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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 octobre 1996

.0939

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous souhaitons la bienvenue à André Juneau et à ses collègues du ministère de la Santé.

Monsieur Juneau, pourriez-vous nous présenter les membres de votre équipe? J'espère que vous avez une déclaration très brève, car nous avons des questions vraiment corsées à vous poser ce matin.

M. André Juneau (sous-ministre adjoint, Direction générale des politiques et de la consultation, ministère de la Santé): Merci, monsieur le président. Je connais les règles du comité.

Mes collègues sont Diane Jacovella, gestionnaire au Bureau de l'alcool, des drogues et des questions de dépendance, à la Direction générale de la promotion et des programmes de la santé, et Bruce Rowsell, directeur du Bureau des drogues dangereuses, à la Direction générale de la protection de la santé.

.0940

Je vous dirai brièvement ce que nous pensons des questions dont est saisi votre comité, puis je laisserai mes collègues traiter de certaines d'entre elles plus en détail.

Tout d'abord, mesdames et messieurs, je vous remercie au nom du ministre Dingwall de nous avoir invités à comparaître pour prendre part à votre examen des politiques sur le mauvais usage et l'abus de drogue.

[Français]

Pendant cette présentation, Santé Canada va tenter de vous donner un aperçu de la question au Canada. Ce faisant, nous allons couvrir les questions suivantes: premièrement, pourquoi une approche fondée sur la santé des populations est une bonne chose et comment elle fonctionne; deuxièmement, un survol des politiques et des programmes du Canada dans ce domaine;

[Traduction]

et nous conclurons par un survol du nouveau projet de loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Je sais que nombre d'entre vous ont déjà entendu parler de l'approche axée sur la santé de la population, mais j'espère que mon exposé vous fournira néanmoins certains éléments nouveaux. Comme il est important de partir du bon pied, la meilleure façon de planter le décor, c'est de mettre l'accent sur la nécessité d'une approche axée sur la santé de la population en matière d'abus de substances.

Qu'entendons-nous par une approche axée sur la santé de la population? Laissez-moi vous lire le texte des diapositives qui vous a été distribué.

Une approche axée sur la santé de la population oriente la prise de décisions en fonction des déterminants de la santé, c'est-à-dire les facteurs qui contribuent à la santé de la population.

C'est une approche «en amont», qui vise à améliorer la santé des Canadiens et à réduire les coûts «en aval» d'un mauvais état de santé pour les personnes, les familles et le système de soins de santé.

La meilleure façon d'illustrer ce concept, c'est de vous raconter l'histoire suivante: il était une fois un homme fort épuisé qui passait ses jours et ses nuits à repêcher des gens d'une rivière. Lorsqu'on lui demanda ce qui se passait, il répondit: «Je ne sais pas. Je suis tellement occupé à sauver les gens que je n'ai pas eu le temps de découvrir qui les jetait à l'eau.»

Les travaux entrepris par le ministère de la Santé sur les questions d'abus des substances visent surtout les causes sous-jacentes à une consommation excessive qui entraîne des problèmes.

Dans une approche axée sur la santé de la population, les décisions de politique et de programme sont prises en fonction de là où les ressources ont le plus d'impact sur la santé à long terme de la population, souvent dans les premières années de vie, soit de zéro à 18 ans. Et c'est vrai pour beaucoup d'autres domaines auxquels s'est intéressé votre comité.

La stratégie antidrogue du Canada étant une initiative du gouvernement fédéral destinée à contrer la consommation abusive des substances, elle a évidemment ciblé les jeunes. Vous en entendrez d'ailleurs parler beaucoup plus au cours de la première phase de la stratégie. Nous voulons donc sensibiliser les jeunes et les informer de tous les effets nocifs que peut avoir sur leur santé la consommation abusive de certaines substances.

Au cours de la deuxième phase de la stratégie, nous avons élaboré et mis en application des approches innovatrices pour aller rejoindre les jeunes qui présentent des risques. Dans votre domaine, vous entendrez souvent parler des jeunes à risque ou des populations à risque, qui incluent les jeunes de la rue.

Parce que les déterminants de la santé englobent non seulement les habitudes et les choix personnels, mais aussi des facteurs sociaux, environnementaux et économiques tels que les conditions de travail, les réseaux de soutien social et le niveau d'instruction, une approche axée sur la santé de la population fait appel à différents partenaires dans les secteurs gouvernemental et non gouvernemental.

Une approche axée sur la santé de la population concilie l'accent actuel sur les soins et le traitement avec une insistance accrue sur la promotion de la santé et la prévention des maladies aux étapes critiques du cycle de vie, que ce soit dans les premières années de la vie, la maturité ou la vieillesse. Par exemple, dans une approche axée sur la santé de la population, il saute aux yeux que les jeunes sont considérés comme un groupe à risque élevé au point de vue de l'usage de drogues, d'alcool et de tabac. Il faudrait par conséquent orienter les programmes de prévention vers les facteurs de risque et les causes fondamentales associés à ce groupe.

Donc, de façon plus spécifique, toujours dans l'optique de la santé de la population, il faut se poser les questions fondamentales suivantes: Quelle est au Canada la tendance en matière d'utilisation abusive de substances? Comment cette tendance est-elle apparue, comment a-t-elle évolué et pourquoi? Quels aspects de cette tendance ont l'incidence la plus grande sur la santé de notre société, et particulièrement sur celle des jeunes? Les méthodes utilisées actuellement pour contrer la consommation abusive de substances réussit-elle à réduire les méfaits sur la santé?

J'ai essayé de vous expliquer de quelle façon nous abordons la question et ce que nous pensons aussi de tous les problèmes auxquels s'attaquent notre ministère et nos collègues du milieu de la santé, et j'aimerais maintenant céder la parole à Diane Jacovella, qui vous exposera les politiques et les programmes de lutte contre la drogue au Canada et parlera plus en détail de notre approche aux questions d'abus de substances.

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Mme Diane Jacovella (gestionnaire, Bureau de l'alcool, des drogues et des questions de dépendance, Direction générale de la promotion et des programmes de santé, ministère de la Santé): Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion de m'adresser au Comité permanent de la santé.

La Stratégie canadienne antidrogue est une initiative conjointe qui vise à réduire les méfaits que l'alcool et les autres drogues causent aux personnes, aux familles et aux collectivités. Les torts attribuables à l'alcool et aux autres drogues comprennent la maladie, la mortalité, des problèmes sociaux, le crime, la violence et les coûts économiques qui touchent tous les paliers de la société. Dans une étude récente du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, à laquelle Santé Canada a participé, on estime que les coûts associés au tabac, à l'alcool et aux drogues illicites, au Canada, se sont élevés à 18,45 milliards de dollars en 1992.

La réduction des méfaits est au coeur de la Stratégie, visant à réduire les effets négatifs et les risques associés à la consommation de drogues au lieu de se concentrer uniquement sur la réduction de la consommation de drogues.

La définition des drogues est large: la Stratégie déploie des efforts portant sur l'alcool, les médicaments (en vente libre et délivrés sur ordonnance), les drogues illicites, les solvants et les drogues interdites ou d'usage restreint dans les activités sportives.

L'incitation à un effort fédéral concerté pour traiter les problèmes d'alcool et d'autres drogues est apparue en 1987, en réponse aux préoccupations croissantes en Amérique du Nord face à l'augmentation des problèmes liés aux drogues. Il est devenu évident que les problèmes de drogues représentaient une menace sérieuse et à long terme pour la santé et le bien-être des Canadiens.

Le ministère de la Santé a joué un rôle directeur en regroupant d'autres ministères fédéraux et de nombreux partenaires en vue d'éduquer le public et de le sensibiliser aux problèmes liés à l'abus de drogues, d'accroître la disponibilité et l'accessibilité des traitements et des services de réadaptation, d'assurer l'application et le contrôle de la loi, de coordonner les efforts au niveau national et de participer, sur la scène internationale, à la promotion d'une approche équilibrée au problème global de la drogue.

À la fin de la première étape de la Stratégie, l'accroissement de la sensibilisation du public était évident en ce qui concerne les conséquences des problèmes de drogues. Nous avions réussi à changer les normes sociales rendant inacceptable l'alcool au volant et les programmes de prévention ont été mis en place dans les écoles à la grandeur du Canada.

