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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 10 décembre 1996

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[Traduction]

Le président suppléant (M. Adams): Commençons. Nous étudierons aujourd'hui le projet de loi C-65, Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada.

Les premiers témoins que nous accueillons ce matin sont le professeur Tom Herman, chef du département de biologie à l'Université Acadia, et Don McAlpine, conservateur au Musée du Nouveau-Brunswick.

Messieurs, bienvenue. Vous avez la parole.

M. Tom Herman (chef du département de biologie, Université Acadia): Merci. Je constate que les audiences qui commencent à 8 h 30 sont aussi populaires que le cours que je donne à la même heure.

Élevés par des parents évoluant tous deux dans le milieu universitaire, nos enfants ont appris dès leur plus jeune âge la valeur et l'importance de poser des questions. Ils ont également rapidement appris à préciser ensuite: «Papa, pourrais-tu, s'il te plaît, te limiter à une explication de cinq minutes?» Lorsqu'ils veulent être particulièrement généreux, ils me font une faveur et me donnent 15 minutes. Aujourd'hui, c'est à l'explication de 15 minutes que vous avez droit.

Je ne suis pas ici à titre de législateur, et je ne prétends pas comprendre les subtilités du pas de deux fédéral-provincial. Je comparais à titre d'universitaire qui enseigne l'écologie, la biodiversité et la conservation biologique, et qui supervise les recherches effectuées par les étudiants de ces domaines; à titre de chercheur scientifique dont les travaux portent sur la cinétique des petites populations de divers groupes fauniques, y compris des espèces en péril; à titre de codirecteur du Centre pour l'étude des espèces naturelles et la biologie de conservation de l'Université Acadia, qui travaille en étroite collaboration avec les pouvoirs publics, certaines ONG et l'industrie privée sur diverses questions concernant la préservation de la diversité biologique; à titre de membre de deux sous-comités du COSEPAC spécialisés dans l'étude des reptiles, des amphibiens et des mammifères; à titre de président de l'équipe chargée du rétablissement de la tortue mouchetée de Blanding du COSEPAC; à titre de membre d'un petit groupe de travail informel réuni par la province de la Nouvelle-Écosse pour étudier la question des espèces en péril; et à titre de président temporaire de la Fédération des naturalistes de Nouvelle-Écosse. Si je mentionne tout cela, ce n'est pas pour faire valoir mes qualifications, mais plutôt pour essayer honnêtement de définir l'origine de mes préjugés.

Dans le cadre de mes remarques préliminaires, je voudrais situer le projet de loi en contexte. Même s'il s'inscrit en partie dans le cadre des engagements que nous avons pris à l'échelle internationale dans le but de maintenir la biodiversité nationale et globale, il ne s'agit pas d'un projet de loi sur la biodiversité. C'est plutôt un projet de loi dont l'objet est de protéger des espèces en péril; un texte qui nous permet d'évaluer les risques encourus par certaines espèces. En bout de ligne, il est permis de se demander dans quelle mesure le projet de loi atteint cet objectif.

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Eh bien, il est clair que la première chose à faire pour protéger les espèces en voie de disparition, c'est de les identifier. Sur ce point, quel est notre score? Combien y a-t-il d'espèces en voie de disparition? En toute franchise, je n'en ai aucune idée; mais consulter la liste établie par le COSEPAC pourrait vous induire en erreur. De façon générale, que savons-nous en matière de biodiversité? Je pense que mon collègue du Nouveau- Brunswick a beaucoup de choses à dire à ce sujet.

Le peu de cas que nous avons fait jusqu'ici des espèces avec lesquelles nos partageons notre planète, nos «compagnons de voyage», comme je les appelle, devient évident lorsque nous comparons les connaissances que nous avons accumulées. Une société qui a acquis la capacité d'envoyer des humains sur la lune mais qui n'a aucune idée, même approximativement, du nombre des espèces avec lesquelles elle partage sa propre planète fait preuve d'une vision bien étroite.

J'espère que la façon dont nous envisageons le monde est en train de changer, que nous commençons à reconnaître notre «biophilie», notre amour de tout ce qui vit, comme le dit E.O. Wilson, et l'importance critique que cela peut avoir pour notre propre bien-être.

Alors, que savons-nous? Eh bien, ailleurs dans le monde comme ici au Canada, la plupart des espèces sont rares. Par là, j'entends que leur densité de population est basse, que leurs aires géographiques sont limitées, et/ou que les caractéristiques obligatoires de leur habitat sont très précises. En d'autres mots, les espèces rares sont communes. Cela ne veut pas dire qu'elles sont en péril, mais cela nous met au défit de répertorier celles qui le sont.

La plupart des espèces que l'on trouve dans le monde et au Canada sont des invertébrés. En grande majorité, il s'agit d'insectes - surtout de petits insectes. La plupart n'ont jamais été décrits et ne le seront probablement jamais. Ils auront disparu avant. Toutefois, cela ne diminue en rien leur valeur, ni leur importance; ni d'ailleurs l'attention qu'ils méritent.

Au risque d'énoncer une évidence, je dirais que les choses évoluent. Rien n'est immuable dans le monde. Il est clair que les changements environnementaux que nous avons observés ont en partie été à l'origine de l'élaboration de ce projet de loi. Mais à quel point comprenons-nous la nature de ces changements, et la façon dont ils affectent ces autres espèces - nos compagnons de voyage? Pour faire des prédictions valables au sujet des changements qui devraient survenir à l'avenir? Je dirais que la réponse à cette question est: «Non, pas vraiment.» En ce sens, il faut que le projet de loi nous permette de planifier en tenant compte de cette incertitude.

À mon avis, les deux modifications environnementales qui menacent le plus les espèces sont les changements climatiques, et la dégradation et la fragmentation de leur habitat. Nous commençons à mieux comprendre l'incidence que peuvent avoir séparément ces deux facteurs sur les espèces en péril, mais nous n'avons encore aucune idée de leur effet combiné sur les espèces; leur effet synergique.

Les espèces dont la durée de vie est longue, et/ou dont le cycle de vie est complexe - comme beaucoup de reptiles et d'amphibiens - sont probablement particulièrement vulnérables. Ces groupes se retrouvent également en nombre disproportionné parmi nos espèces en péril.

Si je prends l'exemple d'une des espèces que j'étudie, la tortue mouchetée de Blanding, je sais que parmi les femelles que l'on trouve sur les aires de nidification, il y en a qui étaient déjà là à l'époque où Terre-Neuve a décidé de faire partie de la Confédération, soit à l'époque où la population du Canada n'était que le quart de ce qu'elle est aujourd'hui. Le même individu fait la même chose, mais les temps ont changé.

Quels sont les problèmes que soulève l'approche que nous avons adoptée jusqu'ici pour protéger les espèces en voie de disparition? Eh bien, nous avons tendance à exagérer l'importance de l'individu. C'est chez nous un préjugé naturel. Cela vient probablement de notre tendance à reconnaître l'importance des individus dans nos échanges réciproques. Ainsi donc - vous savez, nous sommes dans les années 90, et nous sommes tous uniques - nous cherchons souvent à résoudre les problèmes au niveau des individus. Pour protéger les espèces en voie de disparition, il faut au contraire envisager les choses à d'autres niveaux - notamment au niveau écosystémique.

Lorsque nous entendons l'expression «espèce en voie de disparition», pour combien d'entre nous cela évoque-t-il l'image d'un panda ou d'une grue blanche d'Amérique? Ce sont ces images qui font vendre les revues de luxe, et qui servent à promouvoir les levées de fonds; mais la protection des espèces en voie de disparition a plus à voir avec la préservation des processus spatiaux et temporels, une chose qu'il est difficile de reproduire sur la couverture d'une revue. C'est davantage de cela dont il s'agit, plutôt que de protéger les individus d'une espèce qui a un attrait charismatique - qu'il s'agisse d'animaux à poil ou à plume.

Enfin, nous essayons toujours de définir le concept d'espèce. Qu'est-ce qui constitue exactement une espèce? C'est une question qui a fait l'objet de débats passionnés dans les milieux universitaires, mais qui, pour la plupart des gens, semble relativement peu importante. Toutefois, ce n'est pas une question triviale. Vous n'avez qu'à voir ce qui se passe au sud de la frontière. La législation américaine sur les espèces en voie de disparition nous donne une bonne leçon en la matière.

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Nous pourrions adopter l'approche pragmatique et efficace fréquemment mise de l'avant par les biologistes spécialistes de conservation et dire qu'une espèce est tout ce qui est désigné comme tel par un taxonomiste compétent. Je pense que Don va vouloir faire également quelques observations à ce propos.

J'espère avoir planté le décor dans lequel va s'inscrire ce qui va suivre. Je pars de certaines hypothèses qui, je pense, sont fondées. Je crois, par exemple, que le projet de loi a été élaboré et rédigé de bonne foi, et que l'on a cherché avant tout à défendre les intérêts des espèces en péril. Il est toujours souhaitable, dans l'intérêt de ces espèces, d'éviter les incidents et les circonstances qui pourraient être cause de litiges.

Les observations que j'ai faites auparavant démontrent clairement qu'il existe des lacunes substantielles sur le plan de l'information ou des ressources; et que l'on a besoin, entre autres, d'inventaires de grande envergure. Dans sa mouture actuelle, le projet de loi C-65 ne comporte aucune disposition adéquate à cet effet. Si l'adoption du projet de loi s'accompagne d'une réallocation substantielle de fonds qui peuvent servir à améliorer notre base de données et à faciliter la participation et l'éducation du public, je dirai qu'il est progressiste. Je le qualifierai par contre de rétrograde, s'il n'est assorti que d'un financement limité, consacré uniquement à sa mise en application. Actuellement, il semblerait que l'on envisage se fonder principalement sur le respect de certains délais pour les désignations, etc. pour mesurer à l'interne les résultats positifs du projet de loi.

Il est parfois difficile d'identifier avec certitude quelles sont les espèces couvertes par ce projet de loi. L'expression «espèces aquatiques» est quelque peu ambiguë. Certaines tortues sont des poissons, d'autre non. On pourrait facilement inclure une liste supplémentaire pour régler ce problème. En bout de ligne, ce que nous voulons éviter c'est que des espèces soient oubliées, quelle que soit - au niveau des compétences - la combinaison des dispositions fédérales et provinciales qui s'appliqueront.

Parallèlement, il serait utile d'apporter certaines précisions en ce qui concerne les espèces frontalières. C'est une question que j'ai toujours trouvée difficile. Devrions-nous cibler nos efforts sur les espèces frontalières considérées comme courant certains risques particuliers? Quelles sont les critères qui permettent de dire qu'une espèce est frontalière? Si une libellule vole au-dessus de la frontière et se pose au Montana, en sommes-nous responsables? Combien y a-t-il d'espèces frontalières? Ou plutôt, combien y a-t- il d'espèces qui ne sont pas frontalières? Je soupçonne que seule une petite minorité entre dans cette dernière catégorie - tout dépendant de la façon dont on définit «frontalier».

La structure du COSEPAC est extrêmement importante. L'intégrité et l'indépendance de cet organisme doivent être préservées; et toutes ses décisions doivent être fondées sur des connaissances scientifiques valides. Je sais que vous avez déjà entendu cela des milliers de fois. La transparence des décisions prises par le COSEPAC est bien garantie par le projet de loi. Certains prétendront que le comité scientifique, et non le conseil ministériel, devrait être chargé des décisions concernant l'inscription des espèces sauvages. Et à cet égard, le lien entre le COSEPAC et le conseil ministériel, ainsi que l'indépendance du COSEPAC revêtent une importance critique.

Je suis, moi aussi, d'avis que l'inscription des espèces sauvages ne devrait avoir aucun caractère politique. La décision finale serait jugée plus crédible si le paragraphe 30(1) se lisait comme suit: «Sur avis du ministre, le gouverneur en conseil établira et modifiera la liste des espèces en péril, par règlement.»

Je me permets d'ajouter une observation qui ne figure pas dans le texte que j'ai préparé, à propos du financement. Le financement du COSEPAC a également une importance cruciale. Il est essentiel que les rapports de situation, qui dorénavant auront une valeur légale, soient soigneusement et minutieusement préparés. À l'heure actuelle, le budget alloué à l'élaboration de la plupart de ces rapports est tellement mince que s'en est embarrassant. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais la plupart de ces rapports sont préparés pour 1 000 à 1 500 $, une somme qui, en fait, représente les honoraires des personnes qui les préparent mais ne reflète aucunement le travail requis pour les élaborer. À l'heure actuelle, le COSEPAC fonctionne en gros comme un organisme de bienfaisance.

Dans le projet de loi, tel qu'il est rédigé actuellement, les mesures visant la protection de l'habitat peuvent être qualifiées, au mieux, de faibles. La disparition de leur habitat est la plus grande menace qui pèse sur la plupart des espèces en voie de disparition. Même si l'on parle de l'habitat dans tout le document, le projet de loi ne garantit, en réalité, qu'une protection minime en la matière. La principale mesure de protection semble se résumer aux arrêtés d'urgence - définis au paragraphe 34(4) - que le ministre compétent peut prendre.

Le projet de loi a toutefois le mérite de stipuler que des plans de rétablissement doivent être établis, et que ces plans doivent comprendre une définition de l'habitat essentiel. Toutefois, selon le projet de loi, ces plans ne sont pas automatiquement mis en oeuvre, et aucune disposition ne rend leur application obligatoire. Un manque de cohérence évident des mesures de protection, que je trouve préoccupant.

Je suis prêt à admettre que délimiter l'habitat essentiel d'une espèce a des conséquences non négligeables sur le plan politique. Pour cette raison, il est sans doute préférable qu'il n'y ait pas de lien entre l'inscription sur la liste des espèces en péril et la délimitation de l'habitat essentiel, deux choses qui, dans le projet de loi, me semblent raisonnablement distinctes. Cela devrait minimiser les pressions politiques susceptibles de s'exercer en ce qui a trait à l'inscription sur la liste.

Dans une certaine mesure, le projet de loi répond à la question de taxonomie que j'ai soulevée plus tôt. Toutefois, un polissage judicieux du texte permettrait d'améliorer la définition d'espèces sauvages. Il subsiste certaines ambiguïtés et, à mon avis, il faut souligner que le critère important - en l'occurrence - est la distinction biologique, et non la distinction géographique.

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Dans le cadre des mesures destinées à protéger les espèces menacées, en voie de disparition ou inscrites sur la liste des espèces en péril, l'article 31 interdit de tuer un individu qui appartient à l'une de ces espèces, de lui nuire, de le harceler, de le capturer ou de le prendre. Qu'en est-il des espèces disparues du pays qui sont réintroduites dans le cadre d'un plan de rétablissement? Sont-elles ou non couvertes par ces interdictions ou est-ce que, dans ce cas, c'est la disposition concernant les arrêtés d'urgence qui s'applique?

Le projet de loi couvre correctement les actes qui nuisent directement aux espèces en voie de disparition, ce qui, encore une fois, reflète peut-être notre façon de penser en termes individuels; mais il semble que les perturbations plus générales soient exclues. En réalité, quand on envisage ce que subit collectivement une espèce, ces perturbations sont probablement beaucoup plus dommageables.

Par ailleurs, dans le cadre de ces mesures, le paragraphe 38(4) confie au ministre compétent la responsabilité de préparer un plan de rétablissement. A-t-on envisagé de confier cette tâche au conseil ministériel?

Parmi les mesures destinées à faire respecter la loi, ne devrait-il pas y en avoir une sur la disposition des spécimens vivants qui ont été confisqués? Je n'aimerais vraiment pas que se répète l'incident plutôt déplorable qui a eu lieu récemment en Suède.

Je trouve particulièrement inquiétant le fait que le projet de loi soit exécutoire pour l'État, mais pas pour les sociétés d'État. Que cherche-t-on exactement à accomplir en procédant ainsi? Il me semble que les gouvernements et les entités qui en dépendent devraient donner l'exemple.

En terminant, je vais encore demander au comité de se montrer indulgent si je souligne quelque chose d'évident - et je suis sûr qu'il y en a eu beaucoup avant moi qui l'ont souligné. Les espèces ne reconnaissent pas les frontières provinciales, mais plutôt les paysages naturels. Quand on regarde des prises de vue aériennes, cela nous rappelle souvent à quel point ces frontières sont arbitraires; vue du ciel... la couleur de la chaussée.

Comme l'un de mes collègues me l'a fait remarquer après avoir lu l'ébauche du projet de loi, nous avons besoin d'une loi nationale sur les espèces en voie de disparition, non pas d'une loi fédérale - c'est là le point de vue d'un biologiste naïf, mais c'est vrai. Il est clair que le projet de loi est beaucoup trop restrictif, sur le plan des espèces qui sont visées et sur celui de sa portée; et ce champ d'application déjà limité peut même être encore réduit comme on peut s'en rendre compte à la lecture du paragraphe 3(3).

Ce projet de loi accordera peu de protection - voire aucune - au niveau fédéral à la plupart des espèces que l'on reconnaît actuellement comme étant en voie de disparition. Certains groupes d'organismes, les plantes par exemple, sont notamment exclus. Il est probable que le pourcentage de ceux qui sont protégés diminuera encore au fur et à mesure que l'on évalue le statut d'autres espèces, notamment les invertébrés.

Il est évident qu'une loi fédérale ne peut et ne pourra être suffisante pour protéger toutes les espèces en péril. La loi fédérale idéale n'est sans doute pas défendable d'un point de vue légal. Il est peu probable que nous réécrivions la constitution pour qu'une telle loi puisse être adoptée. La seule solution sur le plan biologique est de régler le problème politique.

Si l'on aliène un organe gouvernemental quelconque - que ce soit un ministère fédéral ou provincial - on aboutit uniquement à créer une lacune sur le plan biologique; et l'entreprise va par conséquent à l'encontre du but recherché. Il faut qu'il y ait un effort concerté de la part du fédéral et des provinces; par conséquent, l'effet positif du projet de loi C-65 est probablement lié aux résultats que l'on pourra obtenir en mettant en oeuvre l'accord-cadre national pour la préservation des espèces en péril.

Je présume qu'en ce sens, il est sage que les provinces ne soient pas obligées dans le cadre de la loi actuelle de participer au conseil ministériel, même si, bien évidemment, on devrait les encourager à le faire. Merci.

Le président suppléant (M. Adams): Merci, monsieur Herman.

Monsieur McAlpine.

M. Don McAlpine (Musée du Nouveau-Brunswick): Je gagne ma vie en étudiant la biodiversité. Je suis employé par le musée provincial du Nouveau-Brunswick à titre de conservateur de la zoologie. Je suis également membre de la Société canadienne de zoologie.

Les observations que je vais faire aujourd'hui reflètent non seulement mes propres préoccupations, mais aussi celles de cette société qui compte environ 580 membres parmi les employés des musées, des universités et des laboratoires publics du Canada.

Je suis membre du Comité consultatif ministériel sur les espèces menacées du Nouveau-Brunswick depuis sa création en 1988. À ce titre, j'ai contribué directement à la récente révision de la Loi du Nouveau-Brunswick sur les espèces menacées d'extinction. Comme vous le savez sans doute, le Nouveau-Brunswick est l'une des quatre provinces à posséder actuellement une loi sur les espèces en voie de disparition.

Les modifications de cette loi ont été adoptées au printemps de 1996, et la liste des espèces protégées a été révisée pour la première fois depuis 1974.

Le fait d'avoir participé à l'élaboration de la législation provinciale sur les espèces en voie de disparition me permet, je pense, d'avoir un point de vue utile sur le projet de loi C-65.

Il y a bien longtemps que l'on aurait dû élaborer un texte législatif fédéral pour protéger les espèces menacées et en voie de disparition. Et je considère le projet de loi C-65 comme une avancée d'importance majeure. Cependant, il est nécessaire que plusieurs dispositions de ce projet de loi soient bonifiées si l'on veut que cette mesure législative ait les résultats escomptés. Ce projet de loi doit satisfaire à deux critères pour avoir un effet positif.

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La désignation des espèces en péril doit s'appuyer sur les meilleures preuves scientifiques dont on puisse disposer. C'est essentiel si l'on veut que ce projet de loi soit crédible. Le processus doit être transparent d'un bout à l'autre. L'expérience acquise au Nouveau-Brunswick me permet de déceler un sérieux problème dans le projet de loi C-65, dans sa formulation présente.

Les membres du Comité sur les espèces menacées du Nouveau- Brunswick font la revue du statut des espèces, préparent une liste des espèces désignées et conseillent le ministre. Le ministre n'est aucunement tenu, légalement, d'agréer la liste des espèces en voie de disparition établie par les scientifiques qualifiés.

Lorsque nous avons récemment procédé à la modification de la Loi du Nouveau-Brunswick sur les espèces en voie de disparition, les recommandations formulées par les membres du comité consultatif ont été ignorées. Il a été décidé de n'accorder aucune protection, dans le cadre de la loi, aux plantes régionales qui sont en voie de disparition et dont on avait fait la liste, alors que tous les animaux ainsi désignés ont été inclus.

