[Enregistrement électronique]
Le mardi 19 novembre 1996
[Français]
Le président: La séance du sous-comité sur le projet de loi C-25 est ouverte. Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins du Barreau du Québec. Je suis désolé que nous soyons un peu en retard ce matin. J'avais oublié que la séance devait débuter à 9 heures et non à 9h30. Je regrette, monsieur Lebel.
M. Lebel (Chambly): Un péché avoué est à demi pardonné, dit-on.
Le président: J'aimerais que les témoins commencent par se présenter et nous présentent ensuite leur mémoire. Par la suite, les membres du comité poseront des questions.
Me Marc Sauvé (avocat, Service de la législation, Barreau du Québec): Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation et d'avoir permis au Barreau du Québec de vous faire part de ses observations sur le projet de loi C-25. Je m'appelle Marc Sauvé et je suis avocat au Service de la législation du Barreau du Québec.
Le Barreau du Québec, vous le savez, est l'ordre professionnel des avocats au Québec. Il y a près de 17 000 avocats au Québec, et l'adhésion au Barreau est obligatoire pour pouvoir pratiquer le droit à l'intérieur de la province. Le mandat premier de l'ordre est de protéger le public. Il a donc un mandat de protection du public. C'est à la lumière de ce mandat que nous allons formuler nos commentaires.
Sans plus tarder, je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Il y a d'abord Me Louis Masson, avocat à Québec et membre du comité du Barreau du Québec sur la justice administrative. Il va vous présenter les grandes lignes du mémoire du Barreau. Il y a aussi Me Claire Carrier, qui est avocate à Québec, elle aussi. Sans plus tarder, je vais céder la parole à Me Masson, qui va vous présenter les grandes lignes de notre mémoire.
Me Louis Masson (avocat, membre du comité sur la justice administrative, Barreau du Québec): Madame, messieurs, au nom du bâtonnier du Barreau du Québec, nous vous remercions de nous donner l'occasion de vous faire part de nos préoccupations et de notre point de vue sur le projet de loi C-25.
Ces préoccupations se manifestent, en ce qui nous concerne, à l'égard de deux principes qui nous apparaissent importants. Le premier est celui de la participation ouverte qui, selon nous, doit prévaloir dans le processus d'adoption de la réglementation canadienne, et le deuxième a trait à la certitude qui doit également prévaloir dans la mise en oeuvre et la consultation de la réglementation et dans l'accès à cette réglementation.
À cet égard, le Barreau appuie, dans sa substance et dans son ensemble, le projet de loi qui est présenté. Il désire souligner ce qui, à ses yeux, constitue des améliorations significatives et se permettra de formuler certaines suggestions dont la première est la principale. Elle se retrouve aux pages 7 à 10 de notre mémoire et a trait précisément à cette participation ouverte.
À nos yeux, il serait souhaitable et même important qu'il y ait une publication préalable de tout projet de règlement et que cette publication préalable soit accompagnée d'un avis suffisant qui permette à toutes les personnes intéressées de formuler leurs commentaires à l'autorité réglementante.
Une telle approche impliquerait sans doute un changement dans les pratiques, mais présente de nombreux avantages. Elle présente l'avantage premier de favoriser une participation qui permette l'émergence de véritables consensus. Elle crée une véritable participation ouverte et transparente dans l'expression des différents points de vue, celui du public et celui de l'industrie visée par la réglementation proposée, ce qui ne peut qu'entraîner des suggestions positives et une amélioration de la réglementation projetée.
Cette forme d'intervention préalable, de nature préventive, nous apparaît de beaucoup préférable à une intervention a posteriori qui entraîne nécessairement des contestations, parfois sur l'avenue politique et parfois dans l'avenue judiciaire.
Une telle consultation entraîne certes des coûts et des délais immédiats et apparents mais, à nos yeux, ces coûts immédiats et apparents sont contrebalancés par le coût d'éventuelles contestations. C'est la façon de faire qui prévaut au Québec depuis des années. C'est une façon de faire qui est transparente et qui est maintenant familière à toutes les autorités réglementantes. En termes simples, cela fonctionne.
Le projet de règlement est connu de tous. Tous et toutes peuvent formuler leurs commentaires. Il y a peu de cas répertoriés, en tout cas que je connaisse, d'abus de la situation, sauf que l'industrie visée et intéressée peut offrir son point de vue par écrit à l'autorité réglementante, qui peut ou non en tenir compte puisqu'elle décide en dernier ressort de la réglementation. La réglementation qui en découle est souvent plus adéquate, plus appropriée. Finalement, quand on permet aux gens et à l'industrie visée de s'exprimer, la réglementation qui en ressort est de bien meilleure qualité.
Dans la même veine, et puisque nous en sommes à l'étude d'un projet de loi qui va guider la réglementation pendant sans doute plusieurs années à venir, le Barreau propose que ce projet de loi C-25 constitue une véritable loi-cadre qui pourrait régir les modalités de ce qui pourraient être des audiences publiques lorsque le projet de réglementation en est un d'importance qui affecte des couches importantes de la population et des groupes significatifs de la population.
C'est, bien sûr, une approche innovatrice que nous mettons de l'avant devant vous, mais il nous apparaît que l'étude de ce projet de loi est précisément une occasion unique, qui ne devrait pas se répéter, pour mettre de l'avant de telles innovations. Pourquoi cette loi ne serait-elle pas une loi-cadre à laquelle pourraient se référer les différents ministères de l'État fédéral lorsque la réglementation projetée est d'une importance telle que l'audience publique est souhaitable?
Encore une fois, il y a des précédents. Il y a des organismes fédéraux qui utilisent la procédure d'auditions publiques lorsqu'ils édictent soit des tarifs, soit des politiques qui affectent l'ensemble des citoyens canadiens. On n'a qu'à penser au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, qui le fait régulièrement. Là encore, la réglementation qui en ressort est une réglementation enrichie parce que tous et toutes y ont participé.
Donc, c'est une innovation, certes, mais puisque nous en sommes à l'étude d'un projet de loi qui nous guidera et qui guidera les juristes pendant certainement plusieurs années à venir, le Barreau n'hésite pas à utiliser l'occasion qui lui est donnée pour formuler cette deuxième suggestion.
Donc, il y a une première proposition sur ce qui existe déjà dans d'autres provinces de la fédération, c'est-à-dire la prépublication du règlement et la participation à son élaboration, et une deuxième suggestion qui, elle, est certainement nouvelle, soit la procédure d'auditions publiques qui, à notre avis, peut présenter dans certains cas des avantages importants.
Nous arrivons maintenant au projet de loi tel qu'il est libellé, et c'est le troisième et avant-dernier volet de la présentation. Nous aimerions aborder ce qui nous est apparu constituer les faits saillants de ce projet de loi et nous terminerons par une analyse des points techniques qui nous préoccupent.
Ce qui nous apparaît être les faits saillants et les améliorations, c'est d'abord une nette amélioration au niveau de la définition de «règlement» proposée dans le projet de loi, une définition qui nous apparaît bien plus conforme à la jurisprudence canadienne, une définition qui va favoriser l'uniformité dans le processus d'adoption. L'on tend à éliminer cette distinction entre les règlements et les textes réglementaires et on y retrouve ce principe qu'on a mis de l'avant dans le préambule, ce principe de la certitude en matière de règlements, qui est importante, notamment pour les juristes.
Donc, c'est une deuxième amélioration, outre la définition sur l'enregistrement du règlement. Là encore, autrefois, notre perception des choses était que l'enregistrement était limité à certains types de règlements et maintenant, il est étendu à tous les textes réglementaires. Par conséquent, c'est encore une amélioration.