Toutefois, malgré les progrès réalisés au cours des cinq années précédentes, un certain nombre de défis subsistaient. Il était clair qu'un certain nombre de groupes de la population n'étaient pas touchés par les initiatives actuelles (par exemple, les jeunes de la rue et les Autochtones vivant hors réserve) ou n'étaient pas suffisamment ciblés parce que leurs problèmes d'alcool ou d'autres drogues étaient souvent cachés (c'est le cas des femmes et des aînés).

De nouvelles drogues sont apparues, ce qui rendait le tableau plus complexe, et des questions, comme le syndrome d'alcoolisme foetal, qui nécessitaient l'étude d'un certain nombre de déterminants de la santé posaient encore des défis. Le gouvernement a donc renouvelé son engagement en fusionnant la Stratégie nationale de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies et la Stratégie nationale antidrogue en lançant en 1992 la Stratégie canadienne antidrogue.

La Stratégie visait à tirer profit de l'élan de la première étape en continuant de mettre l'accent sur la prévention, tout particulièrement auprès des jeunes. La Stratégie visait aussi à établir et à appliquer de nouvelles façons d'atteindre les personnes difficiles à rejoindre, notamment les jeunes dans la rue et les récidivistes ayant conduit en état d'ébriété. Dans le cadre de cette nouvelle approche, on reconnaissait le besoin de mettre davantage l'accent sur l'égalité d'accès au traitement approprié chez les femmes et les jeunes.

De nouveaux partenariats ont été créés en mettant davantage l'accent sur la collaboration, des consultations et des partenariats avec les administrations provinciales territoriales, des organismes bénévoles nationaux, des organisations professionnelles, des entreprises du secteur privé, des groupes communautaires, les services de police et les groupes-cibles eux-mêmes. L'agencement des partenaires assurait l'adoption d'une approche équilibrée et complète entre la réduction de l'offre et celle de la demande pour réduire les méfaits attribuables à l'alcool et aux autres drogues.

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Les initiatives de Santé Canada visent à réduire la demande - c'est-à-dire qu'elles veulent prévenir la consommation de drogues chez les personnes qui n'en consomment pas - à atténuer les dommages causés par la drogue chez les consommateurs et à traiter et à réadapter les personnes touchées par l'abus de drogues. Le ministère tente de relever ces défis en offrant un leadership national en matière d'alcool et de drogues, en menant des études sur les facteurs de risque et les causes fondamentales de la toxicomanie, en résumant et en diffusant des renseignements de pointe aux professionnels de la santé et aux groupes communautaires sur le terrain, en élaborant des programmes, des ressources et des modèles novateurs de prévention fondés sur les meilleures pratiques, en faisant la promotion des actions communautaires et en les favorisant.

Voici certaines tendances positives: la publication de l'Enquête sur l'alcool et les autres drogues au Canada, qui a indiqué une réduction de 5,4 points de pourcentage depuis 1989, pour ce qui est du pourcentage des Canadiens signalant avoir bu au cours des 12 mois précédents; une réduction du nombre moyen de consommations par semaine; et une réduction du pourcentage de Canadiens qui conduisent après avoir pris deux consommations ou plus dans l'heure précédente.

L'Étude sur le mode de vie dans la rue qui nous a informés sur les antécédents de la vie dans la rue et la détermination de stratégies de prévention prometteuses. De plus, le projet sur les femmes en milieu rural et la toxicomanie qui a aidé les collectivités de trois régions (Terre-Neuve, Québec et Saskatchewan) à déterminer les problèmes auxquels font face les femmes du milieu rural et à trouver des façons de les résoudre.

La mise en place dans l'ensemble du Canada de Partons du bon pied, un programme destiné aux parents à faible revenu et à l'élaboration de l'essai pilote d'un nouveau programme à l'intention des adultes dont les parents sont toxicomanes. L'élaboration d'un programme d'intervention et d'évaluation des risques liés à l'alcool destiné aux médecins de famille et son adoption par le Collège des médecins de famille du Canada. Enfin, l'élaboration d'une déclaration commune sur la prévention du syndrome d'alcoolisme foetal et les effets de l'alcool sur le foetus au Canada.

Santé Canada travaille avec divers partenaires en vue de prévenir les problèmes liés à l'abus d'alcool et d'autres drogues. Par le truchement du Programme de soutien communautaire de la Stratégie canadienne antidrogue, le ministère favorise les initiatives communautaires qui permettent aux collectivités de mieux traiter les questions qui les touchent. Plus de 400 projets communautaires ont été subventionnés pour traiter de questions locales d'abus d'alcool et d'autres drogues.

Le fait de s'assurer que les collectivités peuvent apprendre à partir des réussites des autres constitue un élément clé de notre rôle dans l'action communautaire. À l'étape II, le ministère a travaillé étroitement avec de nombreuses collectivités partout au Canada pour traiter des questions locales touchant les jeunes à risque en offrant une expertise, des ressources et des actions stimulantes, et en transmettant des apprentissages clés et les meilleures pratiques aux autres collectivités. Les jeunes de ces collectivités ont joué un rôle fondamental dans la planification et le déploiement des efforts locaux de même que dans l'orientation d'un comité directeur national avec des partenaires provinciaux et territoriaux.

Par l'entremise de la Direction générale des services médicaux, Santé Canada offre aussi des fonds aux collectivités autochtones pour appuyer des initiatives portant sur l'abus d'alcool et d'autres drogues, dont la prévention et le traitement d'abus de solvants, tout particulièrement chez les jeunes. Le Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones a offert aux Autochtones une approche respectueuse de la culture pour traiter de la prévention et du traitement de problèmes liés à l'alcool et aux autres drogues. Au Canada, il existe environ 50 centres de traitement du PNLAADA et plus de 700 travailleurs communautaires.

Santé Canada coordonne une initiative fédérale par le truchement d'un comité directeur de SMA composé de ministères engagés dans des programmes et des politiques liés aux drogues. Sept ministères participent à la stratégie actuelle: Santé Canada, le Solliciteur général, les ministères de la Justice et des Affaires étrangères et du Commerce international, Patrimoine canadien, Revenu national (Douanes et Accise) et Développement des ressources humaines.

Santé Canada travaille en étroite collaboration avec des organismes multilatéraux. Le ministère joue un rôle clé dans la promotion d'une approche équilibrée aux problèmes des drogues et de l'importance des initiatives de réduction de la demande. Le Canada est un membre de la Commission des stupéfiants et a présenté un certain nombre de résolutions sur la réduction de la demande qui ont été acceptées par la Commission. Santé Canada a aussi travaillé à l'élaboration d'une stratégie hémisphérique en collaboration avec la Commission interaméricaine de lutte contre l'abus des drogues de l'Organisation des États américains. Enfin, le ministère participe à deux projets internationaux sur l'abus de l'alcool et des autres drogues en collaboration avec l'Organisation mondiale de la santé, dont un portant sur les besoins des jeunes de la rue et l'autre sur les besoins des Autochtones.

Le Canada est respecté sur la scène internationale pour son approche au problème de la drogue, et est perçu comme un modèle pour son approche équilibrée, la participation de ses partenaires multisectoriels et son engagement à aider les groupes à risque élevé.

L'étape II de la Stratégie canadienne antidrogue se terminera en mars 1997. Même si nous avons réalisé certains progrès pour atteindre les groupes à risque élevé, il demeure des questions sur lesquelles nous devons nous pencher. Comme l'indique l'Enquête sur l'alcool et les autres drogues au Canada, ainsi que d'autres enquêtes nationales et provinciales, les femmes consomment plus de médicaments que les hommes, il y a augmentation de la consommation de certaines drogues, surtout chez les jeunes, et 7,7 p. 100 des consommateurs de cocaïne, de LSD, d'amphétamines, d'héroïne ou de stéroïdes indiquent s'être injectés des drogues au cours de leur vie.