Il est devenu évident - mais ce motif n'a jamais été rendu public - qu'au sein du gouvernement, on craignait, en protégeant les plantes régionales en voie de disparition, de faire obstacle à l'exploitation du bois à pâte et du bois d'oeuvre que l'on trouve dans les forêts du Nouveau-Brunswick. En dépit de tous nos efforts pour convaincre les responsables qu'il n'en serait pas ainsi. La façon dont cette décision a été mise en oeuvre a, je pense, remis en cause la crédibilité du comité; et frustré ses membres. Suite à cette décision, notre botaniste a donné sa démission. Il y a eu une autre démission liée directement à l'absence de protection pour les plantes.

Vous pourriez vous attendre à ce que, après avoir fait une telle expérience, je cherche à vous faire admettre que le ministre devrait être tenu, par la loi, d'accepter toutes les désignations émanant du COSEPAC. Cela n'est pas le cas selon les dispositions actuelles du projet de loi C-65, et l'on pourrait considérer qu'en la matière, le projet de loi ne reflète pas les recommandations du groupe de travail. Je ne pense pas que l'on puisse raisonnablement - ni même normalement - s'attendre à voir une telle disposition dans le projet de loi. En revanche, ce à quoi je m'attends, ce que je considère comme absolument essentiel, c'est que le processus de désignation des espèces soit scientifique et transparent.

Tel qu'il est actuellement structuré, le processus de désignation du statut d'une espèce en vertu du projet de loi C-65 semble requérir que les membres du COSEPAC pèsent soigneusement les données scientifiques et fournissent des détails sur les décisions dans le registre public. Rien n'oblige toutefois le ministre à fournir des détails sur sa décision d'accepter ou - ce qui est plus important - de rejeter les recommandations du COSEPAC concernant le statut d'une espèce. Bien évidemment, les dispositions prévues dans cette partie du projet de loi C-65 ne sont pas transparentes.

Si l'on veut que le projet de loi C-65 soit crédible, et si le gouvernement fédéral s'attend à ce que des scientifiques soient prêts à consacrer une partie de leur temps au COSEPAC et à ses comités - comme Tom l'a fait remarquer, c'est une contribution largement bénévole - alors, toutes les décisions qui aboutissent à protéger les espèces en péril ou, au contraire, à ne pas leur assurer cette protection au Canada doivent être prises ouvertement. Dans l'état actuel des choses, cela ne semble pas être le cas.

Sans aucun doute, il y a des groupes d'intérêts qui percevront la protection de certaines espèces en vertu du projet de loi C-65 comme une menace. Nous pouvons nous attendre à ce que ces groupes fassent du lobbying contre la protection de ces espèces. Si le ministre est tenu d'accepter les décisions du COSEPAC, je crains que les membres de ce comité soient, dans certains cas, l'objet d'intenses pressions - ce qui risque de rendre plus pénible pour eux la prise de décisions, lesquelles doivent être fondées sur des critères purement scientifiques.

On s'attend à ce que des groupes de pression fassent du lobbying auprès des ministres. Pour composer avec cette situation, on peut exiger que le processus soit transparent. Si le ministre n'est pas disposé à accepter les désignations scientifiques du COSEPAC, il faudra alors qu'il soit tenu de donner publiquement les motifs de sa décision.

On devrait exiger que le ministre consigne dans le registre public les raisons pour lesquelles il rejette ou accepte les désignations du COSEPAC. On pourrait croire que si le ministre accepte, les motifs sont évidents. Le ministre a simplement convenu que la protection était nécessaire, peut-être en se fondant sur l'interprétation de preuve recueillie par le COSEPAC. Il se peut toutefois que le ministre accorde à certains critères plus de poids qu'à d'autres. Il se peut aussi que ses motifs ne soient pas les mêmes que ceux du COSEPAC; ou qu'ils le sont.

Quoi qu'il en soit, un précédent est ainsi établi, et il peut se révéler utile pour évaluer les futures désignations d'espèces ainsi que la manière dont elles sont faites. Toutefois, il doit y avoir un mécanisme qui permet un examen public des décisions ministérielles; et ce mécanisme doit se fonder sur la validité scientifique des désignations du COSEPAC. Actuellement, rien n'est stipulé à cet égard dans le projet de loi C-65 ni, d'ailleurs, dans la Loi du Nouveau-Brunswick sur les espèces en voie de disparition. Voilà une lacune qui risque de saper le processus de désignation des espèces dans l'un et l'autre texte législatif.

Dans la grande majorité des cas, c'est la disparition ou la perturbation de l'habitat qui menace le plus les espèces. Si l'on n'assure pas la protection de l'habitat, toutes les mesures prises pour préserver les espèces seront vaines. Avant la récente révision de la Loi du Nouveau-Brunswick sur les espèces en voie de disparition, il n'existait aucune disposition assurant la protection de l'habitat des animaux menacés d'extinction. C'est l'un des premiers et des plus évidents problèmes auquel se sont attaqués les membres du comité du Nouveau-Brunswick. Il est impératif que le gouvernement fédéral use de toute son autorité partout où il peut le faire pour garantir la protection de l'habitat d'une espèce en péril.

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Dans sa mouture actuelle, le projet de loi C-65 garantit la protection de l'habitat uniquement pour les espèces aquatiques et celles qui se trouvent sur le territoire domanial. La protection de l'habitat devrait s'étendre, sans exception aucune, aux espèces frontalières - une approche recommandée unanimement par le Groupe de travail fédéral sur la conservation des espèces en péril. Parallèlement, je crois comprendre que le gouvernement fédéral a la possibilité d'étendre la protection de l'habitat aux oiseaux migrateurs qui se retrouvent au Canada, et je pense qu'il devrait le faire.

Même si l'on exige des plans de rétablissement, ils n'auront pas force de loi. Autrement dit, le ministre n'est pas tenu de protéger l'habitat d'une espèce en péril; quelle qu'elle soit. C'est inacceptable, de telles espèces étant déjà, dans une certaine mesure, protégées lorsqu'elles ont été désignées; et cela peut fort bien aller à l'encontre du but recherché par cette mesure législative.

Ironiquement, dans le cadre de l'Accord national pour la protection des espèces en péril, les provinces doivent précisément accepter d'assurer ce genre de protection aux plantes et aux animaux menacés ou en voie de disparition. Le gouvernement fédéral peut-il vraiment s'attendre à ce que les provinces respectent un tel accord, quand il n'est pas lui-même prêt à observer des critères aussi rigoureux dans des secteurs sur lesquels il a manifestement compétence?

Pour être agissante, cette loi doit exiger du ministre qu'il mette en oeuvre des mesures susceptibles d'assurer la protection de l'habitat une fois que l'habitat essentiel à la survie d'espèces menacées, ou en voie de disparition, a été défini dans un plan de rétablissement. Le groupe de travail a fait cette recommandation, à juste titre. Tom a déjà indiqué que la protection de l'habitat est la clef de la préservation des espèces. Je suis sûr que l'on vous le répétera souvent.

Le groupe de travail a également recommandé que si le gouvernement décidait de ne pas mettre en oeuvre le plan de rétablissement, on procède à un examen public complet. Cette recommandation n'a pas été suivie; il est donc possible que les plans de rétablissement soient ignorés sans que l'on explique pourquoi. Ce processus n'est pas transparent. Le gouvernement fédéral doit être prêt à donner l'exemple, et il devrait certainement observer des critères aussi sévères en matière de protection de l'habitat que ceux qu'il s'attend à ce que les provinces respectent.

À long terme, la meilleure stratégie serait une approche préventive de la protection des espèces. Ce serait tout à fait judicieux, tant sur le plan biologique que sur le plan économique. Je suis donc plutôt surpris qu'en dépit des recommandations du groupe de travail, le projet de loi C-65 n'exige pas qu'il y ait une révision préalable de tous les projets de développement qui risque d'affecter des espèces en péril.

Avec le temps, il peut se révéler plus coûteux de réhabiliter ou de rétablir des populations que de faire l'analyse de l'impact de certains projets sur de telles espèces, et d'essayer d'atténuer les effets du développement en question.

À l'exception des eaux côtières et des deux territoires, le projet de loi C-65 ne s'applique qu'à une petite partie du territoire canadien. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, moins de 4 p. 100 du territoire de la province - soit environ 72,5 km2 - tomberont dans le champ d'application de cette loi. Les deux principales régions visées sont deux petits parcs nationaux: le parc de Fundy et celui de Kouchibouguac, ainsi qu'une base militaire beaucoup plus étendue.

Il est clair que c'est la législation provinciale qui continuera à jouer un rôle prépondérant dans la protection des espèces en péril au Canada dans les régions où la densité de la population humaine est la plus forte, où les pressions sur l'habitat des espèces sauvages sont les plus intenses et où la diversité biologique est la plus étendue. L'incidence favorable que pourra avoir le projet de loi C-65 dépendra en grande partie de l'exécution, par les provinces, de l'Accord national pour la protection des espèces en péril.

C'est la raison pour laquelle il me paraît essentiel que la loi soit réexaminée trois ans après être entrée en vigueur. Je suis heureux de constater que cela fait partie de la stratégie actuellement envisagée.

J'aimerais conclure par une mise en garde. Même si je me félicite que l'on consacre enfin un texte législatif à la protection des plantes et des animaux en voie de disparition au Canada, ce projet de loi n'est pas suffisant pour résoudre les problèmes de biodiversité de notre pays. Je m'attends à ce que cette mesure législative ne protège substantiellement qu'un petit sous-ensemble des espèces en péril du Canada, en premier lieu, les plantes vasculaires - j'entends par là les fleurs sauvages, les arbres et les arbustes - ainsi que les vertébrés: les poissons, les amphibiens, les reptiles, les oiseaux et les mammifères.

Mon collègue botaniste, Stephen Clayden, et moi-même avons estimé qu'au Nouveau-Brunswick le nombre des espèces se chiffre à environ 31 500. Quel est le pourcentage des plantes et des vertébrés? Juste 7,1 p. 100. C'est parmi les espèces les moins connues et les moins étudiées que l'on trouve la plus grande diversité, notamment les fongidés et les groupes d'invertébrés comme les mouches et les guêpes. Rien ne permet de penser que ces proportions varient substantiellement d'une région à l'autre du Canada.

Si les Canadiens veulent préserver la diversité biologique, il faudra former davantage des spécialistes, notamment en taxonomie; il faudra financer des recherches biologiques fondamentales qui nous permettront de mieux comprendre les formes de vie qui existent au Canada mais qui sont peu connues; il faudra recenser les espèces qui existent pour pouvoir les protéger.

Nous devons aussi reconnaître qu'à court terme, le travail de recensement et de description des espèces est trop lourd, et que le nombre de spécialistes capables de le faire est trop limité pour que nous envisagions effectuer le recensement complet des espèces du Canada dont nous avons besoin maintenant. Éventuellement, il nous faudra adopter une approche globale, et protéger des habitats et des paysages naturels représentatifs suffisamment grands - en espérant que les formes de vie qu'ils renferment sont intactes. C'est la seule façon dont nous pouvons assurer la protection de la plupart des espèces menacées ou en voie de disparition au Canada.

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J'estime, néanmoins, que le projet de loi C-65 représente un pas important dans la bonne direction pour assurer que le Canada protège la diversité des plantes et des animaux dont les Canadiens admettent manifestement l'intérêt.

En résumé, pour être agissant, le projet de loi C-65 devrait stipuler que le ministre doit inscrire au registre public les motifs de ses décisions concernant les désignations des espèces recommandées par le COSEPAC, que l'habitat essentiel doit être protégé partout où le gouvernement fédéral exerce une compétence et lorsque cet habitat a été défini dans des plans de rétablissement, et doit prévoir une révision préalable de tous les projets de développement susceptibles d'avoir une incidence sur des espèces en péril.

Merci.

[Français]

Le président suppléant (M. Adams): Je vous remercie, monsieur McAlpine, messieurs.

Monsieur Asselin.

[Traduction]

Vous qui savez comment vous occuper de tortues, ce genre de chose ne vous pose certainement aucun problème, n'est-ce pas?

Une voix: Mais ces espèces-là ne sont pas en voie de disparition.

[Français]

M. Asselin (Charlevoix): Le gouvernement a décidé de présenter le projet de loi C-65, dont le but est de protéger les espèces en péril ou en voie de disparition. Ce projet de loi peut être adopté à la Chambre des communes. Il a été hautement publicisé, mais il n'aura aucun effet.

Il n'aura aucun effet parce qu'il y aura des problèmes d'application à cause des chevauchement entre les lois provinciales, territoriales et fédérales. Il y aura aussi des problèmes dans les territoires occupés par les autochtones parce que les lois et les traités les concernant primeront sur cette loi.

Vous avez dit qu'il ne servait à rien de protéger les espèces en voie de disparition si on ne protégeait pas l'habitat. Le gouvernement devrait mettre l'accent sur l'habitat naturel de ces espèces en péril. Je pense que le gouvernement devrait commencer par la base, c'est-à-dire adopter des lois ayant pour effet d'améliorer la qualité de l'air, de l'eau et de la terre. L'habitat naturel des espèces en péril est conditionné par l'air, l'eau et la terre.

En ce qui a trait à l'air, le ministre de l'Environnement devrait faire adopter des lois afin d'éliminer le plus rapidement possible et le plus possible le monoxyde de carbone. Aujourd'hui, le monoxyde de carbone réchauffe l'atmosphère et diminue la qualité de l'air.

Quant aux fumées industrielles, il y en a beaucoup dans les grandes villes. Toutes les espèces sont affectées par ces fumées industrielles. Le monoxyde de carbone, les fumées industrielles, bref tout ce qui est envoyé dans l'air revient sur terre et dans l'eau par les pluies acides. Ces pluies acides sont terriblement destructrices. Au Québec, à cause des pluies acides, plusieurs érablières sont en voie de disparition.

L'eau est affectée par le déversement de produits toxiques. Actuellement, il n'y a aucun contrôle pour empêcher les industries, les municipalités ou les individus de déverser des produits toxiques dans l'eau.

Les municipalités commencent à se doter de systèmes d'assainissement des eaux usées, des eaux de pluie et des neiges usées, que l'on déverse principalement dans le fleuve Saint-Laurent.

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Vous savez qu'avec tout ce qui est déversé dans le fleuve Saint-Laurent, soit les égouts sanitaires, les égouts pluviaux, les neiges usées et les produits toxiques, le fleuve Saint-Laurent est devenu la plus grande fosse sceptique à ciel ouvert au monde. Combien de rivières se déversent dans le fleuve ou dans les grandes étendues d'eau non protégées?

Je vais vous parler maintenant de la terre. Il y a les produits toxiques ou dangereux, et je pense particulièrement aux huiles, à base de BPC ou autres, qui sont enfouies parce que les propriétaires de PME ou d'industries n'ont pas de place pour les détruire et vont plutôt les enfouir dans les forêts, ce qui a pour effet de briser l'habitat naturel des espèces.

Je vais aussi parler de l'enfouissement sanitaire. Aucun tri n'est fait à la source. Différents produits toxiques sont enfouis avec les déchets des municipalités.

Que pensez-vous également de l'exploitation forestière, des coupes à blanc? La forêt est un habitat naturel. Lorsque les exploitants font de la coupe à blanc, ils détruisent l'habitat naturel.

Pour ce qui est de l'exploitation minière, ceux qui en font ne remettent pas en bon état la surface du terrain exploité, surtout quand il s'agit d'une mine à ciel ouvert.

Donc, le gouvernement devrait commencer par protéger les conditions de vie de ces espèces en péril en améliorant la qualité de l'air et en adoptant des réglementations pour améliorer la qualité de l'eau et pour protéger la terre de tout ce qu'elle peut absorber.

On va adopter un projet de loi qui ne corrigera pas ces trois aspects-là. Le ministre pourra toujours dire qu'il a une loi qui lui permettra de protéger les espèces en péril, mais le résultat lui importe peu. Il s'en fiche. Le ministre aura patte blanche, mais cela n'aura aucun résultat.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Adams): M. McAlpine ou M. Herman.

M. Herman: Vous avez soulevé des questions importantes, dont celle de l'échelle.

Je suis tout à fait de votre avis en ce qui concerne le changement climatique, et je pense qu'à cause de ses nombreux effets directs et indirects sur l'habitat et sur d'autres aspects de la vie des espèces, c'est un des problèmes les plus sérieux - voire le plus sérieux - auquel sont confrontées les espèces. C'est seulement au niveau du gouvernement fédéral ou à l'échelle internationale que l'on peut traiter de certains aspects du changement climatique.

Il en est de même pour les observations que vous avez faites au sujet de la qualité de l'eau. Il est décourageant de constater que les bélugas qui meurent dans le Golf du Saint-Laurent sont considérés comme des déchets toxiques. C'est le genre de décision dont nous devrions tous avoir honte.

Cependant, l'échelle du problème détermine celle de la solution; et en ce qui concerne l'air et l'eau, il existe des problèmes à l'échelle nationale, internationale, régionale et municipale.

Les menaces qui pèsent sur les espèces ne sont pas toutes à la même échelle. Certains problèmes ont une envergure nationale; d'autres sont très ciblés et peuvent être réglés beaucoup mieux à un niveau moins élevé, au niveau provincial.

Mais je partage votre inquiétude à propos de la protection des terres. Je pense que tout le monde est conscient de l'urgence de protéger cet habitat.

Je suppose que l'obstacle majeur, comme vous l'avez signalé, vient des controverses liées au droit de propriété des terres. J'ignore quelles sont les limites légales de la protection que le gouvernement fédéral peut accorder à l'habitat. Je ne comprends pas cela; mais je suis sûr que c'est un facteur, et une question qui fait l'objet de débats passionnés.

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Jusqu'où peut-on aller, au niveau fédéral, pour assurer la protection de l'habitat des espèces en voie de disparition? Il ne m'est pas possible de répondre; le droit n'est pas ma spécialité. Je présume toutefois que c'est ce qui déterminera l'étendue de la protection accordée aux espèces par l'administration fédérale. Cela n'a rien à voir avec ce dont les espèces ont besoin à ce niveau.

Don, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. McAlpine: Désolé, je n'ai pas entendu le début de votre intervention; quant au reste, je suis entièrement d'accord. Il ne fait aucun doute que la principale question qui se pose est celle de l'habitat. À mon avis, un texte législatif fédéral comme le projet de loi sur les espèces en voie de disparition est important parce qu'il attire l'attention sur les espèces elles-mêmes. Même s'il est absolument nécessaire d'assurer la protection de l'habitat, les deux choses marchent ensemble. Il est important de mettre l'accent sur les espèces, notamment en ce qui concerne les populations génétiquement distinctes. Je suis donc entièrement d'accord avec ce que vous avez dit.

Le président suppléant (M. Adams): Monsieur Forseth.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Merci, monsieur le président.

Vous avez défini, pourrait-on dire, ce qui constituera la pomme de discorde, si discorde il y a. C'est l'habitat, l'habitat essentiel, ou quel que soit le nom qu'on lui donne.

Nous savons que la désignation de l'habitat qui va être protégé dans le cadre d'un plan de rétablissement est essentiellement une décision de zonage. Nous savons qu'essentiellement, les municipalités s'occupent, par le biais d'audiences publiques, de déterminer l'utilisation des terres - le zonage de tel ou tel terrain.

Ainsi, il est interdit d'installer, dans un quartier résidentiel, une fabrique de bardeau, ou une station-service à certains endroits. Il y a des zones commerciales, industrielles, résidentielles; et d'autres réservées aux maisons unifamiliales. La collectivité désigne les différentes zones qui détermineront la forme de son territoire, en grande partie pour protéger certains intérêts économiques, mais en cherchant aussi à préserver certaines valeurs sociales. On ne veut pas, par exemple, d'une cimenterie dans un quartier résidentiel. Par conséquent, le rôle des municipalités est de prendre des décisions de zonage, et les règles qui s'appliquent à ces différentes zones sont très claires.

Nous savons maintenant que le texte législatif fédéral qui nous occupe peut avoir pour effet de rezoner, par le biais d'un décret fédéral ou provincial, un terrain dont quelqu'un est propriétaire. Je veux savoir comment fonctionne la législation provinciale au Nouveau-Brunswick. Si un terrain est désigné comme étant l'habitat d'une espèce, cela peut immédiatement et automatiquement le dévaluer.

Essentiellement, il s'agit d'une modification du zonage car cela restreint l'usage que l'on peut faire du terrain en question. Le propriétaire n'est plus libre de le diviser en lotissements; et les activités économiques auxquelles il peut être réservé sont limitées. Cela affecte énormément la valeur de ce terrain, que l'on envisage de le revendre ou de l'utiliser d'une façon ou d'une autre - par exemple, pour y construire un immeuble ou quelque chose.

J'ai pris l'exemple d'un terrain industriel. On développe en général un parc industriel par étape. Disons que le propriétaire a prévu de développer son parc industriel en trois étapes; et que la première et la deuxième sont déjà achevées. Le contexte économique est favorable au lancement de la troisième étape. Donc, cette personne dispose d'un grand terrain qui n'est pas encore développé.

Or, voici qu'une espèce en voie de disparition fait l'objet d'une désignation, et que le terrain en question fait partie de son habitat. Il peut s'agir par exemple d'un terrain jouxtant une base militaire. Tout d'un coup, par décret, le propriétaire se retrouve dans l'impossibilité de construire les routes, les égouts et les bâtiments qu'il prévoyait sur cette troisième parcelle de son terrain industriel, parce que c'est maintenant un habitat. Cela se traduit immédiatement par une perte financière.

