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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 3 décembre 1996

.0839

[Français]

Le président: Bonjour. Nous étudions ce matin le projet de loi C-65, Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada.

[Traduction]

Nous avons un certain nombre de témoins. Bienvenue à ceux qui sont déjà ici. Nous souhaiterons la bienvenue plus tard à ceux qui ne sont pas encore arrivés. Je sais qu'ils sont quelque part dans l'immeuble.

Nous entendrons d'abord M. Ted Moses, Mme Deborah Freedman et M. Geoffrey Quayle, du Grand Conseil des Cris.

.0840

Mme Deborah Freedman (conseillère juridique, Grand Conseil des Cris): M. Moses va s'adresser à vous au nom du Grand Conseil des Cris.

Le président: Bienvenue, monsieur Moses. Vous pouvez commencer.

M. Ted Moses (ambassadeur des Cris, Grand Conseil des Cris): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous transmettre nos commentaires et nos recommandations sur le projet de loi à l'étude. Je vais essayer d'être bref, même s'il peut être tentant de vous donner le plus d'information possible. Mais comme je n'ai pas beaucoup de temps et qu'il y a d'autres témoins, je vais essayer d'être aussi bref que possible.

Le Grand Conseil des Cris, ou eeyou astchee, et l'Administration régionale Crie représentent les quelque 12 000 Cris de la baie James. Notre peuple a été le premier à habiter en permanence le bassin hydrographique de la baie James, de la rivière Grande-Baleine et des autres rivières avoisinantes, dans la partie sud de la baie d'Hudson.

La nation des Cris de la baie James est répartie dans les localités de Whapmagoostui, de Chisasibi, de Wemindji, d'Eastmain, de Waskaganish, de Nemaska, de Waswanipi, de Mistassini et d'Oujé-Bougoumou. Ce territoire, qui comprend les côtes, les îles, les eaux et les fonds marins de la baie d'Hudson et de la baie James, est notre territoire traditionnel; nous y sommes chez nous. Nous en tirons notre subsistance. Nous continuons à y chasser, à y pêcher et à y trapper comme nous l'avons fait pendant des milliers d'années.

La chasse, la pêche et le piégeage des espèces sauvages sont au coeur même de la société crie. Beaucoup de Cris en dépendent pour assurer leur subsistance.

Au début des années 70, le gouvernement québécois avait l'intention de construire, sans notre consentement, d'énormes installations hydroélectriques en territoire cri. Nous nous sommes opposés à ce développement et nous nous sommes adressés aux tribunaux pour empêcher la destruction de nos terres. C'est ainsi que les Cris, les Inuit, le gouvernement du Québec et celui du Canada ont signé en 1975 la Convention de la Baie James et du Nord québécois, qu'on a qualifiée de première entente moderne sur le règlement de revendications territoriales. Elle a été entérinée et mise en vigueur par la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la baie James et du Nord québécois et par la Loi approuvant la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Un des engagements fondamentaux pris par le Canada et le Québec envers les Cris, dans cette convention, c'était que notre usage de l'eeyou astchee et notre mode de vie traditionnel fondé sur la chasse, la pêche et le trappage seraient protégés pour toujours. C'est pourquoi le chapitre 24 de la convention prévoit l'établissement du Comité conjoint - Chasse, pêche et trappage. Ce groupe d'experts constitué en vertu de l'article 24.4 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois a principalement pour mission d'étudier et d'administrer le régime de chasse, de pêche et de trappage établi en vertu du chapitre 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et du chapitre 15 de la Convention du Nord-Est québécois.

Ce comité conjoint se compose de représentants du gouvernement du Canada, du gouvernement du Québec, des Cris de la baie James, des Inuit du Québec et des Naskapis du Québec.

En vertu de ce régime de chasse, de pêche et de trappage, les Cris ont des droits exclusifs d'exploitation de la faune sur les terres de catégorie I et de catégorie II, ainsi que d'importants droits de chasse, de pêche et de trappage dans le reste de la région de la baie James et du sud de la baie d'Hudson, ce qui correspond aux terres de catégorie III. Ces droits d'exploitation permettent aux Cris de chasser, de pêcher et de trapper pour assurer leur subsistance personnelle et celle de leurs communautés, et pour des fins liées au commerce des fourrures et à la pêche commerciale. En plus de ce droit qui leur est accordé par traité, les Cris ont des droits ancestraux de chasse, de pêche et de piégeage au Québec, de même que dans certaines parties des Territoires du Nord-Ouest, de l'Ontario et du Labrador.

.0845

Les droits d'exploitation reconnus aux Cris en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois sont consacrés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaît et confirme non seulement les droits ancestraux, mais également les droits issus des traités comme celui-là. Par conséquent, en cas d'incompatibilité, ces droits ont préséance sur toutes les lois fédérales et provinciales.

Les Cris sont convaincus du bien-fondé de la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada. Ils appuient les mesures législatives prises par le gouvernement fédéral pour protéger les espèces sauvages en péril et pour empêcher que les conséquences de l'activité humaine ne fassent disparaître des espèces indigènes du pays ou de la planète.

Mais, même si nous appuyons l'esprit et l'intention de ce projet de loi, nous estimons qu'il est important d'en supprimer, avant son adoption par le Parlement, toutes les ambiguïtés et toutes les possibilités de conflit au sujet des droits d'exploitation reconnus aux Cris et des autres droits que leur garantit la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Ces droits d'exploitation sont fondamentaux pour les Autochtones. Ils comptent parmi leurs droits inhérents les plus importants. Les Cris estiment qu'il faut viser à la fois la productivité naturelle optimale de toutes les ressources vivantes et la protection des écosystèmes du territoire, pour préserver les espèces en péril tout en assurant la survie du mode de vie traditionnel des peuples autochtones.

À cet égard, les droits d'exploitation reconnus aux Cris en vertu du chapitre 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois sont limités par le principe de conservation. Nous vous renvoyons en particulier à l'alinéa 24.2.1, qui assujettit le régime à ce principe.

Je me permets de vous souligner à ce propos que la «conservation», telle qu'elle est définie au chapitre 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, vise notamment à «assurer la perpétuation des activités traditionnelles des Autochtones». De même, l'alinéa 24.3.2 prévoit «le droit d'exploiter toutes espèces de la faune sauvage», sauf dans le cas de certaines espèces qui peuvent nécessiter une protection complète.

De plus, l'alinéa 24.5.1 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois prévoit expressément que:

Pourtant, et même si les lois visant la protection des espèces sauvages sont du ressort du gouvernement fédéral, nous attirons votre attention sur l'alinéa 24.5.2 de la convention, qui oblige le gouvernement fédéral à consulter le comité conjoint dans le contexte particulier des mesures de protection de la faune.

Selon notre interprétation, ces dispositions nous accordent le droit, garanti par la Constitution, d'être consultés sur les questions portant par exemple sur la désignation des espèces en péril, ainsi que sur l'élaboration et la mise en oeuvre des plans de gestion et de rétablissement. De plus, nous sommes d'avis que le chapitre 22 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois garantit aux Cris, par l'intermédiaire du Comité consultatif sur l'environnement de la baie James, le droit d'être consultés au sujet de toute activité de développement projetée sur leur territoire.

À cet égard, l'alinéa 22.3.28 prévoit que le Comité consultatif sur l'environnement de la baie James:

Je vous renvoie également aux alinéas 22.5.13 et 25.5.14 de la Convention, qui stipulent que les divers comités d'évaluation dont les Cris font partie doivent examiner les conséquences, sur l'environnement et le milieu social, des activités de développement projetées sur leur territoire.

Encore une fois, nous tenons à souligner que les Cris appuient l'esprit et l'intention du projet de loi C-65. Mais nous sommes d'avis que le Parlement doit s'assurer que la loi qu'il adoptera à cet égard est compatible avec les droits ancestraux et issus de traités des Cris de la baie James.

.0850

Nous proposons donc sept modifications de fond au projet de loi, afin d'en renforcer les conséquences positives et d'en assurer la conformité avec les droits que garantit la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Monsieur le président, si vous me le permettez, je vais vous résumer ces modifications aussi rapidement que possible.

Premièrement, nous encourageons le gouvernement fédéral à élargir l'application de cette mesure législative à l'ensemble du Canada. À l'heure actuelle, sa portée est limitée au territoire domanial. Cependant, la protection des espèces en péril contre les effets de l'activité humaine a surtout des implications extraprovinciales et internationales, et concerne donc l'ensemble du Canada. Par conséquent, l'objet de ce projet de loi revêt une importance nationale et présente un degré d'unicité, de spécificité et d'indivisibilité qui le distingue des autres questions ayant strictement une dimension provinciale.

Il est donc essentiel que le gouvernement fédéral assume un rôle de chef de file dans la protection de toutes les espèces transfrontalières. Il pourra y arriver s'il étend l'application de cette loi à l'ensemble du Canada, en exerçant son pouvoir résiduel relatif à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement comme le prévoit le préambule de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Deuxièmement, à défaut de cette première solution, puisque la loi s'applique à toutes les terres de réserve en vertu de la définition contenue dans la Loi sur les Indiens, nous proposons que son champ d'application soit étendu au moins aux terres de catégorie IA visées par la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Le libellé actuel du projet de loi n'est pas clair sur ce point. En modifiant l'article 2 du projet de loi par l'ajout d'une précision selon laquelle le «territoire domanial» inclut les terres de catégorie IA, le gouvernement supprimerait toute ambiguïté et rendrait la loi conforme à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

Troisièmement, le gouvernement devrait modifier le projet de loi de manière à ce que le ministre compétent soit tenu d'obtenir l'avis du comité conjoint avant de dresser la liste des espèces en péril sur le territoire de la baie James et du Nord québécois. Le rôle consultatif de ce comité, en tant que porte-parole privilégié et exclusif autorisé à formuler des directives, des recommandations, des énoncés de position et des avis sur le choix des espèces à protéger, est un droit important issu d'un traité; en effet, il est prévu expressément à l'alinéa 24.5.2 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Il est évident que toute mesure législative visant la désignation et l'énumération des espèces en péril dans le territoire de la baie James et du Nord québécois, sans consultation préalable du comité conjoint, va à l'encontre des droits reconnus aux Cris en vertu de ce traité; à notre avis, elle est donc inconstitutionnelle.

Quatrièmement, nous suggérons que le gouvernement modifie son projet de loi pour y inclure une disposition obligeant le ministre compétent à établir ses plans de gestion en collaboration avec tous les conseils de gestion de la faune qui auraient été établis en vertu d'une loi sur le règlement de revendications territoriales autochtones et qui seraient touchés par ces plans. D'ailleurs, le gouvernement fédéral a déjà reconnu clairement que le ministère compétent doit consulter ces conseils de gestion de la faune pour s'acquitter des tâches que lui confie la loi au sujet de la préparation des plans de redressement des espèces désignées comme étant menacées ou en voie de disparition. Par conséquent, il faut une disposition similaire au sujet de la préparation des plans de gestion dont il est question à l'article 45 du projet de loi.

Cinquièmement, il faut modifier le projet de loi de manière à renforcer le rôle que joueront les Autochtones dans l'identification, l'étude, la gestion et le redressement des espèces en péril. Cela pourrait se faire de diverses façons.

Plus précisément, le projet de loi devrait être modifié de manière à permettre à des Autochtones de siéger au Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril et au Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Le Conseil sera chargé d'aider le ministre fédéral à nommer les membres du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada et d'établir les grandes lignes de son activité, ainsi que d'élaborer et de mettre en oeuvre les plans de redressement, comme le prévoient les paragraphes 12(3) et 13(2) du projet de loi.

.0855

Le comité dont le projet de loi envisage la création sera l'organe officiel chargé d'examiner la situation des espèces et de déterminer lesquelles il juge en péril. Il devra fonder ses décisions sur un rapport de situation qui identifiera l'habitat vital des espèces et évaluera les menaces qui pourraient planer sur ces espèces et sur leur habitat vital.

Bien que les connaissances traditionnelles soient un des critères selon lesquels les membres du comité pourraient être choisis, le projet de loi est loin de garantir que ce sera un élément fondamental du processus de décision. Le projet de loi reconnaît implicitement la valeur des connaissances autochtones et traditionnelles relativement aux principes du développement durable, de la gestion des écosystèmes, et de la protection et du redressement des espèces en péril. Mais il doit aller plus loin et reconnaître clairement la contribution que les Autochtones peuvent apporter à la protection de ces espèces.

C'est dans cet esprit que nous recommandons au gouvernement de modifier les articles 12 et 14 du projet de loi pour rendre la nomination d'Autochtones obligatoire au Conseil et au Comité. C'est seulement ainsi que le gouvernement fédéral pourra s'assurer que le Conseil et le Comité comprennent bien les connaissances autochtones et traditionnelles, et qu'ils en tiennent compte dans leurs délibérations et leurs décisions au sujet du choix des espèces à inclure sur la liste des espèces en péril.

Sixièmement, nous demandons que, lorsque quelqu'un demande un accord, un permis d'exception ou une autorisation similaire en vertu de la loi, le projet de loi prévoie un examen préalable des répercussions sur l'environnement et le milieu social comme celui qui est prévu au chapitre 22 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois au sujet des projets et des activités de développement susceptibles d'affecter une espèce menacée ou en voie de disparition, ou son habitat, sur le territoire de la baie James et du Nord québécois.

