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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 10 décembre 1996

.1537

[Français]

Le vice-coprésident (M. Serré): Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je déclare ouverte la séance du comité.

Conformément à l'alinéa 108(4)b) du Règlement, nous étudions l'application de la Loi sur les langues officielles dans la région de la Capitale nationale.

Je vous souhaite la bienvenue. Notre document est enfin arrivé. Aujourd'hui, nous avons le privilège de recevoir trois différents groupes, dont l'honorable Lloyd Francis, ancien député et ancien Président de la Chambre. Nous sommes heureux de vous recevoir à notre comité, monsieur Francis.

Nous recevons aussi le mouvement Impératif français

[Traduction]

et nous accueillons des représentants d'Alliance Outaouais.

[Français]

Je vous demanderais d'observer les dix minutes réglementaires pour faire vos commentaires afin de permettre aux membres du comité de vous poser quelques questions. Nous avons exceptionnellement étiré notre horaire pour vous permettre de faire votre présentation aujourd'hui, étant donné votre vaste expérience dans le domaine.

Monsieur Allmand.

[Traduction]

M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): J'invoque le Règlement. Monsieur le président, lors de la réunion à laquelle comparaissaient les représentants du ministère des Travaux publics et de la Commission de la Capitale nationale - c'est la première réunion que nous avons consacrée à ce sujet - , j'avais demandé qu'on nous fournisse un exemplaire de leurs baux. J'avais également demandé que ceux-ci soient distribués à tous les membres du comité. Je n'ai encore rien reçu.

Le vice-coprésident (M. Serré): Je crois que ces documents ont été distribués la semaine dernière.

M. Allmand: Peut-être l'a-t-on fait lors de la réunion du comité, mais certains d'entre nous n'y étaient pas. Peut-on les envoyer à notre bureau?

Le vice-coprésident (M. Serré): Certainement. Ce sera fait.

M. Allmand: Je vous remercie.

Le vice-coprésident (M. Serré): Je vous remercie beaucoup, monsieur Allmand.

Sans plus tarder, j'invite M. Francis à faire sa déclaration préliminaire.

[Français]

L'honorable Lloyd Francis (témoigne à titre personnel): Messieurs les députés, messieurs les sénateurs, c'est toujours un plaisir de revenir ici sur la Colline du Parlement pour rencontrer d'anciens collègues et d'anciens amis. Ma langue de travail est l'anglais. Mes documents sont dans les deux langues officielles, mais je vais vous parler en anglais.

[Traduction]

Je cite le compte rendu des délibérations de la deuxième séance de la Conférence constitutionnelle tenue à Ottawa du 10 au 12 février 1969. Je me suis d'abord reporté aux coupures de presse, et j'ai vu qu'on y parlait d'un communiqué que je n'ai pas pu trouver. J'ai cependant obtenu du Bureau du Conseil privé le compte rendu des délibérations officielles dont j'aimerais vous citer quelques extraits.

.1540

M. Trudeau dit:

Il existe depuis un an un comité tripartite. Nous avons réalisé de grands progrès, au niveau des deux gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral. Il faudrait cependant, maintenant, que toutes les provinces canadiennes soient mises en cause d'une façon ou d'une autre, comme, d'ailleurs, devraient être mises en cause les populations des régions de Hull et d'Ottawa. Il serait peut-être bon de passer d'abord à cette question.

M. Trudeau poursuit ensuite:

Voici la résolution qu'il a ensuite lue:

1. La Conférence constitutionnelle est convenue que les villes d'Ottawa et de Hull constituent le coeur de la région de la capitale nationale.

2. Qu'aucun changement ne doit être apporté aux limites des provinces pas plus qu'aux attributions des gouvernements en cause.

3. Que les limites de la région de la capitale nationale seront fixées aux termes d'un accord intervenu entre les gouvernements intéressés.

4. Que, en conformité des objectifs ci-dessus, il importe de prendre des mesures afin que les deux langues officielles et les valeurs culturelles communes à tous les Canadiens soient reconnues par tous les gouvernements en cause dans ces deux villes et dans la région de la capitale nationale en général, afin que tous les Canadiens puissent éprouver, à l'endroit de leur capitale, des sentiments de fierté et de participation.

5. Que le Comité d'étude sur la capitale canadienne...

poursuive son travail en s'arrêtant plus particulièrement aux considérations suivantes:

a) à la définition des faubourgs qui constitueront à l'avenir, avec les villes d'Ottawa et de Hull, la région de la capitale nationale;

b) un examen des questions d'ordre administratif et financier en ce qui concerne ladite organisation tripartite.

Viennent ensuite les interventions par les premiers ministres des provinces. Le premier ministre Weir du Manitoba, pour sa part, a fait remarquer qu'il n'avait eu suffisamment de temps pour étudier ce projet, mais qu'il ne s'y opposait pas. Le premier ministre Robarts de l'Ontario a souligné qu'il existait un gouvernement régional du côté ontarien, la municipalité régionale d'Ottawa-Carleton, dont les frontières ne correspondaient pas exactement à celles de la région de la capitale nationale, mais que cela était un détail.

M. Turner, le ministre de la Justice de l'époque, a ensuite dit:

Je ne doute pas que les populations d'Ottawa, de Hull et des régions voisines n'accueillent avec satisfaction l'amélioration de la situation de la région de la capitale nationale, conformément aux termes de cette résolution. Mais je crois essentiel également - et c'est, je pense, pourquoi on a saisi cet après-midi les premiers ministres provinciaux de ce texte - que tous les Canadiens, de toutes les parties du Canada, quelle que soit la langue qu'ils parlent, se sentent chez eux dans notre capitale nationale. En effet, cette région intéresse le pays tout entier.

Permettez-moi maintenant de citer l'Honorable Jean-Jacques Bertrand, alors premier ministre du Québec:

Permettez-moi de citer encore le Très Honorable Pierre Elliott Trudeau, premier ministre. Voici ce qu'il dit un peu plus loin:

Parlant au nom du gouvernement fédéral, je voudrais remercier le gouvernement québécois et le gouvernement de l'Ontario de leur collaboration. Nous sommes évidemment désireux, le gouvernement fédéral, de procéder au plus vite au développement de la région de Hull afin de l'intégrer à la capitale nationale, afin d'aider son développement de la façon la plus rapide possible, et je crois que c'est très utile d'avoir l'assentiment de cette Conférence à notre entreprise collective.

Monsieur le président, je crois qu'il ressort clairement du procès-verbal et des délibérations de la Conférence constitutionnelle que cette résolution a alors été adoptée.

.1545

À l'issue de cette résolution, le gouvernement du Canada a investi des centaines de millions de dollars dans la ville de Hull et dans la province de Québec. Ainsi, c'est à Hull qu'on émet aujourd'hui les passeports canadiens.

Messieurs les présidents, je recommande à votre comité de réaffirmer les principes fondamentaux du bilinguisme et du respect des valeurs culturelles des groupes qui se côtoient dans l'ensemble de la région de la capitale nationale, que ce soit dans la province de Québec ou dans la province de l'Ontario.

Je vous recommande de demander au gouvernement du Québec d'exempter la partie de la région de la capitale nationale qui se trouve au Québec de l'application des lois linguistiques québécoises.

Je vous recommande de demander au gouvernement du Québec de soustraire la partie de la région de la capitale nationale qui se trouve au Québec de l'application des lois touchant l'enseignement dans les deux langues officielles. Si vous avez des doutes sur la question, vous pourriez toujours inviter à comparaître un témoin éminemment qualifié, soit l'ancien premier ministre du Canada, le Très Honorable Pierre Elliott Trudeau, qui présidait cette conférence. Je vous remercie.

Le vice-coprésident (M. Serré): Je vous remercie beaucoup, M. Francis. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce témoin serait fort intéressant.

Comme vous le savez, nous accordons d'habitude 10 minutes aux membres du comité pour poser des questions. Comme nous n'avons accordé que 15 minutes à ce témoin, je demande aux membres du comité de ne poser qu'une seule question. Nous devons en effet entendre deux autres groupes de témoins. Nous siégerons jusqu'à environ 19 heures.

M. Marchand (Québec-Est): Pouvons-nous avoir cinq minutes?

Le vice-coprésident (M. Serré): Il faudra vous contenter de trois, parce que...

[Français]

M. Marchand: Quand des témoins viennent, il faut quand même prendre le temps de leur poser des questions. S'ils viennent tout simplement pour faire des déclarations sans qu'on puisse leur poser des questions, je me demande ce que je fais là.

Monsieur Francis, bonjour et bienvenue.

Le vice-coprésident (M. Serré): Si vous me le permettez, monsieur Marchand, je vais demander au comité s'il est d'accord parce que nous devrons siéger après le vote de 17 h 30.

M. Allmand: M. Marchand a demandé cinq minutes?

Le vice-coprésident (M. Serré): Oui.

M. Allmand: Peut-être que les autres peuvent aussi avoir cinq minutes.

Le sénateur Robichaud (L'Acadie): On passe notre temps à parler de procédure et on ne parle pas de substance. C'est toujours la même chose.

M. Marchand: Sénateur Robichaud, il faut quand même que nous parlions. Il faut poser des questions. Le président veut me limiter à une question!

Le vice-coprésident (M. Serré): Allez-y.

M. Marchand: Monsieur Francis, bonjour. Merci pour votre présentation. D'après vous, quelle est la ville qui est la capitale du Canada? Est-ce que c'est Hull ou Ottawa?

M. Francis: La région de la Capitale nationale, telle que définie par le statut de la Commission de la Capitale nationale...

M. Marchand: Je ne parle pas de la région. La capitale elle-même, quelle est-elle?

M. Francis: La région de la Capitale nationale comprend la province du Québec et la province de l'Ontario. C'est toute la région de la Capitale nationale de mon pays.

M. Marchand: Je trouve que votre argument est terriblement biaisé par rapport à cette idée préconçue qu'il y a une région de la Capitale nationale et que cette région a subitement pris la place de la capitale.

M. Francis: C'est le Parlement du Canada qui a adopté les lois.

M. Marchand: Vous nous parlez de la région de la Capitale nationale et vous parlez surtout de Hull. Vous voulez suspendre les lois linguistiques à Hull, mais vous ne parlez pas des engagements de l'Ontario. Vous n'avez pas dit un seul mot sur l'engagement de l'Ontario.

M. Francis: C'est tout à fait égal des deux côtés de la rivière. C'est la même chose en Ontario et au Québec.

M. Marchand: Le problème, c'est qu'il n'y a pas de service adéquat à Ottawa, la capitale du Canada.

M. Francis: J'admets qu'on doit perfectionner les services ici, en Ontario. Je fais tout mon possible pour respecter le principe du bilinguisme et l'égalité des deux langues officielles de mon pays.

M. Marchand: Est-ce que, d'après vous, les anglophones de Hull n'ont pas de services en anglais?

M. Francis: Parfois.

M. Marchand: Parfois?

M. Francis: Oui, mais je ne suis pas un résident de la région de Hull. Il y a des gens qui peuvent témoigner mieux que moi à cet égard.

M. Marchand: Vous venez de témoigner et vous donnez l'impression que le problème est à Hull, alors qu'il me semble qu'il est plutôt à Ottawa. Les francophones d'Ottawa n'ont pas de services.

M. Francis: À mon avis, le problème, c'est la loi sur les langues de la province du Québec. La province du Québec est officiellement unilingue. C'est ça, le problème, à mon avis.