Je voudrais donc que vous me disiez comment ces modifications de zonage dues à des décrets - ainsi que les dévaluations que cela entraîne - sont prises en compte dans la législation du Nouveau- Brunswick; et comment nous pouvons envisager d'indemniser les propriétaires terriens.

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Il se peut fort bien que cet industriel soit relativement aisé, mais qu'il ait des hypothèques et des investisseurs à satisfaire. Il pourrait décider qu'il n'a pas véritablement besoin de procéder à la troisième étape du développement de son terrain industriel. Il se pourrait aussi qu'il veuille protéger les espèces en voie de disparition; mais il est pris entre l'arbre et l'écorce à cause de ses investissements.

S'il pouvait obtenir quelque part une indemnité quelconque, il serait ravi de participer au plan de rétablissement. Mais nous savons que le gouvernement fédéral ne débloquera aucun fonds après l'adoption de ce texte législatif.

D'où le dilemme. Vous avez indiqué que ce qu'il est capital d'assurer la viabilité de l'habitat. Certaines personnes sous juridiction ontarienne m'ont laissé savoir qu'elles avaient subi des pertes financières. Vous pourriez peut-être nous parler de cet aspect des choses. Comment cela marche-t-il au Nouveau-Brunswick? Comment pouvons-nous résoudre le problème du rezonage par décret?

M. McAlpine: Il est difficile de dire comment cela fonctionne au Nouveau-Brunswick, car la législation n'a pas encore été testée. Elle vient juste d'être modifiée. Auparavant, seul un petit nombre d'espèces étaient couvertes. Il n'y avait qu'une plante. Il n'y a eu qu'une seule condamnation en vertu de l'ancienne législation. Quelqu'un avait tué un aigle à tête blanche. C'est la seule chose qui est arrivée.

La plupart des plantes qui sont maintenant protégées - environ une douzaine - se présentent sous forme de petites populations discrètes dans des endroits situés loin des endroits habités. Habituellement, on les trouve dans un habitat unique, par exemple, une falaise de gypse ou un marais, c'est-à-dire dans des endroits peu susceptibles d'être développés.

C'est un fait établi. Nous avons avancé des arguments très solides pour démontrer que la protection de ces espèces n'affecterait même pas de façon substantielle les coupes à blanc; mais il reste qu'elles doivent être préservées.

Pour ce qui est de l'habitat animal, on ne sait pas très bien ce qui va arriver maintenant qu'il est protégé. Ce n'est que très récemment, au printemps de cette année que des mesures ont été prises pour protéger l'habitat animal. Cela était dû en partie, à un fait que vous avez mentionné: comment fait-on pour protéger l'habitat d'un animal dont le territoire est aussi étendu que celui du couguar de l'Est? Que doit-on faire? Quel est son habitat essentiel? Dans bien des cas, nous ne savons pas très bien ce qu'il en est. À l'heure actuelle, nous ne savons pas précisément comment les choses vont évoluer.

J'aimerais ajouter qu'en ce qui a trait à l'indemnisation, on devrait tenir compte de la responsabilité de la société dans la gérance des espèces et des écosystèmes. Je me rends compte que certaines personnes qui ont investi de l'argent pour acheter des terrains peuvent être déçues de découvrir qu'une espèce rare vit sur leur terre; mais il y en a d'autres à qui une telle découverte ferait plaisir. Je ne suis pas sûr que l'on devrait envisager de verser de grosses indemnités à des gens qui, par hasard, se retrouvent propriétaires de terrains qui abritent un habitat en voie de disparition.

M. Herman: Pourrais-je ajouter quelque chose?

Vous soulevez une question importante. Elle revient fréquemment dans les discussions à tous les niveaux. Cela me rappelle un autre exemple. Vous soulevez essentiellement, le problème qui se pose lorsque quelqu'un se retrouve avec une espèce rare ou en voie de disparition sur un terrain qui lui appartient - sans être aucunement responsable de la situation. Pourquoi devrait- on s'attendre à ce que cette personne assume les coûts que représente la protection de cette espèce? Il s'agit d'une question de répartition des coûts.

Le même problème se pose, à une plus grande échelle, en Amérique centrale, comme j'ai pu le constater lorsque j'ai passé une année au Costa Rica, un petit pays où l'on retrouve un énorme pourcentage de la biodiversité mondiale sur un territoire réduit. Il y a dans ce pays plus d'espèces de papillons que dans toute l'Afrique, et pourtant, c'est un pays qui est plus petit que la plupart des provinces canadiennes.

La question qui se pose est la suivante: Pourquoi devrait-on s'attendre à ce que les Costariciens se chargent seuls de préserver cette biodiversité? C'est par un hasard de l'histoire qu'ils se retrouvent dans une région dont la biodiversité est très riche. Néanmoins, le monde entier s'attend à ce qu'ils la préservent. Eh bien, si c'est ce à quoi le monde s'attend, il va falloir qu'ils partagent certains des coûts.

C'est exactement la façon dont les choses se passent sur la scène internationale; et cela fonctionne.

Pas toujours très bien sans doute, mais je pense qu'il faut envisager le problème qui se pose à l'échelle nationale de la même façon. Selon moi, on a là un argument de poids qui démontre que, pour cette raison, il faut une loi fédérale draconienne. Une des choses à faire, c'est partager les coûts entre tous ceux qui bénéficient de cette biodiversité.

Donc, en réalité, cela s'applique à la biodiversité canadienne. Les Canadiens devraient en assumer le coût, puisqu'ils en profitent. Le coût ne devrait pas être imposé en totalité à un seul propriétaire terrien. C'est mon avis.

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Il y a des façons de parvenir à cela. Don a laissé entendre que la protection des espèces en voie de disparition entraîne des coûts, mais qu'elle présente également des avantages. En Nouvelle- Écosse, par exemple, nous constatons l'émergence d'une industrie du tourisme écologique axée sur les espèces en péril. Ainsi, l'observation des baleines, ou les circuits touristiques en milieu naturel, sont des activités qui y ont connu une croissance exponentielle au cours des dix dernières années.

Je suis prêt à soutenir que le tourisme est maintenant devenu plus important en Nouvelle-Écosse que la pêche ou la foresterie - pour le moins que ce sera le cas au cours des dix prochaines années. Le secteur touristique qui se développe le plus rapidement est celui de l'écotourisme. Par conséquent, les espèces en voie de disparition peuvent s'avérer une source de financement dans certaines régions, si on s'en occupe de façon adéquate. Mais je pense que vous avez soulevé une question importante.

Vous avez également parlé de la collectivité, et c'est une question que je n'ai pas abordée dans mes remarques préliminaires. En réalité, une des choses qui me préoccupent dans le projet de loi - et je ne sais pas comment on pourrait intégrer cet élément - c'est qu'il n'y a vraiment aucun incitatif qui favoriserait la participation ou la collaboration des collectivités. Évidemment, c'est un des risques inhérents à un projet de loi fédéral, car la participation communautaire vient de la base, c'est-à-dire qu'elle part d'une direction opposée.

Lorsqu'il est question de protéger les espèces en voie de disparition, la participation des collectivités est capitale, car c'est la seule façon d'amener la population à souscrire au principe de la conservation de la biodiversité. C'est également la seule façon de trouver les moyens financiers de le faire - car il revient tout simplement trop cher de payer quelqu'un pour protéger toute cette biodiversité. Il va falloir que cela soit fait, dans une certaine mesure, par la population elle-même.

Il est essentiel d'obtenir la collaboration des collectivités, et une des façons d'y parvenir est, ironiquement, d'avoir un projet de loi fédéral draconien, qui prévoit un mécanisme de financement ou de ventilation des coûts générés par la protection de la biodiversité, de manière que ces coûts ne retombent pas sur une seule personne, ni sur une seule collectivité.

M. McAlpine: Puis-je ajouter quelque chose?

Au cours des deux ou trois dernières années, on a assisté au développement, au Nouveau-Brunswick, d'un organisme qui s'appelle le Nature Trust of New Brunswick. Il s'est chargé de la gestion de propriétés où l'on retrouve des habitats importants - dans bien des cas, des habitats qui abritent des espèces rares en voie de disparition - et il assume cette fonction, en quelque sorte, au nom de la population. C'est un organisme légalement constitué qui a pu, parfois, délivrer des reçus pour fins d'impôt aux propriétaires.

Beaucoup de ces propriétés ont été léguées au Trust qui ne dispose pas de capitaux propres. L'organisme a en outre mis sur pied un réseau de gérants locaux, ce qui nous ramène aux propos de Tom sur la participation de la population locale. Ces gens-là sont généralement très fiers d'avoir ces propriétés sous leur responsabilité; des propriétés qui se trouvent sur le territoire de leur collectivité. Cela fonctionne très bien. De fait, c'est à cause de l'inaction du gouvernement provincial et de l'inefficacité de sa loi sur les réserves écologiques que ce groupe populaire est né - et les résultats sont très positifs.

M. Forseth: Est-ce que cette association a été formée par des bénévoles?

M. McAlpine: Oui, elle a été formée par des bénévoles.

M. Forseth: Mais est-ce sous l'impulsion du gouvernement que le projet a été lancé à l'origine?

M. McAlpine: Non. Il s'agit véritablement d'un organisme populaire. On a pris comme modèle le National Nature Conservancy, un groupe formé aux États-Unis.

Le Trust a également établi des liens avec plusieurs compagnies forestières. Par exemple, un marais où l'on trouve un grand nombre d'orchidées a pu être protégé grâce à un bail à long terme entre l'organisme et la compagnie forestière, dans le cadre d'un accord prévoyant la préservation de ce lieu à perpétuité. Cela s'est avéré très positif. Au cours des cinq ou six dernières années, le Trust a assumé la charge d'un assez grand nombre de propriétés - six ou sept, peut-être.

M. Forseth: Merci.

Le président: C'est maintenant au tour de Mme Jennings qui sera suivie de M. Steckle, de M. Taylor et de M. Knutson.

Mme Jennings (Mission - Coquitlam): Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, je tiens à remercier M. Herman et M. McAlpine des exposés qu'ils ont faits. J'aimerais faire deux ou trois observations.

Tout d'abord, monsieur Herman, vous évoquez dans votre exposé un besoin de fonds. Je crains fort qu'il vous faudra faire avec un financement limité pendant encore quelque temps, car la réalité - et il semble que ce soit quelque chose dont beaucoup de parlementaires n'aiment pas parler - c'est que nous faisons face à de sérieuses difficultés financières dans ce pays.

.0930

Je suis heureuse de vous entendre tous deux dire qu'il faut faire appel à des bénévoles, car nous sommes aujourd'hui dans une position telle que la contribution des bénévoles est essentielle partout. Je ne pense pas qu'avec une dette de 600 milliards de dollars, il soit possible de dire que nous avons de l'argent à dépenser. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas prendre très au sérieux les préoccupations dont vous faites état. Nous nous en occupons.

Monsieur McAlpine, vous avez parlé des bénévoles et du mouvement de participation communautaire qui prend racine dans les collectivités. Dans celle où j'habite, il existe un groupe appelé ARM - l'Alouette River Management Society - qui a été entièrement mis sur pied par les résidents, et qui est né parce que notre gouvernement, en Colombie-Britannique, ainsi que notre compagnie d'électricité, B.C. Hydro, ont pratiquement détruit une rivière dans ma circonscription. Si les gens du lieu n'avaient pas eux- mêmes restauré la rivière Alouette et fait en sorte qu'on y trouve à nouveau du saumon, nous serions dans une situation déplorable.

Je n'appuierais jamais assez les efforts consentis par la population, car les gens se montrent toujours à la hauteur quand la situation l'exige. Il y a ici de nombreux députés qui sont également très inquiets de ce qui se passe dans leurs localités.

Telles sont mes réserves, monsieur Herman. Je comprends que l'argent puisse être très utile, mais la sensibilisation et l'éducation de la population sont déjà chose faite. On peut compter sur la participation des collectivités.

C'est aussi vous, monsieur Herman, qui avez parlé de financer l'écotourisme. Il faut faire attention avec l'écotourisme. Sur la côte Ouest, nous nous rendons compte que les kayaks s'approchent de beaucoup trop près des colonies de phoques. Les phoques en ont peur, vous le savez sans doute, parce que tout ce qu'ils voient c'est cette forme sur l'eau qui, pour eux, signifie danger, signalant peut-être la présence d'un requin dans les parages. Ce genre de chose existe. Même si l'écotourisme est en pleine expansion et s'il est merveilleux que les gens apprécient ce genre d'activité, je pense qu'il faut, là aussi, se montrer prudent.

Monsieur Herman, vous avez parlé de confisquer des spécimens vivants. Vous avez demandé que l'on prenne des dispositions à cet égard, et vous avez mentionné la Suède. Pourriez-vous me dire brièvement ce qui s'est passé en Suède. Je regrette, mais je ne suis pas au courant. Selon vous, que devrions-nous faire des spécimens vivants que nous confisquons?

Monsieur McAlpine, lorsque vous parlez des sommes investies dans des terrains, rappelez-vous, je vous en prie, que ces terrains représentent souvent le gagne-pain de leurs propriétaires. La propriété privée a beaucoup d'importance pour des gens qui essaient de gagner leur vie - et de s'en tirer, comme nous tous.

Alors, comment envisagez-vous assurer la protection des habitats sur des terrains privés? Si vous êtes propriétaire d'un ranch, allez-vous laisser de côté deux grandes parcelles de terrain que vous n'utiliserez pas pour y faire paître vos bestiaux? Ou bien envisagez-vous une collaboration? Rappelez-vous que beaucoup de propriétaires - nos agriculteurs et nos exploitants de ranches - respectent déjà les espèces qu'ils trouvent sur leurs terres. Il est très rare que ces gens-là nuisent aux espèces en voie de disparition et les détruisent. Merci.

M. Herman: Oui, les groupes qui cherchent à protéger les rivières se multiplient à travers le pays. C'est réconfortant. Il y en a aussi dans notre région. Voilà l'exemple parfait de la façon dont nous devrions nous occuper des paysages naturels, parce qu'ils se développent autour d'un bassin hydrographique; c'est la façon dont les choses se passent avec les paysages naturels; dont les organismes fonctionnent.

Avant que j'oublie, l'incident qui s'est passé en Suède et auquel je faisais allusion concernait une importante cargaison de tortues - une espèce exotique en Suède - qui avait été importée illégalement et confisquée. En conséquence, certaines tortues étaient plutôt mal en point. Le problème qui se posait était un véritable casse-tête chinois. Personne ne savait exactement qui détenait les compétences pour agir, et personne ne voulait faire quoi que ce soit, et en être tenu responsable. Il y a eu une dispute entre ministères au sujet des compétences, apparemment, le ministère de l'Agriculture a saisi les tortues.

Au bout du compte, pour minimiser le débat que cette situation avait suscité, ils détruisirent les tortues, ce qui est malheureux, car beaucoup d'entre elles auraient pu être soignées et renvoyées dans leur pays d'origine au centre de l'Asie - et tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais cela a suscité un débat sur les compétences; il n'y avait pas de processus en place qui aurait permis de régler le problème. Il est toujours important, je pense, d'être prêt à faire face à ce genre d'incident.

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Je partage vos préoccupations au sujet des limites de l'écotourisme; c'est indubitable. Nous voyons apparaître sur la côte Est les mêmes problèmes que ceux que vous décrivez. Il serait d'autant plus utile de disposer d'un texte législatif à ce propos, et de pouvoir lancer des programmes de sensibilisation du public sur la façon dont il faut s'y prendre pour parvenir à un écotourisme durable. Nous avons besoin d'une législation agissante afin de protéger ces phoques et ces baleines de tout ce qui peut les déranger.

L'exemple que vous avez cité est intéressant parce que l'on voit qu'une activité peut déranger une espèce, et c'est une notion que l'on ne retrouve pas dans le projet de loi. C'est le seul élément qui manque à l'article pertinent. Et c'est vraiment le genre de menace qui est probablement, au niveau des populations, beaucoup plus importante. Si des centaines de kayak circulent à proximité de ces colonies de phoques, même si personne ne les harcèle physiquement, - et c'est la dernière chose que les visiteurs veulent faire parce que s'ils sont là, c'est pour observer les phoques - par inadvertance, les visiteurs dérangent la colonie. Je ne pense pas que les activités qui dérangent les espèces soient adéquatement couvertes dans cette version du projet de loi.

Don, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. McAlpine: J'ai des observations à faire à propos d'une ou deux sujets que vous avez abordés.

Je suis frappé par le fait que l'éducation du public va être un des éléments les plus importants de ce projet de loi. J'ai parlé plus tôt du rôle de gérant que joue la société. Je sais fort bien que la mise en oeuvre de ce projet de loi ne va pas être accompagnée d'un financement important. C'est la raison pour laquelle j'ai suggéré, lorsqu'on a parlé tout à l'heure d'indemniser les propriétaires, que même si nous voulions partager les coûts, il ne faudrait pas s'imaginer que soudainement, nous soyons obligés de verser de grosses sommes à des propriétaires en échange de leurs terres. Du point de vue pratique, c'est irréaliste. C'est la raison pour laquelle, selon moi, l'éducation du public a tant d'importance; et cela a très bien marché au Nouveau-Brunswick.

Il se trouve que bien de ces espèces rares ou en voie de disparition ont également un habitat rare et en voie de disparition. Il ne s'agit pas d'habitats recouvrant de grandes superficies. Peut-être est-ce un lac, un marais, le versant d'une falaise; et souvent, ces habitats n'ont même pas une grande valeur économique. Si l'on explique aux gens l'importance de ces habitats pour les espèces qui y vivent, ils se montrent le plus souvent disposés à s'en occuper et à jouer le rôle d'intendant. Ils sont même parfois très fiers d'abriter tel ou tel animal, ou telle ou telle plante sur leurs terres.

Dans le cas des autres espèces dont le territoire est plus étendu - comme le couguar de l'Est que l'on trouve au Nouveau- Brunswick - il est très difficile de définir son habitat essentiel. Ces animaux ont besoin d'espace ouvert où ils ne risquent pas d'être dérangés; il est toutefois probablement plus important que ces espaces soient reliés d'une façon ou d'une autre, de façon à ce que l'habitat ne soit pas trop fragmenté. Souvent, on règle ce genre de problème en limitant la taille des coupes à blanc et en laissant des corridors que les animaux peuvent emprunter pour circuler d'un territoire à l'autre.

On ne fera certainement pas l'économie de conflits entre, d'une part certains écologistes et les gens concernés par la protection des espèces en voie de disparition et, d'autre part, certains propriétaires. Toutefois, en pratique, il y en aura peu selon moi. Dans bien des cas, on pourra probablement régler ces problèmes en faisant tout simplement des compromis.

Cependant, de mon point de vue, éduquer le public, en général, et inciter la population à se charger de la gestion de ces ressources sont les deux éléments d'importance critique pour assurer que le projet de loi ait des effets positifs.

M. Herman: Permettez-moi d'ajouter quelque chose: je me rends bien compte que les fonds sont limités. Rappelez-vous, nous venons tous les deux des Maritimes. Toutefois, en ce qui a trait, par exemple, aux frais encourus pour préparer les rapports du COSEPAC, je ne pense pas qu'il soit irréaliste de s'attendre à ce que l'on débloque un peu plus d'argent. Si l'on considère ce que nous réussissons à obtenir actuellement en échange de ce qui est, à mes yeux, une modique somme, je ne pense pas qu'il soit déraisonnable d'envisager la possibilité de réserver un peu plus d'argent pour la préparation de ces rapports d'autant plus qu'on leur accordera une plus grande importance juridique. Il faut qu'ils soient défendables; il faut qu'ils soient préparés minutieusement, et dans les formes, par des spécialistes.

Il faut des semaines pour préparer un rapport du COSEPAC, et verser des honoraires de 1 000 $ à quelqu'un qui a consacré des semaines à le faire... Il faut se montrer réaliste.

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Je ne prétends pas que ce projet de loi devrait entraîner des coûts exorbitants. Je ne parle pas d'allouer d'énormes sommes; mais il faut reconnaître que si l'on veut que ce projet de loi ait les effets escomptés, il y aura des coûts supplémentaires.

Je l'ai souligné dans mon exposé, si tout l'argent disponible est consacré à l'application de la loi, cette mesure est rétrograde. Si au contraire il sert à développer notre base de données afin d'en savoir davantage sur les espèces en voie de disparition et sur les moyens de les protéger - quelles sont les espèces qui sont menacées de disparition, et quels sont les meilleurs moyens que l'on peut employer pour les protéger - et s'il sert aussi à faire participer les collectivités à la découverte d'une solution, alors, ce projet de loi sera progressiste; et nous aurons fait un grand pas en avant. Comme vous l'avez fait remarquer, il est possible de faire beaucoup plus en s'appuyant sur des organismes de bienfaisance qu'en se passant de leur concours. Nous n'atteindrons pas nos objectifs sans leur collaboration.