Au niveau de la publication également, nous retrouvons dans le projet de loi ce qui nous apparaît constituer une amélioration. Cependant, on ne doit pas faire échec à ces améliorations par un recours trop facile à des exceptions dans le cadre de différentes lois particulières. Il nous apparaît que le principe de certitude doit guider l'autorité réglementante de manière à ce qu'il n'y ait pas de doute dans l'esprit des citoyens et dans l'esprit des juristes quant à l'existence ou non d'un règlement et quant à sa validité ou non.
Encore une fois, nous sommes d'avis que cette loi présente des améliorations par rapport à l'ancienne loi, mais qu'on devrait résister à la tentation de faire en sorte que ces améliorations ne se réalisent pas par un trop grand nombre d'exceptions dans des lois particulières.
Finalement, les commentaires. Nous avons fait dans le mémoire l'étude article par article. Je ne vous ferai pas une lecture de cela. Je vous présenterai cependant la liste de nos préoccupations à cet égard.
La première touche l'entrée en vigueur. Nous en traitons à la page 13 de notre mémoire. Bien sûr, la loi fédérale dit que le règlement entre en vigueur à compter de son enregistrement. Cela existe depuis des années, mais nous croyons qu'il est bien plus souhaitable et bien plus conforme à cet objectif de certitude de la réglementation, dont nous vous avons fait part, que l'entrée en vigueur se fasse lors de la publication du règlement.
C'est ce qui existe dans la province voisine, le Québec. Le règlement entre en vigueur à partir du moment où il est connu de tous, c'est-à-dire à partir du moment où il est publié. C'est un changement, mais l'étude de ce projet de loi est certainement l'occasion d'aborder ensemble la possibilité de changer des façons de faire. L'entrée en vigueur de façon concomitante à la publication correspond, à nos yeux, à cet objectif de certitude pour le public.
Nous avons noté également une distorsion entre les textes français et anglais du paragraphe 4(1), ainsi que de possibles malentendus au paragraphe 5(1). Ce sont là des textes qui nous ont préoccupés. Nous en parlons à la page 4 de notre mémoire.
Le paragraphe 5(3) permet d'assujettir certains règlements ou certains textes réglementaires au processus réglementaire, mais nous nous interrogeons sur la façon adéquate d'informer le public de ces cas où un texte réglementaire sera ou non assujetti à la procédure réglementaire.
Nous parlons également, à la page 5, de la notion de «lisibilité». Je ne connais pas la traduction de ce mot, mais il nous apparaîtrait, quant à nous, qu'il serait plus adéquat de parler d'intelligibilité du règlement.
À l'alinéa 7(4)d), dont nous parlons aux pages 5 et 6 de notre mémoire, on soustrait à l'examen du sous-ministre de la Justice ce que l'on a appelé les modifications mineures au règlement. Il nous apparaît peu sage de soustraire à cet examen des modifications qui, à première vue, peuvent apparaître mineures, puisque l'on sait que des corrections même minimes à un texte peuvent parfois avoir des conséquences graves sur les personnes qui sont l'objet du règlement.
Nous avons abordé également la nécessité de fixer des balises au pouvoir de soustraire à un tel examen un règlement, en vertu du paragraphe 7(5) du projet de loi, et nous en parlons à la page 6 de notre mémoire. Toujours dans cet objectif de recherche de la certitude dans la réglementation en vigueur, il nous apparaît que l'on ne pourrait pas aisément soustraire un règlement au processus réglementaire. C'est pourtant ce que permet le paragraphe 7(5), et il nous apparaît que les critères sont assez larges.
Au sujet du paragraphe 9(2), dont nous parlons à la page 6 de notre mémoire, nous nous sommes aussi interrogés sur les conséquences du refus d'enregistrement par le greffier. Cela affectera-t-il l'entrée en vigueur du règlement? Il est possible que oui, mais là encore, il nous apparaît que des questions peuvent être soulevées à cet égard.
On parle de la sanction du non-respect des règlements aux articles 11 et 26 du texte de loi, et nous abordons cette question à la page 11 de notre mémoire. Dans un premier temps, le texte français parle de sanctions, ce qui nous apparaît un concept beaucoup plus large que ce qui apparaît au texte anglais, où on peut comprendre que c'est vraiment limité aux sanctions de nature pénale. Donc, il y a une distorsion entre les deux textes au niveau de la sanction.
À la page 12, nous parlons du paragraphe 12(2) de la loi. Nous observons qu'il peut y avoir une discordance entre le support imprimé et le support électronique. La loi ne prévoit pas lequel des deux aura préséance et quels seront les mécanismes de sécurité qui seront à la disposition des avocats et du public.
Finalement, l'article 16 du projet de loi aborde une question qui a déjà été effleurée par la Cour suprême dans une affaire relativement récente, dont vous trouverez la référence à la page 12 de notre mémoire. C'est dans l'affaire du renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba. On a à ce moment-là effleuré la question du renvoi à une réglementation qui pourrait elle-même ne pas avoir été adoptée dans les deux langues officielles au Canada. On peut même imaginer que le renvoi permet de se référer à des normes dont la version originale pourrait être dans une langue qui ne serait même pas l'une des langues officielles du Canada. L'anglais ou le français ne serait qu'une traduction d'un texte dont la langue originale pourrait très bien être l'allemand ou l'espagnol.
Tout d'abord, le texte de loi apporte des solutions à certaines interrogations, mais ne règle pas tous les problèmes que soulève la réglementation par renvoi.
Pour comprendre l'histoire de la réglementation par renvoi, autrefois, il était vraiment très exceptionnel qu'un règlement ne soit pas adopté par l'autorité réglementante ou par les services gouvernementaux. C'était une chose tellement exceptionnelle que cela ne préoccupait pas les juristes. À cause de toutes sortes de facteurs, notamment la complexité de plus en plus grande de ces normes et le désir de restreindre les coûts, la tentation est de plus en plus grande de recourir à ces normes que ne contrôle pas l'autorité réglementante ou encore le gouvernement.
On peut croire, et certains indices nous permettent de le penser, que cette façon de faire aura tendance à se développer. Donc, les juristes, au début, faisaient face à des situations assez exceptionnelles. Ce phénomène, à nos yeux, a tendance à se développer. La loi, à notre avis, règle déjà certains problèmes, mais ne les règle pas tous, dont celui de ce qu'il adviendra du renvoi à des normes adoptées dans des langues autres que les langues officielles. Notre mémoire formule nos préoccupations à cet égard.
Finalement, j'ai deux commentaires à formuler. Le paragraphe 21(1) prévoit que certaines dispositions de la loi ont préséance sur les autres lois. Puisque cette loi a en quelque sorte beaucoup des caractéristiques d'une loi-cadre, pourquoi n'aurait-elle pas prépondérance sur toutes les lois?
Finalement, la disposition transitoire du paragraphe 28(1) est assez particulière en ce qu'elle est plus qu'une disposition transitoire à nos yeux. Elle permet de maintenir sous le régime de la nouvelle loi des exclusions qui se retrouvaient sous l'ancienne loi et ce, même pour les nouveaux règlements. Donc, c'est une disposition transitoire qui va au-delà de ce que l'on croit généralement être des dispositions transitoires.
En résumé, on voit dans ce projet de loi la recherche d'améliorations par rapport à la situation existante. Je répète que nos deux préoccupations majeures et celles qui devraient guider vos travaux et la rédaction du projet de loi final sont les suivantes: premièrement, la participation ouverte au processus d'adoption et, deuxièmement, le principe de la certitude en ayant à l'esprit que tout ce qui est incertain pour les juristes ou pour le public, lorsqu'on n'est pas certain de l'existence ou non d'un règlement et de son adoption ou non, engendre des coûts et, de façon générale, est néfaste tant pour l'État que pour les citoyens.
