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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 18 juin 1996

.0846

[Français]

Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons étudier des questions de biotechnologie.

[Traduction]

La séance d'aujourd'hui portera sur le domaine de l'agriculture et sa réglementation. La semaine dernière nous avons rencontré, peu ou prou, la même équipe de témoins, qui est venue nous parler de la réglementation en matière de santé. Cette séance-là et celle-ci sont très importantes pour nous, en particulier pour nos attachés de recherche, qui cherchent à comprendre les arcanes des processus administratifs en matière de biotechnologie... au meilleur sens du terme, bien entendu.

Sans plus attendre, et avec toutes mes excuses parce que nous sommes arrivés en retard - en fait, nous sortons d'une réunion qui a commencé à 8 heures dans un autre édifice - je vais vous demander de commencer. Qui est responsable de l'équipe? Monsieur Morrissey, veuillez-nous présenter vos collaborateurs, et la séance se déroulera comme d'habitude: courts exposés et longues questions.

M. J.B. Morrissey (sous-ministre adjoint, Direction générale de la recherche, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'appelle Bryan Morrissey, et je suis du ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire.

Margaret Kenney, que les membres du comité connaissent déjà, est du même ministère. Paul Mayers, du ministère de la Santé, et Desmond Mahon, que les membres du comité connaissent également, du ministère de l'Environnement, m'accompagnent également.

[Français]

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés,

[Traduction]

depuis sa création, le ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire s'occupe de la réglementation concernant l'introduction de nouveaux organismes au Canada. Par exemple, la Loi sur les insectes destructeurs et les ennemis des plantes a été promulguée, dès 1910, pour permettre au ministère de procéder à des évaluations, avant l'importation et après la commercialisation, des nouvelles plantes introduites au Canada, afin d'empêcher l'entrée d'insectes destructeurs.

Bien que le ministère ait toujours effectué ces types d'évaluations, leur envergure s'est élargie au cours des dernières années pour incorporer les nouveaux produits de la biotechnologie.

Agriculture et Agro-alimentaire Canada est responsable de l'application de cinq lois en vertu desquelles sont régis les produits de la biotechnologie. Il s'agit des lois sur les semences, les aliments du bétail, les engrais, la santé des animaux et la protection des végétaux. Le ministère de la Justice a confirmé, en 1994, que toutes ces lois permettaient de réglementer les produits de la biotechnologie pour ce qui est de la sécurité environnementale, y compris la sécurité des humains dans l'environnement.

.0850

En 1995, le ministère de la Justice du Canada a également approuvé l'ajout à ces règlements de la définition de la biotechnologie - «l'application des sciences et de l'ingénierie à l'utilisation des organismes vivants ou de leurs parties ou produits, sous leur forme naturelle ou modifiée» - de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Cette définition inclut à la fois les produits vivants, par exemple les microbes et les végétaux, et les produits non vivants comme certains types de vaccins. Les technologies utilisées pour les produire sont à la fois modernes, par exemple le génie génétique, et traditionnelles, par exemple la sélection d'individus utiles dotés des caractéristiques souhaitables au sein d'une population.

Des modifications précises à la réglementation concernant les avis et les évaluations environnementales ont été rédigées en vertu des lois sur les semences, les aliments du bétail, les engrais et la santé des animaux. Les modifications proposées tiennent compte de la définition d'un produit toxique contenue dans la LCPE. Elles permettront de préciser que les évaluations de la sécurité assureront qu'un organisme ou un produit est toxique s'il pénètre dans l'environnement dans des quantités ou des concentrations qui ont, ou peuvent avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l'environnement, peuvent mettre en danger l'environnement essentiel pour la vie humaine, constituent ou peuvent constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaine.

En janvier 1995, Environnement Canada a confirmé par écrit à Agriculture et Agro-alimentaire Canada que ces ébauches de règlements et de directives permettaient d'évaluer la toxicité potentielle en vertu de la LCPE. Pour compléter ces règlements, Agriculture et Agro-alimentaire Canada a élaboré des directives pour chacun des secteurs de produits. Ceux-ci ont fait l'objet de consultations nationales et internationales étendues. Les directives interprètent les règlements et contribuent à leur application en énonçant des renseignements précis et des exigences concernant la marche à suivre.

Agriculture et Agro-alimentaire Canada et Environnement Canada ont convenu de mener des consultations sur la bonne combinaison de règlements et de directives lorsque ces modifications seront publiées dans la partie I de la Gazette du Canada.

On compte à la direction générale d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada chargée de la réglementation de nombreux experts qui peuvent s'occuper de l'application de ces règlements et directives. Entre autres, des nutritionnistes des animaux, des pathologistes des animaux et des végétaux, des écologistes, des entomologistes, des toxicologues spécialistes des produits toxiques pour les humains et l'environnement, des biologistes moléculaires, des microbiologistes, des sélectionneurs de plantes, des scientifiques des sols, des vétérinaires, des virologistes et des malherbologistes. Cette combinaison d'expertise est importante, car elle permet une évaluation complète de la sécurité des produits agricoles de la biotechnologie.

Voici sur quoi portent les lois pertinentes. La Loi et le Règlement sur les semences confèrent à Agriculture et Agro-alimentaire Canada le pouvoir de refuser ou d'annuler l'enregistrement d'un végétal, ou de sa descendance, qui pourrait nuire à la santé humaine ou animale et à la sécurité de l'environnement. Ces pouvoirs couvrent à la fois les essais au champ dans des conditions permettant de confiner le végétal en l'empêchant de répandre des semences et du pollen, et les plantations commerciales plus grandes.

Les évaluations des végétaux présentant des caractéristiques nouvelles sont effectuées peu importe la méthode de sélection ou de mise au point de nouveaux végétaux. Les essais au champ et la commercialisation ne sont approuvés qu'à la suite d'évaluations environnementales complètes incluant des considérations au sujet du degré d'envahissement potentiel des végétaux par les mauvaises herbes pour l'agriculture ou les habitats naturels, la capacité de transmettre l'information génétique aux espèces connexes qui pourraient être envahies davantage par les mauvaises herbes, le potentiel des végétaux de devenir un ennemi des cultures, le potentiel des végétaux de causer des interactions indésirables avec d'autres organismes de l'environnement et le potentiel des végétaux de causer un impact négatif sur la biodiversité.

La méthode utilisée pour mettre au point ces végétaux est examinée en fonction de son effet sur la sécurité du produit final, c'est-à-dire d'où proviennent les gènes et comment ils ont été introduits. Voici des exemples de certains nouveaux végétaux issus de la biotechnologie qui ont été évalués et approuvés: une pomme de terre résistante au doryphore de la pomme de terre, du maïs résistant à la pyrale du maïs, du canola avec une composition d'huile modifiée, du canola, du maïs et du soja tolérant les herbicides et du lin tolérant les résidus d'herbicide dans le sol.

.0855

Les approbations pour utilisation alimentaire sont traitées séparément par les évaluations de Santé Canada, dans le cadre des directives sur les aliments nouveaux, mais en étroite collaboration avec Agriculture et Agro-alimentaire Canada. Agriculture et Agro-alimentaire Canada fournit des renseignements sur les essais au champ des végétaux issus de la biotechnologie qui sont évalués. Des documents de décision expliquant la justification de la décision d'approuver des essais commerciaux sont également publiés et diffusés largement. À ce jour, 14 documents de décision de ce genre ont été élaborés.

La Loi et le Règlement sur les aliments du bétail régissent la fabrication, la vente et l'importation au Canada des aliments du bétail et des ingrédients qui les composent, peu importe leur méthode ou procédé de production. Ils sont conçus pour protéger les agriculteurs, leur bétail, l'environnement et le grand public contre les dangers pour la santé qui pourraient être associés à ces produits, tout en assurant l'efficacité du produit. La loi confère le pouvoir de rédiger des règlements qui fournissent des renseignements détaillés sur l'enregistrement des produits et qui établissent la formule, la composition et d'autres normes pour les aliments du bétail.

Les types de produits d'aliments du bétail incluent: les microbes vivants, qui contribuent au maintien de populations bactériennes saines dans l'estomac de l'animal et fournissent des éléments nutritifs additionnels, les produits de fermentation, comme les acides aminés et les vitamines, les microbes comme ceux ajoutés au fourrage pour améliorer le foin et l'ensilage, et les nouveaux types de végétaux utilisés directement comme aliments du bétail.

Le règlement exige la présentation de renseignements qui permettront de procéder à des évaluations de la toxicité pour le bétail ou la sécurité humaine pour ce qui est du transfert des résidus dangereux aux produits alimentaires consommés par les humains, la sécurité des travailleurs qui manipulent les aliments du bétail et la sécurité environnementale. Parmi les considérations évaluées, citons les effets anti-nutritionnels, l'irritation et l'allergénicité. Le processus d'examen est mené en étroite collaboration avec les évaluations environnementales des végétaux dérivés de la biotechnologie faites dans le cadre de la Loi sur les semences, et avec Santé Canada, qui évalue la salubrité des aliments pour les humains.

À ce jour, 14 nouveaux types de végétaux ont été approuvés pour l'alimentation du bétail au Canada, en plus de diverses approbations touchant 141 produits microbiens. Aucun de ces derniers n'est issu du génie génétique, monsieur le président.

Monsieur le président, j'ai déjà parlé pendant 10 minutes. Je pourrais très bien m'arrêter ici, et comme le texte de mon exposé a été distribué, il pourrait être considéré comme ayant été lu.

Le président: Si vous le voulez bien, nous souhaiterions que vous finissiez votre exposé.

M. Morrissey: La Loi et le Règlement sur les engrais confèrent le pouvoir d'évaluer la sécurité des engrais et des suppléments pour les humains et pour l'environnement, y compris les végétaux et les animaux, et de déterminer leur efficacité. Les produits d'engrais dérivés de la biotechnologie incluent des micro-organismes qui fournissent aux végétaux les éléments nutritifs qu'ils tirent du sol ou de l'air et que le végétal ne pourrait sinon obtenir. Cela réduit ou élimine la nécessité des aliments chimiques des plantes.

L'évaluation de la sécurité porte principalement sur l'identification de l'organisme, son comportement dans l'environnement, par exemple ses relations avec tout organisme pouvant avoir un effet néfaste sur la santé. Les évaluations sont menées peu importe la méthode ou le procédé de production de ces produits. Si le micro-organisme a été modifié par génie génétique, une évaluation complète du processus est effectuée. On collabore étroitement avec Santé Canada pour ces examens, étant donné que l'utilisation de ces produits est courante sur les plantes alimentaires.

Il existe actuellement près de 100 suppléments de type microbien homologués au Canada, dont aucun n'a été produit par génie génétique. Depuis 1993, on a autorisé 162 essais de recherche, dont deux pour des produits du génie génétique, un en 1991 et l'autre en 1996.

.0900

La Loi sur la santé des animaux et la Loi sur la protection des végétaux régissent l'importation des végétaux, des micro-organismes et des animaux, au moyen de permis d'importation. Pour délivrer des permis d'importation on examine le potentiel d'un végétal, d'un animal ou d'un micro-organisme importé d'avoir un effet nuisible sur la sécurité humaine, animale ou environnementale. L'exigence relative aux examens des permis d'importation s'applique à tous les organismes qui pourraient causer un préjudice à des animaux, à des végétaux ou à leur écologie, peu importe la méthode ou le procédé de sélection utilisé pour les produire, ce qui signifie que les organismes modifiés génétiquement peuvent également faire l'objet d'un examen en vertu de ces lois, tout comme les animaux exotiques ou les espèces végétales non indigènes au Canada.

La Loi et le Règlement sur la santé des animaux confèrent en outre le pouvoir de régir la production, l'importation, les essais au champ et l'homologation des produits vétérinaires biologiques au Canada, produits soit selon les techniques modernes de biotechnologie, soit selon des méthodes traditionnelles. Les produits vétérinaires biologiques incluent les produits utilisés pour le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies animales.

Pour obtenir un permis pour un produit vétérinaire biologique, les requérants doivent fournir des données prouvant la sécurité - humaine, animale et environnementale - , la pureté, la puissance, l'efficacité et la stabilité du produit. On a recours à une approche fondée sur le risque qui s'applique autant aux produits biologiques produits selon la technologie classique qu'aux produits issus du génie génétique. Dans ce dernier cas, l'évaluation comprend un examen des caractéristiques des organismes parentaux et recombinants, ainsi que de la méthode utilisée pour réaliser la modification génétique.

Pour certains produits, l'évaluation d'un produit biologique vétérinaire, comme un vaccin, peut demander l'apport d'autres ministères fédéraux, comme Santé Canada et Environnement Canada. De la même façon, le ministère des Pêches et des Océans pourra également participer à l'évaluation des produits biologiques du poisson.

Jusqu'ici, on a accordé un permis pour 41 produits biologiques vétérinaires. Trente-trois de ceux-ci sont des trousses de diagnostic, par exemple pour les maladies animales, et le reste est constitué de vaccins contre des maladies virales et bactériennes. Actuellement, 14 trousses de diagnostic et 9 vaccins traversent les étapes d'obtention d'un permis. L'évaluation environnementale d'un nouveau type de vaccin antirabique, un vaccin-appât pour immuniser les ratons laveurs par voie orale, est maintenant terminée. Ce sont Agriculture et Agro-alimentaire Canada, Santé Canada et Environnement Canada qui ont évalué conjointement la sécurité de ce vaccin.

Dans un effort pour rendre accessible au plus grand nombre l'information concernant le système de réglementation du ministère et concernant les Lois sur les semences, les aliments du bétail, les engrais, la santé des animaux et la protection des végétaux, Agriculture et Agro-alimentaire Canada maintient un site sur l'Internet. Ce site fournit de l'information sur les règlements, les directives, les documents de consultation, la liste des essais au champ et les documents de décision pour les produits approuvés. Ce site web, qui ne cesse de s'agrandir, connu sous le nom de InfoAgBiotech, fournit également de l'information de base sur la biotechnologie en agriculture, des nouvelles sur les activités du ministère et les noms des personnes-ressources du ministère.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Morrissey. Votre exposé nous sera très utile. À qui le tour maintenant?

M. Morrissey: Nous n'avons qu'une seule copie du texte, monsieur le président.

Le président: Vous êtes très frugal, ce matin. Qu'est-ce qui vous prend?

Monsieur Mahon, avez-vous quelque chose à dire?

M. Desmond Mahon (chef, Division des substances nouvelles, Direction de l'évaluation des produits chimiques commerciaux, ministère de l'Environnement): Pas pour l'instant, merci.

Le président: Monsieur Mayers?

M. Paul Mayers (chef intérimaire, Division de l'évaluation, Bureau des dangers microbiens, ministère de la Santé): Non, merci. Nous n'avons pas de déclaration liminaire, monsieur le président.

Le président: Vous?

Mme Margaret Kenney (directrice associée, Bureau des stratégies de biotechnologie et de coordination, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Non, moi non plus.

Le président: Cela a été une prestation remarquable. Nous avons beaucoup de temps à notre disposition.

Madame Guay, voulez-vous commencer?

[Français]

Mme Guay (Laurentides): J'aurais quelques questions à vous poser concernant l'agriculture. Vous avez parlé des engrais et de toutes sortes d'autres choses, mais vous n'avez pas parlé des pesticides.