Le président suppléant (M. Adams): Mes chers collègues, nous devrions essayer d'avancer un peu plus vite. C'est maintenant, dans l'ordre, à M. Steckle, à M. Taylor, à M. Knutson et au président de prendre la parole.

M. Steckle (Huron - Bruce): Messieurs, vous avez fait ce matin quelques observations intéressantes. M. Forseth m'a volé quelques idées, Mme Jennings a fait la même chose; et M. Asselin a fait allusion à plusieurs initiatives qui ont entraîné le genre de difficultés auxquelles nous faisons face aujourd'hui.

S'il y a une conclusion à tirer des divers arguments et opinions qui ont été présentés ce matin, c'est que nous avons certainement besoin d'un programme éducatif de premier ordre.

Mme Jennings a indiqué qu'au sein de la collectivité à laquelle elle appartient - comme dans toute collectivité - il y a des groupes de bénévoles qui s'occupent avec beaucoup de zèle d'une chose ou d'une autre.

À propos des diverses espèces qui sont en péril aujourd'hui, je suis certain que la population serait disposée à considérer que la protection de l'aigle à tête blanche, de la pie-grièche migratrice ou peut-être du faucon pèlerin est plus importante que la préservation d'une espèce de moustique que l'on trouve dans certains marais ou marécages. Encore une fois, cela dépend de la perspective adoptée par la personne qui présente les arguments.

La semaine dernière, j'ai eu l'occasion de rencontrer une dame qui est venue me parler de la situation dans laquelle elle se trouve. Son hypothèque est arrivée à échéance alors qu'elle ne s'y attendait pas, et il y a eu saisie parce que son terrain abritait un habitat naturel de la pie-grièche migratrice. Elle ignorait cela lorsqu'elle a acheté le terrain, mais étant donné que pour le détenteur de l'hypothèque, il y avait maintenant une menace qui pesait sur cette propriété, il a décidé qu'il ferait mieux de récupérer son argent. Cette dame s'est retrouvée dans une position extrêmement difficile, et confrontée à des problèmes financiers.

On voit donc que ce genre de chose commence déjà à se produire. La menace que cela laisse planer pour l'avenir - quand on pense aux coûts et aux problèmes d'argent qui se poseront pour faire face à ce genre de contestation - est incommensurable. Je trouve cette situation très inquiétante.

À mon avis, c'est sans doute principalement pour cette raison que l'on a accordé si peu d'attention dans ce projet de loi - et c'est une remarque que nous font tous les gens qui comparaissent - à la question de la protection de l'habitat.

D'une façon ou d'une autre, il faut faire participer la population. À moins d'éduquer des bénévoles et qu'ils deviennent nos partenaires dans l'élaboration de la législation, je ne pense pas que cela marchera; tout simplement parce que le gouvernement ne peut même pas imaginer les problèmes et les coûts auxquels il va devoir faire face suite aux éventuelles contestations.

Je suis convaincu qu'il est nécessaire d'éduquer la population et d'oeuvrer de concert avec ces groupes de bénévoles.

M. Herman: Ce n'est pas moi qui vais contester l'importance de l'éducation. Si l'on pouvait seulement apprendre aux tortues à faire ce qu'il faut pour...

Le président suppléant (M. Adams): Si l'on pouvait leur apprendre le bonneteau.

Des voix: Oh, oh!

M. Herman: Ce qu'il y a de bien avec les tortues, c'est qu'elles arrivent au but éventuellement, à moins qu'elles n'essaient de traverser la route.

.0945

Vous avez tout à fait raison de dire que l'éducation est au coeur de toute solution. Vous avez également raison lorsque vous dites que nous avons certains préjugés. C'est vraiment un défi sur le plan éducatif de convaincre quelqu'un qu'un moustique, qui se trouve dans un marécage, est aussi important que la pie-grièche migratrice qui s'est posée dans le jardin du voisin.

Vous soulevez un point important lorsque vous parlez des marécages. Il est d'usage de considérer les marécages comme des terrains vagues. J'étais justement dans un marécage la semaine dernière avec l'un de mes étudiants de troisième cycle qui a choisit cet endroit pour effectuer une étude qui dure maintenant depuis trois ans. Nous avons été très surpris de constater que l'exploitation agricole qui se trouve à côté avait déversé dans le marécage une quantité substantielle de déchets solides. C'est juste un petit marécage; cela n'a rien d'extraordinaire, comme on dit, sauf que sur quelques hectares, on peut trouver dans un marécage environ 50 p. 100 des espèces de mammifères qui habitent la province de la Nouvelle-Écosse.

La plupart des habitants de la Nouvelle-Écosse a) ne sont absolument pas au courant et, b) - je suis au regret d'avoir à le dire - s'en moquent probablement complètement. Tel est notre défi: les informer et les sensibiliser. Bien entendu, la plupart de ces mammifères n'appartiennent pas aux grandes espèces charismatiques. La plupart sont des musaraignes et des rongeurs. Cela pose donc certainement un défi.

Le cas de votre électrice dont l'hypothèque est échue nous donne un exemple du problème susceptible de survenir lorsqu'on envisage une situation en termes d'individu, et non de population. Il y a parfois conflit entre les deux. Nous sommes concernés par le sort réservé à cet individu; mais nous devons l'être également par ce qui arrive à toute la population de ces pies-grièches. Les solutions et les approches que l'on peut adopter pour résoudre les problèmes en se plaçant dans la perspective de la population toute entière sont parfois différentes de celles que l'on envisage si l'on considère uniquement l'individu. Ce genre de difficulté peut être résolue par l'éducation.

En bout de ligne, évidemment, votre électrice aurait dû obtenir un taux plus intéressant pour son hypothèque. Si quelqu'un avait réalisé la véritable valeur d'un terrain qui abrite des pies- grièches migratrices, la demande aurait été plus forte; et votre électrice ne se serait pas retrouvée devant de telles difficultés.

Le président suppléant (M. Adams): Monsieur McAlpine.

M. McAlpine: Je conviens que l'éducation est la clef de tout. C'est la raison pour laquelle il est important que l'accord provincial... que ces mesures puissent être appliquées sans difficulté, car c'est au niveau provincial que les ministères prendront les dispositions pour établir des partenariats avec des groupes locaux. À bien des égards, c'est au plan de l'éducation que la législation fédérale peut avoir l'effet le plus utile, en sensibilisant les gens à la nécessité de protéger non seulement certaines espèces, mais des groupes entiers d'espèces - ainsi que des habitats.

Le président suppléant (M. Adams): Monsieur Taylor.

M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): J'ai deux questions. Je les poserai l'une à la suite de l'autre, pour gagner du temps.

La première porte principalement sur les remarques préliminaires de M. McAlpine. Cependant, M. Herman, tout comme M. McAlpine, ont indiqué que le ministre devrait être tenu de respecter les décisions du COSEPAC. Je reconnais que le COSEPAC devrait être l'autorité suprême en matière de désignation. M. McAlpine a toutefois mentionné que cela pourrait ne pas se révéler pratique et que, par conséquent, le processus devrait être plus ouvert.

Je me demande ce qu'il veut dire par «plus ouvert». Je pense au lobbying auquel il a fait allusion. Si l'on adoptait cette recommandation, est-ce que les membres du COSEPAC pourraient faire l'objet de pressions? Ou bien, est-ce que tout simplement, les décisions du COSEPAC pourraient être remises en question, et faire l'objet d'un débat politique après avoir été rendues, le cas échéant? Qu'entend-il par «ouvert»? Et en l'occurrence, pour M. Herman qui est membre du COSEPAC, s'agit-il d'un processus réaliste?

Ma deuxième question porte sur l'habitat et sur la possibilité d'établir un inventaire des habitats. Est-ce que l'on pourrait envisager de compulser les listes des espèces désignées comme étant en voie de disparition ou en péril et, à partir de ces listes, établir un inventaire des habitats, de façon à ce que les problèmes de propriété privée et autres qui ont été évoqués puissent être traités au préalable, en consultant l'inventaire des habitats des espèces en voie de disparition désignées?

.0950

M. McAlpine: Je ne pense pas que le ministre devrait être tenu de respecter les décisions du COSEPAC. Je ne crois pas que ce soit une approche pratique. Je sais que certains ont fait valoir que ce devrait être le cas, mais je crois savoir que les ministres sont très rarement tenus de prendre en compte les avis que leur fournissent les comités consultatifs.

Toutefois, ce que je veux dire quand je parle de «processus ouvert», c'est que si le ministre décide de ne pas accepter les décisions rendues par le COSEPAC - ces décisions devraient être fondées sur des données scientifiques solides, et nous partons du principe qu'elles le seront - il devrait exister un mécanisme permettant de savoir pourquoi ces décisions ont été rejetées. Selon les dispositions prévues, les décisions rendues par le COSEPAC sont complètement transparentes. Toutes les informations, tous les rapports du COSEPAC, ainsi que les décisions qui se fondent sur ces rapports font partie d'un registre public. Il sera obligatoire de faire figurer tout cela dans un registre public.

Par conséquent, si quelqu'un veut savoir comment on en est arrivé à telle ou telle décision, c'est possible. Toutefois, si cette même personne veut savoir pourquoi le ministre a rejeté la décision du COSEPAC ou, le cas échéant, pourquoi il l'a acceptée, c'est le type d'information qu'il n'est pas obligatoire de verser au registre public. Il est impossible de savoir pour quel motif la décision a été prise. C'est ce que je voulais dire quand j'ai parlé de processus manquant de transparence.

Il est très important qu'il soit ouvert, non seulement parce que cela a trait à des cas particuliers, mais également parce que cela établit un précédent. Un ministre peut décider que l'espèce A va être protégée à titre d'espèce en péril pour une raison particulière. Quand arrive le tour de l'espèce suivante, l'espèce B, le ministre peut décider que, pour une autre raison, cette espèce ne sera pas protégée. Il peut y avoir une contradiction entre les raisons invoquées dans l'un et l'autre cas. J'estime qu'il est important de pouvoir en discuter; de disposer d'un mécanisme permettant d'examiner la question. Je ne dis pas que le ministre devrait être tenu de respecter les décisions du COSEPAC. Je ne crois pas que c'est cela qui va se passer.

Le président suppléant (M. Adams): Monsieur Herman.

M. Herman: Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire lorsque vous demandez si ce processus est pratique. Voulez- vous dire est-ce pratique du point de vue du COSEPAC que le ministre soit tenu de respecter ces décisions?

M. Taylor: Ce que je veux dire, c'est que dans le cadre du processus menant à l'inscription d'espèces en péril sur une liste, le COSEPAC devrait avoir la possibilité de fonctionner en toute indépendance - et en toute transparence - et que sa décision devrait être finale. Un point c'est tout.

M. Herman: Je crois qu'il en est ainsi. Les décisions du COSEPAC se fondent sur des données scientifiques solides; il est toutefois impossible bien sûr de prendre une décision objective sur quoi que ce soit. Les scientifiques aiment prétendre qu'ils sont totalement objectifs, mais ils ont tous des préjugés.

Les décisions rendues jusqu'ici par le COSEPAC ont été relativement impartiales. Le comité a été aussi objectif que possible. Cela place une grande responsabilité sur les épaules des membres du COSEPAC; c'est normal. Les gens qui font partie de l'organisme prennent déjà leurs responsabilités très au sérieux. Ce serait certainement conforme à la tradition. Don a peut-être raison lorsqu'il prétend que ce n'est pas réaliste politiquement parlant; mais en ce qui concerne le COSEPAC, c'est tout à fait possible.

Le président suppléant (M. Adams): Messieurs, il faut absolument que nous avancions.

M. McAlpine: Oui, j'aimerais juste faire une observation. Ce qui me préoccupe, c'est que si le COSEPAC prend la décision finale, ses membres vont faire l'objet d'un lobbying intense. Je crois savoir que déjà à l'heure actuelle, des pressions sont exercées. Par exemple, dans le cas de l'ours polaire, des groupes autochtones ont fait du lobbying auprès des membres du COSEPAC.

Il me paraît beaucoup plus judicieux que ce soit le ministre qui prenne la décision finale, parce que le lobbying est chose courante à ce niveau. Si tout le processus est ouvert et transparent, il peut être beaucoup plus facile de faire face à ce genre de chose. Il me semble que les membres du COSEPAC seront beaucoup plus à même de prendre des décisions que nous espérons impartiales si, en réalité, ils n'ont à s'occuper que du côté scientifique de l'affaire; sans avoir à se préoccuper des lobbyistes. À mon avis, ils feront l'objet de pressions s'ils prennent la décision finale.

Une voix: Les inventaires.

Le président suppléant (M. Adams): Oui. Monsieur Herman.

.0955

M. Herman: Je trouve qu'établir un inventaire des habitats est une bonne idée. Il faut que cela s'accompagne d'un programme éducatif à l'intention de la population. C'est probablement le meilleur moyen d'aller se renseigner sans déranger ni menacer quelque espèce que ce soit. Par conséquent, je suis pour.

M. McAlpine: De fait, on effectue en ce moment de nombreux inventaires au niveau fédéral et provincial.

Le président suppléant (M. Adams): Monsieur Knutson.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Les questions que je voulais poser l'ont déjà été. Je passe.

Le président suppléant (M. Adams): Alors, si vous le permettez, mesdames et messieurs, j'aimerais supprimer la deuxième série de questions. Nous avons été relativement généreux en ce qui concerne le temps de parole alloué, et nous avons assez bien fait le tour des membres du comité.

Monsieur Herman, c'est vous, je crois, qui avez mentionné que l'on ne peut même pas définir les espèces comme il se doit. Je ne veux pas que vous entriez dans les détails, mais puisque nous parlons d'établir un inventaire des habitats, certains témoins ont suggéré qu'il serait bon d'inclure dans la législation une définition de «habitat». D'autres ont présenté des arguments contradictoires et prétendu qu'en fait, il ne serait pas utile d'inclure une telle définition dans le projet de loi. J'aimerais connaître vos commentaires à ce sujet.

Deuxièmement, en ce qui concerne les interdictions stipulées dans le projet de loi, l'emploi du mot «prendre» au paragraphe 31(1) et à l'alinéa 33a) est discuté parce qu'il est utilisé avec des mots comme «tuer, nuire, harceler, capturer», etc. On a fait valoir que le mot «prendre» a un sens très large et que son emploi a été source de problèmes aux États-Unis.

Donc, j'ai deux questions. Premièrement, devrions-nous inclure dans la loi une définition d'habitat? Deuxièmement, avez-vous des observations à faire sur l'emploi du mot «prendre» au paragraphe 31(1) et à l'alinéa 33a)?

M. Herman: Pour répondre à votre question concernant l'inclusion d'une définition d'habitat dans la législation, si vous la rendez plus agissante en ce qui a trait à l'habitat, je pense que légalement, il est essentiel de définir ce que l'on entend par habitat. C'est certainement un des mots qui revient le plus fréquemment dans le projet de loi tel qu'il est énoncé actuellement. Qui va établir la définition et comment cette notion va-t-elle être définie, ça, c'est un autre problème.

Je ne vois pas pourquoi on ne voudrait pas qu'il y ait une définition dans la législation. Il se peut que cette définition ne fasse pas l'unanimité, mais je considère essentiel de définir l'habitat, surtout si l'on doit lui accorder une protection légale. Comment protéger légalement quelque chose si vous ne savez pas ce dont il s'agit?

Je n'ai pas buté sur le mot «prendre». Je suis habitué à voir ce mot utilisé avec différents sens. Au Royaume-Uni, cela veut dire une chose; aux États-Unis, c'est une autre. Je ne sais pas quel est le sens du mot dans ce projet de loi. Peut-être pourriez-vous me le dire.

Le président suppléant (M. Adams): Encore une fois, ce n'est pas moi qui ai rédigé le texte, mais l'idée est que ramasser...

M. Herman: Est-ce que ramasser ne veut pas dire saisir pour...

Le président suppléant (M. Adams): L'idée, c'est que prendre a un sens beaucoup plus large que, par exemple, ramasser.

M. Herman: Oui, exactement. Pour moi, ramasser est plus précis que prendre. Prendre recouvre ramasser des spécimens vivants et morts, chasser, capturer des animaux, s'en saisir pour les vendre comme animaux familiers. Peut-être serait-il judicieux de préciser ce que prendre veut dire, dans quel but ce mot a été employé.

Le président suppléant (M. Adams): Monsieur McAlpine.

M. McAlpine: Je suis certainement d'avis qu'il serait utile d'inclure une définition du mot «habitat», mais il va falloir que cette définition soit relativement large. Dans un certain sens, nous savons tous intuitivement ce qu'est l'habitat d'un animal ou d'une plante. Je pense que vous allez avoir du mal à fournir une définition qui aille au-delà de ce qui est pour nous tous, intuitivement, l'endroit où un animal vit ou...

Le président suppléant (M. Adams): C'est un début. Je me demandais si, maintenant ou plus tard, vous accepteriez de tenter d'élaborer une définition et de me transmettre les résultats de cette tentative.

M. McAlpine: Avant que j'essaie de répondre à cela, je rappellerais que l'on parle également dans le projet de loi d'habitat essentiel. Je ne sais pas si quelqu'un vous l'a déjà fait remarquer, mais si vous décidez de définir ce que l'on entend par habitat, il va falloir que vous définissiez également ce que l'on entend par habitat essentiel.

Le président suppléant (M. Adams): C'est exact.

M. McAlpine: C'est probablement plus facile de définir habitat essentiel que de définir habitat.

Le président suppléant (M. Adams): Voulez-vous essayer de nous donner dès maintenant une définition?

M. McAlpine: C'est l'habitat requis par une plante ou un animal pour compléter son cycle de vie...

Le président suppléant (M. Adams): Je le répète, si dans les jours qui viennent, vous-mêmes ou vos collègues avez des idées à ce propos, nous vous serions reconnaissants de nous transmettre une définition d'habitat et d'habitat essentiel.

.1000

M. McAlpine: Je suis sûr que l'on trouve des définitions du mot «habitat» dans divers documents portant sur la biologie de la conservation. Il y a probablement des définitions établies. Je suis sûr, aussi, qu'elles vont être très vagues.

À l'heure actuelle, on se concentre surtout sur ce que nous appelons les espèces «charismatiques» comme les plus gros mammifères, les oiseaux et certains groupes de plantes, mais au fil des années, on va s'intéresser de plus en plus à de très petits groupes, comme les moustiques que l'on trouve dans les marais. La façon dont nous définissons leur habitat spécifique peut être très différente de la façon dont nous définissons l'habitat des plus grosses espèces. Prenez, par exemple, les parasites des grenouilles: ils ont un habitat bien particulier.

Le président suppléant (M. Adams): J'imagine, en effet. Naturellement, vous avez sur nous tous une longueur d'avance.

Des voix: Oh, oh!

Le président suppléant (M. Adams): Poursuivons. Monsieur McAlpine, avez-vous des observations à faire sur le mot «prendre»?

Excusez-moi, mais je pense que ce que nous entendons, c'est la sonnerie qui annonce l'ouverture de la Chambre dans 30 minutes.

Messieurs, je pense que la seule chose qu'il me reste à faire c'est vous remercier d'être intervenus. Nous avons beaucoup apprécié vos exposés ainsi que vos commentaires. Nous vous remercions d'être venus.

Mes chers collègues, avant d'appeler d'autres témoins, nous devrions parler de ce que nous allons faire. Je crois comprendre qu'il y a un vote à 11 h 30.

[Français]

M. Asselin: Je n'ai averti personne que je n'irais pas voter. Donc, il faut que j'y aille.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Adams): Nous ne savons pas sur quoi, mais il va y avoir un vote.

Le greffier dit que nous disposons d'au moins 30 minutes. J'ai bien envie de céder la présidence à notre vice-présidente - êtes- vous d'accord, madame Payne? - et ensuite, à mon avis, nous pourrions continuer.

Je m'excuse auprès des témoins suivants, mais nous allons continuer, si vous voulez bien. Mme Payne va assumer la présidence et moi, je vais reprendre ma place habituelle. Nous ferons ce que nous pourrons avant la sonnerie qui annonce le vote. Ensuite, une fois le vote terminé, nous reviendrons et l'audience reprendra, si vous voulez bien. Nous vous prions de nous excuser, mais cela ne dépend pas de nous.

M. Taylor: Monsieur le président, si vous voulez savoir quelles sont les intentions des députés qui sont ici, je ne suis pas vraiment tenu d'aller voter sur cette motion. Je suis prêt à rester.

Le président suppléant (M. Adams): Bon. Très bien.

.1002

.1005

La vice-présidente (Mme Payne): Si tout le monde est prêt, nous allons reprendre la séance sans tarder. Excusez-nous de vous interrompre lorsque la sonnerie retentira à nouveau, ce qui ne va pas manquer d'arriver.

J'aimerais commencer par Mme Thomson, de l'Association du Barreau canadien. Si vous voulez bien présenter les autres personnes qui font partie de votre délégation, nous pourrons ensuite écouter votre exposé.

[Français]

Mme Tamra L. Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

L'Association du Barreau canadien est une association nationale qui représente...

La vice-présidente (Mme Payne): Peut-être devrions-nous tout d'abord présenter les autres personnes qui sont assises à la table. Nous accueillons les représentants de l'Association du Barreau canadien, de l'Association canadienne du droit de l'environnement et de la Wildlands League.