M. Marchand: Et l'Ontario est officiellement bilingue ou unilingue?

.1550

M. Francis: La province de l'Ontario n'est pas officiellement unilingue.

M. Marchand: Quand on pose des questions, on veut avoir des réponses.

M. Francis: Il n'y a qu'une seule province officiellement bilingue au Canada et c'est le Nouveau-Brunswick, je pense.

M. Marchand: Pensez-vous que le gouvernement fédéral applique la Loi sur les langues officielles à Ottawa?

M. Francis: J'espère que oui.

M. Marchand: Nous avons entendu des témoignages à ce comité qui ont démontré que les ministères du gouvernement fédéral...

M. Francis: S'il y a des défauts, on peut les corriger.

M. Marchand: Je l'espère. Merci.

Le vice-coprésident (M. Serré): Sénateur Rivest.

Le sénateur Rivest (Stadacona): Monsieur le président, avez-vous entendu le très honorable Pierre Elliott Trudeau parler de la région de la Capitale nationale?

M. Francis: Mon chef.

Le sénateur Rivest: Oui? Pas le mien.

M. Marchand: Moi non plus.

Le sénateur Rivest: Vous savez que M. Trudeau a fait adopter la Charte canadienne des droits et libertés dans la Constitution, ce qui est une de ses grandes réalisations. Dans cette Charte, il est prévu qu'il ne doit pas y avoir de discrimination ou d'atteinte aux principes de l'égalité fondamentale des citoyens. Nous pensons que le problème du bilinguisme se situe beaucoup plus du côté de la Capitale nationale, c'est-à-dire Ottawa, que du côté du Québec.

M. Francis: On a des problèmes des deux côtés de la rivière.

Le sénateur Rivest: Est-ce-que vous pensez que ce serait conciliable avec les principes de la Charte que les lois linguistiques québécoises ne s'appliquent qu'à une partie des citoyens du Québec?

M. Francis: Je ne suis pas un expert dans ce domaine, monsieur. Je tente seulement de démontrer ce que le premier du Québec, M. Jean-Jacques Bertrand, a dit et promis aux autres provinces et aux autres Canadiens.

Le sénateur Rivest: J'ai un grand respect pour le premier ministre Bertrand, mais au moment où M. Bertrand disait cela, il avait proposé ce qu'on a appelé la Loi 63 pour le Québec. Cette loi a été changée.

M. Francis: À un moment donné, mais cela a été fait après.

Le sénateur Rivest: Peu importe que vous soyez un expert juridique ou non, je voudrais vous demander si, sur le plan du sens commun, vous pensez qu'il est bon pour le pays que certains aient plus de droits en matière linguistique. Vous suggérez que certains Québécois aient plus de droits en matière linguistique que les autres. Vous ne pensez pas que le principe de l'égalité linguistique sur l'ensemble du territoire serait la meilleure solution?

M. Francis: Je ne suis pas avocat.

Le sénateur Rivest: Mais est-ce que ce ne serait pas simplement une question de bon sens? Il me semble que dans une société démocratique, on tend à affirmer le principe général ou, en tout cas, à viser l'objectif que les citoyens aient les mêmes droits et les mêmes privilèges.

M. Francis: À mon avis, tous les citoyens du Canada doivent avoir les mêmes privilèges. Le résident du Québec ou le résident de l'Ontario...

Le sénateur Rivest: Ça doit être vrai également dans le domaine linguistique.

M. Francis: Dans le domaine linguistique aussi, bien sûr. C'est ce que les experts des Nations unies ont dit.

Le sénateur Rivest: Les lois linguistiques québécoises doivent-elles s'appliquer de façon égale à tous les Québécois, sans distinction? Est-ce que c'est ça que M. Trudeau a voulu dire? Là-dessus, je pense qu'il avait raison.

M. Francis: Je respecte tout à fait ce que M. Trudeau a dit, mais je ne suis pas tout à fait d'accord sur les résultats des lois. Je ne suis cependant pas compétent pour répondre sur le plan juridique.

Le sénateur Rivest: Une dernière petite question. Je vais prendre un exemple. Vous savez qu'au Québec, les Québécois anglophones, en vertu d'une loi québécoise, ont le droit d'obtenir des services de santé et des services sociaux dans leur langue. Dans la région de la Capitale nationale, vous proposez à notre comité de demander au gouvernement de l'Ontario de fournir à tous les francophones résidant du côté de l'Ontario des services de santé et des services sociaux en langue française. Je trouve que vous êtes sur la bonne voie à cet égard.

M. Francis: Je voudrais perfectionner les services disponibles aux francophones en Ontario. Il est évident qu'on peut faire mieux.

Le sénateur Rivest: D'accord. Merci.

Le vice-coprésident (M. Serré): Merci beaucoup, sénateur Rivest. Je vais passer la parole à l'opposition et je vous reviendrai plus tard.

[Traduction]

Monsieur Breitkreuz, vous avez la parole.

M. Breitkreuz (Yellowhead): Merci, monsieur le président.

Monsieur Francis, nous sommes heureux de vous accueillir comme témoin. Je constate qu'en plus d'avoir eu une carrière bien remplie au sein du gouvernement fédéral, vous avez aussi joué un rôle actif sur la scène municipale. C'est rassurant d'entendre un témoin dire que le problème linguistique se pose davantage à Hull qu'à Ottawa.

.1555

J'aimerais connaître votre opinion sur ceci: comment proposez-vous qu'on fasse la promotion de l'anglais à Hull qui fait évidemment partie de la région de la capitale nationale? Comment pensez-vous qu'on pourrait s'y prendre?

M. Francis: J'ai recommandé spécifiquement à ce sujet que le comité demande dans son rapport que la province du Québec soustraie la région de la capitale nationale à l'application de ses lois linguistiques et des lois régissant l'accès à l'éducation pour les groupes minoritaires.

M. Breitkreuz: Quelle serait, à votre avis, la réaction du gouvernement du Québec à une telle demande?

M. Francis: Je n'essaie pas d'anticiper la réaction des gens. Je crois cependant que ma proposition est bonne. Je crois qu'elle respecte les droits de la personne et qu'elle est dans l'intérêt de tous les Canadiens. Je crois donc que cette demande devrait être officiellement faite au gouvernement du Québec.

Le vice-coprésident (M. Serré): Je vous remercie, monsieur Breitkreuz.

[Français]

Sénateur Robichaud.

Le sénateur Robichaud: À mon tour, j'aimerais souhaiter la bienvenue à mon ancien collègue et grand ami, Lloyd Francis.

[Traduction]

Comme j'étais alors premier ministre du Nouveau-Brunswick, je participais à cette réunion tenue en février 1969 à laquelle participait également tous les autres premiers ministres sous la présidence du Premier ministre Pierre Elliott Trudeau.

M. Francis: Très bien.

Le sénateur Robichaud: Je me souviens très bien des longues et importantes discussions qui ont eu lieu. Je ne m'étendrai cependant pas plus longtemps sur mes souvenirs.

En réponse à une question, vous avez dit que vous ne connaissiez pas très bien quelle était la situation pour ce qui est de l'utilisation de l'anglais et du français dans la région de la capitale nationale qui se trouve à Hull... Pensez-vous que l'esprit du bilinguisme soit mieux respecté dans la région d'Ottawa qu'à Hull? Pensez-vous donc qu'une partie de la région de la capitale nationale soit favorisée par rapport à l'autre?

M. Francis: Voici comment je répondrai à cette question, monsieur. Je crois qu'on devrait s'efforcer des deux côtés de la rivière, c'est-à-dire dans l'ensemble de la région de la capitale nationale, de mettre en oeuvre des politiques qui prônent officiellement le bilinguisme. Je crois que tout n'est pas parfait à cet égard des deux côtés de la rivière.

Le sénateur Robichaud: Comment donc s'y prendre? Vous demandez que le comité recommande que cette partie de la région de la capitale nationale qui s'appelle Hull respecte le principe que préconisait Jean-Jacques Bertrand en 1969. Comment le comité peut-il intervenir auprès du gouvernement de la province du Québec? La province a pleine compétence en la matière.

M. Francis: Ce sont évidemment les plus hautes instances gouvernementales qui devront réfléchir à cette question.

Le sénateur Robichaud: Il est évident que le principe préconisé par Jean-Jacques Bertrand en 1969 n'est pas très bien respecté.

M. Francis: C'est effectivement ce que je crois.

Étant donné que le sénateur Robichaud a lui-même eu une carrière très distinguée à différents paliers de gouvernement, j'aimerais savoir s'il trouve à redire aux citations que j'ai tirées des délibérations de la Conférence constitutionnelle.

Le sénateur Robichaud: Vous avez fidèlement présenté les faits qui se sont produits, et je ne trouve rien à y redire.

M. Francis: Je vous remercie.

Le sénateur Robichaud: Je vous en félicite d'ailleurs, car les faits que vous avez présentés sont exacts à tous points de vue.

[Français]

Le vice-coprésident (M. Serré): Merci beaucoup, sénateur Robichaud.

Monsieur Allmand.

[Traduction]

M. Allmand: Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais aussi souhaiter la bienvenue à mon ancien collègue.

Monsieur Francis, la Loi sur les langues officielles est censée s'appliquer à toutes les institutions fédérales de la région de la capitale nationale, qu'elles se trouvent en Ontario ou au Québec. La loi s'applique donc à toutes les questions de compétence fédérale et en particulier aux institutions fédérales, d'un côté de la rivière comme de l'autre.

.1600

M. Francis: Selon moi, la Commission de la capitale nationale n'a pas pleinement respecté ce principe, monsieur.

M. Allmand: Ce n'est pas cet aspect que je voulais souligner. Je voulais faire valoir que les questions qui ne relèvent pas de la compétence fédérale relèvent des lois de l'Ontario du côté ontarien et des lois du Québec du côté québécois.

Votre recommandation voulant que le Québec exempte le côté québécois de la région de la capitale nationale de sa loi sur les langues officielles aurait pour effet... À mon avis, c'est une excellente recommandation, mais j'aimerais vous demander si vous voulez dire par là que la loi fédérale sur les langues officielles s'applique à toutes les questions du côté québécois et du côté ontarien qui relèvent actuellement de la compétence provinciale des gouvernements de l'Ontario et du Québec? Proposez-vous que la loi sur les langues officielles fédérale prenne la relève dans les domaines visés à l'heure actuelle par la législation québécoise ou ontarienne - ou l'absence d'une telle législation?

Je suis d'accord avec vous, je tiens à le signaler, pour ce qui est des lacunes d'un côté comme de l'autre mais, en toute équité, on ne peut simplement suspendre l'application des lois québécoises d'un côté sans tenir compte des lois ontariennes de l'autre et des mesures de remplacement. Est-ce que vous proposez que la Loi sur les langues officielles vienne s'y substituer?

M. Francis: J'étais au nombre des députés qui ont fait adopter la Loi sur les langues officielles. J'estime qu'elle est fondamentalement valable. Je serais certainement favorable à ce que son application soit étendue à d'autres domaines.

M. Allmand: Vous souhaitez donc voir l'esprit du bilinguisme qui caractérise la Loi sur les langues officielles s'appliquer généralement des côtés ontarien et québécois de la région de la capitale nationale, ce qui impliquerait vraisemblablement la non-application des lois ontarienne et québécoise.

M. Francis: J'y serais favorable.

M. Allmand: Merci.

Le vice-coprésident (M. Serré): Monsieur Francis, au nom du Comité, je tiens à vous remercier de vos commentaires et de votre comparution.

[Français]

J'aimerais maintenant demander à M. Jean-Paul Perreault, président du mouvement Impératif français, de bien vouloir s'approcher.

[Traduction]

Avant le début de votre exposé, je tiens à dire que selon nos règles, tous les documents déposés auprès des membres du comité doivent l'être dans les deux langues officielles. Nous avons un exemplaire en français seulement; avec le consentement de l'honorable député du Parti réformiste et de M. Allmand - si les honorables sénateurs sont d'accord - nous pouvons accepter le document en français seulement à titre exceptionnel. Le greffier le fera traduire et il sera distribué aux membres du comité dans les deux langues officielles dans les meilleurs délais.