Les articles 46 et 47 du projet de loi stipulent qu'il est possible de se soustraire aux interdictions prévues aux articles 32 et 33 en concluant un accord avec le ministre compétent ou en obtenant un permis délivré par lui. Ces accords et ces permis d'exception ne sont possibles que quand le ministre compétent est convaincu que toutes les mesures d'atténuation possibles ont été prises pour réduire au minimum les conséquences négatives de l'activité prévue pour l'espèce en question ou son habitat. Par conséquent, il est impératif que le mécanisme d'exception prévu aux articles 45 et 46 du projet de loi soit harmonisé au régime de protection de l'environnement et du milieu social établi en vertu du chapitre 22 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Le meilleur moyen d'y arriver, c'est de modifier les articles 46 et 47 en y ajoutant une disposition selon laquelle, dans le cas où un accord ou un permis d'exception serait demandé pour une activité projetée sur le territoire visé par la Convention de la Baie James et du Nord québécois, l'information relative à cette activité devrait être soumise d'abord à l'administrateur fédéral siégeant au Comité consultatif sur l'environnement de la baie James, afin que les comités responsables des traités puissent en étudier les répercussions sur l'environnement et le milieu social avant l'octroi du permis demandé ou la conclusion d'un accord avec le ministre compétent.

Le gouvernement tentera peut-être de nous convaincre que les changements que nous demandons au projet de loi sont inutiles étant donné la teneur du paragraphe 2(2) du projet de loi. Cependant, le projet de loi C-65, dans sa forme actuelle, est inconstitutionnel parce qu'il viole certains droits de chasse, de pêche et de piégeage des Cris - tant des droits ancestraux que des droits issus de traités - , de même que certains droits relatifs au régime de protection de l'environnement et du milieu social. Les modifications que nous proposons sont donc essentielles pour que le projet de loi soit légal à cet égard. Les questions de principe que nous avons soulevées devraient y être énoncées expressément.

En conclusion, monsieur le président, nous espérons que les membres du comité sont conscients de l'esprit de compromis dans lequel nous vous avons soumis ces propositions. Nous reconnaissons l'importance de lois fortes destinées à protéger et à préserver les espèces sauvages menacées dans l'ensemble du Canada.

Les modifications que nous proposons n'empêcheraient nullement le Parlement d'assurer par voie législative la protection des espèces sauvages en péril. Loin de là. En fait, elles lui permettraient de s'acquitter de cette mission encore mieux en confirmant le rôle des communautés autochtones dans la conservation de la faune du Canada et en veillant au respect des droits ancestraux consacrés par la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

.0900

Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître. Je me ferai un grand plaisir de répondre à vos questions. Je suis accompagné de Deborah Freedman, qui est conseillère juridique des Cris, et de Geoffrey Quayle, qui est attaché de recherche au Grand Conseil des Cris. Merci. Megwetch.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Moses. Puisque vous avez dit au début que vous n'aviez pas beaucoup de temps, préférez-vous répondre à nos questions maintenant ou si nous pouvons entendre d'abord les autres témoins avant de passer à une ou deux rondes de questions, comme nous le faisons d'habitude?

M. Moses: Je suis tout à fait prêt à répondre à vos questions tout de suite. Je suis un peu pressé, mais je suis à votre disposition, monsieur le président. Je suis prêt à répondre si les membres du comité veulent me poser des questions maintenant.

Le président: Nous pourrions avoir une ronde de questions tout de suite avant d'entendre le témoin suivant.

[Français]

Monsieur Asselin, voulez-vous commencer?

M. Asselin (Charlevoix): J'aimerais d'abord lire un extrait d'un document préparé par la Bibliothèque du Parlement:

Aucun autochtone ne siège au COSEPAC. Je pense que les communautés autochtones doivent d'abord se préoccuper d'obtenir au moins un siège décisionnel au comité, siège qui pourrait leur permettre de se faire entendre, de contrôler et de suivre le projet de loi. Les communautés autochtones devraient immédiatement faire des revendications auprès du gouvernement fédéral pour que ce dernier leur prête une oreille attentive, au moins en leur accordant un siège au COSEPAC.

J'aimerais connaître le rôle que les communautés autochtones désireraient jouer. Les communautés autochtones vous ont sûrement donné le mandat d'assurer la protection des espèces en péril sur votre territoire. Vous avez un rôle important à jouer et, pour cela, vous devriez avoir un siège au COSEPAC.

[Traduction]

M. Moses: Merci. Comme je l'ai dit ce matin, nous tenons beaucoup à ce que les communautés autochtones participent à l'élaboration des plans de développement, ainsi que des recommandations et des conseils qui vont être soumis au gouvernement du Canada ou au ministre compétent. Il y a déjà un précédent au Québec, où les Cris, les Inuit et les Naskapis participent aux travaux d'un comité chargé de conseiller le ministre au sujet des règlements portant sur la gestion des espèces sauvages dans la province de Québec.

Nous aimerions que les Autochtones jouent un rôle important; il ne faut pas oublier qu'ils possèdent des connaissances traditionnelles sur les espèces sauvages et sur leur habitat dans la majeure partie du Canada. Il faut leur permettre de participer, de contribuer aux grandes orientations.

Je vous le dis sans hésiter: nous voulons jouer un rôle à cet égard, et pas seulement un rôle consultatif. Nous aimerions certainement participer véritablement aux décisions, et pas seulement fournir des conseils ou des recommandations.

.0905

Si nous pouvions aider le ministre et le gouvernement à élaborer des plans de gestion ou de rétablissement de la faune ou à répondre aux préoccupations soulevées par le développement susceptible d'avoir des effets sur les communautés autochtones dans certaines régions du Canada, il est certain que nous serions prêts à le faire. Plus les Autochtones pourront jouer un rôle concret, que ce soit au Conseil ou au Comité, mieux ce sera.

Trop souvent, les Autochtones doivent se contenter de ce qu'on appelle de la consultation. Mais, à mon avis, ce n'est pas une véritable consultation quand un gouvernement ou un de ses représentants - un ministre, par exemple - vient nous voir pour nous annoncer ce qu'il compte faire, sans que nous ayons quoi que ce soit à dire; ce n'est pas ce que j'appelle de la consultation. C'est simplement une façon de nous faire part des intentions du gouvernement.

Vous devez tenir compte des opinions et des préoccupations des communautés autochtones avant de prendre une décision définitive. Pour moi, c'est cela, consulter les gens; il ne suffit pas de leur dire comment les choses se passent ou comment elles vont se passer. Donc, en ce sens, nous voulons participer au processus. Nous voulons partager nos connaissances traditionnelles et participer véritablement au processus; nous en comprendrions mieux le résultat et nous l'accepterions mieux également.

Le président: Oui. Merci, monsieur.

Monsieur Adams.

M. Adams (Peterborough): Merci, monsieur le président.

Monsieur Moses, j'aimerais savoir si, d'après ce que vous savez, vous et vos collègues, le COSEPAC a profité jusqu'ici des connaissances traditionnelles des Autochtones en matière d'environnement pour dresser sa liste.

M. Moses: Quelle liste? Celle des espèces?

M. Adams: Oui. Je me demande simplement si le COSEPAC s'est servi des connaissances traditionnelles pour dresser sa liste des espèces en péril.

M. Geoffrey Quayle (attaché de recherche en environnement, Grand Conseil des Cris): Je ne pense pas que ce soit le cas au Québec, parce que c'est une province, et je ne sais pas si le COSEPAC a communiqué avec des membres de la nation crie au sujet de l'établissement de cette liste.

M. Adams: D'accord.

M. Moses: Nous n'avons peut-être pas participé à l'établissement de la liste, mais nous faisons quand même partie du comité conjoint créé en vertu du chapitre 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Il y a des Cris et des Inuit qui sont membres de ce comité. Cela se fait donc par leur intermédiaire, par l'intermédiaire de l'organisation des trappeurs cris et des trappeurs eux-mêmes, ainsi que des autres Cris qui possèdent ces connaissances traditionnelles sur les espèces sauvages et leur habitat.

M. Adams: Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais poser une question sur un autre sujet.

Certains des témoins qui ont comparu devant nous ont exprimé des inquiétudes au sujet de la propriété privée et des limites à imposer à son développement. Dans le cas des Premières nations, en ce qui concerne les terres communautaires ou les terres privées - je ne sais pas exactement comment les choses se passent à la baie James, mais je veux parler de la propriété privée, s'il y en a - , avez-vous réfléchi à la possibilité d'un dédommagement dans les cas où certains types d'utilisation seraient limités par la nécessité de protéger une espèce menacée?

M. Moses: Je vais essayer de vous donner une réponse en ce qui concerne les Cris. Pour le reste du Canada, les représentants de l'Assemblée des premières nations et des autres organismes qui vous présenteront des mémoires seront peut-être mieux placés que moi pour répondre à cette question.

Dans le cas des Cris, donc, nous vivons tellement loin au nord que la question de la propriété privée ne nous préoccupe pas autant que dans les régions situées plus au sud. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous sommes les premiers habitants de la région, et nous sommes les seuls à y vivre en permanence, à part les gens de quelques villes minières. Nous sommes seuls sur un territoire couvrant plus de 500 000 milles carrés. Ces terres nous appartiennent collectivement. Traditionnellement, nous nous considérons comme les propriétaires de ces 450 000 milles carrés.

La Convention de la Baie James et du Nord québécois contient une disposition sur le développement du territoire. Je ne sais pas si cela répondra à votre question, mais lorsqu'il y a du développement sur certaines terres, il y a bien sûr un dédommagement prévu, que ce soit une indemnisation définie par les parties ou le remplacement des terres susceptibles d'être touchées par le projet réalisé.

.0910

Pour ce qui est des espèces sauvages, la convention prévoit un droit exclusif d'exploitation de certaines espèces dans différences parties du territoire. Je ne vous ferai pas perdre votre temps en vous donnant des explications détaillées, parce que c'est assez technique et approfondi. Les Cris ont aussi un droit exclusif d'exploitation de certaines espèces pour lesquelles les non- Autochtones ne peuvent pas obtenir de permis de chasse ou de pêche. L'exploitation de ces espèces est réservée exclusivement aux Cris.

Donc, si vous voulez parler d'indemnisations, je ne me rappelle pas... Je ne dis pas qu'il n'y en a pas ou qu'il ne devrait pas y en avoir. Ce n'est pas parce que la convention n'en parle pas que c'est impossible.

Le président: Merci, monsieur Adams.

Monsieur Moses, vous dites à la page 10 de votre mémoire que les provinces n'ont à peu près jamais appliqué leurs propres lois. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet-là, s'il vous plaît?

M. Quayle: Vous voulez parler des lois en vigueur actuellement dans les provinces?

Le président: Oui.

M. Quayle: Si je ne me trompe pas, en ce qui concerne la loi québécoise, neuf plantes seulement sont inscrites sur la liste des espèces en péril, mais il y a une longue liste d'attente pour les autres espèces. Le liste des espèces en péril ne semble pas correspondre à celle qu'utilise actuellement le COSEPAC, et pourtant elle est en vigueur depuis 1989. Nous n'avons donc pas beaucoup d'espoir de ce côté-là. Mais les choses peuvent changer. Nous espérons que oui.

Le président: Vous parlez de plantes. Mais qu'en est-il des mammifères, des mollusques et des lichens?

M. Quayle: Je pense que le couguar de l'Est et le caribou des bois vont être inscrits sur la liste incessamment.

Le président: Il n'y a pas encore de mammifères inscrits?

M. Quayle: Il me semble que non.

Le président: Autrement dit, c'est une liste très courte.

M. Quayle: Oui, et la liste d'attente est très longue.

Le président: Et dans les autres provinces?

M. Quayle: Je ne suis pas tellement au courant de ce qui se passe actuellement dans les autres provinces. Je connais seulement la situation au Québec.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant entendre notre témoin suivant; il s'agit du chef national de l'Assemblée des premières nations, M. Mercredi. Bienvenue au comité.

M. Ovide Mercredi (chef national, Assemblée des premières nations): Merci, monsieur le président.

Au nom de l'Assemblée des premières nations, je remercie le comité de cette occasion qui nous est donnée de commenter le projet de loi C-65. Je remercie également Environnement Canada d'avoir pris l'initiative de déposer ce projet de loi à la Chambre des communes.

Les membres des Premières nations ont toujours appuyé les efforts visant à empêcher l'extinction des espèces sauvages ou leur disparition sur notre territoire. L'Assemblée des premières nations est le porte-parole national des Premières nations du Canada. Nous représentons les gouvernements de quelque 633 Premières nations dans plusieurs domaines dont les droits ancestraux, les traités, la fiscalité, l'éducation, la santé et l'environnement.

Nous nous rencontrons tous pour discuter de ces questions. Les chefs établissent une stratégie et me donnent ensuite le mandat, en tant que chef national, de transmettre leurs préoccupations à qui de droit.

Depuis la nuit des temps, les membres des Premières nations sont conscients de la nécessité de protéger les espèces animales et végétales, et ils ont toujours pris les mesures nécessaires pour empêcher leur extinction complète et leur disparition sur leur territoire. C'était pour nous une question de survie, tant physique que spirituelle.

Le préambule de la Convention sur la diversité biologique reconnaît, à juste titre, que nos sociétés traditionnelles ont toujours dépendu des ressources biologiques. Dans nos économies traditionnelles fondées sur la pêche, la chasse, le piégeage, l'agriculture et la cueillette, nous n'avons toujours prélevé que ce dont nous avions besoin. Non seulement nous mettons en pratique les principes du développement durable, mais c'est ce qui fait l'essence même de nos sociétés.

.0915

Nos Anciens nous rappellent que nous faisons partie de la grande famille de la vie. La Terre est notre mère, les animaux et les plantes sont nos frères et soeurs, et les eaux de l'univers sont le sang de notre mère la Terre. Physiquement, nous sommes les membres les plus faibles de la famille de la vie. Nous sommes les seuls à avoir besoin de vêtements pour nous tenir au chaud, et les seuls à devoir fabriquer des armes pour nous défendre.

