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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 16 mai 1996

.1109

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Soyez les bienvenus à cette réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. Je souhaite tout particulièrement la bienvenue à notre ministre, M. Irwin, ainsi qu'aux fonctionnaires qui l'accompagnent.

Notre réunion d'aujourd'hui vise à répondre à une demande des membres du comité, surtout ceux de l'opposition, qui souhaitaient pouvoir demander certaines explications au ministre.

Nous vous demandons de nous faire part de l'orientation que votre ministère et vous-même souhaitez prendre.

Vous n'êtes pas venu ici pour m'écouter. Vous êtes accompagné de hauts fonctionnaires. J'ai une liste de deux pages de noms de personnes qui sont présentes et qui ont déjà comparu devant notre comité. Nous apprenons à les connaître.

Encore une fois, bienvenue à tous.

Monsieur le ministre, je crois savoir que vous souhaitez présenter une vidéo. Vous avez la parole.

Nous passerons ensuite aux questions, car nous espérons terminer à midi trente. S'il vous faut plus de temps, nous pouvons rester jusqu'à 13 heures.

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

.1110

Je tiens tout d'abord à vous remercier de l'excellent travail effectué par votre comité. Je suis toujours fier d'entendre dire par le whip de notre parti que votre comité entretient sans doute les meilleures relations de travail avec les hauts fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes. Après avoir siégé à des comités lorsque j'étais député de l'arrière-ban, je sais que c'est parfois frustrant. Lorsque j'entends ce genre d'observations, je me réjouis des bonnes relations que nous entretenons, de la qualité du travail que vous faites et de la compétence de tous les intéressés, tant les élus politiques que les fonctionnaires.

Je suis ici pour vous donner un aperçu de l'orientation que compte prendre le ministère et vous consulter, sinon aujourd'hui même, du moins à long terme, quant à la façon d'améliorer les choses. Vous avez déjà entendu le témoignage du sous-ministre et des sous-ministres adjoints, qui ont parlé de choses comme l'autonomie gouvernementale, les revendications territoriales et les conditions de vie dans les réserves du Nord. Je ne reviendrai pas là-dessus. Je tiens à parler de l'avenir et à me concentrer sur le développement économique.

Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu'il y a au Canada 608 réserves, environ 300 000 Indiens inscrits qui habitent dans les réserves et 400 000 hors réserve. Les Indiens non inscrits, qui ont conservé leurs droits ancestraux et issus de traités, sont à peu près aussi nombreux: entre 700 000 et 800 000 Indiens qui habitent en dehors des réserves, auxquels s'ajoutent les Métis et environ40 000 Inuit dans le Grand Nord.

Notre pays ne pourrait pas être prospère si sa population autochtone ne l'était pas également. Comment pouvons-nous prétendre à la réussite si celle-ci exclut 1,5 million d'Autochtones?

Il ne peut pas y avoir d'autonomie gouvernementale sans indépendance économique. C'est impossible. Et cette indépendance économique sera irréalisable si nous maintenons notre budget actuel d'aide sociale. Nous ne pourrons rien changer à ce budget en matière d'aide sociale tant que nous ne nous attaquerons pas vraiment aux problèmes en vue de favoriser un véritable développement économique et de créer des emplois - de vrais emplois, pas des emplois ponctuels - ce qui permettra de créer des capitaux, de réaliser des bénéfices et de susciter un sentiment de fierté.

Je tiens à vous montrer une bande vidéo que nous avons réalisée dernièrement. Je voulais que cette vidéo nous brosse un portrait réaliste, qu'elle nous montre la situation telle qu'elle est dans les réserves, certains des échecs, notamment en matière de logement, certains succès également, et les possibilités en matière de développement économique. Nous nous sommes intéressés à six réserves du pays, alors que nous aurions pu en visiter des centaines. Cela vous donnera une idée de ce qui s'y passe et des mesures qu'il nous faut prendre ensemble pour améliorer ces partenariats avec les Autochtones.

[Présentation d'une bande vidéo]

.1121

M. Irwin: La vidéo est disponible en français et en anglais. Sauf erreur, les deux versions sont sur la même bande. Il y a d'abord la version française, suivie de la version anglaise. Si l'un des membres du comité souhaite en obtenir une copie, nous pourrons le lui faire parvenir. Il suffira de demander aux membres de notre personnel, comme Paul McInstry.

C'est un bon outil de travail. Lorsque je parle à des banquiers, à des agents immobiliers ou à des chefs indiens, cette vidéo est une excellente introduction qui nous évite bon nombre d'explications. Un grand nombre de membres des Premières nations ne savent pas ce qui se passe dans les autres régions du pays. Un bon nombre de non-Autochtones ne savent pas ce qui se passe parmi les Premières nations. C'est donc un bon outil de départ.

Ce développement économique ne se produira pas du jour au lendemain. Il faut mettre en oeuvre des programmes de financement, de formation et de spécialisation, créer des coentreprises, trouver des débouchés. C'est un énorme défi à relever, mais je pense que nous ne pouvons plus attendre. Nous n'en sommes plus à discuter de l'opportunité d'une action quelconque. Il faut agir, et sans plus attendre.

À mes yeux, cette question est dénuée de sectarisme politique. Nous ne sommes pas toujours d'accord avec les députés bloquistes, réformistes ou néo-démocrates sur certains détails concernant les modifications constitutionnelles ou les droits inhérents, mais en général nous souhaitons tous que ces changements surviennent dans tout le pays.

Je vais vous citer environ six exemples de progrès en cours de réalisation. À Vancouver, en Colombie-Britannique, la Première nation Westbank s'occupe de louer des propriétés, comme des centres commerciaux. Elle possède des banques et des magasins de détail. La Première nation de Kamloops a un parc industriel. Elle loue des installations à long terme, car vous savez qu'il est très difficile d'obtenir du financement dans les réserves. Au Manitoba, Buffalo Point s'occupe également de louer des chalets. En Ontario, bon nombre d'initiatives semblables sont également prises. À Burrard Inlet, les Autochtones construisent de magnifiques appartements en copropriété, sous les auspices du chef George, dont le père était Dan George. La première phase est terminée, entièrement construite et exploitée par cette Première nation, et plusieurs autres phases sont prévues. Eel Ground, au Nouveau-Brunswick, vend des maisons préfabriquées. La réserve du lac La Ronge, en Saskatchewan, s'est lancée dans une coentreprise avec un promoteur de Toronto, d'origine italienne. Cela en dit long sur les Italiens.

En Saskatchewan, la Banque Toronto-Dominion et Blaine Favel ont créé conjointement la première banque autochtone. Je ne cesse de répéter qu'il reste six semaines avant l'aboutissement du projet. J'espère que tous les détails seront réglés par les responsables bancaires dans les plus brefs délais, car nous attendons avec impatience. Étant donné que c'est la première banque de ce genre, nous souhaitons lui donner un coup d'envoi assez important dans le quartier financier de Toronto ainsi qu'en Saskatchewan. Il s'agit d'une coentreprise, mais d'ici dix ans, cette banque appartiendra en totalité aux Premières nations de la Saskatchewan.

L'exemple que je cite le plus souvent est près de chez moi, à Sault Ste. Marie. Je veux parler de la Première nation Batchewana. Elle fabrique des pièces pour les moteurs diesel, des moteurs de préchauffage. Elle vend sa production à certains secteurs de la Défense nationale ainsi que le marché américain. Depuis les cinq dernières années, cette entreprise est très rentable.

.1125

Nous essayons de créer des projets novateurs. Par exemple, au cours des prochaines semaines, des gens d'affaires de Montréal et des Mohawks de Kahnawake doivent se réunir, sur le territoire de Kahnawake, pour examiner les politiques d'approvisionnement.

Il y a un mois à peine que nous avons signé des accords de gestion des terres avec treize des Premières nations. Ce projet durait déjà depuis un certain temps, et nous avons fini par signer les accords. Ils visent plus ou moins à exempter les Premières nations de l'application de la Loi sur les Indiens. Elles assumeront la responsabilité de la gestion et pourront agir plus rapidement.

Le problème dans le monde des affaires, c'est que lorsqu'on peut obtenir les capitaux, le projet et l'entreprise en même temps, il est impossible d'attendre deux ou trois ans pour que les choses suivent leur cours. J'ai déjà pratiqué le droit commercial. Pour obtenir les autorisations voulues, le processus est très complexe. Lorsque les Autochtones travaillent d'arrache-pied à la mise au point d'un projet, et qu'ils réussissent à mobiliser les personnes voulues, ils doivent être en mesure d'agir rapidement.

