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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 4 décembre 1996.

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[Traduction]

Le président: Nous faisons aussi bien de commencer le plus près possible de 15 h 30.

J'accueille aujourd'hui des représentants du Fonds mondial pour la nature, de la Société pour la protection des parcs et sites naturels du Canada et de la Federation of Ontario Naturalists. Nous sommes très heureux de vous souhaiter la bienvenue. Je voudrais d'abord que vous vous présentiez et que vous décidiez dans quel ordre vous ferez vos exposés.

M. Peter Ewins (directeur des espèces en péril, Fonds mondial pour la nature): Je m'appelle Peter Ewins et je représente le Fonds mondial pour la nature.

Mme Mary Granskou (directrice exécutive, Société pour la protection des parcs et sites naturels du Canada): Je suis Mary Granskou et je suis directrice exécutive de la Société pour la protection des parcs et sites naturels du Canada.

M. John Riley (directeur de la conservation et de la science, Federation of Ontario Naturalists): Je suis John Riley, directeur de la conservation et de la science à la Federation of Ontario Naturalists.

Le président: Soyez les bienvenus.

M. Ewins: Nous sommes tout à fait d'accord pour procéder dans l'ordre donné à l'ordre du jour, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Je suis Pete Ewins et je suis directeur des espèces en péril au Fonds mondial pour la nature. Je vais simplement passer en revue certaines des choses notées sur les feuilles que vous avez sans doute sous les yeux, mais je ne vais pas lire le texte en entier.

Le Fonds mondial pour la nature est le plus important organisme de conservation de l'environnement du monde et compte plus de cinq millions de membres. Au Canada, le Fonds mondial pour la nature a été fondé en 1967. Nous comptons maintenant plus de 55 000 membres et nous avons des recettes annuelles de plus de 11 millions de dollars.

Nous nous efforçons de protéger les processus naturels et écologiques grâce à la création de partenariats et surtout de fournir des conseils sur la préservation à long terme basés sur de solides données scientifiques et sur l'utilisation de ressources renouvelables. Je souligne que le Fonds mondial pour la nature n'est pas un groupe de défense des droits des animaux. Le Fonds est l'un des six membres du comité directeur de la Canadian Endangered Species Coalition.

Dans mon exposé aujourd'hui, je parlerai de quatre questions générales et ensuite de six sujets particuliers. Vous en trouverez les détails dans notre mémoire de sept pages, de même qu'une analyse du projet de loi article par article à la fin.

D'abord, pour ce qui est des quatre questions d'ordre général, le Fonds mondial pour la nature est heureux que le gouvernement du Canada ait décidé de faire adopter le premier projet de loi du Canada pour la protection des espèces en péril. Étant donné les vastes richesses naturelles du Canada et les excellentes occasions qu'il a de préserver la diversité biologique, le Canada doit maintenant assumer ses responsabilités globales et devenir un modèle pour les autres pays du monde en ce qui a trait à la préservation des espèces en péril.

Le Fonds félicite le gouvernement fédéral d'avoir consulté un si grand nombre d'intervenants pour la rédaction du projet de loi et d'avoir collaboré étroitement avec les provinces et territoires à l'accord national pour la protection des espèces en péril au Canada. Par ailleurs, un certain nombre de choses essentielles ont été exclues de ces mesures même si bon nombre d'experts avaient insisté à maintes reprises sur ces éléments pendant le processus de consultation.

Le principal élément a trait au fait que le projet de loi confère toutes sortes de pouvoirs discrétionnaires plutôt que des pouvoirs obligatoires. Cela signifie que le projet de loi ne pourra pas sous sa forme actuelle atteindre les objectifs fixés, c'est-à- dire protéger et rétablir efficacement les espèces en péril du Canada. Le Fonds mondial pour la nature Canada aurait donc beaucoup de mal à considérer le projet de loi actuel comme reflétant une position fédérale ferme pour la protection nationale des espèces en péril.

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Troisièmement, nous sommes bien d'accord que la seule façon de mettre en oeuvre des programmes de conservation efficaces consiste à créer des partenariats solides. Lors des sondages d'opinions, les Canadiens ont affirmé à maintes reprises, comme le prouvent les plus de 100 000 signatures apposées à des pétitions et à des lettres aux députés et aux ministres, que l'on ne pouvait plus invoquer d'excuses politiques pour justifier la réduction de la biodiversité de la planète. Le public exige la création de partenariats efficaces et des mesures positives pour aider à protéger ces espèces et l'adoption d'une loi fédérale forte qui puisse servir de filet de sécurité national pour toutes les espèces menacées et en voie de disparition.

Quatrièmement, je tiens à signaler que nous appuyons la majorité des commentaires détaillés présentés par d'autres membres du comité directeur de la Canadian Endangered Species Coalition, dont bon nombre reprennent les recommandations contenues dans le rapport final présenté par le groupe de travail gouvernemental au ministre Marchi.

Passons maintenant aux six principales observations du Fonds mondial pour la nature au sujet du projet de loi lui-même. D'abord, pourquoi ne pas maintenir le statu quo? Il est bien clair que le statu quo ne protège pas suffisamment les espèces en péril du Canada, sinon aucun de nous ne serait ici aujourd'hui. On ajoute chaque année de plus en plus d'espèces à la liste du COSEPAC. En 1996, 19 espèces ou populations ont été soit ajoutées à la liste soit inscrites dans une catégorie davantage menacée qu'auparavant.

Nous avons maintenant au Canada un ensemble disparate de mesures de protection de la faune qui varient énormément d'une province à l'autre. Quatre provinces ont déjà des lois sur la protection des espèces en péril, mais la plupart prévoient uniquement des pouvoirs très vagues et surtout discrétionnaires et les programmes qu'elles mentionnent ne sont pas suffisamment bien financés.

Je vais vous donner deux exemples. Premièrement, le Québec a adopté une loi sur la protection des espèces en péril il y a sept ans, mais il n'a toujours pas inscrit une seule espèce animale sur sa liste. Deuxièmement, en Ontario, la loi sur les espèces en péril adoptée il y a quelques années s'appliquait à 12 ou 15 espèces végétales, alors qu'il y a en Ontario plus de 600 espèces végétales qu'on retrouve à seulement un endroit ou deux dans la province. Idéalement, de telles espèces satisferaient maintenant aux critères pour être considérées comme des espèces en péril ou en voie de disparition en Ontario et à l'échelle nationale.

Certaines espèces continuent leur chute vers la disparition à cause de négligence et du fait que nous n'avons pas de mécanismes de protection uniformes applicables à l'échelle nationale partout dans le pays. Si nous voulons être réalistes, nous devons admettre que le projet de loi ne fera rien d'autre que maintenir le statu quo et ne fera pas grand-chose pour améliorer les mécanismes de préservation des espèces au Canada.

Deuxièmement, il faudrait un filet de sécurité fédéral. Selon le Fonds mondial pour la nature, le gouvernement fédéral doit créer un filet de sécurité législatif pour arrêter le raz-de-marée de la perte de biodiversité au Canada. L'Association du Barreau canadien et bon nombre d'experts internationaux reconnaissent que c'est effectivement le rôle du gouvernement fédéral. Vous êtes sans doute tous au courant de la Convention des Nations Unies sur la biodiversité et de ce que le Canada doit faire aux termes de cette convention.

C'est seulement si les provinces et territoires adoptaient eux-mêmes des lois et des programmes de conservation efficaces qu'il serait inutile d'avoir un tel filet de sécurité pour empêcher les déclins auxquels nous assistons maintenant. Il faudrait donc élargir la portée de l'article 33 visant les espèces frontalières pour qu'il s'applique à toutes les espèces animales et végétales inscrites sur les listes d'espèces en péril pour toutes les terres et toutes les eaux du Canada. L'article 3, qui porte sur l'application de la loi, devrait donc préciser que la mesure s'applique à tout le Canada et que les provinces auront compétence dans ce domaine lorsqu'elles auront instauré de solides lois et programmes. Si je ne m'abuse, c'est ce que l'on désignait comme l'article d'équivalence dans certaines des recommandations du groupe de travail.

Troisièmement, relativement à la protection de l'habitat et aux besoins des espèces en péril relativement à leur habitat, plus de 80 p. 100 des 276 espèces inscrites à la liste du COSEPAC le sont à cause de problèmes reliés à la perte et à la dégradation de l'habitat. Malgré cela, le projet de loi C-65 fait vraiment très peu pour protéger l'habitat des espèces.

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À cet égard, il suffit d'appliquer de simples principes écologiques que connaît n'importe quel étudiant d'école secondaire. Un animal a besoin de beaucoup plus qu'un endroit pour faire son nid pour survivre; il a besoin d'un endroit où se nourrir, pour évoluer et se disperser, c'est-à-dire d'un habitat relié par un couloir quelconque où il peut se déplacer.

Si le projet de loi n'assure pas la protection de l'habitat de ces espèces, il est bien évident qu'il n'atteindra pas son objectif. Je vous rappelle à cet égard ce que stipule l'article 5:

Il faudrait nettement étendre de beaucoup la portée du projet de loi relativement à l'habitat et élargir les définitions des éléments de l'habitat, les mentions de la résidence, de l'habitat critique, et ainsi de suite.

