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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 février 1997

.0839

[Français]

Le président: Bienvenue à cette séance du Comité permanent de l'environnement et du développement durable. Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-65.

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Nous avons le grand plaisir de souhaiter la bienvenue au sous-ministre adjoint, M. Slater, qui va nous faire un petit discours en français, j'en suis sûr, et nous allons lui poser des questions par la suite. Si vous le préférez, on va écouter tous les témoins et poser les questions à l'ensemble des témoins. Quelle est votre préférence? Tous les témoins ensemble? Ça va.

[Traduction]

J'invite les autres témoins à prendre place à la table. Nous allons d'abord écouter les exposés, puis, tous les témoins répondront ensuite aux questions.

Nous accueillons Peter Doris, de l'Ontario Cattlemen's Association, ainsi que David Armitage et Paul Verkley, de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario. Soyez les bienvenus devant le comité.

Monsieur Slater, vous pouvez commencer.

[Français]

M. Robert W. Slater (sous-ministre adjoint, Service de la conservation de l'environnement, ministère de l'Environnement): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Bonjour, mesdames et messieurs. J'ai à mes côtés Steven Curtis, le directeur général associé du Service canadien de la faune. Comme l'a dit le président, nous sommes ici pour répondre aux questions, mais auparavant, j'aimerais aborder brièvement quelques sujets.

Tout le monde, ici, s'intéresse aux efforts de protection des espèces en péril. Cependant, je suppose que chacun d'entre nous relève ce défi d'un point de vue légèrement différent des autres.

Je voudrais vous exposer le point de vue de quelqu'un qui occupe le fauteuil du «sous-ministre adjoint du Service de la conservation de l'environnement.» Ces fonctions m'obligent tout d'abord à tenir compte de la Convention sur la diversité biologique de 1992, qui oblige les nations signataires à préserver les espèces vivantes en tant que ressource naturelle et à en partager le produit. Elle a marqué un tournant important, car les ressources que nous considérions précédemment comme notre propriété exclusive, doivent désormais être gérées dans le contexte d'une entente mondiale. À partir de la convention, on a soudain considéré un arbre canadien comme une ressource écologique importante pour l'ensemble de la planète. En fait, lorsque ce comité a étudié la Convention sur la biodiversité, il a été le premier organisme du Parlement à recommander que le Canada se dote d'une législation sur les espèces en péril de façon à s'acquitter d'une partie des obligations que lui confère la convention.

Le deuxième thème contextuel que je voudrais signaler est celui de la gestion de la faune, qui constitue, dans notre pays, une forme très efficace de gestion des affaires publiques. Elle n'est pas autoritaire. Il n'existe aucun intervenant dominant dans la gestion de la faune au Canada. Cette gestion est le fait d'un réseau d'organismes publics et non gouvernementaux, de responsables autochtones, d'universitaires et de particuliers ou de sociétés qui possèdent des terrains. Il s'agit d'un impressionnant réseau d'intérêts communs, qui a réussi à freiner l'augmentation de la catégorie des espèces en voie de disparition.

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Il faut bien reconnaître qu'en un sens, le nombre des espèces qui entrent dans cette catégorie, donne la mesure de l'échec de ce système. Cependant, on peut en mesurer l'efficacité à la rapidité de l'appréhension des problèmes et de la mise en oeuvre de mesures correctives et efficaces. Ce réseau de gestion de la faune au Canada nous permet d'accorder d'autant plus d'importance à l'accord fédéral-provincial de protection des espèces en voie de disparition, qui sert de contexte à l'application de cet accord. À notre avis, cet accord est important car il fait appel à la puissance et à la capacité du réseau pour assurer la protection des espèces en voie de disparition. Depuis 25 ans, des organismes que vous avez rencontrés comme le COSEPAC, effectuent ce travail de protection. Vous avez également accueilli l'organisme appelé RESCAPE, qui vous a expliqué comment il avait réussi à revitaliser des espèces menacées.

Dans les circonstances actuelles, nous reconnaissons tous l'importance et l'efficacité de ce réseau, mais nous voyons qu'il a besoin de ressources plus importantes. Une partie de ces ressources doit venir de la Loi fédérale de protection des espèces en voie de disparition. C'est précisément ce dont vous avez parlé au cours de vos audiences, et c'est aussi l'objet de la discussion de ce matin.

Je vais en rester là, quitte à ajouter que je répondrai volontiers aux questions des membres du comité. Merci.

Le président: Passons maintenant aux autres témoins qui sont prêts à présenter leur exposé. Veuillez, s'il vous plaît vous identifier.

M. Paul Verkley (représentant de Perth Nord au conseil d'administration de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario): Merci. Je m'appelle Paul Verkley. Je fais partie de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, mais je suis avant tout un agriculteur et un propriétaire foncier. Je gère une ferme de production laitière de 200 têtes dans le comté de Perth en Ontario, près de Stratford. J'ai sans doute l'une des plus grosses exploitations du comté, à laquelle je me consacre quotidiennement.

Ce que je voudrais dire au comité, c'est qu'on entend beaucoup parler de la gestion de la faune et des espèces en voie de disparition. Les propriétaires fonciers ont l'impression que vous essayez de gérer les espèces en voie de disparition en gérant les exploitants agricoles et les propriétaires fonciers. On voit toujours apparaître un conflit dès qu'un organisme extérieur intervient pour gérer les propriétaires fonciers. Quelle faute avons-nous commise? Pourquoi voulez-vous protéger les espèces en voie de disparition par l'intermédiaire de mes propres ressources? Pourquoi faut-il que je modifie mes activités? Selon notre interprétation, nous perdons la responsabilité de la protection de nos ressources.

En Ontario, depuis des années, nous avons montré que nous portons un vif intérêt à l'environnement et aux espèces en voie de disparition - ainsi qu'à la faune en général - en tant qu'occupants de la terre que nous utilisons. Nous avons préservé des parcelles à l'état naturel, parce que c'est ce qu'il faut faire. Les agriculteurs appliquent d'eux-mêmes des normes très élevées de respect de la nature. Ainsi, la forêt carolinienne a été préservée dans le sud de l'Ontario parce que les propriétaires ont jugé bon de la préserver. Elle n'a nullement été sauvée par une initiative gouvernementale.

L'article 33 ne vise que les terres fédérales, mais il n'est guère rassurant pour les exploitants agricoles, si l'on considère sa formulation: tout sera mis en oeuvre pour protéger l'habitat de certaines espèces. À l'Ontario Farm Environmental Coalition, nous avons toujours travaillé collectivement à l'amélioration de l'ensemble des pratiques de gestion des agriculteurs ontariens. L'action volontaire nous permet d'obtenir de meilleurs résultats que l'imposition d'une norme minimale.

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Si on nous impose une norme minimale, de nombreux agriculteurs vont se limiter au respect de cette norme s'ils estiment y être obligés. L'imposition d'une norme signifie qu'on ne nous fait pas confiance et que nos ressources ne nous appartiennent pas. L'agriculteur essaye de vivre de son exploitation. Il a conscience de faire partie d'une communauté plus vaste, mais c'est lui qui gère son exploitation au quotidien. Vous arrivez avec une loi. Si vous arriviez avec des dollars, des ressources ou des objectifs fixés collectivement, vous constateriez que les objectifs des agriculteurs sont sans doute bien supérieurs à ce que la société attend d'eux.

Avec des programmes comme Ducks Unlimited, nous avons toujours réussi à trouver en Ontario des propriétaires fonciers qui sont prêts à coopérer et à faire un bon travail. Nous avons réalisé d'excellents projets de réhabilitation de cours d'eau. Par exemple, c'est ce qu'on a fait sur la partie supérieure de l'Avon, près de Stratford. Grâce à quelques crédits et à la collaboration de groupes communautaires environnementaux, nous avons obtenu l'adhésion de certains agriculteurs à ce projet. Il progresse d'une exploitation à l'autre, d'un propriétaire à l'autre et donne de merveilleux résultats. L'amélioration du cours d'eau s'étend en amont et en aval au fur et à mesure que les riverains se joignent au projet.

Nous avons constaté que les engagements fédéraux en matière d'environnement ont attiré un grand nombre de partisans en Ontario. L'Ontario Environmental Farm Plan en est un bon exemple. Grâce à des crédits provenant du plan vert, plus de 7 000 agriculteurs ont suivi les ateliers de deux jours que propose ce programme. Ils remplissent volontairement un questionnaire environnemental très complet sur leurs activités agricoles. Je vous mets au défi de trouver un autre endroit où une proportion aussi élevée d'agriculteurs accepte de coucher sur papier les problèmes et les inconvénients environnementaux qui résultent de leurs activités agricoles.

Ce programme me semble révélateur de l'évolution du monde agricole: les gouvernements sont là pour travailler avec nous et nous aider à réaliser des objectifs pratiques que nous nous sommes fixés collectivement de façon consensuelle. Nous avons des rencontres avec Agriculture Canada, Environnement Canada, le ministère des Ressources naturelles, de nombreux fonctionnaires provinciaux et tous les organismes agricoles. Nous nous rencontrons et nous nous mettons d'accord. Nous fixons des objectifs. Nous voyons ce qu'il est possible de faire. Nous mettons l'emphase sur l'effort d'éducation. Et nous laissons toujours la décision à l'exploitant agricole.

D'après ce projet de loi, vous allez imposer des restrictions aux activités agricoles lorsque vous estimez qu'un agriculteur cause un préjudice à une espèce en voie de disparition. Ce ne sont pas les agriculteurs qui font disparaître les espèces. Nous avons certainement exercé un effet important sur l'environnement lorsque l'agriculture a commencé il y a 200 ans, mais dans la situation actuelle, les éléments positifs du monde agricole l'emportent largement sur les négatifs. Nous avons prouvé que la formule de la collaboration et de la consultation est certainement la meilleure pour fixer des objectifs.

Le président: Y a-t-il d'autres interventions? Excusez-moi, je ne vous ai pas présentée. Voulez-vous le faire à ma place, s'il vous plaît?

Mme Sheila Forsyth (directrice générale du Comité national de l'environnement agricole): Je m'appelle Sheila Forsyth. J'accompagne le groupe de l'Ontario, mais je représente un organisme agricole national appelé Comité national de l'environnement agricole.

Je m'occupe d'environnement depuis un certain temps en tant que membre du Groupe de travail sur la conservation des espèces en voie de disparition. Avec votre permission, j'aimerais profiter de cette séance pour faire le bilan des activités des 18 derniers mois et pour vous présenter mon point de vue personnel, comme Bob l'a fait en tant que sous-ministre adjoint. En effet, on m'a confié la rédaction du rapport du groupe de travail, dont je crois savoir que vous avez fait très librement usage dans votre étude du projet de loi. Si vous voulez bien, j'aimerais prendre quelques minutes pour vous présenter un point de vue d'ordre philosophique.

À titre personnel, je pense que mes idées sont conformes à celles des gens que je représente, c'est à dire les agriculteurs de ce pays. Mais j'aimerais m'écarter un peu de mon point de vue personnel, qui n'est pas nécessairement le leur. Je suis certaine qu'ils m'y autorisent, du moins pour quelques minutes.

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J'aimerais que toutes les personnes présentes autour de cette table s'appuient sur le dossier de leur fauteuil et adoptent pour quelques instants un point de vue légèrement différent. Je crois que la semaine prochaine, vous entreprenez l'étude détaillée de ce projet de loi. J'aimerais que vous m'accordiez quelques instants pour me permettre de m'arrêter sur quelques mots commençant par lettre «p», et qui pourraient peut-être guider vos travaux.

Le premier mot dont nous sommes invités à parler aujourd'hui est le mot «perspective». Une perspective en gros plan des espèces en voie de disparition ne peut que déclencher en nous un élan passionné et nous faire espérer qu'une loi parvienne à résoudre tous les problèmes dont on entend parler depuis un an. Mais je vous demande d'adopter une perspective beaucoup plus générale. La disparition des espèces est essentiellement le signe des pressions qui s'exercent sur la biodiversité. On ne sait exactement si ces pressions sont d'origine naturelle ou humaine, et je ne suis pas qualifiée pour en décider.

Mais nous pouvons faire quelque chose. Les espèces en voie de disparition constituent l'un des éléments du casse-tête qui comprend des partenariats, des mesures de prévention et des solutions pratiques. Je voudrais vous donner des indications à ce sujet.

Vous avez entendu les arguments passionnés de ceux qui font campagne depuis des années pour obtenir la protection des espèces au Canada. Vous avez entendu les plaidoyers des agriculteurs, des mineurs, des exploitants forestiers et de tous les autres qui ont besoin de gagner leur vie, qui sont prêts à faire un effort mais qui veulent obtenir l'assurance qu'ils ne vont pas s'exposer à des poursuites et qu'ils pourront miser sur des partenariats, sur une aide pratique et sur le partage d'informations. On vous a dit qu'ils pourraient même cesser de soutenir les programmes de conservation s'ils constatent qu'ils risquent d'en faire les frais. On aurait tort d'y voir une attitude réactionnaire. La situation est très sérieuse et très préoccupante. Il est essentiel de miser sur des partenariats. Je vous invite à en tenir compte dans votre délibération.

