[Enregistrement électronique]
Le jeudi 3 octobre 1996
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Payne): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous accueillons, pour étudier les questions de biotechnologie, une délégation du Groupe d'amitié Canada-Allemagne. Je lui souhaite la bienvenue.
Je voudrais faire remarquer pour commencer que nos services d'interprétation se présentent différemment aujourd'hui. La séance se déroulera très librement. Nous avons un interprète allemand en cabine et un interprète prend place auprès du député bloquiste. J'espère que tout fonctionnera très bien.
Je souhaite cordialement la bienvenue à la délégation allemande.
De brèves présentations, avant de commencer. Je crois que M. Hornung parle couramment anglais. Si d'autres membres de la délégation peuvent s'exprimer en anglais, je les invite à se présenter brièvement en donnant leur nom et leur allégeance politique.
Quant à moi, je suis Jean Payne, vice-présidente du comité.
Nous commençons par M. Braun?
M. Ruldolf Braun (député au Bundestag de la République fédérale d'Allemagne):[Le témoin s'exprime en allemand]
Mme Hannelone Saibold (députée au Bundestag de la République fédérale d'Allemagne): [Le témoin s'exprime en allemand]
M. Manfred Lischewski (député au Bundestag de la République fédérale d'Allemagne): Je m'appelle Manfred Lischewski et je suis président de la Commission de la coopération et du développement économiques.
M. Lothar Ibrugger (député au Bundestag de la République fédérale d'Allemagne): Je m'appelle Lothar Ibrugger. Je suis membre du Parti social-démocrate et je suis député depuis 1976. Je suis également député au Parlement européen, et je suis maintenant vice-président de la Commission des transports.
M. Siegfried Hornung (député au Bundestag de la République fédérale d'Allemagne):[Le témoin s'exprime en allemand]
Mme Marion Caspers-Merk (députée au Bundestag de la République fédérale d'Allemagne): Je m'appelle Marion Caspers-Merk. Je suis membre du Parti social-démocrate et de la Commission de l'environnement, de la protection de la nature et de la sécurité nucléaire. Je préside également la Commission de la protection de l'humanité et de l'environnement.
La vice-présidente (Mme Payne): Vous êtes une dame très occupée.
J'ai oublié de dire au début que nous avons l'insigne honneur d'accueillir également parmi nous l'ambassadeur d'Allemagne.
Excellence, je vous invite à vous présenter, si vous le voulez bien.
M. Hans Sulimma (ambassadeur d'Allemagne au Canada): Merci beaucoup. Je suis l'ambassadeur d'Allemagne, Hans Sulimma, et c'est tout ce que j'ai à dire. Merci.
Des voix: Oh, oh!
La vice-présidente (Mme Payne): Voilà un homme laconique.
Nous allons continuer le tour de table.
M. Steckle (Huron - Bruce): Je m'appelle Paul Steckle, je suis le député ministériel représentant la circonscription de Huron - Bruce, dans le sud-ouest de l'Ontario.
M. Anawak (Nunatsiaq): Jack Anawak, député de Nunatsiaq, dans l'est de l'Arctique.
M. Adams (Peterborough): Je m'appelle Peter Adams. Je suis député de Peterborough, en Ontario, et comme les autres membres du comité qui prennent place de ce côté-ci, je suis membre du Parti libéral.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Je m'appelle Karen Kraft Sloan. Je suis secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement. Je siège au Comité de l'environnement depuis le début de la législature, en 1993. Je représente la circonscription de York - Simcoe, située au nord de Toronto et j'ai fait un voyage magnifique en Allemagne avec mon fils l'été dernier.
M. Knutson (Elgin - Norfolk): Elle appartiendrait aussi au Parti vert si elle le pouvait.
Des voix: Oh, oh!
Mme Kraft Sloan: Merci.
M. Knutson: Je m'appelle Gar Knutson, et je suis député. [Le député s'exprime en allemand]
Mme Kristen Douglas (documentaliste): Je m'appelle Kristen Douglas. Je fais partie du personnel de recherche du comité.
M. Thomas Curran (documentaliste): Thomas Curran. Je fais également partie du personnel de recherche du comité. En fait, nous appartenons, ma collègue et moi, au Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement, et nous avons été affectés à ce comité-ci.
La vice-présidente (Mme Payne): Autre chose que vous ne savez pas à mon sujet, je suis députée d'une circonscription terre-neuvienne. J'ai passé une grande partie de ma carrière chez Volkswagen Canada.
Le greffier du comité: Norm Radford, greffier du comité.
M. Jac van Beek (directeur, KPMG Management Consultants): Je m'appelle Jac van Beek, et je suis consultant chez KPMG. Je vais présenter quelques conclusions d'une étude récente que nous avons menée dans le domaine de la biotechnologie et de la réglementation.
M. Geoff Golder (gestionnaire, KPMG Management Consultants): Je m'appelle Geoff Golder, et je fais également partie de la direction de KPMG Consulting. Je participerai à la présentation de l'exposé avec Jac.
M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Je m'appelle Stéphan Tremblay, et je suis député de Lac-Saint-Jean.
Mme Jennings (Mission - Coquitlam): Daphne Jennings, députée réformiste de Mission - Coquitlam, en Colombie-Britannique. Depuis trois ans, je suis porte-parole de mon parti pour les dossiers de l'alphabétisation et du troisième âge. Tout en conservant ces fonctions, je suis maintenant membre, également, du Comité de l'environnement.
M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Je m'appelle Len Taylor. Je suis député du Nouveau Parti démocratique. J'ai été élu pour la première fois en 1989. J'ai été membre du Comité de l'environnement pendant deux sessions de la législature en cours.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup à vous tous.
Nous passons maintenant à votre exposé, monsieur van Beek.
Que les membres de la délégation allemande n'hésitent pas à poser des questions. Nos parlementaires le feront également, après l'exposé.
Merci beaucoup.
M. van Beek: Je vais sans doute rompre avec la tradition en me tenant debout, mais c'est probablement une séance où cela s'impose.
La vice-présidente (Mme Payne): C'est effectivement une séance un peu différente.
M. van Beek: Avant d'entrer dans le vif du sujet, il me paraît important d'expliquer comment nous avons abordé cette étude.
L'un des ministères fédéraux, Industrie Canada, nous a demandé de répondre à une question très difficile. Une hypothèse voulait que la réglementation américaine régissant le secteur de la biotechnologie soit supérieure à celle du Canada, plus efficace et plus efficiente. Telle était l'hypothèse de départ. On nous a demandé carrément: «Est-ce que c'est vrai? Dans quelle mesure? Quels enseignements pouvons-nous tirer de la réglementation américaine?»
Comme notre client était le ministère de l'Industrie, nous avons adopté automatiquement le point de vue de l'industrie, mais, en outre, notre firme a toujours excellé dans deux domaines. Nous sommes particulièrement forts dans le domaine de l'environnement, mais nous avons aussi à notre actif de nombreuses réalisations sur les plans de la recherche et de la commercialisation en biotechnologie.
Nous nous occupons aussi un peu de la politique gouvernementale, car nous avons participé il y a plusieurs années à l'élaboration de la stratégie nationale sur la biotechnologie pour le compte du gouvernement du Canada. Pour ma part, j'ai travaillé pendant quelques années à divers projets pour le Centre national de recherches du Canada, afin de l'aider à définir sa stratégie nationale sur la biotechnologie et les stratégies de cinq de ses instituts qui font des recherches gravitant autour de la biotechnologie.
Voilà donc notre optique. On ne nous a pas demandé de voir les répercussions sociales de la technologie, mais très expressément le cadre réglementaire de la biotechnologie, et notre but était plutôt spécifique, soit de voir quels enseignements le Canada pouvait tirer du système américain en ce qui concerne le soutien de l'activité commerciale.
Je vais mettre quelques documents à votre disposition. Si cela vous intéresse, n'hésitez pas à venir les prendre. Il s'agit simplement de quelques publications qui vous donneront une idée du type de travail que nous faisons et vous aideront à nous situer dans le domaine de plus en plus vaste de la biotechnologie. La publication la plus typique est ce guide, Blueprint for Growth. C'est un guide dont les sociétés de biotechnologie sont invitées à s'inspirer dans le développement de leur entreprise. J'ai également, si vous voulez prendre des notes, des exemplaires sur papier des diapositives dont je vais parler. Nous pourrions peut-être commencer par les distribuer.
La vice-présidente (Mme Payne): Bien sûr. Merci.
M. van Beek: Je le répète, notre approche a été inspirée dans une très grande mesure par le mandat que nous avons reçu, c'est-à-dire mettre en évidence les éléments clés du cadre réglementaire américain, les éléments considérés comme les plus propices à l'innovation et à la commercialisation et ceux qui peuvent être repris au Canada.
