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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 janvier 1997

.1131

[Traduction]

Le président: Nous allons commencer tout de suite pour profiter au maximum de la séance d'aujourd'hui.

Nous sommes les membres du Comité permanent de l'environnement et du développement durable. Je vais demander à ceux qui sont ici, en commençant par M. Taylor, de se présenter.

M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je m'appelle Len Taylor. Je suis le seul membre du comité représentant le Nouveau Parti démocratique. Je suis membre associé, et je suis heureux d'être ici.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Je m'appelle Gar Knutson. Je suis député d'Elgin - Norfolk, une circonscription située au bord du lac Érié, dans le sud-ouest de l'Ontario.

M. Steckle (Huron - Bruce): Paul Steckle; je représente moi aussi une circonscription du sud de l'Ontario, celle de Huron - Bruce. J'appartiens au parti ministériel.

M. Tom Curran (attaché de recherche du comité): Je m'appelle Tom Curran. Je travaille pour le Service de recherches de la Bibliothèque du Parlement, et je suis un des attachés de recherche du comité.

Mme Kristen Douglas (attachée de recherche du comité): Mon nom est Kristen Douglas. Je viens moi aussi du Service de recherches de la Bibliothèque du Parlement et je suis l'autre attachée de recherche du comité.

Le président: Le greffier du comité, Normand Radford, n'est pas ici en ce moment. Et moi, je suis Charles Caccia, député de Davenport, en pleine forêt du centre-ville de Toronto.

D'autres membres du comité vont se joindre à nous très bientôt, mais comme le temps nous presse, je vous invite à commencer immédiatement vos présentations pour que nous ayons amplement de temps ensuite pour vous poser des questions et entendre vos réponses.

Si je comprends bien, c'est Shirley Adamson qui est le grand chef. Bienvenue à vous et aux membres de votre groupe. Pouvez-vous nous les présenter, s'il vous plaît?

Le grand chef Shirley Adamson (Conseil des Indiens du Yukon): Merci beaucoup. Je suis le grand chef du Conseil des Indiens du Yukon. Je vous présente Ed Schultz, qui m'accompagne aujourd'hui en tant qu'assistant. Je vais laisser les autres membres du groupe se présenter eux-mêmes.

Mme Shirley Ford (présidente, groupe de travail sur le projet de loi C-65, Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon): Je suis Shirley Ford, du Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon.

M. Mike Smith (président, Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon): Je m'appelle Mike Smith. Je suis président du Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon.

M. Russel Tait (président, Yukon Fish and Game Association): Mon nom est Russ Tait. Je suis président de la Yukon Fish and Game Association.

M. Clayton White (vice-président, Yukon Fish and Game Association): Je m'appelle Clayton White. Je suis vice-président de la Yukon Fish and Game Association.

Le président: C'est bien, merci. Je vous souhaite la bienvenue encore une fois.

Êtes-vous prêts à commencer? Nous avons alloué quinze minutes à chaque organisation. Après une dizaine de minutes, je vais vous faire un petit signe pour que vous sachiez qu'il vous reste encore cinq minutes. Je vous laisse la parole sans plus attendre.

Le grand chef Adamson: Merci beaucoup, monsieur le président.

Au nom des Premières nations tlingite, tagish, han, gwitchin, tuchone du Sud et tuchone du Nord, du Territoire du Yukon, je tiens à remercier le Comité permanent de l'environnement et du développement durable de nous avoir permis de lui faire part de nos commentaires et de nos préoccupations au sujet du projet de loi C-65, la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada.

Je voudrais vous dire quelques mots pour commencer au sujet du Conseil des Indiens du Yukon. Le CIY, comme on l'appelle également, est l'organe de gouvernement central des onze Premières nations yukonnaises qui en sont membres. Lors de son assemblée générale de 1996, ces Premières nations lui ont délégué les pouvoirs législatifs que leur confèrent les accords d'autonomie gouvernementale qu'elles ont signés, autorisant ainsi le CIY à adopter des lois en leur nom.

Le CIY a par ailleurs pour mandat de représenter les Premières nations yukonnaises qui en sont membres et de défendre leurs intérêts au sujet des questions territoriales, nationales et internationales. Cependant, cela n'empêche nullement les Premières nations du Yukon d'exercer individuellement leurs droits pour s'occuper des questions découlant de leurs accords respectifs.

.1135

Les Premières nations du Yukon se battent depuis 30 ans pour négocier et conclure des ententes avec les gouvernements territorial et fédéral en vue du règlement de leurs revendications territoriales en suspens et de la signature d'ententes d'autonomie gouvernementale.

En 1994, quatre Premières nations du Yukon ont signé des accords définitifs et des accords d'autonomie gouvernementale inspirés des dispositions de l'Accord-cadre définitif, que nous appelons aussi l'ACD. Les membres de ces quatre Premières nations ont des commentaires particuliers qu'ils voudraient faire verser au compte rendu, et je vais vous les lire immédiatement après ma présentation.

Les premiers accords définitifs, conclus par ces quatre Premières nations yukonnaises, ont été ratifiés en 1995 par le Parlement et par l'assemblée législative du Yukon, qui leur ont ainsi donné force de loi. Un certain nombre d'autres Premières nations du Yukon sont actuellement en train de régler les derniers détails de leurs ententes, tandis que d'autres sont toujours en négociations.

L'Accord-cadre définitif établit les pouvoirs et les mécanismes relatifs à la gestion des espèces halieutiques et fauniques et de leurs habitats au Yukon; il crée notamment le Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon, qui est le principal organisme responsable de la gestion des poissons et des animaux sauvages au Yukon. Il se compose de six membres nommés par les Premières nations du Yukon et de six autres nommés par le gouvernement. Le Conseil peut, dans l'intérêt public et conformément aux principes énoncés dans l'Accord-cadre définitif au sujet de la nécessité de tenir compte de tous les facteurs pertinents, y compris des recommandations des conseils des ressources renouvelables, présenter des recommandations au ministre, aux Premières nations du Yukon et aux conseils des ressources renouvelables sur toutes les questions touchant la gestion des pêches et de la faune, de même que les lois, les activités de recherche, les orientations générales et les programmes qui s'y rattachent.

En particulier, je vous signale que le Conseil peut présenter des recommandations au ministre sur la nécessité, le contenu et l'à-propos de tous les plans de gestion des pêches et du poisson au Yukon; sur les espèces visées par les accords internationaux; sur les espèces ou populations menacées; sur les espèces ou populations déclarées d'intérêt territorial, national ou international par le ministre; et sur les populations transplantées et les espèces exotiques.

L'Accord-cadre définitif prévoit en outre que, sur le territoire traditionnel de chacune des 14 Premières nations du Yukon, le conseil des ressources renouvelables, ou CRR, est le principal organisme responsable de la gestion des ressources renouvelables de ce territoire traditionnel, comme le prévoit l'accord définitif. Chaque CRR se compose de trois membres nommés par les Premières nations du Yukon et de trois autres nommés par le gouvernement.

Chaque CRR, dans l'intérêt public et compte tenu des principes énoncés dans l'ACD, peut présenter des recommandations au gouvernement du Yukon, aux Premières nations yukonnaises touchées et au Conseil sur toutes les questions relatives à la conservation des espèces halieutiques et fauniques. En particulier, il peut soumettre au Conseil de gestion des pêches et de la faune des recommandations sur les questions touchant la gestion locale des espèces ou populations en péril.

L'Accord-cadre définitif prévoit aussi que les Premières nations yukonnaises conservent un territoire de plus de 16 000 milles carrés au Yukon. Sur ces terres, elles ont le pouvoir et la responsabilité de gérer les populations locales de poissons et d'animaux sauvages.

L'Accord-cadre définitif garantit en outre aux Premières nations yukonnaises la possibilité de participer à la gestion des espèces halieutiques et fauniques au Yukon. Comme nous l'avons déjà dit, nos gens participent aux activités du Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon. Cette participation est essentielle pour nous assurer que les espèces halieutiques et fauniques du Yukon sont gérées conformément à nos valeurs culturelles, à nos traditions et à nos connaissances.

Les membres des Premières nations du Yukon chassent les oiseaux aquatiques migrateurs et les mammifères depuis des milliers d'années pour assurer leur subsistance. À notre avis, le projet de loi C-65 menace le mode de vie des Premières nations du Yukon et leurs droits d'exploitation des ressources fauniques puisqu'il semble empiéter sur leur sphère de responsabilité, et notamment sur les pouvoirs et les compétences des organismes et des structures de gestion des pêches et de la faune établis en vertu de l'ACD.

Voici en gros quelles sont nos préoccupations.

Le projet de loi C-65, ajouté à certaines autres lois fédérales comme la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, la Loi sur les pêches, le projet de loi C-68 - qui porte sur les mesures fédérales de contrôle des armes à feu - et les accords internationaux comme le traité relatif au saumon du Pacifique, empêche les Premières nations d'exercer pleinement leur droit de chasser et de pêcher à des fins de subsistance.

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L'Accord-cadre définitif prévoit que les droits des membres des Premières nations du Yukon au sujet de la chasse, de la pêche et du piégeage de subsistance ne peuvent être limités que pour des raisons de conservation des espèces, ou encore de santé ou de sécurité publiques. Au sens de l'ACD, le terme «conservation» désigne la gestion des populations et des habitats de poissons et d'espèces fauniques, ainsi que la réglementation des personnes qui en font usage, de manière à préserver la qualité, la diversité et la productivité optimale à long terme des populations de poissons et d'animaux sauvages, principalement dans le but d'en assurer une exploitation durable et une utilisation appropriée.

Le projet de loi C-65 contrevient, dans sa conception, à l'esprit et à l'intention des accords conclus par les Premières nations du Yukon. Il semble inspiré uniquement par les groupes d'intérêt du Sud, qui appuient aussi les mouvements d'opposition au piégeage des animaux à fourrure et qui font des pressions en vue de la création de parcs nationaux pour assurer la protection de vastes étendues de territoire. Mais ces groupes ne tiennent pas compte des réalités concrètes de la vie dans le Grand Nord canadien. De plus, ils ne comprennent pas - ou ne veulent pas comprendre - l'importance des accords de revendications territoriales conclus avec des Premières nations partout dans le Nord, y compris au Yukon.

Le projet de loi C-65 donne au gouvernement du Canada et aux organisations non gouvernementales du Sud plus de pouvoirs que n'en ont les Premières nations du Yukon, le Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon, les conseils des ressources renouvelables et le gouvernement du Yukon relativement à la gestion des espèces de poissons et d'animaux sauvages au Yukon. La gestion de nos ressources par des gens qui ne vivent pas dans le Nord, et qui ne comprennent pas nos valeurs culturelles et nos traditions, reflète une attitude méprisante et paternaliste.

Nous avons aussi des inquiétudes au sujet de certaines dispositions particulières du projet de loi C-65. Premièrement, le préambule précise que le manque de certitude scientifique ne doit pas retarder l'adoption de mesures de prévention par le gouvernement du Canada. Mais en l'absence de données concluantes, quels seront les critères utilisés pour décider de l'application des mesures contenues dans le projet de loi C-65?

Deuxièmement, il faudrait confirmer dans le préambule que les Premières nations du Yukon, le Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon et les conseils des ressources renouvelables ont été créés pour assurer la gestion des espèces halieutiques et fauniques au Yukon.

Troisièmement, il n'est question nulle part dans le projet de loi, ni même dans l'article contenant les définitions, des pouvoirs des ministres territoriaux au sujet de la gestion des poissons et des animaux sauvages au Yukon.

Quatrièmement, le paragraphe 3(3) du projet de loi C-65 prévoit que la loi s'appliquerait de manière générale sur les terres visées par les accords de règlement des revendications territoriales autochtones, c'est-à-dire les terres que conservent les Premières nations du Yukon. Le paragraphe 3(4) ne permet pas aux Premières nations du Yukon de participer à la signature d'ententes sur les mesures devant être mises en oeuvre sur les terres visées par ces accords de règlement.

Cinquièmement, les articles 30 à 33 interdisent l'exploitation de certaines espèces. Or, l'article 16.4.2 de l'ACD prévoit que les droits d'exploitation ne peuvent être limités que pour des raisons de conservation des espèces, ou encore de santé ou de sécurité publiques.

Sixièmement, l'article 16.3.3.2 de l'ACD prévoit que le gouvernement doit consulter les Premières nations yukonnaises touchées avant d'imposer des limites relativement à l'exploitation des ressources fauniques à des fins de subsistance. L'ACD contient une définition très complète du terme «consultation» afin de veiller à ce que les Premières nations du Yukon puissent avoir leur mot à dire sur les mesures mises en oeuvre par le gouvernement pour restreindre leurs droits d'exploitation. En particulier, la consultation doit servir à donner: a) à la partie à consulter, un avis relatif à la question devant faire l'objet d'une décision, de manière appropriée et suffisamment détaillée pour permettre à cette partie de se faire une opinion sur la question; b) à la partie à consulter, un délai raisonnable pour se faire une opinion sur la question et pour présenter ses vues à la partie tenue de la consulter; et c) à la partie tenue de consulter, la possibilité d'examiner de manière juste et approfondie toutes les opinions qui lui ont été présentées.

Jusqu'ici, le gouvernement n'a pas respecté cette obligation de consulter les Premières nations du Yukon avant de restreindre leurs droits d'exploitation en vertu du projet de loi C-65. Selon l'esprit de la définition du terme «consultation» contenue dans l'Accord-cadre définitif, les Premières nations du Yukon auraient dû participer à la rédaction du projet de loi C-65.

Septièmement, les accords d'autonomie gouvernementale conclus par les Premières nations du Yukon prévoient que ces Premières nations ont le pouvoir d'adopter des lois sur les territoires visés par les accords de règlement de leurs revendications territoriales au sujet de la cueillette, de la chasse, du piégeage ou de la pêche, de même que de la protection des poissons, des animaux sauvages et de leurs habitats. Or, les principes sur lesquels repose le projet de loi C-65 semblent restreindre ce pouvoir conféré aux Premières nations du Yukon.

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Huitièmement, l'article 14 du projet de loi C-65 définit la composition du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Je vous signale que ce comité ne compte aucun représentant des Premières nations, ni des organismes de gestion des pêches et de la faune établis en vertu de l'ACD.

Neuvièmement, l'article 33 du projet de loi ne prévoit aucune consultation avec les Premières nations du Yukon, les conseils des ressources renouvelables ou le Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon au sujet de la rédaction de règlements relatifs aux espèces transfrontalières.

Dixièmement, il faudrait préciser à l'article 38 du projet de loi que les conseils des ressources renouvelables des Premières nations du Yukon et le Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon sont les organismes appelés à participer à l'élaboration des plans de gestion.

Onzièmement, l'article 46 du projet de loi devrait faire en sorte que les accords conclus par le ministre ou les permis délivrés par lui soient conformes aux dispositions relatives à l'exploitation des ressources fauniques, y compris aux limites permises en vertu des accords définitifs visant les Premières nations du Yukon.

Douzièmement, l'article 49 prévoit que toute autorité responsable, au sens de la définition contenue dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, est tenue de signaler par écrit au ministre tout projet susceptible de toucher une espèce inscrite comme vulnérable, menacée ou en voie de disparition. Il faut souligner que le processus d'évaluation des projets de développement établi en vertu de l'Accord-cadre définitif permettra un examen complet au Yukon. On prévoit que ce processus d'évaluation permettra de veiller à ce que le développement se fasse de manière à ne pas nuire aux ressources futures, et notamment aux espèces de poissons et d'animaux sauvages et à leurs habitats. De plus, il apparaît probable que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne s'appliquera pas au Yukon après la mise en oeuvre des mesures législatives touchant l'évaluation des projets de développement.

Treizièmement, l'article 52 du projet de loi C-65 prévoit que les agents chargés de l'application de la loi peuvent effectuer des perquisitions et des saisies sans mandat. Ajoutée aux mesures législatives proposées sur le contrôle des armes à feu, cette disposition pourrait très bien constituer une violation des droits et libertés des membres des Premières nations du Yukon qui voudront poursuivre leurs activités d'exploitation traditionnelles. C'est inacceptable.

Quatorzièmement, le projet de loi C-65 permet à tout citoyen de plus de 18 ans de présenter une pétition au ministre compétent pour réclamer une enquête en vue de déterminer si une infraction a été perpétrée ou si un acte visant à en perpétrer une a été commis. De plus, si le ministre ne fait pas enquête ou si sa réponse à la suite de l'enquête n'est pas raisonnable, n'importe quel citoyen peut intenter une action en protection au sujet d'une espèce en péril contre l'auteur de l'infraction présumée ayant fait l'objet de la demande d'enquête. Nous croyons qu'un processus d'application de la loi qui repose sur les recours judiciaires et qui risque de favoriser des demandes d'enquête futiles n'encouragerait pas nécessairement la gestion efficace des espèces en péril.

Je tiens à souligner pour finir que le Conseil des Indiens du Yukon reconnaît que les trois paliers de gouvernement doivent travailler ensemble de manière coordonnée pour assurer la protection des espèces en péril. Nous recommandons cependant que le projet de loi C-65 soit réécrit de manière à tenir compte des responsabilités et des compétences des organismes de gestion des pêches et de la faune établis en vertu de l'Accord-cadre définitif. En particulier, nous exigeons que toute loi relative à la protection des espèces en péril reconnaisse le rôle constitutionnel du gouvernement des Premières nations du Yukon.

Les Premières nations du Yukon vont continuer à faire des pressions de gouvernement à gouvernement à ce sujet. Si le projet de loi C-65 est adopté dans sa forme actuelle, le CIY n'aura pas d'autre choix que s'adresser aux tribunaux pour faire respecter les accords définitifs conclus avec les Premières nations du Yukon.

Je voudrais aussi vous présenter, en annexe à ma présentation, les préoccupations particulières des Premières nations de Champagne et de Aishihik, des Na-Cho N'y'ak Dun, des Tlingits de Teslin et des Gwitchin Vuntut, du Territoire du Yukon. Ce document est adressé aux membres du comité permanent et porte sur la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada:

Le 14 février 1995, les Premières nations yukonnaises suivantes ont signé un accord définitif et un accord d'autonomie gouvernementale avec les gouvernements du Canada et du Yukon: les Premières nations de Champagne et de Aishihik; le Conseil des Tlingits de Teslin; la Première nation des Na-Cho N'y'ak Dun; et la Première nation des Gwitchin Vuntut.

.1150

Nous sommes tous d'avis que le projet de Loi sur la protection des espèces en péril au Canada contrevient aux dispositions des accords définitifs que nous avons signés avec le Canada. Voici pour quelles raisons. Premièrement, en vertu des accords définitifs individuels visant les Premières nations du Yukon, le Canada est obligé de tenir des consultations. Cela signifie qu'il doit donner à la partie à consulter un avis relatif à la question devant faire l'objet d'une décision, de manière appropriée et suffisamment détaillée pour permettre à cette partie de se faire une opinion sur la question; il doit aussi lui accorder un délai raisonnable pour se faire une opinion sur la question et pour présenter ses vues à la partie tenue de la consulter; et enfin, il doit examiner de manière juste et approfondie toutes les opinions qui lui ont été présentées.

Cette obligation de consulter est énoncée à l'article 16.5.4 de nos accords définitifs respectifs, qui se lit comme suit:

Encore une fois, les consultations prévues dans les accords définitifs que nous avons signés n'ont pas eu lieu.

Deuxièmement, l'article 16.3.3 de notre accord définitif dit:

L'article 16.3.3.1 dit:

Et l'article 16.3.3.2:

Encore une fois, le gouvernement doit tenir des consultations, et toute limite proposée à des fins de conservation doit reposer sur des motifs raisonnables. Nous croyons que ni l'une ni l'autre de ces obligations n'ont été respectées dans le contexte de notre accord définitif.

Troisièmement, nos accords définitifs nous garantissent le droit d'exploiter à des fins de subsistance, à l'intérieur de nos territoires traditionnels respectifs, toutes les espèces de poissons et d'animaux sauvages pour nous-mêmes et pour nos familles, en toute saison de l'année et en n'importe quelle quantité, sur les terres visées par les accords de règlement et sur les terres domaniales auxquelles nous avons accès, sous réserve uniquement des limites prévues dans les lois adoptées pour des fins de conservation des espèces, ou de santé et de sécurité publiques.

Or, les mesures proposées aux articles 30 à 33, qui interdisent de tuer certaines espèces, auraient des répercussions importantes sur les droits garantis en vertu de nos traités au sujet de l'exploitation des ressources fauniques à des fins de subsistance.

Quatrièmement, nos accords d'autonomie gouvernementale nous confèrent la responsabilité exclusive de réglementer ce droit issu de traité, à savoir le droit de chasser à l'intérieur de notre territoire traditionnel et le droit d'exploiter toutes les espèces locales sur les terres visées par les accords de règlement. Ce projet de loi, dans sa forme actuelle, nous privera de notre droit inhérent d'adopter des lois et règlements au sujet des droits de chasse et de pêche des citoyens de nos Premières nations. Nous estimons qu'il s'agit d'une violation de l'obligation fiduciaire de la Couronne, telle qu'elle est exprimée dans les arrêts Guerin et Sparrow.

Cinquièmement, le paragraphe 2(2), qui porte sur les droits des Autochtones, précise:

Mais ce projet de loi n'assure pas le respect de nos traités.

Sixièmement, pour toutes ces raisons, nous avons l'intention de contester la constitutionnalité de la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada si le Canada continue de mépriser aussi totalement les droits légitimes que nous reconnaît la Constitution.

Ces commentaires sont présentés au comité permanent par les signataires suivants: le chef Paul Birckel, des Premières nations de Champagne et de Aishihik; le chef Robert Hagar, de la Première nation de Na-cho N'y'ak Dun; le chef Richard Sidney, au nom du Conseil des Tlingits de Teslin; et le chef Randall Tetlichi, de la Première nation Gwitchin Vuntut.

Je remercie le comité permanent de nous avoir permis de lui transmettre les préoccupations des Premières nations du Yukon au sujet du projet de loi C-65. Je vais laisser l'original de ce document au greffier. Nous en avons déjà remis des copies à la secrétaire. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Merci.

.1155

Le président: Merci, grand chef Adamson.

En commençant par la fin de votre présentation, qui nous est extrêmement utile et que nous allons étudier très attentivement, j'aimerais faire un petit commentaire.