On a beaucoup parlé de l'absence de protection de l'habitat dans ce projet de loi, qui n'assure donc pas une protection intégrale. De nombreux groupes ont avancé cet argument. La solution intégrale, c'est la volonté politique et la volonté collective aux niveaux fédéral, provincial, international et individuel. La meilleure solution est celle qui favorise les partenariats et qui remporte l'adhésion de tous. Je pense que cette solution doit aussi tenir compte de la volonté des propriétaires de gérer leurs biens selon leurs aptitudes. Voilà, à mon sens, la solution intégrale.

En toute franchise, certains intervenants n'ont avancé que des arguments creux ne visant qu'à enflammer les passions. J'aimerais savoir comment on peut protéger une espèce à long terme sans protéger son habitat. Il est évidemment indispensable de protéger l'habitat.

Les gens préoccupés par les considérations pratiques ont avancé plusieurs arguments. Si l'on veut que l'inscription d'une espèce sur une liste serve de signal d'alarme, il faut procéder à l'inscription le plus tôt possible. Si l'inscription exige que l'on ait préalablement recueilli toutes les connaissances sur l'habitat, les inscriptions seront peu nombreuses. Néanmoins, si une équipe de sauvetage est chargée de trouver la meilleure solution à partir de l'étude de l'écosystème et de l'ensemble des espèces, c'est à ce niveau-là qu'il faudra prendre le temps de rechercher toutes les causes de la dégradation de l'habitat en partenariat avec l'ensemble du milieu.

Nous avons parfois demandé une approche préventive qui ne tienne pas seulement compte des espèces en voie de disparition, mais qui soit axée sur un souci général de conservation. M. Verkley a parlé tout à l'heure des efforts des agriculteurs ontariens qui collaborent avec des groupes de conservation dans le cadre du Plan des exploitations agricoles écologiques de l'Ontario, une formule préventive qui permet de prendre du recul. Une bonne partie du travail de ces agriculteurs concerne des écosystèmes qui ne comportent pas nécessairement d'espèces en voie de disparition. On y trouve des oiseaux chanteurs, de la sauvagine, des mammifères et des végétaux. Dans nos mémoires, nous avons déjà indiqué que ce qui pourrait arriver de mieux à ce projet de loi, c'est qu'on puisse le révoquer dans un certain nombre d'années parce qu'on n'aura plus besoin d'y recourir. Je vous invite à y penser au cours de vos délibérations.

Je pense qu'aucun groupe humain ne peut prétendre être le seul à être en prise directe avec la terre. Nombreux sont ceux qui considèrent la Genèse comme un mythe, mais elle a néanmoins le mérite d'énoncer quelques bons principes. Elle affirme que l'homme fait partie de la création, qu'il a été fait avec de la poussière et qu'il a été invité à exercer son empire sur la création.

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Certains ont mal interprété la Bible et ont cru que l'homme devait dominer la création, mais la Bible n'emploie pas le mot «dominer». Elle emploie les mots régner, exercer son empire et sa souveraineté sur la création.

Je voudrais ici jouer sur les mots. Je ne connais pas l'hébreu, mais je connais le latin. Il existe deux mots latins qui me viennent à l'esprit lorsque je pense au «dominion». Le premier est domicilium, c'est-à-dire le foyer, l'autre est dominus c'est-à-dire le maître.

Si nous devons être les maîtres de notre foyer, de notre planète, de notre habitat, que nous partageons avec les autres créatures, mon modèle est un personnage du Nouveau Testament qui s'appelait Jésus-Christ. Il était le maître de la planète et il lui a sacrifié sa vie. Je pense que c'est un excellent modèle de maître ou d'être humain qui a exercé son empire et qui nous montre comment assurer la bonne intendance de l'environnement et comment prendre soin des créatures qui nous entourent.

Selon le mythe ou l'histoire - pour ceux qui y voient une histoire - Adam a nommé chacune des créatures. Il ne l'a pas fait de façon nonchalante ou désinvolte, il s'est fondé sur les caractéristiques de chaque créature. Il ne les dominait pas, il a fait preuve d'une affectueuse initiative.

Les entraîneurs, les enseignants ou même les politiciens qui se sont occupés de nous avec intégrité exerçaient un empire sur nous. En ce dominion du Canada, on nous confie l'empire ou la bonne intendance des espèces en voie de disparition.

Je pense que nous avons signé un pacte de partenariat au moment de la création, lors de la Genèse, et ce partenariat s'est poursuivi jusqu'aux temps modernes. Certains Canadiens possèdent de la terre, d'autres n'en ont pas. Ceux qui n'en ont pas estiment qu'il est de leur devoir de se faire la conscience de ceux qui possèdent de la terre en matière de protection des ressources. C'est bien normal. Dans un partenariat, il faut en prendre et en donner. Si tous les Canadiens veulent profiter de la nature et protéger la biodiversité, ils vont devoir apprendre à faire un effort.

Les agriculteurs doivent-ils se laisser priver sans un mot d'une parcelle essentielle à leur exploitation, ou peut-on envisager de les indemniser? Y a-t-il une solution pratique qui permette néanmoins une utilisation durable de la terre et qui soit compatible avec la conservation des espèces? Quelles mesures incitatives faut-il adopter, quels changements faut-il apporter aux régimes de l'impôt, de l'assurance et du crédit?

Le petit groupe auquel j'appartiens a essayé de travailler sur ce sujet. Quelques membres du groupe de travail et des gens de l'extérieur vont se réunir à la fin du mois pour essayer de préparer à votre intention un document consacré aux mesures incitatives et aux instruments économiques auxquels on pourrait recourir; vous devriez recevoir ce document prochainement.

Finalement, je vous invite à poursuivre vos travaux sur le projet de loi en gardant à l'esprit les notions de prévention, de solution pratique et de partenariat, en vous préoccupant du respect des besoins de chacun et en gardant la passion du travail bien fait. Je vous confie donc une lourde tâche.

Excusez-moi si mon exposé ressemble à un sermon, mais je l'ai terminé très tard hier soir et j'ai pensé...

Le président: Il ne ressemble pas à un sermon, et même si c'était le cas, les membres du comité ont l'habitude. Ne vous inquiétez pas.

Qui veut poser la première question - Madame Guay, peut-être?

[Français]

Mme Guay (Laurentides): Je pensais que d'autres témoins allaient s'exprimer. Bonjour à vous tous.

Monsieur Slater, vous avez souligné dans votre présentation qu'au cours des 25 dernières années, des accords ont été conclus entre les différents paliers de gouvernement pour la protection des espèces menacées.

Depuis qu'on entend des témoins, on perçoit que l'article 33 cause beaucoup de préjudice, tant au niveau des provinces qu'à celui des agriculteurs. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus. Que pourrait-on faire?

Il est certain qu'il y aura des modifications à apporter pour que cette loi puisse fonctionner entre les différents paliers de gouvernement.

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Il y a aussi les articles 56 à 75, qui permettent à un simple citoyen d'entamer des poursuites judiciaires, et cela cause aussi beaucoup de préjudices. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus. Pourriez-vous nous dire ce qu'on pourrait faire pour améliorer le projet de loi afin que l'entente fonctionne avec tous les paliers de gouvernement ainsi qu'avec les agriculteurs et les intervenants?

[Traduction]

M. Slater: Merci, madame Guay. Vous faites référence, je crois, à l'article 33. Cet article vise à concrétiser l'objectif énoncé par le ministre lorsqu'il a rencontré les provinces pour la signature d'un accord national sur la protection des espèces en voie de disparition à Charlottetown le 2 octobre dernier. Il a déclaré expressément qu'en signant cet accord, il s'engageait à faire adopter des lois et des programmes complémentaires par les autres gouvernements. Il a dit que le gouvernement fédéral avait un rôle à jouer au plan international.

Dans la mesure où la survie d'une espèce nécessite la coopération internationale, il a dit que le gouvernement fédéral exercerait ses pouvoirs pour obtenir cette coopération. Les dispositions qui concrétisent cet objectif de politique internationale apparaissent à l'article 33.

Autrement dit, nous avons tenté de définir les espèces frontalières comme étant celles qui nécessitent un effort de coopération internationale. Nous avons aussi essayé de définir un processus d'application qui nous permette de tirer parti des pouvoirs équivalents dont les gouvernements provinciaux sont investis, ou de compléter ces pouvoirs si les provinces sont prêtes à les exercer.

En pratique, nous considérons que l'article 33 ne risque pas de susciter des chevauchements entre le fédéral et les gouvernements provinciaux; au contraire, il a été précisément conçu de façon à éviter de tels chevauchements.

Comme vous l'avez indiqué, toutes sortes de points de vue ont été exprimés quant à l'utilité de cette disposition. Certains la jugent inadéquate, dans la mesure où le ministre ne peut exercer ses pouvoirs que par voie de règlement. Le projet de loi précise que le ministre «peut» prendre des règlements.

En revanche, d'autres prétendent que la définition des espèces frontalières peut s'appliquer pratiquement à toutes les espèces animales présentes au Canada dès que l'aire spécifique s'étend au-delà d'une frontière. Il y a très peu d'espèces animales qui ne soient pas présentes à la fois au Canada et aux États-Unis; on peut donc prétendre que leur aire spécifique s'étend au-delà de la frontière, même si les individus de cette espèce ne franchissent jamais la frontière.

Nous avons clairement indiqué que notre intention était différente. Elle concerne beaucoup plus les espèces dont la survie nécessite un effort de coopération internationale. Si le comité trouve une solution pour faire face aux critiques formulées dans ce domaine tout en conservant une définition précise du rôle du gouvernement fédéral en faveur des espèces dont la survie nécessite des mesures de coopération internationale, son aide nous sera très utile.

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M. Peter Doris (chargé de projet, Ontario Cattlemen's Association): Je voudrais ajouter une remarque. Si vous souhaitez obtenir des propositions sur la façon de limiter le rôle du gouvernement fédéral à la protection des animaux dont l'aire spécifique franchit la frontière, je vous propose de reformuler l'alinéa 33b) de façon à préciser que les règlements ne peuvent être pris que si les consultations auprès des provinces n'ont pas permis d'atteindre les objectifs de protection ou d'amélioration de l'habitat des espèces en question.

À mon avis, une telle formule a deux avantages: tout d'abord, elle élimine tout conflit de compétence entre les provinces; ensuite, elle est beaucoup plus conviviale qu'un recours à la confrontation ou à la loi qui ne pourrait que mécontenter les propriétaires. Merci.

Le président: Le projet de loi prévoit déjà la concertation régionale, car le ministre doit consulter les provinces.

M. Doris: La consultation peut prendre la forme d'une lettre au ministre indiquant que la province va adopter une loi concernant l'espèce X.

Le président: Ce n'est pas ce qu'on appelle de la consultation. Il s'agit d'un élément d'information.

M. Doris: Excusez-moi.

Le président: Ce n'est plus de la consultation si c'est formulé de cette façon.

M. Doris: Si j'étais avocat, je pourrais discuter avec vous du sens exact du mot consultation. À mon avis, cette forme de consultation ou de notification peut se faire à la dernière minute et n'a donc aucune signification réelle.

Le président: Ce n'est pas un bon emploi du mot «consultation».

M. Doris: Si. Tout dépend du sens qu'on donne au mot «consultation».

Le président: Madame Guay.

[Français]

Mme Guay: De toute façon, je crois que l'article 33 doit être rédigé de nouveau en tenant compte des juridictions, justement pour éviter des querelles qui n'en finiraient plus sur le plan juridique.

Monsieur Verkley, vous avez aussi traité de cet article-là, et j'aimerais connaître votre opinion sur la façon dont les choses fonctionnent actuellement en Ontario, car vous avez une loi sur les espèces menacées. Considérez-vous que les espèces menacées sont bien protégées par cette loi-là? Pourriez-vous nous expliquer la façon dont cela fonctionne? Depuis combien d'années avez-vous cette loi en Ontario? J'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus.

[Traduction]

M. Verkley: La loi doit bien fonctionner, car elle ne pose aucun problème. Les agriculteurs considèrent avant tout la menace éventuelle lorsqu'ils entendent dire qu'on pourrait restreindre leurs activités agricoles... et personne n'a pu citer de cas précis d'activités agricoles préjudiciables à une espèce en péril.

