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L'ÉTUDE DES CRÉDITS :
BOUCLER LA BOUCLE DU CONTRÔLE

PRÉFACE

Le 7 juin 1995, la Chambre des communes a adopté la motion suivante :

Que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre reçoive instruction d'entreprendre un examen complet de l'étude des crédits, en accordant une attention particulière à la réforme du Budget des dépenses ainsi qu'aux processus et mécanismes utilisés par la Chambre et ses comités pour l'étudier et se prononcer1.
Conformément à ces directives, le Comité a formé un Sous-comité sur l'étude des crédits (le Sous-comité). Aux termes de l'ordre de renvoi de la Chambre des communes daté du 7 juin 1995 et à la décision du Comité du 22 juin 1995, le Sous-comité a commencé à entendre des témoins le 28 septembre 1995. Le lecteur trouvera une liste des témoins à l'Annexe I du présent rapport.

Fidèle aux directives, le Sous-comité a d'abord déposé deux rapports. Dans le premier, présenté au Comité le 5 décembre 1995 (Cent-septième rapport du Comité à la Chambre, déposé le 7 décembre 1995), il affirmait ne pas s'opposer, à ce moment-là, à la modification du crédit pour dépenses de fonctionnement proposée par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Le Sous-comité a présenté son deuxième rapport au Comité le12 décembre 1995 (Cent-dixième rapport du Comité à la Chambre déposé et adopté le13 décembre 1995). Il y donnait son appui conditionnel au dépôt par six ministères de documents révisés de la partie III, selon une formule de mise à l'essai pour l'exercice 1996-1997.

À la prorogation du Parlement en février 1996, le Sous-comité a cessé d'exister. Le 16 avril 1996, le Comité a adopté une motion portant création d'un nouveau Sous-comité sur l'étude des crédits, qui a reçu des instructions identiques à celles de son prédécesseur. De plus, les témoignages en cours à ce moment-là étaient réputés avoir été recueillis par le Sous-comité et le Comité pendant cette deuxième session. Le lecteur trouvera une liste des témoins entendus par le Sous-comité au cours de la deuxième session à l'Annexe II du présent rapport.

Le Sous-comité a déposé au Comité deux autres rapports le 18 juin 1996. Le premier (Vingt-troisième rapport du Comité à la Chambre, qui l'a adopté le 20 juin 1996), appuyait la proposition du Secrétariat du Conseil du Trésor selon laquelle 16 ministères devraient produire des rapports de rendement visant à évaluer la mesure dans laquelle ils se sont acquittés de leurs obligations pendant l'exercice en cours. Ces rapports de rendement, qui doivent être déposés à l'automne, sont produits à titre d'essai; ils doivent compléter les sections des documents sur le Budget des dépenses qui ont trait aux priorités et aux plans des ministères. On espère que ces rapports permettront aux comités permanents d'évaluer les Budgets des dépenses subséquents des ministères en fonction de leur rendement immédiatement antérieur. Dans le Vingt-troisième rapport, le Comité souscrivait aussi à la proposition du Conseil du Trésor visant à faire l'essai de «mises à jour en cours d'année», c'est-à-dire de documents destinés à compléter les Budgets des dépenses supplémentaires. Le deuxième rapport (Vingt-quatrième rapport du Comité à la Chambre, déposé le 19 juin 1996), exposait les principes sur lesquels le Sous-comité avait axé son travail et établissait des directives générales quant à son rapport final au Comité.

Avant d'aller plus loin, nous souhaitons remercier nos prédécesseurs d'avoir consacré autant de temps et de réflexion à rechercher la manière dont le Parlement étudie et accorde les crédits. Les lacunes du processus actuel sont connues depuis longtemps; certains des conseils les plus intéressants que nous ayons reçus, provenaient de personnes rompues aux affaires parlementaires, qui avaient constaté depuis un certain temps la nécessité d'améliorer les marches à suivre. Si nos propositions sont adoptées, ce sera en partie grâce aux deux avantages suivants que nous avons sur nos prédécesseurs : tout d'abord, comme nous le préciserons plus bas, la situation actuelle est propice au changement. Ensuite, leur sagesse et leur expérience nous sont un apport inestimable.

Le Comité souhaite également remercier ses collègues de la législature en cours qui ont pris le temps, malgré leurs horaires contraignants, d'aider le Sous-comité dans cette tâche. Un certain nombre de présidents de comité ont rencontré le Sous-comité pour lui faire part de leurs opinions sur le processus d'étude des crédits et pour lui suggérer des améliorations. Leur aide s'est révélée particulièrement précieuse au moment d'établir les conclusions et recommandations du présent rapport. Enfin, nous souhaitons remercier les députés qui ont répondu à un questionnaire envoyé par le Sous-comité. Leurs réponses se sont également révélées des plus utiles et ont été intégrées dans nombre des observations et recommandations du présent rapport.

I. INTRODUCTION

A. Principes ayant orienté notre travail

La procédure établie aux fins de l'étude des crédits à la Chambre des communes vise essentiellement deux fins. D'une part, pour poursuivre ses activités, l'administration publique doit avoir une quelconque garantie que ses demandes de fonds obtiendront une réponse avant certaines dates fixes. D'autre part, le Parlement doit disposer de suffisamment de temps pour examiner ces demandes avant d'y consentir. Le premier objectif répond à la nécessité d'assurer à l'administration publique un fonctionnement efficace et sans heurts, tandis que le deuxième est subordonné à l'obligation de rendre compte, laquelle est un principe central de la démocratie parlementaire.

Tout au long de son examen de l'étude des crédits, le Sous-comité a constamment gardé à l'esprit ces deux objectifs, de même que les principes dont ils découlent, et l'équilibre à atteindre entre les deux. De l'avis du Sous-comité, l'un de ces deux ensembles de principes et d'objectifs, en l'occurrence celui ayant trait à l'obligation de rendre compte, revêt une importance supérieure à l'autre. Hélas, ce principe est celui qui est le moins bien servi par les dispositions actuelles.

L'un des témoins du Sous-comité, l'honorable sénateur John B. Stewart, l'a d'ailleurs confirmé lorsqu'il a déclaré que l'adoption de l'actuelle procédure d'examen des crédits était surtout motivée par la volonté d'améliorer le fonctionnement de la Chambre des communes et non par celle d'assurer un meilleur examen des dépenses proposées par le gouvernement. (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995) Un autre témoin, M. Peter Dobell, directeur du Centre parlementaire, a affirmé que les opérations à l'origine de l'établissement de la procédure actuelle avaient toutes fait long feu à l'exception d'une seule - la possibilité pour le gouvernement d'obtenir l'approbation des crédits à date fixe. (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995)

Notre système de gouvernement démocratique paie un lourd tribut pour cette amélioration de l'efficience. En un sens, il est rassurant de savoir que l'appareil du gouvernement et la vaste gamme de services offerts par celui-ci peuvent continuer à fonctionner sans interruption. Par contre, il est pour le moins très préoccupant de voir que les importantes sommes dépensées par le gouvernement sont assujetties à un examen parlementaire qu'il faut bien qualifier de superficiel. Les Canadiens méritent beaucoup mieux de la part de leur Parlement.

Obliger l'administration publique à rendre des comptes est l'une des principales fonctions du Parlement dans notre régime démocratique. L'étude des crédits - c'est-à-dire le mécanisme par lequel le Parlement examine les prévisions de dépenses des ministères avant de les approuver ou de les rejeter - est un des principaux moyens dont dispose le Parlement pour s'acquitter de cette tâche. Ce n'est en effet qu'après un examen public méticuleux des montants que le gouvernement prévoit dépenser et des fins auxquelles il entend affecter cet argent que des jugements éclairés peuvent être ensuite portés quant à la pertinence, la réalisation et la valeur de ces fins.

Que le Parlement puisse exercer un contrôle sur les dépenses gouvernementales ne signifie pas qu'il doive être le principal artisan de l'élaboration des politiques des dépenses, puisque ce rôle revient à juste titre au gouvernement. Nous faisons plutôt référence ici à la capacité d'influer sur «le volume et la structure» des dépenses gouvernementales2. Comme l'ont écrit certains spécialistes des questions parlementaires au sujet du rôle global de l'institution, le contrôle parlementaire signifie l'influence et non le pouvoir direct, la consultation et non la direction, la critique et non l'obstruction, l'examen et non l'intervention et la divulgation et non le secret3. Le Sous-comité a donc été renversé d'apprendre de la bouche d'un témoin que le Parlement du Canada était «une des assemblées législatives qui a le moins d'influence sur les dépenses». (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995, p. 3:12) Un autre témoin a rappelé au Sous-comité que le Parlement n'était que l'un des intervenants dans le grand cycle des mesures de contrôle touchant les activités financières du gouvernement. L'un des objectifs du Sous-comité a donc été, à partir de là, de réaffirmer la position du Parlement à l'intérieur de ce cycle et de redonner une signification à la notion de contrôle parlementaire sur les dépenses.

Tout au long de son travail, le Sous-comité a donc d'abord et avant tout été guidé par le devoir du Parlement d'obliger le gouvernement à rendre compte et de contrôler ses dépenses. Plus précisément, le Sous-comité essayé de voir comment il était possible au gouvernement de mieux respecter ses obligations en améliorant le mécanisme d'étude des crédits. Les autres objectifs qu'on espérait atteindre découlaient de ce but. Le Sous-comité a donc cherché des façons de favoriser une plus grande participation des députés à l'étude des crédits, en particulier au moment de l'examen du Budget des dépenses. Ainsi a-t-il envisagé la possibilité d'accroître le pouvoir, les incitations et l'appui qui sont donnés aux comités pour leur permettre de procéder à l'étude des dépenses. Le Sous-comité s'est également penché sur la vaste gamme de renseignements financiers présentés au Parlement : à notre avis, leur portée doit être accrue de façon à ce que toute l'étendue des activités financières du gouvernement puisse être connue et examinée.

Le Comité est aussi profondément conscient - comme bon nombre de Canadiens - du contexte financier difficile dans lequel le gouvernement doit évoluer de nos jours. Cette situation l'oblige à faire des choix difficiles au moment d'affecter ses rares ressources. Pour que ces choix se fassent de façon intelligente et fructueuse, il faut un processus de décision qui favorise la participation plutôt que l'exclusion et qui offre la possibilité d'en arriver à un consensus au sujet des choix à effectuer. Il faut aussi une plus grande transparence, afin que les citoyens soient informés des décisions concernant les dépenses qui sont prises en leur nom - et dans certains cas qu'ils y participent plus directement.

L'un des principaux rôles du Parlement est de légitimer les politiques gouvernementales. C'est là une raison de plus d'insister sur l'augmentation du rôle des députés dans le processus d'examen des crédits. Comme l'a fait remarquer un témoin, les députés possèdent un bagage de compétences et d'expérience : on a intérêt à faire valoir ces précieux actifs si l'on veut améliorer la santé financière de notre pays. En outre, les députés assurent un lien crucial entre le gouvernement fédéral et le public envers lequel ils sont responsables de veiller à la meilleure utilisation possible des ressources. Selon le Comité, si l'on donnait aux députés des possibilités, des incitations et des appuis plus grands pour leur travail d'étude des crédits, les rapports qu'ils entretiennent avec les gens qu'ils servent seraient meilleurs. Cela ne pourrait que rehausser le Parlement aux yeux de l'opinion et renforcer la légitimité des lois et des politiques qui émanent de lui.

Selon certains témoins, les ministères et les fonctionnaires considèrent souvent la comparution devant un comité pour discuter du Budget des dépenses comme une épreuve. Parfois, les députés ne semblent pas être conscients des efforts déployés par les ministères pour assurer leurs services malgré les compressions, ou encore de la difficulté des décisions à prendre au moment de fixer les plans et priorités. Leur incompréhension des objectifs et programmes des ministères ne fait qu'aggraver le problème. Le Comité pense qu'il est possible d'améliorer cette situation, et même de l'améliorer considérablement. Les changements déjà amorcés, ainsi que les mesures que nous recommandons, si elles sont retenues, permettront aux députés de s'appuyer sur leurs compétences et de participer de manière pleine et entière au processus de planification et de gestion des dépenses. En conséquence, les ministères entendront les comités leur faire des commentaires qui ne seront pas seulement critiques, mais constructifs.

Étant donné que la portée des problèmes financiers actuels s'étend à long terme, tout comme bon nombre des programmes gouvernementaux, l'examen des plans et des dépenses doit être effectué dans une perspective semblable. Par conséquent, nous avons aussi tenu compte de la nécessité pour les parlementaires d'exercer une influence plus grande sur les dépenses au-delà de l'exercice en cours. Enfin, le Comité est conscient du désir de bon nombre de Canadiens d'être mieux informés au sujet des plans de dépenses du gouvernement fédéral : cette exigence suppose un processus d'examen des crédits qui soit transparent et compréhensible tout en étant efficace et efficient.

Dans la recherche de moyens pour permettre au Parlement de mieux s'acquitter de son rôle en ce qui concerne l'examen des crédits, le Sous-comité s'est inspiré d'un ensemble de critères établis par le sénateur Stewart en 19774. Selon ces critères, que le Sous-comité a quelque peu modifiés, la procédure relative à l'étude des crédits devrait permettre aux députés :

Ces critères peuvent constituer un bon moyen d'évaluer le processus actuel d'examen des crédits et servir de fondement aux changements destinés à le renforcer.

B. Glossaire

L'un des objectifs les plus importants des membres du Comité consiste à faire en sorte que les questions touchant l'étude des crédits soient plus claires et plus faciles à comprendre. Les Canadiens, quelle que soit leur position sociale, ont besoin de savoir ce que leur Parlement et leurs représentants élus font lorsqu'ils examinent les plans de dépenses du gouvernement. Cette compréhension constitue, à notre avis, le fondement même de la reddition des comptes.

Les termes utilisés pour décrire le processus peuvent, si l'on n'y prend garde, semer la confusion. Nous avons donc pensé que le glossaire suivant serait utile5, on trouvera également dans la deuxième section du présent rapport une analyse de l'origine et de l'évolution du processus.

Budget : Énoncé budgétaire des politiques financières, économiques et sociales du gouvernement. Habituellement, le budget est présenté une fois l'an, bien qu'il n'existe aucune obligation à cet effet.

Budget des dépenses : Le Budget des dépenses principal est constitué des prévisions de dépenses des ministères. Il est déposé une fois l'an, tandis que le Budget des dépenses supplémentaire est déposé au besoin. L'examen de ces documents est un des principaux éléments de l'étude des crédits.

Budget des dépenses principal : Ensemble de documents comportant une ventilation des dépenses prévues du gouvernement pour le prochain exercice. Étant donné que ces volumes ont une couverture bleue, le Budget des dépenses principal est connu sous le nom de «livre bleu».

Budget des dépenses supplémentaire : Plan de dépenses visant à obtenir des crédits supplémentaires pour faire face à des imprévus ou à une augmentation des dépenses du gouvernement. Au cours d'une année, le gouvernement peut présenter autant de Budgets de dépenses supplémentaires qu'il juge nécessaires.

Crédit : Somme d'argent que le Parlement approuve pour une dépense précise figurant dans les prévisions budgétaires du gouvernement.

Crédits provisoires : Crédits que le Parlement accorde chaque année au gouvernement pour la période du 1er avril au 23 juin afin de couvrir ses dépenses au cours des mois précédant l'adoption du Budget des dépenses principal. La motion concernant les crédits provisoires fait mention de sommes qui sont exprimées en douzièmes (elles correspondent habituellement à trois douzièmes) du montant global du Budget des dépenses principal.

Étude des crédits : Processus par lequel le gouvernement soumet ses prévisions annuelles de dépenses à l'approbation du Parlement. Il comprend l'examen des Budgets des dépenses principal et supplémentaire, des crédits provisoires, des motions portant rétablissement de postes budgétaires, des projets de loi de crédits et des motions proposées aux jours désignés.

Exercice : Période de douze mois, comprise entre le 1er avril et le 31 mars, choisie par le gouvernement à des fins budgétaires et comptables.

Jour des crédits/jour désigné/journée de l'opposition: Jour réservé à l'examen des crédits, au cours duquel le choix de la question à débattre appartient aux partis de l'opposition, sauf pour le dernier jour désigné de la période se terminant le 23 juin. Dans une année, il y a en tout 20 jours désignés répartis en trois périodes. Huit motions au maximum peuvent être mises aux voix, et les délibérations relatives aux autres motions se terminent d'office à l'heure ordinaire de l'ajournement quotidien.

Mesures financières/projet de loi de crédits : Projet de loi d'intérêt public qui entraîne la dépense de deniers publics ou la levée d'impôts. Seul un ministre est habilité à présenter un projet de loi de nature financière à la Chambre.

Motion de crédits : Motion proposée en vertu de l'ordre du jour permanent des crédits, y compris les motions de l'opposition présentées les jours désignés. Les motions de crédits visant l'adoption d'un Budget des dépenses constituent une étape préalable à la présentation des projets de loi de crédits.

Période d'octroi des crédits : Une des trois périodes du calendrier parlementaire réservée à l'examen des crédits. Il y a en tout 20 jours désignés répartis entre ces trois périodes qui se terminent le 10 décembre, le 26 mars et le 23 juin.

Poste : Dans le contexte des travaux des subsides, les énoncés inscrits au Budget des dépenses qui correspondent à la somme requise par le gouvernement pour un programme ou un service donné.

Poste législatif : Poste figurant au Budget des dépenses à titre d'information seulement, car les dépenses qui le composent ont été approuvées de façon permanente par des lois.

Prévisions budgétaires : Plans des dépenses des ministères, qui comportent le Budget des dépenses principal, déposé chaque année, et les budgets supplémentaires, déposés au besoin. L'étude des prévisions budgétaires est un élément important des travaux des subsides.

Projet de loi de crédits : Projet de loi permettant des dépenses du gouvernement et présenté à la Chambre à la suite de l'adoption du Budget des dépenses principal ou supplémentaire ou de crédits provisoires. Seul un ministre peut présenter un projet de loi de crédits.

Règlement : Recueil qui contient les règles écrites permanentes que la Chambre a adoptées afin de régir ses travaux.

II. ORIGINE ET ÉVOLUTION DE L'ÉTUDE DES CRÉDITS

Le processus actuel de l'étude des crédits à la Chambre des communes du Canada s'est développé et a évolué au fil des ans. Ses origines remontent à l'histoire parlementaire de l'Angleterre et plus particulièrement au régime en place en Grande-Bretagne à l'époque de la Confédération, en 1867. Les procédures parlementaires sont demeurées essentiellement inchangées jusqu'en 1968, année où les procédures actuelles ont été adoptées. Depuis, la structure fondamentale est restée la même, sauf quelques modifications mineures.

Le contrôle parlementaire sur les dépenses du gouvernement est un principe fondamental du régime parlementaire. Il incombe au gouvernement de gouverner, mais le Parlement doit voter les fonds qui lui permettent de le faire.

L'étude des crédits fait souvent l'objet de la critique suivante : le processus n'est pas pris au sérieux, il est politisé à outrance, et les députés ne consacrent pas assez de temps et d'attention aux dépenses de fonds publics. Les changements apportés au fil des ans ont semblé être une réponse à ces préoccupations. Par contre, il existe des intérêts divergents chez les députés ministériels et ceux de l'opposition, des objectifs concurrents de contrôle efficace et de prévisibilité, et il ne faut pas oublier que le temps de la Chambre n'est pas illimité. Il faut parvenir à un juste équilibre entre tous ces intérêts et toutes ces préoccupations, mais il n'est pas évident qu'on ne soit pas encore parvenu à ce point d'équilibre.

La présente section s'attachera brièvement à l'étude des crédits à la Chambre des communes du Canada de 1867 à maintenant. On y montrera comment le processus a changé et évolué pour parvenir à son état actuel.

A. Historique

On peut distinguer deux catégories dans la procédure financière du Parlement : l'étude des crédits, visant à autoriser les dépenses du gouvernement au titre des divers programmes et services, et l'étude des voies et moyens, processus qui permet au gouvernement de percevoir des recettes, habituellement par des impôts, pour assumer ses dépenses.

Les principes qui régissent la procédure financière au Canada trouvent leur source dans le régime parlementaire de Grande-Bretagne et dans l'histoire des relations financières entre la Couronne et le Parlement. Le principe voulant que la Couronne demande des fonds et que le Parlement les accorde est crucial si l'on veut comprendre comment tout le régime des recettes et des dépenses fonctionne.

Dans l'Angleterre médiévale, le roi devait assumer toutes les dépenses publiques au moyen de ses propres revenus. L'appareil gouvernemental prenant de l'importance et la Couronne étant moins à même d'assumer ses dépenses, le souverain a été obligé de demander des fonds en convoquant un conseil pour discuter de l'aide qui pouvait être donnée à la Couronne.

Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, il existait un lien étroit entre la perception et la dépense des deniers publics par la Couronne. Une requête adressée aux Communes afin d'obtenir un montant pour une fin particulière entraînait généralement la demande d'un nouvel impôt ou du renouvellement d'un impôt. La loi qui autorisait l'impôt autorisait également la dépense des recettes ainsi perçues - ou jusqu'à concurrence d'un certain montant - pour une fin spécifique.

Ce lien étroit entre impôt et dépenses s'est maintenu jusque vers la fin du XVIIIe siècle. Conformément à une règle adoptée en 1667, les demandes d'argent présentées par la Couronne et précisant les montants estimatifs destinés à des fins spécifiées étaient étudiées par un comité plénier. Une fois terminée l'étape des crédits, la Chambre, de nouveau constituée en comité plénier, étudiait les «voies et moyens» recommandés pour lever les fonds nécessaires au versement des crédits approuvés. Ainsi, le travail d'un comité - le comité des crédits - entraînait directement l'intervention d'un autre - le comité des voies et moyens. C'est seulement une fois prise la décision de ce dernier qu'un projet de loi, un seul, était déposé pour permettre à la Couronne de percevoir les recettes de la manière approuvée par le Comité des voies et moyens et de dépenser cet argent, en totalité ou en partie, aux fins approuvées par le comité des crédits.

Le lien direct entre des dépenses et des recettes données s'est rompu avec l'apparition, en 1787, du Fonds du revenu consolidé (Trésor). C'est ainsi qu'a été éliminée la nécessité de faire correspondre des dépenses et des recettes spécifiques.

Le comité des crédits a poursuivi son travail d'examen des propositions de la Couronne portant que des montants estimatifs soient dépensés à des fins spécifiques. Ce travail terminé, le comité des voies et moyens examinait le Fonds du revenu consolidé en vue de payer les dépenses approuvées, et c'est ainsi qu'est apparu un nouveau type de projet de loi, un projet visant à affecter, sur le Fonds, des montants précis nécessaires à des fins précises. Au même moment, il fallait regarnir le Fonds du revenu consolidé, ce qui se faisait au moyen de projets de loi d'imposition. Deux types distincts de procédures ont vu le jour : l'étude des crédits (subsides), aboutissant à l'adoption de projets de loi de crédits, et l'étude des voies et moyens, donnant lieu à des projets d'imposition. Il subsistait une étape des voies et moyens entre l'étude des crédits et l'adoption du projet de loi qui en découlait et affectait des crédits sur le Fonds, mais elle était réduite à une simple formalité.

Comme John B. Stewart l'a expliqué, il incombe à la Couronne de gouverner, mais il est évident que le gouvernement ne peut continuer de fournir ses nombreux services s'il ne reçoit pas les ressources nécessaires. Les impôts et les autres recettes sont perçus par le gouvernement et versés au Fonds du revenu consolidé. La Chambre des communes n'est toutefois pas disposée à approuver le retrait ou l'utilisation de ces fonds à moins que la Couronne ne précise les fins pour lesquelles il lui faut des fonds et l'estimation des montants nécessaires. Une fois que la Chambre a convenu que la Couronne peut dépenser des fonds jusqu'à concurrence des limites fixées pour des fins précises, elle adopte un projet de loi de crédits, permettant de réserver une partie du Fonds du revenu consolidé à ces fins. Ce type de projet de loi débloque les crédits, mais il n'oblige pas la Couronne a en dépenser la totalité ni même une partie. En outre, cette affectation est toujours assortie d'une limite de temps : l'autorisation accordée par la loi expire normalement à la fin de l'exercice6.

Le Parlement met de l'argent à la disposition de la Couronne selon deux grandes modalités. Il y a d'abord les lois de crédits, pour maintenir d'année en année l'appareil du gouvernement et les activités de la Couronne. Il y a ensuite des lois établissant des programmes de paiements et qui ne font pas l'objet de votes tous les ans au Parlement. Si une loi habilitante autorise des fonds pour un programme ou une activité, il n'est pas nécessaire de voter des crédits chaque année. De nos jours, le montant exigé relativement aux obligations législatives dépasse largement celui des prévisions budgétaires annuelles.

Voilà l'historique général et la théorie du contrôle parlementaire sur les deniers publics. Comme l'écrit Stewart :

Étant donné la nature très nettement distincte de l'étude des mesures de finances - par lesquelles, en fait sinon dans les formes, le roi facturait les Communes - il était normal que la Chambre des communes se dote d'une procédure spéciale, procédure très différente de l'étude des projets de loi ordinaires, pour traiter les demandes de fonds de la Couronne7.
Stewart ajoute, à propos de l'étude annuelle des crédits : «Alors que les autres projets de loi du gouvernement portent sur des modifications de la législation et sont étudiés un à un selon leurs mérites, les crédits concernent la conduite et le maintien du gouvernement lui-même. Ils donnent donc aux députés une possibilité illimitée d'examiner le rendement des ministres dans l'exercice de leurs fonctions aux termes de la common law et des lois8.» Il a également été dit que le Parlement n'accordait pas de crédits avant que l'opposition n'ait eu la possibilité de montrer qu'il faudrait les refuser. C'est l'étude des crédits qui donne aux députés la meilleure occasion d'examiner les dépenses, dans la politique budgétaire du gouvernement.

B. Confédération

Lorsque le Canada a vu le jour, en 1867, le nouveau pays devait avoir une constitution semblable en principe à celle du Royaume-Uni. Les aspects essentiels de la relation entre la Couronne et le Parlement ont donc été précisés dans la Loi constitutionnelle de 1867, et la Chambre des communes du Canada s'est efforcée de suivre le plus près possible le modèle des Communes britanniques dans ses procédures des voies et moyens et des crédits.

L'essentiel des modalités de l'étude des mesures financières avait déjà été adopté dans les provinces du Canada avant la Confédération, et elles ont ensuite été reprises par le Parlement du Canada à l'époque de la Confédération. La Loi constitutionnelle de 1867 a créé le Fonds du revenu consolidé; elle disposait que, sous réserve de certains paiements, le Fonds du revenu consolidé devait être «approprié [par le Parlement du Canada] au service public». Elle disposait en outre que la Chambre des communes, et non le Sénat, devait avoir la primauté en matière financière. L'article 53 dit en effet : «tout bill ayant pour but l'appropriation d'une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d'impôts, devra originer dans la Chambre des communes». La règle des Communes britanniques concernant l'initiative financière de la Couronne a également été consacrée par la Constitution : «Il n'est pas loisible à la Chambre des communes d'adopter un crédit, une résolution, une adresse ou un projet de loi portant affectation d'une partie quelconque des recettes publiques ou de recettes provenant d'une taxe ou d'un impôt à une fin qui n'a pas d'abord été recommandée à la Chambre par message du gouverneur général pendant la session au cours de laquelle ce crédit, cette résolution, cette adresse ou ce projet de loi sont proposés».