.0905

J'aimerais savoir qui établit les règlements concernant les pesticides. Est-ce que c'est Agriculture Canada?

M. Morrissey: Jusqu'à il y a à peu près six mois ou un an, c'était le ministère de l'Agriculture. Depuis ce temps-là, il y a eu un transfert de ce travail du ministère de l'Agriculture à celui de la Santé. Une agence à distance a été établie sous la tutelle du ministère de la Santé.

Mme Guay: C'est donc Santé Canada qui établit les règlements concernant les pesticides. Comment faites-vous pour vous entendre puisque vous établissez les règlements sur les engrais? Il faut quand même que le travail se fasse conjointement, l'un allant avec l'autre.

M. Morrissey: Il y a une différence assez nette entre les engrais et les pesticides. Les engrais constituent un aliment pour les plantes alors que les pesticides servent à détruire les bêtes nocives pour les plantes. Donc, la coupure est assez nette. Par contre, il y a une coopération entre les deux ministères, comme vous l'avez vu dans le cas du vaccin contre la rage pour les ratons laveurs.

Mme Guay: Est-ce que la même coopération existe avec les provinces? Est-ce qu'il y a un travail qui se fait entre le ministère de l'Agriculture fédéral et les différentes provinces?

M. Morrissey: Oui. Par exemple, pour le vaccin pour les ratons laveurs, les provinces ont collaboré étroitement avec le ministère, surtout l'Ontario, parce que, d'après ce que j'ai compris, la menace de cette souche de rage venait des États-Unis et la province la plus exposée était l'Ontario.

Mme Guay: Alors, le travail s'est fait conjointement entre le ministère de l'Agriculture de l'Ontario et le ministère de l'Agriculture fédéral.

M. Morrissey: Il y a un travail de coopération au niveau fédéral-provincial, et pas seulement avec le ministère de l'Ontario. Dans ce cas spécifique, c'était avec le ministère de l'Ontario.

Mme Guay: On a beaucoup discuté de la biotechnologie ces derniers temps. Plusieurs intervenants nous ont dit qu'il fallait qu'Environnement Canada agisse comme un filet de sécurité si des décisions étaient prises par différents ministères. J'aimerais avoir votre opinion à cet égard.

M. Morrissey: Je pense qu'il y a un consensus entre les divers ministères pour que le ministère de l'Environnement agisse comme filet de sécurité. Je pense qu'il y a aussi une entente entre les ministères pour que, dans la mise en application de ce filet de sécurité, il n'y ait pas de dédoublement dans les lois et règlements.

Mme Guay: Pouvez-vous me donner quelques renseignements sur la somatotrophine bovine? Où en sommes-nous?

M. Morrissey: Là encore, c'est un dossier qui ne relève pas de la compétence du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Je voudrais d'abord faire un petit commentaire et je passerai ensuite le dossier à mon collègue, si vous le permettez.

D'après ce que je sais, le ministère de la Santé a demandé des renseignements supplémentaires en ce qui a trait à la santé animale. Pour autant que je sache, ces données n'ont pas été déposées, ou bien ont été déposées mais n'ont pas encore été totalement évaluées. De toute façon, le dossier est toujours à l'étude à Santé Canada et aucune décision n'a été prise à ce jour.

[Traduction]

M. Mayers: En ce qui concerne la somatotropine, les problèmes actuels tournent autour de l'examen. Comme l'a dit mon collègue, cet examen se poursuit, et Santé Canada ne sera pas en mesure de prendre une décision tant qu'il ne sera pas terminé. D'ici là, le produit ne peut pas être employé au Canada.

[Français]

Mme Guay: Peut-on avoir une idée du temps qu'il faudra pour avoir les résultats de ces examens?

[Traduction]

M. Mayers: Malheureusement, je ne peux pas vous donner d'idée approximative du temps qu'il faudra, parce que cela dépend de la nature des renseignements fournis par l'auteur de la demande. Comme Santé Canada estime devoir prendre tout le temps nécessaire pour procéder à un examen complet et minutieux, nous n'avons pas fixé d'échéancier précis. L'examen prendra le temps qu'il faudra avant qu'on prenne une décision; il sera complet et minutieux.

.0910

[Français]

Mme Guay: D'après vous, le fait que les États-Unis l'aient introduite sur le marché va-t-il influencer fortement la décision du Canada, ou est-ce que le Canada va rester totalement indépendant de ce côté-là?

[Traduction]

M. Mayers: La décision sera prise de façon indépendante. L'examen du produit est terminé aux États-Unis, et le produit est sur le marché depuis quelque temps déjà, mais cette décision n'a pas influencé Santé Canada. Il nous restait des questions à poser à l'auteur de la demande, qui doit nous fournir les renseignements voulus. L'examen se poursuit donc au Canada et se déroule effectivement en toute indépendance.

[Français]

Mme Guay: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Guay.

[Traduction]

Je passe maintenant la parole à M. Lincoln, qui sera suivi par MM. Knutson, Steckle et Adams.

Monsieur Lincoln, je vous en prie.

M. Lincoln (Lachine - Lac-Saint-Louis): Tout au long des audiences, nous avons discuté des objectifs et des priorités en matière de biotechnologie. Nous nous sommes posé la question de savoir ce qui devrait être prioritaire. L'ensemble des témoins s'accordent à dire, je crois, que la santé humaine et la sécurité de l'environnement doivent être primordiales.

Hier soir, à la télévision, j'ai vu un reportage - il faut sans doute le prendre avec un grain de sel, car j'ignore si l'information est exacte - concernant les résidus de pesticides dans le vin. Il semblerait que la norme canadienne soit l'une des plus rigoureuses du monde, puisqu'elle est fixée à 1 p. 100 du contenu de la bouteille.

Le ministère de la Santé propose maintenant de multiplier ce pourcentage par 2,5, sous prétexte que c'est la norme chez nos concurrents étrangers. Les personnes interviewées, les viticulteurs en tout cas, se réjouissent parce qu'il leur serait plus facile ainsi de soutenir la concurrence internationale, sans compter que les règles relatives aux échanges internationaux nous y forcent presque.

C'est pourquoi je demande encore une fois quelle est la priorité. Est-ce le commerce extérieur et le comportement de nos concurrents, ou est-ce la santé humaine et la sécurité de l'environnement? Qu'est-ce qui guide nos ministères? Êtes-vous au courant de cela? Qu'est-ce qui pousserait à prendre une décision...? Je sais qu'un préavis sera publié, mais cela semble être la décision du ministère de la Santé.

M. Mayers: Les questions relatives aux résidus tombent sous le coup de la Loi et du Règlement sur les aliments et drogues. Les tolérances sont fixées en fonction des seuils de sécurité. La santé humaine préside donc aux décisions sur les résidus de pesticides.

Nous avons contracté des obligations au sein de l'Organisation mondiale du commerce. L'une de celles-là stipule que si nous fixons des normes différentes de celles de la communauté internationale, nous devons les justifier sur le plan scientifique. Si les tolérances canadiennes sont différentes des tolérances étrangères, elles doivent être justifiées par une évaluation du risque de cet élément pour la santé humaine. Avant d'apporter le moindre changement, une évaluation du risque doit être effectuée pour déterminer si ces limites peuvent être modifiées sans compromettre la santé.

.0915

M. Lincoln: Encore une fois, c'est aux défenseurs de la sécurité, semble-t-il, de prouver à l'Organisation mondiale du commerce que le seuil élevé est tout aussi sûr que le seuil plus bas. Pour la plupart des profanes, en ce qui concerne les pesticides, qui sont très toxiques et causent un grand nombre de problèmes insoupçonnés - à une certaine époque on faisait l'éloge du DDT - le seuil moins élevé est certainement plus sûr que l'autre.

D'après ce que vous dites, donc, c'est à nous de prouver que le seuil plus élevé est tout aussi sûr que le seuil qui l'est moins; est-ce que c'est bien ça?

M. Mayers: Il y a deux considérations.

Le Règlement sur les aliments et drogues prévoit une tolérance de résidus de 0,1 partie par million. Tous les produits chimiques agricoles doivent respecter cette tolérance, sauf indication contraire dans le règlement. L'évaluation du risque établit donc une tolérance pour un élément donné, et, si celle-ci est plus grande que 0,1 partie par million, c'est ce qui sera autorisé.

La tolérance de 0,1 partie par million est une tolérance générale. Elle permet d'utiliser un produit chimique agricole dans une proportion qui fera que l'aliment ne sera pas falsifié si le résidu tombe sous la barre générale de 0,1 partie par million. Toutefois, il est prévu d'évaluer la toxicité de certains composés pour fixer une tolérance particulière à ce composé.

M. Lincoln: Mais reconnaissez-vous que l'évaluation, comme on l'a déjà dit, est fondée sur les connaissances scientifiques du moment?

Il y a 20 ans, cette évaluation a abouti à une tolérance pour le plomb beaucoup plus élevée qu'elle ne le serait aujourd'hui. Nous l'interdisons aujourd'hui dans l'essence parce que nous avons appris finalement que le produit est très toxique et cause le cancer et d'autres maladies.

Et si l'on devait s'apercevoir que la tolérance pour le vin, multipliée par 2,5, était source d'une multitude de problèmes? Si l'on est passé de 1 p. 100 à 2,5 p. 100 et si l'on constate ensuite que tout le monde s'est trompé et que cette tolérance est trop élevée, est-ce qu'il ne sera pas trop tard? Ne vaudrait-il pas mieux combattre l'OMC pour prouver que la prudence est préférable?

M. Mayers: C'est la prudence qui nous guide, c'est certain, mais nous reconnaissons également qu'il faut pouvoir étudier les composés en fonction de leurs propriétés. C'est ce qui nous guide. Mon collègue, M. Morrissey...

Le président: [Inaudible - Éditeur]

M. Morrissey: Merci, monsieur le président.

Je vais faire une observation qui s'applique sans doute à toutes les lois qui portent sur le règne animal, y compris l'homme, et sur le règne végétal. La quasi-totalité de nos lois sont guidées par les principes de l'innocuité, de l'efficacité et de la qualité. Les termes changent un peu d'une loi à l'autre, mais les principes sont les mêmes et sont fondés sur la meilleure information dont on puisse disposer et sur ce qui est raisonnable.

.0920

À ma connaissance, ce principe est reconnu par l'Organisation mondiale du commerce. Un des rares obstacles au commerce acceptés, c'est que le produit doit être sûr. Si un pays a des motifs raisonnables d'agir autrement que les autres pays pour des raisons de sûreté et peut apporter des preuves raisonnables, l'OMC estime que c'est une des raisons valables d'agir autrement pour garantir la sécurité dans son pays.

Il y a dans le monde des associations qui ont des normes internationales en matière de sécurité. Pour la transmission des maladies animales, c'est l'Organisation internationale des épizooties. Pour les végétaux, il s'agit de l'Organisation nord-américaine pour la protection des plantes et de son équivalent européen, l'OEPP. Pour les aliments, c'est le Codex, dont vous avez entendu parler plusieurs fois ici.

Pour conclure, je dirai que lorsque de nouveaux éléments d'information apparaissent, c'est aux organisations gouvernementales de revoir la situation et de prendre une nouvelle décision au besoin.

Le président: Excusez-moi d'intervenir. C'est l'existence de l'information plutôt que la prudence qui semble guider le tout.

M. Lincoln: C'est exactement ce que je voulais montrer. Au Canada, à un moment donné, les autorités sanitaires ont établi un certain seuil d'innocuité. Si nous l'avons réétudié - et c'est là que je veux en venir - ce n'est pas parce que nous avons soudainement découvert qu'il ne correspondait plus à la protection de l'environnement ou de la santé humaine, mais bien parce qu'un concurrent a un seuil plus élevé établi pour des motifs commerciaux. Certains disent qu'il faut l'adopter, et non pas insister pour dire que le nôtre est meilleur et que l'OMC devrait l'adopter. Or, c'est à nous de prouver que 2,5 p. 100 n'est pas dangereux.

C'est quelque chose de tout à fait différent, selon moi. Il y a d'abord le principe de la prudence qui préside à la salubrité de l'environnement et de l'écosystème. Il y a aussi l'autre principe qui veut que tous les autres pays ainsi que les grands producteurs de vin, ce qui évidemment fait leur affaire... Les gros producteurs de vin ont énormément de poids à l'OMC, puisqu'ils produisent sans doute90 p. 100 du vin. La France, l'Italie et les autres utilisent la tolérance de 2,5 p. 100. Nous, qui avons choisi la voie de la prudence, nous trouvons ensuite dans la situation de devoir prouver que 1 p. 100, c'est trop. Puis il faudra passer à 2,5 p. 100. Lorsque nous constaterons que cette tolérance est peut-être trop élevée, il sera alors trop tard pour revenir en arrière.

Monsieur Mayers, comprenez-moi bien. Ce n'est pas vous que je critique. Je dis que ce qui guide notre régime, cela ne semble pas être le principe de la sécurité maximum.

Je vais m'en tenir à cela pour que mes collègues puissent poser leurs questions. En ce qui concerne l'évaluation, monsieur Morrissey, il est prévu dans la LCPE que tous les produits faisant l'objet de réglementations, d'évaluations et de fourniture de renseignements pour les besoins de l'importation ou de la fabrication en vertu de lois précises ne sont pas assujettis à la LCPE. Dans le cas contraire, c'est la LCPE qui s'applique. Qu'arrive-t-il dans le cas des lignes directrices? M. Bailey disait l'autre jour qu'on a de plus en plus recours aux lignes directrices. La loi oblige-t-elle à faire des évaluations aussi rigoureuses en vertu des lignes directrices qu'en vertu du règlement? Qu'arrive-t-il si un ministère qui publie des lignes directrices, et non pas un règlement, décide d'effectuer une évaluation moins rigoureuse ou de ne pas en faire du tout? Que prévoit la loi s'ils ont choisi d'avoir recours à des lignes directrices pour faire l'évaluation?

M. Morrissey: Il y a ici deux questions, si j'ai bien compris, monsieur le président. La première sur le principe de la prudence et l'autre sur le recours aux lignes directrices par opposition aux règlements.

.0925

En ce qui concerne la prudence, pour ce qui est des lois applicables aux animaux et aux végétaux, que je connais le mieux, elles existent depuis une centaine d'années et s'inspirent de ce principe. L'absence de connaissances parfaites n'est pas un prétexte permettant de ne rien faire. Si le ministre soupçonne une maladie, c'est-à-dire une perturbation des fonctions normales de l'organisme, et si le doute est raisonnable - je dis bien un doute, pas un fait avéré - alors le ministre peut intervenir.

Dans bien des cas de maladies animales ou végétales, on utilise un précipito-diagnostic, c'est-à-dire un test indirect. On ne découvre pas directement l'agent pathogène. On n'a donc pas davantage qu'un doute, mais des mesures sont néanmoins prises dans tous les cas en fonction de ce doute.

Quand on applique le principe de la prudence et que de nouveaux renseignements sont connus, cette nouvelle information peut montrer que nous avons péché par excès de prudence ou le contraire. Cela permet de prendre une nouvelle décision, qui peut se traduire par une tolérance plus rigoureuse ou plus souple.

