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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 18 juin 1996

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[Traduction]

Le président: Nous poursuivons l'étude consacrée aux ressources naturelles et au développement rural.

Nous avons le plaisir d'avoir parmi nous trois universitaires éminents: M. Fuller, professeur à la School for Rural Planning and Development de University of Guelph, M. Richard Rounds, directeur du Rural Development Institute et M. Stabler, président du Département d'économie agricole de la University of Saskatchewan.

Bonjour, messieurs. Ce que je vous demanderais aujourd'hui - car je suis sûr que nous allons avoir une discussion intéressante avec mes collègues - , c'est de faire un bref exposé liminaire d'une dizaine de minutes. Nous apprécierions que vous nous remettiez votre mémoire, si vous en avez un. Ensuite, nous aurons une discussion plus générale sous forme de table ronde.

Je ne sais pas qui voudrait commencer le premier. Monsieur Stabler, pourriez-vous commencer?

M. Jack Stabler (président, Département d'économie agricole, University of Saskatchewan): Bien. J'ai quelques graphiques à vous projeter pour accompagner mon exposé.

Je parlerai rapidement des sujets qui ont été brièvement décrits dans la documentation que votre secrétaire m'a envoyée, c'est-à-dire des sujets qui vous intéressent. Au cours de mon exposé, je citerai des chiffres qui concernent la Saskatchewan, mais le même genre de chiffres sont valables pour les quatre provinces de l'Ouest et, dans une certaine mesure, pour les autres provinces du Canada.

L'image que la plupart d'entre nous se font de l'économie rurale, c'est que le nombre d'agriculteurs diminue et que la taille des exploitations agricoles augmente. Ce graphique décrit également une autre réalité de l'Amérique du Nord rurale: la population rurale qui ne travaille pas dans le secteur agricole a énormément augmenté par rapport à la population agricole.

Voici un autre graphique qui est pertinent: les exportations de produits restent un élément très important de l'économie de l'ouest du Canada ainsi que, dans une certaine mesure, de celle des autres régions du pays.

Ce chiffre, 11,5 milliards de dollars, représente environ 38 ou 39 p. 100 du produit intérieur brut de la Saskatchewan. Comme je vais l'expliquer brièvement, lorsqu'on tient compte du secteur des services, cette proportion atteint 50 p. 100 du PIB.

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Ce changement de la structure de l'économie, dont nous sommes pour la plupart conscients parce que nous en avons été informés par les médias, montre que le secteur des services est grande expansion, que le secteur de la production primaire est en déclin et que les autres secteurs surnagent. Cette image est peut-être juste, elle est également trompeuse.

Le graphique suivant, qui concerne plutôt les professions que les secteurs industriels, illustre mieux ce qui se passe au niveau de la restructuration. Les deux premières lignes de ce graphique étaient incluses dans le secteur des services sur le précédent. Cela indique que les emplois dans les secteurs des services de gestion, des services professionnels, des services scientifiques et des services de haute technologie dominent en fait la croissance du secteur tertiaire. Sur ce graphique, ce que l'on considère comme des emplois du secteur tertiaire, ce sont des emplois peu spécialisés qui ont été créés au cours de la dernière décennie.

Ce diagramme résume l'importance des services qui sont classés directement dans les exportations ou qui font partie des exportations de produits, et qui ne sont pas inclus dans les chiffres précédents concernant la valeur des exportations.

Regardez les deux barres situées à droite de chacun de ces groupes de chiffres. À gauche, la barre foncée qui devient de plus en plus claire en allant vers le bas, indique le pourcentage des exportations totales, sauf celles de services. La barre à droite indique la croissance dans le secteur des exportations de services, quand on en tient compte, et c'est une réalité très importante et généralement non mesurée de la vie économique.

Étant donné que l'on utilise moins de main-d'oeuvre directe dans la production de marchandises, les gens quittent évidemment les régions rurales pour aller s'établir dans les villes, et ce graphique indique la reclassification de 600 localités de la Saskatchewan au cours des 35 dernières années. Les noms indiqués à gauche désignent ces localités, sous une forme abrégée.

Dans le groupe de la partie supérieure, où se trouvent Saskatoon et Regina, la population s'élève à environ 190 000 habitants. À mesure que l'on descend, cela devient 12 000, 6 000, 3 000, 1 800 et 300. Comme vous pouvez le constater, la population a terriblement diminué au sein de ce groupe. Par contre, un grand nombre de localités très fortes sont apparues au sommet; elles sont beaucoup moins nombreuses mais plus fortes.

Les deux graphiques suivants représentent la dimension spatiale de cette reclassification de localités. Voici la liste des localités qui se trouvaient dans les quatre catégories fonctionnelles supérieures en 1961. Les symboles noirs représentent 132 localités.

Le graphique suivant représente les localités qui se trouvaient dans les quatre catégories fonctionnelles supérieures en 1995. Il existe 29 localités mais remarquez l'intégrité spatiale de la réorganisation. Chaque région de la province est toujours bien desservie. De nombreuses routes qui étaient en gravier en 1961 étaient devenues des routes asphaltées à quatre bandes en 1995 et il s'agit au moins de routes asphaltées à deux bandes dans tous les autres cas.

Ce graphique plutôt rébarbatif d'aspect raconte toute une histoire. Tout le monde connaît la notion du multiplicateur du revenu et ce diagramme nous donne une mesure de ce multiplicateur dans chacun des six paliers du système communautaire que nous venons de voir.

Remarquez que quand on compare le plus petit multiplicateur, soit 1,09, avec le multiplicateur de 1,34 pour les centres d'achat complets situés dans des localités d'environ 5 000 habitants, l'effet de multiplication est cinq fois plus grand dans les localités de taille intermédiaire que dans les plus petites. Par conséquent, quand on dépense un dollar dans les régions rurales de la Saskatchewan, de l'Alberta ou d'une autre province, s'il est dépensé dans la petite localité, il va directement à Saskatoon, Calgary ou Toronto alors que s'il est dépensé dans une localité de taille intermédiaire, il génère des revenus et de l'emploi sur place avant d'aller ailleurs.

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Ces localités jouent un rôle très important dans l'économie territoriale. Voici les marchés du travail de la périphérie de Saskatoon ou de Regina. Contrairement aux marchés du travail représentés dans les graphiques suivants, tout ce territoire est caractérisé par une population croissante et par un accroissement du nombre d'emplois.

Cette série de marchés du travail - il y en a 13 en périphérie des localités secondaires - , est caractérisée par une certaine stabilité de la population et des emplois dans les zones de couleur bleue, mais c'est la croissance dans les localités qui compense les pertes rurales. Par conséquent, il existe une certaine stabilité à ces endroits-là, mais elle est caractérisée par un déplacement des personnes et des emplois des régions rurales vers les centres urbains.

Ce graphique-ci indique que s'il existe encore des emplois occupés par des navetteurs en provenance des régions rurales, les localités et les régions rurales en perdent toutes.

Le graphique suivant indique les zones de marché du travail que nous venons de voir. La couleur brune indique une croissance, la couleur bleue indique que le marché est stable, la couleur verte indique qu'il est en baisse et la zone non ombrée indique qu'il est en chute libre.

Enfin, suite à l'évolution de ces marchés du travail, Saskatoon et Regina y gagnent par rapport à toutes les autres localités. Dans la localité intermédiaire, la situation est stable tandis que dans les autres, cela diminue. D'après des prévisions allant jusqu'à l'an 2005, Saskatoon et Regina auront de 53 p. 100 à 54 p. 100 de la population et des emplois de la province. Ailleurs, on prévoit une perte de1 p. 100 dans les localités intermédiaires et de 2 et 3 p. 100 à mesure que l'on descend.

C'est une très brève introduction. J'espérais arriver à montrer les relations d'interdépendance complexes qui existent entre l'économie des régions rurales et celle des régions urbaines. La plupart des emplois ruraux liés directement à la production ont été supprimés, et par ailleurs, le nombre d'emplois dans le secteur des services qui, dans la plupart des calculs, ne sont pas considérés comme des emplois soutenant la production primaire, a augmenté considérablement.

La plupart des gens qui vivent dans les régions rurales - soit environ 10 p. 100 de la population active de la Saskatchewan - font la navette pour aller travailler dans les centres urbains. Ces gens qui représentent 10 p. 100 de la population active totale constituent en fait 30 p. 100 de la population active rurale.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup. Monsieur Fuller.

M. Tony Fuller (School for Rural Planning and Development, University of Guelph): Merci. Mon exposé est très ponctuel. Je vous ai fait remettre un mémoire de deux pages seulement, que je vais lire. J'espère que cela vous changera des exposés d'ordre général concernant la liste de sujets que vous avez pour mandat d'examiner.

Je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de venir. Après 26 ans de recherches au Canada, c'est un honneur de pouvoir venir ici pour pouvoir parler un peu de l'expérience accumulée pendant tout ce temps-là. En tant que cofondateur de l'ARRG, appelée maintenant CRRF, j'approuve entièrement l'exposé sur une politique rurale globale pour le Canada que les représentants de cet organisme vous ont fait le 28 mai.

Puisque c'est déjà fait et que, en ma qualité de chercheur, je suis entièrement d'accord avec eux, je vais surtout parler d'un point en particulier.

Au cours de cette période marquée par des changements spectaculaires, les réactions ont considérablement varié d'une région rurale à l'autre et par conséquent il existe une diversité plus grande que jamais entre elles, dans tout le pays. Étant donné la présence de toute une série de vieux et de nouveaux intervenants, de nouvelles et d'anciennes institutions, de nouveaux et d'anciens marchés du travail et vu les conditions locales, il est impératif d'élaborer une politique rurale globale qui encourage la durabilité, la diversité et qui assure l'égalité des chances dans la nouvelle économie rurale.

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Je n'hésite pas à affirmer que la nouvelle économie rurale repose toujours en grande partie sur le secteur des ressources naturelles et sur ce qui reste de l'économie primaire. Cependant, d'une manière générale, la restructuration de l'économie rurale se traduira par le maintien de la croissance du secteur des ressources naturelles mais, d'après ce que nous avons pu constater, cette croissance n'entraînera pas la création d'emplois. Par conséquent, on se pose certaines questions au sujet de l'avenir en ce qui concerne l'aide aux localités rurales et les liens qui existeront avec elles, ainsi qu'en ce qui a trait à d'autres aspects de l'économie rurale.

L'observation suivante, c'est que le monde rural a de l'importance. Dans un système à plusieurs paliers, le gouvernement national doit prendre la responsabilité de guider la restructuration de l'économie rurale pour qu'elle soit efficace, en faisant preuve de leadership et en créant des conditions favorables au dialogue, à la cueillette de nouveaux renseignements et à la prise de décisions.

Ce n'est probablement pas possible par les moyens conventionnels. En raison de la mondialisation de l'économie et de l'évolution du milieu rural, il faut adopter une démarche originale et audacieuse pour faciliter l'établissement d'un système intelligent qui permet d'avoir une vue d'ensemble. Cette démarche doit recouper les secteurs verticaux qui administrent et fragmentent les régions rurales. Il faut atteindre une connaissance horizontale de l'ensemble du système rural ainsi que des problèmes auxquels il faut faire face et des occasions qu'il faut saisir.