Les membres du comité sont-ils d'accord?

M. Allmand: Monsieur le président, une précision s'impose. Les témoins qui comparaissent devant le comité ont le droit de déposer leur mémoire en français ou en anglais. Selon la Loi sur les langues officielles, ils peuvent même prendre la parole en français ou en anglais devant le comité. Il revient au comité de se charger de la traduction, et non pas aux témoins eux-mêmes.

[Français]

Le cogreffier du comité (M. Knowles): Oui, exactement. Le document est déposé dans la langue qu'a choisie le témoin et nous sommes responsables de sa traduction. Il faut simplement que le comité adopte une motion exigeant que tout document distribué aux membres du comité le soit dans les deux langues officielles. C'est pour cela que le président demande une exception aujourd'hui.

Le vice-coprésident (M. Serré): Très bien.

Monsieur Perreault, vous pouvez nous présenter les gens qui vous accompagnent avant de commencer votre présentation, que je vous demanderais de limiter à 10 ou 12 minutes afin que l'on ait assez de temps pour les questions.

M. Jean-Paul Perreault (président, mouvement Impératif français): Monsieur le président, messieurs, mesdames, membres du Comité parlementaire sur les langues officielles, nous vous remercions infiniment de l'attention que vous portez à la langue française. Sachez qu'aujourd'hui, nous tenterons de vous dépeindre une situation qui, je l'espère, suscitera de votre part un plus grand intérêt à oeuvrer à la défense et à la promotion de la langue française.

Je voudrais d'abord vous présenter M. Gilles Verrier, homme d'affaires et animateur du groupe de lecteurs du magazine L'Agora, ainsi que M. Léo La Brie, également homme d'affaires et vice-président du Conseil régional de la culture de l'Outaouais.

.1605

Mesdames et messieurs, si vous regardez le tableau 1 du mémoire qu'a élaboré Impératif français, vous serez à même de constater que l'évolution de la langue française au Canada hors Québec montre un net recul parmi ceux-là mêmes qui se déclarent de langue maternelle française. Nous parlons du Canada hors Québec.

Vous constaterez que sur une période aussi courte que 20 ans - il s'agit de statistiques en provenance de Statistique Canada - , le nombre de citoyens de langue maternelle française est passé de 926 000 à 976 000, soit un gain de 50 000. Mais pendant cette même période, alors qu'il y avait un accroissement du nombre de citoyens de langue maternelle française, le nombre de citoyens francophones qui avouaient parler encore le plus souvent en français à la maison chutait de 40 000.

Vous remarquerez que le taux d'assimilation passait de 26 p. 100 en 1971 à 35 p. 100 en 1991. Ces statistiques nous proviennent de nulle autre source que Statistique Canada.

Si vous regardez le tableau 2, vous verrez qu'il y a dans l'ensemble du Canada 16 311 000 citoyens de langue maternelle anglaise, alors qu'il y a 18 440 000 citoyens qui disent parler le plus souvent l'anglais à la maison, soit une augmentation 2 129 000. Au même recensement, nous constations une baisse de 273 000, soit une assimilation de 4 p. 100 des francophones au Canada. Vous remarquerez que ce gain de 2 129 000 en faveur de la langue anglaise représente le tiers des citoyens de langue française.

Je vous demanderais maintenant de regarder le tableau 3 concernant les francophones au Canada et au Québec. Sur une période aussi courte que 40 ans, le poids relatif des francophones au Canada et au Québec passait de 29 p. 100 à 24 p. 100: les Québécois, de 29 p. 100 à 25 p. 100 et les francophones du Canada hors Québec, de 7,3 p. 100 à 4,8 p. 100.

M. Marcel Massé avouait que cette assimilation était normale et naturelle. Il disait, et je le cite:

Je demande au comité d'étudier la possibilité de réinviter M. Marcel Massé pour qu'il vienne expliquer à ce comité et à la population comment il se fait que dans son comté de Hull-Aylmer, où la majorité est francophone, l'assimilation se fait toujours en faveur de la langue anglaise. Serait-ce que la majorité n'est pas une majorité? Serait-ce que la minorité n'est pas une minorité? Nous élaborerons là-dessus un peu plus loin.

Au tableau 4, vous pouvez voir que le titre de la recherche du professeur John Richards de l'Université Simon Fraser est Language Matters: Ensuring That the Sugar Not Dissolve in the Coffee. Je pense que le thème est clair. Cette étude a été préparé par le professeur John Richards pour l'Institut C.D. Howe. Si vous regardez dans le bas du tableau, pour le reste du Canada, sans l'Ontario ni le Nouveau-Brunswick, sur 100 citoyens de langue maternelle française en 1971, il y en avait51 qui disaient utiliser la langue française. Vingt ans plus tard, en 1991, ça tombait à 40 p. 100. Je cite le professeur Richards:

Regardons le tableau 5. Bien qu'il n'y ait que 16 311 000 citoyens de langue maternelle anglaise - tenez-vous bien - , il y a 18 106 000 citoyens au Canada qui admettent ne connaître qu'une seule langue officielle, soit l'anglais. Il y a un ratio par rapport à la langue maternelle de111 p. 100.

.1610

Toujours selon Statistique Canada, il y a 92 p. 100 des anglophones au Canada qui sont unilingues anglais. Près de 40 p. 100 des francophones confirment pouvoir parler anglais. Du point de vue canadien, le bilinguisme est sans contredit une réussite puisqu'il permet aux anglophones de parler leur langue, et aux francophones, très souvent, de parler la langue de l'autre.

La politique canadienne des deux langues officielles, mettant les deux langues sur un même pied, est de la poudre aux yeux. Il faudrait plutôt dire que la politique canadienne consiste à mettre les deux pieds sur la même langue. La langue française et la langue anglaise ne peuvent être traitées sur un même pied. Le français exige, et les statistiques le prouvent, des mesures de protection supplémentaires, et on doit agir de façon très responsable.

Il faut beaucoup plus qu'une égalité de statut. D'ailleurs, le professeur John Richards de l'Institut C.D. Howe disait:

Le tableau 5B a été élaboré par le professeur Charles Castonguay de l'Université d'Ottawa et a pour sujet l'effet de l'anglicisation au Canada. Au recensement de 1991, il y avait 9 783 000 citoyens qui se sont déclarés d'origine britannique. Langue maternelle anglaise: 16 311 000. Voyez le bond. Langue d'usage: 18 440 000. Dans le même recensement, il y avait 7 168 000 citoyens qui se disaient d'origine française, dont 6 552 000 se disaient de langue maternelle française et à peine 6 288 425 qui disaient parler encore français.

Lorsque, sous prétexte de venir en aide aux «minorités officielles», le gouvernement canadien choisit de subventionner à coup de millions de dollars les organismes établis au Québec qui oeuvrent «très activement» à la promotion et au rayonnement de la langue et de la culture anglaise, langue et culture dominantes d'au-delà de 300 millions d'anglophones en Amérique du Nord, il choisit de créer de toutes pièces une fausse minorité à laquelle il fournit des moyens incroyables pour faire progresser la langue de la vaste majorité, là même où la minorité francophone doit, elle, mener une lutte de tous les instants, non pour progresser, mais pour simplement survivre. Bizarre de fair play, n'est-ce pas?

D'ailleurs, dans un avis rendu public le 31 mars 1993, le Comité des droits de l'homme de l'Organisation des nations unies arrivait à la conclusion suivante:

D'un côté, le gouvernement canadien se sert de cet avis pour appuyer quelques extrémistes réclamant l'anglicisation du paysage linguistique du Québec, et de l'autre, maintient ses généreuses subventions à la pseudo-minorité anglophone oeuvrant au Québec au rayonnement de la langue anglaise.

Sous les apparences d'un pays bilingue, le gouvernement canadien cache aux yeux de l'opinion canadienne et étrangère une tout autre réalité, et admettons-la si on veut vraiment travailler à trouver une solution: le Canada a une langue plus officielle que l'autre et c'est l'anglais. En mettant les deux langues sur le même pied, nous désavantageons inévitablement la langue française.

Parlons maintenant de la capitale canadienne. Dans la capitale canadienne, la langue anglaise progresse de 18 p. 100 grâce à l'assimilation des francophones et des allophones. Dans la capitale canadienne, qui est Ottawa, l'assimilation fait reculer la langue française de 27 p. 100, selon le recensement de Statistique Canada.

À Ottawa, tout comme dans le reste du Canada, la majorité se «majorise» de plus en plus tandis que la minorité est de plus en plus «minorisée». La langue anglaise s'offficialise et la langue française se désofficialise davantage.

Serait-ce que le profil canadien suit le profil de sa capitale ou est-ce l'inverse? Vingt-six ans après l'adoption de la Loi sur les langues officielles, il est toujours facile de remarquer qu'une des langues est largement plus officielle que l'autre dans la capitale des deux langues dites officielles.

.1615

Regardons le tableau 8. À Ottawa, 91 p. 100 des citoyens de langue maternelle anglaise sont unilingues. En 1991, dans la ville d'Ottawa, il n'y avait que 4 965 citoyens qui confessaient ne parler que français. Vous comprendrez comme moi qu'il s'agit d'enfants. Regardons plus bas: Connaissance des langues officielles, capitale canadienne (ville d'Ottawa, 1991), Statistique Canada: 97 p. 100 de la population de la ville d'Ottawa est capable de parler anglais. Vous conviendrez avec moi qu'il est assez évident qu'à Ottawa, même s'il est possible ici ou là d'avoir des services en français, d'une façon bien globale et très générale, la ville d'Ottawa, la capitale fédérale, la capitale des deux langues officielles vit surtout et avant tout presque uniquement en anglais.

Le gouvernement fédéral masque la situation. Comment? Par hégémonie territoriale. Le témoin précédent en a parlé. Cela consiste à créer sa vaste région de la Capitale fédérale en englobant certaines villes et certains villages du côté québécois pour se donner une image moins unilingue.

Ainsi, la capitale du Canada, Ottawa, peut demeurer unilingue. Je vais dire quelque chose de sarcastique: si le gouvernement canadien avait voulu sauvegarder le caractère unilingue anglais d'Ottawa, il n'aurait pas procédé autrement. L'Outaouais connaît donc un problème d'assimilation, qui se vit sur la rive ontarienne, dans la capitale fédérale, un problème qui n'est pas sans voir d'effets en Outaouais québécois.

Je vous amène au tableau 11. Vous remarquerez que l'Outaouais est responsable de 53,7 p. 100 du solde net des transferts linguistiques vers l'anglais de l'ensemble du Québec. L'Outaouais, à elle seule, est responsable de 54 p. 100 de ces transferts. En Outaouais, 47 p. 100 des Anglo-Québécois sont unilingues anglais. Déjà, en 1977, le professeur Charles Castonguay de l'Université d'Ottawa écrivait:

Le commissaire aux langues officielles déclarait dans son rapport de 1994, parlant de la langue de travail au sein de la fonction publique fédérale, et je le cite:

Quels seront les princes qui, par leurs baisers, sauront réveiller la belle - la langue française - et éloigner le mauvais sort que lui ont jeté de vilaines sorcières?

Le Québec n'est pas exempté. Vous remarquerez au tableau 12 que, bien que nous ne représentions que 10 p. 100 de la population québécoise, la communauté anglophone attire à elle seule tout près de 70 p. 100 des transferts linguistiques, cela dans un contexte où il y a une loi pour protéger la langue française au Québec.

Il n'en demeure pas moins qu'au recensement de 1991, malgré cela, les transferts linguistiques avantagent à 70 p. 100 la langue anglaise. S'agit-il vraiment d'une minorité lorsque l'on parle de la minorité anglophone au Québec, ou plutôt de la majorité canadienne, de la majorité continentale?