Au sujet du mémoire qui a été soumis par les chefs Paul Birckel, Richard Sidney, Robert Hager et Randall Tetlichi et que vous venez de lire, et plus précisément au sujet du cinquième point, le comité étudierait certainement avec plaisir le texte d'une disposition qui pourrait remplacer le paragraphe 2(2), que vous avez lu pour le compte rendu:

Pour certains d'entre nous, ce paragraphe semble tout à fait complet, tout à fait satisfaisant, mais si vous voulez nous soumettre un texte de remplacement, nous nous ferons un plaisir de l'examiner.

Deuxièmement, en ce qui concerne le premier point de ce mémoire soumis aux membres du comité permanent, il me semble que les fonctionnaires d'Environnement Canada ont tenu de longues consultations avant de rédiger le projet de loi. Par conséquent, je ne comprends pas très bien pourquoi les auteurs de ce mémoire affirment, au premier point, qu'il n'y a eu aucune consultation.

Pour finir, au sujet de votre propre mémoire, qui contient un certain nombre d'éléments de fond, je vous assure que nous allons l'examiner très attentivement. Notre comité n'a certainement pas l'intention de favoriser les demandes d'enquête futiles. Bien au contraire. Par conséquent, nous sommes un peu du même avis que vous au sujet du rôle respectif des tribunaux et des citoyens.

Cela dit, je vous remercie encore une fois.

Nous allons maintenant entendre le témoin suivant.

Le grand chef Adamson: Mais auparavant, monsieur le président, je tiens à vous dire que nous allons transmettre vos commentaires aux chefs des quatre Premières nations qui ont signé les premiers accords, mais je ne peux pas vous laisser sous l'impression qu'il y a eu des consultations. Il n'y en a certainement pas eu au Yukon; je tiens à ce que ce soit précisé dans le compte rendu.

Merci.

Le président: Nous allons certainement transmettre cette information aux gens qui sont responsables des consultations à Ottawa. Merci de l'avoir souligné encore une fois.

Nous invitons maintenant les membres du groupe suivant à s'approcher du micro; il s'agit du Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon. Veuillez commencer.

M. Smith: Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.

C'est la première fois que nous avons l'occasion de vous présenter nos vues. Ce qui nous inquiète surtout, si le projet de loi est adopté tel quel, c'est que nous ne serions plus dans le circuit en ce qui concerne la consultation et la participation à la gestion des espèces sauvages, y compris des espèces en péril.

Le Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon vous remercie de l'occasion de présenter son point de vue.

Le Conseil appuie l'esprit de la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada et reconnaît qu'il est important d'adopter des lois visant à protéger les espèces en péril et leurs habitats. Mais le Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon, tout comme les autres intéressés au Yukon, a certaines inquiétudes au sujet du projet de loi C-65 et aimerait vous en faire part aujourd'hui.

Permettez-moi tout d'abord de vous présenter le Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon et de vous expliquer son mandat.

.1200

Le Conseil a été créé par l'adoption des lois portant mise en oeuvre de l'accord définitif sur les revendications territoriales des Premières nations du Yukon, qui est entré en vigueur en février 1995. Il se compose de douze membres, six choisis par les Premières nations du Yukon et six par le gouvernement du Yukon.

Les signataires de l'accord final du Yukon, c'est-à-dire le Canada, le gouvernement du Yukon et la présidente du Conseil des Indiens du Yukon, sont tenus par la loi de s'acquitter de leurs obligations respectives en vertu de l'accord final sur les revendications territoriales des Premières nations du Yukon. Le gouvernement du Canada, en tant que signataire de cette entente, doit respecter les engagements qu'il a pris.

L'accord désigne le Conseil comme étant le principal organisme de gestion des pêches et de la faune au Yukon. Le Conseil travaille en collaboration avec le conseil des ressources renouvelables de chacun des territoires traditionnels reconnus par l'accord, de même qu'avec le gouvernement du Yukon et ceux des Premières nations yukonnaises.

En déposant ce projet de loi sans avoir tenu de consultations suffisantes, le Canada manque à ses engagements en vertu de cet accord, qui exige la collaboration de tous ces gens. Depuis que les projets de loi C-33 et C-34 ont pris force de loi, tous les gouvernements, le Conseil et les conseils des ressources renouvelables sont tenus de consulter les gens du Yukon sur les questions relatives aux poissons et aux animaux sauvages.

Le Conseil concentre ses efforts sur les politiques, les mesures législatives et les mesures de protection visant à préserver les habitats et à régir la gestion de la faune, pour aujourd'hui et pour demain. Il influe sur les décisions relatives à la gestion de la faune par ses efforts de sensibilisation du grand public et ses recommandations au ministre fédéral ou yukonnais, selon le cas, et aux gouvernements des Premières nations yukonnaises. Il cherche dans ces recommandations à établir un équilibre entre les meilleures connaissances techniques, traditionnelles et locales auxquelles il a accès.

Le chapitre 16 de l'accord final porte sur la question des ressources halieutiques et fauniques; c'est le plus long et le plus complexe de tous. Il établit une norme pour la gestion de la faune au Yukon, en fonction de quatre grands éléments.

Le premier de ces éléments est la conservation. Le chapitre 16 précise que la gestion et l'exploitation des poissons, des animaux sauvages et de leurs habitats doivent être régies par le principe de la conservation, c'est-à-dire par la nécessité d'assurer la qualité, la diversité et la productivité optimale à long terme des populations de poissons et d'animaux sauvages, dans le but principalement d'en permettre une exploitation durable et une utilisation appropriée.

Le deuxième élément est la cogestion. Le chapitre 16 établit une nouvelle façon de gérer qui permet une participation pleine et entière de tous les Yukonnais. Il prévoit officiellement la participation de représentants choisis dans la population en général, qu'ils soient ou non membres des Premières nations, comme partenaires de gestion siégeant aux conseils des ressources renouvelables et au Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon.

Le troisième élément est la certitude. Le chapitre 16 remplace les droits d'exploitation généraux reconnus aux Indiens du Yukon par la Constitution du Canada par des droits spécifiques visant à répondre aux besoins de subsistance sur le territoire traditionnel de chacune des Premières nations. En même temps, l'accord garantit que d'autres personnes peuvent aussi exploiter de manière durable une partie des poissons et des animaux sauvages.

Le quatrième élément est la consultation, qui est définie très précisément comme suit: premièrement, l'envoi à la partie à consulter d'un avis relatif à la question devant faire l'objet d'une décision, de manière appropriée et suffisamment détaillée pour permettre à cette partie de se faire une opinion sur la question; deuxièmement, un délai raisonnable pour permettre à cette partie de se faire une opinion sur la question et de présenter ses vues à la partie tenue de la consulter; et troisièmement, la possibilité, pour la partie tenue de consulter, d'examiner de manière juste et approfondie toutes les opinions qui lui ont été présentées.

Il y a aussi la question du partage des compétences. Au Yukon, la majeure partie des terres et des ressources appartiennent actuellement au gouvernement du Canada, qui en assure la gestion. La plupart des projets de développement qui peuvent toucher les poissons, les animaux sauvages et leurs habitats se font sur les terres de la Couronne et sont réglementés par des lois adoptées par le Parlement, dont la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la Loi sur les mines, la Loi sur les pêches et la Loi sur le Yukon.

En même temps, le gouvernement du Yukon a lui aussi, en vertu de l'article 17 de la Loi sur le Yukon, certaines responsabilités touchant la gestion des espèces sauvages et des poissons d'eau douce à l'intérieur du Territoire. Il peut faire des observations sur les effets que les projets de développement pourraient avoir sur la faune, mais il n'a fixé jusqu'ici aucune règle précisant comme les promoteurs devraient modifier leurs projets pour assurer la survie des espèces sauvages, et il n'a aucun pouvoir au sujet de la réalisation de ces projets de développement.

Il faut prendre des mesures dès maintenant pour protéger ces espèces, sans quoi leurs chances de survie vont diminuer d'année en année.

.1205

La définition du terme «conservation» ne porte pas uniquement sur les populations de poissons et d'animaux sauvages; elle inclut également, et de manière explicite, leurs habitats. Le Conseil estime qu'il doit se faire l'ardent défenseur des habitats fauniques et qu'il a le mandat de tenir compte des objectifs de conservation des habitats.

Les lois de protection des habitats sont essentielles, et le Conseil a toujours prôné l'inclusion de mesures précises en ce sens dans les lois et les politiques des gouvernements fédéral et territorial. Nous n'avons guère eu de succès jusqu'ici auprès des gouvernements, et nous estimons que les mesures proposées dans le projet de loi ne sont pas assez efficaces.

Les signataires comptent sur toutes les parties à l'Accord-cadre définitif pour qu'elles se concentrent sur la nécessité de communiquer efficacement entre elles afin que le système fonctionne. Le comité permanent doit donc prendre au sérieux les recommandations de notre conseil et des conseils des ressources renouvelables.

L'accord de règlement des revendications territoriales a pour objectif global d'offrir une nouvelle façon de gérer les poissons, les animaux sauvages et leurs habitats par la coopération entre les Premières nations et les gouvernements, ainsi qu'avec le grand public.

Nous sommes d'avis que le préambule du projet de loi devrait reconnaître expressément les éléments suivants: premièrement, le mandat du Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon en tant que principal organisme responsable des espèces halieutiques et fauniques au Yukon; deuxièmement, le rôle des conseils des ressources renouvelables en tant que principaux outils de gestion des ressources renouvelables locales dans leur territoire traditionnel, comme le prévoient les accords de règlement; et troisièmement, les Premières nations yukonnaises, qui peuvent gérer les populations locales de poissons et d'animaux sauvages à l'intérieur des terres visées par les accords de règlement, dans la mesure où le Conseil ne juge pas nécessaire d'assurer la coordination avec d'autres programmes de gestion des pêches et de la faune.

L'article sur les définitions devrait inclure une définition de la consultation, comme nous l'avons déjà mentionné. La définition de «ministre» devrait aussi englober le ministre du gouvernement du Yukon, et le terme «gouvernements des Premières nations» devrait être défini de la même façon que dans les accords sur les revendications territoriales autochtones.

De plus, sur la question du partage des compétences, la loi ne s'applique pas de la même façon aux provinces et aux territoires. Les territoires sont différents des provinces du Sud, puisque la majeure partie de leurs terres relèvent du gouvernement fédéral.

À l'heure actuelle, le gouvernement territorial et les Premières nations du Yukon sont responsables de la gestion de la faune et des poissons d'eau douce à l'intérieur du Territoire. Le Conseil craint que le projet de loi ne remette entre les mains du gouvernement fédéral la responsabilité de la gestion des ressources fauniques du Yukon, ce qui éroderait sérieusement les responsabilités du gouvernement du Yukon et des gouvernements des Premières nations yukonnaises à cet égard. Il faut également se demander si le gouvernement fédéral aurait les ressources, et plus particulièrement les ressources financières, nécessaires pour exercer cette responsabilité.

En vertu de l'ACD, le Conseil, dans l'intérêt public et conformément aux dispositions de ce chapitre, doit tenir compte de tous les facteurs pertinents, et notamment des recommandations des conseils, pour présenter des recommandations au ministre, aux Premières nations yukonnaises et aux conseils sur toutes les questions touchant la gestion des pêches et de la faune, ainsi que les lois, les activités de recherche, les grandes orientations et les programmes qui s'y rattachent.

Le Conseil peut donc présenter des recommandations au ministre au sujet de la nécessité, du contenu et de l'à-propos de tous les plans de gestion des poissons et des animaux sauvages visés par les ententes internationales; des espèces ou populations menacées; des espèces ou populations déclarées d'intérêt territorial, national ou international par le ministre; et des populations transplantées et des espèces exotiques.

Je voudrais vous parler aussi de la protection des habitats. D'après le projet de loi, c'est le gouvernement fédéral qui en serait le seul responsable. Or, en vertu de l'Accord-cadre définitif, cette responsabilité revient à notre conseil et aux conseils de gestion des ressources renouvelables.

D'après la définition contenue dans l'ACD, la «conservation» inclut la protection des habitats. Il y a donc une contradiction entre l'ACD et le projet de loi C-65 au sujet de la responsabilité à cet égard. De plus, chacun des conseils des ressources renouvelables est chargé expressément de s'occuper des questions locales, ce qui inclut les habitats, sur le territoire traditionnel pour lequel il a été établi.

Il pourrait donc y avoir des conflits entre la mise en valeur des ressources et la protection des habitats. La gestion locale, par l'entremise des conseils des ressources renouvelables, serait le moyen le plus efficace de résoudre ces conflits éventuels.

Il est de plus en plus clair qu'ici, dans le Nord, nous devons gérer nous-mêmes nos espèces de poissons et d'animaux sauvages, de même que leurs habitats, en vertu des pouvoirs que nous confèrent l'Accord-cadre définitif et la Loi sur le Yukon. Pour pouvoir gérer une espèce, il faut aussi gérer son habitat.

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Au sujet des plans de rétablissement et de gestion, le Conseil appuie les représentations que le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut vous a faites dans son mémoire, au sujet des articles 38 et 45 du projet de loi. L'accord précise très clairement que les plans de rétablissement et de gestion comme ceux dont il est question dans la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada, au sujet des espèces et des habitats fauniques visés par les accords finals sur les revendications territoriales des Premières nations du Yukon, doivent être approuvés selon le processus prévu dans ces accords. Par conséquent, le Conseil suggère d'apporter les modifications suivantes aux articles 38 et 45.

Le paragraphe 3 de l'article 38 se lirait comme suit:

Et les nouveaux paragraphes 2 et 3 de l'article 45 seraient les suivants:

Au sujet du COSEPAC, le Conseil demande que le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada inclue des représentants des trois territoires, vu qu'ils occupent les deux tiers de la masse territoriale du Canada. La représentation de ces territoires devrait être approuvée par les conseils de gestion des pêches et de la faune et les conseils des ressources renouvelables, ce qui permettrait d'intégrer les connaissances et l'expérience pertinentes des Premières nations, des communautés locales et des milieux scientifiques afin d'assurer la conservation des espèces. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada ne devrait pouvoir prendre des décisions finales sur la liste des espèces en péril que si les trois territoires y sont représentés.

Pour finir, le Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon approuve - avec quelques modifications - les principes suivants, énoncés dans un article publié le 13 décembre 1995 dans le Times Colonist de Victoria au sujet des espèces en péril au Canada:

- Premièrement, il faut protéger toutes les espèces en péril, dans l'ensemble du Canada, conformément aux lois de règlement des revendications territoriales autochtones, y compris les poissons d'eau douce, les espèces vivant au nord du 60e parallèle et les espèces qui chevauchent les frontières provinciales et nationales.

- Deuxièmement, les autorités compétentes doivent absolument protéger tous les habitats essentiels des espèces en péril, et pas seulement ceux des terres domaniales.

- Troisièmement, les autorités compétentes doivent élaborer et appliquer pour toutes les espèces en voie de disparition et toutes les espèces menacées un plan de rétablissement fondé sur les écosystèmes parce que personne n'a le droit de laisser volontairement une espèce s'éteindre.

- Quatrièmement, il faut interdire de tuer ou de blesser des individus appartenant à des espèces en péril, sauf en cas d'urgence ou pour des raisons de survie.

- Cinquièmement, les projets de développement et les utilisations du territoire susceptibles d'avoir des effets sur les espèces en péril ou sur leurs habitats doivent être examinés à l'avance.

- Sixièmement, il ne faut permettre aucune exception pour les activités menaçant la survie d'une espèce.

- Enfin, il faut un filet de sécurité national pour éviter que des espèces ne disparaissent par suite de l'inaction des gouvernements provinciaux ou territoriaux.

Pour conclure, le Conseil de gestion des pêches et de la faune appuie l'esprit du projet de loi C-65, mais nous sommes d'avis que les modifications que nous vous avons recommandées permettraient d'en renforcer les dispositions.

En vertu des accords définitifs sur les revendications territoriales des Premières nations du Yukon, le Conseil est le principal organisme responsable de la gestion des poissons, des animaux sauvages et de leurs habitats au Yukon, et il faut le reconnaître dans le projet de loi. Une loi efficace aidera les autorités de gestion prévues dans les lois de règlement des revendications territoriales autochtones au Yukon à exercer leurs pouvoirs et leurs responsabilités.

Le Nord est tout à fait particulier, et les espèces qui y vivent également. Des espèces qui peuvent être menacées ou vulnérables dans le Sud ne le sont pas nécessairement au Yukon. Il faut également en tenir compte. Le Comité permanent de l'environnement et du développement durable doit s'assurer que toutes les parties en cause et tous les utilisateurs des espèces de poissons et d'animaux sauvages au Yukon sont consultés, notamment au sujet des habitats fauniques, comme le prévoient les lois relatives au règlement des revendications territoriales autochtones.

Nous recommandons donc fortement au Comité permanent de l'environnement et du développement durable d'examiner et d'adopter nos recommandations.

Encore une fois, nous vous remercions de nous avoir invités à vous présenter notre point de vue sur le projet de loi à l'étude.

Le président: Oui. Merci à vous aussi, monsieur Smith, de votre présentation très complète, très approfondie et très utile. Nous allons en examiner attentivement le contenu.

Permettez-moi de souligner par ailleurs que ce qui se passe ici aujourd'hui, c'est de la consultation. C'est peut-être même la consultation la plus importante parce qu'au moins, nous avons en main un bout de papier à étudier, en l'occurrence le projet de loi. La séance d'aujourd'hui est une séance de consultation sur quelque chose de concret, sur un document très précis. Les consultations précédentes, aussi incomplètes qu'elles aient pu être, comme nous l'a déjà dit le grand chef Adamson, portaient sur des hypothèses, tandis qu'aujourd'hui, nous avons quelque chose de précis à étudier. J'espère par conséquent que vous verrez la séance d'aujourd'hui comme une consultation importante. Nous allons écouter très attentivement tout ce que vous avez à nous dire, comme nous l'avons fait pour le grand chef Adamson.

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Qui veut continuer?

M. Tait: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Russ Tait et je suis président de la Yukon Fish and Game Association.

Je vais suivre d'assez près le texte de notre mémoire, mais j'aimerais vous faire quelques observations générales avant de commencer.

Premièrement, la Fish and Game Association n'est pas dans la même situation que le Conseil des Indiens du Yukon et le Conseil de gestion des pêches et de la faune. Je ne suis pas certain que les membres du comité sachent exactement quelle est la relation entre les deux paliers de gouvernement au Yukon; il y a d'abord le Conseil des Indiens du Yukon et le gouvernement du Yukon, et ensuite le Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon et les conseils des ressources renouvelables, au niveau local.

Quand nous passerons à la période des questions, il est essentiel que vous compreniez comment le système fonctionne et que vous sachiez qu'il fonctionne efficacement, en donnant à tous les Yukonnais voix au chapitre au sujet du bien-être des animaux sauvages.

Le président: Vous avez tout à fait raison, monsieur Tait; nous en sommes conscients. Mais en même temps, il est important de souligner que, dans le système actuel, vous avez un canal de communication très efficace et très important avec Ottawa, en la personne de votre député; vous ne fonctionnez donc pas dans le vide. Il s'agit d'un lien très important entre vous et Ottawa.

M. Tait: Monsieur le président, j'aimerais terminer ma déclaration, après quoi nous pourrons répondre aux questions.

Vous dites que nous ne fonctionnons pas dans le vide; pour vous donner une idée de la situation, je voudrais vous dire que j'ai vécu là-bas toute ma vie. Je suis donc très bien placé pour vous parler du système et de la façon dont il fonctionne. Ottawa est en train de déléguer certains pouvoirs au Yukon. Nous trouvons merveilleux de pouvoir enfin gérer nos propres affaires plutôt que de devoir demander la permission à Ottawa quand nous voulons faire quelque chose.

Les consultations d'aujourd'hui en sont un exemple éloquent. Vous nous consultez et vous nous écoutez. Du moins, j'espère que certains d'entre vous nous écoutent; il y en a peut-être parmi vous qui n'écoutent pas. Nous vous demandons quelque chose, et nous verrons bien ce qui se décidera à Ottawa. Ce ne sera peut-être pas dans les meilleurs intérêts des Yukonnais.

Dans le système actuel, nous pouvons prendre cette décision-là au niveau local. Le gros de notre présentation d'aujourd'hui vise à vous faire comprendre qu'à notre avis, la responsabilité de la gestion de la faune devrait continuer à s'exercer dans le cadre du système actuel, qui fonctionne bien au Yukon.

Il est très important que vous compreniez que nous avons tous des liens très étroits avec les animaux sauvages et avec la terre, au Yukon, que nous soyons membres des Premières nations ou non. La proximité des animaux sauvages, et l'usage que nous en faisons, sont une réalité quotidienne pour moi, pour ma famille et pour les gens qui m'entourent. C'est une partie très concrète de notre vie, tandis que quand je marche dans la jungle de béton de Vancouver, je me demande quelle peut bien être l'importance de la faune pour monsieur et madame tout le monde, dans les rues de Vancouver, et jusqu'à quel point c'est une réalité dans leur vie, comparativement à la mienne.

C'est dans cet esprit que nous vous présentons le mémoire que voici.

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Nous représentons une organisation yukonnaise sans but lucratif, qui existe depuis 52 ans. La Yukon Fish and Game Association est la plus grande et la plus ancienne des organisations de conservation au Yukon. Nous nous consacrons depuis 52 ans à la conservation et à l'utilisation judicieuse de nos richesses naturelles.

La Yukon Fish and Game Association est affiliée à la Fédération canadienne de la faune, la FCC, qui est la plus grande organisation canadienne de conservation. La FCC a contribué à la création du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, le COSEPAC, dont il demeure un membre actif. Je siège au conseil d'administration de la Fédération canadienne de la faune, tout comme mon collègue, M. White; nous sommes donc au courant du dossier par ce biais-là également.

La Yukon Fish and Game Association souhaite remercier le comité de lui avoir permis de présenter ce mémoire.

Nous appuyons les principes de l'accord national visant la protection des espèces en péril. Nous reconnaissons la nécessité de lois nationales dans ce domaine. Cependant, nous nous posons un certain nombre de questions très précises au sujet du projet de loi.

L'application de la loi au Yukon érode sérieusement le mandat et les responsabilités que le gouvernement fédéral a déléguées au Yukon en 1900 dans le domaine de la gestion des espèces sauvages. C'est ce dont je voulais parler quand je vous ai dit que le système fonctionne efficacement pour le moment.