Pour tendre vers ce but, le gouvernement central doit déclarer son intention d'aider les régions rurales du Canada. Alors, en instaurant un mécanisme permettant d'apprendre davantage sur tous les problèmes ruraux, il pourra s'arranger pour que le processus d'élaboration des politiques soit fondé sur la connaissance et pour promouvoir le développement économique rural.

Ce mécanisme - et il s'agit d'une pure spéculation visant à focaliser notre réflexion et à susciter la discussion - est un institut des politiques rurales. La création d'un tel institut contribuerait largement à rendre visible l'appui que l'on donne au développement économique rural au Canada. Un institut soigneusement organisé pourrait fournir au secteur public et au secteur privé de nouveaux renseignements capitaux sur les problèmes ruraux ainsi que sur les possibilités qui existent sur le plan économique, social et écologique, et j'insiste sur le terme «possibilités». Cet institut pourrait créer des forums régionaux, nationaux et internationaux pour faciliter le débat et la consultation. Il pourrait regrouper les intervenants de tous les secteurs clés de la nouvelle économie rurale pour éclairer les politiques et promouvoir la durabilité.

Pour cela, il faut des réseaux, et c'est le titre de la partie suivante de mon exposé. Un tel institut devrait être relié à d'autres groupes de recherche et de réflexion du Canada, comme le Comité interministériel sur les régions rurales et reculées du Canada, les conseils nationaux de recherche, c'est-à-dire le CRSH et le CRSNG, le Groupe de travail national sur l'environnement et l'économie, le Conseil canadien de développement social et l'organisation manitobaine pour la promotion de la durabilité.

L'institut national de politique rurale devrait s'appuyer sur la recherche et assurer un certain leadership dans ce domaine en soutenant les sections de recherche rurale rattachées aux universités. À l'instar des régions rurales du Canada, ces sections sont souvent petites et fragmentées, et l'instauration de contacts avec les organismes centraux, grâce à des efforts concertés et directs, leur serait utile.

Cet institut devrait constituer un réseau national de groupes s'intéressant au Canada rural, qui refléterait la réalité de la condition rurale actuelle. Les principaux membres de ce réseau pourraient être les entreprises exploitant les ressources, la Fédération canadienne de l'agriculture, la Canadian Cooperative Association ainsi que de nouveaux groupes comme le Réseau canadien des agricultrices et des organismes comme Dignité rurale. Il s'agirait d'un mélange de groupes d'intervention et d'associations avec des organismes de recherche.

L'institut national de politique rurale devrait être financé à la fois par le secteur public et par des entreprises privées, ce qui serait la preuve d'un certain engagement de la part de l'État et des grandes institutions civiles, comme les banques, qui appuient le Canada rural et en bénéficient.

Il existe toute une série de possibilités de financement et de fonctionnement, mais voici une option toute simple: les gouvernements pourraient fournir la moitié du capital d'exploitation et les banques ainsi que les entreprises exploitant les ressources, la moitié du budget de recherche. Un investissement total d'un million par an permettrait d'établir un petit centre permanent dans une localité rurale - car il n'aurait pas besoin de faire de lobbying et ne devrait par conséquent pas nécessairement être établi à Ottawa - qui serait doté d'un budget pour la recherche et l'organisation de colloques dans le but de faire participer le plus grand nombre possible d'intervenants ruraux. Des cycles de recherche stratégique de trois ans seraient recommandés.

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En résumé, la création d'un institut national de politique rurale ne nécessiterait pas grand-chose car il existe déjà des établissements de recherche et des institutions partout au Canada. Ce qu'il faut, c'est une entité coordinatrice qui pourrait stimuler la production de nouveaux renseignements intéressants pour les universitaires et les chercheurs, qui seraient également utiles aux habitants des régions rurales du Canada et qui permettraient de formuler des politiques éclairées. Merci.

Le président: Merci, monsieur Fuller. Monsieur Rounds.

M. Richard C. Rounds (directeur, Rural Development Institute): Vous avez mes notes et j'espère que vous avez eu l'occasion de les examiner. Elles sont divisées en deux parties: j'ai fait quelques commentaires d'ordre général, puis j'ai abordé de façon systématique les sujets énumérés dans le document que vous nous avez remis. S'il y a un sujet qui vous intéresse tout particulièrement et que je n'en parle pas, on pourra toujours en discuter pendant la période des questions. La plupart de mes commentaires concernent la région des Prairies et les régions septentrionales de l'ouest du Canada. Je vous prie donc de les situer dans ce contexte.

J'insisterais d'abord sur le fait qu'il existe des différences très marquées entre les diverses régions rurales et que toute tentative d'instaurer une politique plus ou moins universelle se soldera probablement par un échec. La situation diffère tellement selon les régions qu'il faudra des politiques différentes. Par conséquent, je préconise fortement l'adoption d'une politique régionale, voire sous-régionale.

J'ai projeté un graphique sur l'écran pour vous indiquer ce qui s'est passé dans les régions rurales du Manitoba. Il est semblable au graphique que Jack vous a présenté, mais il indique les baisses de population rurale, en pourcentages, qui se sont produites au Manitoba au cours des30 dernières années. Les chiffres indiquent que les pertes s'élèvent à une quarantaine, une cinquantaine ou une soixantaine d'habitants voire entre 64 et 70. Cela signifie que dans la plupart de ces municipalités rurales, deux personnes sur trois qui vivaient là en 1961 sont parties.

Toutes les terres sont encore cultivées, si bien que cela revient à dire que l'agriculture ne peut soutenir à elle seule l'économie rurale. Ce n'est qu'une industrie de la région et toutes les collectivités souffrent de la diminution du nombre d'exploitations agricoles et du nombre d'habitants, parce que ce sont des clients qui sont partis. Cette constatation est valable pour toute la région des Prairies.

Au Manitoba, si l'on regarde ce qui se passe dans la périphérie de Winnipeg, on voit que le nombre d'habitants a augmenté de 98, 132 et même 194. C'est la banlieue urbaine qui, d'après la plupart des critères, est toujours considérée comme une zone rurale, mais elle est très différente des autres. Même dans une même province, il faut instaurer des politiques rurales différentes.

J'ai une deuxième observation à faire au sujet de ce dont Tony vient de parler. L'appel en faveur de la recherche et développement est essentiel. Cependant, une concentration totale sur la R-D de pointe n'est pas utile pour le Canada rural parce que, à l'exception des grands conglomérats forestiers et miniers, la plupart des entreprises rurales sont de petites et moyennes entreprises qui utilisent une technologie rudimentaire. On y fait très peu de recherche et développement. Elles ne sont pas bien alimentées, et je crois que c'est vraiment un chaînon manquant pour le Canada rural.

Un autre chaînon manquant est ce que j'appelle la recherche «douce». Même si vous faites partie du Comité des ressources naturelles, vous avez affaire à d'autres comités comme celui du développement des ressources humaines. La recherche «douce» étudie comment les gens s'adaptent aux changements qui se produisent, tant sur le plan économique que sur le plan social. La recherche «douce» est ce qui permettra en fin de compte, avec la recherche de pointe, d'instaurer la politique rurale.

Aux États-Unis, il existe un réseau de quatre instituts ruraux régionaux - un en Pennsylvanie, un au Mississipi, un en Iowa et l'autre en Oregon - , qui ont joué un rôle utile dans l'élaboration d'une politique rurale. Tony a réclamé la création d'un institut rural. Je dirais que l'infrastructure pour l'établissement d'instituts régionaux existe déjà au Canada; il existe une entité à Mount Allison, une à Guelph, une à Brandon et une à la University of Northern British Columbia. Il existe une structure à partir de laquelle on pourrait très facilement former un réseau d'instituts qui pourraient préparer chacun une politique régionale au lieu d'établir une politique nationale globale. Par conséquent, ce ne sera peut-être pas une affaire de gros sous. Il s'agira peut-être tout simplement de partir de ce qui existe déjà et d'aider à donner une autre orientation.

Le troisième commentaire que j'ai à faire, c'est que j'estime que, dans le Nord, tout tourne autour des revendications territoriales. On hésite énormément à investir dans le nord des provinces des Prairies et dans les Territoires, et c'est bien compréhensible, compte tenu du sentiment d'insécurité dû aux revendications territoriales non réglées. C'est ce qui alimente ou étouffe le moteur de l'économie du Nord. C'est un problème qu'il faut régler.

Je vais passer en revue quelques-uns des sujets prévus jusqu'à ce que le temps dont je dispose soit écoulé.

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Il sera difficile de changer la situation économique actuelle, qui se caractérise par des cycles de forte expansion et de récession dans les villes monoindustrielles. Cela veut dire que le nombre d'autres possibilités est généralement restreint. Le seul moyen de résoudre le problème par le biais d'une politique consiste peut-être à agir au niveau du commerce, et plus particulièrement du commerce international, où il faut essayer de régler des problèmes comme celui qui s'est posé, il y a quelques années, lorsque la Russie a fait du dumping sur le marché pour toute sa production de nickel et a fait littéralement chuter les prix pour essayer de se procurer immédiatement de l'argent liquide. C'est à ce niveau qu'une politique fédérale pourrait intervenir.

Ce genre de situation mise à part, ce sont toutefois les entreprises elles-mêmes qui détermineront les marchés et les prix, et le gouvernement n'aura pas grand-chose à dire, surtout dans le contexte d'une politique de libre-échange.

Les autres régions rurales de l'ouest du Canada souffrent de ce que j'appelle l'évolution implacable qui se produit. Les exploitations agricoles deviennent plus grosses et plus concurrentielles. L'ALENA accentuera encore cette tendance. Il y a moins d'agriculteurs mais ils sont probablement plus prospères et produisent plus de richesses pour le pays. Les habitants des régions urbaines du Canada se fichent pas mal qu'il y ait 10 000 ou 100 000 agriculteurs pour produire les richesses; ils veulent les richesses, c'est tout. Par contre, dans les régions rurales, le nombre de personnes qui continuent à produire ces richesses fait une grosse différence. C'est là la différence.

C'est l'évolution implacable. Plus ça va, et moins il y a de gens. La population vieillit énormément. Dans bien des agglomérations rurales, la proportion de personnes âgées peut atteindre les 40 p. 100. Cela fait du tort au secteur bénévole et au secteur économique de la collectivité et par conséquent, cela devient un problème chronique au lieu d'être une crise passagère.

Dans mes commentaires d'ordre général, j'ai comparé les cycles de forte croissance aux cycles de récession qui se produisent dans les villes dont l'économie est axée sur une seule industrie du secteur des ressources et où l'on passe de l'abondance à la famine. Si l'on considère que l'économie des Prairies repose uniquement sur l'agriculture, ce qui est l'opinion générale, que «rural» est synonyme d'agriculture, c'est une évolution qui s'étale sur une longue période; c'est un peu comme le vieillissement, cela vous prend par surprise. Il ne s'agit pas d'une crise et par conséquent, on ne réagit pas immédiatement comme on le fait face aux cycles de forte croissance et de récession. Il faut des politiques très différentes dans ces cas-là.