Une des premières mesures prises par la Chambre des communes du Canada a été l'adoption d'un article du Règlement disposant que les mesures d'imposition et de dépenses devaient être étudiées d'abord par les comités pléniers. Cet article, inspiré de l'article alors en vigueur à la Chambre des communes britannique, était ainsi conçu :

Si une motion portant affectation de deniers publics ou imposition de charges sur le peuple est faite en Chambre, elle ne peut être immédiatement prise en considération ni mise en discussion; mais elle doit être ajournée à une date que la Chambre juge à propos de fixer. Elle est alors renvoyée en comité plénier avant que la Chambre n'adopte aucune résolution ou ne procède à aucun vote en la matière.
Cet article valait aussi bien pour les impôts que pour les dépenses.

L'étude des crédits était l'un des rôles les plus importants du Parlement et elle l'est toujours. La structure de base adoptée à l'époque de la Confédération a été préservée, malgré diverses modifications de la procédure.

Dans le discours du Trône, au début de chaque session, le gouverneur général s'adresse à la Chambre selon la tradition et dit : «Vous serez appelés à voter les crédits nécessaires pour financer les services et les dépenses approuvés par le Parlement». Par conséquent, conformément au paragraphe 81(1) du Règlement, la Chambre adopte à la première occasion une motion qui se lit généralement ainsi : «Que la Chambre étudie les crédits à sa prochaine séance». C'est ainsi qu'est inscrit au Feuilleton, sous la rubrique des ordres du gouvernement, un article permanent prévoyant l'étude des crédits. En d'autres termes, la Chambre ordonne que l'étude des crédits soit à son ordre du jour à toutes les séances qui suivent. Cette procédure de base existe depuis peu après la Confédération et s'est maintenue jusqu'à nos jours.

Le principe général, à l'égard des questions financières, était que celles-ci devaient être étudiées à fond en comité et à la Chambre. Les règles disposaient expressément que, chaque fois que le gouvernement jugeait nécessaire d'engager des dépenses publiques, la Couronne devait d'abord présenter une recommandation et que toutes les mesures financières devaient être étudiées au comité avant que des mesures législatives ne soient présentées. En 1916, sir John George Bourinot écrivait :

Le principe fondamental qui sous-tend toutes les règles parlementaires et les dispositions constitutionnelles à l'égard des crédits et des impôts est le suivant : lorsqu'il s'agit d'imposer une charge à la population, il faut donner toutes les occasions de débats libres et fréquents pour que le Parlement ne puisse pas, par des votes imprévus et précipités, engager des dépenses ou être amené à approuver des mesures qui imposent au pays de lourdes charges pour une longue période. Il est donc ordonné que la Couronne présente une recommandation chaque fois que le gouvernement estime nécessaire d'engager des dépenses et que la question soit étudiée à fond au comité et à la Chambre, de manière qu'aucun député ne soit forcé de prendre une décision précipitée, mais que tous aient amplement la possibilité d'exposer les motifs pour lesquels ils appuient le crédit proposé ou s'y opposent9.
Comme nous l'avons déjà dit, la procédure des crédits est restée à peu près inchangée au cours des 100 premières années de la Confédération. Il y avait deux grandes étapes avant l'étude des mesures législatives : la formation en comité des crédits et l'étude des propositions de dépenses par ce même comité.

Le comité des crédits était créé par l'adoption d'une motion au début de la session. Les prévisions budgétaires étaient déposées avec un message du gouverneur général, et le ministre des Finances proposait le renvoi des prévisions au comité des crédits. Lorsqu'était lu l'ordre du jour portant que la Chambre se forme en comité des crédits, le Président invitait la Chambre à se prononcer sur la motion suivante : «Que je quitte maintenant le fauteuil». Cette procédure marquait le début de la première étape importante de l'étude des crédits, donnant la possibilité aux députés de débattre les crédits et, s'ils le souhaitaient, de proposer des amendements. Selon une vieille tradition, il fallait discuter des doléances avant les crédits; les députés de l'opposition s'en prévalaient pour soulever diverses questions et exercer des pressions sur le gouvernement en retardant l'adoption des crédits.

Selon Bourinot, un seul amendement pouvait être proposé à la question «Que le Président quitte maintenant le fauteuil». Si l'amendement était rejeté, d'autres questions pouvaient être soulevées, mais il n'était pas possible de proposer une autre motion. Si l'amendement était retiré, cependant, un autre pouvait être proposé. Les règles ordinaires du débat s'appliquaient. Il n'était pas d'usage de donner avis des amendements qui seraient proposés10.

D'après John Stewart, le résultat de cette procédure, notamment après 1906, était que «les députés passaient souvent au comité des crédits seulement lorsque la journée était très avancée, pour peu qu'ils parviennent à cette étape. En d'autres termes, le principe des "doléances avant les crédits" était pris tellement au sérieux, et les députés trouvaient tellement de doléances à formuler que l'étude des prévisions était écartée comme secondaire. Ensuite, tout à la fin des sessions, les prévisions budgétaires étaient étudiées à la hâte en quelques longues séances11

La deuxième étape de l'étude des crédits était l'examen des postes de crédits en comité. La présidence mettait à l'étude comme une question distincte chaque résolution précisant le montant d'une prévision. Il était possible de proposer des amendements, et le débat n'était pas limité. Le plus souvent, chaque ministère avait un poste appelé «crédit administratif général» dont la mise à l'étude au comité des crédits permettait un débat général sur les politiques du ministère. Cela fait, le comité passait à d'autres postes des prévisions budgétaires.

Lorsqu'était appelé l'article de l'ordre du jour sur les résolutions adoptées par le comité, une motion en bonne et due forme portant première lecture était proposée, motion qui n'était jamais débattue ni amendée. Si la Chambre l'approuvait, chaque résolution était lue séparément pour la deuxième fois, et le Président mettait en délibération la motion d'approbation de chaque résolution. Le débat et les amendements devaient se rapporter à la résolution12.

L'étape finale et officielle de l'étude des crédits faisait intervenir le comité des voies et moyens. Une fois toutes les prévisions adoptées par le comité des crédits, le ministre des Finances proposait que la Chambre se forme en comité des voies et moyens pour étudier des résolutions en bonne et due forme accordant certains montants provenant du Fonds du revenu consolidé. Il était fait rapport des résolutions à la Chambre, qui donnait son approbation, après quoi le projet de loi de crédits découlant de ces résolutions était présenté et souvent passait par deux ou plusieurs étapes ou plus au cours de la même journée13.

Après son adoption à la Chambre, le projet de loi de crédits était renvoyé au Sénat pour que celui-ci l'adopte14, après quoi il était renvoyé à la Chambre. Lorsque le gouverneur général avait convoqué les Communes pour proroger le Parlement, le Président portait le projet de loi au Sénat pour la sanction royale. À la différence des autres mesures législatives, les projets de loi de crédits sont présentés au gouverneur général (ou à son suppléant) par le Président des Communes, qui s'exprime en ces termes :

Qu'il plaise à Votre Excellence :
La Chambre des communes du Canada a voté certains crédits requis pour permettre au gouvernement de pourvoir aux dépenses du service public.
Au nom de la Chambre des communes, je présente à Votre Excellence le(s) projet(s) de loi suivant(s) : (. . .)
À ce(s) projet(s) de loi, je prie humblement Votre Excellence de donner la sanction royale.

C. Modifications de la procédure avant 1968

De fréquentes critiques s'élevaient pour dénoncer l'absence de méthodes efficaces pour examiner et contrôler les dépenses, mais aucune modification n'a été apportée au texte du Règlement avant 1913. À l'époque, le premier ministre a proposé une motion tendant à modifier l'article 17 du Règlement par l'ajout de trois dispositions distinctes. Le but essentiel de la troisième était de permettre à la Chambre d'étudier des postes en comité des crédits au moins deux jours de la semaine. Ainsi, le jeudi et le vendredi, le Président devait quitter le fauteuil, sans qu'une motion soit présentée, si l'ordre du jour prévoyait pour la séance l'étude des crédits (ou des voies et moyens). Le comité des crédits n'était toutefois pas autorisé à examiner un crédit proposé quelconque à moins qu'il n'en ait été question l'un des autres jours de la semaine. En d'autres termes, explique John Stewart, «tout crédit devait être pris en considération un jour où l'opposition ou un simple député pouvait monter une attaque contre le gouvernement au sujet de sa conduite ou de sa politique dans un (ou des) domaine(s) lié(s) aux crédits à aborder ce jour-là15. En fait, cela réduisait le nombre d'occasions de proposer des modifications à la motion de crédits.

Ces modifications n'ont été adoptées qu'au terme d'un long et acrimonieux débat, parce que, entre autres choses, les amendements introduisaient la notion de clôture à la Chambre des communes du Canada. Comme Stewart le fait observer, les nouvelles dispositions a) maintenaient le droit constitutionnel des députés d'énoncer et de faire connaître leurs doléances, importantes ou non, avant d'étudier la demande de fonds présentée par la Couronne et b) garantissaient que les demandes de fonds de la Couronne seraient étudiées au moins deux jours par semaine16.

En 1925, un comité spécial a été mis sur pied et chargé d'une révision complète du Règlement. Au cours du débat sur la motion tendant à établir le comité, les députés ont exprimé des craintes au sujet du contrôle exercé par le Parlement sur les dépenses publiques, de l'étude des prévisions budgétaires en comités et des règles régissant les amendements aux motions portant que le Président quitte le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité des crédits ou en comité des voies et moyens. La recommandation du comité spécial - soit qu'un seul amendement puisse être proposé à la motion portant que le Président quitte le fauteuil et que l'amendement puisse faire l'objet d'un sous-amendement - a été reprise par un autre comité spécial et a enfin été adoptée par la Chambre en 192717.

Tout au long de la Seconde Guerre mondiale, une critique constante portait que d'importantes sommes étaient dépensées chaque année à peu près sans examen parlementaire fouillé. Il n'y a pourtant pas eu de modifications de la procédure avant les années 1950. W.F. Dawson a fait remarquer que, entre 1927 et 1955, la Chambre s'est en grande partie désintéressée de la procédure des crédits. «Des propositions ont été avancées qui auraient limité la durée des discours en comité et fait en sorte qu'un plus grand nombre de prévisions budgétaires soient renvoyées à des comités plus petits. Pourtant, rien ne s'est fait dans ces années, même si le gouvernement et l'opposition étaient tous deux insatisfaits18

En janvier 1955, un comité spécial a été chargé d'examiner la procédure de la Chambre et, en adoptant son deuxième rapport, en juillet 1955, la Chambre a accepté les modifications du Règlement concernant l'étude des crédits. Un nouvel article du Règlement prévoyait le renvoi d'au moins six motions au comité des crédits et un débat de deux jours sur chacune19. Les nouvelles dispositions prévoyaient également une procédure de renvoi des prévisions budgétaires à des comités permanents ou spéciaux. Ces prévisions de dépenses étaient retirées au comité des crédits et de nouveau renvoyées à celui-ci après rapport du comité permanent ou spécial.

En 1921, et de nouveau au cours du débat de 1925 sur la motion visant la création d'un comité spécial, il a été proposé que les prévisions budgétaires soient examinées par les comités permanents. Le principe était qu'elles seraient examinées avec plus de soin par de petits comités, mais les gouvernements répugnaient à accepter la proposition. Cette proposition de renvoi des prévisions budgétaires au comité permanent a été ramenée sur le tapis en 1930, en 1933 et en 1936. En février 1955, enfin, plus de 30 ans après que l'idée eut été proposée dans une motion, la Chambre acceptait d'établir un comité des prévisions budgétaires. Au départ, ce comité semblait une simple version réduite du comité des crédits, et il n'était autorisé ni à convoquer des personnes ni à exiger la production de documents. Ce n'était au début qu'un comité spécial mais, en 1958, la Chambre a modifié son Règlement pour en faire un comité permanent et lui donner les pouvoirs habituels. À partir de 1962, aucune prévision budgétaire n'a été renvoyée au comité, qui est disparu au moment de la réorganisation des comités, en 1965.

Jusqu'en 1965, l'étude des divers crédits au comité n'était assujettie à aucune limite de temps. Cette étude a pris 77 jours au cours de la session de 1960-1961, et 90 jours en 1965-1966. Les gouvernements étaient conscients qu'ils ne pouvaient pas se permettre de consacrer une partie aussi importante de la session à l'étude des crédits. En 1965, le gouvernement libéral a réussi à obtenir l'accord de l'opposition pour modifier une disposition du Règlement afin de réserver 36 jours à l'étude des crédits, exception étant faite pour les motions et pour toutes les prévisions budgétaires supplémentaires. Un commentateur a écrit à l'époque : «Pour beaucoup de députés, l'application de limites de temps signifiait la perte d'un contrôle financier efficace par la Chambre des communes, puisque les ministres pourraient se contenter d'attendre que le temps passe pour obtenir l'approbation de leurs prévisions budgétaires20

En avril 1967, la Chambre a accepté d'apporter des modifications provisoires à l'étude des crédits. Parmi les plus importants changements, notons les suivants : le nombre d'occasions où la motion portant que le Président quitte le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité des crédits a été fixé à quatre; le nombre de jours consacrés aux crédits pendant la session a été limité à 38; les travaux des crédits étaient clairement définis.

D. Modifications de 1968

En 1962, W.F. Dawson écrivait : «Aucun élément de la procédure à la Chambre des communes du Canada n'est aussi universellement considéré comme étant incapable de répondre aux besoins modernes que le contrôle des dépenses publiques par la Chambre21.» Il disait : «Le comité des crédits est inadéquat comme tribune pour débattre les dépenses détaillées et les députés sont incapables d'assumer correctement leurs fonctions d'examen22.» Le Comité des crédits faisait l'objet de divers reproches : il était trop grand, il tendait à être dominé par quelques députés, ses débats étaient souvent inefficaces et ennuyeux, et seulement les ministres et les secrétaires parlementaires pouvaient répondre aux questions.

D'importantes modifications ont été apportées à l'étude des crédits, principalement à cause des pressions qui s'exerçaient sur l'ensemble des travaux de la Chambre : les gouvernements avaient de plus en plus de mal à faire étudier leur programme législatif au cours d'une session de durée normale. À compter de 1963, une série de comités spéciaux ont été nommés pour moderniser la procédure et le Règlement de la Chambre. Le point culminant de ces travaux a été un rapport de comité de décembre 1968 qui disait : «Parmi les procédures les plus accaparantes, répétitives et archaïques dont le Parlement canadien a hérité figure celle concernant l'étude des crédits23

En décembre 1968, la Chambre des communes adoptait les Quatrième et Cinquième rapports du Comité spécial de la procédure, acceptant ainsi des modifications substantielles aux principales modalités de l'étude des mesures financières24. Le Comité estimait que la procédure traditionnelle suivie pour l'étude des crédits était peu adaptée aux exigences du gouvernement moderne. Il soutenait qu'elle ne permettait pas un examen efficace des prévisions budgétaires, qu'elle ne donnait pas à la Chambre les moyens d'organiser un débat sérieux sur des sujets choisis à l'avance, qu'elle n'avait pas réussi à préserver un contrôle parlementaire efficace sur les dépenses, ni à garantir des décisions rapides sur les projets de loi de crédits. Le grand principe des recommandations du Comité était que les comités permanents de la Chambre, qui venaient d'être réorganisés et d'obtenir une plus grande importance, étaient en mesure de faire plus efficacement que le comité des crédits l'examen détaillé des prévisions budgétaires.

Le nouveau Règlement adopté en décembre 1968 reprenait l'approche fondamentale et les détails des recommandations du comité spécial. Parmi les principaux changements, notons les suivants :

La nouvelle procédure d'étude de crédits présentait des avantages indéniables. Pour le gouvernement, il devenait possible d'adopter un calendrier en matière financière, et l'étude des crédits ne pouvait plus être retardée. Par contre, le nouveau calendrier donnait à l'opposition la possibilité de discuter des prévisions du budget principal avant que tout l'argent n'ait été dépensé. Les rituels procéduriers de l'ancien comité des crédits étaient abandonnés. Parallèlement, le droit de l'opposition de critiquer la politique du gouvernement devant la Chambre, c'est-à-dire en présence des médias, était préservé grâce aux jours désignés.

Le transfert de l'étude des prévisions budgétaires aux comités libérait la Chambre pour qu'elle puisse s'occuper d'autre chose. Pourtant, la nouvelle procédure posait des problèmes et suscitait du mécontentement. Beaucoup de députés de l'opposition estimaient qu'ils avaient trop cédé en acceptant les réformes. Puisque, de toute manière, le gouvernement recevait les fonds, on avait l'impression qu'il était devenu moins réceptif aux plaintes et demandes de renseignements de l'opposition.

E. Modifications de la procédure après 1968

Depuis le remaniement, en 1968, un certain nombre de mises au point et d'autres modifications se sont succédé.

En mars 1975, la Chambre a adopté le deuxième rapport du Comité permanent de la procédure et de l'organisation recommandant un article provisoire du Règlement sur l'étude des crédits : des postes choisis des prévisions budgétaires pouvaient être étudiés par le comité plénier. Quant à l'utilisation des journées réservées, il recommandait que les députés de l'opposition puissent mettre des postes choisis des prévisions à l'étude au comité plénier, avec possibilité d'amendement et même de décision. Cette procédure a été utilisée à neuf occasions, en 1975 et 1976, mais l'expérience n'a pas été renouvelée à la fin de la deuxième session de la 30e législature.

En 1982, des modifications ont été apportées au Règlement de manière à exiger un préavis de 48 heures si une motion de l'opposition devait faire l'objet d'un vote par appel nominal le vendredi. La limite de 20 minutes pour chaque orateur s'appliquait désormais à tous les députés sans exception, et la disposition a été modifiée pour permettre une période de questions et d'observations de dix minutes après chaque intervention.

En 1985, le Règlement a de nouveau été modifié par la suppression de la notion de censure, conformément à la recommandation formulée par le Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (comité McGrath).

En février 1986, une disposition était adoptée pour que le chef de l'opposition, après avoir donné avis, prolonge de dix jours l'étude du Budget des dépenses principal d'un ministère ou d'un organisme désigné par le comité permanent compétent. Au même moment, il était prévu que, au dernier jour désigné de la période de crédits se terminant le 30 juin, la motion d'approbation du Budget des dépenses principal fasse l'objet d'un débat, celui-ci pouvant se prolonger au-delà de l'heure normale de l'ajournement.

En juin 1987, la Chambre a accepté un certain nombre de modifications de forme mineures aux dispositions du Règlement régissant l'étude des crédits.

En 1991, le Règlement a subi quelques autres modifications. Le nombre de jours désignés a été ramené de 25 à 20 au cours d'une année normale, résultat de modifications du calendrier de la Chambre qui réduisaient le nombre de jours de séance. Pour chaque semaine où la Chambre est en congé, au-delà de ce qui est prévu au calendrier, le Président doit réduire le nombre de jours désignés à proportion. De la même manière, pour chaque tranche de cinq jours supplémentaires de prolongation de la session, il faut accorder une journée à l'opposition. Le nombre de motions pouvant faire l'objet d'un vote pendant les jours désignés d'une période de crédits a été ramené de quatre à trois, et au maximum huit motions d'opposition peuvent faire l'objet d'un vote pendant les 20 jours réservés à l'opposition.

Une série de modifications ont été apportées à l'article 81 du Règlement en février 1994. Tout d'abord, au cours d'une même année civile, pas plus du cinquième des jours désignés ne doivent tomber le mercredi, et pas plus du cinquième le vendredi. Il y a moins d'heures de séance le mercredi à cause des réunions des groupes parlementaires, en matinée, tandis que le vendredi, il est difficile d'assurer la présence des députés parce qu'un grand nombre d'entre eux ont envie ou ont besoin de rentrer dans leur circonscription. C'est toujours le gouvernement qui décide des journées réservées, mais cette modification limite le degré de discrétion dont il dispose.

En outre, les comités permanents sont désormais habilités à étudier les plans et les priorités de dépenses du prochain exercice des ministères et organismes dont ils examinent le Budget des dépenses principal et à faire rapport sur la question. Tout rapport sur les plans et les priorités de dépenses doit être remis à la Chambre au plus tard le dernier jour où la Chambre siège, en juin. Au cours du débat sur ces modifications, le leader du gouvernement à la Chambre, l'honorable Herb Gray, a expliqué ces changements en ces termes :

Les prévisions budgétaires sont complexes et difficiles à analyser et elles sont aussi difficiles à modifier pour des raisons constitutionnelles. De plus, leur étude doit se faire selon un calendrier très rigoureux. (. . .) Par conséquent, l'étude des prévisions budgétaires est devenue plutôt superficielle, et les dépenses gouvernementales ne font l'objet d'aucun débat parlementaire avant que le gouvernement ait établi ses priorités25.
Selon M. Gray, l'étude des plans de dépenses par les comités leur donne «l'occasion de faire connaître leurs points de vue sur les priorités de dépenses avant que soit établi le budget des dépenses pour la prochaine année financière, au lieu d'être placés dans la situation difficile où ils ont affaire à ce qui équivaut presque à un fait accompli quand le budget des dépenses est finalement déposé26

III. RENOUVELER LA PROCÉDURE : NÉCESSITÉ ET POSSIBILITÉ

Les procédures qu'utilise actuellement la Chambre des communes pour examiner et approuver les crédits ne sont plus appropriées et doivent être renouvelées. Plusieurs facteurs justifient ce renouvellement : certains d'entre eux sont anciens et d'autres, plus récents. Ensemble, ils offrent de bonnes raisons de croire qu'une modification de la façon dont la Chambre procède à l'étude des crédits est possible et, qu'en fait, on ne saurait la retarder plus longtemps.

A. Critique des procédures actuelles

Comme le soulignent l'introduction et la section précédente, les critiques concernant les procédures actuelles d'étude des crédits ne sont pas nouvelles. Cependant, elles constituent un point de départ utile et permettent d'établir la nécessité du changement. Le résumé suivant montre que les critiques sont répandues et que presque tout le monde reconnaît la nécessité d'un renouvellement.

1. Étude parlementaire antérieure

En 1982, deux députés, les honorables Ron Huntington et Claude-André Lachance, ont préparé un rapport sur l'étude des crédits à l'intention du Comité spécial du règlement et de la procédure (le comité Lefebvre). Dans ce rapport (intitulé Responsabilité : Boucler la boucle), ils font remarquer que, parce que le Parlement n'a pas les ressources voulues pour procéder à un examen adéquat des propositions de dépenses du gouvernement, «dans les circonstances actuelles, les parlementaires ne peuvent assumer adéquatement leurs responsabilités constitutionnelles à cet égard27.» En 1985, le Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (le comité McGrath, qui poursuivait les travaux du comité Lefebvre) a fait rapport sur les pouvoirs, procédures, pratiques, organisation et installations de la Chambre. À la recommandation du comité McGrath, le Budget des dépenses a été à partir de ce moment renvoyé automatiquement aux comités permanents nouvellement réformés, et les documents relatifs à la partie III du Budget des dépenses principal (qui décrivaient plus en détail les programmes ministériels financés) ont été instaurés. Toutefois, ces mesures n'ont pas atténué la totalité des frustrations suscitées par l'étude des crédits.

Vers la fin de la législature précédente (la 34e), le Comité de liaison (composé des présidents de tous les comités permanents) a publié un rapport sur l'efficacité des comités. Le Comité formulait la remarque suivante :

Par suite de la décision, prise en 1968, de transférer les budgets du Comité plénier aux comités permanents, les députés canadiens qui font partie d'un parlement majoritaire n'ont en fait plus le pouvoir de réduire les dépenses publiques. Les députés raisonnent donc très logiquement lorsqu'ils estiment qu'il ne sert à rien de consacrer du temps et des énergies à un processus sur lequel ils n'exercent aucune influence28.
Selon le Comité de liaison, très peu de comités permanents faisaient rapport de leur examen du Budget des dépenses. En 1989, 20 comités permanents avaient tenu au total 128,1 réunions sur le Budget des dépenses, mais ils n'avaient produit que trois rapports. En 1990, le même nombre de comités a tenu au total 48,5 réunions sur le même sujet, sans produire un seul rapport. En 1991, 25 comités permanents ont tenu 60 réunions et ils n'ont produit qu'un seul rapport29. Le Comité de liaison a qualifié de «radicale» la baisse d'attention que les comités permanents portent à l'étude du Budget des dépenses :

Il ressort, des décisions qu'ils prennent lorsqu'il s'agit de fixer les dates de leurs réunions, que les comités ne sont pas intéressés à consacrer leur précieux temps à l'étude de prévisions budgétaires qui ne seront pas modifiées, dès lors que le gouvernement est majoritaire30.
Le Comité de liaison mentionne que la décision des comités de ne pas faire rapport du Budget des dépenses fait maintenant «à peu près l'unanimité», et il qualifie cet exercice de «perte de temps». Comme nous le faisons remarquer plus bas (dans la section du présent rapport qui a trait aux comités), la situation ne s'est pas améliorée.

2. Commentaires des témoins

La plupart des témoins ont reconnu que le processus actuel d'examen des crédits n'était pas adéquat (même si les motifs variaient). M. J.R. Mallory a cité un passage du rapport du comité Lambert selon lequel les avis sont unanimes : «L'attitude est la même pour tous : «l'examen des Budgets des dépenses est souvent considéré comme vide de sens»». (1re Session, séance no 8, le 30 novembre 1995, p. 8:2) M. Peter Dobell a fait des commentaires aussi directs, affirmant dans son témoignage que l'examen du Budget des dépenses «n'est pas une fonction qui suscite beaucoup de fierté chez les députés».(1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995, p. 3:12) M. Claude-André Lachance, ex-député, s'est fait l'écho de ces sentiments, déclarant devant le Sous-comité qu'il avait «toujours été frustré par le processus d'examen des prévisions budgétaires [qu'il estimait] être,à certains égards, un exercice parfaitement futile». (1re Session, séance no 6, le23 novembre 1996, p. 6:4) Enfin, M. Paul Thomas a écrit au Sous-comité que la Chambre des communes et ses députés en étaient réduits à un rôle «très marginal» dans le processus financier du gouvernement. D'autres observations formulées par les témoins confirment ces opinions, et on y fait allusion plus en détail un peu partout dans le présent rapport.

3. Réactions des députés actuels

Un questionnaire a été distribué aux députés en place, afin de tenir compte de leurs opinions et préférences dans notre rapport. Les députés devaient commenter l'actuel processus d'étude des crédits en comité. Leurs réponses révèlent pratiquement toutes une insatisfaction profonde. Pour décrire le processus actuel, ils utilisent des expressions comme «examen pour la forme», «vaines tentatives de mettre de l'avant des changements», «procédure pas plus utile qu'il le faut» et «gaspillage total de temps». Un sentiment généralisé de frustration marque toutes les réponses : un député a eu ce commentaire typique : «Il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire».