Parlons des meilleurs usages de gestion des forêts et de l'habitat. Encore une fois, ces notions... L'article 33 a causé un vif émoi, et tout le monde se demande pourquoi le gouvernement agit ainsi. S'il cherche à empêcher l'agriculteur de vivre de sa ferme, on va faire la course pour être le premier à trouver l'espèce en péril. D'un seul coup, l'objectif commun et très positif de préservation d'une espèce devient un obstacle à mon activité personnelle et modifie mon attitude en tant que producteur. Si je perds le contrôle de la gestion de mes ressources, dont je pense m'acquitter convenablement, je vais faire tout ce que je pourrai pour éliminer cet obstacle.

Je pense que c'est bien davantage dû à l'attitude profondément ancrée chez le producteur, et nous avons suffisamment d'exemples de cas où cela s'est produit aux États-Unis. C'est cette attitude qu'on démontre dans les discussions de cafétéria. Comme je l'ai dit, dans le cas de certains de ces petits bassins hydrographiques où l'on a pris certaines mesures de restauration, de reforestation, ces bandes tampons - ou quel que soit le nom qu'on leur donne - , on y a vu un élément très positif dans les collectivités, là où différents groupes urbains utilisent la même ressource et où l'exploitation agricole se fait d'une manière esthétique.

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Dans beaucoup de cas, c'est la partie de l'exploitation agricole que les propriétaires voient comme apportant une très grande contribution à la collectivité et au tissu social. Ils éprouvent un sentiment de satisfaction parce qu'ils font leur part. Cependant, si après avoir dit qu'ils font leur part, on ajoute que si l'une de ces espèces en péril se troue sur leur terre, on va venir assumer la gestion de cet oiseau, de cet animal, c'est-à-dire de l'espèce en péril... Et soudain tout ce beau travail, toutes ces années de bonne gestion ont simplement accru la possibilité que la terre en question devienne l'endroit où cette espèce trouve son habitat.

[Français]

Mme Guay: Monsieur le sous-ministre, vous avez oublié de répondre à l'une de mes questions. Elle portait sur les citoyens et j'aimerais que vous me donniez une réponse, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Slater: Selon nous, les dispositions permettant à des particuliers d'intenter une action concordent très bien avec le ton général de la proposition législative.

Le projet de loi C-65 est l'une des mesures législatives fédérales les plus ouvertes et les plus transparentes - certainement dans le domaine de l'environnement - que je connaisse. C'est une mesure très ouverte en ce sens que tous les renseignements qui sont disponibles en vertu des dispositions de la mesure législative sont facilement accessibles à la population. Comme vous le savez, on trouve dans le projet de loi toute une série de dates limites pour intenter une action; dans un délai de tant de jours, telle ou telle démarche doit être faite quand tel ou tel renseignement est déposé.

Je pense qu'on visait à reconnaître que cette mesure législative intéresserait énormément la population et qu'en fin de compte, cet intérêt pour la protection des espèces en péril permettrait d'accorder la plus grande protection possible aux espèces en question, parce que tout le monde serait au courant, dans la mesure du possible, de ce qui se passe.

Nous avons été plus loin en disant que des infractions prévues dans le projet de loi - et il y un nombre limité d'infractions, comme vous le savez, essentiellement reliées aux interdictions automatiques - pourraient être signalées par la population. Lorsque quelqu'un devient conscient d'un incident où une espèce en péril est tuée ou maltraitée, ou qu'on détruit sa résidence, par exemple, les gouvernements ont clairement l'obligation, en vertu de cette mesure législative, de prendre des mesures correctrices. S'ils ne le font pas, cet article stipule spécifiquement qu'un particulier peut signaler ces renseignements et demander au gouvernement d'agir ou d'expliquer pourquoi il ne le fait pas.

Cet article concorde très bien avec l'esprit général d'ouverture et de transparence du projet de loi. Il devient logique dans le contexte de toutes les autres caractéristiques d'ouverture et de transparence. On permet aux particuliers d'intenter une action dans le but de faire en sorte que le gouvernement fasse ce qu'il doit faire.

C'est ainsi que je répondrais à votre question, madame Guay.

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M. Verkley: Lorsque vous dites «lorsque le gouvernement intervient»... et je pense que la société doit pouvoir dire que quelqu'un doit en fin de compte agir et s'assurer qu'on prend des engagements, lorsqu'on a ciblé une espèce en péril. Mais strictement du point de vue coût, même si l'on ne tient pas compte de l'efficacité des mesures qui seront prises, c'est probablement beaucoup moins coûteux, et il sera beaucoup plus rentable de dire, si l'on a soulevé une préoccupation et que le gouvernement doit intervenir, qu'il convient d'abord de travailler en coopération pour investir certaines sommes dans la mise en valeur de l'habitat ou dans toute autre mesure raisonnable. Je pense qu'une telle façon de procéder peut être très rentable.

L'application de la loi coûte cher. Si l'on a affaire à des propriétaires fonciers qui deviennent des adversaires, on devra alors dépenser énormément de temps et d'effort pour assurer l'application de la loi et il en résultera beaucoup de rancune au sein de la collectivité.

Même si l'on dépensait dès le premier jour un tiers des sommes prévues, en disant que nous avons un intérêt commun, que la personne concernée est dans une position avantageuse, car elle possède maintenant ce que la société estime être une ressource précieuse, et qu'ensuite on demande ce que nous pourrions faire pour aider à remédier à la situation afin que chacun en profite, cela pourrait se faire probablement dans 90 p. 100 des cas où une intervention serait nécessaire.

Encore là, ce serait beaucoup plus rentable et cela permettrait d'inculquer aux gens tous ces principes que notre société cherche à appliquer dans le cas des espèces en péril.

M. Doris: J'ai quelques commentaires à ajouter. Premièrement, en ce qui concerne la question de la députée au sujet de la loi ontarienne et de son efficacité, nous citons dans notre mémoire deux très bons exemples, qui ne soulignent probablement pas ce qui cloche dans la loi, car j'estime que l'objet des lois canadiennes est bon, mais ce qui cloche dans le processus.

L'un de ces exemples concerne un oiseau appelé bruant de Henslow. Un agriculteur près de Belleville, en Ontario, s'est fait dire qu'il ne pouvait pas couper son foin avant le milieu de juillet environ, parce que ses champs étaient le lieu de nidification du bruant de Henslow désigné par la province. S'il enfreignait cet arrêté en coupant son foin avant le milieu de juillet, il serait passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 50 000 $ et de deux ans d'emprisonnement. Une telle mesure n'est pas précisément propice à l'établissement d'une bonne coopération dans la protection des habitats.

Je pense que le bon côté de cette histoire est le fait que l'ornithologue de terrain est intervenu et a essentiellement offert d'indemniser l'agriculteur pour la valeur nutritive perdue du fait qu'il n'aura pas récolté le foin pendant un autre mois environ.

L'autre exemple concerne un oiseau appelé pie-grièche migratrice, dont l'aire de distribution s'étend sur cette région que je vous montre ici. Dans ce cas, une personne s'est vu refuser un permis de construire une maison parce qu'une pie-grièche migratrice avait été aperçue sur la propriété deux ou trois ans plus tôt.

Il est juste de dire, je pense, que l'objet de la mesure est bon, mais il faut s'assurer de mettre en place le bon processus - le processus de consultation et le processus d'intervention. C'est ce qui est tellement essentiel et c'est probablement ce qui aidera l'habitat plus que tout autre facteur, même l'argent. Si l'on fait en sorte dès le départ d'avoir le processus approprié et de bonnes consultations avec les propriétaires fonciers et les autres personnes touchées, je pense qu'on atténuera grandement certains problèmes plus tard.

[Français]

Mme Guay: J'aimerais faire un dernier commentaire. La loi fédérale sur la protection des espèces menacées a fait bouger beaucoup de provinces. Certaines ont décidé de dresser des listes d'espèces menacées et c'est une bonne chose, j'en conviens. C'est le côté positif de cette loi. D'autres ont décidé d'adopter leur propre loi sur les espèces menacées. Cela aussi est positif.

Par contre, à la suite de l'accord de Charlottetown qui a été signé en octobre dernier, les ministres de l'Environnement se montrent insatisfaits face à cette loi parce qu'elle ne respecte pas cet accord selon eux. La loi va encore plus loin que l'accord de Charlottetown, et les agriculteurs aussi sont insatisfaits.

Je crois qu'on aura l'occasion de l'étudier lors de l'étape article par article, la semaine prochaine. On essaiera alors d'y apporter des modifications afin qu'elle soit applicable, afin qu'elle soit, non pas une cause de préjudice juridique, mais un complément à ce qui existe déjà dans les territoires et les provinces.

.0925

[Traduction]

Le président: Monsieur Forseth, je vous en prie.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Merci, monsieur le président.

On a fait allusion aujourd'hui aux producteurs agricoles, qu'il s'agisse de petits agriculteurs de l'Ontario... et dernièrement, nous avons entendu des représentants des éleveurs de bétail, dans l'Ouest. Nous avons régulièrement entendu parler des craintes de subir une perte et de la façon dont ces producteurs agricoles pourraient ne pas apprécier le contrôle normatif qui pourrait venir de l'extérieur. Étant donné ces critiques que nous avons entendues souvent, je me demande si vous avez pensé au libellé que vous pourriez suggérer pour certains articles précis du projet de loi, afin de tenir compte des craintes exprimées dans les milieux agricoles.

Je crois que si nous pouvons apaiser certaines de ces craintes - et certaines sont peut-être exagérées - , le fonctionnement de la loi serait modifié et obtiendrait un appui général. Évidemment, sur le plan opérationnel, rien de vraiment productif ne résultera de ce projet de loi à moins que les personnes qui sont les plus près de la terre ne voient ce projet de loi comme une mesure souhaitable et réalisable, plutôt que comme une mesure à opposer et à contourner. Je voudrais que quelques-uns des témoins traitent de certains articles précis et proposent un libellé qui permettrait d'apaiser ses craintes.

Mme Forsyth: Je n'ai pas apporté le mémoire du Comité national agriculture-environnement ou celui qu'a M. Verkley, qui provient d'un ensemble de groupes industriels, nous y compris, ainsi que l'Association canadienne des producteurs pétroliers et l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers. Dans les deux mémoires que nous vous avons présentés dans le passé... dans celui du Comité national agriculture-environnement, nous avons fait des suggestions très précises de modification de certains articles. Dans l'autre mémoire également, intitulé «Fostering Stakeholder Cooperation», que nous avons remis à plusieurs d'entre vous personnellement, rédigé par un petit groupe de membres de l'industrie, nous suggérons certaines solutions quant à la façon d'établir des partenariats et d'encourager la coopération. J'attire votre attention sur ces documents étant donné que nous vous les avons déjà remis.

Le président: Oui, madame Forsyth, ce mémoire a été distribué à Vancouver. Il est daté du 29 janvier, et comme vous l'avez dit, il s'intitule «Fostering Stakeholder Cooperation». On nous l'a remis à Vancouver.

Mme Forsyth: Avant cela, le Comité national agriculture-environnement a fait une présentation en même temps que la Canadian Cattlemen's Association, en décembre, je crois. Je vois que l'un des membres du comité a un exemplaire de notre mémoire. On y trouve des commentaires assez précis ou des suggestions de changements. Il vaudrait peut-être la peine de l'examiner pendant vos travaux la semaine prochaine.

M. Doris: En ce qui concerne toute cette question de désignations d'utilisation des terres au début des années 90, en Ontario, nous avons remarqué notamment que ce qui semblait exaspérer le plus les propriétaires fonciers était le processus - le fait qu'on ne les consultait pas et qu'on ne les faisait pas participer assez tôt au processus. La seule suggestion que j'ose faire au comité, pour votre étude article par article, est de voir si vous ne pourriez pas instituer un processus de coopération dès le début, c'est-à-dire comme première ligne de défense. Je pense que la majorité des propriétaires fonciers l'apprécieraient.

Le président: Au lieu de vous arrêter à mi-chemin, pourquoi ne complétez-vous pas votre pensée en disant à quel type de processus vous songez?

M. Doris: Je ne voulais pas m'arrêter à mi-chemin.

Si vous voulez que je termine ma pensée, je dirai qu'actuellement on prévoit un processus d'inscription des espèces sur la liste et pour d'autres questions de cette nature. Je vous dis franchement que ce processus n'est vraiment pas de nature à soulever l'enthousiasme des propriétaires fonciers.

.0930

Lorsqu'on identifie une espèce en péril, je suggère qu'on prévoie de discuter avec les propriétaires fonciers concernés de même qu'avec les personnes responsables aux paliers provincial et municipal, pour leur dire que dans leur région se trouve une espèce dont le bien-être futur vous préoccupe. Ensuite, vous pourriez leur dire que vous aimeriez instituer avec eux un processus de mise en valeur de l'habitat de cette espèce. Et il faut faire cela avant de faire entrer en jeu le processus législatif ou réglementaire avec tout le poids que cela comporte.