Je saute au quatrième sujet, où il est question d'ajouter de la valeur aux denrées primaires. À cet égard, le bilan est nettement supérieur en ce qui concerne les entreprises typiquement canadiennes qu'en ce qui concerne les autres, surtout dans les régions rurales. Un numéro récent de Insights On de Statistique Canada, que vous pouvez certainement vous procurer, l'indique clairement. Les entreprises étrangères sont souvent liées à tout un réseau, c'est-à-dire à des filiales et à d'autres pays; la valeur ajoutée se fait ailleurs, alors que les filiales canadiennes servent à fournir les matières premières. Je ne sais pas comment cela se traduit dans une politique établie dans un contexte de libre-échange, mais je suppose qu'une certaine forme d'encouragement aux entreprises canadiennes sera probablement la solution la plus efficace dans les régions rurales.

En ce qui concerne les ressources humaines, l'exode des cerveaux se poursuit dans les régions rurales. Par conséquent, la main-d'oeuvre qui reste à la disposition des petites et moyennes entreprises, même si elles utilisent des technologies rudimentaires, n'est pas très qualifiée. Dans certaines régions du Manitoba, 60 p. 100 des habitants n'ont pas leur diplôme du secondaire et la moitié d'entre eux n'ont jamais poursuivi leurs études au-delà de la septième année. Il est passablement difficile de les caser dans le monde de la technologie de pointe sans une formation très poussée.

L'infrastructure des transports et des communications est souvent considérée comme une panacée. L'infrastructure seule n'est pas une solution et elle a rarement permis de résoudre des problèmes chroniques dans les régions rurales et pourtant la construction de routes, l'installation d'un réseau de distribution de gaz ou d'un réseau de télécommunications se poursuivent.

C'est le genre de situation où l'on ne sait que faire, parce que si l'on n'installe pas d'infrastructure, cela accentuera probablement le problème mais que si on le fait, cela ne le résoudra pas nécessairement. On ne peut pas considérer l'infrastructure comme l'unique solution. Je crois qu'il faut qu'elle soit conçue très soigneusement.

Je conditionnerais l'installation de l'infrastructure à des stimulants. Au lieu d'installer un réseau de distribution de gaz dans toutes les villes du Manitoba, je m'en tiendrais aux localités disposées à implanter une industrie fondée sur l'utilisation du gaz naturel. Dans ce cas, le gouvernement leur fournit une ressource qu'elles se sont déjà engagées à utiliser.

Pour le moment, on installe l'infrastructure en partant du même principe que pour la diffusion des événements sportifs: on s'équipe en se disant que la clientèle suivra. Eh bien, cela n'a pas marché et il faut par conséquent examiner la situation très attentivement.

En ce qui concerne l'accès au capital, je vous ai remis un court résumé de deux pages concernant un important projet de recherche auquel travaille actuellement l'institut qui m'emploie. Il s'agit d'une ébauche. Nous allons interviewer sur place des habitants des régions rurales qui ont de l'argent à investir pour leur demander ce qui motive leurs décisions en matière de placement. Vous pourriez le lire rapidement.

La solution qui passe par le REER est d'une importance cruciale. Le gouvernement peut examiner un problème, à savoir celui des critères d'admissibilité des projets. La plupart des projets ruraux ne sont pas admissibles et on pourrait peut-être apporter quelques changements à ce niveau. L'autre possibilité à envisager, ce sont des politiques locales de contrôle des investissements admissibles aux REER.

D'une manière générale, les habitants des régions rurales ne sont pas terriblement entreprenants; ils veulent des investissements à faible risque. Les entreprises rurales sont des entreprises à risque élevé et c'est par conséquent une mauvaise combinaison. Une politique permettrait peut-être de régler le problème à un certain niveau.

Je crois que le temps dont je disposais est complètement écoulé, monsieur le président.

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Le président: Merci, monsieur Rounds.

Nous allons poser une série de questions. Vous trouverez également des renseignements supplémentaires sur certains de ces feuillets, si vous voulez.

[Français]

Monsieur Canuel.

M. Canuel (Matapédia - Matane): Des universitaires viennent nous rencontrer de temps à autre et je les en remercie. Vous êtes des penseurs et vous contemplez le monde réel du haut du ciel, pourrais-je dire.

Sur le terrain, les choses ne se passent pas tout à fait de cette façon. Plusieurs universitaires des autres provinces - j'ouvre une courte parenthèse avant d'aborder mon sujet - sont venus nous dire, au Québec, qu'ils nous aimaient beaucoup. Pourtant, quand il s'agit de présenter leurs textes en français, ils ne le font pas et je le regrette un peu. Bien sûr, vous n'avez pas le temps de le faire, même si le Canada est un pays bilingue. Cela dit, je vous remercie quand même d'être venus, parce que vous nous apportez de bons points de vue.

J'ai entendu énormément d'universitaires faire l'autopsie des régions rurales. Depuis 30 ou 40 ans, ils disent comment les choses se passent. Nous le savons. Moi, personnellement, je le sais.

Ce que l'on sait moins, c'est quelle solution présenter au monde rural pour lui donner de l'espoir. Vous le savez autant que moi. Vous avez parlé des provinces de l'Ouest. Vous avez fait de grandes études sur ces territoires et vous avez raison.

Vous savez très bien qu'au Québec, ce n'est pas mieux et que le monde rural se dépeuple. Les jeunes ne reviennent plus. Il n'y a aucun espoir pour ces jeunes. Il y a toute une génération qui s'en va et qui ne reviendra pas. Ce n'est pas parce que ces jeunes ne veulent pas revenir, mais parce qu'ils n'en ont pas la possibilité.

Je représente la circonscription de Matapédia - Matane, qui n'est pas très loin de la Gaspésie et de Rimouski, presque entre les deux. Les jeunes se demandent comment ils feraient pour avoir une activité rentable même s'ils avaient de l'argent au départ et même s'il y avait un institut comme celui dont vous avez parlé plus tôt. Je pense que ce serait peut-être une solution.

C'est vrai qu'il peut y avoir un manque d'argent. Ensuite, même si on avait de l'argent, par exemple dans le cas où certains parents transmettraient leur propriété agricole à leurs jeunes, certains de ces jeunes n'en voudraient pas à cause du contexte social. Se marier à 24 ans et s'engager à travailler six jours semaine quand on voit ses copains travailler trois ou quatre jours ou vivre du bien-être social... Il y a tout un phénomène de société beaucoup plus profond que le problème d'argent.

Cependant, il est vrai qu'il existe aussi un problème d'argent. Quand vous avez mentionné plus tôt qu'on devait obliger les banques à faire quelque chose, je vous ai applaudis. Je suis complètement en faveur de cette option. Quand elles font des profits, il faut qu'elles les répartissent un peu, particulièrement dans le monde rural. C'est trop facile de les répartir dans les villes, parce qu'on sait très bien que lorsqu'elles prêtent à une société donnée, c'est donnant, donnant.

Tout le monde nous invite, et particulièrement les universitaires, à nous prendre en main. Vous avez raison de nous donner ce conseil. Mais après une vingtaine d'années consacrées au développement rural et régional, je vous invite à mon tour à nous dire comment nous prendre en main. J'insiste sur le «comment».

Je reconnais qu'il n'y a pas de solution magique, mais il doit quand même exister des moyens pour motiver les gens à demeurer dans leur coin de pays. Ils ont le désir de demeurer dans leur coin de pays, mais il manque quelque chose.

Autrefois, il existait un tissu social; il y avait le bureau de poste, l'église, la caisse, la beurrerie, etc. Cela constituait tout un ensemble, et les gens étaient heureux.

Aujourd'hui, même les services dispensés par le fédéral, comme les bureaux de poste, sont devenus des comptoirs. Quand il n'y a plus de services, on s'en va ailleurs, bien sûr. Je voudrais bien que vous nous disiez ce qui arrivera d'ici cinq ans dans des milieux comme le mien, Matapédia - Matane.

Il y a des personnes de l'Université du Québec à Rimouski qui font, elles aussi, des études de recherche et développement. Quelqu'un m'en présentait une liste tout à l'heure. Mais je dirais que ces études volent trop haut. Elles ne sont peut-être pas assez près du terrain.

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Je dis souvent, quand je rencontre des universitaires comme vous: «Si vous perdez votre salaire demain ainsi que votre fonds de pension, venez chez moi à la campagne. Vous serez peut-être obligés de travailler de très nombreuses heures. Un an plus tard, vous déménagerez peut-être de vous-mêmes». Il y en a qui en ont fait l'expérience. Ce n'est pas facile.

Vous qui avez le temps de penser et qui êtes payés pour le faire, apprenez-moi comment concrètement, sur le terrain, dans un petit village de 300 personnes, on peut intéresser des jeunes. Je le répète: le côté financier est très important, mais il me semble que pour arriver à une solution qui puisse être permanente, il faudrait autre chose. J'aimerais vous l'entendre dire. Merci.

[Traduction]

M. Fuller: La question que vous posez concerne un problème très aigu, très grave, et il n'existe évidemment pas de réponse simple ou connue. Dans les milieux universitaires s'intéressant de près aux problèmes ruraux, bien des études ont été faites pour essayer de trouver au moins une explication partielle au problème de l'exode des jeunes et chercher une solution qui leur donnerait la possibilité de rester.

Je répondrai en partie en disant que le premier pas a déjà été fait dans le discours du Trône qui réévalue et met de l'avant le Canada rural en disant qu'il fait partie intégrante de la société contemporaine. C'est la première fois que cela a été exprimé de cette façon. C'est le premier pas. Il faut montrer aux habitants des régions rurales que leur vie, leurs villes et leurs collectivités sont importantes et que le gouvernement fédéral se préoccupe au moins de leur bien-être et de leur avenir.

Par conséquent, c'est le tout premier énoncé, et c'est la raison pour laquelle j'ai préconisé la création d'un institut national de politique rurale ou d'un autre organisme de ce genre qui serait également très visible, afin de soutenir l'intérêt manifesté envers les campagnards. Depuis trop longtemps, les messages transmis aux jeunes campagnards sont que les emplois, la grande vie, l'avenir et les possibilités se trouvent dans nos cités. Il existe une politique industrielle urbaine officielle depuis la Seconde Guerre mondiale au Canada. C'est la toute première fois que je vois que l'on accorde de l'importance à quelque chose qui concerne les régions rurales.

J'ose espérer que vous arriverez à trouver d'autres moyens de soutenir cet intérêt et de mettre en place d'autres mécanismes et institutions qui ne coûteront pas beaucoup d'argent aux contribuables mais qui tireront parti de toutes les personnes qui s'intéressent à l'avenir de ces régions.