Mesdames, messieurs, vous nous aviez proposé un temps d'antenne de 20 minutes. Il est maintenant terminé. À moins que mes collègues aient des choses à ajouter, nous vous remercions de nous avoir entendus ce matin. Nous n'avons rien à ajouter et nous sommes disposés à répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Masson. Vos commentaires sont vraiment appréciés. Vous avez traité de beaucoup de points,
[Traduction]
de détails qui me semblent très importants. J'en ai moi-même relevé deux ou trois, et vous les avez mentionnés aussi. Je pense que nous devons les examiner, et à mesure que je prendrai davantage connaissance de votre mémoire, j'en trouverai sans doute d'autres. Je tiens à vous en remercier.
D'abord, j'aimerais donner la parole à M. Lebel.
[Français]
M. Lebel: Merci pour votre exposé, qui était très détaillé et intéressant.
Je dois dire que j'ai été surpris de voir que la définition de «règlement», telle que présentée ici, semblait vous satisfaire pleinement. Vous avez même dit que c'était une définition améliorée par rapport à ce qu'on connaissait dans l'ancienne Loi sur les textes réglementaires.
Pourtant, ailleurs et ici, les gens nous disent que la définition de «règlement» est vague et ambiguë, notamment lorsqu'on parle de documents ou de textes de toutes sortes. On l'a quelque part dans la définition:
- «règlement» Texte d'application générale pris sous le régime d'une loi fédérale et établissant
unilatéralement des règles de conduite ayant force de loi.
- Je pense que les mots «établissant unilatéralement» sont importants ici.
Me Masson: Oui, cela soulève beaucoup de questions de fond.
Quant à la première, sur la définition de «règlement», le droit administratif a évolué. Il est en constante évolution. Autrefois, les juristes avaient peu d'hésitation à déterminer ce qui était un règlement et ce qui ne l'était pas. Eh bien, tout cela a évolué et maintenant, de plus en plus, la frontière entre ce qui constitue un règlement et ce qui n'en est pas un tend à s'amincir et soulève des questions.
L'imagination de l'autorité de l'État est sans limite. Autrefois, c'était un règlement et c'était clair. Maintenant, les directives se multiplient, etc. Vous avez entendu beaucoup de savants juristes. Il nous apparaît que la définition qui est là n'a peut-être pas la précision que tous souhaitent, mais la jurisprudence non plus n'est pas tout à fait cristalline dans la définition de ce qui constitue un règlement ou pas. Il nous apparaît, quant à nous, que le fait d'englober dans la définition de «règlement» tout ce qui peut s'y apparenter et de le soumettre au processus constitue une amélioration. Bien sûr, ce n'est pas parfait, mais la notion de règlement est elle-même une notion que la jurisprudence développe et qui n'est pas toujours claire.
Deuxièmement, vous avez soulevé la question du caractère unilatéral. Un règlement demeure toujours un acte imposé par l'État, mais rien n'empêche l'État de consulter au préalable. Ce n'est pas aller à l'encontre de la nature unilatérale d'un règlement que d'inviter les gens à participer à son élaboration.
Il ne faudrait pas cependant que cela devienne un organisme paritaire, parce que là, cela cesse d'être de la réglementation. Ce n'est pas cela qu'on propose. On ne propose pas des organismes paritaires, mais bien la consultation dans le processus.
Bien sûr, je n'ai pas les autres opinions. La définition qui est là est floue, mais la jurisprudence elle-même édicte des critères et des balises, et cela nous apparaît une amélioration.
M. Lebel: Il y a quelque chose, à mon sens, qui me semble incompatible entre les paragraphes 4(1) et 4(2). À 4(1), on dit:
4. (1) Le processus réglementaire s'applique à tout règlement pris en vertu d'une disposition habilitante qui le désigne comme tel ou, à défaut, précise le type de texte - notamment décret, arrêté, règle, ordonnance, liste ou directive - par lequel s'exerce le pouvoir réglementaire.
Donc, on dit que c'est un règlement.
Essayons d'imaginer, par exemple, parce que j'ai vu cela en tant que coprésident du Comité mixte de l'examen de la réglementation, que le directeur des institutions financières et bancaires envoie une directive à toutes les banques sous sa juridiction pour leur dire que, dorénavant, une retenue d'une certaine somme sera... C'est fait sous forme de lettre et c'est sujet à contestation. Un des banquiers se plaint de cette directive-là. Honnêtement, je ne pense pas qu'on puisse rattacher cela à un règlement, tel que cela est défini au paragraphe 2(1). Cependant, si on s'en réfère au paragraphe 4(1), on pourrait dire que c'est un règlement sujet à contestation et à l'application de toutes les règles qui régissent les règlements.
D'autres personnes qui ont témoigné avant vous sont venues nous dire qu'elles voyaient là une contradiction. L'un créait le goût et l'autre créait l'appétit, mais il y a quelque chose qui ne va pas là. Ce n'est pas votre avis au Barreau?
Me Masson: Oui, mais cette contradiction-là est inhérente à la notion évolutive de règlement. Vous nous avez donné un exemple concret, celui du directeur des institutions financières qui écrit une directive qui touche toutes les institutions financières de cet état, donc des entreprises qui manoeuvrent et qui manipulent quelques centaines pour ne pas dire quelques milliers de milliards de dollars.
Puisque vous me posez la question comme cela, il m'apparaît qu'une telle directive a certainement autant d'impact que certains autres règlements et pourrait très bien être abordée et traitée comme un règlement. Cela pourrait même être sanctionnable par les tribunaux.
C'est en ce sens que l'étiquette que l'on place au-dessus du texte est en quelque sorte banalisée en disant: Quelle que soit l'imagination dont vous ferez preuve pour tenter de créer quelque chose que vous n'appellerez pas un règlement, mais qui en aura le même effet, cette chose risque fort d'être englobée là-dedans.
En ce sens, c'est une amélioration. Par contre, l'inconvénient, c'est que la notion de règlement évolue, est fluctuante et ne peut toujours être aisément cristallisée dans un court texte de loi. C'est sûr que ce n'est pas parfait.
M. Lebel: Je voudrais ajouter quelque chose pendant que vous y êtes et qu'on peut en profiter un petit peu. Je pense que c'est l'article 7 qui précise le pouvoir du gouverneur en conseil de soustraire de l'application de la loi certains règlements.
Me Masson: C'est l'article 5.
M. Lebel: C'est l'article 5 effectivement. Nous étions en congé la semaine dernière et cela paraît. On dit:
5. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, soustraire tout règlement au processus réglementaire.
Le gouverneur général est quelqu'un qu'on aime beaucoup et qu'on respecte énormément. Mais on sait que, dans la pratique, ce n'est pas le gouverneur général lui-même qui utilise ces pouvoirs-là. C'est le ministre lui-même. On sait que certains ministres sont très jaloux de leurs prérogatives et qu'ils ne veulent même pas voir leurs confrères se mettre le nez dans leurs dossiers.
Donc, n'avez-vous pas peur que cela amène des ministres un peu plus scrupuleux que d'autres à soustraire systématiquement du processus réglementaire... Prenons l'exemple du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.
On sait que toute modification réglementaire, quelle qu'elle soit ou si minime soit-elle, fait l'objet de contestations absolument épouvantables, ne serait-ce que pour changer la numérotation d'un article. Donc, il arrive souvent que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, pour un correctif purement administratif, soustraie un règlement de cette application.
N'est-ce pas là donner un exemple à d'autres? Finalement, cela deviendrait la règle et presque tous les règlements, avec cette ouverture, seraient soustraits du contrôle du Parlement. Ceux qui sont chargés, dans ce gouvernement, de vérifier les règlements auront du mal à les repérer sur le terrain parce qu'ils n'auront pas été publiés et n'auront pas fait l'objet d'un processus réglementaire.
L'autre jour, quelqu'un du ministère me disait que, si je cherchais un règlement, je devais le demander à mon député. Je lui ai dit que c'était moi, le député. Il y a quelque chose qui ne marche pas là.