Aux termes des accords de gestion des terres, l'accès aux capitaux sera facilité. Je le répète, nous avons signé treize accords et j'espère qu'il y en aura d'autres. Ces treize-là sont très valables.

Nous essayons de régler les revendications territoriales dans des délais plus courts sans dépasser les budgets. Nous en avons réglé 61 ces deux dernières années. Vous êtes tous au courant du rapport de Price Waterhouse en Colombie-Britannique. Étant donné l'incertitude juridique existant dans cette province, il y a eu un manque à gagner de 125 millions de dollars par an en investissements, en placements tant à l'échelle nationale qu'à l'étranger. J'entends de nombreuses plaintes au sujet de cette perte de la part des gens d'affaires, des financiers et des courtiers.

Il y a d'autres secteurs qui semblent prometteurs, si on fait les choses comme il faut. Il y a les mines de diamant dans les Territoires du Nord-Ouest, le nickel de Voisey. Les Inuit, les Métis et quatre Premières nations ont déjà exprimé un intérêt pour cette exploitation, en faisant valoir leurs droits à l'égard de ces terrains. Nous prenons toutes ces demandes très au sérieux.

Il y a le tourisme. Nous avons dans tout le pays de magnifiques régions touristiques susceptibles d'attirer des visiteurs, mais il faut, pour en faire des destinations renommées, mettre sur pied les programmes de commercialisation et de formation qui s'imposent. Les touristes sont de plus en plus gâtés. Ils veulent optimiser leur budget de dépenses. Il faut prendre toutes ces mesures pour faire en sorte de collaborer avec les Autochtones sur le plan de la formation et du financement, afin d'accroître les activités touristiques.

Quant aux marchés de l'État, nous avons annoncé une politique d'approvisionnement à compter du 1er avril dernier. En un mot, si une société autochtone appartient à 51 p. 100 à des intérêts autochtones et compte au moins six employés, dont deux Autochtones, soit environ un tiers, cette société a accès à une vaste gamme de contrats du gouvernement, dans un certain domaine. Vous savez que j'ai du mal à faire accepter ce principe, non seulement aux Autochtones, mais également aux députés de mon propre caucus, car c'est une idée nouvelle. Mes collègues du caucus me posent des questions à ce sujet. Cela englobe-t-il l'assurance? Pourquoi pas? Nous achetons de l'assurance. Pourquoi les Autochtones ne pourraient-ils pas créer une compagnie d'assurance? Cela s'applique-t-il aux denrées alimentaires que nous achetons? Pourquoi pas?

J'ai rencontré les Cris, d'excellents gens d'affaires, et leur ai exposé la question en leur expliquant ce que nous pouvions faire ensemble. Nous envisageons certains secteurs où l'on pourrait sans doute faire mieux - par exemple, les Six-Nations du sud de l'Ontario; Tsu T'Ina en Alberta; rapprocher les Mohawks de Kahnawake et les gens d'affaires de Montréal; la FNIS en Saskatchewan. Nous sommes allés dans certaines régions où les activités commerciales vont déjà bon train, et c'est aux Premières nations de prendre l'initiative, je pense.

Parallèlement, il doit se produire un changement d'attitude dans tous nos ministères. C'est indispensable, car il s'agit là d'un nouveau concept. À mon avis, nous avons tout à y gagner. Je ne pense pas que les marchés de l'État soient une solution définitive, mais cela les aider, surtout les petites entreprises, à se faire une place sur le marché et à acquérir l'expérience voulue. Si elles veulent ensuite mener leurs activités à l'échelle nationale ou internationale, libre à elles. Voilà le genre de partenariats que nous recherchons.

L'an dernier, à Fredericton, nous avons participé à un colloque financier avec les Autochtones pendant quatre jours. Pendant les deux premiers jours, nous étions épuisés. Il y avait d'une part des banques avec d'importants capitaux et, de l'autre, des gens d'affaires autochtones qui avaient également d'importants capitaux, et pendant les deux premiers jours ils ne réussissaient pas à se comprendre. Puis ils se sont mis enfin à parler vraiment affaires, et les deux jours de la réunion ont été extraordinaires. Ce groupe continue d'exister et de présenter des rapports.

Ce genre de rencontres est très utile; par exemple pour Eagle Forest Products la Banque Canadienne Impériale de Commerce finance le projet du Nouveau-Brunswick, ou la Banque Toronto-Dominion, ou encore la Banque de Montréal, est présente dans l'une des collectivités mohawks. Grâce à ces rencontres, les intéressés apprennent à se connaître et à mettre sur pied des projets susceptibles d'être rentables, sans compter l'intérêt économique qu'ils présentent pour l'ensemble du pays.

.1130

En matière d'éducation, 20 p. 100 des Autochtones finissaient leur 12e année en 1981. En 1994, 80 p. 100 d'entre eux allaient jusqu'à la 12e année. J'ai déjà cité ce chiffre à maintes reprises, mais le fait que je le répète n'en diminue en rien l'importance. En 1968, il y avait seulement de 600 à800 Autochtones dans les collèges et universités, et aujourd'hui il y a 150 000 universitaires autochtones au Canada. Il leur faut acquérir des compétences plus spécialisées, mais c'est le cas de l'ensemble des Canadiens. Nous vivons dans une économie mondiale. Ils doivent être plus spécialisés. Voilà le genre de choses qui permettront à notre pays - et pas seulement à la population autochtone - d'entrer dans le XXIe siècle.

C'est pourquoi, monsieur le président, j'attends avec impatience votre rapport sur l'éducation. Nous sommes partis du principe qu'il y a un budget disponible d'un peu plus d'un milliard de dollars. Comment le dépenser à meilleur escient? Comment favoriser l'acquisition de compétences? Comment rejoindre les enfants pour les convaincre d'étudier les sciences et d'acquérir des compétences précises? Il y a parmi vous quelques éducateurs... J'en vois au moins deux qui ont été dans l'enseignement et qui comprennent l'importance de cette question.

J'ai horreur de rappeler les réalisations du passé, mais nous devons régulièrement nous rappeler que les fonds alloués à l'enseignement postsecondaire s'élevaient à 269 millions de dollars et que ce budget a augmenté de 56 millions de dollars depuis 1993. Il y a donc eu une augmentation de26 p. 100 allouée à l'enseignement depuis 1993. Ce n'est pas facile à faire à une époque de compressions budgétaires généralisées, mais l'enseignement doit être une priorité.

Cet été, nous allons engager des jeunes dans le cadre de trois contrats précis d'emploi des jeunes, environ 2 000 dans le cadre du contrat normal d'emploi des jeunes, 1 600 pour les camps d'été des sciences et de la technologie et environ 2 500 Autochtones dans le cadre du programme coopératif d'alternance études-travail. Il y a de nombreuses raisons à cela. Tout d'abord, la formation, mais il y a également les jumelages. Si les employeurs constatent d'eux-mêmes de quoi sont capables les Autochtones, ces derniers auront de meilleures chances d'être engagés. Ils auront plus de chances de participer à des coentreprises.

Certaines entreprises font tout cela sans la moindre incitation du gouvernement. Je tiens notamment à signaler les exemples de Syncrude et Cominco. Ce sont de très bonnes entreprises. Elles appliquent ce principe en matière de partenariats et travaillent avec les Autochtones.

Quant au secteur du logement, il existe d'énormes besoins dans ce domaine. Vous l'avez vu dans la vidéo. Nous essayons de construire des logements de meilleure qualité et à moindres frais, en faisant appel aux compétences, à la formation et aux matériaux que nous trouvons sur place. À cette fin, nous avons recours à toutes sortes de formules, à toutes sortes de logements différents et de gens différents. Un nouveau programme a été mis sur pied. L'an dernier, nous avons dépensé 10 millions de dollars et accepté 35 propositions. Cette année, nous examinons 63 propositions. Elles n'iront peut-être pas toutes de l'avant, mais nous avons sous les yeux 63 propositions sérieuses.