Dans notre démarche, nous avons procédé à un vaste examen de la littérature. Nous avons appliqué aussi un programme d'entrevues assez considérable auprès d'un grand nombre des concepteurs initiaux du régime américain, dont deux membres faisaient partie de notre équipe. Nous avons également procédé à quatre études de cas distinctes concernant des entreprises qui se sont soumises aux processus d'approbation prévus par les réglementations des deux pays.
Enfin, j'ignore si ces noms vous disent quelque chose, mais Henry Miller, autrefois fonctionnaire à la FDA, et Bruce Mackler, qui travaille maintenant chez Fenwick & West et a été cofondateur de BIO, aux États-Unis, se sont joints à notre équipe.
Je voudrais que, au départ, nous ayons une compréhension commune du contexte dans lequel l'étude a été faite. C'est le cadre que nous devions examiner. Il faut tenir compte non seulement des considérations réglementaires, mais aussi des facteurs liés au marché lorsque s'amorce, lentement mais sûrement la démarche pour obtenir l'approbation réglementaire d'un produit.
Du point de vue du producteur, tout débute par l'élaboration d'un concept et la perception qu'il existe chez les consommateurs un besoin qui se développe, un besoin criant. Sur le plan de la réglementation, cela ne constitue rien de plus qu'une expérience circonscrite. L'activité se déroule dans un environnement assez étroitement contrôlé.
Lorsque le producteur passe de la conceptualisation au développement, l'équation commence à se transformer. Il y a maintenant des essais cliniques ou des essais sur le terrain, selon la nature de l'application, et le centre d'intérêt se déplace vers l'approbation du produit. Dans l'optique du marché, l'équation est celle des attentes quant au rendement. Il existe un besoin. Le produit commence-t-il à montrer qu'il peut tenir ses promesses?
Vient ensuite la commercialisation sans restriction ou le lancement. L'obstacle à surmonter alors, sur le plan de la réglementation, est celui de l'étiquetage, problème que nous n'avons pas abordé dans notre étude. On nous a demandé de laisser cela de côté. Mais les facteurs liés au marché sont nombreux, lorsque le produit même est mis sur le marché.
Voilà pour le premier contexte. Le deuxième, nous en avons progressivement pris conscience tout au long de l'étude, est qu'il n'y a rien d'absolu lorsqu'il s'agit d'élaborer une réglementation. L'ampleur de nos connaissances sur les effets d'une technologie est l'un des facteurs déterminants.
Nous avons constaté très souvent, lorsqu'on essaie de suivre l'évolution des règlements, qu'on a d'abord des exigences très lourdes, mais que, au fur et à mesure qu'on se familiarise avec le dossier, les textes réglementaires - lois, règlements, etc. - qui régissent le contrôle d'un produit s'allègent considérablement. On finit par pouvoir se contenter de lignes directrices de préférence a une nouvelle loi ou à une nouvelle réglementation. C'est là un autre élément important de notre contexte.
Nous avons en outre remarqué que la confiance du public jouait un rôle très important comme facteur d'accélération de cette évolution. Généralement, l'équation se présente de la manière suivante: lorsque le niveau de confiance est peu élevé, une réaction politique adverse est prévisible, ce qui se traduit par des conséquences de deux ordres. La réglementation devient très intolérante au risque - tolérance zéro, si on veut - et quelque chose d'autre apparaît. Nous constatons qu'il y a un très large débat - nos invités allemands pourraient peut-être nous éclairer à ce sujet - sur un quatrième obstacle: la nécessité d'un examen socio-économique, en plus des études classiques sur la sécurité et l'efficacité.
Si on s'engage dans cette voie, l'issue est inévitable: perte de compétitivité. Les frais à subir pour obtenir l'approbation deviennent prohibitifs et les délais excessifs, et l'investisseur finit par décider qu'il ne s'agit pas d'un domaine prometteur. Au bout du compte, il se produit des retards appréciables dans le développement du domaine en cause.
Il y a aussi, bien entendu, la situation plus favorable - que le ministère de l'Industrie nous rappelait sans cesse, et nous avouons que cela se défend parfois, mais pas toujours - où le niveau de confiance est élevé, où on tolère et finit par accepter des évaluations fondées sur le risque, reconnaissant qu'il n'y a pas toujours de risques.
Avec le temps, si on réussit à évaluer le risque inhérent à un produit, on peut se permettre de simplifier la réglementation. Alors, comme c'est le cas plus particulièrement dans la réglementation américaine en matière de santé, on peut adopter toutes sortes de techniques intéressantes, comme celle des facteurs à prendre en considération, qui permettent d'éviter d'adopter des lois à part.
Comme beaucoup d'Américains que nous avons interviewés le souligneraient, cela met en place les conditions fondamentales d'un climat propice non seulement à la R-D sur les produits, mais aussi à l'investissement.
Un dernier domaine qui... C'est intéressant; nous avons fini par parler, à ce sujet, de «croyances». Elles étaient omniprésentes dans beaucoup des discussions que nous avons eues. Nous ne savons pas si, oui ou non, elles ont un fondement de vérité. En réalité, il n'est pas possible d'établir des preuves pour le moment. Il y a des arguments également convaincants d'un côté comme de l'autre.
La première question consiste à savoir si, oui ou non, de nouvelles applications d'une technologie discrète sont en cause. La biotechnologie est-elle en fait une technologie entièrement nouvelle et à part? Certains soutiennent que oui. Ils disent que, en réalité, certaines formes de biotechnologie existent parfois depuis des milliers d'années.
Nous avons constaté qu'un grand nombre de ceux qui cherchent à obtenir du financement insistent sur ces arguments pour attirer les fonds vers des programmes de recherche passablement importants. Il est commode, si on veut, de perpétuer cette idée.
D'autres, par contre, soutiennent que la part d'inconnu est plus importante que celle du connu. Nous n'en connaissons pas assez long sur la biotechnologie et ses conséquences pour faire l'évaluation des risques en fonction des produits seulement.
D'autres encore disent que la biotechnologie va créer des organismes nouveaux et dangereux. Nous avons pu voir de très nombreux documents de divers groupes qui tendent à étayer cette opinion. Certains prétendent aussi que des agents inoffensifs vont être transformés en agents pathogènes. Là encore, il y a des arguments pour et contre.
Enfin, certains croient aussi - et c'est d'ailleurs ce qu'a dit presque textuellement une personne de l'EPA, aux États-Unis - que toute technologie est dangereuse. Pourtant, nous avons relevé des arguments qui vont dans un sens ou dans l'autre.
L'enseignement à tirer de cette manifestation de convictions sous-jacentes, c'est que, dans une très grande mesure, l'ensemble de croyances de chacun, sur ces six points, détermine l'optique dans laquelle on envisage le cadre réglementaire qui convient le mieux à la biotechnologie.
Il semble même, si je puis me permettre d'ajouter un dernier élément, qu'on retrouve dans les domaines de la santé et, parfois, de l'agriculture, un modèle différent de celui qu'on observe dans la sphère environnementale. Dans une grande mesure, comme nous le soutenons dans le rapport, cela s'explique par le fait qu'il y a probablement plus d'inconnus dans le domaine de l'impact environnemental que dans celui de la santé et de l'agriculture.
M. Knutson: Est-ce que cela vaut seulement pour les États-Unis ou pour les deux pays?
M. van Beek: Pour les deux pays, selon moi. On peut faire un parallèle intéressant entre les attitudes observées dans les deux pays.
Nous avons dû essayer de comprendre comment l'industrie elle-même se construit. Nous avons remarqué, et c'est ce qui nous a permis de soutenir que le système réglementaire américain atteignait un niveau d'efficacité passablement élevé, que le système américain ne ménage pas les efforts pour appuyer le développement de l'industrie. Il y a toutes sortes de caractéristiques spéciales inhérentes au système américain qui ont favorisé la croissance de ce secteur.
La première caractéristique que nous avons remarquée dans l'industrie même est le fait qu'elle en est à la phase de développement, puisque les découvertes scientifiques distancent la commercialisation. Il existe un énorme arriéré de résultats de recherche qui progressent vers l'étape de la commercialisation. Les entreprises ont l'impression que, dans certains domaines, la situation devient vraiment critique. Il y a un arriéré énorme, et il augmente assez rapidement.
Dans l'industrie, les fusions se succèdent. Depuis 15 ou 20 ans, les investissements sont passablement importants dans tous les États-Unis.
On en est maintenant au point où divers facteurs commencent à compliquer la vie des petites entreprises. Les investisseurs sont un peu plus prudents. On hésite davantage à injecter pour de longues périodes des montants énormes dans la biotechnologie. On exige un rendement plus élevé dans des délais plus brefs; je crois que c'est la meilleure façon de décrire la situation.