Nous avons l'impression que le champ d'application de la loi a été étendu au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, au cours des derniers mois, simplement pour augmenter le pourcentage total du territoire canadien visé par la loi. Cela a été fait sans véritable consultation dans le Nord, où la loi aura le plus de répercussions.

La Yukon Fish and Game Association s'inquiète sérieusement de la capacité du gouvernement fédéral à assumer les responsabilités prévues dans le projet de loi et se pose aussi diverses questions au sujet du COSEPAC.

Au sujet des pouvoirs relatifs à la gestion de la faune au Yukon, le gouvernement fédéral a adopté en juillet 1900 une loi accordant au Yukon le pouvoir d'adopter des lois sur ses ressources fauniques. Malheureusement, le Yukon n'a jamais obtenu le pouvoir de gérer les habitats fauniques. Encore aujourd'hui, c'est Ottawa qui assume cette responsabilité. Cela nous inquiète parce qu'à plusieurs reprises au cours de l'année, il est arrivé que le gouvernement du Yukon dise: «Ce n'est pas de notre ressort.» Cela pose de graves problèmes.

Monsieur le président, vous dites que nous ne fonctionnons pas dans le vide, mais il est très difficile de changer les choses quand c'est Ottawa qui détient tous les pouvoirs.

Le gouvernement du Yukon gère efficacement les ressources fauniques du Territoire depuis plus de 90 ans. En collaboration avec des groupes comme la Yukon Fish and Game Association, il a également participé à de nombreux projets de protection et de rétablissement d'espèces en péril. Je vais vous en donner deux exemples. Permettez-moi également de vous rappeler que la situation de la faune au Yukon préoccupe au plus haut point non seulement la Yukon Fish and Game Association, mais aussi tous les groupes qui sont représentés ici. Nous sommes les premiers concernés par la protection de la faune et nous estimons par conséquent que nous devrions être les principaux responsables de sa gestion.

Les deux exemples dont je veux vous parler sont des programmes qui ont été réalisés au Yukon et qui visent expressément des espèces en péril.

Le gouvernement du Yukon participe depuis 1980 au programme national de rétablissement du bison des bois, qui a coûté environ 1 million de dollars depuis sa mise en oeuvre. Il a versé plus de 80 p. 100 de cette somme, les sources extérieures n'ayant fourni que 170 000 $ environ.

Au total, 142 bisons ont été transportés du parc national Elk Island au Yukon dans le cadre de ce projet de réintroduction. Le troupeau est maintenant évalué à 300 têtes, et un nouveau plan de gestion quinquennal est actuellement à l'étude.

Ce plan recommande d'atteindre une population d'environ 500 bisons d'ici l'an 2000. Il prévoit également la capture d'un très petit nombre de mâles adultes pour garder la population en bonne santé. Or, cette capture serait illégale en vertu du projet de loi C-65 dans sa forme actuelle.

Le gouvernement du Yukon a également beaucoup travaillé à un programme de rétablissement du faucon pèlerin au Yukon, où c'est le seul oiseau en voie de disparition. Depuis 1965, il a dépensé environ un demi-million de dollars pour des enquêtes et des mesures de rétablissement de cette espèce.

Le projet de loi remettra entre les mains du gouvernement fédéral la responsabilité de la gestion de la faune au Yukon, ce qui érodera sérieusement le mandat et les responsabilités du Yukon dans ce domaine.

La loi s'appliquera à l'ensemble du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest, et pas seulement aux terres domaniales ou aux parcs nationaux, comme c'est le cas dans les provinces. Cela inclut les terres transférées au gouvernement du Yukon, ce qu'on appelle les terres domaniales territoriales, de même que les terres privées et les terres conférées aux Premières nations par voie d'accord.

Même si le paragraphe 3(3) ne s'appliquait qu'aux terres domaniales fédérales au Yukon, cela ne nous avancerait pas beaucoup parce que ces terres occupent 87 p. 100 de la superficie du Yukon. Les terres domaniales territoriales correspondent à 4 p. 100 seulement du territoire, et les terres des Premières nations, à 9 p. 100.

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Le paragraphe 3(3), tel qu'il est rédigé actuellement, retire la responsabilité de la gestion des espèces sauvages en péril des mains du gouvernement du Yukon, qui l'assumait efficacement depuis le début du siècle, pour la confier au gouvernement fédéral. Par omission, ce paragraphe réitère également l'intention du gouvernement fédéral de gérer tous les habitats fauniques au Yukon. Encore là, nous sommes tout à fait contre. Il serait préférable de laisser cette responsabilité au système en place, c'est-à-dire aux deux paliers de gouvernement, au Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon et aux conseils des ressources renouvelables.

La Yukon Fish and Game Association recommande que la responsabilité première de la gestion de la faune demeure au niveau local. Le gouvernement du Yukon, le Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon et les conseils des ressources renouvelables ont mis en application la Loi sur le règlement des revendications territoriales des Premières nations du Yukon. L'importance primordiale des autorités locales est mentionnée dans le document de travail intitulé Approche nationale pour la conservation des espèces en péril au Canada, publié en 1995 sous les auspices du gouvernement fédéral; vous connaissez tous très bien ce document, je suppose. Et nous recommandons également que la responsabilité de la gestion des habitats soit transférée au Yukon.

Au sujet du pourcentage du territoire canadien visé par la loi et de l'absence de véritables consultations avec les gens du Nord, le document de travail publié en 1995 sous les auspices du gouvernement fédéral, Approche nationale pour la conservation des espèces en péril au Canada, n'incluait pas le Yukon ni les Territoires du Nord-Ouest dans la zone d'application générale de la loi. Le gouvernement fédéral avait alors été critiqué par certains groupes parce que la loi ne visait pas un assez fort pourcentage du territoire canadien. Nous avons d'ailleurs entendu des critiques en ce sens encore hier, de la part de gens de la Colombie-Britannique qui ont parlé du faible pourcentage du territoire de cette province auquel la loi s'appliquerait dans la pratique. Pour résoudre ce problème, on a simplement ajouté les deux territoires, ce qui fait passer le pourcentage du territoire canadien visé par la loi de moins de 8 p. 100 à 60 p. 100, comme on l'indique fièrement dans le résumé législatif; je veux parler de ce résumé-ci, où ce chiffre de 60 p. 100 est mentionné à plusieurs reprises. Voilà ce qui s'appelle se congratuler soi-même, à mon avis.

Le gouvernement a changé ainsi le champ d'application de la loi sans consulter les gens qui seraient les plus touchés, c'est-à-dire nous, les gens du Nord. Les accords finals conclus par les Premières nations précisent que, en vertu de la Constitution canadienne, le gouvernement doit consulter les Premières nations yukonnaises touchées avant de limiter l'exercice de leurs droits. Cette consultation est donc obligatoire si le gouvernement fédéral a l'intention d'appliquer cette loi aux Premières nations yukonnaises. Or, à notre avis, la loi serait hypocrite si elle ne s'appliquait pas de la même façon à tous les habitants du Yukon. Nous sommes donc convaincus que le gouvernement fédéral est tenu de consulter tous les gens du Nord avant d'adopter une loi de ce genre.

Si le gouvernement n'a pas consulté les Premières nations, est-ce parce qu'il avait des intentions cachées? Est-ce que ce sera séparé, comme dans le projet de loi C-68, qui prévoit que la loi ne s'appliquera pas à tout le monde? Quelle est l'intention du gouvernement - ou est-ce un simple oubli? D'où cela vient-il? C'est une question à laquelle nous aimerions bien avoir une réponse tout à l'heure.

La Yukon Fish and Game Association recommande que le gouvernement fédéral consulte les gouvernements du Nord et leurs commettants, ainsi que les conseils appropriés, avant de retirer aux territoires leurs pouvoirs de gestion de la faune.

Pour ce qui est de savoir si le gouvernement fédéral pourra s'acquitter des obligations que lui impose la loi, comme nous l'avons déjà mentionné, les territoires ont toujours géré les espèces fauniques et participé aux projets de conservation des espèces en péril à peu près de la même façon que les gouvernements provinciaux. Nous craignons que le gouvernement fédéral ne soit pas en mesure d'assumer la responsabilité des espèces fauniques, en dehors du cadre de son rôle traditionnel de protection de la faune.

Le ministre a indiqué que ce programme ne bénéficierait d'aucun nouveau budget. Si c'est le cas, d'où viendront les fonds nécessaires pour appliquer la loi proposée? Si la responsabilité du bison des bois ou du faucon pèlerin est retirée au gouvernement du Yukon, le ministère de l'Environnement sera-t-il prêt à l'assumer et à engager les ressources financières et humaines nécessaires à la gestion de ces espèces?

Les habitants du Yukon constatent déjà les effets de l'inaction du gouvernement fédéral dans le domaine de la gestion des habitats. Nous ne voudrions surtout pas que la gestion des espèces en péril soit aussi inefficace. À notre avis, les espèces en péril vont se retrouver dans une situation encore plus précaire si leur gestion est laissée au gouvernement fédéral.

La Yukon Fish and Game Association soutient que, dans leur intérêt même, les espèces en péril doivent être gérées par des organismes locaux. Si le ministre fédéral tient à une loi qui retirera au Yukon les pouvoirs de gestion de la faune, il doit s'engager à fournir les ressources nécessaires à la pleine application de cette loi.

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Voici maintenant quelques commentaires sur divers aspects du COSEPAC. Le paragraphe 14(2) précise quelle serait la composition du COSEPAC, mais indique que ses membres ne sont pas nommés pour représenter des régions ou des groupes d'intérêt particuliers. Il se pourrait donc qu'il n'y ait au COSEPAC aucun représentant du Nord. Étant donné le champ d'application de ce projet de loi, qui fait que les gens du Nord seraient particulièrement touchés, c'est une disposition qui nous inquiète beaucoup.

Il pourrait arriver en effet que le COSEPAC ne tienne pas compte de l'importance culturelle d'une espèce ou des pratiques traditionnelles liées à la chasse à cette espèce s'il procédait à des désignations en fonction seulement des meilleures données scientifiques disponibles sur la situation biologique des espèces.

Nous sommes d'avis par ailleurs que le paragraphe 13(1) devrait parler des «espèces jugées en péril», plutôt que de laisser entendre que les espèces ne sont pas en péril tant qu'elles n'ont pas été désignées par le COSEPAC.

La Yukon Fish and Game Association recommande en outre que le paragraphe 14 précise clairement que la composition du COSEPAC doit être représentative de toutes les régions du Canada; elle recommande également que la désignation des espèces sauvages par le COSEPAC soit soumise à l'approbation des intérêts locaux. Au Yukon, il s'agirait du gouvernement du Yukon, du Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon et des conseils des ressources renouvelables mis sur pied en vertu de la Loi sur le règlement des revendications territoriales des Premières nations du Yukon.

En conclusion, la Yukon Fish and Game Association a des réserves au sujet du projet de loi C-65, la Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada. Cette loi semble s'appliquer à un fort pourcentage du territoire canadien, mais en réalité, c'est une tromperie délibérée. Si on devait soustraire le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest à l'application de la loi, quel pourcentage du territoire canadien le projet de loi viserait-il en réalité? Si on ne tenait pas compte des parcs nationaux, où toutes les espèces sauvages sont déjà protégées, à quel pourcentage du territoire canadien la loi s'appliquerait-elle? Malheureusement, cette loi ne fait pas grand-chose pour régler les véritables problèmes touchant les espèces sauvages au Canada, et elle créera un esprit d'affrontement plutôt que de coopération dans le domaine de la protection des espèces en péril.

La Yukon Fish and Game Association est extrêmement inquiète de la capacité qu'aura le gouvernement fédéral d'appliquer cette loi avec les ressources limitées dont il dispose. À notre époque marquée par la dévolution des compétences et des responsabilités du gouvernement fédéral aux territoires, ce projet de loi vise à augmenter les compétences fédérales. Nous craignons que les espèces en péril, tant au Yukon que dans l'ensemble du Canada, ne soient pas aussi bien servies par cette loi qu'elles le sont actuellement.

La Yukon Fish and Game Association recommande fortement au Comité permanent de l'environnement et du développement durable d'adopter les recommandations contenues dans son mémoire.

Je vous remercie de nous avoir permis de faire cette présentation, monsieur le président. Je suis certain que nous aurons tous des questions intéressantes à poser tout à l'heure.

Le président: Oui. Je vous remercie moi aussi de votre présentation parce qu'elle contient un certain nombre de points intéressants que nous allons examiner attentivement.

Au sujet de la page 7, je ne suis pas certain qu'on puisse qualifier ce qui a été fait jusqu'ici de «tromperie délibérée». Bien franchement, je suis un peu déçu de constater que vous voyez les choses de cette façon parce que je pense que personne n'avait de mauvaises intentions dans cette histoire. Si nous sommes devant vous aujourd'hui, si nous tenons cette séance ici à Vancouver, c'est certainement parce que nous voulons améliorer la qualité du produit final, et pas pour essayer de faire la pluie et le beau temps, si je puis dire.

M. Tait: Nous comprenons que c'est ce que vous cherchez à faire. Mais nous constatons aussi quels étaient les pourcentages dans le projet de loi déposé en 1995, et comment la zone d'application de la loi a été modifiée depuis ce moment-là pour en arriver aux chiffres dont il est question dans le résumé. C'est cela qui compte. Nous ne voulons pas dire que vous essayez personnellement de nous passer un sapin, comme on dit, mais nous avons parfois l'impression qu'il y a quelqu'un qui essaie.

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Le président: Il peut s'agir d'un changement de politique plutôt que de présentation, mais je suis content que vous l'ayez précisé.

Je tiens également à vous faire mes excuses, de même qu'à M. Smith et au grand chef Adamson, pour tout le va-et-vient que nous avons eu ici, à la table du président, pendant que vous présentiez vos mémoires. Je dois vous expliquer que les fréquentes consultations que nous avons eues à cette table ont été rendues nécessaires par la substance de votre mémoire; nous avons cherché à mieux comprendre les questions dont vous parliez et à mieux saisir votre point de vue. Ce n'était certainement pas parce que nous ne prêtions pas attention à vos propos. Au contraire, c'est à cause de ce que vous disiez que nous nous sommes consultés souvent. Vous pouvez être certains, comme je l'ai déjà dit au grand chef et à M. Smith, que nous allons examiner très sérieusement tous les éléments que vous avez mentionnés et essayer de tirer le maximum de cette séance de consultation.

Nous allons maintenant donner la parole à Bob Van Dijken, qui est directeur de la Yukon Conservation Society. Pourriez-vous limiter votre présentation à 15 minutes, s'il vous plaît?

M. Bob Van Dijken (directeur, Yukon Conservation Society): Je pense que ce sera tout à fait possible.

Le président: Veuillez commencer.

M. Van Dijken: J'ai aussi quelques exemplaires de notre présentation.

Le président: Ce sera très utile.

M. Van Dijken: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de nous avoir donné l'occasion de vous faire part de nos convictions, de nos préoccupations et de nos vues sur le projet de loi C-65. Je vais vous faire une brève introduction, après quoi je vais passer au corps de notre présentation.

Je suis ici aujourd'hui comme porte-parole de la Yukon Conservation Society, une organisation constituée au Yukon en 1968. Notre société a pour objectif, en vertu de son règlement constitutif, de favoriser la conservation des écosystèmes yukonnais et de promouvoir les aspects scientifique, éducatif, récréatif et esthétique de la faune et des régions sauvages du Yukon. Je vous signale également que nous appuyons le travail de la coalition qui a travaillé, à Ottawa et dans tout le pays, à la préparation d'une loi sur les espèces en péril.

La Yukon Conservation Society appuie l'élaboration d'une loi nationale forte pour la protection des espèces en péril. Nos objectifs à cet égard sont sensiblement parallèles aux principes, aux valeurs et aux objectifs énoncés dans le préambule du projet de loi C-65. Nous avons tenté dans notre mémoire de cerner les forces et les faiblesses de ce projet de loi par rapport à ces objectifs.

L'accord national sur la protection des espèces en péril reconnaît le principe selon lequel ces espèces ne tiennent pas compte des questions de partage des compétences. Pour assurer la protection des espèces en péril, il faut donc que la loi s'applique aux espèces transfrontalières. Il serait tragique que des mésententes politiques retardent la mise en oeuvre d'une loi forte et préventive, ou qu'elles en diluent l'efficacité.

Passons maintenant à un examen plus détaillé du projet de loi.

Au sujet de l'application de la loi, la YCS appuie le principe selon lequel cette loi doit être un cadre national, et non une mosaïque nationale. Cependant, l'exception prévue au paragraphe 3(2) empêche la mise en place de ce cadre national. L'accord national a beau contenir un mécanisme en ce sens, tant que toutes les parties ne l'auront pas signé officiellement et n'auront pas adopté le cadre réglementaire nécessaire, nous n'aurons pas une protection uniforme dans tout le pays.

À tout le moins, la loi fédérale doit permettre l'élaboration et la mise en oeuvre de plans de rétablissement pour les espèces transfrontalières; nous voulons parler des espèces qui chevauchent les frontières provinciales, territoriales et fédérales, de même que des populations internationales. Notre organisation reconnaît et appuie par ailleurs le rôle du Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon et croit que la loi doit le reconnaître également.

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L'Accord-cadre définitif précise, à l'article 16.7.1:

Nous estimons d'autre part que la consultation devrait être obligatoire, en vertu du paragraphe 3(5) du projet de loi.

Pour résumer nos recommandations, nous sommes d'avis que la loi fédérale devrait s'appliquer à toutes les espèces transfrontalières et que la consultation avec les conseils de gestion de la faune devrait être obligatoire.

Après avoir entendu le point de vue des autres témoins sur l'application de la loi dans les territoires, nous croyons que la loi devrait aussi laisser un rôle beaucoup plus grand aux provinces. Nous ne regardons qu'un côté de la médaille quand nous nous demandons si les territoires devraient être traités de la même façon que les provinces. Nous préférerions le raisonnement inverse: les provinces devraient être traitées davantage comme les territoires de manière à ce qu'il soit possible de s'occuper des espèces qui chevauchent les frontières, que ce soit celles des provinces ou des territoires. Nous reconnaissons que c'est un panier de crabes sur le plan politique et que cela ne semble pas être la façon...

Le président: Non, non, ce n'est pas cela. Excusez-moi de vous interrompre, mais ce n'est pas un panier de crabes politique; c'est une pirouette constitutionnelle.

Des voix: Oh, oh!

M. Van Dijken: En ce qui concerne l'établissement d'une liste des espèces sauvages en péril, la Yukon Conservation Society craint que la décision finale relative aux espèces à inclure sur cette liste ne soit laissée à la discrétion des instances politiques plutôt que d'être fondée sur les connaissances scientifiques, locales et traditionnelles. Nous craignons que la protection des espèces sauvages ne passe après les impératifs politiques.

Ce que nous recommandons, c'est que vous limitiez sérieusement la latitude dont jouit le ministre pour rejeter les recommandations du COSEPAC au sujet de l'inscription d'une espèce sur la liste et que vous exigiez un énoncé écrit des motifs de décision du ministre lorsqu'il choisit de ne pas ajouter à la liste une espèce dont le COSEPAC recommande l'inscription.

Certains des témoins qui étaient ici ce matin ont parlé de l'importance cruciale de la protection des habitats pour la protection des espèces en péril. C'est absolument vital. La loi doit protéger tous les habitats essentiels, et pas simplement les endroits où vit un individu appartenant à une espèce jugée menacée ou en voie de disparition. À l'heure actuelle, la loi yukonnaise sur la faune ne contient aucune disposition permettant de protéger les habitats.

Le gouvernement territorial a envoyé des signaux contradictoires au sujet des ressources renouvelables. L'ancien ministre territorial des Ressources renouvelables a affirmé en effet devant l'assemblée législative, en avril 1996:

Mais le 14 décembre 1996, l'actuel ministre des Ressources renouvelables - je vous signale qu'il y a eu des élections dans l'intervalle - a déclaré à l'assemblée législative que le gouvernement territorial du Yukon prendrait des mesures pour protéger efficacement les habitats, après consultation des intéressés.

En attendant que les choses se précisent et que le gouvernement territorial adopte une loi, nous devons nous fonder sur la loi fédérale.

La Loi sur les terres territoriales, qui est une loi fédérale, stipule que le gouverneur en conseil peut, lorsqu'il l'estime nécessaire pour préserver l'équilibre écologique ou les caractéristiques physiques d'une région du Territoire du Yukon ou des Territoires du Nord-Ouest, classer des terres territoriales de cette région en zone d'aménagement; il peut également prendre des règlements portant sur la protection, la surveillance, la gestion et l'usage, en surface, des terres situées dans une zone d'aménagement. Il semble donc exister au niveau fédéral un mécanisme permettant de protéger les habitats.

Nous recommandons que la loi assure la protection de tous les habitats essentiels mentionnés dans les rapports de situation sur les espèces en péril.

Mon commentaire suivant porte sur les plans de rétablissement. L'accord national sur la protection des espèces en péril prévoit l'établissement de lois et de programmes visant l'élaboration et la mise en oeuvre de plans de rétablissement destinés à supprimer les menaces qui pèsent sur les espèces et leurs habitats. Pourtant, le projet de loi C-65, tel qu'il se présente actuellement, n'oblige pas le ministre à veiller à l'application des plans de rétablissement; il ne prévoit pas non plus de délais précis pour la mise en application de ces plans.

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Le projet de loi fixe certaines échéances au sujet de l'examen des demandes, aux paragraphes 19(3) et 23(2), des décisions relatives à la liste, au paragraphe 21(1), des rapports de situation et de la décision finale sur la désignation d'espèces, à l'article 25, de même qu'au sujet des réponses à envoyer et d'un certain nombre d'autres dispositions. Il devrait également préciser dans quels délais les plans de rétablissement devraient commencer à s'appliquer.

La loi exige également que le ministre compétent prépare des plans de rétablissement. Elle devrait aussi lui imposer la responsabilité de veiller à l'application de ces plans.

Encore une fois, nos recommandations sont les suivantes: il faut confier au ministre la responsabilité de veiller à l'application des plans de rétablissement et préciser, dans la loi, quels sont les délais dans lesquels doivent s'appliquer ces plans.