B. Modification du système de gestion des dépenses du gouvernement

Comme M. C.E.S. Franks nous l'a appris, le processus d'examen du Budget des dépenses et des crédits par le Parlement n'est qu'une partie infime d'un large processus, qui comprend deux composantes : l'une est interne et ne concerne que le gouvernement, l'autre est externe et fait appel au Parlement. Comme M. Franks l'a indiqué, toutes les étapes du cycle financier du gouvernement sont interreliées. C'est pourquoi une importante modification de la structure et du fonctionnement de l'une ou l'autre de ces étapes aura sûrement des répercussions sur les autres.

D'importantes modifications sont apportées au côté interne, gouvernemental, du cycle financier. Elles visent à aider le gouvernement à faire face aux nouvelles réalités financières et sont décrites en détail dans toute une série de documents31. Cependant, certains des changements pourraient influer sur le volet parlementaire du processus, et ils méritent qu'on s'y arrête.

Le système de gestion des dépenses s'appuiera davantage sur l'examen permanent des programmes; on financera les nouvelles initiatives au moyen de fonds destinés à des programmes qui ne sont plus jugés prioritaires. On demande aux ministères de fonctionner d'après des plans d'affaires conformes aux cibles établies dans le Budget et aux priorités gouvernementales. En même temps, on s'efforce de donner aux ministres et aux ministères plus de souplesse quant à l'affectation des ressources, selon les limites approuvées. On s'attachera davantage à la manière de mesurer et de rapporter les résultats des programmes et des ministères. L'information devra être mise à la disposition des ministres, des parlementaires et du public. Ces changements devraient faciliter la prise de décisions et la reddition des comptes. Enfin, les ministères doivent produire des documents dans lesquels ils exposent leurs plans et priorités pour l'année budgétaire et les deux années suivantes (plans ministériels). Ces plans ministériels sont remis aux comités permanents au moment de l'examen du Budget des dépenses. Ainsi, les comités peuvent étudier et commenter les documents, ce qui leur permet d'influencer les prévisions de dépenses des années à venir.

C. Le Projet d'amélioration des rapports au Parlement

Le système de gestion des dépenses du gouvernement connaîtra un changement particulièrement important, puisqu'on établira de nouvelles façons de transmettre l'information au Parlement. En mars 1996, six ministères (Agriculture et Agroalimentaire Canada; Pêches et Océans; Affaires indiennes et du Nord canadien; Ressources naturelles Canada; Revenu Canada; Transports Canada) ont produit, dans le cadre d'un projet pilote, une version remaniée de la partie III du Budget des dépenses. Cette mesure, qui a été appuyée par le Comité (voir la préface), procurera des informations sur les activités, dépenses et plans ministériels selon une présentation qui en facilitera l'usage et la compréhension. L'évolution du projet pilote a été telle qu'on l'a étendu à un total de16 ministères et organismes, mesure appuyée par le Comité dans son Vingt-troisième rapport de la deuxième session de la 35e législature. D'autres propositions qui prévoient le remplacement des documents de la partie III par des informations distinctes sur les plans et le rendement des ministères et la publication de ces informations à l'automne et au printemps, respectivement, se révèlent aussi pleines de promesses et ont reçu l'appui du Comité. Si les objectifs de ce projet sont atteints, les comités pourront examiner les plans de dépenses des ministères et faire rapport à ce sujet au printemps. À l'automne, ils présenteront des rapports sur le rendement des ministères dans l'exécution de leurs principaux programmes et politiques.

D. Modification du Règlement

Le nouveau système de gestion des dépenses et la réforme des documents relatifs au Budget des dépenses mettent l'accent sur les plans et priorités qui vont au-delà du prochain exercice. C'est pourquoi les modifications apportées au Règlement en février 1994 donnent aux comités le pouvoir d'examiner les plans financiers futurs des ministères et organismes qui relèvent de leur mandat, et de faire rapport à ce sujet. Cette modification donne aux comités l'occasion d'exercer une certaine influence sur les dépenses futures, possibilité qui ne leur était pas offerte aussi clairement auparavant.

Dans l'ensemble, ces changements devraient en théorie faciliter la participation des parlementaires et des comités permanents au cycle financier du gouvernement et éliminer une bonne part des frustrations vécues par ceux qui estimaient que le Parlement avait été marginalisé. Il peut aussi en découler un contexte propice à l'examen de la façon dont la Chambre et ses comités reçoivent, étudient et utilisent l'information liée à l'octroi des crédits. Les outils étant prêts à servir, il ne reste plus qu'à déterminer comment on peut en faire le meilleur usage.

E. Les besoins et les attentes des Canadiens

Le cinquième facteur est plus profond et plus pressant que les autres : les attentes et les besoins des Canadiens, en qualité tant de contribuables que de citoyens. La dette et les déficits, la diminution des ressources dont disposent les pouvoirs publics, le débat quant à la meilleure utilisation de ces ressources et au rôle qu'il convient de confier au gouvernement, voilà autant de questions qui occupent l'avant-scène du débat public. Les Canadiens s'attendent à ce que leur Parlement y joue un rôle capital, en donnant aux enjeux une diffusion publique complète, en explorant les choix politiques qui s'offrent, en obligeant le gouvernement et les fonctionnaires à rendre des comptes, en sensibilisant le public sans pour autant négliger de respecter et de faire valoir ses opinions et ses préoccupations et, au bout du compte, en étant présent au moment de faire les choix difficiles.

Selon de récents sondages, les Canadiens doutent de la capacité de leur Parlement de répondre à leurs attentes. En 1993, par exemple, un sondage Gallup indiquait que seulement 16 p. 100 des personnes interrogées avaient beaucoup de respect pour la Chambre des communes, ce qui représente une chute spectaculaire par rapport aux 38 p. 100 qui avaient exprimé la même opinion 14 ans plus tôt32. Ainsi, il faut prendre des mesures radicales pour que les Canadiens reprennent confiance en leur Chambre des communes. Une amélioration à la procédure entourant l'étude des crédits doit faire partie intégrante de ces efforts.

IV. BOUCLER LA BOUCLE :
UNE NOUVELLE PROCÉDURE D'ÉTUDE DES CRÉDITS

Comme nous venons de le voir, les conditions sont favorables à une réforme de l'étude des crédits. Il y a un consensus parmi les parlementaires et les spécialistes de l'appareil parlementaire selon lequel les procédures actuelles laissent beaucoup à désirer. Simultanément, le gouvernement a apporté des changements significatifs à son système de gestion des dépenses et de présentation de l'information financière au Parlement, pavant ainsi la voie à un examen plus approfondi des crédits. Les Canadiens, quant à eux, s'attendent à ce que le Parlement fasse pleinement usage de ces nouvelles possibilités. Notre défi a consisté à trouver des moyens d'arriver à cela.

Après avoir entendu les témoins, après avoir réfléchi à la procédure régissant l'étude des crédits et après l'avoir examinée sous toutes ses facettes, nous sommes convaincus que son amélioration exige plusieurs interventions. Moyennant l'apport d'une série de modifications (rajustement de la structure des comités, nouveaux outils, meilleures incitations, amélioration de la transmission des renseignements au Parlement et volonté des comités et de leurs membres de tirer pleinement avantage de ces nouvelles possibilités), on arrivera à mettre en place un mécanisme d'examen des dépenses gouvernementales qui sera complet et utile.

A. Le rôle des comités permanents

Depuis 1968, ce sont les comités permanents de la Chambre qui ont examiné le Budget des dépenses. C'est la façon la plus efficiente de soumettre les demandes gouvernementales relatives aux crédits à l'examen détaillé qui s'impose. Toutefois, il est clairement établi qu'au cours des dernières années les comités permanents n'ont consacré que peu d'efforts à cet aspect de leur travail. En 1990-1991, les comités ont tenu 101,5 réunions sur le Budget des dépenses : aucun d'eux n'a présenté de rapport à la Chambre. En 1991-1992, le nombre de réunions est tombé à 20; un seul rapport a été présenté. En 1992-1993 et 1993-1994, on a tenu 59 et 48,8 réunions; pour chaque exercice, le résultat a été le même : un seul rapport a été présenté à la Chambre33. Afin de mettre ces statistiques en perspective, au total, les comités se sont réunis à 467 reprises au cours de la période 1993-1994 et ils ont présenté 82 rapports. Les 48,8 réunions consacrées au Budget des dépenses représentent 10,5 p. 100 de l'ensemble des réunions : le seul rapport soumis représente moins de 1 p. 100 de tous les rapports présentés au cours de cette période. Quand nous constatons que la Chambre a voté presque 49 milliards de dollars de crédits pendant cette période34, le caractère inadéquat de l'étude des comités concernant le Budget des dépenses devient aussi évident que désolant.

L'un des témoins, M. Franks, a exprimé des doutes quant à l'amélioration que pourraient apporter les modifications du système des comités ou des techniques utilisées par les comités quand ils examinent le Budget des dépenses. Même si nous comprenons ce point de vue, nous ne le partageons pas entièrement. Oui, certaines contraintes limitent l'efficacité des comités, mais elles ne sont pas nécessairement paralysantes. Nous croyons qu'il est possible que l'étude du Budget des dépenses effectuée par les comités devienne plus efficace et nous sommes convaincus que les suggestions suivantes donneront des résultats.

1. De nouvelles structures

a. Un comité chargé de surveiller et de revoir les prévisions budgétaires et les crédits

Nous avons décidé d'étudier le mode d'examen des prévisions budgétaires et des crédits dans le but d'atteindre trois objectifs très étroitement reliés : accroître la participation de chacun des députés aux travaux concernant les prévisions budgétaires et les crédits; renforcer la capacité de la Chambre de demander des comptes au gouvernement; et mieux examiner les dépenses projetées par le gouvernement. Les témoins et le Comité estiment que, pour atteindre ces objectifs, il est préférable de modifier plusieurs éléments du processus d'examen. Certains changements que nous allons proposer seront sans doute plus déterminants que d'autres pour la réalisation de nos objectifs. Nous sommes toutefois convaincus que si seulement un ou deux éléments du processus sont modifiés, les améliorations ne seront que partielles. Nous recherchons une démarche dont chacun des éléments concourra, en harmonie avec les autres, à atteindre collectivement les résultats que n'obtient toujours pas le Parlement. Nous commençons donc par nous concentrer sur les améliorations qu'il est possible d'apporter au rôle que jouent les comités permanents dans le processus d'examen des crédits et du Budget des dépenses.

Selon l'organisation actuelle, le budget des dépenses de chaque ministère et organisme est renvoyé automatiquement au comité permanent compétent. Bien que fort logique, cette façon de faire a obtenu des résultats décevants. Il est en effet établi indubitablement que les comités permanents consacrent très peu de temps à l'étude des prévisions budgétaires et encore moins à la rédaction de rapports à la Chambre sur le sujet. Selon certains témoins, assigner les prévisions budgétaires à des comités déjà accaparés par d'autres questions expliquerait en partie que les comités en fassent si peu de cas. Comme les prévisions budgétaires des ministères doivent disputer l'attention des comités à diverses affaires pressantes, elles ne subissent pas un examen aussi rigoureux qu'elles le devraient. Le Sous-comité a donc commencé par examiner la façon dont est structurée l'étude du Budget des dépenses par les comités permanents afin de déterminer si des changements apporteraient des améliorations. Il se pourrait que les comités n'examinent pas assez attentivement les prévisions budgétaires parce que rien ne les encourage à le faire ou parce qu'un gouvernement majoritaire exige la confiance. Ces deux causes sont traitées plus loin dans notre rapport.

Des témoins, qui croyaient que l'examen inadéquat était un problème en partie structural, ont suggéré de créer un comité unique qui serait chargé exclusivement de recevoir les prévisions budgétaires de tous les ministères et organismes, de les étudier et de faire un rapport sur le sujet. Les partisans de cette solution ont fourni maints arguments en sa faveur. M. Peter Dobell a affirmé qu'un tel comité ne se laisserait pas distraire par d'autres sujets et attirerait les députés s'intéressant particulièrement à l'administration.M. Claude-André Lachance a soutenu qu'un tel comité pourrait être en mesure de se faire une idée globale des dépenses gouvernementales (ce qu'il a appelé un «comité à quarante mille pieds de hauteur»). Pour reprendre ses propres paroles, un tel comité

prendrait toutes les prévisions budgétaires et qui ferait avec elles ce que fait le Cabinet : en d'autres termes, il examinerait le tableau d'ensemble et il ferait le tri des différents budgets en fonction des priorités du gouvernement. Il évaluerait les priorités.(1re Session, séance no 6, le 23 novembre 1995, p. 6:13)
M. Lachance a même soutenu que ce comité libérerait les autres comités permanents et leur permettrait de se concentrer sur leurs véritables responsabilités, pour qu'ils soient «en mesure de faire leur travail de façon approfondie». (1re Session, séance no 6, le 23 novembre 1995, p. 6:5) S'il existait un seul comité du Budget des dépenses, à son avis, le rôle du Parlement serait plus utile et l'étude des crédits serait plus efficace et moins partisane. M. Paul Thomas a aussi appuyé cette idée dans son mémoire où il proposait que le nouveau comité soit présidé par un député de l'opposition et assisté par un personnel permanent.

Certains arguments particulièrement convaincants et favorables à l'idée ont été avancés par le haut-commissaire de la Nouvelle-Zélande au Canada, l'honorable Maurice McTigue. Comme il a été ministre du gouvernement de son pays et qu'il a siégé huit ans à la Chambre des représentants de la Nouvelle-Zélande, le haut-commissaire a une connaissance de première main du fonctionnement d'un comité unique du Budget des dépenses.

Comme la Chambre des communes, la Chambre des représentants effectue une grande partie de son travail par l'entremise de comités spéciaux [permanents], mais les projets de loi de crédits (qui renferment les prévisions budgétaires) sont tous renvoyés à un comité des finances et des dépenses. Ce comité a alors le choix d'examiner lui-même le budget des dépenses de chaque ministère ou d'en charger le comité spécial compétent. Dans ce dernier cas, le comité des finances et des dépenses peut prodiguer conseils et directives aux comités spéciaux qui, après avoir terminé leur étude, lui présentent un rapport. Il peut alors réclamer une étude approfondie, surtout si les prévisions budgétaires portent sur des activités très coûteuses à risque élevé. Le comité des finances et des dépenses de la Nouvelle-Zélande arrive ainsi à avoir une vue d'ensemble de la situation, comme le recommande M. Lachance, sans que le travail soit trop accablant.

D'autres témoins se sont montrés moins enthousiastes. M. Mallory a prétendu qu'un seul comité n'aurait pas assez de membres pour traiter tous les sujets portés à son attention. M. Lindquist a également exprimé des doutes, proposant plutôt la création d'un comité pour étudier la qualité du Budget des dépenses. M. Franks a convenu qu'il serait avantageux d'avoir un seul comité clairement mandaté pour s'occuper du Budget des dépenses, mais il a affirmé que l'étude de ce dernier serait forcément dissociée de l'examen continu des ministères par les comités permanents. Le vérificateur général a fait part de la même appréhension; il a soutenu que faire examiner le Budget des dépenses par les comités permanents était «la meilleure façon de concilier la définition des orientations et l'établissement des objectifs budgétaires». (1re Session, séance no 3, le19 octobre 1995, p. 3:11) Il a prévenu le Sous-comité que «si les deux fonctions étaient séparées, cette cohérence n'existerait peut-être plus». (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995, p. 3:11)

Après avoir bien étudié les témoignages, le Sous-comité a conclu que tous les témoins ont une opinion qui se justifie et qui reflète des préoccupations dont il importe de tenir compte. Il est cependant évident que confier à un seul comité l'étude du Budget des dépenses comporterait des inconvénients nouveaux et tout à fait inacceptables que les témoins qui se sont prononcés contre la création d'un comité unique ont d'ailleurs décrits avec précision. Le Comité est entièrement d'accord, notamment, avec ceux qui ont fait remarquer que les comités permanents possédaient une connaissance des opérations et du mandat des ministères essentielle à un examen éclairé des prévisions budgétaires. Inversement, grâce à l'étude des prévisions budgétaires, les comités peuvent être plus efficaces au moment de s'intéresser à d'autres aspects des activités ministérielles, puisqu'ils sont alors en mesure de faire des liens entre les objectifs et les dépenses des ministères. Comme l'a affirmé le vérificateur général, le renvoi du Budget des dépenses aux comités permanents permet de rapprocher plus facilement l'orientation politique et les objectifs budgétaires. On serait malavisé de renoncer à ces avantages.

Par contre, le système actuel est en place depuis presque trente ans et jamais il n'a permis d'arriver à un examen du Budget des dépenses aussi approfondi que celui qui s'impose. Le Comité est donc convaincu qu'il est possible de trouver un compromis entre le statu quo et le comité unique, qui réussira à résoudre les problèmes des comités quant à l'examen des prévisions budgétaires sans renoncer pour autant aux nombreux avantages du système actuel.

Après mûre réflexion, le Comité a la conviction que la meilleure solution consiste à former un comité qui serait chargé principalement d'étudier le mode d'examen des crédits et du Budget des dépenses et d'assister les comités permanents pendant leur examen des prévisions budgétaires. Ce nouveau comité devrait porter le nom de Comité permanent du Budget des dépenses (ci-après Comité du Budget des dépenses), qui refléterait sa raison d'être. Ainsi, les comités permanents continueraient d'être chargés d'examiner les prévisions budgétaires des ministères et d'en faire rapport à la Chambre, tandis que le nouveau comité compléterait leurs travaux à cet égard sans se substituer aux comités ni les dédoubler.

Plus précisément, nous proposons de confier comme attribution principale au nouveau comité le mandat d'étudier le mode d'examen des crédits et du Budget des dépenses, et de recommander les améliorations à y apporter. Ce faisant, ce comité prendrait le relais du Sous-comité qui a analysé ce processus et reçu des suggestions sur la façon de l'améliorer. Le Sous-comité, conjointement avec un groupe de travail parlementaire, a aussi servi de tribune pour l'examen parlementaire des processus entourant la production des plans de dépenses des ministères et d'un projet pilote pour la production de rapports sur le rendement des ministères. Il s'est aussi penché sur les modifications qu'il a été proposé d'apporter aux crédits figurant dans le Budget des dépenses et il a présenté un rapport sur le sujet. Tout indique que ces changements s'inscrivent dans une évolution qui pourrait se poursuivre deux ou trois ans. Par exemple, le gouvernement a annoncé son intention d'adopter sous peu la comptabilité d'exercice, une décision qui va influer sur le processus budgétaire. Comme d'importantes réformes sont encore en vue, nous avons la ferme conviction qu'un comité de la Chambre défend les intérêts de la Chambre des communes et des parlementaires en exerçant un contrôle continu des crédits et des prévisions budgétaires. Confier cette tâche primordiale à un comité permanent de la Chambre lui accorderait toute la visibilité et l'importance qu'elle mérite. Le Sous-comité souhaite aussi instituer un examen continu du travail des comités permanents sur les prévisions budgétaires qui leur sont renvoyées. Cette tâche devrait être explicitement prévue dans le mandat du nouveau comité. En conséquence, le Comité recommande :

Que le Règlement soit modifié afin de créer le Comité permanent du Budget des dépenses, chargé de surveiller et de revoir le processus d'examen des crédits et des prévisions budgétaires et les questions connexes, ainsi que le travail des comités permanents sur les prévisions budgétaires qui leur sont renvoyées.

Pour que les travaux du Comité du Budget des dépenses contribuent sérieusement à améliorer l'ensemble du processus d'examen des crédits et des prévisions budgétaires, la Chambre doit être tenue au courant des délibérations, conclusions et recommandations du comité. Par conséquent, le mandat du nouveau comité devrait l'obliger à présenter à la Chambre, au minimum une fois par an, un rapport annuel qui comprendrait des observations sur le fonctionnement de ce processus et des recommandations destinées à améliorer les encouragements, à supprimer les sources de friction et à renforcer de manière générale le rôle de la Chambre des communes dans le domaine. En conséquence, le Comité recommande :

Que le Comité permanent du Budget des dépenses soit expressément chargé de présenter à la Chambre, au moins une fois l'an, un rapport sur le processus d'examen des crédits et des prévisions budgétaires.

b. Le rapport entre un comité du Budget des dépenses et les autres comités permanents

Le futur comité pourrait se charger d'une seconde fonction qui se marierait bien avec ses attributions primordiales tout en établissant nettement son rapport avec les autres comités permanents. Il s'agirait de soutenir concrètement l'effort des autres comités permanents quand ils examinent les prévisions budgétaires qui leur sont renvoyées. Le Comité du Budget des dépenses manifesterait son appui de trois façons : en examinant lui-même certaines prévisions budgétaires ou certaines dimensions du Budget des dépenses; en prodiguant des conseils sur l'examen du Budget des dépenses; et en préconisant des améliorations à apporter au processus budgétaire au nom des comités.

Le comité dont nous proposons la création étudierait lui-même le Budget des dépenses dans deux situations données. La première, c'est lorsqu'un comité permanent serait incapable, pour une raison ou pour une autre, d'effectuer l'examen des prévisions budgétaires qui lui auraient été renvoyées, ce qui serait improbable si l'on améliorait à la fois l'information et les encouragements. Cependant, au cas où cela se produirait, le Comité du Budget des dépenses devrait être à même de prendre des mesures pour s'assurer que les prévisions budgétaires en question sont étudiées à fond. Une telle intervention devrait être décidée uniquement en dernier ressort et à la demande du comité qui en a été chargé au départ. Le Comité du Budget des dépenses devrait décider lui-même s'il y a lieu de donner suite ou non à la demande.

La seconde situation, ce serait lorsque l'étude porterait sur des dépenses projetées qui concernent plusieurs ministères. Un président de comité a fait remarquer que les prévisions budgétaires étudiées par les comités permanents ne coïncident pas, bien souvent, avec l'ensemble des activités du gouvernement dans un programme donné. Le Sous-comité a également observé que, dans un certain nombre de cas, les grands programmes sont exécutés par plusieurs ministères. Il a de plus constaté que des domaines de dépenses très vastes qui touchent l'ensemble du gouvernement - par exemple, la technologie de l'information - ne font pas l'objet d'un examen suffisant par le Parlement. Tel qu'il est structuré actuellement, l'examen des budgets de dépenses, des plans ministériels et des rapports de rendement des ministères ne semble pas adapté à cette réalité. Dans de tels cas, le Comité du Budget des dépenses pourrait, avec l'accord et la coopération des comités permanents compétents ou à leur demande, assumer la responsabilité de l'examen des dépenses prévues pour tout un programme. Par leur collaboration, les comités permanents feraient profiter le Comité du Budget des dépenses de leurs connaissances spécialisées sur les programmes et activités ministériels, qui sont capitales pour un tel examen. Nous croyons donc qu'il est à la fois souhaitable et réalisable que le Comité du Budget des dépenses examine les dépenses prévues pour tout un programme, lorsque celui-ci est exécuté par plus d'un ministère. En conséquence, le Comité recommande :

Que le Comité permanent du Budget des dépenses soit autorisé à entreprendre, avec l'approbation, le soutien et la coopération des comités permanents compétents, l'étude de certaines prévisions budgétaires, de questions relatives aux dépenses effectuées dans l'ensemble du gouvernement et des dépenses projetées pour certains programmes dont l'exécution relève de plusieurs ministères ou organismes.

Le Comité permanent du Budget des dépenses pourrait aussi appuyer le travail des comités permanents relativement aux prévisions budgétaires en prodiguant conseils et renseignements généraux sur le processus. Nous constatons, par exemple, que le comité des finances et des dépenses en Nouvelle-Zélande aide les comités spéciaux à préparer les questions auxquelles doivent répondre les ministères dans le cadre de l'étude de leur budget de dépenses. En ce qui concerne le nouveau comité dont nous proposons la création, nous prévoyons qu'il accumulera une expertise et un savoir qui pourront rendre service aux comités permanents. En conséquence, le Comité recommande :

Que, sur demande, le Comité permanent du Budget des dépenses fournisse des conseils, du soutien et des renseignements aux comités permanents qui examinent les prévisions budgétaires.

Enfin, nous souhaitons que les comités permanents considèrent le nouveau comité comme un véhicule de l'amélioration du processus budgétaire. Pour s'en assurer, il faudrait les encourager à lui faire connaître leurs préoccupations au sujet du fond et de la forme du Budget des dépenses, ainsi que de la démarche adoptée pour le produire et l'étudier. En conséquence, le Comité recommande :

Que, dans leur rapport sur le Budget des dépenses, les comités permanents signalent à la Chambre leurs préoccupations concernant la présentation des prévisions budgétaires ou leur processus d'examen, et que de tels rapports soient toujours renvoyés d'office au Comité permanent du Budget des dépenses.

c. Les sociétés d'État

Certains témoins, craignant que les dépenses projetées par les sociétés d'État ne soient pas scrutées comme il faut par les parlementaires, ont recommandé au Sous-comité de consacrer une attention toute particulière à la question.

Le gouvernement fédéral table sur différents modèles d'organisation pour exécuter ses programmes et services. Les ministères en sont un bien sûr, mais il y a aussi les organismes d'État qui se distinguent des premiers par la plus grande autonomie dont ils jouissent par rapport au gouvernement et au Parlement. Les sociétés d'État font partie de ces organismes, chacune étant une entité juridiquement distincte qui est la propriété exclusive de l'État et qui est dirigée par un conseil d'administration.

Aux termes de la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques, les sociétés d'État font rapport au Parlement par l'intermédiaire du ministre compétent. Par conséquent, lorsque celles-ci ont besoin de fonds provenant du Trésor, leurs demandes de crédits figurent à la partie II du Budget des dépenses du ministère en question. Les sociétés d'État (et certains organismes bénéficiant d'une exemption) ne présentent pas de partie III; la plupart d'entre elles sont plutôt tenues, par la Loi sur la gestion des finances publiques, de déposer des résumés de leurs plans d'entreprise, ainsi que de leurs budgets de fonctionnement et d'investissement.

Les crédits destinés aux sociétés d'État sont considérables puisque, selon les prévisions, ils totaliseront 4,1 milliards de dollars en 1997-199835. En 1994-1995,27 sociétés d'État ont reçu 4 588 millions de dollars de crédits budgétaires, cinq d'entre elles ayant touché 81 p. 100 de cette somme36.

Sans vouloir nous lancer dans une discussion approfondie du financement des sociétés d'État, nous pouvons néanmoins dire que, vu la complexité et le montant des crédits accordés à ces organismes, les parlementaires seraient justifiés de les examiner de plus près qu'ils ne le font actuellement.

Selon certains témoins, il faudrait charger un même comité de l'examen des crédits parlementaires de toutes les sociétés d'État, tout comme l'étude des budgets de tous les ministères serait confiée à un seul comité. Cette décision est recommandée en particulier par l'honorable Ronald Huntington qui nous a renvoyés à un rapport qu'il a rédigé en 1982 en collaboration avec un autre ancien député, M. Claude-André Lachance, sur le rôle du Parlement dans la reddition de comptes par le gouvernement37. Les deux auteurs y recommandent que les rapports annuels de toutes les sociétés d'État soient déférés à un comité qui serait habilité à les renvoyer aux comités permanents compétents, à étudier le mandat et la conduite des sociétés d'État et à examiner leurs bureaux de direction et leurs conseils d'administration38.

