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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 19 novembre 1996

.0943

[Traduction]

Le président: À l'ordre. Le Comité des finances est heureux d'accueillir M. Andrew Sharpe. J'ai invité M. Sharpe à comparaître devant le comité, car l'année dernière il a donné un séminaire de deux jours et demi ici, à Ottawa, sur la différence entre les taux de chômage américain et canadien, un sujet qui entre tout à fait dans le cadre des travaux du comité.

Je vous remercie, monsieur Sharpe, de vous être déplacé.

M. Andrew Sharpe (Centre d'étude de niveau de vie): Je remercie le comité et en particulier, Jim Peterson, son président, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je travaille au Centre d'étude de niveau de vie, un organisme de recherche économique indépendant basé à Ottawa qui a été fondé il y a un peu plus d'un an. Il a pour objectif de contribuer à la compréhension des tendances des déterminants du niveau de vie au Canada et par conséquent, au développement de politiques davantage orientées sur son amélioration.

Nos activités sont dirigées par un groupe d'économistes canadiens réputés, parmi lesquels figurent Pierre Fortin, Craig Rudell, Rick Harris, Lars Osberg, Ian Stewart, un ancien sous-ministre des Finances, et David Slater, l'ancien président du Conseil économique du Canada. Nous avons été amenés à effectuer, entre autres, des études sur la productivité du secteur tertiaire, sur les conseils commerciaux sectoriels patronat-syndicats, et sur l'écart entre le taux de chômage au Canada et aux États-Unis. C'est ce dont je vous entretiendrai aujourd'hui: l'écart entre le taux de chômage au Canada et aux États-Unis.

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Comme l'a mentionné le président, il y a eu, en février, à Ottawa, une conférence sur les raisons pour lesquelles le chômage est plus élevé au Canada qu'aux États-Unis. Elle était financée par plusieurs ministères, notamment Développement des ressources humaines Canada, ainsi que par le secteur privé. Les communications faites à la conférence - au moins 13 d'entre elles - seront publiées dans un numéro spécial d'Analyse de Politiques. J'ai par ailleurs apporté une documentation sur la conférence, au cas où certains d'entre vous seraient intéressés.

J'aimerais faire aujourd'hui une synthèse des conclusions de la conférence, et vous présenter des recherches encore plus récentes sur l'écart entre les taux de chômage de ces deux pays. J'ai structuré ma communication en trois grandes parties. Je veux, pour commencer, parler de données fondamentales sur les marchés du travail canadien et américain, notamment dans la perspective du décalage entre les deux pays. J'aborderai ensuite les diverses interprétations fournies pour expliquer cet écart. Et je conclurai par quelques observations sur les conséquences de ces interprétations au niveau des politiques.

La première question est de savoir pourquoi le décalage est aussi important. À cela, il y a deux raisons: premièrement, nous avons un taux de chômage élevé au Canada. Nous savons tous que le chômage est une variable très importante des résultats économiques, et nous avons très mal réussi à cet égard ces dernières années.

La deuxième raison est que les États-Unis constituent une référence pour l'économie canadienne en ce qui a trait aux performances. Nous nous comparons toujours aux États-Unis, et quand nos résultats sont médiocres, nous y voyons un problème.

Pour traiter du pourcentage réel du décalage et de la façon dont il a évolué au cours des ans, j'ai préparé une note regroupant des données fondamentales sur le taux de chômage au Canada au cours des quelque 50 dernières années: elles figurent au tableau 1, et il y a d'autres données au tableau 2 sur les tendances de plusieurs variables du marché du travail. Je me contenterai de faire la revue de quelques-uns des points saillants. Je reconnais qu'il y a beaucoup de chiffres, mais il est important de comprendre le décalage entre les deux pays pour en saisir la signification.

Jusqu'ici, en 1996, le chômage au Canada a dépassé de 4,2 points de pourcentage celui des États-Unis. Au cours des trois premiers trimestres de l'année, le chômage était de 9,6 p. 100 au Canada contre 5,4 p. 100 aux États-Unis - un écart de 4,2 p. 100. Au cours du mois le plus récent, l'écart a en fait augmenté, comme vous le savez. Le chômage a atteint 10 p. 100 en octobre et il est tombé à 5,2 p. 100 aux États-Unis. Le décalage est donc maintenant en réalité plus élevé que vous le voyez ici, en moyenne annuelle.

J'aurais quatre observations à faire au sujet du tableau 1. La première, c'est qu'avec le temps, on constate une tendance importante à la hausse de l'écart. Historiquement, il s'agit d'un phénomène récent. Quand on regarde les moyennes, à la deuxième page, pour les diverses décennies, on constate que dans les années 50, le chômage était en fait plus élevé aux États-Unis qu'au Canada. Dans les années 60, il était à peu près égal. Dans les années 70, il était un peu plus élevé au Canada, environ 0,5 p. 100. Ensuite, dans les années 80, il était, en moyenne, de 2 p. 100 plus élevé au Canada qu'aux États-Unis. Enfin, dans les années 90, il était, en moyenne, de presque 4 p. 100 plus élevé au Canada. Il y a donc une tendance à la hausse avec le temps, tendance qui s'est accélérée au cours desannées 80.

Deuxièmement, c'est seulement depuis le début des années 80 que cet écart s'est maintenu. On trouve des exemples, avant 1981, où le décalage était en faveur du Canada, mais cela n'a jamais duré très longtemps, même en 1978, où l'écart était de 2.2 p. 100. Il s'agit donc d'un phénomène typique des années 80, et plus encore des années 90.

Troisièmement, il existe une corrélation très étroite entre le décalage et les performances économiques globales, notamment la croissance. Depuis les années 60, les périodes où l'on a enregistré un taux de chômage plus faible au Canada qu'aux États-Unis ont été entre 1963 et 1966 et entre 1974 et 1976. Il s'agissait de périodes pendant lesquelles les résultats de l'économie canadienne étaient nettement supérieurs à ceux de l'économie américaine, ce qui entraîna un chômage moins élevé au Canada qu'aux États-Unis. Il existe donc une étroite corrélation entre l'écart des taux de chômage et la performance relative de l'économie canadienne par rapport à l'économie américaine.

Passons maintenant au deuxième tableau, sur lequel j'aimerais faire quelques remarques. On peut commencer par s'intéresser à deux périodes: les années 80, pendant lesquelles l'écart est monté à environ 2 p. 100; et les années 90, quand l'écart a augmenté de 2 autres points de pourcentage, pour atteindre une moyenne d'environ 4 p. 100. Le décalage a des causes différentes au cours de ces deux périodes, et on parvient à mieux les cerner quand on observe les tendances des diverses variables du marché du travail qui déterminent le taux de chômage.

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Il faut commencer par noter que l'écart s'est manifesté dans les années 80, non pas parce que le chômage avait augmenté au Canada - tout du moins, pas si l'on fait une comparaison portant sur la période entre 1981 et 1989, qui correspond à des années record - mais parce que le chômage aux États-Unis est tombé d'environ 7,5 p. 100 à 5,2 p. 100 entre 1981 et 1989.

Si l'on se penche sur ce qui est véritablement arrivé dans les années 80 à l'économie canadienne au niveau des variables du marché du travail par rapport aux États-Unis, on s'aperçoit que notre situation était très semblable à celle des États-Unis au plan de la croissance de la population active, du taux de participation et de la main-d'oeuvre. Même la croissance de notre production était foncièrement identique à celle des États-Unis, mais la croissance de l'emploi était moins rapide, avec un écart d'environ 0,3 p. 100. Cette plus faible croissance de l'emploi n'a pas foncièrement influé sur le taux de chômage, alors qu'aux États-Unis, il a baissé.

Quand on passe aux années 90, on constate qu'au Canada, la situation économique est complètement différente par rapport à celle qui existait dans les années 80. En premier lieu, le taux de chômage a augmenté dans les années 90. On est passé de 7,5 p. 100 en 1989 à environ 9,5 p. 100 en, disons, 1995 ou 1996. Aux États- Unis, toutefois, le taux de chômage n'a connu qu'une augmentation minimale.

En ce qui concerne la croissance de l'emploi, là encore, au cours des années 90, elle a été plus faible qu'aux États-Unis d'environ 0,5 p. 100. La raison majeure de ce phénomène, c'est que la croissance de notre production a été beaucoup plus faible qu'aux États-Unis - je reviendrai sur ce point plus tard car il est important.

La croissance de notre production a été très faible. On voit ici notre croissance de production; l'économie canadienne a progressé de seulement 1,3 p. 100 par an depuis 1989, par comparaison à 3,2 p. 100 dans les années 80 et par comparaison également à une performance américaine supérieure de 1,8 p. 100.

Si l'on examine ce qui s'est passé sur le marché du travail canadien dans les années 90...

Le président: Permettez-moi de vous interrompre, Andrew. Par «production réelle», voulez-vous dire en PIB?

M. Sharpe: Effectivement, en PIB réel.

Le président: En PIB réel.

M. Sharpe: Oui, et c'est la variable économique clé sous de nombreux aspects.

Le président: Parfait.

M. Sharpe: J'ai deux remarques très importantes à faire au sujet du marché du travail dans les années 90. La première concerne la croissance de la population en âge de travailler, c'est-à-dire, tous les gens âgés de 15 ans et plus. Elle a été de 1,6 p. 100 par an, une progression par rapport à ce qu'elle était dans les années 80, quand elle augmentait de 1,3 p. 100 par an. L'immigration est la principale raison de la croissance plus rapide de notre population en âge de travailler. Nous avons accueilli de 200 à 250 000 immigrants par an au cours de la première moitié des années 90, ce qui est considérablement plus que dans les années 80. C'est ce qui a entraîné une croissance plus rapide de la population en âge de travailler. Aux États-Unis, en revanche, la croissance de la population en âge de travailler est d'environ 0,5 p. 100 inférieure à celle du Canada - je reviendrai là-dessus plus tard, quand j'en serai aux explications.

Deuxièmement, il y a eu une évolution vraiment désastreuse au niveau de notre taux de participation. Il est tombé d'environ 0,7 p. 100 par an depuis 1989, en particulier chez les jeunes et chez les hommes d'âge mûr. Ils ont déserté le monde du travail en grand nombre à cause du climat économique médiocre. S'ils étaient restés dans la population active, notre taux de chômage serait significativement plus élevé qu'il ne l'est actuellement - et cela contraste encore avec les États-Unis, où le taux de participation n'a pas diminué au cours de la première moitié des années 90. Au plan du rapport emploi-population, qui est une fonction de la croissance de l'emploi et de la croissance de la population en âge de travailler, nous avons enregistré une baisse beaucoup plus forte - 1 p. 100 par an - alors qu'il y avait une stabilité relative sur ce plan aux États-Unis.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Si cela ne s'était pas produit, le taux de chômage aurait été encore plus élevé, n'est-ce pas?

M. Sharpe: C'est exact, effectivement.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Pourquoi est-il tombé? Les gens ont-ils tout simplement arrêté de chercher du travail?

M. Sharpe: Pourquoi le taux d'activité de la main-d'oeuvre a- t-il baissé?

Mme Brushett: Oui.

M. Sharpe: La question est, elle aussi, fort débattue dans les publications. Selon moi, on n'est pas encore parvenu à une explication définitive, mais la plupart des indices me font penser que cela vient de la faiblesse du marché du travail. Quand le marché du travail n'est pas bon et que le taux d'emploi est élevé, les jeunes poursuivent des études plus longues, ils restent à l'école au lieu d'aller travailler ou ils abandonnent tout simplement et deviennent des travailleurs découragés. C'est surtout chez les jeunes que l'on a constaté une baisse importante du taux de participation. C'est la même chose pour les gens plus âgés, particulièrement ceux de 55 ans et plus, et notamment les hommes. Quand ils sont mis à pied, ils considèrent qu'il est tout simplement impossible de trouver un autre emploi. Par conséquent, ils prennent une retraite anticipée ou renoncent.

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Une voix: Ou ils essaient de se faire élire au Parlement.

Une voix: Oh, oh!

M. Sharpe: Ce sont donc les perspectives économiques médiocres qui expliquent le phénomène. Par exemple, chaque fois que le taux d'emploi progresse au cours d'un mois donné, la main-d'oeuvre augmente parallèlement, car les gens réintègrent le marché du travail. Notre main-d'oeuvre pourrait donc augmenter si tous ceux qui l'ont désertée reprenaient une vie active.

Il est par ailleurs très intéressant d'examiner la question de la durée du chômage. L'augmentation du chômage au Canada est-elle due au fait que les chômeurs restent inactifs plus longtemps, ou est-ce parce qu'un pourcentage plus grand de la main-d'oeuvre se retrouve au chômage pendant un certain temps? Quand on analyse les chiffres, on voit que tout s'explique par la durée.

La durée du chômage au Canada augmente régulièrement depuis 1976. Actuellement, la durée moyenne est d'environ 24 semaines, mais si l'on examine l'incidence du chômage - par incidence, j'entends le pourcentage de gens qui connaissent une période de chômage au cours d'une année donnée - elle a en fait diminué. La moyenne était inférieure en 1995 à ce qu'elle était en 1991. On assiste donc à une concentration du chômage parmi un petit groupe de gens qui sont sans travail pendant de longues périodes.

Si vous regardez le dernier tableau, vous constaterez que le pourcentage de ceux qui ont été au chômage pendant 12 mois ou plus a atteint presque 14 p. 100, alors qu'il était d'environ 7 p. 100 en 1991. Ce phénomène de chômage à long terme est très important au Canada, et il explique la progression du chômage. C'est la même chose à un moindre degré aux États-Unis. L'incidence a été moindre et la durée plus longue là-bas, mais comme je l'ai déjà dit, le chômage n'a pas augmenté.

J'ai deux autres remarques à faire au sujet de l'écart entre les taux de chômage. En premier lieu, comme vous le savez, le chômage représente seulement un des éléments de la sous-utilisation de la main-d'oeuvre. Il y a aussi les travailleurs découragés ainsi que les travailleurs à temps partiel qui n'ont pas d'autre choix. Ce sont des gens qui travaillent à temps partiel, mais qui préféreraient avoir un emploi à temps plein. Leur nombre a doublé depuis 1989.

Le nombre des travailleurs à temps partiel qui souhaiteraient avoir un emploi à temps plein est passé de 400 000 à 800 000. Cela représente beaucoup d'heures perdues par l'économie. Aux États- Unis, cela ne s'est pas produit. Si l'on calculait l'utilisation de la main-d'oeuvre à partir des heures et que l'on y incluait les travailleurs à temps partiel involontaires, l'écart avec le Canada serait de 6 points de pourcentage au lieu de 4. On sous-estime donc foncièrement la différence entre le Canada et les États-Unis au plan de la sous-utilisation de la main-d'oeuvre quand on s'en tient au taux de chômage officiel.

Chose surprenante, quand on examine les chiffres se rapportant aux travailleurs découragés - en tout cas les estimations officielles - cela ne creuse pas l'écart. Pour une raison inexpliquée, le nombre des travailleurs découragés au Canada - du moins, tel qu'il est calculé par Statistique Canada - n'a pas progressé suffisamment pour cela, même si le taux de participation a baissé. C'est une chose qui laisse perplexe et que personne n'arrive à expliquer, et c'est pourquoi je n'en dirai pas plus.

Le dernier point, en ce qui concerne les caractéristiques du marché du travail, est que le décalage avec les États-Unis est un phénomène omniprésent. Si l'on fractionne le chômage par groupe d'âge, par sexe, par région, par industrie, par profession et par niveau d'instruction, il y a une augmentation du taux de chômage dans tous les groupes par rapport aux taux comparables aux États- Unis. Il s'agit donc d'un phénomène omniprésent qui a touché tous les secteurs et tous les éléments du marché du travail au Canada.

M. Grubel: Qu'en est-il de l'importance relative des industries saisonnières? Quelqu'un s'y est-il déjà intéressé?

M. Sharpe: Par rapport à l'écart?

M. Grubel: Non. Par exemple, disons que l'emploi saisonnier au Canada entre 1970 et 1990, en pourcentage de l'emploi, en général, est passé de 15 à 20 p. 100. Que s'est-il passé aux États-Unis? Une des hypothèses les plus souvent avancées est que nous connaissons une surexpansion des industries subventionnées indirectement par le système, c'est-à-dire les industries saisonnières.

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M. Sharpe: En corrélation avec l'A.-C.; l'assurance-chômage.

M. Grubel: En corrélation avec l'A.-C.

M. Sharpe: J'aborderai plus tard le rôle de l'assurance- chômage. Peut-on revenir là-dessus? C'est un point très important, mais je ne veux pas le soulever prématurément.

M. Grubel: Parfait.

M. Sharpe: Je vais passer ici aux explications du décalage, que j'ai structurées en trois grandes parties. La première se rapporte à ce que j'appelle les questions de mesure, les différences dans la façon dont on mesure le chômage. Il faut manifestement commencer par là avant de pouvoir parler du taux de chômage. La deuxième est consacrée aux explications de l'écart que je qualifie de cycliques ou liées à la demande. La troisième recouvre les explications structurelles ou liées à l'offre qui expliquent le décalage de 4 p. 100.

En premier, les mesures. La plupart des gens ne pensaient pas que cela posait un problème; au Canada, on mesurait foncièrement le chômage de la même façon qu'aux États-Unis. C'était l'avis de l'OCDE et du Bureau of Labour Statistics, car ils publiaient des taux normalisés de chômage pour tous les pays membres de l'OCDE. Il s'agit de taux normalisés. On ne calcule pas différemment les taux nationaux de chômage, et par conséquent, la plupart des gens pensaient qu'il n'y avait pas de véritable différence de mesure entre le Canada et les États-Unis.

Toutefois, un chercheur américain de l'Université d'État de l'Ohio a décidé d'approfondir la question. Il a étudié le questionnaire de l'enquête sur la population active au Canada, ainsi que l'enquête permanente sur la population active aux États- Unis, et la façon dont nous mesurons le chômage dans les deux économies. Il a découvert qu'il existait en fait une différence dans le traitement des chercheurs d'emploi passifs. Il s'agit des gens dont la seule méthode de recherche d'emploi est de lire les petites annonces dans les journaux. Ils ne téléphonent pas aux gens, ne contactent personne. Ils se contentent de lire les petites annonces.

Eh bien, si vous vous contentez de lire les petites annonces au Canada, vous êtes considéré comme chômeur. Vous êtes tout autant au chômage que quelqu'un qui fait du porte-à-porte. Toutefois, aux États-Unis, si vous utilisez cette méthode passive de recherche d'emploi, vous n'êtes pas du tout considéré comme un chômeur. Vous êtes en dehors de la population active, et par conséquent, vous n'entrez pas dans les statistiques sur le chômage.