Nous devons cesser d'agir en juges. Comme l'a dit le premier ministre, il faut cesser de juger les Autochtones. C'est une chose que nous savons bien faire, mais nous devons maintenant être leurs partenaires. Nous avons l'occasion de faire quelque chose que le monde entier remarquera. On commence par les Autochtones. Ils sont là depuis 5 000 à 10 000 ans et parlent une cinquantaine de langues différentes. Puis sont venus les Français et les Anglais. À cela s'ajoutent les Italiens, les Irlandais. Dans notre pays, nous sommes passés des cultures autochtones au biculturalisme et au multiculturalisme. À bien des égards, le monde a les yeux tournés vers nous.

Il y a environ 2 000 «nations» sur la planète, mais aux Nations Unies moins de 200 d'entre elles sont reconnues. Il importe de nous serrer les coudes pour préserver le Canada - et je ne parle ni d'unité ni de séparation, mais de ce qui est à nous. Nous possédons la merveille du monde. Même si le Québec se séparait, nous continuerions de vivre ensemble et de compter 600 000 francophones parmi les Ontariens. Ce genre de choses arrivent. C'est inévitable. Le monde a donc les yeux tournés vers nous pour voir comment nous réussirons à vivre ensemble. C'est un défi énorme, mais dans l'intervalle nous pouvons être une vitrine pour le reste du monde.

.1135

À propos de vitrines, je voudrais vous demander quelque chose. Le 21 juin est la journée de reconnaissance des Autochtones, et j'aimerais que chaque député fasse quelque chose. Nous avons fait livrer des affiches. Le président de la Chambre va honorer cette année les 13 récipiendaires du prix de réalisation nationale et organisera une petite réception à laquelle sont conviés tous les députés. J'espère qu'ils viendront tous. L'événement se produira au cours d'une dizaine de jours. Le gouverneur général signera la proclamation, et nous essaierons de la faire afficher. Si vous souhaitez organiser une petite festivité dans votre circonscription, il est possible de présenter la proclamation.

Sous les auspices de la sénatrice Poulin, le Sénat envisage une façon de reconnaître chaque année la contribution des Autochtones. Les députés, les conseillers scolaires et les députés des assemblées législatives de tout le pays vont essayer de faire quelque chose. Ce ne sera pas un gros événement, car notre budget est limité, mais il faut bien commencer quelque part. L'APN souhaite que cela se fasse le jour du solstice d'été, soit la date choisie par l'assemblée sacrée de M. Harper, et celle qui a été approuvée par le gouvernement. Je pense que tous les partis sont d'accord.

Donnons le coup d'envoi au siècle prochain le 21 juin. Étant donné tous les problèmes qui assaillent notre pays, nous pouvons ensemble réaliser des choses merveilleuses.

Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions. Je ne sais pas si je saurai le faire de manière efficace, mais je vais faire de mon mieux.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur le ministre, et merci d'avoir apporté cette bande vidéo. Nous vous saurions gré d'en faire parvenir une copie, dans les deux langues à chacun des membres du comité.

Avant de débuter avec les questions, monsieur le ministre, j'aimerais vous faire part d'une préoccupation qui revient régulièrement sur le tapis à notre comité. Il conviendrait peut-être qu'un député de l'opposition la soulève, mais c'est une question qui préoccupe tout le comité. Je vais vous demander de répondre et de nous dire si le comité peut faire quelque chose pour y remédier.

Lorsque nous examinons des rapports ou des études, nous sommes souvent confrontés au problème du... Nous savons tous que le développement économique se forme sur des partenariats. Je serai direct, car c'est mon habitude... il nous arrive de nous demander quel genre de partenariats existent entre les ministères. Lorsque nous effectuons des études, il nous arrive souvent d'être bloqués parce que telle question relève de la Santé, telle autre d'Industrie Canada, telle autre encore de Développement des ressources humaines et telle autre des Affaires indiennes. Si notre comité veut étudier le développement économique et trouver des possibilités de créer de la richesse, il nous faut trouver une façon de réunir tous ces intervenants; autrement, que pouvons-nous faire pour y contribuer?

Je soulève la question, car elle préoccupe le comité, qui est constamment confronté à ce problème. Si vous pouvez nous donner des idées quant à ce que nous pourrions faire pour faciliter les choses... Si nous n'avons pas lieu de nous inquiéter, nous aimerions savoir ce qu'il en est. Si vous préférez aborder cette question ultérieurement, libre à vous.

M. Irwin: Voulez-vous que je réponde à cette question en premier?

Le président: Si vous le désirez.

M. Irwin: C'est à mon avis une préoccupation constante du gouvernement. Lorsque j'étais député de l'arrière-ban, de 1980 à 1984, nous recevions des délégations japonaises dans notre pays. Je ne sais pas si cela se fait encore. Ces délégations se rendaient dans des ministères pour poser les mêmes questions, et ensuite comparer les réponses. Les Japonais avaient donc une meilleure idée de notre politique publique que nous-mêmes, car les ministères, assaillis par les tracasseries administratives, ne communiquent guère entre eux. C'est un problème qui se pose pratiquement tous les jours au niveau des fonctionnaires, en régime démocratique.

Par ailleurs, étant donné les mises à pied, dans nos ministères l'information est surtout transmise de façon verticale. Comme le dit George Da Pont, il faut favoriser une plus grande communication horizontale. Dans mon propre ministère, il faut supprimer certaines voies hiérarchiques parmi les ministres. C'est un problème qui continuera de se poser tant que nous aurons des bureaucraties et des régimes démocratiques. Ce n'est pas un problème passager qui disparaîtra du jour au lendemain.

La meilleure façon d'y remédier, c'est de faire ce que je fais: se plaindre constamment.

Le président: Chers collègues, si vous trouvez une façon de proposer un mandat d'étude pour notre comité et de formuler des recommandations par la suite, ce serait un bon moyen pour nous de nous lancer dans l'étude du développement économique. Voilà pour cette question.

Monsieur Bachand.

.1140

[Français]

M. Bachand (Saint-Jean): Je sais dans quelle dynamique politique on est ici. Si j'avais été ministre des Affaires indiennes, j'aurais fait la même présentation que vous; j'aurais parlé des réalisations du gouvernement afin qu'on en voie la progression.

Mais comme je suis dans la dynamique de l'Opposition officielle, je dois attirer votre attention sur des choses qui vont plus ou moins bien et qui nécessitent des modifications. Il y a trois choses spécifiques sur lesquelles je voudrais m'attarder un peu. Il est reconnu que l'autonomie gouvernementale doit précéder le développement économique. Tant que les autochtones n'auront pas le plein pouvoir et n'auront pas leur avenir en leurs propres mains, leur développement économique sera difficile.

Vous avez émis une politique sur l'économie gouvernementale qui a été durement accueillie par les autochtones. Le chef Ovide Mercredi aurait déclaré qu'elle était paternaliste et dégradante, et Phil Fontaine a dit qu'elle était vouée à l'échec.

J'aimerais que vous nous disiez comment vous pouvez composer avec votre politique et avec les réactions négatives des représentants des Premières Nations. On a un exemple patent de cela dans le cadre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.

Vous vouliez faire un cheval de bataille du Manitoba, démanteler le ministère des Affaires indiennes au Manitoba. D'après mes renseignements, on est tombé en désaccord dès la première rencontre, et il n'y a pas d'autres négociations, à moins que ce soient des négociations informelles. Il y a un problème à envisager l'autonomie gouvernementale au Manitoba. C'est peut-être un exemple du fait que votre politique n'est pas tout à fait adaptée à la situation et qu'elle a été élaborée sans consultation. C'est la première chose sur laquelle j'aimerais vous entendre.

Pour ce qui est du développement économique, vous avez toujours été très sévère envers le Québec en ce qui a trait à ses relations avec les autochtones. J'ai toujours prétendu que le Québec était un chef de file en matière de développement économique et de développement socioculturel et un chef de file dans ses relations avec les autochtones. D'ailleurs, quelqu'un que vous connaissez bien nous appuie à cet égard: M. Brad Morse a dit que le Québec était un chef de file en matière du développement économique.

Vous venez au Québec et vous critiquez nos relations avec les autochtones. Êtes-vous en train de dire que M. Morse, l'un de vos adjoints, a tort lui aussi? J'aimerais avoir votre point de vue sur l'avis de M. Morse et connaître votre perception des relations des Québécois avec les nations autochtones du Québec.