Afin de compenser pour cette faiblesse physique, le Créateur nous a dotés d'une intelligence qui est de loin supérieure à celle du reste de la création. Cependant, cette intelligence s'accompagne de la responsabilité de prendre soin de toutes les formes de vie. Malgré tous nos efforts pour protéger les espèces animales et végétales au fil des ans, la survie de beaucoup d'espèces - et la survie même de nos peuples - est aujourd'hui menacée, surtout à cause des pratiques de développement économique non durable appliquées par la société canadienne. C'est parce que les gouvernements fédéral et provinciaux n'ont pas réussi à asseoir leur autorité de manière constante que la survie des sociétés des Premières nations et celle de notre famille de vie, qui inclut la faune, sont en péril.

Les coupes à blanc, l'exploitation minière, le développement hydroélectrique et la création d'industries autour de ces pratiques ont créé des emplois et généré des bénéfices pour la société canadienne, de même que pour les compagnies multinationales qui parrainent ces activités. Mais, la plupart du temps, le prix à payer a été la destruction de l'environnement dans lequel se déroulent ces activités, et en même temps, la disparition du mode de vie traditionnel des communautés des Premières nations.

La Loi sur la protection des espèces en péril au Canada doit faire cesser cette destruction. Elle doit protéger non seulement les espèces sauvages, mais aussi l'habitat dans lequel elles vivent. Elle doit permettre aux communautés autochtones qui le désirent de conserver leur mode de vie traditionnel. Et elle doit faire en sorte que les gouvernements fédéral et provinciaux ne puissent pas en diluer l'intention.

Malheureusement, ce n'est pas ce que fait le projet de loi dans sa forme actuelle. Il n'insiste pas beaucoup sur la protection des habitats. Nous avons toujours reconnu les liens mutuels entre les diverses formes de vie et la nécessité de préserver les habitats. Nous savons qu'il est possible de les préserver si nous suivons les lois naturelles de l'univers.

Nos guérisseurs pourront vous dire que leurs moyens thérapeutiques exigent le maintien de l'équilibre naturel. Nos pêcheurs pourront vous dire que les eaux dans lesquelles ils pêchent doivent être libres de contamination. Et nos chasseurs et nos trappeurs pourront vous dire que les habitats sauvages sur leurs territoires traditionnels doivent être préservés, sans quoi les animaux ne resteront pas là.

La société canadienne a abandonné les lois de la nature pour les lois imposées par l'homme, qui tolèrent la pollution du monde naturel sous prétexte que c'est ce qu'il en coûte pour alimenter l'économie. Les pratiques non durables de la société canadienne en matière d'exploitation forestière, minière et hydroélectrique sont parmi les principales causes de la disparition des habitats.

Cette disparition des habitats est responsable de 80 p. 100 des baisses de population des espèces sauvages au Canada.

Si la société canadienne respectait les lois naturelles de l'univers, il ne serait pas nécessaire d'adopter une Loi sur la protection des espèces en péril au Canada. Mais, comme il est peu probable que cela se produise un jour, il faut renforcer les dispositions de ce projet de loi relativement à la protection des habitats.

Ces dispositions ne s'appliquent qu'au territoire domanial. Malheureusement, les animaux ne reconnaissent pas les frontières imaginaires tracées par les humains. La protection des habitats doit être assurée partout où les espèces se déplacent, où elles se reproduisent et où elles élèvent leurs familles, y compris sur les terres provinciales; elle doit en outre être un élément impératif de tous les plans de redressement.

.0920

On peut lire dans le préambule du projet de loi que le rôle que peuvent jouer les Autochtones du Canada dans la conservation des espèces sauvages est particulièrement important. Le projet de loi contient également une disposition selon laquelle il ne porte pas atteinte aux droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones du Canada. Il n'y a cependant rien qui y précise explicitement comment ces déclarations vont être appliquées dans la pratique. Les communautés autochtones ne sont pas mentionnées très souvent dans les 19 premières pages du projet de loi, et ne le sont plus du tout après la 19e page. Leur seul rôle significatif se limite à leur participation aux conseils de gestion de la faune établis en vertu des lois sur le règlement de leurs revendications territoriales.

Nous appuyons les recommandations du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut en ce qui concerne le renforcement du rôle des conseils de gestion de la faune établis en vertu des ententes sur les revendications territoriales globales, mais nos préoccupations vont au-delà du rôle minimal de ces conseils.

Les passages du projet de loi portant sur les connaissances traditionnelles ou communautaires font indirectement référence aux communautés autochtones. Il semble que le libellé de ces passages s'inspire du texte de la Convention sur la diversité biologique. Mais cette convention est plus explicite, en ce sens qu'elle parle des connaissances des communautés locales et indigènes.

J'irais jusqu'à dire que c'est dans les communautés des Premières nations qu'on retrouve la plus grande diversité biologique au Canada. La Première nation de Walpole Island a identifié plus de 37 espèces qui figurent sur la liste des espèces en voie de disparition. Et le Conseil mohawk d'Akwesasne a acheté une île dans le fleuve Saint-Laurent où on retrouve des sites de nidification des hérons bleus et des grues. C'est la seule colonie de ce genre dans cette région du Saint-Laurent.

Comme vous le voyez, les Premières nations assurent toujours la gestion de leur territoire. Nous savons comment protéger les espèces sauvages. Il n'est pas nécessaire de nous imposer des lois spéciales. Les réserves des Premières nations occupent seulement 0,9 p. 100 de la masse territoriale du Canada. Et pourtant, le gouvernement du Canada croit que cette loi est nécessaire pour nous dire comment faire ce que nous faisons déjà depuis des millénaires.

Si le Parlement ne retient pas les modifications que nous proposons, il devrait exempter les Premières nations de l'application de cette loi. Pourquoi la loi vise-t-elle tout particulièrement les terres des Premières nations? Pourquoi nous demande-t-on de payer le prix du progrès de la société canadienne alors que les vrais coupables s'en tirent indemnes? Le projet de loi devrait s'attaquer à ces coupables qui ont mis en danger les espèces sauvages et leur habitat. Il devrait s'appliquer sur les terres des compagnies multinationales qui exploitent la nature pour leur bénéfice personnel, et aussi sur les terres provinciales et sur les terres privées - pas seulement sur le territoire domanial. D'ailleurs, soit dit en passant, nos terres ne font pas partie du territoire domanial.

Le gouvernement doit modifier le projet de loi pour accorder aux Premières nations le pouvoir de protéger les espèces sauvages sur leur territoire. En conséquence, il doit modifier l'article du projet de loi portant sur les définitions de manière à y inclure une définition des autorités responsables, à savoir les Premières nations qui décideront d'administrer certaines des dispositions de la loi.

Les dispositions relatives au champ d'application de la loi doivent également être modifiées de manière à reconnaître ce pouvoir à nos peuples. Cette reconnaissance ne doit pas prendre la forme d'une délégation de pouvoir puisque l'article 35 de la Loi constitutionnelle reconnaît déjà des droits ancestraux aux Premières nations. Le projet de loi devrait plutôt contenir un mécanisme d'harmonisation des processus entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des Premières nations.

La loi devrait également permettre la signature d'ententes de conservation entre les ministres compétents et les gouvernements des Premières nations qui désirent en conclure. Ces ententes devraient être similaires à celles qui sont prévues au sujet des plans de redressement dans la partie consacrée à l'application de la loi. Les Premières nations qui participeraient à ces ententes devraient dès lors avoir le droit de conclure des accords de financement en vertu de l'article 8.

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Sous la rubrique de l'application de la loi, l'article 7 prévoit que les ministères compétents peuvent, avec l'agrément du gouverneur en conseil, conclure des accords avec un ou plusieurs gouvernements provinciaux au sujet de l'application des dispositions de la loi. Cet article est inacceptable pour les Premières nations. Il peut en effet être interprété comme une abrogation des droits ancestraux et issus de traités garantis aux Premières nations du Canada en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Nous croyons par ailleurs que la protection des espèces sauvages ne peut être efficace que si le gouvernement fédéral joue un rôle de premier plan. Autrement, les questions de compétence provinciale prendront le pas sur cette protection.

L'Assemblée des premières nations n'appuie pas le transfert aux provinces des compétences ou des pouvoirs d'administration des finances publiques touchant les intérêts des Premières nations. Le gouvernement fédéral a une obligation fiduciaire envers nos peuples, en vertu de nos droits ancestraux et issus de traités, et cette obligation n'est pas transférable aux provinces. Elle a été créée lors de la signature des traités et existera tant et aussi longtemps que les traités eux-mêmes existeront. Elle découle également de nos droits ancestraux et a été reconnue par la Cour suprême du Canada, d'abord dans l'arrêt Guerin et ensuite dans l'arrêt Sparrow.

Dans l'arrêt Guerin, la Cour indique que cette obligation fiduciaire a été contractée quand les peuples des Premières nations ont cédé leurs terres à la Couronne, qui est tenue dès lors de gérer ces terres dans l'intérêt de ces Premières nations. Autrement dit, cette obligation fiduciaire s'est créée lorsque la Couronne s'est engagée à agir dans l'intérêt d'une autre partie, en l'occurrence les Premières nations.

Dans l'arrêt Sparrow, la Cour suprême va plus loin au sujet de l'obligation fiduciaire évoquée pour la première fois dans l'arrêt Guerin, en l'étendant aux droits ancestraux. La Cour affirme dans ce jugement que le gouvernement doit se comporter en fiduciaire des peuples autochtones.

À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas compter sur les provinces pour qu'elles traitent les Premières nations équitablement. Leur conduite passée en ce qui concerne le territoire, les ressources et les Premières nations est déplorable. Nos communautés doivent vivre encore aujourd'hui avec les conséquences de leurs politiques et de leurs décisions. Les provinces continuent d'accorder des permis d'exploitation forestière et minière à des compagnies multinationales dans des secteurs sur lesquels les Autochtones revendiquent des droits fonciers. Et nous n'avons rien à dire.

Les gouvernements fédéral et provinciaux violent nos traités chaque jour en favorisant le développement hydroélectrique, l'exploitation forestière et minière et tous les autres types de développement même quand notre mode de vie en souffre directement. Ce projet de loi pourrait aider indirectement à protéger nos droits ancestraux et issus de traités, mais il est tout à fait clair à nos yeux que les gouvernements canadiens successifs n'ont jamais cherché en priorité à protéger directement nos terres et nos communautés. Mais si votre société avait protégé convenablement notre culture et nos droits, elle n'aurait pas besoin d'adopter une loi de ce genre.

Nous ne voulons pas dire que les Premières nations ne devraient avoir aucun lien avec les provinces. Mais ces liens doivent être fondés sur trois principes: le respect, l'équité et le renforcement de l'autonomie. Les provinces doivent montrer du respect aux Premières nations en reconnaissant que nous devons avoir compétence sur nos territoires. Elles doivent ensuite reconnaître que, même si nous ne sommes pas riches, économiquement parlant, nous connaissons la nature, ce qui est d'égale valeur. Elles doivent tenir compte des compétences que nous pouvons leur apporter.

En définitive, le véritable exercice de l'autorité passe par le partage des pouvoirs et le renforcement de l'autonomie des autres paliers de gouvernement. Les provinces doivent être prêtes à conclure des ententes de gestion coopérative avec les Premières nations dans les domaines de compétence partagée.

Nous vivons à une époque où les gouvernement fédéral et provinciaux ont réduit considérablement leurs effectifs. Les ministères chargés de l'environnement et des ressources naturelles, aux deux paliers, ont subi les compressions les plus importantes, ce qui a créé un vide énorme dans le domaine de la protection de l'environnement. Nous ne sommes donc pas certains que les provinces soient en mesure d'assumer efficacement la responsabilité de l'application de la loi.

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Les Premières nations sont parfaitement bien placées pour combler ce vide dans le domaine de la protection de l'environnement. Nous vivons dans des régions où la diversité biologique est déjà très grande. Nous avons un respect inhérent pour l'environnement, et nous possédons des connaissances du monde naturel qui pourraient représenter une contribution «en nature» des plus utiles. Il n'y a qu'à s'inspirer de ces connaissances et à les combiner aux connaissances scientifiques occidentales.

La Convention sur la diversité biologique prévoit que toutes les parties contractantes doivent, dans la mesure du possible et lorsque c'est approprié, contribuer au soutien - financier ou autre - nécessaire à la conservation in situ. Pour respecter cette intention, il faut accorder aux Premières nations les fonds nécessaires pour leur permettre d'assumer des responsabilités accrues dans la protection des espèces sauvages. Ces fonds permettraient aux Premières nations d'embaucher et de former du personnel pour assurer la conservation de l'environnement. Ils couvriraient les coûts de l'élaboration et de la mise en oeuvre de plans de redressement par les Premières nations.

Il serait possible de financer ces activités en imposant des redevances aux compagnies multinationales à qui profite l'extraction des ressources naturelles situées sur le territoire des Premières nations, et d'ailleurs aussi dans le reste du Canada. Il est temps que ces compagnies commencent à partager les profits qu'elles tirent de l'exploitation des richesses naturelles des peuples autochtones et des Canadiens.

Nous sommes inquiets des interdictions prévues dans le projet de loi et des effets qu'elles pourraient avoir sur le mode de vie traditionnel et les pratiques culturelles des communautés des Premières nations. En effet, n'aurions pas le droit d'avoir en notre possession des espèces végétales ou animales qui auraient une signification spirituelle, culturelle ou médicinale pour nos peuples ou qui leur permettraient d'assurer leur subsistance, si ces espèces étaient inscrites sur des listes d'espèces menacées ou en voie de disparition.