L'autre question porte sur le recours aux lignes directrices plutôt qu'aux règlements de la LCPE. Tous les organismes gouvernementaux du monde ont recours à des lois, des règlements ou à d'autres textes. L'autre document s'appelle parfois directives du bureau, directives pour l'industrie, manuels ou lignes directrices. Ce sont habituellement des documents pratiques. Souvent, on publie d'abord les lignes directrices, et, si l'on constate qu'elles ne sont pas observées ou que le risque est plus élevé, on passe ensuite à un règlement.

Pour répondre à votre question, je crois que si l'on constatait qu'un élément des lignes directrices n'était pas respecté, on le mettrait dans le règlement.

M. Lincoln: Ce n'était pas ma question, monsieur Morrissey. Je sais qu'il y a gradation. S'il y a des lignes directrices avant un règlement, faites-vous l'évaluation de la même façon que le règlement et la loi vous y obligent?

M. Morrissey: Si vous examinez le règlement sur le point d'être publié pour l'agriculture, celui-ci exige les données de base concernant les renseignements fournis et l'évaluation. Autrement dit, on entend par là le qui, quoi, quand, où, pourquoi et comment de l'élément en question. Sur la foi de cette information, une décision est prise sur la connaissance et l'équivalence sur le fond. C'est-à-dire qu'en fonction de ce que nous savons et de l'équivalence sur le fond des données et de l'élément, on peut ou non demander de nouveaux renseignements.

C'est ce qui sert de base à la fourniture des renseignements et à l'évaluation. L'évaluation dans tous les cas est la même en ce sens que le produit doit être sûr et efficace avant d'être autorisé. La seule variable, c'est la quantité de nouveaux renseignements exigés, élément par élément.

M. Lincoln: Est-ce que c'est la même chose dans le cas des lignes directrices et du règlement?

M. Morrissey: Je vous dis qu'actuellement dans le règlement...

M. Lincoln: Cela, je le sais, monsieur Morrissey. Ce que je vous demande, c'est si les renseignements fournis et l'évaluation sont les mêmes dans le cas des lignes directrices plutôt que du règlement.

M. Morrissey: Dans le cas que vous avez évoqué, il n'y a pas de règlement et de lignes directrices distinctes. Une partie du règlement prévoit des renseignements à fournir et une autre une évaluation. Des lignes directrices donnent plus de détails et de précisions. En ce qui concerne l'information à fournir, les données de base, et la possibilité d'exiger des données supplémentaires, cela se trouve dans le règlement.

M. Lincoln: J'y reviendrai plus tard.

Le président: Merci, monsieur Morrissey.

Monsieur Mayers, voulez-vous terminer le tour?

M. Mayers: Oui, j'aimerais apporter une précision.

Les lignes directrices actuellement utilisées, aussi bien à Santé Canada qu'au ministère de l'Agriculture, d'après ce que je sais, ne sont pas distinctes du règlement. Les lignes directrices sont censées interpréter le règlement. Les lignes directrices sont donc «encadrées» par le règlement pour ce qui est de l'interprétation. C'est donc dire qu'en agriculture le non-respect des lignes directrices aboutirait à la non-homologation du produit et aurait donc le même effet, puisque ces lignes directrices sont assujetties au règlement lorsque l'on veut interpréter le règlement.

Le président: Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que les lignes directrices sont à un niveau plus bas que le règlement dans la hiérarchie.

M. Mayers: Oui. Elles se situent à un niveau inférieur, mais elles donnent des précisions à l'industrie sur la façon de respecter le règlement.

.0930

Le président: Merci, monsieur Mayers.

Monsieur Mahon.

M. Mahon: Je voudrais revenir sur la comparaison entre les lignes directrices et le règlement, et la comparaison avec la LCPE, le principe de la prudence.

Comme les membres du comité le savent, ce principe de la prudence est un des éléments clés de la LCPE reliés aux produits issus de la biotechnologie; ce qui est prévu pour l'évaluation, c'est qu'un produit qui a ou qui peut avoir un effet nocif... Et cela, par définition, suppose l'application du principe de la prudence en ce que vous devez déterminer s'il a ou peut avoir un effet négatif et intervenir en fonction du «peut», ce qui est le principe de la prudence.

Je précise que les quatre lois qui régissent l'agriculture et dont M. Morrissey a parlé incorporent ces dispositions dans le règlement. Elles constituent l'aboutissement de l'évaluation. Les avant-projets de loi dont j'ai pris connaissance précisent que le ministre doit faire une évaluation de la toxicité telle qu'elle est définie dans la LCPE, qui incorpore l'élément «qui a ou peut avoir un effet nocif sur l'environnement». Cette conclusion varie d'un produit à un autre. En vertu de la LCPE, par définition, et c'est la loi qui l'exige, nous devons énumérer toutes nos exigences en matière de renseignements à fournir dans le règlement, comme vous le savez, je crois.

Il y a des discussions entre les deux ministères - ce sera public plus tard - en vue de consultations concernant le dosage entre le règlement et les lignes directrices qui doit être retenu pour les autres lois.

Ce que M. Lincoln disait porte sur le fondement juridique. En loi, une ligne directrice signifie qu'il n'y a pas de variabilité. La différence, c'est que dans la LCPE il y a variabilité. Il y a une dispense prévue dans la LCPE qui permettrait aux gens de ne pas avoir à fournir de renseignements, mais c'est une marche à suivre distincte. L'auteur de la demande doit demander l'autorisation s'il ne veut pas fournir certains renseignements.

Ce n'est pas précisé de façon aussi claire dans les lois sur l'agriculture, mais il y a variabilité entre les deux lois dont on pourra s'accommoder. On peut atteindre le même degré de certitude. Ce qui compte, c'est que l'aboutissement soit le même. L'aboutissement est le même entre les lois sur l'agriculture et la LCPE. Ce qui reste à débattre, c'est la clarté du processus pour y arriver. Merci.

Le président: Merci. Cela a été très utile.

Je donne la parole à M. Knutson, suivi de MM. Steckle et Adams et de Mme Payne.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Merci beaucoup, monsieur le président.

Comme je l'ai dit, je suis membre de fraîche date du comité et j'aimerais que vous me décriviez brièvement l'ensemble des règlements qui sont sur le point d'être publiés. En termes généraux, comment amélioreront-ils la sécurité de l'environnement par rapport au régime actuel?

M. Morrissey: Merci, monsieur le président. Je vais commenter la question, puis je céderai la parole à Margaret Kenney, si vous le voulez bien.

Deux mesures sont prises à propos du règlement dans le but d'étendre - pour reprendre les termes de la LCPE - l'évaluation des substances nouvelles. Par le passé, il s'agissait de nouvelles entités biologiques venant de l'extérieur du pays ou, par exemple, de nouveaux vaccins fabriqués ici. Le but était de préciser que les lois et règlements existants s'appliquaient aux substances nouvelles d'origine biotechnologique. Nous avons déjà apporté un changement au règlement, c'est-à-dire la définition de la biotechnologie, pour que l'on sache bien que c'est de cela qu'il s'agit. La deuxième série de changements précisera les exigences en matière de renseignements à fournir pour l'évaluation environnementale.

Mme Kenney: Comme M. Mayers l'a dit tout à l'heure, les lignes directrices sont en fait encadrées par le règlement. Mais comme ce règlement n'existe pas encore, nous travaillons vigoureusement aux lignes directrices. Cela signifie que certaines des industries avec lesquelles nous collaborons le font de leur propre chef. C'est pourquoi il est très important de faire publier le règlement dans la Gazette du Canada pour que ces dispositions ne soient plus facultatives et que nos lignes directrices soient fermement encadrées par le règlement.

.0935

M. Knutson: J'aimerais passer à autre chose. J'ai soulevé la question du témoignage du professeur Leiss, de l'Université Queen's. Pour moi, il a dit essentiellement deux choses.

D'abord, par exemple, lorsque nous introduisons un gène du scorpion dans un virus pour lutter contre la tordeuse des bourgeons, nous faisons quelque chose de radicalement différent de la science traditionnelle, de ce que Mendel a fait dans son monastère lorsqu'il sélectionnait des fleurs - je ne sais pas de quoi il s'agissait... des drosophiles, ou je ne sais quoi - lorsque l'on transfère des gènes d'un organisme à un autre, peu importe si on est prudent... Comme nous sommes à la fine pointe de la science, il y a un élément d'inconnu. Le risque est d'un tout autre ordre de grandeur.

C'est davantage une observation sur la nature du risque - et cela découle du problème fondamental de la nature de la connaissance - que sur...

Je crois qu'il aborde la question fondamentale de savoir ce qu'est la science. C'est l'un des deux principaux arguments qu'il avance, je crois. Parce que nous sommes dans un domaine où le risque est plus grand, il faut envisager un nouveau régime réglementaire, et il va peut-être jusqu'à dire qu'il faut une loi distincte qui porte uniquement sur les produits transgéniques.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Morrissey: Merci, monsieur le président. Je vais répondre aux deux questions, si vous me le permettez, et puis je demanderai à mes collègues de donner des précisions.

Pour ce qui est de la combinaison scorpion-virus et de s'en servir pour combattre la tordeuse des bourgeons de l'épinette, j'ai deux choses à dire. D'abord, Bill a parlé des quatre phases de la biotechnologie dont j'ai moi-même parlé lorsque j'ai comparu devant le comité il y a quelque temps. J'ai dit que, pour sa part, il les aurait décrites en quatre paragraphes distincts, comme je l'ai fait, mais il aurait établi d'autres distinctions pour la quatrième phase, c'est-à-dire la biotechnologie transgénique, ce dont nous parlons ici. C'est son avis, et je le respecte.

Si le comité m'avait demandé où moi je tire la ligne, j'aurais en fait tiré deux lignes. La première au moment où l'humanité a commencé à sélectionner les plantes pour par exemple augmenter la taille des fraises. Dès les premiers essais, je suis certain qu'on a vu là un changement aux conséquences énormes. C'est ici que je tirerais la première ligne.

M. Knutson: À quand cela remonte-t-il?

M. Morrissey: Je dirais peut-être à il y a dix mille ans, il y a très longtemps.

Mais en ce qui concerne le changement représenté par ces quatre étapes, moi, j'aurais tiré la première ligne à cet endroit.

La deuxième, c'est au moment où Crick et Watson et Jacob et Monod ont jeté les bases du génie génétique, l'idée de transférer un gène plutôt que d'en transférer entre 20 000 et 50 000, la précision du travail. Personnellement, je n'aurais pas établi de sous-catégorie entre deux espèces et entre des espèces multiples parce que l'information dont nous commençons à disposer, grâce à la cartographie du génome de la levure, c'est que nous sommes beaucoup plus semblables, non seulement les uns entre les autres, mais aussi entre nous et la levure, par exemple, ou entre la levure et les végétaux que quiconque ne l'aurait cru il y a dix ans. Il semble que tous ces gènes viennent de quelque chose de très répandu et qui est resté à peu près tel quel, ce qui fait que notre lot commun de gènes remonte peut-être à un point d'origine dont nous ne sommes pas tellement éloignés.

Ma deuxième observation porte sur la recommandation de Bill, qui propose une nouvelle loi sur les produits transgéniques. Si vous lisez un livre sur les modèles d'organisation comme celui de Hodgetts sur l'appareil étatique canadien... il parle de quatre grands principes d'organisation qui pourraient s'appliquer à la réglementation de la biotechnologie.

D'abord par produit. L'administration canadienne a privilégié par exemple une organisation par produit: agriculture, poisson, forêt, mine, etc.

Un autre, c'est par processus. Il pourrait y avoir un ministère des Sciences, un ministère de la Biotechnologie. C'est une façon d'organiser les choses.

.0940

Un autre encore, c'est l'emplacement. Il pourrait y avoir un ministère des Affaires du Nord.

Un autre, c'est les gens.

Voilà les quatre principes. Il pourrait y avoir un ministère de la Justice où tous les avocats seraient logés dans un seul ministère. Ce qui est important, c'est qu'une fois que l'on s'est organisé en fonction de l'une de ces catégories on a exclu les trois autres. Il y a trois points de contact imparfaits, et il faut en assurer la coordination.

Le gouvernement du Canada semble s'être organisé essentiellement en fonction du produit, et l'on donne aux ministres tous les outils nécessaires pour contrôler ce produit. Par exemple, si l'on confie au ministre de l'Environnement la responsabilité d'un secteur précis de l'environnement, ce ministre dispose de tous les biotechnologistes ou des entomologistes ou autres spécialistes dont il a besoin, mais les autres ministres ont également accès à la science pour assurer la mise en oeuvre de leurs programmes.

Mon argument, relativement à la suggestion de Bill, c'est qu'il n'a respecté aucun de ces principes. Il n'a pas organisé par produit, par emplacement, par processus ou par groupe de personnes. Il a plutôt proposé d'organiser en fonction d'un sous-ensemble de procédés. Autrement dit, un secteur de la biotechnologie, celui des procédés transgéniques, ferait l'objet d'une loi séparée, de règlements séparés, et serait doté d'un personnel séparé dans une organisation séparée. Ainsi, il n'y aurait pas seulement trois tâches de coordination, qui existeraient de toute manière dans les organisations de type traditionnel, mais il y en aurait une cinquième, une cinquième dimension.

M. Knutson: J'y arrive justement. C'est le deuxième volet de ma question. Mais au moins, d'après mon interprétation, son argument est fondé sur deux éléments de base. Le premier est que les techniques transgéniques, parce qu'elles sont nouvelles, représentent un risque plus élevé, et j'ai le sentiment que vous n'acceptez pas ce point de départ.

M. Morrissey: Je ne l'accepte pas, pas plus que je ne le nie. Mon point de vue, c'est que toutes ces nouvelles entités sont nouvelles par définition. Certaines, même sélectionnées selon les méthodes traditionnelles, peuvent comporter un risque important, tandis que d'autres ont un risque moindre. J'en reviens à l'intention originelle de ces lois qui nous ont assez bien servis depuis un siècle. Elles visent toute nouvelle entité et en réglementent la sécurité, l'efficacité et la fraude éventuelles.

M. Knutson: Il arrive parfois que nous fassions des pas de géant, comme dans le cas de Watson ou de Crick, ou encore de l'invention de la bombe atomique. On pourrait par exemple avoir un régime applicable aux armes. L'évolution a été continue jusque vers les années 40; nous sommes passés de la poudre à canon à une poudre plus puissante et à d'autres armes encore plus puissantes, puis nous avons inventé la bombe atomique. Je pense que vous conviendrez avec moi que l'on ne saurait avoir le même régime de réglementation pour régir l'entreposage des armes avant et après l'invention de la bombe nucléaire, parce que nous avons franchi un pas décisif. Je suppose que son argument, c'est que nous avons franchi un pas décisif qui justifie que l'on élève les risques.

M. Morrissey: Je ne devrais peut-être pas dominer la conversation. Quelqu'un d'autre veut-il répondre?

M. Knutson: Monsieur Mayers?

M. Mayers: Merci, monsieur le président. La capacité de transférer des gènes uniques, par opposition à des milliers de gènes, est considérée par certains comme un pas décisif. Et pour la plupart, l'élément décisif n'est pas le fait qu'on puisse le faire si précisément, c'est plutôt la provenance des gènes en question, car, comme vous l'avez dit, on peut aller les chercher dans une autre espèce.