Quatrièmement, relativement aux plans et aux programmes de rétablissement, le Fonds mondial pour la nature appuie la proposition en vue de rendre obligatoire la présentation de plans de rétablissement dans des délais relativement stricts une fois qu'une espèce est inscrite sur la liste. Cependant, la mise en oeuvre du plan reste discrétionnaire, alors que c'est l'élément essentiel pour l'espèce en question. On devrait exiger que le ministre exerce ces pouvoirs, à moins que nous voulions simplement des piles de documents s'accumulant sur les tablettes. Il est plutôt ironique de voir que le suivi de la mise en oeuvre est obligatoire aux termes de l'article 44, mais pas la mise en oeuvre elle-même. Autrement dit, on peut exiger que le ministre fasse un suivi du déclin et de la disparition d'une espèce, mais pas qu'il prenne des mesures préventives.

Notre cinquième observation porte sur les vérifications préliminaires et les conflits avec d'autres utilisations du territoire. Le libellé de l'article 36 portant sur l'application des interdictions visant les activités autorisées sous le régime d'autres lois du Parlement, permettrait de continuer d'utiliser des pesticides toxiques ou d'autres pratiques de gestion du territoire jugées nécessaires pour protéger certains intérêts commerciaux. À cet égard, je m'arrête tout particulièrement à la santé des animaux et des végétaux, vu que cela peut essentiellement s'appliquer à l'ensemble des industries agricoles et forestières au Canada. Selon nous, de telles activités seraient autorisées malgré les effets nocifs qu'elles peuvent avoir sur les espèces menacées ou en voie de disparition dans une région donnée.

Cela va nettement à l'encontre de l'article 5 du projet de loi, qui décrit l'objectif général de la loi. L'exemple que bien des gens connaissent maintenant est celui de la chouette des terriers dans les Prairies et des pesticides hautement toxiques qui contribuaient à son déclin. Il y a aussi le cas du carbofuran.

On peut cependant éviter de tels conflits si l'on vérifie suffisamment d'avance les effets de l'activité prévue qui pourraient être nocifs. Il faudrait donc une base de données officielles ou un système de dépistage géographique qui permettrait aux gestionnaires des terres et des ressources de vérifier et de noter les secteurs où des conflits risquent de se produire et les obligeraient à en tenir compte. De tels systèmes fonctionnent de façon très efficace aux États-Unis et dans certains pays d'Europe. Le projet de loi devrait obliger le ministre à créer une telle base de données centralisée pour que les gestionnaires des ressources et des territoires puissent déceler les secteurs où il risque d'y avoir un conflit et qu'ils puissent ensuite collaborer pour trouver les solutions au problème.

Enfin, la structure et le rôle du COSEPAC nous inquiètent beaucoup. Il s'agit maintenant d'un comité formé de représentants des gouvernements fédéral et provinciaux et des ONG qui permet à des experts scientifiques d'inscrire certaines espèces sur la liste d'après des critères scientifiques. Les articles de 13 à 30 du projet de loi laissent entendre que la liste des espèces en péril du Canada ne sera plus une source sûre de renseignements pour les citoyens. Les membres du COSEPAC seraient nommés par le ministre et ne seraient pas nécessairement des experts scientifiques. Les inscriptions sur la liste seraient faites à la suite de consultations ministérielles et non pas par des scientifiques.

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Le fait d'inscrire une espèce sur la liste ne doit pas être une décision du gouvernement; il s'agit plutôt de reconnaître objectivement la situation d'une espèce particulière.

L'article 13 doit donc préciser que les membres du COSEPAC doivent être des experts scientifiques indépendants et, peu importe que le COSEPAC soit formé de neuf personnes ou plus, sa composition doit être équilibrée et comprendre au moins un représentant d'un organisme non gouvernemental, de même que des experts des universités, de la Société royale du Canada et d'autres organismes réputés. Les scientifiques à l'emploi du gouvernement ne devraient pas représenter plus de 50 p. 100 des membres du COSEPAC. C'est uniquement si le projet de loi prévoit officiellement une telle structure pour le COSEPAC que cet organisme pourra conserver sa crédibilité.

Pour terminer, l'avenir de nos espèces menacées et en voie de disparition est entre les mains d'un petit nombre de dirigeants politiques canadiens. Ceux-ci devraient écouter leurs électeurs et profiter de l'occasion pour adopter une mesure de protection des espèces en péril qui servira vraiment de modèle pour tout le pays. Les espèces en péril n'ont pas de frontières politiques et leur avenir dépend de vous.

Enfin, j'ai quelques illustrations qui vous donneront des exemples de ce que le projet de loi pourrait signifier.

Le président: Pouvez-vous résumer? Sinon, vous empiéterez sur le temps de parole de vos collègues et de la période des questions.

M. Ewins: D'accord.

La marmotte de l'île de Vancouver, le petit animal à fourrure, et la platanthère blanchâtre de l'Ouest ne sont pas visées par le projet de loi. L'endroit où se nourrit la chouette des terriers ne sera pas régi par le projet de loi, pas plus que les terres humides dont la paruline orangée a besoin. Quant au béluga, les problèmes que lui causent les navires de pêche et l'écotourisme ne sont pas pour l'instant visés par le projet de loi. Ces espèces profiteront- elles du projet de loi? La réponse est clairement non.

Merci de votre attention.

Le président: Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ces espèces ne sont pas visées pour que ce soit noté au compte rendu?

M. Ewins: C'est expliqué dans le document. Voulez-vous que je précise?

Le président: S'il vous plaît.

M. Ewins: La marmotte ne sera pas visée parce que c'est un mammifère et qu'on ne la trouve pas aux États-unis. Il n'y en a que dans l'Île de Vancouver.

La platanthère blanchâtre est une plante. L'article 33 qui porte sur les espèces frontalières ne s'y applique donc pas parce que cet article ne vise pour l'instant que les espèces animales. L'ensemble du projet de loi ne touche pas les plantes.

La chouette des terriers serait visée par l'article 33, mais l'endroit où elle se nourrit est exclu pour l'instant parce que les définitions portent uniquement sur les nids et les terriers et non pas sur le territoire assez vaste dont une chouette des terriers a besoin pour se nourrir. L'article 36 permettrait aussi de continuer à utiliser des pesticides.

Quant à la paruline orangée du sud de l'Ontario, elle est visée par le projet de loi à titre d'oiseau migrateur, mais l'habitat dont elle a besoin et l'équilibre de l'écosystème aquatique dans les boisés caroliniens ne sont pas visés par le projet de loi. Si nous pouvions simplement prévoir la protection de l'arbre où se trouve le nid...

Le béluga est relativement bien protégé par la Loi sur les pêches et le projet de loi n'ajoute pas grand-chose à cette protection. Ce que j'essayais de dire cependant, c'est que l'on n'a rien fait pour empêcher les perturbations causées à ces baleines malgré les lois actuelles et, parce qu'il n'en est pas question dans le projet de loi, rien ne laisse entrevoir que la situation des bélugas s'améliorera à l'avenir.

Le président: Pourriez-vous fournir au comité le texte que vous jugez nécessaire pour étendre la définition de l'habitat ou d'autres dispositions de la mesure? Cela permettra au comité d'inclure les exemples que vous avez donnés.

M. Ewins: J'ai formulé certaines suggestions qui se trouvent surtout dans les trois dernières pages du mémoire.

Le président: Très bien. Merci.

Madame Granskou.

Mme Granskou: Comme je l'ai dit tantôt, je suis directrice exécutive de la Société pour la protection des parcs et sites naturels du Canada. En un mot, nous sommes un organisme de conservation. Nous avons neuf sections locales au Canada. La société a été fondée en 1963 et est chargée d'un double mandat.

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Le premier consiste à établir de nouvelles zones protégées dans tout le Canada et à en faciliter la désignation; à cet égard, nous avons aidé à établir et à sauver plus de 100 000 kilomètres carrés de zones protégées au Canada depuis 33 ans.

L'autre partie de notre mandat et de notre mission consiste à améliorer la gestion des zones protégées nationales, provinciales et territoriales comme le Parc national de Banff. Vous êtes sans doute tous au courant des récentes mesures prises dans le parc national de Banff. Ces mesures ont été dues en bonne partie au travail de notre organisme et d'autres groupes. Notre organisme fonctionne à partir de la base, selon des principes de collaboration et des principes scientifiques, et nous sommes fermement engagés à favoriser l'adoption d'une mesure sur la protection des espèces en péril vu que cela nous fournirait un outil pour protéger l'habitat.

Je voudrais me concentrer sur deux éléments clés. Avant d'entamer mon exposé, je dois dire que je souscris à toutes les opinions exprimées par les membres de la Canadian Endangered Species Coalition. Notre organisme est l'un des six membres du comité directeur de la coalition. En plus des points soulevés par Pete Ewins, que j'appuie de tout coeur, je voudrais me concentrer d'abord sur l'habitat et la façon dont il est visé par le projet de loi, et ensuite, sur la portée générale du projet de loi.

Selon nous, la protection de l'habitat doit être au centre de toute loi de protection des espèces en péril, car la perte de l'habitat est le principal problème qui cause le déclin des espèces au Canada. Le critère qui nous permettra donc de déterminer dans quelle mesure le projet de loi C-65 est efficace sera la façon dont il protège l'habitat et dans quelle mesure il peut le faire partout dans tout le pays.