Quelques faillites retentissantes ont semé la crainte chez les investisseurs. Ils sont donc plus prudents qu'ils ne l'étaient il y a cinq ou six ans.
L'autre élément de l'équation est ce qui se passe dans l'industrie pharmaceutique. Celle-ci commence ou plutôt continue à se regrouper, et elle est constamment à l'affût des innovations. Il se trouve que ces 20 ans d'investissement en recherche et en biotechnologie ont permis de trouver des solutions très nouvelles et originales à des problèmes qui se posent depuis fort longtemps.
Nous assistons maintenant à une... Je ne parlerais pas encore d'alliance pour l'instant, mais il est certain que les sociétés pharmaceutiques très riches s'intéressent beaucoup aux PME du secteur de la biotechnologie qui, généralement, manquent d'argent. Ce phénomène est probablement particulièrement prononcé aux États-Unis.
Nous avons aussi remarqué que le rythme du développement technologique avait des conséquences sur la capacité de réglementer. La vérité toute simple est que, pour faire adopter une nouvelle loi aux États-Unis, il faut compter de cinq à sept ans. Le rythme de l'évolution technologique que nous connaissons maintenant ne peut tolérer une entrave comme celle-là, si le but visé est la commercialisation.
Aux États-Unis, on n'en est plus à se demander si les délais de cinq à sept ans font problème. Ce qui est maintenant au centre des préoccupations, c'est la question des délais d'approbation, c'est-à-dire l'approbation de produits pour lesquels il existe un certain type de surveillance: combien de temps faut-il pour obtenir une réponse?
Le nombre de demandes continuant d'augmenter, on exige de plus en plus des approbations rapides et un processus d'approbation plus efficace. Vous êtes peut-être au courant de changements récents, assez profonds, qui ont été non seulement proposés, mais parfois aussi adoptés à la FDA - surtout à la FDA, car c'est là que les pressions sont les plus fortes. L'organisme a scruté avec le plus grand soin ses processus d'approbation.
En examinant les deux cadres réglementaires, nous avons constaté que les modes de fonctionnement étaient très semblables. Dans les deux cas, les principes, au moins les principes officiels, sont les mêmes et, comme nous avons essayé de le montrer dans notre rapport, le Canada a adopté dans nombre de cas, bien que ce ne soit pas nécessairement tels quels, des éléments du système américain, une fois qu'ils ont été mis au point.
Nous avons des organismes de réglementation semblables, dont les mandats se ressemblent passablement. Même si les lois sont probablement plus nombreuses, on remarque des parallèles entre les lois, les règlements et les processus d'approbation des deux pays. Nous avons observé que les deux pays éprouvaient des difficultés avec la réglementation dans le domaine de l'environnement. Nous avons à ce sujet une théorie dont je vais parler dans quelques minutes.
Il y a des différences. Elles sont particulièrement frappantes en ce qui concerne les «événements». Aux États-Unis, il y a eu un débat scientifique qui a attiré beaucoup d'attention, et il se poursuit, d'ailleurs. Ce débat a fait rage plus particulièrement, si vous vous souvenez, au milieu des années 70, et il a donné lieu à l'adoption de nombreuses lignes directrices d'application volontaire. Le débat se poursuit aujourd'hui dans tout le domaine de la bioéthique.
Aux États-Unis, les préoccupations sont nombreuses au sujet des problèmes d'éthique que pose la biotechnologie. Réaction assez typique, les Américains ont mis sur pied un comité de bioéthique. Nous avons assisté à un débat qui s'est déroulé en grande partie sur la place publique et a permis la participation du grand public. Cela était bien entendu laissé à la discrétion de chacun. Je ne suis pas persuadé que l'intérêt était tellement considérable, mais l'offre a été faite de participer à l'examen des demandes relatives aux recherches financées par le NIH.
Il existe une différence très frappante entre les deux systèmes. Il s'agit du soutien des tribunaux, si on peut dire, à la délivrance de brevets sur des formes de vie. Il existe maintenant aux États-Unis un précédent relatif à l'obtention de brevets pour des formes de vie. Il s'agit de la cause Diamond c. Chakrabarty, passablement connue dans l'histoire de la biotechnologie.
Aux États-Unis, à la différence du Canada, l'industrie a une voix très forte - certains diraient même que c'est une voix qui a trouvé son unité. Cette industrie a une association très vigoureuse, la Biotechnology Industry Association, qui représente un nombre assez considérable d'entreprises en biotechnologie et dans les secteurs connexes. Cela est différent de ce qui se passe au Canada. Nous avons des associations, il est vrai, mais elles sont plus divisées.
Enfin, en nous appuyant sur ce que nos études de cas nous ont appris - et nous avons eu pour les faire des conversations et des discussions personnelles avec des représentants de l'industrie - , nous pensons pouvoir dire avec confiance que le Canada permet une plus grande souplesse, mais exige davantage de données.
Le système américain tend à être un système de contrôle assez mécanique. Dans le système canadien, on tient compte davantage des circonstances, et on décide ensuite des modalités d'examen. L'approche est donc très différente. Nous avons tendance à exiger plus de données qu'aux États-Unis, mais pas dans tous les cas. Tout dépend des risques qui semblent inhérents au produit.
L'avantage du système américain, strictement sur le plan du soutien de la compétitivité... Les Américains ont un contexte très complexe et prêtant à confusion. Il est beaucoup plus complexe que celui du Canada. Les règlements sont plus nombreux, le passé est plus lourd, il faut traiter avec les autorités fédérales et 50 États.
M. Knutson: Pourquoi est-ce un avantage?
M. van Beek: Lorsque nous avons entrepris l'étude du système américain, nous ne nous attendions pas à arriver à cette conclusion. Le système est beaucoup trop complexe. Ce n'est pas là que se situe l'avantage. Nous avons observé que, en dépit de cette complexité, il soutenait de façon très importante la compétitivité de la biotechnologie.
M. Golder: À certains égards, on peut dire que le système fonctionne malgré ses inconvénients. On cherche très fort à le faire fonctionner.
Mme Kraft Sloan: Vous parlez d'«avantage». Avantage pour qui? Pour l'intérêt public ou pour l'industrie?
M. van Beek: Le système américain semble bien fonctionner, du point de vue de l'industrie, et en favoriser la compétitivité. Je ne pense pas qu'on puisse le qualifier d'efficace. Ce n'est pas le bon mot. Mais il semble plus propice que le système canadien à la compétitivité ou au lancement de produits innovateurs. Ce n'est pas grâce aux règlements, mais à d'autres caractéristiques du système.
Mme Kraft Sloan: Mais est-ce que Porter n'a pas publié des études qui montrent qu'un cadre réglementaire solide est favorable à l'innovation et à la compétitivité? Pourquoi est-ce que cette conclusion serait réfutée ici? Pourquoi dire que le système est efficace «en dépit» des règlements? Est-ce que cela ne va pas dans le même sens que les conclusions de Porter?
M. Golder: Il s'agit davantage de montrer que le système, vu de l'extérieur, est complexe. Les entreprises doivent traiter avec de nombreux organismes au niveau fédéral et au niveau de l'État.
Mme Kraft Sloan: Ce n'est pas qu'il y a plus de règlements, mais qu'il y a davantage d'interaction.
M. Golder: Il faut traiter avec un plus grand nombre d'organismes. Le Canada a opté pour la formule du guichet unique. Un seul organisme ou ministère, au niveau fédéral, assume la responsabilité principale et se charge des dossiers depuis le début.
La vice-présidente (Mme Payne): Pourrions-nous revenir à l'exposé et poser les questions après?
M. van Beek: Les Américains, d'après ce que révèlent les caractéristiques de leur système, cherchent un peu plus à favoriser la compétitivité de leur industrie. Très tôt, ils ont décidé de travailler dans le cadre des lois existantes au lieu de chercher à en faire adopter de nouvelles. Ils ont modifié des éléments du processus d'approbation. Ainsi, ils ont réduit les délais de préavis, lorsque cela se justifiait, les ramenant dans bien des cas de 30 à 24 jours.
Dans le cadre de leur système, les Américains se sont montrés favorables à la protection de la propriété intellectuelle. J'ai parlé d'un précédent judiciaire. Ils ont un régime de crédits d'impôt qui favorise le développement des entreprises de biotechnologie. Ils ont également une législation assez intéressante sur l'import-export, qui vient être modifiée de nouveau pour, dans certaines circonstances, faciliter la tâche aux entreprises américaines qui veulent exporter avant d'avoir obtenu les approbations nécessaires aux États-Unis. Ils ont un ensemble bien développé de dispositions sur les enregistrements et les notifications volontaires. Ils ont eu recours à des dispositifs comme des séries de points à considérer, pour éviter d'avoir à légiférer. C'est une question d'interprétation fondée sur l'expérience.