Mais je crois que l'observation de mon collègue, qui a dit qu'il y avait beaucoup plus de similitudes que de différences entre les espèces, est également importante, car cela montre bien que notre matériel génétique est en fait le même. Par conséquent, le matériel génétique d'un poisson, d'une plante, d'une bactérie ou d'un être humain est toujours le même, et, dans bien des cas, ce matériel génétique est même codé en fonction des mêmes enzymes, peu importe dans quelle espèce.

Cette similitude entraîne une certaine prévisibilité. Pour reprendre votre exemple, nous savons comment l'ADN qui provient du scorpion fonctionnera, car, peu importe sa source, l'ADN est toujours le même. Il y a donc une certaine prévisibilité. Par conséquent, dans le cadre de l'évaluation de la sécurité, on peut tenir compte de ce développement, comme on l'a fait pour d'autres développements peut-être plus spécifiques à l'espèce.

.0945

M. Mahon: Premièrement, M. Leiss a traité du risque - en fait de deux sortes de risques différents.

Il y a d'abord l'évaluation de ce que nous appelons le risque scientifique, le risque que présente un produit. Je crois toutefois que ces observations portaient plutôt sur le deuxième type de risque, à savoir le risque mettant en cause la confiance du public, le risque que cette éventuelle perte de confiance fait courir au gouvernement, à ses politiques et à l'économie, car les manipulations transgéniques suscitent énormément d'inquiétude. Je crois que ce risque est très élevé dans l'esprit de M. Leiss et que cela explique peut-être bien pourquoi il recommande une entité séparée.

Mettons cela de côté et passons au risque des manipulations transgéniques. Prenons un organisme bien connu, le canola. On en a fait l'évaluation, et la plante ou le produit est maintenant largement répandu, et le niveau de risque est bien établi. Quand on insère un nouveau gène dans une plante ou dans un organisme quelconque, trois choses peuvent arriver.

Il y a premièrement le gène lui-même. Si l'on insère un gène porteur du code d'une toxine, on a un risque déterminé associé à cette toxine. Il faut en tenir compte dans l'évaluation du risque. Mais deux autres choses peuvent arriver. En insérant ce nouveau gène, on peut, par inadvertance, activer ou désactiver quelque chose d'autre dans la plante. C'est le risque imprévu. Oui, il y a une mince possibilité qu'une telle chose puisse arriver, mais les conséquences sont prévisibles en ce sens que si l'on change la biologie de l'organisme en désactivant un élément important, on peut le déceler, car la biologie de l'organisme change. Il y a donc une possibilité décroissante que quelque chose de totalement inhabituel se produise.

Le risque n'est jamais nul, mais il devient de plus en plus mince à mesure que l'on connaît mieux la biologie de l'organisme en question. Les connaissances sont cumulatives à ce niveau de risque, et je crois que c'est ce que M. Morrissey voulait dire quand il a dit que nous savons ce que nous faisons et que nous accumulons des connaissances qui nous permettent de dire que si telle ou telle chose arrive, il faut vérifier ce qui se passe dans tel ou tel aspect.

M. Knutson: Je vais passer à ce qui me semblait être son deuxième point, à savoir quel ministère du gouvernement devrait assumer la responsabilité à l'égard de ces substances.

L'argument fondamental que j'ai entendu, c'est que certains ministres, ministères ou services ont comme objectif primordial le développement économique; Industrie Canada en est un exemple, de même qu'Agriculture Canada. Pour ces deux ministères, les questions de santé ne sont donc pas aussi primordiales que pour le ministère de la Santé; ils ne se préoccupent pas non plus des questions environnementales autant que le ministère de l'Environnement, en dépit de leurs bonnes intentions.

Quand un ministre arrive au bureau le matin et se dit: ma tâche, c'est de faire baisser le taux de chômage, ou bien d'augmenter les exportations agricoles pour les faire passer de 14 à 20 milliards de dollars, ce ministre se met à la tâche dans un état d'esprit bien différent de celui du ministre de la Santé. Je ne veux dénigrer aucun des titulaires actuels ou passés de ces postes; cela tient simplement à la nature des gens et des organisations.

Son argument est que si nous devons faire de la santé la principale préoccupation, alors l'introduction de produits nouveaux dans notre société devrait relever ou bien du ministère de la Santé, ou bien du ministère de l'Environnement, mais pas d'une organisation à vocation économique, même si les aspects économiques sont fort importants.

Monsieur Morrissey, je voudrais savoir ce que vous en pensez.

M. Morrissey: Merci, monsieur le président. J'ai trois observations à faire.

Premièrement, sauf erreur, à peu près tous les ministères du gouvernement du Canada qui sont axés sur un produit - l'agriculture, le poisson, les forêts, la santé, etc. - ont un mandat qui est une composante du mandat du gouvernement du Canada. Chacun d'eux, dans son secteur de compétence, doit faire diligence et travailler pour le mieux-être des Canadiens.

.0950

Santé Canada, par exemple, fait la promotion de la santé chez les êtres humains, et joue donc un rôle pour ce qui est de promouvoir le bien-être des Canadiens en matière de santé, mais joue aussi un rôle de réglementation des vaccins destinés à protéger la santé humaine, par exemple. De même, le ministre de l'Agriculture doit veiller à assurer le bien-être des Canadiens, dans la mesure où il doit assurer une chaîne alimentaire sûre et saine, veiller à l'intendance du sol, etc. Mais ce ministre assume également une responsabilité relativement à la sécurité des vaccins pour animaux, par exemple. Si l'on prend Environnement Canada, le ministre a une responsabilité sociale similaire pour ce qui est d'assurer le bien-être des Canadiens dans leur environnement, mais on peut également dire qu'il est le porte-parole de la communauté des environnementalistes, ou bien qu'il s'occupe de promouvoir l'industrie de la lutte contre la pollution, par exemple.

Donc, la plupart des ministères qui me viennent à l'esprit ont ces deux fonctions, et, à mes yeux, le bien-être des Canadiens n'entre pas nécessairement en conflit avec la mise au point de vaccins qui pourraient favoriser un meilleur état de santé.

Par ailleurs, je voudrais faire observer que pour promouvoir le mieux-être, que ce soit la santé des sols, des récoltes, des animaux ou des êtres humains, tout intervenant ne dispose en fait que de trois techniques: l'intervention physique, l'intervention chimique et l'intervention biologique, que ce soit pour la santé des humains ou des plantes. Dans l'état actuel des connaissances, on incline à croire que ce ne devrait être aucun de ces éléments, que rien de tout cela ne favoriserait probablement une seule et unique méthode de contrôle physique, chimique ou biologique.

Dans le domaine que je connais le mieux, on parle de gestion intégrée des parasites. On utilise les trois méthodes de manière à s'ingérer le moins possible dans les processus naturels.

Ma dernière observation, c'est que les lois que le Parlement a adoptées pour habiliter ces ministres, en tout cas mon ministre, celui de l'Agriculture, portent sur la sécurité, l'efficacité et la fraude. Les tâches que le Parlement a confiées au ministre portent sur ces domaines précis, et je suppose que c'est à cet égard que l'on tiendra responsables le ministre et nous, ses employés.

M. Knutson: Croyez-vous que le fait de transférer la réglementation des pesticides d'Agriculture Canada à Santé Canada a fait une différence?

M. Morrissey: J'ai lu le compte rendu du débat sur les pesticides. J'ai participé au dossier à cette époque et je sais de quoi il retourne. En tout cas, j'ai une idée de ce qui s'est passé, parce que j'étais présent.

J'ai l'impression que ce qui s'est passé à l'époque, c'est qu'on a retiré du marché un pesticide particulièrement important. Les agriculteurs en avaient besoin et étaient déçus que le ministre de l'Agriculture n'ait pas maintenu ce pesticide sur le marché. Ce sont donc les milieux agricoles eux-mêmes qui ont demandé une révision du processus d'homologation des pesticides. J'ai l'impression que les agriculteurs étaient d'avis que le ministre n'était pas suffisamment sensible à leurs besoins, ce qui ne revient pas à dire que le ministre était en conflit d'intérêts, bien au contraire.

On a donc rouvert le dossier, et j'ai l'impression qu'un groupe dans la société canadienne estimait que les pesticides ne devraient pas être réglementés par Agriculture Canada, qu'un autre groupe préférait que ces produits ne soient pas réglementés par Environnement Canada, et qu'on a donc fait un compromis en désignant Santé Canada.

M. Knutson: Et à votre avis...?

M. Morrissey: Vous me demandez si tel était mon avis?

M. Knutson: Non, je vous demande si, à votre avis, c'était une bonne idée.

M. Morrissey: Oui, ce l'était à l'époque, parce que les parties qui étaient touchées par cette décision, qui avaient un intérêt en jeu dans la logique de l'affaire - était-ce la solution magique logique? - et qui étaient directement touchées - était-ce une solution acceptable pour les divers groupes d'intérêts dans la société? - étaient toutes représentées autour de la table au cours du processus d'examen de l'homologation des pesticides. Parce qu'il y avait consensus parmi les Canadiens, du moins parmi ce groupe représentatif des Canadiens, il était difficile de réfuter les arguments qui militaient en faveur de cette décision.

M. Knutson: Mais votre justification semble temporaire, puisqu'elle est fondée seulement sur les facteurs qui étaient en jeu à ce moment précis. Je vous demande si, à long terme, il est logique à votre avis que les pesticides soient régis par Santé Canada.

M. Morrissey: Monsieur le président, j'en reviens aux principes de base. On peut organiser en fonction de l'emplacement, du produit, du processus ou des gens. Dans ce cas précis, le dossier est confié au ministère de la Santé, et je soupçonne que c'est en raison du produit.

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Je soupçonne que dans l'esprit des gens ce produit était lié à la santé humaine, que c'était un agent qui, en dernière analyse, pouvait influer sur la santé humaine. Rappelez-vous que les lois portent sur la sécurité - ce qui est un autre terme pour dire la santé - , l'efficacité et l'étiquetage. J'ai le sentiment qu'à ce moment-là on se préoccupait de façon primordiale de la santé humaine plutôt que de la santé de l'agriculture, c'est-à-dire des sols, des récoltes, etc. On aurait donc pu argumenter dans un sens comme dans l'autre. On aurait pu plaider pour la santé des récoltes ou la santé humaine en tablant sur l'exposition à ce produit et les traces résiduelles dans les aliments.

M. Knutson: Donc, en 1996, cela n'a pas vraiment d'importance.

M. Morrissey: Je dirais que cela avait beaucoup d'importance.

M. Knutson: Mais je veux dire aujourd'hui.

M. Morrissey: Non, je dirais que cela a encore beaucoup d'importance. C'est important si l'on se place du point de vue des Canadiens et que l'on s'interroge sur les avantages fondamentaux de cette technique précise et sur son coût. Contre quoi les Canadiens veulent-ils être protégés? Le consensus émanant de ce groupe tournait essentiellement autour de la santé. Voilà donc pour l'aspect logique de l'équation, mais je crois que l'autre aspect est tout aussi important, et je veux parler de l'acceptation. D'après ce que je pouvais voir, il y avait autour de la table des parties qui préféraient que ce ne soit pas l'Agriculture ou l'Environnement, selon le cas, qui réglemente ce produit et qui préféraient que ce soit Santé Canada.

M. Knutson: Je voudrais revenir...

Le président: Monsieur Knutson, vous aurez de nouveau la parole au deuxième tour.

Monsieur Steckle, suivi de M. Adams, Mme Payne, la présidence, et ensuite nous passerons au deuxième tour.

M. Steckle (Huron - Bruce): Ma question s'adresse à M. Morrissey.

Nous avons trois ministères représentés ici ce matin, et ce n'est pas la première fois que vous venez ici. Je vais poser mes questions dans une perspective rurale. Je suppose que la communauté agricole tient à ce que quelqu'un au comité soulève ces questions.

Une question a fait surface tout récemment - et je regrette de ne pas avoir apporté ce document ce matin. Il s'agit du changement d'étiquetage de l'ammoniac anhydre, qui est une forme d'azote utilisé par les agriculteurs. On passerait de «produit corrosif» à «poison», ce qui a des conséquences graves sur le plan de la perception.

Quand on voit un tracteur qui tire une citerne d'anhydre dans les rangs et qu'on voit le mot «poison» inscrit en gros sur la citerne, quel est le message que cela transmet? Ce produit est transporté sur nos routes; or, c'est un produit qui peut être dangereux s'il n'est pas manipulé avec soin, mais il n'est assurément pas considéré comme un poison au même titre que d'autres produits qui sont des poisons. Je crois savoir que c'est l'industrie qui s'en occupe actuellement. Comment en est-on arrivé là, si tel est bien l'aboutissement, et comment remettre en cause et annuler cette décision pour aboutir à une conclusion raisonnable?

M. Morrissey: Monsieur le président, je ne connais pas ce dossier et je ne suis donc pas compétent pour me prononcer. Peut-être mes collègues en savent-ils plus long que moi.

Mme Kenney: Je crains de n'en connaître que les grandes lignes. Nous croyons savoir que l'affaire fait actuellement l'objet de discussions avec Environnement Canada, et nous nous attendons à une conclusion satisfaisante très bientôt. C'est tout ce que je sais pour l'instant.

M. Steckle: Vous dites «une conclusion satisfaisante», mais pour qui? Pour un environnementaliste, ou bien pour quelqu'un qui ne voudrait pas voir l'étiquette «poison» apposée sur ce produit? Cela dépend du point de vue.

Je parle au nom de milliers d'agriculteurs. Si vous ne connaissez pas le dossier, veuillez vous renseigner, et faisons quelque chose, car il ne faut pas prendre cela à la légère. C'est très sérieux, probablement tout aussi sérieux que tout ce dont on a discuté jusqu'à maintenant.

On parle beaucoup de théorie ici. Au bout du compte, je ne suis pas certain qu'il y a vraiment consensus. Sur certaines questions, il y a des désaccords que nous n'avons pas encore réussi à aplanir. Après les discussions du mois dernier sur la biotechnologie, nous n'avons toujours pas réussi à conclure dans un sens ou dans l'autre.

Quoi qu'il en soit, nous avons ce matin des représentants des ministères. Au sujet des pesticides, le ministère de l'Agriculture est déterminé à se charger de l'examen des pesticides, à rendre la tâche plus facile aux agriculteurs en accélérant le processus d'homologation et en évitant de faire double emploi avec le processus d'homologation des États-Unis. Il faut veiller à mettre en place toutes sortes de sauvegardes, mais nous ne devrions pas faire la même chose à répétition. Le ministère de l'Agriculture s'en occupe. Nous avons pris ces engagements dans nos promesses électorales envers les agriculteurs du Canada.

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Voici maintenant que Santé Canada s'en mêle. Comment pouvons-nous aboutir à ce qui nous semble être la conclusion logique, c'est-à-dire l'homologation plus rapide des produits, alors que nous avons maintenant deux ministres, l'un qui a pris un engagement envers les Canadiens et l'autre, à des degrés divers, envers les intérêts particuliers des intervenants? Comment concilier tout cela?