Me Masson: Pendant que vous me posez la question, je cherche. Dans la loi, il y a déjà plusieurs exceptions de prévues, et cette tentation que vous évoquez est déjà même dans le projet de loi. Il y a plusieurs exemples. Vous me parliez plus tôt d'une question reliée aux sociétés autochtones. Je pense même qu'on y retrouve des projets d'amendements.
Vous avez raison, et cela fait aussi partie de nos préoccupations. Il ne faudrait pas que ce principe de certitude, auquel nous attachons beaucoup d'importance et qu'on retrouve dans la loi, soit trop aisément mis à l'écart par certaines dispositions, entre autres celle de l'article 5. Dans notre mémoire, vous retrouvez nos commentaires à cet égard à la page 4. Nous nous interrogeons justement sur la facilité qu'il pourrait y avoir et sur la tentation à laquelle on pourrait très bien ne pas résister de mettre de côté ces principes par de trop grandes exceptions.
M. Lebel: C'est l'une des préoccupations du Barreau?
Me Masson: Oui, c'est une préoccupation du Barreau.
[Traduction]
Le président: Monsieur Kirkby? Monsieur Maloney.
M. Maloney (Erie): J'aimerais poser une question, monsieur le président.
Vous recommandez de publier les règlements suffisamment longtemps à l'avance. En l'occurrence, quel délai vous semblerait raisonnable?
Me Masson: Au Québec, de façon générale, on s'en tient à un délai de 45 jours pour la publication dans la Gazette du Québec.
De façon générale, les gens qu'un règlement donné intéresse, qui porte sur une question qui aura une incidence sur leur secteur d'activité dans les années à venir, sont alors en mesure de se prononcer au cours de ce délai de 45 jours, et si la question ne les intéresse pas,
[Français]
ils vont oublier ce délai.
[Traduction]
Pour les secteurs d'activité concernés, d'après mon expérience - c'est du reste ce que nous faisons souvent - on s'en tient habituellement à un délai de 45 jours et c'est tout à fait acceptable pour l'autorité réglementante, pour les représentants des secteurs d'activité, ainsi que pour les avocats qui rédigent les mémoires écrits concernant certaines questions.
M. Maloney: Vous recommandez aussi qu'on tienne des audiences publiques. Le ferait-on dans tous les cas...
Me Masson: Certainement.
M. Maloney: ...ou seulement dans les cas où on a formulé des recommandations majeures ou d'importantes objections? Comment verriez-vous cela?
Me Masson: D'abord, nous estimons que ce projet de règlement devrait constituer une loi-cadre pour permettre aux autres autorités de recourir à la procédure prévue dans la loi pour tenir des audiences publiques. Nous estimons que les audiences publiques ne sont utiles que dans le cas des règlements qui visent d'importants groupes de la population. Elles ne sont pas utiles dans tous les cas.
M. Maloney: Qui décide ce qu'est un groupe important?
[Français]
Me Masson: L'autorité réglementante, c'est-à-dire le ministre ou ses représentants, cela va de soi. Mais ici on pourrait créer un mécanisme auquel on pourrait avoir recours.
[Traduction]
M. Maloney: Merci.
[Français]
Le président: Nous avons encore du temps pour une ou deux questions.
M. Lebel: À Québec, le processus est-il long? Ici, on dit qu'il faut sept jours de publication et 23 jours dans la Gazette du Canada. Donc, on parle d'un délai de 30 jours pour l'adoption d'un règlement. C'est ce qui semble être l'irritant majeur actuellement.
Me Masson: Non. Non seulement ce n'est pas long, mais cela accélère le processus, parce que c'est transparent. Quand tout le monde participe au processus d'élaboration, l'autorité réglementante est en quelque sorte plus en sécurité elle-même. Que se passe-t-il quand on ne consulte pas? Dans le fond, comment fonctionne le ministre? Il faut qu'il procède à des consultations informelles; il n'est pas certain, ce n'est pas structuré, il y a des risques d'erreur, etc., et il n'y a même pas de mécanisme ici, ne l'oublions pas.
La loi fédérale ne permet même pas cela. Elle devrait au moins le permettre. Comme vous l'avez souligné plus tôt, chaque ministère a ses façons de faire. Chaque ministre, et c'est légitime, a ses façons de travailler. Chaque ministère a développé son propre savoir-faire dans ces matières. Bien sûr, je ne participe pas à l'autorité de l'État, mais à mon avis, cette façon de faire est certainement plus insécurisante, moins sûre pour l'autorité que d'avoir un avis public, que de savoir que tous les représentants touchés par le règlement vous ont fait part de toutes leurs préoccupations.
Disons que cela prend 45 jours. Cette période de 45 jours est un investissement bien plus rentable que ce qu'on connaît actuellement. Cela n'augmente pas les délais, à mon avis. Cela les raccourcit même, parce que c'est public. Quand l'autorité a entendu tout le monde, elle peut dire: «Finalement, notre règlement est correct et on peut avancer.»
Également, on s'évite beaucoup de contestations par la suite. Quand un règlement est publié et bouleverse ou bouscule une industrie, la réaction est beaucoup plus violente. Il faut s'entendre. Nous sommes en public. Je parle plutôt de réactions plus efficaces au plan juridique. La résistance peut être plus grande que lorsqu'on invite les gens à participer au processus. Donc, on ne perd pas de temps avec cela. À mon avis, on en gagne.
M. Lebel: Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lebel.
Je vous remercie beaucoup pour votre exposé de ce matin, monsieur Sauvé, monsieur Masson et madame Carrier. Vous nous avez été très utiles. Nous avons pu vous poser un grand nombre de questions très intéressantes.
Je tiens à dire que la transparence, l'ouverture et le processus que vous réclamez nous apparaissent aussi comme des objectifs à viser. Naturellement, nous laisserons au ministère et aux membres du comité le soin d'en décider dans leur sagesse, mais je tiens à dire que j'ai beaucoup aimé votre présentation.
Comme je vous le disais au début, je pense que vous avez fait une très bonne analyse de l'ensemble du projet de loi ainsi que d'importantes observations au sujet des équivalences des textes français et anglais - qui peuvent poser des problèmes délicats. Merci beaucoup d'avoir comparu.
Me Masson: Merci.
Le président: Nos prochains témoins sont de l'Université d'Ottawa. Je souhaite la bienvenue à Ed Ratushny, professeur de droit à la Faculté de droit, et à Jamie Benidickson, professeur associé à la Faculté de droit.
Messieurs, veuillez nous excuser. Nous accusons un léger retard. Je sais que M. Benidickson doit donner un cours et nous quitter vers 10h30. Si nous pouvons commencer maintenant, nous pourrions entendre votre exposé, et s'il nous reste du temps, nous aimerions pouvoir vous poser des questions.
M. Ed Ratushny (professeur, Faculté de droit, Université d'Ottawa): Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître.
Nous sommes des généralistes du droit administratif. Ce n'est pas un champ de spécialité, mais un domaine que nous connaissons assez bien.
En étudiant ce projet de loi, nous nous sommes d'abord arrêtés à la définition, au paragraphe 2(1):
«règlement» Texte d'application générale pris sous le régime d'une loi fédérale et établissant unilatéralement des règles de conduite ayant force de loi.
Évidemment, si on parle de règlement, c'est qu'il est question de règlement.
L'une des choses qui nous préoccupent, c'est que le projet de loi ne donne que très peu d'indications permettant d'établir dans quelles circonstances un texte donné a force de loi. Les tribunaux utilisent différents critères, notamment le libellé de la disposition habilitante, naturellement, et d'autres considérations comme la question de savoir s'il s'agit d'un texte d'application générale ou non. Cependant, la question d'application générale tient davantage à la distinction qui existe entre une ordonnance ou un règlement qu'à la question de savoir si le texte a force de loi ou non.