Le libellé actuel du projet de loi prévoit la protection de l'habitat, mais il n'en fait pas une obligation. Il ne va pas aussi loin que l'accord national fédéral-provincial pour la protection des espèces en péril, selon lequel tous les gouvernements doivent adopter des lois qui protégeront, et non pas qui pourraient protéger, l'habitat des espèces menacées et en voie de disparition. Le projet de loi protège moins bien l'habitat que les lois adoptées jusqu'ici par quatre provinces. Selon nous, il y a encore bien des choses qu'on pourrait améliorer à cet égard et c'est ce que nous réclamons.

Le gouvernement fédéral doit adopter une loi solide et efficace sur la protection des espèces en péril qui puisse servir de modèle aux lois provinciales. Le projet de loi C-65 aura des ramifications partout dans le pays, mais il ne pourra pas sauver les espèces en péril à moins que l'on ne renforce sensiblement les dispositions précisant comment et où il protège l'habitat des espèces en péril.

Je voudrais passer en revue certains des points reliés aux changements qu'il faudrait apporter au projet de loi pour protéger l'habitat.

Premièrement, nous avons besoin de définitions plus claires. Par exemple, le projet de loi contient une définition de l'habitat essentiel mais aucune définition de l'habitat lui-même.

Deuxièmement, il y a quatre domaines dans lesquels nous voudrions que l'on précise la portée du projet de loi.

D'abord, il y a la portée interprovinciale puisque le gouvernement fédéral a nettement le pouvoir de protéger toutes les espèces du Canada. Ce pouvoir n'est pas reflété dans le projet de loi. Nous approuvons les mesures que propose le Fonds mondial pour la nature à ce sujet, mais je ne m'arrêterai pas sur cette question trop longtemps. Si je ne m'abuse, les Cris et l'AFN ont recommandé que le projet de loi s'applique sur tout le territoire canadien. Nous appuyons cette recommandation.

Je voudrais que vous vous reportiez aux acétates que vous avez sous les yeux. D'abord, nous croyons que, si la loi ne s'applique pas à toutes les espèces interprovinciales, elle devrait à tout le moins s'appliquer aux espèces frontalières et à leurs habitats. Selon nous, c'est le strict minimum. À l'heure actuelle, le projet de loi s'applique à environ 40 p. 100 des espèces en péril au Canada. Si le projet de loi prévoyait une protection efficace pour les espèces frontalières, 20 p. 100 de plus des espèces en péril du Canada seraient protégées. Quand je parle de protection efficace, je veux dire que le projet de loi ne va pas plus loin que de prévoir l'interdiction de nuire aux espèces frontalières en péril ou en voie de disparition, il n'impose pas l'interdiction de nuire aux espèces frontalières. L'habitat des espèces frontalières n'est pas protégé. On n'exige pas de plans de rétablissement et de gestion et on ne prévoit aucun mécanisme pour la mise en oeuvre de tels plans.

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Pour revenir à ce que je disais au départ, soit que l'habitat est la base sur laquelle le projet de loi est bâti, il est bien évident que la mesure ne va pas assez loin à cet égard. Le groupe de travail et l'Association du Barreau canadien ont pourtant bien précisé que le gouvernement fédéral a compétence dans ce domaine. Nous devrions agir en conséquence.

Selon nous, le Canada ne devrait pas pouvoir dire plus tard aux États-Unis qu'il ne peut pas collaborer à des plans de rétablissement ou de gestion transfrontaliers à cause de conflits fédéraux-provinciaux. Selon nous, ce serait inacceptable.

À notre avis, le projet de loi devrait au strict minimum exiger la protection des espèces frontalières et de leur habitat. Nous devons protéger la plus longue frontière non défendue du monde contre la marée de la disparition des espèces.

De bons mécanismes de protection frontalière permettront aussi au Canada de respecter ses engagements aux termes de l'Accord nord- américain de coopération dans le domaine de l'environnement. À la page 2, je cite les articles 1(c) et 10(2) de l'accord, qui expliquent l'engagement qu'ont pris les trois gouvernements à collaborer à la protection des espèces et de leur habitat.

Qui plus est, pour donner au gouvernement fédéral un pouvoir efficace de protection pour les espèces frontalières et garantir la protection de l'habitat des oiseaux migrateurs, nous recommandons que l'on éclaircisse et renforce les dispositions du projet de loi qui portent sur les oiseaux migrateurs. Nous devons renforcer ce que contient déjà la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Soit dit en passant, à l'heure actuelle, cette loi ne protège que les nids. Selon nous, ce projet de loi permettrait d'étendre cette protection à tout l'habitat.

Je vous prie de vous reporter à la page 3 du mémoire, où nous parlons de certaines des espèces canadiennes et américaines qui traversent les frontières et qui ne sont pas visées par le projet de loi, comme le couguar de l'Est, le faucon pèlerin, le caribou des forêts, le renard véloce, la chouette des terriers et le grizzly. Les espèces qui sont visées par la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, qui, comme je l'ai dit tantôt, ne protège pas très bien les habitats, sont le pluvier siffleur, l'algue marbrée, la paruline de Kirtland et le courlis esquimau.

Selon notre interprétation, les espèces qui ne sont pas visées par le projet de loi sont toutes celles qui ne sont pas des espèces aquatiques, qui ne sont pas visées par la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et qui ne passent pas une bonne partie de leur cycle de vie sur les terres fédérales ou qui ne trouvent pas tout leur habitat sur les terres fédérales.

Je voudrais me reporter à une espèce particulière pour vous expliquer pourquoi le gouvernement devrait profiter du projet de loi pour garantir la protection la meilleure possible pour les espèces frontalières et leur habitat. Songez un peu à la situation du grizzly. Le grizzly donne une bonne indication de la santé de l'écosystème. Il est particulièrement vulnérable à la perturbation pour trois raisons. Premièrement, son taux de reproduction est le plus faible de tous les gros mammifères de l'Amérique du Nord, ce qui veut dire qu'il lui faut beaucoup de temps pour se remettre de tout déclin de la population. Deuxièmement, son territoire est très vaste et représente plus de 500 kilomètres carrés pour les mâles. Troisièmement, il a une faible densité de population.

Voyez un peu ce qui est arrivé au grizzly de l'année 1800 à nos jours. En moins de 200 ans, le territoire du grizzly a diminué énormément, au point de ne plus représenter aux États-Unis, au sud de la frontière canadienne, que 2 p. 100 du territoire original. Il reste environ 800 grizzlys dans des territoires isolés de plus en plus restreints à Yellowstone, à Glacier, dans l'Idaho et dans le Montana.

Au Canada, les chiffres sont sensiblement plus élevés. Le grizzly est sur la liste des espèces vulnérables; il existe cependant de graves problèmes pour le grizzly, surtout pour l'habitat, mais j'en parlerai davantage dans un instant.

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À l'heure actuelle, le grizzly est sur la liste des espèces vulnérables au Canada, mais il est considéré comme une espèce menacée dans l'une des zones à grizzly identifiées dans le rapport de 1991 du COSEPAC. En avril 1991, le Fonds mondial pour la nature s'était prononcé lors de la réunion du COSEPAC où l'on avait mis le grizzly sur la liste des espèces vulnérables. Selon le fonds mondial, c'était peut-être sous-évaluer le problème pour les grizzlys au Canada, parce que leur nombre n'était pas certain et qu'un trop grand nombre de grizzlys étaient abattus dans cinq zones.

Je vous prie de vous reporter à la page 5, où vous trouverez une carte de densité routière dans le sud-est de la Colombie-Britannique. Les routes sont probablement le facteur qui influe le plus sur les grizzlys. Les routes morcellent le territoire et facilitent la chasse illégale. Dans le sud de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, comme vous pouvez le constater, l'habitat des grizzlys a été énormément morcelé depuis 30 ans, c'est-à-dire depuis le début des années 50 jusqu'au milieu des années 80. Dans un cas en Alberta, l'un des couloirs de migration les plus importants pour le grizzly du nord au sud a une largeur de 30 à 60 kilomètres. Ce couloir est près de deux des zones où l'on retrouve la plus haute densité de grizzlys au sud de l'Alaska, c'est-à-dire la vallée Flathead, en Colombie-Britannique et au Montana, et le parc national Glacier, au Montana.

Le gouvernement fédéral doit intervenir et protéger le grizzly grâce à des plans de gestion au Canada et doit faciliter la collaboration internationale à cet égard. Un ours peut traverser les frontières entre l'Alberta, la Colombie-Britannique, le Montana et l'Idaho le même après-midi. Aux États-Unis, le grizzly est protégé par les lois sur les espèces menacées, mais lorsqu'il traverse la frontière et arrive au Canada, il peut être légalement abattu en Alberta et en Colombie-Britannique.

Bon nombre d'organismes et d'agences réclament une collaboration internationale dans ce domaine, et c'est le gouvernement fédéral qui est le mieux placé pour obtenir cette collaboration. Deux études, une étude des carnivores effectuée par le Fonds mondial pour la nature, et l'étude de Banff Bow Valley, publiée en octobre, après des travaux de deux ans et demi, réclament la même chose.

Que peut permettre la collaboration entre les agences? Eh bien, dans le cas du grizzly, elle peut permettre de rationaliser les objectifs et les stratégies d'aménagement du territoire.

Le président: Madame Granskou, permettez-moi de vous interrompre, mais la sonnerie indique qu'il y aura un vote à la Chambre des communes dans neuf ou dix minutes. Nous pourrons peut- être écouter le reste de votre exposé et celui de M. Riley lorsque le vote sera terminé. Est-ce que cela vous irait?

Mme Granskou: Bien sûr.