Vous avez parlé très rapidement de l'unité nationale. Je vous ai souvent entendu dire que le développement économique chez les autochtones était un peu relié à l'unité nationale. Je vous ai aussi entendu dire tantôt que, même si le Québec se sépare, on va devoir travailler ensemble. Le partenariat est ma philosophie, et j'en ai parlé cette semaine à M. Mercredi, qui m'a même confirmé qu'il y avait beaucoup de similarités entre le nationalisme québécois et le nationalisme autochtone. Ce sont deux cultures, deux nations qui veulent se prendre en main. Il nous l'a dit clairement cette semaine.

M. Sinclair est allé plus loin. M. Sinclair a dit la semaine passée:

[Traduction]

[Français]

J'aimerais vous entendre sur l'éventualité d'une séparation. Est-ce que les autochtones du Canada et ceux du Québec n'auraient pas tout intérêt à continuer à travailler ensemble? Forcément, le Québec et le Canada devraient continuer à travailler ensemble pour parvenir à un développement économique un peu plus ouvert.

Voilà, monsieur le président, les trois questions auxquelles je voudrais que le ministre réponde.

Le président: Monsieur le ministre, avant de vous inviter à réagir, je dirai que le but de cet exercice est d'aider le comité dans son travail.

.1145

Mon collègue du Bloc québécois a choisi de poser des questions sur un sujet qui dépasse le travail de ce comité, mais nous sommes un comité très ouvert. J'ai permis au député de poser sa question. C'est à vous de décider si vous voulez y répondre.

[Traduction]

M. Irwin: Tout d'abord, en ce qui a trait au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, il y a eu une centaine d'articles publiés dans tout le pays, tous positifs. M. Mercredi a un travail à faire. Il est logique avec lui-même. Il a même critiqué l'assemblée sacrée. Il ne peut pas s'empêcher de tout critiquer. De façon générale, les choses avancent - péniblement, mais elles avancent.

On ne parle pas souvent de nous à Londres, mais même les journalistes du Economist de Londres se sont penchés sur notre politique. En fait, notre politique est la plus progressiste du monde. Nous affirmons que certains droits proviennent du Créateur. Aucun autre pays au monde ne l'a admis. L'éducation, la santé, l'exercice de l'autorité, le mariage, les services de police, la culture, la langue - passent du Créateur aux Premières nations. Aucun autre pays au monde n'accepte ce principe. Notre politique est la plus progressiste du monde. Tout le monde est d'accord là-dessus.

Quant au Manitoba, je confierais volontiers ma maison et mes enfants à Phil Fontaine. Nous travaillons ensemble. Nous nous sommes rencontrés la semaine dernière. Il est difficile de présenter des résultats concrets. L'autonomie gouvernementale n'est pas un objectif facile à atteindre, mais nous progressons. À l'Université Harvard, on a dit au sujet du démantèlement du ministère au Manitoba que c'était l'une des politiques autochtones les plus progressistes du monde. Nous en sommes très fiers.

Pour ce qui est du Québec plus précisément, le développement économique se heurte à de nombreux obstacles. Par exemple, au nord d'ici, les Algonquins vivent dans la forêt, et pourtant ils n'ont pas un cent d'investissement dans des sociétés forestières, pas un seul cent. Ce sont des autochtones de langue française. Ils n'ont pas de capitaux d'investis dans les forêts qui leur appartiennent et où ils vivent.

La Convention de la baie James et du Nord québécois de 1975... Je suis allé sur place voir les bâtiments. Nous en avons construit beaucoup dans cette région. Il y a deux mois à peine, je ne savais pas qu'aux termes de cet accord les Inuit ne pouvaient pas travailler dans la construction de logements s'ils n'étaient pas membres de syndicats québécois, dans lesquels ils n'ont jamais été admis. Ailleurs dans le pays, il serait inadmissible de mener des activités de développement économique et de perfectionnement professionnel dans une collectivité sans que celle-ci participe directement à la construction. En 1975, cet accord était formidable, mais en 1996 il ne vaut plus rien.

En ce qui a trait à l'unité, dès que j'en ai eu l'occasion, j'ai posé une question au chef du député. Nous parlions d'unité, ce qui est directement lié au développement économique. Je lui ai dit qu'il existe 10 Premières nations, 40 collectivités, outre les Inuit du Québec, les Attikameks, les Montagnais - vous les connaissez tous. Il y a 10 000 ans qu'ils sont dans notre pays, et ils affirment qu'ils veulent continuer de faire partie du Canada. À Montréal uniquement, 450 000 Canadiens d'origine italienne, des Canadiens vivant au Québec, veulent faire partie du Canada. Sur les30 circonscriptions, 23 ont voté non. Les habitants des cantons du Pontiac veulent conserver leur passeport canadien. Les habitants de Hull aussi. Les cantons de l'Est veulent continuer d'être Canadiens, au même titre que ceux qui habitent au sud de la ligne de 1898, comme les Algonquins, les Hurons de Québec, les Mohawks et les Montagnais.

J'ai demandé au chef de parti du député pourquoi, s'il croit en la démocratie, il n'écoute pas son conseiller, Daniel Turp, qui affirme que les droits des autochtones du Québec l'emportent sur ceux des Québécois. Il m'a répondu que si la majorité des voix, soit 50 p. 100 plus une, disaient que le Québec doit quitter le pays, c'était chose faite.

Si on tient compte de l'incidence que ce genre de chose a sur l'économie, vous avez vu ce qui s'est passé lors du référendum. Chaque point de pourcentage perdu sur les marchés financiers internationaux, par la faute du Bloc à mon avis, nous a coûté 1,7 milliard de dollars en intérêts. C'est le résultat direct de la politique du Bloc québécois. Les taux ont augmenté de deux points, ce qui nous coûte 3,4 milliards de dollars. L'unité et la désunion influent dans une grande mesure sur le développement économique, et nous devons donc rester unis. Il faut prendre conscience de la réalité et l'affronter carrément. Si nous continuons à parler de séparation, tout le monde en pâtit au Canada.

Le président: Madame Bridgman.

Mme Bridgman (Surrey-Nord): Mes questions portent précisément sur les aspects économiques. C'est ce que nous avons dit dans la lettre.

.1150

J'aimerais également me faire l'écho du président au sujet des autres ministères dont il est question. J'ai jeté un coup d'oeil sur l'ouvrage qui provient du ministère - celui-ci - où se trouve un graphique circulaire. Il y est dit que les dépenses totales pour les Autochtones, y compris les programmes, mais non les études réalisées, étaient de l'ordre de 6,4 milliards de dollars. Le budget autochtone proprement dit s'élevait à 4,1 milliards de dollars. Il reste donc 2,3 milliards pour les autres ministères. Cette question nous préoccupe lorsque nous envisageons l'éventualité que tous les programmes soient appliqués par un seul ministère. Comment va-t-on faire le lien avec ceux des autres ministères? Cela représente un budget important.

Qui plus est, il semble que l'on compte réduire les programmes. Bien entendu, nous nous demandons si le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien prévoit des réductions et s'il y en aura d'autres ailleurs. Quelle sera l'incidence de ces réductions sur le développement économique?

Je voudrais qu'on entende un dialogue quelconque sur le principe de l'autonomie. C'est un objectif que nous devons atteindre. Je voudrais aussi avoir d'autres détails sur ce qui se passe dans le Nord et dans le Sud. Votre vidéo portait surtout sur la situation dans le Sud. On y parlait un peu du Nord, mais uniquement pour les richesses naturelles comme le nickel et les diamants. Pour régler toutes ces questions, il faudra aussi toucher aux compétences des provinces.

Je voudrais aussi connaître votre point de vue sur une autre chose. Le gouvernement fédéral a déjà mené des études et lancé des stratégies ou des programmes et créé toutes sortes de commissions. Il y a par exemple la Stratégie canadienne de développement économique des Autochtones. Si je ne m'abuse, cette stratégie a été créée en 1989 et devait durer cinq ans. J'ignore si elle a été maintenue, vu qu'elle devait se terminer en 1994 ou 1995. Je pense qu'elle visait de façon précise à examiner les disparités économiques entre les Autochtones et les autres Canadiens. Trois ministères s'en occupaient, en l'occurrence Développement des ressources humaines, Affaires indiennes et du Nord canadien et Industrie. Je voudrais savoir ce qui est arrivé à ce programme.