De sorte que cette dernière question élude en quelque sorte celle que pose la définition, puisque c'est une question importante et que la définition ne nous apporte pas vraiment d'éclaircissement.
La Loi sur les textes réglementaires contient une disposition qui permet d'établir, au moins dans la mesure où le gouvernement énonce sa position, si un texte donné a ou non force de loi. On ne semble pas trouver de disposition semblable dans ce projet de loi, et il s'agit là d'une question fondamentale qu'il faudrait sans doute examiner.
M. Benidickson souhaite vous en dire un peu plus à ce propos.
M. Jamie Benidickson (professeur, Faculté de droit, Université d'Ottawa): Je peux vous soumettre, non pas tant des propositions concrètes, que quelques réflexions au sujet du sens de l'expression «établissant unilatéralement» qu'on trouve dans la définition.
Après avoir entendu le témoin précédent exprimer l'avis que je partage, selon lequel la notion de règlement est quelque chose qui a évolué et qui continue de le faire, j'ai quelques réserves à propos de l'emploi de l'expression «établissant unilatéralement». Voyons voir si je peux vous les présenter.
Dans une loi habilitante, le libellé peut faire référence au pouvoir de prendre ou d'émettre ou de prescrire un règlement plutôt que de l'imposer. Partant de là, alors, on se demande si l'utilisation du mot «établissant», notamment dans l'expression «établissant unilatéralement», décrit de façon exacte la façon dont les règlements prennent naissance.
Nous avons différents processus de réglementation, dont certains font en sorte que les règlements peuvent être pris ou émis en fonction d'un avis provenant d'une autre entité ou conformément aux recommandations soumises par celle-ci. Ils sont souvent considérés comme imposant des contraintes au contenu ultime que l'entité signataire peut produire.
Des règlements peuvent aussi résulter de l'initiative de certaines entités et être assujettis à l'approbation d'autres parties. Bien qu'au bout du compte le texte ait force de loi, on suppose que cette interaction entre les recommandations et l'avis et l'exigence relative à l'approbation éventuelle aboutit à quelque chose qui n'équivaut certes pas à un texte unilatéralement établi.
Diverses lois contiennent un pouvoir de réglementation ayant son propre processus. Certains sont assez élaborés. Par exemple, en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, un processus décisionnel suppose la participation explicite de comités, la consultation des provinces qui pourraient être visées et d'autres éléments de ce type. Il me semble qu'on établit ainsi clairement un processus qui montre bien que le résultat n'est pas un document établi unilatéralement.
Il existe de nombreux processus de consultations. On a beau débattre de la question de savoir dans quelle mesure la consultation et la participation sont efficaces et utiles et contribuent à l'obtention de résultats, il n'en demeure pas moins qu'ils existent. Il me semble qu'étant donné l'existence de ces processus, on ne saurait parler de quelque chose qui serait unilatéralement imposé comme le considéreraient, à mon avis, la plupart des gens qui pourraient lire ce libellé.
Sur le plan de la politique, l'établissement de règlements suppose souvent une analyse de l'impact réglementaire. Le but, c'est de s'assurer que le règlement, une fois finalisé, tiendra compte des points de vue des parties qui pourraient être touchées.
Si l'on veut donc que l'expression «établissant unilatéralement» puisse être interprétée par certains comme comportant des décisions prises sans égard aux conséquences, alors on s'efforce bien sûr, dans une modeste mesure pour l'instant, de tenir compte de ces conséquences. Je pense que l'expression, en plus de n'être peut-être pas exacte, comme je l'ai déjà laissé entendre, pourrait aussi se révéler malencontreuse dans le contexte, si l'on peut dire, d'un régime décisionnel parlementaire et démocratique. Sur un plan, notre détermination de citoyens à nous conformer à la loi repose sur l'acceptation d'un processus parlementaire soutenu par le régime électoral.
Le pouvoir de réglementation est un pouvoir délégué. Il est exercé au nom des parlementaires. Je serais étonné que les parlementaires, bien qu'ils reconnaissent leur rôle de législateurs, considèrent en fin de compte ce rôle comme équivalant à autre chose qu'à l'établissement unilatéral de règles de conduite pour les citoyens à qui ils doivent rendre des comptes.
Il me semble aussi qu'il faudrait, tout en usant de prudence dans l'emploi de cette expression... J'expose simplement quelques réflexions qui me sont venues parce que j'ai été étonné que...
Le président: Pourrais-je vous interrompre? Je n'aime pas avoir à le faire, mais comme le temps nous presse, monsieur, bien que cela soit très intéressant, j'aimerais que vous nous disiez si la légalité s'en trouve compromise et ce qu'on cherche à faire avec cette définition?
M. Benidickson: En fin de compte, il faut se demander si l'expression «établissant unilatéralement» apporte vraiment quelque chose à la question de savoir si un texte a force de loi, ce que M. Ratushny estime tout à fait essentiel, tout comme moi du reste.
M. Ratushny: Pour revenir à ce que disait M. Benidickson, le témoin précédent a fait quelques observations au sujet de la possibilité de soumettre des mémoires ainsi que des délais à respecter avant l'entrée en vigueur du règlement.
La question est plutôt complexe, étant donné que les lois comportent différentes exigences. Dans certains cas, il faut procéder à une consultation raisonnable avant de prendre des règlements, dans d'autres lois, on définit certaines limites de temps avant l'entrée en vigueur des règlements. Dans d'autres cas encore, des exigences précises concernent les consultations.
Il est donc difficile de généraliser, mais il me semble qu'on peut dire que la tendance générale consiste à multiplier les occasions de participation avant l'entrée en vigueur de règlements.
Je pense que toutes les politiques et les exigences du Conseil du Trésor concernant la réglementation en témoignent, en ce sens que l'entité qui est appelée à établir le règlement, doit en exposer l'incidence et se doit précisément d'accorder des occasions de consultation, notamment aux parties prenantes.
C'est donc une vaste question. Elle est difficile à cerner. Je ne suis pas convaincu qu'un délai général de tant de jours convienne pour l'ensemble des règlements, étant donné la diversité des contextes de participation.
Pour poursuivre, à l'alinéa 2(2)a), il est fait mention de la procédure dans les instances engagées devant soit:
- un tribunal judiciaire soit un organisme administratif désigné en vertu de l'alinéa 26a);
- «office fédéral»
- Cette expression a fait l'objet de multiples interprétations par les tribunaux en raison de
questions de compétence, et il serait utile qu'on assure une certaine uniformité à cet égard.
L'article 4 traite de l'application du processus réglementaire à des règlements pris en vertu d'une disposition habilitante, mais cela ne nous aide pas beaucoup non plus à déterminer si un texte donné a force de loi ou non. Certains termes employés à l'article 4 ajoutent à la difficulté et à la complexité de cette question.
Par exemple, on emploie le mot «directive». Nous savons qu'en droit on peut parler de directive, mais on peut comprendre que le Parlement visait à faire en sorte que cette directive ait force de loi malgré l'appellation utilisée. On peut donc se demander s'il n'y aurait pas lieu de rectifier la terminologie. S'il doit s'agir d'un règlement, parlons de règlement. S'il s'agit d'une directive, ou de quelque chose de ce genre, alors il n'y a peut-être pas lieu de lui donner force de loi.
La question de savoir si un texte a force de loi est fondamentale en l'occurrence. Il me semble que les citoyens devraient être en mesure de savoir si un texte donné a force de loi sans avoir à recourir aux tribunaux.
Pour ce qui est de l'article 5, on s'inquiète du caractère général de ce pouvoir d'exemption - je sais qu'il en a déjà été question au cours du débat précédent - ainsi que du pouvoir du gouverneur en conseil de soustraire tout règlement au processus réglementaire.