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Santé Canada s'est engagé à continuer à offrir un leadership sur les questions liées à l'abus d'alcool et d'autres drogues dans le cadre de sa Stratégie sur la santé de la population. Ainsi le ministère insistera encore davantage sur les initiatives visant à empêcher les jeunes de faire usage de substances tout en répondant aux besoins des jeunes à risque élevé. Nous allons continuer à travailler en collaboration avec d'autres ministères fédéraux, les gouvernements provinciaux, des organismes non gouvernementaux, des associations professionnelles et le secteur privé. Le ministère continuera de jouer un rôle de leadership national dans la coordination et l'élaboration de nouveaux partenariats améliorés, de connaissances de pointe, dans la compilation et la diffusion des meilleures pratiques, et dans la coopération internationale.

Le président: Monsieur Rowsell.

M. Bruce Rowsell (directeur, Bureau des drogues dangereuses, Direction générale de la protection de la santé, ministère de la Santé): Merci, monsieur le président. Étant donné que le sous-comité de votre comité a consacré beaucoup de temps à l'étude du projet de loi C-8, je ne ferai que vous présenter le projet de loi dans ses grandes lignes.

L'héroïne, la cocaïne, la morphine, les amphétamines, le diazépam sont tous des substances chimiques très puissantes qui ont des usages thérapeutiques valables. On peut toutefois en user de façon abusive. Je tiens à vous rappeler que ces substances sont d'abord et avant tout, aux yeux des professionnels de la santé, des médicaments.

S'agissant de l'abus possible de ces substances, il y a un certain nombre d'années, à l'échelle internationale, les Nations Unies ont pris diverses initiatives afin d'aborder la question dans une optique mondiale et de faire en sorte de maintenir cette dimension mondiale. Autrement dit, pour s'attaquer au problème de l'abus des drogues, il fallait compter sur beaucoup de partenaires des quatre coins du monde. Il fallait éviter qu'il y ait des maillons faibles qui auraient permis de court-circuiter les mesures pour lutter contre l'abus des drogues.

C'est ainsi que la Convention unique sur les stupéfiants a été élaborée sous l'égide des Nations Unies au début des années 60. Il s'agissait de la première d'une série de conventions visant à s'attaquer à l'offre. Je tiens à bien préciser que les premiers efforts pour s'attaquer à l'abus des drogues étaient concentrés sur le resserrement de l'offre. Comme Mme Jacovella vient de l'expliquer, nous avons une approche bien plus large maintenant qui vise à réduire le tort causé par l'abus des drogues par des efforts axés à la fois sur le resserrement de l'offre et sur la réduction de la demande.

En 1971, les Nations Unies étaient d'avis qu'il fallait s'attaquer plus particulièrement aux substances qui avaient un effet plus psychotrope, d'où la Convention sur les substances psychotropes.

Enfin, dans les années 80, les Nations Unies ont élaboré la Convention sur le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes.

Le Canada est partie à ces trois conventions. Aussi, nous devons nous acquitter des obligations qui découlent de ces conventions internationales. Jusqu'au dépôt du projet de loi C-8, il y avait absence de conformité à plusieurs égards entre notre législation canadienne et nos engagements internationaux. La Loi sur les stupéfiants et les parties III et IV de la Loi sur les aliments et drogues traitaient des stupéfiants et de beaucoup des substances psychotropes. Cependant, notre législation ne s'appliquait pas dans toute la mesure voulue à des substances comme le diazépam et les benzodiazépines, ni aux précurseurs d'une drogue visée par la législation.

Permettez-moi de vous entretenir brièvement des principaux éléments du projet de loi C-8, Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cette loi aura pour effet de réglementer l'importation et l'exportation de précurseurs de substances chimiques. Ces précurseurs sont utilisés par les fabricants clandestins de drogue. Ils comprennent notamment des substances qui peuvent facilement être transformées en substances réglementées. Le projet de loi prévoit également la réglementation de la production, de la distribution, de l'importation et de l'exportation de stéroïdes anabolisants. Il s'agit là d'une conséquence de la Commission d'enquête du juge Dubin à la suite des Jeux olympiques de 1988.

Le projet de loi permet de réglementer les drogues de designer. Il s'agit de drogues qui sont élaborées par les trafiquants dans le but exprès de contourner la loi. Les drogues de designer sont des drogues légèrement modifiées qui ont le même effet pharmacologique que les drogues visées, mais qui ne tombent pas sous le coup de la loi telle qu'elle est rédigée puisqu'elles ne figurent pas comme telles aux annexes.

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La nouvelle loi comprend également des dispositions améliorées en ce qui concerne la perquisition, la saisie et la confiscation de biens utilisés pour commettre une infraction liée aux drogues. Ces dispositions supplémentaires confèrent au solliciteur général une autorité accrue en ce qui a trait aux procédures d'application et autorisent également le gouvernement à saisir des biens qui auraient pu être utilisés ou achetés grâce à l'argent obtenu de la vente de drogues.

La nouvelle loi prévoit également un régime administratif pour l'application du règlement aux professionnels de la santé. Jusqu'à maintenant la Loi sur les stupéfiants et les parties III et IV de la Loi sur les aliments et drogues ne prévoyaient pas de mécanismes administratifs convenables pour que les professionnels de la santé puissent se faire entendre et que nous puissions adopter une approche plus moderne. Dorénavant, tout le monde pourra se faire entendre, et cet élément de la loi sera soumis à un régime d'administration indépendant.

La loi accorde également des pouvoirs accrus pour ce qui est de la disposition des substances saisies et réglementées et d'application de la loi par la police et les tribunaux. Beaucoup des changements proposés visent à rationaliser la procédure judiciaire de façon que l'inculpé et les organismes chargés d'appliquer la loi puissent rationaliser le processus d'application.

En vertu des modifications proposées, une nouvelle infraction est créée pour la possession de marijuana et de hachisch en fonction de la quantité de substance que l'on possède. Ces modifications créent une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité pour la possession de moins de 30 grammes de marijuana ou de 1 gramme de hachisch et nous permettent de rationaliser le processus. Cela nous évite également d'avoir à prendre des empreintes digitales, de sorte que les dossiers ne seraient tenus qu'au niveau local et ne seraient pas introduits dans une base de données nationale.

De nouvelles infractions relatives au trafic de marijuana et de hachisch sont aussi créées en fonction de la quantité de la substance en question et elles ont pour effet de rationaliser le processus. La nouvelle loi contient aussi une disposition précisant l'objectif à atteindre dans la détermination de la peine, qui consiste plus précisément à favoriser la réinsertion sociale et le traitement dans des circonstances appropriées. Autrement dit, on encourage les tribunaux à envisager la réinsertion sociale et le traitement de préférence à l'incarcération quand les circonstances s'y prêtent.

Un des éléments clés du projet de loi est l'inclusion d'une disposition sur les circonstances aggravantes. La disposition a été élargie pour s'appliquer aux transactions qui se font dans des lieux publics normalement fréquentés par des mineurs. On avait prévu à l'origine de n'inclure que les cours d'école et les terrains adjacents, mais les amendements apportés par le comité ont fait en sorte que la disposition a été étendue à d'autres lieux que fréquentent les mineurs. Ainsi, quand il s'agit d'un délinquant trouvé coupable dans ces circonstances-là, le juge est tenu de motiver sa décision de ne pas imposer une peine d'emprisonnement.

Enfin, les modifications proposées autorisent la culture commerciale du chanvre. L'utilisation industrielle de fibres de chanvre dans la production de textiles, de produits du papier et de substituts du bois, présente des possibilités économiques. Le produit en question était englobé dans la définition de cannabis alors qu'il s'agit d'une variété à faible teneur en THC. Le produit a une certaine valeur commerciale, mais il se trouvait à tomber sous le coup de la loi puisque toutes les formes de cannabis devaient être traitées de la même façon. La modification en question nous permet d'aller de l'avant et d'élaborer une infrastructure pour la culture commerciale du chanvre.

Je crois que ce sont là les principaux éléments du projet de loi dont je voulais vous parler.

Le président: Merci.

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Je me disais, en plaisantant bien sûr, que si jamais je devais subir la peine de mort et que j'avais l'occasion de faire une courte déclaration, je voudrais que ce soit quelqu'un de Santé Canada qui vienne la faire à ma place. Vous nous avez quand même laissé une dizaine de minutes.