Nous partageons les préoccupations sur lesquelles repose cette disposition. Nous n'approuvons pas qu'on tue, qu'on blesse, qu'on harcèle, qu'on capture ou qu'on prenne intentionnellement des individus d'une espèce considérée comme menacée ou en voie de disparition. Mais le projet de loi doit également reconnaître que les membres des Premières nations peuvent posséder des plantes ou des animaux qui ont une signification spirituelle, culturelle ou médicinale particulière pour eux, ou qui leur permettent d'assurer leur subsistance. La société canadienne doit comprendre que, parce que nous respectons profondément l'environnement, nous allons toujours trouver des moyens pour assurer la préservation des différentes espèces de végétaux et d'animaux sauvages pour les générations à venir.

L'article 36 du projet de loi prévoit des exceptions générales à ces dispositions d'interdiction. Nous recommandons que les Autochtones qui ont en leur possession des espèces de végétaux ou d'animaux sauvages à des fins spirituelles, culturelles, médicinales ou de subsistance soient ajoutés à cette liste d'exceptions.

Les sociétés des Premières nations ont toujours coexisté avec les autres créatures de la nature. Nous sommes convaincus que, si nous pouvons conserver notre mode de vie traditionnel, les espèces sauvages et leur habitat seront protégés.

La création de parcs fédéraux et provinciaux n'est pas non plus une solution. Elle ne représente qu'une mesure temporaire qui limitera encore davantage les zones dans lesquelles il sera possible de protéger les espèces sauvages.

La société canadienne a mis les espèces sauvages en péril à cause de ses pratiques de développement non durable. Elle doit modifier ses pratiques de développement économique pour les rendre vraiment viables. C'est la seule façon de lever la menace qui pèse sur les espèces sauvages. Et nous savons que nos économies viables vont être protégées par la même occasion.

Le président: Vos commentaires vont certainement faire réfléchir sérieusement les membres du comité, chef Mercredi. Merci.

Nous pourrions peut-être avoir une ou deux rondes de questions avant de passer au témoin suivant.

[Français]

Monsieur Asselin, voulez-vous commencer?

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M. Asselin: Ma question s'adresse au chef de l'Assemblée des Premières Nations. J'ai relevé plusieurs mots dans votre mémoire - qui est très bien - qui méritent des explications.

Vous avez mentionné les mots «entente», «convention», «traité» et «loi». On sait également que quatre provinces au Canada ont une loi pour protéger les espèces en voie de disparition. Il a été dit plus tôt que les lois ayant trait aux autochtones ou aux Premières Nations avaient priorité sur les lois provinciales et fédérales.

Compte tenu des ententes et des conventions qui ont été signées, ainsi que des traités et des lois qui touchent les communautés autochtones, les Premières Nations pourraient-elles décider de passer outre à la loi C-65 sur les territoires qui leur sont réservés?

[Traduction]

M. Mercredi: Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler que ce n'est pas nous qui sommes à la source du problème. Si le Parlement doit adopter aujourd'hui une loi comme celle-ci, c'est parce que votre société a créé le problème. C'est à cause de votre habitude de faire passer l'argent en premier, avant la vie des humains ou des animaux, que vous avez un sérieux problème au Canada.

Quand vous êtes arrivés ici, vous n'aviez pas l'intention - du moins, je ne pense pas - de détruire l'environnement, de polluer les cours d'eau et de menacer la faune. Nos gens coexistaient avec la faune et la terre depuis des siècles. Quand nous avons conclu des traités avec vos ancêtres, c'était dans le but de protéger notre mode de vie. Or, protéger notre mode de vie, cela veut dire protéger l'environnement, les animaux et les plantes qui font partie intégrante de notre société.

Je viens de la région du Traité no 5, dans le nord du Manitoba. Nos ancêtres vous ont dit que vous pouviez vous établir chez nous, que vous pouviez vivre parmi nous et que nous pouvions partager le territoire, mais que nous ne voulions pas que notre mode de vie en soit modifié; nous ne voulions pas qu'il en souffre; nous voulions le préserver. Quant nous avons signé ce traité, c'était dans l'intention de préserver notre société. Elle pouvait changer avec le temps, mais elle devait survivre.

Mais au Manitoba, où les mines, le développement hydroélectrique et l'exploitation forestière ont préséance sur les traités, les terres que nous pouvons exploiter pour soutenir notre mode de vie traditionnel rapetissent chaque année. Et la création de parcs provinciaux a contribué à réduire encore plus les secteurs que nous pouvons exploiter pour soutenir notre mode de vie, qui inclut la chasse, la pêche, le piégeage, la cueillette des plantes, et ainsi de suite.

C'était cela, l'entente. Mais où est l'obligation de garder ce mode de vie? Ce n'est pas seulement de notre côté. C'est du côté de votre société aussi. Mais c'est là que vos gouvernements ont manqué à leur devoir. Ils n'ont pas respecté les obligations qu'ils avaient contractées par traité envers nos peuples. L'exploitation des mines et des forêts passe en premier, et le développement hydroélectrique aussi. Les animaux et les Premières nations passent en dernier.

Voilà comment se déroulent nos relations avec vous depuis cent ans. C'est pour cela que nous vivons dans la pauvreté. C'est pour cela qu'il y a tellement de problèmes dans nos communautés. C'est pour cela que votre pays est aussi riche; tellement riche que les Nations Unies n'arrêtent pas de dire au reste du monde que le Canada est un modèle pour ce qui est du niveau de vie et de la qualité de vie. Mais ce n'est pas un modèle pour nous.

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Quand cette loi sera adoptée, elle devra respecter les traités et les droits ancestraux des Autochtones. C'est ce qui était entendu au départ.

Donc, votre obligation - comme le précise l'arrêt Sparrow concernant les pêcheurs de la Colombie-Britannique - consiste à vous assurer que les membres des Premières nations ont accès aux ressources, qu'ils ont la priorité pour l'exploitation de ces ressources parce qu'ils sont les premiers habitants du territoire et que les intérêts commerciaux sont secondaires. Si une espèce est en voie de disparition parce qu'elle a été surexploitée à des fins commerciales, vous avez l'obligation de mettre fin à cette pratique, mais pas au détriment des droits de mon peuple. Voilà notre perspective. Maintenant que vous nous dominez depuis trois siècles, vous ne pouvez pas échapper à votre relation avec nous.

C'est le message que nous avons du mal à faire comprendre aux Canadiens blancs, parce qu'il y en a beaucoup qui croient que nous devrions tout simplement abandonner nos traditions et devenir des Canadiens comme les autres, des Canadiens blancs. Les réformistes le disent souvent à la Chambre des communes, mais c'est un point de vue que les libéraux pourraient très bien partager.

Le président: Merci.

Monsieur Forseth.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Merci.

Bienvenue au comité, monsieur Mercredi. Je comprends que vous puissiez avoir une fausse impression de ce que propose le Parti réformiste, mais tenons-nous-en là pour le moment.

Quand vous nous avez lu la page 4 de votre mémoire, vous vous êtes écarté du texte et vous nous avez dit quelque chose, entre parenthèses, au sujet du fait que le territorial domanial n'était pas des terres autochtones, ou que les terres autochtones ne faisaient pas partie du territoire domanial, ou quelque chose du genre. Pourriez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire par là?

M. Mercredi: En 1872, des Blancs sont arrivés à Grand Rapids avec le titre de commissaires aux traités. Ils étaient envoyés par le gouvernement fédéral. Ils sont venus voir mon peuple. Ils nous ont dit que nous devions signer le traité qu'ils avaient préparé. Ils sont arrivés avec un morceau de papier et ont demandé à mes ancêtres de le signer.

Nos gens leur ont répondu que ce n'était pas ainsi qu'ils fonctionnaient. Et ils les ont renvoyés. Les commissaires aux traités n'ont pas obtenu la signature de mes ancêtres avant l'année suivante. Ils sont revenus, et ils ont négocié. Et ils en sont arrivés à une entente.

Quand j'étais enfant à Grand Rapids, dans les années 50, les Anciens disaient kitaskinaw oma; ceci est notre terre. Ils ne disaient pas que c'était la terre de l'homme blanc. Ils ne disaient pas que c'était une terre provinciale, ou une terre fédérale. Ils disaient kitaskinaw oma. Et ils ne parlaient pas seulement de la réserve.

Quand les Anciens faisaient une vague avec leur main, comme ceci, pour dire kitaskinaw oma, cela incluait le lac Winnipeg, et cela allait même plus loin que l'horizon. Le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les Indiens. En adoptant cette loi, il a violé notre traité. Il a décrété que les Indiens pouvaient seulement exploiter et occuper le territoire, qu'il considérait comme sa propriété. Mais ce territoire, nous l'avons gardé pour nous. Nous ne l'avons jamais cédé à personne, même si la loi dit qu'il appartient au gouvernement fédéral.

Ma principale objection à ce projet de loi, c'est qu'il s'appliquerait aux réserves, mais pas aux terres provinciales, qui couvrent pourtant la superficie la plus vaste sur laquelle il serait possible de protéger l'habitat de toutes les espèces animales et végétales. C'est évident. L'application de cette loi dans les réserves ne permettra pas de protéger l'habitat de beaucoup de plantes et d'espèces sauvages parce que notre territoire est très limité. Il représente moins de 0,09 p. 100 de la masse territoriale du Canada.

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Pour ce qui est des terres de la Couronne fédérale, ou du territoire domanial, je ne sais pas exactement quel pourcentage cela représente par rapport à l'ensemble du territoire du pays - j'aimerais le savoir moi aussi pour plus tard - , mais ce que je sais, c'est que ce sont les provinces qui sont responsables du territoire et des ressources naturelles en vertu de la Constitution. En fait, ce sont elles qui doivent décider quels projets seront approuvés, et les négociations récentes entre les gouvernements fédéral et provinciaux dans le domaine des lois environnementales vont donner encore plus de pouvoir aux provinces, ce qui leur permettra de contourner plus facilement les lois fédérales comme celles qui portent lois sur la protection de l'environnement et peut-être même celle-ci.

Si vous examinez bien le projet de loi, vous vous rendrez compte qu'il est rédigé de manière à protéger les projets qui ont une valeur économique pour la société canadienne. À Hinton, en Alberta, par exemple, il est question d'une mine à ciel ouvert qui aurait des effets sur certaines espèces sauvages. Ce qui est intéressant, c'est qu'il n'y a eu aucune étude indépendante sur les conséquences de ce projet pour l'environnement et la faune de la région - ni sur ses répercussions pour les Premières nations. Au contraire, d'après le texte actuel du projet de loi, les promoteurs des projets de ce genre ont le mandat d'effectuer eux-mêmes des évaluations environnementales, ce qui réduit à mon avis l'objectivité de tout ce qui sera fait pour déterminer les effets de ces projets.

Si vous et moi avions investi beaucoup d'argent et si nous possédions des terres grâce auxquelles nous pourrions nous enrichir, nous nous contenterions du strict minimum pour respecter les dispositions de la loi portant sur les études environnementales, mais nous dépenserions tout notre argent pour nous assurer que notre projet serait approuvé.

Les lois en vigueur actuellement au Canada sont tellement faibles que ce projet de loi ne veut déjà à peu près rien dire à cause des modifications apportées aux lois fédérales, et aussi parce que le gouvernement fédéral envisage de transférer aux provinces la responsabilité de la protection de l'environnement.

M. Forseth: D'accord. Un dernier point. À la page 7 de votre mémoire, dans votre conclusion, vous dites que la société moderne est essentiellement non viable dans ses faits et gestes et que vous préconisez des pratiques de développement économique qui la rendront véritablement viable. Mais ce n'est qu'un principe général; pourriez-vous nous donner un exemple pour mettre un peu de chair sur ces os-là, si je puis dire?

M. Mercredi: Le meilleur exemple que je puisse vous donner est celui de ma propre collectivité, un endroit appelé Grand Rapids, au Manitoba, où certains travaux d'exploration avaient déjà été réalisés dans les années 20 en vue d'un éventuel développement hydroélectrique. Ces travaux se sont ensuite accélérés dans les années 50. Quand est venu le temps de prendre une décision, personne n'a pris en considération notre philosophie, en tant que peuple indigène. Personne ne nous a consultés. C'est le gouvernement fédéral et la province du Manitoba qui ont pris la décision ensemble. Ils ont construit un barrage qui a inondé tout notre territoire de piégeage et qui a obstrué le cours d'eau que les poissons remontaient pour frayer; il y avait différentes espèces, dont l'esturgeon. Ce barrage a complètement détruit les frayères d'esturgeons.

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Le développement hydroélectrique aurait été viable si on avait profité de l'énergie hydraulique qui se trouvait là sans créer d'inondation. Il y avait à Grand Rapids des rapides très puissants, probablement les plus puissants au pays. L'énergie naturelle de ces rapides aurait dû suffire, à mon avis - même si je ne suis pas un scientifique, ni un ingénieur - pour générer la puissance hydroélectrique que le Manitoba souhaitait.

Il faut donc simplement savoir comment faire les choses. Le développement hydroélectrique est possible sans qu'il soit nécessaire d'inverser le cours naturel des rivières, comme cela s'est fait à Churchill. Deux rivières ont été touchées; le cours d'une d'entre elles a été complètement inversé. Toutes ces expériences humaines ont eu des effets dévastateurs sur l'environnement et sur les gens de la région.

Le développement durable devrait également faire une place à la notion selon laquelle les gens qui sont les plus proches des ressources devraient profiter des retombées économiques de leur exploitation. Cela signifie que le projet d'hydroélectricité dont je viens de vous parler aurait dû être construit de manière à créer de l'emploi dans la région; il aurait fallu former les gens de manière à ce qu'ils puissent ensuite gérer le projet ou à ce qu'ils soient suffisamment qualifiés pour occuper les emplois spécialisés et professionnels créés par ce projet. Mais il y a plus: cette ressource et son potentiel auraient dû profiter d'abord aux gens des communautés environnantes. Or, nous avons été les derniers à avoir l'électricité dans nos villages, même si elle était produite juste à côté. Ce sont des choses qu'on n'oublie pas.