Mme Thomson: L'Association du Barreau canadien est une association nationale qui représente plus de 34 000 juristes, soit des avocats, des notaires, des professeurs et des étudiants en droit ainsi que des juges dans l'ensemble du Canada.

Les principaux objectifs de l'association sont l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. C'est dans ce contexte que l'Association du Barreau canadien présente aujourd'hui les remarques qui vont suivre. Le mémoire que l'on distribue aux membres du comité a été préparé par la Section nationale du droit de l'environnement de l'association. Cette section est composée d'environ 1 400 membres venant de l'ensemble des provinces et territoires qui, tous, se sont spécialisés dans leur pratique dans un domaine particulier du droit de l'environnement.

Je suis accompagnée aujourd'hui de Gary Meschishnick de Saskatoon, président de la Section nationale du droit de l'environnement, et de Franklin Gertler, membre de longue date de cette même section. Je vais demander à M. Meschishnick et à M. Gertler de présenter nos commentaires sur le contenu du projet de loi que nous examinons aujourd'hui.

M. Gary Meschishnick (président, Section nationale du droit de l'environnement, Association du Barreau canadien): Merci, madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du comité. Dans le cadre de nos remarques préliminaires, j'aimerais rappeler brièvement l'historique de notre participation au débat que ce sujet a suscité. J'aimerais également souligner rapidement les obligations constitutionnelles qui, de notre point de vue, sont importantes, ainsi que les obligations du gouvernement fédéral dans le cadre de conventions internationales, notamment, la Convention de Rio.

Madame la présidente, le sujet nous intéresse depuis 1990. C'est l'année où le Comité du développement durable de l'Association du Barreau canadien a publié son rapport. Le mémoire était complété par un texte rédigé par Ronald Orenstein, qui portait sur le rôle du gouvernement fédéral en matière de protection des espèces en voie de disparition.

Le rapport de ce comité a été suivi par l'adoption, en février 1991, de la résolution M-05-91. Dans cette résolution, notre association recommandait l'adoption d'une législation fédérale, visant à préserver de manière efficace les espèces en voie de disparition ainsi que leur habitat.

En 1992, notre association a écrit au Comité permanent de l'environnement de la Chambre des communes, qui tenait alors des audiences sur la mise en oeuvre de la Convention de Rio. Nous avons une nouvelle fois pressé le gouvernement fédéral de jouer un rôle de chef de file à l'échelle nationale et internationale, de mettre en oeuvre la Convention de Rio et, plus précisément, d'adopter une législation fédérale visant à protéger les espèces en voie de disparition.

Nos antécédents en la matière ne s'arrêtent pas là. Suite à la recommandation sur la mise en oeuvre d'une législation visant à protéger les espèces en voie de disparition, notre présidente de l'époque a écrit au comité permanent en avril 1993, pour le féliciter d'avoir recommandé l'adoption d'une législation fédérale en ce domaine et pour l'exhorter à recommander sa mise en oeuvre dans les meilleurs délais.

.1010

Depuis lors - et cette dernière intervention ne remonte qu'à juin dernier - l'Association du Barreau canadien a fait valoir son opinion à propos de la compétence conférée par la constitution au gouvernement fédéral en matière de protection des espèces en voie de disparition. Nous avons également écrit au ministre de l'Environnement et au ministre de la Justice à ce propos.

J'aimerais faire quelques brèves observations sur la question de la compétence conférée par la constitution. Même si nous reconnaissons que la question n'a pas été élucidée en droit, notamment en ce qui concerne les espèces en voie de disparition, notre association a toujours préconisé que le Parlement adopte une législation visant à protéger efficacement les espèces en voie de disparition et leur habitat respectif. Selon nous, une loi fédérale peut et devrait couvrir une vaste gamme d'espèces, d'habitats et de territoires, tout en demeurant dans les limites de la compétence fédérale.

J'aimerais ajouter quelques observations spécifiques sur une ou deux questions ayant trait au champ d'application de la législation. De notre point de vue, l'une des dispositions les plus importantes du projet de loi, dans sa mouture actuelle, est celle qui porte sur les espèces frontalières. Il s'agit d'espèces qui non seulement migrent par delà les frontières internationales, mais qui circulent d'une province à l'autre.

Nous estimons qu'il n'est pas nécessaire de restreindre l'application de la loi dans le cas des sociétés d'État et du territoire domanial. Cela tombe clairement dans le champ des compétences fédérales. Nous souhaiterions également que l'on analyse de façon plus approfondie certaines des dérogations énoncées à l'article 36, afin d'évaluer l'impact qu'elles pourraient avoir.

J'aimerais rapidement évoquer ce que nous considérons comme les obligations du Canada en vertu de conventions internationales. Nous nous permettons d'attirer l'attention du comité sur le fait que le Canada est devenu partie contractante de la Convention de Rio le 4 décembre 1992. Les obligations des parties contractantes sont énoncées à l'article 8 et précisément décrites. Quant à l'objet de la convention, il est clairement énoncé dans le préambule.

Nous considérons qu'en présentant ce projet de loi, le gouvernement fédéral tente de se décharger de ses obligations internationales en vertu de cette convention. Nous estimons que c'est par rapport aux obligations fédérales en vertu de la constitution et des conventions internationales que ce projet de loi devrait être analysé. Merci, madame la présidente.

M. Franklin Gertler (membre de la Section nationale du droit de l'environnement, Association du Barreau canadien): Madame la présidente, je m'appelle Franklin Gertler.

[Français]

Je vais vous adresser la parole en anglais, mais je serai très heureux de répondre en français aux questions des députés.

[Traduction]

Permettez-moi de prendre quelques minutes pour faire quelques brèves observations supplémentaires sur certains détails du projet de loi.

Tout d'abord, j'ai ici une note concernant le vocabulaire utilisé. Je pense que dans certaines parties de notre mémoire, nous disons «en voie de disparition» et ailleurs, «espèces en péril». Nous avons réalisé - peut-être trop tard - que, quelles que soient les expressions que nous choisissions, il s'agissait toujours d'expressions déjà définies.

Donc, ce dont nous parlons, ce sont des espèces qui se trouvent dans une situation problématique, des espèces qui ont besoin d'être protégées. Nous reconnaissons qu'il y a différents niveaux de protection mais, je vous en prie, n'attachez surtout pas trop d'importance sur le plan technique aux mots que nous avons utilisés, parce que, vu la façon dont les rédacteurs du projet de loi les ont monopolisés, il ne nous reste pas grand-chose d'autre.

Pour analyser le projet de loi C-65, nous estimons qu'il faut évaluer dans quelle mesure il est complet, efficace et conforme aux responsabilités constitutionnelles et aux obligations internationales du Canada. À la lumière de ces critères, l'analyse du projet de loi fait ressortir de nombreuses lacunes.

Je devrais également indiquer que, même si ce projet de loi touche une question qui concerne directement la population - c'est-à-dire un sujet qui est important pour les Canadiens, comme on le souligne dans le préambule - son énoncé est tellement compliqué qu'il en devient inaccessible, et il est si soigneusement élaboré que, sauf exception, il ne veut pratiquement plus rien dire. Il y a donc un fossé énorme entre ce que l'on prétend dans les communiqués de presse et la réalité.

Les lacunes du projet de loi dont je parlais sont liées, pour nous, à trois principales préoccupations. Tout d'abord, il y a le fait que cette législation n'accorde pas une protection complète aux espèces et à leur habitat. M. Meschishnick a déjà évoqué cela, dans une certaine mesure.

.1015

Deuxièmement, la mise en oeuvre de la législation dépend, d'une façon que nous jugeons inappropriée, de la discrétion et de la volonté politique.

Troisièmement, les dispositions concernant la participation du public, ainsi que les recours en cas de dommages causés à des espèces et à leur habitat et en cas d'inaction de la part du gouvernement, sont inadéquats.

Permettez-moi de faire quelques brèves observations sur chacun de ces points.

Pour ce qui est de la protection incomplète des espèces et de leur habitat, à notre avis, compte tenu de l'étendue du pouvoir fédéral en la matière, le projet de loi C-65 est inutilement et dangereusement limité.

Il ne tient pas compte des champs qui sont clairement de compétence fédérale. Par exemple, la protection des espèces internationales sera traitée par voie de règlement, et les espèces interprovinciales sont totalement ignorées.

Par conséquent, certaines espèces relevant sans contredit de la compétence fédérale seront privilégiées par rapport à d'autres. Voilà une distinction que nous trouvons difficile à comprendre, étant donné les réalités biologiques et les obligations du Canada en vertu du droit international.

Pour vous donner un exemple des problèmes que la législation soulève, prenons l'article 3, qui définit le champ d'application du projet de loi. En vertu du paragraphe 3(1), sont essentiellement exclues du champ d'application du projet de loi toutes les espèces sauf les poissons - les espèces aquatiques - et les oiseaux migrateurs. Et l'exception précisée au paragraphe 3(2) n'est pas du tout d'importance mineure.

Les espèces, à part celles qui appartiennent à ces catégories très limitées, ne sont couvertes ni par le processus aboutissant à l'établissement de la liste, ni par les interdictions stipulées aux articles 31 et 32, ni par les règlements s'appliquant à l'élaboration de plans de rétablissement ni par les arrêtés d'urgence. On pourrait donc dire que c'est de là que surgissent ou surgiront les plus grosses difficultés.

Nous estimons que la façon dont sont traitées les questions relatives à l'habitat est particulièrement inquiétante et qu'à cet égard, l'interprétation qui est donnée de la compétence fédérale est inutilement étroite. Si l'on cherche à déterminer l'intention du législateur dans la définition des pouvoirs fédéraux, on pourrait dire que si le gouvernement fédéral a le pouvoir de protéger les espèces, il doit aussi avoir le pouvoir de rendre cette protection opérante en protégeant l'habitat. Cela serait dans la ligne de certaines décisions rendues par les tribunaux à propos d'affaires concernant l'environnement, les ressources naturelles et les espèces sauvages.

Madame la présidente, je vais maintenant passer à la question du pouvoir discrétionnaire et de la volonté politique. Selon nous, le projet de loi confère à l'Exécutif un vaste pouvoir discrétionnaire. Comme nous l'avons signalé dans notre lettre datée de juin 1996 - et, essentiellement, la situation n'a pas changé:

Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, cela s'applique non seulement aux écologistes et aux espèces, mais aussi à l'industrie.

On va vous répéter que l'industrie aimerait avoir des certitudes à propos des règlements qui délimitent leur activité, qu'il s'agisse d'une exploitation minière ou d'une compagnie pétrolière. L'industrie veut savoir quand elle est autorisée ou non à opérer, et ne pas dépendre du pouvoir discrétionnaire du ministre, ce qui implique un processus qui peut être long et dont l'issue est incertaine.

Nous donnons des exemples: la modification des listes sur recommandation du COSEPAC est laissée à la discrétion du ministre; cela devrait être automatique. Si cet exercice s'appuie sur des données scientifiques, le pouvoir discrétionnaire ne devrait pas entrer en ligne de compte.

Il n'existe aucune obligation légale de mettre en oeuvre les plans de rétablissement. Je crois comprendre qu'il y a une certaine obligation à cet égard, mais elle n'a rien de légale. Autrement dit, l'élaboration de règlements est facultative.

Pour vous montrer comment l'on pourrait resserrer l'énoncé du projet de loi - même si nous n'avons pas passé tout le texte au crible dans cette perspective - permettez-moi de vous donner un exemple.

.1020

L'article 34 porte sur les arrêtés d'urgence et, selon nous, une certaine discrétion est laissée au ministre en vertu du paragraphe 34(2). Ce paragraphe stipule:

Pour corriger cet article, il suffirait simplement de supprimer l'expression «s'il conclut». L'article se lirait alors comme suit:

Cela ne signifie pas que le ministre n'a aucun pouvoir discrétionnaire. C'est lui qui déterminera la nécessité d'intervenir, mais il ne lui est plus possible d'exercer ce pouvoir - ou, plus précisément, de ne pas l'exercer - en toute impunité et sans être soumis à un contrôle ou à un processus d'examen quelconque.

Nous avons eu les mêmes problèmes avec le projet de loi C-78, qui est devenu le projet de loi C-13, Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, un texte législatif qui a fait l'objet d'un bon toilettage. Des expressions de ce genre abondaient dans les premières moutures. Cela n'est pas dans l'intérêt public. C'est plutôt une façon de prendre en compte l'intérêt de ceux qui veulent tenir les tribunaux à distance.

En ce qui concerne la participation de la population et les recours, nous reconnaissons que le projet de loi témoigne d'un sérieux effort. Toutefois, à plusieurs endroits, on utilise des définitions trop restreintes pour identifier les parties publiques concernées, si bien que cela ne favorise pas une participation directe et importante du public.

À cet égard, nous vous renvoyons notamment à la participation du public à l'élaboration des plans de rétablissement, prévue aux articles 38, 39 et 41. Selon ces dispositions, c'est le ministre qui a toute discrétion pour déterminer qui peut être directement concerné...

Le projet de loi ne prévoit pas non plus systématiquement la participation du public à tous les aspects de son administration. Par exemple, en ce qui concerne les accords d'équivalence territoriaux prévus à l'article 3, la population canadienne n'est pas appelée à y participer.

Nous proposons également des recommandations touchant la question de la responsabilité; vous les trouverez aux pages 16 et 17 de notre mémoire. En outre, nous faisons, aux pages 15 et 16, des recommandations portant sur: l'obligation de rendre compte de la mise en oeuvre du projet de loi, obligation qui devrait être imposée aux autorités fédérales et provinciales, lorsqu'il y a des accords de délégation; et la nécessité de prévoir des mesures de temporisation et une révision périodique pour que ces questions puissent être reconsidérées, notamment les accords de délégation.

À cela s'ajoutent des recommandations portant sur la nécessité de stipuler que les rapports prévus en vertu des articles 101 et 103 doivent être complets. Vous trouverez cette recommandation à la page 17.

Enfin, en ce qui a trait aux actions en protection prévues à l'article 60, nous trouvons tout simplement ahurissant qu'un citoyen soit tenu de démontrer qu'en refusant d'agir, le ministre a pris une décision non raisonnable, avant d'avoir le droit de participer, par le biais d'un processus judiciaire. Il s'agit d'une condition sans précédent et impraticable sur le plan de l'accès aux rapports d'information.

Telles sont nos préoccupations fondamentales sous les trois rubriques que j'ai mentionnées plus tôt.

J'ai une dernière observation sur l'évaluation environnementale, madame la présidente. Nous estimons que le lien entre ce projet de loi et l'évaluation environnementale prévue en vertu de la LCEE devrait être clarifié et développé. Nous présentons à cet égard quatre recommandations aux pages 19 et 20 de notre mémoire. J'aimerais n'en relever qu'une dans mon exposé: lorsqu'on émet des permis ou des autorisations relatifs à des activités susceptibles d'affecter des espèces en péril, devrait-on faire une évaluation environnementale?

À notre avis, on devrait considérer de la même façon les autorisations qui sont émises en vertu de l'article 35 de la Loi sur la pêche et qui permettent la destruction de l'habitat des poissons - ces autorisations devant faire l'objet d'une évaluation environnementale parce qu'elles touchent les listes des dispositions - et les activités, permis et autorisations relatifs à la destruction d'espèces en péril ou en voie de disparition, ou aux dommages qu'elles peuvent subir.

Il faudrait donc apporter des modifications aux règlements concernant les listes des dispositions prévues en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Je crois qu'il faudrait également apporter un amendement pour s'assurer que les activités en question sont inscrites dans les listes d'inclusion comme projet aux fins de la LCEE, parce qu'il ne s'agit pas de véritables projets concrets mais d'activités.

Je pense que j'ai abusé de votre temps. Je répondrai volontiers à vos questions. Merci.

.1025

La vice-présidente (Mme Payne): Merci. Votre exposé était très complet. Merci beaucoup.

Nous allons maintenant écouter les deux autres exposés. La sonnerie devrait retentir dans 15 minutes, ce qui veut dire que nous disposons de 10 minutes.

Monsieur Lindgren, je pense que c'est votre tour.

M. Richard D. Lindgren (avocat, Association canadienne du droit de l'environnement): Merci, madame la présidente. Comme beaucoup de membres du comité le savent probablement, l'ACDE est un groupe de défense de l'intérêt public, créé en 1970 dans le but de faire appliquer et d'améliorer les lois destinées à protéger l'environnement et les ressources naturelles. Nous vous sommes reconnaissants de nous donner l'occasion de présenter au comité notre opinion sur cette importante mesure législative.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, nous nous sommes appuyés sur notre expérience dans le domaine du droit environnemental et sur notre perspective de l'intérêt public pour analyser le projet de loi C-65. Notre conclusion est qu'il mérite une approbation de principe. Quand tout est dit, il vaut mieux pouvoir disposer d'une loi fédérale sur les espèces en voie de disparition que de n'en avoir aucune.

Bien que nous donnions notre approbation de principe au projet de loi, il renferme, dans sa forme actuelle, de nombreuses dispositions que nous ne pouvons pas appuyer. Pour cette raison, nous préconisons que des amendements substantiels soient apportés à ce texte législatif.

Notre conclusion est que, dans sa mouture actuelle, le projet de loi ne protégera pas de façon adéquate les espèces en péril au Canada. L'article 5 énonce que l'objet du projet de loi C-65 est de prévenir la disparition des espèces sauvages et de permettre le rétablissement des espèces en péril au Canada. Il s'agit d'un objectif très louable, et nous l'appuyons bien évidemment, mais, dans sa mouture actuelle, le projet de loi C-65 ne l'atteindra pas.

Par conséquent, si le gouvernement fédéral souhaite véritablement atteindre cet objectif, le projet de loi doit être amendé, amendé en profondeur. On ne peut se contenter de peaufiner ou de bricoler.

Les amendements que nous jugeons nécessaires sont énoncés en détail dans le mémoire que j'ai déposé auprès du greffier ce matin et qu'il a distribué aux membres du comité.

Nous formulons dans ce document quelque 37 recommandations qui recensent les changements, les amendements qui sont nécessaires pour que le projet de loi C-65 devienne une mesure législative applicable. Madame la présidente, je tiens à vous rassurer: je n'ai pas l'intention de faire la revue de chacune de ces recommandations. En fait, je n'ouvrirai même pas le mémoire. Je laisse aux membres du comité le soin de le lire à tête reposée. Je peux vous garantir que c'est une lecture qui occupera de façon passionnante vos moments de loisir.

J'aimerais brièvement souligner deux de nos principales préoccupations au sujet du projet de loi. La première concerne son champ d'application, et la seconde le droit du public d'intenter des poursuites, ce dont parlait il y a un instant mon ami M. Gertler.

Prenons d'abord le champ d'application du projet de loi C-65. Comme le comité vient tout juste de l'entendre de la bouche de mon ami, l'article 3 limite la portée du projet de loi à trois choses: les espèces aquatiques, les oiseaux migrateurs, et les espèces qui ont l'intelligence de vivre sur le territoire domanial. Or cela est assez surprenant, car il ne s'applique pas aux espèces frontalières et il ne les protège pas, alors qu'elles sont manifestement du ressort fédéral.

Selon nous, cette application très étroite et très sélective du projet de loi est probablement son aspect le plus critiquable. À mon avis, il est manifeste que c'est d'une législation fédérale draconienne sur l'environnement et les espèces en voie de disparition dont nous avons besoin.

Il existe dans la constitution un solide fondement en faveur d'une législation draconienne. Nous venons d'entendre nos collègues de l'Association du Barreau canadien développer le même argument. C'est pourquoi...

M. Knutson: J'aimerais invoquer le Règlement pour faire remarquer que cette double sonnerie m'empêche de me concentrer. Je souhaite en effet pouvoir entendre ce que vous dites, car je crois que c'est important. Je me demande si nous ne pourrions pas suspendre la séance et revenir plus tard.

La vice-présidente (Mme Payne): Il nous reste 14 minutes. Mais tout comme M. Knutson, j'aimerais aussi pouvoir mieux me concentrer sur votre présentation. Par conséquent, avec votre permission, je pense que nous allons suspendre la séance immédiatement. Je vous remercie de votre intervention.

Nous allons prendre environ une demi-heure ou trois quarts d'heure.

.1030

.1114

La vice-présidente (Mme Payne): Encore une fois, bonjour. Nous allons reprendre le cours de cette audience. Je m'excuse à nouveau de cette interruption.

Je pense que nous en avions terminé avec l'avant-dernier témoin.

Une voix: Nous en sommes encore à la présentation de l'ACDE, l'Association canadienne du droit de l'environnement.

La vice-présidente (Mme Payne): Très bien. Dans ce cas nous poursuivons avec l'Association canadienne du droit de l'environnement.

.1115

M. Lindgren: Merci, madame la présidente. Je vais m'efforcer de conclure aussi rapidement que possible.

J'étais en train de décrire les deux principales préoccupations que nous inspire le projet de loi C-65. Je parlais de la première, à savoir le champ d'application du projet de loi. J'étais en train de dire au comité que nous devons manifestement et impérativement pouvoir disposer d'une législation fédérale draconienne sur les espèces en voie de disparition, et qu'il existe un fondement constitutionnel évident pour une telle législation. C'est la raison pour laquelle nous ne parvenons pas à comprendre pourquoi on a délibérément élaboré un texte aussi étroit et aussi rigide. La seule conclusion à laquelle on peut arriver, c'est que cette application étroite est davantage motivée par des considérations politiques que par des considérations juridiques ou constitutionnelles.