Nous commençons par Pauline, puis ce sera au tour de Paul.

[Français]

Mme Picard (Drummond): Monsieur le président, je voudrais laisser mon droit de parole àM. de Savoye parce qu'il a travaillé au sous-comité sur le projet de loi C-8 et a certainement des questions beaucoup plus pertinentes que les miennes.

M. de Savoye (Portneuf): Merci, Pauline. Monsieur Juneau, madame Jacovella, monsieur Rowsell, je vous souhaite la bienvenue.

Il y a environ deux ans et demi, ce comité confiait à un sous-comité, sous la direction deM. Szabo, le soin d'examiner le projet de loi C-7, qui est devenu plus tard le projet de loi C-8. Je me rappelle à l'époque avoir regretté, comme plusieurs membres du comité et du sous-comité, que le projet de loi C-7 ne considère le problème qu'en amont, c'est-à-dire au niveau du contrôle de l'offre. Nous pensions qu'il aurait surtout fallu se pencher sur le problème en aval.

Je suis très heureux que le Comité de la santé, au printemps dernier, ait jugé approprié d'enclencher le présent processus, qui se préoccupe maintenant d'éducation, de prévention, de traitement et de réhabilitation.

Monsieur Rowsell, c'est malheureux à dire, mais le comité, avec ses travaux, va essayer de vous donner moins de travail. Bien sûr, la consommation de drogue n'est pas seulement une question d'offre. Personnellement, si on m'en donnait, je n'en voudrais pas, mais pourquoi y a-t-il tant de gens qui en acceptent ou même qui en recherchent?

On parle de facteurs de risque comme l'âge, le sexe, la situation socio-économique, l'origine ethnique, la région géographique et, bien sûr, on met le doigt sur ces facteurs de risque parce qu'il y a une corrélation entre la quantité consommée par ces personnes et ces caractéristiques. Mais il faut dire que ce ne sont pas ces caractéristiques qui engendrent le besoin. Par exemple, on ne pourrait pas dire que parce qu'une personne est d'un certain sexe, elle est automatiquement portée à consommer de la drogue. Il est simplement vraisemblable que cette caractéristique génère des situations qui, elles, vont amener la personne à tenter de trouver dans la consommation de drogue un certain réconfort que, bien sûr, elle ne trouvera pas.

Madame Jacovella, vous mentionniez tantôt que vous vous préoccupiez de ces questions et vous avez même cité certains chiffres. Est-ce que votre ministère possède des données démontrant une corrélation non seulement avec les facteurs de risque mais aussi avec les causes sous-jacentes? Est-ce que vous possédez des renseignements qui pourraient aider ce comité à poser des questions plus pointues et plus éclairantes dans le cours de ses travaux de manière à ce que l'on ait une image beaucoup plus claire des véritables causes premières, directes et indirectes, qui amènent des personnes possédant certaines caractéristiques à consommer de la drogue et sur lesquelles on pourrait ensuite se pencher pour agir?

Mme Jacovella: Dans le passé, nous avons fait plusieurs études sur les facteurs de risque qui sont plus ou moins déterminants. Nous ne sommes pas complètement sûrs, mais nous avons une bonne idée de certains facteurs de risque qui amènent les gens à consommer de la drogue, spécialement chez les jeunes.

Je mentionnais l'étude sur l'implication dans la vie de la rue. Nous avons parlé à des gens qui étaient dans la rue auparavant et qui sont revenus dans le mainstream. On leur a demandé, d'une part, ce qui les avait poussés à aller dans la rue et, d'autre part, ce qui les avait aidés à reprendre une vie un peu plus stable. Nous avons donc beaucoup d'information là-dessus qui nous guide un peu pour décider des programmes de prévention qu'on pourrait mettre en place pour venir en aide à ces gens-là. Notre rapport sera bientôt terminé et devrait être distribué sous peu. Nous le ferons parvenir au comité dès qu'il sera approuvé.

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Nous avons également fait une étude, il y a à peu près un an et demi, sur ce qu'on appelle le ressort psychologique. On parle beaucoup des facteurs de risque, mais il faut aussi savoir ce qui garde les gens en santé, ce qu'on appelle en anglais resiliency. Ces documents pourraient être utiles au comité. On peut en donner une copie au greffier du comité. Je pense que ces deux documents, spécialement, pourraient vous donner une bonne idée de certains des facteurs et de ce qu'il est conseillé de faire pour les prévenir.

M. de Savoye: Est-ce que vous avez déjà une connaissance suffisante de ces documents pour nous indiquer s'il y a des éléments qui reviennent plus souvent et auxquels vous nous suggéreriez d'accorder plus d'importance ou d'attention? Est-ce que vous pouvez nous conseiller?

Mme Jacovella: Une des choses que nous avons constatées en adoptant l'approche de la santé de la population, c'est qu'il faut considérer tous les facteurs en même temps. On ne peut pas parler seulement de la consommation de drogue. Il faut aussi voir dans quel milieu les gens évoluent et quel soutien ils ont, que ce soit à la maison ou à l'école.

Nous préconisons plutôt une approche globale. Il va y avoir des programmes de prévention dans les écoles pour ceux qui n'ont pas encore commencé à consommer de la drogue. On va aussi avoir des programmes pour ceux qui utilisent la drogue. Il faut d'abord les identifier puis les aider pour qu'ils utilisent la drogue de la façon la plus sécuritaire possible. Là on parle du problème du partage des seringues. Il faut aussi aider ceux qui ont besoin de traitements en les amenant à l'hôpital. Il faut donc qu'il y ait les trois aspects, dont la prévention et le traitement.

Il faut aussi continuer les recherches, parce que même si on a beaucoup d'information maintenant, les tendances évoluent et peuvent changer. Il faut toujours être à la pointe de l'information pour savoir ce qui se passe. Il y a donc différents aspects. Il faut s'efforcer de rejoindre les jeunes qui sont à risque, mais sans oublier ceux qui n'ont pas commencé à consommer. C'est ce que nous voulons faire à l'avenir.

Il est aussi important d'impliquer les gens concernés dans la décision et la planification des programmes. Nous avons beaucoup appris cette année sur la façon dont on implique des jeunes à risque dans les programmes, ce qui est beaucoup mieux que de laisser des bureaucrates décider de ce qui est bon pour eux.

M. de Savoye: On sait qu'on fait des sondages dans de multiples domaines. Entre autres, on aime faire des sondages en politique, pour voir comment la population réagit à ceci ou à cela. Est-ce que vous avez fait des sondages auprès de la population sur les questions dont on vient de parler, de façon à ce qu'on puisse estimer le nombre de personnes qui sont en cause, la nature des problèmes auxquels elles font face, que ce soit au niveau du tabac, de l'alcool, des drogues douces ou des drogues fortes, la durée de leur problème, la manière dont elles y font face et les ressources auxquelles ils et elles ont accès présentement? Est-ce que vous avez des statistiques là-dessus?

Mme Jacovella: Oui. Une enquête nationale sur l'alcool et les autres drogues a été faite en 1994. Pour l'instant, un seul petit rapport est sorti l'an dernier, mais le rapport technique doit sortir cet automne. Ce rapport technique décrit très en détail le portrait-type des personnes qui ont le plus tendance à boire de l'alcool, des gens à risque. On dit de quelle province ils viennent, quelle langue ils parlent, leur état civil, leur sexe et leur groupe d'âge. Nous avons ainsi un portrait qui peut nous aider à mieux cibler certains de nos programmes de prévention.

M. de Savoye: Et vous allez pouvoir nous distribuer cet ouvrage?

Mme Jacovella: Oui, cet automne. Certainement.

M. de Savoye: Je pense que mon collègue voudrait partager le temps qui nous est imparti.

[Traduction]

Le président: J'invite les témoins à donner des réponses très brèves.

Paul sera le premier.

M. Szabo (Mississauga-Sud): Monsieur le président, étant donné l'heure, je voudrais déposer des questions auxquelles les témoins pourraient s'engager à répondre en temps et lieu.

Premièrement, les témoins pourraient-ils nous dire s'il faudra prendre des règlements spéciaux en ce qui concerne la culture commerciale du chanvre et s'il y aura des droits qui seront exigés, etc.? C'est une question qui a été soulevée lors de l'étude du projet de loi C-8.