Nous avons déjà précisé qu'à notre avis, un comité du Budget des dépenses ne devait rien enlever au rôle prépondérant des comités permanents dans l'étude des prévisions budgétaires. Cette réserve vaut aussi pour l'examen des sociétés d'État qui sont beaucoup trop nombreuses, trop variées sur le plan de leur structure et de leur mandat, et trop complexes pour que leur surveillance soit confiée à un seul et même comité. De toute évidence, les comités permanents compétents doivent continuer d'être responsables au premier chef de la surveillance des sociétés d'État. Nous constatons aussi que le vérificateur général est actuellement responsable de la vérification des comptes des sociétés d'État et que le rapport annuel sur celles-ci (qui a remplacé le volume III des Comptes publics du Canada en 1992), déposé par le président du Conseil du Trésor, est renvoyé automatiquement au Comité permanent des comptes publics. Nous craignons toutefois que les mécanismes actuellement utilisés par les sociétés d'État pour transmettre au Parlement des renseignements sur les dépenses projetées ne soient pas satisfaisants. Il faudrait réexaminer périodiquement ces mécanismes afin de s'assurer qu'ils répondent parfaitement aux besoins du Parlement. En conséquence, le Comité recommande :

Que le Comité permanent du Budget des dépenses soit autorisé à réexaminer périodiquement les mécanismes utilisés par les sociétés d'État pour faire rapport au Parlement, ainsi qu'à vérifier si les méthodes employées par le Parlement pour leur attribuer des crédits sont satisfaisantes.

En outre, nous croyons qu'il est nécessaire d'étudier globalement le rôle, le mandat, les activités et l'administration financière de l'ensemble des sociétés d'État, notamment en ce qui concerne les demandes de crédits parlementaires et leur utilisation. C'est une tâche qui pourrait être confiée au Comité du Budget des dépenses. En conséquence, le Comité recommande :

Que le Comité permanent du Budget des dépenses soit autorisé à effectuer, avec l'approbation, la collaboration et la participation des comités permanents compétents, un examen périodique du rôle, du mandat, des dépenses et des régimes de dépenses des sociétés d'État dans leur ensemble ou prises individuellement, à l'intérieur de la structure du gouvernement fédéral du Canada.

Cette recommandation ne vise cependant qu'une partie de l'équation. Si l'on veut arriver à exercer un meilleur contrôle des sociétés d'État par le Parlement, comme cela s'impose d'après certains témoins entendus, il faudra aussi améliorer la qualité du travail accompli par les comités permanents à cet égard. Par conséquent, nous encourageons instamment les comités permanents chargés d'examiner les sociétés d'État à prendre en considération les préoccupations exprimées par certains des témoins qui ont comparu devant le Sous-comité.

d. Ensemble des dépenses fédérales : la vue à quarante mille pieds de hauteur

Nous sommes d'accord avec certains des témoins ayant affirmé que la situation actuelle n'aidait pas les parlementaires à se faire une meilleure idée globale des dépenses publiques fédérales. Comme nous l'a dit un président de comité, «notre gros problème est que nous n'avons pas réellement de vue d'ensemble». (2e Session, séance no 4, le 3 juin 1996, p. 4:5)

Des témoins ont proposé deux façons d'y parvenir. Selon certains, créer un comité chargé exclusivement d'examiner le budget des dépenses de tous les ministères et organismes permettrait d'atteindre un tel objectif. Nous avons rejeté cette solution. D'autres ont suggéré de confier à un comité du Budget des dépenses un mandat élargi englobant tout l'éventail des activités financières du gouvernement. En donnant suite à cette recommandation, on reproduirait en gros ce qui se fait en Nouvelle-Zélande, où le comité des finances et des dépenses n'est pas responsable uniquement du Budget des dépenses : il examine les grandes questions liées aux dépenses publiques et il étudie les états financiers annuels de l'État, les avant-projets de loi sur les finances et les rapports du vérificateur général.

Dans notre Chambre des communes, le Comité permanent des finances et le Comité permanent des comptes publics se partagent actuellement une bonne partie de ces fonctions. Le premier est chargé d'examiner les politiques et les lois à caractère économique et financier; il a ainsi déjà étudié, entre autres, des questions touchant la réforme de la fiscalité, la politique monétaire et les institutions financières. Quant au second, il étudie les dépenses effectives du gouvernement, puisque les Comptes publics du Canada - les états financiers annuels des transactions du gouvernement pour l'exercice précédent - lui sont renvoyés. Il étudie aussi les rapports du vérificateur général, dont il fait ensuite rapport. Si nous écoutions les conseils de certains témoins, il faudrait fusionner les mandats de ces comités - y compris le futur Comité du Budget des dépenses - pour former un nouveau comité.

Nous ne sommes pas non plus en faveur de cette suggestion. Il est manifeste que les attributions et la charge de travail du Comité permanent des finances et de celui des comptes publics sont déjà très lourdes et qu'elles monopolisent le temps et l'attention de leurs membres. Nous sommes loin d'être convaincus que la fusion des deux comités serait avantageuse; ce serait plutôt le contraire. Donc, après mûre réflexion, le Comité conclut qu'on serait malavisé de combiner les fonctions de ces deux importants comités pour les confier à un nouveau comité qui assumerait de surcroît la responsabilité prépondérante de l'examen du Budget des dépenses.

Nous croyons en revanche qu'il serait possible d'obtenir une vue d'ensemble des activités financières et des dépenses du gouvernement tout en minimisant les risques de chevauchement et de dédoublement - sans compter les sources de friction - chez les comités à vocation financière.

La solution consiste à demander au Comité du Budget des dépenses qu'il coordonne ses activités avec celles des autres comités à vocation financière et qu'il tienne des réunions conjointes avec eux - comme le prévoit l'article 108.(1)a) du Règlement - pour étudier les sujets d'intérêt et de préoccupation communs. En conséquence, le Comité recommande :

Que le Comité permanent du Budget des dépenses coordonne ses activités avec celles du Comité permanent des finances et du Comité permanent des comptes publics et que, lorsque ce sera jugé nécessaire, il siège conjointement avec l'un ou l'autre de ces comités ou les deux pour étudier des sujets d'envergure comme les dépenses et les recettes dans l'ensemble de l'administration publique.

Tableau 1 : Les fonctions des comités permanents à vocation financière

Comité permanent
du Budget des dépenses
(proposé)

Comité permanent
des finances

Comité permanent des comptes publics

  • Examine le processus d'examen des crédits et du Budget des dépenses et présente au moins une fois l'an à la Chambre un rapport sur leur fonctionnement et
    leur amélioration.

  • Fournit conseils et soutien,
    sur demande, aux comités permanents qui étudient le Budget des dépenses.

  • Examine certaines prévisions budgétaires et des dépenses de programmes relevant de plusieurs ministères et organismes, avec l'approbation et le soutien
    des comités permanents compétents.

  • Examine les mécanismes utilisés par les sociétés d'État pour faire rapport à la Chambre et à ses comités de leurs dépenses annuelles projetées.

  • Coordonne ses activités avec celles des comités permanents des finances et des comptes publics pour éviter les chevauchements et dédoublements; se réunit avec ces comités pour étudier des sujets d'intérêt commun.

  • Examine les politiques financières et économiques.

  • Étudie la législation financière.

  • Mène les consultations prébudgétaires.

  • Étudie le Budget des dépenses des ministères des Finances et du Revenu.

  • Étudie rétrospectivement
    les dépenses effectives du gouvernement.

  • Reçoit les Comptes publics
    du Canada et les rapports
    du vérificateur général du Canada, les étudie et en fait rapport.

  • Étudie le Budget des dépenses du Bureau du vérificateur général.

e. Télédiffusion des séances de comité

Le comité dont nous proposons la création aura un mandat extrêmement important. Entre autres objectifs visés, il y a retenir l'attention non seulement du Parlement mais aussi d'un public bien plus vaste sur le Budget des dépenses et sur les processus entourant sa préparation et son examen. Pour que le Comité du Budget des dépenses soit plus susceptible d'atteindre cet objectif, nous croyons que ses activités devraient être accessibles dans toute la mesure du possible aux députés et au grand public. En conséquence, le Comité recommande :

Que le Comité permanent du Budget des dépenses ait le mandat ferme de télédiffuser ses délibérations.

f. Ressources en personnel

On a suggéré à maintes reprises au cours des audiences du Sous-comité que les comités obtiennent l'aide de spécialistes pour la durée de l'examen du Budget des dépenses. Selon M. Dobell, directeur du Centre parlementaire, il faut absolument d'importantes ressources en personnel. Les comités devront pouvoir compter sur l'apport de spécialistes du domaine de la gestion des dépenses. (1re Session, séance no 3, le19 octobre 1995) L'honorable Ronald Huntington est du même avis et affirme que «les comités auront besoin non pas d'un minimum d'aide mais bien d'un appui considérable». Un autre témoin a souligné que «le Parlement n'a pas les ressources considérables dont dispose le gouvernement». Selon nous, la situation doit changer.

La meilleure solution consiste à affecter en permanence au Comité du Budget des dépenses une petite équipe de recherchistes compétents dans le domaine des finances et de la gestion financière. Tout en travaillant principalement pour le Comité, ces recherchistes pourraient conseiller d'autres comités permanents et des députés au sujet du Budget des dépenses. En conséquence, le Comité recommande :

Que le Comité permanent du Budget des dépenses soit doté de sa propre petite équipe permanente de recherchistes.

g. Évaluation du mandat et des résultats du comité proposé

Nous savons qu'en recommandant la création d'un comité du Budget des dépenses auquel serait confié le mandat exposé précédemment, nous nous aventurons en terrain inconnu. Ce nouveau comité sera doté d'attributions assez différentes de celles associées aux comités permanents actuels. Il aura bien peu en commun avec le comité des finances et des dépenses de la Nouvelle-Zélande ou avec le Comité des prévisions budgétaires qui a déjà existé à notre propre Chambre des communes. Par conséquent, il est difficile de prévoir exactement comment le comité proposé va fonctionner en pratique. Rien ne garantit qu'il arrivera, avec les outils dont nous recommandons qu'il soit doté, à exécuter son mandat fondamental qui consiste à assister les comités permanents dans leur étude des prévisions budgétaires et à favoriser le raffinement du processus budgétaire. Seuls l'expérience et le temps nous diront si ce comité pourra contribuer avantageusement à l'étude du Budget des dépenses et à l'attribution des crédits.

Certains membres du Sous-comité ont hésité à proposer la création d'un comité permanent du Budget des dépenses, craignant qu'un tel comité ne règle pas les problèmes de bases et les frustrations liés actuellement à l'étude du Budget des dépenses. De plus, certains estiment qu'il pourrait y avoir chevauchement des travaux déjà effectués par les comités permanents en place et qu'il sera difficile de trouver des membres pour le nouveau comité. Nous avons essayé, dans nos recommandations, de tenir compte de ces préoccupations. Il faudra toutefois s'employer à éviter que ces craintes se concrétisent et veiller à ce que le nouveau comité réalise ses objectifs et joue un rôle utile.

Nous voulons par ailleurs attirer l'attention sur une autre question d'une grande importance. Durant les audiences du Sous-comité, celui-ci s'est interrogé sur l'opportunité de confier la présidence du comité du Budget des dépenses à un député de l'opposition. Les avis sur cette question étaient également partagés. Les partisans de cette proposition estiment qu'un député de l'opposition serait le mieux placé pour défendre les intérêts de tous les députés au chapitre de l'étude du Budget et des crédits. Ils font un parallèle entre le nouveau comité et le Comité permanent des comptes publics qui, depuis 1958, est présidé par un député de l'opposition. Ils ont fait remarquer que ce comité fonctionne raisonnablement bien et que son président doit être conscient de la nécessité d'une collaboration avec tous les membres du comité. Par contre, ceux qui ne souscrivent pas à cette idée ont dit qu'il ne serait pas souhaitable de procéder ainsi pour le moment. Ils ont signalé que le Budget des dépenses est lié directement aux grandes orientations politiques du gouvernement et que le rôle du Parlement consiste à examiner ces politiques d'un oeil critique, pas à en être le principal architecte. Comme on n'a pas réussi à s'entendre sur cette question, le Comité estime qu'il serait important d'y revenir à l'occasion d'un examen ultérieur du fonctionnement du comité du Budget des dépenses. Dans l'intervalle, lorsque le nouveau comité sera créé, on pourrait sérieusement envisager de nommer comme président un député de l'opposition.

Le Comité estime donc qu'il serait prudent, à un moment donné, d'évaluer le mandat et les résultats du comité afin de déterminer s'il répond ou non aux attentes. Un tel examen permettrait de confirmer l'utilité du comité, d'apporter les correctifs nécessaires ou de décider de sa dissolution s'il n'atteignait pas les objectifs visés. En conséquence, le Comité recommande :

Que le mandat et les objectifs du Comité permanent du Budget des dépenses et l'efficacité avec laquelle il s'acquitte de ses tâches, fassent l'objet d'un examen au plus tard deux cycles d'octroi des crédits après sa formation.

h. Coûts de base associés à la création d'un comité du Budget des dépenses

Comme on le verra plus loin, nous demandons instamment aux comités permanents de prendre dûment en considération le coût des mesures qu'ils préconisent et, dans la mesure du possible, d'intégrer à leurs rapports une analyse de ces coûts. Il est donc normal que nous fassions figurer dans le présent rapport une estimation des coûts que représenterait la création d'un comité permanent du Budget des dépenses39.

Durant l'exercice 1995-1996, le dernier pour lequel on dispose de données, les comités permanents ont dépensé au total 1 179 662 $40. De tous les comités permanents, c'est le Comité des finances qui a affiché les dépenses les plus élevées (188 557 $ environ, soit 13,82 p. 100 des dépenses totales des comités). Ce sont le Comité des comptes publics et celui des ressources naturelles, de même que le Comité de liaison qui ont eu les dépenses les moins élevées, à savoir 3 174 $, 3 301 $ et 1 211 $ respectivement.

Le gros des dépenses du Comité permanent des finances a été engagé au titre des déplacements (124 859 $) et pour la rémunération de témoins experts (34 041 $). Ces dépenses sont en accord avec le mandat du Comité qui l'autorise entre autres à tenir des consultations prébudgétaires. Parmi les comités qui ont enregistré les dépenses les plus faibles durant la période observée, on retrouve le Comité des comptes publics, celui qui se rapproche le plus du comité du Budget des dépenses que nous proposons, sur le plan du mandat et des tâches. Cette similitude tient à deux aspects, déterminés par des mandats qui engendrent un certain type de dépenses.

Le Comité des comptes publics est chargé d'examiner les dépenses publiques rétrospectivement. Pour ce faire, il entend deux types de témoins : quelques hauts fonctionnaires et le vérificateur général du Canada, qui tous travaillent à Ottawa, si bien que leur audition n'entraîne pas de dépenses de voyage. Comme il s'agit de fonctionnaires, le Comité n'a pas à les rémunérer lorsqu'ils comparaissent.

Selon toute probabilité, le comité permanent du Budget des dépenses que nous proposons n'aurait aucune raison de se déplacer. Le mandat que nous envisageons pour lui consisterait à étudier les pratiques internes de l'administration publique et à superviser les activités d'autres comités permanents relativement à l'étude du Budget des dépenses. En conséquence, il est fort probable que la plupart des témoins qu'il entendrait proviendraient des ministères et organismes publics. Des fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor, du ministère des Finances et, peut-être, du Bureau du vérificateur général comparaîtraient sans doute régulièrement devant le comité, ce qui n'entraînerait aucune dépense additionnelle, comme dans le cas du Comité des comptes publics.

Il reste cependant que le comité envisagé risquerait d'avoir besoin à l'occasion de consulter des témoins experts, en raison du caractère complexe et très technique des questions qui lui seraient confiées. Certains de ces témoins proviendraient certainement de l'extérieur de la région de la capitale nationale, et le comité devrait alors les défrayer de leurs dépenses de voyage. Il faudrait aussi prévoir certaines sommes pour payer les services d'autres experts qui n'accepteraient de travailler avec le comité que sur la base d'un contrat.

En 1995-1996, sur les 20 comités permanents, 19 ont versé au total 381 651 $ pour couvrir les frais des témoins. La moyenne des dépenses des comités à ce chapitre s'élève à environ 20 087 $. D'après une estimation généreuse de l'aide que le nouveau comité devrait obtenir auprès de témoins d'en dehors de la capitale nationale, nous pensons qu'un montant équivalent à la moyenne des dépenses des comités à ce chapitre devrait suffire.

Pendant le même exercice, six comités seulement ont retenu les services d'experts-conseils. Leurs dépenses à ce titre ont totalisé 147 761 $, ce qui représente une moyenne de 24 626 $. Là encore, en estimant généreusement les besoins éventuels du comité, on peut penser qu'un montant égal à la moyenne serait suffisant pour l'embauche d'experts-conseils.

Ces montants additionnés ensemble, puis ajoutés aux dépenses engagées en 1995-1996 par le comité qui ressemble le plus à celui que nous proposons - le Comité permanent des comptes publics (abstraction faite des frais des témoins, soit 2 067 $) - nous donnent des dépenses estimatives d'approximativement 52 706 $.

Il s'agit là d'une estimation très élémentaire qui repose sur des calculs arbitraires. On n'a pas pris en compte, par exemple, les coûts de l'interprétation durant les audiences ni le coût des autres services de soutien. Nous pensons cependant que cette estimation représente le montant de base qui serait vraisemblablement nécessaire. À notre avis, il est important de ne pas sous-estimer les besoins du comité durant sa première année de fonctionnement. En outre, bien que généreuse, notre estimation représente grosso modo des dépenses des comités permanents en 1995-1996 et le quart de celles du Comité permanent des finances. Compte tenu de l'ampleur des responsabilités qui lui incomberaient, il s'agit d'un montant fort modeste.

Nous nous hâtons de préciser que le comité du Budget des dépenses ne serait pas forcé de dépenser toute cette somme, et ne le ferait probablement pas. Par conséquent, le temps passant, il pourrait être opportun de réviser le budget du comité, sans doute à la baisse.

i. Composition des comités

Plusieurs témoins ont souligné l'importance de pouvoir compter sur des membres de comités qui s'intéressent aux ministères et aux organismes dont ils examinent le Budget des dépenses et qui les connaissent.

Il faut que les membres des comités soient motivés et renseignés pour pouvoir procéder à un examen efficace du Budget des dépenses des ministères. L'adjonction de membres provisoires, même si elle peut offrir l'occasion à de plus nombreux députés d'acquérir une grande connaissance du fonctionnement du gouvernement et des affaires publiques, nuit à cette capacité. Les nouveaux membres des comités, comme nous l'ont signalé certains présidents, ne comprennent pas toujours assez bien le ministère et son mandat pour pouvoir examiner son Budget des dépenses.

S'il faut changer des membres d'un comité, on devrait s'efforcer de conserver le même niveau de savoir-faire. le Comité recommande :

Que, quand il faut procéder à une certaine rotation des membres des comités, on tienne compte du besoin de conserver un certain niveau d'expertise dans les comités.

Les députés doivent assumer un certain nombre d'obligations dont un très grand nombre sont pressantes et simultanées. La pratique qui consiste à permettre à des remplaçants de siéger à des comités quand les membres réguliers sont occupés ailleurs s'est répandue en raison de ce fait fondamental de la vie parlementaire. Même si le remplacement est un mal nécessaire en ce qui a trait au fonctionnement normal des comités, nous croyons que l'on devrait l'éviter lorsque le Budget des dépenses est à l'étude. Comme l'ont fait remarquer les témoins, la connaissance d'un ministère ou d'un organisme est essentielle si les membres des comités veulent assumer correctement leurs responsabilités. En outre, en évitant avec soin le recours à des membres substituts durant l'étude du Budget des dépenses, on ferait bien comprendre aux députés que la direction des partis considère que cet aspect du travail en comité revêt une importance cruciale. Par conséquent, le Comité recommande :

Que l'on s'efforce, dans toute la mesure du possible, d'éviter tout remplacement des membres des comités durant l'examen du Budget des dépenses.

2. Nouveaux outils

Un sujet qui revient constamment dans les réponses que les députés ont données au questionnaire concerne la nécessité d'influer davantage sur les dépenses. Le Comité est aussi de cet avis. Pour que l'examen du Budget des dépenses soit mieux fait, il faut donner aux comités de plus nombreuses occasions d'influer sur les dépenses, de plus grands pouvoirs et une meilleure information. Une fois ces améliorations effectuées, les comités devraient être à même de voir d'un autre oeil l'étude du Budget des dépenses.

En ce moment, les comités permanents qui étudient le Budget des dépenses, peuvent le rejeter, le réduire, ou simplement l'approuver. Quand le gouvernement détient une majorité à la Chambre, les deux premières options sont très improbables. Même quand un gouvernement minoritaire est au pouvoir, les réductions de dépenses sont rares et modestes41. La capacité des comités d'influer sur le Budget des dépenses est également limitée par des dispositions d'ordre constitutionnel qui stipulent que seule la Couronne (c'est-à-dire le gouvernement) peut introduire ou recommander l'affectation de deniers publics. En conséquence, les comités ne peuvent pas accroître un crédit ni modifier son intention en changeant son objectif.

Ces contraintes - qu'elles soient d'origine politique ou constitutionnelle - ont eu pour effet de dissuader de nombreux comités et leurs membres d'adopter quelque mesure que ce soit à l'égard du Budget des dépenses.

Le Comité estime qu'en donnant aux intéressés de nouvelles occasions d'influer sur les plans de dépenses - certaines de création récente et d'autres que nous proposerons - on atténuera considérablement ces frustrations.

a. L'aptitude à réaffecter des fonds

Selon certains des témoins, les comités examineraient peut-être le Budget des dépenses avec plus d'attention s'ils pouvaient proposer la réduction d'une dépense dans une activité ou un programme et l'augmentation d'une autre. Selon un témoin, il serait plus facile de le faire si les ministères passaient à un seul crédit. Selon M. Peter Dobell, si tel était le cas,

On pourrait faire valoir que le transfert d'une dépense, d'un poste ou d'un programme à un autre ne représente pas une augmentation pour l'ensemble des dépenses, à condition qu'une [. . .] décision concomitante du comité amène une réduction correspondante dans d'autres programmes. (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995, p. 3:17)
Le Greffier de la Chambre a signalé qu'on pouvait atteindre le même objectif par d'autres moyens sans avoir à changer la structure des crédits du Budget des dépenses. Le gouvernement pourrait, s'il le souhaitait, indiquer qu'il est prêt à accepter les réaffectations proposées par les comités. Selon M. Marleau :

Il faudrait avoir le consentement de la Couronne pour le faire, soit au moment de la présentation des prévisions budgétaires, soit pendant la dernière période des subsides. À ce moment-là, le ministre pourrait présenter une motion pour dire qu'il est d'accord avec le comité pour faire telle ou telle chose. (1re Session, séance no 1, le 28 septembre 1995, p. 3:17)
Certains pourraient prétendre que, puisque l'article 54 de la Loi constitutionnelle de 1867 (repris au paragraphe 79(1) du Règlement de la Chambre) exige une recommandation royale pour tout projet de crédits, tout projet de loi ou toute résolution contenant des dispositions financières, les comités seraient en fait empêchés de formuler une proposition visant à accroître les dépenses relatives à une activité. Toutefois, comme l'a fait ressortir le Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (le comité McGrath), la Constitution précise seulement qu'une recommendation royale doit être émise si une mesure (projet de crédits, projet de loi ou résolution) contenant des dispositions financières doit être adoptée. À la suite de modifications du Règlement, il n'est plus nécessaire que la proposition royale accompagne la mesure dès le début, et elle peut être fournie ultérieurement. Par conséquent, le gouvernement pourrait, s'il le souhaitait, accepter la recommandation d'un comité visant à accroître les dépenses relatives à une activité ou à un programme particulier à condition qu'il y ait une réduction équivalente dans un autre secteur, et s'assurer d'obtenir une recommandation royale à ce sujet avant son adoption par la Chambre.

Sur la base des arguments présentés par les témoins entendus, nous croyons qu'il est faisable de permettre aux comités permanents de proposer certaines réaffectations de fonds. Un changement en ce sens, même de portée modeste, pourrait ranimer l'intérêt des députés pour l'étude du Budget des dépenses et des crédits.

Nous proposons donc que les comités permanents puissent suggérer des réaffectation de fonds selon les modalités suivantes. Après un examen attentif du budget des dépenses qui lui est renvoyé, et des consultations étroites avec le ministre ou les hauts fonctionnaires concernés, un comité permanent pourrait décider de réduire le montant d'un crédit, pouvoir dont les comités jouissent déjà. Cependant, le comité pourrait alors proposer un réaffectation des fonds en question à un autre crédit à l'intérieur du même budget des dépenses. Le total des réaffectations de fonds proposées ne pourrait pas dépasser les réductions effectuées par le comité. En outre, comme ce pouvoir nouveau représente une grande innovation, nous proposons de plafonner les augmentations proposées à 5 p. 100 du montant initial du crédit.

Il est important de signaler que, dans notre recommandation, les comités permanents pourraient proposer des réaffectations de fonds touchant uniquement les budgets des dépenses qui leur sont renvoyés. Certains comités permanents se voient confier l'étude des budgets de plus d'un ministère ou d'un organisme; il importe de souligner que ces comités pourraient proposer des réaffectations de fonds au sein du budget des dépenses de chaque ministère, et non proposer des réaffectations de fonds d'un ministère à un autre.

Que les comités permanents chargés de l'étude de budgets des dépenses soient autorisés à proposer à la Chambre la réaffectation d'au plus 5 p. 100 du montant des crédits à l'intérieur de chacun des budgets des dépenses qui leur sont renvoyés.

Le pouvoir de recommander des réaffectations de fonds est un outil nouveau et puissant dont les comités devraient faire usage avec prudence et modération. Il est important que de telles recommandations reposent sur des informations claires, exactes et probantes. Autrement dit, les comités devraient être obligés d'étayer leurs recommandations. Par conséquent, le Comité recommande :

Que, lorsqu'ils recommanderont des réaffectations de fonds, les comités permanents justifient leurs recommandations en présentant des informations claires et exactes.

Si un comité permanent proposait une réaffectation de fonds, il reviendrait alors au gouvernement de déterminer s'il est favorable à la mesure proposée. Le cas échéant, comme les réaffectations de fonds pourraient augmenter les dépenses dans un secteur donné, le gouvernement devrait alors déposer une recommandation royale modifiée pour couvrir l'augmentation. Par conséquent, nous recommandons :

Que l'on modifie le Règlement pour autoriser le gouvernement à recourir à une recommandation royale modifiée pour couvrir une réaffectation de fonds proposée par un comité permanent.