Le chercheur en question n'a pas pu effectuer une analyse très approfondie du phénomène, car il ne disposait pas des données. À la conférence, nous avons donc demandé à Statistique Canada de reprendre les données originales et de les recalculer en fonction de ces définitions différentes; et nous avons découvert que la différence dans la façon de mesurer expliquait - du moins en 1993, la dernière année sur laquelle nous disposions de données comparables pour les deux économies - environ 0,7 p. 100 de l'écart. Autrement dit, si l'on avait mesuré le taux de chômage au Canada de la même façon que cela se fait aux États-Unis, notre taux de chômage aurait été d'environ 0,7 p. 100 plus bas. Cela représente près de 17 p. 100 du décalage. On peut donc dire, au départ, que l'écart est moins important que ne le montrent les chiffres officiels, du fait de cette question de mesure.

M. Grubel: Savez-vous si cela était également vrai dans les années 40, 50 et 60?

M. Sharpe: Les données dont nous disposons ne remontent que jusque vers 1976, car notre nouvelle enquête sur la population active a été introduite cette année-là. À l'époque, c'était en réalité moins important. Seulement environ 0,2 p. 100.

L'importance de ceux qu'on qualifie de «chercheurs d'emploi passifs» dans l'ensemble des chômeurs s'est accrue au Canada au cours des quinze dernières années. Nous ne disposons pas de chiffres qui remontent plus loin. Je ne pense pas que cela représentait un phénomène aussi important avant cela. Premièrement, il n'y avait pas de décalage dans les années 40 et les années 50. Il est donc très difficile de dire quelle était la situation. Mais l'on sait que le phénomène prend beaucoup plus d'ampleur. Nous ne disposons de données que pour 1993. Il se peut qu'il soit encore plus important en 1996 qu'il ne l'était en 1993.

M. Grubel: Mais j'entends important en tant que pourcentage du taux global... il peut être resté constant, et il peut toujours représenter le même pourcentage du taux global de chômage au Canada.

M. Sharpe: Nous savons que l'importance de ce phénomène a augmenté de 1976 à 1993. Il représentait 0,2 p. 100 de l'écart à l'époque, et maintenant, en 1993, il en représente 0,7 p. 100. Par conséquent, cela explique un demi-point de l'augmentation du décalage.

M. Grubel: Je m'excuse, mais le point de pourcentage de l'écart est un point de pourcentage. C'est un chiffre absolu.

M. Sharpe: Effectivement.

M. Grubel: Mais il devrait être basé sur le niveau du chômage. En effet, 0,2 p. 100 par rapport à un taux de chômage de 5 p. 100, c'est la même chose qu'un écart de 0.4 p. 100 pour un taux de chômage de 10 p. 100.

M. Sharpe: Oui, effectivement.

M. Grubel: En ce sens, le chiffre peut très bien ne pas avoir évolué du tout.

M. Sharpe: C'est tout à fait possible, effectivement.

M. Grubel: C'est une considération très importante. On ne peut pas tout simplement la balayer.

M. Sharpe: Non. Mais ce que je dis, c'est que nous savons qu'entre 1976 et 1993, même sur cette base, le phénomène a pris de l'importance.

M. Grubel: Voyons voir.

M. Sharpe: Je n'ai pas...

.1005

M. Grubel: En 1973, le taux de chômage était de 6,2 p. 100 au Canada.

M. Sharpe: En 1976, pas 1973.

M. Grubel: Donc en 1976, il était de 7,2 p. 100.

M. Sharpe: C'est exact, et la différence était alors de 0,2 p. 100.

M. Grubel: Effectivement, et en 1993, on est passé à 11,2 p. 100 -

M. Sharpe: Oui, et la différence était de 0,7 p. 100.

M. Grubel: Il s'agit de chiffres sur une année, et par conséquent, je ne pense pas qu'ils soient concluants. Si l'on part d'une base plus adéquate, ce n'est certainement pas aussi important qu'il y paraît de passer de 0,2 p. 100 à 0,7 p. 100.

M. Sharpe: Quand on envisage les choses dans cette perspective, c'est effectivement moins important.

M. Grubel: C'est la façon dont on devrait procéder, sauf votre respect.

M. Sharpe: Bien.

Le président: Je pense qu'il va nous falloir recourir à une analyse de probabilité pour aller au fond de la question.

M. Sharpe: Un autre aspect de la question de la mesure est la différence entre les structures institutionnelles au Canada et aux États-Unis. L'importance relative de la population carcérale aux États-Unis est beaucoup plus élevée qu'au Canada, et il est possible d'analyser l'incidence de cet état de chose sur le taux de chômage.

Le nombre de personnes incarcérées aux États-Unis a progressé de 250 000 en 1970 à 500 000 en 1980, puis à 1,3 million en 1993. Je ne sais pas quelles sont les estimations pour 1996, mais je suis sûr que c'est au moins 1,5 million.

Il est juste de dire que si ceux qui sont derrière les barreaux étaient en liberté, le taux de chômage serait beaucoup plus élevé. On a fait une enquête sur la situation professionnelle des prisonniers avant leur incarcération, et elle a montré que le taux de chômage dans ce groupe s'élevait à 43 p. 100. Manifestement, il s'agit de gens peu qualifiés, dont le niveau de scolarisation est peu élevé, et s'ils étaient sur le marché du travail, ils y rencontreraient de sérieuses difficultés.

Si donc ces gens-là étaient sur le marché du travail, quel serait le taux de chômage aux États-Unis? Il serait légèrement plus élevé qu'il ne l'est actuellement, d'environ 0,4 p. 100. C'est une façon de calculer assez simpliste, un calcul sur le dos d'une enveloppe, si vous voulez, qui donne toutefois une idée de l'incidence du phénomène.

Notre population carcérale représente environ un cinquième de celle des États-Unis, et par conséquent, l'incidence sur notre taux de chômage est vraiment insignifiante - peut-être de0,1 p. 100 au grand maximum.

Une voix: Quelle est la tendance, en l'occurrence?

M. Sharpe: Au Canada? Elle va aussi croissant, mais sans aucune commune mesure avec celle des États-Unis sur le plan de l'accroissement relatif de la population carcérale.

Si l'on se fonde sur ces chiffres, le taux de chômage aux États-Unis est d'environ 0,3 p. 100 inférieur à ce qu'il serait si cette population... Cela représente donc environ 0,3 p. 100 de l'écart. C'est un chiffre relativement peu important et donc, un facteur secondaire dans le tableau global.

Le président: Avez-vous dit 0,3 p. 100 ou 0,4 p. 100?

M. Sharpe: Environ 0,3 p. 100.

Le président: Ce qui est...

M. Sharpe: C'est environ 7 p. 100, à peu près. L'écart se situe à environ 4,2 p. 100.

Le président: Très bien.

M. Sharpe: Donc l'essentiel, en ce qui concerne les mesures, c'est qu'environ 1 p. 100, ou25 p. 100 du décalage total, s'expliquerait par ces différences de mesure entre les deux économies.

Pour ce qui est de l'élément cyclique de l'écart, quelle est la proportion du décalage qui est due à la faiblesse de notre économie par rapport à celle des États-Unis? Une façon de se familiariser avec l'importance du chômage cyclique - ou la demande globale inadéquate d'emploi - est de comparer le taux de chômage réel et ce que l'on appelle le taux de chômage structurel ou, comme disent les économistes, le TCIS soit le taux de chômage à inflation stationnaire.

Je l'appellerai le taux de chômage structurel...

M. Grubel: C'est ce que l'on appelait avant le chômage spontané, mais les Keynésiens devenaient fous chaque fois qu'ils entendaient ça.

M. Sharpe: Je n'entrerai pas dans cette polémique.

Au Canada, les estimations concernant le taux structurel varient beaucoup, mais aux États-Unis, l'éventail est moins large. Commençons par les États-Unis.

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En ce moment, aux États-Unis, le taux de chômage se situe autour de 5,6 p. 100; c'était en tout cas ce qu'il était en 1995- 1996. Les estimations du TCIS, à environ 5,5 p. 100, sont foncièrement au même niveau. Donc, aux États-Unis la demande globale inadéquate d'emploi n'existe pas. Tout le chômage est structurel.

Au Canada, les estimations du TCIS vont de 6,5 p. 100, au minimum, jusqu'à 9,5 p. 100. L'éventail des estimations est large. Cela dépend de l'estimation que l'on prend, mais si l'on part de 7,5 p. 100 - tout le monde n'est pas d'accord là-dessus, mais c'est une moyenne des estimations - cela signifie que l'on a un taux de chômage cyclique d'environ 2 p. 100 au Canada, car notre taux de chômage se situe à 9,5 p. 100. Si les États-Unis en sont à 5,5 p. 100, 2 p. 100 sont attribuables soit aux mesures soit aux structures, et 2 p. 100 aux facteurs cycliques.

En fonction de cette analyse très simpliste, sur laquelle je reviendrai armé de statistiques dans une minute, environ la moitié de l'écart s'explique par des facteurs cycliques ou la faiblesse de l'économie canadienne par rapport à l'économie américaine.

À l'appui de cette position, on peut se servir de ce que l'on appelle l'écart de production, qui est une mesure de la capacité de l'économie canadienne de produire des biens et des services par rapport à la production. Selon le récent rapport monétaire semi- annuel de la Banque du Canada, l'écart de production se situe à 3 ou 3,5 p. 100. Il s'agit d'une estimation modeste. Nombreux sont ceux qui pensent que l'écart de production est nettement plus élevé, jusqu'à 10 p. 100, selon certains. Mais même si l'on croit qu'il se situe autour de 3,5 p. 100, il n'y a pas d'écart de production aux États-Unis. De fait, nombreux sont ceux qui pensent qu'ils fonctionnent au-dessus de leur capacité.

Il ne fait donc aucun doute qu'il existe une différence entre le Canada et les États-Unis au plan de l'utilisation des capacités de production, et je pense que cela explique environ la moitié de l'écart - certains considèrent que c'est moins, peut-être un quart - mais il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un facteur important du décalage entre les taux de chômage des deux pays.

Le président: Les différences de mesure représentent 17 p. 100, le taux d'incarcération...

M. Sharpe: Environ 7 p. 100...

Le président: ...et la faiblesse structurelle de l'économie, 50 p. 100.

M. Sharpe: C'est une estimation approximative.

Le président: Bien sûr. Donc, cela nous amène à 74 p. 100, et il y a l'écart de production...

M. Sharpe: Non. L'écart de production est compris dans l'effet cyclique.

Le président: J'y suis. D'accord.

M. Sharpe: L'écart de production est la manifestation de l'effet cyclique.

D'où vient cet écart de production? Il faut en revenir à la remarque que j'ai faite plus tôt au sujet des performances de l'économie canadienne. Dans les années 80, nous connaissions une croissance de 3,2 p. 100. Depuis, nous avons eu une croissance de 1,3 p. 100. Par conséquent, notre croissance économique est tombée de près de 2 p. 100 au cours des années 90 par rapport à ce qu'elle était dans les années 80. Il s'agit là d'un changement important et, je le répète, ici, cela a été pire qu'aux États-Unis.

Je vous renvoie à nouveau à un article qui a été publié. Je suis certain que vous avez entendu parler de l'allocution présidentielle de Pierre Fortin, intitulée «The Great Canadian Slump» dont le texte est paru dans le numéro de novembre de la Revue canadienne d'économique. Il énonce de façon très convaincante les facteurs à l'origine du marasme économique au Canada au cours de la première moitié des années 90.

Je vais maintenant parler des facteurs de l'offre qui représentent le dernier quart du décalage. Le premier - et celui qui attire le plus l'attention - est l'assurance-chômage.

L'argument ici est que le Canada possède un régime d'assurance-chômage plus généreux que celui des États-Unis, notamment au niveau des prestations, du nombre de semaines nécessaires pour être admissible et ainsi de suite. Cette situation remonte à 1971, quand on a libéralisé la Loi sur l'assurance- chômage au Canada. Toujours selon le même argument, au début des années 70, il y a eu une augmentation du taux structurel de chômage à cause de la générosité accrue des programmes sociaux, particulièrement de l'assurance-chômage. Si cela s'est produit, on peut alors se demander pourquoi on n'a pas constaté d'écart entre notre taux de chômage et celui des États-Unis dans les années 70? J'ai rappelé plus tôt que le décalage avec les États-Unis s'était manifesté de façon durable dans les années 80.

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L'argument est que l'effet était en réalité occulté dans les années 70 du fait que l'économie canadienne était beaucoup plus vigoureuse que l'économie américaine. Nous dépassions les États- Unis dans les années 70 au plan de la croissance. Par conséquent, le taux de chômage structurel plus élevé ne s'est pas affirmé, car il était contrebalancé par une économie beaucoup plus solide. Toutefois, dans les années 80, notre performance macro-économique ne fut pas aussi bonne que celle des États-Unis. Nous avons traversé une récession plus grave au début des années 80. Et à nouveau, dans les années 90, nous avons eu des résultats bien moins bons. Ce facteur structurel s'est donc manifesté, particulièrement dans les années 80, et explique en partie l'écart.

Je pense qu'il y a du vrai dans cette explication. Il faut bien sûr tenir compte du fait que la Loi sur l'assurance-chômage a été modifiée tout au long de cette période et que les prestations sont devenues de moins en moins généreuses, bien qu'il ne fasse aucun doute qu'elles l'aient été plus dans les années 80 qu'avant 1971.

Ce qui est véritablement intéressant, toutefois, c'est ce qui se passe dans les années 90. L'assurance-chômage a été considérablement modifiée, comme nous le savons, de bien des façons. À présent, si l'on se fie aux estimations de la générosité de l'assurance-chômage selon le ministère des Finances, le régime a retrouvé sur ce plan son niveau d'avant 1971. Il est donc difficile d'accuser actuellement l'assurance-chômage d'être responsable du décalage alors que la générosité des prestations, bien qu'elle reste toujours plus grande qu'aux États-Unis, a beaucoup baissé.

Selon moi, l'assurance-chômage jouait probablement un rôle plus important dans l'écart qui existait pendant les années 80. L'élément structurel du décalage était plus important à cette époque-là. Aujourd'hui, il a beaucoup diminué. Il n'a, bien sûr, pas entièrement disparu, mais il ne représente qu'un quart ou peut- être même moins. C'est toujours un facteur, mais un facteur certainement beaucoup moins important que par le passé, par suite de la moins grande générosité de l'assurance-chômage.

Le président: À combien de points de pourcentage l'estimez- vous?

M. Sharpe: Probablement entre 0,5 et 1 p. 100. Disons à 0,7 p. 100, pour prendre une moyenne.

Le président: Ce qui représente quel pourcentage du total?

M. Sharpe: Je dirais entre 12 et 17 p. 100 ou à peu près.

Le président: Disons 15 p. 100?

M. Sharpe: Il est très difficile d'obtenir des estimations précises à ce sujet. Il y a eu plusieurs communications là-dessus à la conférence, et on polémique beaucoup dans la profession à propos du rôle de l'assurance-chômage. Je peux seulement vous dire ce que j'en pense, après avoir consacré beaucoup de temps à jouer avec les chiffres.

M. Grubel: Pourrais-je intervenir?

Le président: Bien sûr.

M. Grubel: Ou préférez-vous que l'on ait une discussion séparée?

Le président: Comme vous voudrez.

M. Grubel: Je ne peux tout simplement pas accepter cette argumentation pour les raisons suivantes.

Le président: Herb, s'il s'agit d'une discussion de fond, il vaudrait peut-être mieux que l'on attende la fin de l'exposé avant d'ouvrir le débat.

M. Grubel: Parfait.

M. Sharpe: Pour ce qui est des autres facteurs structurels possibles du décalage, j'ai dit plus tôt que nos niveaux d'immigration sont beaucoup plus élevés qu'ils ne l'étaient dans les années 80. À long terme, il ne fait aucun doute que l'immigration ne contribue pas au chômage, car les immigrants s'ajustent, trouvent du travail et contribuent à la croissance. Toutefois, à court terme, c'est une possibilité.

Malheureusement, il n'y a pas eu de communication sur le sujet à la conférence, mais de nombreux participants y ont fait allusion, et c'est pourquoi j'aimerais en parler.

À court terme, les immigrants qui viennent au Canada rencontrent souvent des difficultés à s'adapter à cause des langues, du fait que leurs qualifications ne sont pas reconnues par les autorités canadiennes et ainsi de suite. Bien qu'ils puissent être très qualifiés, le taux de chômage des immigrants tend à être plus élevé que la moyenne nationale.

Par conséquent, rien que sur la base des facteurs qui entrent en jeu, la plus forte immigration du début des années 90 par rapport aux années 80 a accru le taux de chômage de possiblement 0,1 p. 100. Ce n'est pas un facteur de premier ordre, mais notamment du fait que l'économie canadienne traversait une mauvaise passe et était incapable d'absorber cette population, s'il n'y avait pas eu d'immigrants, le taux de chômage aurait été légèrement moins élevé.

On peut donc dire que l'immigration a joué un rôle mineur dans l'aggravation de l'écart, tout du moins au début des années 90.

Mme Brushett: Dans quelle proportion?

M. Sharpe: Là encore, on ne peut donner que des chiffres très approximatifs, mais je dirais de l'ordre de 0,2 ou de 0,3 p. 100.

Le président: Ce qui représente quel pourcentage du total?

M. Sharpe: 25 p. 100.

Le président: 25 p. 100 du total?

M. Sharpe: Non. De la composante structurelle.

Le président: Je suis un peu perdu. Les différences de mesure représentent...

M. Sharpe: 25 p. 100. Le facteur carcéral est inclus dans les mesures.

Le président: Bon, donc cela fait 25 p. 100. La faiblesse de l'économie est...

M. Sharpe: Environ la moitié.

Le président: Donc, cela fait 75 p. 100.

M. Sharpe: Correct. Le reste est structurel, et comprend notamment l'assurance-chômage et l'immigration.

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Le président: Donc les 25 autres pour cent sont attribuables à l'immigration et à l'assurance-chômage.

M. Sharpe: C'est cela.

Le président: Donc, un quart du décalage entre les taux de chômage au Canada et aux États-Unis est attribuable à l'assurance- chômage et à l'immigration.

M. Sharpe: C'est cela.

M. Solberg (Medicine Hat): Monsieur le président, il serait utile que nous puissions avoir tous ces chiffres. Nous essayons tous de les noter, mais il serait préférable de les avoir sur une feuille de papier.