Je viens de mentionner la Stratégie canadienne de développement économique des Autochtones, et le budget des dépenses parle d'un programme de développement économique pour les Premières nations et la communauté inuit. Je ne vois pas très bien quelle est la différence entre les deux. Je ne sais ce que c'est au juste. Si je ne m'abuse, ce programme emploie environ 900 personnes et accepte des demandes de renseignements, etc. J'ignore quel rapport il y a avec l'autre programme.

Il y a ensuite la Commission canadienne des affaires polaires, qui s'occupe de recherches scientifiques. Y a-t-il un rapport avec le développement économique?

Quelles sont les activités du gouvernement dans le cadre de ces diverses études et stratégies qui visent le développement économique? Dans le vidéo, on parlait surtout d'entreprises individuelles.

Il y a un autre aspect sur lequel je voudrais avoir des renseignements. Je crois savoir que votre ministère a maintenu ou réexaminé le programme portant sur l'approvisionnement en aliments du Grand Nord. Pouvez-vous nous dire où en sont les choses?

Pour revenir en arrière, que prévoit-on faire maintenant? Quelle est la différence entre la situation dans le Nord et la situation dans le Sud? Il y a une différence très nette sur le plan géographique. Comment les réductions budgétaires des autres ministères vont-elles toucher les programmes qu'ils administrent conjointement avec votre ministère? Prenons l'exemple des réductions budgétaires visant le Nord. Apparemment, il y aura une réduction de 3,5 p. 100, et cela peut toucher des choses comme la recherche et l'éducation. Je crois savoir qu'on donne la priorité à l'éducation. Qu'arrivera-t-il aux programmes économiques qui existent déjà?

.1155

M. Irwin: Je peux vous donner une vue d'ensemble de la situation. Je pense que c'est ce qui vous intéresse le plus.

L'année dernière, mon budget était d'environ 5 milliards de dollars, et l'on a enlevé un milliard de dollars environ pour la région au nord du 60e parallèle. Après le 1er avril 1999, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut négocieront directement de ministre des Finances à ministre des Finances. Cela relèvera donc du ministère des Finances.

Quant au ministère du Développement des ressources humaines, il y a une réduction de 3 p. 100, ou de 213 millions de dollars, depuis un an... D'abord sous M. Axworthy et maintenant sousM. Young, on a commencé à remettre aux peuples autochtones de tout le pays la compétence et l'administration des divers programmes... Ce n'est pas facile, surtout pour certains programmes. Cela a pris un an jusqu'ici, et le ministère essaie de procéder de la meilleure façon possible. Cela relève de Mme Blondin-Andrew, de Bob Nault, qui seconde M. Young, et de Anne McLellan.

L'autre gros morceau est le budget de la santé. C'est un montant considérable. M. Dingwall, qui s'est toujours intéressé aux peuples autochtones, compte maintenant visiter les communautés autochtones, en commençant par celles du Nord de l'Ontario. Je pense qu'il ira ensuite dans le Nord du Manitoba, ce qui est une bonne chose, parce que nous pourrons y aller ensemble.

Quand je visite une communauté, on me pose des questions sur la santé, mais je ne suis pas le ministre de la Santé. Quand je dis à un Autochtone que je ne suis pas le ministre de la Santé, il me dit: vous êtes le ministre des Affaires indiennes; alors pourquoi ne vous occupez-vous pas de la santé? C'est ce que nous allons faire cet été. Nous allons visiter ces communautés ensemble, et les Autochtones pourront poser leurs questions.

Il y aura des réductions dans certains programmes. Même si on a augmenté le budget, c'est une question de priorité. À cause du taux de natalité, une augmentation de 2 p. 100 représente le double. Le baby-boom n'a pas eu lieu dans les localités autochtones au même moment que dans les localités blanches, et nous essayons donc de maintenir notre budget dans certains domaines, surtout l'éducation. Nous essayons de dépenser plus efficacement pour le logement et certains autres services, mais nous allons devoir réduire les fonds de certains programmes à cause de l'augmentation démographique.

Bon nombre de nos programmes de dépenses sont reliés aux lois provinciales. Ils reflètent les lois provinciales. Le budget de l'assistance sociale est partagé également. Les paiements sont identiques. Si les provinces font quelque chose... Il y a donc certaines restrictions que je dois respecter. Je dois tenir compte de ce que paient les provinces.

Pour ce qui est des compressions budgétaires touchant le nord, vous avez mentionné un pourcentage, mais cela représente-t-il les 15 millions de dollars dont il était question l'année dernière? Le budget parlait de 15 millions de dollars.

Mme Bridgman: J'ai lu quelque part que le budget des programmes pour le Nord serait réduit de 3,5 p. 100 en 1998-1999.

M. Irwin: Cette réduction sera compensée par l'entente sur le Nunavut. Je pense qu'on a effectivement réduit les programmes de 15 millions de dollars. D'autre part, on créera un nouveau territoire d'ici quatre ans auquel on affectera 150 millions de dollars. On a tendance à l'oublier et à songer uniquement à la réduction de 15 millions de dollars, mais il faut considérer les deux choses en même temps selon moi. On affectera 150 millions de dollars de plus pour la région du Nunavut, ce qui veut dire qu'il y a une augmentation nette.

Pour ce qui est du développement économique dans le Nord par opposition au Sud, j'ai les mêmes problèmes pour toutes les localités. Si vous habitez le Nord du Manitoba, il y a certaines choses que vous pourrez faire. Vous ne travaillerez pas pour une industrie de fabrication, mais plutôt dans le domaine forestier ou comme pêcheur. Si vous habitez au Nord du 60e parallèle, il y a des activités minières. Dans le cas des Six-Nations, où il y a 243 compagnies, les activités sont reliées à la communauté. Il n'y a pas de paiements hypothécaires en retard.

Soit dit en passant, nous avons un arriéré de seulement 0,5 p. 100 pour les hypothèques. Aussi bien faire passer les bonnes nouvelles quand il y en a.

Dans la région des Six-Nations, il y a des choses comme des industries de fabrication, et dans la région des gisements pétroliers et gaziers les Autochtones veulent des compagnies gazières et pétrolières.

La situation varie comme partout ailleurs dans le pays. Les membres de la communauté non autochtone...

Nous essayons de faire quelque chose pour la cogestion. Cela fonctionne bien en Alberta. Le premier ministre Klein veut que les choses fonctionnent d'une certaine façon. Il nous a invités à signer une entente de cogestion avec la nation du Traité no 8 dans le Nord, et nous l'avons invité de notre côté à examiner la possibilité de faire la même chose pour les nations des Traités nos 6 et 7 dans le Sud. C'était mal parti en Saskatchewan, mais cela commence à aller mieux.

Il ne se passe pas grand-chose en Ontario. Ce n'est pas à cause de l'idéologie politique, vu que M. Harris et M. Klein sont tous deux des conservateurs, mais ils n'ont pas la même façon de voir les choses.

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Cela va donc bien en Alberta, mais moins bien en Ontario. Cela veut dire que nous devons nous pencher sur le secteur forestier et le secteur minier et essayer de travailler avec les Autochtones. Cela a produit certaines recettes, permis de former des travailleurs et donné une production intéressante. Les Autochtones participent aussi à l'élaboration des règlements. On ne se contente pas de leur dire comment les choses vont fonctionner.

Pour ce qui est des diverses études déjà entreprises et de la question des aliments dans le Grand Nord, je vais demander à M. Serson de vous répondre. Je pense avoir répondu à toutes vos questions, sauf...

Mme Bridgman: Que dire de la stratégie de développement économique des Autochtones? Existe-t-elle encore?

M. Scott Serson (sous-ministre, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Elle existe toujours, mais les programmes changent.

Le ministère du Développement des ressources humaines participe à ce programme. Il tient actuellement des négociations avec les groupes autochtones pour que leur soit transférée la responsabilité du programme Les chemins de la réussite. À l'intérieur du ministère, comme le président l'a dit, nous essayons de regrouper les programmes de développement économique pour les rendre plus efficaces; nous tenons également des consultations avec Industrie Canada, autre grand partenaire du développement économique, afin de voir si nous pouvons collaborer de plus près. Mais ces fonds existent toujours.