M. Morrissey: Je pourrais peut-être faire une première observation, monsieur le président, après quoi l'un des mes collègues pourrait donner des détails.

Quand les pesticides étaient régis par l'Agriculture, nous avons fait des démarches auprès des États-Unis, non pas pour obtenir des décisions identiques sur les pesticides, mais au sujet d'une évaluation scientifique objective des aspects relatifs à la santé et à la sécurité, afin de voir si nous pouvions nous partager la charge de travail. Au début, nous avions l'impression que les États-Unis étaient moins intéressés que nous. Nous étions une quantité négligeable, tandis qu'ils étaient une grande puissance dans ce domaine et j'ai l'impression que nous avions peut-être davantage besoin d'eux qu'eux de nous.

Toutefois, à peu près au moment où le président Carter s'est mêlé personnellement du dossier de l'ALENA pour le faire adopter par l'organe législatif aux États-Unis, nous, au niveau de la base, avons remarqué un changement radical dans la réaction de nos vis-à-vis américains. Ils sont devenus beaucoup plus intéressés à collaborer avec nous.

Mon expérience personnelle ne va pas plus loin. À ce moment-là, j'ai cessé de m'occuper des pesticides et c'est Santé Canada qui a hérité du dossier. Je pourrais peut-être demander à Paul et à mon collègue de l'environnement, Des, s'ils ont quelque chose à ajouter.

M. Mayers: Au sujet des produits de lutte antiparasitaire, il y a eu assurément une bonne collaboration entre nous et nos collègues dans les principales régions commerçantes, surtout les États-Unis. Dans plusieurs domaines, notamment l'élaboration de lignes directrices et de critères précis pour l'évaluation de produits, cela s'est fait en consultation avec des experts non seulement du Canada mais aussi des États-Unis et de l'Europe. Ils ont participé aux discussions et se sont montrés intéressés à harmoniser les critères dans toute la mesure du possible, afin que le proposeur d'un produit puisse préparer une seule série de données pour répondre aux attentes de toutes les autorités des pays dans lesquels il veut faire homologuer son produit.

M. Mahon: Je pourrais donner un exemple d'un secteur différent dont je suis chargé, à savoir les nouveaux produits chimiques. Nous avons commencé il y a trois ans à essayer d'obtenir la collaboration des États-Unis, de manière que les Américains nous envoient leurs évaluations, non pas la conclusion, mais l'évaluation d'un nouveau produit chimique. À cause du cadre juridique des États-Unis, il a fallu trois ans pour obtenir un accord. S'ils nous les font parvenir, nous sommes une tierce partie et, en conséquence, chacun peut en prendre connaissance aux États-Unis. Il a fallu un temps phénoménal pour parvenir à convaincre l'industrie américaine de donner la permission au gouvernement des États-Unis de nous envoyer leurs évaluations pour qu'on en fasse usage.

Pour parvenir à l'harmonisation et éviter les dédoublements, il faut répondre à deux exigences. Premièrement, il faut que les gens demandent les mêmes renseignements. Deuxièmement, il faut interpréter ces renseignements de la même manière. Ce que nous envisageons actuellement, c'est d'établir que nous demandons les mêmes renseignements, de voir comment les États-Unis les ont interprétés, et ensuite de comparer avec ce que nous faisons en nous demandant si nous arrivons aux mêmes réponses pour les mêmes raisons. Quand ces deux principes auront été établis, on pourra dire qu'il importe peu de savoir qui se charge de faire les évaluations, parce que nous les faisons de façon absolument identique.

C'est bien facile de dire qu'il faut harmoniser. C'est incroyablement difficile à accomplir concrètement. Nous tenterons de faire la même chose dans le domaine de la biotechnologie, qui touche à la lutte antiparasitaire, du moins dans les cas des pesticides qui relèvent de la LCPE, mais peu importe les efforts que nous déploierons, cela n'arrivera pas du jour au lendemain.

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Ni les États-Unis ni le Canada ne peuvent se permettre de renoncer totalement à leur souveraineté et de dire qu'ils accepteront automatiquement les résultats de l'autre pays, mais nous essayons de parvenir à un accord avec les États-Unis et avec l'Union européenne. Il faut espérer qu'à un moment donné, tout sera harmonisé au sein de l'OCDE, de manière qu'on puisse obtenir une évaluation générique qui serait faite par l'un ou l'autre des pays producteurs et qui serait acceptable à tout pays tiers.

Mme Kenney: J'ajouterais que, comme l'ont décrit les représentants de Santé Canada, aux termes de la législation agricole que nous sommes chargés d'appliquer, les lignes directrices elles-mêmes ont été élaborées de concert avec les organismes internationaux qui ont entrepris de rédiger ces lignes directrices. C'est pourquoi nous voyons au Japon, par exemple, émerger de nouvelles lignes directrices qui ressemblent beaucoup à celles du Canada. Les compagnies qui sont venues au Canada et aussi aux États-Unis et en Europe ont constaté, comme vous l'avez déjà entendu au comité, qu'elles peuvent souvent utiliser une seule série de données qui est valable dans tous les pays.

M. Morrissey: Je voudrais revenir sur un point que Des a soulevé et qui me semble très important. En supposant que nous harmonisons les exigences relatives aux données qu'une compagnie doit remettre et en supposant que nous harmonisons l'évaluation scientifique - c'est-à-dire quel est le degré du risque et dans quel domaine - cela n'impose nullement à un pays quelconque l'obligation de prendre des décisions identiques à partir de cette évaluation.

Par exemple, un pays pourrait décider d'être plus prudent quant au risque, de n'accepter qu'une incertitude plus limitée, et d'imposer des conditions plus contraignantes. Ainsi, s'il est possible de normaliser le système et de le garder simple et moins coûteux, cela n'impose pas aux pays en cause de prendre les mêmes décisions en fonction des mêmes données.

M. Steckle: Étant donné que nous devons faire des conjectures et que nous avons deux régimes, un système américain et un système canadien, à votre avis, est-il envisageable qu'à court terme, l'un et l'autre de ces régimes soient disposés à renoncer à certaines prérogatives pour que nous en arrivions à une conclusion commune? Il y a ici des ministères qui doivent protéger leur territoire. Comme il y a manifestement des petites guerres de territoire, sommes-nous disposés à faire passer l'intérêt public avant l'intérêt du ministère?

C'est une question politique, mais je crois que c'est une question que l'on pose constamment dans le secteur que je représente.

M. Morrissey: À mes yeux, c'est une question raisonnable, monsieur le président, et je distingue deux volets, l'un international et l'autre national.

J'ai le sentiment que ce sera possible. Je suis optimiste, mais je pense qu'il sera possible d'en arriver à des normes communes pour les données à l'échelle internationale ainsi qu'à des présentations identiques à l'échelle internationale, ne serait-ce que parce qu'il est trop coûteux de mettre au point ces présentations. Comme la plupart des normes internationales, celles-ci seront probablement assorties d'une réserve permettant à un pays de faire valoir des besoins spéciaux. Par exemple, nous sommes un pays nordique et nous pouvons avoir des exigences spéciales relativement au froid. Ce serait autorisé, mais les données fondamentales seraient les mêmes.

À l'intérieur du Canada, je crois que c'est déjà arrivé. Par exemple, nous nous sommes entendus entre les ministères représentés ici même sur la définition de biotechnologie et de produits toxiques. Nous nous sommes également entendus sur les données nécessaires pour faire ces évaluations. La formulation peut changer d'un ministère à l'autre, mais nous nous sommes entendus sur le fond, qui est identique.

M. Steckle: Mon collègue M. Lincoln a touché ce matin un sujet que je trouve assez intéressant. À titre de consommateur, il y a une chose qui est très souvent primordiale pour prendre certaines décisions. Il s'agit de l'aspect économique. On a parlé de traces résiduelles, et mon collègue a fort judicieusement posé la question suivante: si les Canadiens décident qu'il ne faut pas rehausser le niveau de résidus dans le vin au-dessus de 1,5 p. 100 ou 1 p. 100, je ne sais trop quel chiffre il a proposé, pour le porter à 2 ou 2,5 p. 100, comment allons-nous convaincre les Canadiens, même si c'est à leur détriment à long terme, de ne pas acheter de vins européens ou californiens, qui sont produits selon des normes différentes?

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À titre d'exemple, la récolte de maïs en Ontario en 1993-1994 a été désastreuse. Nous avons dû importer de grosses quantités maïs des États-Unis, comme cela nous arrive de temps à autre. Ce maïs avait été traité avec un produit chimique qu'on appelle Accent. Bon nombre de fournisseurs avaient utilisé ce produit. Nous n'avons pas le droit d'utiliser ce produit au Canada, et pourtant, nous savons qu'il est importé illégalement de temps à autre. C'est excellent pour le désherbage.

Nous avons un produit semblable que nous pouvons utiliser ici. Il contient certains éléments qui sont les mêmes. Il s'appelle Ultim. Mais il y a quelque chose dans ce produit qui tue le maïs dans certaines conditions climatiques, ou à tout le moins, sa croissance s'atrophie. Nous aimerions utiliser l'Accent au Canada, mais à cause de certains règlements, c'est impossible. Nous savons que ça marche, mais les fermiers... Et pourtant, nous achetons du maïs traité à l'Accent aux États-Unis. Nous achetons des flocons de maïs qui sont faits de ce maïs-là. Nous ne contestons pas du tout le fait qu'on a utilisé certains produits chimiques interdits chez nous dans la production de ce maïs.

Même chose pour les vins. Comment allons-nous réussir à régler ce problème? Nous imposons toutes sortes de restrictions sur la façon de faire les choses ici pour protéger la santé des Canadiens, croit-on, mais si les Canadiens décident d'importer un produit... Et si, entre-temps, nous détruisons notre industrie ici...

Le président: Monsieur Steckle, pardonnez-moi de vous interrompre. Je vois bien l'importance de votre question, mais celle-ci porte sur notre politique relative aux pesticides, et j'aimerais que nous nous en tenions aux biotechnologies.

Quelqu'un peut-il donner une brève réponse à la question de M. Steckle?

M. Morrissey: Une brève observation, monsieur le président, après quoi mon collègue Paul pourra vous en dire plus long.

D'une manière générale, cela nous ramène à nos principes premiers, à savoir que les lois qui nous régissent ont trait à la sécurité, à l'efficacité et à la fraude. Pour ce qui est de l'efficacité, personne ne conteste le fait que ce produit est efficace. Pour ce qui est de la sécurité, il y a deux sous-éléments ici: le premier, c'est la sécurité des êtres humains, et le deuxième, c'est la sécurité de l'environnement. Si je subdivise encore une fois l'élément sécurité pour les êtres humains, il y a, par exemple, la sécurité de ceux qui appliquent le produit et de ceux qui le mangent.

Je ne peux vous donner de détails sur ce pesticide en particulier. Mais prenons un exemple. Vous avez un pesticide dont l'utilisation est autorisée aux États-Unis parce qu'on juge acceptable là-bas le risque que prend celui qui l'applique. Imaginons un instant que l'utilisation de ce produit n'est pas autorisée au Canada parce que nous jugeons inacceptable le risque que prend celui qui l'applique. Il est donc acceptable d'importer le produit parce qu'il n'y a aucun risque associé au produit lui-même... C'est l'utilisation du produit qui pose problème. Ce n'est qu'un exemple qui montre pourquoi les décisions ne sont pas les mêmes aux États-Unis et au Canada.

Merci, monsieur le président.

M. Mayers: J'ajoute à cela que les produits importés, tout comme les produits faits chez nous, doivent respecter les mêmes exigences au niveau des résidus. Comme l'a dit mon collègue, même s'ils proviennent d'un pays différent ayant des exigences peut-être différentes, les résidus de ce produit doivent quand même être conformes aux exigences juridiques au Canada.

Le président: Merci, monsieur Steckle.

C'est maintenant au tour de Mme Payne, après quoi ce sera le mien, après quoi nous passerons au deuxième tour.

Mme Payne (St. John's-Ouest): Merci, monsieur le président.

Monsieur, ma question a déjà été posée par d'autres personnes ici présentes. Il s'agit des produits qui passent dans les mailles du filet.

Lors des séances antérieures qui portaient sur le Budget des dépenses principal et autres questions, nous avons discuté des compressions budgétaires et des compressions au niveau du personnel. Je veux savoir si nous disposons de l'expertise et des installations voulues pour faire ce que nous devons faire, sachant que nous aurons bientôt bon nombre de produits biotechnologiques. Avons-nous le personnel et les ressources financières voulus pour nous assurer que ces produits sont réglementaires?

M. Morrissey: Merci beaucoup, monsieur le président.

Si je comprends bien la question, elle porte sur les lacunes du système actuel, essentiellement en ce qui concerne le personnel. Je pourrais peut-être obtenir une précision, monsieur le président. La question porte-t-elle également sur les lacunes juridiques?

Mme Payne: Oui, on pourrait y inclure l'aspect juridique, mais je songe plutôt à ce qu'on pourrait laisser passer pour des raisons autres que juridiques, ou bien aussi pour des raisons juridiques.

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M. Morrissey: J'ai deux brèves observations à faire, monsieur le président.

Premièrement, du point de vue juridique, il n'y a vraiment que trois entités en ce bas monde: le règne animal, le règne végétal et le règne minéral. Quand on parle de biotechnologie, il y en a que deux: le règne animal et le règne végétal. Il y a à peu près un siècle, notre pays a élaboré toute une législation pour protéger l'intérêt public en matière de sécurité et de risque dans les règnes animal et végétal. Or dans le règne animal se trouve l'être humain, c'est le dossier de la santé; le reste du règne animal et tout le domaine végétal relèvent d'Agriculture et Agro-alimentaire.

Ces lois sont donc de nature très générale. Cela veut dire qu'à mesure que de nouvelles techniques apparaissent, les pouvoirs habilitants fondamentaux existent. Il faut parfois modifier les lois pour préciser certains points, mais de façon générale, les pouvoirs existent pour assurer l'efficacité et lutter contre la fraude. J'ai peine à entrevoir où pourraient se trouver des lacunes, étant donné que les règnes animal et végétal sont visés et que la sécurité, l'efficacité et la fraude sont prévues, mais peut-être y a-t-il place pour des précisions.

La deuxième question est de savoir si nous avons le personnel voulu. Posez la question à un fonctionnaire et il vous dira que nous n'avons jamais suffisamment de personnel. Si c'était possible, nous nous ferions un plaisir de recruter plus de personnel.

Cela dit, je peux dire, au nom d'Agriculture et Agro-alimentaire, que nous avons probablement le personnel voulu. La dernière ronde de compressions en 1995 ne consistait pas seulement en l'élimination de postes; elle comportait également d'importants mouvements de personnel dans des secteurs considérés prioritaires. La biotechnologie s'est enrichie de nouveau personnel. Par exemple, le groupe que dirige Margaret à Agriculture et Agro-alimentaire Canada est formé en totalité de gens venus d'autres secteurs au sein du ministère.

Mme Payne: Je comprends cela, mais y a-t-il des produits qui échappent à notre attention, par inadvertance?