Au sujet de l'examen préalable des projets de développement, la loi devrait reposer sur une approche préventive plutôt que réactive. À cette fin, les projets susceptibles d'avoir des effets sur les espèces en péril doivent être inventoriés et examinés avant qu'il y ait des dommages.

Les rapports de situation que le COSEPAC prépare au sujet des espèces en péril doivent indiquer quelles sont les menaces existantes et potentielles à l'égard de ces espèces et de leurs habitats essentiels, et préciser quelle est la gravité de ces menaces - c'est à l'alinéa 20(2)c). Les répercussions des projets de développement ou des initiatives susceptibles de causer des dommages aux habitats désignés dans les rapports de situation, dans le cas des espèces inscrites sur la liste, doivent être examinés, et les mesures contenues dans les plans de rétablissement visant la réduction ou la suppression des menaces contre la survie de ces espèces doivent être mises en oeuvre.

Tout projet susceptible d'avoir des effets sur les espèces en péril doit faire l'objet d'une évaluation environnementale complète avant que des dommages se produisent, et les mesures nécessaires pour protéger les espèces en péril doivent être précisées dans tous les permis délivrés.

En conclusion, nous croyons qu'une loi visant la protection des espèces en péril est essentielle et qu'elle s'imposait depuis longtemps. Nous estimons qu'elle doit être améliorée et adoptée le plus tôt possible, et nous avons proposé un certain nombre de changements qui devraient à notre avis la rendre plus efficace.

La coopération entre gouvernements est essentielle à la protection des espèces sauvages en péril, et il faut un cadre national pour s'assurer que les plans de rétablissement permettront de s'occuper efficacement des populations transfrontalières.

Je voudrais aussi commenter très rapidement certaines des observations que nous avons entendues aujourd'hui au sujet de la consultation.

Dans le Nord, les gens sont parfois frustrés du niveau de consultation. Je sais qu'au cours de la dernière année, ou à peu près, il y a eu des plaintes continuelles au sujet de la consultation, par exemple sur les trois projets de loi dont j'ai eu connaissance: le projet de loi C-68, sur le contrôle des armes à feu; le C-6, qui modifiait les lois sur l'extraction du quartz et de l'or au Yukon; et, juste avant Noël, le C-62, qui doit remplacer la Loi sur les pêches. Dans chaque cas, il semble que la consultation n'ait pas eu lieu dans l'esprit de l'Accord-cadre définitif conclu par les Premières nations, ni du mandat établi par la loi. Dans tous les cas, on dirait presque qu'il y a un problème systémique à Ottawa, où on semble avoir du mal à comprendre ce que les lois veulent dire.

Nous demandons instamment à tout le monde, y compris aux membres de votre comité, de réfléchir aux inquiétudes exprimées non seulement dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, mais par rapport à un problème systémique plus vaste qu'il faudra résoudre, sans quoi nous allons nous buter à ce genre de plaintes chaque fois qu'il y aura des consultations comme celle d'aujourd'hui au sujet d'une loi fédérale. Il faut que vous preniez le temps de vous asseoir et de déterminer comment faire les choses correctement pour que nous ne soyons pas constamment en train d'examiner des questions qui se posent à la deuxième lecture ou des plaintes sur le fait qu'il n'y a pas eu de consultation bien avant.

L'autre observation que je voudrais faire pour le compte rendu porte sur la définition du terme «espèce sauvage». Selon le projet de loi C-65, il s'agit d'une «espèce, sous-espèce ou population géographiquement distincte d'animaux, de végétaux ou d'autres organismes qui n'est pas domestique». Dans la loi yukonnaise sur la faune, le terme s'applique aux animaux vertébrés de n'importe quel type ou espèce sauvage par nature. La même loi parle d'ailleurs de la gestion du gibier. Donc, si on regarde ce qui est en vigueur actuellement au Yukon, j'imagine qu'il est possible de protéger certaines espèces en péril, mais c'est assez limité si on tient compte du rôle traditionnel.

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Nous avons un système qui s'est surtout préoccupé jusqu'ici des espèces de gibier, des animaux à exploiter. Nous n'avons pas examiné aussi attentivement, au Yukon, la situation des plantes, des amphibiens et de certains autres éléments de l'écosystème.

Donc, il y a un système en place. Les choses sont en train de changer. Mais nous croyons que, même si on pourrait croire que le Yukon fait bonne figure, en ce sens qu'il ne s'y trouve pas d'espèces en péril et que les populations y sont généralement en bonne santé, ce n'est pas vrai. Si on creuse un peu, si on fait une recherche plus approfondie, si on commence à tenir compte de certaines espèces végétales, de certaines espèces qui sont uniques ou qui sont à la limite de leur aire de dispersion, on se rendra compte avec le temps, quand on aura poussé plus loin la recherche, que la protection des espèces en péril est une question qui se pose au Yukon - comme on le reconnaît d'ailleurs de plus en plus - et qu'il faudra l'examiner de plus près.

Merci de m'avoir laissé du temps.

Le président: Merci, monsieur Van Dijken.

Vous pourriez peut-être préciser à l'intention du comité ce que vous aviez en tête quand vous avez dit, en parlant d'un problème systémique à Ottawa, que ces gens semblaient incapables de comprendre ce que les lois veulent dire. Voulez-vous dire que les fonctionnaires d'Ottawa saisissent mal les effets des lois proposées, ou qu'ils n'ont pas consulté suffisamment la population?

M. Van Dijken: C'est plutôt qu'ils n'ont pas consulté suffisamment la population. J'ai l'impression qu'ils ne comprennent pas parfaitement l'Accord-cadre définitif et le régime qu'il établit. Le Canada est tellement vaste, et le Yukon tellement petit, qu'on nous a parfois tenus pour acquis dans le passé et qu'on n'a pas toujours reconnu nos préoccupations dans certains milieux. Les règles ont changé et ce qui s'est fait dans le passé a changé; les efforts et l'attention nécessaires ont changé d'ordre de grandeur. Il s'agit d'un autre palier de gouvernement.

Le président: Merci.

Madame Jennings.

Mme Jennings (Mission - Coquitlam): Merci, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord souhaiter la bienvenue à tous les témoins qui sont ici ce matin. Vos présentations m'ont beaucoup intéressée. Je comprends très bien l'attachement profond que vous éprouvez tous pour le Yukon et pour les terres dont vous vous occupez depuis des années. Soyez assurés que les autres membres du comité le comprennent également. Nous sommes conscients de vos appréhensions. Vous les exprimez avec beaucoup d'éloquence.

Je vais vous poser mes quatre questions, et vous pourrez ensuite y répondre chacun à votre tour.

Premièrement, grand chef Adamson, je trouve inquiétant de vous entendre vous plaindre du processus de consultation. Je comprends votre point de vue; j'ai écouté les témoins ces derniers jours, et à Ottawa auparavant... Je n'ai pas toujours siégé au Comité de l'environnement, mais il me semblait qu'il y avait eu trois ans de consultations et que tout le monde avait eu l'occasion de se faire entendre. Pourtant, quand vous avez dit au président qu'il n'y avait pas eu de consultations au Yukon, j'ai pris cela très au sérieux. Grand chef, ce qui vous préoccupe, c'est que les consultations ne se sont pas déroulées au Yukon même ou que le processus de consultation n'était pas satisfaisant, à votre avis?

J'aimerais aussi avoir votre réponse à une autre question: qu'est-ce que les gens des Premières nations yukonnaises pensent de chasser et de pêcher des espèces en péril?

Mike, le Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon a critiqué lui aussi le processus de consultation. Je comprends. Vous avez parlé également dans votre déclaration de l'objectif principal qui consiste à assurer une exploitation durable et une utilisation judicieuse des ressources; c'est à la page 2. En même temps, vous dites que l'accord permet l'exploitation durable des espèces halieutiques et fauniques par d'autres personnes. Ces déclarations sont tout à fait louables, mais est-ce que cela permettra de protéger les espèces en péril? À la page 6, vous parlez de la protection de toutes les espèces en péril dans l'ensemble du Canada, conformément aux lois de règlement des revendications territoriales autochtones. Quel effet cela pourrait-il avoir sur les espèces en péril? Comment cela s'appliquera-t-il aux espèces en péril, conformément aux lois de règlement des revendications territoriales autochtones? Est-ce que cela fera une différence?

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Russ, je n'ai certainement que des éloges pour le travail que votre organisation a accompli depuis 50 ans au sujet... J'ai vécu au Yukon moi aussi; j'ai travaillé au lac Bennett et je suis allée à Whitehorse quand j'étais plus jeune, et j'ai adoré cela. Et je soutiens depuis longtemps que tous les intéressés doivent être consultés quand une question fait l'objet d'une mesure législative. Je comprends votre appréhension. Je veux que vous sachiez que je suis convaincue que vous devez continuer, tous, à vous prononcer sur les lois adoptées et à vous assurer que nous en comprenons les conséquences, parce que les gens d'expérience sont les seuls à pouvoir nous apprendre toutes ces choses.

J'aimerais savoir si vous n'envisagez pas la possibilité, dans la loi nationale... Vous voyez sûrement la nécessité d'une norme nationale, mais ne pensez-vous pas qu'il serait possible qu'un conseil soit mis sur pied plus tard ou qu'il y ait de légers changements pour que les gens puissent participer? Cela pourrait être un processus continu pour que les mesures de prévention que vous avez prises au sujet des faucons et des deux espèces avec lesquelles vous travaillez puissent se poursuivre. Je suis sûre en effet que, sans votre intervention, les bisons et les faucons ne seraient peut-être pas aussi nombreux qu'ils le sont aujourd'hui.

Et Bob, pour finir, au sujet des espèces transfrontalières, je vois que vous voulez un processus législatif national. Et vous avez raison; nous avons besoin de quelque chose qui couvre l'ensemble du Canada. Mais vous avez dit quelque chose qui m'a fait réfléchir. Quand vous parlez des provinces, ne croyez-vous pas que nous devrions aussi avoir en Colombie-Britannique une loi sur les espèces en péril, même si les terres domaniales sont très limitées ici? Je n'ai pas très bien compris, parce que vous avez dit que les provinces devraient être semblables aux territoires. J'ai peut-être mal compris le sens de votre intervention.

Je vais écouter vos réponses à tous. Merci.

Le président: Voulez-vous répondre dans l'ordre dans lequel vous vous êtes présentés, rapidement si possible? Vous pouvez commencer.

Le grand chef Adamson: Madame Jennings, merci beaucoup de vos questions. Je ne vois vraiment pas comment je pourrais y répondre rapidement.

Au sujet de la consultation, il est bien possible que le gouvernement ait eu l'intention de consulter. Le gouvernement du Canada, de même que le gouvernement du Yukon et le Conseil des Indiens du Yukon, suivi des diverses Premières nations yukonnaises, ont signé des traités les uns avec les autres.

J'accorde peut-être à la Constitution canadienne beaucoup plus d'importance que je le devrais, ou peut-être que je comprends mal le système parlementaire canadien, mais quand un ministre de la Couronne signe un traité au nom de la Couronne, cet engagement doit être respecté. Or, le 29 mai 1993, les Premières nations yukonnaises et le gouvernement du Canada, au nom de la Couronne, ont signé un traité de ce genre, qui précise entre autres choses que l'accord vise un certain nombre d'objectifs, et notamment que les parties à l'Accord-cadre définitif souhaitent clarifier la situation au sujet de la propriété et de l'utilisation des terres et des autres ressources du Yukon.

Et surtout, les parties à l'Accord-cadre définitif souhaitent clarifier leurs relations mutuelles. Ces relations sont définies d'un certain nombre de façons. La «consultation» est définie dans un document juridique auquel votre propre Parlement a donné force de loi. Mais la «consultation», telle que la définit ce document, signé par votre ministre au nom du Canada, n'a pas eu lieu. C'est pourquoi nous disons qu'il n'y a pas eu de consultation.

Quant à ce que les Autochtones pensent de chasser et de pêcher des espèces en péril, nous n'aimons pas cela - pas plus que nous n'apprécions d'être une espèce en péril. Les membres des Premières nations yukonnaises, que ce soit individuellement ou par la voie de leurs gouvernements, n'ont jamais dit qu'elles appuyaient la chasse d'espèces en péril. Ne faites pas exprès pour mal interpréter notre position. Nous n'aimons pas cela. En fait, les accords que nous avons négociés avec les autres gouvernements au Yukon et au Canada sont très stricts quant à la façon dont nous voulons protéger les espèces sauvages et leurs habitats - très stricts.

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Nous exploitons les espèces sauvages depuis plus longtemps que n'importe qui d'autre au Yukon et nous n'avons pas mis jusqu'ici une seule de ces espèces en péril. C'est l'arrivée des colons non autochtones, et leurs interventions sur le territoire et le milieu, qui ont eu ce résultat.

N'allez jamais croire qu'un membre d'une Première nation yukonnaise accepterait de chasser des espèces en péril. N'allez jamais dire cela parce que je ne permettrai pas qu'on fasse ce genre de commentaire.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Monsieur Smith.

M. Smith: Je vous remercie beaucoup de me donner la chance de répondre à vos questions.

Au sujet de la consultation, nous comptons sur le système judiciaire pour faire respecter cette obligation, alors que nous devrions en réalité compter les uns sur les autres pour promouvoir une meilleure coopération. Je crois qu'à bien des égards, quand les fonctionnaires d'Ottawa consultent les gens du Yukon, cela signifie simplement qu'ils appellent leurs collègues au Yukon. Ils appellent leurs cadres. C'est leur façon de consulter. Ils ne parlent pas aux gens de notre niveau. C'est la première fois aujourd'hui que nous avons l'occasion de vous présenter notre point de vue à ce sujet, et nous vous en sommes reconnaissants.

Nous appuyons l'intention du projet de loi et nous allons travailler en collaboration avec vous.

Quant à savoir ce que le Conseil ferait au sujet des espèces en péril et si nous permettrions à quelqu'un de chasser le dernier orignal, vous ne semblez pas comprendre que nous avons en place un système de gestion intégrée. Ce n'est pas écrit dans la loi, mais il est très clair que nous avons beaucoup de respect pour la terre et pour la faune. Notre système de gestion intégrée s'applique à tout le monde: à tous les gouvernements, à tous les groupes d'intérêt. Quand nous nous occupons des espèces sauvages, nous nous assurons qu'aucun espèce ne sera jamais inscrite sur la liste. Nous nous occupons du gibier depuis longtemps, et nous faisons en sorte qu'aucune espèce de gibier ne figure jamais sur la liste des espèces menacées, parce qu'il y a des mécanismes en place. Quand nous établissons des plans de gestion avec mes collègues ici présents, nous respectons la faune. Nous encourageons maintenant les membres des Premières nations à participer à la planification de la gestion de la faune en recueillant des données essentielles, afin de nous assurer qu'il y aura toujours du gibier pour les générations à venir.

Mme Jennings: Merci, Mike.

Je voudrais faire un bref commentaire. Ce que vous devez comprendre au sujet des législateurs et des rédacteurs juridiques... les tribunaux fondent toujours leurs interprétations et leurs décisions sur les textes de loi. Nous devons donc être très prudents pour nous assurer que ces textes ne laissent aucune place au doute. Quand on pense aux crimes qui ont été commis au fil des siècles... ce sont les textes de loi qui servent de base aux décisions judiciaires. Nous devons être bien certains de comprendre ces textes. C'est une question d'interprétation, et il ne peut pas y avoir d'interprétation exacte si le texte de la loi n'est pas exact au départ.

Merci.

Le président: Merci, madame Jennings.

J'aimerais entendre les autres. Monsieur Tait, s'il vous plaît.

M. Tait: Je vous remercie de votre question.

Premièrement, je voudrais répéter ce qu'a dit Shirley, et qui ne s'applique pas seulement aux Premières nations. Je sais à quel point c'est une notion ancrée dans les convictions des membres des Premières nations et je peux vous dire, pour avoir vécu là-bas toute ma vie, à quel point la situation de la faune est importante pour moi et pour beaucoup d'autres Yukonnais.

Nous ne sommes pas là pour détruire les espèces en péril; nous sommes là pour les protéger, et cela demeure notre priorité. Ce qui compte, c'est que nous voulons avoir le pouvoir nécessaire au Yukon plutôt que de devoir demander des permissions à Ottawa. On nous a conféré ce pouvoir en 1900, et nous estimons avoir réussi à l'exercer efficacement. Mais le projet de loi nous obligerait à demander à nouveau à Ottawa le droit de gérer notre faune, et nous jugeons que ce n'est pas nécessaire.

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En vertu de cette loi, est-ce que nous pourrions toujours protéger des choses comme...? Comme l'a mentionné Bob, la loi yukonnaise sur la faune parle seulement des vertébrés, et non des espèces qui ne sont pas du gibier. Le faucon pèlerin n'est pas un gibier. Le Yukon a dépensé beaucoup d'argent pour protéger et réintroduire le faucon pèlerin.

Nous craignons que les programmes comme celui-là ne soient plus possibles parce que le gouvernement fédéral n'aura pas l'argent nécessaire. Serait-il prêt à engager les sommes requises pour des programmes de ce genre? Je ne pense pas. Le ministre fédéral a déjà indiqué qu'il n'y aurait pas d'argent nouveau pour ce programme. Alors, comment le gouvernement fédéral pourra-t-il avoir assez d'argent pour entreprendre des programmes de rétablissement?

Je vous répète que, non, nous n'avons pas de problème au sujet des espèces en péril au Yukon. Je ne sais pas si la liste actuelle du COSEPAC va être annexée à la loi ou s'ils vont recommencer à zéro. Je suppose que c'est quelque chose que le comité devra préciser.

Je vois ici que l'ours grizzly et le carcajou sont tous les deux sur la liste des espèces vulnérables, mais l'ours grizzly n'est pas vulnérable au Yukon. Il y en a près de 6 000 là-bas - un par cinq personnes. Il n'est pas vulnérable. Et le carcajou non plus. Donc, où ils prennent ces espèces... Elles sont peut-être vulnérables en Ontario, et elles le sont en Alberta, où cette loi sera de toute façon très peu efficace pour les protéger.

Donc, il faut tenir compte à la fois de la réalité locale et de la situation globale.

Le président: Merci. Monsieur Van Dijken.

M. Van Dijken: Pour répondre à votre question sur les lois provinciales, oui, nous croyons qu'il devrait y avoir des lois provinciales fortes et efficaces. L'accord national pourra peut-être nous permettre d'en arriver là. Ce qui nous préoccupe, c'est l'équivalence des lois provinciales.

Prenons l'exemple d'une population transfrontalière. Supposons qu'une province prenne ses responsabilités très au sérieux et qu'elle ait adopté une loi forte et efficace, mais que l'autre province, qui aurait elle aussi son rôle à jouer dans la protection de cette espèce, ait une loi insuffisante. Il faut un moyen quelconque pour nous assurer qu'elle adopte elle aussi une loi forte et efficace.

En outre, pour la coordination des plans de rétablissement visant des espèces transfrontalières, par exemple, quand il y a deux gouvernements en cause, que chacun a sa propre loi et que ces lois ne permettent pas une véritable interconnexion et un plan global fort qui tienne compte des espèces, de leurs habitats et de leur aire de dispersion plutôt que des frontières entre les deux provinces, il faut aussi assurer cette coordination et cette capacité d'appliquer les plans de rétablissement au-delà des frontières.

Voilà ce que je voulais vous dire.

Le président: Merci. Monsieur Knutson.

M. Knutson: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je voudrais simplement dire, en guise de préambule, que nous appuyons tous la conservation et la protection des espèces en péril. Du point de vue d'Ottawa, nous reconnaissons aussi que les solutions doivent être mises au point et appliquées au niveau local.

Chef Adamson, si je retournais à Ottawa et que je demandais aux bureaucrates dans quelle mesure ils jugent avoir consulté la population, qu'est-ce qu'ils me répondraient à votre avis?

Le grand chef Adamson: Je ne peux pas parler au nom du gouvernement du Canada. Vous devriez peut-être poser vos questions directement à ces gens-là.

M. Knutson: Est-ce qu'ils ont fait quelque chose?

Le grand chef Adamson: C'est une question que vous allez devoir poser à vos gens. Je ne crois pas qu'il y ait eu de consultation, au sens de l'Accord-cadre définitif.

M. Knutson: Donc, il n'y a eu aucun contact. Ils ne vous ont pas d'envoyé d'avis, ni rien du genre.

J'essaye simplement de me faire une idée... Quand nous allons retourner à Ottawa, je suppose qu'ils vont nous dire quelque chose.

Le grand chef Adamson: Maintenant, je comprends votre question. Vous devriez peut-être poser vos questions un peu plus clairement.

Est-ce qu'il y a eu consultation au sens de l'Accord-cadre définitif? Il est bien possible que nous ayons reçu des lettres. Il est possible aussi que des avant-projets de loi aient été distribués par la poste. Mais j'insiste: il aurait dû y avoir une véritable consultation dans le cadre des obligations juridiques et législatives du gouvernement du Canada et je soutiens que, dans ce contexte, il n'y en a pas eu.

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M. Knutson: Alors, poursuivons. La lettre que vous avez lue pour le compte rendu mettait en relief le texte du paragraphe 2(2):

Dans mon esprit, cette disposition du projet de loi signifie que nous devons respecter les droits issus de traités des peuples autochtones. Qu'est-ce que nous aurions pu dire de plus, d'après vous, pour montrer que le projet de loi respecte effectivement ces droits?

Le grand chef Adamson: Vous devez bien comprendre que, quand nous parlons des espèces en péril et des préoccupations des Premières nations yukonnaises, cela se rattache à un certain nombre de choses qui minent notre mode de vie traditionnel et nos moyens de subsistance. C'est une des très nombreuses mesures législatives fédérales qui nous font beaucoup de tort.

Je pense que les Premières nations yukonnaises sont les mieux placées pour dire elles-mêmes comment elles veulent que les lois soient rédigées et appliquées. C'est pourquoi l'accord que nous avons signé avec le Canada et le Yukon contient des dispositions qui établissent ce processus.

La réponse précise, à mon avis, c'est que si les Premières nations yukonnaises avaient pu être consultées, vous auriez entendu des recommandations détaillées. Il faut réfléchir très sérieusement à ce qui sera imposé encore une fois aux Premières nations yukonnaises. Il ne s'agit pas de nous opposer seulement à une mesure législative en particulier. Il s'agit de maintenir notre identité culturelle, de préserver le mode de vie et les moyens de subsistance propres à notre culture, et de protéger l'intégrité des traités que nous avons signés avec le gouvernement du Canada au nom de la Couronne.