Essentiellement, c'est ce que j'ai à dire au sujet du processus et de la façon dont vous pouvez faire participer ensemble les propriétaires fonciers, les agriculteurs et les autres membres de la collectivité. Ils pourraient ainsi intervenir selon une démarche concertée plutôt qu'une démarche qui sème la discorde, où l'on se retrouve avec des réunions houleuses comme celle qu'on a dans les mairies ou ailleurs.

Le président: Ainsi, monsieur Doris, le processus idéal que vous verriez comporterait une première phase, la phase scientifique, une deuxième phase, soit la consultation des parties intéressées au niveau de la propriété...

M. Doris: C'est exact.

Le président: Ensuite, il y aurait une troisième phase...

M. Doris: La phase trois serait la phase de mise en oeuvre des mesures fondées sur les discussions avec les spécialistes et les membres de la collectivité. La phase quatre serait probablement une étape de surveillance des effets des mesures prises. Et à ce moment-là, si le plan de rétablissement doit être modifié, je pense que nous devrions le faire. S'il advient qu'on ait alors besoin d'envisager d'autres mesures, peut-être par voie de règlement, je pense que cela conviendrait à ce moment-là.

Le président: Et le plan de rétablissement serait alors mis en oeuvre entre la phase deux et la phase trois.

M. Doris: Le plan de rétablissement serait élaboré conformément aux discussions tenues avec les membres de la collectivité. Ce serait en effet durant la phase deux.

Le président: Monsieur Forseth.

M. Forseth: J'ai terminé.

Le président: Monsieur Slater.

M. Slater: Puis-je faire un commentaire? La structure fondamentale du projet de loi C-65 inclut bon nombre de ces éléments. Premièrement, il y a le processus d'inscription d'espèces sur la liste...

M. Doris: À part les scientifiques et notamment les biologistes spécialisés dans les espèces sauvages, et les personnes qui s'intéressent vraiment à la Loi sur les espèces en péril, qui d'autre voit les choses ainsi, dans le comté de Huron, dans le nord de l'Alberta ou sur l'Île de Vancouver?

M. Slater: Conformément aux propositions que nous avons faites, le processus d'inscription d'espèces sur la liste est un processus indépendant, un processus scientifique autonome. Un groupe de spécialistes des sciences concernées nous donneraient leurs meilleurs conseils.

Selon la procédure prévue dans le projet de loi, il y aurait, en plus des meilleurs avis scientifiques, des conséquences concrètes à la suite de l'inscription contrairement à ce qui se passe actuellement. D'après le texte du projet de loi, une fois qu'une espèce sera formellement inscrite sur une liste autorisée, des sanctions pourront être prises contre toute personne ou société qui nuirait à cette espèce inscrite, par exemple, ou qui en causerait la mort ou en détruirait la résidence. Comme vous le savez fort bien, les sanctions prévues pour des infractions répétées peuvent aller jusqu'à un million de dollars pour une infraction. C'est nettement différent de ce qui se passe actuellement.

Étant donné la responsabilité des ministres sous ce régime, le projet de loi C-65 propose que cette liste soit publiée comme un décret dans la Gazette fédérale. Le processus de publication dans la Gazette veut que dans la partie I, la liste est publiée, et dans la partie II, la liste est ratifiée, si vous voulez. Il y a donc une période de publication pendant laquelle on peut vérifier quelles espèces sont inscrites.

.0935

Je tiens à mentionner également que toutes les recommandations provenant du COSEPAC, du processus scientifique, sont accessibles à la population dès leur présentation. Ces recommandations figurent dans un registre public que nous devrons créer encore une fois pour assurer l'ouverture et la transparence du processus.

Une fois que les inscriptions auront été examinées par les milieux scientifiques, car c'est le processus normal pour ce genre de choses et c'est ainsi que procède le comité actuel depuis 25 ans, on en ferait un décret. La liste aurait ici valeur de règlement et par conséquent ces interdictions automatiques entreraient en jeu.

C'est nettement différent de la situation actuelle, car il y a un niveau de protection immédiate, mais c'est limité. Cette protection s'applique seulement aux cas d'infractions particulières définies dans le projet de loi. On ne vise pas ainsi à assurer la protection ou tout le régime de gestion nécessaire pour l'espèce en question. Cette étape surviendra au moment de la mise en oeuvre du plan de rétablissement, car c'est alors qu'on engagera toutes les parties concernées à élaborer toutes les mesures nécessaires pour protéger l'espèce en question. Je sais que l'habitat des espèces constitue une préoccupation. C'est compréhensible et souvent justifié, mais ce n'est pas - et j'insiste là-dessus - tout ce qu'il faut faire.

J'attire l'attention des membres du comité sur une question qui nous occupe actuellement. La buse de Swanson est une espèce qui est en péril au Canada, mais le plus grand péril auquel elle fait face pendant son cycle de vie se trouve dans son aire de pénétration d'hiver en Argentine, où l'utilisation de pesticides l'an dernier a causé la mort de plus de 20 000 de ces oiseaux. Notre meilleure forme d'intervention pour protéger la buse de Swanson a consisté à envoyer des spécialistes en Argentine pour chercher avec les Argentins des pesticides de rechange qui seraient aussi efficaces sans pour autant nuire à la buse en Argentine.

C'est donc un exemple d'intervention qui nous est possible actuellement. Ce ne sont pas les dispositions de cette loi qui nous le permettent, et c'était crucial.

Un autre cas concerne la chouette des terriers - je suis certain qu'on vous a renseignés sur ce cas - et une partie du problème concernait l'habitat. L'autre partie du problème résultait de l'utilisation d'un insecticide contre les sauterelles, une source alimentaire pour la chouette des terriers, et cela empoisonnait la chouette.

La meilleure forme d'intervention possible pour le gouvernement fédéral en l'occurrence était d'entamer un processus pour examiner et en fin de compte fixer un certain nombre de restrictions concernant l'application de carbofuran, l'insecticide qui mettait la chouette en péril.

Un grand nombre de mesures peuvent être nécessaires pour présenter un plan de rétablissement, et elles incluent souvent l'habitat, mais vont parfois plus loin.

Le projet de loi prévoit des dates limites pour l'élaboration des plans de rétablissement. Après l'inscription d'une espèce sur la liste, il y a une limite de douze mois dans le cas d'une espèce qui est en voie de disparition, c'est-à-dire au stade le plus critique, et de deux ans dans le cas d'une espèce qui est menacée ou disparue du pays. Encore là, ce processus est dicté par les données techniques. Il dépend de la définition de ce qu'il faut pour rétablir l'espèce. Ensuite, il y a une période de 150 jours, je crois, pendant laquelle le gouvernement dit ce qu'il va faire pour mettre en oeuvre ce plan de rétablissement.

.0940

Encore là, toutes les étapes du processus sont ouvertes et transparentes. Le registre sera ouvert et aussi accessible que possible.

Le président: Monsieur Doris.

M. Doris: J'ai seulement quelques brefs commentaires. J'aime l'approche du gouvernement canadien en ce qui concerne l'Argentine, mais je ne suis pas aussi certain d'aimer la façon dont on traite les Canadiens. Lorsqu'on a constaté qu'il y avait un problème en Argentine, on est allé les aider et pourtant quand j'entends ce qui se passe au Canada... Il est vrai qu'il s'agit de questions de nature très scientifique, très spécialisée, et c'est nécessaire, mais le morceau qui manque dans le casse-tête est qu'il faudra faire des efforts sur le terrain pour que cela fonctionne.

Au lieu d'un processus guidé presque essentiellement par les données scientifiques, je préférerais une approche plus intégrée, tout en donnant un rôle à la science. Il y aurait une personne responsable qui dirait: «Nous nous rendons compte que cette espèce est en péril et qu'il y a un problème.» Cette personne pourrait identifier tous les aspects du problème, comme l'endroit où il existe, l'identité des intervenants touchés, des personnes intéressées et des propriétaires fonciers. Ensuite, une équipe d'intervention locale serait réunie pour faire le travail de nature technique, mais aussi, espérons-le, pour susciter la coopération et l'appui des gens, et pour organiser dans cette région les activités qui donneront des résultats.

Le président: C'est une suggestion très raisonnable, monsieur Doris. Il y a lieu de se demander toutefois combien de temps il faudrait et si l'on ne courrait le risque de perdre l'espèce entre-temps.

Monsieur Verkley.

M. Verkley: À titre de propriétaire foncier et d'agriculteur, je suis d'abord porté à croire que si l'on aperçoit une espèce en péril sur ma terre, il y a de toute évidence quelque chose sur ma terre qui attire cette espèce en péril, et que c'est un élément très positif. Au lieu que le gouvernement réagisse en venant me dire qu'il a maintenant le pouvoir de protéger cet animal et d'imposer immédiatement le processus de protection, il pourrait plutôt réagir en appliquant un processus de mise en valeur. Il dirait: «Nous avons identifié une espèce en péril, ce qui nous donne le droit de venir vous aider à déterminer pourquoi cette espèce en péril a été attirée dans votre habitat particulier. Comment pouvons-nous agrandir la superficie de cet habitat dans le voisinage et partager cette ressource avec d'autres?» C'est une approche complètement différente.

Vous allez dépenser de l'argent de toute façon. Vous dites qu'à l'étape deux ou trois vous allez consacrer des ressources. Je pense que cette loi qui vous habilite à dresser la liste des espèces en péril, vous donne le droit de dépenser des deniers publics. Dépensons ces premiers dollars d'une manière proactive dès le début de l'intervention. Je pense qu'une telle façon de procéder suscitera chez les propriétaires fonciers une meilleure éthique environnementale et aura un taux de succès beaucoup plus élevé. L'argent sera inévitablement dépensé et si vous êtes plus stricts et constaté ainsi qu'il faut forcer les propriétaires fonciers, les dépenses vont augmenter.

Prenons comme exemple le fait que les terres du sud de l'Ontario valent aujourd'hui bien au-delà de 3 000 $ l'acre. Si nous avons des brise-vent qui occupent jusqu'à cinq ou dix acres de terre, il y a déjà des propriétaires fonciers qui consacrent 30 000 $ ou 40 000 $ de leurs ressources au maintien d'un environnement naturel. Du point de vue commercial, ce n'est pas nécessaire. Nous n'enfreindrions aucune loi en éliminant un brise-vent. Les boisés sont protégés, mais ces brise-vent ne le sont pas dans la plupart des cas. Or, on n'entend pas les bulldozers écraser la nuit les vaines clôtures. Il y a des raisons à cela et l'une de ces raisons est qu'une éthique communautaire s'est établie. Une grande partie du libellé du projet de loi est une question de perception. Quel message envoyez-vous?

Je sais que c'est comme toujours - on dit qu'on vient du gouvernement et qu'on est là pour aider. À cause des pratiques de gestion exemplaires préconisées par le Programme des exploitations agricoles écologiques, il y a des agriculteurs ontariens qui croient vraiment que lorsqu'un représentant du gouvernement arrive chez eux, c'est pour l'aider. Il a fallu beaucoup de temps pour susciter une telle confiance. Il a fallu du travail acharné de la part de tous les intervenants. Or voici maintenant que l'un des membres de toute cette coalition dit que même si vous n'avez pas mal agi, nous devons agir sévèrement, dans le cas de cette espèce en péril, car quelqu'un dit que nous devons protéger cet oiseau.

.0945

Le président: C'est peut-être à cause d'un attrait, comme vous le dites monsieur Verkley, ou c'est peut-être simplement une question de pure survie d'une espèce. Nous ne serions pas ici à discuter de cette mesure législative si ce n'était du fait que nous sommes arrivés à un moment très critique. Si l'on avait agi comme des gens raisonnables tel que vous le suggérez, nous n'examinerions même pas cette mesure législative. Ne l'oubliez pas. Ce n'est peut-être donc pas seulement une question d'attrait.

M. Steckle, M. Adams et M. Benoit.

M. Steckle (Huron - Bruce): Bonjour à tous. J'ai bien aimé écouter Sheila faire son exposé ou son petit sermon ce matin. C'est normalement à la fin de notre réunion que nous entendons ce genre de sermon et il vient habituellement du président. Nous pourrons donc sauter cette partie du programme ce matin, puisque nous l'avons déjà entendue. J'ai bien apprécié ce que vous avez dit.

Je ne suis pas certain si Adam a nommé les espèces en hébreu ou en latin, mais il semble que nous parlions des mêmes oiseaux et des mêmes espèces, dans l'ensemble du projet de loi. Nous donnons parfois des interprétations différentes de ce que l'on essaie de dire dans le projet de loi.

Je pense qu'une chose qui est ressortie est toute cette notion selon laquelle il faut envisager des partenariats. Il en a été question à maintes reprises. L'interprétation de l'habitat, de son extension, de son sens large ou de la résidence, c'est-à-dire ce que cela signifie réellement - ce sont toutes des préoccupations dont nous devons tenir compte.