Depuis un ou deux ans, les Américains essaient constamment d'accroître encore l'efficacité des organismes. Dans ce cas-ci, le principal organisme est la FDA. Ils ont essayé quelques moyens de traduire l'évaluation des risques en fonction de produits spécifiques en des composantes de leur système. Ils peuvent maintenant accorder une approbation de manière beaucoup plus efficace, sans passer par tout le processus des approbations. Ils sont également en train de restructurer tous les processus d'approbation. Un élément que vous êtes peut-être nombreux à connaître est l'imposition de frais aux usagers. Les recettes sont réinvesties pour accroître les ressources, par exemple pour augmenter le nombre des préposés à l'examen des demandes.
Les Américains ont aussi largement recours aux exemptions et accélèrent l'étude des demandes présentant peu de risques. Par le passé, ils ont été les premiers à adopter l'idée d'une coordination, afin d'avoir un cadre commun pour tous les règlements du pays, dans les divers organismes.
L'un des fondements de l'approche américaine est qu'il existe un consensus scientifique très net quant aux caractéristiques des risques de divers produits. Ainsi, la National Academy a fait une déclaration très générale, disant que la biotechnologie était sûre. L'hypothèse sous-jacente est que, dans certains cas... Il ne s'agit pas d'une généralisation. On dit que, en soi, la biotechnologie ne pose pas de risques; ce sont ses applications qu'il faut considérer. Cette position est fondée sur une expérience maintenant assez vaste, avec un certain nombre d'applications, surtout à la FDA.
Les Américains ont aussi un nombre assez considérable de mécanismes de réglementation qui ont protégé la santé humaine et l'environnement tout en protégeant aussi l'innovation. Ce qu'ils font maintenant, c'est intégrer la biotechnologie à ce cadre existant. Ils viennent de dire que la biotechnologie, en soi, ne pose pas de dangers qui lui sont propres. Voilà ce que disent les scientifiques. C'est pourquoi ils ont conclu qu'ils n'avaient pas besoin d'une réglementation nouvelle; il suffisait d'utiliser les règlements existants.
Aux États-Unis, comme je l'ai déjà dit, le rôle de l'industrie est bien défini. Ce n'est pas le cas au Canada, du moins pas tout à fait aussi clairement. Non seulement l'industrie est pour une très large part regroupée au sein d'une grande association, mais elle joue aussi un rôle très précis, aidant les responsables de la réglementation en définissant les diverses positions sur les problèmes. Elle a une voix forte dans le débat public qui se poursuit aux États-Unis, et je crois qu'elle traduit bien le point de vue de l'ensemble des entreprises auprès des organismes de réglementation. Elle garantit au moins la possibilité d'un certain équilibre entre les considérations de sécurité et d'efficacité et celles de la commercialisation.
Des champions très visibles ont émergé aux États-Unis et cela a été un facteur déterminant. La Maison blanche a joué un rôle très direct en faisant des nominations clés à des postes élevés au sein des organismes de réglementation. Ces champions ont en fait encouragé la croissance de la biotechnologie par une politique axée sur les produits plutôt que sur des règlements conçus en fonction des processus.
Enfin, il est très difficile de mesurer le degré de confiance du public et de savoir s'il est différent aux États-Unis et au Canada. Des indications donnent à penser qu'il est plus élevé, mais nous n'en avons pas la certitude. Par exemple, il y a eu et il continue d'y avoir un débat public. En outre, la Maison blanche, en appuyant certaines positions, soit par des énoncés de politique précis, soit en nommant de hauts responsables, cherche nettement à faire comprendre qu'on veille sur la biotechnologie. Dans cette mesure, nous avons saisi le message très net que le public a un degré de confiance raisonnablement élevé.
Nous avons perçu un autre son de cloche en étudiant divers sondages sur le degré de compréhension du public. Sur ce plan, je ne pense pas qu'il y ait une grande différence entre le Canada et les États-Unis. Dans les deux pays, on comprend assez peu les problèmes et les aspects techniques de la biotechnologie.
En somme, si nous voulons soutenir que le système de réglementation américain est plus avantageux, nous devons faire valoir ces points. Il permet de faire breveter des formes de vie, ce qui stimule l'innovation, car l'activité commerciale encourage l'investissement. Les Américains ont un climat favorable aux investissements, et il ne tient pas uniquement à la possibilité de faire breveter des formes de vie; comme les entreprises participent au processus de réglementation, elles ont une influence sur le cheminement que suit un règlement ou un cadre réglementaire, elles ont tendance à envisager avec plus de confiance certains investissements plutôt considérables. Elles s'expriment avec force et à l'unisson, comme industrie du secteur de la biotechnologie. Elles possèdent, tant au gouvernement que dans l'industrie, un leadership très visible. Il me semble juste de dire qu'on a eu et que l'on continue d'avoir dans le système américain un débat public beaucoup plus ouvert et soutenu. Et, bien entendu, la confiance dans la biotechnologie repose en grande partie sur les moyens scientifiques considérables des États-Unis.
Toutefois, il y a toujours un bon côté, dans ces histoires-là. Nous ne sommes pas nécessairement persuadés que le Canada doit adopter coûte que coûte le système américain bon gré mal gré.
M. Adams: Bravo.
M. van Beek: J'attendais cette réaction.
L'un des éléments intéressants du système américain est l'approche qui semble s'être dégagée dans le secteur de la biotechnologie, semblable en cela à d'autres secteurs d'activité, soit l'idée que le marché a un rôle à jouer. L'hypothèse sous-jacente, me semble-t-il, est que, si quelque chose tourne mal, il y a un recours. La société américaine est très procédurière. Si quelque chose tourne mal, les Américains intenteront des poursuites. Au Canada, nous avons tendance à nous fier davantage à nos institutions pour nous protéger. Nous avons donc une attitude fort différente. Mais il est intéressant de voir comment, dans le système américain, cette confiance sous-jacente dans le marché et dans la capacité du marché de déceler et éventuellement de redresser une injustice semble animer tout le système.
Ce que nous avons constaté au Canada, c'est que, même si nous avons adopté un cadre semblable à celui des Américains, nous sommes restés plus fidèles aux intentions énoncées dans les politiques qu'on ne semble l'avoir fait aux États-Unis. Les Américains parlent de risques évalués en fonction des produits, mais nous avons relevé une foule d'exemples où ce principe n'a pas été suivi, et nous faisons état d'un exemple observé au Département américain de l'agriculture.
Nous avons chez nous plus de souplesse. Notre régime doit être plus transparent et plus cohérent, mais le potentiel est là. Nous avons moins d'organismes de réglementation. Ceux-ci se connaissent et se tiennent au courant de l'évolution dans leurs domaines respectifs. Nous avons opté pour la formule du guichet unique, ce qui peut présenter un grand avantage. Il est donc possible d'améliorer la position concurrentielle du Canada grâce à son régime de réglementation.
Nous avons formulé quelques recommandations, pour ce qu'elles valent, et je crois que nous pouvons nous en tenir là, fort heureusement.
Nous disons que, si le Canada veut imiter le système américain dans une quelconque mesure, il faudrait susciter un certain leadership aussi bien dans l'industrie qu'au plan politique. En ce moment, il existe bien quelques champions, mais il n'y a pas de leadership vigoureux dans ce domaine.
Nous proposons - nous l'avons d'ailleurs recommandé au ministre de l'Industrie - qu'on fasse au moins une certaine promotion des meilleures méthodes adoptées aux États-Unis. Nous pensons qu'il est possible de tirer des enseignements en ce qui concerne les rouages bureaucratiques du processus d'approbation.
Nous préconisons une accélération de l'application de la notion d'équivalence et d'une certaine réciprocité. Nous préférons le terme «équivalence» à «harmonisation». Nous avons opté pour ce terme à dessein. Le terme «harmonisation» suppose l'uniformité, alors que ce n'est pas ce que nous recherchons. Nous recherchons en fait les mêmes résultats, mais pas nécessairement le même processus. Quant à la réciprocité, nous en sommes arrivés à la conclusion assez nette que, pour un Américain, cela veut habituellement dire: «Adoptez notre façon de faire», point à la ligne.
Au plan interne, nous pensons que le terme «harmonisation» est probablement celui qui convient. L'harmonisation est un choix logique pour les provinces, si nous voulons éviter d'avoir un régime fédéral et dix régimes provinciaux différents.
Enfin, nous sommes d'avis qu'on peut présenter une argumentation convaincante en faveur d'une meilleure compréhension par le public de deux aspects de la biotechnologie. Premièrement, les limites techniques - les promesses, si on veut - de la biotechnologie. Deuxièmement, la réglementation qui régit l'application de la biotechnologie.