Si le gouvernement décide de ne pas donner suite à la recommandation d'un comité permanent au sujet d'une réaffectation de fonds, il peut simplement omettre la recommandation royale modifiée. De plus, il doit adopter une motion annulant les réductions effectuées. Cependant, nous estimons que les recommandations de réaffectation de fonds émanant d'un comité permanent méritent d'être étudiées avec sérieux. Si le gouvernement les accepte, point n'est besoin d'autres explications que celle qui figurent déjà dans le rapport du comité. En revanche, s'il en rejette, il ne peut se contenter d'un simple refus et doit justifier sa décision au moyen d'arguments aussi clairs et précis que ceux du comité. En outre, si le gouvernement entend rejeter une réaffectation de fonds recommandée par un comité ou souhaite la modifiée, il doit le faire en temps opportun, pour que les parlementaires aient le temps de bien comprendre ses motifs. Par conséquent, nous recommandons :

Que, lorsque le gouvernement rejette ou modifie une réaffectation de fonds recommandée par un comité permanent, il expose à la Chambre les motifs de sa décision et ce, au plus tard au cours des deux derniers jours de séance avant le dernier jour désigné de la période d'octroi des crédits en question.

Nous nous empressons d'ajouter que le gouvernement devra, pour respecter cette consigne, veiller à ce que les jours désignés tombent le plus près possible de la fin de la période d'octroi des crédits.

Nous constatons également que certaines modifications devront être apportées à l'article 109 du Règlement (que peuvent invoquer les comités pour obliger le gouvernement à déposer une réponse globale dans les 150 jours qui suivent le dépôt d'un rapport) afin de tenir compte de ce changement.

L'idée d'autoriser les comités permanents à proposer des réaffectations de fonds suscite de vives inquiétudes chez certains des témoins entendus, et il importe d'y réagir. Des présidents de comité, de même que beaucoup d'autres personnes parmi celles qui ont rempli le questionnaire, ont fait valoir que les comités ne possédaient pas les compétences voulues pour effectuer des transferts de fonds entre programmes. D'autres ont ajouté que le temps alloué à l'étude du Budget des dépenses n'était pas suffisant pour que les comités puissent bien saisir les répercussions de transferts de ressources à l'intérieur du budget d'un ministère. Pour reprendre les termes d'un témoin, on aboutirait au «chaos le plus total».

Ces inquiétudes sont certes fondées dans une certaine mesure, mais elles font abstraction de la disponibilité d'une meilleure information et, forcément, des répercussions des changements proposés dans le présent rapport. Nous sommes persuadés qu'en améliorant la qualité et l'actualité de l'information dont disposent les comités et grâce à de meilleurs services d'appui, les comités pourront effectuer des réaffectations de fonds efficaces et judicieuses. Si cela n'était pas le cas, le gouvernement pourrait toujours refuser d'accéder aux voeux des comités. En outre, nous avons recommandé de plafonner les montants qui pourraient faire l'objet d'une réaffectation. D'après nous, ces mesures devraient suffire à atténuer les craintes de ceux qui pensent que les comités risquent de se servir de ce nouveau pouvoir à mauvais escient ou sans discernement.

Le Comité éprouve cependant de son côté des réserves qui ne sont pas encore tout à fait dissipées. Par exemple, nous souscrivons à l'idée de plafonner la proportion des crédits pouvant faire l'objet d'une réaffectation de fonds, mais nous sommes bien conscients du caractère arbitraire de la limite que nous avons choisie - 5 p. 100. Par ailleurs, notre proposition représente une innovation de taille par rapport à l'usage quant à l'étude du budget. Comme pour toute nouvelle mesure, nous ne pouvons pas être absolument certains à l'avance de l'efficacité de ce que nous proposons, pas plus que nous ne pouvons en prévoir toutes les conséquences. Il serait donc sage d'étudier les modifications proposées du Règlement après un certain temps, afin de déterminer s'il faut les conserver ou les modifier. Par conséquent, le Comité recommande :

Que les modifications du Règlement autorisant les comités permanents à proposer des réaffectations de fonds soient réexaminées au terme de deux cycles d'octroi des crédits.

b. La possibilité d'examiner les plans de dépenses et le rendement isolément

Pour améliorer l'information fournie au Parlement, il a été proposé de lui remettre deux types distincts de renseignements qui seraient soumis aux comités pour qu'ils en fassent rapport : d'une part, des documents sur les plans et les priorités des ministères, qui seraient présentés au printemps, et, d'autre part, des documents sur le rendement, c'est-à-dire la façon dont les plans et priorités de dépenses ont été menés à bien, qui seraient présentés à l'automne. Les documents des deux catégories devaient se compléter et servir de base pour l'évaluation des plans de dépenses ultérieurs des ministères, eux-mêmes présentés au printemps. Pour mettre cette façon de faire à l'essai, on a conçu une nouvelle version des documents de la partie III du Budget des dépenses, qui ont été présentés au printemps de 1996, et des documents expérimentaux sur le rendement, qui ont été présentés en octobre 1996.

En prenant cette mesure, le gouvernement suit le conseil que lui a donné, il y a 17 ans, la Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité (la commission Lambert), conseil selon lequel les ministères devraient présenter des rapports sur leur rendement au Parlement à l'automne. Selon les commissaires, ces rapports

deviendraient le principal compte rendu sur le rendement des ministères et agences et fourniraient au Parlement et à ses comités permanents des informations faciles à utiliser, complètes et pertinentes sur lesquelles ils pourraient s'appuyer pour faire du rendement de ces organismes des évaluations de la qualité que les contribuables canadiens sont en droit d'attendre42.
L'examen de ces rapports, ajoutaient les commissaires, permettrait d'évaluer les prévisions budgétaires des ministères à la lumière de leur rendement antérieur d'une façon logique et au moment opportun.

L'idée de fournir deux types de documents - les uns sur les dépenses et les plans proposés, et les autres, sur le rendement antérieur - est aussi valable aujourd'hui qu'elle l'était lorsque la commission Lambert a fait rapport de ses conclusions. M. Mallory a dit au Sous-comité qu'adopter cette façon de faire donnerait aux comités deux occasions de comparer le rendement des ministères et leurs plans. Cette proposition, a-t-il dit, «vaut bien qu'on en fasse l'essai»; l'examen de l'automne «permettrait d'exiger des comptes beaucoup plus précis et d'évaluer beaucoup mieux le rendement». (1re Session, séance no 8, le 30 novembre 1995) Si le gouvernement prête attention aux rapports que cet examen produira, il pourra tenir compte des avis formulés par les comités dans l'élaboration de ses futures politiques. Maria Barrados, adjointe au vérificateur général, partageait cet avis. Elle nous a dit que si les rapports sur le rendement étaient correctement préparés,

. . . ils devraient accroître la capacité du Parlement à la fois de savoir ce qu'il advient des crédits et des pouvoirs accordés au gouvernement et de faire un examen critique des priorités et des plans de dépenses futurs du gouvernement». (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995)
C'est également ce que nous pensons, et dans le Vingt-troisième rapport du Comité (présenté dans la deuxième session de la 35e législature) adopté par la Chambre en juin 1996, nous avons formellement souscrit au projet pilote consistant à remettre au Parlement des rapports sur le rendement des ministères. Nous estimons que cette mesure promet de procurer les avantages décrits par les témoins et croyons que tous les intéressés - gouvernement, ministères et parlementaires - doivent faire de leur mieux pour en assurer le succès. Le 31 octobre 1996, le Président du Conseil du Trésor a déposé à la Chambre des communes des rapports pilotes sur le rendement de seize ministères et agences. Les comités permanents devraient les examiner dans le cadre de leur étude des prévisions et plans de dépenses ministériels au printemps. Si cela est fait, nous sommes convaincus que la reddition de comptes sera considérablement améliorée. Le Comité recommande donc :

Que les comités permanents utilisent tous les renseignements qu'ils recevront sur les plans de dépenses et le rendement des ministères dans le cadre de leur examen du Budget des dépenses.

Le dépôt à la Chambre des documents sur le rendement nous préoccupe. Il est vrai que le fait que cette information doit être présentée beaucoup plus tôt qu'auparavant constitue une importante amélioration. Néanmoins, les comités permanents doivent disposer du temps nécessaire pour effectuer une étude complète des rendements et pour présenter leurs vues avant que les derniers rajustements ne soient apportés au Budget des dépenses principal. Les comités seront ainsi assurés dans une certaine mesure de pouvoir faire un examen du rendement de grande qualité et de pouvoir contribuer utilement au Budget des dépenses. Nous avons exprimé ces préoccupations pour la première fois dans un rapport déposé en juin 1996, dans lequel nous préconisions le recours aux rapports anticipés sur le rendement. Dans ce rapport, nous affirmions que pour être pleinement utiles aux parlementaires, les rapports sur le rendement devaient être déposés plus tôt à l'automne, de préférence avant la fin septembre; nous souscrivons toujours à ce point de vue. En conséquence, nous recommandons :

Que les rapports sur le rendement des ministères soient déposés à la Chambre au plus tard le 1er octobre et renvoyés automatiquement aux comités permanents compétents.

c. L'aptitude à envisager des orientations nouvelles

Selon un des commentaires qui reviennent le plus souvent dans les réponses au questionnaire, il arrive souvent que les membres des comités n'aient pas les connaissances voulues pour évaluer des projets de dépenses détaillés. Nous comprenons ce point de vue, mais nous sommes convaincus que la nouvelle présentation du Budget des dépenses et l'accent accru que l'on mettra sur les plans et priorités des ministères donneront aux comités les instruments de base dont ils ont besoin pour porter un jugement sur les dépenses prévues. Leur tâche sera par ailleurs facilitée lorsque le projet pilote relatif à la production de rapports de rendement sera terminé et que ces rapports seront généralisés. Compte tenu de l'information déjà disponible, comme celle qui est contenue dans les rapports du vérificateur général, et de la connaissance approfondie du fonctionnement des ministères qu'ils acquièrent en tant que membres des comités permanents, les députés devraient avoir une information pertinente, à jour, et plus que suffisante pour s'acquitter de leurs fonctions.

Lorsque tous ces facteurs sont pris en considération, il apparaît que les membres des comités auront la possibilité de contribuer de façon significative au processus de planification des ministères. D'ailleurs, sauf erreur, l'une des principales raisons pour lesquelles on entend faire examiner les plans des ministères par les comités consiste justement à connaître leur avis pour éventuellement intégrer leurs vues au cycle de planification suivant.

À cette fin, et pour faciliter l'instauration d'un dialogue constructif entre les comités et les ministères, nous pensons qu'il serait utile que les ministères ne se contentent pas de fournir aux comités un ensemble monolithique de priorités accompagné des plans qui y sont associés. Cette façon de procéder non seulement est très limitative, mais elle comporte une conséquence inévitable - quoique non intentionnelle - à savoir de placer les comités devant ce qui apparaît comme un fait accompli. On peut comprendre que les comités seront moins enclins à accorder à ces plans toute l'attention voulue s'ils les croient coulés dans le béton. Au lieu de cela, nous proposons que, lorsque les ministères soumettent leurs plans aux comités permanents, ils indiquent - pour la période qui suit l'exercice visé - les difficultés qu'ils attendent et les autres orientations qui s'offrent à eux. On pourrait alors demander aux comités permanents de réagir non pas seulement aux plans et priorités à court terme, mais aux orientations futures envisagées. Ce type de démarche comporterait un certain nombre d'avantages non négligeables.

En connaissant les grands dossiers à venir, les comités pourront se faire une meilleure idée des réalités auxquelles font face les ministères et avoir l'occasion de contribuer de manière significative aux efforts des ministères à ce sujet. L'examen des orientations possibles donnerait aussi aux députés et aux fonctionnaires l'occasion de travailler ensemble dans une atmosphère de collaboration en vue d'atteindre un objectif commun. Comme nous l'a déclaré M. Mallory,

Lorsqu'il y va de l'administration d'un programme, les hauts fonctionnaires qui en sont chargés et les membres d'un comité parlementaire qui essaient de savoir ce qui se passe à l'intérieur pourraient s'apercevoir qu'ils ont des intérêts communs. (1re Session, séance no 8, le 30 novembre 1995, p. 8:18)
Nous sommes persuadés que les ministères et organismes gagneraient aussi à adopter cette démarche. Les comités parlementaires et leurs membres représentent une mine de connaissances en matière d'affaires publiques et ils peuvent servir de pont entre les institutions, d'une part, et les besoins, les attentes et les préférences des citoyens, d'autre part. Ainsi, en tenant les comités au courant des dossiers de demain, les ministères et organismes pourraient se prévaloir d'une aide importante.

Pour être pertinentes, les orientations nouvelles doivent s'inscrire dans le contexte de l'évolution rapide de la société et de l'économie. La planification interne des ministères doit être liée de près aux tendances prévues et aux projections concernant la période qui suivra les trois années couvertes par les documents de planification. Lorsque cela est possible, cette information doit aussi être communiquée aux comités.

Un répondant au questionnaire estime que les comités «devraient jouer un rôle important dans la détermination des priorités». Nous sommes d'accord, et nous croyons que l'option qui consiste à offrir aux comités une série de priorités différentes devrait être retenue. Le Comité recommande donc :

Que, lorsqu'ils soumettent leurs documents de planification annuels, les ministères et organismes informent les comités des autres orientations possibles et leur fassent connaître les grands dossiers de l'avenir, au-delà de l'exercice visé dans les documents.

La possibilité d'obtenir l'avis des comités et de connaître leurs préférences sur les questions de planification devrait en soi être extrêmement utile aux ministères et nous comptons qu'ils aborderont le processus dans cet esprit. Cependant, s'ils le désirent, les comités devraient pouvoir non seulement réagir aux suggestions des ministères, mais aussi, exploitant leurs connaissances et leur expérience, présenter leurs propres propositions. Ce faisant, ils enrichiraient le discours public, stimuleraient le débat et offriraient peut-être aux ministères des solutions qu'ils n'avaient pas envisagées. Par conséquent, Le Comité recommande donc :

Que l'on encourage les comités à proposer d'autres orientations lorsqu'ils rencontrent des hauts fonctionnaires et dans leurs rapports sur les plans des ministères.

d. La capacité d'évaluer les nouveaux programmes proposés

Comme nous l'avons dit, les comités auront désormais plus d'information et plus d'occasions d'influer sur les plans de dépenses. On leur soumet, en même temps que le Budget des dépenses, des plans ministériels sur trois ans. Par ailleurs, la production de rapports de rendement des ministères à l'automne fait actuellement l'objet d'une mise à l'essai.

L'accessibilité d'une information appropriée sur le rendement devrait, nous en sommes convaincus, permettre un examen plus efficace du Budget des dépenses pour l'exercice à venir. Toutefois, nous craignons que ce genre d'information ne soit que très peu utile quand les ministères et les organismes envisagent des dépenses concernant de nouveaux programmes pour lesquels l'expérience passée est inutile ou inexistante. Comment, dans un tel cas, un comité permanent peut-il juger s'il doit approuver telle affectation?

Les lignes directrices du Conseil du Trésor exigent l'élaboration de cadres d'évaluation quand de nouveaux programmes sont conçus et mis en place. Ces cadres énoncent ce qu'une évaluation exigera probablement et décrivent l'information et les données que l'on doit recueillir au cours de l'évaluation et auparavant. En d'autres mots, les cadres énoncent les critères dont on se servira pour évaluer dans quelle mesure un programme aura fonctionné. Idéalement, ils comprendront également des énoncés clairs quant aux objectifs du programme de manière à ce que l'on puisse en évaluer les résultats.

En l'absence d'une information sur le rendement passé, le Comité croit que les cadres d'évaluation relatifs aux nouveaux programmes pourront permettre aux comités de se prononcer de façon éclairée quand ils examinent le Budget des dépenses. Ces cadres les renseigneront sur ce que chaque programme est censé apporter et sur les critères grâce auxquels on évaluera son rendement. Ils serviraient également d'engagement au regard duquel on pourrait évaluer le rendement à venir. Enfin, les cadres permettraient aux comités de connaître les critères des évaluations futures et de les commenter. Par conséquent, le Comité recommande :

Que l'on fournisse aux comités permanents les cadres d'évaluation concernant tous les nouveaux programmes, soit dans la partie III du Budget des dépenses, soit dans l'information fournie lorsque les dispositions législatives instaurant les nouveaux programmes sont examinées.

Le Comité sait que l'on effectue de façon continue des évaluations de programmes existants et nouveaux dans la fonction publique. Le président du Conseil du Trésor communique les résultats de ces évaluations à la Chambre des communes dans un rapport axé sur les résultats, le rendement et la reddition de comptes. Cela est certes utile, mais le Comité pense qu'il vaudrait encore mieux que ces évaluations soient intégrées aux rapports de rendement ministériels. Nous pensons aussi que les comités ont besoin de savoir si les évaluations elles-mêmes sont à jour sur le plan de la collecte des données et du respect des repères fixés. Par conséquent, Le Comité recommande donc :

Que les documents relatifs au rendement contiennent des rapports d'étape sur les évaluations en cours concernant des programmes existants ou nouveaux, y compris les programmes comportant des dépenses législatives, de même que des rapports sur les évaluations terminées. Ces rapports devraient faire état de la situation du processus d'évaluation lui-même.

e. Examen à long terme des programmes courants

Actuellement, lorsque la Chambre des communes et ses comités permanents examinent le Budget des dépenses principal, ils focalisent leur attention sur l'exercice à venir, qui commence le 1er avril et se termine le 31 mars de l'année suivante. Cette façon de procéder est conforme à la loi et correspond aux cycles opérationnels des ministères, mais certaines circonstances appellent un examen à plus long terme.

Citons, par exemple, les dépenses de programme législatives dont il est question ci-dessous. Plusieurs témoins ont recommandé d'étendre la portée de l'examen des programmes au-delà des limites qu'impose la notion d'exercice financier. M. Franks, par exemple, préconise un horizon de trois ans :

Un système de ce genre inciterait les gens à voir plus loin, à s'interroger sur les répercussions à long terme des programmes, de sorte qu'il serait possible d'exercer un meilleur contrôle sur les véritables problèmes. [. . ] (1re Session, séance no 8, le 30 novembre 1995, p. 8:7)
M. Paul Thomas a présenté des arguments semblables, indiquant qu'il serait possible d'examiner les programmes en adoptant une méthode à long terme, cyclique et sélective. Il est en faveur d'un cycle de cinq ans. Enfin, M. Dobell a souligné le fait qu'en adoptant une méthode à long terme, on réduirait l'esprit partisan et on permettrait à tous les députés d'appliquer leur propre jugement au sujet des programmes.

Le Comité fait remarquer que ce genre d'examen peut être fait par les comités permanents en vertu du paragraphe 81(7) du Règlement, lequel permet aux comités d'étudier les plans et les priorités de dépenses des ministères et des organismes pour les années à venir, lorsque le Budget des dépenses principal est étudié, et de faire rapport à ce sujet. En outre, l'alinéa 108(2)c) porte que les comités permanents peuvent «faire une étude et présenter un rapport sur les plans de dépenses immédiats, à moyen terme et à long terme et l'efficacité de leur mise en oeuvre par le ministère». Cependant, on met l'accent sur les plans de dépenses et non sur les programmes déjà en place. Dans une série de recommandations formulées ci-dessous, nous demanderons au gouvernement d'exposer les programmes législatifs à un examen approfondi et régulier et de modifier le Règlement de la Chambre des communes de manière à faciliter cet examen. Nous croyons que les possibilités de procéder à un examen à long terme des programmes et des dépenses de programme courants doivent être rendues plus explicites. Par conséquent, Le Comité recommande donc :

Que les comités permanents soient explicitement autorisés à entreprendre des examens périodiques sur de vastes secteurs de programmes et de dépenses de programme courants et à en rendre compte.

Le Sous-comité s'est demandé s'il fallait préciser la durée de l'intervalle entre ces examens. Étant donné l'absence de consensus, il propose que le Comité du budget des dépenses proposé étudie plus à fond cette question.

Abstraction faite des dépenses de programme, le Comité est d'avis qu'il importe d'étudier en profondeur les plans et priorités de dépenses à long terme des ministères et des organismes puisque cela est maintenant possible grâce aux modifications du Règlement et aux documents de planification et aux autres documents désormais disponibles. Par conséquent, nous demandons instamment à tous les comités permanents d'exercer ces pouvoirs nouveaux et de relever le défi qu'ils représentent.

f. Échéances de production des plans ministériels

Le Comité pense que, si les plans ministériels sont rendus publics et que les comités permanents peuvent les examiner et faire rapport à leur sujet, le Parlement jouira d'une plus grande influence sur les futures dépenses. Comme Mme Maria Barrados du Bureau du vérificateur général l'a affirmé, au Sous-comité :

Les rapports des comités [sur les plans ministériels] pourraient servir de fondement à une réponse du gouvernement et constituer pour eux un bon moyen, non seulement d'influencer la préparation du prochain Budget des dépenses, mais aussi d'être perçus comme des éléments d'influence. (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995, p. 3:4)
Un certain nombre de témoins estiment cependant que les comités ne disposent pas de suffisamment de temps pour examiner ces documents et en faire rapport. Mme Barrados a déclaré ce qui suit : «Nous craignons que les comités n'aient pas eu assez de temps pour tenir des audiences et se mettre d'accord sur un rapport avant les vacances d'été». (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995, p. 3:4) M. Peter Dobell a fait état de préoccupations semblables, affirmant que «l'échéancier prévu, le mois de juin, pour la présentation des rapports, rend ce processus peu pratique». (1re Session, séance no 3, le19 octobre 1995, p. 3:14) Mme Barrados et M. Dobell ont recommandé que l'on accorde aux comités une prolongation pour qu'ils présentent leur rapport sur les plans ministériels.

Si les arguments avancés par ces deux personnes ne manquent pas de logique à première vue, il existe néanmoins une excellente raison de ne pas repousser la date de présentation des rapports sur les plans ministériels. Comme on l'a dit, le fait que les comités puissent étudier ces documents et en faire rapport constitue un important nouveau moyen pour le Parlement d'influer sur les dépenses et les priorités prévues. Or, pour que les rapports des comités à ce sujet soient véritablement utiles, il faut qu'ils soient déposés au moment de l'année où leur impact sera le plus grand, à savoir à la fin juin, lorsque le Cabinet se réunit pour commencer à préparer le budget du prochain exercice. Si l'on différait le dépôt des rapports précités jusqu'à l'automne, on raterait cette importante échéance et l'on ôterait de ce fait toute leur pertinence aux rapports des comités sur les plans ministériels.

Nous croyons aussi que, avec l'amélioration des rapports financiers soumis au Parlement et l'aide accrue dont bénéficieront les comités comme il est proposé ci-dessous, il n'y aura pas de raison valable de rater la date de dépôt des rapports sur les plans ministériels. Par conséquent, nous ne recommandons aucune modification à ce qui est prévu actuellement.

g. Dépôt des rapports sur le Budget des dépenses principal

Le Règlement exige que les comités présentent un rapport sur le Budget des dépenses au plus tard le 31 mai; si aucun rapport n'est déposé, le comité est réputé s'être acquitté de sa responsabilité quand même. Au moins un président a soutenu qu'il fallait prolonger le délai accordé pour présenter un rapport à la Chambre. Le délai actuel existe parce que l'on a décidé que les gouvernements devaient faire approuver leur Budget des dépenses principal et faire voter les crédits qui l'accompagnent dès la fin de juin. Ce président a réclamé plus de souplesse, «car nous n'allons pas modifier le Budget des dépenses de toute façon». En attendant, s'ils disposaient de plus de temps, les comités pourraient cerner les questions du Budget des dépenses qu'ils pourraient soumettre à l'attention des ministres.

Même si nous trouvons intéressante la suggestion de retarder la date limite de présentation du rapport, nous ne croyons pas qu'elle doive être mise en application à ce moment-ci. Le gouvernement doit être suffisamment certain d'obtenir, dans un délai raisonnable, l'approbation dont il a besoin pour engager des dépenses. L'approbation de la Chambre, comme l'ont fait remarquer de nombreux témoins, est une caractéristique essentielle de notre système parlementaire. Elle constitue un droit du Parlement que l'on doit protéger en tout temps contre toute violation. Retarder la date de présentation d'un rapport signifierait en effet que l'approbation officielle des dépenses ne serait pas reçue avant qu'une partie importante de ces dépenses n'aient déjà été engagées. Même si le Parlement pouvait voter des crédits provisoires pour couvrir cette période, nous croyons qu'au-delà d'un certain point, de telles mesures ne sont pas souhaitables et pourraient affaiblir la qualité de l'examen. En outre, on doit tenir compte des vacances d'été du Parlement; même si les comités peuvent se réunir au cours de cette période, la probabilité que cela donne lieu à un examen rigoureux est réduite. Il est important que le Parlement règle la question des crédits avant l'ajournement de l'été. Une période suffisante - environ trois mois - est déjà prévue pour l'étude du Budget des dépenses; il incombe aux comités de la mettre judicieusement à profit. Par conséquent, nous souscrivons à l'idée de conserver la date actuelle de dépôt des rapports sur le Budget des dépenses principal.

3. Incitatifs nouveaux

La création d'un comité chargé exclusivement du Budget des dépenses et l'accroissement des pouvoirs des comités ne suffisent pas en soi à garantir un meilleur examen du Budget des dépenses. Pour atteindre cet objectif, il faut offrir aux comités permanents et aux députés des incitatifs nouveaux.

a. Étude des rapports des comités sur les plans et le rendement

Si l'on veut encourager les comités à faire rapport sur les plans et le rendement des ministères, il faut pouvoir leur assurer jusqu'à un certain point que leurs observations et recommandations seront dûment prises en considération. Les comités peuvent dans une certaine mesure obtenir cette assurance en demandant au gouvernement qu'il dépose une réponse globale à leur rapport dans les 150 jours comme le permet le Règlement (article 109). Cependant, le qualificatif «globale» est parfois interprété assez librement, et les comités n'ont pas toujours obtenu une réponse aussi complète qu'ils l'auraient souhaité. Par conséquent, le Comité estime opportun de prévoir des mesures additionnelles pour faire en sorte que les rapports sur les plans et le rendement des ministères soient traités avec tout le sérieux voulu.

À la suite de changements apportés ces dernières années au Règlement, le Comité permanent des finances est maintenant autorisé à tenir des consultations prébudgétaires à l'automne. Ces consultations, et le rapport du Comité des finances qui s'ensuit, sont devenus un élément important du processus budgétaire. Le Comité pense que l'on pourrait encourager les comités à faire rapport sur les plans des ministères si l'étude de leurs rapports à ce sujet faisait partie intégrante des consultations prébudgétaires. Par conséquent, le Comité recommande :

Que l'on modifie le paragraphe 83.1 du Règlement par l'ajout d'un alinéa portant que, si le Comité permanent des finances décide de tenir des consultations prébudgétaires, il doit intégrer à celles-ci l'étude des rapports des comités permanents sur les plans des ministères.