M. Morrissey: Pour Agriculture et Agro-alimentaire Canada, non. Tous les produits que nous sommes chargés de réglementer, en supposant que la réglementation est en place, sont traités en même temps. Aucun produit n'a été diffusé sans avoir été évalué. Dans notre domaine, rien n'échappe à notre attention.

Mme Payne: Certains autres témoins autour de la table semblent laisser entendre que tel est le cas.

M. Morrissey: Je répète que non. Je parle uniquement au nom de notre secteur d'Agriculture et Agro-alimentaire.

Avez-vous des observations, Margaret?

Mme Kenney: J'en reviens à la transcription. J'ai lu à l'occasion des déclarations selon lesquelles une pomme de terre mise au point pour être résistante au doryphore de la pomme de terre n'a pas été pleinement évaluée. J'espère qu'on a bien précisé que tel n'était certainement pas le cas. La variété en question a fait l'objet d'une évaluation environnementale complète, y compris des minicultures un peu partout au Canada. À mesure que les travaux progressaient, une évaluation complète de la chaîne alimentaire a été menée à bien par Santé Canada. Puis, avant que cette variété de pommes de terre ne soit autorisée pour la culture commerciale au Canada, une évaluation environnementale commerciale complète a été effectuée. Donc, si c'est l'exemple auquel vous songez, la réponse est non, rien n'a été laissé au hasard.

Mme Payne: Pour l'avenir, lorsque de nouveaux produits sortiront, vous avez évoqué le manque de personnel ou d'argent dont vous disposez.

M. Morrissey: Ce que j'ai dit, monsieur le président, c'est que par exemple, dans le groupe de recherche dont je m'occupe, même si nous avons perdu à peu près 900 ou 1 000 personnes sur un total de 3 000, nous avons quand même muté 400 ou 500 personnes aux quatre coins du pays et parfois dans d'autres emplois afin de nous attaquer aux secteurs prioritaires. Un dossier prioritaire comme la biotechnologie disposera de toutes les ressources voulues, même s'il faut pour cela déplacer des employés et des ressources.

Le président: La présidence a deux questions à poser, après quoi nous passerons au deuxième tour.

Ma première question, monsieur Morrissey, porte sur l'allusion que vous avez faite à quelques reprises à la sécurité pour les êtres humains et à la sécurité environnementale. Je me demande si vous pourriez nous donner un exemple qui nous permettrait de comprendre la distinction entre les deux. Je trouve cette distinction difficile à admettre, tout au moins à long terme, mais vous voudrez peut-être nous signaler certains cas précis.

La question fondamentale que je voudrais vous poser reprend le thème général de la question de M. Knutson, à savoir jusqu'où peut-on aller dans le secteur de la biotechnologie. Dans son mémoire, dont je vous lis un passage, M. Leiss dit que l'intervention humaine dans le cas des nouvelles techniques biotechnologiques, nommément l'entité transgénique, représente une transformation qualitative en ce sens que ce qui devient courant est en fait une anomalie dans le cadre des processus naturels.

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C'est une distinction que je trouve extrêmement utile et attrayante. Il me semble également que c'est dans cette catégorie que nous avons semble-t-il échouer à convaincre le public que nous agissons pour le mieux. La question de la confiance du public se pose à propos des manipulations transgéniques.

Si vous deviez refaire tout le système et conseiller le gouvernement quant à la façon de mieux s'y prendre pour recouvrer la confiance du public à propos des espèces transgéniques, qui semblent poser un obstacle majeur...

Voici mes questions: êtes-vous d'accord pour dire que la principale difficulté concerne le transgénique? Si vous deviez concevoir à neuf tout le système, et le processus et la responsabilité ministérielle, à la lumière du succès obtenu jusqu'à maintenant dont vous avez vous-même fait état, succès obtenu en transférant la responsabilité des pesticides à Santé Canada à cause du lien avec la santé humaine, dont vous êtes vous-même conscient, comment vous y prendriez-vous?

M. Morrissey: Il y a là deux questions, l'une portant sur la sécurité relativement aux êtres humains et à l'environnement et l'autre portant sur la structure organisationnelle de la biotechnologie.

Si j'ai bien compris la question, monsieur le président, au sujet de la sécurité humaine et environnementale, on me demande quel est le rôle d'Agriculture Canada en ce qui a trait à la sécurité humaine. Encore une fois, sous réserve des conseils que Margaret ou d'autres pourraient me donner, j'ai l'impression que si nous avions une récolte, disons le blé, qui retenait les métaux lourds répandus dans le sol, disons le cadmium, nous n'approuverions pas cette récolte parce qu'elle constitue une menace pour la santé et la sécurité des humains.

Par exemple, si nous avions en Ontario une récolte de blé contenant des toxines fongiques, comme c'est arrivé il y a quelques années, nous n'approuverions pas cette récolte pour l'alimentation humaine, pour des raisons mettant en cause la salubrité et la santé. Prenons la solanine, cette substance verte qui se trouve sur les pommes de terre. Si nous avions des variétés de pommes de terre qui présentaient un niveau inacceptable de cette substance, qui est toxique pour l'être humain, nous ne les approuverions pas.

Pour ce qui est de la sécurité environnementale, Agriculture Canada s'en occupe depuis le début, je suppose, dans le dossier de l'intendance du sol, le mot sol étant pris au sens le plus large. Dans les évaluations de diverses variétés que nous faisons depuis à peu près 1923, et dans nos évaluations écologiques, nous ne permettons pas de libérer dans l'environnement des variétés qui sont trouvées inacceptables, par exemple en raison d'un degré trop élevé d'envahissement par les mauvaises herbes.

Au sujet de la structure organisationnelle de la biotechnologie, quant à savoir si les manipulations transgéniques doivent être interdites à titre d'intervention normale dans le processus naturel, je m'en remets encore une fois aux observations de Paul. Quant à moi, je dirais que la nature diverge en fait depuis très longtemps, mais à partir d'une base commune. C'est ce que nous semblons avoir appris depuis une dizaine d'années, grâce à la cartographie du génome. Tous ont été étonnés de la similitude des bases de génome, même pour des structures que nous, êtres humains, considérons très différentes.

Ainsi, le fait que nous réussissions à remettre ensemble certains de ces gènes semble aujourd'hui beaucoup moins étrange que ce ne l'était il y a dix ans. J'ai l'impression que nous vivons une étape de transition et que nous ne connaissons pas encore la réponse définitive, mais nous en savons beaucoup plus qu'il y a dix ans.

Pour revenir à ce que Bill Leiss a dit au sujet de l'anomalie, je crois que Bill disait également dans son document que ce n'est pas inconnu dans la nature. Dans une note en bas de page, il a dit que ce qu'il appelle anomalie de comportement...enfin, sa perception est que ce n'est pas absolu dans le sens que cela n'arrive jamais dans la nature. Il a dit que c'était peut-être moins fréquent, mais non inconnu.

Si j'ai bien compris la dernière partie de la question, elle portait sur la façon de recouvrer la confiance du public et sur la question de la structure de l'organisation. S'il n'en tenait qu'à moi, je ne ferais pas adopter de loi sur les manipulations transgéniques, parce que nous nous trouverions alors à légiférer en nous fondant sur une méthode qui pourrait être remplacée à l'avenir par d'autres méthodes. C'est la première raison.

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La deuxième raison est celle que j'ai donnée il y a un instant. Non seulement ne serions-nous pas alors organisés en fonction de l'une quelconque des quatre rubriques habituelles, mais en outre, nous serions organisés en fonction du processus et même d'une sous-composante du processus. Même à l'intérieur de cette structure, nous aurions dédoublement des lois. Nous aurions deux lois en matière de biotechnologie, l'une au sujet des techniques transgéniques et au moins une autre pour le reste, donc deux séries de règlements, deux séries de lignes directrices, deux organismes et peut-être même deux ministères. Je pense donc qu'il y aurait alors double emploi.

Ma dernière observation porte sur la façon de recouvrer la confiance du public. D'après les sondages que j'ai vus, je n'utiliserais pas l'expression «recouvrer la confiance du public». J'emploierais plutôt des mots accordés aux données que j'ai vues. Or les données que j'ai vues semblent indiquer que le public veut les avantages de la biotechnologie, mais ne veut pas courir le moindre risque ou assumer le moindre coût qui pourrait être associé à la biotechnologie, en particulier lorsque ces risques les touchent de près personnellement.

Je me demanderais comment, avec la biotechnologie comme avec toute autre technique, nous pourrions maximiser...ou plutôt réduire au minimum les risques et les changements et surmonter la crainte de l'inconnu d'une manière qui soit acceptable pour le public.

Ma dernière observation porte sur la structure publique, enfin sur la question de savoir quel ministère et quelle série de règlements visent quel élément de la biotechnologie. D'après les contacts que j'ai eus avec le grand public, les gens ignorent et je soupçonne même qu'ils se fichent de savoir quel ministère ou quel service ministériel s'en occupe. J'ai l'impression que les gens se préoccupent surtout de savoir si le produit est sûr et efficace.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Nous allons passer au deuxième tour et les intervenants seront Mme Guay et M. Forseth.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Étant donné le grand nombre de nouveaux produits de biotechnologie qui pourront apparaître à l'avenir, comment Agriculture et Agro-alimentaire Canada va-t-il répondre à la demande croissante d'évaluation et de réglementation de ces produits, à la fois sur le plan du financement et, je suppose, des compétences? Dans votre réponse, vous pourriez peut-être traiter de la question des droits à payer et de l'internalisation éventuelle des coûts, afin que le prix des produits reflète peut-être davantage le coût intégral, et nous dire si cela a une incidence sur notre compétitivité internationale à l'égard de ces produits.

Ma question porte donc sur la capacité de répondre à la demande, sur le coût et sur l'incidence sur le produit final.

M. Morrissey: J'ai l'impression que les nouveaux produits qui arrivent sur le marché répondent à la demande des Canadiens, et je précise que c'est seulement mon impression personnelle.

Par exemple, au Canada, à intervalles réguliers, après un certain nombre d'années, il nous faut une nouvelle variété de blé qui soit résistante aux nouvelles souches de la maladie que l'on appelle la rouille et qui remonte la vallée du Mississipi. C'est un besoin. Dans le passé, on a comblé ce besoin au moment de l'obtention de nouvelles variétés par les méthodes de culture traditionnelles. Si l'on peut répondre à ce besoin à l'avenir en transférant des gènes, soit au sein de la même espèce, soit d'une espèce à l'autre, eh bien, c'est simplement une autre façon de répondre aux mêmes besoins. C'est un travail semblable que d'évaluer cette nouvelle variété ainsi obtenue et nous fournirions les ressources voulues pour le faire, comme nous l'avons fait dans le cas des anciennes techniques.

J'ajoute que ces dernières années, nous avons transféré des ressources considérables à la biotechnologie, autant dans le groupe qui s'occupe de la réglementation et qui est maintenant transformé en organisme spécial, que dans le groupe de la recherche. Par exemple, si vous aviez fait une enquête sur notre groupe de recherche il y a 20 ans, vous auriez constaté que nous n'avions que des miettes de connaissances en matière de biotechnologie, tout au moins pour ce qui est des manipulations transgéniques. Si vous faisiez la même enquête aujourd'hui, vous constateriez qu'un sur six de nos scientifiques, c'est-à-dire un dans chaque équipe, possède des compétences en biologie moléculaire.

Pour ce qui est de notre compétitivité internationale, je ne peux en parler que sur le plan de la biotechnologie agricole, mais nous sommes probablement perçus comme un pays de pointe en biotechnologie agricole. Dans certains documents, on parle de grappes de compétence. La seule grappe de ce genre que j'ai vu émerger dans l'ouest du Canada est celle de la biologie agricole.

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J'ai donc l'impression que nous n'avons probablement pas les ressources et les compétences que possèdent les États-Unis, mais dans le domaine agricole, nous sommes probablement dans le peloton de tête des pays les plus compétents en la matière.

M. Forseth: Je voudrais maintenant passer au prix du produit lui-même et au fait qu'il représente un coût internalisé de l'administration gouvernementale, au lieu d'être simplement un service public que tous les contribuables doivent payer. Il y a en effet des frais en cause. Où en sommes-nous pour ce qui est d'internaliser les coûts dans le prix du produit?

M. Morrissey: Si je comprends bien la question, vous demandez comment nous recouvrons les coûts que nous consacrons par exemple à la variété de blé dont je parlais. Est-ce bien la question?

M. Forseth: En partie, oui.

M. Morrissey: Deuxièmement, quel est le niveau de recouvrement des coûts? Je dirai brièvement un mot sur les deux aspects, après quoi je demanderai à Margaret de développer ce thème.

Pour ce qui est des nouvelles variétés de blé, par exemple, le secteur privé au Canada n'a pas vraiment produit de nouvelles variétés de blé, parce que vous, par exemple, à titre d'agriculteur, pouvez conserver une partie de votre récolte de cette année et vous en servir pour ensemencer au cours des prochaines années, et une entreprise privée ne pourrait recouvrer ses coûts.

Dans ce contexte, l'État est intervenu pour combler un vide dans le secteur privé. Ce que nous avons fait ces dernières années, c'est de faire payer pour ce blé le montant que le marché peut payer. Pour établir combien le marché peut payer, nous avons simplement lancé un appel d'offres pour une variété. Ainsi, les redevances sont recouvrées sur cette base. Les redevances ne correspondent pas au coût entier. Si c'était le cas, le secteur privé interviendrait et nous remplacerait.

Sur la question du recouvrement des coûts pour l'évaluation des produits de biotechnologie, d'après mes renseignements, des négociations sont en cours avec les parties intéressées. Si je comprends bien, l'objectif est d'environ 50 p. 100.

Mme Kenney: Je n'ai pas grand-chose à ajouter, si ce n'est pour dire que chaque produit réglementé fait actuellement l'objet de négociations de ce genre avec l'industrie. Il y a eu plusieurs rondes de telles négociations.

Par conséquent, la biotechnologie ne fait pas bande à part. Cela s'inscrit dans le processus général de recouvrement des coûts au ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire.

Le président: Merci, monsieur Forseth. Monsieur Lincoln.

M. Lincoln: Monsieur Morrissey, si j'ai bien compris ce que vous avez dit à M. Knutson quant aux raisons pour lesquelles nous essayons actuellement de réglementer comme nous le faisons - en fait, j'ai mis par écrit vos propres paroles - l'idée est que chaque ministre se verrait confier les outils ministériels voulus pour dispenser à la population les produits particuliers de son ministère. Autrement dit, il est préférable que le ministère de l'Agriculture soit seul responsable de la réglementation des produits dans le domaine de l'agriculture, et ce serait la même chose pour l'industrie, les forêts, etc. Vous avez même mis l'environnement dans cette catégorie. Le ministère de l'Environnement serait responsable des produits qui comportent une composante environnementale.

J'espère que je vous ai mal compris. J'ai presque l'impression que le temps s'est arrêté, que nous sommes revenus aux années 50 ou 60, que ces ministères sont séparés par de hautes cloisons. Ce sont de petits empires, des tours d'ivoire, les responsabilités étant compartimentées par des cloisons verticales. Je croyais que nous avions fait un bon bout de chemin pour nous écarter de cette théorie. En tout cas, du point de vue de l'environnement et de la santé ou des écosystèmes, il y a eu un grand changement avec l'avènement de cette notion holistique du gouvernement, de cette notion de régie fondée sur les écosystèmes, c'est-à-dire que nous examinons le tout plutôt que les parties.

