quantité de nicotine, et comment cela se répercuterait-il dans le système?

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M. Szabo: Bonne question.

M. Menich: Premièrement, Deloitte & Touche a fait une étude sur les retombées économiques; si cela vous intéresse, je me ferai un plaisir de vous en faire parvenir un exemplaire. Je voulais apporter cette précision.

Quant au contenu d'un paquet de cigarettes et aux incidences que cela peut avoir sur les producteurs, à chaque fois qu'on apporte un changement du point de vue chimique qui ne correspond pas à la plante que nous produisons, si le règlement ne se conforme pas à la capacité naturelle de la plante telle qu'elle est produite, cela crée une situation où certains de nos produits ne sont plus nécessaires, tandis que d'autres le sont toujours. Autrement dit, prenons une plante de tabac; dans le bas de la plante, il y a moins de nicotine qu'au sommet. Donc, quand vous faites un changement, le résultat net est que vous venez de me couper une partie de ma plante en m'empêchant de m'en servir.

Voilà l'incidence directe. J'ignore si c'est cela qu'il vous faut pour bien comprendre l'incidence que cela peut avoir sur nous, mais cela revient à cela. À chaque fois que vous faites un changement, nous sommes directement touchés. N'oubliez pas que le consommateur n'est pas nécessairement d'accord avec vous et que s'il n'est pas d'accord, il peut s'adresser ailleurs.

Le président: Le député de Vancouver-Sud, M. Dhaliwal, a le dernier mot.

M. Dhaliwal: Je ne connais pas grand-chose à la culture du tabac, même si je viens d'une collectivité agricole, en ce sens que ma famille s'est occupée d'agriculture pendant des générations. Dans le secteur de la culture du tabac, produisez-vous plus de tabac qu'il y a cinq ou dix ans, ou moins? La production a-t-elle baissé?

M. Menich: Vous voulez dire personnellement, ou pour l'ensemble du secteur?

M. Dhaliwal: La production totale.

M. Menich: La production totale est assez stable à l'heure actuelle. Vous devez garder à l'esprit que nous exportons une partie de notre production.

M. Dhaliwal: Quelle proportion est exportée par opposition à la consommation intérieure?

M. Menich: Cela dépend de l'intensité de la contrebande. Dans l'ensemble, la consommation intérieure représente environ 60 p. 100 de notre production.

M. Dhaliwal: Par conséquent, la contrebande ne vous touchait pas beaucoup. Je crois savoir que beaucoup de cigarettes étaient fabriquées ici de toute façon, entreposées et ensuite rapportées ici. Ce n'était donc pas un important problème pour votre secteur, n'est-ce pas?

M. Menich: Je crois avoir dit que nos exportations ont augmenté.

M. Dhaliwal: Mais si j'ai bien entendu ce que vous avez dit, et vous me reprendrez si je me trompe, vous avez dit que la contrebande vous touche parce que cela diminue vos ventes sur le marché intérieur. Des témoins nous ont dit que les cigarettes vendues en contrebande étaient fabriquées ici, de sorte que votre producteur fournissait toujours la matière première. Le produit était envoyé aux États-Unis, entreposé là-bas, et ensuite rapporté ici. De sorte que cela n'a pas vraiment touché l'industrie, n'est-ce pas?

M. Menich: Vous devez comprendre qu'il y a un système de prix à deux niveaux. On touche à peu près un dollar de moins à l'exportation. C'est lourd de conséquences.

M. Dhaliwal: Je vois.

De façon générale, le gouvernement est manifestement déterminé à réduire le nombre des fumeurs, à réduire le tabagisme. Si le gouvernement réussit dans cette entreprise, ne serait-il pas dans l'intérêt de vos producteurs de trouver d'autres produits, à long terme, au lieu de continuer à cultiver le tabac? Est-ce une option possible pour vos producteurs, à votre avis?

M. Menich: J'estime qu'il faut s'occuper de l'éducation des jeunes pour qu'ils prennent conscience des styles de vie. Une fois que l'on devient adulte, on doit faire face à des choix concernant le style de vie. Si le consommateur décide qu'il ne veut pas fumer, c'est son choix et je le respecte.

M. Dhaliwal: Mais il y a des préoccupations en matière de santé qui ont été mentionnées par le ministre... Votre industrie ne prévoit pas de réduire la production de tabac ni de participer aux efforts pour réduire le nombre de fumeurs.

M. Menich: À vrai dire, c'est le consommateur qui décide. C'est le consommateur qui décide quel sera le volume, et pas les cultivateurs ni le gouvernement. Je pense que vous avez appris, malheureusement, que le consommateur va trouver une autre façon d'obtenir son produit. On a tendance à l'oublier. On sous-estime l'importance du consommateur.

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M. Dhaliwal: Vous pensez donc qu'à long terme nous n'allons pas réussir à réduire le nombre de fumeurs grâce à nos politiques, est-ce bien cela?

M. Menich: Vous avez beaucoup de chemin à faire. L'essentiel, c'est l'éducation.

M. Dhaliwal: Très bien. Merci.

Le président: Merci, Harb Dhaliwal.

Je voudrais remercier nos témoins de la Commission ontarienne de commercialisation du tabac jaune. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus avec si peu d'avis.

Je voudrais vous dire, à vous et à d'autres, que si vous voulez ajouter ou rectifier quelque chose, vous pouvez toujours nous envoyer un document par télécopie car comme vous le savez, nous allons terminer nos séances tard lundi. N'hésitez pas à envoyer quelque chose au greffier par écrit, il n'a absolument rien à faire ces jours-ci.

Des voix: Ah, ah!

Le président: C'est un homme très occupé. Je voudrais souligner le rôle joué par le greffier et nos recherchistes pour nous faciliter la tâche. Ils ont travaillé très fort aujourd'hui et il leur reste encore quelques grosses journées de travail.

Je voudrais informer les membres du comité que nous allons nous réunir dans la même salle de 10 heures à environ 18 heures lundi. La salle étant réservée pour d'autres activités lundi soir, nous allons siéger dans la salle 112n pour l'examen article par article. Nous allons prévoir un service de restauration et nous allons siéger sans pause. Nous n'allons pas lever la séance pour le repas du midi et le repas du soir. Veuillez en tenir compte.

Si vous devez être absent pour une période prolongée, auriez-vous l'obligeance de vous faire remplacer pendant vos absences?

La séance est levée jusqu'à lundi 10 heures.

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