Je crois que c'est tout.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup, monsieur van Beek, de cette présentation très intéressante et, à certains égards, très stimulante.
Comme on pouvait s'y attendre, les questions sont nombreuses. Je vais d'abord donner la parole à l'opposition.
Je remarque que deux membres du comité ont dû nous quitter. M. Taylor est toujours là. Voudriez-vous poser les premières questions?
M. Taylor: J'ai une ou deux questions à poser, mais je vais faire vite.
Je viens de Saskatchewan. Il y a un mois, j'ai eu l'occasion de visiter, avec le Comité de l'agriculture, Innovation Place, en Saskatchewan, qui est certainement le centre de biotechnologie le plus avancé au Canada. J'ai été impressionné par un certain nombre de choses, notamment l'importance quantitative de la recherche technique et du travail scientifique.
Les chercheurs se préoccupent bien sûr de la réglementation, mais ils sont aussi conscients d'un des premiers faits dont vous avez parlé: à moins que le public n'ait confiance dans leur travail, ils ne pourront pas attirer les investissements nécessaires pour atteindre leurs objectifs. Ils saisissent bien l'importance de la réglementation. Ils se préoccupent des délais, mais ils tiennent aussi à ce que soit en place une réglementation que non seulement ils pourront comprendre et accepter, mais qui inspirera également confiance au public.
Plus je voyais ce qu'on faisait là-bas, plus je m'inquiétais. L'industrie, avec son rôle d'investisseur, occupait plus de place que l'intérêt public. Comme l'industrie tient à développer des produits, le bien public est laissé de côté. Le public a peut-être une certaine confiance aujourd'hui, mais plus l'industrie sera engagée et plus la présence de l'intérêt public sera réduite, moins le public fera confiance au système. Nous ne faisons pas confiance aux sociétés. Nous ne faisons pas confiance à ceux qui paient pour développer des produits et nous les vendre pour faire plus d'argent.
La vice-présidente (Mme Payne): Pourriez-vous accélérer un peu, dans l'intérêt des autres membres présents?
M. Taylor: Les recommandations que vous formulez aujourd'hui semblent faire ressortir l'importance de la participation de l'industrie. Dans votre étude, dans quelle mesure avez-vous examiné le rôle de la recherche financée par l'État et les interventions soutenues par l'État dans le processus de réglementation?
M. Golder: Notre mandat ne comprenait l'étude de questions comme le rôle de l'investissement des secteurs privé et public dans la recherche. Certes, il y a là un phénomène indéniable, et l'intérêt de l'industrie a certainement entraîné une augmentation appréciable du volume de ses travaux de recherche.
Quant à l'acceptation de ces recherches par le public, nos contacts avec l'industrie nous ont révélé que celle-ci souhaitait avoir un cadre de réglementation approprié. Elle souhaite assurément et appuie les débats publics, et elle veut que le public comprenne et accepte les produits. Pour ce qui est de savoir quel est le juste équilibre entre l'intérêt de l'industrie et celui du public, dans l'élaboration de ce cadre de réglementation, c'est affaire de jugement.
M. van Beek: Je voudrais ajouter deux points. Tout d'abord, il faut faire beaucoup de recherche pour décider, dans un premier temps, si un examen est nécessaire. Une fois qu'il a été décidé que l'examen s'impose, il faut faire des recherches pour étayer les diverses affirmations qui sont faites au sujet de la sécurité, de l'efficacité et des répercussions. On fait donc largement appel à la recherche. C'est nécessaire.
Permettez-moi une légère digression. Un autre dilemme intéressant s'est présenté. Vous avez parlé de ce que vous avez observé en Saskatchewan. Il ne faut pas perdre de vue la différence entre l'acceptation de la biotechnologie dans le domaine de la santé et son acceptation dans les domaines agricole et environnemental.
Il est probablement juste de dire que, jusqu'à maintenant, la plupart des applications permettant de développer des produits qui ont été soumis au processus réglementaire ont bénéficié, au premier chef, aux producteurs plutôt qu'aux consommateurs. Par exemple, le producteur peut cultiver une tomate qui a une plus longue durée de conservation. Dans bien des cas, le producteur peut obtenir un meilleur rendement de son cheptel laitier. C'est là-dessus que l'accent a été mis jusqu'ici dans la biotechnologie intéressant l'agriculture.
Par contre, dans le domaine de la santé, on cherche par la thérapeutique à guérir des maladies qui menacent la vie. Par conséquent, les applications de la biotechnologie dans le domaine de la santé semblent être beaucoup plus facilement acceptés jusqu'à maintenant. La plupart des gens peuvent considérer les objectifs visés comme valables, et, si la biotechnologie peut proposer des solutions, elles sont davantage acceptées.
Nous avons constaté que, dans le domaine de l'environnement, il n'y avait pas des bases scientifiques aussi solides en ce qui concerne les répercussions sur l'environnement. Par conséquent, pour en revenir à votre question, les recherches environnementales qui devraient étayer les diverses positions n'ont pas été faites. Les recherches sur l'environnement ne jouissent pas d'un appui aussi grand que celles qui portent sur la santé ou même l'agriculture. Cette relation existe bel et bien.
La vice-présidente (Mme Payne): Je vais céder la parole à Mme Kraft Sloan, puis à M. Adams et enfin à M. Knutson. J'invite aussi nos invités allemands à se manifester s'ils veulent poser des questions. Nous nous ferons un plaisir de leur donner la parole.
Mme Kraft Sloan: Comme M. Taylor, je me préoccupe de l'intérêt public. Mon point de vue est sans doute toujours le même: la concurrence et l'innovation sont favorisées, à long terme, lorsque l'intérêt public est bien protégé également. Il y a des problèmes connexes et des externalités dont on ne tient pas compte pour établir les coûts; je songe aux externalités sociales, environnementales et sanitaires.
Vous avez dit également que la position, à l'intérieur du cycle de la réglementation, dépendait de la confiance du public. Il y a aussi un autre facteur, l'envers de la confiance du public, et il s'agit du degré de maturité et de responsabilité de l'industrie. Si l'industrie se comporte en bon citoyen et est disposée à s'autoréglementer réellement, le public peut avoir davantage confiance, et le régime de réglementation reflétera cette réalité. S'il faut exercer une surveillance constante sur l'industrie parce qu'elle essaie toujours de tricher, il faut insister davantage sur les contraintes et le contrôle. C'est l'envers de la médaille.
J'ai une question précise qui concerne le début de votre exposé, et il s'agit de l'étiquetage. Vous avez dit que vous ne l'aviez pas étudié.
M. van Beek: On nous a demandé expressément de ne pas le faire.
Mme Kraft Sloan: La question de l'étiquetage a surgi au cours de quelques audiences que nous avons tenues le printemps dernier au sujet de la biotechnologie. C'est une question extrêmement litigieuse et controversée.
À mon sens, le public a davantage confiance lorsqu'il peut se renseigner sur un produit. Lorsque le produit est bien étiqueté, le public a davantage confiance. Mais l'industrie de la biotechnologie semble avoir beaucoup de réticences. Auriez-vous des observations à faire? Avez-vous fait d'autres études? Pourquoi vous a-t-on demandé de ne pas étudier la question de l'étiquetage?
La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur van Beek, je vais vous demander quelque chose d'inhabituel, car nos invités allemands doivent nous quitter dans dix minutes pour rencontrer le ministre. Avant que vous ne répondiez à la dernière question, Mme Caspers-Merk en aurait une autre à poser. Nous voudrions l'entendre.
Mme Caspers-Merk: Je ne veux pas prendre part au débat en général, mais il serait très intéressant de connaître votre réglementation sur l'étiquetage et de savoir si elle fait l'objet d'un consensus dans la population. Je crois que c'est l'une des questions les plus importantes.
Je rappellerais à ces deux messieurs que, lorsqu'on pose la mauvaise question, on obtient la mauvaise réponse. Il ne s'agit pas pour moi de savoir comment les règlements fonctionnent, mais si nous pouvons obtenir un consensus dans la population sur ce que nous voulons, sur ce que nous acceptons de la biotechnologie et sur ce que nous rejetons. Nous avons un vif débat sur la bioéthique au Parlement européen et à l'intérieur de l'Europarat.
La vice-présidente (Mme Payne): Vous pourriez peut-être répondre tous les deux.
Monsieur van Beek.
M. van Beek: La réponse toute simple, c'est que vous avez raison. La question est très litigieuse. Elle se rattache probablement au très large contexte du débat sur la bioéthique qui se déroule en ce moment.