Que faut-il faire pour régler ce problème? La solution que nous prescrivons est énoncée dans les recommandations 3, 12 et 15 de notre mémoire. Je vais éviter de prendre le temps du comité en lui demandant de se reporter au mémoire, mais je rappellerais que nous demandons foncièrement que l'article 3 du projet de loi soit refondu, afin de s'assurer qu'il s'applique clairement à toutes les espèces en péril au Canada et à toutes les résidences et habitats essentiels de ces espèces au Canada. C'est ce que nous recherchons.

Mais si un tel amendement n'est pas possible ou s'il n'est pas adopté, alors l'alternative, selon nous, c'est pour le moins de modifier l'article 33 afin d'imposer au ministre le devoir d'adopter effectivement des règlements sur la protection des espèces frontalières. Par règlement sur la protection des espèces frontalières, j'entends l'interdiction de nuire à ces espèces, l'interdiction d'endommager leurs résidences ou habitats essentiels et l'interdiction de posséder des espèces frontalières.

Ces interdictions générales doivent être intégrées à tous les règlements promulgués en vertu de l'article 33, et doivent s'appliquer à la fois aux espèces frontalières internationales et interprovinciales. Dans sa mouture actuelle, l'article 33 permet, sans l'exiger, l'adoption de règlements s'appliquant uniquement aux espèces internationales, ce qui est, selon moi, une perspective beaucoup trop étroite.

Permettez-moi d'aborder brièvement la deuxième grande préoccupation que nous inspire ce projet de loi, à savoir le droit du public d'intenter des poursuites. Comme le comité le sait, le projet de loi C-65 donne au public le droit d'intenter des poursuites afin de protéger les espèces en voie de disparition. Ce nouveau droit représente une réforme importante, et nous l'appuyons, bien évidemment.

Nous relevons également que les dispositions à cet effet ressemblent beaucoup aux nouveaux articles sur le droit d'intenter des poursuites qui figurent dans la Déclaration des droits de l'environnement de l'Ontario. Je faisais partie du groupe de travail ontarien qui a rédigé cette mesure législative, notamment les nouvelles dispositions sur le droit d'intenter des poursuites, et c'est pourquoi j'ai lu l'article pertinent du projet de loi C-65 avec beaucoup d'intérêt personnel et professionnel.

Le problème à l'égard du droit d'intenter des poursuites présenté dans le projet de loi C-65, c'est qu'il est inutilement assorti d'un trop grand nombre des réserves et restrictions incluses dans la loi ontarienne. Ces réserves et restrictions peuvent avoir leur justification dans le contexte ontarien, car la Déclaration des droits de l'environnement de l'Ontario est une loi d'application générale. Elle autorise les citoyens à intenter des poursuites dans le cas de contraventions à la plupart des lois environnementales de l'Ontario, des réglementations et des autorisations environnementales, même pour des délits que l'on pourrait objectivement considérer comme relativement insignifiants, comme ne pas produire de rapport de surveillance. En vertu de la Déclaration des droits de l'environnement de l'Ontario, il est techniquement possible d'intenter une action en justice pour de telles infractions si l'on satisfait aux conditions suspensives.

Tel n'est pas le cas au titre du projet de loi C-65. Le droit d'intenter des poursuites prévu dans ce projet de loi est centré sur des interdictions très étroites et très importantes qui sont stipulées dans le document, comme le fait de nuire aux espèces ou aux résidences. Pour cette raison, nous suggérons qu'il ne soit pas nécessaire d'assortir des réserves et des restrictions de la Déclaration des droits de l'environnement de l'Ontario le nouveau droit d'intenter des poursuites.

Selon nous, les dispositions à cet effet dans le projet de loi C-65 devraient être dépouillées, énergiques et écologiques. Il suffit de stipuler que si une personne contrevient ou est sur le point de contrevenir à la loi, tout habitant du Canada pourra s'adresser aux tribunaux pour faire cesser l'activité en cause ou pour qu'on y remédie. C'est tout ce qui a besoin d'être dit.

.1120

Pour cette raison, madame la présidente, nous recommandons également que le droit d'intenter des poursuites prévu par le projet de loi C-65 ne soit pas subordonné à une demande d'enquête. Selon nous, il n'est pas logique d'exiger qu'un demandeur sollicite la tenue d'une enquête et attende deux, trois ou plusieurs mois la réponse du gouvernement avant de pouvoir s'adresser à un tribunal. S'il y a risque sérieux ou imminent de préjudice à une espèce - constaté ou sur le point de se produire - le demandeur devrait pouvoir s'adresser directement à un tribunal. Il n'est pas logique de le faire attendre ne serait-ce qu'un, deux ou dix jours avant qu'il puisse intenter des poursuites.

Si les dispositions sur la demande d'enquête sont conservées dans le projet de loi C-65, il faudrait alors, pour le moins, apporter un amendement prévoyant une exception en cas d'urgence qui permettrait aux gens de contourner l'obligation de faire une demande d'enquête dans les cas véritablement urgents. Je ferais remarquer que l'on retrouve dans la législation ontarienne cette exception d'urgence. Il s'agit d'une exception très importante.

Selon moi, si le projet de loi C-65 reconnaît un droit d'intenter des poursuites semblable à celui de la Déclaration des droits de l'environnement, avec comme condition préalable l'obligation de faire une demande d'enquête, il devrait parallèlement comporter une exception d'urgence. Il n'est pas possible d'avoir l'un sans l'autre. Si l'on veut déposer une plainte, il faut pouvoir, le cas échéant, se prévaloir d'une exception d'urgence.

Je sais qu'au cours des audiences, certains ont dit craindre que ce nouveau droit d'intenter des poursuites ne se traduise par une prolifération de procès. Selon moi, cela ne se produira pas, et je me fonde pour avancer cela sur l'expérience ontarienne en la matière.

Depuis que la loi ontarienne a été promulguée, en 1994, il n'y a pas eu un seul procès. On a enregistré 28 demandes d'enquête en vertu de la Déclaration des droits de l'environnement de l'Ontario, mais aucune n'a abouti devant les tribunaux. Selon moi, cela signifie, entre autres, qu'en Ontario, les demandeurs sont très sélectifs et qu'ils suivent une stratégie pour déterminer quels types de procès ils sont prêts à intenter. La même chose s'est produite dans d'autres juridictions qui reconnaissent le droit d'intenter des poursuites, et je ne doute pas que les demandeurs canadiens exerceront le même degré de prudence et de retenue.

Permettez-moi de conclure mes observations sur cette opinion optimiste. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre aux questions que le comité souhaite me poser. Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Payne): Je vous remercie, monsieur Lindgren. La parole est maintenant à M. DeMarco, et nous passerons ensuite aux questions du comité.

M. Jerry DeMarco (directeur, Wildlands League): Merci, madame la présidente. Je m'appelle Jerry DeMarco et je suis directeur de la Wildlands League, une association provinciale basée à Toronto mais qui compte plus de 4 000 membres en Ontario.

Nous nous intéressons surtout aux zones protégées, c'est-à- dire à la protection de l'habitat dans la province de l'Ontario, ainsi qu'aux modes d'exploitation durables des forêts et des terres.

Je vais m'efforcer de m'en tenir à une perspective provinciale, mais j'appuie les commentaires de l'Association du Barreau canadien et de l'Association canadienne du droit de l'environnement en ce qui concerne, par exemple, le champ d'application et l'admissibilité. Je vais m'efforcer de faire le lien avec l'expérience ontarienne.

Je suis avocat et planificateur professionnel de l'aménagement des terres, mais mon intérêt pour ce sujet est plutôt d'ordre personnel. Je m'intéresse en amateur à l'histoire de la nature et à l'ornithologie depuis mon enfance, et j'ai pu constater pendant ma courte vie qu'un grand nombre d'espèces étaient venues s'ajouter à la liste de celles qui sont en voie de disparition. En fait, celle qui a été ajoutée cette année, la fauvette orangée, pouvait être observée de la résidence de ma famille, ce qui n'est plus le cas.

Le contexte de cette mesure législative ressemble beaucoup à celui de la Déclaration des droits de l'environnement et de la Loi sur la protection des espèces menacées d'extinction de l'Ontario, et je pense que d'importantes leçons peuvent être tirées de ces lois.

En termes d'admissibilité, je ne comprends pas pourquoi le projet de loi actuel devrait se limiter à environ 40 p. 100 des espèces du Canada. Un grand nombre des espèces qui existent en Ontario ne seront pas couvertes par ce texte législatif.

.1125

Il devrait inclure les espèces frontalières - celles qui traversent les frontières internationales et les frontières interprovinciales. Il est relativement clair que cela fait partie des responsabilités fédérales. Le projet de loi devrait couvrir tous les oiseaux migrateurs.

On oublie souvent que la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs ne couvre pas tous les oiseaux migrateurs, car lorsqu'elle a été adoptée, au début des années 1900, les gens n'avaient pas une connaissance très avertie de prédateurs tels que les hiboux, les faucons et les éperviers, et par conséquent, ils sont exclus de cette loi. La définition que l'on trouve à l'article 3 maintiendrait donc ces préjudices à l'égard des oiseaux de proie, et exclurait un grand nombre des espèces qui ont été mentionnées dans les communiqués ou les conférences de presse qui portaient sur ce projet de loi, tel que le faucon et la chouette des terriers, lesquels, ironiquement, continueront d'être privés de protection en vertu de ce projet de loi. Donc, les oiseaux frontaliers et migrateurs représentent un minimum, mais comme la disparition des espèces est un problème national, le projet de loi devrait couvrir toutes les espèces en voie de disparition dans le pays.

Inscrire une espèce sur la liste est un des problèmes majeurs que pose ce projet de loi. Comme on l'a fait en Ontario, c'est à l'Exécutif qu'on laisse le soin de décider quelles sont les espèces à protéger qui doivent figurer sur la liste. Hier soir, j'ai préparé une liste des espèces ontariennes qui figurent sur les listes dressées par le COSEPAC, et il y en une cinquantaine. Seules 17 d'entre elles ont été inscrites sur la liste de l'Ontario jusqu'à présent, y compris un grand nombre d'oiseaux en voie de disparition. Trois espèces d'oiseaux en voie de disparition, ainsi qu'un grand nombre de plantes, ne figurent toujours pas sur la liste de l'Ontario. Tels sont nos antécédents en ce qui concerne le processus d'inscription sur la liste on laisse ce soin à l'Exécutif.

Dans la province de Québec, 10 espèces ont été inscrites par le COSEPAC. Aucune n'a été placée sur la liste par la province - c'est encore la même chose. Par conséquent, on devrait supprimer la discrétion laissée au Cabinet ou au ministre de faire figurer une espèce sur la liste, et la remplacer par une disposition prévoyant l'inclusion impérative de la liste du COSEPAC dans un règlement ou dans une annexe.

L'aspect sans doute le plus problématique de ce projet de loi est le niveau de protection qu'il assure. La disparition de l'habitat, particulièrement dans la province de l'Ontario est le facteur numéro un en ce qui concerne la disparition ou l'extinction des espèces. De fait, on estime qu'environ 80 p. 100 de ces espèces sont aujourd'hui en voie de disparition à cause de la disposition de leur habitat.

Malheureusement, ce projet de loi ne peut protéger ces espèces, en protégeant uniquement les individus ou leur résidence définie de façon étroite, par exemple, les liteaux, et ainsi de suite, et c'est particulièrement vrai en ce qui concerne les oiseaux migrateurs et les espèces qui n'ont pas de domicile véritablement identifiable comme des caves ou des sites de nidification. Ils passent la majeure partie de leur vie en dehors de ce que l'on qualifie de résidence, mais en ont néanmoins besoin pour survivre. Si l'on protège le lit d'une personne, mais qu'on laisse le reste de son domicile partir en flamme, cela ne laissera pas grand-chose à l'intéressé en termes de résidence.

Donc le niveau de protection prévu par ce projet de loi est relativement minime si bien que cette mesure ne remplit pas son office qui est d'empêcher l'extinction d'autres espèces dans ce pays. Je suggère que la protection du projet de loi s'étende à l'habitat.

On peut dire généralement que le projet de loi semble favoriser le pouvoir discrétionnaire, les exemptions et une interprétation étroite des mesures qui sont incluses. Mais lorsqu'on songe que l'objectif est la protection des espèces en voie de disparition, ni ce pouvoir discrétionnaire, ni ces exemptions, ni cette interprétation étroite ne sont défendables de quelque façon que ce soit. Si l'objectif est largement défendu, et je crois que les sondages révèlent que plus de 90 p. 100 de la population est en faveur de la protection des espèces en voie de disparition, y compris les propriétaires terriens et les exploitants agricoles - alors pourquoi le projet de loi ne reflète-t-il pas la volonté populaire? Cela illustre on ne peut mieux les problèmes décelés dans ce projet de loi par les écologistes.

Dans le Globe and Mail d'aujourd'hui, on pouvait lire, en conclusion d'un article où il était question de l'ACDE: «Ottawa s'attend à des critiques de la part des écologistes qui considèrent que ce projet de loi, en tant que mesure législative portant sur les espèces en voie de disparition, ne va pas assez loin».

.1130

C'est que si l'on était fidèle au contenu de la loi et si l'on disait qu'il s'agit d'une loi susceptible d'accorder un peu de protection aux espèces en voie de disparition, et que c'est tout ce que vise le projet de loi - si c'était cela qui était dit honnêtement, alors, le projet de loi ne prêterait pas flanc à la critique. Mais on le glorifie et l'on en fait la pierre angulaire de la protection des espèces en voie de disparition de ce pays, alors qu'il ne met effectivement en oeuvre qu'un aspect très étroit de cette protection. On prête ainsi flanc aux critiques, à juste titre.

Tant que ces changements ne seront pas apportés, on peut s'attendre à ce que le projet de loi continue de faire l'objet de critiques de la part des groupes de défense de l'environnement et de la population canadienne en général.

Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Payne): Je vous remercie, monsieur DeMarco.

Pour la première série de questions nous allons demander à M. Asselin de commencer.

[Français]

M. Asselin: Avez-vous l'impression que le projet de loi C-65 va changer le monde ou protéger les espèces en voie de disparition? Il est fort possible que ce projet de loi soit adopté par la Chambre des communes et n'ait aucun effet. Il ne contient aucune disposition pour protéger l'habitat naturel et la qualité de l'air, de l'eau et de la terre, ce qui protégerait la vie des espèces en péril. Si on ne protège par l'air, l'eau et la terre, on va se détruire par le fait même.

Le projet de loi C-65 ne sera bon que pour le ministre. Ce dernier pourra dire qu'il a été sensibilisé à l'environnement et qu'il a fait adopter un projet de loi pour protéger les espèces en voie de disparition. Mais qui va informer la population? Qui va contrôler et qui va pénaliser?

Il faut informer les gens, contrôler et pénaliser ceux qui contreviendront à la loi. Le projet de loi C-65 ne sera pas applicable dans les territoires provinciaux, autochtones et privés. On sait déjà que, dans les parcs fédéraux, on ne pourra faire de la chasse, de la trappe ou de l'exploitation. Mais qu'est-ce que le projet de loi C-65 va changer demain matin? Il ne fera que faire les manchettes: le gouvernement libéral, encore préoccupé par l'environnement, a fait adopter le projet de loi C-65.

Prenons un exemple. Je suis un agriculteur. Je possède une ferme sur laquelle il y a un chemin d'accès qui borde un lac et, à l'extrémité de ma ferme, je fais l'exploitation du bois de chauffage. À proximité de ma maison, j'ai un poulailler. Mais il y a un renard roux qui vient s'alimenter là et qui détruit une partie de mon poulailler. Je sais que le renard roux est sur la liste des espèces en péril et que je ne peux le détruire. Dois-je laisser le renard détruire mon poulailler ou m'occuper du renard? Le lendemain matin, il y a de fortes chances que vous retrouviez la queue du renard derrière le siège de la bicyclette de mon garçon.

Si mon chemin, qui donne accès à mon exploitation de bois de chauffage, longe un lac et que les castors ont éclusé le lac et érigé un barrage et que cela inonde mon chemin d'accès, il y a de fortes chances que je détruise l'habitat et, en même temps, l'espèce qui nuit à mon exploitation agricole et de bois de chauffage.

Si j'exploite le bois de chauffage, il y a de fortes chances que je trouve un nid d'aigle dans le bois que j'ai exploité et que l'aigle me dérange. Il y a de fortes chances que, le lendemain matin, vous retrouviez un paquet de plumes au sol parce que je me serai débarrassé de l'aigle qui nuit à mon exploitation de bois de chauffage. Serai-je pénalisé? Qui me dira que cette espèce est en voie de disparition? Qui va s'occuper de ces espèces en voie de disparition et les ajouter à la liste? Qui va émettre des constats d'infraction ou imposer des pénalités? Est-ce que ce sera applicable si j'ai fait cela sur une terre provinciale, autochtone ou privée?

.1135

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Asselin.

Qui veut commencer?

[Français]

M. Gertler: C'est toute une question, madame la présidente. On a appris bien des choses sur les entreprises de M. Asselin.

Je commenterai quand même brièvement quelques éléments. Nous sommes tous sûrement d'accord qu'une protection générale de l'environnement est nécessaire en ce qui a trait aux espèces menacées. C'est probablement plutôt la protection du territoire ou des habitats comme tels que les questions de pollution de l'air ou de l'eau qui frappent directement les espèces menacées.

Pour ce qui est de l'éducation populaire, et on ne peut être contre cela, c'est tout à fait dans nos cadres que de voir à ces choses-là. D'ailleurs, dans l'étude faite par Orenstein, qui a été un peu à l'origine d'une réflexion sur la question - ce n'est pas la politique du Barreau canadien - , on parle justement d'une fonction qui doit être remplie par une loi d'éducation, soit de démontrer à la population l'importance de ces questions-là, mais encore faut-il qu'il y ait des mécanismes et des budgets pour mettre en oeuvre ces choses-là.

Quant au contrôle et aux pénalités, nous sommes d'avis que le projet de loi manque de mordant au niveau de la mise en application. Quant à son application territoriale, nous sommes également d'accord qu'elle est trop limitée. On parle également d'une coopération par équivalence ou par entente avec les provinces, mais nous ne sommes pas d'accord sur l'application limitée qui semble être préconisée dans le projet de loi en question.

On doit être sensible aux compétences des provinces, mais comment l'indiquer? On est convaincus que le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne s'approche même pas des limites de la compétence du fédéral. Il y a des problèmes même dans les domaines qu'on est censé couvrir.

Mon collègue, M. Meschishnick, a parlé des sociétés de la Couronne. Les sociétés de la Couronne sont couvertes de façon un peu parcellaire et facultative en vertu du projet de loi, et notre expérience démontre que les sociétés de la Couronne prétendent avoir une immunité face aux lois provinciales et percevraient ces lois sur les espèces menacées comme ne s'appliquant pas.

Elles ont un lobby assez fort au cabinet du ministre. Il faudrait donc les assujettir explicitement à ces lois. Si ce n'est pas mentionné explicitement dans la loi, on n'aura jamais de règlements qui assujettiront les sociétés de la Couronne et les terres qu'elles contrôlent. Les deux ne sont pas exactement la même chose. Il s'agit de l'activité de la société de la Couronne at large, mais aussi de la gestion des terres appartenant aux sociétés de la Couronne.

M. Asselin: Qu'advient-il des castors et du barrage que j'ai détruits, du renard et de l'aigle que j'ai abattus?

M. Gertler: J'ai déjà pris pas mal de temps. Je vais laisser à mes collègues le soin de répondre. J'espère que vous serez poursuivi en vertu de toutes les lois fédérales et provinciales.

M. Asselin: Mais qui va me poursuivre? Un bénévole quelque part?

M. Gertler: Il faut qu'il y ait des budgets et des mesures sérieuses.

.1140

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur Lindgren, souhaitez- vous ajouter quelque chose?

M. Lindgren: En fait oui, madame la présidente. J'aurais de brèves observations à faire en réponse à ces commentaires.

Au départ, vous avez avoué être quelque peu préoccupé par les effets réels du projet de loi si on l'adopte dans sa mouture actuelle. Je partage ces craintes, car les espèces aquatiques et les habitats du poisson sont déjà protégés par la Loi sur la pêche. Certains oiseaux migrateurs et certains de leurs habitats le sont déjà par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, et les espèces qui se trouvent sur le territoire domanial sont déjà protégées à un certain degré.

Alors que fait ce projet de loi, s'il est adopté, pour toutes les autres espèces? Pas grand-chose - et c'est la raison pour laquelle nous suggérons d'y apporter plusieurs amendements.

Vous avez également soulevé une question d'ordre général: qui va éduquer la population? Qui va dire aux propriétaires que leur terre constitue un habitat important? J'appuie les propos de M. Gertler concernant l'utilité de programmes d'éducation du public et de bons programmes d'engagement contractuel des propriétaires. Je considère que ce sont de très importants compléments à un texte législatif comme celui qui nous occupe. Les gens doivent connaître leurs obligations avant d'être tenus responsables de ne pas les respecter.