Quand on regarde où est allée cette énergie hydroélectrique... même pas dans la ville de Winnipeg; elle est allée surtout aux États-Unis. Elle a été vendue aux Américains, parce qu'ils pouvaient s'en servir. Entre-temps, nous avons dû changer notre mode de vie.

Donc, ce qui a été fait n'était pas du tout viable pour nous; en fait, cela a détruit notre société. Ce développement a mis fin à toutes nos activités de piégeage et a eu des conséquences désastreuses sur nos activités de pêche commerciale. La pollution qui a résulté de la présence de mercure dans les sols naturels... on n'en connaît pas encore exactement les effets. Il n'y a rien de viable dans l'inondation des réserves indiennes, comme celle qui s'est produite à l'époque à Grand Rapids.

Il a fallu réinstaller toute une communauté. La réserve de Chemahawin a dû être complètement déménagée parce que ses terres étaient inondées. Le traité que nous avons signé est le même que le leur. On nous avait dit que ce traité serait valable indéfiniment, aussi longtemps que le soleil brillerait, que l'herbe pousserait et que les rivières couleraient. Mais nous ne savions pas qu'elles arrêteraient de couler à Grand Rapids. Le soleil continue de briller et l'herbe continue de pousser à certains endroits, mais il reste que des terres protégées par le traité ont été inondées. La question fait encore l'objet d'un litige entre les Premières nations et le gouvernement fédéral.

Il y aussi des questions d'indemnisation par la province du Manitoba. Hydro-Manitoba s'est entendue avec ma communauté, mais rien n'est encore réglé pour la province et le gouvernement du Manitoba.

Le président: Merci, monsieur Forseth.

M. Adams, suivi de M. Taylor.

M. Adams: Merci, monsieur le président.

Chef Mercredi, merci de votre présentation. Je pense que nous sommes nombreux à penser, tout comme vous, que ce projet de loi ne devrait pas être nécessaire. C'est en fait une tentative pour réparer les dégâts; nous essayons de corriger le mieux possible la situation qui existe déjà.

Deuxièmement, je tiens à vous dire que je suis en train de lire le rapport de la commission d'enquête; j'en suis rendu à peu près à la moitié du premier volume. Je ne peux pas vous promettre de lire tous les volumes, mais je recommande le premier à ceux de mes collègues qui ne l'ont pas encore commencé. La partie qui porte sur votre histoire et votre philosophie vaut vraiment la peine d'être lue.

Je voudrais vous poser une question au sujet de votre quatrième recommandation, qui porte sur l'article 36 et sur les répercussions exactes de l'exception qui y est prévue. Supposons par exemple qu'une plante importante pour des fins médicinales était menacée de disparition, probablement parce que son habitat serait menacé. Quelles seraient les conséquences de cette exception dans un cas comme celui-là?

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M. Mercredi: Le meilleur exemple que je puisse vous donner est celui des plumes d'aigle utilisées dans certaines cérémonies traditionnelles. Les lois américaines interdisent le commerce des plumes d'aigle, et il arrive que nos gens aient des problèmes aux douanes. Je suis au courant de quelques causes à ce sujet qui ont été portées à mon attention depuis que je suis chef national. Il s'agit généralement d'Indiens américains qui sont venus au Canada pour partager leurs plumes d'aigle, soit pour des cérémonies de la purification, soit pour des danses du Soleil.

Je pense qu'aux États-Unis, certaines espèces d'aigles sont protégées parce qu'elles sont en voie de disparition. En fait, une de ces espèces va être touchée par la mine à ciel ouvert de Hinton, parce que c'est là qu'elle nidifie au printemps et en été.

Nos gens ne tuent pas ces animaux. Quand ils prennent des plumes d'aigle - s'ils le font à la manière traditionnelle, comme le faisaient les Anciens - , ils laissent les animaux en vie. Ils prennent seulement quelques plumes. Beaucoup d'Anciens qui recueillent ces plumes affirment - et je n'ai aucune raison de ne pas les croire - qu'ils ne tuent pas ces animaux. Il arrive que certains d'entre eux meurent de cause naturelle. C'est à ce moment-là que les Anciens recueillent leurs plumes.

Dans le cas des plantes, je ne pense pas qu'il y en ait sur la liste des espèces en voie de disparition, sur la liste des espèces disparues ou sur quelque liste que ce soit, sauf - d'après ce que je lis ici - en ce qui concerne la communauté de Walpole Island, où certaines espèces sont jugées vulnérables. Nos gens font ces choses-là non pas pour les rendre plus vulnérables, mais pour les protéger.

Ce que je veux dire, c'est que la pratique de nos traditions - si nous les respectons, si nos gens les préservent vraiment - ne justifie absolument pas une loi de ce genre, en ce qui nous concerne. Si le gouvernement fédéral veut vraiment protéger la faune, ce n'est pas aux terres des réserves indiennes qu'il devrait s'intéresser. C'est aux terres provinciales, aux terres de la Couronne, aux terres privées, où il est évident que l'habitat de certaines espèces a souffert de la présence de ranches, de l'exploitation minière et forestière, et ainsi de suite.

M. Adams: Mais supposons qu'une espèce végétale soit menacée et qu'il n'en reste que quelques spécimens. Il faudrait se servir de ces plantes, du moins tant qu'elles seraient menacées, de façon à ne pas les mettre en péril. Par exemple, il faudrait éviter de les déraciner, et peut-être les récolter de manière à leur permettre de repousser l'année suivante.

M. Mercredi: Il est clair, il me semble, que nos gens ne récolteraient pas une plante qui figurerait sur la liste des espèces en péril. Ce serait contre-productif.

Je peux vous conter une anecdote qui remonte à 1987, à peu près. Je vivais alors à The Pas, où je travaillais comme conseiller juridique de la bande. Le gouvernement provincial avait demandé aux Autochtones de ne plus chasser l'orignal parce que, selon les études scientifiques réalisées à ce sujet-là, la population d'orignaux était en déclin. Les Indiens ont immédiatement répondu: «Arrêtez toute l'exploitation forestière qui se déroule autour d'ici parce que tout ce bruit fait peur aux orignaux; c'est pour cela que vous ne les voyez pas. Quand vous allez les compter, ils ne seront pas ici parce qu'ils sont partis dans d'autres régions du Nord.»

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En définitive, les gens savent ce qui est dans leur intérêt. Ces gens ont décidé volontairement de ne pas chasser les orignaux aussi intensivement que par les années passées. La chasse était permise, mais à un moindre niveau. Et grâce à cette autoréglementation volontaire pratiquée par les membres de cette Première Nation, la population d'orignaux a augmenté.

Le problème, ce n'est pas ce que nos gens font. C'est cela que je veux vous faire comprendre. Le problème, à mon avis, ce n'est même pas ce que fait le Canadien moyen qui essaie de gagner sa vie. C'est plutôt la façon dont votre société permet le développement sans se soucier de l'habitat de certaines plantes et de certains animaux. C'est cela, le problème, et ce projet de loi ne s'y attaque même pas. Il le contourne. En fait, l'article 46 du projet de loi vise à permettre la réalisation de projets de développement.

Ce que j'aimerais savoir, c'est laquelle de vos lois le ministre compétent va appliquer s'il a à choisir entre cette loi et une autre loi du Parlement en matière d'environnement. Laquelle a préséance: celle-ci ou une autre loi du Parlement comme celle qui porte sur la protection de l'environnement? Est-ce que votre ministre peut choisir laquelle il veut appliquer pour protéger les espèces sauvages?

M. Adams: Je vois. C'est vous, l'avocat, pas moi. Vous pourriez probablement répondre à votre propre question mieux que moi, en ce qui concerne les différentes lois.

M. Mercredi: Mais ce n'est pas une décision juridique. C'est un choix politique. Vous chargez le même ministre de l'application de cette loi et de la loi sur la protection de l'environnement. Ce que je veux savoir, c'est laquelle a préséance. Celle-ci ou celle qui vise à protéger l'environnement? Si c'est celle-ci, allez-vous l'appliquer ou appliquer l'autre? Ce sont des questions que vous devriez examiner aussi.

M. Adams: Monsieur le président, je suis certain que le témoin a raison. Merci.

Le président: Merci, monsieur Adams.

M. Taylor, s'il vous plaît.

M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Merci beaucoup.

Bienvenue, chef Mercredi. M. Adams a probablement raison de dire que vous avez raison.

Je pense moi aussi que la loi devrait s'appliquer aux terres provinciales, et nous prenons bonne note de votre observation à cet égard.

Ma question porte sur votre deuxième recommandation, et en particulier sur l'extrait suivant, au dernier paragraphe de la page 4 du texte anglais:

Je me demande simplement s'il y a actuellement des ententes de cogestion en place qui pourraient peut-être servir de modèle pour l'application de cette suggestion, ou si vous pouvez nous donner une idée de la façon dont pourraient fonctionner des ententes de conservation conclues entre les gouvernements des Premières nations et les ministres compétents.

En même temps, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ce qui se passe à l'occasion quand le système faillit à la tâche? Je pense par exemple à un cas qui s'est produit il y a deux ans en Alberta; une entreprise forestière de Colombie-Britannique avait alors pratiqué des coupes à blanc dans de vastes zones des terres de réserve, en profitant des besoins économiques des Autochtones. Comment pouvons-nous nous assurer que ce genre de chose ne se reproduira pas?

M. Mercredi: Je vais demander à un membre de mon personnel technique de répondre à la première partie de votre question au sujet des exemples d'ententes de cogestion.

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Dans la dernière partie de votre intervention, le cas que vous nous avez cité au sujet de l'exploitation des ressources forestières est nettement, en effet, un exemple de panne de système.

C'est pour cela que nos gens disent que les terres indiennes doivent appartenir collectivement aux communautés et qu'aucune personne, aucun groupe de personnes ou de familles d'une réserve donnée ne devrait avoir le pouvoir ou le mandat de profiter des terres de la réserve pour son gain personnel. C'est pour cela que les initiatives de Ron Irwin pour modifier la Loi sur les Indiens me troublent beaucoup. Et c'est pour cela que 70 p. 100 de nos communautés disent non à Ron Irwin. Et voilà qu'on nous dit qu'il veut aller de l'avant en décembre.

Le ministre envisage notamment la privatisation des terres indiennes, ce qui serait tout à fait contraire à notre mode actuel de propriété, à savoir que ces terres appartiennent en commun à tous les membres de la communauté. C'est conforme à notre culture. La privatisation des terres - que vous appeliez cela une tenance commune, une propriété conjointe ou un droit de tenure à bail - est tout à fait incompatible avec la culture indienne. Dès que vous allez modifier la loi dans le sens souhaité par Ron Irwin, vous allez ouvrir la porte à l'exploitation de ces terres par des intérêts de l'extérieur.

Par exemple, sous le nouveau régime envisagé par Ron Irwin, les gens pourraient se servir des terres indiennes comme base de négociation avec une banque pour obtenir un prêt commercial. Avec le temps, si l'entreprise ayant bénéficié de ce prêt faisait faillite, ces terres deviendraient propriété de la banque. C'est une idée très dangereuse, et nous nous y opposons, mais pour une raison ou pour une autre, le ministère des Affaires indiennes pense qu'il sait mieux que les autres de quoi les Indiens ont besoin.

Je ne sais pas comment votre gouvernement - et je m'adresse aux députés libéraux qui sont ici - va pouvoir affronter nos gens aux prochaines élections si cette loi nous est imposée. Déjà, et sans même avoir fait beaucoup d'efforts de sensibilisation, nous avons reçu des RCB - des résolutions de conseil de bande - et des lettres de plus de 70 p. 100 de nos communautés. Nous recevons chaque jour une nouvelle RCB d'une nouvelle communauté. Comme je l'ai dit, je représente 633 communautés, et 70 p. 100 de tout ce monde-là, c'est énorme. Je pense que le gouvernement serait bien fou de poursuivre sur sa lancée, mais nous verrons bien.

Pour en revenir à la première partie de votre question, je vais demander à mon collègue de vous répondre.

M. James Ransom (coordonnateur des questions d'environnement, Assemblée des premières nations): Merci.

Il n'est pas facile de répondre à votre question sur les ententes de conservation existantes. Il y a eu des tentatives d'ententes de cogestion. Vous avez entendu tout à l'heure les Cris de la baie James; je pense que c'est un exemple de tentative de ce genre. Je sais aussi qu'Akwesasne participe à un projet de forêt modèle en collaboration avec la province de l'Ontario et une entreprise, en l'occurrence la Domtar. Je sais qu'il y a des essais, mais le plus gros problème, c'est que ces ententes doivent être fondées sur le respect, l'équité et le renforcement de l'autonomie; sans ces ingrédients, il n'y a pas de cogestion possible. Le problème, dans le passé, c'est que toutes les ententes étaient à sens unique; c'était le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral qui en dictait les conditions aux Premières nations. Ce que nous disons, c'est que, pour l'application de cette loi, il faudrait des ententes qui soient beaucoup plus justes et qui reposent davantage sur le partenariat que par le passé.

.1010

Le président: Merci.

M. Mercredi: Le témoin qui me suit va vous parler d'une entente de cogestion à laquelle nous participons conjointement avec les Inuit et les gouvernements.

Le président: Nous avons une dernière question pour vous, après quoi nous allons passer au témoin suivant.

Madame Kraft Sloan, s'il vous plaît.

Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Merci.

Le premier témoin que nous avons entendu ce matin nous a encouragés à exercer notre pouvoir résiduel relatif à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement. Nous avons entendu aussi des témoins des milieux agricoles, qui nous ont dit que si nous tentions d'exercer ce pouvoir, nous perdrions devant les tribunaux. Je me demande si nos témoins aimeraient commenter.