M. Sharpe: Je vais m'en occuper cet après-midi et je vous les faxerai.

M. Solberg: Merci.

M. Sharpe: Il y a beaucoup d'autres explications qui ont été avancées pour expliquer le décalage entre les taux de chômage des deux pays, et je vais les mentionner rapidement. Pour ce qui est des conclusions auxquelles on est parvenu à la conférence en tout cas, ces explications n'ont pas été jugées très significatives.

Il y a d'abord toute la question de la syndicalisation. Il y a un écart important entre les taux de syndicalisation canadien et américain; le nôtre se situe à environ 35 p. 100, et il est de 15 p. 100 aux États-Unis. Ce n'était pas la même chose il y a 30 ans. À l'époque, il n'y avait aucune différence. Beaucoup prétendent que cette progression de la syndicalisation au Canada par rapport aux États-Unis est à l'origine des taux de chômage plus élevés au Canada. Toutefois, pour ce qui est des participants à la conférence, ceux qui avaient étudié la syndicalisation ne voyaient pas comment on pouvait considérer qu'il s'agissait d'une variable clé, et faire un lien entre la syndicalisation et le chômage. Il s'agit d'une question controversée, et je dis simplement que les communications données à la conférence ne considéraient pas le phénomène comme une variable clé.

M. Grubel: Au niveau théorique ou empirique?

M. Sharpe: Au niveau empirique.

M. Grubel: Mais au niveau théorique, c'est clair.

M. Sharpe: Oui. Il est tout à fait possible d'élaborer une explication théorique en ce sens.

Un autre facteur est le rythme d'ajustement. On peut partir du principe que le marché du travail canadien est plus rigide que le marché du travail américain, et que cela se traduit par un chômage plus important au Canada. Les mémoires à ce sujet avaient été préparés par le FMI et la Banque du Canada mais, ce qui est peut- être plutôt surprenant, les deux organismes ont conclu qu'il ne leur avait pas été possible de trouver de différence significative entre les deux économies sur le plan de la rigidité.

Un autre thème est celui des salaires réels, l'idée que la croissance de nos salaires réels au Canada est peut-être supérieure à celle des États-Unis, et que cela aboutit à ce que la main- d'oeuvre se ferme l'accès au marché du travail par des revendications salariales trop élevées, ce qui réduit la croissance de l'emploi. Cela était peut-être vrai en partie dans les années 80, quand la croissance des salaires réels était plus élevée au Canada, mais dans les années 90, au niveau des taux de salaire de la production, la croissance des salaires réels n'a pas été supérieure au Canada. Cela n'a pas été, non plus, considéré comme un facteur clé.

M. Grubel: Et les lois relatives au droit au travail et au salaire minimum?

M. Sharpe: Au Canada, comme vous le savez, le salaire minimum a diminué ces dernières années par rapport au salaire dans les industries; par conséquent, même si cela a pu jouer un rôle dans l'écart qui existait pendant les années 80, on s'accorde pour dire que cela n'explique pas le décalage qui s'est creusé pendant les années 90.

M. Grubel: On constate une corrélation significative dans tous les États américains entre l'existence d'un salaire minimum et de la loi sur le droit au travail et la croissance économique et les niveaux d'emploi. Pourquoi cela ne s'étendrait-il pas au Canada?

M. Sharpe: Je ne vois pas très bien à quoi vous voulez en venir. Voulez-vous dire qu'aux États-Unis, il y aurait le droit au travail...

M. Grubel: Quelle moyenne avez-vous utilisée pour les États- Unis afin d'expliquer le décalage entre le salaire minimum au Canada et aux États-Unis en tant que tendance?

M. Sharpe: Là non plus, aucune communication ne s'est intéressée en détail au salaire minimum. L'idée est que le salaire minimum au Canada, par comparaison à la moyenne industrielle, n'a pas augmenté par rapport aux États-Unis.

M. Grubel: Si, aux États-unis, il a baissé par rapport à la moyenne industrielle, alors cela explique l'écart. On discute de l'écart. Votre argument n'est donc pas pertinent dans le cadre d'une discussion sur le décalage, à moins de faire le lien avec ce qu'il est advenu du salaire minimum aux États-Unis.

M. Sharpe: Non, je suis d'accord sur ce point. Il faudra que je vérifie les chiffres à ce sujet, mais cela a pu être un facteur. Toutefois, je ne pense pas que l'on puisse dire que c'est l'un des facteurs clés.

M. Grubel: Vous ne pouvez pas le dire puisque vous n'avez pas de chiffres.

M. Sharpe: Non, il n'y a pas eu de communication portant spécifiquement sur le salaire minimum. Les gens qui s'y sont intéressés ont trouvé que, compte tenu des tendances...

M. Grubel: Je sais qu'aux États-Unis, l'emploi a connu une croissance considérable dans les régions du pays - par exemple dans le Sud - où on n'a pas imposé de restrictions sur l'efficacité du marché du travail. Par conséquent, il est tout à fait possible que, comme moyenne pondérée pour les États-Unis, le salaire minimum par rapport au salaire moyen ait réellement baissé. Cela pourrait être une explication.

M. Sharpe: Bien sûr. Lorsque l'on examine cette question, tout ce qui influence le marché du travail dans chaque pays pourrait jouer un rôle. On se retrouve donc devant des dizaines de facteurs éventuels, et nous ne prétendons absolument pas les avoir tous examinés en détail. Il se peut que vous n'ayez pas tort.

M. Grubel: On est ici pour essayer de comprendre, donc, si vous le permettez, je vais poursuivre.

Je constate qu'en Europe, on accorde un poids considérable à tous les coûts de main-d'oeuvre non salariaux. J'ai appris hier de quelqu'un qui a parlé au président de la Bundesbank récemment, que chaque fois qu'un employeur allemand versait 100$ à un travailleur, cela lui coûtait 180$. Je pensais que c'était 165$, et maintenant c'est passé à 180$. Au Canada, c'est seulement 115 ou 120$. J'aimerais savoir ce que cela représente par rapport aux États-Unis. Je sais que les États-Unis n'ont pas décrété autant de prélèvements sur les salaires et autres coûts législatifs sur l'emploi.

.1025

M. Sharpe: Si l'on prend la rémunération du travail, qui comprend les prélèvements sur les salaires, notre taux de progression n'a pas été aussi fort que celui des États-Unis pendant les années 90. Leur niveau de prélèvement sur les salaires est relativement élevé, compte tenu du fait que leurs cotisations de sécurité sociale coûtent plus cher.

Je vais maintenant conclure rapidement en vous donnant un résumé, une vue d'ensemble. Selon moi, le Canada avait un taux de chômage structurel plus élevé que les États-Unis dans les années 70 à cause de son régime d'assurance-chômage. Toutefois, cette réalité était occultée par un environnement économique plus favorable. À partir de la récession de 1981-1982, qui a été plus forte au Canada, l'écart structurel est devenu apparent. Dans les années 80, il y avait un décalage entre le chômage dans les deux pays d'environ 2 points de pourcentage à la fin, probablement en grande partie d'ordre structurel.

Ensuite, nous avons eu une récession plus sévère dans les années 90, ce qui a fait passer l'écart à 4 points de pourcentage. Je le répète, environ 50 p. 100 de l'écart actuel s'expliquent par des facteurs de demande, environ 25 p. 100 sont dus aux deux facteurs de mesure que j'ai mentionnés, et je dirais environ 25 p. 100, à des facteurs structurels. Il est possible que parmi ces facteurs structurels il y ait le salaire minimum. Il pourrait aussi y avoir notre assurance-chômage, bien que ce soit un facteur qui ait perdu de son importance, et l'immigration.

Pour conclure sur les implications de cette analyse de l'écart au plan des politiques...

Le président: C'est très simple: mettre fin à l'immigration et enfermer tout le monde en prison, Andrew.

M. Sharpe: Je suppose que oui. Même ça ne...

M. Grubel: Y a-t-il des journalistes ici qui pourraient rapporter cela? Sortant de la bouche d'un libéral!

Le président: Je regrette que M. Grubel vous ait interrompu de façon aussi impolie.

M. Sharpe: Pour commencer, la question des mesures n'est manifestement pas pertinente au niveau des politiques, et par conséquent, même si la façon de mesurer le taux de chômage n'est pas la même au Canada et aux États-Unis, cela n'a pas d'importance sur le plan des politiques.

En revanche, l'aspect cyclique est naturellement très pertinent. J'espère à cet égard que l'on va pouvoir poursuivre la politique de détente monétaire actuelle de la Banque du Canada, et je suis très heureux de constater que d'après les propos du gouverneur de la Banque du Canada cités dans un journal du week-end, il aimerait que le taux de chômage tombe à 4 p. 100. Je pense que c'est quelque chose de très positif. Nous espérons que de faibles taux d'intérêt relanceront l'économie et que l'on réussira à combler l'écart de production à l'avenir.

Sur le plan structurel, nous ne souhaitons pas que le but soit d'en arriver au taux de chômage américain. Cela ne devrait pas être l'objectif. Notre but doit être d'accroître le bien-être économique des Canadiens. Si le fait d'avoir un régime d'assurance-chômage plus généreux au Canada ou un filet de sécurité sociale se traduit par un chômage plus élevé au Canada, cela n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Ce qui compte, c'est le bien-être économique des Canadiens, et il n'y a pas nécessairement une corrélation entre le taux de chômage et le bien-être économique. On peut parfaitement concevoir un niveau de bien-être économique plus élevé parallèlement à un taux de chômage plus élevé, si cela signifie que les Canadiens bénéficient d'une plus grande sécurité sur le plan de...

Je m'arrête. Je m'excuse d'avoir dépassé mon temps de parole.

Le président: Ce n'est pas de votre faute. Herb n'a pas cessé de vous interrompre.

M. Sharpe: Oui.

M. Grubel: C'est vrai, et je voudrais intervenir encore une fois.

M. Sharpe: Je m'attendais à ce qu'il y ait quelques commentaires.

[Français]

Le président: Nous allons commencer par M. Bélisle.

M. Bélisle (La Prairie): Vous avez présenté des données historiques, et c'est très intéressant. On voit les tendances sur une longue durée, ce qui nous permet de mieux comprendre.

Mais je suis un peu étonné quand je vois les données. Lorsqu'on parle de taux de chômage au Canada, cela varie, évidemment. Lorsque le chômage tourne autour de 8 ou 9 p. 100, on dit que ça va bien. Lorsqu'il est autour de 10 ou 12 p. 100, on dit que ça va mal. Puisqu'on s'intéresse plus précisément aux données canadiennes, nous allons regarder le bas du tableau 2. On voit que dans la période 1976-1981, on avait calculé le taux de chômage par rapport à la population active et non pas par rapport à l'ensemble de la population, ce qui fait que le taux était beaucoup plus élevé. En 1976-1981, on parlait de 26 à 26,6 p. 100. En 1989, alors qu'on disait que l'économie canadienne allait très bien, on avait 21,9 p. 100. Et actuellement, tous les observateurs nous disent que l'économie canadienne se replace malgré un taux de chômage élevé.

.1030

On parle pour 1995 d'un taux de 20,4 p. 100 de la population active.

C'est assez étonnant. On peut donc conclure que, depuis une vingtaine d'années, depuis 1976, quand ça va mal, on est autour de 25 ou 26 p. 100, et quand ça va bien, comme actuellement, on parle plutôt de 20 ou 21 p. 100. Cela veut dire que lorsqu'une personne sur quatre est au chômage dans à la population active, on dit que ça va mal, et que lorsqu'il y en a une sur cinq, on dit que ça va bien.

On peut voir que le taux de variation est quand même assez minime par rapport à la population active. C'est environ 5 p. 100. Lorsque c'est de l'ordre de 25 p. 100, on dit que ça va mal et lorsque c'est de l'ordre de 20 p. 100, on dit que ça va bien. Je pense que c'est quand même un taux très élevé. Quelle est votre opinion?

M. Sharpe: Je n'ai pas de réponse précise, mais je vous dirai deux ou trois choses. D'abord, lorsqu'on parle de l'incidence du chômage, c'est-à-dire la probabilité que quelqu'un connaisse une période de chômage pendant l'année, il faut tenir compte de l'âge de la population: ce sont surtout les jeunes qui connaissent une période de chômage pendant l'année.

Le taux de chômage des jeunes est beaucoup plus élevé que celui des personnes plus âgées, n'est-ce pas? On a vu un changement dans la structure démographique de la population depuis 20 ans. La tranche de population entre 15 et 24 ans est passée de 25 à 15 p. 100. Il y a donc moins de jeunes qui ont connu une période de chômage. Je crois que c'est une des raisons qui expliquent cette tendance, mais ce n'est pas la seule.

Ensuite, il y a aussi le fait que la répartition du chômage au Canada concerne surtout les gens en chômage de longue durée. Le nombre des chômeurs connaissant une période de chômage de 12 mois et plus a beaucoup augmenté. Cela explique le fait qu'il y a moins de personnes qui ont connu une période de chômage pendant l'année, mais les gens ont connu une période pendant laquelle ils ont vraiment eu du mal à trouver un poste. Je crois que ces deux facteurs peuvent expliquer cette tendance un peu bizarre, où le taux de chômage augmente, mais où, en même temps, la part de la population qui connaît une période de chômage diminue.

M. Bélisle: Est-ce que le pourcentage de 20 à 21 p. 100 ne devrait pas diminuer étant donné la diminution relative des jeunes et la structure des âges?

M. Sharpe: Effectivement.

M. Bélisle: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bélisle.

[Traduction]

Monsieur Grubel.

M. Grubel: Je vous remercie.

Le président: Avez-vous des objections à ce que l'on prolonge un peu le débat? Nous avons un problème, car la présidence est intervenue trop souvent.

M. Grubel: Il faut dire que nous avons également commencé en retard; alors, les torts sont sans doute partagés.

Vous savez peut-être tous qu'en ma qualité de professeur d'économie, j'ai été le premier au Canada à m'attaquer à ce problème. C'était en 1970 et cela m'a valu une certaine notoriété. J'ai organisé une conférence internationale où la question qui nous occupe a été posée. Cela a donné un gros livre publié par le Fraser Institute. Ils ont rassemblé des rapports sur le sujet venant de tous les coins du Canada.

Depuis, j'ai rédigé un autre ouvrage pour le Fraser Institute sur la raison pour laquelle l'écart entre les taux de chômage était aussi important dans les années 80. J'aurais beaucoup à dire sur la question, mais le temps dont nous disposons est limité. Nous ne sommes pas à un séminaire d'universitaires, où le coût de participation est nul.

Mais je rejette l'idée que plus de la moitié du décalage entre les taux des deux pays s'explique par le chômage structurel.

Une voix: Cyclique.

M. Grubel: La composante cyclique. Vous avez vous-même fait remarquer que d'après l'éventail des estimations des économistes canadiens, cela va presque du simple au double. Les extrêmes vont de 5,5 p. 100 à 10 p. 100, ou quelque chose comme ça. De fait, un de mes anciens professeurs à Yale a un jour publié un article dans le cadre d'une enquête sur les activités commerciales courantes - fait rarissime en dehors des maisons d'édition - sur l'influence relative du vaudou et du jugement dans l'estimation de ces composantes cycliques. Cela ne fait aucun doute.

.1035

Quand j'ai examiné la publication de 1988 du Fraser Institute, je me suis arrêté aux différences entre ces facteurs de demande... Nos exportations représentaient un pourcentage du PIB - des exportations créatrices de demande. Ce pourcentage était multiplié aux États-Unis. Les États-Unis avaient un énorme déficit. Encore maintenant. Quant aux taux d'intérêt, le décalage était le même que pendant toutes les années d'après-guerre. Les investissements et ainsi de suite - tous ces facteurs - étaient à peu près les mêmes. Ils étaient presque identiques. Je ne peux rien dire au sujet du début des années 80, car je ne suis pas à jour de ce point de vue là, mais je suis à peu près certain que les différences entre les taux d'intérêt sont plus que compensées par le fait que nous avions d'énormes excédents à l'exportation et que les Américains avaient d'énormes excédents à l'importation. Je n'accepte tout simplement pas cela.

Par ailleurs, il n'y a pas de fumée sans feu. J'entends souligner sans arrêt à quel point c'est important.

Au cours des audiences que nous avons tenues dans les provinces atlantiques, les gens disaient que la conscience professionnelle avait baissé dans cette région et qu'elle avait disparu au Canada. Cela s'est passé au moment où l'assurance- chômage est devenue si généreuse que les gens qui travaillaient dans les industries saisonnières ont commencé à accepter cela. C'est documenté. Je l'ai écrit de ma propre main. Ceux qui ne me croient pas peuvent aller voir.

Je voudrais simplement souligner que cela est très sérieux... Quelqu'un m'a raconté qu'il avait une résidence secondaire dans les provinces atlantiques. Il y avait une personne qui s'occupait de sa famille et de ses enfants pendant tout l'été. Il voulait que cette personne revienne avec lui à Montréal pour travailler chez lui pendant l'hiver. Tout était arrangé. Puis cette personne est venue lui annoncer qu'elle n'avait pas besoin de faire ça, qu'elle n'irait pas à Montréal avec lui car elle toucherait plus d'argent de l'assurance-chômage. Il y a plein d'histoires comme ça.

Le chômage était inexistant en Suisse. Pendant les années d'après-guerre, jusqu'à il y a environ quatre ans, on a commencé à verser de généreuses prestations d'assurance-chômage. Après cela, le chômage a augmenté année après année, et aujourd'hui, d'un seul coup, la Suisse se retrouve avec un taux de chômage de 4 p. 100.

Il y a plein de preuves de ce genre. Peu importe que l'on ait étudié les autres facteurs pour minimiser cet impact, je pense qu'il s'agit d'un phénomène très significatif. Permettez-moi de le dire.

Dans les années 70... Il faut du temps pour que les subventions indirectes du régime d'assurance-chômage aient un effet sur la structure industrielle. Nous savons que ces données, que vous n'avez pas mentionnées, sont essentielles pour comprendre le problème. Pour chaque dollar versé à l'assurance-chômage par les industries saisonnières comme la foresterie, la construction, l'extraction minière, et les industries des loisirs - la pêche - les bénéficiaires reçoivent 6$ en prestations. Cela signifie que l'on encourage l'expansion de ces industries. Cela prend du temps à se matérialiser.

Deuxièmement, il existe un problème d'attitude - un facteur culturel. Quand j'étais plus jeune et jusque dans les années 70, il y avait un certain déshonneur à être demandeur d'emploi - à être inscrit au chômage. Aujourd'hui c'est devenu un droit.