Su ce point, le Comité des droits de l'homme de l'Organisation des nations unies est très clair: les citoyens canadiens anglophones ne peuvent être considérés comme une minorité linguistique.

Le vice-coprésident (M. Serré): Monsieur Perreault, permettez-moi de vous interrompre un moment. Est-ce que vous avez l'intention de lire tout le reste du mémoire?

M. Perreault: Je vais aller très rapidement.

Le vice-coprésident (M. Serré): Vous avez déjà utilisé à peu près 22 minutes jusqu'à maintenant, et il ne nous reste que 20 à 25 minutes pour les questions. C'est à vous de décider.

M. Perreault: Je serai très bref, monsieur le président. Parler de minorité anglophone et nier l'assimilation des francophones s'apparente à de la désinformation. Les démographes Henripin et Lachapelle disaient que, quand une population diminue de 30 p. 100 à 20 p. 100 en 30 ans, elle est en voie de disparition.

Le mathématicien Charles Castonguay, de l'Université d'Ottawa, disait de son côté:

Si vous regardez les statistiques, vous verrez bien que tout ceci est très vrai. Je vais donc aller aux conclusions.

.1620

Le gouvernement canadien doit modifier la Loi sur les langues officielles en admettant d'abord l'échec de cette loi, ou l'échec partiel de cette loi, qui apparaît évident à la lecture des 25 rapports du commissaire aux langues officielles. Elle ne remplit pas le mandat qu'elle est supposée remplir. De plus, une fois qu'elle est révisée, on doit prendre les moyens de la faire respecter.

Le gouvernement canadien doit cesser d'entretenir le mythe de la minorité anglophone au Québec. Il doit également cesser de verser des subventions aux organismes établis au Québec afin de promouvoir le rayonnement de la langue de la vaste majorité. Ces sommes devraient être plutôt versées aux organismes de défense et de promotion de la langue française. Il s'agirait là d'un geste concret et d'un message clair indiquant que le gouvernement canadien entend faire sa part pour reconnaître l'état précaire de la langue française au Canada.

De plus, la résolution canadienne adoptée par le Parlement fédéral sur la reconnaissance du Québec comme société distincte doit avoir des effets plus que symboliques. Cette reconnaissance n'exige-t-elle pas une certaine forme d'asymétrie pour protéger le français, la seule langue vulnérable au Canada? La résolution mentionne:

Une façon de prendre note, de se laisser guider et de se comporter en conséquence serait, pour le moins, que le gouvernement canadien et ses institutions respectent la Charte de la langue française au Québec.

Parallèlement, le gouvernement canadien doit adopter les mesures qui s'imposent pour faire du français la langue de travail au sein de la Fonction publique, d'abord au Québec, il va de soi, puis à Ottawa, la capitale de tous les Canadiens.

Je vais vous lire la dernière phrase, une citation de Gérard Saint-Georges:

Merci, messieurs.

Le vice-coprésident (M. Serré): Merci beaucoup, monsieur Perreault. La parole est àM. Marchand. Vous avez 10 minutes.

M. Marchand: Merci, monsieur Perreault. Votre présentation a été vraiment extraordinaire. Je pense que votre argumentaire est basé sur des données, des statistiques et même le gros bon sens de la situation de la langue au Québec et au Canada, et dans la capitale du Canada.

Si des gens, et je pourrais en nommer plusieurs, pouvaient avoir le bon sens de reconnaître au moins le coeur du problème, comme vous êtes en train de le présenter, le Canada fonctionnerait et on aurait peut-être même, à ce comité, eu assez de bon sens pour reconnaître que le problème n'est pas à Hull mais bien à Ottawa. Dans le fond, vous m'avez fait voir une fois de plus que ce n'est pas une question de bon sens, ou même de statistiques ou de données concernant le vrai problème de la langue, mais que c'est qu'au Canada, les fédéralistes veulent et cherchent par tous les moyens à déstabiliser la langue française au Canada et à ainsi déstabiliser le Québec dans son droit de s'affirmer en français. Monsieur Perreault, c'est la raison pour laquelle je suis souverainiste et je veux foutre le camp de ce pays: c'est quand j'entends des gens comme M. Francis, aujourd'hui, parler comme si le problème était à Hull alors qu'il est évidemment à Ottawa.

Je ne peux pas être plus d'accord avec vous et je termine par ce petit commentaire. Quand on voit des Franco-Ontariens - et je les connais bien puisque je suis moi-même un Franco-Ontarien - devenir députés et venir au comité défendre les intérêts des anglos à Québec, au Québec, à Hull, je suis très pressé de quitter ce pays. Merci beaucoup.

Le vice-coprésident (M. Serré): Vous l'avez déjà fait en vous exilant. Moi, j'ai préféré descendre. C'est une attaque personnelle, monsieur Marchand, et je me dois de répondre, parce que moi, j'ai préféré rester en Ontario et défendre des intérêts des francophones en Ontario.

M. Marchand: Mais vous ne les défendez pas, monsieur Serré, et vous ne les avez jamais défendus d'ailleurs.

M. Perreault: Vous me permettrez un commentaire là-dessus. Sans vouloir entrer dans le débat constitutionnel, je voudrais vous faire remarquer que la réflexion d'aujourd'hui porte sur la situation de la langue française. La situation de la langue française est précaire partout au Canada. Je pense qu'il faudra réviser la Loi sur les langues officielles pour reconnaître que parmi les deux langues officielles, il y en a une qui est minoritaire et a besoin de mesures de protection et de promotion additionnelles.

.1625

Le discours qui prône de mettre les deux langues sur le même pied et de créer deux minorités est, à mon avis, un discours basé sur une fausse prémisse. Il n'est pas possible qu'il y ait en Amérique du Nord 7 millions de francophones et 300 millions d'anglophones et qu'on mettre les deux langues sur le même pied. Il est évident que la langue française a besoin de mesures de protection additionnelles.

Le gouvernement canadien a adopté sa résolution reconnaissant le Québec comme société distincte, et je vais me permettre d'être ironique pour caricaturer la situation. Est-ce que le fait d'être une société distincte veut dire qu'au Québec, la fonction publique fédérale peut avoir comme langue de travail une langue qui n'est pas celle du territoire où elle est située?

Le commissaire le disait dans son rapport de 1974, et l'observation empirique sur le terrain par des gens qui sont là vous montrera aussi que la fonction publique canadienne en territoire québécois fonctionne en anglais. Si c'est cela, une société distincte, vous serez d'accord avec moi pour dire que le concept a besoin d'être repensé.

Je dis, entre autres, que la fonction publique canadienne doit fonctionner en français sur le territoire du Québec, c'est-à-dire dans la langue du territoire sur lequel elle est située. Et pour le gouvernement canadien, l'expression «société distincte» pourrait vouloir dire également respecter la Charte de la langue française au Québec.

[Traduction]

Le vice-coprésident (M. Serré): Monsieur Breitkreuz.

M. Breitkreuz: Il est certainement évident que les francophones sont assimilés à une cadence accélérée à l'extérieur du Québec. Il existe toutes sortes d'enquêtes, d'études et de données de Statistique Canada qui le confirme.

Il semble que ce soit un phénomène démocratique et sociologique naturel. Malgré les milliards qu'on a dépensés depuis l'adoption de la Loi sur les langues officielles et en dépit du recours à la police de la langue partout au pays, l'assimilation progresse constamment.

Il est donc évident que la Loi sur les langues officielles ne fonctionne pas. Il faudrait l'abroger. Vous dites qu'il faut la renforcer. Comment proposez-vous de renforcer la Loi sur les langues officielles pour endiguer la vague?

[Français]

M. Perreault: Merci infiniment.

Tout d'abord, je trouve intéressant votre commentaire qui reconnaît cette situation, parce que vous savez qu'il y a eu des discours et même des articles dans les journaux. Mme Sheila Copps mentionnait, par exemple, que l'assimilation n'existait pas, et M. Massé disait qu'elle était naturelle et normale. Ça me fait donc plaisir de voir qu'un député du Parti réformiste, je crois, reconnaît l'existence de l'assimilation des francophones au sein de la société canadienne. Je pense que c'est un point qui vous honore, parce qu'à partir de là, on peut bâtir quelque chose.

Mais là où je ne suis pas d'accord avec vous, c'est sur le plan de la solution. Je ne pense pas que l'abolition de la Loi sur les langues officielles soit une mesure responsable. Je pense, bien au contraire, qu'elle doit être révisée, bonifiée, mais qu'elle doit reposer sur la reconnaissance d'une situation qui est la suivante: il faut dire oui à l'égalité du statut, mais en même temps il faut reconnaître que, parmi les deux langues officielles, il y en a une qui est minoritaire et qui devra obtenir davantage de moyens pour la protéger et pour la promouvoir.

On crée de toutes pièces une fausse minorité. En effet, on ne peut pas honnêtement dire que l'on fait partie d'une majorité de 300 millions d'Anglo-Saxons, en Amérique du Nord, et prétendre faire partie d'une minorité, même si celle-ci est au Québec. Cela repose sur une prémisse qui est fausse.

Le gouvernement canadien, s'appuyant sur la Loi sur les langues officielles, verse de généreuses subventions, à coup de millions de dollars. J'ai tenté d'avoir les chiffres cette semaine - on me les avait promis, mais finalement je ne les ai pas eus - concernant le fait qu'on aurait versé plusieurs millions de dollars pour faire la promotion de la langue anglaise au Québec.

Vous devez comprendre qu'il est faux de prétendre qu'il existe une minorité. Cela devrait être changé dans la Loi sur les langues officielles. Il devrait y avoir davantage de moyens pour s'assurer que la fonction publique canadienne, en territoire québécois, travaille en français. Actuellement ce n'est pas le cas, et le commissaire lui-même, avec justesse, le reconnaissait dans son rapport de 1994.

Il y a certainement des possibilités d'apporter des changements, et là je sors de la Loi sur les langues officielles. Le gouvernement a reconnu le Québec comme étant une société distincte, et il faudra bien que cela veuille dire quelque chose à un moment donné. Actuellement, cela ne veut rien dire, c'est une coquille vide. La seule distinction que nous constatons, c'est que la fonction publique canadienne fonctionne en anglais sur le territoire du Québec. Si rendre distincte la société québécoise, c'est d'avoir comme langue de travail une langue autre que celle du territoire où la fonction publique est installée, vous conviendrez avec moi ce n'est pas un concept très attrayant.

.1630

[Traduction]

M. Breitkreuz: Comment se fait-il alors que, avant la Seconde Guerre mondiale, durant les années cinquante et jusqu'à l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles, il existait dans les provinces des Prairies des collectivités francophones florissantes qui s'entendaient bien, comme elles le font encore aujourd'hui, avec les collectivités anglophones voisines et, évidemment, avec les gens de divers groupes linguistiques qui provenaient d'à peu près tous les pays d'Europe? Il y avait là des collectivités francophones dynamiques qui ne bénéficiaient d'aucune aide ou subvention gouvernementale. Puis on a adopté la Loi sur les langues officielles et l'assimilation s'est produite.

[Français]

M. Perreault: Si vous me le permettez, monsieur le président, je trouve ce commentaire plutôt bizarre.

[Traduction]

M. Breitkreuz: La plupart de vos propos sont passablement étranges également.

Des voix: Oh, oh!

Le vice-coprésident (M. Serré): Messieurs, je crois bien que nous sommes en train de nous éloigner du sujet. Nous discutons des langues officielles. J'aimerais vous demander de limiter vos questions et vos commentaires à la région de la capitale nationale, notre sujet d'étude, et de vous efforcer, comme le dit souvent le président de la Chambre, de formuler des questions et des réponses plus courtes.