En ce qui concerne les produits alimentaires livrés par la poste, le ministre a déjà annoncé que ce programme se poursuivra, mais que son budget sera plafonné à 15,6 millions de dollars par année. Nous sommes actuellement en train de consulter les intervenants pour voir s'il y a moyen d'améliorer le programme, et nous espérons que le ministre pourra faire une annonce prochainement. Nous avons également des entretiens avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour qu'ils puissent participer au programme et y contribuer financièrement.

Le président: Avant de poursuivre, je voudrais féliciter Mme Bridgman d'avoir soulevé la question - le nombre de différents ministères qui s'occupent du développement communautaire. Je vous invite à continuer. Vous pourriez même prier vos collègues du comité d'inviter des représentants d'Industrie Canada et de Développement des ressources humaines pour qu'ils nous présentent un complément d'information. Je tiens à vous remercier.

M. Irwin: Mme Bridgman s'occupait beaucoup de santé avant d'occuper ses fonctions actuelles.

Allez-vous entendre M. Dingwall?

Le président: Nous n'y avions pas pensé, mais à cause de Mme Bridgman...

M. Irwin: Cela pourrait être une bonne idée.

Le président: ...nous pourrions peut-être le recommander. Et Industrie Canada aussi, je suppose.

Monsieur Anawak.

M. Anawak (Nunatsiaq): Merci.

J'aimerais poser une ou deux questions, mais auparavant je veux rappeler que le Nunavut sera créé le 1er avril 1999. Dans l'éventualité de la séparation du Québec, le Nunavut sera prêt à prendre en charge le Nunavik. C'est une situation hypothétique, évidemment, mais la population du Nunavik s'est déjà prononcée en faveur de son maintien au Canada.

En ce qui concerne le Nunavut, le ministre confirmera-t-il que le 1er avril 1999 est toujours la date prévue pour la création du territoire?

S'agissant d'autre chose, le Parti libéral a promis pendant la campagne électorale de supprimer l'article relatif à l'extinction des droits. Où en est-on? On a demandé à un groupe de la Colombie-Britannique de renoncer à ses droits en juin 1994. Les choses ont changé depuis, mais où en est le dossier au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien?

M. Irwin: En ce qui concerne la date de création du Nunavut, il a beaucoup été question de reporter la date à plus tard pour une foule de raisons.

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Pour diverses raisons, cela n'a pas été fait, parce que si la création du territoire est reportée à plus tard cela ne fera que retarder les choses. M. Anawak et moi-même avons participé à deux rencontres horribles ces derniers mois, dont l'une s'est tenue à Rankin Inlet. M. Finlay y était.

Le président: J'y étais.

M. Irwin: Nous y avons discuté de 25 points, y compris le choix de la capitale, le référendum, le commissaire intérimaire et quelques autres choses.

Puis la semaine dernière, nous nous sommes rendus à Arviat, au gîte de Ralph. La partie fédérale s'est contentée d'écouter.

Les choses vont bon train. Il y a plus d'échanges. Cela commence à ressembler à la période des questions. C'est un signe que la démocratie mûrit dans le Nunavut. Je ne vois pas ce qui pourrait faire louper l'échéance du 1er avril 1999.

En ce qui concerne l'extinction des droits, à la suite de la motion présentée par M. Harper, je crois, le juge Hamilton a préparé un rapport très soigné et très complexe. Nous avons donc eu ce rapport et celui de la commission royale d'enquête.

De fait, nous avons tenu une rencontre hier sur la question, et il y en a eu d'autres avec le juge Hamilton au cours des trois ou quatre dernières semaines pour essayer de produire un document de travail fédéral qui servira à un groupe de personnes, de négociateurs, chargé de réfléchir à la question et de trouver une solution.

Parallèlement, dans l'entente avec les Nisga'a, on est venu très près de trouver des dispositions sur l'extinction des droits. Mais comme nous étions pressés par le temps, il a fallu conclure l'entente sans. C'est maintenant aux divers négociateurs de trouver une formule acceptable pour la Colombie-Britannique, le gouvernement fédéral et les Nisga'a.

Tout cela se fait parallèlement; les Nisga'a travaillent à leur position et nous à la nôtre. J'ignore laquelle sera arrêtée en premier, mais il n'y a pas lieu pour quiconque d'arrêter pour attendre l'autre. Il n'y a pas lieu d'interrompre l'effort de négociation et de rédaction des Nisga'a pendant que le gouvernement fédéral prépare sa politique, ou inversement. Cela peut se faire en même temps. J'espère qu'il finira par en sortir quelque chose de bon.

Il ne s'agit pas seulement de mettre des mots sur le papier, parce que l'extinction des droits comporte de nombreuses facettes, et c'est une blessure qui remonte à une centaine d'années. Nous avons signé beaucoup de traités. Nous les avons signés, et en contrepartie les Autochtones ont renoncé à énormément de choses. La méfiance est très grande, et elle est justifiée.

Il se fait un gros effort de rédaction. J'espère que le texte des Nisga'a sortira un peu avant notre politique, de sorte que les gens puissent voir que nous négocions de façon honorable des accords justes qui dureront.

Le président: Monsieur Finlay.

M. Finlay (Oxford): Monsieur le ministre, on entend beaucoup parler ces derniers temps de l'abrogation de la Loi sur les Indiens. Avez-vous une échéance en tête? Votre budget de l'an dernier est l'un des rares à avoir augmenté - de 3 p. 100. Cela s'expliquerait par le taux de natalité des Autochtones, qui a monté. Il est au moins deux fois supérieur à la moyenne canadienne. C'est pourquoi il faut plus de services.

Plus nous conclurons des accords avec des Autochtones, et vu la création du Nunavut dans les Territoires du Nord-Ouest ainsi que vos plans de développement économique, plus il faudra créer de richesse, comme vous l'avez dit, pour assurer le respect, la prospérité, l'autosuffisance et les services communautaires. Dans 20, 30 ou 50 ans, le ministère des Affaires indiennes sera-t-il devenu inutile?

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J'ai aussi une autre question beaucoup plus précise concernant la pêche en Colombie-Britannique. Cela rejoint ce que disait Mme Bridgman à propos de la collaboration entre les ministères. Avez-vous un rôle dans ce dossier?

Il y a une semaine, nous avons rencontré des Autochtones de la Colombie-Britannique qui sont très mécontents du plan parce qu'il permettra aux plus riches d'acheter le plus grand nombre de permis ou d'acheter les permis d'autres pêcheurs. La valeur de ces permis a augmenté de 500 p. 100 depuis un mois à peu près.

Comment peut-on faire comprendre au ministère des Pêches que le dossier de la pêche ne se limite pas à des considérations économiques? Les Autochtones de la côte se sont vu octroyer des réserves après le traité de 1871. Le signataire du traité a dit à l'époque que comme ils obtiennent leur nourriture de la mer ils n'ont pas besoin d'un grand territoire.

C'est ce qui autorise la Weyerhaeuser et la MacMillan Bloedel à abattre tous les arbres et à polluer les ruisseaux à saumon. Ce sont les moyens de subsistance des Autochtones qui sont en train de disparaître. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Irwin: Tout d'abord, en ce qui concerne la Loi sur les Indiens, je voulais la réviser sans y consacrer trop de temps ou d'argent et sans en faire grand cas, pour éviter que la population ne pense que c'est tout ce que nous voulons faire. Nous organisons beaucoup de tables rondes sur le droit inhérent et nous travaillons beaucoup à la conclusion de traités en Colombie-Britannique.

Il y a environ un an, nous avons envoyé une lettre à tous les chefs de tribus. Nous en avons envoyé 608 pour leur demander de nous faire part de leurs doléances à propos de la loi.

Nous avons reçu les réponses. Nous les avons compilées et avons renvoyé le tout aux chefs. Certains y ont vu des choses auxquelles ils n'avaient pas pensé. Ils voulaient ces changements eux aussi.

Ils nous ont répondu une autre fois, et cela va nous revenir.

À l'automne, je vais présenter les changements qu'ils demandent sous forme de projet de loi à la Chambre et ici au comité. Nous allons venir ici. Je ne dis pas que c'est tout ce que nous allons faire, mais c'est ici que j'ai vraiment besoin de l'aide du comité.

En tout cas, nous avons une base. Vous n'allez pas passer les dix prochaines années seulement à discuter du problème. Vous aurez un point de départ qui énonce le point de vue d'un grand nombre de chefs. Vous pourrez compter sur toute l'information. Ensuite, vous pourrez tenir vos audiences et moduler le tout à votre convenance.