On ne nous a pas demandé d'étudier cette question, et nous ne l'avons pas fait. Plutôt que de me faire taper sur les doigts à cause d'une observation improvisée, il est probablement plus sage de dire que je n'ai pas compétence pour répondre à la question.
M. Golder: Il faut dire aussi que, lorsque nous avons amorcé le travail, il y a 18 mois, le débat sur l'étiquetage n'avait pas commencé à mobiliser beaucoup d'attention au Canada. Les signes avant-coureurs étaient présents. C'était déjà assez d'examiner ce qui se passait dans le cadre réglementaire en place à l'époque sans nous engager dans un débat plus hypothétique sur ce qu'il pourrait devenir par la suite.
M. van Beek: C'est peut-être une façon détournée d'essayer au moins de jeter un peu de lumière sur la question, puisque nous avons eu l'honneur de discuter avec certains des architectes du système de réglementation américain.
L'élément le plus remarquable qui revient sans cesse et qui est inhérent au régime politique américain, c'est que, depuis 1975 à peu près, il y a un débat constant sur la biotechnologie. Dans une large mesure, ce sont des scientifiques et des universitaires, et parfois des responsables de la réglementation qui y ont participé, mais ce sont des scientifiques qui, les premiers, ont tiré la sonnette d'alarme, grâce à la conférence d'Asilomar et ensuite au NIH. Ce sont eux qui ont élaboré les lignes directrices pour assurer une utilisation sûre des recherches dans ce domaine. C'est là un message percutant pour les Américains, car ceux qui ont en cause ont assumé la responsabilité dont vous avez parlé.
Au Canada, nous avons eu tendance à laisser les Américains faire le sale boulot et à nous servir de leurs résultats, ce que nous avons fait dans le cas des lignes directrices et de notre cadre réglementaire. Par conséquent, le même genre de débat n'a pas lieu au Canada. Ce ne sont pas les mêmes catégories de personnes qui sont en cause. Ici, ce sont plutôt les responsables de la réglementation qui se disputent entre eux et finissent par proposer une approche relativement claire des divers problèmes. Le système américain se caractérise par des oppositions beaucoup plus vives, et l'une des forces en présence, c'est le public.
La vice-présidente (Mme Payne): Je dois vous interrompre ici. Le documentaliste a quelque chose à dire à propos de l'étiquetage.
M. Curran: Nous avons consacré une séance à l'étiquetage. Pour l'instant, le Canada n'a aucune exigence sur l'étiquetage des aliments qui contiennent des éléments produits par le génie génétique, par exemple des tomates ou du maïs transgéniques.
Le Canada essaie, dans le cadre de la Commission du Codex Alimentarius de l'ONU, de participer à l'élaboration d'une politique internationale sur l'étiquetage. Par contre, rien n'empêche les fabricants d'indiquer sur une étiquette que leurs produits ne contiennent pas de substances créées par le génie génétique, par exemple. L'étiquetage volontaire est également acceptable.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci. Monsieur Adams.
M. Adams: Merci. Je suis désolé que vous deviez partir. Je tenais à vous souhaiter la bienvenue parmi nous. Je croyais que l'exposé serait le point de départ d'un dialogue avec nous. Pourriez-vous jeter un coup d'oeil aux pages 7 et 8 de la documentation qui nous a été remise?
Lorsque vous vous êtes présentés, j'ai remarqué que certains s'intéressaient à l'agriculture, d'autres à l'environnement, que certains avaient une expérience au niveau européen et d'autres en Allemagne.
Il s'agit du public, de sa confiance, de sa compréhension des questions que nous discutons - la compréhension de la biotechnologie même et des questions que nous essayons de discuter, des questions d'éthique et de réglementation. Je n'aime guère en parler de cette manière, car je ne veux pas avoir l'air de prendre les choses à la légère, mais compte tenu de la maladie de la vache folle dont nous avons entendu dire... La question de la biotechnologie fait surgir une foule de questions dans l'esprit des gens. Où, dans ce tableau, situez-vous le public allemand? Je serais heureux d'avoir une réponse de quelqu'un qui s'intéresse à l'agriculture, à l'environnement, peu importe.
Mme Saibold: [Le témoin s'exprime en allemand]
La vice-présidente (Mme Payne): Merci.
M. Hornung: [Le témoin s'exprime en allemand]
La vice-présidente (Mme Payne): Merci.
D'autres délégués auraient-ils une opinion à exprimer? Si oui, je vous invite à le faire.
Mme Caspers-Merk: Nous n'avons pas le temps. Nous ne voulons pas faire attendre votre ministre des Affaires étrangères.
Je crois que vous devez tout d'abord faire une distinction stricte entre biotechnologie et produits génétiquement modifiés. La biotechnologie englobe aussi bien le brassage de la bière que la purification de l'eau. C'est un domaine très vaste.
Ce dont nous parlons, l'objet de notre débat, c'est la convention sur la bioéthique et les productions transgéniques comme le canola. Cela suscite une vive controverse en Allemagne. Notre gouvernement voudrait qu'un consensus se dessine dans la Communauté européenne sur un étiquetage qui permettrait au consommateur de décider s'il veut acheter ce genre de produit ou non.
M. Adams: Madame la présidente, une question rapide. Y a-t-il des divergences marquées sur ces questions à l'intérieur de l'Union européenne? Nous comprenons qu'il existe tout un éventail d'attitudes. Nous étudions la question de la biotechnologie depuis un certain temps, mais existe-t-il des divergences importantes entre les divers pays d'Europe?
Mme Caspers-Merk: Il y en a. Vous venez de nous parler de cette petite peinture. En Allemagne, nous sommes très sensibilisés au problème. Nous nous situons du côté gauche. Je pense que les autres États de l'Union européenne se situent davantage sur la droite, mais nous discutons de cette question dans le cadre de l'Union.
M. Adams: Merci, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci. Je tiens à remercier la délégation allemande. Nous espérons que le reste de votre séjour sera agréable. Je sais que ces visites sont épuisantes. Nous regrettons, je le répète, de ne pas avoir pu passer plus de temps avec vous. Merci beaucoup.
Je remercie également l'ambassadeur de nous avoir honorés de sa présence ce matin.
Pour le reste de notre séance, nous allons revenir à la formule habituelle. Nous aurons la transcription officielle de ces délibérations.
M. van Beek pourrait peut-être maintenant continuer de répondre à la question du secrétaire parlementaire, car c'est à lui que vous répondiez, n'est-ce pas? La réponse était-elle terminée?
M. van Beek: Je pense avoir répondu.
La vice-présidente (Mme Payne): Dans ce cas, monsieur Adams, avez-vous terminé votre question?
M. Adams: Je vais expliquer très brièvement que j'ai agi délibérément, car je pensais que nous devrions faire participer...
La vice-présidente (Mme Payne): D'accord.
M. Adams: Par ailleurs, je sais que vous vous êtes intéressés surtout au Canada et aux États-Unis, mais des raisons vous ont-elles poussées à voir ce qui se passait dans d'autres pays? Je sais quel était l'objet de votre étude, mais vous devez avoir une idée de ce qui se passe ailleurs dans le monde.
M. van Beek: Je le répète, on ne nous a pas demandé expressément - il devait s'agir d'une comparaison entre les États-Unis et le Canada... Mais il est vrai que, dans nos recherches, nous avons eu quelques aperçus du débat européen. Nous avons perçu une perspective assez radicale, mais aussi l'aveu qu'il existe en fait bien d'autres points de vue.
Il est intéressant de noter, pour ce que cela peut valoir, que les Américains ont choisi d'aborder toute cette question de la bioéthique en mettant sur pied un comité présidentiel. C'est de la même manière qu'ils ont abordé les controverses suscitées par la biotechnologie au fur et à mesure qu'on passait de l'étape du laboratoire à celle de la commercialisation.
Tout au long de ce processus, ils ont à divers moments mis sur pied des comités présidentiels et fait des nominations clés qui ont permis de traduire en des éléments opérationnels concrets l'opinion de l'administration exprimée dans une politique générale. C'est ce qui se produit encore cette fois-ci.
La vice-présidente (Mme Payne): Je crois que le documentaliste aurait autre chose à ajouter.
M. Curran: Je peux donner quelques renseignements. Je suis loin d'être un expert dans ce domaine.
Il existe une différence fondamentale entre l'approche allemande des organismes transgéniques - la biotechnologie, si on veut - et celle du Canada. Je crois que le Canada et les États-Unis utilisent le produit modifié génétiquement comme déclencheur dans le processus de la réglementation. Le déclencheur, c'est le risque appréhendé, soupçonné ou éventuel que présente le produit lui-même.