Une dernière question, monsieur Breitkreuz.

M. Breitkreuz: Pouvez-vous me dire précisément comment vous renforceriez davantage la Loi sur les langues officielles sans déclencher un tollé dans la population canadienne?

[Français]

M. Perreault: Monsieur le président, je pense avoir déjà répondu à cette question et je ne voudrais pas revenir là-dessus. Je viens de donner des éléments de solution et des éléments de réponse.

J'aimerais tout de même commenter, monsieur le président, sur votre remarque voulant que la réflexion doit porter sur la région de la Capitale nationale. À mon avis, la capitale fédérale est Ottawa. La région de Toronto n'est pas Toronto. La région de Montréal n'est pas Montréal. La capitale fédérale est Ottawa. La capitale fédérale doit donner l'exemple en étant la capitale des deux langues officielles. Et là-dessus, je suis tout à fait d'accord avec les gens de l'Association canadienne-française de l'Ontario et de la Fédération des communautés francophones et acadienne, qui ont souligné le visage très unilingue anglais de la capitale fédérale.

Je pense donc que le gouvernement canadien devra trouver des mesures incitatives pour donner à la capitale fédérale l'image du discours qu'il tient, au moins en ce qui concerne le fait que c'est la capitale canadienne et la capitale des deux langues officielles.

Nous ne voudrions pas, puisque nous le vivons déjà, voir les problèmes d'Ottawa s'étendre à l'Outaouais. Je pense que l'Outaouais a déjà suffisamment de difficultés sur le plan linguistique pour qu'on n'étende par les problèmes d'Ottawa davantage à l'Outaouais québécois. Je pense que vous pouvez vous appuyer bien clairement sur la résolution reconnaissant que le Québec est une société distincte pour lui donner, pour une fois, un peu de substance. Cette substance résiderait dans le fait de reconnaître que le gouvernement fédéral, sur le territoire du Québec, va respecter la Charte de la langue française.

[Traduction]

Le vice-coprésident (M. Serré): Monsieur Allmand.

M. Allmand: Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Perreault, durant mes 30 années de députation, j'ai toujours reconnu que la menace de l'assimilation pesait sur le français au Canada. C'est indubitable. Il est menacé parce qu'il n'y a au Canada qu'un îlot de 7 ou 8 millions de francophones dans un océan de 350 millions d'anglophones. Il s'agit là d'une menace.

Je dois cependant vous dire que c'est justement parce qu'il y a menace que nous avons pris des initiatives au fil des années. Nous avons pris l'initiative d'étendre la radio et la télévision de Radio-Canada à toutes les régions du Canada qui comptent des collectivités francophones. C'est en raison de cette situation que le Conseil des arts du Canada a financé des troupes de théâtre français partout au pays, y compris au Québec, des bibliothèques, des musées - toutes sortes d'établissements culturels. C'est pourquoi le gouvernement fédéral a mis sur pied un programme d'aide financière à l'enseignement de la langue seconde.

.1635

En Ontario, au cours des 30 ans que j'ai passés au Parlement... Lorsque je suis venu à Ottawa, de Montréal, il y avait très peu

[Français]

écoles secondaires de langue française en Ontario, et maintenant il y en a beaucoup. À Timmins, par exemple, il y a une grande école secondaire. Maintenant, il y a partout des écoles de langue française au Canada, en dehors du Québec.

[Traduction]

C'est donc en raison de cette menace que nous prenons des mesures non seulement pour assurer le maintien de la langue française mais également pour en favoriser l'épanouissement.

En conséquence, je suis convaincu comme le sont bon nombre d'experts, que la culture française au Canada, y compris au Québec, est probablement la plus dynamique au monde après celle de la France en termes de production théâtrale, littéraire, cinématographique, télévisuelle et de recherche universitaire. La production culturelle francophone du Canada, y compris celle du Québec, est bien établie. Et il faut dire qu'elle ne vient pas seulement du Québec. Le lauréat du prix du Gouverneur général en poésie, cette année, était un francophone du Nouveau-Brunswick.

Dans les statistiques que vous m'avez fournies au sujet de l'assimilation, dont je reconnais l'existence, il n'est nullement question de niveaux de scolarité. Or, j'ai pu constater partout dans les milieux francophones, qu'il s'agisse de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick ou du Québec, que les personnes qui ont eu l'occasion de s'instruire davantage sont celles qui non seulement conservent leur langue mais la renforcent. Ceux qui sont en train de la perdre sont souvent les décrocheurs, comme j'ai pu le constater dans le nord de l'Ontario.

J'ai déjà vécu dans le nord de l'Ontario. J'ai vécu également au Nouveau-Brunswick, à Trois-Rivières, à Sherbrooke et à Montréal. D'après ce que j'ai pu constater, les gens qui ne parlent plus français sont malheureusement ceux qui ont quitté l'école en cinquième, sixième ou septième année.

Par ailleurs, avec tout le respect que je vous dois, vous dites qu'il n'y a pas de minorité anglophone au Québec. Permettez-moi de vous donner une explication, puisque j'en fais partie. Je ne suis pas menacé d'assimilation. Comme je l'ai déjà dit à maintes reprises devant le comité, en réponse à mon collègue, M. Marchand, à l'extérieur du Québec, les francophones sont menacés d'assimilation; au Québec, ce sont nos institutions qui disparaissent et sont en voie de destruction.

Nous venons tout juste d'en avoir un exemple à Sherbrooke. On a fermé l'hôpital anglophone de Sherbrooke qui, depuis de nombreuses années, offrait des services à une population anglophone assez nombreuse dans la région. On a décidé de fermer l'hôpital et on a invité la clientèle à se rendre à l'hôpital de l'Université de Sherbrooke.

À l'échelle locale, la population s'était mise d'accord pour avoir des affiches en anglais et en français. Les gens vivent en harmonie. Pourtant, à Québec, le gouvernement a obligé la population à supprimer l'affichage en anglais. Voilà ce qui se passe. Ainsi, les minorités linguistiques de part et d'autre sont touchées.

À Montréal, j'ai assisté à la fermeture d'écoles de langue anglaise, d'hôpitaux, de bibliothèques, de toute sorte d'institutions. Voilà ce qui arrive à la minorité anglophone du Québec - ce n'est pas de l'assimilation. Cependant, puisque leurs institutions ferment leurs portes, ils partent.

Je suis donc d'accord avec vous si vous nous recommandez d'en faire davantage pour aider les collectivités francophones au Canada. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Par contre, il faut établir un équilibre. Il y a peut-être eu des infractions en Ontario, mais il était impossible d'afficher quoi que ce soit en anglais à Hull ou à Aylmer.

J'habite Aylmer lorsque je suis à Ottawa, et non pas Montréal. La situation s'est améliorée. Nous pouvons maintenant avoir des affiches en anglais à condition que le texte anglais ne soit pas prédominant et qu'il soit en petits caractères. Mais, ce n'était même pas possible il y a quatre ou cinq ans. À Ottawa, il a toujours été possible d'afficher en français, en chinois, en italien; cependant, il n'a pas toujours été possible d'obtenir des services de santé ou d'éducation en français. Il y a donc eu des lacunes de part et d'autre. Nous devons donc corriger les insuffisances de part et d'autre.

Monsieur le président, j'aimerais bien savoir quels seraient les résultats en termes d'assimilation si on tenait compte des niveaux de scolarité. J'aimerais obtenir des renseignements à cet effet.

[Français]

Le vice-coprésident (M. Serré): Monsieur Perreault.

M. Perreault: Monsieur le président, juste une réponse là-dessus et ce n'est pas moi qui vais la donner, mais le Comité des droits de l'homme de l'Organisation des nations unies.

M. Allmand nous parle du droit à l'affichage dans les deux langues, mais c'est ce même comité qui a dit, et je le cite... Monsieur Allmand, je vous invite à lire ce document car c'est un document fort intéressant:

C'est clair, précis et tellement vrai, monsieur le président.

.1640

C'est tellement vrai, même dans les transferts linguistiques. On voit que même au Québec, où les Anglo-Québécois représentent 10 p. 100 de la population québécoise, cette communauté attire à elle seule 70 p. 100 des transferts linguistiques. Ce n'est donc pas une minorité.

M. Massé disait à sa façon qu'une majorité assimile une minorité. Au Québec, par les transferts linguistiques, il est évident que la majorité continentale anglophone assimile la minorité de langue française. C'est vrai peut-être à un degré moindre parce qu'il y a plus de francophones sur le même espace, mais croyez-moi, c'est vrai.

Monsieur Allmand, je pense que nous ne devons pas entrer dans une polémique politique, mais dans la recherche de solutions. La recherche de solutions ne pourra venir que lorsque le gouvernement canadien acceptera très clairement qu'une seule des deux langues officielles est minoritaire et a besoin de moyens additionnels.

Le vice-coprésident (M. Serré): Je vais me permettre de vous interrompre parce que nous devons entendre un autre groupe de témoins. D'autre part, le sénateur Rivest et le sénateur Robichaud veulent poser une question. Je vais demander au sénateur Rivest d'essayer d'être bref.

Le sénateur Rivest: Je serai bref.

Monsieur Perreault, vous avez dit tantôt que le gouvernement fédéral devait respecter la Charte de la langue française du Québec dans la région de la Capitale nationale. Est-ce que vous incluez l'affichage?

M. Perreault: Je pense que le gouvernement fédéral doit respecter l'affichage selon la Charte de la langue française. Nous demandons au gouvernement canadien, sur le territoire du Québec...

Le sénateur Rivest: L'affichage dans le sens de la Loi 86?

M. Perreault: Oui, et la Loi 86 est bien claire là-dessus, à savoir que l'affichage ne peut se faire qu'en français ou, si le commerçant le désire, il peut également le faire dans une autre langue mais avec nette prédominance du français.

Le sénateur Rivest: D'accord. Est-ce que ce qui est fait dans la région de la Capitale nationale vous convient?

M. Perreault: Je vous dis bien clairement que, dans le but d'aider davantage la langue française, nous demandons aux commerçants de n'afficher qu'en français. C'est une question de contribution, de responsabilité sociale. Nous répétons également au gouvernement canadien que cette langue est minoritaire et qu'elle a besoin de moyens additionnels. C'est une façon de l'aider.

Le sénateur Rivest: Mais légalement parlant, Impératif français ne s'oppose pas aux dispositions de la Loi 86.

M. Perreault: Nous répétons le discours que nous avons toujours tenu, à savoir que nous croyons que la façon d'aider la langue française au Québec est de n'afficher qu'en français, et la loi le permet.

Le sénateur Rivest: D'accord.

Concernant la Loi sur les langues officielles, vous dites, et avec raison évidemment, qu'il y a un statut juridique qui risque d'être terriblement théorique à bien des égards, comme vous l'avez souligné, concernant l'égalité linguistique du français et de l'anglais.

Est-ce que vous ne croyez pas que, dans la Loi sur les langues officielles, il n'y a pas seulement le principe de la reconnaissance de l'égalité linguistique qui risque encore une fois d'être utopique, mais aussi le principe de l'équité linguistique qui est inclus dans la loi? Je pense par exemple à la partie VII de la loi sur laquelle notre comité a fait beaucoup de travaux. Si le gouvernement fédéral, tout en maintenant le principe de l'égalité linguistique dans la Loi sur les langues officielles, se servait de la partie VII qui, elle, parle spécifiquement des communautés locales, du soutien aux communautés locales, en particulier en dehors du Québec où les phénomènes d'assimilation que vous décrivez sont le plus graves, il ferait des efforts dans ce sens et ne se contenterait pas d'une espèce d'égalité linguistique utopique. Personne ne peut être contre l'égalité, bien sûr. Mais l'équité exige justement que les sommes d'argent, comme vous l'avez souligné et comme M. Allmand l'indiquait également, soient davantage orientés vers la langue française qui est la langue menacée.