M. Mercredi: C'est probablement un bon exemple de la raison pour laquelle les pouvoirs fédéraux ne devraient jamais être transférés aux provinces. Si vous ne conservez pas les pleins pouvoirs sur certains domaines de compétence, les différents intérêts de la société vont inévitablement s'affronter. Les agriculteurs ont des intérêts évidents. J'ai parlé tout à l'heure des coupables qui avaient causé la disparition des habitats; les agriculteurs sont bien haut sur ma liste.

Dans le cas des oiseaux migrateurs, il ne fait aucun doute à mon avis que c'est le gouvernement fédéral qui a compétence. Les espèces migratrices - qui font l'objet de l'autre partie de notre mémoire - ne connaissent pas les frontières des provinces. Mais je pense que le gouvernement fédéral peut prétendre avoir compétence aussi sur les animaux sauvages - ou même sur les plantes, d'ailleurs - qui ne traversent pas les frontières.

Je ne sais pas plus que vous ce que la Cour suprême va décider. Mais il faut prendre des mesures pour protéger les espèces, même si cela va à l'encontre d'intérêts très puissants. Le fait est que les compagnies minières comme l'Inco et la Compagnie minière et métallurgique de la baie d'Hudson, ou les compagnies forestières comme la Repap et les autres ne veulent voir personne empiéter sur leur liberté. Ces gens-là sont tellement puissants qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent et tout saccager pour une poignée de dollars.

Le gouvernement canadien a peur de ces intérêts. Il s'attaque à nous, les Premières nations, en disant que ses lois vont s'appliquer sur nos terres, mais il ne touche surtout pas au droit de tenure à bail de la Repap. C'est cela qui est injuste dans ce projet de loi. Il ne choisit pas les bonnes cibles parce que ce sont les puissants intérêts économiques de votre société qui doivent faire quelque chose, pas nous.

Le problème, avec votre Parlement et votre partage des pouvoirs, c'est que si vous prenez des mesures qui dépassent votre sphère de compétence, vous risquez de vous faire traîner devant les tribunaux. C'est la grande faiblesse de votre gouvernement. Nous, les gens des Premières nations, nous sommes convaincus que votre partage des pouvoirs n'a pas été fait dans l'intérêt commun de votre propre population. Nous ne comprenons vraiment pas pourquoi vous voulez nous imposer votre système.

Le président: Merci, madame Kraft Sloan.

Monsieur Arreak, vous pouvez commencer votre présentation, s'il vous plaît.

M. Malachi Arreak (membre du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut): Merci, monsieur le président. Bonjour à tous.

Permettez-moi tout d'abord de me présenter et de vous présenter mon collègue. Je suis accompagné de Michael d'Eça, qui est le conseiller juridique du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, également connu sous le sigle CGRFN.

.1015

Je m'appelle Malachi Arreak; je suis membre du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut et j'habite le hameau de Pond Inlet, à la pointe nord de l'île de Baffin, en haut du 70e parallèle. C'est un des plus beaux endroits sur Terre. On y retrouve de nombreuses espèces d'animaux sauvages, dont la baleine boréale qui est en voie de disparition.

Je suis venu de loin pour vous parler, et j'espère que ce que j'ai à vous dire sera utile, non seulement pour vous et pour notre Conseil, mais pour toutes les espèces sauvages et surtout pour celles qui sont en voie de disparition et dont le sort devrait nous préoccuper au plus haut point.

J'ai été nommé au Conseil par la Nunavut Tunngavik, l'organisme qui représente les 19 000 Inuit du Nunavut. Je siège au Conseil depuis sa création, après avoir participé aux négociations qui ont mené à la signature de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

Je dois toutefois préciser que je ne suis pas ici en tant que porte-parole de la Nunavut Tunngavik; je représente le CGRFN, un organisme du gouvernement populaire constitué en vertu de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Il s'agit d'un accord conclu conformément à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Je voudrais vous parler brièvement du Conseil de cogestion auquel Ovide Mercredi a fait allusion; il s'agit du Conseil de gestion des caribous de Beverly et de Kaminuriak, composé des Autochtones qui exploitent cette harde de caribous.

Vous devriez avoir tous reçu un exemplaire du mémoire écrit de notre Conseil au sujet du projet de loi C-65. J'espère que vous prendrez la peine de le lire attentivement à la fin de la séance d'aujourd'hui. Si vous avez des questions, des commentaires ou des réserves, n'hésitez pas à communiquer avec Michael ou moi, ou encore avec le président de notre Conseil, Ben Kovic. Nous nous ferons un plaisir de vous aider dans la mesure de nos moyens et nous sommes prêts à assurer tout le suivi que le comité jugera nécessaire.

Je vous signale que Michael travaille ici à Ottawa; il vous sera donc facile et peu coûteux d'organiser des rencontres, des conférences ou des consultations avec lui.

Avant de passer à la substance de notre mémoire, je tiens à faire quelques remarques préliminaires très importantes. Aucune des recommandations de notre Conseil ne vise à élargir, à renforcer ou à augmenter ses pouvoirs de quelque façon que ce soit. Le CGRFN possède déjà certaines compétences en vertu de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Ce que nous demandons, c'est que le projet de loi reconnaisse et respecte ces compétences. Autrement - et je vous parle d'expérience - , vous allez semer la confusion et l'incompréhension dans la population, même si vos fonctionnaires essaient d'appliquer la loi en toute bonne foi. Vous risquez de vous retrouver avec des conflits de compétence et des tentatives coûteuses pour affirmer ou défendre des droits que chaque partie croira avoir, ce qui grugera sûrement une partie du temps, des ressources et de l'attention dont les espèces en péril ont grandement besoin.

Nous avons suggéré des modifications pratiques et raisonnables au projet de loi, afin de préciser ce qu'il faut faire pour intégrer les responsabilités prévues dans le projet de loi à celles qui découlent des accords sur les revendications territoriales. Il en résultera une loi meilleure, plus forte et plus efficace pour la protection des espèces menacées, ce qui est notre but à tous.

Je voudrais vous expliquer rapidement ce qu'est notre Conseil et quels sont ses pouvoirs en ce qui a trait aux espèces en péril. Il s'agit d'un organisme de cogestion qui compte neuf membres: quatre sont nommés par des organisations inuit, trois par le gouverneur en conseil, un par le commissaire au Conseil exécutif et, à partir des candidatures présentées par le Conseil, un président nommé par le gouverneur en conseil.

Le Conseil de gestion est un organisme très important pour l'application de l'Accord. Il possède des pouvoirs, des tâches et des fonctions d'une grande portée en ce qui concerne la gestion des ressources fauniques et l'accès aux espèces sauvages dans la région du Nunavut.

L'article 5.2.33 de l'Accord précise que le CGRFN constitue le principal mécanisme de gestion des ressources fauniques dans la région du Nunavut et de réglementation de l'accès à ces ressources, et qu'il assume la responsabilité première à cet égard de la manière prévue par l'Accord.

.1020

Le ministre compétent conserve le pouvoir d'accepter, de rejeter ou de modifier certaines décisions du Conseil de gestion, y compris celles concernant l'exploitation, la désignation et la protection des espèces en péril, ainsi que la protection de leur habitat, conformément aux articles 5.3.7 à 5.3.23 de l'Accord.

Le ministre et le Conseil de gestion doivent tous deux respecter les principes de conservation dans l'exercice des responsabilités qui leur sont conférées aux termes de l'Accord. Ces principes comprennent le maintien de l'équilibre naturel des systèmes écologiques dans la région du Nunavut; la protection de l'habitat des ressources fauniques; le maintien en santé des populations fauniques vitales, de manière à satisfaire aux besoins en matière d'exploitation prévus par l'article 5 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut; la reconstitution des populations fauniques décimées et la revitalisation de leur habitat.

Enfin, si des activités d'exploitation doivent être modifiées sans délai en raison de circonstances urgentes et exceptionnelles, le ministre ou son représentant délégué peut prendre une décision provisoire raisonnable et la mettre en oeuvre. Le Conseil de gestion examine la question à fond dès que possible par la suite.

Aux fins de l'examen du projet de loi élaboré par Environnement Canada, il est indispensable de vous signaler les dispositions suivantes de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. En vertu de l'article 2.12.2, les dispositions de l'Accord l'emportent sur les dispositions incompatibles des règles de droit fédérales, territoriales ou locales.

Une très grande partie de la terre émergée du Canada est située dans la région du Nunavut. De plus, l'environnement marin de cette région, qui s'étend au-delà de la limite des 12 milles de la mer territoriale, occupe une partie importante de l'environnement marin total du Canada. Par ailleurs, les restrictions ou les contingents applicables à l'exploitation dans la région du Nunavut ne peuvent être établis, modifiés ou supprimés que par le Conseil de gestion; c'est ce qui est prévu aux articles 5.6.4, 5.6.16, 5.6.48 et 5.6.51 de l'Accord.

Le Conseil de gestion a le pouvoir discrétionnaire d'approuver la désignation d'une espèce comme étant rare, menacée ou en voie d'extinction dans la région du Nunavut - c'est en vertu de l'alinéa 5.2.34f). De plus, il a le pouvoir discrétionnaire d'approuver des plans visant la gestion, la classification, la protection ou le repeuplement d'espèces en péril.

Il a aussi le pouvoir discrétionnaire, dans la région du Nunavut, d'approuver des plans de gestion et de protection d'habitats fauniques particuliers.

De toute évidence, les lois qui visent à diminuer ou à faire cesser l'exploitation d'espèces en voie de disparition, menacées ou vulnérables dans la région du Nunavut ou dans la zone de banquise côtière externe, ou encore à désigner, à classifier, à gérer, à protéger ou à contrôler ces espèces ou à protéger leur habitat doivent reconnaître et respecter la compétence importante de notre Conseil.

Le projet de loi, tel qu'il est rédigé actuellement, ne tient pas compte de cette compétence; c'est un élément qui nous préoccupe au plus haut point. Le gouvernement doit apporter diverses modifications à son projet de loi pour le renforcer, pour veiller à ce qu'il respecte les accords déjà conclus et pour éviter toute confusion susceptible d'entraîner des conflits ou des malentendus à l'avenir.

Je voudrais maintenant vous faire part des aspects du projet de loi C-65 qui nous préoccupent tout particulièrement, et vous soumettre quelques recommandations visant à l'améliorer.

Le préambule reconnaît que la conservation des espèces sauvages au Canada est une responsabilité partagée par les divers ordres de gouvernement, que la concertation est importante à cet égard et que le rôle des Autochtones est particulièrement important. Cependant, il passe sous silence le rôle vital que jouent également dans la conservation des espèces sauvages les organismes de gestion créés en vertu d'accords relatifs à des revendications territoriales. Le CGRFN, par exemple, joue un rôle crucial dans ce processus.

Nous proposons par conséquent d'inclure la modification suivante au neuvième paragraphe du préambule:

.1025

Le projet de loi définit par ailleurs le «rapport de situation» comme étant un:

En fait, ces connaissances devraient être considérées comme complémentaires. Dans la mesure du possible, il faut tenter de les réunir afin d'avoir un portrait plus complet de la situation d'une espèce sauvage.

Par conséquent, notre Conseil recommande de modifier la définition du «rapport de situation» - ou «status report» - dans la version anglaise du projet de loi; cette définition se lirait donc comme suit:

D'autre part, les articles 12 à 30 énoncent les pouvoirs et les responsabilités du Conseil et du COSEPAC. Ensemble, ces deux organismes possèdent les compétences nécessaires pour désigner les espèces sauvages qui sont en voie de disparition, menacées ou vulnérables, et pour s'occuper d'à peu près tout ce qu'entraîne cette désignation, notamment l'inscription sur la liste des espèces en péril et l'élaboration de plans de gestion et de rétablissement.

Même si le Conseil de gestion a compétence sur des questions d'une importance aussi cruciale que la désignation des espèces rares, menacées ou en voie de disparition, les restrictions concernant l'exploitation de ces espèces et l'approbation des plans de protection et de gestion des espèces en voie de disparition ou de leurs habitats, il n'est fait mention de cette compétence nulle part dans ces articles.

Pour que le système prévu par le projet de loi C-65 fonctionne dans la région du Nunavut, il faut reconnaître et respecter le rôle que le Conseil de gestion y joue.

Il est essentiel de se rappeler que, dans la région du Nunavut, c'est le Conseil de gestion qui doit approuver les désignations, ainsi que les plans de gestion et de redressement.

Le Conseil et le COSEPAC doivent essentiellement travailler de concert avec notre Conseil de gestion pour faire en sorte, quand viendra le moment d'obtenir notre approbation, que nous comprenions bien la position du COSEPAC et, ce qui est tout aussi important, que nous comprenions le processus ayant abouti à l'adoption de cette position et que nous ayons confiance en ce processus.

Aux termes du paragraphe 14(1) du projet de loi, les membres du COSEPAC doivent posséder une expertise fondée sur certaines disciplines «scientifiques» ou sur «une connaissance traditionnelle ou communautaire de la protection des espèces en péril». Ils ne sont donc pas tenus de posséder ces connaissances traditionnelles ou communautaires. Mais si le COSEPAC ne peut pas profiter de ce genre d'expertise, l'information et les connaissances traditionnelles et communautaires ne lui parviendront que par des moyens indirects, si même ils lui parviennent. La crédibilité et le poids qui seront accordés à ces connaissances seront beaucoup moins grandes que si le COSEPAC comptait parmi ses membres des experts en la matière.

Étant donné que «le rôle que peuvent jouer les Autochtones du Canada dans la conservation des espèces sauvages est particulièrement important», il nous semble essentiel de modifier le libellé de l'article 14 pour tenir compte de ce rôle et pour faire en sorte que les connaissances traditionnelles et communautaires soient transmises efficacement au COSEPAC, et qu'il les comprenne et en tienne compte dans ses délibérations et ses décisions.