Par exemple, j'enseigne aux jeunes la planification et le développement ruraux à la canadienne. On ne les encourage pas à penser que les régions rurales ont de l'importance. On les forme pour les envoyer dans les régions rurales sans leur donner un sentiment de sécurité, sans leur donner l'impression qu'il y a de l'avenir pour la recherche et sans leur fournir un mécanisme supérieur qui les soutiendrait dans leur travail. Étant donné que mon école produit 25 diplômés par an, au niveau de la maîtrise, il serait extrêmement important de pouvoir leur dire que les questions rurales ont de l'importance aux yeux du gouvernement, qu'il s'y intéresse et qu'il essaie de trouver des solutions aux problèmes que vous soulevez.

[Français]

M. Canuel: Vous avez beau parler d'institut, aux Ressources naturelles ici, on a coupé60 p. 100 du budget. On faisait quelque chose de très beau en foresterie dans l'Est du Québec. On vient de couper 6 millions de dollars par année. Cela veut dire que le gouvernement n'y croit pas. Et si le gouvernement n'y croit pas, vous prêcherez toujours dans le désert.

.1145

Il faut une volonté gouvernementale. Quand elle n'existe pas, il ne sert à rien d'avancer de grands principes. Il faut faire comprendre à ce gouvernement qu'il y a des possibilités pour ces jeunes, mais qu'il faut de l'aide aussi. Je disais que l'aide n'est pas tout, et c'est vrai, car il doit exister une mentalité sous-jacente. Mais il reste une chose: l'aide est nécessaire, particulièrement pour les jeunes. Instaurer un institut sans aide, qu'est-ce que ça donnera?

[Traduction]

M. Stabler: Je crois que la façon de procéder consiste à examiner le contexte dans lequel se produit l'évolution rurale. Tous nos processus de production sont de haute technologie. Ils vont le devenir de plus en plus. On aurait pu tout aussi bien indiquer «exportations de technologie» sur les diagrammes concernant les exportations.

Aucun processus de production ne repose sur la main-d'oeuvre manuelle alors que c'est ce qui avait créé des collectivités de 300 personnes il y a 50, 75 ou 100 ans. Ce ne sera plus le cas à l'avenir.

Il faut en fait se demander quelles collectivités régionales jouant le rôle que jouaient autrefois les villes provinciales sont capables d'héberger l'activité rurale et peuvent tenter de prendre la relève. Les localités de 5 000 habitants et plus feront partie de cette catégorie, pour autant qu'elles soient bien situées. C'est le meilleur moyen de soutenir le plus possible l'économie rurale dans le contexte du libre-échange où c'est la technologie qui domine nos processus de production et où les gouvernements n'auront plus d'excédents budgétaires. Certaines villes rurales de 300 habitants seront peut-être sauvées par hasard par un projet de mise en valeur des ressources ou de développement touristique, une ou deux sur des centaines, mais dans l'ensemble, elles sont d'ores et déjà condamnées à l'extinction.

Le président: Monsieur Rounds.

M. Rounds: J'envisagerais la question sous un angle légèrement différent. Premièrement, le plus gros problème que je vois chez les jeunes - et j'ai régulièrement des contacts avec eux; je parle d'élèves du secondaire et du niveau inférieur - , ce sont les attitudes négatives que leur communiquent leurs parents, qui n'ont fait que se plaindre toute leur vie à propos de l'économie rurale. Par conséquent, si l'on se demande comment on peut donner de l'espoir aux jeunes, je crois que la réponse est qu'il faut faire comprendre aux parents qu'ils les découragent.

On ne peut rien y changer à partir du sommet. On a décidé qu'il fallait agir à la base. Le développement rural s'est fait de haut en bas pendant des décennies; il était actionné par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. La participation municipale était très faible. Le fait que les gouvernements se déchargent de ces responsabilités à cause des compressions budgétaires - comme vous l'avez si bien dit - revient à dire ceci: «Cela marche si vous le faites, donc faites- le». Par contre, on ne fournit pas les ressources financières nécessaires pour alimenter le processus de façon un tant soit peu soutenue, parce que l'on dit également aux gens qu'ils doivent trouver eux-mêmes l'argent nécessaire.

Deuxièmement, on a affaire à un groupe de ruraux qui n'ont encore jamais fait cela. On s'attend à ce qu'ils aient l'esprit d'entreprise, chose qu'on ne leur avait jamais demandé auparavant. Par conséquent, il existe des lacunes au niveau de la formation des ressources humaines.

Dans presque toutes les localités rurales des Prairies où je vais, il existe une table ronde sur le développement économique, et je ne vois presque jamais de jeunes participer aux discussions. Il faut dire aux collectivités de faire participer leurs jeunes. Cela leur permettra de nourrir certains espoirs dans ce contexte.

En vérité, les principales politiques fédérales seront des accords commerciaux. C'est à ce niveau que se situe l'activité mondiale et c'est une responsabilité qui incombe au gouvernement fédéral. Ces accords intéressent surtout l'économie urbaine. Quant à l'économie rurale, elle va devoir, le cas échéant, essayer de trouver elle-même les ressources nécessaires pour stimuler l'économie. Dès lors, les principaux secteurs comme l'agriculture, l'exploitation forestière et l'exploitation minière se situeront au palier supérieur et ils seront régis par des accords comme l'ALENA. Par contre, dans le reste de l'économie rurale, la plupart des emplois dont vous parlez pour les jeunes vont devoir être créés à l'échelle régionale.

Je suis d'accord avec Jack: tout comme dans le cas des petites exploitations agricoles, ce sont les petites localités qui disparaîtront les premières. Il faut créer des centres régionaux viables pour inciter les jeunes à rester dans la région plutôt que dans une localité bien précise.

Le président: Monsieur Stinson.

M. Stinson (Okanagan - Shuswap): J'ai plusieurs questions à poser et j'en ai pour à peu près tout le monde. Ma première question est la suivante: quelle est l'incidence des obstacles commerciaux provinciaux sur le développement rural, en particulier dans les régions agricoles, compte tenu de la suppression du tarif du Nid-de-Corbeau et d'autres changements de ce genre? Quelle incidence cela aura-t-il sur les collectivités agricoles?

Par ailleurs, étant donné que je suis issu d'une longue lignée d'éleveurs et d'agriculteurs, je sais que la nature joue un rôle important dans certains des risques auxquels sont exposées les exploitations agricoles. Prenez l'eau, par exemple. Quel rôle joue l'absence d'eau dans la décision de réaliser ou non un projet de développement dans les régions rurales? Le chevauchement qui existe au niveau de la réglementation gouvernementale constitue également un obstacle lorsqu'on décide de faire un investissement, surtout dans les régions rurales où le nombre d'habitants n'est pas tout à fait aussi élevé qu'à Toronto, par exemple et où l'on sait que l'on ne peut pas être concurrentiel. C'est également un problème.

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Je voudrais dire quelques mots au sujet de la création d'instituts. Je ne sais pas vraiment si je suis convaincu qu'il s'agisse-là d'une responsabilité fédérale ou si cela ne devrait pas être plutôt une responsabilité provinciale, parce que les problèmes diffèrent d'une province à l'autre en ce qui concerne le développement rural. En effet, il existe une différence marquée entre la nature du terrain dans le nord de l'Ontario et le terrain plat de la Saskatchewan.

Nous savons qu'il faudra devenir très concurrentiels sur le marché mondial, ce qui créera bien des problèmes supplémentaires en cours de route. Par conséquent, la fiscalité va nous aider également à nous faire une opinion de l'orientation à prendre sur ce marché. Je sais que c'est un marché assez vaste, mais je voudrais obtenir des réponses à certaines de ces questions pour savoir si le gouvernement fédéral ne ferait peut-être pas mieux de ne pas intervenir dans certains cas, ou dans quels cas nous pourrions peut-être donner un coup de main d'une autre façon que nous ne l'avons fait jusqu'à présent. J'estime que c'est un mode de vie que l'on ne peut se permettre de voir disparaître.

Le président: Messieurs, vous voudriez peut-être tous dire un mot à ce sujet.

Monsieur Stabler.

M. Stabler: Vous posez bien des questions. Je répondrai peut- être à quelques-unes. À bien y réfléchir, un des plus gros obstacles au développement rural que représentent les politiques fédérales découle peut-être de la politique monétaire. Les taux d'intérêt élevés nécessités par la dette que l'on a accumulée par inadvertance ou involontaire constituent une entrave au développement rural, qui a souvent tendance à être à haute intensité de capital et plus les taux d'intérêt sont élevés, moins les activités capitalistiques sont rentables.

Je dirais que le meilleur moyen de stimuler l'économie rurale serait peut-être de juguler la dette et de faire baisser les taux d'intérêt. Ce serait bien plus utile que toute autre forme d'intervention.

Le président: Monsieur Rounds.

M. Rounds: Les obstacles interprovinciaux au commerce sont passablement néfastes; cela varie selon le secteur auquel on a affaire. Nous avons fait une étude sur les possibilités et les obstacles qui existent dans les secteurs à valeur ajoutée et dans la plupart des cas, surtout dans l'industrie alimentaire, la majorité des gens nous ont dit que les obstacles interprovinciaux causent davantage de problèmes que les barrières internationales. Dans la plupart des cas, il serait plus difficile pour le Manitoba de faire des échanges commerciaux avec la Saskatchewan qu'avec le Minnesota.

Un secteur où vous pourriez peut-être faire quelque chose est celui de l'inspection des viandes où il existe des différences entre les règlements fédéraux et les règlements provinciaux, ce qui crée toutes sortes de problèmes. Par exemple, un pirogui fait au Manitoba peut être vendu en Saskatchewan s'il contient du fromage, mais pas s'il contient ne fût-ce qu'un tout petit peu de viande, parce que les règlements sont différents. Vous parlez de marchés à créneaux, vous dites que les petites et moyennes entreprises doivent alimenter des marchés à créneaux. Vos marchés en question sont extrêmement limités à cause de ce genre de restriction.

Vous constaterez que dans les Prairies se déroule un grand débat sur l'opportunité d'avoir des offices de commercialisation fédéraux et que les deux camps sont de force à peu près égale. Selon l'auditoire auquel on s'adresse, on se fait critiquer quoi que l'on dise. Par conséquent, on est à la recherche de la meilleure solution. Ce serait une question que le gouvernement fédéral pourrait peut-être examiner.

M. Stinson: La question de l'approvisionnement en eau fait l'objet de nombreuses discussions et l'on a toujours tendance à être alarmiste dans ce domaine. J'ai toujours reconnu la possibilité que l'on fasse fausse route dans ce domaine. Cela nous aiderait peut-être si l'on pouvait amener de l'eau dans les Prairies. Est-ce un problème là-bas, pour les agriculteurs? Je voudrais connaître votre opinion à ce sujet.

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M. Stabler: En vérité, la plupart des projets d'irrigation ne permettent jamais de récupérer le capital investi. Ils ont été réalisés pour diverses raisons et il se fait qu'une des retombées, c'est l'irrigation des terrains agricoles. Après leur réalisation, l'agriculture trouve évidemment des débouchés. Par contre, du point de vue de la rentabilité pure, la culture irriguée n'est pas un bon investissement.