Lorsque le Comité permanent des finances décide de tenir des consultations prébudgétaires, les rapports des comités permanents sur les plans et les priorités des ministères devraient être bien davantage que de simples documents soumis à l'examen du Comité. En outre, il importerait que le Comité accorde une attention spéciale à tout rapport sur la question qui émanerait du nouveau Comité permanent du Budget des dépenses. Donc, pour que ces rapports soient reçus avec l'attention qu'ils méritent, nous croyons essentiel que le Comité des finances entende le président du futur comité du Budget des dépenses de même que les présidents des comités permanents qui auront soumis un rapport sur les plans des ministères. Cela donnerait une plus grande visibilité aux rapports en question et aurait pour effet de stimuler les comités qui les préparent. Par conséquent, le Comité recommande :

Que, dans le contexte de ses consultations prébudgétaires, le Comité permanent des finances envisage en priorité d'inviter les présidents des comités permanents et en particulier le président du nouveau comité permanent du Budget des dépenses à comparaître devant lui pour lui exposer les vues exprimées dans les rapports des comités sur les plans des ministères.

De plus, nous pensons qu'il serait utile que l'on réagisse à ces rapports dans les documents complémentaires qui accompagnent le Budget lui-même. Dans son premier Budget, le ministre des Finances a réagi aux consultations prébudgétaires dans un document intitulé Aborder les choix ensemble, dont on pourrait s'inspirer pour la réponse du ministre aux rapports des comités sur les plans des ministères. Une réponse émanant du ministre dans le contexte du Budget montrerait aux comités que leur travail sur les plans des ministères est pris au sérieux. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le ministre des Finances intègre, aux documents d'appui qui accompagnent le Budget, une réponse aux rapports des comités permanents sur les plans des ministères.

Abstraction faite des réponses globales du gouvernement aux rapports des comités sur les plans et le rendement des ministères, le Comité estimerait utile que les ministères intègrent à leurs documents sur leurs plans et leur rendement les réponses aux rapports antérieurs, car cela présenterait deux avantages. On bénéficierait ainsi d'un point de référence pour l'orientation des plans futurs des ministères. Sur le plan du rendement, les ministères seraient forcés de préciser les mesures qu'ils ont prises, le cas échéant, en réaction aux recommandations des comités. Plus important encore, les ministères seraient obligés de prendre au sérieux les observations des comités. Pour leur part, les comités pourraient comparer leurs recommandations antérieures et les plans courants des ministères et critiquer les seconds en fonction des premières. Dans certains cas, ils pourraient constater de façon très concrète que leurs rapports précédents ne sont pas restés lettre morte. Par conséquent, le Comité recommande :

Que les ministères et organismes incluent dans leurs plans et leurs rapports de rendement un renvoi aux rapports antérieurs des comités sur leurs plans et rendements passés ou à d'autres rapports faits par des comités au Parlement, avec mention des mesures qui ont été prises pour réagir aux préoccupations exprimées par les députés au sein des comités permanents.

Enfin, nous tenons à rappeler aux comités que la réponse la plus tangible du gouvernement aux rapports sur les plans des ministères se trouvera dans le Budget et le Budget des dépenses des exercices ultérieurs. C'est dans ces documents que les comités découvriront ce que le gouvernement a l'intention de faire, concrètement, en réponse à leurs préoccupations.

b. Donner plus de relief à l'étude du Budget des dépenses

Durant nos audiences, un député possédant une longue expérience à la Chambre a signalé que «tout cela ne servira jusqu'à un certain point à rien si nous ne parvenons pas à ranimer l'intérêt des journalistes pour le bon travail que font dans ce domaine les députés» Selon lui, le fait que les journalistes s'intéressent peu à l'étude des crédits est l'un des facteurs contribuant au manque de gratification des députés qui étudient le Budget des dépenses.

Outre qu'elle rend le travail des députés peu gratifiant, cette absence d'intérêt des médias est particulièrement regrettable pour ce qui concerne les efforts déployés par le Parlement pour influer sur les dépenses publiques, puisque c'est dans les émissions de radio et de télévision et dans les journaux que la plupart des Canadiens puisent leur information sur les activités du Parlement et du gouvernement.

Si l'on ne peut pas faire grand chose pour amener les médias à mieux couvrir les travaux relatifs au Budget des dépenses, il est au moins une mesure qui pourrait leur faciliter la tâche. Actuellement, une salle de comité est équipée pour la télédiffusion des audiences. La télédiffusion des audiences qui se déroulent dans cette salle peut atteindre un vaste auditoire et permettre aux Canadiens d'observer par eux-mêmes, sans intermédiaire, le travail que l'on fait pour leur compte. En outre, les enregistrements des audiences peuvent être communiqués aux médias et pourraient être utilisés dans le contexte de la couverture du Budget des dépenses. Nous pensons donc qu'il serait très souhaitable que les comités permanents tiennent au moins une de leurs réunions sur le Budget des dépenses dans cette salle. Par conséquent, le Comité recommande :

Que, lorsque les comités permanents étudient le Budget des dépenses, ils s'efforcent de tenir au moins une de leurs audiences dans une salle équipée pour la télédiffusion.

Pour mettre en relief le processus d'étude du Budget des dépenses, mieux informer les citoyens sur ce que comporte ce processus et y faire participer le public, il serait utile d'encourager la participation du public aux audiences des comités qui portent là-dessus. Certes, les comités entendent à l'occasion des particuliers, mais en général, ils se bornent à interroger des ministres et des hauts fonctionnaires.

Les comités devraient chercher davantage à encourager la participation de groupes et de particuliers de l'extérieur du gouvernement, ce qui aiderait les membres des comités dans leurs délibérations, pourrait éventuellement susciter une meilleure couverture du processus par les médias et focaliser l'attention du public sur cet aspect vital des travaux du Parlement. Par conséquent, le Comité recommande :

Que, lorsque les comités permanents étudient le Budget des dépenses et les plans des ministères, ils s'efforcent d'inviter les groupes et particuliers intéressés soit à comparaître devant eux, soit à leur soumettre des mémoires exposant leur point de vue sur le Budget des dépenses, les plans et le rendement des ministères.

4. Approches nouvelles

Un moyen important d'améliorer le travail qu'effectuent les comités permanents concernant le Budget des dépenses réside dans la manière dont ils abordent le travail. Trop souvent, comme nous l'avons fait remarquer, les comités jugent leurs autres tâches plus pressantes. L'étude du Budget des dépenses est alors reléguée au dernier rang ou totalement négligée.

Même si nous comprenons que la situation actuelle n'encourage pas les comités à étudier le Budget des dépenses avec toute l'attention qu'il mérite, cette situation s'améliore. On dispose de plus d'information, et la possibilité d'avoir une influence sur les dépenses dépasse l'exercice en cours. Les obstacles seront donc remplacés par de nouveaux instruments et de nouvelles possibilités d'action qui, si on les utilise correctement, promettent de revaloriser le rôle des comités dans l'étude des crédits.

Cela dit, toutefois, les comités doivent également adopter une nouvelle attitude et de nouvelles approches à l'égard du Budget des dépenses. Les gouvernements, pour leur part, doivent se montrer davantage disposés à tenir compte des suggestions et des recommandations des comités en ce qui concerne les cadres de politique et de dépenses.

a. Rapports sur les plans des ministères et leurs rapports de rendement

Nous avons à plusieurs reprises parlé du pouvoir nouveau des comités d'examiner les plans de dépenses et les priorités futurs des ministères et d'en faire rapport. Nous avons aussi fait remarquer que les comités n'exploitaient pas encore pleinement cette possibilité et fait plusieurs recommandations qui devraient permettre de renverser cette tendance.

S'il est exploité, ce nouveau pouvoir pourrait réduire les frustrations relatives à l'incapacité de modifier le Budget des dépenses de l'exercice à venir puisqu'il permettrait qu'on s'exprime sur les futurs plans de dépenses. Les rapports des comités sur les futurs plans et priorités de dépenses sont semblables à d'autres rapports en ce sens qu'on peut demander au gouvernement une réponse globale dans les 150 jours qui suivent le dépôt du rapport. De telles réponses - négatives ou positives - pourraient constituer des points de repère grâce auxquels on pourrait évaluer les futures mesures. Ainsi, l'examen des plans des ministères par les comités et les rapports qui en découlent peuvent constituer un puissant moyen de renforcer la responsabilisation. Il s'agit d'un outil qui mérite d'être utilisé.

Par conséquent, nous prions instamment les comités d'utiliser ce pouvoir qui leur est conféré par le paragraphe 81(7) du Règlement. Comme la vérificatrice générale adjointe, Maria Barrados, nous l'a affirmé, «si les documents ne sont pas examinés soigneusement par les comités, il est improbable que les réformes produisent des avantages pour le Parlement». (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995, p. 3:4) M. Jean-Pierre Boisclair, de la Fondation canadienne pour la vérification intégrée, avait fait une remarque semblable :

Si vous souhaitez recevoir ce genre d'information, il faudra avant tout donner aux gestionnaires l'impression que l'information est effectivement utilisée et que vous y attachez de la valeur. Personne n'aime perdre son temps à transmettre de l'information qui n'est pas utilisée par la suite. (2e Session, séance no 6, le 13 juin 1995, p. 6:6)
Nous sommes parfaitement d'accord avec ces témoins : si cet outil n'est pas utilisé, cela jette un doute sur toutes les autres réformes.

b. Lier la politique et les dépenses

Au cours de leur travail, les comités permanents examinent les dispositions législatives qui autorisent les ministères et les organismes à s'engager dans de nouvelles activités. De plus, après avoir entendu des témoignages relatifs à certaines questions, les comités formulent des propositions de leur cru, demandant au gouvernement de prendre certaines mesures qui s'imposent. Souvent, ces mesures sont proposées sans que l'on connaisse parfaitement les coûts qu'elles supposent ou leur impact sur les finances du gouvernement en général.

Le contraire est également vrai : quand les comités examinent le Budget des dépenses, ils ne font pas toujours le lien entre les sommes qu'on leur demande d'approuver et les objectifs stratégiques que les dépenses doivent permettre d'atteindre.

On met maintenant davantage l'accent sur la réalisation des buts et les résultats dans la documentation relative au Budget des dépenses présentée au Parlement. De plus, on tend présentement à fournir aux parlementaires de l'information sur le rendement qui devrait, si la documentation est bien préparée, exposer ce que l'on a réalisé avec les crédits votés au cours de l'exercice précédent. Ce type de reddition de comptes financière devrait permettre aux comités de faire le lien entre les dépenses et la politique quand ils examinent le Budget des dépenses.

Les comités eux-mêmes devraient s'efforcer d'établir le lien entre l'examen législatif et les orientations envisagées, d'une part, et les dépenses, d'autre part. La réalisation de cet objectif dépendra non pas d'une modification des règles, mais d'un changement d'approche. Nous demandons donc aux comités d'attacher plus d'importance au coût que suppose la modification de certaines lois ou le fait de demander au gouvernement d'adopter de nouvelles politiques. Nous demandons aussi aux comités de prendre l'habitude de faire état des coûts estimatifs des mesures qu'ils proposent dans tous les rapports où ils recommandent des modifications législatives ou l'adoption de politiques nouvelles. De cette façon, les comités seront mieux en mesure d'évaluer les conséquences financières de leur travail quotidien, évaluation qui devrait également avoir une influence sur leur examen du Budget des dépenses.

c. Connaître et appliquer les règles

L'amélioration du travail qu'effectuent les comités sur le Budget des dépenses dépend d'une structure et d'une procédure meilleures, de pouvoirs renforcés, d'une meilleure information et d'une nouvelle attitude. Il faut également une compréhension plus profonde des règles qui entourent l'étude des crédits. Un témoin, le sénateur John Stewart, a affirmé qu'il n'y avait rien de fondamentalement mauvais dans les procédures actuelles, et un autre, M. Mallory, a affirmé que «si les députés avaient les connaissances et l'expérience voulues, le système actuel fonctionnerait mieux et ces derniers se sentiraient moins frustrés et plus utiles». (1re Session, séance no 8, le 30 novembre 1995, p. 8:3)

Le Comité admet qu'une meilleure connaissance des règles, modifiées ou non, est essentielle à un examen plus efficace du Budget des dépenses. Nous prions donc nos collègues de la Chambre d'acquérir une meilleure connaissance des règles de l'étude des crédits.

Dans certains cas, cela pourrait favoriser l'exercice de pouvoirs existants, par exemple, le pouvoir qu'ont les comités de réduire les budgets des dépenses. Ce pouvoir, s'il est exercé, pourrait stimuler l'intérêt qu'ont les députés pour le Budget des dépenses. Comme le sénateur Stewart l'a affirmé : «les députés seraient beaucoup plus alertes s'ils pouvaient proposer certaines réductions au Budget des dépenses». (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995, p. 3:26)

d. Opinions dissidentes plus fréquentes

Nous signalons que rien n'empêche les députés de l'opposition siégeant aux comités (ou, en fait, tout membre des comités) de présenter une opinion dissidente quand le Budget des dépenses est présenté à la Chambre. Il en va de même pour les rapports sur les plans et sur le rendement des ministères. L'alinéa 108(1)a) du Règlement, qui se lit (en partie) comme suit, affirme explicitement cette possibilité :

Les comités permanents sont autorisés individuellement à faire étude et enquête sur toutes les questions qui leur sont déférées par la Chambre, à faire rapport à ce sujet à l'occasion et à joindre en appendice à leurs rapports, à la suite de la signature de leur président, un bref énoncé des opinions ou recommandations dissidentes ou complémentaires présentées, le cas échéant, par certains de leurs membres. . .
Comme le Budget des dépenses, les plans des ministères et les rapports de rendement ministériels entrent dans la catégorie des questions déférées aux comités permanents pour qu'ils les étudient et présentent un rapport, il est possible de présenter une opinion dissidente. L'honorable Maurice McTigue nous a fait savoir que, en Nouvelle-Zélande,

. . . l'opposition produit un rapport minoritaire recommandant des changements significatifs à la suite de son examen des prévisions budgétaires. Ce rapport est déposé au Parlement concurremment avec le rapport majoritaire du comité compétent. (2e Session, séance no 3, le 30 mai 1996, p. 3:13)
Même si ce n'est pas une procédure courante, a-t-il ajouté, cela «se produit cependant assez souvent».

Même si, dans notre Parlement, il est possible de présenter une opinion dissidente sur le Budget des dépenses, on le fait très rarement. Nous prions donc instamment tous les députés d'exploiter davantage ce pouvoir de façon à faire connaître les opinions dissidentes concernant le Budget des dépenses, les plans et priorités et le rendement passé des ministères.

e. Adopter des méthodes utilisées par d'autres comités

Malgré les contraintes imposées par la tradition et les réalités procédurales actuelles, certains comités ont réussi à examiner sérieusement le Budget des dépenses qu'on leur a confié. Le vérificateur général a souligné cela avec insistance :

Certains comités parviennent à travailler de façon cohérente. On y voit une alliance des parlementaires de tous les partis qui cherchent à y voir clair dans toute la bureaucratie et la paperasse, pour aller directement au coeur de la question. (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995, p. 3:10)
Au cours de la rencontre du Sous-comité avec les présidents des comités, celui-ci a été impressionné par les approches innovatrices utilisées par certains comités pour mieux comprendre le Budget des dépenses et pour l'examiner sérieusement :

Nous croyons que certaines de ces approches - ainsi que de nombreuses - pourraient être mises à profit par d'autres comités. Il importe que les parlementaires encouragent une culture de l'apprentissage quand il s'agit du Budget des dépenses - ainsi que pour toutes les autres questions qui leur sont soumises; nous prions donc instamment les députés d'adopter les mesures que d'autres ont employées avec succès et de faire connaître ce qu'ils ont appris.

f. Considérer le Budget des dépenses comme la fin du processus

Pour le moment, la plupart des députés et des comités voient le dépôt du Budget des dépenses comme le début du processus. Cela constitue un contraste marqué avec la façon dont le système de gestion des finances du gouvernement fonctionne et la manière dont ceux qui préparent le Budget des dépenses le perçoivent.

Grâce aux modifications apportées à la façon dont l'information financière est rapportée au Parlement et à l'insistance que l'on met sur les résultats et le rendement, nous croyons qu'il serait avantageux pour les députés et les comités de considérer, dans une perspective parlementaire, le Budget des dépenses comme la fin du processus. Fait encore plus important, si les comités utilisent leur nouveau pouvoir et présentent un rapport sur les futurs plans et priorités des ministères et des organismes, il faudra alors que le gouvernement leur réponde. L'une des plus importantes manifestations de cette réponse se trouvera dans le Budget des dépenses de l'exercice suivant. Par conséquent, les comités devront examiner le Budget des dépenses, en tenant compte non seulement du rendement passé, mais également de la manière dont on a tenu compte des commentaires des comités concernant les futurs plans et priorités. Afin d'effectuer cette transition, nous incitons les comités à considérer le Budget des dépenses comme la fin et non pas simplement le commencement du cycle des crédits.

V. MEILLEUR APPUI AUX COMITÉS ET AUX DÉPUTÉS

Un certain nombre des témoins ont affirmé que si les comités permanents veulent effectuer un meilleur travail quand ils scrutent le Budget des dépenses, ils doivent bénéficier d'un certain soutien d'experts qui leur permette d'effectuer ce travail. Nous avons recommandé plus haut que le Comité du budget des dépenses proposé soit doté de ressources en personnel que pourrait consulter d'autres comités. Il est également possible de prendre d'autres mesures.

A. Rôle du Bureau du vérificateur général

Une des questions qui a été soulevée au cours de nos discussions avec les témoins est la suivante : le Bureau du vérificateur général devrait-il aider les comités à examiner le Budget des dépenses? Le vérificateur général nous a dit que son bureau était déjà prêt à aider les députés et les comités en discutant avec eux des vérifications passées; il s'agit là, pense-t-il, d'un moyen d'information utile pour l'examen du Budget des dépenses. Son bureau ne participe toutefois pas aux audiences des comités quand le Budget des dépenses est à l'étude.

Le Sous-comité a écouté avec beaucoup d'intérêt le haut-commissaire de la Nouvelle-Zélande quand il a décrit le rôle que joue le vérificateur général de son pays en aidant les comités à étudier le Budget des dépenses. En Nouvelle-Zélande, le vérificateur examine le Budget des dépenses de tous les ministères et rend compte de ses conclusions aux comités concernés. Quand un comité commence ses audiences sur le Budget des dépenses, le vérificateur, qui est habituellement le premier témoin à comparaître, expose les réserves que lui inspire le Budget des dépenses et signale les domaines sur lesquels le comité pourrait concentrer son attention. D'après M. McTigue, la participation du vérificateur au processus est «extrêmement utile».

Le vérificateur général du Canada, à l'instar de celui de la Nouvelle-Zélande, est au service du Parlement et non du gouvernement au pouvoir. Le travail du titulaire est appuyé par le Bureau du vérificateur général, entité qui est, pourrait-on dire, la meilleure source indépendante de connaissances sur les activités financières du gouvernement. Dans le présent rapport, nous faisons souvent allusion aux remarques formulées par le Bureau. D'autres comités permanents reconnaissent également l'importante contribution du Bureau à leur travail : en 1994-1995, par exemple, on a demandé au Bureau du vérificateur général de témoigner à 49 audiences de comité, y compris celles du Comité permanent des comptes publics. Le travail du Bureau est défrayé par des crédits annuels du Parlement, crédits qui, pour l'exercice 1996-1997, s'élèvent à un peu moins de49 millions de dollars43.

Toutefois, même si le Sous-comité a été impressionné par l'importance du rôle que joue le vérificateur général de la Nouvelle-Zélande dans l'étude des budgets des dépenses, nous ne sommes pas convaincus que l'on devrait exiger la même chose du vérificateur général du Canada. Notre principale réserve a trait au travail et aux coûts supplémentaires que cela exigerait du Bureau du vérificateur général. À une époque où les ressources sont rares, les fonds affectés au Bureau seraient mieux utilisés si l'on s'assurait que les ministères et les organismes du gouvernement reçoivent l'attention dont ils ont besoin au chapitre de la vérification. Voilà, nous en sommes convaincus, la meilleure façon de s'assurer que l'on répond bien aux besoins du Parlement.

Toutefois, en même temps, nous souhaitons attirer l'attention sur l'utilité du travail du vérificateur général quand il s'applique à l'étude du Budget des dépenses. Les rapports du vérificateur général - qui sont maintenant rendus publics de façon périodique plutôt qu'une fois l'an seulement - peuvent fournir une information inestimable aux comités, en particulier s'ils tiennent compte du rendement passé quand ils examinent les demandes liées à de futures affectations. Comme le vérificateur général l'a affirmé, lui-même et ses fonctionnaires sont déjà prêts à témoigner devant les comités afin de discuter du travail de vérification passé dans le contexte du Budget des dépenses. Par conséquent, nous prions instamment les comités permanents de profiter de cette possibilité.

Il y aurait moyen de tirer un meilleur profit des rapports du vérificateur général lors de l'étude des documents relatifs au Budget des dépenses, aux plans et au rendement. À l'heure actuelle, les comités peuvent inviter le vérificateur général à comparaître devant eux lorsqu'un ministère ou un organisme relevant de leur compétence fait l'objet d'une vérification. Le plus souvent, toutefois, c'est le Comité permanent des comptes publics qui s'occupe au premier chef d'étudier et de commenter les rapports du vérificateur général. C'est bien ainsi, et nous ne préconisons aucun changement à cet égard. Toutefois, il existe un lien étroit entre le rapport et les recommandations du vérificateur général d'une part et les rapports sur le rendement d'autre part.

Les rapports sur le rendement sont des auto-évaluations, ce qui peut s'avérer un inconvénient, car les auteurs seront toujours tentés de montrer les choses sous un jour favorable en n'insistant pas sur les difficultés et les lacunes. Cet inconvénient serait grandement atténué si les documents contenaient des références aux rapports du vérificateur général, c'est-à-dire des listes sommaires des constatations et recommandations ainsi que des mesures prises par les ministères en réponse à celles-ci. On pourrait faire de ces renvois un élément constitutif des documents relatifs au rendement et aux plans. Par conséquent, le Comité recommande :

Que les ministères et organismes intègrent dans les documents concernant leurs plans et leur rendement, des renvois précis à des questions non réglées contenues dans les rapports et études du vérificateur général du Canada sur leurs activités. Ces renvois devraient se composer d'une liste des recommandations faites par le vérificateur général, d'une liste des recommandations faites par le Comité permanent des comptes publics (s'il y a lieu) et d'un exposé explicatif, bref mais détaillé, des mesures prises en réponse ainsi que des résultats obtenus.

B. Information concernant le Budget des dépenses et l'étude des crédits

Nous avons été intéressés par les commentaires de M. Mallory, selon lesquels

l'un des problèmes qui se posent pour les députés, à titre individuel et en tant que membres d'un comité, tient, non pas à un manque d'information, mais plutôt à une surabondance d'information. Cela s'explique en partie par le fait qu'ils ne comprennent pas vraiment l'importance de toute cette information. (1re Session, séance no 8, le 30 novembre 1995, p. 8:17)
Même si nous croyons qu'une partie de ces problèmes seront corrigés grâce aux rapports financiers améliorés présentés au Parlement, le problème de la surabondance d'information et de la façon de la déchiffrer est une question sur laquelle nous souhaitons attirer particulièrement l'attention.

Les députés, nous l'avons dit, doivent assumer de nombreuses obligations : le temps dont ils disposent pour maîtriser les complexités de l'étude des crédits et du Budget des dépenses est limité. Un député qui a répondu à notre enquête a dit soupçonner les députés de ne pas bien saisir l'exacte raison d'être de l'étude du Budget des dépenses qu'ils effectuent. Ce manque de compréhension du contenu, de l'objectif et de la signification du Budget des dépenses pose un obstacle considérable à son étude. Nous suggérons plus haut que les députés fassent l'effort de mieux se familiariser avec les règles qui régissent l'étude des crédits et du Budget des dépenses. Mais il faut leur faciliter la tâche en leur fournissant de l'information sur l'étude du Budget des dépenses et des crédits sous une forme concise adaptée à leurs besoins. Le Comité recommande donc :

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor prépare, en consultation avec les députés et les présidents des comités permanents, une trousse d'information concise et exhaustive sur l'étude du Budget des dépenses et des crédits et sur la gestion financière du gouvernement en général à l'intention des députés.

Nous souscrivons également à la suggestion voulant que l'on fasse figurer des précisions sur la manière d'utiliser l'information financière dans l'introduction des documents du Budget des dépenses. Par conséquent, le Comité recommande :

Que tous les documents fournissant de l'information financière au Parlement, dont les parties III du Budget des dépenses et les futurs documents relatifs aux plans et au rendement, comprennent une déclaration liminaire concise sur leur contenu et leur utilisation.

Enfin, nous remarquons que, dans le cadre de leur examen du Budget des dépenses, certains comités permanents demandent des explications aux fonctionnaires des ministères responsables de la préparation des documents de la partie III. Les membres des comités ont donc l'occasion de résoudre les ambiguïtés et de se faire une idée du processus décisionnel qui aboutit au Budget des dépenses. À notre avis, ce processus doit également fournir l'occasion aux fonctionnaires des ministères de mieux connaître les besoins et les attentes des parlementaires.

VI. La portée de l'examen des finances parlementaires

Même si, dans son travail, le Sous-comité a mis l'accent surtout sur les procédures et les mécanismes dont se sert la Chambre des communes pour traiter de l'étude des crédits, il s'est également préoccupé de l'étendue de l'information financière fournie aux députés et aux comités. Il existe de grandes ressemblances entre les besoins en information des députés et ceux des membres d'un conseil d'administration qui doivent prendre des décisions importantes concernant l'orientation à donner aux entreprises qu'ils supervisent. Les administrateurs insistent pour avoir une multitude de renseignements pertinents avant de décider des mesures à prendre. S'ils exigent également cette information, c'est aussi pour pouvoir exiger des cadres supérieurs ou les dirigeants qu'ils répondent de leur administration. Les besoins des parlementaires au chapitre de l'information sont essentiellement comparables.

Dans un chapitre de son rapport de 1992 traitant de l'information destinée au Parlement, le vérificateur général dit :

Pourtant, les opérations du gouvernement sont complexes et les instruments dont il se sert sont variés, mais seuls certains d'entre eux sont reflétés par les dépenses annuelles. Le Parlement est en droit d'attendre et de recevoir régulièrement des comptes sur l'ensemble des opérations du gouvernement. . .44
Les membres du Sous-comité ont été surpris de découvrir à quel point les renseignements utiles sur les activités du gouvernement font défaut. Le vérificateur général du Canada, qui s'intéresse depuis longtemps aux besoins du Parlement en matière d'information, a affirmé ceci au Sous-comité : «Nous avons constaté que le Budget des dépenses, qui est axé sur les dépenses uniquement, ne fournissait pas un tableau complet de toutes les activités d'un ministère». (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995, p. 3:1)

A. Dépenses législatives

Parmi les milliards de dollars que le gouvernement fédéral dépense chaque année, seulement une petite portion est examinée et approuvée chaque année par le Parlement. Les autres dépenses sont consacrées à des programmes permanents que le Parlement a déjà approuvés et pour lesquels il a prévu des crédits par voie législative. On les appelle programmes législatifs, et la portion des dépenses annuelles du gouvernement qui leur est consacrée est connue sous le nom de «dépenses législatives». Certaines des activités les plus coûteuses du gouvernement fédéral entrent dans cette catégorie : transferts aux provinces et aux personnes pour des programmes comme les pensions alimentaires pour enfants et les pensions, péréquation, santé et éducation, ainsi que le programme de gestion de la dette du gouvernement.