J'hésite à aborder la question de la digue des castors, du renard roux, ou du nid d'aigle, mais comme vous le savez, on trouve des dispositions dans le projet de loi, tel qu'il est rédigé actuellement, qui permettraient de demander et peut-être même d'obtenir la permission de régler le problème si vous pouvez satisfaire à certaines conditions.

Le problème que me posent les procédures d'exemption du projet de loi vient du fait qu'elles sont beaucoup trop générales et qu'elles pourraient recouvrir au autoriser pratiquement n'importe quoi. Cela a besoin d'être resserré. Ce que j'essaie de dire, monsieur, c'est qu'il existe des moyens de s'attaquer aux problèmes particuliers que l'on rencontre dans un lieu donné, sans nécessairement remettre en cause l'utilité d'une législation draconienne.

Permettez-moi de conclure en abordant brièvement la question de l'exécution de la loi. Vous avez demandé qui l'appliquera. Effectivement, il s'agit d'une question très importante. Est-ce que ce sera le gouvernement fédéral? Est-ce que ce sera Environnement Canada? Je l'ignore. J'en doute au vu des restrictions budgétaires, des coupures de personnel et du transfert des responsabilités aux provinces. Je ne vois guère les gens du fédéral participer largement à l'exécution de la loi.

Cela veut-il dire que les provinces s'en chargeront? Je peux parler de l'expérience ontarienne. Je constate que le ministère des Ressources naturelles fait l'objet de compressions; il y a des réductions budgétaires majeures. Je ne suis pas certain que ce ministère pourrait assumer des responsabilités générales concernant l'application de la loi ou des responsabilités qui pourraient lui être dévolues.

Alors, qu'est-ce qu'il nous reste? Il nous reste la population. C'est pourquoi j'ai dit plus tôt dans ma présentation que les mécanismes dont dispose la population pour faire appliquer la loi ne doivent pas être entravés par des restrictions inutiles, car au moment critique, quand le gouvernement fédéral n'agit pas, et que le gouvernement provincial n'agit pas, il faut que les gens, le grand public, puissent s'adresser aux tribunaux pour que le nécessaire soit fait. À vrai dire, c'est ce que je fais pour gagner ma vie. Je représente des gens qui agissent de la sorte.

N'allez pas penser que je vous demande d'adopter le projet de loi C-65 dans le but d'avoir du travail. J'ai beaucoup d'affaires, et j'en refuse. Le fait est que la population doit pouvoir de façon réaliste se prévaloir de son droit d'intenter des poursuites pour protéger une espèce en voie de disparition pour que la tâche soit accomplie.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Lindgren.

La parole est maintenant à M. Steckle.

M. Steckle: Monsieur Lindgren, je vous ai écouté très attentivement ce matin, car je ne peux pas m'empêcher de penser que... Il y a des carrières en jeu, j'en suis certain, des carrières à long terme pour beaucoup, à cause des conséquences futures de ce projet de loi.

Vous parlez des obligations du Canada en vertu de la Convention de Rio. Comment les signataires de la Convention de Rio ont-ils respecté leurs obligations, et où nous situons-nous à cet égard? Vous laissez entendre que ce projet de loi y fait référence, mais qu'il ne tient pas pleinement compte de nos obligations en vertu de la Convention pour ce qui a trait aux espèces frontalières et ce genre de chose. Vous pourriez peut-être nous en dire plus à ce sujet.

M. Lindgren: Je vais vous répondre, mais je pense que ces observations ont en réalité été faites par mes collègues de l'Association du Barreau canadien.

M. Steckle: Oh, excusez-moi.

M. Lindgren: Mais j'ai une opinion à ce sujet et vous la retrouverez dans mon mémoire. Comme cela a été relevé plus tôt, la Convention de Rio oblige ses signataires à mettre en oeuvre des législations qui protègent les espèces rares qui sont menacées ou en voie de disparition.

Ce projet de loi répond-il à cette obligation? Dans une certaine mesure, mais je pense que, globalement, ce n'est pas le cas, car il ne garantit pas qu'il existera un régime national efficace et exécutable s'appliquant uniformément d'un océan à l'autre. Pour cette raison, je considère que ce projet de loi ne satisfait pas à nos obligations en vertu de la Convention de Rio.

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Ce que les autres pays ont fait, je ne peux pas vraiment en parler, car je n'exerce pas dans ces juridictions; toutefois, comme le comité le sait, le gouvernement fédéral des États-Unis dispose d'une législation draconienne sur les espèces en voie de disparition depuis plusieurs dizaines d'années. Je suis le premier à reconnaître que ce texte législatif pose des problèmes, et je suis aussi le premier à reconnaître que nous n'avons pas besoin d'adopter tout cela d'un coup au Canada.

Mais cela donne une idée d'où nous nous situons au plan international. Nous sommes loin d'être à la hauteur de ce qu'ont accompli les Américains au cours des dernières décennies.

Je devrais peut-être laisser la parole à M. Gertler.

M. Meschishnick: Sur le plan des obligations découlant de la Convention de Rio, que l'on retrouve à l'article 8, nous sommes d'avis que ces obligations concernent clairement la protection des écosystèmes, des habitats et des espèces.

Je pourrais vous lire les dispositions de l'article 8, mais elles sont faciles à trouver. Je pense que les plus importantes sont les deux dernières, où l'on parle de l'obligation de rétablir et de restaurer les écosystèmes détériorés et de promouvoir le rétablissement des espèces menacées et, au paragraphe (k), d'adopter ou de mettre à jour la législation nécessaire pour y parvenir.

Je ne peux pas parler en toute connaissance de cause de ce qu'ont fait les autres parties contractantes pour satisfaire à ces obligations, mais selon nous, si le projet de loi C-65 est censé s'inscrire dans le cadre de ces obligations, il est loin de compte.

M. Steckle: S'il est un point qui a été particulièrement débattu au comité, c'est l'existence ou l'absence de dispositions concernant la protection ou la gestion de l'habitat. Quelle est l'expérience américaine en la matière dans le cadre de la législation des États-Unis.

M. Lindgren: L'habitat a été protégé dans une certaine mesure, et cela a engendré un grand nombre de litiges. Ce n'est pas nécessairement dans le meilleur intérêt des espèces, et c'est la raison pour laquelle il faudrait offrir certaines certitudes dans la loi et les règlements et préciser ce qui peut et ce qui ne peut pas être fait à cet égard. À vrai dire, quand je pense à ma carrière juridique, je ne voudrais pas la consacrer à la protection de la législation sur les espèces en voie de disparition. Je préférerai poursuivre les décharges.

Je laisse la parole à M. Gertler qui a peut-être d'autres observations.

M. Gertler: Je pense que le comité aurait probablement intérêt à entendre un témoin de la National Audubon Society ou d'une autre organisation non gouvernementale américaine qui pourrait vous donner des informations précises. Je ne prétends pas pouvoir le faire, mais je pense qu'il est important de remarquer que ces obligations internationales existent. Manifestement, le Canada doit prendre en compte sa nature fédérale pour donner effet à ces obligations.

D'un autre côté, nous sommes confrontés à une situation où seules quatre provinces disposent d'une législation. On atteint le stade de la revue quinquennale de la Convention de Rio, et parmi ces provinces seul le Québec, bien que sa législation n'ait pas donné beaucoup de résultats... Je pense que le renard roux n'est pas protégé. Je ne suis pas sûr en ce qui concerne l'aigle, mais je pense que ni l'un ni l'autre ne sont protégés à l'heure actuelle en vertu du régime québécois.

Toutefois, le Québec possède la meilleure législation, sur le papier du moins. Les autres sont plutôt défaillantes. Il faut faire des progrès, et nous soutenons que le gouvernement du Canada doit montrer le chemin.

Il est important, selon moi, de comprendre qu'il ne s'agit pas simplement d'une mesure législative sur la faune et la flore. Il s'agit d'un changement clé de mentalité, et c'est là qu'apparaît l'importance de la protection de l'habitat. Il s'agit d'une loi sur la biodiversité, qui nécessite une perspective beaucoup plus sophistiquée et une approche beaucoup plus globale. Une approche aussi sélective - cette espèce-là mais pas celle-ci, cet habitat- ci, mais pas celui-là - ne peut manifestement pas s'avérer efficace dans cette optique.

La vice-présidente (Mme Payne): Je vous remercie.

Nous allons entreprendre la deuxième série de questions. Monsieur DeMarco.

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M. DeMarco: J'ai une observation sur la façon de faire des Américains. Vous savez peut-être qu'il y a quelques années, Newt Gingrich et ses amis républicains du Congrès ont tenté soit de frelater cette législation soit de la supprimer entièrement. À l'époque, la Coalition américaine pour la sauvegarde des espèces en voie de disparition a effectué une étude des dispositions relatives à l'examen préalable que l'on trouve dans la Endangered Species Act des États-Unis, en vertu desquelles toute personne qui veut modifier l'habitat essentiel d'une espèce en voie de disparition est assujettie à une évaluation environnementale du même type que celle que nous appliquons ici au Canada.

Ils ont fait le calcul et plus de 99 p. 100 de ces conflits étaient réglés à la satisfaction des deux parties. Quant à la situation hypothétique que vous avez évoquée - le renard, l'aigle et le castor que l'on pourrait retrouver tous dans notre cour - par définition, c'est une situation qui ne se produit pas très souvent, car ces espèces sont en voie de disparition et on ne les trouve que dans quelques très rares endroits. Un grand nombre d'histoires du même genre ont été évoquées, mais quand on s'est penché sur la question et qu'on a fait les calculs, on s'est rendu compte que les cas n'étaient pas très nombreux; en fait, ils représentaient moins de 1 p. 100. Même dans les rares occasions où cela s'est produit, on a pris très souvent des initiatives au niveau local pour contribuer à des fonds de compensation.

Il y a eu un cas en Ontario cette année: une colonie de bruants de Henslow avaient fait leur nid dans une ferme. L'agriculteur souhaitait couper son foin, mais comme les oiseaux y avaient fait leur nid, la communauté a contribué à un fonds équivalent au montant de l'argent qu'aurait touché l'agriculteur pour sa récolte.

On trouve dans la Loi ontarienne sur les espèces en voie de disparition une interdiction similaire à celle qui pourrait exister dans la loi nationale; dans ce cas, des gens se sont regroupés pour venir au secours d'un oiseau très peu sexy, un moineau brun que l'on ne voit pas très souvent. On constate ce genre de soutien de la part de la population, et il s'agissait d'une région rurale.

La vice-présidente (Mme Payne): Je vous remercie. La parole est à M. Adams.

M. Adams (Peterborough): Merci, madame la présidente. Je m'excuse d'avoir manqué quelques-uns des premiers exposés; j'ai dû m'absenter un moment.

Vous en avez peut-être déjà parlé, mais cela concerne les recommandations de l'Association de l'environnement, dans lesquelles se trouvent des définitions de l'habitat essentiel et de l'habitat. Il n'est sans doute pas juste de vous demander de défendre aussi le point de vue opposé sur la question, mais selon certains témoins, il vaudrait mieux ne pas définir l'habitat et l'habitat essentiel. Si je comprends bien, cela risquerait de s'avérer trop restrictif, car on ne peut pas définir exactement ce qui est essentiel - pensez à l'analogie du lit et de la maison, et à ce genre de chose.

Je me demande si l'un ou plusieurs d'entre vous seraient intéressés à discuter de ces définitions particulières, si vous voulez, et de l'intérêt qu'il y aurait à inclure une définition avant de nous donner une idée de la raison pour laquelle vous pensez que ces autres personnes ont suggéré qu'il vaudrait peut- être mieux ne pas inclure de définition.

M. Lindgren: Permettez-moi d'ouvrir le débat. D'abord, je suis pleinement en faveur de formuler des définitions claires et concises dans le projet de loi, particulièrement en ce qui concerne les articles essentiels. Des choses comme l'habitat et l'espèce doivent être définies d'une façon ou d'une autre.

Les autres peuvent vous demander de leur laisser le soin de décider ce qu'est un habitat. Ils peuvent vous demander de leur laisser un maximum de flexibilité quand il s'agit de décider ce que cela recouvre. Le problème avec le maximum de flexibilité, c'est que cela réduit au minimum la responsabilité et les certitudes à propos de ce qui est couvert et de ce qui ne l'est pas. Je pense que c'est dans le meilleur intérêt de tout le monde - les propriétaires terriens, le gouvernement, la population dans son ensemble - de savoir de façon assez précise à quoi s'applique la loi et à quoi elle ne s'applique pas.

Nous avons tenté, à la page 15 de notre mémoire, de clarifier certaines des définitions clés qui sont essentielles au projet de loi. Nous avons tenté de donner des définitions claires et, je vous l'avoue, aussi larges que possible pour être sûrs de couvrir tout ce qui devrait l'être. Il faut peut-être prévoir de définir plus précisément l'habitat par le biais de règlements ou d'autres. Mais je pense que dans la loi, on doit fournir une définition. Il n'y a pas d'autres moyens.

M. Adams: Vous parlez «des autres», or en l'occurrence - j'ai oublié le contexte exact et je vois que notre recherchiste n'est pas ici - c'était quelqu'un qui craignait que si l'on surdéfinissait, on aboutisse à une moindre protection des espèces en voie de disparition.

M. Lindgren: Je vais reprendre mon rôle d'avocat et défendre la position contraire. Je pense que nous avons besoin de définitions plus claires; autrement nous nous retrouverons toujours sur la pente savonneuse en train de nous demander ce qu'est un habitat, ce qu'est une espèce, ce qui est couvert et ce qui ne l'est pas. Cela n'assure pas du tout une protection efficace.

M. Adams: Très bien.

La vice-présidente (Mme Payne): Il y a un membre de notre personnel qui remplace...

M. Adams: Oui, s'il vous plaît.

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Mme Kristen Douglas (recherchiste du comité): Il reste encore une recherchiste ici, monsieur Adams. Je sais que c'est l'autre recherchiste qui avait demandé à M. Adams de poser cette question. C'est la raison pour laquelle il a dit qu'il n'y avait pas de recherchiste ici.

Le contexte de la question est le suivant: nous avons récemment entendu un témoin qui a soutenu qu'il n'était pas utile de définir ce qu'on entend par habitat essentiel, car il est pratiquement impossible de distinguer entre un habitat essentiel et un habitat non essentiel. Notamment en ce qui concerne les espèces en voie de disparition, tout habitat qu'elles utilisent est essentiel, et aucun biologiste ou autre scientifique ne serait en mesure de distinguer la partie de leur habitat qui pourrait être considérée comme non essentielle. Il était donc d'avis qu'il serait plus utile de parler d'habitat plutôt que d'habitat essentiel ou de définir l'habitat essentiel comme n'importe quel habitat utilisé par une espèce en péril.

Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Lindgren: C'est blanc bonnet et bonnet blanc. Peu m'importe où se trouverait la définition, ou qu'elle porte sur habitat essentiel ou habitat; l'important, c'est que cela soit défini et défini largement afin de couvrir tout ce dont a besoin une espèce pendant son cycle de vie.

M. DeMarco: Je suis d'avis que premièrement, avant de discuter de la définition de l'habitat, il faudrait s'entendre pour dire que la loi devrait protéger l'habitat; ensuite, nous aurons une bonne raison d'appliquer la définition. Donc, en présumant que nous parvenions à ce stade et que cela serait compatible avec le préambule et les objectifs de la loi, on pourrait alors, selon moi, définir l'habitat. D'après mes notes, on pourrait avoir une définition qui ressemblerait à ceci: la région ou le type de site où un organisme ou une population existe naturellement ou a existé auparavant avant de disparaître du pays et où ils pourraient éventuellement être rétablis.

Quand on parle d'habitat essentiel, on introduit une forte dose de subjectivité. On peut se référer à l'Ontario Breeding Bird Atlas et voir où les oiseaux se reproduisent, où ils hibernent et ainsi de suite, et on peut déterminer ainsi leur habitat. Mais c'est quand on passe de cette grande bulle à une définition plus étroite d'essentiel que l'on se retrouve confronté à des pinaillages juridiques et à la subjectivité. Je pense que si le projet de loi protège l'habitat, celui-ci peut être défini, mais que s'enfoncer dans des sous-définitions pourrait être dangereux.

M. Adams: On a donc maintenant une autre définition d'établie. Je vous remercie tous les deux. Au sous-alinéa 31(1) - et encore une fois je m'excuse d'avoir manqué l'exposé de l'Association des droits de l'environnement - simplement parce que nous avons une équipe d'avocats avec nous, je voudrais vous interroger sur l'utilisation du mot «prendre». Là encore, nous avons entendu des témoins qui ont dit que le mot avait fait problème dans le cadre de la législation américaine, et qu'il vaudrait mieux utiliser un ou plusieurs autres mots tels que «attraper» ou je ne sais quoi. Il s'agit ici encore d'une question assez générale, et je voudrais que l'on puisse consigner par écrit d'autres réflexions à ce sujet. Je ne vise pas ici les recommandations de l'ACDE, que je comprends, mais je voudrais connaître votre opinion au sujet de l'utilisation du mot «prendre».

M. Lindgren: Je m'en tiendrai à cette question précise. Officiellement, j'aimerais souligner que la reformulation que nous suggérons pour cet article se trouve à la page 27 de notre mémoire. Je ne vous demande pas de vous y reporter, mais nous utilisons le mot «prendre». Selon moi le problème que l'on a rencontré avec le mot «prendre» dans le contexte américain vient du fait qu'il est chargé d'un sens précis - un sens associé à l'expropriation sans indemnisation. Il n'a pas la même charge constitutionnelle ici au Canada, et c'est pourquoi je ne vois pas de difficulté à utiliser le mot «prendre» dans un texte fédéral.

M. DeMarco: Je partage le point de vue de M. Lindgren. Le changement que j'apporterais à l'article 31 serait d'ajouter le mot «déranger», que l'on retrouve dans les règlements d'application de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Il est possible de faire en sorte qu'un oiseau quitte son nid sans le prendre, le tuer ou même le harceler, mais simplement en le dérangeant de façon répétée. Par conséquent j'aimerais que le mot figure dans l'article, mais je ne vois pas quel problème le mot «prendre» pourrait poser en soi.

M. Adams: Y a-t-il quelqu'un d'autre qui aimerait faire des commentaires? Cela pour que quelque chose soit consigné à ce sujet au procès-verbal. Je remarque que l'insertion du mot «déranger» est là, et qu'il est déjà consigné.

M. Meschishnick: Si je souhaitais faire un commentaire au sujet du paragraphe 31(1), il ne porterait pas particulièrement sur les mots qui sont utilisés mais soulignerait peut-être qu'il est certainement orienté, à cause des mots qui sont utilisés, vers les créatures - les animaux. Les espèces sauvages comprennent les plantes et les organismes, et je ne suis pas sûr que la formulation utilisée prenne en considération toutes les mesures de protection contre le déracinement, par exemple...

.1200

M. Adams: Les récoltes ou je ne sais quoi.

M. Meschishnick: ... qui pourraient être incluses en ce qui concerne les plantes.

M. Adams: Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Payne): Je vous remercie. C'est maintenant au tour de M. Knutson.

M. Knutson: Je vous remercie. J'aimerais que l'on aborde la question constitutionnelle - et je m'adresse à tout le monde - dois-je comprendre qu'en résumé, votre position est que le gouvernement fédéral devrait assurer le maximum de protection possible aux espèces en voie de disparition dans le cadre du droit canadien, et que s'il y a des chevauchements de juridiction on devrait maximiser la portée de la législation fédérale? J'en vois qui font un signe de tête affirmatif. Cela résume-t-il équitablement vos propos?

M. Gertler: Je ne suis pas certain que nous nous soyons exprimés exactement de cette façon. Ce que nous avons dit, c'est que le gouvernement fédéral devrait promulguer une loi générale qui couvre... Il faut que je fasse attention car il est question de la politique de l'association. Un instant.

C'est «couvrir une vaste gamme d'espèces, d'habitats et de territoires tout en demeurant dans les limites de la compétence fédérale». Dans la lettre que l'association a envoyée en juin au ministre de l'Environnement et au ministre de la Justice, nous formulons le point de vue que dans le cas des espèces en voie de disparition, la législation fédérale générale serait constitutionnelle, du fait que le pouvoir à l'origine d'une loi de cet ordre est le pouvoir qui relève de la «paix, de l'ordre et du bon gouvernement», en particulier le pouvoir de traiter des questions qui sont d'intérêt national.

Cela dit, nous reconnaissons également qu'au-delà des aspects internationaux et interprovinciaux des pouvoirs fédéraux relatifs à l'intérêt national - et ces aspects internationaux et interprovinciaux sont aussi naturellement couverts dans le cas du pouvoir de faire des échanges et de commercer - on serait en terrain controversé.

Donc, même sans atteindre un degré complet de couverture, le texte législatif touche toute une série de secteurs tels que les pêches et les oiseaux migrateurs, ainsi les Indiens et les territoires indiens, et le droit criminel. On peut sans doute dire qu'il s'agit, avec la question de l'intérêt national, de l'aspect le plus sous-exploité de cette législation.