On a mentionné ce matin le comté de Huron. Je peux vous dire que les gens de cette région s'intéressent beaucoup à cette mesure législative. J'estime que c'est un privilège de faire partie d'un comité qui examine une mesure aussi détaillée et aussi complexe. Comme le président l'a si bien dit, nous ne serions pas ici ce matin si une telle mesure législative n'était pas nécessaire.

En ce qui concerne la question de la compensation, s'il y a une chose que les milieux ruraux du Canada et ces gens qui possèdent des terres - c'est-à-dire des terres qui ne font pas partie du territoire domanial - où se répercutera probablement le plus cette mesure... Comment pourrait-on régler cette question de la compensation, d'après vous, étant donné les restrictions budgétaires? Comment pourrons-nous élaborer des partenariats et assurer une compensation, étant donné que la préservation des espèces est dans l'intérêt de tous, et que nous avons tous une part dans le bien commun?

L'article 8 de notre projet de loi fait allusion à cette notion de compensation. Quand pensez-vous que nous pourrions faire cela? Je pense qu'il est nécessaire de l'envisager pour faciliter les choses à ceux... Nous n'en avons pas beaucoup parlé ce matin. Je crois que M. Forseth y a fait allusion, mais la question a plutôt été évitée. Comment peut-on aborder cet aspect du projet de loi afin de rassurer un peu?

Nous voulons un projet de loi qui fait tout ce que nous avons dit que nous voulions essayer de faire sans que le résultat soit que dans certains cas - et Paul, vous en avez parlé - cela ait une incidence très négative. Certains ont dit que si nous faisons quelque chose à propos de ces espèces, cela ne pose pas de problèmes, mais si cela doit dévaluer leur propriété, si cela les empêche de gagner leur vie, c'est une autre affaire.

Nous savons qu'il y a aujourd'hui de la concurrence en ce qui concerne les oiseaux. C'est le sport qui se développe le plus en Amérique du Nord. Comment peut-on faire face à la concurrence pour que ces espèces viennent chez nous, comment peut-on aborder la chose positivement et travailler tous ensemble?

M. Verkley: Nous n'en avons pas parlé parce que nous savons que c'est une question très délicate. Si à titre de propriétaire foncier, je dis que les bandes boisées sont là pour l'environnement et qu'ainsi le gouvernement devrait payer et j'aimerais toucher des intérêts sur 4 000 $ l'acre à perpétuité, ce serait tout à fait irréaliste. Mais lorsque l'on parle de la responsabilité des propriétaires fonciers, il faut également savoir exactement quelle est la responsabilité de la société en général. Quand on dit que ces espèces sont en péril, on peut discuter indéfiniment et se demander à qui la faute, hier, aujourd'hui ou demain?

.0950

Au cours des dix dernières années, le secteur agricole ontarien a certainement fait des efforts concernant l'environnement... et les régions naturelles, car celles-ci ont en fait augmenté, et cela n'est pas dû à de grosses subventions gouvernementales. Nous avons acquis un esprit d'équipe. Nous pouvons être très fiers de notre plan d'exploitations agricoles écologiques. En fait ce qui a lancé tout cela, c'est que la société a dit, nous avons reçu un budget dans le cadre du Plan vert et nous aimerions voir ce que nous pouvons en faire; aidez-nous. Certes, l'Ontario s'est montrée très proactive. Vous constaterez certainement que si l'on part du principe qu'il y a un défi à relever, un problème à régler, et que tout le monde doit participer à la solution, vous verrez que tout le monde sera prêt à contribuer.

Mais la question n'est pas simplement de vouloir le faire. La réalité est que cela entraîne des coûts. Si vous décidez d'assumer la responsabilité de protéger ces espèces en voie de disparition, comment allez-vous vous y prendre? Faire appliquer les lois coûte cher. Cela ne marche pas non plus très bien.

Je pense que nous devons plutôt compter sur un effort de collaboration pour la gestion de l'habitat des poissons et de la faune. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Lorsque l'on décide de dépolluer un cours d'eau, il ne s'agit pas d'aller chercher quelques arbres. Il y a beaucoup à faire et cela ne peut se faire qu'en partenariat.

Donc, oui, je voudrais que l'on puisse déclarer que s'il y une espèce en voie de disparition, cela ouvre quelque part une porte du Trésor qui permet de canaliser quelques sous pour réaliser quelque chose localement avec différents partenaires. Peut-être faudrait-il préciser leur libellé que les paliers... surtout en Ontario, où nous avons le ministre des Ressources naturelles qui s'occupe des voies d'eau et la loi fédérale... Si vous voulez faire peur à un agriculteur, commencez à lui lire la Loi fédérale sur les pêches. Dieu merci elle n'a pas été appliquée à la lettre car elle pose énormément de problèmes.

M. Doris: À propos de la compensation - je comprends que c'est difficile - c'est à la première page du bulletin d'octobre des ornithologues de l'Ontario. C'est une des anecdotes dont je parlais tout à l'heure. On a donné à l'agriculteur 300 $. Je ne me souvenais plus ce que c'était, mais j'ai finalement réussi à le trouver dans le dossier. C'était 300 $.

D'après moi la question d'une compensation... et peut-être ne faut-il même pas parler de compensation parce qu'il y a certaines questions de loi là-dedans, mais plutôt d'une sorte de programme coopératif ou de quelque chose de moins officiel. Je ne crois pas que ce soient de grosses sommes. Ce que j'envisage plutôt, c'est que lorsqu'il y a ces espèces qui sont sur les listes d'espèces en voie de disparition ou menacées, ces espèces qui sont ciblées, et lorsque l'on considère quelle cible on veut choisir, on peut se demander qui sont les particuliers touchés et qui est le mieux placé pour faire quelque chose pour améliorer l'habitat moyennant certains investissements. Il est probable que si l'on met ne serait-ce qu'une petite somme de côté pour les espèces figurant dans les deux encadrés de cette page, on serait très surpris de voir ce que 200 000 $ ou 300 000 $ peuvent faire. Cela fait pas mal pour un propriétaire foncier. Cela pourrait beaucoup changer les choses, à raison de 200 $ ou 300 $ ou encore 500 $ ici ou là, pour améliorer les chances des espèces qui nous intéressent. Si vous pouviez prévoir ça dans la carotte accompagnant ces plans de rétablissement, je crois que cela serait déjà beaucoup.

M. Slater: J'ai deux ou trois observations à faire à ce sujet. L'une concerne cette période pendant laquelle les interdictions automatiques auraient force de loi. Comme je le disais, l'intention est que cela ne s'applique que pendant une période limitée en attendant que les plans de rétablissement n'entrent en vigueur. Tout ce qu'ont dit mes collègues ici à propos des plans de rétablissement correspond tout à fait à ce que l'on peut souhaiter pour l'élaboration de tels plans. C'est la meilleure forme de partenariat entre tous les intervenants qui peuvent contribuer à un tel plan.

.0955

Si l'on veut qu'un plan de rétablissement survive au-delà du court terme où tout le monde est enthousiaste - et cela veut dire cinq ou dix ans plus tard - il faut qu'il soit durable et satisfasse à tous les besoins de tous les participants concernés.

Nous avons jusqu'ici hésité à parler de «compensation» car on a l'impression qu'il s'agit de sommes versées avant qu'on fasse quoi que ce soit. On a dit qu'il conviendrait peut-être d'envisager plutôt une initiative d'intendance pour la terre ou l'habitat qui permettrait à des tas d'intervenants de participer.

Je sais, du moins d'après certains rapports, que le comité a demandé aux témoins qui ont comparu devant lui s'ils seraient prêts à contribuer à un fonds qui aiderait des gens qui prendraient des initiatives d'intendance. On pourrait envisager une somme d'argent en échange d'une récolte de foin retardée à juillet, août, ou que sais-je encore, ou l'on pourrait envisager d'acheter un terrain ou simplement de veiller à faire comprendre à quelqu'un, par des cours ou autre forme d'information, que si l'on gère une terre de cette façon, c'est plus avantageux.

Il faut que tout ce genre de choses existent, que ce soit pour le propriétaire foncier, l'agriculteur ou l'entreprise, qui habituellement possède des terrains beaucoup plus importants.

Je signalerais que nous avons déjà de l'expérience de ce genre de choses au pays. Nous avons déjà des plans de rétablissement qui fonctionnent exactement de cette façon. Nous avons le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine, qui est un magnifique exemple de coopération et de collaboration entre toutes les parties que vous décrivez et qui a donné... Je regrette de ne pas avoir le chiffre au bout de la langue... Je vais vous le donner tout à l'heure. Plus d'un million d'acres de terres humides ont été rétablis ou améliorés ces dernières années grâce à ce programme de partenariat et à ce Plan nord-américain de gestion de la sauvagine. Il y a donc beaucoup de modèles qui ont fait leur preuve et que nous pouvons suivre et qu'il serait très utile d'examiner avant d'établir des plans de rétablissement.

M. Steckle: Un bon exemple de la méthode proactive est celui de Canards Illimités. Toutefois, ils ne se sont pas occupés d'espèces disparues du pays, seulement d'espèces dont les nombres ont peut-être diminué ces dernières années et qu'ils ont réussi à faire revenir.

Les agriculteurs, les localités où l'on a établi ces zones naturelles ont apporté une coopération extraordinaire. J'espère que lorsque mes collègues des régions rurales rentreront dans les régions rurales de l'Ontario et du reste du Canada - parce que nous en avons parlé aussi à d'autres régions - , ils constateront avec plaisir ce que nous essayons de faire.

Nous n'essayons pas de faire adopter un projet de loi qui aura une incidence négative car nous savons qu'en définitive, c'est vous qui vous occupez de cet habitat que nous essayons de préserver pour le bien de tous.

Le président: Merci.

Monsieur Adams.

M. Adams (Peterborough): Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier tous de vos exposés.

Paul, nous avons entendu beaucoup d'exposés de groupes agricoles de tout le pays et nous avons tenu des audiences dans diverses provinces. Les effets de ce projet de loi sont différents selon les provinces car bien sûr la géographie est différente et le cadre législatif probablement aussi.

Ici, en Ontario, de votre point de vue, qu'est-ce que cela changerait essentiellement au régime actuel étant donné la Charte des droits environnementaux et la Loi sur les espèces en voie de disparition qui existe déjà en Ontario depuis quelque temps? Quels gros changements apporterait à votre avis cette loi fédérale?

.1000

M. Verkley: Je reviens toujours à cette histoire de perception. Nous avons constaté que dans deux cas la Loi sur les espèces en voie de disparition a eu des conséquences négatives pour les agriculteurs. Cela a été très mal vu par tous les secteurs. C'est le genre de situation où l'on se demande si le gouvernement vient pour tout contrôler ou s'il est possible au contraire de convaincre les gens que l'on peut tous ensemble, en tant que partenaires, essayer de faire quelque chose pour certaines de ces espèces.

M. Adams: Mais si le projet de loi n'était pas adopté et s'il y avait une troisième espèce, ce qui s'est passé dans ces deux cas ne se reproduirait-il pas?

M. Doris: Puis-je répondre? Il est possible qu'il se produise un troisième épisode et il n'y a pas que deux cas; il y en a d'autres. Je répète que c'est une question de méthode et c'est la raison pour laquelle nous essayons essentiellement de vous donner nos réactions afin que vous ne fassiez pas d'erreur quant à la méthode.

Pour ce qui est de la compétence juridique, et de l'incidence que cela pourrait avoir en Ontario, il faut considérer qui sont les principaux acteurs en cause. En plus des propriétaires fonciers et des divers groupes qui s'y intéressent, sur le terrain, les agriculteurs en Ontario traitent surtout avec le bureau local d'Agriculture Canada. C'est la même chose d'un bout à l'autre du Canada certainement. Dans le sud de l'Ontario, nous avons des organismes de conservation qui seraient probablement très actifs dans ce genre de dossier.

Lorsqu'il s'agit de loi fédérale, la question est de savoir comment la libeller de façon à ce qu'elle s'adapte à toutes les différences subtiles qui existent entre l'Ontario et l'Alberta ou la Colombie-Britannique et le Québec, par exemple, sachant que ce qui marche dans une province ne marche pas forcément dans une autre. Je sais que les agriculteurs n'aiment pas beaucoup que les fonctionnaires ne s'entendent et leur transmettent des messages contradictoires. C'est très ennuyeux. C'est le genre de chose qui fait dire aux agriculteurs que l'administration ne comprend pas, que les différents ordres de gouvernement ne s'entendent pas, etc. C'est le genre de chose qu'il faut absolument éviter dans ce cas comme dans toute autre loi.