Les dépenses législatives ont crû rapidement au cours de l'après-guerre au point où elles représentent la plus grande partie des dépenses annuelles du gouvernement fédéral. En 1993, le vérificateur général a signalé qu'entre 1962 et 1991, le montant consacré aux programmes législatifs était passé de 3,1 à 93 milliards de dollars, ou encore de 46 à 66 p. 100 des dépenses totales. Les sommes déboursées à ce titre continuent d'augmenter. Pour l'exercice 1996-1997, le gouvernement prévoit que, sur l'ensemble des dépenses, soit 157 milliards de dollars, 111,7 milliards - environ 71 p. 100 - appartiendront à la catégorie «législative». Ces dépenses, nous le répétons, ne seront ni examinées ni soumises au vote du Parlement au cours de l'exercice où elles sont effectuées : elles ne figurent dans le Budget des dépenses que pour des fins d'information.

Dans son rapport de 1979, la commission Lambert affirmait ce qui suit :

une planification financière responsable exige que le mérite constant de ces engagements [contenus dans les lois qui autorisent les dépenses législatives] et leur coût soient soumis à un examen régulier sans lequel l'aptitude du Parlement et du gouvernement à contrôler les dépenses se voit diminuée [. . .]45
Le Comité s'inquiète énormément du fait que cet aspect des dépenses gouvernementales n'est pas soumis à un examen régulier. Conséquence : la plus grande partie des dépenses annuelles du gouvernement, en particulier celles qui sont importantes du point de vue des politiques, font l'objet d'une attention insuffisante de la part du Parlement. Comme l'a fait remarquer le sénateur Stewart, quand on enlève les dépenses législatives du total des dépenses annuelles, une bonne partie du reste a trait à «des dépenses d'intendance» seulement. (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995, p. 3:1) Un autre témoin, l'honorable Ronald Huntington, a déclaré au Sous-comité que le Parlement n'effectue pas son travail en ce qui a trait aux programmes et aux dépenses législatives; selon ce dernier, habituellement, «on n'en fait pas l'examen qui s'impose».(1re Session, séance no 6, le 23 novembre 1995, p. 6:12) Le Parlement, selon M. Franks, «n'exerce aucun contrôle direct» dans ce domaine. (1re Session, séance no 8, le 30 novembre 1995, p. 8:5)

Nous croyons qu'il est extrêmement important que l'on prenne des mesures afin d'assujettir les dépenses législatives à un examen régulier. Le gouvernement devrait prendre l'initiative à cet égard en annonçant qu'il permettra au Parlement d'examiner de tels domaines. Cette mesure rétablirait le contrôle du Parlement sur un domaine important des dépenses gouvernementales et aiderait à déterminer si un grand nombre de ces programmes continuent à réaliser leurs objectifs. La commission Lambert a proposé qu'on procède, sur une période de dix ans, à un examen de toutes les lois qui entraînent des dépenses législatives; nous souscrivons à cette proposition. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement fixe un calendrier prévoyant l'examen, de préférence au cours des dix prochaines années, de toutes les lois en vigueur ayant une influence sur le montant des dépenses législatives.

Que le gouvernement, conformément au calendrier qu'il aura établi, soumette les lois qui sous-tendent les dépenses législatives aux comités permanents concernés pour qu'ils les examinent et fassent rapport à la Chambre des communes.

Cet examen des dépenses législatives sera complexe et exigera la participation de nombreux comités. Il est important que ce travail soit fait avec diligence et qu'il produise des résultats constructifs et de bonne qualité. Pour cela, d'après le Sous-comité, il faudrait que le nouveau comité du Budget des dépenses participe étroitement à cet examen en assurant un appui. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le comité permanent du Budget des dépenses appuie l'examen par les comités permanents des lois sous-jacentes qui autorisent les dépenses législatives, qu'il étudie les rapports produits à ce sujet et qu'il fasse rapport de ses propres conclusions.

Nous estimons important que les comités disposent de l'information dont ils ont besoin pour effectuer un examen approfondi de ces dépenses législatives. Ces renseignements devraient être disponibles sous la forme d'évaluations de programmes comme celles qu'exigent les politiques du Conseil du Trésor. Celles-ci sont censées déterminer si les programmes sont utiles, s'ils atteignent leurs objectifs et respectent leur budget et s'ils offrent un bon rapport qualité-prix. Le vérificateur général, toutefois, a signalé ce qui suit :

Le travail d'évaluation porte en grande partie sur des activités modestes et sur des questions opérationnelles, de sorte qu'il n'est pas toujours possible d'obtenir en temps utile des données d'évaluation de qualité sur les activités et les programmes gouvernementaux de premier plan46.
Dans le même rapport, il poursuit :

Nous en avons conclu que les résultats des évaluations n'étaient pas toujours opportuns et pertinents. Ces résultats sont susceptibles d'appuyer la prise de décisions propres à assurer la bonne marche des programmes ou offrant des données utiles en vue de rendre compte aux ministres et au Parlement de dépenses majeures47.
Lors de son dernier examen des évaluations au gouvernement fédéral, le vérificateur général souligne que, même si la portée des évaluations relatives aux grands programmes de dépenses s'est élargie,

les évaluations réalisées dans les ministères et organismes portent généralement sur des composantes de programmes et des questions qui intéressent plus les gestionnaires du ministère que le Parlement [. . .] et ne fournissent pas toujours l'information nécessaire sur les grandes questions de politiques gouvernementales et
de répartition des dépenses et elles ne servent pas toujours la reddition des comptes au Parlement48.
Le Comité permanent de la Chambre des communes sur les comptes publics, le Comité sénatorial permanent sur les finances nationales, le Bureau du vérificateur général et des députés ont, périodiquement, demandé que les évaluations des programmes soient améliorées, en particulier dans les domaines de dépenses majeures. Nous joignons notre voix aux leurs. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement prenne toutes les mesures possibles pour améliorer la qualité de l'évaluation des programmes effectuée dans des domaines touchant des dépenses législatives importantes et pour s'assurer que ces évaluations sont fournies en temps opportun aux comités qui examinent les programmes législatifs. En particulier, les évaluations doivent préciser les objectifs de la politique gouvernementale et répondre aux questions suivantes : le programme réalise-t-il les objectifs d'intérêt public pour lesquels il a été créé? le programme est-il bien géré? existe-t-il d'autres façons de réaliser les mêmes objectifs?

Nous avons recommandé l'établissement d'un calendrier qui prévoirait sur dix ans un premier examen de tous les programmes législatifs. Plus bas nous recommanderons que ces programmes fassent dorénavant l'objet d'examens périodiques réguliers. Toutefois, nous souhaiterions que, si des problèmes quelconques surgissent à propos d'un programme législatif, le comité permanent concerné en soit saisi sans délai. Pour cela, nous suggérons, dans une recommandation précédente, que les documents relatifs au rendement des ministères comportent des rapports d'avancement sur les évaluations permanentes des programmes nouveaux et anciens, y compris de ceux qui comportent des dépenses législatives.

Pour que toutes les futures lois qui engendrent des dépenses législatives soient examinées, il faut que cela soit prévu dans les lois elles-mêmes. Cela permettrait que l'on poursuive des programmes législatifs importants tout en les soumettant régulièrement à l'examen du Parlement. Certaines lois contiennent déjà ce genre de disposition, et nous croyons qu'il est souhaitable que toutes les futures lois qui supposent des dépense législatives en contiennent une. Le Comité recommande donc :

Que toutes les lois liées aux nouveaux programmes législatifs contiennent une disposition prévoyant un examen parlementaire cinq ans après leur adoption, et un examen périodique par la suite.

B. Dépenses fiscales

Les dépenses fiscales sont l'un des domaines importants de l'activité financière du gouvernement qui ne sont pas compris dans l'information financière examinée par le Parlement; ce sont celles dont se sert le gouvernement pour réaliser divers objectifs liés à l'économie et à la politique sociale. Les dépenses fiscales résultent de dispositions spéciales de la Loi de l'impôt sur le revenu et peuvent prendre la forme d'exemptions, de reports, de crédits, de déductions ou de taux réduits d'imposition. Quelle que soit leur forme, elles représentent une somme d'argent considérable que le Trésor fédéral ne perçoit pas. Dans son rapport annuel de 1992, par exemple, le vérificateur général cite une estimation selon laquelle, en 1985, les dépenses fiscales s'élevaient à 28 milliards de dollars annuellement49.

Les dépenses fiscales représentent davantage que les seules recettes non perçues : elles sont également constituées par d'importantes dépenses effectivement engagées par l'État. Comme l'a déjà dit l'ancien vérificateur général, Kenneth M. Dye, les dépenses fiscales du gouvernement fédéral constituent «un immense budget financier caché dans les affaires financières du Canada»50.

L'utilisation des dépenses fiscales comme instrument pour réaliser la politique gouvernementale n'est pas remise en question ici; toutefois, selon le principe général qu'un dollar non perçu équivaut à un dollar dépensé, le Comité croit que ce type de dépense doit être soumis à un examen parlementaire. Il ne faudrait pas que des dépenses aussi importantes soient «cachées» aux Canadiens ou à leur Parlement.

Depuis quelque temps, le ministère des Finances publie des renseignements sur les dépenses fiscales et il a annoncé son intention de le faire chaque année51. Il s'agit d'un pas dans la bonne direction qu'il faut saluer. Toutefois, rien n'oblige le ministère à publier cette information ou à la rendre accessible à un moment précis de l'année. Il est trop important que l'on puisse avoir accès en temps opportun à ce genre d'information pour permettre que sa publication dépende de la bonne volonté du ministère ou du gouvernement. Par conséquent, le Comité recommande :

Qu'une disposition légale écrite crée l'obligation pour le ministère des Finances d'établir un rapport sur les dépenses fiscales de chaque exercice et pour le ministre des Finances de déposer ce rapport à la Chambre des communes au plus tard le 31 décembre suivant la fin de l'exercice en question.

De plus, le Comité recommande :

Que l'information annuelle relative aux dépenses fiscales soit fournie sous une forme qui permette aux comités permanents de l'utiliser dans leur examen du Budget des dépenses et qu'elle fasse expressément référence à la nature et aux montants de ces dépenses et aux objectifs d'intérêt public ainsi visés.

Le Comité souhaite également que les dépenses fiscales, prises collectivement, fassent l'objet d'un examen régulier périodique analogue à celui que nous réclamons pour les dépenses de programme. Par conséquent, le Comité recommande :

Que toutes les dépenses fiscales soient étudiées à fond selon un calendrier établi par le gouvernement et, par la suite, fassent régulièrement l'objet d'un examen complet destiné principalement à évaluer si elles servent bien les objectifs d'intérêt public pour lesquels elles ont été instaurées et si elles sont gérées de façon efficace et s'il existe d'autres moyens d'atteindre ces objectifs.

Enfin, bien que le Comité permanent des finances ait à examiner le rapport annuel sur les dépenses fiscales, nous prions les membres du comité de se familiariser avec ce document et de s'en servir au moment de l'examen des plans des ministères et du Budget des dépenses.

C. Garanties de prêts

Les garanties de prêts sont un autre mécanisme qu'utilisent les gouvernements pour financer certains objectifs liés à des politiques. Le gouvernement recourt souvent à ces garanties pour encourager le secteur privé à financer des projets que l'on croit d'intérêt public. Le gouvernement ne fait aucune dépense lui-même, mais garantit le risque assumé par le prêteur, au cas où l'emprunteur ne rembourserait pas le prêt. Ces garanties sont énumérées chaque année dans les Comptes publics du Canada, sous la rubrique traitant des passifs éventuels52. Encore une fois, même si le Sous-comité ne porte aucun jugement sur le bien-fondé d'un tel instrument, il importe de se rendre compte que les garanties de prêts exposent le gouvernement à des obligations qui sont souvent

importantes. En 1991, par exemple, le vérificateur général a estimé que les obligations potentielles découlant de garanties de prêts s'élevaient à environ 8 milliards de dollars53.

Même si les garanties de prêts exposent le gouvernement à des risques, cela n'est certainement pas une raison pour croire que toutes ces obligations potentielles, ou même une partie substantielle, se concrétiseront un jour, à condition que le risque soit bien géré. Il est également important de remarquer que le Parlement doit d'abord autoriser, par voie législative, les ministères à offrir des garanties de prêts. Si un prêt n'est pas remboursé, le gouvernement doit obtenir l'approbation du Parlement pour couvrir la perte par l'entremise du Budget des dépenses supplémentaire. Toutefois, le Comité croit que le Parlement doit être pleinement informé des risques associés aux garanties qui ont été données. À n'en pas douter, ces risques seront souvent élevés : s'ils ne l'étaient pas, il serait facile d'obtenir du financement auprès du secteur privé. Mais, parce que c'est au gouvernement du Canada - et, en fin de compte, aux contribuables canadiens - que l'on demandera de compenser les prêts non remboursés, les risques doivent être connus à l'avance. Par conséquent, le Comité recommande :

Que les ministères et organismes autorisés à donner des garanties de prêts fassent figurer, dans leur Budget des dépenses, des renseignements sommaires sur l'état de toutes leurs garanties non réglées et sur les passifs éventuels que ces garanties représentent, des énoncés explicites des objectifs que ces prêts sont censés permettre d'atteindre et disent s'il existe d'autres moyens d'atteindre ces objectifs.

D. Montants nets ou bruts?

Un témoin, M. C.E.S. Franks, a attiré l'attention du Sous-comité sur la méthode du crédit net. Sauf en certaines circonstances bien établies, le Parlement devrait, à son avis, voter des crédits bruts plutôt que nets.

En vertu de la méthode du crédit net, certains ministères et organismes sont en mesure de produire des recettes non fiscales et de s'en servir pour réduire le coût d'un bien ou d'un service. Lorsqu'on autorise un crédit net à un ministère, ses recettes non fiscales apparaissent aux parties II et III du Budget des dépenses. Cette somme est ensuite soustraite des dépenses du ministère pour l'exercice à venir. C'est la somme nette qui apparaît par la suite au vote du ministère et que le Parlement approuve par loi portant affectation de crédits. Selon le vérificateur général, cette façon de faire :

permet aux ministères de réduire leurs demandes de dépenses brutes au Parlement en se servant des recettes prévues pour compenser les dépenses54.
Plusieurs mesures régissent le cadre permettant le crédit net. La responsabilité générale du crédit net découle de l'alinéa 29.1(2)a) de la Loi sur l'administration financière. Des pouvoirs plus particuliers sont parfois assignés aux ministères et organismes qui utilisent les crédits nets dans la loi dont ils procèdent. Chaque année, le Parlement confère d'autres pouvoirs par le libellé des votes de crédits figurant dans le Budget des dépenses. En outre, les ministères et organismes qui souhaitent utiliser le crédit net doivent répondre à plusieurs critères établis par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Certains précisent notamment que les revenus générés par un programme doivent servir à couvrir les coûts de sa production, et non à subventionner d'autres activités. Tout écart par rapport aux revenus ou aux dépenses prévus appelle un examen du Secrétariat du Conseil du Trésor. Les politiques du Conseil prévoient des fluctuations de revenus et de dépenses en fonction de la demande. Par conséquent, les écarts dans les revenus projetés ne devraient pas avoir d'effet sur les besoins du ministère à combler par le Trésor. Si cela avait quand même un effet, les ministères devraient réclamer des crédits parlementaires dans le Budget supplémentaire. Récemment, le Conseil du Trésor a plafonné les recettes pouvant être dépensées.

Les objectifs du crédit net sont louables d'un point de vue administratif. En théorie, cette méthode favorise l'efficacité, la bonne utilisation des ressources, le service aux clients, et les bonnes pratiques d'affaires dans les ministères. Ce sont des objectifs auxquels le Comité souscrit et qu'il souhaite voir réaliser.

Cependant, malgré les balises qui régissent cette pratique, nous nous inquiétons des conséquences qu'il a sur l'examen des dépenses et sur le contrôle que le Parlement en fait. Les fonds accordés aux ministères sont portés à leurs crédits et figurent dans le Budget des dépenses. La Chambre approuve ensuite un montant total des dépenses prévues des ministères moins leurs recettes (c'est-à-dire les dépenses nettes). Nous soutenons que cette méthode ne permet pas d'illustrer la véritable structure des dépenses des ministères. Comme le note la commission Lambert, les crédits nets ont fait en sorte que «le Parlement a cédé son contrôle sur certaines sources de revenus et de dépenses non fiscales»55. Cette commission fait aussi valoir que :

Puisque le Parlement ne vote que les dépenses nettes, la méthode d'affectation nette permet aux ministères d'effectuer des dépenses en réalité supérieures au montant approuvé par le Parlement56.
En fait, quand l'affectation nette est utilisée, le Parlement n'approuve que les affectations du Trésor plutôt que les dépenses globales du ministère. Nous croyons cependant que le Parlement doit s'intéresser à plus qu'aux seules sommes provenant du Trésor : à toute l'activité des ministères, ainsi qu'à l'ensemble des dépenses de l'État et à la porté de son intervention dans l'économie. Même si les crédits nets ne masquent pas complètement cette intervention, ils l'obscurcissent et distraient l'attention du Parlement. Dans la mesure où cela est non souhaitable, et où le Parlement devrait étudier toutes les dépenses de l'État - y compris les détails des activités générant des recettes non fiscales - la pratique du crédit nette est contestable.

La question est cependant complexe et mérite d'être examinée à fond. Il faut bien comprendre les avantages et les inconvénients de cette méthode, et examiner de près les autres méthodes permettant le contrôle du Parlement dans ce secteur. Nous notons, par exemple, que le Parlement britannique est en mesure d'approuver à la fois les crédits nets et les crédits bruts grâce au libellé des lois portant affectation de crédits. Cette option mérite d'être envisagée pour le Parlement canadien.

Malheureusement, nous n'avons pas pu consacrer assez de temps à cette question vitale pour en arriver à des conclusions solides. Nous sommes toutefois convaincus que cette question doit être étudiée et réglée avec célérité par un comité permanent de la Chambre. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le Comité permanent du budget des dépenses examine dans les plus brefs délais la pratique des crédits nets dans le contexte du contrôle parlementaire des finances et que cette question soit réglée avant le dépôt des budgets des dépenses pour l'exercice 1999-2000.

Nous croyons cependant qu'il convient d'améliorer immédiatement un aspect de l'affectation nette. Comme on l'a mentionné, lorsque les revenus de l'affectation nette s'avèrent au-delà ou en deçà des prévisions, on suppose que les coûts suivent à la hausse ou à la baisse. Par conséquent, il ne devrait pas y avoir d'effet sur les crédits demandés au Parlement. Nous estimons important que le Parlement soit quand même informé de ces écarts, quand ils ont lieu. À l'heure actuelle, lorsque les recettes dépassent les projections et donnent lieu à des dépenses nettes inférieures aux prévisions, cette information figure dans le Budget des dépenses principal. Cependant, nous pensons que le Parlement devrait être mis au courant même quand les dépenses nettes ne sont pas touchées directement par les écarts, en particulier dans les cas où la tendance des recettes indique qu'il y aura manque à gagner. Le Comité recommande :

Que, lorsque les tendances indiquent que les revenus affectés à un ministère seront au-delà ou en deçà des prévisions, les Budgets de dépenses supplémentaires déposés pendant la période d'octroi de crédits, prenant fin le 26 mars, en fassent état et en fournissent l'explication.

Par ailleurs, nous croyons aussi qu'il y aurait lieu de continuer d'informer le Parlement des recettes que les ministères et agences tirent de sources autres que leurs crédits parlementaires. Par conséquent, le Comité recommande :

Que les ministères continuent de faire état de leurs recettes et d'en indiquer la provenance dans les documents budgétaires.

Nous insistons pour que les comités permanents tiennent compte de ces recettes lorsqu'ils examinent les budgets de dépenses des ministères et agences qu'ils sont chargés de surveiller.

E. La structure des crédits et l'information sur les dépenses d'immobilisation et de fonctionnement

L'opposition entre les montants nets et les montants bruts soulève la question de la structure des crédits. Certains changements actuellement en cours pourraient avoir des effets sur la manière dont le Parlement est prié d'autoriser les dépenses annuelles. Par exemple, le gouvernement a indiqué, dans les énoncés budgétaires de 1995 et de 1996, son intention d'adopter une comptabilité d'exercice pour toutes ses opérations d'immobilisation de biens matériels et de comptabilité des recettes fiscales. En mars 1996, le ministre des Finances a précisé que le gouvernement souhaitait modifier sa comptabilité relative aux actifs immobilisés, en amorçant la transition vers la comptabilité d'exercice à partir de 1997-1998. Le 15 novembre 1996, dans le cadre de cet effort, des mises à jour «en cours d'exercice», devant compléter le Budget des dépenses supplémentaire, ont été déposées à la Chambre des communes à titre d'essai.

Certes, la conséquence principale de ce changement se fera sentir dans la manière dont le gouvernement rend compte des dépenses passées (énumérées dans les Comptes publics), mais il pourrait aussi y avoir des effets sur la manière dont il annonce ses dépenses prévues dans le Budget des dépenses et sur celle dont la Chambre des communes approuve ces dépenses par le truchement des lois de crédits.

La nature et les conséquences de ces changements - particulièrement en ce qui concerne la manière dont le Parlement vote les crédits - méritent un examen plus approfondi. Pour sa part, le Comité est préoccupé par une question connexe, à savoir la manière dont le Parlement est informé au sujet des dépenses d'immobilisation et de fonctionnement pluriannuelles et au sujet du seuil (fixé actuellement à 100 millions de dollars) à partir duquel les grands projets d'immobilisation deviennent des projets de la Couronne. Le Comité croit savoir qu'une étude sur cette question est actuellement en cours au Secrétariat du Conseil du Trésor. Nous pensons que le Parlement doit participer à ce processus. Le meilleur moyen pour cela est d'exiger du Secrétariat du Conseil du Trésor qu'il tienne le Parlement au courant de son travail dans ce dossier. Aucun changement ne doit être apporté à la structure des crédits sans examen et approbation parlementaires. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor fasse rapport des conséquences et éventuelles recommandations que comportera son étude sur la structure des crédits et des contrôle au futur comité permanent sur le Budget des dépenses, avant que des changements ne soient effectués.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que le Comité permanent du budget des dépenses examine l'information fournie au Parlement sur les dépenses d'immobilisation et de fonctionnement.

VII. JOURS DES CRÉDITS

Un des plus importants principes sous-jacents à l'étude des crédits est le suivant : le Parlement n'accorde pas de crédits au gouvernement avant que l'opposition n'ait eu l'occasion de démontrer pourquoi la demande devrait être rejetée. Quand l'étude des crédits, qui relevait autrefois de la Chambre, a été confiée aux comités, des jours ont été prévus pour permettre à la Chambre de débattre des crédits : ce sont les jours des crédits ou «jours désignés».

Même si le gouvernement choisit les jours consacrés aux subsides, les partis d'opposition choisissent le sujet du débat. Ici, le choix est considérable; les motions peuvent toucher tout sujet qui relève de la compétence du Parlement du Canada. Selon le Règlement, un maximum de trois de ces motions peuvent être soumises au vote au cours d'une période de crédits. C'est la prérogative de l'opposition de choisir quelles motions seront soumises à un vote.

Selon les témoins, les jours désignés sont décevants. Selon M. Franks, par exemple, ils sont inutiles et ne servent pas à leur fin. M. Marleau estime, d'après son expérience, que l'on aurait «du mal à trouver un seul de ces jours où le sujet soulevé à l'occasion des subsides portait sur les budgets des dépenses». (1re Session, séance no 1, le 28 septembre 1995, p. 1:7) Que les jours désignés n'aient pas répondu aux attentes ne constitue toutefois pas un argument suffisant pour justifier leur abolition. M. Thomas affirme que ces jours doivent être maintenus, de sorte que l'Opposition ait une possibilité assurée de poser des questions au gouvernement et de fixer une petite partie du programme du Parlement.

Même si nous sommes entièrement d'accord avec M. Thomas lorsqu'il dit qu'il faut maintenir les jours désignés, nous ne voyons pas comment résoudre le problème soulevé par les autres témoins. Nous constatons de plus que les jours des crédits, s'ils ne réussissent pas à attirer l'attention du Parlement sur la question des crédits, servent toutefois d'autres fins tout aussi valables. Il est par conséquent capital, selon nous, que les partis d'opposition disposent d'une liberté entière pour déterminer quels seront les sujets débattus et les questions mises aux votes au cours des jours désignés. Il incombe à l'opposition, et à elle seule, de veiller à faire bon usage : après tout, la qualité du travail du gouvernement en Chambre n'est pas le seul qui soit exposé au jugement de la population canadienne. Enfin, nous soulignons que le paragraphe 81(13) du Règlement précise déjà que les jours désignés peuvent être utilisés «aux fins d'étudier les rapports des comités permanents afférents à l'étude des prévisions budgétaires par ces comités». Les partis d'opposition pourraient souhaiter mieux profiter de cette possibilité à l'avenir.

VIII. LA RESPONSABILITÉ DES MINISTRES ET DES SOUS-MINISTRES

Les comités qui étudient le Budget des dépenses peuvent demander au ministre, au ministère ou aux représentants officiels des organismes ou à d'autres parties intéressées de comparaître à titre de témoins. Pour bien comprendre le Budget des dépenses qui leur est présenté, ils doivent, en particulier, avoir l'aide des ministres et de leurs fonctionnaires. Les hauts fonctionnaires et les membres des comités, toutefois, ont eu, à l'occasion, de la difficulté à faire la distinction entre les questions administratives - la sphère de compétence du fonctionnaire - et les questions politiques, qui relèvent des ministres. Comme l'a écrit l'un des témoins, Peter Dobell, cela entraîne souvent des situations dans lesquelles

les fonctionnaires ont souvent eu tendance à répondre avec prudence aux demandes de renseignements que les députés leur adressaient en comité57.
Résultat : les membres des comités n'obtiennent pas l'information dont ils ont besoin. De plus, on rate une occasion d'établir une collaboration entre eux et les membres des comités. Comme l'a affirmé M. Mallory, les comités qui travaillent avec les fonctionnaires (plutôt que contre eux) d'une façon coopérative plutôt que contradictoire, peuvent obtenir des résultats avantageux pour tous les intéressés.

Les changements qui sont en voie de réalisation, ajoutés à nos recommandations, si elles sont adoptées, devraient amener les comités à examiner les programmes et les ministères d'une façon plus régulière et ainsi à resserrer les liens entre les fonctionnaires et les comités. M. Thomas affirme que la question de savoir si les sous-ministres devraient être tenus directement et personnellement responsables de l'économie, de l'efficience et de l'efficacité des opérations liées aux programmes se posera ensuite. Selon l'honorable Maurice McTigue, en Nouvelle-Zélande, où de nombreux éléments de cette approche ont déjà été mis en place, la question se pose effectivement.