M. Rounds: L'eau est probablement un bien plus précieux en soi que les denrées cultivées grâce à l'irrigation.

Le président: Monsieur Fuller.

M. Fuller: J'ai un commentaire à faire. Je laisse tomber la question des obstacles interprovinciaux.

À une époque où l'on veut réduire la taille de la fonction publique, juguler la dette, donner davantage de responsabilités aux autorités locales et régionales ainsi qu'aux organismes et aux citoyens - et nous sommes parfaitement d'accord là-dessus - , il semble contradictoire de prôner la création d'un mécanisme d'orientation national pour la recherche et la consultation. Je crois qu'il existe déjà plus ou moins des organismes ou instituts régionaux. À l'instar de la plupart des régions rurales, ils sont de taille relativement restreinte; ils servent leur région et la connaissent très bien, mais il n'existe pas d'endroit central où toutes les informations, les idées et les expériences sont mises en commun et sont débattues dans l'espoir que cela engendre des possibilités de développement constructives dans toutes les régions du pays. Je ne pense pas que l'on ait quoi que ce soit à y perdre en décentralisant de façon à opérer à moins grande échelle et à rejoindre plus efficacement la population. Je pense que de plus en plus de mécanismes de ce genre ont été instaurés au cours des cinq dernières années, bien que leur implantation ne soit pas encore complètement terminée.

Lorsque notre groupe de chercheurs s'est formé, en 1987-1989, et lorsque mes deux collègues et les membres de l'auditoire se sont réunis, dans les régions rurales, il n'existait pas beaucoup d'organismes chargés d'examiner l'économie locale ou la situation économique, les conséquences sociales de la restructuration ainsi que d'autres problèmes analogues. Maintenant, de nombreuses institutions de ce genre ont été instaurées à l'échelle locale et régionale.

Ce qui nous manque, c'est un certain leadership, c'est un leadership national et le moyen de discuter avec d'autres pays des problèmes qu'ils ont découverts ou sont en train d'examiner. Par exemple, le problème de la jeunesse rurale est un problème important aux États-Unis et en Europe. Nous devons savoir ce que l'on en pense là-bas. Comment un petit institut rural peut-il entamer le dialogue avec de grands instituts européens si on ne lui facilite pas la tâche, si on ne l'aide pas à établir ce genre de relations? Voilà ce que je voudrais savoir.

Le président: Allez-y, monsieur Stinson. Veuillez être bref.

M. Stinson: Si j'ai parlé de cela, c'est qu'en Colombie-Britannique, c'est-à-dire dans ma province, le gouvernement a commencé il y a quelques années à créer ce que l'on appelle des zones vertes, où l'on pourrait faire de la culture et du développement, et d'autres où l'on ne pourrait pas en faire. La gestion de ces zones ne relève malheureusement plus des autorités régionales. Il existe bien des zones qui pourraient être développées mais il est absolument impossible de les cultiver ou de les exploiter d'une autre façon du fait qu'elles constituent des enclaves. Je songe notamment aux flancs de coteaux où rien ne pousse, si ce n'est du roc et des moustiques. Ce sont des enclaves, si bien que l'on ne peut pas les développer sans entreprendre les longues formalités que nécessite leur retrait de la tutelle gouvernementale. Ce que le gouvernement peut faire me préoccupe, si l'on veut lui confier la gestion de ces zones qui relèvent des administrations régionales.

Merci.

Le président: Monsieur Wood.

M. Wood (Nipissing): Monsieur le président, je crois que M. Stabler a donné son opinion personnelle à ce sujet. Je voudrais connaître l'opinion des deux autres participants, surtout deM. Fuller, qui dit qu'il a été longtemps dans les affaires et a probablement fait de l'excellent travail.

Monsieur Fuller, je me demande quelle est la meilleure solution que le gouvernement fédéral pourrait adopter pour contribuer à stimuler l'économie rurale. Diriez-vous qu'elle passe par des stimulants fiscaux, par une amélioration de l'infrastructure ou par une simplification de la réglementation? Nous allons consacrer un certain temps à cette étude et par conséquent, je me demande si vous estimez que le comité devrait axer ses efforts sur un secteur en particulier.

.1200

M. Rounds: Beaucoup de programmes de formation ont été créés. J'ai parlé dernièrement aux représentants du ministère du Développement des ressources humaines dans les régions des Prairies. D'après eux, les programmes de formation ne donnent pas de très bons résultats et par conséquent, un changement énorme a été effectué dans ce domaine.

En premier lieu, ces gens-là ont confié le contrôle de ces programmes à la collectivité plutôt qu'à une administration. Ils ont maintenant tendance à remplacer la formation professionnelle par une formation générale parce que le marché du travail est très souple. On entend des réflexions comme celle-ci: tout le monde va occuper cinq emplois différents au cours de sa vie au lieu d'occuper toujours le même emploi, comme l'ont fait les gens de notre génération. Cela dit, une certaine formation générale est plus fonctionnelle lorsqu'il s'agit de permettre aux ruraux de rester dans leur région et d'y trouver quelque chose à faire.

C'est peut-être une solution. Je suis également d'accord avec ce que Jack a dit, à savoir que les taux d'intérêt élevés et d'autres facteurs constituent des entraves à l'investissement, mais en ce qui concerne les ressources humaines, la formation générale... Ce n'est pas pour les enfants. Les enfants s'en vont après avoir terminé leurs études secondaires; c'est l'exode des cerveaux. Cela s'adresse à la population adulte qui est restée et qui n'a jamais reçu une bonne instruction officielle, pour qu'elle puisse utiliser la technologie moderne dont elle a besoin.

M. Fuller: Voilà une autre question liée à toutes sortes d'impondérables.

J'ai toutefois un commentaire à faire également au sujet de l'expérience que l'on a acquise jusqu'à présent aussi bien en Amérique du Nord qu'en Europe dans le domaine de la formation professionnelle. Les réussites dans ce domaine sont peu nombreuses, surtout en ce qui concerne les régions rurales.

Il semblerait qu'il importe d'avoir confiance dans le constat que les démarrages de petites entreprises - et je parle d'entreprises de moins de cinq employés - offrent beaucoup plus de perspectives d'emploi que les grands projets infrastructurels qui sont de courte durée et ne peuvent être maintenus. Les petites entreprises naissantes semblent plus durables. Elles sont par ailleurs assez naturelles et ne nécessitent pas de gros investissements de capitaux.

Je crois donc que l'une des leçons que nous pouvons en tirer pour l'avenir des régions rurales est qu'il faut mobiliser nos ressources de manière à ce que la petite entreprise constitue une perspective acceptable et intéressante pour les petites agglomérations où l'activité économique est relativement restreinte. On n'arrivera pas à résoudre le problème à distance d'un coup de baguette magique, avec des initiatives de nature infrastructurelle financées à coup de millions de dollars ou de programmes de formation professionnelle aux retombées impressionnantes. Nous devons nous contenter de petites retombées à l'échelle locale, car ce sera probablement beaucoup plus payant à la longue parce que ces initiatives n'auront pas été financées à coup d'investissements de durée non garantie ou de subventions temporaires.

À cet égard, nos attitudes à tous, que ce soit celles des technocrates, des universitaires ou des banques, par exemple, doivent changer. Les petits prêts n'intéressent pas beaucoup les banques et même les banques de développement des régions rurales ne s'intéressent pas beaucoup aux démarrages de petites entreprises.

Nous recevons beaucoup de renseignements d'Europe du Nord, c'est-à-dire des pays scandinaves qui, il faut le reconnaître, ressemblent au nôtre en ce sens qu'ils doivent faire face à de grosses variations saisonnières lorsqu'il s'agit de soutenir leur économie.

La rotation de la population est très forte, ce qui veut dire qu'il y a des gens qui retournent vers les campagnes. Je ne crois pas que l'exode rural soit systématique. C'est peut-être le cas dans des régions comme celles de l'ouest du Canada dont vous avez parlé ce matin, mais dans d'autres régions du Canada, une bonne partie de la population effectue un retour à la campagne. Ce n'est pas parce que le réseau routier est bon. C'est parce que les écoles y sont bonnes et que l'on peut s'y adonner à toutes sortes d'activités différentes. Ces gens-là le font pour changer de style de vie.

La plupart de ces personnes lancent de petites entreprises indépendantes et créent du même coup des emplois pour d'autres membres de la collectivité locale. C'est bien plus durable que d'essayer de trouver une solution unique en prévoyant au sommet une initiative d'envergure qui aura des retombées importantes. Avec un peu de chance, cela aurait des retombées politiques majeures mais c'est fort improbable.

.1205

M. Wood: Pensez-vous que c'est ce qui se passe, monsieur Rounds? Vous parliez des jeunes gens que vous rencontrez et avec lesquels vous discutez. Pensez-vous que le phénomène dont parle M. Fuller se produit dans la région de Brandon, au Manitoba, c'est-à-dire dans votre région?

M. Rounds: Pas vraiment.

Je voulais ajouter quelque chose à ce sujet.

M. Wood: Je le savais.

M. Rounds: Il y a une initiative extrêmement importante dont nous n'avons pas parlé et que vous pourriez prendre, à savoir conclure partout des accords fédéraux-provinciaux sur le développement rural, coordonner tous les services fédéraux et provinciaux. On constate que le chevauchement, le dédoublement et la confusion sont monnaie courante et, il faut l'avouer franchement, qu'il existe des guerres de territoire ainsi qu'une certaine concurrence entre tous ces organismes.

Le président: C'est difficile à croire.

M. Rounds: C'est pour ça que lorsqu'on examine les programmes Développement des collectivités, on constate que cela donne d'excellents résultats dans environ la moitié des cas seulement. Dans les autres cas, l'échec est généralement dû au fait que le programme provincial est plus solide pour une raison ou pour une autre, et qu'il est efficace.

Si vous vouliez coordonner les activités fédérales et provinciales et introduire un élément qui est totalement absent dans les régions rurales, à savoir le marketing... Les entreprises comme Inco et les pools n'ont pas besoin d'aide pour le marketing. Elles s'occupent de leurs affaires depuis des années. Par contre, les régions rurales ne bénéficient d'aucune aide au marketing pour les petites et moyennes entreprises.

On conseille à ces entreprises de se trouver un créneau. Qu'est-ce que cela signifie pour les habitants des régions rurales de la Saskatchewan? C'est un petit marché, mais ces gens-là ne peuvent pas le trouver d'eux-mêmes. Ce serait donc très utile.

Autrement dit, si les programmes Développement des collectivités et les organismes provinciaux conjuguaient leurs efforts et ajoutaient un distributeur, ce seul changement améliorerait beaucoup la situation.

M. Wood: J'ai une question à poser à M. Stabler. Je me posais une petite question au sujet des chiffres que vous avez cités. Vous avez cité des chiffres qui datent de 1984, mais pas de chiffres plus récents. Dans la plupart des cas, vos chiffres sur la main-d'oeuvre et sur les exploitations agricoles, par exemple, remontaient à 1991. Je me demande si vous n'avez rien de plus récent que cela. La situation a certainement changé. Nous sommes arrivés à 1995. Quatre ou cinq années se sont donc écoulées.