Deuxièmement, je voudrais savoir quelle est la position actuelle de Santé Canada en ce qui concerne la décriminalisation de la marijuana et si le ministère envisage de recommander que la politique actuelle soit modifiée.

Troisièmement, programmes ciblés. L'Association des brasseurs du Canada indique que99 p. 100 des Canadiens savent qu'il ne faut pas prendre le volant après avoir bu, 99 p. 100 d'entre eux connaissent les effets sur la santé de... et 95 p. 100 savent qu'il ne faut pas boire pendant la grossesse. Acceptez-vous cette conclusion? Dans l'affirmative, pourquoi alors avons-nous des programmes de sensibilisation?

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Dans son dernier rapport sur la Stratégie nationale antidrogue, Santé Canada disait que69 p. 100 des Canadiens appuyaient l'apposition d'avertissement médicaux sur les contenants de boissons alcoolisées. Avez-vous des chiffres plus récents et, si vous en avez, pourriez-vous nous les communiquer et nous dire ce que vous recommandez en conséquence?

Voici une autre question...

Le président: J'ai trois autres personnes qui ont demandé la parole.

M. Szabo: Je comprends, mais je veux simplement demander...

Pourrais-je obtenir une évaluation des avertissements médicaux utilisés aux États-Unis? Avez-vous évalué l'efficacité de ces avertissements d'après le type d'étiquetage?

Enfin, pourriez-vous nous dire si, dans le cadre de votre stratégie, vous vous concentrez...? S'agit-il de sensibiliser les gens ou de modifier les comportements? Il me semble que c'est une question très importante que de savoir quel est l'objectif visé par les programmes d'éducation de Santé Canada.

Enfin, pourriez-vous répondre à la question suivante: Est-il vrai que Santé Canada a entrepris à l'interne une étude ou un examen de la Stratégie nationale antidrogue et que le rapport devrait être prêt en février 1997?

Le président: Il est 10 h 15 et nous devons entendre un autre groupe de témoins. Puis-je proposer, avec l'indulgence de M. Juneau, que les trois autres personnes qui voulaient prendre la parole posent leurs questions pour que M. Juneau puisse ensuite y répondre par écrit. Ça vous irait?

M. Juneau: Oui, monsieur.

Le président: D'accord.

[Français]

M. Dubé (Lévis): J'ai une question très courte à laquelle je n'attends pas de réponse aujourd'hui. Je voudrais parler des programmes de services axés sur des groupes en particulier. Je vais me servir d'un exemple que je connais et qui est le Centre Jean-Lapointe pour adolescents, à Québec, dont les fonds ont été coupés cette année. Est-ce une politique générale pour l'ensemble de ces centres ou est-ce un cas particulier? J'aimerais avoir ce renseignement, mais vous n'êtes pas obligés de me le donner aujourd'hui.

[Traduction]

Le président: Monsieur John Murphy.

M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Merci, monsieur le président.

Vous avez parlé dans votre rapport de votre relation avec le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies. Je me demande simplement quelle est cette relation, quelle est l'interaction entre le centre et vous et quelle sera la nature de l'interaction et de la collaboration future avec cet organisme.

Le président: Harb.

M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): J'ai deux courtes questions, monsieur le président.

Vous avez parlé de groupes en particulier. Je voudrais savoir si vous avez fait une étude pour déterminer quels sont les groupes où les toxicomanies sont les plus fréquentes et si vous avez fait des études particulières pour déterminer s'il y a un problème plus grand dans certaines régions ou parmi certains groupes ethniques relativement à l'utilisation abusive de certaines drogues. Est-il possible de faire des études de ce genre?

En guise d'observation, je vous dirai, quand je me suis rendu dans certains établissements pénitenciers, qu'on m'a dit que 75 p. 100 de tous les actes criminels étaient liés à la consommation de drogues et que nous devions être beaucoup plus hardis et utiliser des méthodes vraiment novatrices pour lutter contre les toxicomanies. Je me demande si Santé Canada a vraiment envisagé de recourir à des moyens plus hardis pour lutter contre les toxicomanies, car de toute évidence les stratégies actuelles ne sont pas efficaces. Pouvez-vous me donner de l'information à ce sujet, pour ce qui est des mesures beaucoup plus hardies et plus énergiques qui pourraient être utilisées pour lutter contre les toxicomanies? Il est évident que nous sommes en train de perdre la bataille.

Le président: Vos collègues et vous-même savez bien sûr que le comité ne fait que commencer son étude de la politique canadienne antidrogue.

Je crois que nous avons fait ce que nous devions faire ce matin. Nous avons entendu les fonctionnaires du ministère afin d'avoir une vue d'ensemble de ce que fait le ministère. Nous vous remercions pour cet aperçu, et plus particulièrement pour ce document que je tiens à signaler à l'attention des membres du comité. Il s'agit d'un document de travail. Vous voudrez peut-être l'éplucher en vue de nos réunions futures.

Monsieur Juneau, j'espère que vos réponses ne tarderont pas parce qu'elles nous aideront beaucoup. Il faut que je tienne mes attachés de recherche occupés.

Je souhaite la bienvenue au comité à Roy Cullen, député de Etobicoke-Nord, et je signale le retour de notre ancien collègue, Pierre de Savoye.

Nous allons maintenant passer au prochain groupe de témoins. Merci beaucoup.

Je tiens à signaler ici la présence de Janet Davies, avec qui j'ai travaillé lorsqu'elle était adjointe législative et moi, secrétaire parlementaire de l'Environnement. Je suis ravi de vous voir. Elle occupe maintenant un poste important à Santé Canada et j'espère qu'elle est grassement payée.

.1020

Des voix: Oh, oh!

.1021

.1024

Le président: Du calme. Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Ed Fitzpatrick, vice-président du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies.

M. Ed Fitzpatrick (membre du conseil d'administration, Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies): Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui en compagnie de mes collègues pour vous présenter le témoignage du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies.

C'est normalement notre président, M. Bill Deeks, qui devrait témoigner ici aujourd'hui, mais d'autres engagements l'empêchent malheureusement de se joindre à nous. Le conseil a estimé qu'il était important de déléguer des représentants ici pour appuyer les propos de M. Jacques LeCavalier, premier dirigeant du Centre.

.1025

Aussi bien le conseil d'administration, composé de bénévoles, que le personnel du Centre savent combien les travaux du comité permanent sont importants pour l'avenir des citoyens. Nous vous souhaitons du succès dans vos délibérations et nous espérons pouvoir y participer de façon utile et vous aider dans votre tâche.

Je vais maintenant demander à Jacques de vous présenter notre exposé.

[Français]

M. Jacques LeCavalier (président-directeur général, Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie): Merci, monsieur Fitzpatrick.

J'aimerais tout d'abord brosser très brièvement un bref historique de la politique visant la réduction de la demande dans le domaine des drogues qui a débuté, comme vous le savez, au début des années 1970, avec la Commission Le Dain. Il s'agit donc de la troisième étude sur cette importante question. L'étude qui avait été lancée auparavant par le comité permanent, en 1986-1987, avait, vous vous en souviendrez, permis le lancement de la stratégie canadienne en 1987 et avait donné lieu, en 1988, à la création du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie.

Un point est à souligner dans l'historique de ces stratégies: il faut dire que les stratégies de 1987 et 1992 ne comportent pas de but précis, ce qui va rendre l'évaluation des résultats très difficile, évidemment. La chose qu'il faut peut-être essayer de retenir pour vos travaux au cours des mois prochains, c'est qu'il faut s'efforcer de cibler les résultats de sorte que le contribuable canadien en obtienne un peu plus pour son argent.

J'ai entendu des questions sur les sondages et les tendances. Il existe, comme le disait le représentant de Santé Canada tantôt, des sondages à l'échelle canadienne sur la consommation de drogues des adultes, c'est-à-dire les Canadiens de 15 ans et plus. J'ai d'ailleurs cru bon de relever pour le comité des sondages qui ont été effectués en Ontario depuis 1977, particulièrement sur les jeunes des classes de la 7e année à la 13e année pour voir quelle est l'évolution.