Peut-être vous ai-je mal compris, mais dans le cas contraire, vous dites que chaque ministère d'exécution devrait être responsable de ses propres dossiers pour éviter les dédoublements, parce qu'il connaît le mieux son propre domaine. La notion de ministère responsable a certainement un certain mérite et elle existera toujours. Par ailleurs, je voudrais vous donner un exemple. C'est le même que j'ai donné au début de la séance ce matin.

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Nous avons porté à 2,5 p. 100 le taux permis pour les résidus dans le vin. Nous disons qu'il n'y a aucun problème, que c'est sûr. L'Organisation mondiale du commerce et l'OCDE ont vérifié et il n'y a aucun problème. Nous avons donc pris cette décision.

Il me semble que nous oublions quelque chose dans tout cela. Quand une personne boit le vin, cette personne mange également les raisins qui ont servi à faire ce vin et qui ont été exposés à des produits pesticides. Une personne peut aussi avoir mangé autre chose le même jour, des betteraves, de la laitue ou des pommes ou même des tomates qui ont fait l'objet de manipulations génétiques, ou bien elle a bu du lait qui contiendra bientôt du BST si nous suivons l'exemple des Américains et permettons la vente de lait ayant subi des changements hormonaux. Bref, nous examinons le vin de façon isolée et le ministère de la Santé dit qu'il n'y a pas de problème, que l'OMC a raison et nous adoptons donc la norme de 2,5 p. 100.

Par ailleurs, le ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire examine séparément le dossier des pommes et dit qu'il n'y a pas de problème, que le niveau de tolérance est acceptable, quel qu'il soit. Nous examinons par ailleurs les tomates qui ont fait l'objet de changements génétiques et nous disons, très bien, excellent.

Mais il me semble que nous oublions une chose: quand quelqu'un, moi-même ou mon collègue d'en face, boit du vin ou du lait contenant des hormones ou mange des raisons, des pommes, des tomates, il accumule tout cela à la longue et qu'arrive-t-il alors? Quel est l'effet cumulatif? Qui peut me dire quel est le niveau sûr? Je l'ignore.

Quel est le résultat synergétique? Je sais que nous avons discuté du risque et du risque cumulatif. On prend un gène et on l'ajoute à un autre. Nous connaissons les propriétés de chacun. Cumulativement, les chances ne sont pas trop grandes que l'addition des deux aboutissent à quelque chose de complètement nouveau. Mais tout ce que j'entends ces jours-ci, avec les changements endocriniens et ceux qu'on constate dans le domaine de la reproduction, c'est que nous nous apercevons maintenant que les produits chimiques qui se conjuguent et qui ont été évalués séparément par un ministère ici, un autre là, un pays ou un autre, produisent ensemble toutes sortes de systèmes qui échappent à tout contrôle. Les spermogrammes sont en baisse, les poissons changent de sexe et les alligators... On ne cesse d'entendre des histoires à dresser les cheveux sur la tête; pourtant, quand ces produits ont été évalués séparément, tout allait bien, mais voici que tout à coup, tout cela se mélange, nous échappe et plus personne ne sait où cela va finir.

Dans votre définition, monsieur Morrissey, quand vous dites que chaque ministère s'occupera de ses propres oignons - et puis vous dites «mon» ministre, «votre» ministre, «son» ministre, «mon» sous-ministre, «son» sous-ministre - qui, parmi vous, peut me dire, quand j'additionne tout cela, le vin, les pommes, le lait aux hormones, et tous les autres produits chimiques ou biogénétiques que j'ingurgite à un moment ou à un autre, qui peut me dire quel est le niveau sûr et qui peut me dire comment ce niveau est calculé? Est-ce le ministre de l'Agriculture? Le ministre de la Santé? Le ministre de l'Environnement? Le ministre de l'Industrie? Lequel est-ce et lequel devrait en être chargé?

M. Morrissey: Je vais tenter de répondre aux trois premières parties de la question, si vous le voulez bien, et je laisserai Paul se charger de la question du risque cumulatif dans la chaîne alimentaire humaine.

Si j'ai bien compris, la première question portait sur les outils qui sont accordés à un ministre donné pour que son ministère puisse assumer son mandat. J'ai l'impression que, peu importe comment on organise les ministères du gouvernement...en fait, peu importe même si on les organise ou non, parce qu'il y aurait toujours l'option de n'avoir qu'un seul ministère, auquel cas on n'aurait pas besoin de s'inquiéter de la coordination. En supposant un instant qu'on subdivise la tâche pour la simplifier et que l'on crée ainsi des domaines de spécialisation, je trouve qu'il est raisonnable de donner à chaque ministre les outils et les pouvoirs voulus pour s'acquitter des responsabilités qui lui sont confiées.

C'est donc dans ce contexte que j'ai fait observer qu'il est raisonnable de donner à un ministre à qui on a confié un mandat les outils dont il a besoin pour réaliser ce mandat. Il s'agit simplement d'établir l'équilibre entre les pouvoirs et les responsabilités.

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La deuxième question porte sur la perception selon laquelle les ministères seraient séparés par des cloisons verticales. Voici ce que j'en pense. En supposant pour un instant que le gouvernement du Canada ne comporte pas un seul et unique ministère, il faut bien s'organiser en fonction d'un critère quelconque, le produit, le processus, l'endroit ou les gens. Vous pouvez choisir l'un des quatre.

Après en avoir choisi un, vous établissez une fonction de coordination entre les trois autres interfaces. J'ai le sentiment que ces quatre principes n'ont probablement pas beaucoup changé depuis 1 000 ans et ne changeront peut-être pas tellement à l'avenir. Dès que l'on commence à diviser et à structurer, on commence à installer des cloisons. On se retrouve alors avec une fonction de coordination que l'on a confiée, à tort ou à raison, à Industrie Canada dans le cas des sciences et de la technologie.

Sur la question de l'approche holistique par opposition à l'approche réductionniste, encore une fois, je ne pense pas que quiconque pourrait soutenir que l'approche holistique est l'approche idéale. La seule raison pour laquelle les gens ont adopté l'approche réductionniste, c'est simplement parce que nous ne sommes pas suffisamment intelligents pour comprendre toutes les variables qui sont en jeu en même temps dans un dossier donné. Par conséquent, nous divisons les problèmes du gouvernement et les problèmes scientifiques en petits éléments que l'on peut digérer.

J'ai le sentiment que vous avez absolument raison, monsieur Lincoln - si je peux me permettre de m'adresser à M. Lincoln par l'entremise de la présidence - quand vous dites que c'est une question holistique et qu'ayant adopté une approche réductionniste et ayant subdivisé le tout en petits éléments, nous devons maintenant rassembler ces éléments pour voir comment le tout influe sur l'environnement global et la société dans son ensemble.

Je vais m'arrêter là, monsieur le président, et demander à Paul de répondre à la dernière question.

M. Mayers: Je vais tenter d'y répondre en la scindant en deux parties, dont la première porte sur la question des résidus. Les résidus sont étudiés sous l'angle de la consommation totale, et non pas simplement sur le plan individuel; par conséquent, il faut tenir compte de l'utilisation d'un pesticide donné pour un certain nombre de produits variés pour établir l'exposition des êtres humains à ce produit. Par conséquent, le seuil résiduel acceptable de ce produit serait établi en fonction de l'exposition totale et c'est à partir de là qu'on détermine un seuil résiduel acceptable pour chaque produit individuel. Je ne saurais m'exprimer en termes plus simples pour décrire cette question.

Dans un contexte plus large, vous avez soulevé la question des résidus conjugués aux produits de la biotechnologie et à d'autres questions et, comme vous l'avez fait remarquer à juste titre, tout cela peut bien sûr influer sur le régime alimentaire.

Quant aux incidences sur les êtres humains, nous en tenons pleinement compte. En fait, l'angle d'approche que nous adoptons pour l'évaluation des produits de la biotechnologie applique ce mode de pensée en utilisant la méthode de l'équivalent total pour faire la preuve qu'un produit de biotechnologie est semblable ou équivalent au produit le plus traditionnel auquel on peut le comparer. En faisant cela, comme le produit traditionnel existe dans la chaîne alimentaire depuis longtemps et que nous comprenons donc assez bien comment ce produit influe sur le régime alimentaire, en faisant la preuve que le produit nouveau est en fait l'équivalent du produit existant, nous pouvons nous pencher sur les possibilités que vous évoquez à juste titre.

Merci.

M. Lincoln: Puis-je poser une autre question, monsieur Morrissey?

Vous avez évoqué l'idée d'un ministère unique. Cette idée me répugne autant qu'à vous. Ce serait l'ultime folie, naturellement. Nous sommes tous conscients que c'est impossible.

En même temps, à n'en pas douter, il y a des ministères qui ont une mission horizontale. Ils ont une mission davantage axée sur le bien public, une mission plus neutre que d'autres. Par exemple, le ministère des Finances agit pour tous les ministères ou départements de façon globale, de même que le ministère de la Santé, comme d'ailleurs le ministère de l'Environnement, je crois. Ce ne sont pas des ministères hiérarchiques ou des ministères auxquels on a confié une mission d'exécution précise. Ce sont assurément des ministères à vocation plus globale.

Vous avez convenu que si vous deviez tout refaire à partir de zéro, vous auriez probablement deux lois pour la biotechnologie. Quant à savoir qui devrait être habilité ou chargé de s'occuper de ce dossier, c'est-à-dire quel ministère, vous dites que vous n'en savez rien, parce que le public ne le sait pas vraiment et qu'à votre avis, il s'en fiche.

.1045

Eh bien, ce n'est absolument pas mon impression quant aux sentiments du public. Je crois que le public s'en soucie énormément. Je crois que le public ne sait pas comment le gouvernement fonctionne. Parfois, nous ne le savons pas nous-mêmes. Mais je crois que le public sait une chose: il ne veut pas de conflit d'intérêts ou de situation de ce genre, peu importe le nom qu'on leur donne. C'est ce que disait le Dr Leiss quand il faisait allusion au promoteur qui est en même temps chargé de la réglementation. Je pense que si vous posiez la question au public, ce dernier vous dirait qu'il préférerait éviter cela.

Je crois par ailleurs que le public dirait également qu'il veut un chargé de réglementation plus neutre, un ministère ou service quelconque qui n'a pas d'intérêts à défendre. Tel est le message clair qui nous a été transmis dans le cadre de l'examen des pesticides. Les gens estimaient que le ministère de la Santé était à vocation plus générale, essentiellement axé sur le bien public, qu'il ne fait pas la promotion d'intérêts particuliers et qu'il serait donc mieux placer pour réglementer.

N'êtes-vous pas d'accord, monsieur Morrissey, pour dire qu'en raison de leur nature même et de leur mission, les ministères de l'Environnement et de la Santé se rapprochent bien davantage de ces ministères à vocation plus générale, horizontale, axée sur le bien public, qu'ils sont beaucoup plus neutres pour administrer ces deux lois théoriques que vous auriez fusionnées?

M. Morrissey: Merci monsieur le président. Je vais encore une fois essayer de répondre à ces questions dans l'ordre. Si j'en rate une, je vous serais reconnaissant de me le signaler.

La première question portait sur les ministères horizontaux ou à vocation générale. Encore une fois, la question est absolument pertinente, à savoir s'il existe des ministères horizontaux à vocation générale.

Il y a quatre façons principales de s'organiser. On peut le faire en créant des ministères en fonction du processus. On pourrait avoir, comme en Australie, un ministère des Sciences et de la Technologie. Chez nous, nous avons décidé que la science est un outil. Nous avons donné cet outil à divers ministères qui en ont besoin. Mais il serait certainement possible de le faire.

Nous aurions pu mettre sur pied des laboratoires de biotechnologie. C'est un autre exemple. Il y a quelques années, plusieurs parties en ont fait la demande. Les choses se sont passées comme nous l'avions imaginé: la biotechnologie est devenue un outil utilisé dans tous les services de biologie dont je m'occupe. Si nous avions rassemblé tous nos spécialistes de la biotechnologie dans un seul service, il nous aurait fallu faire appel à eux.

Cela soulève en fait la question de savoir si l'on doit gérer en fonction des moyens ou de la fin. En l'occurrence, la biotechnologie est un moyen. Personnellement, je préférerais gérer en fonction de la fin, parce que de cette façon, j'inclurais au moins les moyens déployés et je saurais où je m'en vais.

Pour ce qui est des deux lois, que je sache, je n'ai pas parlé de deux lois. Si j'avais été chargé de concevoir un système de réglementation de la biotechnologie, je l'aurais organisé en fonction du règne animal et du règne végétal. Je l'aurais conçu à partir des critères de la sécurité, de l'efficacité et de la fraude et j'aurais assigné ces responsabilités aux secteurs qui possèdent les plus grandes compétences en la matière.

Quant à savoir si c'est le ministère de l'Environnement ou le ministère de la Santé qui est le plus compétent de façon générale, lequel sert le mieux l'intérêt public et conviendrait le mieux pour assumer ces mandats, j'ai le sentiment que c'est assurément le ministère de la Santé qui est le mieux placé en termes de compétence et, à mon avis personnel, sur le plan de la crédibilité auprès du public, pour s'occuper de tous les dossiers relatifs à la santé publique.

Pour ce qui est de l'environnement, j'ai l'impression que l'environnement est un domaine tellement vaste qu'il est impossible de tout mettre ce qui a trait à l'environnement dans une seule organisation. À l'époque de la commission Glassco, dans les années 60, quand on a créé Environnement Canada, l'intention était de créer un ministère qui constituerait un filet de sécurité, pour ainsi dire, un dernier recours qui comblerait toutes les brèches en matière d'environnement qui échappaient jusque-là aux autres ministères.

Personnellement, quand je songe à l'environnement, je trouve que tout ce que nous faisons et respirons a rapport à l'environnement. Cela nous ramène donc à la notion de l'approche holistique pour résoudre les problèmes. C'est simplement tellement vaste, cela comprend tout. Il faudrait probablement prendre tous les ministères, les englober dans Environnement Canada, pour ensuite rediviser le tout d'une autre façon.

Merci monsieur le président.

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M. Knutson: Je veux revenir sur le thème abordé par M. Lincoln. Je vais essayer d'être bref et direct.

Si j'en reviens à la question du vin, je crois que M. Mayers a dit qu'au bout du compte, si nous voulons faire passer le seuil des résidus de 0,5 p. 100 à, disons, 2,5 p. 100, il faudra justifier notre décision en nous fondant sur la science.

Mon observation est qu'en fin de compte, la science ne peut pas nous mener jusqu'au bout de notre raisonnement; à un moment donné, il faut prendre une décision subjective fondée sur des valeurs. Il est bien possible que le fait d'augmenter la teneur en résidus des vins augmente la probabilité qu'une personne sur 10 000 tombe malade et augmente la probabilité que cette personne qui tombe malade risque même de mourir.