Dans quelle mesure les chiffres que vous citez sont-ils exacts? Nous voudrions le savoir, parce qu'il existe une possibilité que nous fassions une tournée plus tard et nous irons alors dans l'Ouest. Les chiffres ont-ils changé beaucoup depuis 1991?

M. Stabler: Votre question comprend deux volets. Le premier concerne la possibilité d'obtenir des données globales. Elles viennent du recensement. Je signale en passant qu'il s'agit de tableaux spéciaux. On ne les retrouve pas dans les publications courantes de Statistique Canada. Nous avons dépensé environ 50 000$ pour faire faire des totalisations spéciales par Statistique Canada.

Les données suivantes seront recueillies grâce à un questionnaire abrégé basé sur 1986. Il existe d'autres sources de données mais pas de données globales comme celles publiées par Statistique Canada.

Ce que j'ai essayé de montrer avec ces graphiques, ce sont les principales tendances et les tendances à long terme. Si l'on trace une trajectoire jusqu'à la période actuelle, on ne peut pas se tromper beaucoup. Sur les 600 localités dont nous avons parlé, j'en ai probablement visité 300 au cours des cinq dernières années, ainsi qu'une centaine d'usines et une cinquantaine d'exploitations agricoles. Je ne pense pas que la trajectoire qu'indiquent ces chiffres ait changé.

Je voudrais faire des commentaires sur deux ou trois autres points qui ont été abordés par mes collègues. La migration à rebours dont Tony a parlé est en train de se produire, mais de façon très sélective. Elle se fait généralement en direction des villes de taille moyenne et pas des petites localités. Les gens vont s'installer dans des localités où, il l'a si bien dit, le système scolaire a des raisons d'être fier de lui. On y trouve également une infrastructure suffisante dans d'autres domaines.

Bien sûr, un lieu présentant certains attraits naturels est de loin préférable à une localité isolée située sur le Bouclier canadien ou à un petit hameau perdu au milieu de 50 millions d'acres de blé. Par conséquent, c'est très sélectif. C'est en train de se produire mais cela n'aura certainement pas d'incidence sur la tendance générale pour l'ensemble des collectivités rurales.

J'aurais également quelques observations à faire au sujet de la disponibilité du capital. Premièrement, je ne pense pas qu'il y ait pénurie de fonds à investir dans les régions rurales ou urbaines du Canada. Deuxièmement, dans les régions rurales, la plupart des demandes de prêts sont refusées, ce qui est assez normal. Cela s'explique pour toutes sortes de raisons. Généralement, les entreprises sont très hasardeuses et les gens qui veulent emprunter de l'argent n'ont bien souvent aucun capital propre à investir. Ils présentent généralement un plan d'entreprise incohérent. Si vous étiez membre du conseil d'administration d'une banque, ce serait extrêmement irresponsable de votre part d'approuver l'octroi de tels prêts.

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Comme le disait Dick, il est peut-être nécessaire de parfaire l'éducation des gens qui se présentent avec ces plans d'entreprise mal préparés, voire de les aider à préparer les plans en question.

Quand on voit qui crée les nouvelles usines dans les régions rurales... En Saskatchewan,50 p. 100 des nouvelles entreprises manufacturières qui ont été créées au cours des 10 dernières années se trouvent dans la périphérie de Saskatoon et de Regina. Environ 90 p. 100 de ces usines ont été créées par des personnes qui ont travaillé 10, 15 ou 20 ans en Ontario, en Alberta, en Colombie- Britannique, aux États-Unis, au Japon, en Chine ou ailleurs. Ces personnes décident de retourner à Nipawin par exemple, et de se trouver un moyen de vivre là-bas. Elles reviennent donc armées de solides compétences. Elles reviennent également avec de l'argent à investir dans leur usine. Elles n'ont par conséquent aucune difficulté à obtenir un prêt auprès des banques, des coopératives de crédit et d'autres créanciers.

Le président: Madame Cowling.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Merci, monsieur le président.

Étant donné que nous espérons voyager cet automne, ma première question porte sur l'éducation et les jeunes. Je ne sais pas si nous possédons pour l'instant une liste des participants, mais puisque vous affirmez que les jeunes ne participent jamais aux discussions, quelle recommandation auriez-vous à nous faire? Existe-t-il des groupements de jeunes dans ces régions? Faudrait-il se rendre dans les écoles des régions rurales pour écouter ces jeunes?

Je devrais peut-être utiliser la carte, monsieur le président, car il serait bon que j'indique avec précision ce qui s'est passé à mes collègues et aux témoins. J'espère que nous pourrons aller dans cette région, parce que c'est là que se trouve la capitale nationale de l'industrie forestière.

Voici ma circonscription, celle de Dauphin - Swan River. Elle se trouve là. Dans cette circonscription, je vais hériter de deux grands centres urbains. Ce changement modifiera quelque peu la perspective des gens auxquels je m'adresserai. Par conséquent, je voudrais que les témoins me disent quel est le meilleur moyen de servir les régions que nous ne serons pas en mesure de servir parce que nous héritons de grands centres urbains. Cela vaut non seulement pour moi personnellement mais aussi pour le secteur tertiaire de toute cette région.

Ma circonscription recouvre probablement plus de la moitié de la province du Manitoba. Elle a une très grande superficie. Il me faut huit heures pour me rendre d'une extrémité à l'autre. Dorénavant, il me faudra plus de 10 à 12 heures.

C'est à mon avis une question extrêmement importante parce qu'elle indique clairement ce qui se passe dans les régions rurales. Et c'est précisément le cas dans cette circonscription.

Vous pourriez peut-être ajouter quelque chose à ce sujet, Dick, compte tenu du fait que les localités ont perdu une soixantaine ou une quarantaine d'habitants. Comment relancer l'économie de cette région et lui assurer une certaine durabilité?

M. Rounds: Je souhaiterais beaucoup connaître la réponse, Marlene, mais je ne la connais pas. Je crois que c'est à peu près la même chose que pour le triage en temps de guerre, il faut tout simplement faire le tri. Jack vous a déjà dit que bien des gens étaient déjà partis. Il faut d'abord arrêter l'hémorragie. Cela signifie à mon avis qu'il faut stabiliser ces populations. On ne peut même pas songer à provoquer un revirement. Il faut d'abord stabiliser.

La difficulté provient de la restructuration qui est en train de se faire dans tous les secteurs, y compris dans la fonction publique. Il y a sept ans, on a décentralisé certains services au Manitoba. En raison de la réduction des effectifs, on procède actuellement à une recentralisation et tous les services sont rapatriés à Winnipeg. On procède à un remaniement des arrondissements scolaires et des arrondissements hospitaliers.

.1215

Dans les collectivités rurales, il n'y a pas rien que des agriculteurs. Il y a des enseignants, des infirmières, des fonctionnaires et des gens d'affaires.

J'estime que si la fonction publique veut réduire ses effectifs, il faut qu'elle choisisse les secteurs où elle le fait et ceux où elle recentralise avec beaucoup de prudence. C'est un domaine où vous pouvez peut-être exercer une certaine influence. Autrement dit, si vous avez le choix entre le maintien d'un emploi dans une région rurale et son rapatriement dans un centre urbain, même si c'est un peu moins efficace, bien que Internet et les communications modernes doivent contribuer largement à atténuer le choc - c'est toujours ce que l'on prêche mais pas toujours ce que l'on fait dans la pratique - , il y aura peut-être un moyen de se mettre à stabiliser ces populations.

Je ne connais pas toute la réponse parce qu'il n'y a en fait que deux choses que l'on pourrait faire pour enrayer l'exode rural dans l'Ouest. On pourrait adopter une loi interdisant aux agriculteurs de cultiver plus de 300 hectares et on pourrait adopter une loi interdisant à quiconque de déménager. Je suis sérieux.

Mme Cowling: Mon autre question concerne les jeunes. Quelle recommandation feriez-vous? Existe-t-il là-bas un groupement de jeunes que nous pourrions écouter et dont nous pourrions ramener le témoignage à nos collègues?

M. Rounds: La formation générale n'est pas la solution. Autrement dit, ce n'est pas une solution d'intégrer une matière au programme des cours de sciences sociales, dans les écoles secondaires.

Il existe des réponses. Il existe notamment une excellente étude portant sur l'état de l'Iowa où, dans plusieurs petites localités, les coopératives de crédit sont dotées d'un conseil d'administration fantôme composé d'élèves du secondaire. Il ne s'agit pas d'un cours mais d'un programme qui s'adresse aux jeunes. On leur a confié un certain montant d'argent pour lancer des entreprises ayant pour but de créer des emplois d'été pour les étudiants. Autrement dit, il s'agissait d'une mini-coopérative de crédit. On leur a enseigné l'entreprenariat. On leur a appris à prendre des responsabilités. Ces jeunes ont dû faire des emprunts judicieux. Ils ont dû établir des critères. Cela donne de bons résultats.

Il y a aussi les programmes du style Jeunes entreprises en vertu desquels les élèves du secondaire forment des équipes qui font des investissements fictifs et rivalisent avec les équipes d'autres écoles secondaires. Il s'agit d'un jeu qui a une grande popularité, et celle-ci augmente. Il y a deux ans, il y avait sept programmes de ce genre au Manitoba. Cette année, il y en avait 67.

Des initiatives de ce genre sont plus importantes que la méthode qui consiste à essayer de convaincre les jeunes qu'ils devraient rester dans leur région sous prétexte qu'ils devraient aimer cela. Autrement dit, il faut vraiment collaborer avec les jeunes.

Le président: Monsieur Fuller.

M. Fuller: J'ai un commentaire à faire à propos des jeunes. Il concerne des questions antérieures. Il repose sur une intuition. J'ai le dos au mur avec mes collègues, parce que la recherche n'est pas censée reposer sur des intuitions. Cette intuition vient de deux sources d'information. Je fais partie de la table ronde locale sur l'environnement et l'économie à laquelle participent également trois élèves qui sont très actifs. Ensuite un de mes élèves vient de rentrer de Suède où il a fait une étude sur les localités qui participent au programme Action 21. C'est un très grand pays. La première observation qu'il a faite au sujet des comités d'Action 21 des petites localités du centre et du nord de la Suède est que l'énergie et l'orientation de ces comités viennent en grande partie des jeunes.

Si, à partir de toutes ces constatations, on a l'intuition que les questions écologiques présentent peut-être plus d'attrait pour les jeunes que pour les adultes actifs et les édiles municipaux qui considèrent parfois qu'il n'est pas facile de concilier l'éco-contrôle ainsi que d'autres mesures à caractère écologique avec... Les jeunes sont toutefois très enthousiastes à l'égard d'objectifs comme le sauvetage de la planète. Il existe des programmes très intéressants dans diverses contrées du monde, des programmes qui visent à inciter les jeunes à participer à des opérations de dépollution ou à l'éducation écologique, et à devenir la force motrice qui pousse les habitants des petites localités à prendre des initiatives à caractère écologique qui peuvent être productrices de biens; il ne s'agit donc pas de se contenter uniquement de nettoyer un cours d'eau ni d'accomplir uniquement des tâches aussi fastidieuses mais en fait de se lancer dans l'industrie écologique et de mettre leurs compétences en génie et leurs habilités pratiques à contribution.