C'est pour ces raisons qu'à mon avis, les chiffres que l'on attribue au rôle que joue l'assurance-chômage dans l'écart des taux sont très sous-estimés. Cela représente, j'en suis certain, beaucoup plus qu'un quart, pour les raisons que j'ai mentionnées.

Même si on réduit demain les prestations, même si l'on réduit toutes les subventions indirectes, comme nous l'avons fait, il sera difficile de faire baisser encore plus ces chiffres à cause des institutions, de la surexpansion des industries, et ainsi de suite.

Monte vient de me signaler que l'impôt a plus que compensé la réduction des prestations.

.1040

Je suis très heureux de savoir que vous avez organisé cette conférence et que des chiffres en sont sortis. Cela nous a beaucoup appris, mais je privilégierais surtout l'importance de la composante cyclique qui explique plus de la moitié du décalage et qui démontre la réalité du phénomène. Si c'est un reste, c'est juste un quart. J'aborderais le problème dans l'autre sens et j'essaierais plutôt de déterminer ce qui explique l'écart cyclique entre le Canada et les États-Unis.

Mon argument est que l'existence d'un régime d'assurance- chômage aussi généreux que le nôtre a en fait eu une rétroaction sur la mesure de l'écart et a déformé cette mesure. Le décalage cyclique a toujours été calculé en partant d'indices strictement keynésiens de la demande globale. On devrait prendre en compte qu'il existe une incitation à un chômage de plus longue durée, à un chômage plus fréquent, et à une plus forte expansion des industries saisonnières. Cela devrait être répercuté dans les estimations de l'écart. C'est, par conséquent, pour ainsi dire tautologique qu'il apparaisse aussi important.

Merci, monsieur le président.

Le président: Êtes-vous d'accord, Andrew?

M. Sharpe: Non. Je suis d'accord avec certains points de l'analyse, mais foncièrement, je pense que la composante cyclique peut représenter jusqu'à 50 p. 100... Premièrement, je suis d'accord avec l'observation relative aux années 80, et le travail que vous avez fait portait sur les années 80 et les années 70. À l'époque la composante structurelle de l'écart était beaucoup plus importante. De fait, elle était peut-être totalement structurelle en 1989 quand le décalage était de 2 points de pourcentage.

À l'époque, l'économie canadienne était en bonne santé. Je prétends que pour l'écart que l'on observe en 1996 ou 1995, quand tous les indicateurs montrent que nous sommes bien en deçà de notre potentiel par rapport aux États-Unis, la composante cyclique représente à peu près la moitié de l'écart. L'élément structurel est présent, sans aucun doute. Ce dont nous discutions, c'est simplement de son importance relative.

Le président: Je vous remercie, monsieur Grubel.

M. Grubel: J'ai une dernière question. Que pensez-vous du fait que l'OCDE n'est pas d'accord avec vous à ce sujet?

M. Sharpe: L'OCDE a un écart évolutif d'environ 3,5 p. 100 pour l'économie canadienne, et considère que l'économie américaine fonctionne à environ 2 p. 100 au-dessus de sa capacité. Les chiffres de l'OCDE expliquent la moitié de l'écart, et je suis donc d'accord avec les chiffres de l'OCDE en ce qui concerne l'écart de production. L'OCDE souscrit à l'explication cyclique de la moitié de l'écart.

M. Grubel: Je parle de la stratégie de l'emploi.

M. Sharpe: Je pense qu'ils ont surévalué le rôle des rigidités dans la stratégie d'emploi de 1994. À mon avis, l'étude la plus récente qu'ils aient faite - sur le changement technologique et la productivité, qui faisait partie de l'analyse de l'emploi de l'OCDE - démontrait une approche plus équilibrée.

M. Grubel: J'aimerais que cela soit consigné. Il y a un groupe de chercheurs indépendants qui travaillent à l'OCDE à Paris et tout ce qu'ils publient passe au crible des filtres nationaux, y compris les filtres canadiens. Ils ont déclaré, en généralisant, que la majorité des écarts entre les États-Unis, l'Europe et le Canada s'expliquent non par l'écart de production, comme Andrew le prétend, mais par les autres facteurs que je souligne, c'est-à-dire les rigidités structurelles.

Deuxièmement, le rapport national de l'OCDE sur le Canada est sorti il y a deux ou trois jours. Tout ce que j'ai pu voir c'est un résumé dans le Globe and Mail. J'en ai demandé un exemplaire. On y insiste également sur l'aspect structurel. Que savent-ils que vous ignorez, ou que savez-vous qu'ils ignorent?

M. Sharpe: Il existe des divergences d'opinions entre économistes, et je m'appuie sur un grand nombre de documents, ainsi que sur des recherches additionnelles, que je présenterai à notre conférence.

Il existe des divergences légitimes entre les économistes sur les causes du chômage et l'importance relative de ces divers facteurs. Je ne prétends pas détenir la vérité; d'un autre côté, je ne pense pas non plus que l'OCDE détienne la vérité. C'est quelque chose qui peut être débattu.

M. Grubel: Je voulais simplement le souligner. Au fait, David Laidler a chaudement disputé la pertinence de l'article de Fortin. Fortin lui-même a déclaré, et je le cite: «Le but de mon article était... J'espère avoir stimulé la discussion. Je ne suis pas certain d'avoir raison.»

Le président: La parole est à Susan Whelan, suivie de Dianne Brushett.

Mme Whelan (Essex - Windsor): Je vous remercie, monsieur le président. Je voudrais simplement clarifier quelque chose. Est-ce que le taux de chômage cyclique, l'écart de production et les facteurs de l'offre sont tous des composantes du taux de chômage cyclique?

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M. Sharpe: Non. Les facteurs de l'offre sont différents du cyclique.

Mme Whelan: Bon. Donc le cyclique, c'est juste l'écart de production?

M. Sharpe: Le cyclique est semblable à la demande, et l'offre est structurelle.

Mme Whelan: Parfait.

Selon M. Grubel, ce qui manque à toute l'analyse, c'est la question de la différence entre les taux du salaire minimum.

M. Sharpe: Exactement. Je n'en ai pas parlé.

C'est une remarque tout à fait juste, et cela devrait être examiné plus attentivement. Nous n'avons pas eu de communication à ce sujet à la conférence, et je suis prêt à reconnaître qu'il y a sans doute là quelque chose à approfondir. Je ne pense pas toutefois que cela puisse représenter la moitié de l'écart ou quelque chose de la sorte. Je serais porté à considérer que c'est un facteur structurel, et qu'il serait compris dans l'explication structurelle globale de l'écart.

Mme Whelan: Y a-t-il eu des communications au sujet de l'introduction de l'Accord de libre-échange et de l'ALÉNA? Ont-ils eu des effets sur...

M. Sharpe: Certains pensent que notre chômage est dû au libre- échange avec les États-Unis et à l'ALÉNA. Je rejette cet argument. Je ne pense pas que l'incidence de l'ALE et de l'ALÉNA sur les niveaux de chômage ait été très importante. Bien sûr, il y a eu des pertes d'emplois dans certaines industries, mais elles ont souvent été compensées par des créations d'emplois dans d'autres industries.

L'effet réel de l'ALE et de l'ALÉNA sur le chômage a été, selon moi, très minime, et l'on n'a, par conséquent, pas accordé beaucoup d'importance à la politique commerciale pour expliquer le décalage. Toutefois, je suis prêt à examiner les recherches qui peuvent avoir été faites. Si vous considérez que cela a été un facteur et que l'on devrait lui accorder plus d'importance, je suis prêt à entendre votre argument et votre démonstration.

Mme Whelan: La seule raison pour laquelle je soulève la question, c'est qu'elle renvoie à la remarque de M. Grubel au sujet des taux du salaire minimum, qui sont, à mon avis, un des facteurs en cause. Mais je ne vois pas très bien où ils entrent en jeu. Je suis loin d'avoir les connaissances que vous ou M. Grubel possédez, et je serais intéressée de voir son rapport quand il le mettra à jour pour les années 90, car je suis sûre qu'il le fera.

Je sais ce qui s'est passé. J'habite dans une localité frontalière, et je sais que des usines ont déménagé au Kentucky et au Mexique. Je ne suis pas contre le principe du libre-échange ni contre l'ALÉNA. Je sais que nous avons une économie globale. Je crois simplement que le taux du salaire minimum a un effet quelque part.

J'ai été un peu surprise par vos statistiques - mais je ne suis pas certaine d'avoir tout compris - quand vous avez mentionné brièvement la production par travailleur. Vous avez dit qu'entre 1981 et 1989, elle était plus élevée au Canada qu'aux États-Unis, et qu'aujourd'hui elle est identique dans les deux pays.

M. Sharpe: C'est exact. Au plan des taux de croissance oui. Le taux de croissance était légèrement plus élevé.

Historiquement, la croissance de la productivité a été plus élevée au Canada qu'aux États-Unis au cours des dernières décennies, sinon plus, à cause de ce qu'on appelle le rattrapage.

Les États-Unis ont un niveau de productivité par travailleur plus élevé. Ils possèdent la technologie la plus performante, et nous avons évolué dans cette direction en important la technologie américaine. Nous avons fait du rattrapage au cours des dernières décennies et nous progressons plus rapidement sur le plan de la productivité, car nous nous rapprochons de leur niveau. Au fur et à mesure que nous nous rapprochons, notre taux de croissance et le leur ont tendance à se rejoindre.

Mme Whelan: Il me reste une dernière question à ce sujet.

Je sais que souvent, les entreprises qui ont déménagé au Sud conservent leurs usines canadiennes et y font souvent faire du travail à cause de la qualité. Y a-t-il quelque chose dans vos statistiques sur la qualité de l'emploi, des travailleurs et des produits?

M. Sharpe: La qualité des emplois est difficile à mesurer. Je suppose que l'on pourrait examiner le salaire moyen.

Mme Whelan: Non, pas la qualité des emplois, la qualité de la production.

M. Sharpe: Oh, pardon.

M. Grubel: Le capital humain.

M. Sharpe: Non, nous parlons de la qualité du produit.

Mme Whelan: Oui, la qualité du produit.

M. Grubel: Eh bien, c'est la productivité de la main-d'oeuvre qui fabrique les produits de grande qualité. C'est ce dont elle parle.

M. Sharpe: Bon.

Pour ce qui est du capital humain, je ne pense pas que l'on ait globalement un problème par rapport aux États-Unis. Notre niveau de scolarité est comparable à celui des États-Unis. Il se peut que sur le plan de la formation nous ne réussissions pas aussi bien, mais globalement, on peut dire que l'on possède une main- d'oeuvre assez hautement qualifiée.

Je ne pense pas que l'augmentation du chômage soit due à une détérioration de la qualité de notre main-d'oeuvre et par conséquent, à la fabrication de produits inférieurs à ceux des États-Unis. Il suffit de voir la croissance de nos exportations pendant les années 90.

Mme Whelan: Non, c'est plutôt le contraire. J'ai dit que certaines usines sont revenues.

Le président: Madame Brushett, en deux mots.

Mme Brushett: Entendu, monsieur le président. Je vous remercie.

Vous avez dit que l'offre explique l'écart pour environ 25 p. 100, et que l'on est récemment revenus à la situation qui existait avant 1970 en restructurant la Loi sur l'assurance-emploi.

M. Sharpe: Sur le plan de la générosité des prestations.

Mme Brushett: Quand les changements que nous avons effectués se traduiront-ils par une diminution de l'écart?

M. Sharpe: C'est une bonne question.

C'est très difficile à dire. Cela s'est peut-être déjà produit. Il se peut que l'effet qu'avait l'assurance-chômage sur l'importance de l'écart ait diminué et que d'autres facteurs l'aient remplacé, ce qui ferait que le décalage reste très élevé. C'est très difficile à dire.

Certains pensent qu'il pourrait y avoir de longs délais avant que le débouclage du régime d'assurance-chômage influe sur le comportement du marché du travail, que cela prendra du temps. Il est très difficile de dire où l'on en est. Je suppose que le bon côté des choses, c'est que nous constatons que l'écart dû à l'assurance-chômage est en train de tomber, ou que c'est ce qui va se produire.

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Mme Brushett: C'est ma deuxième remarque, très rapidement. Vous ou un autre économiste avez-vous élaboré un modèle pour montrer la relativité du taux d'emploi par rapport à cet écart? Comment se situe-t-il par rapport au PIB? Quelle est son importance?

M. Sharpe: C'est une très bonne observation. Foncièrement, notre PIB par habitant a diminué par rapport à celui des États- Unis. Il fut un temps où il se situait à environ 91 p. 100 de celui des États-Unis, et nous sommes tombés aujourd'hui à environ 87 p. 100. Là encore, tout dépend des mesures et des parités de pouvoir d'achat que l'on utilise.

Il y a eu une détérioration de notre niveau de vie par habitant par rapport aux États-Unis. C'est principalement parce qu'ici, le rapport emploi-population a beaucoup baissé. Il n'y a plus autant de gens qui travaillent par rapport à la population que dans le temps. Cela signifie que nous avons un niveau d'emploi moins élevé au Canada et que, par conséquent, il y a moins de revenus et donc une diminution relative de notre niveau de vie par rapport à celui qui existe aux États-Unis.

Mme Brushett: Vous dites qu'il y a un rapport direct.

M. Sharpe: Tout à fait. C'est un déterminant clé de notre niveau de vie. C'est l'une des raisons pour lesquelles le Centre d'étude de niveau de vie était intéressé par ce projet. Notre niveau de vie est déterminé, à long terme, par la productivité et à court terme, par l'emploi.

Nous devons faire le nécessaire pour avoir une économie de plein emploi, mais nous en sommes loin. Donc, à court et à moyen terme, nous devons nous orienter vers le plein emploi, puis nous occuper de notre productivité afin que notre niveau de vie s'améliore. Cet aspect du décalage est très étroitement lié à notre niveau de vie.

Mme Brushett: Je vous remercie.

M. Grubel: Que pouvez-vous dire au sujet de l'économie souterraine en tant que facteur pour expliquer ce taux de participation réduit? S'y est-on intéressé?

M. Sharpe: L'économie souterraine est un gros problème. La meilleure étude sur la question a été faite par Statistique Canada. C'était un travail très approfondi. Ils ont découvert qu'elle ne représentait que 3 p. 100 du PIB. Leur estimation était très basse, beaucoup plus que d'autres. Je ne pense pas qu'il y ait grand chose derrière la question de l'économie souterraine, mais je pourrais en parler un peu si vous le souhaitez.

Le président: Je m'excuse, mais je n'avais pas réservé suffisamment de temps pour cette très importante et très intéressante question. Andrew, je tiens à vous remercier, au nom de tous les membres du comité, d'avoir comparu devant nous.

M. Sharpe: Je vous remercie. J'ai beaucoup aimé l'esprit dans lequel nous avons débattu de ces questions.

Le président: Je vous remercie au nom de tous les députés.

Nos prochains témoins représentent le Caledon Institute on Social Policy. Ken Battle en est le président, Sherri Torjman, la vice-présidente. Ce n'est bien sûr pas la première fois qu'ils comparaissent. Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux.

M. Pielsticker, nous vous écouterons ensuite, si ça ne vous dérange pas. Je vous remercie.

M. Ken Battle (président, Caledon Institute on Social Policy): Merci, monsieur le président, de nous avoir invités. Venant à la suite de la présentation d'Andrew, notre exposé va sans doute vous obliger - quoique je n'en sois pas si sûr - à envisager les choses sous un autre angle.

Nous avons prévu de passer en revue une ou deux des questions de politique sociale les plus importantes qui se posent à l'heure actuelle et que nous avons analysées. Un des points que nous allons soulever est directement dans la ligne des consultations prébudgétaires. Les autres sont plus généraux et s'inscrivent dans une perspective à plus long terme.

Nous avons préparé quelques notes. Il ne s'agit pas du tout d'un mémoire que nous voulions vous soumettre, mais nous allons nous reporter à certains graphiques qui se trouvent dans ce document.

Je présume que si l'on devait donner un thème à nos remarques - c'est ce que j'essaie de faire ce matin, trouver un thème - peut-être pourrait-on les inscrire dans le cadre d'une question que nous nous posons, à savoir: est-ce qu'il y aura un dividende de la paix dans la guerre contre le déficit?

Il est certain que, quelle que soit la position que l'on adopte à propos des changements qui ont été effectués - non seulement au cours des dernières années, mais depuis le milieu des années 80 où l'on a véritablement commencé à modifier la politique sociale - la nature et le bien-fondé de ces changements ne font pas l'unanimité; toutefois, je ne pense pas que l'on puisse vraiment mettre en doute le fait que, dans l'ensemble, l'objet de ces changements a été de réduire les dépenses consacrées aux principaux programmes sociaux.

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Nous souhaitons parler d'un ou deux des programmes les plus importants et présenter un argument en faveur d'une modification fondamentale de la structure du système de sécurité sociale canadien. Nous pensons qu'il existe un élément qui touche le problème de l'emploi, l'avenir de l'union sociale et celui de la confédération: il s'agit de l'idée d'instaurer une prestation fiscale nationale pour enfants, et c'est ce dont j'aimerais vous parler brièvement.

À la première page du document que nous vous avons distribué, vous voyez un graphique intitulé «Total des dépenses sociales au Canada».

Avez-vous ce document? Voyez-vous ce dont je parle?

Le président: Continuez. On va distribuer les copies.

M. Battle: Il s'agit de la somme des dépenses consacrées aux programmes sociaux par tous les paliers du gouvernement - fédéral, provincial et même municipal. Nous venons tout juste de mettre ces données à jour. On constate qu'il y a eu une augmentation en flèche, mais pour ceux d'entre nous qui avons travaillé sur ces données dans le passé, ce qui est remarquable, c'est qu'au cours des deux ou trois dernières années fiscales - le graphique s'arrête à l'année financière 1994-1995, car c'est la dernière sur laquelle on peut avoir des données complètes - il y a eu un aplatissement du total des dépenses sociales.

On pourrait se demander pourquoi cette somme a continué d'augmenter au cours des années où l'on a effectué des coupures, et en bref, on pourrait dire que, jusqu'à ces toutes dernières années, les forces qui influent sur les dépenses sociales ont été plus agissantes que toutes les initiatives qui ont été prises pour les restreindre. Je veux dire les forces sociales et économiques qui exercent d'énormes pressions sur le régime de sécurité sociale - l'évolution du marché du travail, le chômage, les divorces, la désinstitutionnalisation des personnes souffrant de handicaps et le vieillissement de la population. Il s'agit de forces profondément enracinées dans notre société et dans notre économie, des forces qui, depuis longtemps, exercent des pressions énormes sur les programmes sociaux.