M. Adams: J'ai écouté très attentivement ce que vous avez dit et je suis assez d'accord avec vous. Notamment lorsque vous nous dites que les bureaucrates ne cessent de se contredire et qu'il faut que les méthodes choisies soient efficaces.

Vous parlez de perception et je vous comprends, c'est ce que j'ai fait d'examiner de plus près et c'est pourquoi j'insisterai à nouveau... Si nous pouvions adopter une loi que ne s'applique qu'à certaines provinces, je serais tout à fait prêt à ne pas assujettir l'Ontario à cette loi parce que je ne pense pas que cela change grand-chose. Nous avons déjà une loi de ce genre et nous arrivons progressivement à en accepter les conséquences. C'était en fait ce que je voulais dire.

Ce n'est pas particulièrement à vous que je m'adresse mais je crois qu'il y a des provinces qui a) n'ont pas de Loi sur les espèces en voie de disparition et b) ont un bilan qui est très différent de celui que nous connaissons ici. C'est tout ce que je voulais dire. Ce n'est pas que je ne convienne pas avec vous que la perception est importante mais je n'ai pas l'impression que cela fasse une grosse différence dans cette province. Peut-être que le régime actuel de la province ne nous satisfait pas, etc., mais ce n'est pas ce dont nous nous occupons ici.

Je dirais que ce projet de loi s'adresse davantage aux six provinces et aux deux territoires qui n'ont pas de loi de ce genre qu'aux quatre qui en ont une, en particulier l'Ontario, où la loi est assez stricte.

M. Doris: Je conviens avec vous que cela ne touchera probablement pas autant l'Ontario que les provinces qui n'ont pas de loi en la matière. Toutefois, là où cela posera des problèmes c'est si quelque chose figure sur une liste provinciale et non pas sur une liste fédérale ou vice-versa. C'est une mise en garde que je ferai car il faut pouvoir régler ce genre de problème. C'est le genre de chose qui peut devenir un peu délicat. Par exemple, une espèce peut être en voie de disparition en Ontario mais pas dans l'ensemble du pays ou vice-versa, simplement du fait de l'habitat ou de la diversité des espèces.

.1005

C'est le genre de réalité dont j'aimerais que vous teniez compte.

M. Adams: Certainement.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

M. Benoit, suivi par M. Knutson.

M. Benoit (Végréville): Merci, monsieur le président. Bonjour à tous.

On commence à parler de ce projet de loi dans ma région depuis quelques semaines. On en parle maintenant aux lignes ouvertes à la radio et dans les journaux et je constate que je reçois beaucoup plus de communications de groupes agricoles et d'autres qui s'inquiètent de cette loi.

Leurs sujets d'inquiétude sont d'ailleurs très proches des vôtres, à savoir qu'ils jugent préférable d'envisager de coopérer que d'imposer des règles. Canards Illimités est un véritable modèle de coopération qui a donné d'extrêmement bons résultats. Il n'est pas certain évidemment que l'on puisse trouver des groupes de gens qui seraient prêts à faire le même genre d'efforts pour protéger d'autres espèces.

L'autre point discuté est celui de l'indemnisation si la valeur d'un terrain ou l'utilisation d'une propriété subit une perte ou si la protection d'un habitat d'une espèce en voie de disparition exige des clôtures hautes qui coûtent cher. Voilà le genre de préoccupation dont on est venu m'entretenir. Je pense qu'on continuera à parler beaucoup de tout cela dans les prochains mois il est donc important de pouvoir répondre à ces questions.

J'aimerais donc tout d'abord vous poser quelques questions monsieur Slater. Vous avez soulevé la question de la chouette des terriers et du fait que les insecticides utilisés pour se débarrasser des sauterelles tuent ces chouettes. Je vous poserai une ou deux questions à ce sujet. Vous avez dit que l'insecticide en question était interdit. Existait-il un autre insecticide qui pouvait servir dans ces cas-là.

M. Slater: Je ne suis pas courant. Je le suppose mais peut-être que...

M. Benoit: Je vais vous demander en deuxième lieu si cet autre insecticide coûtait plus cher que celui qui a été interdit? Vous comprenez certainement... Je suis bien sûr qu'il en existait un autre; il existe plusieurs insecticides contre les sauterelles.

M. Slater: En effet.

M. Benoit: Mais si l'on interdit le moins coûteux... On peut comprendre pourquoi le propriétaire foncier serait un peu inquiet qu'une loi lui impose ce coût supplémentaire sans dédommagement. Je ne veux pas dire qu'il ne faut pas interdire certains insecticides, simplement que cela peut poser des problèmes.

M. Verkley: À propos du Furadan, je crois que dans ce cas le plus gros problème était qu'on l'utilisait sous forme de granulés. Les agriculteurs ont certaines perceptions - et l'administration aussi - qui ne sont pas toujours fondées sur la réalité. Je dirais qu'en moyenne les agriculteurs sont prêts à faire certains sacrifices. Si on leur signale que sous sa forme de granulés le Furadan tue ces chouettes de terrier, les agriculteurs seraient tout à fait prêts à faire leur part si l'administration leur disait qu'elle ferait sa part et si certains autres groupes de protection de la nature se joignaient à l'effort. On aurait ainsi, à mon avis, une solution possible.

Je crois que dès le départ, s'il s'agit d'un potentiel de ressources partagées, d'un problème ou d'un défi commun, chacun sera prêt à faire le nécessaire. Si vous demandez aux agriculteurs, ils diront, d'accord; ils ne veulent pas que ces espèces disparaissent. Et ils sont tout à fait prêts à dire que c'est là un de leurs objectifs supérieurs.

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M. Benoit: Vous avez probablement exprimé là le point de vue de la majorité des cultivateurs et des éleveurs en pareil cas.

Monsieur Slater, à la suite d'une autre question posée par Mme Guay à propos de poursuites intentées par des citoyens, j'aimerais que vous me précisiez un peu les choses... Vous avez parlé d'un processus. Vous avez dit que l'on exigerait des renseignements et j'aimerais que vous m'expliquiez point par point en quoi consisterait ce processus? En particulier, j'aimerais que vous me parliez du temps et du coût que cela pourrait représenter pour la personne qui doit fournir ces renseignements et participer à ce processus et de l'indemnisation que l'on pourrait envisager. Cela sera dans les règlements qui accompagneront ce projet de loi mais il est essentiel d'en parler à l'avance.

M. Slater: Si j'ai bien compris, il s'agit davantage de s'assurer que le gouvernement fait son devoir plutôt que tel ou tel propriétaire foncier.

M. Benoit: D'accord, mais cela peut également s'appliquer à un propriétaire foncier, si j'ai bien compris.

M. Slater: L'intention première est que, par exemple, quelqu'un pourrait conclure - et ce pourrait être quelqu'un du COSEPAC - s'il y a lieu d'examiner une espèce pour voir si elle n'est pas en voie de disparition. Il est donc possible pour un citoyen d'intervenir.

Il est prévu toutefois que s'il existe une série d'interdictions automatiques - c'est-à-dire que c'est limité aux infractions en vertu du projet de loi - et qu'il est notamment interdit de tuer, blesser, molester, détruire, etc. si un citoyen a ce qu'il croit être une information ou un élément de preuve indiquant que le gouvernement ne met pas ces dispositions à exécution comme il le devrait, il peut exiger que des mesures soient prises dans ce sens. Il ne peut l'exiger que de la part du gouvernement fédéral parce que les pouvoirs ici sont limités à ceux qui sont à la disposition du gouvernement fédéral. On entame alors une procédure qui permet une série d'échanges entre le gouvernement et le plaignant.

Il me semble que cela n'engage pas nécessairement le citoyen à moins que celui-ci ou le propriétaire foncier est celui qui en réalité enfreint les interdictions automatiques prévues dans le projet de loi. Ces dispositions ne représentent pas de coût supplémentaire, le coût est associé aux infractions prévues aux termes du projet de loi.

M. Benoit: Si un particulier se trouve à avoir enfreint d'une façon ou d'une autre ces dispositions, quelles pourraient être les conséquences? Je songe encore au temps, aux efforts et aux frais que pourrait lui coûter sa défense.

M. Slater: Je ne puis vous dire ce que coûterait le procès. En instituant cette infraction, le projet de loi stipule simplement que si une personne, en connaissance de cause,... Prenons un exemple. Si une grue blanche d'Amérique atterrissait sur le terrain de cette personne et que celle-ci, sachant qu'il s'agissait d'une grue blanche d'Amérique, l'a tuée d'un coup de fusil, il y aurait infraction en vertu de ce projet de loi. Qui sait quelle serait la décision du juge mais l'individu en question pourrait être passible d'une amende de 250 000 $ pour une première infraction, et du double en cas de récidive. Pour les sociétés, cela peut aller jusqu'à 500 000 $ pour une première infraction et 1 million en cas de récidive.

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M. Benoit: Je ne pense pas qu'il y ait de problème lorsqu'il s'agit d'une infraction flagrante comme celle-ci. C'est plus difficile à déterminer lorsque l'accusé pourrait invoquer qu'il ne savait pas forcément qu'il commettait une infraction. Et je sais que vous dites que la loi prévoira ce genre de situation. Vous avez utilisé un exemple assez évident mais il y a des cas qui le seraient moins.

M. Slater: Je voulais justement parler de cas évidents. Il est difficile de savoir comment ces dispositions seront interprétées par les juges et les tribunaux. Les fonctionnaires ont une assez bonne expérience de l'interprétation des infractions prévues dans les lois qui ne sont pas toujours très claires. Par exemple, la Loi fédérale sur les pêches stipule qu'il est interdit de déposer des substances dangereuses pour les poissons dans des eaux fréquentées par les poissons. C'est tellement général que cela exige d'exercer un sérieux pouvoir discrétionnaire sur la façon dont on exige que la loi soit respectée.

L'intention était ici de prévoir - aussi précisément que possible dans le libellé - une série d'interdictions automatiques qui seraient évidemment limitées mais qui seraient aussi claires que possible pour éliminer ce risque. Si le comité réussit à les rendre plus claires, moins ambiguës et plus précises, je crois que ce serait très bien pour tout le monde.

M. Benoit: Monsieur Slater, vous venez de faire remarquer dans votre réponse que les propriétaires fonciers ont lieu de s'inquiéter de la façon dont est libellé ce projet de loi parce qu'il est très difficile de prévoir la façon dont les tribunaux réagiront. C'est exactement ce qui inquiète ceux qui risquent le plus d'être touchés par ledit projet de loi.

M. Slater: M. Forseth a déclaré à ce sujet qu'il est tout à fait possible de donner à telle ou telle sanction une interprétation trop large ou une importance démesurée ou encore de l'appliquer à tort en la considérant de façon isolée au lieu d'envisager l'ensemble du projet de loi et le contexte dans lequel il doit s'appliquer.

Il serait évidemment tout à fait malheureux que le projet de loi menace les partenariats qui se sont créés dans ce domaine depuis environ 25 ans. Il faut au contraire que le projet de loi s'applique dans le contexte de partenariat. L'aide du comité à ce sujet, c'est évidemment une des questions épineuses pour le comité, comme pour nous... sera très appréciée car il faut parvenir à la solution la plus efficace possible.

M. Benoit: Je voudrais dire une chose pour terminer. Tant que les gens qui sont les plus susceptibles d'être touchés par ce projet de loi ne seront pas certains que ces deux problèmes sont réglés, que l'on privilégiera la coopération plutôt que la prescription et toute la question d'indemnisation ou, si vous préférez, de financement partagé - j'ai l'impression qu'il y aura des réactions très négatives à ce projet de loi. Ce n'est pas encore visible. Cela se prépare seulement. C'est ce que je ressens dans ma région. J'espère beaucoup que le comité et le gouvernement apporteront les amendements nécessaires pour donner cette assurance aux intéressés.

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M. Verkley: Pouvez-vous me dire si le comité a pu déterminer que certaines espèces particulières seraient en péril si le projet de loi n'était pas adopté? Quelle est le facteur de motivation du projet de loi? Certaines espèces courent-elles des risques énormes à l'heure actuelle?

Le président: Selon le COSEPAC, certaines espèces ont besoin d'une protection nationale et d'autres ont besoin de protection à cause de nos engagements internationaux. Comme vous le savez, le COSEPAC est un organisme scientifique. Il est venu témoigner devant notre comité à deux reprises.

Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Slater?

M. Slater: Oui. Monsieur le président, vous avez, comme moi, fait allusion au COSEPAC. Le COSEPAC a entrepris ses travaux dans le cadre d'une entente fédérale-provinciale, mais je pense que les membres du COSEPAC lui-même, de même que certains observateurs, ont conclu qu'il serait très utile de définir le rôle du COSEPAC dans la loi.