Le président: Veuillez nous excuser. Le Parlement nous appelle.

La séance est temporairement suspendue.

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Le président: Je vous prie à nouveau de nous excuser. Nous avons sauvé le pays et nous pouvons reprendre nos travaux.

Voulez-vous continuer, s'il vous plaît, madame Granskou?

Mme Granskou: De combien de temps est-ce que je dispose? Je vais essayer de m'en tenir à cinq minutes.

Le président: Je vous en prie.

Mme Granskou: J'étais en train d'expliquer pourquoi le gouvernement fédéral doit protéger les espèces frontalières. Dans le cas du grizzly, plus particulièrement, il est désespérément nécessaire que les agences collaborent entre elles pour rationaliser les objectifs et les stratégies d'aménagement territorial. Par exemple, le gouvernement fédéral est le mieux en mesure de réunir les parties pour étudier les stratégies, comme par exemple la fermeture de routes, pour protéger le grizzly et d'autres espèces, rationaliser les règlements de la chasse, permettre la résolution conjointe de problèmes, éliminer le chevauchement des services et des mandats, recueillir des données et faire des recherches en fonction de tout l'écosystème plutôt que d'une petite zone d'aménagement.

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Ce sont des besoins très importants, qui ont d'ailleurs été abondamment reconnus par les scientifiques et les intervenants qui s'intéressent au grizzly. Ces besoins s'appliquent également à toute une gamme d'autres animaux. J'ai pris le grizzly comme exemple, car si la portée des dispositions sur les espèces frontalières était accrue, le grizzly serait protégé par la loi. C'est certes là une mesure que, comme d'autres groupes au pays, nous souhaiterions voir adoptée.

Pour être plus précise, il conviendrait de modifier le paragraphe 3(1) en ajoutant un alinéa c) de façon à inclure les espèces frontalières et leur habitat. La deuxième modification s'appliquerait aux articles portant sur les interdictions de façon à parler d'habitat, et non pas seulement de résidence. En outre, pour ce qui est de l'article 42, nous estimons que c'est aux termes des dispositions sur les espèces frontalières que devrait être accordée la protection la plus élevée et la plus étendue à toutes les espèces inscrites. Cela comprend également les espèces vulnérables.

Nous vous encourageons fortement à voir à ce que le ministre conserve les pouvoirs nécessaires à l'application des plans de gestion destinés aux espèces vulnérables; pour cela, il faudrait modifier le paragraphe 42(1) de façon à y inclure les plans de gestion. Je vous rappelle qu'il n'existe pas de mesures de protection automatiques ou provisoires à l'égard des espèces vulnérables, et donc, par ce simple changement apporté au paragraphe 42(1), le ministre conserverait ses pouvoirs quant à l'application des plans de gestion. À mon avis, c'est une mesure essentielle.

Vous remarquerez qu'il y a parfois des différences entre les catégories d'espèces inscrites au Canada et aux États-Unis; il faudrait donc qu'il y ait une certaine constance dans les mesures prises au Canada et aux États-Unis de façon à ce que les deux pays puissent collaborer de façon efficace à la protection des espèces frontalières.

Il y a encore deux questions. Premièrement, les parcs nationaux ne sont pas mentionnés expressément dans la mesure législative. On peut supposer qu'ils sont visés, puisque ce sont les terres fédérales qui sont protégées. Toutefois, compte tenu de la faiblesse des dispositions sur la protection des habitats que l'on trouve dans ce projet de loi, s'il y a des terres où toutes les espèces inscrites devraient recevoir la plus grande protection possible, c'est bien dans les parcs nationaux, à notre avis. C'est pourquoi nous proposons l'ajout d'une disposition générale au projet de loi pour éviter que ne se poursuive dans les parcs nationaux la destruction des habitats de toutes les espèces en péril inscrites sur la liste.

Prenons simplement le cas du grizzly dans le parc national de Banff; à l'heure actuelle, le nombre des grizzlys est très faible en raison d'une exploitation commerciale excessive. Notre ministre a maintenant la situation bien en main, et nous sommes satisfaits de ce qu'on a renversé la vapeur.

Nous estimons néanmoins qu'une disposition devrait être ajoutée à la mesure législative de façon à modifier automatiquement la Loi sur les parcs nationaux - à l'heure actuelle, la Loi sur les parcs nationaux n'interdit que le braconnage de certaines espèces - conformément à l'amendement que nous proposons à la page 8:

D'ailleurs, les rédacteurs devraient s'assurer que ces dispositions sont conformes aux accords découlant des revendications territoriales, surtout lorsqu'il s'agit de réserves dans des parcs nationaux, car la Loi sur les parcs nationaux autorise une protection provisoire en attendant que soient menés à bonne fin les accords découlant des revendications territoriales, surtout dans le nord du pays.

Permettez-moi de faire valoir deux autres arguments, tout en demeurant brève. Pour ce qui est de l'établissement de la liste, nous estimons que le gouvernement fédéral est publiquement responsable de l'établissement d'une liste scientifiquement crédible. Les modifications d'ordre politique qui pourraient y être apportées provoqueraient des retards inadmissibles et retarderaient également la protection de l'habitat.

Passons maintenant à l'article concernant le rétablissement et l'aménagement; il est d'une importance cruciale, mais il ne protégera pas les espèces en péril au Canada. Ces dispositions exigent l'élaboration de plans de rétablissement à l'égard des espèces menacées et en voie de disparition, mais comportent des lacunes lorsqu'il s'agit de les mettre en oeuvre. Bien que le gouvernement soit tenu de préparer un rapport indiquant quand et comment il entend mettre en oeuvre un plan de rétablissement, dans les faits, les règlements ne précisent aucun échéancier et confèrent au ministre une discrétion totale à ce sujet. Il convient de renforcer les dispositions du projet de loi visant les plans d'aménagement pour les espèces vulnérables.

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Nous estimons que ce projet de loi - et c'est certes dans cet esprit que notre organisme et d'autres se sont engagés dans cette démarche - doit être le plus possible axé sur la prévention. Compte tenu de cela, il est pour nous essentiel que les plans d'aménagement pour les espèces vulnérables soient définis plus clairement. Nous vous incitons à appliquer aux plans d'aménagement la même méthode qu'aux plans de rétablissement. À l'heure actuelle, cela ne se trouve pas dans le projet de loi.

Enfin, le projet de loi n'énonce pas de méthode pour la mise à jour des plans de rétablissement ou d'aménagement, ce qui est une omission grave. On apprend toujours au fur et à mesure, et si ce projet de loi est adopté sans que cette disposition soit modifiée de façon importante, nous ne pensons pas que ce sera un grand progrès pour le Canada.

J'ai déjà rédigé quelques amendements bien précis que j'enverrai au comité dans les jours qui viennent. Entre autres, il y a un amendement sur la mise en oeuvre qui modifie l'article 42 de façon à y inclure un délai de 150 jours, à remplacer le mot «peut» dans l'expression «le ministre peut prendre des règlements» par le mot «doit» et à ajouter que le ministre peut prendre des règlements pour mettre en oeuvre les plans d'aménagement des espèces vulnérables. Cela permettrait également d'accroître la portée des pouvoirs applicables aux espèces frontalières, dont j'ai parlé tout à l'heure.

Dans un deuxième temps, au sujet des plans d'aménagement, il convient de revoir le paragraphe 38(2) et les articles 39, 40, 43 et 44 qui portent sur les plans de rétablissement, afin qu'ils s'appliquent également aux plans d'aménagement.

Troisièmement, nous proposons de modifier les dispositions relatives aux plans de rétablissement et d'aménagement en ajoutant un nouvel article déclarant que le ministre doit modifier les plans de rétablissement ou d'aménagement s'il appert que le plan ne permet plus le rétablissement de l'espèce ou sa protection, ainsi que celle de l'habitat essentiel à sa survie. Les articles 38, 39, 40, 42, 43 et 44 portent sur les plans de rétablissement moyennant des modifications appropriées.

J'ai d'autres observations à faire, mais je vous les enverrai par écrit de façon à ne pas vous retenir plus longtemps ici.

Le président: Vous comprendrez qu'il est difficile de suivre vos propos puisque nous n'avons pas le texte. Il est également important que vous nous fassiez parvenir les modifications que vous proposez au projet de loi par écrit, au lieu que nous ayons à le lire dans le procès-verbal.

Il est très intéressant que vous mentionniez la question des parcs nationaux, car cela montre bien à quel point nous aurions la vie facile si nous ne vivions pas dans un régime fédéral. Idéalement, nous pourrions reformuler la Constitution de façon à rendre possible la protection des espèces en péril, au lieu d'avoir à trouver des moyens ingénieux d'intégrer cette protection à la Constitution, comme nous le faisons maintenant.

Mais la Constitution est comme elle est, et nous devons nous montrer ingénieux. Nous devons faire preuve de beaucoup de créativité dans notre réflexion sur ce sujet, puisque les parcs nationaux ne relèvent que d'une compétence. Les modifications que vous proposez sont assez claires et nous les étudierons avec beaucoup d'attention.

Mais à l'extérieur des parcs nationaux, nous ne pouvons qu'espérer que les provinces adopteront des mesures législatives semblables à la loi fédérale de façon à ce que les deux ordres de gouvernement collaborent et appuient mutuellement leurs efforts pour atteindre les résultats escomptés, comme ce serait le cas si le Canada était un régime centralisé et non une fédération. Cet exemple des parcs nationaux est donc intéressant et nous aimerions tous que l'ensemble du pays soit un parc national. Il nous serait plus facile d'adopter ce projet de loi.