M. Knutson: J'ai mentionné le paragraphe 2(2), qui garantit que les traités seront respectés.

Au paragraphe 3(5), le projet de loi stipule:

Je pense que cela cadre tout à fait avec la volonté de consulter les conseils de gestion comme le prévoit l'article 39.

Le grand chef Adamson: Permettez-moi de vous faire part de quelques réflexions. Si vous vouliez répondre aux préoccupations des Premières nations du Yukon, le Yukon aurait été exclu du champ d'application de cette loi. Les dispositions de l'Accord-cadre définitif et les ententes ultérieures sur les revendications territoriales et l'autonomie devraient y être substituées.

M. Knutson: Votre argumentation est donc que le Parlement fédéral du Canada n'est pas censé promulguer de loi sur les espèces en péril applicable au Yukon.

Le grand chef Adamson: À ce stade, oui.

M. Knutson: Les avis de M. Smith au nom du conseil de gestion... d'une certaine façon, il est partiellement responsable devant vous.

Vous dites non, mais lui hoche la tête.

Le grand chef Adamson: Le conseil est érigé en vertu de l'Accord-cadre définitif. Les Premières nations du Yukon, par le biais des accords que nous avons négociés avec le Canada et le territoire du Yukon, ont ramené l'autorité et la compétence au Yukon, et nous l'avons partagée avec les autres Yukonnais. C'est l'engagement que nous avons donné à tout le Yukon, à ses habitants et à son environnement. Le conseil a été créé en vertu de l'Accord-cadre final, mais il n'est pas placé sous la tutelle de notre gouvernement.

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M. Knutson: Je vous signale que dans la dernière partie de son mémoire, il semble vouloir renforcer le projet de loi et le durcir.

Je vous fais remarquer également que le ministre des Ressources renouvelables du Yukon a apparemment confirmé récemment devant l'assemblée législative que le gouvernement du Yukon n'a pas autorité sur l'habitat faunique, sauf dans les terres territoriales. En réponse à la question de savoir ce que le gouvernement ferait pour protéger l'habitat du caribou, le ministre a déclaré:

Je ne suis pas expert. Je suis un nouveau membre du comité, soit dit en passant, et je suis également un profane dans toute cette question des compétences du Yukon et de l'évolution actuellement en cours, même si elle est encore trop lente.

Il dit que, d'une part, il est responsable du gibier et de la faune mais que, d'autre part, il n'a pas le pouvoir de protéger l'habitat. Mais nous sommes tous en faveur de la conservation.

Si je suis bien votre raisonnement, chef Adamson, vous dites que le gouvernement fédéral devrait se désister entièrement de toute intervention dans les terres autochtones. Vous pouvez peut-être m'aider à comprendre ce qui m'apparaît un raisonnement contradictoire.

Le grand chef Adamson: La compétence sur les terres domaniales reste aux mains du gouvernement autochtone. Il y a compétence mixte sur les terres conférées par le règlement.

Il faut bien voir que les négociations sur les terres et les ressources se poursuivent toujours au Yukon, entre les Premières nations du Yukon et le Canada. Ces négociations se poursuivent. Il y a une obligation juridique non échue de la part de la Couronne de négocier avec les Premières nations le statut définitif des terres et ressources.

M. Knutson: Très bien. Je cède la parole à l'intervenant suivant.

Le président: Je vous remercie. Monsieur Adams, je vous prie.

M. Adams (Peterborough): Je vous remercie, monsieur le président.

Grand chef, j'aimerais reprendre là où Gar s'est arrêté. J'étais membre du comité qui a siégé toute la nuit à Ottawa au sujet de l'accord. D'ailleurs, cela a été l'un des moments les plus intéressants et des plus passionnants dans une existence normalement très terne sur la colline parlementaire. J'aurais pensé qu'il s'agissait, à tout le moins, de la fin d'une étape, mais je vois d'après votre exposé et d'après ce que vous venez de dire à Gar que les négociations se poursuivent toujours. Pourriez-vous me résumer la situation. De quoi avons-nous exactement convenu à Ottawa?

Je crois qu'il y a 14 Premières nations au Yukon. Est-ce que le projet de loi que nous avons adopté n'intéressait que les quatre? Est-ce que votre conseil représente celles qui sont exclues ou celles qui sont incluses? Pourriez-vous très brièvement me faire le point à ce sujet?

Le grand chef Adamson: Je vais essayer, mais vous avez probablement passé plus de temps que moi au sein de ce comité.

L'Accord-cadre définitif est l'entente générale sur laquelle les Premières nations du Yukon fondent leurs négociations. Lorsque la loi a été adoptée au Parlement, elle donnait effet aux quatre accords subséquents avec des Premières nations du Yukon. À ce stade, il était entendu - et c'est précisé dans la loi - que les accords avec les dix Premières nations toujours en cours de négociation seraient annexés à la loi.

Une loi a donc été adoptée ratifiant l'Accord-cadre définitif, de même que des lois parallèles couvrant les accords d'autonomie, la loi de mise en oeuvre etc., pour donner effet à ce qui était signé.

À ce stade, les quatre Premières nations ont eu leurs accords ratifiés, trois sont en voie de l'être et les Premières nations restantes négocient activement avec la Couronne.

M. Adams: Et est-ce que le conseil représente toutes les 14?

Le grand chef Adamson: Le Conseil des premières nations du Yukon représente 11 des 14 Premières nations. Ce qui s'est passé au cours de l'été dernier, c'est que les Premières nations possédant un pouvoir législatif - et celui-ci a été reconnu par le Canada aux termes d'une loi et de la Constitution - ont partagé leurs compétences législatives avec le Conseil des premières nations du Yukon. Donc, en pratique, les Premières nations du Yukon ont créé leur gouvernement central, qui est le Conseil des premières nations du Yukon.

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M. Adams: Merci beaucoup.

Soit dit en passant, nous avons rencontré d'autres groupes autochtones, des gens du Nunavut, des gens du territoire etc. J'ai été très frappé par l'argument de l'immensité des territoires considérés. Nous avons eu des recommandations très précises visant, par exemple, le COSEPAC et je suis certainement partisan d'une représentation des Premières nations au COSEPAC. Je suis également en faveur d'inclure quelque formule reconnaissant l'importance particulière des territoires, non seulement du point de vue de leur superficie, mais également en tant que région où l'on peut empêcher que la situation ne se dégrade comme elle l'a déjà fait dans le Sud.

Je serais également partisan d'une définition de la science englobant les connaissances écologiques traditionnelles ou quelque formule du genre - je précise cela juste en passant.

Mais pour en revenir à ce que mon collègue a dit de ces articles du projet de loi - et je serais heureux si certains d'entre vous pouvaient me répondre aujourd'hui ou plus tard. Comme il l'a dit, et pour en revenir à votre remarque, au paragraphe 3(5), sous la rubrique «Consultations», on lit:

À l'alinéa 36(1)b), il est stipulé:

b) conformes aux régimes de réglementation et de conservation des espèces sauvages définis dans un traité, un accord sur des revendications territoriales ou une entente d'autonomie gouvernementale ou de cogestion conclu avec des Autochtones;

L'article 39 a), qui traite des plans de rétablissement, prévoit:

J'ai commencé par demander des réactions immédiates à cela, mais comme vous le savez, d'autres groupes nous ont proposé des libellés précis, des suggestions précises pour certaines de ces dispositions, et soit aujourd'hui soit à l'avenir, je vous incite fortement à en faire autant si vous approuvez le principe du projet de loi. Il me semble, grand chef, que nous avons à tout le moins pris en considération les revendications territoriales et les règlements de celles-ci, ainsi que nos obligations envers les Premières nations.

Le grand chef Adamson: Je vous remercie grandement de ces remarques.

Je dois vous dire que nous n'avons pris part à aucune des discussions qui sont intervenues entre le gouvernement du Yukon et le gouvernement du Canada visant l'élaboration d'accords. Il n'y a pas eu de participation du Yukon à ce stade. J'ai eu quelques pourparlers préliminaires avec le ministre des Ressources renouvelables du territoire, et le ministre m'a assuré qu'il appuie notre position voulant que les accords que nous avons signés doivent avoir préséance.

Je veux également vous dire qu'il n'y a pas de divergence entre vous et nous, que nous avons signé des traités qui sont reconnus et protégés par la Constitution du Canada, et qui ont un libellé très précis en ce qui concerne le poisson et la faune. Les objectifs sont très clairs: assurer la conservation et la gestion de toutes les ressources halieutiques et fauniques dans leur habitat. Ce n'est pas tout, ils garantissent également les droits des Indiens du Yukon à récolter ces ressources et les droits des Premières nations du Yukon à gérer les ressources renouvelables sur les terres concédées par règlement. Ils prévoient en outre l'intégration des connaissances et de l'expérience pertinentes des Indiens du Yukon et celles des scientifiques dans l'intérêt de la conservation.

Ce ne sont donc pas des lois qui ont fait leur apparition il y a un ou deux ans. Ces accords ont été négociés sur plus d'un quart de siècle. Nous avons négocié les dispositions de ces accords pendant 30 ans. Nous y avons consacré une somme d'énergie incroyable. Tout ce que nous voulons faire, c'est protéger ces accords. Tout ce que nous voulons faire, c'est protéger et renforcer le mode de vie des Premières nations du Yukon, individuellement et collectivement.

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Donc, oui, il est probablement possible de fondre les libellés des deux législations, et c'est ce que nous attendons que le Canada fasse. En fait, nous y comptons car la consultation est un terme expressément défini dans cet accord; cette définition est reprise dans d'autres lois fédérales.

M. Adams: Encore une fois, et sans vouloir couper les cheveux en quatre, il y a des articles dans ce projet de loi - et je comprends ce que vous dites sur la nature de la consultation - qui mentionnent expressément la consultation. Si vous pouviez vous concentrer là-dessus...

J'ai eu à connaître la revendication territoriale du Sahtu. La conservation est toujours au premier plan des préoccupations des Premières nations. Je le sais. Mais mon impression de ce projet de loi est qu'il est sous-tendu par la notion de conservation, tout comme votre accord.

M. Tait: J'aimerais apporter quelques précisions. Premièrement, notre situation est différente de celle du Conseil des premières nations du Yukon en ce sens que la loi traite du processus d'exécution de la loi elle-même et la consultation met en jeu à la fois cette exécution et la légalité de la loi.

Lorsque vous citez le paragraphe 3(5) du projet de loi, qui stipule que le ministre doit consulter avant de conclure l'accord, le processus prévu est que le Yukon puisse négocier la restitution du droit de gérer une espèce en péril donnée.

Prenons le bison, par exemple. Si ce projet de loi est adopté, Ottawa aura compétence sur le bison. La seule façon pour le Yukon de récupérer le pouvoir de gérer le bison sera de négocier avec Ottawa cette restitution. Dans ce processus, il y aura donc eu la consultation prévue au paragraphe 3(5).

Nous disons qu'au lieu d'avoir à négocier la restitution du pouvoir, donnez-nous à la fois le pouvoir conféré aux provinces et les modalités initialement prévues dans l'accord, à savoir que nous avions au préalable la possibilité de promulguer une législation compatible. Si nous ne le faisions pas, alors Ottawa pouvait venir nous imposer des mesures. Mais, à tout le moins, donnez au Yukon la possibilité initiale de faire cela.

Deuxièmement, je ne suis pas certain que M. Knutson soit à l'aise avec la relation entre le Conseil de gestion de la faune aquatique et terrestre et les conseils des ressources renouvelables du Yukon. Il avait dans les yeux un regard lointain lorsque nous disions que le fonctionnement de ce système et les relations entre la gestion de la faune et la gestion de l'habitat ne sont pas clairs.

M. Knutson: Je n'ai pas la parole...

M. Tait: C'était juste un rappel, et je ne cherchais pas à noyer le poisson.

M. Knutson: ... mais je voulais montrer qu'il s'agit là d'un concept nouveau pour moi. De façon générale, lorsque je lis le texte de la loi, son auteur l'a rédigé de bonne foi de telle manière qu'il respecte véritablement les conseils de gestion, les traités en général et les terres autochtones et...

M. Tait: Mais vous comprenez la distinction sur le plan du palier qui a compétence et le fait que nous devrons récupérer le droit de gérer ces espèces, au lieu qu'il nous soit reconnu d'emblée, à charge pour Ottawa d'intervenir si nous n'en sommes pas capables. Mais c'est ce qui rend cette loi si différente dans le cas des territoires: nous sommes obligés de négocier la restitution du droit de gérer la faune, et c'est une chose que nous ne voulons pas faire.

M. Adams: Monsieur le président, j'exhorte de nouveau tous les témoins - et nous apprécions réellement le caractère détaillé de votre exposé - de relire le projet de loi. Par exemple, sur le plan de la distinction entre les territoires et les Premières nations, le paragraphe 3(4) stipule:

Cela dit, monsieur Tait, si vous pensez qu'il faudrait modifier cela de quelque façon, de manière à mieux refléter le stade actuel ou la dévolution future des pouvoirs - et je sais que la situation est très dynamique sur le plan de la dévolution des pouvoirs - je vous exhorte à nous soumettre un texte. En effet, selon ma lecture, cette disposition décrit bien la responsabilité du gouvernement territorial. C'est le cas. C'est ainsi que je l'interprète. Si je me trompe, alors je vous demande comment il faudrait la formuler de façon à vous donner satisfaction?

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M. Tait: C'est une clarification que nous vous remettrons très certainement, et je sais que le gouvernement du Yukon en fera autant. Nos divergences proviennent essentiellement des modifications qui ont été apportées au texte du projet de loi depuis la proposition législative. Des changements y ont été introduits qui ont considérablement altéré la répartition du pouvoir, la question de savoir si nous devons négocier sa restitution ou si nous avons la possibilité de...

Donc oui, nous allons certainement vous faire parvenir ce libellé.

M. Adams: Vous parlez de changements. Il y a eu trois années de consultation. Je ne veux pas répéter les mêmes arguments, mais il y a eu trois années de consultation et ce texte est le fruit de deux groupes de travail et de la ronde de négociations actuelle. Vous m'avez entendu. Il y a là-dedans des paragraphes qu'il suffirait de modifier très peu pour répondre à vos arguments et, d'ailleurs, à ceux des Premières nations du Yukon, me semble-t-il.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, monsieur Adams.

Nous entendons maintenant Mme Kraft Sloan, M. Steckle et puis nous devrons conclure. Madame Kraft Sloan.

Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Merci beaucoup.

Je pense que M. Adams et moi avons mangé le même petit déjeuner, car nous régurgitons maintenant les mêmes types d'arguments.

Des voix: Oh, oh!

Mme Kraft Sloan: Je pense que l'on peut effacer cette dernière remarque du procès-verbal.

Une voix: Honte à vous.

Mme Kraft Sloan: Grand chef, je pense que c'est grâce à la somme de travail et d'énergie que vous avez investis dans ces négociations au cours des 25 dernières années que certaines dispositions figurent dans ce projet de loi. Même si elles ne vont peut-être pas aussi loin que vous l'aimeriez, peut-être un examen plus serré et quelques propositions d'amendement afin de les renforcer dans le sens que vous souhaitez seraient-ils très utile à notre comité. Mais si le projet de loi avait été introduit il y a dix ou 15 ans, je ne pense pas que vous y auriez trouvé ces dispositions citées par M. Adams.

J'aimerais revenir plus particulièrement sur la difficulté soulevée à l'égard du programme de rétablissement du bison, car comme M. Adams l'a si bien fait remarquer, l'alinéa 36(1) b) du projet de loi prévoit une dérogation. Vous dite que, selon ce projet de loi, vous seriez dans l'illégalité. Je ne vois pas pourquoi ce serait illégal. Si vous allez tuer quelques bisons aux fins de la conservation et dans le cadre des pratiques du conseil de cogestion, vous bénéficiez d'une exemption aux termes de la loi, et il n'y aurait donc pas de problème.

Peut-être pourriez-vous répondre à cela. Si un autre libellé a votre préférence, il serait très utile que vous nous le communiquiez, comme M. Adams vous a suggéré de le faire.

M. Tait: Encore une fois, il nous incombera de prouver à Ottawa que nous savons ce qui vaut le mieux pour cette espèce avant d'obtenir le droit de la gérer.

Je suppose que la question plus vaste est de savoir comment se déroulera ce processus? Sous le régime de la loi, cela signifie-t-il qu'un membre d'un conseil des ressources renouvelables s'en va tuer quelques bisons? Ou y a-t-il tirage au sort de permis de chasse? Quelle est la marche à suivre? Et toujours, il nous faudra justifier à Ottawa la nécessité d'abattre ces bisons, au lieu de pouvoir le faire de notre propre chef.

Mme Kraft Sloan: Mais la justification est déjà inscrite dans la loi elle-même. La loi contient la dérogation. La loi dit que le travail que vous faite est important et que, par conséquent, vous êtes exemptés de l'interdiction. Vous n'avez rien à prouver.

Le type de travail que vous faites est déjà reconnu à l'alinéa 36(1) b), qui dit:

Vous n'avez rien à prouver, car les Premières nations ont prouvé depuis des milliers d'années qu'elles s'y connaissent en conservation.

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Le grand chef Adamson: Je comprends ce que vous dites et je vous remercie d'essayer de focaliser l'attention sur ces dispositions du projet de loi. Là où nous avons quelque difficulté... Je ne veux pas rouvrir le débat sur la consultation ou le manque de consultation, mais nous devons évaluer et déterminer nous-mêmes si cela nous donne la protection requise, et nous ne pourrons le faire qu'une fois en possession d'un avis juridique donné par notre propre avocat.

Manifestement, les Premières nations pour le compte desquelles j'ai versé une lettre au procès-verbal - les Premières nations de Champagne et de Aishihik, la Première nation de Na-cho N'y'ak Dun, le conseil des Tlingit de Teslin et la Première nation des Vuntut Gwitchin - estiment que le projet de loi enfreint leurs accords. Je ne peux que répéter qu'elles ont manifesté très clairement au comité leur intention de contester la validité constitutionnelle du projet de loi si le processus se poursuit de la manière actuelle.

Il est clair qu'à ce stade, elles n'estiment pas que leurs intérêts et leurs accords soient suffisamment pris en compte ni que les dérogations prévues soient suffisantes.

Mme Kraft Sloan: Je souscris également à ce que M. Adams a dit au sujet du renforcement de la représentation du Nord et des Premières nations et autres groupes autochtones au COSEPAC.

Je signale, cependant, que si le projet de loi érige un conseil d'administration du COSEPAC, la structure actuelle, composée de quelque 28 scientifiques, restera en place. Donc, des experts d'espèces différentes continueront à faire leur travail, tout en y intégrant les connaissances écologiques traditionnelles. Cela est prévu dans le mandat du COSEPAC.

S'il y a des façons de renforcer cela et de reconnaître dans le corps du projet de loi lui-même la contribution des connaissances écologiques ancestrales, je serais heureuse de recevoir vos suggestions.

Je vous remercie.

M. Tait: Nous avons une préoccupation très précise concernant les espèces actuellement désignées par le COSEPAC et le raisonnement suivi pour le faire. Dans notre milieu, il n'est pas justifié de désigner les deux espèces que j'ai mentionnées - l'ours grizzly et le carcajou - comme vulnérables. C'est de là que dérivent nos craintes. Si ces espèces peuvent aujourd'hui être placées sur la liste sans justification, en quoi la loi modifie-t-elle ce processus?

Mme Kraft Sloan: Dans la loi elle-même, il est question de sous-espèces et d'espèces géographiquement distinctes, et on a recommandé d'ajouter également une mention des distinctions génétiques. Je sais qu'un membre de notre comité, M. Anawak, a souvent parlé du fait que différentes espèces sont désignées dans le Sud, mais sans connaître du tout les mêmes problèmes dans le Nord, comme dans le cas que vous avez cité.

Il faudra donc voir d'un peu plus près comment fonctionnera la définition de «géographiquement distinct». Ce n'est pas entièrement clair à mes yeux non plus, mais c'est une différence importante.

Par ailleurs, selon le processus de désignation actuellement prévu dans le projet de loi, le gouverneur en conseil prend l'avis du COSEPAC pour déterminer quelles espèces sont désignées. Ce n'est donc pas une désignation automatique sous la seule autorité du COSEPAC, comme à l'heure actuelle. Il faut tenir compte des différences entre le Nord et le Sud et entre les différentes régions géographiques du pays.

M. Tait: Exact, et c'est pourquoi nous disons que les responsables doivent bien connaître la situation.

Mme Kraft Sloan: Oh, absolument.

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M. Tait: Cela arrive sans arrêt dans le Nord. Les gens vous demandent d'où vous venez et disent: «Ah bon, vous venez des Territoires du Nord-Ouest?» Les gens n'ont pas la moindre idée où les territoires se situent géographiquement. On le constate sans cesse, que ce soit dans le Globe and Mail lorsqu'il parle de nos résultats électoraux ou qu'il s'agisse d'espèces en péril.

Mme Kraft Sloan: J'ai eu le plaisir de me rendre plusieurs fois dans les Territoires du Nord-Ouest et j'adorerais visiter le Yukon.

Je vous remercie.

Mme Ford: J'aimerais dire une chose à propos du COSEPAC.

Lorsque vous parlez de «représentation du Nord au COSEPAC», l'une des questions que je me pose, vu l'énorme masse territoriale que le Nord représente aux fins de ce projet de loi, est-ce que le pourcentage des membres au COSEPAC sera bien représentatif du Nord?

Mme Kraft Sloan: J'ai dit que je partage la position de M. Adams - à savoir qu'il faudrait assurer une meilleure représentation du Nord. Quelle forme celle-ci pourrait prendre, je ne le sais pas. Je ne sais pas quels seraient les chiffres, car le comité n'a pas encore discuté d'aucun amendement à cette disposition. Il se pourrait que nous décidions d'augmenter le nombre des membres du COSEPAC.

Toutes ces questions prêtent à discussion, mais je pense que c'est une considération importante lorsque nous examinerons cet article, de façon à assurer une représentation adéquate.

Si vous avez des suggestions, vous pourriez peut-être nous les soumettre.