Dans le cas de l'alcool, on remarque premièrement qu'il y a un recul du nombre de buveurs. On a aussi une consommation par personne qui est en baisse marquée depuis le début des années 1970. Par contre, vous remarquerez sur le graphique qu'on vous présente que la tendance à la baisse des jeunes buveurs qu'on a vue au cours de la fin des années 1970 et début des années 1980 s'est terminée en 1994-1995.

Même au moment où le nombre de jeunes buveurs diminuait au cours des années 1980 et 1990, le nombre d'épisodes de forte consommation des jeunes, c'est-à-dire cinq consommations ou plus par épisode, augmentait sans cesse.

Jetons maintenant un coup d'oeil du côté du tabac. D'abord, on constate, tout comme pour l'alcool, une baisse constante du nombre d'adultes qui consomment des cigarettes. Les jeunes fumeurs, par contre, depuis 1991, en Ontario encore une fois, sont à la hausse. La tendance dans le cas du tabac semble plus marquée que dans le cas de l'alcool. On remarque aussi actuellement un phénomène différent des années 1970 et 1980.

[Traduction]

Le président: Y a-t-il une raison particulière pour laquelle les chiffres ne portent que sur l'Ontario?

[Français]

M. LeCavalier: Je vais expliquer cela en anglais.

[Traduction]

C'est parce que les sondages nationaux sur la question s'adressent aux adultes, les 15 ans et plus, tandis qu'en Ontario les chiffres portaient surtout sur les élèves de la 7e à la 13e années. Malheureusement, nous n'avons pas de chiffres comparables pour l'ensemble du pays, mais je pourrais vous donner un complément d'information à la fin de l'exposé, si vous le voulez.

[Français]

Je faisais allusion au fait que, contrairement aux tendances précédentes, on ne peut pas faire de distinction entre la consommation des étudiantes et celle des étudiants, alors que dans les années 1970, évidemment, les jeunes mâles fumaient beaucoup plus que les dames.

En ce qui concerne le cannabis, on a constaté dans les dernières années une hausse du nombre d'usagers. Il y a eu une période creuse entre 1991 et 1993.

.1030

En 1989, la proportion de consommateurs de cannabis au Canada était d'environ 6,5 p. 100. Elle est passée à 4,2 p. 100 en 1993, mais a remonté jusqu'à 7,4 p. 100 en 1994. On constate également chez les jeunes une augmentation de la consommation du cannabis très significative. En fait, la consommation a doublé depuis 1991 en Ontario. Ces tendances à la hausse pour le cannabis chez les jeunes se retrouvent pour l'héroïne, la métamphétamine, le LSD et la cocaïne.

Ces tendances sont d'ailleurs analogues à celles des États-Unis où, depuis 1991-1992, les jeunes consomment de plus en plus de cannabis et d'autres drogues. Je voudrais vous faire remarquer également que certains sondages qui vont être publiés bientôt dans d'autres provinces, comme en Nouvelle-Écosse dans quelques semaines, vont démontrer la même tendance.

Passons maintenant aux aspects internationaux et aux réactions internationales vis-à-vis du phénomène de l'abus des drogues. On constate d'abord une croissance marquée de l'abus des drogues à l'échelle internationale depuis la globalisation des marchés, la venue du libre-échange et le démantèlement de l'Union soviétique. On remarque également une augmentation du crime organisé qui profite de ce libre-échange pour trafiquer les drogues et blanchir les produits de la criminalité.

Une nouvelle tendance à l'échelle internationale qu'on n'a peut-être pas vue jusqu'ici au Canada, c'est l'utilisation de stimulants synthétiques comme le MDMA, en anglais Ecstasy, qui, dans certains pays d'Asie et d'Europe, est devenue aussi courante que l'utilisation du cannabis. D'ailleurs, les Nations unies sont si inquiètes de la situation qu'elles m'ont demandé récemment d'essayer de présenter des options de contrôle de ces substances dans une rencontre internationale qui doit avoir lieu bientôt, à la fin novembre.

Aux États-Unis, vous avez sûrement vu le lancement du programme de 10 ans du président Clinton pour lutter contre l'abus des drogues et un engagement de 15,3 milliards de dollars par année. Enfin, lorsqu'on regarde à l'échelle internationale, les drogues demeurent un sujet de priorité pour l'ONU, tant et si bien qu'en juin 1998, l'Assemblée générale de l'ONU tiendra une session extraordinaire pour trancher cette question des drogues.

Revenons maintenant au Canada. Je vais passer à l'autre langue officielle.

[Traduction]

En 1995, le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies a entrepris une vaste étude sur le coût social et économique de ce fléau. Nous avons d'abord tenté de mesurer le tort causé par la consommation d'alcool, de tabac et d'autres drogues.

On a d'abord constaté qu'en 1992, 6 700 décès étaient directement attribuables à l'alcool. Dans le cas du tabac et de la drogue, les chiffres étaient respectivement de 33 498 et de 735. Je signale que dans le cas de l'alcool et de la drogue, il s'agit de jeunes gens, tandis que pour le tabac, il s'agit de personnes plus âgées. Au total, ces chiffres représentent 10 p. 100 des jours d'hospitalisation au Canada.

Il faut aussi savoir qu'en 1992, comme l'indiquait la diapositive précédente, la consommation était à son plus bas. C'est donc dire que les chiffres de 1992 sont très optimistes.

Ces coûts représentent 2,7 p. 100 du produit intérieur brut, tous produits confondus, répartis ainsi: 9,6 milliards pour le tabac, 1,4 milliard pour la drogue et 7,5 milliards pour l'alcool, pour un total de 18,45 milliards de dollars. Je rappelle au comité que cette année-là la consommation avait plachonné.

.1035

Je vous rappelle également que certains facteurs n'ont pas pu être mesurés. Je vais vous donner deux exemples, à commencer par l'abus des médicaments. Ce chiffre n'en tient pas du tout compte en raison du fait qu'il est très malaisé d'établir la démarcation entre la consommation à bon escient et l'abus. Deuxièmement...quelqu'un a posé une question tout à l'heure à propos de la criminalité. Nous savons que les cocaïnomanes et les héroïnomanes volent pour pouvoir s'approvisionner, mais nous ignorons l'ampleur du phénomène. Il a donc fallu l'écarter au complet. Il s'agit donc là d'un chiffre extrêmement prudent.

J'aimerais ajouter un autre élément pour mettre les choses en perspective. En 1992, ces drogues ont coûté 18,5 milliards de dollars aux Canadiens. Le gouvernement fédéral touche plus de4 milliards de dollars en droits de douane et taxes d'accise, sans parler de la saisie des produits de la criminalité. Nous supposons qu'une très petite partie de ces 4 milliards de dollars sont réinvestis en programmes et en politiques de lutte contre les toxicomanies.

Examinons un instant les Questions et les opportunités. La première question qu'il faut poser est la suivante. Politique antidrogue: Sommes-nous à l'heure? J'ai entendu des questions à ce propos il y a quelques instants. Faut-il légaliser?

Pour y répondre, il faut d'abord se demander si notre société a vraiment besoin d'un plus grand nombre de drogues. Les ravages de l'alcool et du tabac ne suffisent-ils pas? En revanche, il est bien évident que l'incarcération des toxicomanes n'est ni rentable, ni efficace.

Il y a moyen de faire mieux. Des travaux de recherche conduits aux États-Unis montrent que chaque dollar consacré au traitement permet d'économiser entre 7 et 10 $ en coûts sociaux. Cette illustration des investissements dans la prévention et le traitement montre que jamais la répression ne sera aussi productive que l'information, la prévention, le traitement et la réhabilitation.

Deuxièmement, je crois qu'il faut mettre l'accent sur les jeunes et les plus vulnérables. J'ai été très heureux d'entendre le représentant de Santé Canada dire que ce sont deux groupes-cibles. C'est l'intervention auprès des jeunes avant qu'ils ne commencent à consommer de la drogue qui est la plus importante. Je pense aussi aux parents, et au milieu dans lequel grandissent les enfants, à la famille, à l'école, aux compagnons.