M. Perreault: Monsieur Rivest, je ne peux pas faire autrement qu'être d'accord avec vous parce que je pense que nous parlons de l'assimilation. Elle existe partout au Canada, mais elle est plus prononcée au Canada hors Québec.

L'argent que le gouvernement canadien verse à la pseudo-minorité, au mythe de l'existence d'une minorité anglophone au Québec, devrait, à mon avis, être versé aux communautés francophones du Canada hors Québec, et même aux francophones du Québec. Même Stéphane Dion reconnaissait que le Québec est le foyer principal de la francophonie. Plus ce foyer-là sera fort dans la production de produits culturels, plus il viendra en aide aux communautés linguistiques minoritaires à l'extérieur du Québec.

Le sénateur Rivest: Mais en principe, vous n'êtes pas contre le fait que le gouvernement canadien puisse aider aussi les Québécois anglophones. M. Allmand a cité l'exemple de l'Hôpital de Sherbrooke. Personnellement, j'ai été député dans la région de Québec, où l'Hôpital Jeffrey Hale a été fermé.

Je sais qu'il y a des compressions budgétaires, mais c'était la seule institution hospitalière que les Québécois anglophones de la région avaient. Il me semble que dans l'application de la Loi 101 et des politiques budgétaires, le gouvernement québécois pourrait faire attention et faire des exceptions pour donner une assise minimale au groupe minoritaire que sont les anglophones du Québec.

.1645

M. Perreault: Monsieur Rivest, je ne pense pas que les anglophones du Québec aient de la difficulté à se faire soigner en anglais. Croyez-moi, si problème il y a, il est ailleurs. Ce sont beaucoup plus les francophones qui ont du mal à se faire soigner et à obtenir des services de santé et des services sociaux en français, même dans la capitale fédérale, en Ontario et dans l'ensemble du Canada hors Québec.

Je répète que les ressources principales doivent aller là. Dans l'autre sens, le problème, s'il existe, est mineur comparativement à l'envergure et à l'étendue du problème ailleurs.

Le sénateur Rivest: Mon temps est écoulé, mais je voudrais savoir si M. Perreault pourra nous donner son document après la séance. Il parle d'un certain phénomène d'assimilation des francophones dans la région de l'Outaouais. Il a donné un chiffre, mais j'aimerais savoir quel est le nombre de personnes parce que les pourcentages risquent d'être un peu nébuleux. Combien de personnes francophones ont perdu leur langue et sont allées du côté anglophone dans la région de l'Outaouais? Donnez-moi un chiffre absolu, s'il vous plaît.

M. Perreault: En annexe du document, vous avez un article que j'ai signé et qui a paru dans le journal Le Droit. Monsieur le président, nous parlons d'une assimilation appréciable. La vague d'assimilation en provenance de l'Ontario rejoint l'ouest du Québec.

Le sénateur Rivest: D'année en année, il y a une augmentation, mais je voudrais avoir un chiffre absolu.

M. Perreault: Monsieur Rivest, vous en verrez l'étendue.

Le vice-coprésident (M. Serré): Monsieur Robichaud, est-ce vous avez des questions?

Le sénateur Robichaud: Monsieur le président, je pourrais poser des questions, mais je pense que M. Perreault y a déjà répondu. Son point de vue était parfaitement clair. Je suis d'accord sur une partie de ses dires, mais en désaccord sur certaines autres choses.

Le vice-coprésident (M. Serré): Merci beaucoup, sénateur Robichaud. Je brûle de vous poser mille questions, mais le désavantage d'être président du comité est qu'on doit laisser la parole aux autres. Je tiens cependant à vous remercier, monsieur Perreault, monsieur Verrier et monsieur La Brie pour votre excellente présentation.

M. Perreault: Messieurs, mesdames, merci infiniment.

[Traduction]

J'aimerais maintenant demander à M. Graham Greig et à Mme Lisa Bishop, d'Alliance Outaouais, de s'approcher et de nous livrer leur témoignage.

Je tiens à dire aux membres du comité qu'il y aura un vote à 17 h 30, de sorte que la sonnerie retentira vers 17 h 15. Nous disposons d'environ 25 minutes. J'aimerais donc vous demander de limiter votre exposé à dix minutes environ et nous allons limiter les questions à deux ou trois minutes par membre du comité.

Je vous en prie.

[Français]

M. Graham Greig (président du conseil d'administration, Alliance Outaouais): Merci, monsieur le président. Messieurs les sénateurs, messieurs les députés, Alliance Outaouais vous remercie beaucoup pour l'invitation que nous avons reçue de venir présenter notre document cet après-midi.

[Traduction]

Je suis accompagné cet après-midi par Mme Lisa Bishop, notre directrice administrative. C'est surtout elle qui répondra à vos questions après notre exposé. J'espère être en mesure de le faire également. Je suis pour ma part bénévole, alors que Mme Bishop fait partie de la permanence de l'organisation.

Monsieur le président, nous sommes prêts à commencer si cela vous convient.

Mme Lisa Bishop (directrice administrative, Alliance Outaouais): J'aimerais tout d'abord préciser qu'Alliance Outaouais n'est pas affilié à Alliance Québec. Les gens s'imaginent souvent que nous faisons partie de la même organisation. Or, nous sommes une organisation indépendante qui, avec Alliance Québec, fait partie d'un réseau régional mais, mis à part le mot «alliance» et notre régime d'assurance collective, nous ne partageons pas grand-chose d'autre.

Nous partageons cependant un grand nombre d'opinions et nous avons donc consulté les représentants d'Alliance Québec sur certaines questions, ce dont nous vous ferons part plus tard.

J'aimerais maintenant parcourir avec vous le mémoire d'Alliance Outaouais. Notre organisme est voué au développement de la communauté anglophone depuis 14 ans. Pendant cette période, il s'est occupé de nombreux dossiers qui influent directement sur la vie et le bien-être des personnes qu'il représente, y compris les soins de santé et les services sociaux, l'éducation et l'unité canadienne. Cependant, rares sont les questions qui sont allées droit au coeur d'autant de Québécois que celles de la langue et des lois sur l'affichage.

.1650

Fait intéressant, on nous oppose souvent à des groupes comme Impératif français. Or, nous ne sommes pas en opposition parfaite. Nous ne sommes pas diamétralement opposés à ce groupe. Nous croyons qu'il faut reconnaître et favoriser la langue française au Québec aussi bien que dans le reste du Canada, mais sans le faire aux dépens des populations minoritaires du Québec ou du reste du Canada.

Sans pousser trop loin l'analyse de la «situation québécoise», on peut dire que beaucoup de Québécois anglophones trouvent scandaleux que leur région soit la seule du monde occidental où les langues d'affichage soient régies par une loi.

Bien que la récente Loi 86 permette l'utilisation d'une deuxième langue sur les affiches, la plupart des commerces au Québec pratiquent l'affichage unilingue et les gens d'affaires sont vraiment découragés par les extrémistes de changer le statu quo.

On envoie ainsi un message d'exclusion à la minorité anglophone. Les entreprises se sentent souvent intimidées par la loi et, pour échapper aux pouvoirs d'enquête et de perquisition de la Commission de la langue française, elles choisissent d'éliminer de leur affichage toute autre langue que le français.

Dans l'Outaouais, le problème n'est pas le même que dans les régions avoisinantes. À cause de la proximité de l'Ontario, les citoyens anglophones ont pendant des années obtenu facilement leurs services en anglais de l'autre côté de la rivière. Lorsqu'ils devaient s'adresser à des établissements de santé et de services sociaux ou à des magasins ou autres commerces, ils se rendaient à Ottawa tout simplement parce qu'ils avaient du mal à se faire servir en anglais au Québec.

Cependant, par suite de lois récemment adoptées en Ontario et au Québec, il leur est devenu difficile et coûteux de continuer à agir ainsi. Il s'ensuit que les anglophones de l'Outaouais sont moins nombreux à se rendre à Ottawa pour obtenir des services en anglais.

Notre problème est donc double. D'abord, comme les résidents anglophones ne se rendent plus aussi souvent du côté de l'Ontario, ils éprouvent de grandes difficultés à se faire servir dans leur langue et ils commencent à demander d'être servis en anglais au Québec.

Ensuite, les commerces et les fournisseurs de services, qui n'ont jamais eu à fournir des services en anglais, reconnaissent que leur clientèle compte un nombre important d'anglophones et qu'elle commence à exiger des affiches et des services en anglais.

Bon nombre des municipalités de l'Outaouais, autres que Hull, appartiennent à la Région de la capitale nationale. Comme elle accueille des millions de visiteurs par année, la région de la capitale nationale doit veiller à ce qu'ils se sentent chez eux tout en reflétant les valeurs fondamentales du Canada.

Alliance Outaouais croit fermement que le gouvernement fédéral a le devoir de donner l'exemple dans la région. Il doit abandonner son attitude d'insensibilité pour prendre les devants dans cette lutte pour obtenir un meilleur traitement pour les minorités de langue officielle. Or, il n'y a pas de meilleur moyen de communiquer ce message aux visiteurs que de mettre les deux langues officielles sur les affiches partout dans la région.

Le Canada a adopté la Loi sur les langues officielles comme moyen de marquer qu'il y a deux langues fondatrices dans ce pays. C'est pourquoi les immeubles fédéraux doivent montrer la voie en établissant la norme de bilinguisme dans la Région de la capitale nationale.

Nous avons ainsi assisté à la conférence de presse donnée par nos voisins francophones du côté ontarien de la rivière par solidarité avec la minorité de langue officielle des régions frontalières du Québec. Nous croyons que chaque région a une responsabilité envers sa minorité linguistique.

Dans la Région de la capitale nationale, il importe tout particulièrement de rappeler aux visiteurs comme aux résidents que ce pays tient fermement à son statut bilingue.

Comme le signalait M. Warren Allmand tout à l'heure, il n'y a pas de loi sur la langue d'affichage en Ontario. Il n'y a donc rien qui empêche de donner une place à l'anglais et au français sur les affiches à l'intérieur comme à l'extérieur, mais on a peu de considération pour nos voisins francophones. Leur problème devrait être plus facile à régler que le nôtre, encore qu'aucune solution ne se pointe à l'horizon.

Nous avons nous-mêmes constaté qu'il est politiquement moins dommageable de faire place au français dans le reste du Canada que de faire place à l'anglais au Québec.

Nous félicitons le gouvernement fédéral de pratiquer le bilinguisme dans les immeubles et les services fédéraux. Dans la Région de la capitale nationale, c'est peut-être plus évident que dans les autres régions du pays, mais, à cause de la force de ses minorités, le message concernant la nature bilingue du pays est relativement clair en ce qui concerne les services gouvernementaux. N'empêche qu'il reste encore beaucoup à faire.

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Selon nous, les immeubles du gouvernement dans la Région de la capitale nationale devraient demander à leurs locataires non gouvernementaux de tenir compte de la minorité de langue officielle en pratiquant l'affichage bilingue.

Le statut bilingue de la Région de la capitale nationale doit être mieux projeté et mieux compris par les résidents comme par les visiteurs. Le statu quo n'est pas acceptable. Nous implorons le gouvernement fédéral d'user de son autorité morale pour faire savoir que, dans la Région de la capitale nationale au moins, la dualité linguistique est une réalité. Ce serait une façon de faire comprendre que les populations anglophone et francophone jouissent du même statut.