Le paragraphe 5(4) semble imposer quelques contraintes ou limites à ce pouvoir d'exemption du gouverneur en conseil. Quand un règlement est soustrait au processus réglementaire, il est dit que les pouvoirs conférés au gouverneur en conseil:
- s'exercent dans l'intérêt public conformément aux principes de légalité, d'accessibilité et de
responsabilité gouvernementale liés à la prise des règlements ou autres textes, compte tenu de
l'importance
- d'une part, de la réalisation des objectifs, etc.
Ces mots ont donc une portée générale, mais peut-être n'ont-ils pas beaucoup d'effet dans la pratique. En outre, le libellé du paragraphe 4 est problématique en soi. On constate que des pouvoirs s'exercent dans l'intérêt public conformément aux principes de légalité, d'accessibilité et de responsabilité gouvernementale, alors qu'en fait l'exemption constitue une dérogation à ces mêmes principes. Ce dont il est question ici, c'est de déroger à la responsabilité gouvernementale, à la légalité et à l'accessibilité, puisque cela sera fait par le Cabinet.
Ce dont il est ici question en somme, c'est d'une exemption s'appuyant sur ce qui se trouve énoncé à l'alinéa 5(4)a). C'est la justification à la dérogation à ces principes. C'est en raison de certaines inquiétudes concernant la sécurité, la santé, l'environnement et le développement durable. C'est un intérêt public particulier qui doit transcender le processus général et avoir priorité sur lui en raison de la nécessité d'agir rapidement.
J'estime que le libellé de cet alinéa doit être revu afin de bien préciser de quoi il retourne. Mis à part le libellé, c'est une question de responsabilité. Le gouverneur en conseil devrait-il avoir ce pouvoir général, ou celui-ci devrait-il lui être conféré dans la loi habilitante en vertu de laquelle le règlement est pris?
Par exemple, si le règlement porte sur une question de santé, il sera alors pris en vertu d'une loi qui traite de la santé. Peut-être que ce pouvoir devrait être spécifiquement inclus dans cette loi - soit que le gouverneur en conseil peut accorder une exemption - et on devrait y énoncer des critères plus objectifs quant à ce qui doit être pris en compte pour accorder une exemption. Le cas échéant, on peut demander un examen judiciaire, ou recourir à une contestation judiciaire de la légalité ou de l'objectivité.
On pourrait aussi demander au gouvernement d'exposer dans chaque cas, de publier, peut-être dans la Gazette, les raisons pour lesquelles on accorde cette exemption afin qu'il y ait des comptes qui soient rendus à la population, au moins au Parlement, si le gouvernement a tendance à faire fi un peu trop facilement des exigences de la loi.
On trouvera un exemple de loi qui autorise spécifiquement une dérogation, soit le paragraphe 26g) à la page 11 du projet de loi. Un règlement est exempté des exigences de publication si l'insertion dans les index risquent de porter préjudice, et on énumère alors certains cas.
Il pourrait y avoir des dispositions similaires en ce qui concerne la santé, l'environnement, la sécurité et d'autres cas dans ces lois, dispositions qui autorisent la création de ces règlements spécifiques.
Le président: Si vous le permettez, monsieur Ratushny, je ne veux pas vous interrompre...
Monsieur Benidickson, vous deviez nous quitter à 10h30. Auparavant, j'aimerais savoir si vous avez d'autres observations à faire. J'aimerais savoir ce que vous nous proposez d'utiliser au lieu de l'expression «établissant unilatéralement». Qu'est-ce qu'on «établit»? Avez-vous quelque chose à ajouter?
C'est un argument valable. Peut-être que d'autres membres ont des questions à poser sur ce que vous avez dit ou en auront sur autre chose que vous aimeriez dire avant de nous quitter.
M. Benidickson: J'y ai pas mal réfléchi. J'ai pensé entre autres choses à utiliser dans la version anglaise le mot «established». On pourrait aussi dire en anglais «authoritatively implemented». Mais j'avais toujours du mal à cerner ce qu'on ajouterait ainsi à la portée de l'expression «ayant force de loi» même en y réfléchissant bien. Je n'ai pas de proposition précise à faire, bien que j'aie réfléchi à la question.
Le président: Si d'autres membres veulent poser des questions à M. Benidickson, ils peuvent le faire, mais je ne veux pas interrompre M. Ratushny, étant donné qu'il présente de très bons arguments.
Monsieur Kirkby.
M. Kirkby (Prince Albert - Churchill River): Nous devrions poursuivre.
Le président: D'accord.
M. Ratushny: Le paragraphe 7(1) vise l'examen par le sous-ministre de la Justice. Selon nous, cette disposition ne s'applique qu'à un règlement. Pourtant, le processus réglementaire, d'une façon plus générale à l'article 4, s'appliquerait non seulement à un règlement mais également à d'autres instruments qui n'ont pas force de loi.
Je n'ai pas eu l'occasion d'en discuter avec les gens du ministère de la Justice, mais c'est notre interprétation. Il se peut que quelque chose nous ait échappé, mais il semble qu'un règlement, à partir de la définition de l'article 2, soit une mesure qui a force de loi. Or, aux termes de l'article 4, tout règlement est assujetti au processus réglementaire, qu'il ait force de loi ou non. Ainsi, une mesure qui n'est en réalité qu'une directive n'ayant pas force de loi est tout de même assujettie au processus réglementaire si elle est émise en vertu d'une loi.
Cependant, pour ce qui est du paragraphe 7(1), l'examen par le sous-ministre de la Justice, ne vise que les règlements qui ont force de loi. Je ne vois pas la raison d'une telle distinction. Si on assujettit une mesure qui n'a pas force de loi au processus réglementaire, pourquoi ne pas également l'assujettir à l'examen du sous-ministre de la Justice? Autrement dit, pourquoi le processus réglementaire ne serait-il pas d'application générale?
Il se peut qu'il y ait de bonnes raisons de prévoir l'examen par le sous-ministre de la Justice de lignes directrices ou de directives n'ayant pas force de loi. Il se peut également qu'elles se situent en dehors des pouvoirs conférés par la loi habilitante. Si la loi habilitante prévoit tel ou tel pouvoir, alors la directive ne doit pas outrepasser ces pouvoirs, même si elle n'a pas force de loi. Même s'il existe d'autres poids et contrepoids, j'estime que le rôle du sous-ministre de la Justice doit viser l'ensemble du processus réglementaire.
Voilà, dans les grandes lignes, ce que nous avions à dire. Nous sommes prêts à répondre aux questions des membres du comité.
Le président: Merci beaucoup, messieurs.
[Français]
Monsieur Lebel.
M. Lebel: Étiez-vous vous présents lors de la présentation qui a été faite juste avant vous par les membres du Barreau du Québec?
J'ai dû m'absenter pendant quelques minutes et, lorsque je suis revenu, vous étiez en train de discuter de la question de l'unilatéralité. J'ai cru comprendre que vous étiez, peut-être un peu comme le Barreau, en faveur de mesures telles que l'audience préalable à l'adoption des règlements. Est-ce bien ce que vous vouliez dire?
[Traduction]
M. Benidickson: Je voulais dire qu'en raison, dans une large mesure, des avis prévus et des processus de consultation et de participation qui caractérisent notre processus réglementaire il ne serait ni exact ni convenable de parler d'un processus établi unilatéralement. La transparence est tout à fait souhaitable. Dans la mesure où nous continuons de favoriser le processus participatif, la notion de réglementation établie unilatéralement que contient la définition ne me satisfait pas tout à fait.
[Français]
M. Lebel: Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Monsieur Kirkby.
M. Kirkby: J'aimerais rester sur ce même sujet. À l'heure actuelle, bon nombre de règlements deviennent beaucoup plus techniques et ne peuvent être efficaces ou même pertinents que grâce à une participation beaucoup plus grande des parties intéressées. Le gouvernement ne peut faire cavalier seul. Il n'a pas, dans bien des domaines, les connaissances voulues pour édicter des règlements qui pourraient être utiles. S'il évite de consulter, il le fait à ses risques et périls.