Mme Ford: Un bon début serait peut-être de prendre en considération la population animale et la masse territoriale, plutôt que la population humaine qui est concentrée au Sud. Ces deux caractéristiques devraient être reflétées davantage dans le pourcentage. En effet c'est le pourcentage de territoire que ce projet de loi, s'il est adopté, couvrira. Peut-être ce pourcentage devrait-il être reflété au sein du COSEPAC. Je ne sais pas combien de gens du Nord - j'imagine qu'il y en a déjà pas mal - siègent au COSEPAC.

Mme Kraft Sloan: Oui. Il y a une représentation du Nord dans la structure actuelle du COSEPAC.

Le président: Je vous remercie. Monsieur Steckle, s'il vous plaît.

M. Steckle: Je veux moi aussi remercier nos témoins de ce matin d'être venus comparaître et de nous faire part de leurs vues.

Je pense pouvoir dire que le succès de cette législation passe par la coopération et la compréhension. Il est tout à fait normal, lorsqu'il y a tant de divergences démographiques et géographiques entre nous, que nos préoccupations soient quelque peu différentes. Bien entendu, la question de savoir s'il y a eu un dialogue et une concertation suffisants préalablement au dépôt du projet de loi et avant aujourd'hui est un sujet dont il faudra débattre à un autre moment.

Je pense qu'il importe que vous compreniez bien que ce projet de loi ne pourra fonctionner que dans un esprit de coopération. Il ne fonctionnera pas s'il est simplement imposé par Ottawa. Il faut un esprit de coopération car, dans la pratique, l'action devra être menée sur le terrain, c'est-à-dire chez vous et chez moi.

Je crois que c'est Russ qui a indiqué que 80 p. 100 du financement du programme de rétablissement du bison provenait du gouvernement du Yukon. Pour moi, qui ne comprend guère le mécanisme des affectations de fonds ni ne sait d'où provient l'argent en premier lieu... Vous dites que 170 000 $ proviennent de sources externes. Je crois savoir que le gouvernement fédéral a contribué d'énormes sommes au rétablissement du caribou et du faucon pèlerin. C'est peut-être là une partie des 170 000 $ aux fins de vos programmes pour le faucon et le bison.

Est-il exact qu'une bonne partie des 80 p. 100 de crédits versés par le gouvernement du Yukon provenait sous quelque forme, directement ou indirectement, d'Ottawa à l'origine? Nous savons qu'il y a un accord de partage des coûts. D'où provenait cet argent? Je sais qu'il y aura forcément un partage des coûts. Nous l'avons accepté par le passé et nous continuerons à le faire. Mais peut-être faudrait-il préciser qu'une partie de cet argent, peut-être indirectement, venait d'Ottawa et que nous avons assumé une part du coût d'autres programmes, bien que vous n'ayez mentionné que ces deux-là ce matin.

M. Tait: Cet argent provient du budget du gouvernement du Yukon. Comme vous le savez bien, une bonne partie de ces ressources budgétaires vient du gouvernement fédéral et le reste provient des recettes fiscales du gouvernement du Yukon. Ce dernier a prioritairement affecté ce montant à ce programme. Notre crainte est que ce programme ne reçoive pas cette priorité au niveau fédéral.

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M. Steckle: Les engagements du gouvernement fédéral ne changeraient tout de même pas une fois ce projet de loi promulgué. Nos engagements envers le gouvernement du Yukon resteraient.

M. Tait: Ils ont déjà évolué. Les paiements de transfert au cours des dix dernières années ont diminué. Dire que les engagements ne vont certainement pas changer... Je ne sais pas si l'on peut en être certain. Vu les possibilités de changement à Ottawa, le fait de ne pas savoir n'est pas une situation confortable.

M. Steckle: C'est une remarque judicieuse, mais il faut dire aussi que les transferts à d'autres régions du Canada ont diminué aussi. Vous ne pouvez prétendre avoir été traités différemment.

Le grand chef Adamson: Je dois m'inscrire en faux contre cette affirmation, du fait de la dévolution des compétences individuelles. Dans presque tous les cas jusqu'à présent, le Canada a mis sur la table une offre à prendre ou à laisser, où le Yukon recevait considérablement moins de ressources financières pour assumer les mêmes fonctions que le gouvernement fédéral exécutait jusqu'alors.

M. Steckle: Je n'ai pas d'autres questions.

Le président: Monsieur Tait.

M. Tait: J'ai quelques questions d'ordre général pour M. Adams.

L'une s'adresse à vous, monsieur le président. Savez-vous si Audrey McLaughlin a eu la possibilité de siéger à ce comité ou si elle a été invitée à siéger à ce comité, étant la seule députée représentant tout le Yukon?

Le président: Je pense que c'est une question à laquelle M. Taylor pourrait répondre mieux que moi.

M. Taylor: Audrey est informée de tout ce qui se passe à ce comité. Je suis son représentant ici, car je représente le caucus fédéral.

Les neuf membres du caucus se partagent les responsabilités pour les 12 comités de la Chambre des communes. Audrey a certainement répercuté à notre caucus fédéral la position que vous avez exposée aujourd'hui et c'en est une que je représente au sein de ce comité lorsque je le peux.

M. Tait: D'accord.

Le paragraphe 3(4) - et c'est un aspect spécifique dont vous avez discuté - il est question de la mise en place par le gouvernement du Yukon d'une législation équivalente pour protéger les espèces en péril. Mais si, au niveau territorial, nous n'avons pas compétence sur l'habitat, comment pourrions-nous avoir une législation équivalente? Si nous n'avons compétence que pour gérer la faune, il nous est impossible de promulguer une législation équivalente, puisqu'elle ne pourra pas couvrir aussi l'habitat.

M. Adams: C'est pourquoi je vous ai demandé, vu le rythme du changement et la situation très particulière du processus de dévolution au Yukon, de bien vouloir jeter un coup d'oeil sur ces dispositions et nous dire - soit dit en passant, nos discussions ici, vous le savez, reviennent déjà à cela, car elles sont consignées au procès-verbal et nous pouvons ainsi voir ce que les divers groupes de témoins ont recommandé.

Je suis sûr que vous avez raison pour ce qui est de l'habitat. Je ne le savais pas jusqu'à ce que vous ne le disiez aujourd'hui et notre personnel ne le savait peut-être pas non plus, ou du moins cela n'était pas très présent dans son esprit. C'est donc très important. Vous l'avez dit et vous l'avez répété. Si vous pouviez passer en revue ces dispositions et nous signaler ce genre de choses, cela nous serait utile. Je le pense vraiment.

Pourrais-je répondre à la remarque de Mme Ford sur le COSEPAC? Vous dites que l'on nous a suggéré d'assurer une représentation des Premières nations au COSEPAC. J'ai dit que j'en suis partisan.

Je suis en faveur également, en raison de ce qui a été dit aujourd'hui et de la nature particulière des territoires... il faudrait donc une représentation au COSEPAC des Premières nations et des territoires, en quelque sorte. J'y suis favorable, mais c'est très intéressant car, comme vous l'avez dit vous-même, le Yukon ne connaît pas les problèmes que cette législation vise à rectifier, simplement à cause de sa nature. Les problèmes se posent dans le Sud, et nous essayons de les résoudre - l'extinction et la disparition d'espèces etc. - avec ce projet de loi.

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C'est un problème philosophique très intéressant. Faut-il comptabiliser la superficie et les espèces du Nord, espèces qui sont en relativement bon état, ou bien faut-il représenter les espèces du Sud, qui sont plus exposées? Voyez-vous ce que je veux dire? Mais je répète: les territoires doivent être représentés aussi.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, monsieur Adams.

Je vais autoriser M. Forseth à poser une question, ensuite de quoi nous devrons conclure, car nous allons manquer de temps. Monsieur Forseth.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Je demanderai une réponse très brève.

J'ai l'impression, parfois, que nous retombons ici dans un affrontement pour le pouvoir brut. J'ai presque l'impression que peu importe la qualité du projet de loi C-65. Ce que je perçois, c'est que peut-être n'importe quelle loi venant d'Ottawa est considérée comme une contrainte imposée par une puissance étrangère et que vous ne considérez pas vraiment comme vôtre une loi fédérale canadienne.

Ottawa cherche à légiférer pour tous les Canadiens, y compris ceux du Nord. Je vous le demande donc, voyez-vous des amendements qui puissent être acceptables, ou bien rejetez-vous fondamentalement tout ce qui vient d'Ottawa?

Ce que nous recherchons, c'est un partenariat. Manifestement, l'administration de cette loi reposera entre vos mains. C'est vous qui vivez là-haut. Les accords de coopération locaux seront ceux que vous mettrez sur pied. Il n'y aura pas de bureaucrates qui vont venir d'Ottawa administrer cette loi. C'est vous qui allez l'administrer, avec les partenariats prévus.

Ceci est le processus de consultation pour dire qu'il y a reconnaissance des accords locaux et de la dévolution déjà intervenue; peut-on réellement conclure des partenariats, ou bien allez-vous tout simplement rejeter le tout d'emblée?

M. Tait: Je vais essayer de répondre.

Étant donné ce que vous venez de dire sur les pourcentages et l'application de ce projet de loi aux territoires, par opposition aux provinces, tout ce que nous demandons est de revenir un pas en arrière au texte de l'avant-projet de loi, afin de nous donner la possibilité d'agir en premier. Et oui, c'est un esprit de coopération. Ne nous imposez pas votre volonté et ne nous obligez pas à regagner le droit par après.

C'est une situation propre aux territoires. Elle diffère de celle des provinces. Nous ne disons rien d'autre. Vous venez de dire que le gros du problème se pose dans les provinces. Hier, vous avez écouté toute la journée les gens de Colombie-Britannique vous dire quel pourcentage de la province cette loi couvrira réellement: pas beaucoup.

Nous disons donc que si vous voulez un projet de loi qui signifie quelque chose, et pas seulement qui couvre un fort pourcentage, comme on s'en vante ici, faites en sorte qu'il s'applique là où se pose le problème et laissez-nous le pouvoir de gérer la faune. Si nous en sommes incapables, alors reprenez-le.

Le président: Y a-t-il d'autres interventions? Grand chef.

Le grand chef Adamson: Je vous remercie beaucoup de cette question.

Nous sommes certainement en faveur de partenariats. Tout ce que nous avons jamais voulu a été de créer des partenariats réels entre nous et les autres Yukonnais: les Yukonnais non autochtones, ceux arrivés plus ou moins récemment dans le territoire. C'est pourquoi nous avons tenté de négocier et sommes parvenus relativement bien à négocier des accords avec les autres paliers de gouvernement au Yukon.

Ce serait une erreur que de sortir d'ici en pensant que toute loi venant d'Ottawa sera rejetée d'emblée, simplement par esprit de contradiction. Ce n'est pas le cas du tout.

Une loi très importante a été promulguée par le Canada récemment qui règle bon nombre des désaccords qui semblent émerger ici entre nous et vous. Nous demandons que vous fassiez preuve de la même compréhension et du même respect pour ces lois.

Je veux dire ici que la possibilité existe de rédiger ce projet de loi de telle façon qu'il satisfasse tous les intérêts que vous entendez exprimer ici, mais le processus de participation à la rédaction de lois et de réalisation d'un consensus entre les paliers de gouvernement doit être sérieusement revu. D'autres lois en donnent le canevas et en tracent le processus.

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Je dois dire que je déplore le peu de temps dont nous disposons pour traiter de toutes ces questions. J'aurais aimé la possibilité de répondre à certaines des questions de M. Taylor.

Nous vous donnons acte du travail que vous avez accompli par le passé et reconnaissons votre connaissance des affaires autochtones qui s'est manifestée dans votre fonction antérieure de critique des affaires autochtones. Nous sommes disposés, sinon dans cette tribune mais à tout le moins en une autre occasion, à discuter de ces questions avec vous.

Le président: J'apprécie grandement ce mot de conclusion, chef Adamson, en particulier ce que vous avez dit du rôle de M. Taylor au sein de ce comité. C'est également notre appréciation du rôle qu'il a joué pendant de nombreuses années.

M. Van Dijken: Monsieur le président, pourrais-je dire quelques mots rapides sur la question qui vient d'être posée?

Le président: Nous commençons à manquer de temps, mais allez-y.

M. Van Dijken: À notre sens, ceci est une question qui exige la coopération et un partenariat. La nature du problème est telle qu'il ne peut être réglé de façon parcellaire. Il faut une coordination et il faut cet accord. C'est indispensable. Sans cela, c'est un travail inutile.

Le président: Je vous remercie.

Au cours des deux dernières heures et demie - et je regrette que M. Tait ne soit plus là, il aurait eu quelque chose à dire là-dessus - nous avons certainement appris beaucoup sur l'optique du Yukon. C'est un apport très précieux, et une dimension qui nous faisait grandement défaut. Nous avons appris quelque chose sur la question de la consultation et de son insuffisance, et c'est certainement un sujet que nous allons soulever à Ottawa.

Nous allons tenter de faire de notre mieux, avec les pouvoirs qui nous sont conférés, mais je dois souligner que je ne peux rien promettre. Les politiciens, de nos jours, ne devraient pas faire de promesses. Nous allons tenter d'améliorer la clause dérogatoire dans le sens suggéré ce matin. Je ne sais pas encore si nous allons parvenir à le faire admettre au ministère de la Justice, mais nous allons certainement faire de notre mieux.

M. Tait a fait une remarque intéressante que je trouve être une contribution énorme au débat - à savoir l'opportunité d'avoir une «législation compatible», si je me souviens bien du terme qu'il a employé. C'est là, en fait, le but de tout cet exercice. Si nous parvenons à mettre en place ce que certains d'entre nous appellent une «législation miroir», encore que le terme «compatible» soit meilleur, dans tout le pays, nous aurons beaucoup avancé. Selon mon évaluation de la situation, ce serait là un progrès énorme. Je ne serais pas surpris si d'ici dix ans nous avions des législations compatibles ou miroirs d'un bout à l'autre du pays. Avec un peu de bonne volonté, c'est réalisable.

Ce que je retiens - et mes collègues aussi, j'en suis sûr - sont les déclarations encourageantes suivantes. Premièrement, la position énoncée par le Conseil des premières nations du Yukon, à la page 12 du mémoire du grand chef Adamson:

On lit à la première page du mémoire du conseil de gestion de la faune aquatique et terrestre du Yukon:

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Le mémoire de la Yukon Fish and Game Association indique: «Nous reconnaissons la nécessité d'une législation nationale dans le domaine de la protection des espèces en péril».

Enfin, la Yukon Conservation Society souscrit à la mise en place d'une législation nationale rigoureuse sur les espèces en péril.

De toute évidence, il y a là une très forte convergence d'intérêts, d'espoirs et même de rêves. J'espère, par conséquent, que vous allez repartir au Yukon convaincus que vous nous avez donné deux bonnes heures et demie pour mieux comprendre votre optique et que nous partageons les mêmes espoirs et rêves.

Quelqu'un souhaite-t-il dire un dernier mot?

M. Smith: Nous sommes heureux de votre invitation à vous soumettre des propositions spécifiques sur la question des accords de règlement des revendications territoriales autochtones et la participation au COSEPAC.

Je vous remercie.

Le président: Nous allons maintenant faire une pause de cinq minutes.

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Le président: Notre témoin est la Shuswap Nation Fisheries Commission, comparaissant au nom du Shuswap Nation Tribal Council, si j'ai bien saisi.

Bienvenue au comité. Je vous demanderais de vous présenter, vous-même et vos collègues, et d'enchaîner avec votre exposé.

M. Fred Fortier (président, Shuswap Nation Fisheries Commission): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Fred Fortier, et je suis président de la Shuswap Nation Fisheries Commission. Je suis également président de la Canadian Columbia River Inter-Tribal Fisheries Commission. Mon collègue est Dave Moore, adjoint en matière de politique auprès de la Shuswap Nation Fisheries Commission.

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J'aimerais remercier le président et les députés de nous donner ainsi l'occasion de nous prononcer sur le projet de loi concernant la protection des espèces en péril au Canada.

J'aimerais commencer par déclarer que l'extinction, c'est pour toujours.

Nous tenons, au nom du peuple Shuswap et du conseil tribal, à remercier le comité d'entendre nos observations concernant le projet de loi C-65. Nous tenons également à féliciter le ministère de l'Environnement d'avoir pris cette initiative, qui ouvrira peut-être la voie au rétablissement d'espèces menacées et en péril au Canada.

J'ajouterais par ailleurs qu'étant donné le manque de mécanismes de consultation appropriés pour obtenir la participation du peuple Shuswap par l'intermédiaire de la commission, du conseil tribal et d'organisations qui représentent le peuple Shuswap sous une forme ou une autre, cet examen ne satisfait pas entièrement l'obligation qu'a le Canada de consulter les Premières nations relativement à ces questions. Il y a peut-être un élément de consultation, mais ce n'est pas une consultation exhaustive. J'aimerais que vous preniez note de cela, monsieur le président.

Notre espoir aujourd'hui est que grâce aux conseils que nous vous donnerons dans le cadre de notre présentation et grâce à l'élaboration de mécanismes adaptés localement en vue de la mise en oeuvre du projet de loi, nos bandes pourront mieux participer à cette importante initiative à l'avenir. Ce n'est que par le biais de leur participation directe que le projet de loi pourra faire le nécessaire pour la conservation, le rétablissement et l'utilisation durable des espèces sauvages, y compris les populations locales qui se trouvent à l'intérieur de nos territoires. Ce n'est que grâce à notre participation que le projet pourra respecter les droits inhérents du peuple Secwepemc.

Il vous faut comprendre autour de cette table que nos droits sont des droits territoriaux. Nos droits relativement aux espèces et aux sous-espèces sont garantis dans la Constitution.

Regardez le territoire Shuswap et la superficie qu'il englobe. Il a été dit hier que la plus importante remontée de saumon dans le monde est dans la région de Kamloops, dans le cours inférieur de la rivière Adams. Mais il me faudrait rappeler aux personnes assises autour de cette table qu'au début du XIXe siècle le stock de saumon sockeye du cours supérieur de l'Adams était au moins égal sinon supérieur à celui du cours inférieur de la rivière, dont on dit qu'il compte la plus grosse remontée de saumon dans le monde. Pour reprendre ce que le ministère des Pêches et Océans a dit, c'était un miracle que les poissons survivent et que cette remontée ait eu lieu l'an dernier. J'imagine que nous savons tous que les miracles, cela peut arriver.

En ce qui concerne la question de la consultation, nous avons le droit d'accorder et le Canada a l'obligation d'obtenir un consentement éclairé préalable, et non pas après coup. Ils ont parlé partenariats avec d'autres Premières nations, avec des organismes gouvernementaux et avec le gouvernement provincial. Nous convenons qu'il doit y avoir des partenariats, en vertu de traités existants ou de traités que l'on est en train de rédiger aujourd'hui. En Colombie-Britannique, la majorité du peuple Shuswap n'est pas visée par le processus des traités. Il s'agit là d'une question qu'il nous faudra résoudre dans le cadre de négociations.

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Le mémoire que nous allons maintenant vous présenter appuie dans l'ensemble le concept sur lequel repose le projet de loi C-65 et aborde certaines de nos préoccupations relativement à sa mise en oeuvre. Il traite du maintien des populations d'espèces sauvages locales dans le contexte de la conservation des espèces, de l'application des connaissances ancestrales et du recours au partage des avantages, et il demande l'alignement du projet de loi C-65 sur les engagements du Canada en vertu de la Convention sur la diversité biologique de la Conférence des Nations Unies. Nous vous soumettons respectueusement nos observations pour examen.

En ce qui concerne la mise en oeuvre du projet de loi C-65, le préambule fait état de la ratification par le Canada de la Convention des Nations Unies sur la conservation de la diversité biologique. Les obligations de la convention relativement aux communautés locales et indigènes y sont explicitées. Les articles 8 j), 10 c), 17.2 et 18.4 en particulier sont essentiels à la mise en oeuvre du projet de loi C-65. Ils offrent le cadre à l'intérieur duquel travailler avec les communautés locales et autochtones en vue de l'utilisation de connaissances traditionnelles, de la protection et de l'encouragement des utilisations coutumières de ressources biologiques et du partage des avantages.

Ces questions et d'autres encore font présentement l'objet de délibérations mondiales visant à orienter la mise en oeuvre de la convention et sont assujetties au groupe de travail chargé d'examiner l'article 8 j)et créé en vertu de la convention lors de la troisième réunion des parties à Buenos Aires, en novembre 1996.

En ce qui concerne la question du respect des connaissances traditionnelles, la convention, à l'article 8 j), fait tout particulièrement état de l'obligation des parties, dont le Canada, sous réserve de leurs lois nationales, de respecter les détenteurs de connaissances traditionnelles et de prendre des dispositions en vue d'un partage de ces connaissances par ces détenteurs, et de veiller à un partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation de ces connaissances. La convention reconnaît par ailleurs le rôle inestimable que devraient jouer les connaissances traditionnelles dans la gestion de la diversité biologique, et définit l'obligation d'assurer un échange d'informations techniques et traditionnelles. Cela est bien sûr assujetti aux lois nationales.

En ce qui concerne les connaissances traditionnelles des peuples autochtones, le Canada s'est engagé à défendre le principe selon lequel ces connaissances sont sur un pied d'égalité avec les connaissances scientifiques. Je sais que cela en dit long sur les connaissances ancestrales qui sont les nôtres. Si les gens veulent bénéficier des connaissances des peuples autochtones du Canada, il doit y avoir un consentement éclairé à cet effet. S'il n'y a pas consentement éclairé, alors c'est un viol de l'esprit. Nous devons partager les avantages découlant de ces connaissances et le Canada doit participer à des négociations avec ces communautés pour avoir accès à ces connaissances.

Il est intéressant de savoir que nos anciens, du peuple Shuswap, nous ont parlé des connaissances qu'ils possédaient, connaissances des espèces de poissons qui se trouvaient à l'intérieur de notre territoire, et que les gouvernements fédéral et provincial ont réfuté ces connaissances. C'est à ce moment-là que nous avons décidé d'aller de l'avant avec la conservation ex situ et le stockage de gènes des stocks présents sur notre territoire. Cela a suscité quelques protestations, non pas du côté du gouvernement fédéral - qui nous aidait, je pense - mais du gouvernement provincial qui, pour reprendre ses termes, a déclaré que les Indiens n'avaient rien à faire dans le domaine du stockage de gènes.