En outre, à l'heure actuelle, une fois que le COSEPAC a identifié une espèce en péril, on doit se contenter de faire du mieux qu'on peut pour leur rétablissement. Je ne veux pas dénigrer ce qu'on fait maintenant. Selon moi, RESCAPÉ, le Programme de rétablissement des espèces canadiennes en péril, qui existe depuis près de dix ans, a permis de réaliser beaucoup de progrès. Il n'en demeure pas moins que le nombre des nouvelles espèces sur la liste continue d'augmenter beaucoup plus rapidement que le nombre d'espèces pour lesquelles nous avons des plans de rétablissement. Nous accusons de plus en plus de retard. Sur le plan pratique, la performance des plans de rétablissement laisse à désirer.

Vu que le projet de loi stipulerait dans quels délais et avec quelle précision il faut préparer le plan de rétablissement et répondre aux suggestions qui seraient faites à ce sujet, l'arriéré finirait par disparaître et les plans de rétablissement pourraient procéder au même rythme que la désignation de nouvelles espèces.

Je signale pour terminer que l'avenir semble clairement réserver au Canada une expansion constante sur le plan de l'activité économique, de la population et de l'urbanisation. Le fait d'intégrer la protection des espèces en péril au processus de développement nous permettrait d'éviter un arriéré à l'avenir.

Le président: Merci.

Monsieur Curtis, vouliez-vous ajouter quelque chose?

M. Steven Curtis (directeur, Direction de la conservation de la faune, Service canadien de la faune, ministère de l'Environnement): Je voudrais ajouter quelques mots, monsieur le président.

Il est bien évident que les deux échelons gouvernementaux, c'est-à-dire le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, devront collaborer étroitement et former des partenariats avec les propriétaires, surtout dans le secteur agricole. Comme l'a signalé M. Slater, c'est ce que nous essayons de faire depuis bien des années, dans le cadre de nos programmes de protection de la faune, par exemple avec le Plan nord-américain de la gestion de la sauvagine. Pour ce qui est des programmes de prévention, nous devrons nous concentrer sur d'autres mesures que celles que prévoit le projet de loi et probablement aussi songer à des mesures du genre dont a parlé Sheila Forsyth. Nous devons nous pencher là-dessus.

Il n'est pas vraiment nécessaire que le projet de loi décrive tous les aspects de ces programmes particuliers. Il faut bien comprendre que le projet de loi s'insère dans un processus plus général qui regroupe toutes les mesures à prendre pour atteindre les objectifs du Canada en matière de protection des espèces en péril.

Le principal outil créé par le projet de loi relativement au partenariat avec les propriétaires est justement l'élaboration des plans de rétablissement dont on parle depuis déjà quelque temps. C'est pour cela que nous avons aussi très soigneusement évité d'inclure des mesures précises de protection de l'habitat dans les interdictions automatiques parce que nous savons quelles en auraient été les conséquences et nous savons aussi très bien que la meilleure façon de résoudre le problème consiste à établir un processus pour l'élaboration des plans de rétablissement.

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L'autre chose que je voudrais signaler, c'est que les agriculteurs semblent s'inquiéter de plus en plus de l'incidence de ce projet de loi, mais il n'y a pas tellement...

Le président: Excusez-moi, monsieur Benoit, mais je pense que M. Curtis répond maintenant à certaines de vos questions.

Allez-y.

M. Curtis: Selon moi, le projet de loi n'a pas pour conséquence d'ajouter un très grand nombre de mesures de protection supplémentaires. Il s'applique aux espèces fédérales, peu importe où elles se trouvent au Canada, et il vise les espèces que l'on trouve sur les terres fédérales. Il s'applique donc aux oiseaux migrateurs.

La Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs interdit déjà de tuer un oiseau migrateur qui se trouve sur votre terrain ou de lui faire du tort. Quelle pénalité supplémentaire le projet de loi ajoute-t-il à cela? Peut-être que l'on insistera plus sur les infractions et peut-être que la structure des pénalités sera quelque peu différente, mais la nature d'une infraction ne change pas tellement, que l'on se reporte au projet de loi ou à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs.

L'autre élément est l'article 33 qui permettrait d'ajouter des espèces supplémentaires à la liste, mais seulement si les provinces n'ont pas pu établir que leurs propres lois contiennent des dispositions de protection équivalente. On pense ne pas avoir besoin de recourir à l'article 33 très souvent, parce que les provinces feront sans doute le nécessaire. Je ne pense donc pas que le projet de loi en soi impose un très lourd fardeau supplémentaire aux propriétaires fonciers.

Le président: Monsieur Doris.

M. Doris: Si vous voulez que la loi ne s'applique qu'aux espèces fédérales sur les terres fédérales et aux oiseaux migrateurs visés par la Convention internationale et si vous voulez que le gouvernement fédéral ne puisse établir des règlements que si une province n'a pas fait le nécessaire, il faudrait le préciser dans le projet de loi parce que ce n'est dit nulle part à l'heure actuelle. Si c'est vraiment l'intention du gouvernement, je suis certain qu'on pourra rédiger un texte pour le refléter.

M. Slater: Monsieur le président, la mesure vise les espèces fédérales, c'est-à-dire les espèces gérées par le gouvernement fédéral mais pas seulement sur les terres fédérales, de même que toutes les espèces sur les terres fédérales, qui représentent 60 p. 100 du territoire canadien.

Le président: Est-ce que cela répond à votre question, monsieur Doris?

M. Doris: Oui.

Le président: Monsieur Knutson, et ensuite le président.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Je voudrais poser la question de façon quelque peu différente. Tout d'abord, je dois dire que je suis tout à fait d'accord qu'il vaut beaucoup mieux travailler en collaboration. Par ailleurs, après avoir étudié assez longuement le projet de loi et avoir entendu divers témoins exprimer des points de vue très divergents, je suis convaincu que c'est effectivement ce que prévoit le projet de loi. Nous saurions certainement gré aux divers organismes agricoles du Canada de nous aider à bien le faire comprendre à tout le monde.

Si vous n'êtes pas convaincu que c'est effectivement ce que prévoit le projet de loi, nous pourrions peut-être en discuter. Mais pour ce qui est de la première objection que vous avez soulevée, je vous signale que les agriculteurs de l'Ontario sont maintenant visés par la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Si un oiseau migrateur, qu'il soit en péril ou non, a fait son nid sur votre terrain, vous ne pouvez pas détruire ce nid en toute connaissance de cause.

Vu les deux exemples que vous avez mentionnés, savez-vous si la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs pose un problème de taille aux agriculteurs de l'Ontario? Je représente une circonscription rurale et je n'ai reçu aucune plainte à ce sujet.

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M. Doris: Je vous répondrai simplement que, d'après moi, la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs ne pose pas de problème aux agriculteurs. Nous reconnaissons que cette loi est bien équilibrée et bien administrée.

M. Knutson: À ce moment-là, je vous dirai que le projet de loi n'y changera rien.

Si je peux poursuivre dans la même veine, les deux exemples...

M. Doris: Je suis ne pas d'accord. Je ne pense pas que la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs contienne des dispositions qui permettent à des particuliers d'intenter des poursuites contre d'autres particuliers.

M. Knutson: Je reviendrai à l'article 60 dans un instant parce que je pense que vous soulevez un point intéressant.

Je reviens donc à vos deux exemples. Vous avez dit tantôt qu'il y avait deux exemples de conséquences négatives de la loi de l'Ontario pour les propriétaires fonciers. Un de ces exemples, en l'occurrence l'indemnisation de 300 $ versée au producteur de foin, montre justement que la loi a été efficace. Pourquoi dire que c'est un exemple de la façon dont le gouvernement s'attaque aux agriculteurs alors que l'organisme gouvernemental a au contraire bien fait son travail dans ce cas-là?

M. Verkley: Je peux répondre à votre question. Le fait est que ce n'est pas le gouvernement qui a décidé d'arranger les choses. C'est la loi qui s'attaquait aux agriculteurs en disant qu'on ne pouvait pas couper le foin. Un autre organisme est ensuite arrivé en disant aux agriculteurs qu'ils avaient été lésés et que le gouvernement devait les aider. Selon moi, c'est de là que vient le problème. Si le propriétaire foncier considère le gouvernement comme le gros méchant loup et refuse de collaborer avec lui ou de le respecter et s'il faut ensuite essayer de trouver d'autres partenaires, ils s'efforceront de s'associer à quelqu'un qui pourra résister aux pressions gouvernementales. Selon moi, cela ne peut avoir que des effets négatifs.

M. Knutson: Je devrai sans doute vérifier ce qu'il en est.

Passons donc à votre deuxième exemple. La propriétaire en cause est venue me voir et vous avez dit que, dans son cas, la loi de l'Ontario n'avait pas bien fonctionné. Cependant, vous avez omis certains détails importants dans votre exposé. La propriétaire avait payé 80 000 $ pour le terrain. Là-dessus, il y avait un prêt hypothécaire de 50 000 $ accordé par le vendeur et, au moment du renouvellement de l'hypothèque, le vendeur a demandé qu'on lui rembourse ses 50 000 $. L'acheteuse est allée à la banque pour faire évaluer le terrain et celle-ci l'a évalué sans savoir qu'il y avait des problèmes environnementaux à cause de la pie-grièche migratrice. La banque a déclaré que le terrain valait 30 000 $. Il y avait donc un problème même sans tenir compte de la pauvre pie-grièche. La propriétaire a essayé d'obtenir que le terrain soit divisé, mais les autorités ont refusé. Vous savez qu'il peut être très difficile d'obtenir la division de terres agricoles en Ontario pour toutes sortes de raisons.

Votre exemple n'est donc pas vraiment convaincant étant donné la différence entre la valeur attribuée au terrain sans qu'on tienne compte des facteurs environnementaux et le montant du prêt hypothécaire. Nous ne pouvons pas savoir si la propriétaire a eu des problèmes à cause de la présence de la pie-grièche ou parce qu'elle avait acheté le terrain en pensant pouvoir le diviser. À la fin du compte, je ne sais pas vraiment qui est à blâmer.

Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut prévoir des pénalités assez sévères dans le projet de loi pour les particuliers ou les entreprises qui violeraient délibérément la loi. Heureusement, cela n'arrive pas très souvent. Cela n'arrive pas très souvent dans la société de façon générale, mais nous avons malgré tout besoin de pénalités assez sévères, même si l'on n'a pas recours très souvent à cette disposition.

M. Verkley: C'est exactement ce que nous voulons. Je reconnais volontiers que, si l'on ne prévoit pas des pénalités sévères et si l'on ne peut pas obliger les gens à respecter la loi et que l'on doive compter uniquement sur leur bonne volonté, ceux qui constateront qu'on abuse du système se demanderont si cela vaut la peine pour eux de participer au processus. Il faut donc une certaine justification et la possibilité d'avoir la main lourde s'il le faut. Cependant, nous devons être convaincus en même temps de participer à un processus très ouvert et facile à comprendre avant que la lourde main du gouvernement ne se fasse sentir.

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J'en reviens au fait que le gouvernement semble décider d'abord d'avoir la main lourde et, plus tard, de voir ce qu'il peut faire pour aider. C'est exactement le contraire de ce qu'il faudrait. Il faudrait d'abord qu'on demande ce qu'on peut faire pour aider. Si nous n'arrivons pas à nous entendre et si nous ne pouvons rien faire pour résoudre le problème, c'est à ce moment-là que la main lourde devrait intervenir.

M. Knutson: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Là où je ne suis plus d'accord, c'est sur votre interprétation du projet de loi et, après avoir passé trois mois à étudier la mesure, je suis convaincu que c'est moi qui ai raison.

Vous avez aussi parlé de ce qui se passe aux États-Unis. Le General Accounting Office aux États-Unis, qui joue à peu près le même rôle que le vérificateur général, nous a fourni des données montrant qu'on peut résoudre les problèmes en collaboration dans 99 p. 100 des cas.

Il y a des exceptions importantes, notamment le cas de la chouette tachetée. Les gens diront que le projet de loi est identique à la loi américaine et qu'il y a eu tout un problème pour la chouette tachetée. Cela ne tient pas compte du fait que le processus américain pour les poursuites de citoyens est très différent du processus au Canada. Il est beaucoup plus facile d'avoir accès aux tribunaux aux États-Unis qu'au Canada.

À l'article 60, il faudra d'abord que le citoyen demande au ministre de faire enquête, et qu'il lui donne le temps de mener l'enquête en question et qu'il prouve ensuite au tribunal que le ministre n'a pas agi de façon raisonnable avant même de commencer à inquiéter un propriétaire privé. C'est un critère très important qui doit être respecté et ce critère n'existe pas aux États-Unis. La seule restriction aux États-Unis, c'est qu'un citoyen ne pourra pas intenter de poursuites si le Procureur général l'a déjà fait.