En Allemagne, par contre, l'intervention réglementaire est provoquée par le fait qu'il s'agit d'un produit de la technologie de la recombinaison de l'ADN. En 1990, les Allemands ont adopté une loi sur le génie génétique. Les députés se souviendront peut-être que William Leiss a fait une proposition semblable au Canada. C'est l'un des sujets de discussion qui seront abordés mardi à la table ronde.
M. Adams: Il me semble que, dans leur rapport, il est question des processus employés dans ces analyses de produit.
Vous avez parlé du comité présidentiel. Selon moi, transparence et sensibilisation de l'opinion vont de pair. Nous avons consacré beaucoup de temps à la question - cette tribune est sans doute très modeste, je suppose - mais j'ai tendance à croire que notre transparence sera un atout, en fin de compte. Est-ce que c'est votre avis? Sommes-nous aussi transparents qu'on peut l'être aux États-Unis?
M. van Beek: Peut-être tout autant, mais les choses ne se déroulent pas sur la place publique dans la même mesure qu'aux États-Unis. Les Américains ont des porte-parole très éloquents sur tous les fronts. Il y a eu et il y a toujours des défenseurs assez vigoureux de l'intérêt public aux États-Unis. Il y a aussi des porte-parole politiques très forts, habituellement un président ou un vice-président, par exemple. L'industrie fait aussi entendre son point de vue haut et clair.
Le système américain évolue grâce à ces affrontements constants entre des points de vue divers. Je ne pense pas que l'industrie puisse nécessairement s'en tirer en recourant au lavage de cerveau, comme notre hôte l'a laissé entendre. Ça ne marche pas très longtemps. Le système est doté de freins et de contrepoids parce que les parties sont relativement bien informées. Elles font toutes appel au même corpus de connaissances scientifiques, et elles l'utilisent, bien entendu, pour étayer leur point de vue propre.
J'ai l'impression qu'il y a beaucoup plus de transparence et que les choses se déroulent bien davantage au grand jour. Ce n'est pas limité à un petit comité. C'est un débat constant qui a connu des temps forts au cours des 20 dernières années.
M. Adams: Merci, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur Knutson.
M. Knutson: Je voudrais poser une question qui, je l'avoue d'emblée, n'a rien à voir avec votre mandat, mais je la pose tout de même parce que vous travaillez dans le domaine.
Mais je tiens tout d'abord à vous remercier de votre exposé, que j'ai trouvé convaincant, précis et pertinent. Un exposé de qualité.
À propos de toute cette question de confiance du public et du fait que la Maison blanche peut jouer un rôle de chef de file et aider à renforcer et maintenir cette confiance, croyez-vous qu'on puisse soutenir que, si la Maison blanche est perçue comme un défenseur de l'environnement dans d'autres domaines, mettons les changements climatiques ou l'activité de l'EPA, cela confère au pouvoir exécutif une certaine crédibilité pour que, lorsqu'il donne son avis sur la biotechnologie, le citoyen moyen soit disposé à lui faire confiance?
Si cela est vrai, pensez-vous qu'il soit également vrai que, si on lit en manchette dans le Ottawa Citizen que les gouvernements ne font pas un très bon travail dans la réglementation des pollueurs au Canada, cette inquiétude peut les faire hésiter à acheter du lait de vaches traitées à la somatotropine? Il y a une méfiance généralisée à l'égard du régime de réglementation. Je sais que vous n'avez recueilli aucune donnée à ce propos-là, mais cela vous semble-t-il raisonnable?
M. van Beek: Généralement, de nombreuses voix se font entendre dans le débat public. Il y a un certain nombre d'influences qui contribuent à modeler les opinions personnelles. Malheureusement, il y a toujours des problèmes parce qu'il n'y a pas assez d'information, parce qu'elle est médiocre ou parce qu'il y en a trop.
Ce qui se passe alors, c'est que nous commençons à nous tourner vers des sources autres que le monde scientifique, par exemple. Dans le régime américain, on tient compte de la position du président. Je ne peux pas parler de l'ensemble du système américain, mais je sais, d'après mes contacts avec mes collègues américains, qu'ils ne partagent pas tous le même point de vue. Ils considèrent leur propre système d'un oeil très critique. On observe un mouvement de balancier. Il peut arriver qu'une administration appuie très vigoureusement la biotechnologie. Quatre ans plus tard, on peut constater qu'on ferme la porte assez rapidement à la biotechnologie. Il y a un mouvement de bascule; rien n'est constant.
M. Knutson: Ce qui me préoccupe, c'est la confiance du public. Nous avons pu constater la semaine dernière que l'EPA a toujours été beaucoup plus en prise sur la conscience de l'Amérique. Elle est beaucoup plus présente. Quelqu'un a dit qu'elle était beaucoup plus efficace. Elle fait face aux entreprises. C'est pourquoi il en est question dans les informations.
Est-ce que cet exemple montre que, si l'administration américaine est perçue comme jouant un rôle actif dans la protection de l'intérêt public dans d'autres domaines environnementaux, une partie de cette crédibilité peut se reporter sur un autre domaine et être utile, si l'administration appuie un régime de réglementation particulier pour la biotechnologie, pour que le public manifeste une certaine confiance?
Vous hochez la tête, mais cela ne figurera pas dans le compte rendu.
M. van Beek: Vous devriez dire de quelle manière nous hochons la tête.
Ce que je déduis de votre question, c'est qu'il y aurait une sorte d'effet de halo. Les leaders ne créent pas les situations; ils les interprètent et se positionnent en conséquence. Je pense que, au moins au bureau du président, la biotechnologie semble être une bonne cause à défendre, comme celles de l'environnement et des différentes préoccupations écologistes.
J'ignore comment on peut concilier les deux aspects. Je pense qu'ils essaient de le faire, dépendant du point de vue auquel on se rallie. Mais il existe effectivement un effet de halo. Si le bureau du président jouit d'un certain crédit, on accepte de manière générale beaucoup de choses qui peuvent venir de ce bureau. C'est probablement vrai à propos du soutien de la cause environnementale et de la biotechnologie.
M. Golder: On ne peut pas parler d'un événement ou d'une source unique. Il y a toutes sortes de combinaisons. L'EPA et la FDA jouent probablement aux États-Unis un rôle beaucoup plus manifeste sur la place publique que les instances correspondantes au Canada. Il y a donc beaucoup de publicité, et le public peut être amené à conclure que quelqu'un a son intérêt à coeur ou, à tout le moins, assume cette responsabilité. Les choses se font un peu plus discrètement au Canada. Il est très difficile de prétendre que nous avons le même genre de combinaisons d'événements ou de positions publiques qui contribuent à ce résultat.
M. Knutson: Je voudrais faire ressortir clairement ce que vous dites: nous n'avons pas chez nous l'équivalent d'organismes qui interviennent publiquement comme l'EPA ou la FDA le font.
M. van Beek: Nous n'avons pas le même système. L'approche fondée sur l'opposition oblige les points de vue extrêmes à se manifester publiquement. Nous ne fonctionnons pas de la même manière. Je ne suis pas convaincu que nous puissions adopter le système américain.
La vice-présidente (Mme Payne): Notre documentaliste a une question à poser. Nous allons l'entendre tout d'abord, puis nous reviendrons à Mme Kraft Sloan et à M. Taylor.
M. Curran: J'ai deux questions.
L'un des avantages que vous avez signalés pour l'industrie, aux États-Unis, est la possibilité d'obtenir des brevets sur des formes de vie, mais vous n'avez pas dit quelle était la situation au Canada. Pourriez-vous la résumer? Est-il possible que le régime canadien évolue dans le même sens? Sauf erreur, la seule loi que nous ayons dans ce domaine est la Loi sur la protection des obtentions végétales, qu'on peut sans doute assimiler à une protection par brevet. Pourriez-vous donner des précisions?
M. Golder: Fait intéressant, les États-Unis n'ont pas de loi semblable, mais ils permettent...
M. Curran: Non, mais ils ont le Plant Variety Protection Act.
M. Golder: Très juste. Il n'est pas facile de répondre, sans doute en partie parce que notre étude visait surtout les applications relevant de l'agriculture et de la biotechnologie, mais les domaines de la santé humaine et des produits biopharmaceutiques n'ont pas été laissés de côté.
Nous n'avons pas travaillé sur la question des brevets parce que, en un sens, la question a été exclue de notre mandat.
Je présume que des preuves indirectes montreraient que beaucoup de sociétés canadiennes qui font des recherches dans ce domaine ont tendance à se tourner vers les États-Unis, lorsqu'il s'agit d'obtenir des brevets ou de faire enregistrer leurs droits de propriété. En principe, cela risque d'inciter ces entreprises à investir davantage aux États-Unis plutôt qu'au Canada, mais cela est tout à fait circonstanciel.