Cependant, ces deux ou trois dernières années, on a pu constater un plafonnement et, si vous tournez la page, vous pouvez voir que, mesuré en pourcentage du PIB, le total des dépenses sociales, au cours des deux ou trois dernières années fiscales, a en fait décliné.

Il s'agit d'un changement historique. En effet, aussi loin que l'on puisse remonter pour mesurer les dépenses sociales - j'ai commencé en 1945-1946, c'est-à-dire à l'époque où nous mettions en place notre régime de sécurité sociale moderne - les dépenses ont augmenté. Cette augmentation est due à un accroissement de la population et à l'inclusion de programmes sociaux importants destinés à de grands segments de la population, mais au cours des dix dernières années, alors que l'on restreignait les dépenses sociales, ce sont les forces sociales et économiques qui ont vraiment dominé.

Toutefois, les gouvernements ont finalement réussi à juguler l'augmentation des dépenses sociales. Je vous rappelle que les dépenses consacrées au régime de retraite public ont continué à monter; par conséquent, la stabilisation, et même le déclin du total de ces dépenses sont attribuables principalement aux coupures qui ont affecté l'assurance-chômage et, à un moindre degré, les prestations pour enfants et les transferts fédéraux aux provinces en matière de programmes sociaux. Ce que nous voulons souligner, c'est que, quelle que soit la façon dont on envisage la situation, il est évident que l'on a fortement freiné les programmes sociaux au cours des deux ou trois dernières années.

Un des plus gros changements - pour nous, il s'agit du plus gros changement depuis l'avènement de l'État-providence moderne - a été l'instauration du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, un programme que le comité connaît bien.

À la page 3 de notre document, il y a un graphique que nous vous avons présenté, je pense, la dernière fois que nous avons comparu; mais vous nous avez écoutés, et la situation est un peu moins sombre qu'elle aurait pu être. Ce graphique permet de suivre l'évolution du total des transferts de fonds du fédéral aux provinces au titre de l'aide sociale, des services sociaux, de la santé et de l'éducation post-secondaire depuis 1980. Les chiffres sont en dollars constants. Je souligne qu'il s'agit de transferts de fonds. Nous verrons ce qu'il en est des points d'impôt dans quelques minutes.

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Lorsque le TCSPS a été introduit, ce que l'on a le plus critiqué - et ce que l'on craignait le plus - c'est que, si l'on conservait la formule d'indexation partielle, ce transfert allait décliner et disparaître, comme nous l'indiquons sur le graphique. Toutefois, on a décidé de fixer un minimum de 11 milliards de dollars à ce transfert de fonds et de le maintenir pendant cinq ans - c'est ce que représente la ligne que vous voyez dans la partie supérieure du graphique - ce qui le stabilise. De notre point de vue, il s'agit d'une modification d'une extrême importance qui a été apportée au TCSPS.

À la page 4, on peut voir qu'indubitablement, lorsque le TCSPS a été introduit, cela représentait une coupure relativement importante. On peut la mesurer de différentes façons, et tout dépendant de la manière dont on fait les calculs, on arrive à des compressions de l'ordre de 6 à 8 milliards de dollars, étalées sur plusieurs années fiscales. Il y a donc eu une réduction importante des dépenses, même si cela s'est finalement stabilisé.

Sur le graphique de la page 5, nous avons ajouté les points d'impôt pour satisfaire ceux qui prétendent que cela fait toujours partie des dépenses fédérales. Cette opinion ne fait pas l'unanimité, bien sûr. Mais ici, il y a le tout. On peut voir le déclin du TCSPS, mais à cause du plancher de 11 milliards de dollars et du revenu que l'on s'attend à tirer des points d'impôt, il y aura une légère augmentation vers 2002-2003.

Cependant, sur le graphique de la page 6, on peut voir que la proportion des fonds et des points d'impôt dans les allocations fédérales s'est modifiée du tout au tout au cours des années. Dès l'introduction du TCSPS, on peut constater un déclin progressif de l'allocation fédérale aux provinces sous forme de liquidités, et la raison pour laquelle nous soulignons cela, c'est que les allocations monétaires représentent le seul élément qui puisse être utilisé comme levier pour faire respecter les quelques normes nationales qui s'appliquent encore aux programmes sociaux.

Je vais passer la parole à Sherri qui va brièvement passer en revue certaines des retombées des changements législatifs qui ont accompagné l'introduction du TCSPS. Nous considérons que cet impact est si profond que cela vaut certainement la peine que nous le signalions à nouveau à votre attention.

Mme Sherri Torjman (vice-présidente, Caledon Institute on Social Policy): Je pense que vous nous avez déjà entendu présenter cet argument auparavant, mais lorsque le TCSPS a été introduit, il y avait deux choses qui nous préoccupaient. La première, c'était la baisse des fonds, une question que Ken vient d'évoquer, et la deuxième, c'était la disparition de la base législative sur laquelle reposait le régime d'assistance publique du Canada. Nous avons alors prédit que cela aurait un impact profond sur les services sociaux et l'assistance sociale dans tout le pays, et je pense que nous voyons cette prédiction se réaliser.

Nous essayons de repérer les changements qui se sont produits, et ce que l'on entend dire au sein des collectivités, c'est que l'impact a été sérieux, notamment en ce qui concerne les services sociaux, par exemple, l'aide sociale à l'enfance, les garderies, les foyers de transition pour les victimes de violence familiale, les services d'auxiliaires auxquels les gens ont recours pour pouvoir vivre chez eux plutôt que dans des établissements hospitaliers, et les services d'aide ménagère pour les gens âgés. Le financement de tous ces services était assuré en partie par le gouvernement fédéral en vertu du Régime d'assistance publique du Canada, mais les lois sur lesquelles s'appuyait ce financement n'existent plus.

Ces services ont donc fait l'objet de coupures et les provinces ont réagi en imposant des droits d'utilisation ou en les augmentant s'il en existait déjà. Cela signifie que les gens qui peuvent se le permettre devront payer de leur poche pour bénéficier de ces services, et ceux qui ne le peuvent pas, devront s'en passer.

La situation est autant plus critique si l'on prend en compte le vieillissement de la population et ce que nous disent les statistiques démographiques. Il s'agit d'une politique qui est vraiment à courte vue, et ce qui nous préoccupe au plus haut point, c'est le fait que la base législative a complètement disparu. L'assistance sociale, comme vous le savez, a également fait l'objet de changements importants. C'est ainsi qu'en Ontario, il existe maintenant des programmes de travail obligatoire, une chose qui n'aurait jamais été autorisée si le Régime d'assistance publique du Canada était demeuré en place.

Comme nous avons pu le constater, on a apporté de nombreux changements aux régimes d'assistance sociale afin de limiter le nombre de gens qui pouvaient recevoir des prestations, et cela s'est produit parce qu'il n'existe plus dans le pays de filet de sécurité assurant légalement la sécurité du revenu. Il a tout simplement disparu et nous pouvons voir les conséquences. Nous restons à l'écoute des gens et nous les interrogeons afin d'essayer de suivre tous les changements qui se produisent.

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Je ne pense pas que nous devrions passer notre temps à pleurer la disparition du Régime d'assistance publique, et nous ne sommes pas là pour ça, mais il y a des initiatives qui nous paraissent appropriées pour au moins compenser certains des problèmes qui se font jour, comme nous pouvons le constater.

Le président: Vous venez de me le rappeler: je ne suis pas venu ici pour enterrer César.

Mme Torjman: Voilà, exactement. Et il y a des domaines où nous estimons que nous devons faire quelque chose afin de faire face aux problèmes qui se font jour au sein des collectivités locales.

J'aimerais maintenant redonner la parole à Ken, parce qu'une des principales questions dont nous nous sommes occupés récemment est l'idée d'instaurer une prestation fiscale nationale pour enfants.

M. Battle: Je vais d'abord brosser la toile de fond. Je m'excuse de rester un peu dans le vague, mais les négociations sont en cours et j'y participe. Je veux simplement vous donner une idée d'où en sont les choses. L'avenir de la prestation fiscale pour enfants est maintenant pratiquement entre les mains de M. Martin, et nous allons voir ce qui va arriver.

Quelle est donc cette chose dont n'arrêtent pas de parler ceux qui se passionnent pour la politique sociale? Qu'entend-on par prestation nationale pour enfants? Je vais partir de ce qui s'est passé récemment, car la question a une importante dimension politique. L'idée de réformer la prestation pour enfants n'est pas nouvelle. Dans le passé récent, la question a été agitée en 1988 dans le rapport sur la réforme du régime d'assistance sociale de l'Ontario, mais si l'on remonte le cours de l'histoire de la politique sociale, on peut dire que la question était déjà sur le tapis dans les années trente et quarante, lorsqu'on discutait des allocations familiales.

Toutefois, la force politique qui a poussé cette idée sur le devant de la scène est venue des provinces, et c'est peut-être une conséquence intéressante et positive du TCSPS - tout n'est pas mauvais, dans cette mesure. En effet, lorsque le TCSPS est entré en vigueur, les provinces ont assez rapidement pris des dispositions pour démontrer qu'elles pouvaient agir conjointement pour tenter de réformer la sécurité sociale - et je veux dire par là que leur intérêt pour la question ne se limitait pas à leur propre territoire. Si nous avons appris quelque chose au fil des années, c'est qu'au Canada, bien des éléments s'enchevêtrent dans le régime de sécurité sociale parce que notre pays est une confédération. Nous pouvons essayer de démêler quelque peu la situation, mais je pense que dans ce dossier, les interventions des deux paliers de gouvernement seront toujours étroitement liées, à cause de la nature des problèmes que nous essayons de régler.

Le Conseil ministériel sur la réforme et le renouvellement de la politique sociale, un comité établi par les provinces, a publié un rapport en décembre 1995, je pense, - toutes l'on signé, sauf le Québec - demandant au gouvernement fédéral de collaborer, entre autres initiatives, à la création d'une prestation nationale pour enfants. Le premier ministre, ainsi que le ministre des Finances et le ministre du Développement des ressources humaines ont reconnu le bien-fondé de cette idée dans des discours qu'ils ont prononcés depuis, et les fonctionnaires concernés examinent à l'heure actuelle ce que cette proposition peut impliquer.

Cependant, avant d'en venir à la prestation pour enfants, je tiens à souligner un important élément positif du régime de sécurité sociale qui est trop souvent ignoré, notamment par les médias, et qui n'entre donc pas dans l'idée que la population se fait des programmes sociaux. De nos jours, on critique beaucoup les programmes sociaux, et je pense que l'on a raison. Même s'il n'y avait pas de problème de dette et de déficit public, je crois que l'on devrait améliorer l'efficacité des programmes sociaux. Il est indubitable que l'évolution de notre économie et de notre société exige que l'on apporte des changements majeurs aux programmes sociaux afin d'en améliorer l'efficacité et la pertinence.

Or, les programmes de sécurité sociale ont eu un effet réellement intéressant: ils ont permis de compenser les inégalités croissantes qui se sont fait jour sur le marché, principalement à cause de l'évolution du marché du travail et des taux de chômage élevés que nous connaissons au Canada.

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Je suis sûr que vous êtes parfaitement au courant de la question et je ne vais donc pas entrer dans les détails, mais à la page 9, le graphique illustre la répartition du revenu entre les familles canadiennes, en se fondant sur trois définitions différentes du revenu. Il y a tout d'abord le revenu marchand. Cela correspond simplement au revenu tiré des gains, des salaires, du travail indépendant, des régimes de retraite privés, des bénéfices réalisés sur des investissements, et d'autres sources privées. Le graphique montre comment ce revenu est ventilé entre cinq catégories de familles dont le revenu se situe à un niveau différent; le résultat est très semblable lorsqu'on examine le revenu des célibataires.

Vous pouvez voir que les familles qui se situent dans la catégorie où le niveau du revenu est le plus bas ne peuvent prétendre qu'à 2 p. 100 du revenu marchand, alors que les familles qui se trouvent dans la tranche de revenu la plus élevée en détiennent 44 p. 100. Toutefois, lorsqu'on tient compte de l'effet des programmes de sécurité du revenu offerts par tous les paliers du gouvernement, la répartition du revenu change de façon spectaculaire. Peut-être n'est-ce pas très visible sur le graphique, mais le changement est tout à fait marqué. La part du revenu des familles dans les tranches les plus basses est multipliée par trois et passe à 6 p. 100, alors que chez les familles à revenu élevé, il y a une légère baisse. Et si l'on tient compte de la redistribution qui s'effectue par le biais des impôts, des impôts sur le revenu fédéraux et provinciaux, la part du revenu marchand qui revient aux familles à revenu modeste augmente encore un peu.

Si l'on veut essayer de mettre cette information en contexte et d'en tirer une conclusion, on peut se référer au graphique qui se trouve à la page 10. Si l'on veut voir comment a évolué l'écart tant décrié entre les familles canadiennes à revenu élevé et celles qui ont un revenu modeste, il suffit de jeter un coup d'oeil sur le niveau des barres qui représentent la part de revenu de la catégorie supérieure divisée par la part de revenu de la catégorie inférieure; il s'agit d'un indicateur très simple.

Vous pouvez voir qu'au fil des années, les familles à revenu élevé ont eu une part du revenu marchand qui était entre 14 et 22 fois plus grande que celle des familles se situant dans la catégorie de revenu inférieure. Cet écart s'est beaucoup creusé à cause des récessions et à l'heure actuelle, il est très grand, ce qui donne du crédit à la théorie voulant que l'inégalité, sur le plan du revenu marchand, devient de plus en plus criante. Cependant, si l'on prend en compte l'impact des programmes de sécurité du revenu et, dans une moins grande mesure, celui des impôts, la situation change du tout au tout. L'écart entre les familles à revenu élevé et à revenu modeste diminue énormément. Et ce qui est significatif, c'est qu'il n'a pas augmenté du tout, en dépit de la croissance économique et des inégalités qui existent au niveau du revenu marchand.

Les programmes gouvernementaux de transfert du revenu ont réussi jusqu'ici, en tout cas jusqu'en 1994, à compenser pleinement l'inégalité croissante au niveau du revenu marchand. Je dis «jusqu'ici» parce qu'en Ontario, où l'on trouve un tiers des bénéficiaires de l'aide sociale du Canada, les prestations d'assistance sociale ont été réduites substantiellement, et que l'on continue de couper l'assurance-chômage. Il s'agit des deux plus importants programmes de transfert de revenu, et l'effet de ces mesures va peut-être commencer à se faire sentir. Jusqu'ici, les programmes gouvernementaux ont remarquablement bien réussi, au Canada, à gommer les inégalités et à les empêcher de se creuser.

Qu'est-ce que tout cela a à voir avec la prestation pour enfants? Ce que je tente de montrer, dans la ligne des observations de Sherri, c'est que nous n'essayons pas de faire valoir la prestation pour enfants ou tout autre programme de soutien du revenu en prétendant que c'est une panacée. Ce n'est pas une solution à la pauvreté chez les enfants, ce n'est pas une solution à l'inégalité sociale, mais cela fait certainement partie de la solution. C'est un élément très important de la solution. Sur le plan politique, nous avons là l'occasion - parce que les gouvernements provinciaux s'y intéressent et, ce qui est remarquable, sont d'accord - de donner corps à l'idée d'une prestation pour enfants intégrée au régime de sécurité du revenu.

Où est le problème? Pourquoi même parler de cela? Eh bien, au Canada, nous avons un régime de prestation pour enfants qui est tout à fait injuste et tout à fait irrationnel. Il est irrationnel dans le contexte de la politique relative au marché du travail, comme d'ailleurs dans le contexte plus étroit de la politique sociale.

Si vous vous reportez à la page 11, vous verrez un exemple de ce que représente la prestation pour enfants pour deux catégories de familles pauvres, les familles de travailleurs économiquement faibles et les familles de prestataires de l'aide sociale. Dans notre exemple, ces familles ont deux enfants. Les données concernant l'Ontario datent de deux ans, mais la situation qu'elles illustrent sera la même dans tout le Canada. Ce qui arrive essentiellement, c'est que les familles qui bénéficient de l'aide sociale reçoivent, pour leurs enfants, des prestations de sécurité du revenu substantiellement plus élevées que les familles de travailleurs à faible revenu. En effet, non seulement reçoivent- elles la prestation fédérale pour enfants, mais elles ont également droit à des prestations d'assistance sociale au nom de leurs enfants. Il se creuse donc un écart appréciable entre les deux catégories de familles à revenu modeste, sur le plan du soutien du revenu. Cet écart varie évidemment d'un océan à l'autre, parce que nos différents régimes d'assistance sociale ne sont pas du tout les mêmes, mais il existe dans tout le Canada.

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Pourquoi cela pose-t-il un problème? C'est un problème sur le plan de l'équité. Nous ne pensons pas qu'il soit juste que les enfants qui appartiennent à une catégorie de famille à revenu modeste reçoivent une aide plus substantielle du gouvernement que des enfants dont la famille est également économiquement faible, mais appartient à une autre catégorie. Cela contribue également en partie à ériger ce que nous appelons le mur de l'aide sociale. En effet, cela décourage les parents qui vivent de l'aide sociale à réintégrer la population active.

L'élément dissuasif est le fait qu'ils vont perdre une part appréciable du revenu qu'ils touchent au nom de leurs enfants, car s'ils travaillent, ces prestations ne leur sont plus versées. Non seulement cela, mais ils doivent assumer des dépenses liées au fait qu'ils travaillent, ils ne reçoivent plus les avantages en nature qui leur sont consentis lorsqu'ils touchent l'aide sociale, et ils doivent payer des impôts ainsi que des primes du RPC et de l'A.-C.

M. Grubel: À propos des familles de travailleurs à revenu modeste, si vous ajoutiez une autre case au-dessus de celle qui représente les prestations de 2 753$, à combien se chiffrerait, en moyenne, le revenu gagné?

M. Battle: Dans cette catégorie de famille, le revenu gagné serait d'environ 20 000$. Toute famille qui a un revenu gagné de 10 000 à 20 000$ reçoit les prestations fédérales maximales.

M. Grubel: Alors, quel serait le revenu total d'une famille qui vit de l'aide sociale par rapport à une famille de travailleurs à revenu modeste?

M. Battle: Je n'ai pas les chiffres ici, excusez-moi.

M. Grubel: Vous voyez où je veux en venir. Cette différence, exprimée en pourcentage du revenu total, est réellement triviale si leur revenu se situe entre 15 000 et 20 000$ par an. Si les travailleurs à revenu modeste perdent, disons, entre 700 et 500$ en devenant prestataires de l'aide sociale, il me semble que cela constitue un facteur dissuasif très peu important dans leur décision de travailler ou non.