M. Granskou: Faites-en votre prochaine mesure législative.

.1720

Le président: Nous mettrons cela à l'ordre du jour à la prochaine réunion fédérale-provinciale qui aura lieu Dieu sait quand.

Monsieur Riley, s'il vous plaît.

M. Riley: Merci de cette occasion de m'adresser à vous pour appuyer ce projet de loi concernant la protection des espèces en péril. J'essaierai d'être bref.

La FON existe depuis environ 65 ans. Elle compte approximativement 15 000 membres, dont 83 organismes fédérés en Ontario. Depuis longtemps, la FON recueille, analyse et publie des renseignements sur les espèces, dont les espèces rares - c'est-à-dire les espèces en péril - , que l'on trouve en Ontario.

La FON était l'un des trois organismes non gouvernementaux qui ont pris part, en 1991, à l'examen des programmes et de la Loi sur la protection des espèces en péril en Ontario. J'ai fait partie de ce groupe de travail et je suis également membre d'un sous-comité du COSEPAC.

Permettez-moi d'aborder trois sujets. Premièrement, la liste des espèces établie par le COSEPAC, deuxièmement, les dispositions sur les interdictions et troisièmement, les dispositions sur l'application.

Pour protéger une espèce en péril, la première et la plus évidente des étapes consiste à reconnaître qu'elle est en péril. Vous pensez sans doute que c'est trop évident. Dans la mesure législative proposée, en tout cas, on dit qu'une liste sera dressée. Nous recommandons que la mesure soit modifiée de façon à imposer au COSEPAC un échéancier bien précis pour établir la liste de toutes les espèces en voie de disparition, menacées et vulnérables. Dans sa forme actuelle, le projet de loi ne prévoit pas d'échéancier pour l'élaboration d'un rapport de situation et il n'y a donc pas d'échéancier pour l'inscription des espèces.

Nous proposons qu'une période de deux ans soit fixée pour l'achèvement des listes sur l'état de la conservation de la faune au Canada. Nous ne pensons pas que cela accroîtra indûment la charge de travail à court terme, mais plutôt que cela accroîtra la crédibilité du projet de loi.

Je suis membre d'un sous-comité du COSEPAC qui est bien connu pour sa lenteur à préparer les rapports de situation et à établir la liste des espèces en péril. Voici un exemple. En Ontario, nous avons rédigé des rapports de situation sur environ 120 espèces depuis les 18 ans qu'existe le COSEPAC. Cela représente six espèces par an. Outre les espèces qui ont déjà été évaluées par le COSEPAC, l'Ontario compte près de 300 espèces d'oiseaux, de mammifères, de poissons, d'amphibiens, de reptiles et de plantes vasculaires qui se trouvent à cinq endroits au moins dans la province. Ces endroits sont à peu près tous au même endroit au pays, puisqu'il s'agit de la pointe extrême sud de l'Ontario. C'est également la partie du pays qui connaît l'urbanisation la plus rapide et la plus grande perte d'habitats.

Le calcul est très simple. Si l'on continue au même rythme, il faudra environ 50 ans pour rédiger les rapports de situation et établir la liste de ces espèces. C'est pourquoi il faudrait imposer des limites de temps pour le classement des espèces selon les catégories.

La Loi de l'Ontario et celle du Québec ne donnent pas de bons résultats parce que la réglementation des espèces en péril n'est pas obligatoire et, dans le cas de l'Ontario, on attend tout simplement que le COSEPAC rédige des rapports de situation avant d'envisager une réglementation. Le gouvernement de l'Ontario peut donc blâmer le COSEPAC de sa lenteur.

Vous avez mis en place un certain nombre de dispositions. Par exemple, lorsqu'une espèce figure sur la liste, il faut refaire un nouveau rapport de situation tous les 10 ans. Mais là encore, le calcul est éloquent. Au rythme actuel, même s'il n'avait qu'à faire ces rapports-là, le COSEPAC serait débordé. Vous imposez des échéanciers pour les plans de rétablissement. Du point de vue bureaucratique, cela peut nuire à l'inscription des espèces.

Si la désignation n'est assujettie à aucun délai préétabli, les gens invoqueront le paragraphe 19(3) lequel dit que le COSEPAC doit faire connaître sa décision dans les 90 jours suivant la réception d'une demande de désignation d'une espèce. Si aucun délai n'est prescrit, les gens en profiteront et rien ne marchera plus parce que le COSEPAC ne pourra jamais réagir intelligemment dans un délai de 90 jours.

.1725

J'ai un dernier commentaire au sujet du COSEPAC. Jusqu'à maintenant, la quasi-totalité du travail du COSEPAC a été réalisée par des sous-comités techniques et scientifiques responsables de diverses espèces et, pour l'essentiel, le travail a été fait bénévolement. En définitive, le travail a été fait pour l'essentiel par des professionnels travaillant bénévolement. Il faudrait ajouter ici une mention de l'importance du travail qui a été fait. L'article 16 pourrait dire que le COSEPAC créera des comités consultatifs et scientifiques qui le conseilleront et l'aideront dans ses travaux. C'est peut-être évident qu'il le fera.

Deuxièmement, en ce qui concerne les interdictions, les articles 31 et 32 sont très clairs. L'article 33 permet d'appliquer la loi au-delà des espèces aquatiques, des oiseaux migrateurs et des terres fédérales sous réserve d'un accord avec la province seulement où des décisions ont été prises intentionnellement ou sciemment. Cette disposition limite l'application de la loi. Les mots «intentionnellement» et «sciemment» devraient être retirés afin de permettre au ministre fédéral et à un ministre provincial de réglementer dans les limites permises par la loi fédérale quand le besoin s'en fait sentir. Je sais que l'article 33 doit soulever de nombreux problèmes pour les provinces et pour vous. J'y reviendrai peut-être un peu plus tard.

Sous la rubrique «interdictions», en raison de l'expérience de l'Ontario, nous avons recommandé de remplacer le terme «résidence». Je sais qu'à l'heure actuelle le projet de loi ne parle pas d'habitat mais plutôt de résidence, aux articles 32 et 33. Je recommande que ce mot soit remplacé par «habitat essentiel» et je recommande par ailleurs que vous définissiez «habitat essentiel» comme étant «l'habitat d'une espèce désignée par un plan de rétablissement comme étant essentiel au maintien d'une population ou des individus d'une espèce dans un type donné», pour reprendre ce que prévoit ailleurs le projet de loi lorsqu'il dit que le plan de rétablissement doit désigner l'habitat essentiel.

Enfin, en ce qui a trait à l'application de l'article 3 du projet de loi, que j'ai relu à maintes reprises, nous croyons comprendre qu'il s'applique à toutes les espèces aquatiques, aux oiseaux migrateurs et à leur habitat, où qu'ils se trouvent. Nous en déduisons qu'ils s'appliquent à d'autres espèces sauvages quand les exemplaires de l'espèce et leurs habitats se trouvent sur des terres fédérales.

Je crois comprendre qu'en Ontario, les terres fédérales incluraient les terres de la Couronne fédérale et les eaux intérieures, lesquelles comprennent les eaux visées par la Loi sur les pêches. Cependant, la semaine dernière je me suis entretenu avec deux avocats qui m'ont dit plus ou moins que notre interprétation de l'article 3 peut être correcte ou fausse et que nous n'en ferons rien tant que les dispositions du projet de loi n'auront pas été interprétées par les tribunaux.

Nous sommes très inquiets du libellé de l'article 3 du projet de loi - et de nombre des dispositions du projet de loi d'ailleurs - puisqu'il nous apparaît plus clair et risque de semer la confusion. Dans certains cas, on a l'impression que le libellé est délibérément vague. Pourquoi ne dit-on pas clairement quelles espèces sont visées par le projet de loi et dans quelles régions? Nous souhaitons tout simplement un langage plus clair. Je sais que certaines de ces questions créent des guerres de territoires, mais mes enfants devraient pouvoir lire ce document et le comprendre. Ce ne serait pas difficile de simplifier le texte.

Le Canada a signé la Convention des Nations Unies sur la biodiversité. L'Ontario et le Canada ont tous les deux signé la stratégie sur la biodiversité. Ce serait bien d'éviter la facilité en ce qui a trait à l'article 33 et de faire comprendre aux Canadiens qu'il y a moyen de surmonter les difficultés fédérales- provinciales qui sont si évidentes. Je ne crois pas que la population souhaite s'entendre dire que les questions d'ordre constitutionnel font obstacle à l'adoption d'une bonne loi de protection des espèces en voie de disparition et, le cas échéant, elle réagirait très négativement.

Merci.

.1730

Le président: Merci, monsieur Riley.

Passons maintenant aux questions. Nous aurons d'abord M. Forseth, suivi de M. Steckle et de Mme Kraft Sloan. Allez-y.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Merci, monsieur le président.

Bienvenue. Pardonnez-nous cette longue interruption, c'est parfois ainsi que les choses se passent au Parlement.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt chacun de vous décrire vos organisations respectives composées de citoyens ordinaires, les affiliations que vous avez avec d'autres organisations non gouvernementales et aussi le soutien que vous réunissez. Les témoins qui ont comparu devant le comité nous ont beaucoup parlé d'habitat. On nous a dit que si l'on veut sauver les espèces en voie de disparition, nous devons absolument protéger leur habitat.