M. Curran: Savez-vous si des entreprises ou des inventeurs canadiens ont demandé des brevets sur des formes de vie et ont essuyé un refus?
M. Golder: Je ne possède pas cette information.
M. Curran: Aucune information là-dessus.
Une autre question, si on permet. Vous avez dit que l'harmonisation de la réglementation entre les gouvernements provinciaux et fédéral était une évolution souhaitable au Canada. Quels sont les règlements provinciaux qui s'appliquent aux divers secteurs, aux diverses catégories de produits de la biotechnologie au Canada? Jusqu'ici, nous n'avons entendu parler que de la réglementation fédérale.
M. Golder: Le domaine est relativement étroit. Le meilleur exemple auquel je puis songer est celui des produits biopharmaceutiques ou pharmaceutiques, qui sont soumis à un examen fédéral, comme les autres produits. Mais une fois le produit approuvé, il faut se conformer au régime provincial, remplir des formulaires, ce qui constitue en un sens un autre examen, un autre obstacle réglementaire. Cet obstacle est en train de revêtir un caractère économique. Ce n'est pas une question d'efficacité ou de sécurité, car cela relève de Santé Canada. Les provinces décident s'il vaut la peine d'inscrire le produit dans leurs formulaires. Elles se demandent par exemple si cela présente des avantages économiques ou sociaux pour les patients des hôpitaux.
M. Curran: Ce peut sans doute être la même chose dans le cas de l'enregistrement aux termes de la Loi sur les produits antiparasitaires. Si un organisme transgénique est enregistré en vertu de cette loi, une loi provinciale correspondante permet encore d'accepter ou d'interdire ce produit.
M. Golder: Effectivement. Ou la loi provinciale peut imposer des contrôles ou des limites sur l'utilisation dans la province...
De la même manière, dans le domaine environnemental, les autorités fédérales ne peuvent régir que la production ou l'importation, non l'utilisation concrète. L'utilisation et l'élimination sont de ressort provincial.
M. Curran: Merci beaucoup.
Mme Kraft Sloan: Ce qui se passe en biotechnologie est de toute évidence déterminé en grande partie par l'industrie. Tout dépend des perspectives de profit, qu'il s'agisse du secteur pharmaceutique ou de l'agriculture.
Vos recherches vous ont-elles permis de voir si le débat sur cette question, public ou autre, a porté sur la question de savoir si nous avons besoin de ces produits, pour commencer? Doit-on mettre un produit sur le marché pour la simple raison qu'il permettra de faire de l'argent?
La somatotropine est un excellent exemple. Dans une des industries laitières les plus avancées du monde... Dans ma propre circonscription, beaucoup d'éleveurs tirent le plus gros de leurs bénéfices de la reproduction de vaches laitières de grande qualité... La production de lait est loin d'être insuffisante, chez nous. Nous avons même un office de commercialisation qui contrôle la production. Les problèmes de surproduction sont monnaie courante.
Vu les inconvénients de certaines innovations et le coût énorme que représentent pour le public et les gouvernements l'élaboration de règlements et l'analyse de ces produits et procédés, est-ce qu'on pose la question primordiale: avons-nous besoin de ce produit? Est-ce que ce débat a lieu?
M. van Beek: Dans le système américain, l'hypothèse est que celui qui propose une nouveauté a jugé bon d'investir de lourdes sommes dans la mise au point d'un procédé, que, dans les études réalisées avant de se lancer dans le processus relativement coûteux de l'approbation, il a aussi établi qu'il y aura un certain rendement sur l'investissement.
On suppose, dans le système américain, que les besoins sur le marché sont connus avant que le système de réglementation entre en ligne de cause. La question n'est même pas posée.
Au Canada, je pense que nous n'avons pas assez d'expérience pour agir autrement. Il faut retenir l'hypothèse que l'entreprise perçoit une justification pour son projet sur le marché, et non seulement pour investir en recherche, mais aussi accepter les lourdes dépenses en temps et en argent qu'exigent les approbations réglementaires, obstacle qu'il faut franchir avant de réaliser des bénéfices.
La question est donc réglée par le marché au lieu de faire l'objet d'un débat à part. Que je sache, personne ne pose la question, mais il me semble probable qu'elle surgira dans le débat sur la bioéthique.
Mme Kraft Sloan: Chose certaine, elle a été au centre du débat sur la somatotropine. Pourquoi avons-nous besoin de ce produit qui va nous être imposé? Des producteurs laitiers redoutent d'utiliser ce produit, car ils s'inquiètent de la sécurité des animaux et des conséquences sur la santé. Toutefois, à cause de la concurrence à court terme, ils ont l'impression qu'ils seront obligés de l'utiliser, ainsi que tous les autres médicaments nécessaires pour préserver la santé des animaux. Dans ce dossier, il est certain que la question se pose d'elle-même.
M. van Beek: Il est juste de dire que bien des gens se demandent s'il est judicieux d'utiliser la somatotropine en ayant si peu d'expérience. Après coup, ils peuvent bien dire qu'ils ne l'auraient pas fait.
Mme Kraft Sloan: Effectivement.
M. van Beek: Mais c'est après coup, bien entendu.
M. Golder: Ils auraient pu choisir un autre produit qui est plus avantageux pour le consommateur et un peu moins pour le producteur - potentiellement, en tout cas - comme la somatotropine porcine, qui donne un avantage réel sur le plan de la teneur en gras de la chair.
Envisageons votre question sous un autre angle. On peut se demander à propos de n'importe quelle innovation de la R-D si le produit a sa raison d'être.
Mme Kraft Sloan: Oh, je sais que la question ne se pose pas que pour la biotechnologie. On peut la poser aussi bien à propos de la télévision.
La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur Steckle.
M. Steckle: Je voudrais revenir sur le point de vue de Mme Kraft Sloan.
J'ai remarqué que vous aviez préféré le terme «équivalence» à celui d'«harmonisation». Dans bien des programmes gouvernementaux, lorsqu'il existe une dimension fédérale-provinciale, nous parlons d'harmoniser, de réduire les coûts en collaborant au lieu d'agir chacun de son côté et de se concurrencer.
Ma question fait suite à celle de Mme Kraft Sloan. Notre régime politique diffère quelque peu de celui des États-Unis, Dieu merci, et j'espère qu'il restera différent. Aux États-Unis, se faire élire coûte une fortune.
Lorsque les politiques sont asservis aux intérêts de l'industrie, comme ils doivent l'être pour recueillir assez de fonds - une élection peut parfois coûter des millions de dollars - comment peut-on espérer tirer des enseignements de l'expérience américaine, étant donné la réalité propre à la politique américaine?
Je ne veux pas dénigrer nos voisins américains, car nous y avons beaucoup d'excellents amis et voisins, et il faut conserver ces relations de bon voisinage. Mais ils sont nécessairement redevables à quelqu'un, car on ne donne pas des montants aussi considérables par simple amitié. Il y a habituellement un prix à payer.
Je pose donc la même question à propos de la somatotropine bovine. L'Europe ne l'a pas acceptée, les États-Unis oui. Nous ne l'avons pas acceptée encore, et j'ai de bonnes raisons de croire que nous n'allons pas le faire de sitôt. Qu'avez-vous à répondre?
La vice-présidente (Mme Payne): Une réponse brève, si possible. Le ministre doit tenir une réunion dans cette salle.
M. van Beek: Je serai très bref.
Vous remarquerez les dernières recommandations, que nous avons réduites à cinq ou six, car il nous a semblé qu'elles résumaient les éléments du système américain qui pouvaient être adoptés chez nous. Nous croyons par exemple que le leadership est un élément important. Cela aidera le public à avoir d'avantage confiance que la biotechnologie est comprise dans une certaine mesure, qu'elle est réglementée et que nous exerçons sur elle une surveillance. Nous pensons que c'est important.
Le troisième élément, qui me semble plus facile à adopter, consiste à examiner de très près certaines des mesures appliquées par la FDA. Cet organisme cherche à rendre le processus d'approbation plus efficace. Il s'agit simplement d'une série de mécanismes dont l'organisme se dote.
Il ne faut pas oublier que nous adoptons ou empruntons, si on veut, une grande partie des données scientifiques américaines. Cela se fait déjà. Nous examinons déjà ces données. Nous ne les recueillons pas toutes nous-mêmes.
Nous pensons que ce sont là des éléments pratiques. Mais nous ne proposons absolument d'adopter au Canada le système américain.
Merci.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup, monsieur van Beek, de votre exposé. Comme d'habitude, nous manquons un peu de temps.
Merci aux membres, à notre documentaliste et au greffier. Ce fut une excellente séance, selon moi. J'aurais voulu que nous passions un peu plus de temps avec nos amis allemands, mais ainsi va la vie.
La séance est levée.