Pour ces raisons, notre Conseil recommande les modifications suivantes à cette partie du projet de loi.

Nous recommandons l'ajout d'un nouveau paragraphe 12(4), qui se lirait comme suit:

Nous recommandons en outre que le paragraphe 14(1) se lise comme suit:

.1030

Vous vous demanderez peut-être pourquoi nous parlons de deux membres. Cela fait 22 p. 100 des membres du COSEPAC, alors que les Autochtones ne représentent pas 22 p. 100 de la population. C'est vrai, mais quel devrait être le critère? Le pourcentage de la population humaine? Non. Ce ne sont pas les humains qui comptent, ce sont les espèces sauvages, leur habitat et les gens qui occupent ce territoire.

Il me semble que le territoire domanial compte pour environ 3 p. 100 de la masse territoriale du Canada. Or, le projet de loi s'applique à 60 p. 100 du territoire. Les 57 p. 100 qui restent se trouvent presque entièrement au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Encore là, avec la division qui s'en vient, nous ne savons pas si ce sera Bob, le gouvernement des Territoires du Nord- Ouest ou quelque chose d'autre. Je vous laisse l'imaginer.

Comme vous le savez, les territoires sont habités surtout par des Autochtones, particulièrement le Nunavut, où la population est presque exclusivement inuit. Quand on regarde les choses sous cet angle, deux membres, c'est loin d'être suffisant. Cependant, comme c'est la coutume chez tous les peuples autochtones, nous sommes prêts à partager et nous ne voulons pas passer pour des rapaces.

C'est pourquoi nous croyons qu'au moins deux membres du COSEPAC devraient posséder des connaissances traditionnelles ou communautaires. Nous proposons d'ajouter une autre disposition nouvelle à l'article 14:

Cette modification entraînerait la création d'un nouveau paragraphe 14(3), selon lequel:

Nous proposons également l'ajout d'un nouveau paragraphe 16(1), qui serait le suivant:

Nous ajouterions aussi un nouveau paragraphe 18(2):

Et un nouveau paragraphe 30(3):

Laissez-moi vous expliquer cette dernière disposition.

Premièrement, nous parlons d'approbation «aux termes d'une loi en matière de revendications territoriales autochtones»; dans notre cas, cela se fait par le processus suivant. Le COSEPAC désigne une espèce qu'il juge en péril et la classifie comme étant en voie de disparition. Il soumet ensuite sa désignation, si cette espèce se retrouve dans la région du Nunavut, à l'approbation de notre Conseil de gestion, conformément au paragraphe 5.2.34f) de l'accord concernant nos revendications territoriales.

Si notre Conseil de gestion approuve la classification, sa décision est transmise au ministre. Le ministre peut à son tour accepter ou rejeter cette décision par écrit. S'il la rejette, le Conseil de gestion peut reconsidérer la question à la lumière des raisons évoquées dans cet avis écrit et prend ensuite la décision finale, qui doit être soumise au ministre. C'est ce que prévoit l'article 5.3.21 de l'Accord.

Le ministre peut ensuite accepter, rejeter ou modifier cette décision finale. S'il l'accepte telle quelle ou s'il la modifie, il est tenu, aux termes de l'Accord, de prendre «sans délai toutes les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de la décision finale originale ou modifiée».

Je vous rappelle également l'article 2.12.2 de l'Accord, selon lequel les dispositions de l'Accord l'emportent sur les dispositions incompatibles des règles de droit fédérales, territoriales ou locales.

C'est pourquoi nous vous recommandons ce nouveau paragraphe 30(3).

.1035

Lorsque la classification a été approuvée à toutes les étapes que je viens de vous énumérer, le ministre est donc tenu, aux termes de l'Accord, de faire tout le nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la décision finale, et le gouverneur en conseil doit inclure l'espèce classifiée sur la liste, sur la recommandation du ministre.

Pour ce qui est des mesures visant à protéger les espèces inscrites, je veux simplement féliciter le ministère d'avoir dûment tenu compte, à l'alinéa 36(1)b) du projet de loi, de la compétence des conseils de gestion des ressources fauniques comme le nôtre. C'est précisément le genre de reconnaissance que nous cherchons à faire inscrire dans les autres parties du projet de loi.

L'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut prévoit très clairement que les plans de rétablissement et de gestion applicables aux ressources fauniques de la région du Nunavut et à leur habitat, comme ceux dont il est question dans cette loi, doivent être assujettis au mécanisme d'approbation prévu dans l'Accord. Je vous renvoie encore une fois au paragraphe 5.2.34c) et à l'alinéa 5.2.34d)(i) de l'Accord.

Par conséquent, nous suggérons les modifications suivantes aux articles 38 et 45 du projet de loi. À l'article 38:

Et à l'article 45:

L'alinéa 46(1)a) autorise le ministre compétent à conclure un accord avec une personne pour autoriser cette dernière à exercer des activités touchant une espèce inscrite comme menacée ou en voie de disparition, ou son habitat essentiel. Selon ce que comportent les «activités» proposées, le ministre peut avoir besoin de tenir compte de la compétence exercée par le Conseil de gestion des ressources fauniques concerné.

Par exemple, si le CGRFN a décidé, conformément aux termes de l'Accord, de fixer à zéro le quota applicable à une espèce en particulier, il sera alors tout à fait impossible au ministre compétent de conclure un accord avec la personne en question pour l'autoriser à capturer un ou plusieurs individus de cette espèce.

Nous recommandons donc la modification suivante, qui toucherait l'alinéa 46(1)a):

a) une espèce inscrite comme menacée ou en voie de disparition ou son habitat essentiel.

Voilà donc quelles sont les modifications de fond que nous voudrions voir apportées au projet de loi C-65.

J'aimerais maintenant vous parler brièvement de deux autres questions; je vous promets de ne pas abuser de votre temps précieux.

Il y a d'abord la question de la responsabilité à l'égard des espèces sauvages et de leur habitat dans les Territoires du Nord- Ouest. Sur le plan pratique, nous craignons que les dispositions du projet de loi - telles qu'elles sont libellées à l'heure actuelle - puissent entraîner un transfert de compétence du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest au gouvernement fédéral relativement aux espèces vulnérables, menacées et en voie de disparition et à leur habitat.

Le système de cogestion prévu dans l'Accord exige l'établissement d'un certain nombre de partenariats, dont celui entre le CGRFN et les différents ministères n'est pas le moindre. Pour que la gestion des ressources fauniques soit efficace, tous les partenaires doivent s'engager pleinement, en particulier sur le plan des ressources financières et humaines.

Si la responsabilité des espèces comme le caribou de Peary et l'ours blanc est retirée au ministère territorial des Ressources, de la Faune et du Développement économique pour être confiée au ministère fédéral de l'Environnement, le gouvernement fédéral sera-t-il prêt à assumer tout l'éventail des tâches qu'accomplit actuellement le ministère des Ressources, de la Faune et du Développement économique? Sera-t-il prêt à accroître ses budgets de recherche, de consultation et d'application en conséquence? Est-il réaliste de croire qu'il pourra être aussi présent sur le terrain que le ministère territorial?

.1040

Les ressources fauniques et les habitants de la région du Nunavut seraient-ils aussi bien - ou mieux - servis par le ministère fédéral de l'Environnement que par le ministère territorial? Je peux vous dire une chose, en tout cas. Le ministère de l'Environnement n'est absolument pas présent au Nunavut.

Le ministre a-t-il vraiment l'intention de déménager au Nunavut et de retirer le contrôle des opérations au ministère des Ressources, de la Faune et du Développement économique? J'invite les membres du comité à réfléchir à cette question.

J'ai bien l'impression qu'il n'y a aucun plan concret et que les répercussions pratiques de ce transfert de compétence n'ont pas été examinées de près. Nous craignons qu'advenant un transfert de ce genre, le gouvernement territorial cesse de financer le ministère des Ressources, de la Faune et du Développement économique dans ce domaine et l'oblige ainsi à mettre fin à ses interventions pour préserver certaines espèces. Par ailleurs, il se peut que le ministère de l'Environnement ne soit pas prêt à prendre le relais. Ironiquement - et peut-être tragiquement - , la situation des espèces vulnérables, menacées et en voie de disparition finira par être plus précaire qu'elle l'est maintenant.

Il existe des solutions plus réalistes que celles que propose le projet de loi. Par exemple, le Conseil de gestion a entendu dire que, dans les versions antérieures du projet de loi, la responsabilité à l'égard des espèces vulnérables, menacées et en voie de disparition était laissée aux territoires, qui disposaient d'un certain délai pour se doter d'une loi comparable, faute de quoi cette responsabilité leur serait retirée. Une disposition de ce genre, ou une variation sur ce thème, créerait à notre avis moins d'incertitude que le projet de loi actuel. Encore une fois, j'exhorte le comité à examiner attentivement les intentions du ministère de l'Environnement en ce qui a trait à l'exercice de sa compétence sur les espèces en péril dans les Territoires du Nord-Ouest.

Si les réponses qu'il reçoit ne sont pas entièrement satisfaisantes, il faudrait envisager sérieusement la possibilité de laisser au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest le soin d'assumer la responsabilité de ces espèces sauvages, tout en l'obligeant à se doter dans un délai raisonnable d'une loi convenable sur la question.

Un dernier point: que va-t-il arriver à la liste actuelle du COSEPAC une fois que le projet de loi aura été adopté? Le projet de loi ne fait pas mention de cet aspect, mais il faut se poser la question. Les espèces déjà inscrites seront-elles automatiquement inscrites ou désignées en vertu de la loi? Devrait-il y avoir un processus d'examen quelconque? Si je ne me trompe pas, beaucoup de ces désignations remontent à plusieurs années et n'ont jamais été révisées depuis.

Le projet de loi prévoit qu'un certain nombre d'obligations juridiques découleraient automatiquement de la classification des espèces vulnérables, menacées ou en voie de disparition. Il serait prudent qu'un conseil territorial passe la liste actuelle en revue, au moins dans le cas des espèces dont la situation n'a pas été examinée depuis un certain temps. Avant de donner force de loi aux désignations, il faudrait prendre les mesures nécessaires pour s'assurer qu'elles sont exactes et à jour. Bien que la loi ne soit pas nécessairement le meilleur outil pour préciser de façon détaillée comment ce processus de révision devrait se dérouler, elle devrait au moins comprendre un engagement à cet égard.

Malgré les réserves que nous avons exprimées dans notre mémoire, nous ne voulons pas donner au comité permanent l'impression que nous désapprouvons la loi dans son ensemble. Nous sommes d'avis que, si elle est modifiée convenablement, la loi contribuera positivement à la lutte constante pour protéger les espèces canadiennes en péril, dont un certain nombre se trouvent dans les écosystèmes arctiques.

Si la loi reconnaît le rôle des conseils de gestion des ressources fauniques créés en vertu des lois sur les revendications territoriales à l'égard de la désignation, de la classification et de la protection des espèces sauvages en voie de disparition, menacées ou vulnérables, les autorités responsables de son application seront mieux en mesure d'en respecter les objectifs, dont la réalisation est impérative. Par contre, la version actuelle du projet de loi omet de façon générale de tenir compte du rôle de ces conseils. Cette omission, comme je l'ai mentionné au début de ma présentation, donnera inévitablement lieu à des conflits de compétence, à de l'incompréhension de la part des fonctionnaires qui essaieront en toute bonne foi d'appliquer la loi, à de la confusion dans le grand public, à des tentatives coûteuses pour affirmer ou défendre des droits que chaque partie croira avoir, et à des dépenses de temps, de ressources et d'attention dont auraient pu bénéficier autrement les espèces en péril.

.1045

Nous avons soulevé en outre dans notre mémoire des préoccupations légitimes concernant les conséquences pratiques et opérationnelles du transfert de la responsabilité des espèces sauvages vulnérables, menacées et en voie de disparition du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest au gouvernement fédéral. Nous avons aussi évoqué la nécessité d'une révision de la liste des espèces désignées pour vérifier que les désignations sont exactes et à jour avant qu'elles prennent force de loi.

Le Conseil de gestion recommande vivement au Comité permanent de l'environnement et du développement durable de souscrire aux recommandations que je vous ai exposées aujourd'hui. Naturellement, nous nous ferons un plaisir de venir en aide au comité, si nous pouvons lui être utiles de quelque façon, dans l'exécution du suivi qu'il jugera nécessaire.

Pour finir, au nom du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, je tiens à remercier le comité de nous avoir permis de présenter ces recommandations et d'avoir pris le temps d'en prendre connaissance.

Si vous avez des questions, Michael et moi nous ferons un plaisir d'essayer de vous répondre le mieux possible. Merci.

Le président: Merci de votre présentation, monsieur Arreak. C'était très complet.

Y a-t-il des questions pour monsieur Arreak?

[Français]

Monsieur Asselin, avez-vous une question?

M. Asselin: Tout d'abord, je regrette que le chef de l'Assemblée des Premières Nations,M. Mercredi, ait déjà quitté, parce que j'avais une deuxième question à lui poser.

Cela étant dit, je crois que le chef de l'Assemblée des Premières Nations, M. Mercredi, s'est levé ce matin sur un pied de guerre. Tout le monde y a passé: le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les partis politiques, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et les blancs.

Bien sûr, je félicite monsieur, qui a un très grand esprit de collaboration en ce qui a trait au projet de loi C-65. Votre communauté a pris la peine de préparer un mémoire, de se faire entendre et de proposer des amendements.