Étant donné la nature de vos organisations respectives, je me demande si vous seriez prêts à monter avec les autres organisations non gouvernementales, une campagnes nationale pour sauver directement des habitats notamment en utilisant les contacts directs que vous avez avec la population pour organiser des campagnes d'appel de fonds afin d'indemniser les propriétaires privés qui risquent de subir des pertes financières ou des préjudices financiers directs considérables.

Nous savons que le projet de loi met l'accent sur la coopération communautaire et que les citoyens locaux seront amenés à participer à la réalisation des plans de rétablissement. C'est là que le pouvoir des gens entre en jeu. Je crois toutefois que si nous ne pouvons pas rallier à la cause les propriétaires de terres privées, particulièrement les petits agriculteurs et les autres, ce projet de loi sera perçu comme une menace envers les petites entreprises familiales, comme la manifestation d'un pouvoir autoritaire. On va s'opposer à cette initiative au lieu d'y voir un objectif que nous voulons tous réaliser ensemble.

À mon avis, c'est là que des organisations comme les vôtres qui ont des racines dans la communauté peuvent vraiment mettre à profit la bonne volonté de la population.

Vous savez lever des fonds pour assurer la survie de vos propres organisations mais ne pourriez-vous pas coopérer pour constituer, mettons, un fonds d'intervention d'urgence afin d'aider les propriétaires qui pourraient souhaiter sauver un habitat ou une espèce donnée mais qui ne pourraient le faire sans l'aide de la collectivité? Il pourrait s'agir de racheter une petite entreprise familiale ou d'acheter des parcelles de terrain pour les céder à une municipalité locale afin qu'elle agrandisse un parc, ou afin que les propriétaires privés réduisent la taille de leurs opérations, l'obstacle étant le risque de pertes financières.

Je m'interroge sur une action indépendante du gouvernement qui permettrait de fournir des fonds d'intervention d'urgence à ceux qui sont menacés de saisie, par exemple. J'aimerais connaître la réaction de chacun des témoins.

Le président: Monsieur Riley.

M. Riley: Je ne connais aucun cas en Ontario d'une entreprise qui ait fait faillite du fait de la présence d'espèces en voie de disparition. Le seul cas à survenir récemment concerne la pie- grièche migratrice, et l'un de nos clubs a versé une indemnité à un propriétaire pour le dédommager de la perte d'une récolte de foin sur des parcelles fréquentées par la pie-grièche migratrice.

Nous nous occupons de quinze réserves naturelles. Huit de nos clubs s'occupent de plusieurs réserves naturelles. Nous avons le plus important réseau de réserves naturelles privées en Ontario. Nous allons constamment sur le terrain rencontrer les propriétaires fonciers pour parler avec eux des moyens concrets d'assurer le succès de ces initiatives dans leurs collectivités locales. Je peux vous donner des exemples de nos réserves naturelles qui renferment un certain nombre d'espèces qui, au Canada, se trouvent uniquement dans ces réserves. Ainsi, nous apportons notre écot, et je veux que vous le sachiez. De nombreux groupes locaux en font autant.

.1735

M. Forseth: Je me réjouis de l'apprendre.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

Mme Granskou: Je crois que c'est un élément très important. C'est dans cet esprit que nous voulons appliquer cette loi.

Notre objectif est le suivant. La loi, si elle est efficace et si elle sert de modèle, peut nous aider tous à nous atteler à la tâche de l'appliquer ensemble.

Je vais vous donner un exemple d'une initiative à laquelle nous participons dans le sud-ouest de l'Alberta. Nous travaillons avec les éleveurs de bovins pour créer un fond d'indemnisation des dommages causés par les loups qui tuent le bétail. Ce n'est pas tout à fait au point, mais voilà le genre d'initiative que nous voulons prendre.

Il nous faut toutefois une loi sur les espèces en voie de disparition pour nous aider à mener à bonne fin des programmes de ce genre. Ils sont très importants. Nous avons besoin de leadership afin que le travail se fasse le plus efficacement possible. Voilà ce que je tenais à dire.

M. Ewins: J'ajouterais à ces deux premiers commentaires qu'un certain nombre de provinces ont déjà commencé à adopter des lois créant des servitudes à des fins de conservation. Toute une gamme d'autres mesures incitatives faciliteront ce partenariat communautaire voué à la recherche de solutions qui éviteront les affrontements pendant la période précédant l'étape finale, à savoir la compensation financière.

Le président: Merci, monsieur Forseth.

M. Forseth: J'ajouterais que j'entends parler de plus en plus du fonctionnement de la loi ontarienne. Une dame prétend qu'elle a perdu ses terres complètement d'autres aussi m'ont parlé de certaines pertes. J'aimerais découvrir ce qu'il en est réellement.

Je vous dirais que les gens répètent sans cesse qu'il n'y aura pas d'expropriation sans compensation. Ils attendent du gouvernement qu'il paie et tout le reste. Souvent, ce n'est pas la meilleure façon de faire les choses. Il faut que les choses se fassent par une action volontaire, non gouvernementale. Nous devons essayer de voir comment l'adoption de cette loi pourrait favoriser une intervention indépendante du gouvernement.

M. Riley: L'actuel gouvernement a pris certaines mesures très avantageuses notamment en modifiant la loi de l'impôt sur le revenu pour encourager les dons de terres ayant une valeur particulière pour la protection de l'environnement. À elle seule cette mesure a favorisé un regain dans le secteur privé pour les mesures de conservation des terres. Nous travaillons maintenant avec David Crombie et ses sous-comités pour régler certaines questions touchant les taxes foncières mais pour ce qui est du volet don, le problème est réglé pour l'essentiel.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Forseth. Monsieur Steckle, s'il vous plaît.

M. Steckle (Huron - Bruce): J'aimerais remercier les membres de la table ronde d'être venus nous rencontrer cet après-midi. Nous vous avons certes ménagé un délai de réflexion pour que vous puissiez faire le point en préparation de la deuxième partie. Maintenant que nous sommes de retour, nous pourrions peut-être aborder la question suivante.

J'aimerais poser ma première question à Pete. Je crois que dans l'un de vos exposés liminaires, vous avez donné à entendre que vous n'êtes pas un groupe de défense des droits des animaux. Que devions-nous conclure de cette affirmation?

M. Ewins: Les gens confondent habituellement le Fonds mondial pour la nature et certains des autres groupes qui s'intéressent principalement aux droits des animaux. Je tiens réellement à préciser les faits au cas où quelqu'un ici croirait que nous sommes Greenpeace, l'Animal Alliance of Canada ou encore l'une des sociétés de protection des animaux.

Le Fonds mondial pour la nature cible son action, comme je l'ai dit, surtout sur l'utilisation durable des ressources, ce qui comprends la chasse, la pêche et le tir, à condition que l'on respecte les principes de la survie des espèces pour que nos petits-enfants puissent en bénéficier eux aussi.

M. Steckle: Voilà qui éclaircit la chose. Je croyais qu'il fallait que cela soit consigné au compte-rendu parce que nous sommes ici pour nous inquiéter de la survie des espèces en voie de disparition et non pas pour nous occuper de certaines autres choses qui intéressent certains des autres groupes de pression. Je vous remercie de cette information.

Vous avez organisé dans le monde entier des campagnes de financement qui ont rapporté gros. Vendez-vous des cartes de membres ou comptez-vous sur les dons de gens généreux? Comment obtenez-vous vos fonds?

M. Ewins: Cela nous ramène à la question de Paul Forseth.

Le Fonds mondial pour la nature est probablement l'organisation la plus habile au monde pour ce qui est des campagnes de financement. La proportion est d'environ 50/50 - c'est certainement de cas au Canada, entre les frais d'adhésion et les dons d'entreprises qui participent à notre financement par philanthropie, par leurs mesures de commercialisation ou des commandites.

Il y a au sein du Fond mondial pour la nature Canada de nombreux fonds différents dans lesquels sont versées les contributions de nos partenaires du milieu des affaires pour financer exactement le genre de projets dont parle Paul. Notre but premier c'est d'utiliser la plus faible proportion possible de ces fonds à des fins administratives afin de pouvoir financer sur le terrain des projets qui aideront à protéger les espèces en péril.

.1740

M. Steckle: Ainsi, vous auriez un programme parallèle à celui de Canards Illimités ou un autre projet semblable, mais vous investiriez les fonds différemment. Mais c'est le genre d'activités que vous financeriez.

M. Ewins: Nous le faisons déjà dans différentes régions du pays.

M. Steckle: Avez-vous des programmes en commun avec Canards Illimités?

M. Ewins: Je crois que cela s'est déjà produit mais je ne pourrais pas vous donner un exemple précis maintenant. J'en suis désolé.

M. Steckle: Ça va.

Mary, vous avez parlé de fermeture de routes. Je crois que vous parliez de l'ours grizzly et de la nécessité de fermer certaines routes pour les sauver. Je crois que vous parliez plus particulièrement des parcs.

Songiez-vous à la fermeture d'autres axes routiers ou d'autres cas où le gouvernement fédéral devrait intervenir? Je me demandais tout simplement quel lien il pouvait y avoir avec une organisation qui recommande la fermeture de routes, et je m'interrogeais sur l'incidence que cela aurait.

Mme Granskou: Sur la faune en particulier?