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Les gens de la campagne, les jeunes ruraux ont souvent un sens pratique très développé. Tous les garçons veulent par exemple conduire un gros camion. Si l'on pouvait canaliser ce sens pratique dans la fabrication de biens écologiques, dans la fabrication locale, à petite échelle, avec des capitaux destinés spécialement aux jeunes, cela pourrait très bien devenir un secteur de croissance et être un moyen d'intéresser et d'inciter un plus grand nombre de jeunes à assumer leurs responsabilités au sein de leur collectivité.

Le président: Merci beaucoup.

Mme Cowling: J'ai une autre question à poser au sujet de la valeur ajoutée dans les régions rurales.

On a actuellement tendance à construire en banlieue. Je me demande ce que vous pensez de l'idée de faire la transformation à valeur ajoutée là où se trouve la source, à proximité de l'eau, par exemple. Qu'en pensez-vous? Faudrait-il rapprocher ce genre d'activité des centres urbains ou l'implanter directement dans les centres ruraux? Quels sont les avantages et comment vous organiseriez-vous?

M. Rounds: Je vais essayer de répondre en partie à cette question. L'étude sur la valeur ajoutée que nous avons faite m'a appris des choses que je n'avais jamais imaginé apprendre, notamment qu'il est moins coûteux d'expédier une vache vivante du Manitoba à Edmonton, où on l'abat, la coupe en deux, et de la réexpédier congelée que de l'abattre sur place. Les frais de transport sont pratiquement négligeables dans toute cette opération.

Pour répondre à votre question, le seul avantage que comporte le maintien de l'activité dans les régions rurales est le maintien des emplois. La plupart des usines de transformation n'ont probablement aucun intérêt naturel à s'établir dans les régions rurales plutôt que dans les centres urbains. Il existe quelques exceptions, comme les pommes de terre, à Carberry. Il s'agit d'un produit très lourd qui a été cultivé sur place et par conséquent il vaut mieux que le conditionnement se fasse sur place.

Comme vous avez pu le constater, en ce qui concerne la viande de porc, toutes les possibilités de transformation à valeur ajoutée ont disparu la semaine dernière lorsque la compagnie Schneiders a installé une usine qui emploie 300 personnes au beau milieu de Winnipeg, comme d'habitude. Cette initiative a pratiquement éliminé les chances. Mais c'est là que se trouve l'industrie. Au Manitoba, 85 p. 100 des usines de transformation agroalimentaire à forte valeur ajoutée se trouvent dans la ville de Winnipeg. C'est le cas depuis toujours et il en sera probablement toujours ainsi.

S'il s'agit de produits lourds, de grande valeur, dont le traitement doit être effectué à proximité de la source ou qui nécessitent une ressource spéciale comme l'eau, il est alors possible de faire de la transformation à valeur ajoutée dans les régions rurales. Sinon, elle continuera à se faire dans les centres urbains, comme à l'heure actuelle.

Le président: Monsieur Reed.

M. Reed (Halton - Peel): Merci, monsieur le président.

Mon collègue Bob Wood a signalé que Tony Fuller était actif depuis longtemps dans le domaine que nous sommes en train d'examiner. Tony, je pense que la dernière fois que nous avons eu des contacts, aucun d'entre nous ne portait des lunettes et que nous avions probablement une chevelure plus abondante. Je vous souhaite la bienvenue. Cela fait beaucoup de bien de savoir que vous avez une solide expérience, comme nos autres témoins d'ailleurs.

Ce qui m'a frappé depuis que nous discutons de cela, ce sont les termes «éducation», «infrastructure» et voilà maintenant que le terme «entreprenariat» fait son apparition dans le débat.

Il me semble que pour l'instant, l'éducation et l'infrastructure sont très étroitement liées, et pourtant, dans certaines régions du Canada, l'infrastructure de communication est toujours tellement rudimentaire qu'il n'est pas possible de se brancher sur Internet, par exemple. Par conséquent, le télé- enseignement n'est toujours pas accessible aux habitants des régions rurales. Je trouve que c'est un gros handicap.

On a déjà parlé du problème auquel sont manifestement confrontées les personnes qui restent dans des régions rurales touchées par l'exode, à savoir qu'elles étaient assez bien servies par les produits d'une époque où la technologie était plus rudimentaire mais que cela n'est plus vrai à l'aube d'une ère où le bagage scolaire et les compétences exigées sont nettement supérieurs. Il y a bien sûr toujours le problème des victimes de cette évolution qui se pose. La nouvelle économie est au service des personnes qui ont notamment des compétences poussées. La plupart des gens qui sont le produit de l'ancienne économie ne trouveront plus de travail à l'avenir. C'est un problème qui me préoccupe.

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En ce qui concerne l'entreprenariat, les personnes âgées de 25 à 40 ans ont reçu leur instruction, en Ontario du moins, dans un système scolaire qui n'y accordait aucune importance. Nos enseignants étaient des socialistes. Pour pouvoir en arriver où ils sont maintenant, les entrepreneurs devaient être autodidactes ou faire des études poussées.

Je ne sais pas quelle est la situation dans l'enseignement secondaire en Ontario à l'heure actuelle. Il y a pas mal de temps que je ne fréquente plus ce milieu et mes enfants non plus. J'espère sincèrement qu'elle a changé, mais il y a eu un grand vide, si bien que le désir d'être autonome et indépendant n'existait pas chez la plupart des gens. C'est peut-être un des problèmes qu'il faudrait essayer de régler.

M. Stinson a parlé du processus réglementaire. Tous ceux qui n'ont pas eu des relations d'affaires directes avec le gouvernement ne s'y intéressent peut-être pas beaucoup, ni à ses conséquences. Par contre, dans certaines régions du pays, la réglementation constitue la principale entrave, surtout en ce qui concerne les possibilités de développement respectueuses de l'environnement. C'est une bonne chose.

Jusqu'à tout récemment, l'investissement avait tendance à devenir de plus en plus centralisé, et je songe notamment aux compagnies d'électricité. Dans certaines régions rurales du Canada, il existe encore bien des endroits où l'investissement peut être diversifié mais il a été et continue d'être découragé par un processus de réglementation qui est pour le moins étouffant. Je suis payé pour le savoir.

Je me suis défoulé un peu. Existe-t-il une formule ou l'autre qui, compte tenu de ces problèmes, nous permettrait de...? Tony, votre idée de créer un institut de politique rurale en est peut- être une. Mais où trouver ces solutions et dans quel secteur pouvons-nous faire quelque chose pour résoudre ces problèmes, en tant que parlementaires?

M. Rounds: La réglementation est une source de problèmes. Lorsqu'on défend l'intérêt public, on se doit d'établir des règlements pour protéger la ressource, pour en assurer la durabilité. La compétitivité qu'exigent les échanges commerciaux internationaux incite les entreprises à essayer de réaliser rapidement des profits et à faire des prévisions à court terme, ce qui va totalement à l'encontre de ce principe. Il faut être prudent quand on essaie de déréglementer le bien public dont on est l'intendant. C'est pour ça qu'il faut des règlements.

La déréglementation comporte certains dangers. Le secteur des télécommunications est un cas typique de secteur où les entreprises qui ne sont pas provinciales, comme les compagnies téléphoniques, ont pu se faire concurrence pour les appels interurbains. C'est le segment lucratif du marché. Par contre, si on leur a accordé 25 p. 100 du marché des appels interurbains, on ne les a pas obligées à payer 20 p. 100 du coût des services téléphoniques locaux, qui est élevé. Ces compagnies se sont emparées du meilleur morceau et ont laissé les restes aux entreprises locales qui sont maintenant forcées d'augmenter les tarifs ruraux pour demeurer concurrentielles. Pourtant, certaines grandes multinationales téléphoniques n'ont pas un seul employé en dehors de Winnipeg, pas un seul.

Comme vous pouvez le voir, ce sont les régions rurales qui sont particulièrement touchées par la déréglementation. Pourquoi? Pour que les régions urbaines puissent être davantage concurrentielles sur le plan international. On pratique une politique de déréglementation que tout le monde prétend apprécier, sauf que ces gens-là ne se rendent pas compte des répercussions qu'elle a dans les régions rurales.

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M. Reed: Je me demande si ce que vous voulez dire, c'est qu'il faut examiner la réglementation et la déréglementation dans une perspective moins générale et plus spécifique, plus locale.

M. Rounds: C'est exactement cela parce que les barrières commerciales interprovinciales, par exemple, constituent une réglementation et qu'il faut les supprimer. On n'a aucune raison de les maintenir.

M. Reed: C'est exact.

M. Rounds: Comme je l'ai dit, dans certains cas, les règlements ont du bon, dans d'autres, ils sont néfastes ou neutres ou sélectifs et dans d'autres encore, ils défavorisent les régions rurales par rapport aux régions urbaines. Je pense que vous avez raison; je déteste la généralisation, je déteste que l'on dise par exemple que la déréglementation est une chose formidable, tout autant que l'idée qu'il faut tout réglementer. Je crois qu'il faut examiner chaque cas en particulier.

Le président: Monsieur Fuller, avez-vous un commentaire à faire à ce sujet?

M. Fuller: Oui. Je vais en fait abonder dans le même sens. Cela cadre bien avec mes fonctions de professeur de planification rurale. La planification est devenue une source de confusion dans bien des cas, en ce qui concerne le développement rural. Il existe une foule de petits obstacles réglementaires à la création d'activités commerciales dans les exploitations agricoles ou dans les régions rurales, dans les municipalités rurales. Pour les petites municipalités rurales, le contrôle réglementaire dans un ou deux domaines est le principal instrument du pouvoir. C'est un problème vraiment difficile. Dans un contexte où les initiatives de développement rural abondent, les gens ont toutes sortes d'idées mais ils se heurtent inévitablement tôt ou tard à une série de règlements.

J'ai parlé de développement touristique rural dans les petites agglomérations. Il est impossible de créer un gîte du passant dans une exploitation agricole pour des questions d'assurance, de zonage et d'hygiène. Pour le faire, il faut se soumettre à 15 inspections différentes alors qu'en Europe, en France par exemple, quand on veut créer un gîte, il n'y a aucun problème pour autant que l'on respecte certaines normes de sécurité et d'hygiène. Il y a une personne qui vient vérifier, c'est tout. L'agrotourisme est un secteur d'activité rurale très prospère. Voilà un tout petit exemple, que je connais.

En ce qui concerne les services aux personnes âgées... Le nombre de règlements sanitaires et d'autre nature auxquels doivent se soumettre les petits entrepreneurs ou même les ONG, les groupes bénévoles qui veulent améliorer le milieu de vie des personnes âgées dont ils s'occupent, est absolument stupéfiant.