Il faut aussi un continuum d'interventions rentables. Il n'y a aucune solution universelle. Il n'y a pas de solution magique en matière de traitement ou de prévention. Il faut un ensemble d'interventions adaptées à la clientèle et non une clientèle qui doit s'adapter aux programmes.

Il est particulièrement important pour le gouvernement fédéral, en période d'austérité, de fonder ses décisions sur des faits, des travaux de recherche et sur des formules gagnantes.

Enfin, il est tout aussi important de susciter la participation du secteur privé et de la collectivité.

Je n'ai pas besoin de vous dire quel est le rôle du gouvernement fédéral, mais je vais en parler brièvement. Essentiellement, il s'agit de politiques: législation et fiscalité; programmes à frais partagés, action policière et contrôle. Évidemment, cela continuera. Mais lorsque les ressources se font rares, il faut investir dans le développement et la diffusion des connaissances, s'assurer que l'information existe et est disséminée. J'insiste sur l'importance du soutien accordé aux réseaux des principaux interlocuteurs dans le domaine pour qu'ils aient accès à cette information et puissent la communiquer. J'insiste enfin sur l'importance du leadership et de la coordination pour faire en sorte que ce qui existe dans une province soit mis à la disposition des autres de façon rentable.

.1040

Mesdames et messieurs, le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies est prêt à créer et diffuser de l'information sur la nature, la portée, les conséquences et les coûts de la toxicomanie au Canada ainsi que sur la nature et les effets de l'intervention du pays. Ce qui marche, ce qui ne marche pas et auprès de qui. Nous le faisons depuis des années et nous sommes prêts à continuer.

Comme nous l'avons déjà fait, nous sommes prêts à créer et soutenir des réseaux multisectoriels capables d'intervenir de façon rentable et d'échanger de l'information. Nous sommes également prêts à continuer à conseiller le gouvernement et à aider à la coordination des activités.

Pour conclure, monsieur le président, sachez que le CCLAT est capable d'apporter cette contribution et tient à le faire, mais nous, tout comme le reste de la population, avons besoin du leadership du gouvernement fédéral. Nous avons notamment besoin de l'engagement à long terme du gouvernement fédéral. Ce n'est pas un problème que nous pourrons résoudre en l'espace d'une génération et c'est pourquoi il nous faut un engagement à long terme.

J'aimerais laisser la parole à M. Fitzpatrick pour le mot de la fin.

M. Fitzpatrick: Merci, Jacques.

Mesdames et messieurs les députés, vous avez pu constater, je crois, l'importance que revêtent ces chiffres sur la consommation de la drogue au Canada ainsi que le rôle du CCLAT. Comme Jacques l'a dit, la situation en Nouvelle-Écosse est semblable à ce qui existe ici en Ontario.

Notre rapport est publié tous les cinq ans. Cette année, il englobera toutes les provinces de la région de l'Atlantique. Il sera publié en novembre pour coïncider avec la semaine de sensibilisation aux drogues. La description de la situation en Ontario que j'ai entendue ce matin coïncide avec ce que je sais du contenu du rapport.

Je n'ai pas pu me renseigner personnellement sur la situation dans les autres provinces de l'Atlantique, mais d'après ce que j'ai entendu hier à Halifax, je suis convaincu que la situation sera la même là-bas. Je ne pense donc pas, malheureusement... Depuis 30 ans, je travaille dans le domaine des toxicomanies. J'ai été un des administrateurs de la Commission de la Nouvelle-Écosse sur la toxicomanie.

J'ai assisté à la création des programmes au Canada et en particulier dans la province de la Nouvelle-Écosse et j'ai été très heureux de collaborer avec M. Murphy dans certains d'entre eux pendant toutes ces années. Il sait combien ce travail me tient à coeur. Tout ce que je peux dire à propos de la consommation de drogues aujourd'hui au Canada, c'est que j'aurais préféré entendre autre chose que ce que j'ai entendu ici aujourd'hui.

Le président: Merci.

Pauline, d'abord à vous, puis Roy.

[Français]

Mme Picard: Monsieur le président, j'ai deux petites questions, et j'aimerais partager mon temps avec M. de Savoye.

Monsieur LeCavalier, vous nous avez donné des statistiques. Vous nous dites que, depuis les deux dernières années, il y a une baisse de la consommation d'alcool chez les adultes, mais que bizarrement, il y a une hausse de la consommation chez les jeunes. Il y a aussi une augmentation de la consommation de cigarettes et de drogues illicites comme le cannabis chez les jeunes. Est-ce que vous avez fait des recherches pour savoir pourquoi cette consommation avait baissé chez les adultes et augmenté chez les jeunes? Quels sont les facteurs?

Deuxièmement, si vous étiez à la place du comité, de quelle façon orienteriez-vous l'étude qu'on s'apprête à faire actuellement?

M. LeCavalier: Merci, madame Picard.

Premièrement, il y a toujours un décalage entre la prévalence générale du phénomène et son augmentation chez les jeunes. On peut donc s'attendre à ce que la courbe soit en baisse pour les adultes, mais quand les jeunes deviendront adultes, il y aura une augmentation si la tendance se maintient.

.1045

Vous me demandez pourquoi la consommation augmente chez les jeunes. C'est une très bonne question. Il y a plusieurs facteurs qui peuvent être mis en cause bien qu'on ne puisse pas déterminer lequel de ces facteurs est prépondérant.

Premièrement, les jeunes qui consomment de la drogue aujourd'hui sont le plus souvent les enfants de ceux qui en utilisaient dans les années 1960 et 1970. On a eu le boom d'après-guerre, et maintenant on a les enfants du boom d'après-guerre. Cela peut être considéré comme un facteur.

Deuxièmement, dans la stratégie canadienne antidrogue qui a été lancée en 1992, dans la phase 2, on a mis l'accent sur les groupes à très haut risque, comme les jeunes de la rue, etc., mais on a peut-être oublié la nouvelle génération. Là je ne pointe personne du doigt parce que je faisais partie du groupe qui préconisait cette stratégie.

Les drogues, c'est un peu comme un programme de vaccination. On ne songerait pas à diminuer le programme de vaccination parce que l'incidence de la maladie diminue. À chaque génération, il faut refaire le travail et donner aux jeunes la force nécessaire pour faire les bons choix.

Troisièmement, à l'échelle de notre collectivité au Canada, on s'aperçoit que, dans plusieurs provinces, au cours des années 1990, 1991, 1992 et 1993, les commissions provinciales qui étaient spécialisées en toxicomanie ont disparu. Il y en a six qui ont disparu au cours de cette période-là, de sorte que les programmes d'intervention sont aujourd'hui très fragmentés. Voilà déjà au moins trois explications possibles pour répondre à votre question.

Il y avait une autre question, mais je crois l'avoir oubliée.

Mme Picard: Si vous étiez à la place des membres du comité, sur quoi orienteriez-vous votre étude?

M. LeCavalier: Sur les jeunes, sans hésiter. Les jeunes d'abord. Ensuite, j'essaierais de miser sur la création de connaissances qui feront en sorte que nos interventions seront plus efficaces et de poursuivre ces activités-là au cours des ans. Je ne peux pas vous donner une réponse plus simple.

Mme Picard: D'accord. Merci beaucoup.

M. de Savoye: Monsieur le président, je partage le temps de madame. Combien de temps me reste-t-il?

[Traduction]

Le président: Ce n'est pas vraiment nécessaire. Nous allons donner la parole à Roy puis revenir à vous, ça va?

[Français]

M. de Savoye: Parfait, merci.

[Traduction]

M. Cullen (Etobicoke-Nord): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie de me laisser poser une question et de dire quelques mots. Je serai bref.

Vous avez parlé d'une étude réalisée récemment par le centre au sujet du coût socio-économique de la toxicomanie, que vous avez évalué à 2,7 p. 100 du PIB. Cela signifie plusieurs choses pour le milieu de travail et notre compétitivité à l'échelle mondiale. Pour moi, il y a place pour beaucoup d'améliorations dans ce secteur.