M. Battle: Je ne pense pas qu'il s'agit d'un facteur dissuasif peu important. Je vois ce que vous voulez dire. Il n'y a pas de définition arrêtée de «travailleur économiquement faible», et par conséquent, nous pourrions parler d'une famille dont le revenu gagné s'élève à 10 000$.

M. Grubel: Vous avez dit que cela pouvait aller jusqu'à 20 000$.

M. Battle: C'est entre 10 000 et 20 000$. J'ai inclus sur le graphique la prestation pour enfants maximale et, étant donné la façon dont fonctionne le supplément au revenu gagné, que j'ai ajouté, cela se situerait dans cette fourchette. Il peut très bien s'agir d'une famille dont le revenu total est relativement bas.

Le problème, c'est que l'élément dissuasif vient, je pense, d'une certaine façon d'envisager les choses. Une famille qui s'intègre à la population active sait qu'elle abandonne une source stable de revenu. Je sais que c'est bizarre de dire que l'aide sociale est une source stable de revenu.

M. Grubel: Non, je suis d'accord avec vous.

M. Battle: Étant donné le peu de sécurité dont jouit la population active actuellement, une famille prend un risque lorsqu'elle décide de s'y intégrer, et c'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il y a là un facteur dissuasif.

M. Grubel: Je suis d'accord avec vous, en général; néanmoins, je pense qu'il est injuste de présenter des données qui sont erronées, parce qu'elles vous permettent de dire qu'il existe un très fort facteur dissuasif. D'après ce que je peux voir, il s'agit de choisir entre disposer de 6 000$ par an lorsqu'on vit uniquement des prestations d'aide sociale - provinciales et fédérales - et 15 000$, y compris 2 500$ de prestation fédérale pour enfants. Il y a un facteur dissuasif, mais il n'est pas aussi important que vous le laissez entendre en présentant les données comme vous l'avez fait sur ce graphique.

Merci beaucoup. C'est tout ce que je voulais signaler.

M. Battle: Poursuivons. Qu'est-ce que l'on entend quand on parle de prestation pour enfants intégrée? De prestation pour enfants nationale? Plusieurs provinces ont apporté des changements à leur propre régime afin de s'orienter vers un véritable système de prestation pour enfants. L'objectif est d'essayer de fournir un soutien équivalent aux familles de travailleurs à revenu modeste et à celles qui perçoivent des prestations d'aide sociale. Autrement dit, nous essayons d'égaliser les chances, si vous voulez, et d'accorder les mêmes prestations pour enfants aux familles à revenu modeste, afin d'effacer cette distinction embarrassante entre les familles où l'on travaille et celles qui vivent de l'aide sociale.

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On peut s'y prendre de différentes façons pour y parvenir. On peut, par exemple, adopter une méthode hautement théorique et partir de zéro, c'est-à-dire prendre tout l'argent que le gouvernement fédéral consacre aux enfants par le biais de la prestation fiscale qui leur est attribuable, ainsi que le supplément au revenu gagné, et tout l'argent que les provinces consacrent aux enfants par le biais de l'aide sociale et, dans certains cas, de divers autres programmes, tout mettre dans le même pot, créer un programme entièrement nouveau, et charger soit le gouvernement fédéral, soit les provinces de l'administrer. C'est la méthode théorique, la méthode de la table rase. De fait, nous avons élaboré un modèle fondé sur cette approche juste pour avoir une idée de combien cela coûterait et de ce que cela donnerait.

Toutefois, il existe une autre méthode qui, à mon avis, est plus réaliste - et c'est dans la ligne de certaines de nos initiatives auprès des provinces - il s'agit d'essayer de reconnaître le fait que les provinces partent de prémisses très différentes, si l'on tient compte des mesures qu'elles ont déjà prises pour instituer une nouvelle prestation pour enfants, ainsi que leur capacité fiscale. De fait, plusieurs provinces se sont très rapidement orientées vers ce genre de système par le biais de leurs propres programmes.

À partir de cette année, dans le cadre de sa réforme générale de l'aide sociale, la Colombie-Britannique remplace les prestations d'aide sociale accordées aux enfants par ce qu'elle a appelé l'allocation familiale de la Colombie-Britannique. Il s'agit d'un programme de prestations fondé sur un examen du revenu, qui n'est pas très différent de la prestation fiscale pour enfants du gouvernement fédéral - les deux choses se ressemblent fort - et qui est destiné aux familles à faible revenu de la Colombie- Britannique. Par conséquent, que ces familles vivent de l'aide sociale ou qu'il s'agisse de travailleurs à faible revenu, ou encore de familles où il y a une combinaison de revenus... parce que lorsque nous parlons de familles à revenu modeste où l'on travaille et de familles à revenu modeste où l'on vit de l'aide sociale, nous faisons parfois une distinction artificielle. De nombreuses familles reçoivent un revenu de différentes sources. La Colombie-Britannique a décidé de réorienter ses dépenses en créant cette nouvelle prestation pour enfants.

Ce qui est intéressant, à propos de la prestation de la Colombie-Britannique qui, comme je le disais, entre tout juste en vigueur maintenant, c'est qu'elle va être versée par Revenu Canada. Elle a été conçue par la Colombie-Britannique, avec l'assistance technique de DRH, et elle est financée par cette province. Elle sera toutefois versée par Revenu Canada, car elle sera intégrée à la structure de versement de la prestation fiscale pour enfants. Donc, si l'on considère qu'il existe une prestation fiscale pour enfants, un supplément au revenu gagné et qu'à cela vient s'ajouter la prestation versée par la Colombie-Britannique, on peut dire que, de facto, il y a, si l'on peut dire, un projet-pilote pour tester une prestation pour enfants nationale en Colombie-Britannique, où l'on a instauré un régime de prestation pour enfants fondé sur un examen du revenu familial.

L'Alberta a annoncé qu'elle adopterait une méthode un peu différente, mais qu'elle s'orientait, dans l'ensemble, dans la même direction. L'Alberta va introduire une prestation liée au revenu gagné qui sera réservée aux familles à faible revenu, aux familles de travailleurs économiquement faibles, et par conséquent, cela ressemble beaucoup au supplément au revenu gagné du gouvernement fédéral, même si cela n'est pas conçu de la même façon.

La Saskatchewan a mis en place un système de prestation pour enfants entièrement nouveau, qui combine l'approche adoptée par la Saskatchewan et celle de la Colombie-Britannique. La Saskatchewan est prête à mettre ce programme en oeuvre.

Le Québec vient d'annoncer une réorientation profonde de toute sa politique familiale, ce qui comprendra notamment la création d'une prestation intégrée. Le mot «intégrée» reflète la même approche que celle des autres provinces.

Il y a deux ans, l'Ontario avait un programme tout prêt. Il n'a pas été mis en oeuvre pour éviter la catastrophe, parce que la province ne pouvait pas se permettre de le financer, mais elle avait, elle aussi, conçu un programme.

Ce que j'essaie de souligner, c'est qu'en ce domaine, l'initiative appartient aux provinces, ce qui est fort intéressant, je pense.

La question qui reste à résoudre est la suivante: que pouvons- nous faire pour établir un régime de prestation pour enfants national, puisque la majorité des provinces n'en ont pas encore un. Elles souhaiteraient aller dans cette direction. C'est dans leur propre intérêt, parce que cela leur permettra de réformer leur régime général d'assistance sociale.

Que peut faire le gouvernement fédéral? Le fédéral a aussi un rôle à jouer. J'en ai suggéré un plus tôt, celui qui consisterait à dire: asseyons-nous, mettons un programme au point sur ordinateur, le gouvernement fédéral paie pour tout, c'est clair, c'est net, allons-y. Je ne pense pas que c'est cela qui va se passer, pour toutes sortes de raisons. Ce n'est pas seulement une question d'argent. C'est aussi que les provinces veulent accomplir des choses différentes par le biais de leurs propres programmes.

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À mon avis, ce que j'appelle l'approche du fédéralisme coopératif est beaucoup plus réaliste et bien plus facilement applicable. Je pense qu'une telle approche a énormément d'importance, une importance qui ne se limite pas au domaine de la politique sociale, et ce dont j'essaie de vous démontrer le bien- fondé n'est pas uniquement une initiative de politique sociale.

Cela se traduirait de la façon suivante: le gouvernement fédéral consoliderait la base du soutien du revenu en reconfigurant le régime fédéral. On pourrait parvenir à cela de différentes manières, mais l'objet de l'exercice serait d'augmenter le niveau du soutien du revenu assuré par le gouvernement fédéral au moins jusqu'à un point où cela permettrait aux provinces de réaffecter, en tout ou en partie, les fonds qu'elles consacrent actuellement aux enfants par le biais du régime d'assistance sociale à des programmes où les prestations seraient liées au revenu gagné. Cela pourrait prendre la forme de places de garderie. On pourrait définir largement ce qui peut être entendu par prestation pour enfants. Cela pourrait prendre la forme d'un supplément au revenu gagné. Cela pourrait être une prestation provinciale fondée sur un examen du revenu, comme il en existe en Colombie-Britannique ou au Québec.

L'important, c'est que les provinces pourraient prendre des mesures relativement différentes. Nous aurions un régime de prestation pour enfants national, qui comprendrait un élément central dépendant du fédéral qui établirait des normes nationales, mais parallèlement, nous permettrions aux provinces de définir à leur gré leur propre prestation. Ainsi, l'on pourrait prendre en compte les différences entre les provinces au niveau de la répartition du revenu et des orientations. Ce serait un nouveau type de programme social très intéressant.

C'est une approche nationale, ce n'est pas une approche fédérale, ni une approche provinciale. Ce n'est même pas envisager les choses uniquement dans un contexte fédéral-provincial. Mon objectif est d'établir un système national auquel adhéreraient les deux niveaux de gouvernement.

Et cela, c'est une créature d'un tout autre genre. Je ne parle pas d'une sorte de Régime de pensions du Canada, qui est beaucoup plus limité. Il s'agit d'un type de fédéralisme, d'un type de programme social beaucoup plus désordonné mais, de mon point de vue, c'est plus désordonné dans le sens où tout n'est pas coulé dans le marbre, et où il est possible de faire preuve de beaucoup plus de souplesse. Je pense que c'est l'approche qui est le mieux adaptée au fédéralisme des années 90 et du début d'un nouveau siècle.

Ce qui est fascinant dans tout cela - et c'est la raison pour laquelle je crois que nous avons véritablement une occasion à saisir - c'est que je ne me souviens pas qu'il y ait eu une époque, du moins depuis les années 60, où tout le monde s'accordait tant pour juger souhaitable ce genre de changement, aussi bien à cause de la politique sociale que de la politique de l'emploi, même les gouvernements qui ne partagent pas la même idéologie, les mêmes perspectives au plan des programmes, ni les mêmes mandats. Il y a donc là une chance à saisir.

Tout cela se ramène toujours à un élément essentiel, alors, quel est-il? De mon point de vue, pour que ce genre de projet décolle au niveau politique, l'essentiel c'est que le gouvernement fédéral y réserve des fonds supplémentaires. L'intervention du gouvernement fédéral va être nécessaire pour assurer les bases de la prestation pour enfants, et cela peut être fait de différentes manières. Je ne pense pas que l'on y réussisse du jour au lendemain. Je crois que ce serait de la folie de dire: «Donnez-nous 2 milliards de dollars dans le prochain budget, et nous y arriverons.» Ce serait en effet faisable, mais ce n'est pas ainsi que nous allons procéder.

Nous envisageons plutôt des sommes plus modestes, sans doute allouées graduellement pendant une période donnée, une méthode que l'on a déjà utilisée dans le passé lorsqu'on a peu à peu modifié la prestation pour enfants. Il sera peut-être nécessaire de procéder très lentement, c'est un objectif que nous poursuivons, mais je crois que c'est une approche de la politique sociale qui est très prometteuse, qui trouve un écho favorable et qui insuffle un certain espoir à la fédération ainsi qu'à l'union sociale. Pardonnez-moi, je me laisse entraîner, mais c'est une question qui me passionne.

Je pense que nous avons pris trop de temps, mais pourrais-je soulever encore un point avant de conclure?

Le président: Bien sûr.

M. Battle: Nous avions l'intention de parler de la réforme du Régime de pensions du Canada.

Le président: Nous n'allons pas traiter cette question. Cela ne fait pas partie de nos discussions pré-budgétaires.

M. Battle: Je sais, ce n'est pas inclus dans votre plan de travail.

Le président: C'est pour nous extrêmement important, et je viens de jeter un coup d'oeil aux recommandations que vous présentez dans ce document.

M. Battle: Peut-être pourrions-nous conclure en évoquant un domaine tout à fait différent. J'aimerais que Sherri vous parle brièvement d'un de nos secteurs d'activité qui est nouveau, différent, et qui a des retombées sur la création d'emplois.

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Mme Torjman: En plus d'analyser un certain nombre de programmes sociaux clés, nous nous intéressons également aux nouvelles façons d'aborder la politique sociale. Ken a décrit la prestation pour enfants en la présentant dans le contexte d'une conception nouvelle du fédéralisme coopératif. Nous nous intéressons aussi à un cadre plus large, ce que nous appelons la politique sociale durable. Dans ce contexte, nous cherchons à oeuvrer au développement communautaire et à faciliter, au sein de la collectivité, l'acquisition des compétences nécessaires. C'est une initiative que nous avons lancée très récemment, mais nous avons déjà eu des contacts avec toute une gamme d'organismes à travers le pays, car nous essayons de travailler avec eux pour que les collectivités puissent acquérir la capacité voulue. Sans aucun doute, l'emploi et le chômage sont deux de nos préoccupations majeures.

Nous avons récemment organisé une table ronde nationale à laquelle ont participé des gens venus de partout au Canada pour parler avec nous de certains des obstacles, certaines des difficultés qu'ils ont rencontrées lorsqu'ils ont voulu bâtir leur économie locale, et aussi pour explorer les différentes formes d'assistance dont ils auraient besoin, sur le plan financier et technique, pour mener à bien ce projet.

Comme vous le savez, cela suscite beaucoup d'activités dans tout le pays. Nous ne prétendons donc pas que cela soit nouveau, ou qu'il s'agisse de quelque chose que l'on n'a pas essayé auparavant. Il y a eu des programmes fédéraux qui ont donné d'excellents résultats, à ce que nous sachions, pour consolider les capacités au sein des collectivités, notamment dans le Nord et dans les régions rurales du pays. On nous a dit, par exemple, que le programme Développement des collectivités a bien réussi dans plusieurs régions du pays, surtout parce qu'il permet d'acquérir les infrastructures dont les collectivités ont besoin pour créer diverses sortes d'emplois et faire progresser l'économie locale.

Nous avons également entendu dire que dans les agglomérations urbaines, il existe de sérieux problèmes en ce qui concerne les aides requises pour développer la capacité économique locale. Une des difficultés rencontrées - et je sais que vous avez déjà entendu parler de cela - est l'accès au capital. Mais ce n'est pas le seul problème. Il y a aussi celui de l'accès à la capacité technique nécessaire pour mettre sur pied une entreprise et créer des emplois; à l'heure actuelle, cette capacité technique n'existe pas au sein des collectivités. Nous avons pris contact avec plusieurs organismes qui ont essayé de créer des caisses d'emprunt, par exemple, et ils nous disent que ce ne sont pas uniquement les particuliers qui ont de la difficulté à trouver du capital, notamment s'ils ne remplissent pas les conditions traditionnellement requises par les banques pour accorder une aide, mais que certains intermédiaires, comme les caisses d'emprunt communautaire, ont également des problèmes au plan de leur propre stabilité, pour pouvoir continuer à mettre en oeuvre certains programmes dont ils s'occupent.

On dispose de beaucoup d'informations à ce sujet, et elles nous sont transmises par des gens qui travaillent sur le terrain. Je ne vais pas m'y attarder, sauf pour vous dire que nous sommes en contact avec ces gens-là, et que nous essayons de faire connaître leurs sujets de préoccupation à la population. Je pense qu'il serait utile que vous parliez à certains de ceux qui, d'ailleurs, à l'heure actuelle, s'occupent de ces initiatives de développement économique urbain, parce que certaines des personnes à qui j'ai parlé n'ont pas eu la possibilité de faire en sorte que les questions qui les touchent soient discutées.

Le président: Je serais heureux, Sherri, que vous nous donniez les coordonnés de ces gens-là pour que nous puissions entrer en contact avec eux très rapidement.

Mme Torjman: C'est avec grand plaisir que nous vous fournirons une liste de noms. Certaines personnes ont des questions extrêmement importantes à soulever. Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Bélisle, s'il vous plaît.

[Français]

M. Bélisle: Pas de questions.

[Traduction]

Le président: Monsieur Solberg, s'il vous plaît.

M. Solberg: Merci, monsieur le président. J'aurais une brève question à poser au sujet des remarques de M. Battle sur les provinces qui décident de mettre sur pied ces programmes de prestation pour enfants.

Étant donné que la réduction de l'intervention du gouvernement fédéral ou sa disparition est un phénomène relativement nouveau, il est tout à fait possible qu'au cours des prochaines années, les provinces mettent sur pied un réseau de soutien des enfants.

En avez-vous tenu compte? Quelle serait votre objection? Pourquoi dites-vous que cela ne se produira pas de toute façon, et pourrait même ne pas être préférable à ce que le gouvernement a fait par le passé?

M. Battle: Je pense que l'un des problèmes est directement lié aux pertes subies dans le cadre du TCSPS, dans la mesure où les provinces les plus pauvres ont de la difficulté à maintenir les programmes d'assistance sociale, sans parler d'apporter des améliorations. La difficulté avec ce genre de modèle, lorsque l'objectif sous-jacent est d'offrir des niveaux équivalents de soutien du revenu à toutes les familles à faible revenu, c'est le coût. On essaie d'attirer dans le réseau des familles de travailleurs à faible revenu, ce qui double presque le coût ou même plus, selon la façon dont le programme est conçu. Il y a donc un problème de coût dans la mesure où certaines provinces, comme la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, auraient beaucoup de mal actuellement à adopter cette orientation. Voilà un problème.

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Il y a toutes sortes d'idées qui circulent et qui sont échangées au niveau provincial.

Je n'ai pas vraiment d'objection à ce que les provinces administrent les programmes; mais certains aspects de cette administration exigent une intervention à la fois fédérale et provinciale... La prestation pour enfants du fédéral, parce qu'elle est accordée dans le cadre du régime fiscal, est un instrument assez peu adapté. Elle n'est pas inutile, mais elle ne s'adapte pas bien aux changements dans le domaine de l'emploi, comme ce serait le cas de programmes provinciaux s'il y avait une comparaison plus régulière avec les gains de la famille. C'est pourquoi nous pensons à un système à deux niveaux.