Il est peut-être possible de formuler autrement l'expression «établissant unilatéralement» de manière à ce qu'elle corresponde à ce que nous comprenons normalement du processus d'élaboration et de prise de règlements. Se pourrait-il cependant que l'expression évoque tout simplement le fait que, en dernière analyse, c'est au Parlement que revient la responsabilité de trancher? Il y aurait peut-être une façon plus élégante de le dire mais, en fin de compte, les règles sont établies unilatéralement. Nous cherchons donc peut-être une expression plus commode, mais se pourrait-il que celle qui a été retenue reflète tout simplement la réalité?
M. Ratushny: Permettez-moi de vous donner un exemple où cela pourrait avoir des conséquences juridiques. Prenons une loi où il est stipulé que tout projet de loi doit faire l'objet d'un avis préalable de 60 jours et de consultations avec le public. Il serait possible qu'un tribunal déclare que tout règlement issu d'un tel processus n'est pas un règlement au sens de la loi, étant donné qu'il n'a pas été établi unilatéralement. Le règlement différerait des autres puisqu'il serait visé par une exigence légale relative à la participation du public.
Ainsi, l'idée d'une formulation qui irait davantage dans le sens de la participation a une valeur en soi, mais il y a peut-être lieu également de tenir compte d'un certain nombre - restreint - de conséquences juridiques précises.
M. Kirkby: Seriez-vous en mesure de signaler certains cas précis où une telle interprétation serait possible ou probable?
M. Ratushny: Non, je ne crois pas que l'expression «établissant unilatéralement» ait été utilisée par le passé dans la rédaction des lois. Je ne suis au courant d'aucune poursuite.
Le président: Avez-vous d'autres questions, monsieur Kirkby?
M. Kirkby: Non. Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Lebel.
[Français]
M. Lebel: J'aimerais revenir à ce que mon honorable collègue demandait. Le Barreau répondait à cela. Ultimement, le règlement est adopté par l'autorité réglementante même s'il y a eu des consultations préalables. C'est en ce sens que le mot «unilatéral» prend toute son importance. Le Barreau disait que, même s'il y a eu consultation, le règlement est adopté ultimement par une autorité réglementante. Si je comprends bien, pour vous, le mot «unilatéralement» interdirait, ou presque, la consultation populaire, les audiences publiques, etc. C'est votre crainte, n'est-ce pas, monsieur Ratushny?
[Traduction]
M. Benidickson: Je ne suis pas certain que cela aurait pour effet d'empêcher ou de décourager la participation. J'étais quelque peu insatisfait de l'expression du fait qu'elle risque d'être mal comprise comme description du processus. Par contre, je suis d'accord avec vous pour dire qu'elle traduit bien, de façon simple, l'idée qu'il existe un pouvoir suprême qui doit trancher à un moment donné. Si c'est bien ce qu'on a voulu dire, alors je dirais que l'expression dit bien ce qu'elle veut dire. Je note cependant que les gens ordinaires, qui ne connaissent pas aussi bien le sujet que vous, risquent d'être déroutés par cette expression lorsqu'ils liront la loi. Elle risque de susciter du ressentiment.
Le président: Monsieur Ratushny, pour revenir à la définition, elle est d'une grande importance, me semble-t-il, et nous voulons tous qu'elle soit adéquate. Vous avez déclaré qu'elle ne nous permet guère de déterminer quand un règlement a force de loi. Est-ce bien dans la définition qu'on doit le préciser, ou bien estimez-vous qu'on pourrait prévoir une disposition à cet effet ailleurs dans le projet de loi? Je tiens à obtenir votre avis sur cet aspect important.
M. Ratushny: Il existait, aux termes de la Loi sur les textes réglementaires, une disposition...
M. Benidickson: L'article 4 de la Loi sur les textes réglementaires traite de ce que l'on décrit en marge comme étant la «détermination du caractère de règlement». L'article prévoit, en cas d'incertitude, une procédure de transmission au sous-ministre de la Justice, auquel il appartient de trancher la question, à savoir si le texte réglementaire, une fois pris, constitue un règlement.
Il existait donc tout au moins un mécanisme qui permettait de dissiper le doute - pas nécessairement de façon définitive, compte tenu de la possibilité pour les tribunaux de revoir la question - mais, tout au moins, aux fins de déterminer quel était l'intention ou l'avis du gouvernement sur la nature du texte réglementaire.
M. Ratushny: Pour répondre à votre question de façon plus précise, j'estime qu'il serait extrêmement utile que le texte précise à l'avance, de façon plus claire, dans quelle mesure un texte réglementaire donné a force de loi ou n'est qu'un texte de nature plus générale.
Le président: Merci.
M. Ratushny: Selon certains précédents, on parle de «directives», mais il est clair selon le tribunal que, en dépit de l'appellation, il s'agit de textes qui ont force de loi selon l'esprit de la mesure législative. Par ailleurs, le tribunal a déclaré que, d'après le libellé de la loi, certaines directives n'étaient pas censées avoir force de loi.
Il serait utile que la loi habilitante ou le projet de loi que nous étudions, qui va lui-même devenir une loi à un moment donné, nous permette de déterminer à l'avance si un texte a force de loi. Nous savons bien que toute loi du Parlement a force de loi, mais il est question ici de délégation du pouvoir législatif. La délégation englobe parfois des aspects qui ne relèvent pas du pouvoir de légiférer, comme la possibilité d'émettre des lignes directrices, des directives, ou quoi que soit.
Puisqu'il s'agit d'une distinction dont l'importance est si fondamentale, il me semble que nous devrions nous efforcer de faire connaître à l'avance l'effet de tout texte réglementaire.
Le président: Merci beaucoup.
Puisque nous avons épuisé la discussion, j'aimerais remercier nos deux témoins au nom du comité. Je tiens à vous féliciter de nous avoir soumis certaines idées extrêmement valables et ce, de façon très claire et directe. Vos exposés nous ont été fort utiles et j'espère bien qu'ils vont enrichir le processus que nous voulons tous voir aboutir. Monsieur Benidickson et monsieur Ratushny, je vous remercie de votre participation.
M. Ratushny: Merci, et bonne chance dans votre travail.
Le président: Un peu de chance ne nous fera certainement pas de tort. Merci beaucoup, encore une fois.
Prenons maintenant une pause de cinq minutes avant d'accueillir notre prochain témoin.
Le président: J'aimerais maintenant déclarer la séance ouverte à nouveau et souhaiter la bienvenue à notre troisième témoin de la matinée, M. Daniel Mockle, de l'Université du Québec à Montréal. M. Mockle est professeur agrégé en droit public et président de la section de droit administratif de l'Association canadienne des professeurs de droit. M. Mockle est une grande autorité en matière de réglementation. Avant qu'il ne nous livre son témoignage, je le prierais de nous fournir quelques notes biographiques aux fins du procès-verbal, de manière à ce que nous puissions apprécier à sa juste valeur le témoignage que nous allons entendre de cet éminent professeur.
Monsieur Mockle, s'il vous plaît.
[Français]
Me Daniel Mockle (professeur agrégé en droit public, président de la section de droit administratif, Association canadienne des professeurs de droit, Université du Québec à Montréal): Je voudrais d'abord remercier le comité de prendre le temps d'entendre mon exposé.
Je voudrais signaler quelques éléments afin de me situer. Dans le cadre de mes recherches, j'ai fait un doctorat qui porte spécifiquement sur la notion de réglementation et sur les pratiques pararéglémentaires, et mon document a été publié. Les références apparaissent d'ailleurs dans le texte que je fais distribuer, qui est en fait un plan car je n'ai malheureusement pas eu le temps de rédiger un mémoire.