M. Steckle: Oui.

Mme Granskou: Les routes sont des pièges mortels pour les espèces comme les ours grizzly. Cela signifie qu'il y a une perte nette d'individus dans les environs des routes. Les espèces comme les grizzlys, habitués à vivre dans des régions non perturbées soit évitent les routes - des données scientifiques révèlent qu'ils refusent de s'approcher à moins d'un kilomètre d'une route - soit s'accoutument aux humains de telle sorte que leur mortalité est trois fois plus élevée que le taux naturel.

Ainsi, la fermeture de routes est une question importante du point de vue de l'impact des routes mais aussi comme accès pour les gens qui veulent pénétrer dans l'arrière-pays. Il se peut qu'il y ait tellement de routes que les points d'accès sont trop nombreux. C'est aussi difficile de contrôler la chasse, particulièrement illégale, qui est un sérieux problème dans certaines régions.

Par conséquent, les routes sont importantes. Maintenant je vais vous donner l'exemple d'un programme volontaire, puisque nous parlons ici de mesures volontaires. Nous travaillons très étroitement avec l'Association canadienne des producteurs pétroliers - et le Fond mondial pour la nature y participe aussi - à mettre au point de nouveaux modes d'accès et de mise en valeur particulièrement en ce qui concerne l'accès aux champs pétroliers et gaziers du nord-est de la Colombie-Britannique. Nous voulons limiter l'accès dans l'intérêt des espèces.

M. Steckle: Je crois bien que notre but à tous, à titre de gouvernement en particulier, est d'adopter des lois qui protégeraient effectivement les espèces. C'est pour cela que nous sommes ici. Je crois que nous nous aventurerions en terrain très scabreux en proposant exactement le genre de mesures que craignent ceux que la loi effraye. Ils craignent que nous adoptions une loi qui les obligerait à faire certaines choses.

Les routes ont une importance primordiale pour l'industrie et les voyageurs. Ce ne serait pas une façon de lutter contre le braconnage, parce que les autres routes leur garantirait un accès. Si les gens veulent pénétrer sur le territoire, ils trouveront le moyen de le faire. Alors je crois que nous devons procéder avec prudence.

Mme Granskou: Oui, vous soulevez un point valable. Sur la carte du sud-est de la Colombie-Britannique que je vous ai montrée, il n'y a pas que des routes principales. Certaines sont des voies secondaires voire tertiaires. Elles ne sont pas toutes très fréquentées.

Il y a des gouvernements, comme ceux de la Saskatchewan et de Terre-Neuve, pour ne nommer que ces deux-là, qui ferment des routes qui ne sont pas nécessaires ou qui ne sont pas utilisées. Ils le font tout simplement en barricadant les entrées.

C'est un programme destiné à protéger la faune. Les organisations de chasseurs et de pourvoyeurs appuient cette initiative notamment dans le nord-est de la Colombie-Britannique.

C'est réellement une mesure qui vise à faire en sorte que quand les routes ne sont plus utilisées ou que leur utilité première n'existe plus, les terres soient rendues à l'habitat sauvage.

Toujours en ce qui a trait aux routes, dans le Parc national de Banff nous construisons pour la faune des sauts-de-mouton pour enjamber la Transcanadienne avec l'appui du ministre des Transports et de ses services. C'est une solution novatrice. Nous espérons que ces passerelles seront efficaces pour permettre aux grizzlys et aux loups de franchir la Transcanadienne. Ce n'est pas une solution extraordinairement coûteuse et elle est donc faisable pour le ministère des Transports.

M. Steckle: Je jugeais utile d'obtenir des précisions à cet égard. J'imagine qu'au cours des audiences du comité, nous entendrons encore parler de cette solution.

John, maintenant, j'entends dire au sujet du COSEPAC - de nombreux témoins nous l'ont déjà mentionné - que le processus de désignation du COSEPAC pour ce qui est de l'ajout d'espèces sur la liste d'espèces en voie de disparition ou en péril, peu importe, est très lent. Le COSEPAC fonctionne-t-il comme il devait? Après ce que vous avez dit cet après-midi, je m'interroge sur l'efficacité réelle du COSEPAC.

.1745

M. Riley: Je crois que l'organisation est remarquablement efficace compte tenu des ressources dont elle dispose. Elle a peu de moyens. Il y a moyen de remédier au problème des lenteurs.

Lors d'une rencontre à Toronto au mois de juin, les participants ont dit que s'il est impossible de fixer un délai de deux ans, par exemple, pour l'inscription alors la solution de rechange serait celle que vous avez retenue pour trois autres questions dans la loi, c'est-à-dire un registre public. Vous proposez aussi une liste de candidats à l'inscription qui seraient ajoutés au registre public.

Toutes les provinces canadiennes et le COSEPAC lui-même utilisent maintenant un système de cotes pour la conservation lequel est utilisé partout en Amérique du Nord et du Sud et en Amérique centrale. C'est un système qui a d'abord été mis au point par le U.S. Nature Conservancy. C'est un système de classement global, national et sous-national. C'est un système très facile à utiliser. Tous les calculs ont été faits et toutes les données ont été colligées.

Il s'agit d'utiliser ce système pour soutenir les activités du COSEPAC afin que la population sache que nous ne sommes pas en mesure encore de faire un travail aussi complet que nous le souhaiterions pour ce qui est de la préparation d'un rapport de situation et un classement définitif comme le prévoit la loi, mais nous savons quels sont les candidats à l'inscription. Ce serait une façon de procéder.

M. Steckle: Ainsi, c'est le manque de ressources qui expliquerait la lenteur du processus. Si l'on pouvait trouver des ressources...

M. Riley: C'est exact, Paul.

M. Steckle: ... le système fonctionnerait mieux.

J'en viens à mon dernier commentaire. Je voudrais que vous réfléchissiez à ceci. Les poissons des Grands Lacs sont de compétence provinciale mais les prédateurs de ces poissons, les lamproies marines, sont de la compétence du gouvernement fédéral. N'est-ce pas un peu étrange? Quand il s'agit de contrôler les prédateurs des poissons c'est le gouvernement fédéral qui est responsable.

M. Riley: Et la Loi fédérale sur les pêches ne s'applique pas aux Grands Lacs.

M. Steckle: Elle ne s'applique pas à la gestion des stocks de poissons. Ceux-là relèvent des provinces.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Il s'agit d'un pouvoir délégué.

M. Riley: C'est un pouvoir délégué. C'est là où je voulais en venir. C'est dans la loi, mais le pouvoir a été délégué.

Cela me ramène à ce que disais au sujet du manque de clarté du texte de loi et de la difficulté que j'ai, ainsi que la population, à comprendre comment elle doit s'appliquer.

Chose curieuse, des rapports de situation ont été préparés pour toutes les espèces de poissons de l'Ontario. C'est le seul groupe de biotes qui a fait l'objet d'une analyse aussi poussée. Les gens ont confiance que nous avons déterminé quelles espèces sont menacées et lesquelles sont en voie de disparition.

Je sais qu'il y a un problème de partage de compétence. La solution c'est de dire les choses clairement. Dites les choses assez clairement pour que les gens sachent à quoi s'en tenir et que la question ne soit pas reportée pour examen judiciaire ou autre chose du genre.

M. Steckle: Il faudrait que nous gardions ça présent à l'esprit tout au long de nos travaux.

C'est mon dernier commentaire pour l'instant.

Le président: Merci, monsieur Steckle. Avant d'accorder la parole au député suivant, j'aimerais dire qu'il sera bientôt 18 heures. Nous devons entendre un autre groupe de témoins à 19 heures. Nous pourrions peut-être prendre le temps de respirer un peu et revenir à 19 h 15.

Cela irait-il aux membres du comité que nous entendions trois courtes interventions après quoi nous lèverons la séance pour aller dîner? Cela dit, je donne la parole à Mme Kraft Sloan, s'il vous plaît.

Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): En fait, je dois comme M. Knutson participer au débat de la motion d'ajournement et nous devrons probablement lever la séance plus tôt.

On a beaucoup parlé de la définition de l'habitat. Je me demande si vous avez vous-même une définition à proposer au comité.

Mme Granskou: Je serais heureuse de vous donner la définition de l'habitat tirée de la Loi australienne sur les espèces en péril. Habitat désigne les environs d'un site ou une population ou un organisme existe naturellement ou a déjà existé et qui sont susceptibles d'être réintroduits.

.1750

Mme Kraft Sloan: Y a-t-il d'autres pays du monde qui ont des lois sur les espèces menacées dans lesquelles on trouverait une définition d'habitat? Comment ces définitions se compareraient- elles à celle-ci?

Mme Granskou: Cette définition mentionne les sites où des organismes ou des populations existent naturellement aujourd'hui mais où ils ont aussi existé dans le passé. Ainsi, cela englobe les questions relatives aux espèces disparues du Canada comme le renard véloce, où il est très important que nous préservions les espèces grâce à des efforts de rétablissement. C'est une différence importante qui apparaîtrait dans les définitions, mise à part bien sûr la formulation. La principale différence concerne la mention d'habitat où les espèces existaient dans le passé.

Mme Kraft Sloan: J'aurais une autre question concernant la structure organisationnelle du COSEPAC. Dans le projet de loi il est question d'un conseil qui se compose de cinq à neuf membres. Je crois comprendre que cela modifie l'organisation du COSEPAC et je me demande si vous trouvez que c'est un changement positif ou négatif. Est-ce que cela créera des problèmes ou des effets positifs?