Un des avantages de la présence du gouvernement fédéral est, à mon avis, que cela donne un fondement au régime de prestation pour enfants, ce qui permet d'assurer un niveau garanti de soutien dans tout le Canada. Cela ne serait pas possible uniquement avec un système provincial.

M. Solberg: Vous avez fait remarquer, et vous avez tout à fait raison, qu'il est dans le meilleur intérêt des provinces de concevoir un programme adapté à leur population, de sorte qu'à long terme, les gens pourront non seulement survivre, mais aussi prospérer. Finalement, cela sera bon pour toute la population de la province. Il est donc dans leur meilleur intérêt de concevoir un programme qui fonctionne bien. Cela dit, je ne comprends pas très bien pourquoi il doit y avoir une telle participation fédérale.

M. Battle: La participation fédérale est nécessaire pour maintenir des normes nationales; et la meilleure norme nationale au Canada, c'est le programme de sécurité du revenu. Il y aurait d'énormes différences entre les provinces si le fédéral n'intervenait pas dans les programmes de sécurité du revenu destiné aux enfants.

À long terme, vous avez peut-être raison. On pourrait avoir un programme administré par les deux paliers de gouvernement, mais si l'on veut être réaliste, je pense que le rôle du fédéral est essentiel.

Le président: Merci, monsieur Solberg.

J'ai été très impressionné par ce que vous avez dit au sujet du mur créé par les différences de revenu et de niveau de soutien offert par l'État. Il est évident que nous n'aurons pas de prestation pour enfants intégrée si l'on ne travaille pas davantage à la réalisation d'une union sociale avec les provinces - ce que vous-même avez déjà entrepris avec le ministre Pettigrew, qui collabore avec ses collègues des provinces, d'après ce que j'ai cru comprendre. Je ne sais pas quand nous en verrons les résultats. Avez-vous une idée?

M. Battle: Je ne sais vraiment pas, monsieur le président. Le travail de conception est en cours, mais on s'active aussi au niveau politique.

Le président: Au cas où les provinces ne seraient pas d'accord pour surmonter ou éliminer ce mur, le mieux, si le gouvernement fédéral décidait d'agir unilatéralement, ne serait-il pas d'utiliser le supplément au revenu gagné?

M. Battle: Le problème du supplément au revenu gagné... Je sais que cela a l'air d'une contradiction dans les termes, et vous soulignez un point important. Le supplément au revenu gagné a ses avantages et ses faiblesses par rapport à la prestation fiscale pour enfants. Le problème, avec le SARG, c'est que ce n'est pas du tout ce qu'on prétend. Il a sa raison d'être dans la mesure où, pour combler la différence, on donne plus d'argent aux travailleurs à faible revenu. Le SARG est un programme axé sur les gains, non sur le revenu. Il est calculé à partir des gains - en fait, il est calculé à partir des deux, mais il est accordé progressivement en fonction des gains et abandonné progressivement en fonction du revenu. Il offre actuellement une prestation maximum de 500$ par famille, somme qui augmente sur deux ans à 1 000$ par famille.

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La difficulté avec ce supplément au revenu - qui se veut une prestation pour enfants et une mesure d'incitation au travail - est qu'il s'agit d'un instrument assez rudimentaire dans la mesure où il est très peu sensible. Puisqu'il est offert dans le cadre de la prestation fiscale pour enfants, une famille, selon le moment où le montant des gains change, peut vivre entre six à dix-huit mois sans bénéficier d'une prestation plus importante. Cela signifie que le «bonus» qu'elle obtient par le biais du SARG peut être reçu bien longtemps après l'entrée dans la population active. On peut imaginer, surtout s'il s'agit d'une famille à faible revenu, que le passage de l'aide sociale à la population active, au cas où elle a cette chance, sera une période très difficile. C'est alors qu'elle a réellement besoin de compenser partiellement le revenu qu'elle perd de l'assistance sociale, mais elle ne va pas obtenir cet argent du gouvernement fédéral avant longtemps.

Je sais que pour régler le problème, il faudrait demander à Revenu Canada d'agir; mais Revenu Canada nous dit que cela n'est pas facile. Je ne pense pas que ce soit impossible, mais pour le moment ce n'est pas facile.

Deuxièmement, les familles considèrent le supplément au revenu gagné comme une récompense pour leur travail, dans la mesure où il est associé à la prestation fiscale pour enfants et où il est perçu assez longtemps après les faits. À Ottawa, nous parlons du supplément au revenu gagné et de la prestation fiscale pour enfants comme de deux choses séparées. Toutefois, dans les familles, on ne fait pas ce genre de distinction.

Bien entendu, un des avantages du SARG, c'est que cela coûte moins cher de l'augmenter que d'augmenter la prestation fiscale pour enfants. Celle-ci représente 5 milliards de dollars environ, alors que le supplément au revenu gagné ne s'élève qu'à 350 millions...

Le président: C'est 400 millions.

M. Battle: ...ou 400 millions, il y a donc une grosse différence.

J'aborderai un dernier point qui a trait, lui aussi, à la difficulté de créer un système tenant compte des affectations provinciales. Si l'on veut mettre de l'argent dans la prestation pour enfants - supposons qu'il n'y ait pas de supplément au revenu gagné du tout; que nous avons seulement la prestation fiscale pour enfants, qui est un programme très simple et qui fonctionne bien. Si nous l'augmentons, nous ne faisons que déplacer une partie des dépenses provinciales consacrées aux familles vers les enfants. Nous compensons en partie les crédits provinciaux. Cela permettrait aux provinces de réaffecter certains des fonds à des programmes conçus en fonction des gains. Les provinces sont mieux à même de concevoir, d'administrer et de personnaliser les programmes axés sur les gains que ne l'est le gouvernement fédéral. C'est un des arguments que nous avons pris en compte. Là encore, la question est de savoir quelle serait la division du travail la plus logique.

Le président: Devrait-on agir unilatéralement, ou devrait-on attendre l'accord des provinces?

M. Battle: Je pense que l'on devrait procéder unilatéralement dans la mesure où il y a...

Le président: Comment? En augmentant la prestation fiscale pour enfants?

M. Battle: Augmenter la prestation fiscale pour enfants, et demander aux provinces de respecter leur engagement de maintenir l'enveloppe budgétaire consacrée aux enfants et de procéder à des réaffectations dans ce cadre. Le temps du partage des coûts, le temps des mesures législatives - tout cela est dépassé.

Il faut qu'il y ait un accord politique plus global entre les paliers de gouvernement. Cela peut paraître court comme argument, mais c'est le genre de monde dans lequel nous vivons.

Une intervention fédérale est impérative pour faire avancer le processus.

Le président: Merci.

Y a-t-il d'autres questions? Madame Brushett.

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Mme Brushett: Merci, monsieur le président.

Pour ce qui est du programme Développement des collectivités, des organismes de développement régional - ce genre de chose - je passe beaucoup de temps à poser des questions, et à écouter ce que les organismes situés dans des régions semi-rurales ont à dire.

J'ai assisté la semaine dernière à une réunion de politique qui portait sur la Loi sur les jeunes contrevenants. Après trois heures - les gens sont toujours en train de dénigrer la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est un gros problème - on en est arrivé à la Loi provinciale sur les services à l'enfance. Des travailleurs sociaux de ma circonscription, dans la province de Nouvelle-Écosse, assistaient à cette réunion. Ils m'ont dit que la loi en particulier... il y a vingt ans environ, en Nouvelle-Écosse, nous avons commencé à placer des adolescentes et leurs enfants dans des appartements - plus il y a d'enfants, plus il faut d'argent. C'était ce que l'on faisait alors avec les jeunes mères célibataires. La travailleuse sociale nous a dit qu'elle avait un cas, une mère célibataire, qui a moins de 30 ans et sept enfants.

Ma question est la suivante: doit-on recommander des modifications à la politique sociale? On constate que ces enfants sont non seulement mal nourris, mais qu'ils font aussi souvent l'objet d'abus, et qu'ils ont de nombreux problèmes. Nous n'aidons pas vraiment l'enfant. Et nous n'aidons pas la mère parce qu'elle est prise dans un piège dont elle ne pourra jamais sortir.

Il y a quelques années, le Massachusetts accordait un montant forfaitaire par enfant; mais s'il y avait deux enfants, la prestation baissait et la mère n'obtenait même pas autant que pour un seul enfant. Fait-on ce genre de recommandation aux provinces pour changer la politique sociale plutôt que d'examiner de nouveaux modèles qui exigent davantage d'argent et accroissent les dépenses sociales?

Mme Torjman: Certaines des études que nous avons publiées portaient sur les besoins des enfants, les services connexes, et les changements qu'il faudrait apporter à ces services. Par exemple, nous avons un document publié par M. Paul Steinhauer, qui traite des enfants à haut risque, et des services qu'il faudrait pour les aider. Une bonne partie de nos travaux a été consacrée au secteur des services. Pour régler le problème de la pauvreté chez les enfants, il faut de l'argent et des services. Ken le disait: ce n'est pas simplement l'un ou l'autre. Il y a beaucoup d'éléments qui entrent en jeu.

Nous sommes venus aujourd'hui parler d'un aspect précis de la question, car c'est ce dont on discute actuellement aux niveaux fédéral et provincial. Ce n'est certainement pas la seule solution, il y en a beaucoup d'autres, aussi efficaces. Si vous voulez, je pourrais vous envoyer de la documentation sur ces autres solutions.

Mme Brushett: Dans le cadre de votre mandat, demandez-vous aux provinces d'utiliser d'anciens modèles? La jeune femme dont j'ai parlé ne fait pas d'études. Elle ne travaille pas parce qu'on lui enlèverait l'assistance sociale. Ces gens sont pris au piège. Cela coûte de l'argent aux contribuables. Ce n'est pas productif, et l'enfant vit dans la pauvreté. Cela me brise le coeur.

Mme Torjman: Absolument.

Mme Brushett: On ne règle pas le problème, et pourtant on nous dit que deux milliards de dollars de plus pourraient le résoudre. Est-ce bien réaliste?

Mme Torjman: Nous essayons de faire en sorte que les parents aient suffisamment d'argent pour nourrir et habiller leurs enfants. Il y a toutes sortes de questions connexes en matière de soutien aux familles, par exemple l'estime de soi. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes préoccupés par la suppression du Régime d'assistance publique du Canada. C'est la base législative qui a permis d'offrir aux collectivités la possibilité de mettre en place de nombreux services de soutien. Ce n'est pas la seule solution. Nous nous efforçons actuellement de donner aux collectivités la capacité de mettre en place d'autres formules de soutien plus naturelles ou de soutien à la famille. J'ai avec moi de la documentation que je peux vous laisser si cela vous intéresse.

Nous envisageons une formule axée sur les ressources communautaires - finances, ressources humaines et autres types d'atouts - qui ne sont pas considérées traditionnellement comme des actifs. Nous examinons la question des collectivités en général et la façon dont elles peuvent faire face au problème. On ne se rend pas toujours compte des atouts qu'elles recèlent, et qui peuvent être canalisés pour soutenir les familles et les enfants.

Mais la difficulté, selon nous, c'est que l'on ne peut pas tout régler au niveau communautaire. Il faut être très prudent, et insister sur le fait que même si la collectivité peut mettre à profit une variété d'atouts auxquels on ne pensait pas auparavant, il faut continuer d'avoir des services de protection de l'enfance, et de soutien aux familles qui ont des enfants à risque. C'est essentiel; et c'est dans ce cadre que s'inscrivent les travaux de Paul Steinhauer.

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M. Battle: Pour en revenir à la prestation pour enfants, l'un des principaux objectifs de ce genre d'approche est d'essayer de mettre fin au régime d'assistance sociale. Je ne pense pas que l'on puisse améliorer ce régime. Il faut le supprimer.

Mme Brushett: Les travailleurs sociaux me disent qu'un enfant de 12 ans, dans la province de Nouvelle-Écosse, peut frapper à la porte de la Société d'aide à l'enfance et invoquer toutes sortes de raisons pour soutenir qu'il ne peut pas vivre chez ses parents. On le place alors dans un autre foyer, on lui donne de l'argent de poche et ainsi de suite.

Bien souvent, on ne fait même pas enquête pour savoir si l'enfant a menti, et les parents viennent se plaindre en disant que tout va bien chez eux, mais qu'ils imposent un couvre-feu à leur enfant, qui doit être rentré à 10 h, mais que l'enfant ne veut pas le respecter. Ils se plaignent qu'on utilise leurs impôts pour ce genre de chose.

C'est devenu un grave problème dans ma circonscription, et en Nouvelle-Écosse en général; et sans doute dans toutes les provinces. Pourquoi? Pourquoi ne changeons-nous pas certains des...

Le président: Dianne, vous n'auriez pas dû jeter vos enfants dehors. Faites-les revenir.

Des voix: Oh, oh!

Mme Torjman: Vous soulevez un grand nombre de questions importantes au sujet de la qualité des services, et de la capacité de ces services de résoudre certains problèmes.

Mme Brushett: Cela vient uniquement du fait que nous avons hérité de politiques sociales imprécises suite à cette escalade des dépenses consacrées aux services sociaux.

Mme Torjman: Je ne suis pas sûre que ce soit le coeur du problème. Les choses sont beaucoup plus complexes. Le stress familial est probablement davantage lié à la pauvreté et au marché du travail. Quels sont les tensions qui s'exercent sur les familles?

Certains services essaient d'en tenir compte. Je ne dis pas qu'ils sont parfaits, mais ils essaient de traiter de problèmes complexes auxquels ils n'avaient jamais eu à faire face.

Le président: Merci, madame Brushett.

Monsieur Battle et madame Torjman du Caledon Institute, vous avez déjà eu un profond impact sur notre comité. C'est en grande partie grâce à votre témoignage que nous avons recommandé d'établir un plancher pour le TCSPS, recommandation que le ministre a mise en oeuvre. C'est la raison pour laquelle nous vous avons demandé de comparaître une troisième fois dans le cadre de cette série de discussions; c'est pourquoi nous avons persisté.

Je crois que tout le monde se rend compte que vous contribuez beaucoup à nos connaissances. Merci de votre excellent travail.

Mme Torjman: Merci de votre invitation.

M. Battle: Merci de vos observations. Nous en tiendrons compte.

Le président: J'aimerais avoir des renseignements supplémentaires. Vous nous avez dit que vous aviez d'autres documents sur les services communautaires et autres, et j'ai demandé à notre recherchiste de vous parler avant que vous partiez, si possible.

Mme Torjman: Fantastique. Merci.

M. Grubel: Pourrais-je également demander quelque chose? Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails sur les raisons pour lesquelles les normes nationales seraient nécessairement plus élevées si elles étaient fixées à Ottawa? Je pourrais comprendre que le succès du modèle de la Colombie-Britannique, qui donne des prestations plus élevées que ce qui était accordé par Ottawa, est tel que tous les gouvernements provinciaux voudraient l'adopter.

Tout ce que vous nous dites, c'est que vous croyez personnellement que nous avons besoin de normes nationales. Cela ne me suffit pas. Je veux savoir pourquoi vous rejetez l'idée que les Canadiens ne profiteraient pas en fait des expériences que pourraient faire librement les provinces, des expériences concrètes qui pourraient être imitées. Je suis sûr que bien des pressions s'exerceront en Ontario, s'il s'avère que le modèle de la Colombie- Britannique marche bien, et qu'il serait beaucoup plus efficace s'il était adapté à l'Ontario.

Mme Torjman: Le modèle de la Colombie-Britannique a une forte base fédérale. C'est l'aspect important. La province ne fonctionne pas seule. Il y a une forte base fédérale à partir de laquelle on peut construire et faire preuve de souplesse.

C'est exactement ce que disait Ken. On a l'occasion de mettre en place un système incroyablement souple dans tout le pays. Il a parlé de fédéralisme asymétrique et c'est précisément ce que nous avons en tête, mais avec une forte base fédérale. Un programme assuré par le fédéral comporte des normes nationales inhérentes car c'est le même qui est applicable partout.

M. Grubel: Je comprends, mais vous dites que c'est nécessaire, alors que pour moi, il n'est tout simplement pas évident que le pays ne profiterait pas davantage d'un programme auquel le gouvernement ne participerait pas du tout.

Mme Torjman: Essayez de le faire...

M. Grubel: Vous pouvez dire à juste titre qu'à court terme, nous appliquions un certain système, en vertu duquel Ottawa envoyait de l'argent aux provinces. Or, soudain, cet argent n'existe plus. Les provinces disent, il faut qu'on discute de cela, et la première chose qu'elles font, c'est réduire les prestations afin de faire pression sur le fédéral pour qu'il redonne des fonds. Mais si les gens de Colombie-Britannique et de l'Ontario veulent réellement ce genre d'impôts, ils savent très bien qu'ils devront s'imposer eux-mêmes, sans que 10, 15 ou 20 p. 100 soient bloqués à Ottawa.

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C'est pourquoi je pense que nous pourrions arriver à des normes plus souples et même plus élevées si le fédéral se désintéressait complètement du programme d'assistance sociale. M. Battle a fait plusieurs remarques dans ce sens. J'aimerais que vous m'écriviez une ou deux pages pour m'expliquer pourquoi, à long terme, la présence d'Ottawa est toujours nécessaire en ce qui a trait aux programmes d'assistance sociale.

Le président: Merci.

Le témoin suivant est Charlie Pielsticker qui représente The Learning Partnership.

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M. Charles Pielsticker (ancien président, The Learning Partnership): Je suis très heureux d'avoir été invité à vous rencontrer, ainsi que les membres du comité.

Après avoir écouté la discussion, je pense que la façon dont The Learning Partnership peut vraiment y contribuer, c'est en parlant de l'avenir. The Learning Partnership, en effet, est un partenariat entre les entreprises et les établissements d'enseignement dans la région métropolitaine de Toronto. Je vais vous donner quelques informations générales là-dessus et vous montrer comment cela est adapté à l'avenir et également à l'économie du Canada d'aujourd'hui et de demain.

Le changement rapide étant la seule constante de tous les aspects de notre vie d'aujourd'hui, quelle est la situation de nos étudiants et que faisons-nous pour eux? Quel lien y a-t-il entre les entreprises et les établissements d'enseignement au niveau de la ville, du pays ou à l'échelle internationale?