C'est généralement à l'échelle locale que ces règlements sont appliqués. Ils sont désuets. Ils appartiennent à une époque révolue. Ils ont été instaurés pour de bonnes raisons à une certaine époque - pour protéger le territoire agricole, par exemple ou pour protéger la population - , mais ils constituent un obstacle considérable à l'esprit d'entreprise. Je crois que si l'on examinait à fond la question à l'échelle locale, en trouvant de bons moyens de maintenir une certaine équité et de protéger la population et le bien public, comme l'a si bien dit Richard, cela nous permettrait d'innover avec les ressources dont nous disposons.

Par exemple, aux yeux de la loi, on ne peut pas aménager un atelier dans une grange. On le fait jusqu'à ce que cela tourne mal. Il existe toutes sortes de contraintes alors que dans les pays européens, les granges constituent un atout. Les gens achètent des fermes parce qu'il s'y trouve déjà de belles granges spacieuses que l'on peut généralement convertir en atelier ou en salon de thé, par exemple. Dans certaines régions rurales, ce genre de chose est impensable.

Le président: Merci, monsieur Fuller.

Monsieur Bélair.

M. Bélair (Cochrane - Supérieur): Merci, monsieur le président. Je n'ai pas le temps d'écouter les commentaires ni les réponses aux questions que j'aurais voulu poser, mais je demande, par votre intermédiaire, que l'on réponde par écrit aux deux questions que j'ai à poser, pour que vous puissiez communiquer les réponses plus tard.

Le président: Voulez-vous dire que vous devez partir, monsieur Bélair?

M. Bélair: Oui. J'ai une autre réunion à 13 heures et je voudrais avaler un sandwich avant d'y aller.

Le président: Bien. Faites consigner vos questions.

M. Bélair: D'accord.

Voici la première: étant donné que nous avons affaire à des universitaires et à des intellectuels, je voudrais qu'ils me fassent part de leurs opinions et de leurs réflexions sur l'incidence du transfert des pouvoirs. Nous savons tous que jeudi et vendredi se tiendra une première conférence ministérielle au cours de laquelle les pouvoirs qui étaient partagés entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux seront transférés aux provinces, dans six secteurs différents qui sont presque tous de nature locale puisqu'il s'agit notamment du secteur forestier, du secteur minier, de celui du logement social et de celui de l'environnement. Dans tous les cas, cela aura une incidence sur les régions rurales et par conséquent je voudrais vraiment savoir ce qu'ils en pensent.

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La deuxième question, à laquelle M. Rounds a fait très brièvement allusion, concerne la nécessité de donner un regain de fierté aux habitants des campagnes, en ce sens qu'il faut non seulement fournir les outils nécessaires pour commercialiser les biens et les produits fabriqués dans les régions rurales mais qu'il faut également sensibiliser la population urbaine à la valeur extrême de notre production.

Voici quelques exemples: les pâtes et papiers, le papier sur lequel nous écrivons, sont produits dans les régions rurales; ils ne sont pas produits à Winnipeg ni à Toronto. C'est également le cas du bois d'oeuvre de résineux ainsi que de tous les métaux extraits des mines.

Il y a toute une éducation à faire. Je voudrais que les témoins me disent ce que le gouvernement fédéral pourrait faire, à leur avis, pour contribuer à donner un regain de fierté aux habitants des régions rurales et à faire comprendre aux autres l'importance de notre contribution à la société.

Merci.

Le président: Messieurs, si vous êtes en mesure de donner une réponse écrite aux questions de M. Bélair, nous vous en serions certainement reconnaissants.

J'ai deux ou trois questions à poser pour terminer, mais je vais d'abord demander à M. Stinson s'il avait une autre petite question à poser?

M. Stinson: Oui, j'ai une toute petite question à poser.

Étant donné que je suis originaire d'une région rurale et que je suis au courant de ce qui se passe en Colombie-Britannique, je constate qu'il y a un problème auquel on n'a fait que brièvement allusion et qui a pourtant une forte incidence sur tout ce qui se passe dans les régions rurales, celui de l'absence de régime foncier en ce qui concerne le développement rural. Je présume donc que cela doit être un problème partout ailleurs.

M. Rounds: Dans les régions du nord du Manitoba et du nord de la Saskatchewan, où certaines revendications territoriales ne sont pas encore réglées, cela bloque tout, en commençant par l'exploration minière jusqu'à l'exploitation forestière. Bien des confrontations se préparent parce qu'une bonne partie des terres ont été attribuées avant que la situation ne se gâte et l'on ne peut plus y faire d'abattage; par conséquent, cette situation menace l'avenir de l'industrie forestière. Dans le secteur touristique, certaines personnes qui ont des millions de dollars à investir et veulent installer des camps de pêche dans le Nord ont peur d'y investir un ou deux millions de dollars sans savoir qui en sera propriétaire d'ici deux ans. Autrement dit, elles se demandent si le bail qu'elles ont sur ces terres domaniales est valide. C'est là le problème et il a des répercussions sur tous les aspects du développement économique.

M. Stinson: Nous avons actuellement des problèmes dans ma région car les touristes refusent d'y aller par crainte d'être pris derrière des barrages routiers ou de ce qui pourrait se passer. Nous avons connu toutes sortes de situations dans ma région, et cela nuit incontestablement aux gens d'affaires de la région.

Le président: Merci.

J'ai deux commentaires à faire et une question à poser. D'après les déclarations de certains autres témoins - qui vont un peu dans le même sens que les commentaires que vous avez faits dans votre exposé - , nous devons envisager la création d'un poste de ministre de premier plan, qui serait chargé du développement rural, qui ferait une percée horizontale dans la hiérarchie des ministères et serait le gardien des ressources pour les régions rurales en particulier. Trouvez-vous que c'est une recommandation pertinente ou comporte-t-elle certains dangers, par exemple?

Je demanderais à M. Rounds de commencer, et les deux autres témoins pourraient dire ensuite ce qu'ils en pensent.

M. Rounds: Il y a des années, j'étais de ceux qui ont fortement recommandé la création du Secrétariat rural qui existe actuellement. J'aurais probablement préféré qu'il s'agisse d'un organisme indépendant plutôt que d'un organisme sectoriel, mais c'est peut-être précisément ce à quoi vous pensez.

Oui, j'y vois un avantage. Comme dans l'exemple que je viens de citer à propos du secteur des communications téléphoniques où les conséquences pour les régions rurales sont différentes, il faut qu'il existe un certain système de surveillance des politiques pour que, chaque fois que le Parlement est chargé d'examiner une question, quelqu'un se demande quelles seront ses répercussions sur les régions rurales. Les députés des régions rurales sont fortement minoritaires et par conséquent, la présence de quelqu'un qui nous mette en garde contre les conséquences qu'une politique à première vue intéressante est nécessaire. Je suis donc effectivement en faveur d'une telle initiative.

Le président: Monsieur Stabler.

M. Stabler: Moi aussi, j'approuve cette idée, mais j'ai quelques réserves à faire. Si l'on crée un poste de ministre de premier plan, il ne faudrait absolument pas qu'il soit associé à Agriculture Canada ni à aucun organisme affilié à ce ministère, comme l'Administration du rétablissement agricole des Prairies, parce que leur mandat ne sera pas élargi pour qu'ils puissent s'occuper des questions typiquement rurales en plus des questions agricoles.

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Il y a également évidemment le problème que pose la création d'un nouveau poste et d'un nouveau ministère, par exemple. L'expérience du ministère de l'Expansion économique régionale montre notamment ce que donne une administration parachutée au milieu d'autres administrations qui ont leurs partisans et leurs contacts. La création du poste n'est pas une garantie de réussite.

Le président: Monsieur Fuller.

M. Fuller: Je serais totalement en faveur d'un tel projet, parce qu'il faudrait créer un système intelligent qui pourrait ressembler à un institut, mais je souscris à la principale recommandation de Richard, à savoir que chaque fois que se pose un problème d'orientation susceptible de changer la situation en général - et il faut que quelqu'un le soulève - , il faut se demander quelle incidence il aura sur les villes monoindustrielles ou les localités industrielles, par exemple.

Il faut qu'il existe un certain mécanisme pour que la question soit posée systématiquement et que l'on y réponde. Cela ne sert à rien de poser la question si personne ne possède l'information nécessaire pour pouvoir prendre une décision. Il est donc nécessaire qu'un service de renseignements soit rattaché à ce poste, à mon avis.

Le président: Merci, monsieur Fuller.

Je vais citer quatre thèmes qui se dégagent des témoignages ainsi que des questions et des réponses. Je demanderais aux témoins s'ils désapprouvent un de ces thèmes ou s'ils considèrent que j'ai oublié un thème important.

Si j'ai bien compris, ce que l'on nous recommande en tant que représentants du gouvernement, c'est de s'arranger pour mettre de l'ordre dans l'ensemble de l'économie, c'est-à-dire pour faire baisser les taux d'intérêt et réduire notre dette ainsi que nos dépenses. Il faut maintenir les masses critiques dans les régions rurales en créant des centres régionaux au lieu d'agir au niveau des plus petites localités. Nous devons également faire de la recherche pour permettre aux collectivités de se développer elles-mêmes.

Y a-t-il d'autres thèmes ou est-ce tout?

Mme Cowling: Les jeunes.

Le président: Bien, ajoutez cela. Il faut faire participer activement les jeunes au processus.

Y a-t-il d'autres thèmes ou ces cinq thèmes suffisent-ils?

M. Rounds: L'autre thème qui pourrait se dégager des témoignages, c'est l'erreur que l'on commettrait en adoptant uniquement une tactique sectorielle.

L'idée d'instaurer une politique rurale globale n'est pas irréalisable; c'est possible. Nous l'avons déjà dit. L'entreprenariat, l'éducation, le développement des ressources humaines font tous partie de la politique rurale globale. Si l'on aborde la question uniquement sous l'angle de l'agriculture, de l'exploitation forestière, de l'exploitation minière ou des pêches, on obtiendra des politiques qui favorisent ces secteurs ce qui risque de vouer cette politique rurale à l'échec.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Fuller.

M. Fuller: J'espérais que vous y ajouteriez la responsabilité du gouvernement de faire preuve de leadership dans ce domaine.

Le président: Par conséquent, il faut abandonner l'idée d'une politique sectorielle et il faut plutôt instaurer une politique rurale globale où le gouvernement fédéral jouerait un rôle prépondérant.

M. Fuller: Oui.

Le président: Monsieur Stabler.

M. Stabler: Je crois que vous avez très bien résumé la discussion.

Le président: Bien. Merci beaucoup.

Ainsi se terminent nos audiences. Je tiens à vous remercier infiniment, messieurs. Nous apprécions vos efforts, vos conseils et vos témoignages. Je crois que vous avez fait considérablement progresser nos travaux. Au nom de mes collègues, je vous remercie encore une fois infiniment.

La séance est levée. Nous reprendrons nos délibérations demain, à 15 h 30. Merci.

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