M. Ewins: J'ai voulu en parler brièvement à la fin de mon exposé. Essentiellement, il est extrêmement important, si le ministre compte nommer des membres au COSEPAC, que l'on reconnaisse formellement la représentation dans cet article. Je souligne qu'il devrait y avoir moins de 50 p. 100 ou 50 p. 100 au maximum de chercheurs du gouvernement et de représentants des milieux universitaires, la Société royale et les autres groupes d'érudits, et aussi des experts du secteur non gouvernemental qui s'occupent de conservation parce que ce sont eux qui font le véritable travail sur le terrain.

Mme Kraft Sloan: Le gouvernement du Québec a adopté une loi sur les espèces en péril. Connaissez-vous leur méthode d'inscription? Je crois que la décision finale quant à l'inscription d'une espèce sur la liste appartient au Cabinet ou au gouverneur en conseil.

Mme Granskou: Le Québec a une loi sur les espèces en péril qui est très musclée à certains égards. Pour ce qui est de la méthode d'inscription, la loi québécoise renferme les dispositions semblables à celles proposées ici et qui nous inquiètent, à savoir le pouvoir discrétionnaire politique de modifier la liste. La loi est en vigueur depuis 1990, je crois, et pas une seule espèce en voie de disparition n'a été ajoutée à la liste en vertu de la loi.

Mme Kraft Sloan: Y a-t-il une raison à cela?

Mme Granskou: Nous en concluons que s'il y a participation des instances politiques, le processus d'inscription connaît des retards. Nous croyons que le ministre doit participer activement aux efforts de rétablissement, mais en ce qui a trait à l'examen par le COSEPAC et à la décision scientifique quant aux espèces à inscrire sur la liste, le ministre doit être tenu publiquement de mettre en place une formule crédible sur le plan scientifique et simplifié.

Mme Kraft Sloan: Y a-t-il sur la liste du COSEPAC des espèces en voie de disparition ou menacées qui se trouvent au Québec?

Mme Granskou: Je crois que c'est le cas d'environ 10 espèces.

Le président: Si l'on devait demander quel est le secret le mieux gardé au pays, la réponse serait probablement le COSEPAC.

Monsieur Finlay, vous serez le dernier.

M. Finlay (Oxford): Merci, monsieur le président.

Je suis ravi de vous revoir. J'aimerais vous poser trois courtes questions.

Vous dites que le projet de loi ne s'applique pas à la marmotte de l'Île de Vancouver parce qu'il s'agit d'un mammifère qui ne se trouve que dans l'Île de Vancouver. Expliquez-moi ça. N'y a-t-il pas de terres fédérales dans l'île de Vancouver?

M. Ewins: Il y en a, oui, mais je ne crois pas que la marmotte de l'Île de Vancouver les fréquente. Elle vit sur des terres non fédérales de l'Île de Vancouver et le projet de loi ne s'y applique pas. Elle est exclue en vertu de l'article 33, comme d'autres espèces d'ailleurs, parce que leur territoire traverse la frontière internationale. C'est une espèce endémique de l'Île de Vancouver.

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M. Finlay: D'accord. Vous avez ensuite dit que le projet de loi ne s'applique pas à la platanthère blanchâtre de l'Ouest. C'est une plante et elles ne sont pas... Les plantes ne constituent pas une espèce au sens de ce projet de loi.

M. Ewins: À moins qu'on ne les trouve sur des terres fédérales. Mais c'est l'article 33 qui est vraiment pertinent dans ce cas-ci. La plante se trouve dans des sites appartenant à des agriculteurs ou à des particuliers et non pas dans des parcs nationaux. L'article 33 ne s'applique pas aux plantes. Il ne s'applique qu'aux animaux. Il y a une disposition concernant les espèces transfrontalières, qui pourrait s'appliquer à ce cas-ci, mais elle est libellée si habilement que les plantes sont exclues. Cela représente un très grand nombre d'espèces.

M. Finlay: Dans le document d'information préparé par le recherchiste sur le projet de loi C-65, j'apprends que cela permettra de protéger environ 40 p. 100 des espèces qui figurent actuellement sur la liste du COSEPAC et environ 60 p. 100 du territoire du Canada. Mais vous dites que le paragraphe (2) devrait être carrément supprimé puisqu'il signifie que le projet de loi s'appliquerait uniquement aux terres fédérales qui couvrent seulement 4 p. 100 du territoire terrestre du Canada. Le document dit 60 p. 100 et vous dites 4 p. 100. Il doit bien y avoir une explication à cela.

M. Ewins: La réponse c'est que si vous dessinez une carte en traçant autour du Canada une ligne à la limite des 200 milles le long des trois littoraux, vous augmentez la zone de compétence réelle du Canada de 55 p. 100, c'en est renversant; et 55 p. 100 plus 4 p. 100 donnent grosso modo 60 p. 100.

M. Forseth: Cela ne représente que 1 p. 100 à l'intérieur de la Colombie-Britannique.

M. Finlay: Ainsi, «territoire» signifie les eaux territoriales comprises.

M. Ewins: C'est exact, parce que le ministre l'a étendu jusqu'à la limite de la zone économique exclusive. Cela représente énormément de fonds marins où il y a peu d'espèces.

M. Finlay: Merci, monsieur le président.

Le président: Est-ce tout?

M. Finlay: Ah, ce n'est pas les questions qui manquent. J'aimerais en poser une évidente.

Le président: Je croyais que vous vouliez faire un commentaire.

M. Finlay: Si la loi s'applique à si peu de nos espèces, alors pourquoi parlons-nous d'un projet de loi sur les espèces en péril? Qu'est-ce que cela signifie? Les rédacteurs de ce projet de loi savaient-ils ce que nous voulions, ou ce que nous ne voulions pas, ou craignent-ils des conflits avec la Constitution? Quand aurons- nous une loi un peu sensée? Celle-ci est insensée?

Une voix: On s'y fait.

M. Finlay: Non. Pas du tout.

Le président: Monsieur Riley.

M. Riley: Il y a quelques années, j'étais avec quelques collègues qui ont vu leur première salamandre en Ontario. C'était sur le site où allait être construit l'édifice Sir Adam Beck III. C'est un projet de 3,5 milliards de dollars dans la gorge du Niagara. Nous sommes donc allés voir Hydro Ontario et nous leur avons dit que nous avions un petit problème. C'est le seul endroit en Ontario où se trouve cette espèce. «Est-elle en voie de disparition?» Oui, c'est une espèce en péril.

Nous nous sommes rendus au ministère des Ressources naturelles qui préparait un rapport de situation lequel n'a jamais été soumis au COSEPAC. La salamandre n'a jamais officiellement été inscrite comme espèce en péril. Toutefois, les plans ont été modifiés en conséquence.

Je ne saurais exagérer la volonté de la population de se porter au secours d'espèces qui sont manifestement en péril. C'est ce qui me ramène à ma suggestion de publier ces listes, de faire connaître à la population les espèces menacées parce qu'elle est toute prête à agir pour les protéger et il y a, au niveau local, de nombreux autres mécanismes qui peuvent être mis en oeuvre pour protéger des espèces bien avant que ne soient prêts les plans de rétablissement et bien avant que ne se pose la question des sanctions. Grâce à ce projet de loi, c'est à l'étape de la préparation des listes qu'il y a moyen de faire preuve de leadership et de réaliser certains progrès.

Le président: M. Steckle a une dernière question.

M. Steckle: Je n'ai qu'une courte question. Il s'agissait là d'un projet de très grande envergure qui aurait pu être stoppé à cause d'une toute petite salamandre. Nous sommes tous d'accord pour dire que les salamandres doivent survivre. Nous devons veiller à ce que cette espèce ne soit pas vouée à l'extinction. Ne serait-il pas plus opportun de prendre cette salamandre et tous ses amis et tous les autres sujets de cette espèce et de les réinstaller ailleurs? Est-ce que ce ne serait pas plus...

M. Riley: Vous avez raison. Ça pourrait être une position de repli. Mais on a fait preuve d'un peu de créativité et il n'a pas fallu recourir à cette solution. C'est souvent le cas.

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M. Steckle: Je soulève cette question parce que dans la loi fédérale, même pour le drainage des terres en Ontario, s'il n'y avait qu'un tout petit poisson et que le ministère des Ressources naturelles de l'Ontario trouvait ce tout petit poisson, on pourrait faire intervenir Pêches et Océans et bloquer les travaux de drainage pendant des années.

Il faut faire preuve de bon sens. Ce poisson s'est retrouvé là parce qu'il s'était égaré mais il se trouvait dans une zone où il n'y a jamais eu de frayères. Les reproducteurs ne pouvaient pas vivre là faute de source d'alimentation...ils sont allés ailleurs. C'était tout simplement...

M. Riley: Ah, mais vous ne parlez pas de la Loi sur les espèces en péril. Vous parlez de...

M. Steckle: Non, je dis à quel point c'est ridicule...

M. Riley: ...la Loi fédérale sur les pêches en vertu de laquelle certains pouvoirs sont délégués à la province.

M. Steckle: Je sais, mais je vous explique à quel point certaines mesures législatives tombent dans le ridicule. Alors évitons de nous laisser emporter.

Le président: Je croyais que c'était une courte question.

M. Steckle: Je conseillerai de prendre cette salamandre et tous ses amis et de les réinstaller ailleurs.

Le président: Merci. Ce fut une séance très enrichissante.

Le comité va reprendre ses travaux à 19 h 15. La séance est levée.

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