M. Verkley: Le critère qui nous intéresse tous à la fin du compte, c'est de savoir à quel moment le propriétaire perdra le goût de protéger l'environnement et d'améliorer l'habitat de façon positive. Quand jugera-t-il que le système ne lui convient plus et qu'il n'est plus d'accord pour respecter le processus établi? Cela ne veut pas dire que cette personne deviendra un hors la loi, mais que le gouvernement perdra son appui.

Nous avons souvent constaté que c'est l'impression qu'on avait dans le cas des questions environnementales. Les faits ne veulent rien dire s'il circule une rumeur disant que, si vous notez quelque chose sur papier, tôt ou tard le gouvernement verra ce que vous avez écrit et vous aurez signé votre propre arrêt de mort et qu'on vous fera payer une amende... Vous pouvez bien dire que cela ne correspond pas à la réalité. C'est la perception qu'on a et il faut faire davantage pour obtenir l'engagement du public.

Selon moi, les groupes agricoles doivent en faire davantage et nous devons tous faire davantage à titre de membres de la même société. Par ailleurs, ceux qui rédigent les lois sont probablement les mieux placés pour définir clairement noir sur blanc ce qui se passera exactement dans les cas où nous savons tous qu'il peut y avoir des problèmes.

M. Doris: Relativement à la pie-grièche migratrice et le fait que le terrain ait perdu de la valeur sans qu'on tienne compte du problème environnemental, le fait est que la valeur des biens immobiliers peut fluctuer pour toutes sortes de raisons différentes. Vous avez parlé de la division des terrains et cela peut certainement causer des problèmes. On pourrait certes avoir un long débat là-dessus. Ce n'est pas une question qui relève vraiment de votre comité, mais plutôt de la province et des municipalités et vous ne devriez peut-être donc pas passer de jugement à ce sujet.

M. Knutson: Ce n'est pas un bon exemple.

M. Doris: Ce n'est pas un bon exemple, sauf que la propriétaire n'a pas pu obtenir que le terrain soit divisé. La question que je vous pose, c'est si cette façon de procéder est hautement bureaucratique et trahit la main lourde du gouvernement, et la réponse est oui. Essentiellement, la propriétaire a demandé que le terrain soit divisé et elle aurait dû pouvoir l'obtenir, peu importe ce qui était arrivé à la valeur du terrain, si le zonage le permettait.

Pour ce qui est de la situation aux États-Unis et des actions en justice, le système de justice américain est différent du système canadien et je le reconnais. La loi américaine dit quelque chose de différent du projet de loi. Cependant, vous avez parlé du critère qui devait être respecté avant qu'un citoyen puisse intenter des poursuites contre un autre. Qui va payer mes frais d'avocat à titre de propriétaire foncier si un citoyen décide de m'intenter des poursuites? Qui va protéger mes intérêts d'agriculteur pour que je ne sois pas obligé d'aller devant les tribunaux?

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Nous savons tous quel débat acrimonieux les sites d'enfouissement peuvent entraîner dans les collectivités rurales et les pressions que cela peut exercer sur des familles agricoles. Il me semble que le processus dans ce cas-ci se rapproche beaucoup de celui qu'on a utilisé pour les sites d'enfouissement et je vous conseille d'y réfléchir à deux fois si c'est ce que vous comptez faire.

M. Knutson: J'y ai réfléchi à deux fois. J'y ai réfléchi plus de deux fois. J'y ai réfléchi bien des fois.

Je voudrais dire un mot pour terminer vu que je représente une circonscription rurale de l'Ontario.

Pour ce qui est des poursuites intentées par les citoyens, l'article 60 a été conçu... nous pouvons discuter de la question de savoir si le critère choisi est assez restrictif et il est toujours possible même à des gens raisonnables de n'être pas d'accord entre eux, mais je trouve que l'article est rédigé de façon acceptable et que les habitants du comté d'Elgin ne s'apercevront même pas de son existence. Vous pouvez très bien faire signe que non, mais il me semble que les gens ont beaucoup plus tendance à s'apercevoir de l'existence d'un ministère de l'Environnement qui fait mal son travail, comme celui que nous avons à l'échelon provincial à l'heure actuelle. Si vous examinez ce qui s'est passé aux États-Unis, vous constaterez que, lorsque le nombre de poursuites intentées par les citoyens augmente, c'est parce que des gouvernements, comme celui de Reagan, cessent d'appliquer la loi. Et c'est une façon tout à fait antidémocratique de changer la loi.

Il existe maintenant des lois en Ontario qui ont été adoptées de façon démocratique grâce au processus démocratique. Le gouvernement décide de ne pas les appliquer. Il ne demande pas l'avis du Parlement ou de l'Assemblée législative. Pourtant, la Fédération de l'agriculture de l'Ontario affirme que nous devrions déléguer toutes les questions reliées à l'environnement aux provinces. J'ignore si les électeurs du comté d'Elgin seraient d'accord et s'ils approuvent ce que le gouvernement de Mike Harris a fait du côté de l'environnement jusqu'ici. Ce que j'essaie de dire, c'est que les citoyens intentent des poursuites quand les gouvernements ne font pas leur travail.

Voyons maintenant la question secondaire qui consiste à savoir qui assumera les frais lorsque quelqu'un porte plainte, en l'occurrence un groupe environnemental ou bien peut-être votre voisin, et demande au gouvernement qui va faire une enquête. C'est le gouvernement qui en assumera le coût. Ensuite, il faudra que le groupe ou le particulier prouve que le gouvernement n'a pas fait le nécessaire avant d'intenter des poursuites contre vous. Le gouvernement se défendra certainement et essaiera d'établir qu'il a fait le nécessaire. Ce n'est pas à vous de défendre le gouvernement et de montrer qu'il a fait le nécessaire. Vous n'êtes donc pas en cause, du moins pas tant que quelqu'un décide que le gouvernement n'a pas fait le nécessaire.

Je peux me reporter à la situation aux États-Unis sous le gouvernement Reagan. Je peux me reporter à la situation sous le gouvernement de Mike Harris. Ce sont deux exemples.

Vous voudrez peut-être reprendre ces mêmes exemples. Les groupes d'agriculteurs de l'Ontario voudront peut-être s'en servir pour empêcher que l'industrie ne dise que le gouvernement ne fait pas bien son travail pour protéger leurs droits. Vous ne devriez pas supposer automatiquement que vous allez toujours être en position défensive. Vous voudrez peut-être invoquer vous-même la loi à votre propre avantage, tout comme les agriculteurs, du moins ceux du comté d'Elgin, ont utilisé les lois sur la planification pour empêcher l'urbanisation des terres agricoles parce qu'ils ne voudraient surtout pas que l'on construise de nouvelles maisons et que les gens se plaignent ensuite de l'odeur qui vient de leurs granges à pourceaux. Les agriculteurs se servent de la loi pour protéger leurs moyens de subsistance. Vous pourrez donc avoir recours aux règlements et aux interdictions prévues dans le projet de loi pour protéger vos moyens de subsistance. Je ne suis pas certain cependant que cette façon de faire...

Je m'excuse d'avoir parlé trop longtemps. Les trois derniers mois ont été très longs.

Je vous demande simplement d'y réfléchir. Ce que j'essaie de dire surtout, c'est que le projet de loi ne vous nuira pas, pas plus que la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs ne vous nuit maintenant. Le projet de loi prévoit un processus de collaboration et il représente des avantages pour vous.

M. Doris: Vous vous en êtes beaucoup pris aux gouvernements Reagan et Harris. Je crois que ce n'est pas l'endroit pour débattre tout cela. Nous devons nous en tenir au sujet à l'étude.

Je ne m'oppose pas au fait qu'on légifère dans ce domaine, mais si l'objectif visé est vraiment de protéger les espèces en péril au Canada, il convient que vous vous demandiez, lorsque vous passerez à l'étude article par article du projet de loi, s'il permettra de protéger l'habitat de ces espèces et ce qu'il faudrait faire pour cela. Cela suppose sans doute un ensemble de mesures, certaines à caractère législatif, mais je comprends la collaboration dont il est question.

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Il y a aussi toute la question des poursuites juridiques. On peut parler de seuils et d'autres choses semblables, mais cela ne rassure pas beaucoup les gens des régions rurales de l'Ontario.

Le président: Monsieur Knutson.

M. Knutson: Je crois qu'on pourrait discuter longuement des sentiments qui animent les habitants des régions rurales de l'Ontario, mais qu'ils seront peut-être très heureux un jour d'invoquer cette loi pour protéger leur mode de vie.

Le président: La discussion a été très complète. Il y a quelques domaines que j'aimerais aborder brièvement. L'un d'entre eux se rapporte au thème central de votre mémoire. Monsieur Doris, vous avez en particulier insisté sur l'importance du processus.

Il est évident que tous les intéressés doivent mieux comprendre le processus. M. Slater a déjà contribué à mieux le faire comprendre.

J'espère que cette discussion vous a permis de mieux comprendre le processus et que nous aurons l'occasion de dissiper les craintes du public à ce sujet. J'espère que vous serez d'accord avec cette remarque. Si vous ne l'êtes pas, j'aimerais que vous nous le disiez.

M. Verkley a mentionné plus tôt qu'il fallait trouver un moyen de protéger les parties qui adhèrent au partenariat de ceux qui hésitent à le faire.

Nous sommes tous de cet avis. Il faut le faire. C'est dommage, mais nous devons peut-être légiférer dans ce domaine comme nous légiférons dans le domaine routier. Devant un feu rouge, les automobilistes s'immobilisent. Les gens perdent évidemment leur temps à attendre. En outre, ils polluent l'air en brûlant de l'essence, mais s'il n'y avait pas de feux de circulation, on se retrouverait avec des morts. Nous prévoyons aussi des sanctions contre ceux qui ne respectent pas les feux de circulation.

Presque toutes les lois prévoient des sanctions, mais je suis sûr que tous ici nous convenons qu'il faut mettre l'accent sur le processus de façon à nous assurer la collaboration du plus grand nombre de gens possible. Je le répète, nous ne serions pas obligés d'intervenir par voie législative si nous avions réussi jusqu'ici à protéger les espèces.

Différents organismes nous ont demandé d'intervenir comme certains d'entre vous l'ont fait. Il peut s'agir parfois des organismes qui seraient en mesure de faire une contribution financière comme le proposait M. Verkley. Ces organismes existent déjà et peut-être qu'on pourrait les convaincre d'accorder une certaine indemnisation aux agriculteurs si on leur demande un jour de ne pas récolter leurs cultures.

Vous nous avez donné des exemples fort raisonnables qui nous aident à comprendre comment le projet de loi devra être mis en oeuvre pour obtenir le maximum de collaboration.

Mais il faut pécher par excès de prudence. C'est d'ailleurs ce que le projet de loi s'efforce de faire. Il se peut que puisqu'il pèche par excès de prudence, on a l'impression que l'approche est punitive. Ce n'est certainement pas l'intention du projet de loi.

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Comme je l'ai déjà dit, j'espère qu'une fois le projet de loi adopté, il y aura des occasions d'expliquer en détail comment le processus va fonctionner pour que ceux qui ne sont pas dans la salle le comprennent.

J'aimerais entendre vos observations, monsieur Curtis, mais permettez-moi d'aborder le deuxième sujet et de poser une question à M. Slater.

Lorsque nous étions à Vancouver et à Edmonton, les représentants du Yukon étaient un peu perturbés à cause du paragraphe 2 de l'article 2, la disposition de dérogation concernant le Nord. Ils la jugeaient insuffisante, incomplète, etc. D'autres témoins nous ont dit le contraire.

Y a-t-il moyen de reformuler l'article 2 pour donner aux représentants du nord les assurances qu'ils cherchent?

M. Slater: J'hésite beaucoup à me prononcer sur l'article 2. Cette disposition a engendré beaucoup de discussions avec nos collègues du ministère de la Justice et de celui des Affaires autochtones et du développement du nord.

Selon eux, le libellé reflète l'équilibre délicat nécessaire dans ce projet de loi. Nous sommes tout à fait disposés à nous en remettre à ces deux ministères dans ce domaine. Donc, s'il devait y avoir une modification...

Ce que j'essaie de vous dire c'est que je ne suis pas la bonne personne pour vous conseiller en la nature.

Le président: Très bien. Merci.

Le mot de la fin est à vous, monsieur Curtis. Monsieur Verkley, alors.

M. Verkley: De tout ce qui a été dit, je pense qu'il est important de savoir que nous sommes très favorables à une Loi sur la protection des espèces en péril qui a l'appui de la population et des propriétaires fonciers. Cela rassure beaucoup tout le monde. Et cet appui existe. En fin de compte, on peut avoir recours à des approches incitatives et punitives, mais il faut qu'elles soient bien comprises.

Le président: Très bien.

Ceci met fin à la réunion de ce matin. Je tiens à vous remercier tous de votre contribution au sujet du processus. Vos remarques nous sont très utiles. Nous vous remercions infiniment.

La séance est levée jusqu'à 15 h 30.

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