Un projet de loi n'est jamais parfait et c'est pour cela que ce matin, il y a des audiences pour entendre des témoins. Le gouvernement fédéral injecte de l'argent pour que les témoins se fassent entendre, en espérant, bien sûr, que cela ne tombe pas dans le premier panier qu'on va rencontrer. J'espère que vos revendications recevront, de la part du ministre et du comité, une oreille attentive.

Bien sûr, il y a peut-être eu des exagérations et un manque de contrôle, mais il est de la responsabilité du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux de voir à l'économie et à l'emploi, et cela ne peut se faire si on n'exploite pas les ressources naturelles qui existent au Canada.

L'exploitation des ressources naturelles peut avoir eu un effet contraire et le chef des Premières Nations nous blâmait à cet égard. Par exemple, lorsque les compagnies hydroélectriques ont décidé de construire des barrages sur les rivières, cela a provoqué des inondations dans des territoires habités, des territoires dans lesquels il y avait de la faune et de la flore.

Il y a eu aussi l'exploitation des terres agricoles. Comme le disait le chef de l'Assemblée des Premières Nations, nos ancêtres ont été préoccupés par le défrichage et la culture des terres agricoles, principalement au Québec. Cela a peut-être été fait en empiétant sur des territoires qui étaient auparavant occupés par des communautés autochtones.

L'exploitation forestière a sûrement nui lorsqu'on a fait de la coupe à blanc, mais c'est une ressource essentielle, une ressource qu'on a à notre disposition, et qui a aidé le Canada à équilibrer l'économie sur le marché international et procuré du travail à beaucoup de personnes.

L'exploitation minière n'a pu se faire sans emprunter les territoires et cela a nui à l'habitat de certains animaux qui sont aujourd'hui menacés de disparition.

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Je dis encore une fois qu'il était de la responsabilité des gouvernements fédéral et provinciaux de voir à l'économie et au travail des gens qui occupent les territoires, tant dans les villes que dans les communautés rurales. Il faut qu'il y en ait qui paie des taxes. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont des obligations envers ceux qui dépendent d'eux.

Je désire vous féliciter encore une fois pour votre excellent travail et la sensibilisation que vous avez faite dans le but d'améliorer le projet de loi C-65. Que serait le Canada si personne ne se préoccupait de l'économie et de l'emploi?

[Traduction]

Le président: Monsieur Arreak, voulez-vous répondre?

M. Arreak: Je pense que ce n'est pas pour cela que nous sommes ici, même si je comprends où monsieur veut en venir. Je peux seulement vous parler de notre propre région; ce que je peux vous dire à cet égard, c'est qu'il y a d'autres organismes du gouvernement populaire qui s'occupent de l'aménagement du territoire et de l'examen des répercussions des propositions de développement.

Je ne pense pas que les gens du Nunavut soient contre le développement, mais il y a des questions qui préoccupent les Inuit, surtout en ce qui concerne la faune. Encore une fois, nous croyons que dans notre région, à cause de certaines des réserves que soulève ce projet de loi, il serait préférable de le modifier pour faire en sorte qu'il insiste d'abord et avant tout sur la protection des espèces plutôt que sur un point qui pourrait poser des problèmes aux conseils et aux gouvernements.

M. Michael d'Eça (conseiller juridique, Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut): J'ai l'impression que c'est à Ovide Mercredi qu'il faudrait poser cette question, et non à nous, parce que cela ne découle pas de notre présentation.

Dans l'ensemble, vous avez très bien accueilli nos commentaires, mais vous y mêlez des critiques contre M. Mercredi. Il aurait été préférable à notre avis que vous sépariez ces deux aspects. Nous ne voulons pas nous mêler de vos différends avec M. Mercredi; étant donné la manière dont vous avez formulé vos félicitations, nous aurions l'air d'accepter vos critiques en acceptant vos compliments, ce qui n'est pas le cas.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Madame Kraft Sloan.

Mme Kraft Sloan: Vous avez très bien exprimé vos préoccupations sur votre quatrième point, aux pages 8 et 9 de votre mémoire. S'agit-il d'une question que vous posez ou d'une chose à laquelle vous avez longuement réfléchi? Je ne veux pas dire que vous n'avez pas réfléchi avant de rédiger votre mémoire, mais est- ce qu'il s'agit d'une question sur laquelle vous souhaitez obtenir plus d'information, ou de quelque chose qui va vraiment être une conséquence directe de la loi, à votre avis?

M. d'Eça: Nous pensons que ce sera une conséquence directe de la loi. Le ministre a dit que la loi allait s'appliquer aux territoires, et nous jugeons que le comité doit essayer d'obtenir plus d'information. Il devrait, à notre avis, parler aux gens du ministère de l'Environnement pour savoir quelles sont ses intentions parce que le projet de loi prévoit que c'est lui qui va assumer cette responsabilité. À l'heure actuelle, le gouvernement territorial a un ministère qui est bien implanté sur le terrain et qui effectue des études sur l'ours blanc, le caribou de Peary et d'autres espèces. Nous avons bien l'impression que le ministère de l'Environnement n'est pas présent, quant à lui, du moins dans la partie est des Territoires du Nord-Ouest qui va devenir le Nunavut.

Est-ce que le ministère de l'Environnement a bien examiné la situation? Nous avons l'impression que non. Cette décision a été prise pour d'autres raisons. Le gouvernement fédéral a voulu inclure les territoires pour pouvoir affirmer que la loi va s'appliquer sur une très grande partie de la masse territoriale du Canada, ce qui est d'ailleurs une excellente chose.

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Nous avons des rapports avec différents ministres. Donc, sur le plan juridique, que nous ayons affaire à un ministre du gouvernement territorial ou à un ministre du gouvernement fédéral, cela n'y change pas grand-chose. Sur le plan pratique, nous voyons ce que fait le gouvernement territorial et - soyons réalistes! - nous n'avons pas l'impression que le ministère de l'Environnement, surtout en cette époque de compressions budgétaires, serait capable de combler ce qui deviendrait de toute évidence un vide si le gouvernement territorial n'avait plus compétence dans ce domaine. Il y a des gens au gouvernement territorial qui diraient: «Bravo! Voilà un endroit où nous allons pouvoir économiser. Nous allons pouvoir mettre fin à notre financement parce que le gouvernement fédéral prend les choses en mains.»

Ce que nous voulons, c'est que le comité examine attentivement les intentions du ministère de l'Environnement. S'il a fait des plans précis, que tout est en place et que vous êtes satisfaits, alors, d'accord. Mais s'il n'a pas réfléchi suffisamment à la question... les versions précédentes du projet de loi prévoyaient un autre scénario. Il est évident à notre avis qu'il faut en arriver à des scénarios qui tiennent compte de la nécessité de protéger les espèces en péril tout en permettant à ceux qui s'occupent déjà de la question de continuer à le faire. C'est dans cet esprit-là que nous vous avons fait cette recommandation.

M. Arreak: Ce qui nous préoccupe le plus, c'est que si le ministère de l'Environnement n'est pas prêt ou qu'il n'a pas de plan précis, en mettant les choses au pire, les espèces en péril de la région du Nunavut - surtout le caribou de Peary, la baleine boréale et certaines autres espèces dont le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest s'occupe actuellement - ne seront pas bien gérées. C'est une des raisons pour lesquelles nous vous avons posé cette question.

Mme Kraft Sloan: Y a-t-il quelqu'un, au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, qui vous a laissé entendre que son gouvernement pourrait se retirer de ce domaine à cause de cette loi? Avez-vous entendu quelque chose en ce sens?

M. d'Eça: Nous avons l'impression que c'est une question qui préoccupe beaucoup le gouvernement territorial. Il aimerait mieux que le projet de loi soit modifié pour éviter que les choses en viennent là.

Il est certain que les fonctionnaires du ministère chargé de ce dossier sont inquiets; nous nous en sommes rendu compte dans nos discussions avec eux. Ils disent que si le gouvernement fédéral a la responsabilité de s'occuper par exemple des ours blancs et des caribous de Peary - alors que le gouvernement territorial fait en ce moment beaucoup de travail au sujet des ours blancs - , il est bien possible, quand viendra le temps du budget, que ceux qui tiennent les cordons de la bourse refusent de leur donner de l'argent pour cela. Ce serait une excuse idéale pour réduire les dépenses. Si cela se produit, il faut absolument que le ministère de l'Environnement s'engage à combler ce vide.

Ce que nous craignons, c'est qu'il n'ait pas réfléchi à fond à la question et qu'il ne soit pas en mesure de combler convenablement ce vide. Il est préférable de laisser les choses comme elles sont, mais il faudra un peu de temps pour s'assurer que les territoires adopteront une loi appropriée - ce qu'ils sont tout à fait prêts à faire d'après ce que j'ai pu comprendre. Le gouvernement fédéral conserve un pouvoir de supervision. Il peut toujours intervenir s'il le juge nécessaire.

Mme Kraft Sloan: Merci beaucoup.

M. d'Eça: De rien.

Le président: Monsieur Taylor, rapidement.

M. Taylor: Dans les questions qu'il a posées plus tôt au Grand Conseil des Cris, M. Adams a parlé des ententes conclues avec les Cris et des dédommagements versés en vertu de ces ententes. J'aimerais savoir si votre Conseil a le pouvoir, lors de la préparation d'un plan de gestion pour une espèce en péril, par exemple, d'accorder un dédommagement à des particuliers si certaines communautés sont touchées par les décisions prises dans le cadre de ce plan de gestion.

M. Arreak: Cela ne fait pas vraiment partie de notre mandat parce que nous ne nous occupons pas de dédommagement pour la perte d'espèces sauvages, même s'il est question de cet aspect dans une autre partie de l'Accord.

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Notre Conseil finance notamment la recherche visant à obtenir plus d'information sur une espèce donnée qui pourrait être menacée, en voie de disparition ou vulnérable. Il n'y a pas d'indemnisation prévue, mais Michael pourrait peut-être vous donner une réponse plus détaillée.

M. d'Eça: À ce sujet-là, j'aimerais ajouter que le Conseil a pour mandat d'approuver les plans de gestion. Donc, s'il est saisi d'un plan de gestion et qu'il a des inquiétudes au sujet des possibilités de dédommagement, il peut dire par exemple: «Ce plan devrait prévoir un dédommagement pour telle ou telle raison.» C'est le promoteur du plan de gestion et le CGRFN qui décident du contenu de ce plan. Et le Conseil décide ensuite s'il doit l'approuver ou non.

S'il l'approuve, le plan est soumis au ministre, qui l'examine et suit ensuite toutes les étapes que nous vous avons déjà décrites. Quand tout est réglé, le ministre veille à l'application de la décision du CGRFN, c'est-à-dire l'approbation du plan de gestion et la façon dont tout doit se dérouler.

En outre, comme l'a mentionné Malachi, la revendication doit être considérée dans son ensemble; il y a donc certaines instances qui ont été créées. Le Tribunal des droits de surface s'occupe des questions d'indemnisation en vertu du chapitre 6 de l'Accord du Nunavut. Et il y a d'autres dispositions à ce sujet-là dans l'Accord.

Le Conseil de gestion a certains pouvoirs en ce qui concerne les espèces sauvages et leur habitat, mais ce ne sont pas toujours des pouvoirs directs. Donc, pour ce qui est des indemnisations, il pourrait s'en occuper dans le cadre du processus d'approbation du plan de gestion, mais il ne pourrait pas accorder directement une indemnisation, ni rien d'autre d'ailleurs.

M. Taylor: Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Pour conclure, j'aimerais dire aux témoins qui sont encore ici, à savoir M. Arreak, M. D'Eça et M. Quayle, que je m'engage au nom du comité à examiner très attentivement toutes les recommandations précises qui nous ont été présentées ce matin.

À l'intérieur du mandat de notre comité, nous allons essayer dans la mesure du possible de donner suite à vos suggestions en proposant des modifications qui tiennent compte de l'information que vous nous avez transmise et des aspects pratiques qui amélioreraient la qualité du projet de loi lui-même si ces modifications étaient adoptées. Mais évidemment, nous devons tenir compte également de l'immensité de notre pays et des différentes conceptions qui y ont cours au sujet des espèces sauvages.

Au sujet de l'intervention de M. Mercredi, qui nous a quittés, j'ajouterai qu'il n'a certainement pas besoin d'avocat pour se défendre; nous ne pouvons donc pas dire grand-chose. Il a dit beaucoup de choses, mais il y en a une qui m'a frappé tout particulièrement: c'est l'observation qu'il a faite au sujet du développement et de la solution de rechange au développement. Si je peux me permettre de paraphraser ses propos, je dirais qu'il a parlé de développement prudent, en particulier au sujet du développement hydroélectrique.

Autrement dit, il y a d'autres formes de développement, à part celle que nous connaissons et que nous pratiquons en ce moment; il y a des formes de développement prudent qui tiennent compte des aspects culturels et des exigences de la nature, et qui bouleversent le moins possible l'équilibre naturel. Il reconnaît la nécessité du développement, mais critique le type de développement de la société blanche. En ce sens, il a dit beaucoup de choses qui méritent certainement notre attention et notre réflexion.

Il a l'histoire de son côté - une très longue histoire - sur laquelle il peut fonder ses commentaires et ses critiques. Bien sûr, tout cela dépasse largement le cadre de notre mandat. Pour appliquer ce qu'il a dit, il faudrait peut-être réécrire le projet de loi d'un bout à l'autre, et je ne pense pas que nous ayons ni le pouvoir ni la capacité de le faire pour le moment.

.1105

Je vous dirai pour terminer que les déclarations qu'il a faites ici, et en particulier les avertissements qu'il a lancés au sujet des modifications futures à la Loi sur les Indiens, vont certainement nous fournir matière à réflexion pour les mois à venir.

Ce petit sermon m'aura servi de conclusion. Nous reprendrons nos travaux à 15 h 30 demain, dans la salle 701 de la Promenade. Merci.

La séance est levée.

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