Quelqu'un doit décider si c'est un risque acceptable. Les scientifiques peuvent établir l'éventail des choix, mais en fin de compte, ils ne peuvent pas prendre la décision. On ne peut pas prendre cette décision à partir de critères objectifs, à moins que quelqu'un dans la salle puisse chiffrer la valeur économique de la vie humaine. À ma connaissance, personne n'a jamais pu dire combien ça vaut. J'ignore combien vaut la vie de Paul, mais en tout cas, elle vaut beaucoup. C'est mon point de départ.

Ensuite, monsieur Morrissey, vous avez dit qu'Agriculture Canada refuserait d'approuver tout ce qui pourrait menacer l'environnement ou la santé humaine. Je vous en félicite. Mais ce que j'essayais de dire tout à l'heure, c'est que le mot «menace» n'est pas précis. Nous pouvons tous tomber d'accord pour dire qu'à partir d'un certain point, quelque chose devient une menace et qu'il ne faudrait donc pas l'approuver. Mais à mesure que la menace diminue graduellement, il est difficile de dire à partir de quel point ce n'est plus une menace. À mesure qu'augmentent les avantages économiques et que diminue le risque, on se rapproche d'un point d'équilibre qui est difficile à fixer.

Ce point d'équilibre pourrait fluctuer selon que la personne qui est chargée de l'établir est un agriculteur, un environnementaliste, un ministre de l'Agriculture ou un ministre de la Santé. Et cela, en dépit du fait que tous ces gens-là sont élus pour servir le bien public. J'accepte cette prémisse. Il est peut-être même dit explicitement dans certaines lois qu'il faut servir le bien public.

Ce que j'essayais de dire tout à l'heure, à propos de l'argument avancé par M. Leiss, c'est ceci. Disons que nous revenons aux règles fondamentales de toute organisation. Il faut établir une hiérarchie d'objectifs. L'objectif primordial du ministère de l'Agriculture est différent de celui du ministère de la Santé. Leur raison d'être respective n'est pas la même. En fin de compte, cela pourrait influer sur les décisions qui sont prises, non pas sur les grandes décisions, mais sur de menues décisions qui pourraient se révéler importantes. Je pense qu'à première vue, on peut avancer un argument valable selon lequel les ministères qui ont une vocation de nature économique ne devraient pas prendre de décisions mettant en cause des préoccupations fondamentales en matière de santé et d'environnement.

Je pose simplement la question: acceptez-vous qu'un tel argument puisse être valable à première vue? Ensuite, je pourrai obtenir une réponse à mes observations.

M. Morrissey: Merci, monsieur le président. Une fois de plus, cette question en comprend plusieurs. Je vais essayer d'y répondre dans l'ordre.

La première porte sur la menace à l'environnement et l'incertitude qui entourent cette menace. Je crois que l'intervention est parfaitement valable. C'est en partie à cause de cela que la loi que je connais bien est fondée sur le soupçon plutôt que sur la connaissance absolue. C'est fondé sur la menace plutôt que sur une connaissance a posteriori.

Quant au problème qui consisterait pour un agriculteur à prendre une décision qui serait contraire à celle qu'aurait pris un écologiste, mes rapports avec les agriculteurs m'ont appris qu'ils pensaient comme des écologistes. Ils croient au principe du développement durable et ils ne veulent pas que se reproduise ce qui s'est produit dans les années 30 au moment du «dust bowl» qui a été causé en partie par la technologie et en partie par la nature. Pour moi, le terme «bonne intendance du sol» qu'on entend depuis très longtemps signifie simplement que les agriculteurs veulent léguer leur ferme à leurs enfants et peut-être à leurs petits-enfants.

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M. Knutson: J'aimerais intervenir. Si c'était vrai, le problème de la couche arable ne se poserait pas.

M. Morrissey: Non, je ne pense pas que vous ayez raison. Les agriculteurs ne souhaitaient pas que le dust bowl se produise dans les années 30, ils ne voulaient pas perdre leur ferme et ils ne savaient pas que l'utilisation du versoir... Dans les années 30, personne ne pouvait prédire qu'avec un peu d'aide de la nature, l'utilisation du versoir causerait le dust bowl dans l'ouest du Canada. Ce n'est qu'après coup qu'Agriculture Canada s'est rendu compte des dommages causés par l'utilisation de ce type de charrue. L'administration du rétablissement agricole des Prairies qui compte toujours 1 000 employés travaille depuis cette époque à favoriser un développement durable dans le domaine de l'agriculture.

À titre d'exemple, le groupe de chercheurs dont je fais partie à Agriculture Canada a mis au point les méthodes qui ont permis à l'agriculture dans l'ouest du Canada de surmonter les effets du dust bowl. Environ 80 p. 100 de nos ressources sont affectées à trouver des façons de favoriser le développement durable étant donné que rien n'est permanent en biologie. Le développement durable peut disparaître du jour au lendemain.

J'ai donné l'exemple du blé. Dans les années 20, nous avons découvert une variété de blé rebelle à la rouille. Quelques années plus tard, la nature s'était adaptée. Rien n'est durable.

M. Knutson: À ce sujet, permettez-moi de faire remarquer que l'agriculteur qui doit faire un profit à la fin de l'année sous peine de perdre sa ferme ne peut pas se permettre de suivre à long terme de bonnes pratiques environnementales de la même façon que quelqu'un qui n'a pas les mêmes difficultés financières. Une fois qu'on fait intervenir la question de la rentabilité, on peut prendre des décisions rentables à court terme mais désastreuses à long terme.

Voilà pourquoi je dis qu'un agriculteur risque de ne pas prendre la même décision qu'un écologiste.

M. Morrissey: Prenons le cas des agriculteurs de l'Ouest. L'expérience m'enseigne qu'ils sont favorables à des méthodes culturales propices au développement durable. Ces dernières années, on nous a fortement encouragé à affecter des ressources à la recherche sur les méthodes de culture qui rapportent au point de vue financier sans être nuisible pour l'environnement.

Monsieur le président, la question est pertinente dans la mesure où il y a parfois opposition entre développement et développement durable, mais j'ai l'impression, pour en avoir discuté avec eux, que les agriculteurs ne pensent pas que les deux aspects de la question sont inconciliables. Ils veulent pouvoir s'adonner à l'agriculture à long terme.

J'aimerais faire une dernière remarque au sujet du mandat du ministère de l'Agriculture. Dans les documents préparés par Agriculture Canada, vous verrez qu'il est question d'un approvisionnement sûr et fiable en nourriture. Je pense que vous constaterez que Santé Canada ne se préoccupe pas simplement de s'assurer que l'approvisionnement en nourriture est sûr et fiable, mais aussi de beaucoup d'autres aspects de la santé humaine.

Je ne pense donc pas qu'il y ait conflit. Je pense que nous travaillons tous dans le même sens. La nourriture ne constitue cependant qu'un seul aspect de la santé et de la sécurité humaines.

Le président: Monsieur Steckle, avez-vous une autre question à poser?

Monsieur Morrissey, j'ai deux brèves questions à vous poser. En réponse à M. Lincoln, vous avez comparé la façon dont les Australiens et les Canadiens abordent les questions scientifiques. J'ai l'impression que vous pensez que nous nous sommes dirigés dans la mauvaise voie. Ai-je raison?

M. Morrissey: Non, monsieur le président. Pour simplifier les choses, je dirais que ce sont plutôt les Australiens qui se dirigent dans la mauvaise voie parce qu'ils considèrent la recherche scientifique comme une fin en soit.

Pour nous, la recherche scientifique c'est un moyen en vue d'en arriver à une fin. C'est un moyen de résoudre un problème et de tirer partie d'une occasion qui se présente. Si on me demandait de concevoir un système pour l'Australie, je confierais les activités de recherche scientifique aux ministères qui ont des problèmes à résoudre et qui doivent tirer partie de certaines occasions.

À l'heure actuelle, en Australie, si un ministre veut faire faire des recherches scientifiques dans le domaine des mines, de l'agriculture ou de la santé, il ne dispose pas des moyens voulus pour faire faire ces recherches. Il faut qu'elles soient faites à l'extérieur de son ministère.

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Le président: Recommanderiez-vous alors le démantèlement d'un organisme comme le Conseil national de recherche?

M. Morrissey: Non, je crois que le Canada a décidé de s'y prendre autrement. Le Canada est doté d'un Conseil national de recherche qui effectue des recherches dans des domaines qui ne relèvent pas des ministères hiérarchiques, mais ces ministères disposent des moyens scientifiques voulus pour résoudre leurs propres problèmes ou pour tirer partie des occasions qui se présentent dans leur domaine de compétence.

Le président: Cela m'amène à poser ma question suivante. Vous avez tous convenu ce matin avec M. Lincoln qu'il nous fallait adopter une approche globale aux problèmes environnementaux et que l'accumulation des résidus peut nous amener à tirer la conclusion que nous avons tirée et avec laquelle vous avez dit être d'accord. À l'heure actuelle, quel organisme adopte une approche globale dans le domaine de la biotechnologie?

M. Morrissey: À mon sens, l'objectif souhaitable serait d'adopter une approche globale pour ce qui est de la recherche de solutions aux problèmes qui se posent. Étant donné les limites de notre intelligence et de notre compréhension, il nous est impossible de passer directement à une approche globale. Nous continuerons d'être contraints d'examiner les diverses composantes des problèmes de les comprendre et ensuite de rassembler le tout.

Je ne pense pas que nous puissions sauter cette étape intermédiaire qui consiste à répartir les problèmes en parties plus gérables.

Le président: Dans ce cas, qui rassemble le tout?

M. Morrissey: Vous voulez dire pour ce qui est de l'environnement?

Le président: Oui, pour ce qui est des incidences notamment dans les domaines de l'environnement et de la santé.

M. Morrissey: Ceux qui ont les connaissances voulues pour le faire.

Ainsi, si l'incidence se fait sentir dans le domaine des sols et des eaux agricoles, ce sera la responsabilité d'Agriculture Canada. Si l'incidence a trait aux effets cumulatifs d'un problème sur la santé et la sécurité humaine, ce sera la responsabilité du ministère de la Santé. Et si l'incidence est liée à la biologie du poisson, c'est le ministère des Pêches qui aura la compétence voulue pour le faire.

Le président: Dans ce cas, qui s'occupe du tout?

M. Morrissey: Cela dépend encore une fois du domaine en question, soit la santé humaine ou l'agriculture. Pour ce qui est de la zone grise, la responsabilité revient à Environnement Canada.

Le président: Vous croyez donc qu'il y a quelqu'un qui se préoccupe de l'incidence globale?

M. Morrissey: J'en suis convaincu, monsieur le président, si j'en juge par l'expérience des100 dernières années en ce qui touche l'application des lois et l'évaluation faite par les organismes qui existaient des nouvelles substances. Ces nouvelles substances sont surtout des substances biologiques provenant d'autres pays. Quand on songe que 80 p. 100 des cultures et que 80 p. 100 des organismes nuisibles qu'on trouve dans notre pays viennent d'autres pays, 100 ans d'expérience empirique semble une bonne base sur laquelle se fonder.

Le président: Quelqu'un d'autre veut-il intervenir?

Monsieur Mayers, êtes-vous convaincu que Santé Canada évalue les effets cumulatifs des diverses substances qui font l'objet de recherches scientifiques?

M. Mayers: Oui, pour ce qui est du domaine que je connais le mieux, la salubrité des aliments. J'estime aussi que la direction de la protection de la santé évalue l'ensemble des effets cumulatifs des recherches scientifiques. Oui, effectivement, à mon sens, le ministère est conscient des incidences potentielles des effets cumulatifs et en tient compte dans ses évaluations.

Le président: Monsieur Mahon, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Mahon: Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais faire deux petites remarques.

Je crois que M. Morrissey a raison de dire que pour l'instant nous n'avons ni les données scientifiques ni les compétences voulues pour adopter une approche intégrée des évaluations. Nous sommes cependant loin des évaluations ponctuelles du moins dans le cadre de la LCPA et des lois qui régissent les autres ministères, car l'approche que nous adoptons est maintenant fondée sur l'ensemble de l'écosystème. Nous nous rapprochons d'une approche globale au lieu de simplement évaluer la toxicité d'une substance donnée. Il faudra du temps avant que cette approche ne se répande.

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Le président: Que manque-t-il pour que cette approche se répande?

M. Mahon: Tout ce que je peux vous donner, c'est mon avis personnel là-dessus.

Je crois que nous disposons des connaissances scientifiques voulues, mais qu'elles n'ont pas encore été complètement intégrées dans une approche globale qui permettrait d'accorder le poids voulu à chaque élément. Tous les morceaux sont là, mais nous ne savons pas encore exactement comment les intégrer. Qui plus est, je crois que toute bureaucratie, qu'elle soit universitaire ou gouvernementale, met un certain temps à adopter une nouvelle approche.

M. Morrissey: J'ai une remarque à faire au sujet de l'approche fondée sur les systèmes ou l'approche globale. Depuis des années, le ministère de l'Agriculture et agro-alimentaire et en réalité les ministères associés s'efforcent de créer un seul organisme chargé des questions liées à l'alimentation. Si l'on a décidé de le faire, c'est qu'on a vu qu'il serait bon de créer une relation sans lien de dépendance et de confier à un seul organisme le soin de coordonner toutes les activités allant de l'inspection des aliments à la santé des animaux et des végétaux. Toutes ces activités seront confiées à un seul organisme relevant d'Agriculture Canada. C'est dans cette voie qu'on se dirige.

Ce qui justifie cette décision, à mon avis, c'est que pour prendre l'exemple du cadmium dans le blé ou de la salmonelle dans la volaille - un sujet d'actualité - , lorsqu'un organisme est simplement chargé de faire l'inspection des aliments, il ne peut intervenir pour que le problème qui se pose soit corrigé si c'est un problème lié aux pratiques agricoles ou au sol. En confiant à un seul organisme toutes les activités allant du développement et de l'inspection du secteur alimentaire, y compris la biotechnologie, on est en mesure de véritablement adopter une approche globale.

Le président: Je vous remercie. Le moment est venu de lever la séance.

Cette réunion met fin à nos réunions précédant l'été. Je vous remercie au nom de mes collègues d'avoir participé à nos travaux.

Tout ce que ce comité peut vous demander, c'est de comparaître devant lui et de répondre à ses questions. Comme l'ajournement d'été sera long ou court selon le point de vue qu'on adopte, nous vous saurions gré de nous présenter toute nouvelle approche proposée s'il s'en trouve dans le domaine de la biotechnologie.

Ce matin, vous nous avez fait un certain nombre de suggestions intéressantes quant à la façon dont on pourrait réglementer les applications biotechnologiques. La mosaïque est cependant incomplète. Il serait utile pour nous de pouvoir tirer parti de votre expérience.

J'invite tous ceux d'entre vous qui ont des idées intéressantes à nous proposer sur ce sujet complexe, à nous en faire part. Comme l'ajournement d'été est long, nous aurons ainsi l'occasion de réfléchir à ce qui serait dans l'intérêt public dans ce domaine.

.1110

Si je me suis fait mal comprendre, n'hésitez pas à me le faire savoir. Je suis sûr que mes collègues apprécieront autant que moi les idées que vous pourriez nous transmettre.

Cela étant dit, je vous souhaite à tous un très bon été. Au revoir et merci.

[Français]

M. Morrissey: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: La séance est levée.

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