L'aboutissement des travaux du comité sera essentiellement ce que nous allons présenter à la Chambre. Je pense que c'est une façon efficace, peu coûteuse et consensuelle de réviser la Loi sur les Indiens. J'avais oublié de le dire, mais c'est important.

Quant à savoir si les ministère des Affaires indiennes n'aura plus d'utilité, il faudra sans doute toujours un groupe pour s'occuper de la négociation. J'ignore si ce sera au ministère des Finances ou à celui de la Justice, mais il devra exister quelque part. À une certaine époque, le ministère comptait7 000 employés. Il en avait 3 700 lorsque j'ai pris sa direction, et il en a 3 300 aujourd'hui. L'effectif sera de 3 000 ou moins sans doute dans deux ou trois ans. Il rapetisse donc lentement.

Pour ce qui est de la pêche...

Veuillez donner votre nom et votre titre, puis répondez à cette question.

M. Mike Furey (négociateur principal, Équipe de négociation avec les Nisga'a, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Je m'appelle Mike Furey et je suis l'un des négociateurs fédéraux qui s'occupent du traité avec les Nisga'a en Colombie-Britannique.

En réponse à votre question concernant la rationalisation de la flottille de pêche commerciale par le ministère des Pêches en Colombie-Britannique, je peux vous dire que je connais les pêcheurs commerciaux, y compris les Autochtones, qui participent à cette négociation. Il y a eu beaucoup de consultations.

Dans ce processus de négociation d'un traité, par suite des ententes que nous finirons par conclure avec les Premières nations, celles-ci participeront davantage à la gestion de la pêche, notamment en ce qui concerne la gestion du bassin hydrographique. Cela comportera aussi des avantages économiques pour les Autochtones.

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M. Finlay: Voilà qui est bien général. Ce qui nous préoccupe, c'est que la valeur de ces permis, que le ministère abandonne, est bien supérieure à ce qu'un pêcheur ou une petite tribu peut se permettre. Pourtant, c'est leur source de revenu.

Vous dites qu'il y a davantage de cogestion, mais comment allons-nous régler le problème de la copropriété? Comment allons-nous les dédommager si nous n'agissons pas dès maintenant pour éviter que la situation ne dérape? Le ministre parle de 350 000 $ environ le permis.

M. Serson: En ce qui concerne le ministère des Affaires indiennes, je ne peux vous donner que la réponse générale suivante: que nous collaborons de très près avec le ministère des Pêches. Nous préparons ensemble notre mandat de négociation des traités lorsqu'il est question des pêches. Nous avons eu beaucoup d'appui du ministère dans les négociations avec les Nisga'a.

Le ministère des Pêches est aux prises avec un problème épineux sur la côte Ouest, mais il nous tient au courant. Lorsque nous estimons avoir de l'influence sur le ministère, nous l'exerçons. Mais dans l'ensemble, c'est son dossier. Nous, dans le cadre de la discussion, nous essayons de faire valoir la position des Premières nations.

Le président: Monsieur Harper.

M. Harper (Churchill): Merci, monsieur le président. J'aurais beaucoup de questions à poser, mais je vais me contenter d'en poser une seule.

Vous avez dit que nous vous avions invité pour discuter d'une initiative de développement économique que vous avez lancée au ministère. Entre autres choses, vous avez parlé de l'incertitude actuelle, qui coûte des millions de dollars, voire des milliards, et vous avez parlé de la participation de gens ou d'investisseurs de l'extérieur, de gens qui veulent mettre en valeur les richesses naturelles.

Tout à l'heure, Jack a parlé de la politique d'extinction des droits. Nous avons produit un rapport là-dessus. Nous avons adressé des recommandations au gouvernement.

Cette recommandation était simple: supprimer cette politique. Je ne vois pas où est le problème. Demander aux gens de renoncer à leurs droits, c'est leur demander de renoncer à l'avenir. Ce sont autant de possibilités d'avenir sur le plan économique, éducatif et social dont ils jouissent déjà. Pourquoi voudriez-vous les leur enlever?

La solution qui se trouvait dans notre rapport était bien claire. Il s'agissait de ne pas demander aux peuples autochtones de renoncer à leurs droits inhérents. Le gouvernement fédéral les reconnaît déjà. Pourquoi voudrait-il du même souffle les faire disparaître? C'est avilissant. Pareil raisonnement m'échappe. Supprimer ces droits en échange d'une quelconque contrepartie financière, c'est une atteinte à la Constitution, qui reconnaît nos droits.

Nous avons déjà échangé du courrier sur la question, et vous avez dit que vous étudiiez la formulation de cette politique pour l'extinction des droits. Mais tant qu'elle existe... s'il n'y a pas d'entente, la politique restera.

Je pourrais énumérer toute une série de rapports, y compris celui d'une commission royale d'enquête, sur l'extinction des droits. Pourquoi ne pas supprimer cette politique? C'est une entrave aux négociations.

M. Irwin: Sur certains points, c'est plus facile. Il ne peut pas y avoir extinction généralisée ni carte blanche. Quand nous proposons dans les négociations avec les Nisga'a, par exemple, d'échanger telle superficie de terrain contre telle somme, je ne peux pas dire au ministère des Finances ou au Conseil du Trésor que nous avons conclu un marché, mais que le marché n'est pas vraiment conclu. Il faut une certaine certitude... ou encore un pourcentage de l'effort de pêche. Je ne peux pas dire que c'est 10 p. 100 aujourd'hui et que ce pourrait être 20 p. 100, puis 12 p. 100, et que le droit n'est pas à nous.

.1220

Dans les négociations en Colombie-Britannique, quand nous nous serons entendus sur certaines choses, nous traiterons de gouvernement à gouvernement dans le cadre de la Constitution.

Donc, sur certains points, il faut de la certitude. Le secret, dans cette quête de certitude, c'est de se souvenir que le mieux est l'ennemi du bien et d'éviter de supprimer des droits qui existent déjà. C'est cela qui est difficile, et c'est cela la zone grise. Je ne peux pas vous affirmer qu'il n'y a plus de politique sur l'extinction des droits, parce qu'elle est toujours en vigueur. Nous négocions des terres, des sommes d'argent et des pourcentages. Voilà, c'est le marché.

Vous parlez de santé, d'éducation, de droits ancestraux - tels sont les grands dossiers qui causent des difficultés dans les négociations. Je préfère prendre le temps de réfléchir à ces questions, d'obtenir les chiffres, de faire les choses dans l'ordre, plutôt que de faire ce qu'on a fait dans le cas des traités numérotés. Certains d'entre eux ont été conclus en quelques jours à peine. Dans certains cas, en échange d'un coffre à outils, de cinq dollars pour le chef, d'un costume pour le sous-chef et peut-être d'une école ou d'une autre forme d'aide, la moitié du territoire de la province était disparu.

Je préfère procéder graduellement et éviter les erreurs d'il y a un siècle.

[Français]

Le président: Monsieur Bachand, deux minutes.

M. Bachand: Je vais essayer d'en dire beaucoup en deux minutes.

Le président: Je sais que c'est un défi.

M. Bachand: Je constate que Mme Williams remplace M. Stagg. Je m'inquiète à son sujet. Est-il toujours sous-ministre adjoint, Politiques et orientation stratégique?

Une voix: Oh, oui.

M. Bachand: M. Stag nous avait dit que la politique de logement devait être diffusée avant l'été. Quand cette politique fondamentale sera-t-elle dévoilée? On nous parle partout de la pénurie de logements.

Pourriez-vous faire un survol des questions épineuses qui sont toujours d'actualité? Je pense entre autres à Davis Inlet; où en sont rendues vos démarches dans ce dossier?

On me dit que les choses ne sont pas réglées à Ipperwash. Pourriez-vous nous en donner un aperçu?

J'ai remarqué qu'un des des deux chefs de Kanesatake est ici présent. Pouvez-vous nous dire si vous êtes finalement arrivés à une décision quant à l'un d'eux ou s'il y a toujours deux chefs à Kanesatake?

Votre ministère accorde un milliard de dollars à l'assistance sociale et 50 millions de dollars au développement économique. Comment renverserez-vous la situation afin qu'un milliard de dollars soient accordés au développement économique et 50 millions de dollars à l'assistance sociale?