Le droit criminel soulève certains problèmes car il ne laisse pas place à un train complet et sophistiqué de mesures administratives comme les autres titres de pouvoir. L'approche doit être du même ordre que s'il s'agit de quelque chose de criminel; toutefois, cela dit, rien ne fait que le droit criminel devrait se limiter uniquement aux mesures punitives. L'exercice du pouvoir conféré par le droit criminel peut tout à fait légitimement avoir également un aspect préventif, et c'est de là que pourrait découler la juridiction fédérale en matière de droit criminel qui s'appliquerait à la prévention des actions nuisibles à l'égard de ces espèces et de leur habitat.

Le principe est, par exemple, que si l'on peut prévenir la cruauté à l'égard des animaux du fait qu'elle va à l'encontre du droit criminel, il devrait manifestement être possible de prévenir leur extinction en invoquant des raisons morales, plutôt que des raisons environnementales. C'est là tout le débat qui a entouré les conflits générés par la LCPE.

M. Knutson: Je vais intervenir. D'un côté, vous pouvez me donner un avis en disant qu'il s'agit d'une opinion fondée sur le fait qu'avec cela, vous pouvez gagner en cours, et c'est ce à quoi je m'attendrais de la part d'un avocat, ou d'un conseil juridique.

M. Gertler: J'espère que nous faisons plus que cela.

M. Knutson: Mais au minimum, vous pouvez dire que le gouvernement fédéral peut adopter ces lois et, même si elles sont récusées par les gouvernements provinciaux, les tribunaux se chargeront de l'affaire, et en bout de ligne, le gouvernement fédéral gagnera. D'un autre côté, si nous nous préoccupons d'agir au mieux, il y a un message que l'on nous répète constamment: à une époque où les ressources se font rares, où l'on n'a pas beaucoup d'argent, où l'on a besoin de coopération, d'avoir recours à des bénévoles - en dépit du fait que les scientifiques qui sont membres du COSEPAC sont, paraît-il, sous-payés - faire en sorte que l'observation de la loi soit autant que faire se peut volontaire ou quasi volontaire ou encore amener les gens, y compris les ministres et les fonctionnaires provinciaux à penser ainsi... Si nous en arrivons à ce que tout le monde admette le bien-fondé de ces mesures, et si nous évitons de faire appel aux tribunaux, ce qui est coûteux et inefficace, nous arriverons mieux à protéger les plantes et les animaux.

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Prenez mes dernières observations comme une sorte de point de départ. Appelez cela faire de la politique ou ce que vous voulez. Si l'on essaie d'agir au mieux pour protéger les espèces que l'on trouve au sein de la fédération canadienne telle qu'elle existe actuellement, et étant donné que les gens sont ce qu'ils sont, arrive-t-il un moment où l'on peut dire, que même si le gouvernement fédéral est compétent pour adopter ces lois, cela n'aura aucun résultat positif pour les animaux ou les plantes parce que cela va seulement entraîner des poursuites coûteuses devant les tribunaux qui vont ralentir l'effet de la législation?

L'autre question que je souhaite poser est la suivante: êtes- vous certain, vous qui représentez l'Association du Barreau canadien, que vos opinions sont celles de la majorité de vos membres? Si nous avions comme témoins un groupe d'avocats de l'Alberta spécialisés en droit environnemental, est-ce qu'ils nous donneraient une autre opinion? Y a-t-il un avocat de l'Alberta ici?

Mme Thomson: La politique qui est reflétée dans le mémoire de l'ABC a été adoptée par le conseil, l'organe supérieur le plus largement représentatif de notre association. Le conseil regroupe environ 500 membres, qui représentent eux-mêmes 34 000 membres. Donc, en ce sens, cet organe est plus représentatif que la Chambre des communes. Les avocats qui en font partie viennent de chaque province et territoire. Par ailleurs, ils représentent différents groupes d'intérêt ou sections, et leurs spécialités couvrent tous les domaines du droit canadien.

La résolution qui a été adoptée par l'association se trouve à l'annexe 1 de notre mémoire.

M. Knutson: Alors, est-ce que cela signifie qu'à votre avis cela traduit un consensus?

Mme Thomson: Cela représente les politiques adoptées de façon démocratique par l'Association du Barreau canadien.

M. Knutson: Vous pensez qu'en gros, on peut parler de consensus?

Mme Thomson: Dans la mesure où des avocats peuvent parvenir à un consensus, oui.

La vice-présidente (Mme Payne): Bien dit.

Monsieur Knutson, aviez-vous terminé ou aviez quelque chose à ajouter?

M. Knutson: Ma question comportait une première partie.

M. Gertler: Je serais heureux de répondre à la première partie de la question, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Payne): Je vous en prie.

M. Gertler: La première chose que je voudrais souligner, c'est que nous représentons ici la Section nationale du droit de l'environnement de l'Association du Barreau canadien et, à ce titre, nous nous devons d'être en faveur de la règle de droit.

En ce qui a trait à l'observation que j'ai faite précédemment, lorsque j'ai dit que non seulement les écologistes et les espèces, mais également l'industrie bénéficieraient d'un peu plus de certitude, je n'ai pas dit cela à la légère. Je pense que c'est une question que le comité devrait sérieusement considérer, car on peut bien être en faveur de tous les autres moyens, le bénévolat, les ententes et la bonne volonté, cela ne devrait pas remplacer des règles claires.

En ce qui a trait à la fédération canadienne telle qu'elle est véritablement, en général, l'expérience démontre que les chevauchements sont plus théoriques que réels et que c'est aussi indubitablement le cas en ce qui concerne les doubles emplois.

Je m'explique. Parfois, il existe une législation qui couvre essentiellement la même chose - disons que nous parlons précisément de la législation sur les espèces en voie de disparition - mais soit l'inscription sur la liste des espèces en péril n'est pas prévue - même si la législation existe, elle n'est pas agissante, si vous voulez, c'est juste une coque vide au niveau provincial - soit il y a des lacunes sur le plan de l'application de la loi.

On peut donc déduire, je suppose, que le gouvernement fédéral a un certain leadership à assumer. Je ne veux pas dire par là qu'il devrait user de la manière forte avec les provinces, ni prendre la tête des troupes et lancer des inspecteurs sur le sentier de la guerre partout dans le pays. Ce n'est pas cela qui va se passer. Toutefois, le gouvernement fédéral devrait s'occuper de faire vraiment démarrer ce projet et de le faire avancer.

Cela met en cause des obligations internationales non négligeables. Seules quatre provinces ont une législation parallèle. On prétend que Québec est la seule province où cette législation est plus ou moins adéquate, au moins sur papier.

Sans aucun doute, avec le temps, ces difficultés s'aplaniront, mais la législation, dans sa mouture actuelle, laisse beaucoup de place aux provinces. C'est une législation qui n'est pas sans défauts, comme nous l'avons fait remarquer dans notre mémoire, notamment en ce qui a trait à la participation du public et à la responsabilité, mais elle laisse beaucoup de place aux provinces. Par conséquent, nous ne pouvons souscrire à l'idée qu'une couverture fédérale plus large, en vertu de cette loi, aurait des effets néfastes.

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De fait, disons que les questions débattues sont les suivantes: est-ce une espèce migratrice ou non? Avons-nous ici un habitat pour les poissons? Est-on vraiment sur un territoire domanial? Toutes ces questions sont sujettes à litige et engendrent l'incertitude. Il se peut que la meilleure approche soit d'avoir une loi plus largement applicable, mais qui comporterait des dispositions d'équivalence, ce qui est la façon dont la LCPE était conçue à l'origine. Peut être est-ce mieux que de dire que nous allons essayer de cibler la petite portion du territoire canadien qui est au sud du 60e parallèle et qui tombe complètement sous contrôle fédéral.

La vice-présidente (Mme Payne): Dianne Brushett, bienvenue au comité.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Je suis désolée d'être arrivée en retard, mais je siégeais au Comité des finances.

J'ai deux questions, en vitesse. En voici une.

Vous parlez spécifiquement dans vos recommandations des activités qui dérangent les espèces dans leur résidence. On nous a parlé des feux de forêt, des coupes à blanc, etc. pour nous démontrer que le mot résidence avait un sens très large. Toutefois, en Nouvelle-Écosse, j'ai vu à plusieurs reprises - quand je dis «à plusieurs reprises» cela veut dire bien des fois, car je représente une région rurale - des représentants de Ressources naturelles prendre le renard de M. Asselin et l'emmener plus loin dans la forêt, à 200 milles de là, peut-être, dans un endroit où il n'y a pas de poulailler. Je les ai vus prendre le nid d'un harfang des neiges en haut d'un arbre et le replacer ailleurs pour créer une nouvelle résidence, un nouvel habitat, où cet oiseau peut vivre et se reproduire, etc. Ce n'était pas très loin de l'endroit où il était à l'origine.

Donc, si vous voulez utiliser des mots sans équivoque et dire que l'on ne peut pas déranger la résidence de ces espèces, nous n'allons pas pouvoir appliquer les lois provinciales et territoriales et prendre toutes les mesures qui dépendent de ces juridictions. Les coupes à blanc font partie de ces choses qui, dans toute juridiction, présentent des avantages et des désavantages.

J'aimerais beaucoup entendre votre explication. J'ai vu à plusieurs reprises des animaux relocalisés, et dans un autre habitat, les choses allaient beaucoup mieux. Ils étaient plus en sécurité. Nous avons pris des castors qui avaient construit un barrage et nous les avons déplacés. Ce sont les responsables des Ressources naturelles qui s'occupent de cela. Mais tous les jours de la semaine, vous pourriez appeler quelqu'un pour faire ce genre de chose en vertu de la législation provinciale.

Je pense que les gens qui habitent des régions rurales sont très enclins à vouloir protéger. Ce sont eux qui protègent le mieux leur environnement ainsi que la nature qui les entoure.

Je passe tout de suite au deuxième point pour ne pas prendre trop de temps; il s'agit des normes nationales. Comment pensez-vous parvenir à établir des normes nationales pour identifier chaque espèce, alors qu'il peut s'agir d'une espèce migratrice ou qu'elle peut changer au rythme des processus d'évolution qui sont fréquents en ce domaine?

Je viens d'une région rurale où l'observation des oiseaux est en haut de la liste des priorités de l'industrie de l'écotourisme. Nous nous occupons de ce genre de chose quotidiennement, et nous savons donc ce qui se passe. Je ne vois pas comment vous pourriez établir des normes nationales, alors qu'une espèce peut évoluer au cours de son cycle de vie.

M. Lindgren: Je vais commencer, madame la présidente.

Voilà deux bonnes questions. Tout d'abord, permettez-moi de parler de la question du dérangement des espèces ou de leur habitat. Le scénario que vous venez de décrire illustre précisément pourquoi le mot «déranger» doit être inclus dans la législation. Il faut, en règle générale, interdire ce genre d'activité, mais permettre quelques exceptions.

Vous remarquerez que le projet de loi C-65 stipule que des permis et des autorisations peuvent être émis lorsque ce genre de relocalisation peut être justifiée sur le plan biologique, et lorsqu'on peut démontrer que cela n'aura pas d'effet sur la survie de l'espèce. Cependant, pour en arriver à l'étape des permis et des autorisations, il faut, en règle générale, interdire cette activité, et obliger les gens qui veulent agir ainsi à justifier ce qu'ils veulent faire. C'est pourquoi le mot «déranger» doit être inclus.

En ce qui a trait à la question des normes nationales, je dois reconnaître que je ne suis pas de votre avis lorsque vous dites douter qu'on puisse les appliquer effectivement, car le COSEPAC a déjà accompli une grande partie de notre tâche à cet égard. Il a déjà identifié les 276 espèces en péril. Il nous reste maintenant à veiller à ce que cette législation nous permette d'assurer le suivi.

Mme Brushett: Est-ce ce que vous entendez lorsque vous parlez de normes nationales, juste inscrire des espèces sur une liste?

M. Lindgren: Non, l'établissement de normes nationales va bien au-delà. Cela comprend généralement des interdictions légales qui s'appliquent, au minimum, de la côte Est à la côte Ouest et jusqu'à l'Arctique. Pour moi, c'est cela une norme nationale. Donc, il ne s'agit pas uniquement d'inscrire les espèces sur une liste, mais de les protéger effectivement. Vous protégez les espèces, leur habitat, leur résidence et tout ce dont elles ont besoin pour survivre et se rétablir.

On peut y arriver. Cela a été fait ailleurs. Ce n'est pas une tâche impossible.

M. DeMarco: Je voudrais faire une observation sur l'exemple de relocalisation que vous avez cité. Cela est tout à fait faisable dans le cas de nombreuses espèces dites opportunistes, par exemple, les cervidés, les coyotes, les renards, etc., des espèces qui peuvent vivre dans différents endroits. Comme les humains, elles peuvent vivre dans toutes sortes d'habitats. Toutefois, les espèces en voie de disparition sont généralement celles qui, à cause de leur évolution, ne peuvent vivre et se reproduire que dans un habitat très étroitement défini.

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Par exemple, il y a en Ontario un papillon en voie de disparition, le papillon Bleu mélissa, qui s'est adapté pour vivre uniquement sur les lupins. Lorsque les lupins ont disparu en Ontario, ces papillons ont également pratiquement disparu. Si vous en preniez un millier et si vous les mettiez dans un champ de pissenlits, ils ne pourraient pas d'adapter.

Donc, le conflit dont vous parlez ne se produira que très rarement avec des espèces indigènes, mais il n'est pas nécessairement possible de relocaliser une espèce en voie de disparition.

Mme Brushett: À l'encontre de cette thèse, pourquoi ne pourrait-on pas, dans le cas de ce papillon en voie de disparition, faire pousser des lupins dans un champ éloigné des pâturages réservés au bétail, où cela occasionne des problèmes? Vous n'avez alors pas besoin d'un champ de pissenlits, mais simplement de lupins pour pouvoir lâcher les papillons qui ont alors un endroit idéal pour se reproduire.

M. DeMarco: C'est le genre de travail qui sera fait dans le cadre d'un plan de rétablissement de cette espèce, maintenant que c'est...

Mme Brushett: Mais on le fait déjà. Avec tout le respect que je vous dois, c'est ce que font déjà souvent les responsables des Ressources naturelles, des écologistes et de nombreux groupes communautaires.

M. Meschishnick: C'est vrai, il se peut que cela se fasse dans certains cas, mais d'après nous, c'est là le résultat d'un bon système qui s'appuie sur certains principes. Il y a des gens qui prétendent que nous devons trouver des solutions de rechange pour protéger les espèces. Vous avez là des exemples des résultats que peuvent produire ces systèmes informels.

Mais de notre point de vue, l'utilité de cette législation réside dans le fait qu'elle va permettre d'appliquer ce principe dans tout le pays. Pour rependre l'exemple de relocalisation que vous avez donné, il est clair que cela vaut mieux que de détruire l'espèce, mais cela ne peut se produire que s'il existe un bon système, un système tel que cette législation est censée instaurer. Si l'espèce est sur la liste des espèces en péril, nous allons trouver une solution de rechange à sa destruction.

En ce qui a trait à la question des normes nationales, et plus précisément de l'établissement d'une liste, j'ai une seule observation à faire: il s'agit d'un processus scientifique. Il est certain que ni les avocats, ni les politiciens, d'ailleurs, ne devraient s'en mêler. Qu'il s'agisse d'établir une norme nationale ou simplement des critères que l'on va utiliser pour déterminer si une espèce a atteint l'un de deux ou trois seuils ou entre dans le cadre de certaines définitions, c'est un processus qui est clairement scientifique.

Mme Brushett: J'ai juste une observation à faire, madame la présidente. Parmi les politiciens, on trouve des avocats et des scientifiques.

Alors, je voudrais juste faire ce dernier commentaire. Le comité créé par le biais de la législation va être composé de scientifiques; ce sont eux qui vont fixer les critères et ils vont certainement donner la priorité aux espèces qui existent dans ce pays, qui font partie de notre riche patrimoine et qui, avec un peu de chance, continueront à exister.

Merci.

La vice-présidente (Mme Payne): J'hésite à mettre un terme à cette séance car M. Asselin a une brève question. Après que l'on y aura répondu rapidement, nous conclurons nos délibérations.

[Français]

M. Asselin: D'abord, ce projet de loi, à mon avis, est un projet de loi bidon. C'est un coup d'épée dans l'eau. C'est un projet de loi pour faire de la politique et je n'ai pas le goût, en tant que membre de l'Opposition officielle, de faire de la politique au détriment des espèces en péril.

J'espère que le projet de loi C-65, dont l'objectif est de protéger les espèces en péril, protégera le ministre lors d'un prochain remaniement ministériel, parce que cela n'aura aucun effet sur la vie d'aujourd'hui.

Par exemple, prenons le cas d'un maire qui serait un pelleteur de nuages, un deux de pique et qui ferait adopter un règlement municipal sans prévoir le budget, le personnel et l'équipement. Quel effet cela aurait-il sur la vie et la protection des citoyens d'une municipalité?

C'est le problème du projet de loi C-65. On pense régler cela en faisant de la politique et avec du bénévolat. On n'a pas prévu de budget. Donc, cela aura comme conséquence une réduction du personnel et de l'équipement. La loi ne sera nullement respectée et, en conséquence, tout le monde va les envoyer où on pense.

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Qu'on applique la loi ou qu'on ne l'applique pas, il n'y aura aucune conséquence, parce qu'il n'y aura personne pour la faire appliquer. Donc, on s'en foutra.

On en reparlera dans dix ans. La liste, au lieu de contenir 20 noms d'espèces en péril, en contiendra 50.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Payne): Merci.

Quelqu'un veut-il répondre rapidement?

M. DeMarco: Les restrictions budgétaires ne risquent pas de disparaître de si tôt. La meilleure façon de grever votre budget, c'est d'utiliser dans la loi toutes sortes d'expressions qui laissent une large discrétion, ce qui signifie qu'un ministre... est-ce que cela vaut la peine d'inclure cette espèce sur la liste, est-ce que cette situation est critique? C'est ce qui va coûter beaucoup d'argent. Il va vous falloir un personnel très nombreux pour interpréter cela, pour appliquer la législation aux différentes situations qui peuvent se présenter. Il va y avoir des lobbyistes qui vont dire que justement, en ce moment, on n'a pas besoin d'être aussi pointilleux que cela, etc.

Quand les choses sont exprimées clairement, il faut moins de ressources car aucune incertitude ne plane et il n'est pas nécessaire de faire des interprétations élaborées. Si l'énoncé de ce projet de loi est clair, c'est, au bout du compte, les espèces qui en tireront un avantage, ainsi que les gens qui veulent les voir survivre, c'est-à-dire 90 p. 100 des Canadiens. Cela se révélera également avantageux sur le plan financier.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci.

M. Adams veut faire une autre brève intervention et avant que je lève la séance, M. Knutson veut soulever une question d'intendance.

M. Adams: Madame la présidente, dans mon cas, il s'agit d'une simple observation. Tout d'abord, je tiens à remercier l'Association du Barreau canadien de s'être impliquée à ce point. Mme Thomson, j'ai beaucoup apprécié les précisions que vous avez données à mon collègue sur la façon dont vous êtes arrivée à définir votre position. Je n'ai aucune difficulté à imaginer qu'avec 34 000 membres, c'est une entreprise difficile. On doit féliciter l'Association du Barreau canadien de s'être impliquée au cours des dernières années et souligner que sa contribution est extrêmement importante.

Deuxièmement, après avoir lu votre mémoire et après vous avoir écoutés, nous savons que vous comprenez les côtés positifs et négatifs des mesures que nous essayons de faire adopter. Nous en sommes au même point que vous. Je pense que vous comprenez également qu'étant donné le climat politique, nous devons prendre certaines initiatives.

Madame la présidente, j'ai particulièrement apprécié les observations portant sur la nécessité d'habiliter les Canadiens. Je pense que le moment est opportun. Nous n'en sommes plus à l'époque où les rapaces étaient exclus de la catégorie des oiseaux migrateurs, et les Canadiens sont maintenant prêts à être responsabilisés. Je reconnais le bien-fondé de certaines observations faites par nos collègues sur la rareté des fonds et des ressources, etc. De mon point de vue, un des meilleurs résultats que cette législation pourrait avoir c'est qu'elle aboutisse à responsabiliser les Canadiens.

Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup, monsieur Adams.

Comme l'a dit M. Adams, nous vous remercions d'avoir comparu ce matin. Vos exposés ainsi que vos observations vont certainement nous être très utiles. Tout comme mes collègues, j'en suis sûre, j'ai trouvé cette séance extrêmement intéressante. Nous espérons que la mouture finale de ce projet de loi se rapprochera de ce que vous souhaitez.

Monsieur Knutson.

M. Knutson: Je propose que l'on inscrive à l'ordre du jour de la réunion de demain l'adoption d'un plan de travail, notamment la question des voyages et la proposition du greffier.

[Français]

M. Asselin: Mais on est en vacances durant cette période.

Le greffier du comité: La dernière semaine avant le retour de la Chambre.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Payne): Nous en discuterons à la réunion de demain. Ce sera à l'ordre du jour. Merci beaucoup, monsieur Knutson.

La séance est levée.

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