C'est, selon la Loi sur les langues officielles, ce à quoi les Canadiens devraient s'attendre. Bien que l'affichage commercial ne relève pas du fédéral, le gouvernement fédéral doit faire comprendre que les clients devraient pouvoir voir à la fois de l'anglais et du français sur les affiches dans la Région de la capitale nationale.

Alliance Outaouais a appris que, depuis des années, beaucoup de baux de la Commission de la Capitale nationale contiennent une clause qui oblige les locataires non gouvernementaux à pratiquer l'affichage bilingue, mais on ne l'a jamais fait respecter ni mise en relief. Cela laisse perplexes des organismes comme le nôtre puisqu'il est futile d'inclure des clauses de ce genre sans disposer des moyens pour les faire respecter.

Le gouvernement fédéral devrait envisager d'inclure cette clause de bilinguisme dans tous ses baux dans la Région de la capitale nationale. Ce serait une façon de rappeler l'importance du bilinguisme dans la région. Tout ce que le gouvernement peut faire en ce sens favoriserait grandement la tolérance linguistique au Québec. Les citoyens verraient qu'il joue un rôle important dans le maintien du bilinguisme de ce pays.

Par la suite, le gouvernement pourrait mettre en oeuvre un grand plan de communication qui ferait la promotion du bilinguisme comme le meilleur choix pour les commerces de la région. Si l'on reconnaissait les commerces qui pratiquent le bilinguisme dans les relations avec la clientèle et dans l'affichage, on inciterait d'autres commerces à agir de même. Il faut faire preuve de prudence à cet égard de peur que toute promotion du bilinguisme ne soit perçue comme de même nature que la législation restrictive du Québec.

Ce que nous suggérons au gouvernement, c'est de faire une certaine promotion des commerces qui essaient de tenir compte de la minorité de langue officielle. Il pourrait, par exemple, créer à l'intention des visiteurs et des résidents un répertoire des commerces qui offrent d'excellents services bilingues et fournir à ces commerces des vignettes à mettre dans leurs vitrines pour indiquer qu'ils répondent aux exigences en matière de bilinguisme.

De notre côté de la rivière, nous devons rappeler ce que dit au juste la loi. La loi 86 permet l'affichage bilingue à l'intérieur et à l'extérieur. Alliance Outaouais et nos collègues du Network of Regional Associations travaillent fort pour que les marchands se prévalent de cette loi. Nous avons eu très peu d'appui du gouvernement fédéral dans cette entreprise, car on nous a dit qu'il répugnait à intervenir dans la «situation québécoise» et qu'il n'avait pas de pouvoirs en matière d'affichage.

Maintenant, le gouvernement a trouvé un moyen de fixer la norme en matière de bilinguisme. C'est une occasion extraordinaire pour le gouvernement de montrer que les communautés de langue officielle ont une place importante, légitime et visible dans ce pays. Au lieu de laisser croire qu'il y a des régions pour l'anglais et des régions pour le français, le gouvernement peut faire savoir que, dans la capitale nationale au moins, les visiteurs et les résidents peuvent se sentir chez eux.

Étant donné son mandat, Alliance Outaouais s'intéresse au mouvement pour obtenir l'égalité dans l'affichage des deux côtés de la rivière. Il serait malheureux que le gouvernement donne l'impression que la loi 86 est acceptable au Québec alors que les affiches qui accordent la même place aux deux langues officielles sont acceptables en Ontario. Le gouvernement devra faire quelque chose à propos de cette inégalité.

À un moment où l'unité de notre pays est en jeu, il importe de montrer aux Québécois anglophones que le gouvernement fédéral reconnaît et apprécie ses minorités de langue officielle et de montrer aux Québécois francophones que les communautés francophones ont leur place dans le reste du pays.

Alliance Outaouais entend encourager le développement et la pratique de la langue et de la culture françaises au Québec, mais certainement pas aux dépens de la minorité anglophone. Nous pensons de même pour les régions à l'extérieur du Québec.

Nous croyons que, dans la capitale d'un pays qui prône le bilinguisme et s'enorgueillit de son statut bilingue, le gouvernement fédéral doit prêcher l'exemple.

Nous croyons que quiconque s'oppose à l'affichage bilingue dans l'Outaouais ne fait que contribuer à la destruction économique d'une région déjà durement frappée par les réductions d'effectifs et l'instabilité économique. Faire place aux deux langues officielles, c'est augmenter son potentiel commercial. Ce faisant, un plus grand nombre de commerces attireront un plus grand nombre de clients, ce qui ne peut qu'aider la région.

Nous remercions le comité de nous avoir invités à prendre la parole. Nous vous rappelons que des consultations comme celles-ci donnent l'occasion aux associations régionales de faire connaître les sentiments de ceux qu'elles représentent. N'oubliez pas que des organismes comme Alliance Outaouais ont leur doigt sur le pouls de la communauté. Nous nous tenons à votre disposition pour vous aider dans votre recherche.

.1700

Nous tenons également à vous rappeler que, même si l'opinion publique et de petits groupes veulent vous faire croire que le bilinguisme n'est pas voulu au Québec, des sondages récents indiquent que la grande majorité des Québécois sont en faveur non pas d'un resserrement, mais d'un assouplissement de la législation linguistique. Un pas dans la voie du bilinguisme pour les locataires non gouvernementaux des immeubles fédéraux aiderait les entreprises à se rendre compte que, économiquement parlant, c'est une bonne décision à prendre.

Nous savons qu'il est difficile d'en arriver à un environnement idéal où tout le monde peut fournir des services dans les deux langues officielles. Cependant, nous demandons un symbole quelconque de tolérance linguistique à une époque où ce n'est pas le bilinguisme, mais l'intolérance linguistique qui règne.

Selon moi, il incombe au gouvernement de faire le nécessaire pour qu'une ère nouvelle s'ouvre dans la Région de la capitale nationale, une ère où les francophones et les anglophones peuvent se sentir libres de circuler partout sans inconvénients dans cette belle région.

Nous rappelons au gouvernement fédéral que, grâce à leurs deux langues officielles, les Canadiens peuvent communiquer avec plus de 75 pays. Un engagement en faveur de l'affichage bilingue dans cette région, y compris l'Outaouais, favoriserait un changement d'attitude de la part des commerces. Nous avons donc quatre recommandations.

D'abord, le gouvernement devrait lancer un plan de communication pour promouvoir le bilinguisme dans la région.

Deuxièmement, le gouvernement devrait élaborer des programmes marquant la contribution de tous les locataires qui ont des affiches bilingues et qui offrent des services bilingues, par exemple, en publiant un répertoire et en distribuant des autocollants colorés.

Troisièmement, le gouvernement devrait prévoir et promouvoir des articles relatifs à l'affichage bilingue dans tous les baux signés avec les locataires d'immeubles fédéraux.

Quatrièmement, le gouvernement devrait considérer les associations de la région de la capitale nationale comme Alliance Outaouais comme une ressource. Il devrait les consulter régulièrement pour se tenir au courant de l'opinion de la collectivité.

Je remercie le comité.

[Français]

Le vice-coprésident (M. Serré): Merci beaucoup. Avant les questions, j'aimerais souligner la présence du commissaire aux langues officielles, M. Goldbloom, à qui nous avons à maintes reprises demandé de venir et qui a toujours été présent lors de nos récentes assemblées.

Puisqu'il ne nous reste que de 10 à 12 minutes, je vous demanderais de limiter la durée de vos questions à deux ou trois minutes afin que tout le monde ait la chance de poser ses questions.

Monsieur Marchand.

M. Marchand: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Je souhaite la bienvenue à Mme Bishop et à M. Greig.

Je voudrais faire une brève mise au point. Quand vous dites que la région de l'Outaouais est la seule région du monde occidental où il y a...

Mme Bishop: La province de Québec.

M. Marchand: Quand vous dites que le Québec est la seule région du monde occidental à avoir une loi sur l'affichage, c'est inexact. Il y a un livre publié par un certain M. Leclerc, un spécialiste de l'Université de Montréal. Il s'intitule La guerre des langues dans l'affichage. Il analyse pratiquement tous les pays du monde, environ 85 pays, dont les États-Unis, le Mexique, la France, l'Italie, l'Allemagne et bien d'autres, et cela n'a rien d'exceptionnel.

Une chose m'intrigue. Votre organisme représente les anglophones de la région d'Ottawa et de l'Outaouais. Cela comprend-il des endroits comme Shawville, la région du Pontiac, etc.? C'est bien connu. En fait, je suis allé là-bas...

M. Allmand: Monsieur le président, le témoin pourrait-elle répondre par oui ou par non pour que sa réponse soit inscrite au compte rendu de la réunion?

Mme Bishop: Oui.

M. Marchand: Shawville et la région du Pontiac sont bien connus pour avoir une majorité anglophone. En fait, Shawville est très anglophone. Il y a là un tas d'enseignes et de services en anglais, bien entendu. Quand j'y suis allé, je n'ai même pas pu obtenir des services en français à certains endroits.

Mais le problème n'est pas là. Je veux savoir comment vous percevez le problème dans cette région. Pensez-vous que c'est le français qui est vulnérable ou l'anglais?

Il y a autre chose. Comme les anglophones de Shawville et du Pontiac, au Québec, ont déjà des panneaux d'affichage et en général, la plupart des services en anglais, que voulez-vous de plus?

M. Greig: Je pourrais peut-être répondre à cette question. Elle comporte deux éléments, n'est-ce pas? Il y a, en premier lieu, les exigences juridiques. Les régions dont vous avez parlé, sont, bien entendu, visées par la Loi 101 et les lois ultérieures concernant l'affichage, etc.

.1705

Quand vous dites qu'il y a une différence entre la langue parlée dans le Pontiac et celle qui est parlée à Hull, Gatineau, Wakefield et Thurso, il faut se montrer extrêmement précis, car toutes ces villes sont visées par la Loi 101. Quand la police de la langue a fait sa tournée, elle a sans doute visité toutes ces régions. Elle a émis des restrictions.

Le deuxième élément est la langue maternelle des gens qui vivent dans cette région. Il ne faut pas oublier que les villes que je viens de citer ont une longue histoire. Certaines d'entre elles ont été fondées par des Anglais, des Irlandais et des Écossais, il y a deux cents ans. D'autres ont été fondées par des Européens francophones, il y a deux cents ans ou plus, et toutes ont eu une histoire légèrement différente. Aujourd'hui encore, quand vous visitez ces villes, vous constatez ces différences, vous pouvez retracer leur histoire.

Je ne m'étonne donc pas, pas plus que le comité ne devrait s'étonner, que lorsque vous commencez à devenir extrêmement précis, comme vous venez de le faire en parlant de Shawville, vous vous retrouviez avec une majorité anglophone. Ces localités sont quand même assujetties à la loi. Nous sommes ici aujourd'hui pour essayer de vous convaincre qu'il faut rédiger la loi de façon à ce que tout le monde la comprenne parfaitement et puisse également la mettre en pratique.

M. Marchand: Pensez-vous que...

[Français]

Le vice-coprésident (M. Serré): Je suis désolé, mais je dois céder la parole aux autres intervenants. Il ne reste qu'environ cinq minutes.

[Traduction]

Monsieur Breitkreuz, la parole est à vous.

M. Breitkreuz: Je vous souhaite également la bienvenue. Vous avez dit que vous n'étiez pas affilié à Alliance Québec, mais vous représentez un organisme du même genre.

Mme Bishop: C'est exact. Il y a neuf associations régionales au Québec, dont l'une est Alliance Québec.

M. Breitkreuz: C'est un peu déroutant. Bien entendu, Alliance Québec reçoit des crédits du gouvernement fédéral. Qui vous finance?

Mme Bishop: Nous recevons également des crédits du ministère du Patrimoine canadien.