Même si, comme l'affirme M. Thomas, il n'est pas toujours facile d'établir une distinction nette entre l'administration et les politiques, nous sommes d'accord pour affirmer que les députés et les fonctionnaires doivent recevoir certains conseils quand ces derniers témoignent devant les comités. Ce genre de lignes directrices élimineraient toute ambiguïté entourant les sujets que les comités peuvent étudier en compagnie des hauts fonctionnaires des ministères et paveraient la voie à une relation constructive. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor élabore un ensemble de lignes directrices à l'intention des hauts fonctionnaires qui témoignent devant les comités permanents de la Chambre des communes à propos du Budget des dépenses, des plans et des rapports de rendement des ministères, et que ces lignes directrices soient communiquées aux membres des comités.

De plus, parce que nous croyons essentiel de tenir compte des besoins des députés quand ces lignes directrices seront rédigées, nous recommandons :

Que, dans le cadre du processus de rédaction d'un ensemble de lignes directrices destinées aux hauts fonctionnaires qui témoignent devant les comités pour discuter du Budget des dépenses, des plans et des rapports de rendement, le Secrétariat du Conseil du Trésor consulte les députés.

Le Comité recommande aussi :

Que, dès qu'elles auront été élaborées, les lignes directrices à l'intention des hauts fonctionnaires qui doivent comparaître devant les comités pour parler du Budget des dépenses, soient soumises, pour étude et approbation, au Comité permanent du Budget des dépenses.

IX. LE PRINCIPE DE LA CONFIANCE ET L'ÉTUDE DES CRÉDITS

Une des caractéristiques de notre régime parlementaire, c'est que l'exécutif, ou le Cabinet, qui forme le gouvernement, fait partie du Parlement élu plutôt que d'en être séparé et est responsable devant lui. À cet égard, on peut dire que le gouvernement émerge de la Chambre des communes. Pour atteindre et conserver ce statut, il doit bénéficier du soutien de la majorité des députés qui siègent à la Chambre. S'il ne peut obtenir ce soutien dans ses grandes orientations, il lui est impossible de conserver le pouvoir. Cette règle, qui n'est écrite ni dans une loi ni dans le Règlement de la Chambre, est connue sous le nom de «principe de la confiance».

Si la Chambre était composée de personnes sans affiliation politique, qui appuieraient l'exécutif uniquement en fonction de son rendement, et si ce dernier devait être reconfirmé périodiquement, ce système permettrait peut-être au Parlement d'exercer un contrôle absolu sur les dépenses. Toutefois, au XIXe siècle, la montée du droit de vote et le rôle de plus en plus important des luttes politiques quand venait le temps de former des gouvernements ont suscité l'émergence de partis politiques disciplinés. Cela a créé une situation dans laquelle les gouvernements majoritaires peuvent, grâce à l'exercice d'une discipline de parti, dominer le Parlement.

Nombreux sont ceux qui voient dans la combinaison du principe de la confiance et de la forte discipline de parti une des principales raisons pour lesquelles les dépenses gouvernementales sont actuellement peu examinées par le Parlement du Canada. Par exemple, dans son rapport de 1993 à la Chambre des communes, le vérificateur général a affirmé ce qui suit :

L'une des principales raisons de ce manque apparent d'intérêt tient aux répercussions du principe de la confiance qui, selon l'interprétation actuelle, transforme toute mesure de modification d'un crédit du Budget des dépenses en une motion de défiance possible de la Chambre à l'endroit du gouvernement58.
M. Thomas s'est fait l'écho de cette remarque quand il a écrit qu'«en raison du fait que les modifications apportées au Budget des dépenses étaient considérées comme des votes de défiance, l'influence du Parlement sur les grands plans et détails des dépenses était réduite au minimum».

Même si aucun des témoins n'a contesté la notion selon laquelle le principe de confiance exerce une influence considérable sur la capacité qu'a un gouvernement majoritaire de faire adopter son Budget des dépenses sans modification importante, aucun n'a proposé de modifier vraiment le statu quo. Le Greffier de la Chambre a affirmé qu'il appartenait au gouvernement de fixer les modalités en vertu desquelles la confiance pouvait être mise à l'épreuve. Il a ajouté que «la question de la confiance ne relève pas de la procédure parlementaire». (1re Session, séance no 1, le 28 septembre 1995, p. 1:5) M. Claude-André Lachance s'est exprimé plus brutalement lorsqu'il a affirmé que :

La confiance est là pour celui qui veut la voir. Ce n'est pas constitutionnel. Ce n'est même pas une question de procédure, sauf d'une façon très étroite. La confiance n'a rien à voir avec les règles de la Chambre. C'est une question de discipline de parti, et c'est là une question politique et non pas de procédure. (1re Session, séance no 6, le 23 novembre 1995, p. 6:8)
Même si nous reconnaissons que l'application du principe de confiance impose de véritables contraintes à la capacité de la Chambre de superviser l'étude des crédits, nous ne croyons pas que ces contraintes soient insurmontables. De plus, nous ne trouvons aucun moyen d'éliminer le principe de la confiance de cet aspect du travail du Parlement sans modifier notre régime de gouvernement. Nous sommes d'accord avec les témoins qui ont affirmé que la politique budgétaire et la politique des dépenses constituent la partie essentielle du programme politique du gouvernement : si cet aspect de ses orientations n'est pas approuvé par le Parlement, le gouvernement perd manifestement la confiance de la Chambre et doit démissionner. Comme nous l'a dit M. Robert Marleau, le Greffier de la Chambre :

Mais si la Chambre est saisie du programme financier du gouvernement pour l'année financière, et s'il perd le vote, il est très difficile pour le gouvernement de protester. Puisque dans notre régime, c'est la Couronne qui recommande et la Chambre qui approuve les dépenses, il est assez évident que le gouvernement ne pourrait pas survivre à une telle situation. (1re Session, séance no 1, le 28 septembre 1995, p. 1:1)
L'honorable Maurice McTigue a affirmé qu'en Nouvelle-Zélande, pays où le Parlement fonctionne selon des principes semblables aux nôtres, les votes sur les questions budgétaires sont également considérés comme des questions de confiance :

Dans le système gouvernemental de Westminster, tout est construit sur la confiance que le Parlement a dans le gouvernement et dans sa capacité de gouverner. Le pouvoir de dépense fait partie intégrante de cette confiance, et si vous l'enlevez au gouvernement, vous indiquez par là que le Parlement n'a plus confiance dans le gouvernement et dans ses propositions. Il est donc toujours grave de vouloir modifier une politique que le gouvernement veut faire adopter par l'intermédiaire du budget.(2e Session, séance no 3, le 30 mai 1996, p. 3:13)
De plus, à notre avis, il est absolument essentiel que le vote des crédits soit considéré comme une question de confiance si la suprématie du Parlement doit signifier quelque chose. Cet argument a été défendu avec vigueur par feu Eugene Forsey, qui a écrit que la démission d'un gouvernement à la suite d'une défaite sur les crédits représentait «la règle inexorable de notre constitution» parce que, selon lui,

à moins qu'un refus du Parlement de voter les crédits ne force une démission ou une dissolution, le Parlement n'a aucun moyen de faire respecter son contrôle sur l'exécutif gouvernemental [Cabinet]59.
Qui plus est ce n'est pas le principe de la confiance en soi qui fait de l'étude des crédits un exercice inutile : en effet, cette tradition est essentielle pour que l'examen parlementaire soit significatif. La difficulté repose dans l'application de la discipline de parti en vertu des conditions de fonctionnement d'un gouvernement majoritaire, d'où il découle que le résultat des votes sur les crédits est connu d'avance. Toutefois, la discipline de parti est une caractéristique d'un gouvernement responsable contemporain et une de celles, comme nous l'ont dit certains témoins, qu'aucune modification des règles ne peut changer. De plus, comme l'a souligné M. Dobell, l'utilisation que le gouvernement fait de la discipline de parti pour amener ses membres à appuyer le Budget des dépenses est tellement intégrée à la culture politique canadienne qu'aucune modification n'est prévisible, sauf quand des gouvernements minoritaires sont au pouvoir. Même si, sous divers aspects, il serait souhaitable que l'on adoucisse la façon de comprendre l'application de la discipline et le principe de la confiance, nous sommes d'accord avec les témoins pour affirmer que c'est aux gouvernements - et cela comprend les partis - de s'occuper de leurs affaires.

Nous devons également rappeler qu'en combinant les pouvoirs actuels, les nouveaux instruments pour donner de l'information financière et les nouvelles possibilités qui sont offertes aux comités pour influer sur les futures dépenses des ministères et des organismes, il est possible de surmonter certaines des frustrations qui ont cours actuellement. Dans son témoignage, le vérificateur général a rappelé cette possibilité au Sous-comité. Selon lui :

Le gouvernement se propose de modifier le système de gestion des dépenses, et si j'ai bien compris, c'est une proposition qui a pour but de surmonter, du moins en partie, ces frustrations [qu'engendre l'application du principe de la confiance]. (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995, p. 3:7)
Nous arrivons donc à la conclusion selon laquelle il y a une bonne raison de traiter la grande question de la politique budgétaire et des dépenses du gouvernement comme une affaire de confiance et d'affirmer que ce principe doit être solidement maintenu en place.

Toutefois, nous croyons également qu'un certain adoucissement du principe de la confiance tel qu'il s'applique à certains éléments de cette politique plus large doit être garanti. Nous proposons donc d'adopter les mesures qui suivent.

Même s'il semble difficile et non avisé d'éliminer l'application du principe de la confiance du processus d'octroi des crédits, il est peut-être possible d'assouplir ce principe afin de permettre aux députés de réduire certaines dépenses. Le gouvernement pourrait simplement annoncer à l'avance qu'il ne considérerait pas qu'une défaite concernant un crédit particulier constitue une perte de confiance. Pour souligner cette affirmation et pour satisfaire au besoin de démontrer que la confiance existe toujours, le gouvernement pourrait faire suivre cette défaite par un vote de confiance officiel. Dans son rapport final, le Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (le comité McGrath) a fait la remarque qui suit :

La défaite d'une mesure financière est chose sérieuse, mais le gouvernement peut accepter qu'un poste budgétaire soit supprimé ou réduit. Il peut également indiquer qu'un vote ultérieur sera un vote de confiance ou proposer immédiatement un vote de confiance60.
Cette approche n'est pas aussi radicale ou innovatrice qu'elle pourrait le sembler. En effet, certains gouvernements canadiens précédents ont appliqué des mesures analogues sans remettre en cause les traditions ou les normes parlementaires. En 1968, par exemple, le gouvernement dirigé par le très honorable Lester Pearson a été défait par quelques voix à l'occasion de la troisième lecture d'un projet de loi destiné à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu. Quelques jours après, M. Pearson a proposé une motion disant que la Chambre n'avait pas considéré que la défaite constituait un vote de défiance. Après un débat, la motion a été adoptée. Par conséquent, si les gouvernements annonçaient qu'ils accepteraient des défaites sur certains éléments des crédits et qu'ils les feraient suivre d'un vote officiel pour évaluer la confiance, ils n'innoveraient pas, mais ils confirmeraient simplement ce qui a déjà été mis en pratique dans des circonstances comparables.

Cette approche est porteuse de divers avantages. Les gouvernements conserveraient leur pouvoir de définir les éléments de leurs propositions relatives aux dépenses qu'ils considèrent essentielles et, par conséquent, qui exigent la confiance. La confiance demeurerait, pour utiliser l'expression de M. Marleau, «dans l'esprit du gouvernement». (1re Session, séance no 1, le 28 septembre 1995) En même temps, en adoucissant le principe de la confiance en ce qui a trait à certains points des crédits, les gouvernements accorderaient à leurs députés la liberté de voter conformément à leur jugement personnel. Les députés ainsi libérés seraient en mesure de battre ou de réduire un point des crédits (ou de le conserver) et pourraient ainsi acquérir une influence véritable. Le fait d'accorder aux parlementaires le dernier mot encouragerait ces derniers à prendre beaucoup plus au sérieux l'étude des crédits et entraînerait, croyons-nous, un meilleur examen général de tous les budgets des dépenses et des mesures liées aux crédits et améliorerait la confiance qu'ont les Canadiens en l'efficacité de leur Chambre des communes.

Il existe un autre moyen possible pour éviter que le principe de la confiance entre en jeu lorsque la Chambre vote des crédits. Il s'agirait essentiellement pour le gouvernement d'accepter les réductions de dépenses recommandées par les comités avant que la Chambre vote. Cela pourrait se faire de deux manières.

Nous avons proposé précédemment que les gouvernements adoptent la pratique d'indiquer qu'ils sont disposés à accepter les réaffectations de fonds proposées par des comités permanents. Nous ajouterions à cela une deuxième suggestion : que les gouvernements annoncent qu'ils envisageront d'accepter que certains Budgets des dépenses soient réduits par les comités permanents - sans que des sommes équivalentes soient allouées à d'autres activités. Un des témoins, M. Dobell, a évoqué cette possibilité dans son témoignage. Il a déclaré ce qui suit :

Si le comité propose des modifications au Budget des dépenses et réduit les montants prévus, la Chambre en est saisie. À moins que le gouvernement cherche à renverser cette décision, et que la motion soit rejetée à la Chambre, la décision du comité réduit bel et bien le Budget des dépenses sans qu'il y ait eu question de confiance à l'égard du gouvernement. (1re Session, séance no 3, le 19 octobre 1995 p. 3:13)
La solution, par conséquent, serait que le gouvernement accepte officiellement cette possibilité, évitant ainsi la question de confiance. Les avantages de cette approche seraient importants. Les comités auraient l'occasion d'apporter une contribution importante au contenu du Budget des dépenses, tandis que les gouvernements conserveraient encore le pouvoir d'accepter ou de refuser le Budget des dépenses tel qu'amendé par un comité. En cas de rejet, les gouvernements pourraient présenter le Budget des dépenses sous sa forme initiale pour approbation à la Chambre. Si, en revanche, les modifications étaient acceptées par un gouvernement, elles pourraient être présentées à la Chambre comme étant celles du gouvernement, ce qui écarterait la possibilité que la question de confiance ne se pose.

En terminant, nous souhaitons insister pour que le gouvernement invoque le plus rarement possible le principe de la confiance pour ce qui est des questions de crédits. Comme nous l'avons souligné à maintes reprises dans le rapport, il est essentiel que les députés aient toutes les possibilités de participer de façon utile au processus d'attribution des crédits. Nous estimons que le gouvernement a un rôle à jouer à cet égard, c'est-à-dire d'assouplir l'application du principe de la confiance dans le domaine essentiel des travaux du Parlement. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement n'invoque que rarement le principe de la confiance pour les questions de crédits, particulièrement les jours désignés où les motions devant la Chambre ne touchent pas directement les crédits et dans les cas où les comités permanents proposent des réductions des Budgets des dépenses.

X. ATTITUDES PARLEMENTAIRES À L'ÉGARD DES CRÉDITS ET DES DÉPENSES

Au cours de l'examen de l'étude des crédits, on a beaucoup parlé de l'évolution culturelle en cours dans la fonction publique, une évolution qui suppose une façon nouvelle de considérer le travail des ministères, de l'exécuter et de répartir les responsabilités. Cet effort exige ce que beaucoup appellent un «changement de culture» qui n'a rien de simple et de facile. Toutefois, d'après ce que nous avons constaté, des progrès ont été réalisés.

Nous croyons que la Chambre et ses députés doivent s'engager dans des changements culturels qui leur sont propres en ce qui a trait à l'étude du Budget des dépenses et des crédits. Comme nous l'avons fait remarquer fréquemment au cours de notre rapport, les obstacles qui s'opposent à une participation plus effective et plus significative à cet aspect vital du travail du Parlement sont en voie d'être éliminés. Le seul qui demeure - et il est de taille - c'est l'ensemble des attitudes parlementaires à l'égard des crédits acquises au cours de nombreuses années. Cet obstacle doit être éliminé si l'on veut que les autres réformes aient quelque influence que ce soit.

Quand il a témoigné devant le Sous-comité, le haut-commissaire de la Nouvelle-Zélande a été invité à dire quel était son critère pour évaluer un bon débat sur le Budget des dépenses. Voici ce que M. McTigue a répondu :

Un débat qui porte sur le fond et non sur des bagatelles. Il y a trop de bagatelles et pas assez de fond. Je ne connais pas de Parlement qui n'ait pas ce problème. (2e Session, séance no 3, le 30 mai 1996, p. 3:6)
Le fait qu'il ne connaisse aucun parlement où les questions importantes reçoivent plus d'attention que les sujets anodins dans les débats sur le Budget des dépenses ne nous a guère réconfortés.

Ce qui importe le plus, c'est que les députés de la Chambre utilisent autant qu'ils le peuvent les mécanismes qui leur sont offerts pour les aider à obliger le gouvernement à rendre des comptes, ce qui est leur rôle. Cette approche doit également s'appliquer aux nouvelles règles et aux nouveaux mécanismes. Comme l'a dit le leader du gouvernement à la Chambre, l'honorable Herb Gray, quand il a présenté des changements majeurs au Règlement le 7 février 1994,

Ce n'est pas seulement en modifiant le Règlement que nous y parviendrons. Nous changerons des choses dans la mesure où nous appliquerons les nouvelles procédures61.
Nous sommes profondément d'accord avec ces commentaires; tout au long du présent rapport, nous avons demandé aux députés et aux comités d'utiliser toutes les procédures actuelles et les nouvelles occasions de façon à mieux contrôler les dépenses du gouvernement. Même dans le régime actuel (tel que modifié par les récents changements) une nouvelle approche à l'égard des crédits pourrait, nous en sommes convaincus, résulter en un meilleur examen. À une époque où la confiance du public à l'égard du Parlement est réduite au minimum, les députés doivent démontrer qu'ils ont confiance en ce dernier et prouver, grâce à leur travail acharné et à leur dévouement, que cela peut fonctionner. Dans une grande mesure, le Parlement est ce que nous, députés, en faisons. Cela s'applique également à l'étude des crédits que nos prédécesseurs et nous avons imaginée afin de nous assurer un moyen d'obliger le gouvernement à rendre des comptes. Nous avons les instruments pour le faire; il ne nous reste qu'à les utiliser. Comme l'un des témoins, M. Jean-Pierre Boisclair de la Fondation canadienne pour la vérification intégrée, nous l'a dit, pour que les mécanismes de responsabilisation fonctionnent, c'est au Parlement d'agir.

XI. CONCLUSION

Le pouvoir d'accorder ou de refuser les crédits fait partie des mécanismes les plus importants du Parlement. Grâce à l'utilisation judicieuse de ce pouvoir, le Parlement peut, au nom des électeurs, forcer le gouvernement à rendre des comptes. Le gouvernement doit rendre publiques les grandes lignes de ses plans de dépenses pour la prochaine année financière. Ces prévisions sont ensuite soumises à l'examen du Parlement. Au cours de ce processus, le gouvernement doit expliquer et justifier ses projets et démontrer qu'ils sont conformes au pouvoir dont il est investi en vertu des lois du Parlement. Ce dernier doit ensuite décider s'il approuve les crédits demandés.

Le pouvoir d'accorder ou de refuser les crédits représente une formidable responsabilité. Le Parlement est la création de l'électorat qui met sa confiance en l'institution. Le Parlement est donc le gardien de l'intérêt public et le surveillant des finances publiques. Avec l'accroissement des activités gouvernementales et la croissance correspondante des dépenses du secteur public, ses obligations sont plus grandes. Dans une conjoncture économique difficile où il faut maîtriser la dette gouvernementale, les ressources deviennent de plus en plus rares et de plus en plus précieuses, et les décisions concernant leur affectation deviennent plus difficiles et sujettes à controverse. Dans ces circonstances, le Parlement se doit de résister à toute érosion de son pouvoir et d'exercer ce dernier au maximum, tout en veillant à ce que les mécanismes qu'il emploie pour y parvenir soient efficaces.

Toutefois, au cours des dernières années, le Parlement n'a pas exercé complètement son autorité en ce qui a trait aux crédits. Nous avons défini deux causes à cela. La première tient à des règles et à des structures qui ne facilitent pas - et même, parfois, entravent - l'examen consciencieux des dépenses proposées. La seconde réside dans l'attitude des parlementaires qui, découragés par les éléments négatifs qu'engendrent des règles et des structures inappropriées, concentrent leur attention sur d'autres sujets.

Nous croyons que le Parlement et ses députés peuvent surmonter ces obstacles, si formidables soient-ils. Le Parlement est maître de ses règles et de ses structures internes, et peut, par conséquent, les modifier si elles ne semblent pas fonctionner. Il est également possible, comme nous l'avons affirmé précédemment, de changer des attitudes.

Nous sommes donc fermement convaincus que les suggestions et les recommandations contenues dans le présent rapport permettront au Parlement d'honorer ses obligations. À une époque où bien des gens ont exprimé leurs doutes quant à l'efficacité et à la pertinence de l'institution, nous sommes convaincus que ces mesures peuvent aider à renouveler la confiance du public envers le Parlement. De plus, elles permettront de tirer parti de l'expertise et de la compétence des députés, qui utiliseront leurs capacités pour encourager et promouvoir une meilleure utilisation des dépenses gouvernementales. En fait, ces modifications amélioreront la capacité qu'a le Parlement de faire rendre des comptes au gouvernement et participeront de façon importante à la santé démocratique de notre société. Les députés de l'actuel Parlement, dont bon nombre ont été élus pour une première fois, sont arrivés en étant déterminés à véritablement changer la façon dont la Chambre mène ses affaires. Nos propositions misent sur les traditions actuelles du Parlement tout en permettant aux députés de mettre en pratique leur détermination de mieux servir les intérêts des citoyens, des contribuables et du pays tout en entier.


1 Extrait des Journaux de la Chambre des communes, 7 juin 1995.

2 Michael Ryle, «Supply and Other Financial Procedure», sous la direction de S.A. Walkland, The House of Commons in the Twentieth Century, Oxford University Press, Oxford, 1979, p. 343.

3 Groupe d'étude des questions parlementaires (Royaume-Uni) cité dans Ibid., p. 343.

4 Le sénateur John B. Stewart, The Canadian House of Commons: Procedures and Reform, McGill-Queen's University Press, Montréal, 1977, p. 114.

5 Ces définitions sont extraites du document intitulé Vocabulaire des procédures parlementaires, Chambre des communes, Canada, 1992.

6 Voir Stewart, p. 109.

7 Ibid., p. 97-98.

8 Ibid., p. 113.

9 Sir John George Bourinot, Parliamentary Procedure and Practice in the Dominion of Canada, 4e édition, Thomas Barnard Flint (dir.), Canada Law Book Company, Toronto, 1916, p. 404-405.

10 Voir Bourinot, p. 420-421.

11 Stewart, p. 115-116.

12 Voir Bourinot (1916), p. 433-439.

13 Ibid., p. 440-443.

14 Ibid., p. 443-446.

15 Stewart (1977), p. 116.

16 Ibid., p. 116.

17 W.F. Dawson, Procedure in the Canadian House of Commons, University of Toronto Press, Toronto, 1962,p. 213-214.

18 Ibid., p. 214-215.

19 Stewart (1977), p. 116-118.

20 Ibid. Au sujet des critiques sur l'étude des crédits avant 1965, voir également Stewart, p. 118. Chacune des six motions est devenue l'occasion de présenter ce qui équivalait généralement à un amendement de censure. Il y avait également des problèmes quant à l'emploi du temps, aux avis et au calendrier.

21 Dawson (1962), p. 211.

22 Ibid.

23 Comité spécial de la procédure, Troisième rapport, 6 décembre 1968, p. 429-430.

24 La Chambre des communes, Journaux, 20 décembre 1968, p. 554-579.

25 Chambre des communes, Débats, 7 février 1994, p. 962.

26 Ibid.

27 Les honorables Ron Huntington et Claude-André Lachance, Responsabilité : Boucler la boucle, préparé pour le Comité spécial du règlement et de la procédure de la Chambre des communes, Ottawa, 1982, p. 3-4.

28 Rapport du Comité de liaison sur l'efficacité des comités, Le gouvernement parlementaire, n5 43, juin 1993, p. 4.

29 Ibid., p. 8.

30 Ibid., p. 8.

31 Voir, par exemple, Gouvernement du Canada, Budget des dépenses principal, 1995-1996, partie I, chapitre 5, «Le Système de gestion des dépenses du gouvernement du Canada».

32 Gallup Canada Inc., Le sondage Gallup, le 1er février 1993. D'autres sondages révèlent des résultats semblables.

33 Données fournies par la Direction des comités de la Chambre des communes.

34 Le véritable montant était de 49 904 505 000 $ en vertu des autorisations votées dans le Budget des dépenses principal de 1993-1994.

35 Président du Conseil du Trésor, Rapport annuel au Parlement (1995), Les sociétés d'État et autres sociétés dans lesquelles le Canada détient des intérêts, décembre 1995, p. 7.

36 Ibid., p. 9.

37 Huntington et Lachance, 1982.

38 Ibid., p. 11-12.

39 Nota : Cette estimation ne comprend pas le coût d'une équipe de recherchiste.

40 Ce montant et les autres qui suivent ne font pas état des dépenses des comités mixtes permanents qui, pour l'exercice 1995-1996, représentaient 181 381 $. Tous les chiffres fournis ici sont tirés du rapport annuel de la Direction des comités et associations parlementaires (Rapport annuel des activités et des dépenses de 1995-1996, juin 1996) présenté à la Chambre des communes.

41 Par exemple, de 1972 à 1974, quand un gouvernement minoritaire était au pouvoir, le Parlement a apporté deux réductions aux dépenses qui s'élevaient à environ 20 000 $, somme insignifiante par rapport aux milliards de dollars des dépenses totales du gouvernement.

42 Canada, Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité, Rapport final, mars 1979, p. 108.

43 Le Bureau du vérificateur général, Budget des dépenses de 1996-1997, partie III, p. 7. Le montant exact est de 48 988 000 $.

44 Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, 1992, 6.2.

45 Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité, 1979, p. 110.

46 Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, 1993, 8.82.

47 Ibid., 8.83.

48 Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, mai 1996, 3.30.

49 Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, 1992, p. 189.

50 Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, 1984, p. 1.

51 Canada, ministère des Finances, Gouvernement du Canada : Dépenses fiscales.

52 Le passif éventuel est défini comme une dette potentielle, c'est-à-dire qui pourrait devenir réelle si un ou plusieurs événements futurs se produisaient ou ne se produisaient pas.

53 Vérificateur général, 1992, p. 189.

54 Ibid, p. 189.

55 Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité, 1979, p. 113.

56 Ibid, p. 113.

57 Peter Dobell, «Le Parlement et le Budget des dépenses», Régime parlementaire, no 45, janvier 1994, p. 4.

58 Le rapport annuel du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, 1993, paragraphe 1.22, p. 19.

59 Eugene A. Forsey et G.C. Eglington, The Question of Confidence in Responsible Government, Ottawa, 1985, p. 36.

60 Canada, Chambre des communes, Rapport du Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes, (le comité McGrath), juin 1985, p. 9.

61 Canada, Chambre des communes, Débats, le 7 février 1994, p. 959.


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