En 1992, j'ai lu un article dans le magazine Fortune où l'on parlait des activités des dirigeants des 500 compagnies de Fortune. À l'époque, j'ai été abasourdi d'apprendre que 84 p.100 d'entre eux participaient activement à une réforme éducative des écoles primaires et secondaires aux États-Unis. Ce que j'ai trouvé encore plus surprenant, c'est que dans les écoles primaires, cette activité avait augmenté de 27 p. 100 en 1990 à 65 p. 100 en 1992. Je me suis alors demandé quelle était la raison de ce phénomène et ensuite, à qui je devrais m'adresser à Toronto et ce que je devrais faire si je voulais agir dans ce sens.

Je pense que la raison pour laquelle cette activité existe dans les écoles primaires et secondaires, c'est qu'une bonne partie des recherches montrent que pour avoir une influence quelconque sur les élèves, il faut agir d'abord jusqu'à l'âge de trois ans, ensuite jusqu'à la sixième année puis plus tard, au niveau des relations de travail.

Aujourd'hui, des sociétés comme IBM et Hewlett-Packard ne dirigent plus leurs dons vers les écoles post-secondaires, mais vers les écoles primaires. Si l'on veut faire une différence fondamentale à long terme, ce sera en travaillant avec les écoles primaires et secondaires.

Dans ce contexte, nous avons commencé à définir un partenariat, car il n'y avait rien au départ. Nous avons tenu notre première réunion en juin 1992. Une des personnes les plus éloquentes a été l'honorable Art Eggleton, ministre du Commerce international. Il fait également partie de ceux qui ont le plus contribué à la création de ce partenariat en 1992.

À l'époque, nous avons tenu une réunion avec les dix directeurs de l'enseignement de Toronto et 24 gens d'affaires. À ce moment-là, à Toronto, nous avions un budget annuel d'environ2,5 milliards de dollars - un montant énorme, à mon avis - et pourtant, personne dans le secteur de l'enseignement ne connaissait de gens d'affaires et aucun dirigeant d'entreprise ne connaissait le nom des directeurs de l'enseignement. Il y avait Bob Peterson, président d'Imperial Oil; il y avait le président de Prudential; le président d'un certain nombre de sociétés et les vice-présidents de deux banques. Voilà le genre de personnes qui assistaient à notre première réunion. Chaque groupe était de son côté de la table, comme si c'était les garçons d'un côté, les filles de l'autre. Vous le disiez tout à l'heure, il y avait un mur qui séparait les gens d'affaires des représentants du secteur scolaire. Personne ne s'était donné la peine de prendre le téléphone.

Depuis lors, les activités se sont multipliées. The Learning Partnership comprend aujourd'hui les 16 conseils scolaires de la région métropolitaine de Toronto, ce qui en fait le deuxième bassin de recrutement d'élèves en Amérique du Nord. New York est le premier, Toronto le deuxième, Los Angeles le troisième et Chicago le quatrième.

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En 1992, pour bien asseoir ce partenariat - une initiative venue entièrement des entreprises; il n'y a que des bénévoles... Nous avons rencontré des gens au Nouveau-Brunswick, à Montréal, à Ottawa et à Vancouver, ainsi qu'à Chicago, New York et Louisville au Kentucky, car nous voulions voir les meilleurs partenariats qui existaient en Amérique du Nord. Avant de lancer ce programme, nous voulions voir ce que d'autres faisaient. Nous voulions tirer les leçons de leur réussite mais aussi de leurs erreurs.

Nous avons ensuite mis sur pied le partenariat. Nous avons maintenant 16 conseils scolaires. Nous avons un conseil d'administration de 43 personnes, où siègent les directeurs de l'enseignement de chacun des 16 conseils scolaires de la région métropolitaine de Toronto. Nous avons 16 gens d'affaires, y compris le président de la Banque de Montréal, le président de Noranda, le vice-président de KPMG et un certain nombre d'autres, qui participent activement à cette entreprise et font aussi du bénévolat.

Rassembler tout ce monde n'a cependant pas été facile. On ne manquait pas de cyniques des deux côtés, tant chez les gens d'affaires que dans le secteur de l'éducation. En nous débarrassant de ce problème dès le début, nous avons pu faire une transition très saine et dynamique puisque le budget, dans la région métropolitaine de Toronto, est maintenant de plus de 5,5 milliards par an et que nous collaborons très activement.

Nous nous sommes dit que si nous voulions établir le genre de système d'éducation que nous voulions, le mieux était de créer le meilleur système en Amérique du Nord. Pourquoi viser la deuxième place?

Nous nous sommes adressés aux directeurs et nous leur avons demandé ce qu'ils recommandaient à cet égard. Ils nous ont répondu qu'il fallait insister sur les sciences et la technologie, l'alphabétisation, l'assimilation des connaissances, la préparation des élèves, et nous venons d'ajouter les arts et la musique.

Je vais vous décrire le genre de soutien que nous offrons dans les différents secteurs.

Dans le domaine des sciences et de la technologie, Peter Branda est coprésident du comité. Peter est président de Hewlett-Packard et siège également au conseil d'administration. Je vais vous parler dans un moment d'un programme que j'ai mentionné dans les notes que je vous ai remises, celles qui portent sur la technologie de l'information.

Le coprésident du comité sur l'assimilation des connaissances est le président de Noranda; il siège également au conseil tout en étant coprésident de ce comité.

Le coprésident du comité sur l'alphabétisation est le vice- président exécutif de la Banque de la Nouvelle-Écosse. Le coprésident du comité sur la préparation est maintenant le vice- président exécutif de Weston Foods.

L'engagement de ces personnes, en tant que bénévoles, montre bien le genre de contribution que nous recherchons généralement.

Il y a 950 000 élèves, 50 000 enseignants et 1 500 écoles dans la région métropolitaine de Toronto. Je pense que cela représente environ 40 p. 100 des élèves de l'Ontario et environ 17 p. 100 des élèves canadiens.

Les deux programmes dont je vais vous parler brièvement sont le programme de formation pratique en technologie de l'information et le programme des partenaires en apprentissage. Le premier a en fait pris naissance lors d'une discussion que j'ai eue avec ma fille un jour où je lui posais une question sur la formation des enseignants et l'utilisation de la technologie. Il n'y avait pas de cours de formation pour les enseignants dans les collèges du pays, ni ailleurs en Amérique du Nord.

Nous avons rapidement formé un comité composé de deux personnes déléguées par chaque conseil scolaire de Toronto, ainsi que de représentants de IMB, Hewlett-Packard, Bell, Northern Telecom, Microsoft, la Banque Royale et autres.

Ce qui existe actuellement est, je crois, un vrai partenariat entre le gouvernement, le milieu des affaires et celui de l'éducation. À ce que nous sachions, c'est un programme unique en son genre en Amérique du Nord. Nous souhaitons qu'il soit imité dans tout le pays et en Amérique du Nord.

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S'il y a 16 conseils scolaires dans la région métropolitaine de Toronto, deux choses importantes sont à souligner; d'ailleurs, ce serait tout aussi important en Nouvelle-Écosse et ailleurs. La première est l'accès et l'autre, l'équité. J'ai appris beaucoup de mes amis enseignants depuis quelques années. Si nous voulons former des enseignants, il faut commencer par ceux qui sont chargés des classes allant du jardin d'enfants à la huitième année. Pour que les élèves s'y retrouvent, il faut d'abord former les enseignants, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent.

Dans chacun des 16 conseils scolaires, les écoles ont dû se faire concurrence. Il s'agit d'écoles où l'on enseigne de la maternelle à la huitième année. Le directeur et tous les enseignants ont dû signer un engagement de trois ans. On devait donner à chaque enseignant un ordinateur portable. C'est maintenant chose faite. Ils ont chacun dix jours de formation et un guide appartenant au monde des affaires. Cela veut dire qu'ils ont une interaction personnelle avec quelqu'un qui peut travailler avec eux quotidiennement. Ils peuvent être connectés par l'Internet dans la plupart des cas.

Les enseignants et les écoles savent qu'ils vont être évalués au niveau international, et l'enthousiasme qu'ils ont montré à l'égard de ce programme est absolument incroyable. Comme je l'ai dit, c'est un programme de 9,5 millions de dollars. Jusqu'à présent, nous avons recueilli plus de 8,25 millions et le reste nous parviendra certainement au cours des neuf prochains mois.

Dans la région, il y aura des écoles du conseil scolaire 1 qui travailleront avec des écoles du conseil 16 et des élèves qui travailleront tous ensemble comme ils ne l'ont jamais fait. Je pense que cette relation entre toutes les écoles est importante. Sur les 16 écoles qui participent actuellement, environ 70 p. 100 sont des écoles des quartiers défavorisés du centre-ville. Si nous voulons avoir une influence sur l'ensemble du système éducatif et assurer l'accès et l'équité, c'est là une des façons d'y parvenir. Nous espérons que cela fera boule de neige dans le reste du système.

L'autre programme dont j'ai parlé est celui des Partenaires en apprentissage. C'est un programme dont nous avons entendu parler à Kansas City, une ville où l'on pense avoir une société où il n'y a pas d'exclus. Le programme-pilote est déjà sur pied depuis cinq mois. Il sera probablement adopté au printemps de l'année prochaine. Nous espérons que 250 000 bénévoles y participeront.

Nous avons maintenant 125 entreprises participantes, des entreprises qui font appel à leurs employés en tant que parents et aussi aux retraités. Tous sont bénévoles et en mettant ce nombre de bénévoles à la disposition des écoles, nous allons finir par avoir une personne pour quatre élèves, que ce soit à la maternelle, en 13e année, dans un programme sur l'alimentation ou en science et technologie, ou encore auprès d'un élève qui veut devenir astrophysicien.

Ce type de participation, qui en est encore actuellement au stade expérimental, existe dans diverses entreprises. Les dirigeants ont donné le feu vert et le service des ressources humaines, ainsi que les gestionnaires collaborent avec les écoles pour mettre le projet en oeuvre.

Voilà deux programmes qui, pour moi, sont caractéristiques. Ce sont les premiers et les plus importants non seulement au Canada, mais en Amérique du Nord. Je pense que les personnes qui y participent vont probablement changer fondamentalement la façon dont on apprend et dont on enseigne en Amérique du Nord.

Pour ce faire, il faut créer des liens. Dans ce contexte, il y a un des programmes qui résulte de celui que nous appelons Partenaires en apprentissage: «Take Our Kids to Work Day», la journée de la visite des enfants au travail, a été organisé il y a trois ans à Toronto. L'an dernier, il a été offert partout en Ontario et cette année, dans toutes les provinces et les territoires. L'année prochaine, ce sera un programme pleinement national. Il a également été adopté au Chili et à Trinidad l'an dernier et il n'est pas impossible que dans trois ans, il le soit aux États-Unis et peut-être même en Europe.

J'ai reçu une copie des lettres envoyées par le premier ministre aux élèves qui avaient rendu visite au Conseil privé il y a un an exactement. J'ai reçu cela hier et cela m'a vraiment fait plaisir.

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Le président: Je ne pense pas que nous oserions jamais les faire venir au Comité des finances.

Des voix: Oh, oh!

M. Pielsticker: Ils sont allés dans des banques et dans de petites et grandes entreprises. Plus de 20 000 entreprises ont participé cette année.

Il y a donc des liens qui se créent entre les élèves, les enseignants, les organisations de toutes sortes et les gouvernements. Nous avons maintenant des liens qui n'existaient pas auparavant. Les barrières commencent à tomber et le dialogue s'engage, ce qui est très sain si nous voulons rendre notre pays aussi concurrentiel que possible.

Nous avons un autre programme dans la même veine qui sera mis en place en mai et qui s'appelle Principal for a Day, Directeur d'un jour. Il y a 1 500 écoles à Toronto. Je doute fort que parmi les gens d'affaires ou les gens qui travaillent, il y en ait beaucoup qui soient allés dans une école récemment ou qui savent comment cela fonctionne ou ce qui s'y passe. Et je pense également qu'il y a très peu de directeurs d'école qui savent ce qui se passe dans une entreprise ou au gouvernement. Ce programme commencera bientôt, et nous espérons qu'il sera appliqué dans l'ensemble du Canada au cours des trois prochaines années et peut-être même en Amérique du Nord pendant cette même période.

Voilà donc quelques exemples. Ce sont des bénévoles qui participent. C'est un programme très dynamique qui prend en compte la compétitivité future du Canada et l'importance des liens dans la formation, et qui touche non seulement le Canada, mais l'Amérique du Nord et le reste du monde.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Grubel.

M. Grubel: J'aimerais féliciter M. Pielsticker des initiatives qu'il a prises. Cela semble absolument fantastique et montre ce que le secteur privé peut faire sans subsides du gouvernement fédéral et sans normes nationales.

Je suis très impressionné et je vous félicite. Je suis très heureux que vous soyez venu et que vous nous laissiez cette documentation. Je vais enfin savoir ce que l'on fait en Colombie- Britannique.

M. Pielsticker: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Solberg.

M. Solberg: Merci, monsieur le président.

Je veux également féliciter le témoin. C'est un programme fantastique. Herb m'a volé les mots de la bouche, mais je voudrais poser une question. Avez-vous reçu des demandes de renseignements d'autres collectivités canadiennes et dans ce cas, qu'est-ce que cela a donné?

M. Pielsticker: Oui, en effet. Ce que nous faisons est accessible à tous et peut être imité.

Pour ce qui est du dialogue, nous sommes en contact tous les mois avec des représentants de Learning Partnership et d'autres personnes dans tout le pays. Je ne peux pas vous dire qui en Colombie-Britannique ou en Alberta, mais je peux vous dire qu'il y a un contact informel.

M. Solberg: Une dernière question. Je vois que l'un des domaines que vous avez ajoutés pour aider les enfants est l'art et la musique.

M. Pielsticker: En effet.

M. Solberg: Cela m'intéresse car on pourrait prétendre que la seule raison pour laquelle le monde des affaires s'investit dans cette initiative, c'est de former des travailleurs et des gens compétents en technologie, mais vous avez ajouté l'art et la musique. Pouvez-vous nous dire pourquoi?

M. Pielsticker: Tous les sujets que nous avons choisis l'ont été à la demande du secteur de l'enseignement. Autrement dit, c'est leur domaine. Nous réagissons et travaillons avec eux.

Pour ce qui est des arts et de la musique, en raison des compressions dans les dépenses consacrées à l'éducation, il va y avoir une baisse considérable. Nous nous sommes donc demandés, dans le contexte de ces compressions, comment nous pourrions réagir et faire participer le monde des affaires et la communauté, dans son ensemble.

À Toronto, le théâtre est un secteur très actif et, par ailleurs, la ville est souvent appelée Hollywood-Nord. J'ai donc appelé certains gens d'affaires pour voir si on ne pourrait pas organiser un concours international, peut-être dans trois ans. Je parle d'un concours d'excellence et de concours de toutes sortes dans les quartiers du centre-ville. Cela comprendrait le cinéma, le théâtre, la musique et tous les arts. Il y aurait des concours dans tous les secteurs qui aboutiraient à un grand symposium.

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M. Solberg: C'est excellent. Il est très important que nous produisions des citoyens qui ont la tête bien faite et pas seulement bien pleine pour pouvoir travailler. Je vous félicite. C'est une très bonne idée.

M. Pielsticker: Merci beaucoup.

Le président: Merci.

M. Pielsticker, pourriez-vous nous dire en quoi ce projet a vraiment changé la façon de penser du milieu des affaires ou des éducateurs? Vous avez dit que votre but était de créer un système d'éducation qui soit plus adapté aux besoins en matière de compétitivité.

M. Pielsticker: Je vais vous donner deux exemples, monsieur le président.

Le premier serait le Take Our Kids to Work Day. Les directeurs des divers conseils scolaires et les dirigeants d'entreprises ou présidents de conseils d'administration n'avaient aucune relation, aucun contact. À l'occasion de la première de ces visites, tous ces gens-là se sont trouvés réunis à notre conseil d'administration. Ils s'appellent maintenant par leur prénom, ils agissent et travaillent ensemble; ils ont été invités aux conseils d'administration de leurs organismes respectifs et le dialogue est établi.

L'autre serait le projet de formation pratique en technologie de l'information. Ce programme est unique en son genre en Amérique du Nord. Le temps et l'argent fournis par le gouvernement, le milieu des affaires et celui de l'éducation sont mis en commun. Alors, c'est toute une communauté qui envisage l'avenir dans une même perspective en pariant sur le succès de ses enfants dans les salles de classe, toute une communauté qui travaille conjointement et dont l'avenir est représenté par950 000 élèves dans les salles de classe.

Le président: Iriez-vous jusqu'à dire que vous avez créé The Learning Partnership en 1992 parce que vous avez été inspiré par le gouvernement libéral fédéral d'alors?

Des voix: Oh, oh!

Le président: Je dois dire que je connais M. Pielsticker depuis un certain nombre d'années. Je suis très impressionné quand je vois que les initiatives d'un seul bénévole peuvent avoir un tel impact. Je souhaite que plus de Canadiens...

Si j'ai demandé à M. Pielsticker de venir aujourd'hui, c'est qu'il est important que nous connaissions ce projet et que nous le fassions connaître, afin que de plus en plus de gens adoptent ce concept et puissent eux-mêmes avoir cet impact incroyable sur la vie des Canadiens.

Merci beaucoup, monsieur Pielsticker.

M. Pielsticker: Merci, monsieur le président.

Le dernier point que je voudrais soulever est un peu hors contexte, mais j'espère que vous vous voudrez bien m'écouter encore un moment.

Le président: Tant que cela n'est pas déplacé.

M. Pielsticker: Ce n'est pas déplacé, monsieur le président.

Comme le président le sait, j'ai deux fils qui vivent et travaillent à Moscou. Vous avez tous lu des articles sur ce qui se passe à Moscou; c'est un endroit où les défis ne manquent pas. Mes fils sont des entrepreneurs. Ils ont tous les deux mis sur pied leur propre entreprise et ils sont toujours là-bas et très actifs.

Un de mes fils s'est fait littéralement voler sa première entreprise sous la menace d'un revolver. Cinq personnes sont entrées dans son bureau, lui ont tout volé et l'ont proprement terrifié. Le président de ce comité a été très utile à un Canadien complètement paniqué et qui a dû revenir ici pendant deux mois.

Il est maintenant reparti et se débrouille à nouveau très bien en tant qu'entrepreneur. C'est en grande partie grâce à vous.

Le président: Charlie, merci beaucoup. Si vous voulez parler du parti que vous allez soutenir lors des prochaines élections, je serai ravi d'en discuter.

Des voix: Oh, oh!

Le président: La séance est levée jusqu'à 15h30 cet après- midi.

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