M. Breitkreuz: Dans quelle mesure?

Mme Bishop: Nous recevons moins qu'Alliance Québec et que nos voisins francophones de l'autre côté de la frontière. C'est grâce à ce financement de base que nous pouvons garder notre bureau ouvert toute l'année.

M. Breitkreuz: Dans le 3e paragraphe de votre mémoire, vous dites que le Canada a adopté la Loi sur les langues officielles pour reconnaître que le pays a deux langues fondatrices. Cette notion des deux langues ou de deux nations fondatrices est associée à de nombreux problèmes...

Vous dites que malheureusement, l'acceptation du français dans le reste du Canada soulève moins de problèmes politiques que l'acceptation de l'anglais au Québec. C'est une déclaration intéressante. Pourriez-vous nous en dire un peu plus?

Mme Bishop: Certainement. Tout récemment le gouvernement fédéral a décidé de déléguer aux provinces ses pouvoirs dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre. À la suite de ces initiatives, Alliance Outaouais a adressé une plainte officielle au Commissaire aux langues officielles. Nous avons fait valoir qu'en l'absence de toute loi indiquant quelles seront les sanctions prises contre les gouvernements provinciaux s'ils n'assurent pas un certain niveau de formation pour leurs populations de minorité linguistique, la minorité anglophone du Québec pourrait connaître de sérieuses difficultés.

Cette entente a été récemment signée en Alberta sans qu'aucune disposition ne soit prise à cet égard. D'après nos membres et notre conseil d'administration, qui ont donné leur approbation, il semble que cela pose moins de problèmes politiques étant donné que le reste du pays n'a pas de loi indiquant quelle doit être la langue d'affichage et quels services peuvent être offerts en français, alors qu'au Québec la loi précise bien quels sont les services qui peuvent être offerts en anglais.

.1710

M. Breitkreuz: Je sais qu'en Alberta, il n'y a pas de loi sur la langue d'affichage étant donné que vous êtes libre de parler n'importe quelle langue et d'afficher ce que vous voulez. Si la demande existe, vous le faites. Il n'y a aucune restriction. Il n'y a pas de loi 101 ou autre.

Vous dites que vous vous êtes plaints au Commissaire aux langues officielles. Quelle réponse avez-vous obtenue?

Mme Bishop: Un dossier a été ouvert au sujet de la formation de la main-d'oeuvre, mais nous sommes toujours sans nouvelles.

M. Breitkreuz: À combien de temps remonte votre plainte?

Mme Bishop: Le bureau du commissaire nous a fait parvenir un accusé de réception, la semaine dernière.

M. Breitkreuz: Merci.

Le vice-coprésident adjoint (M. Serré): Sénateur Rivest.

[Français]

Le sénateur Rivest: Je dois d'abord dire que je suis un partisan de ceux qui, comme monsieur le soulignait, reconnaissent entre autres que les Québécois anglophones, même si parfois cela s'inscrit peut-être un peu en dehors des grands principes, ont une histoire, qu'on doit respecter leurs institutions et en assurer le développement, et non pas seulement en reconnaître l'existence. Le fait d'afficher des enseignes bilingues à l'Hôpital de Sherbrooke ne menacera pas l'existence ou l'avenir du français; et c'est le cas dans bien d'autres régions.

Oubliez la Loi 101. Quand on parle de la question de l'affichage en Outaouais, on a souvent tendance à blâmer la Loi 101, le gouvernement péquiste, les séparatistes, M. Bourassa et tout le reste. C'est toutefois la Constitution du Canada et M. Trudeau qu'il ne faudrait pas oublier.

Êtes-vous d'accord sur le jugement que rendait la Cour suprême du Canada en 1988, qui invoquait alors the law of the land et statuait qu'en raison de la situation du français au Québec, minoritaire en Amérique du Nord, le gouvernement du Québec avait le pouvoir d'exiger que les affiches soient en français?

Deuxièmement, la Cour suprême du Canada a toujours dit que l'Assemblée nationale du Québec a non seulement le pouvoir d'obliger les commerçants - ce qui est une restriction à la liberté individuelle - à utiliser le français, mais aussi le pouvoir - ce qui reste dans le caractère raisonnable de la Charte - d'assurer la prédominance du français dans l'affichage. C'est la Cour suprême du Canada qui a dit cela, et non pas l'Assemblée nationale.

Est-ce que votre communauté et les gens de l'Outaouais et du Pontiac que vous représentez acceptent, parce qu'ils sont situés au Québec, cette réalité juridique de la Cour suprême du Canada comme étant un fait qui ne restreint pas la liberté d'expression des Canadiens et leur égalité au sens de la Charte? C'est ce que la Cour suprême du Canada a décidé. Est-ce que les gens comprennent bien? J'ai l'impression que souvent les gens trouvent cette situation désagréable ou contraignante et qu'ils ont l'impression que ce sont des gouvernements péquistes ou nationalistes qui en sont à la source, alors que la Loi 86, qui régit la situation linguistique en matière d'affichage au Québec, reprend exactement le libellé qu'utilisaient les juges de la Cour suprême du Canada et fait prévaloir the law of the land. C'est la Constitution. S'il y a des gens qui s'y opposent, ils doivent s'en prendre à M. Trudeau, et non pas à M. Bouchard ou à M. Bourassa.

Mme Bishop: J'aimerais préciser que la majorité de notre population accepte que la langue française est la langue prédominante au Québec. Notre organisation encourage le développement et la préservation de la culture et de la langue françaises au Québec et au Canada. Il est très important de préciser que notre groupe ne représente pas que les droits des anglophones, mais travaille de concert avec nos compatriotes francophones de l'autre côté de la rivière. La majorité de nos membres sont en faveur de la prédominance du français au Québec, mais pas aux dépens de la population minoritaire anglophone.

[Traduction]

Le vice-coprésident adjoint (M. Serré): Merci beaucoup.

Monsieur Allmand.

.1715

M. Allmand: Vous avez dit que, depuis l'adoption de la Loi 86, qui autorisait l'affichage en anglais, mais de façon accessoire et limitée, vous avez essayé d'inciter les entreprises du Québec à se prévaloir de la loi en affichant dans les deux langues. Vous dites avoir demandé l'aide du gouvernement fédéral, mais qu'il vous a opposé un refus, disant que cela ne le regardait pas.

Puis-je savoir qui vous a donné cette réponse? Était-ce des fonctionnaires, des députés ou des ministres? Qui vous a dit cela?

Je pose la question, parce qu'il est dit dans la partie VII de la Loi sur les langues officielles que:

41. Le gouvernement fédéral s'engage

à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada.

Puis il est dit, à l'article 43, que le Secrétaire d'État, et maintenant c'est le ministre du Patrimoine canadien, et son ministère, doivent prendre des mesures pour encourager l'apprentissage de l'anglais et du français, et même pour encourager les gouvernements provinciaux et municipaux, de même que les entreprises, à en faire autant.

En ce cas, qui vous a dit que cela ne regardait pas le gouvernement fédéral?

Mme Bishop: Récemment, Alliance Outaouais a assisté à une séance d'information concernant les articles 41 et 42 de la Loi sur les langues officielles. À cette réunion, un représentant du ministère du Développement des ressources humaines a dit qu'on hésitait à prendre des dispositions pour la population anglophone dans le cadre de la délégation des pouvoirs de formation de la main-d'oeuvre au Québec. Selon le ministère, c'est une question très politisée, il hésite à se lancer dans ce débat et il sera précisé à l'article 57, que l'apprentissage de la langue seconde sera assuré là où le nombre le justifie.

Cela évoque pour nous la perspective de nous retrouver devant les tribunaux pendant que tous les autres Québécois recevront leur formation en français, comme l'exige la loi du Québec. Aucune loi n'indique expressément ce que la demande doit être et ce qui se passera si le gouvernement d'une province n'obéit pas...

M. Allmand: Mon temps est presque expiré. C'est donc un fonctionnaire qui vous a dit cela.

Mme Bishop: Oui.

M. Allmand: Je suppose que nous devrons attendre de voir les accords sur la formation de la main-d'oeuvre... Un seul a été conclu avec l'Alberta.

Mme Bishop: Ce n'est qu'un exemple. D'après nos propres représentants, nous avons...

M. Allmand: Je me ferai un plaisir de suivre ce dossier. Il faudrait rappeler la teneur de la loi à ces fonctionnaires.

[Français]

Le vice-coprésident (M. Serré): Sénateur Robichaud, vous avez le mot de la fin.

[Traduction]

Le sénateur Robichaud: Merci, monsieur le président.

Vous avez souvent fait allusion à «l'autre côté de la frontière». De quel côté de la frontière êtes-vous?

Mme Bishop: Moi personnellement ou notre organisation?

Le sénateur Robichaud: Votre organisation. Quelle est l'autre côté de la frontière?

Mme Bishop: C'est toute une question, étant donné qu'on ne devrait pas faire cette distinction. Nous voulons les mêmes droits pour les populations minoritaires des deux côtés.

Le sénateur Robichaud: Alors, pourquoi parlez-vous de l'autre côté de la frontière?

Mme Bishop: Nous sommes Alliance Outaouais. L'Outaouais désigne le côté québécois de la rivière des Outaouais. Nos bureaux sont à Hull.

M. Greig: Si je peux ajouter quelque chose, monsieur Robichaud, il ne devrait pas y avoir de frontière pour ce qui est des droits linguistiques ou humains, n'est-ce pas?

Le sénateur Robichaud: Je le sais. C'est pourquoi j'ai posé la question.

Mme Bishop: Nous parlons seulement des frontières géographiques entre les provinces. Nous ne voulons pas laisser entendre qu'il existe des barrières physiques, d'un côté ou de l'autre, nous empêchant de traverser les ponts. Nous sommes fiers de faire partie de la région de la capitale nationale et de ce que la région vive dans l'harmonie tout en respectant la législation provinciale.

Le vice-coprésident adjoint (M. Serré): Merci beaucoup, madame Bishop.

Le sénateur Robichaud: Mes deux minutes sont-elles déjà terminées?

Le vice-coprésident adjoint (M. Serré): Oui.

Le sénateur Robichaud: Trente secondes.

Le vice-coprésident adjoint (M. Serré): D'accord.

Le sénateur Robichaud: Vous avez déjà lancé une campagne, auprès des détaillants, en faveur de l'affichage bilingue. Quelle a été la réaction?

Mme Bishop: En général, la réaction a été assez positive. Nous hésitions à lancer un boycott, car les commerçants de la région de l'Outaouais ont déjà des problèmes du fait que les gens traversent la rivière pour faire leurs achats.

Le sénateur Robichaud: Ils traversent à partir de quel côté?

Mme Bishop: À partir de l'Outaouais. Les gens vont en Ontario pour faire leurs achats en anglais. Beaucoup de gens ont déjà commencé un boycott. Ce boycott dure depuis 20 ans. Ils vont faire leur épicerie, acheter leurs vêtements et le reste du côté de l'Ontario, parce qu'ils peuvent obtenir leurs services en anglais. Si nous commençons à préconiser un boycott, nous allons doubler le problème alors que la région est déjà durement touchée.

En faisant preuve du bon sens dont je parle dans le mémoire, nous avons fait comprendre aux entreprises que ce serait un choix intelligent et que cela les aiderait à vendre. Nous leur avons offert de traduire leurs panneaux d'affichage. Nous avons offert nos services pour que les commerçants puissent mieux desservir la population anglophone du côté québécois de la frontière.

.1720

Le sénateur Robichaud: Vous dites que vous avez offert des services de traduction. Est-ce de l'anglais au français ou du français à l'anglais?

Mme Bishop: Les deux.

Le vice-coprésident (M. Serré): Votre temps de parole est écoulé, sénateur Robichaud.

Madame Bishop, monsieur Greig, merci de votre témoignage.

La séance est levée.

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