[Traduction]

M. Irwin: Je vais essayer de répondre brièvement.

En ce qui concerne la politique de logement, nous bâtissons actuellement environ 3 000 unités par année et nous en rénovons à peu près autant. Nous allons rendre publique une politique d'ici à quatre ou huit semaines.

En ce qui concerne Davis Inlet, nous faisons des progrès. Nous tenons des négociations assez corsées avec la province de Terre-Neuve sur la façon dont nous allons répartir les coûts entre nous.

En ce qui concerne Ipperwash, il y a le juge Reid qui travaille comme facilitateur pour le gouvernement fédéral. Nous avons un avocat - un Mohawk d'âge mûr, ancien fonctionnaire des Affaires indiennes - qui fait office d'arbitre. Lors de la rencontre que M. Harper et moi-même avons eue à Ipperwash, nous avons réglé six ou huit points qui touchaient le gouvernement fédéral, comme le transfert de la propriété et la décontamination. Ce sont les gens d'Ipperwash eux-mêmes qui feront le travail. Roy Whitney, le chef de Tsu T'Ina, qui s'y connaît en décontamination de munitions, est propriétaire d'une entreprise qui travaille là-bas avec le chef.

Cela va se régler. Le gros problème à Ipperwash, c'est cette petite parcelle du parc. Nous n'avons aucun pouvoir de négocier au sujet de ce parc. C'est une question entre la province et les Autochtones. Nous avons consacré un petit budget à la recherche, pas beaucoup, pour voir s'il y a des sépultures.

.1225

En ce qui concerne Kanesatake, aucune décision n'a été prise. Je ne sais pas si j'ai le pouvoir qu'il faut. Sans doute pas.

Le chef Peltier a été élu l'an dernier pour un mandat de trois ans. Nous avons versé 50 000 $ à une maison d'experts-conseils pour observer les élections. Personne ne s'est plaint du résultat de la consultation, et, d'après les experts-conseils, l'élection s'est déroulée dans les règles. C'est un problème qu'ils devront résoudre eux-mêmes ou dont ils devront saisir les tribunaux. Je ne crois pas avoir le pouvoir de démettre un chef pendant la durée de son mandat.

Vous avez tout à fait raison: je n'ai cessé de répéter que l'ampleur de l'aide sociale et le peu de développement économique sont une condamnation des 50 ou 75 années de politique gouvernementale à l'endroit des Autochtones. C'est ce que nous essayons de changer.

Le président: Madame Bridgman, avez-vous besoin de cinq minutes de plus?

Mme Bridgman: Je n'ai qu'une question à poser. J'aimerais que vous me parliez davantage des capitaux de démarrage ou de lancement, peu importe comment vous les appelez. Dans la vidéo, on y a fait souvent allusion. La question a aussi été soulevée plusieurs fois, d'une façon ou d'une autre, en comité. Il semble être difficile d'avoir accès à cet argent parce qu'il faut une garantie. Que fait le ministère pour résoudre le problème?

M. Irwin: Je vais devoir demander à M. Doughty de répondre à votre question. Il est mon conseiller en matière de développement économique.

M. Jim Doughty (adjoint spécial du ministre, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Le ministère s'occupe de ce dont vous parliez tout à l'heure, la Stratégie canadienne de développement économique des Autochtones. Des agents de l'Organisme de développement économique communautaire sont sur la réserve ou siègent au conseil tribal. Grâce aux projets et aux plans de travail qui nous sont communiqués, ils reçoivent une somme déterminée par année pour administrer l'ODEC et faire démarrer des entreprises autochtones.

La première fois qu'un résident de la réserve veut ouvrir une petite entreprise, il s'adressera à l'agent de l'ODEC. L'agent lui montrera comment obtenir les fonds. Il s'occupera aussi de son apport financier à lui. Il s'adressera ensuite à Industrie Canada pour obtenir un prêt supplémentaire au besoin.

Mme Bridgman: Ce n'est pas vraiment à cela que je pensais. Cela, c'est un programme du gouvernement. Moi, je pensais à l'autosuffisance. Qu'est-ce que nous faisons pour les aider à s'adresser non pas au gouvernement, mais à la banque, comme moi?

M. Irwin: On peut avoir toutes les politiques qu'on voudra. Le premier ministre a raison: l'argent va où il veut. On ne peut pas forcer les banques à faire des choses parce que nous disons que c'est une bonne politique. Aussi bien les banques que les hommes d'affaires sont là pour réaliser un bénéfice. De plus en plus d'entre eux s'adressent à elles.

Hier, j'ai discuté avec des agents immobiliers, des banquiers, des gens d'affaires, et ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les Autochtones pour investir et trouver des associés. C'est curieux. Il faut se plier à toutes sortes de coutumes. Par exemple, il y aura une rencontre de gens d'affaires à Montréal dans quelques semaines, et ils ont demandé s'ils peuvent se rendre dans la réserve Mohawk. Les Mohawks disent que ces types de Montréal s'en viennent dans la réserve.

Il faut faire tomber les obstacles. Nous allons commencer par les mettre en rapport les uns avec les autres. Comme vous l'avez vu dans le cas de Eagle Forest Products, au Nouveau-Brunswick, je pense que c'est la solution. Les Premières nations ont investi quelque chose comme cinq millions de dollars pour toutes les Premières nations du Nouveau-Brunswick; elles détiennent 10 p. 100 du capital de la compagnie. MacMillan Bloedel a investi 40 millions, et la Banque Canadienne Impériale de Commerce à peu près autant. Je ne me souviens pas des chiffres exacts, mais c'est à peu près cela. Le gouvernement n'a rien garanti. Normalement, lorsque les banques investissent là-bas, elles veulent des garanties du gouvernement. C'est le genre de choses que nous cherchons.

C'est important parce que cela limite les risques pour le gouvernement, mais aussi parce que cela force les banques à procéder à leur propre évaluation. C'est ce qu'elles faisaient il y a trente ans. Le banquier examinait l'affaire et décidait si elle était bonne ou mauvaise. Il y a maintenant près de trente ans que les banquiers se prélassent dans leur bureau parce que le gouvernement offre des garanties. Cela ne les énervait pas, puisqu'ils étaient assurés d'être remboursés.

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Il faut qu'on revienne aux évaluations qu'on faisait dans les années 50. Cela prend du temps, parce que nous disons aux banquiers qu'ils doivent se décider. Nous allons les aider un peu, mais nous n'allons plus garantir entièrement l'affaire. C'est à eux de prendre des risques. Ça marche. C'est lent, mais ça marche.

Le président: Merci.

Avant de terminer, j'aimerais vous dire à vous, monsieur le ministre, ainsi qu'au sous-ministre, M. Serson, que les rapports de travail au sein du comité sont excellents et que cela est en partie grâce à vous et à vos ministères. Nous n'avons nullement lieu de nous plaindre de l'accessibilité aux fonctionnaires ou à l'information. Je tiens à vous en remercier.

Je vais maintenant vous inviter tous les deux à dire quelques mots pour terminer.

M. Anawak: J'invoque le Règlement. Vous avez dit tout à l'heure que s'il le fallait nous pourrions faire durer la rencontre un peu plus longtemps.

Le président: C'est ce que nous avons fait. Allez-y.

M. Anawak: Il est rare que les députés de l'opposition puissent discuter avec le ministre et lui poser des questions - enfin, peut-être pas dans mon cas.

Parlons d'autre chose; vous avez mentionné le fonds de 400 millions de dollars pour les entreprises autochtones. Je sais que dans le secteur de la construction il faut un cautionnement, et certaines entreprises autochtones ne peuvent peut-être pas verser les 10 p. 100 qu'il faut. Que faites-vous dans ces cas-là?

M. Irwin: C'est un gros problème, mais la question des cautionnements est examinée dans le cadre de la politique sur les achats. La plupart des 18 000 entreprises sont petites. Il y a les grosses compagnies. Servinor, qui appartient à des Cris, vend pour 45 millions de dollars par année, mais c'est un cas unique en son genre. Dans la plupart des cas, ce sont de petites compagnies. La question soulevée par M. Anawak est traitée dans la politique sur les achats. Elle figure en tête de liste.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Voulez-vous avoir le mot de la fin?

M. Irwin: Je remercie beaucoup les membres du comité.

Le président: Merci à vous.

La séance est levée.

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