Ma réponse - mais je vais en soustraire un certain nombre de mots, que le président n'a sans doute pas envie d'entendre - a été de dire que tant que la province ne s'acquittera pas de ses obligations quant à la gestion des espèces sur notre territoire, alors nous nous occuperons de conservation ex situ.

Quant au comité dont nous avons parlé, le COSEPAC, et les obligations qu'il a en matière de respect des connaissances traditionnelles, je pense que cela est très critique. Les chercheurs et les universitaires, et peut-être même le gouvernement en général, semblent penser que s'il n'y a pas de preuve scientifique, il n'y a pas de preuve du tout. Je pense qu'il s'agit ici d'un système de valeurs tout à fait différent, et je pense que cela ressort très clairement.

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Je crois que l'un des grands principes dont le Canada doit s'occuper relativement aux Premières nations est la définition de conservation. On parle de nous dans le projet de loi, depuis le préambule jusqu'à l'article 39 environ. Cependant, la participation sérieuse des peuples autochtones n'est pas claire, mise à part l'intervention des conseils de gestion créés en vertu de règlements de revendications territoriales globales. Le projet de loi fait état des connaissances traditionnelles, mais n'en assure pas le respect, l'utilisation ou la protection conformément à la Convention sur la conservation de la diversité biologique.

Il ne traite pas comme il se doit de la participation des autorités des Premières nations locales et de leurs connaissances en matière de désignations, de plans de rétablissement... et il ne prévoit pas non plus les moyens nécessaires au maintien de l'accès aux populations d'espèces sauvages locales, pourtant garanti dans la Constitution.

L'une des choses intéressantes dont je m'occupe depuis dix ans dans le dossier des pêcheries est le Traité canado-américain sur les pêcheries de saumon du Pacifique. Il semble que nous allons avoir une loi concernant la protection des espèces en péril; il y a une loi concernant les espèces en péril aux États-Unis; et nous avons des engagements pris par le Canada au niveau international, en vertu de la Convention sur la conservation de la diversité biologique, qui énoncent ces principes.

En passant, les États-Unis n'ont pas ratifié la Convention sur la diversité biologique. Nous avons donc, il me semble, deux lois qui doivent être harmonisées conformément aux principes de la convention, car nous ne pouvons pas accepter que le Canada ou que les États-Unis utilisent nos poissons comme des pions sur un échiquier politique. Nous avons un droit - et c'est un droit de la personne - à l'égard de ces poissons. Dans ce pays, les gens ne comprennent pas que ce droit est un droit de la personne, et nous en parlons. Nous ne pouvons pas laisser notre gouvernement ou le gouvernement américain utiliser ces lois pour s'opposer l'un à l'autre. C'est nous, les Autochtones, qui serons les perdants, pour ce qui est des cours supérieurs des rivières et de toutes les régions côtières. ***

Monsieur le président, je pense que cela illustre bien la situation entourant la loi concernant la protection des espèces en péril, lorsqu'on regarde ce qui existe des deux côtés et au niveau international... et il nous faut tenir compte de tout cela. On fait des compromis pour des espèces en péril ou menacées, comme le saumon coho ou le saumon quinnat destinés aux États-Unis. On les utilise comme des pions au Canada et comme monnaie d'échange pour le saumon sockeye.

Si l'on va adopter une loi au Canada, alors veillons à ce qu'elle soit conforme aux principes qui ont été épousés par le Canada au niveau international, car il y a des conséquences à cela.

Si vous regardez les limites du projet de loi en matière de rétablissement des espèces sauvages au Canada... notre présentation met l'accent sur le rôle des communautés locales et autochtones et des bandes Shuswap en particulier en vue de l'élaboration de solutions locales aux problèmes locaux, et non pas de solutions qui émanent d'Ottawa. Un exemple serait le dossier du saumon du Pacifique. Il semble qu'il y ait beaucoup d'ingérence de la part de personnes qui ne savent pas toujours comment fonctionnent nos pêcheries.

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Cependant, pour que le projet de loi C-65 soit solide, il faudra qu'il contienne un langage fort qui protège nos espèces sauvages canadiennes, et tout particulièrement les petites populations, sans quoi il y aura destruction de la diversité biologique et disparition d'espèces.

Les Shuswap jouissaient autrefois d'une économie, d'une alimentation et d'un commerce fondés sur le saumon du fleuve Columbia. Ce n'est que tout récemment que les membres de la Canadian Columbia River Inter-Tribal Fish Commission et leurs homologues américains ont signé des résolutions internationales conjointes en vue du rétablissement du saumon du cours supérieur du Columbia. Cet arrangement s'appuie sur le principe de sensibilité environnementale des peuples autochtones, qui recouvre sept générations de planification

Cependant, dans le projet de loi, le paragraphe 2(1) efface tout souvenir du saumon du cours supérieur du Columbia au-delà d'un horizon de 50 ans. En effet, il dit que les «espèces sauvages» sont des espèces qui sont présentes au pays depuis au moins 50 ans. Nos droits ont donc été gelés il y a 50 ans lors de la construction des barrages le long du fleuve Columbia, soit les barrages Chief Joseph et Grand Coulee. Le Canada n'a pas consulté les Premières nations lorsqu'il a entamé ses négociations avec les Américains en vue de la construction de ces barrages.

Si le projet de loi est adopté avec cet article, les Premières nations du fleuve Columbia recourront aux tribunaux. Nos droits sont gelés, mais ce que nous disons c'est qu'en l'espace de 50 ans, ou une fois qu'on sera arrivé à la septième génération, le poisson reviendra dans le Columbia. C'est là l'objectif que nous nous sommes fixé pour ce fleuve.

L'application du projet de loi à l'échelle du pays n'est pas claire quant à l'obligation de participer des gouvernements provinciaux et territoriaux. Dans son libellé actuel, nous craignons que son application au territoire domanial limite la nécessité pour les autres paliers de gouvernement de protéger les espèces sauvages contre l'extinction. Si le projet de loi n'est bel et bien appliqué qu'aux seules terres administrées par les autorités fédérales, nous craignons qu'un contrôle disloqué en matière de protection des populations d'espèces sauvages locales amène une polarisation des autorités et la parcellisation de la protection de nombreuses espèces migratoires.

Penchons-nous sur notre système des parcs, dans le cadre duquel il y a gestion provinciale ou gestion fédérale. Il pourrait y avoir des espèces sauvages dans certaines zones protégées auxquelles nous n'aurions pas accès.

En conclusion, nous recommandons que le projet de loi soit examiné dans le contexte des obligations juridiques du Canada envers les peuples autochtones et de ses engagements en vertu de traités internationaux. Nous recommandons fermement au comité qu'il se penche sur la nécessité pour le projet de loi de refléter le rôle des communautés locales et autochtones dans le rétablissement des espèces sauvages, la valeur des connaissances traditionnelles et la nécessité de résoudre la question du partage des avantages tirés des ressources entre le secteur privé du Canada et les communautés locales, étant donné que tout cela pourrait avoir une incidence sur la survie des populations d'espèces sauvages locales.

Nous exhortons le comité à réfléchir aux raisons pour lesquelles il importe de protéger les espèces menacées au Canada et à la pertinence des assemblages fauniques historiques - et nous soulignons le terme «historiques» - dans le contexte de l'objet visé par le projet de loi.

Enfin, nous demandons au comité de veiller à l'homogénéité de l'application du projet de loi partout au Canada, dans ses territoires et provinces, afin qu'un contrôle communautaire soit maintenu mais que la loi serve de cadre pour les discussions.

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Merci, monsieur le président. Mon collègue aimerait lui aussi faire quelques observations.

Le président: Merci beaucoup. J'apprécie ce que vous nous avez dit, et tout particulièrement votre insistance sur la pertinence de la mémoire et des considérations historiques dans le domaine de la faune.

Monsieur Moore, désirez-vous ajouter brièvement quelque chose?

M. Dave Moore (analyste de politiques, Shuswap Nation Fisheries Commission): Merci, monsieur le président.

J'aimerais souligner que le principal message de la Shuswap Nation Fisheries Commission est que les espèces sont composées d'assemblages de nombreuses sous-espèces, ce qui est synonyme de diversité biologique. C'est là la force d'une espèce. Comme c'est le cas à la bourse, vous ne pouvez pas tout miser sur une seule catégorie d'actions. Dans le projet de loi tel que présenté, en l'absence d'arrangements avec des communautés locales et autochtones, l'érosion de ces stocks et l'érosion à long terme de l'espèce concernée seront peut-être toujours possibles. Vous parviendrez peut-être à protéger un stock de saumon sockeye au Canada, mais ce saumon survivra-t-il jusqu'au prochain millénaire, pour les générations futures? Vraisemblablement pas.

Dans notre mémoire, nous avons abordé la question de la façon suivante: le Canada n'est pas le premier pays au monde à se pencher sur ce défi, et il ne sera certainement pas le dernier. Cette même question et ce même exercice ont préoccupé des pays du monde entier, et cela a abouti au Sommet Planète Terre et à la Convention sur la diversité biologique de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement en 1992.

Le projet de loi tente de diluer les leçons qui ont été apprises dans d'autres pays du monde. Or, le Canada a signé la Convention sur la diversité biologique et l'a ratifiée en présentant des plans de mise en oeuvre, et il est important que le Canada établisse des normes nationales qui correspondent aux normes internationales visant la protection de la diversité biologique mondiale. Il s'agit, cependant, ensuite d'appuyer les autorités de gestion locales chargées d'appliquer et d'administrer la loi en vue de la protection et du rétablissement des stocks locaux ou des sous-populations, ce qui maintiendra au bout du compte la totalité de l'espèce.

Fred a évoqué un certain nombre de très sérieuses préoccupations. Le fait que le Canada et que les États-Unis aient utilisé les espèces menacées comme pions dans le cadre de négociations internationales sur les pêcheries de saumon du Pacifique et aient poussé l'enveloppe biologique, l'enveloppe statistique, ce qui s'est soldé par ce que nous ont dit certains des intervenants hier relativement à l'érosion de la diversité biologique pour ce qui est du saumon du Pacifique par le biais des prises fortuites n'en sont pas les moindres. Cela est insidieux, et n'est pas couvert dans le projet de loi. Cela fait 20 ans que nos communautés demandent la reconnaissance des stocks de saumons qui ne reviennent pas frayer dans leurs cours d'eau.

Les gouvernements ont même tenté d'utiliser des mécanismes juridiques pour empêcher nos communautés d'essayer de protéger ces saumons. Au bout du compte, certaines de nos communautés ont recouru au stockage de gènes. Le gouvernement provincial a tenté d'utiliser la loi pour en empêcher nos communautés.

Je pense que le message important qui ressort des propos de Fred est qu'il y avait des connaissances traditionnelles qui remontaient à la surface, utilisant un outil contemporain, mais qu'à ce jour personne n'en a reconnu l'importance en vue du maintien des populations locales, dont bon nombre ont disparu et continuent d'être menacées d'extinction. Le projet de loi n'en tiendra cependant pas compte à moins qu'il y ait une autorité locale, négociée avec les communautés locales et autochtones, qui soit reliée au COSEPAC.

Nous avons mentionné la Convention sur la diversité biologique. Il est important de savoir que le Canada, dans le cadre des engagements qu'il a pris en vertu de la convention, a créé un groupe de travail auquel participent des communautés autochtones et locales, des gouvernements et des tiers, et qui est chargé de déterminer des moyens de mettre en oeuvre les articles contenus dans la convention, dont certains sont repris dans le projet de loi. Mais le projet de loi, dans son libellé actuel, ne s'aligne pas sur la convention. Il serait bon que l'on s'y penche.

Nous faisons état dans notre mémoire des articles 8 j), 10 c), 17.2 et 18.4, qui traitent, respectivement, de l'utilisation et de la fonction des connaissances traditionnelles, d'arrangements d'échange d'information en vue d'assurer le respect et l'utilisation de connaissances traditionnelles et le partage des bénéfices qui découlent de leur utilisation, de la collaboration technique et scientifique et de l'échange de données, et de la protection et du respect des utilisations coutumières des ressources. L'utilisation coutumière des ressources ne pourra pas se poursuivre si une espèce vient à disparaître dans un territoire traditionnel.

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Dans le cas des Shuswap, j'ai, au cours de la décennie que j'ai passée à travailler avec eux, observé l'extinction de diverses espèces, et la disparition d'une espèce de poisson, amène la disparition de la pêcherie. Le droit de pêcher n'a aucune valeur s'il ne reste plus de poissons. Ma question est la suivante: cela équivaut-il à l'extinction d'un droit? Dans le cas du fleuve Columbia, la loi impose presque l'extinction d'un droit. La Constitution dit que si vous allez supprimer un droit, vous devez en exprimer clairement l'intention et avoir la compréhension et le consentement des Autochtones visés, mais ce n'est pas ce qui se passe ici.

Nous avons fait des suggestions précises en matière de modification du projet de loi, et il serait sans doute bon que nous répondions à des questions portant sur la façon de faire.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Moore.

Madame Jennings, allez-y, je vous prie.

Mme Jennings: Merci, monsieur Fortier et monsieur Moore, de votre présentation.

Cela vous aidera peut-être d'en savoir un peu plus sur nous. Il me semble que vous prêtez certains motifs aux députés, ce qui peut se comprendre, car vous ne me connaissez pas et il y a peut-être d'autres personnes autour de la table qui vous sont elles aussi étrangères.

Vous n'étiez pas ici hier lorsque j'ai expliqué que ma position est et a toujours été, au cours des trois années que je viens de passer au Parlement, que nous devons prendre nos instructions, quelle que soit la question, auprès des intervenants. Nous autres, parlementaires, recueillons ces renseignements puis adoptons des lois pour résoudre les problèmes. Cela est essentiel.

[Difficultés techniques]

La deuxième chose que j'aimerais vous dire est la suivante: vous ne le savez peut-être pas encore, mais j'ai déjà proposé trois projets de loi visant à protéger la biodiversité, sujet qui nous préoccupe beaucoup depuis l'avènement de l'ingénierie génétique. J'ai à ce jour proposé trois projets de loi qui visent à protéger le consommateur en matière d'étiquetage. Il s'agit de faire en sorte que, si un produit a subi des manipulations génétiques, nous le sachions, les ingrédients figurant sur l'emballage. Nous savons si nos vaches ont été traitées à la STbr, car cela figure sur l'emballage.

[Difficultés techniques]

Cela vous donne une petite idée de qui je suis et peut-être également une petite idée de ce sur quoi porteront mes questions.

D'autre part, monsieur Fortier, je dois vous dire que je me suis rendue dans le Shuswap de nombreuses fois. Je n'ai jamais...[Difficultés techniques]... une rivière remarquable et un lac remarquable. La nature est propre et virginale. Je m'y suis beaucoup plue. Mais c'était il y a 20 ans.

En ce qui concerne les déclarations qui ont été faites aujourd'hui, le paragraphe 14(1) dit:

Cela ne suffit-il pas que l'on parle de connaissance traditionnelle ou communautaire? Pensez-vous qu'il faille utiliser une formulation autre? Cela n'inclut-il pas une première nation en particulier, à votre avis? Pensez-vous que le texte devrait être plus explicite? Comment pouvons-nous vous aider? Auriez-vous des suggestions à nous faire sur les changements à apporter au libellé?

Le président: Désirez-vous répondre? Allez-y, avec une réponse aussi brève que possible.

M. Fortier: Cela revient à la question de savoir comment vous allez consulter les Premières nations de la province, et tout particulièrement le peuple Shuswap. Ce qu'il nous faut faire c'est élaborer le projet de loi ensemble, en partenariat, et non pas que nous intervenions tout simplement après coup.

Si nous allons avoir ce partenariat avec le Canada, alors que ce partenariat soit véritable. Un partenariat, c'est comme un mariage. Ceux d'entre nous qui sont mariés savent ce que signifient ce partenariat et cet engagement. Je ne sais trop pourquoi, mais mon impression est que ce mariage entre le Canada et les Premières nations n'est pas très bon. Je pense que les présentations que nous avons entendues relativement au respect par le Canada des obligations qui lui reviennent en vertu des traités, quelle que soit la date de leur ratification, des années 1700 jusqu'en 1996, montrent que le Canada éprouve quelques difficultés à respecter ces arrangements.

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Si nous devons avoir un impact sur le contenu du projet de loi, alors il nous faut avoir cet arrangement et une relation de gouvernement à gouvernement. Je pense que c'est là-dessus, sur cet arrangement, que doit porter notre discussion politique, afin que nous puissions avoir un partenariat, un vrai.

Mme Jennings: Votre représentation au sein du COSEPAC serait donc une amélioration.

M. Moore: Si vous me permettez de faire une suggestion, l'arrangement entre le COSEPAC et les communautés autochtones locales est très important, car le COSEPAC ne devrait pas tenter d'avoir une représentation qui saisisse l'essence des connaissances traditionnelles d'un bout à l'autre du pays. En effet, les connaissances traditionnelles sont très spécifiques au milieu. Ces connaissances, une fois enlevées à leurs détenteurs, ne peuvent pas être utilisées en contexte ailleurs. Le COSEPAC devrait plutôt s'efforcer de construire un pont entre lui-même et les communautés locales et autochtones qui ont cette connaissance et cette capacité d'utiliser ce savoir.

Ce serait là un meilleur processus, plutôt que d'essayer d'assurer une représentativité totale, auquel cas il faudrait que des centaines de milliers de personnes siègent au COSEPAC.

Mme Jennings: Vous ne pouvez pas me donner de réponse précise quant au libellé, mais vous avez fait quelques suggestions en vue de sa modification. Vous n'êtes tout simplement pas prêt à nous donner d'exemple précis.

M. Fortier: Lorsque vous parlez consultation, vous parlez également, de l'autre côté, de la capacité de comprendre quels sont les enjeux. Il me semble, vu mon expérience des dix dernières années de travail avec les Premières nations et avec nos gouvernements, qu'il y a un problème de compréhension; certaines Premières nations ne sont pas en mesure de répondre aux questions que vous mettez sur la table. À qui la responsabilité? Le ministère des Affaires indiennes?

Un grand nombre de Premières nations n'ont pas la capacité de traiter de tout cela à un niveau politique élevé, sans parler d'une analyse juridique du projet de loi et de ses ramifications. Il nous faut avoir cette capacité pour nous en occuper. C'est le cas de certains d'entre nous. Heureusement que le peuple Shuswap possède cette capacité. Certaines des autres Premières nations sont dans le cas contraire, ce qui est triste.

Le président: Merci. Allez-y, monsieur Adams.

M. Adams: Merci, monsieur le président.

Je remercie les deux témoins pour leur présentation.

Je n'ai pas du tout suivi ce que vous avez dit au sujet du stockage de gènes. Peut-être que d'autres membres du comité ont compris, mais de quoi s'agit-il exactement?

M. Moore: Le stockage de gènes est une forme de...

M. Adams: Je sais ce qu'est le stockage de gènes, mais je ne connais pas ce cas particulier.

M. Moore: C'était une possibilité, une dernière possibilité pour une de nos communautés de conserver l'intégrité génétique d'une population locale de son petit cours d'eau. En vertu du projet de loi, tant et aussi longtemps qu'il y a du saumon Steelhead dans le Fraser, l'espèce n'est ni menacée ni en voie de disparition. Or, il y avait une population de poissons au nombre de 2 000 ou 3 000, qui est passée à 1 905, puis à 400, puis à 200 puis à 150. La communauté ne savait plus quoi faire pour essayer de convaincre le gouvernement que ses droits étaient menacés. Les gouvernements refusaient de bouger. C'est ce qui a amené les Shuswap à s'intéresser à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, pour trouver un moyen, un outil, pour au moins conserver le peu d'intégrité génétique qui restait encore, et c'est là qu'ils ont commencé à stocker des gènes.

Plusieurs autres communautés se sont jointes à l'initiative et ont commencé à stocker les gènes de stocks menacés dans la région entourant la nation Shuswap. C'est ainsi qu'a été lancée, à l'échelle du territoire Shuswap, une initiative de catalogage, d'établissement d'inventaire et de stockage de matériel génétique dans tous les cas où une espèce n'était pas protégée dans son habitat par les gestionnaires responsables, sous l'égide de la Loi sur les pêcheries.

M. Adams: Dans ce contexte, donc, supposons que l'espèce en général se porte bien, mais qu'il y a un problème très localisé. C'est cela que vous voulez dire, soit que tout cela est esquissé dans les grandes lignes et qu'un problème comme celui-là ne ressortirait pas dans le tableau. C'est bien cela, n'est-ce pas?

M. Moore: C'est exact. En fait, l'effondrement de la pêcherie de saumon du Pacifique et de la pêcherie de la morue de la côte Est en sont la preuve. Il faut des années avant que l'érosion de ces petites parties distinctes de l'espèce, de ces populations locales, ne devienne critique au point où la population ou l'espèce dans son entier est volatile. C'est cette volatilité qui amène le bouleversement de l'industrie.

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M. Adams: En ce qui concerne, donc, ces 142 espèces de saumon qui sont censées disparaître, même si certains contestent le nombre, il y avait 142 variétés locales. Ces poissons appartenaient à cette rivière, mais ils appartenaient également à une espèce plus vaste.

Cet exemple que vous évoquez approche-t-il des 142, ou...?

M. Moore: C'est une excellente question. Je suis membre de l'American Fisheries Society. En fait, je préside le Comité des peuples autochtones pour la section du Pacifique nord international. C'est au bout de presque dix années de lobbying que nous avons fini par abandonner à l'intérieur des organismes et que nous avons cherché à recourir à des pressions internationales par le biais de cette société professionnelle pour que soit entreprise une évaluation de stocks distincts, car les organismes n'étaient pas en mesure d'y donner suite dans le contexte de la forme existante de la pêcherie.

Mes collègues qui ont participé à la rédaction du rapport de l'American Fisheries Society ont dénombré divers stocks. Il est important que le comité comprenne que les seuls renseignements dont nous disposons sont ceux qui nous ont été fournis dans le cadre de cette évaluation. Si vous lisez ce rapport, vous verrez qu'il établit que plus de la moitié des stocks n'ont pas encore été identifiés en Colombie-Britannique. En fait, leurs évaluations des nombres des stocks dans le fleuve Fraser ne s'appuient que sur des renseignements préliminaires et les auteurs du rapports disent très clairement qu'il ne s'agit pas des chiffres maximaux des sous-populations, des populations génétiquement distinctes, mais des chiffres minimaux des populations de la Colombie-Britannique.