J'ai lu certains chiffres. Sur le court terme, certains sont un peu plus encourageants, mais comme vous l'avez dit, ce n'est peut-être qu'un fait isolé. Pour ce qui est du nombre de jeunes en Ontario, je voudrais bien rejeter le blâme de la situation sur le gouvernement Harris, mais je ne suis pas sûr que ce soit si simple.

Je suis au courant du travail que fait le CCLAT et certains de ses membres. J'aimerais queMM. Fitzpatrick et LeCavalier nous parlent un peu de la situation du Centre. Je crois savoir que certaines décisions importantes doivent être prises prochainement. Le financement du Centre est en suspens et le conseil d'administration est dans une situation difficile. Nous avons ici une mine de renseignements que nous ne voulons pas perdre.

Pourriez-vous nous dire quelle est la situation financière du Centre?

M. Fitzpatrick: Merci, monsieur Cullen.

Malheureusement, il est question de fermer le Centre le 31 mars 1997. Le conseil d'administration est à la recherche de signes en faveur de la poursuite de son activité.

Comme membre du conseil d'administration, il m'est très difficile de ne pas intervenir. J'y siège à titre de bénévole, mais je m'inquiète pour le personnel. Vous avez mis le doigt sur un problème très délicat. Si nous perdons notre personnel, c'est toutes leurs connaissances que... Il faut pouvoir compter sur nos employés pour assurer le maintien d'une magnifique base de données pour l'ensemble du pays. Je peux vous assurer que nous nous en servons en Nouvelle-Écosse.

.1050

Oui, nous sommes inquiets.

Jacques, avez-vous quelque chose à ajouter, à propos du budget?

M. LeCavalier: J'ajouterai seulement le point de vue du comptable. Ed a très bien parlé des autres aspects.

Lorsque le Centre a été créé en 1988, le gouvernement s'est engagé à le financer à raison de2 millions de dollars par année, en l'invitant à obtenir d'autres sources de financement. Au fil des années, cette subvention a été réduite à 1,4 million de dollars, et l'année dernière elle a été réduite de moitié et s'établit maintenant à 750 000 $. Cela a évidemment des conséquences importantes pour nos activités.

Par ailleurs, on nous a prévenus que la Stratégie allait disparaître en mars 1997 et qu'il n'y aurait plus d'engagements financiers au-delà du 1er avril. M. Fitzpatrick a donc tout à fait raison de parler de fermeture à ce moment-là et de la difficulté de conserver notre effectif très compétent.

Nous nous inquiétons aussi du fait que les délibérations du comité sont censées se poursuivre jusqu'en juin 1997. Il est évident que d'ici au moins de mars, la situation risque d'avoir beaucoup changé.

Le président: Pierre.

[Français]

M. de Savoye: Ce que j'apprécie dans le nom de votre organisme, c'est qu'il cible bien les enjeux. Vous n'êtes pas le Centre canadien de lutte contre les alcooliques et les toxicomanes, mais contre l'alcoolisme et la toxicomanie. J'ai toujours eu plaisir, d'ailleurs, à lire la documentation que vous publiez.

Vous mentionniez tantôt que l'absence de but précis et mesurable rend difficile l'évaluation des résultats. Je retiens de ce commentaire que le comité devrait peut-être, à l'issue de ses travaux au mois de juin, mettre le doigt sur les résultats à atteindre. Les buts se trouveraient ainsi définis.

Cela dit, vous avez présenté tantôt au moyen de graphiques les variations dans l'alcoolisme, le tabagisme et l'utilisation de drogues illicites. Vous avez aussi indiqué qu'il y avait peut-être des pistes d'explication pour ces variations. C'est là que je m'aperçois qu'on ne peut pas se contenter de pistes d'explication. Il faudrait vraiment mettre le doigt sur la relation entre les courbes que vous nous avez présentées et les causes sous-jacentes. Par exemple, ne serait-il pas possible que la décroissance de la consommation de drogue, d'alcool et de tabac vienne plutôt du fait que la population vieillit? Finalement, l'accroissement qui se remarque dans le dernier mille est peut-être dû à des causes particulières que l'on vit dans le contexte économique, même si vous dites que ça se présente également à l'échelle mondiale. Il peut être aisé de prétendre que certaines causes peuvent expliquer la situation, mais il est beaucoup plus compliqué de démontrer qu'il y a une corrélation valide, crédible entre des causes et des effets. Est-ce que vous avez fait quelque étude ou est-ce que vous connaissez quelque organisme qui ait fait quelque étude plus poussée, plus pointue pour trouver des corrélations?

[Traduction]

Le président: Veuillez être bref.

[Français]

M. LeCavalier: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Ou envoyez votre réponse par la poste.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

M. LeCavalier: On pourrait répondre par écrit effectivement. Oui, il y a plusieurs organismes qui font de la recherche à ce sujet. Pour répondre à votre question, les causes de l'abus des drogues sont de trois sortes: il y a les causes reliées à l'individu, c'est-à-dire les facteurs de risque, il y a les causes reliées au milieu dans lequel l'individu vit, et il y a les causes reliées à la substance. En-dessous de chacun de ces titres, il y a énormément de causes qui varient d'une personne à l'autre. C'est pourquoi il est difficile de dire que telle chose est la cause principale ou qu'il y a un lien de cause à effet. Soyez assuré que tant que ce genre de recherche se fera dans le monde, on va essayer de mettre la main dessus et que tant que le gouvernement fédéral acceptera de nous subventionner, nous allons continuer ces recherches.

.1055

[Traduction]

Le président: Un autre comité doit se réunir ici dans quelques instants. Nous n'avons plus qu'une minute ou deux.

Paul.

M. Szabo: Je voudrais que le CCLAT réponde à certaines questions.

Premièrement, êtes-vous toujours en faveur des étiquettes de mise en garde contre les risques pour la santé. Dans l'affirmative, pourquoi?

Deuxièmement, vous dites dans vos documents que les étiquettes doivent faire partie d'une stratégie globale à l'intention des femmes enceintes. Cela semble laisser entendre qu'on ne s'occupe pas actuellement de la situation des femmes enceintes. Comment se fait-il que nous savons qu'il y a un problème et qu'on n'arrive pas à le corriger?

Troisièmement, avez-vous évalué les résultats du programme d'étiquetage aux États-Unis?

Ma question la plus importante porte sur l'éducation. D'après les chiffres sur l'alcoolisme, il semble que les mentalités ont changé surtout à cause de la pression sociale et des programmes à l'intention de la population en général. Si c'est le cas, pourquoi êtes-vous en faveur d'une programmation ciblée?

Cinquièmement, l'année dernière, en 1995, vous avez dit qu'il y a eu 43 000 décès attribuables à l'abus d'alcool. Cette année, vous en signalez 6 700. Comment expliquez-vous cet écart?

Le Forum canado-américain sur la santé des femmes a déclaré que la moitié des cas de violence conjugale sont provoqués par l'alcool, ce qui coûte 4,2 milliards de dollars au Canada par année. Pourquoi ce chiffre de 4,2 milliards ne figure-t-il pas dans votre calcul du coût de l'alcool?

Enfin, le syndrome de l'alcoolisme foetal, quelque chose qui vous inquiète beaucoup et qui cause 5 p. 100 de malformations congénitales coûterait aux Canadiens - on vérifiera auprès de Santé Canada - 2,7 milliards de dollars par année. Pourquoi n'incluez-vous pas ce coût dans vos chiffres sur l'alcoolisme?

Le président: Jacques, peut-être pourriez-vous noter ces questions et nous répondre par écrit.

John, rapidement.

M. Murphy: Je vais ajouter à ce que Roy a dit à propos du maintien du financement du Centre. Je suis au courant du bon travail effectué par le Centre, et j'ai moi aussi assisté à la réduction de son budget. Je pense que le gouvernement fédéral devrait continuer de faire preuve de leadership et maintenir son financement.

L'autre chose dont je voulais parler, et vous pourrez me répondre plus tard, ce sont les partenariats avec les provinces et le secteur privé et les fonds qui ont pu être réunis de cette façon.

Le président: Je remercie Harb de céder son tour.

Je remercie les témoins du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies. Je vous remercie de ces renseignements. Nous communiquerons avec vous, j'en suis sûr, au fur et à mesure de nos travaux.

La séance est levée.

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