M. Adams: Je constate que vous étiez ici avant, alors je ne vais pas passer en revue les articles qui traitent de la participation des Premières nations, mais je répéterai de nouveau que plus vous pouvez nous donner d'idées relativement à ces articles, à l'intégration de la participation des Premières nations, mieux ce sera.

Je reviendrai sur ce qu'a souligné Mme Jennings, soit que le paragraphe 14(1) dit «ou fondée sur une connaissance traditionnelle ou communautaire». Soit dit en passant, je pense que l'exemple que vous venez de nous donner est un bon exemple de connaissance communautaire plutôt qu'une expression générale de cela.

Il me semble que le COSEPAC est au coeur de tout cela. D'après ce que je vois, le COSEPAC est là, et vous y aurez des représentants qui sont particulièrement bien renseignés sur les espèces en péril. C'est bien cela? Il ne sert pas à grand-chose d'y envoyer de gens qui sont particulièrement bien renseignés au sujet des espèces qui ne sont pas encore en péril. Cet article signifie que si c'est le cas, dans ce contexte, vous y enverrez des gens qui possèdent, si j'ai bien compris, des connaissances traditionnelles ou communautaires. Vous nous avez déjà entendu dire que nous sommes favorables à cela. Ce qui compte, donc, ce sont les populations en péril.

Je n'ai pas l'impression que ce paragraphe a une incidence sur la composition du COSEPAC à un moment précis. Les personnes qui feront partie du COSEPAC s'occuperont d'espèces qui sont en péril ou presque. Me suivez-vous?

Encore une fois, je vous demanderais - et cela est au coeur même de tout ce que nous faisons - si vous pensez qu'il y aurait moyen de renforcer le paragraphe 14(1) ou la structure du COSEPAC, de nous expliquer comment, en reliant cela à cet exemple que vous nous avez donné.

M. Moore: Peter, ce que vous venez de dire est vraiment important. Nous avons suggéré l'établissement d'arrangements qui donneraient suite à cette recommandation: il s'agirait de prévoir dans le projet de loi des ententes de cogestion auxquelles ferait appel le COSEPAC dès qu'une espèce serait en péril.

Ce que je crains, m'appuyant sur mes dix années de lutte contre des intérêts politiques ou de promoteurs, c'est qu'une organisation comme le COSEPAC ne veuille peut-être pas reconnaître un stock menacé, comme cela a été le cas dans l'affaire qui nous a amenés à nous lancer dans le stockage de gènes. Je ne parviens pas à imaginer comment un expert du saumon sockeye d'Ottawa aurait pu voir que nos populations de saumon coho de la côte Ouest étaient menacées et en péril il y a 20 ans.

Il y a deux semaines, le ministre a déposé un graphique auprès de nos Premières nations en Colombie-Britannique, et il a déclaré que le Canada s'engageait à reconnaître que ce stock était menacé. Il nous a montré un graphique illustrant un effondrement des populations de la côte sur une période de 20 ans. C'est là le même gouvernement qui était assis en face de nous lorsque nous avons dit que nos stocks ne revenaient pas frayer dans les cours d'eau de nos communautés. Ils nous ont montrés du doigt et nous ont accusés d'être des prophètes de malheur; c'était la plus grosse remontée de saumon dans le Fraser depuis 100 ans.

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Les gens qui vivent loin des populations locales distinctes de poissons, d'animaux, de plantes ou d'Autochtones ne comprennent pas la fragilité de ces populations locales. Lorsque ce sont eux qui s'assoient pour trancher et décider si une espèce est ou non menacée, cela crée un problème. Je sais que cela créera un problème.

Pour répondre à votre question, je pense que pour ce qui est de peaufiner le jugement du COSEPAC avec les autorités de gestion locales, comme nous l'ont expliqué les intervenants qui nous ont précédés, le premier déclencheur est le point le plus important. Autrement, lorsque nos communautés sont enfin consultées au sujet de la disparition d'un stock, c'est trop tard, le mal est fait et les droits ont été bafoués.

La première chose, donc, c'est mettre au point le déclencheur dans le cadre d'arrangements locaux avec des autorités de gestion locales. Deuxièmement, il faut appliquer la norme, avoir en place un cadre de sorte que lorsque le déclencheur est actionné, un cadre puisse être négocié avec les conseils de gestion communautaires ou autres, de sorte que le rétablissement et l'utilisation durable de la ressource soient déterminés sur la base de connaissances et d'intérêts locaux. C'est cela qui est important.

M. Adams: Je pense qu'il s'agit là d'un concept très utile, mais vous devez savoir, Dave, qu'il n'est pas possible que des milliers de personnes siègent au COSEPAC. Je sais que ce n'est pas cela que vous recommandez. Tout simplement, ce n'est pas possible. Mais le fait que cet article du projet de loi mentionne la connaissance communautaire m'amène à penser - et j'aime bien la façon dont vous avez exprimé cela - qu'il y a là-dedans un déclencheur. Il n'est pas question que des gens assis à Ottawa s'occupent de ces espèces à un niveau très local. Tout d'abord, cela n'est pas possible. Les gens qui nous reprochent de ne pas avoir de ressources... Nous ne pouvons tout simplement pas le faire.

Ce que nous faisons ici, c'est établir ce filet de sécurité afin que les locaux puissent d'une façon ou d'une autre s'occuper des espèces en péril. C'est vraiment comme cela que j'envisage les choses. C'est en partie parce que nous ne pouvons rien faire d'autre et c'est en partie parce que c'est la chose intelligente à faire.

Cet échange figurera au procès-verbal. Il a été très utile. Mais je tiens à souligner que l'aspect connaissance communautaire qui est évoqué au paragraphe 14(1) constitue peut-être ce déclencheur tel que vous nous l'avez décrit. C'est ce que je pense.

Fred, je ne sais pas si vous aimeriez ajouter quelque chose.

M. Fortier: Monsieur le président, l'une des choses intéressantes que j'ai relevées, dans ma perspective des Premières nations, est qu'il y a ces connaissances au niveau national à Ottawa, et lorsqu'on crée un comité et qu'on veut les conseils des Premières nations - et je sais qu'il y a des complications lorsqu'il s'agit d'affecter des personnes à différents comités - c'est après coup qu'on nous invite à participer, c'est après coup qu'on envisage une représentation des Premières nations.

C'est pourquoi je pense que les Premières nations doivent décider elles-mêmes et se réunir, que ce soit sur une base régionale ou autre, pour parler de tout cela. Peut-être que nous ne sommes pas d'accord avec le conseil créé par le gouvernement. Un exemple serait la Commission du saumon du Pacifique. Deux représentants des Premières nations y sont nommés, par l'intermédiaire du ministre. Les autres membres représentent des intérêts commerciaux.

Vous pensez que la lutte contre... Mike Hunter, hier dans sa présentation. Ce sont ces gens-là qui sont assis en face de nous à la table de ces conseils et c'est avec eux que nous discutons. Certaines de ces discussions ne sont pas très agréables. C'est pourquoi je pense que nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation où l'on devrait nous demander notre opinion en tant que Premières nations, nous demander si nous acceptons le conseil et sa structure. Nous pourrions très bien dire que nous aimerions avoir notre propre conseil. Ce ne sont là que des idées, mais j'envisagerais et j'appuierais pour ma part l'idée d'un Conseil des premières nations qui pourrait coexister d'une façon ou d'une autre... Les conséquences de sa constitution par quelqu'un... Dave a expliqué les complications. J'ai vu dans les témoignages d'hier que le financement de cela ne doit pas empiéter sur le financement de la participation industrielle.

Merci.

Le président: Merci. Vous avez enfin rencontré la personne qui a donné son nom aux rivières supérieure et inférieure.

Madame Kraft Sloan, pour conclure.

Mme Kraft Sloan: Merci beaucoup.

Vous avez soulevé un certain nombre de points très intéressants qui n'avaient, il me semble, pas été exprimés de façon aussi précise mais qui avaient peut-être été évoqués de façon indirecte dans certaines situations.

.1505

Afin d'être bien certaine de comprendre cette partie de votre exposé - c'est le paragraphe 2.4 «Limites au projet de loi C-65 pour le rétablissement des espèces sauvages au Canada» - vous dites, dans le cadre de la définition, que «l'expression espèces sauvages signifie... considérées être présentes au Canada depuis au moins 50 ans». Puis il y a eu la situation en 1942, où le barrage a éliminé 1 700 kilomètres de frayère de saumon.

Si j'ai bien compris, et vous me corrigerez si j'ai tort, vous oeuvrez à l'heure actuelle à la planification du rétablissement du saumon en vertu de la loi américain relative aux espèces en péril, mais parce que le saumon a disparu il y a 55 ans, ces plans de rétablissement, selon le projet de loi, ne seraient pas acceptables. Est-ce bien cela?

M. Moore: C'est exact.

Mme Kraft Sloan: Dans ce cas, auriez-vous quelques suggestions à nous faire? Qu'on élimine tout simplement la mention des 50 ans? Auriez-vous des amendements à nous recommander?

M. Fortier: Si nous allons faire adopter un projet de loi et si celui-ci va être accepté par le peuple canadien, suite à des délibérations, alors j'imagine que lorsque vous déposerez les résultats finaux... j'imagine que les tribunaux ont très bien établi, dans les affaires sur lesquelles ils ont dû trancher, que si vous allez empiéter sur un droit, il vous faut le justifier, cet empiétement.

Ma question est donc la suivante: allez-vous justifier votre empiétement en proposant l'adoption de ce projet de loi? Le fait que nos droits soient à l'heure actuelle gelés en ce qui concerne le cours supérieur du Columbia ne signifie pas qu'ils n'existent pas. Cela signifie que nous n'avons pas accès au poisson et que nous ne pouvons donc pas exercer notre droit à l'égard de la pêcherie.

Je vous pose donc la question. C'est une obligation qui revient au Canada: avec toute loi qui est adoptée, il faut suivre la clause de l'empiétement de l'affaire Sparrow parce que dès qu'il y a empiétement, il y a tout l'aspect compensation.

M. Moore: J'aimerais dire que supprimer la limite des 50 ans pour respecter l'objectif du rétablissement d'assemblages de populations historiques serait considéré comme étant plus équilibré sur le plan écologique que ce dont il est question ici... c'est-à-dire le saumon du Pacifique.

Mme Kraft Sloan: Il s'agit là d'une autre question qui intervient ici. Certains témoins qui ont comparu devant le comité ont dit que le projet de loi est directement ou indirectement discriminatoire à l'égard de la vie végétale et privilégie la vie animale. Il y a diverses souches de semences historiques que nous avons perdues dans ce pays, mais que nous pourrions peut-être récupérer.

Dans le contexte de la discussion au sujet du stockage de gènes etc., lorsque le comité était en train d'examiner des questions liées à la biotechnologie, certains témoins nous ont dit que nous perdrons une part importante de nos stocks de semences historiques, etc. Vous soulevez une question très intéressante, et peut-être que cette limite de 50 ans s'avérera ne pas être utile, vu toutes les espèces, végétales et animales, que nos avons perdues.

D'autre part, si nous ajoutions «populations génétiquement distinctes d'animaux» à la définition d'espèces sauvages, cela serait-il utile relativement au problème que vous avez avec les différentes espèces de saumon dont nous avons entendu parler?

M. Moore: Oui. Absolument. Les interdictions esquissées dans le projet de loi, si elles s'appliquaient à certaines populations distinctes, créeraient des bouleversements dans l'industrie. Cela créerait des interdictions qui autoriseraient la protection de populations distinctes qu'il ne serait peut-être pas sage, économiquement parlant, de poursuivre, à l'heure actuelle et dans le contexte de la loi.

Dans certains cas, comme l'un des témoins l'a dit hier, la pêcherie commerciale demande au Canada d'accepter que l'industrie, dans sa forme actuelle, ne mette pas fin à la surpêche de stocks affaiblis en co-migration. Il s'agit là d'une caractéristique de la structure actuelle de la pêcherie.

Les peuples autochtones des communautés locales ont proposé des changements à la pêcherie, mais le Canada n'est pas prêt à accepter leur approche même si d'autres pays du monde l'ont fait, car l'industrie canadienne pousse dans le sens contraire. Les gens ont des engagements financiers à l'égard de conserveries; il s'agit d'engagements entre sociétés, d'engagements transfrontaliers. Ces considérations économiques peuvent l'emporter sur toute tentative d'accorder la priorité aux populations génétiquement distinctes, mais si la priorité était accordée à ces dernières, nous pourrions alors préserver les espèces qui existent au Canada.

.1510

Mme Kraft Sloan: Je pense que ce que je vais aborder rejoint les observations que vous avez faites tout à l'heure au sujet de la connaissance communautaire par opposition à une approche généralisée fondée sur des connaissances écologiques traditionnelles. Certains d'entre nous supposons que lorsque nous parlons connaissances écologiques traditionnelles, nous parlons connaissances spécifiques à un site, mais je pense qu'il est très bon d'expliquer clairement la différence entre cela et la connaissance communautaire, et que lorsqu'on commence à parler de populations génétiquement distinctes, l'on s'intéresse vraiment à ce qui se passe dans la communauté et qui contribue à la santé et à la biodiversité d'une espèce.

M. Moore: Les avantages économiques immédiats qui découlent du fait d'éviter la question de la diversité génétique ne l'emportent pas sur les avantages à long terme de la protection de ces mêmes populations qui nous garantiront des pêcheries pour, je l'espère, des milliers d'années encore. Ignorez-les maintenant, et le calendrier sera vite comprimé.

Mme Kraft Sloan: Cela rejoint ce que je disais tout à l'heure au sujet des plantes. L'on a dans l'agriculture un complexe d'industrialisation et l'on opte de plus en plus pour la monoculture, ce qui réduit non seulement le nombre de produits qui sont cultivés sur les fermes mais également la source de ces espèces. Je pense que ce sont là des choses très importantes.

J'ai eu le plaisir de faire partie de la délégation canadienne lorsque nous nous sommes rendus à Yellowknife pour la conférence des parlementaires de l'Arctique. Lorsqu'on a parlé de développement durable, l'on a évoqué des choses comme la spiritualité, en plus des connaissances historiques et de la qualité de l'environnement naturel. Je pense donc que ce sont des points très importants que vous avez soulevés.

Merci.

Le président: Monsieur Fortier, aimeriez-vous avoir le mot de la fin?

M. Fortier: Nous avons eu une discussion l'autre jour avec le ministère des Affaires indiennes sur la consultation - et je donne un sens très fort au mot «consultation» - entourant sa stratégie de développement durable dans laquelle... avec la loi qui a été adoptée, tous les organismes du gouvernement fédéral doivent produire une stratégie. Nous discutions de ce qu'est une stratégie pour le développement durable et de la question de savoir si le développement durable existe. Parlons des principes avant de commencer à parler des définitions.

Par exemple, nous avons sur notre territoire - et cela existe sans doute dans d'autres territoires autochtones - une plante que nous appelons la patate indienne. Elle pousse dans une partie de notre territoire. Cette espèce de patate est en train de devenir de plus en plus petite. Elles sont difficiles à trouver. On en trouve sur certaines terres pour lesquelles des gens ont un bail. Alors lorsque vous parlez de sauver cette espèce, il vous faut examiner les activités industrielles qui existent. D'après ce que j'ai entendu ces derniers jours de la bouche des participants industriels, ils ne veulent voir aucun empiétement sur leurs activités industrielles ni sur les avantages économiques qu'ils en retirent.

C'est la base de votre... D'un côté, ils disent, eh bien, nous appuierons la loi, mais que cela n'empiète pas sur nos avantages économiques... et de l'autre côté, on dit, il y a la question de la protection des droits, que nous devons respecter et garantir dans le cadre de la Constitution.

J'aimerais nous voir nous retrouver et nous doter d'une loi qui fonctionne, mais qui fonctionne pour nous tous, et qui soit par ailleurs harmonisée avec les engagements qu'a pris le Canada à l'échelle internationale ainsi qu'avec les États-Unis.

Le président: Merci.

L'heure que nous venons de passer ensemble a été très productive. J'aimerais, au nom du comité, vous remercier, monsieur Fortier, de votre exposé et d'avoir si bien fait ressortir la composante connaissance traditionnelle, la protection des droits des Autochtones et les faiblesses du projet de loi. Nous ferons une étude très attentive de toutes vos observations.

.1515

J'aimerais également remercier M. Moore d'avoir expliqué de façon si intéressante, en réponse à la question de M. Adams, l'élément ou la dimension génétique. J'ignore si nous pourrons l'insérer dans le projet de loi, mais nous en discuterons.

Merci, donc, au nom de tous les membres du comité. Votre présentation met fin à nos consultations et à nos audiences à Vancouver. Nous prenons l'avion cet après-midi pour Edmonton pour y tenir, à partir de demain, une série de consultations.

J'aimerais maintenant porter à l'attention des membres du comité quelques renseignements utiles qui nous ont été préparés par le greffier relativement à la semaine prochaine.

.1520

Entre lundi après-midi et mardi matin, nous entendrons trois témoins, notamment le Service canadien de la faune; l'Ontario Environment Farm Plan; le Comité national de l'environnement agricole; et l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement.

Nous serons prêts, d'ici mardi après-midi, pour la comparution du ministre de l'Environnement, qui sera télévisée.

Nous aurons le temps de digérer tout cela mercredi. Jeudi matin, notre cour sera pleine avec Environnement Canada, Pêches et Océans, Patrimoine Canada, et Affaires indiennes et du Nord.

Je tiens à souligner, pour la gouverne des députés de l'opposition, tout particulièrement, que le conseiller juridique du comité sera Louis-Philippe Côté.

Enfin, le lundi 10 février, nous entamerons à 15 h 30 notre étude article par article. Le greffier tient également à faire savoir à tous que les amendements doivent être livrés d'ici jeudi prochain. Ils doivent être remis au greffier qui les soumettra alors au conseiller juridique. Il y a donc un délai à respecter en matière de préavis pour le greffier.

Madame Kraft Sloan.

Mme Kraft Sloan: J'ignore combien de fois j'ai lu le projet de loi moi-même, mais la définition d'espèces sauvages dit qu'il doit s'agir d'espèces qui sont indigènes du Canada ou qui se sont propagées sans intervention humaine. Votre situation est donc, en fait, couverte. Je vous montrerai cela plus tard.

Le président: Cela doit-il figurer au procès-verbal? S'agit-il d'une correction?

Mme Kraft Sloan: Oui.

Le président: Eh bien, expliquez-nous.

Mme Kraft Sloan: À la page 3 de la version française, la définition de «espèce sauvage» dit:

.1525

M. Moore: Ce que nous disions, c'est que les stocks ont disparu avec la construction du barrage Grand Coulee, qui remonte à il y a plus de 50 ans. Si le projet de loi est adopté, l'on pourrait dire qu'il s'agit d'une espèce disparue du pays.

Mme Kraft Sloan: D'après mon interprétation du libellé, ce saumon étant indigène du Canada, il serait couvert par le paragraphe a).

M. Moore: Depuis 50 ans?

Mme Kraft Sloan: Non. C'est a), puis b), s'il s'agit d'une espèce qui n'est pas indigène. Le critère des 50 ans n'intervient que s'il s'agit d'une espèce qui n'est pas indigène, mais qui s'est propagée au Canada. Avez-vous une interprétation différente?

Le président: Cela est-il suffisamment clair pour vous?

M. Moore: Il nous faudra nous renseigner auprès d'un conseiller juridique. Je ne suis pas convaincu.

Le président: Si vous aimeriez en discuter avec notre recherchiste, Mme Kristen Douglas, à la fin de la réunion, elle pourra peut-être vous renseigner davantage là-dessus.

Monsieur Fortier.

M. Fortier: J'aurais une observation à faire, monsieur le président. Je ne comprends pas vraiment pourquoi il y a une limite de 50 ans dans la définition. Il y aurait peut-être même lieu que vous expliquiez à toutes sortes de gens, partout au pays, pourquoi ce paragraphe a été mis là au départ.

Le président: Oui, c'est un point intéressant. Nous ne serons peut-être pas en mesure de vous fournir une réponse satisfaisante.

Monsieur Knutson.

M. Knutson: C'est qu'il arrive parfois qu'un animal vienne d'ailleurs. Par exemple, une lamproie marine peut pénétrer dans les Grands lacs et être traitée comme une population géographiquement distincte. Mais il ne s'agit pas d'une espèce qui est indigène du Canada et elle n'a pas sa place ici, alors des efforts sont déployés pour la tuer et l'éliminer parce qu'elle n'a pas sa place dans les Grands lacs. Si nous n'avions pas cette distinction entre ce qui est indigène du Canada et ce qui ne l'est pas, une espèce comme celle-là pourrait être considérée dans la loi comme une espèce en péril, une population géographiquement distincte.

Voilà pourquoi le texte dit que si l'espèce n'est pas indigène du Canada mais est ici depuis plus de 50 ans, alors c'est peut-être une indication que l'espèce concernée a aujourd'hui sa place ici.

Le président: Kristen Douglas pourrait peut-être vous fournir une explication intéressante de ce critère de 50 ans, afin que cela figure au procès-verbal.

Mme Douglas: Je pense que cela découle d'une préoccupation concernant l'élargissement de la protection pour englober les espèces disparues du pays, et d'autres témoins en ont parlé. Il s'agit là de quelque chose qui pourrait être examiné dans le contexte de l'interdiction: ajouter les espèces disparues, afin qu'on puisse les protéger si elles se font réintroduire.

Mais la définition de «espèce sauvage», qui fait partie de l'article 2 dont vous avez fait état, comporte deux parties. Une espèce est considérée comme étant une espèce sauvage soit si elle est indigène du Canada, soit si elle s'est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins 50 ans. Il n'y a donc pas de limite de 50 ans. Toute espèce indigène du Canada, même si elle n'est plus présente, est une espèce sauvage - c'est en tout cas mon opinion - en vertu de cette définition.

Le président: Très bien.

Mme Kraft Sloan: Il est très utile que vous ayez soulevé cela. Si vous avez un autre avis là-dessus, je vous prierais de nous le communiquer. Merci.

Le président: Très bien. Nous allons nous arrêter là.

La séance est levée. Merci beaucoup.

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