Je suis le président de la section de droit administratif de l'Association canadienne des professeurs de droit depuis 1989. J'étais président de l'Association canadienne des professeurs de droit en 1995-1996 et j'en suis maintenant le président sortant.
J'ai été pendant plusieurs années mêlé aux travaux de la Commission de réforme du droit du Canada, de 1982 à 1988, où j'étais consultant au sein de la section de droit administratif.
Pour ce qui est de la section de droit administratif de l'Association canadienne des professeurs de droits, chaque année, dans le cadre des sociétés savantes, une rencontre est organisée. Notamment, en juin dernier, dans le cadre de la rencontre de 1996, celle qui a eu lieu à l'Université Brock, à St. Catharines, j'ai organisé une rencontre qui avait pour objet spécifique les projets de loi C-62 et C-25 en vue de discuter avec d'éminents spécialistes dans le domaine de la réglementation des enjeux liés à ces deux projets de loi. Bien sûr, nous savions que C-62 était mort au Feuilleton, mais que C-25 avait été, bien sûr, reconduit en mars. La liste de ces conférenciers apparaît sur la petite feuille que j'ai fait distribuer. Je reviens donc à mon exposé d'aujourd'hui.
J'ai jugé important de venir à Ottawa parce que le projet de loi C-25 n'est pas simplement la mise à jour de la Loi sur les textes réglementaires, mais un projet qui soulève plusieurs questions. Il apparaît incontestablement comme un immense progrès par rapport à la Loi sur les textes réglementaires. J'aimerais, dans un premier temps, m'en réjouir. J'espère que le projet de loi C-25 pourra aboutir, car les lacunes qui devaient être corrigées par rapport à la Loi sur les textes réglementaires sont nombreuses.
J'aimerais rappeler que certains de mes collègues avaient eu des propos très durs à propos de la Loi sur les textes réglementaires, notamment mes collègues Garant et Issalys de l'Université Laval, qui parlaient de désastre conceptuel à propos de la Loi sur les textes réglementaires dans leur ouvrage intitulé Loi et règlement paru en 1981.
Je pourrais également signaler le quatrième rapport du Comité mixte permanent sur les règlements et textes réglementaires qui, en 1980, préconisait le remplacement de la Loi sur les textes réglementaires par une nouvelle loi. Or, nous sommes à peu près 15 ou 16 ans plus tard. Vous voyez un peu la lenteur des réformes dans le domaine du droit administratif fédéral.
J'aimerais situer mon intervention d'aujourd'hui. J'aimerais surtout sensibiliser les députés à l'existence de transformations notoires dans le domaine de la réglementation. On ne peut plus penser la réglementation dans un sens traditionnel...
[Traduction]
Le président: Je vous prierais de parler un peu plus lentement pour faciliter le travail des interprètes.
M. Mockle: J'ai la mauvaise habitude de tout faire trop rapidement.
Le président: Nous avons tout notre temps. Nous sommes intéressés par ce que vous avez à nous dire et je vous prie donc de continuer.
[Français]
M. Mockle: J'aimerais centrer mon exposé d'aujourd'hui sur le problème de l'ouverture, de l'accessibilité, de la transparence et de la publicité des normes. C'est nécessaire car ce qu'on entend par la notion de réglementation évolue considérablement en ce moment. Le projet de loi C-25 en est un exemple avec les articles 16 à 19 à propos des normes dites techniques qui pourraient être incluses par renvoi. En termes de droit public, nous sommes confrontés à la multiplication de normes qui n'ont pas le statut de règlement, qui sont des normes non réglementaires, mais qui produisent quand même des effets. On est vraiment dans le domaine du normatif.
Dans un premier point, qui apparaît sur mon plan, je désire simplement faire un rappel des pratiques ou des normes qui, actuellement, n'ont pas ou pourraient - j'emploie le conditionnel - ne pas avoir un caractère réglementaire, simplement afin de sensibiliser les députés à ces transformations qui affectent la notion de réglementation. Donc, dans un premier temps, c'est un simple rappel.
Les pratiques administratives internes: Les termes «infraréglementaire» et «pararéglementaire» sont largement connus au Québec dans le cadre des ouvrages de droit administratif. Il s'agit simplement des pratiques administratives internes qui ont plusieurs objets. J'ai publié plusieurs choses sur ce sujet. On peut, bien sûr, faire des classements, parler de règles budgétaires, de règlements internes destinés aux usagers dans les établissements fédéraux comme les aéroports et les établissements carcéraux.
Il y a également le phénomène des directives. Il s'agit vraiment de l'autolimitation du pouvoir discrétionnaire par des normes qui ont pour but de baliser l'appréciation des dossiers. La Cour suprême a reconnu explicitement, en 1978, dans l'affaire Capital Cities, le pouvoir pour l'administration d'élaborer des règles qui ont un effet direct sur l'appréciation des dossiers dans tous les domaines de l'intervention administrative, que ce soit pour des subventions, des prêts, des indemnisations ou des prestations.
Enfin, il y a un phénomène qui prend également beaucoup d'ampleur et qui n'est pas nouveau, et c'est la formulation de politiques générales par les organismes fédéraux. Dans ce domaine, il n'y a pas non plus de publication.
Dans le domaine de l'environnement, par exemple, le gouvernement fédéral vient tout juste de s'engager cette année ou l'an dernier. Il a retenu des objectifs très ambitieux dans le domaine de l'environnement. Le ministère de l'Environnement a notamment publié des directives sur l'«écologisation» des opérations gouvernementales. Ce sont des publications de grande importance. Le gouvernement fédéral propose un code de gérance de l'environnement et également un guide de l'«écogouvernement».
Ce sont là des politiques générales qui engagent vraiment toute l'administration fédérale, les institutions fédérales, vers des normes supérieures en matière de protection de l'environnement.
Ces guides et politiques n'ont pas comme tels une valeur réglementaire. Ce ne sont pas des règlements. Donc, vous avez là un premier champ de grande importance, où les difficultés d'accès sont considérables pour les usagers, pour le grand public et même pour les professeurs de droit.
Le deuxième champ, qui est maintenant dans la perspective du projet de loi C-25, c'est le développement d'une normativité qu'on pourrait dire technologique. C'est ce que le législateur aimerait désigner par le terme «incorporation par renvoi». Ce sont les articles 16 à 19 à propos de l'inclusion de normes techniques.
Voici un commentaire de pure forme. Le terme «incorporation» me paraît fautif, comme le terme «intégration» d'ailleurs. Si on incorpore ou si on intègre, on incorpore forcément des choses qui auront le même effet et la même nature. Il serait préférable d'utiliser le terme «inclusion», parce que si on inclut quelque chose, la chose incluse peut rester distincte par rapport à l'ensemble, par rapport au tout.
Donc, les articles 16 à 19 reflètent une situation qui est liée à la mondialisation des échanges, à l'internationalisation des normes. En ce moment, tous les gouvernements occidentaux ont beaucoup de difficulté à suivre l'évolution technologique, cette évolution qui est liée à l'élaboration de normes par des organismes internationaux, par de grandes organisations publiques ou privées. C'est une normativité éminemment technique et technologique. Compte tenu de la mondialisation des échanges, les gouvernements préfèrent évidemment avoir des règles et des références qui soient tout à fait communes, d'où la tentation réelle d'intégrer, par simple renvoi, des normes techniques élaborées par des autorités étrangères, publiques ou privées.
Il y a de ce côté des enjeux importants. Je crois que cette évolution est inévitable, mais on doit tout de même atténuer certains des effets liés à ces renvois par des mesures positives en termes d'accessibilité, voire même de publication.
Voici un dernier exemple, celui des normes de substitution. Vous savez que le fameux projet de loi sur l'efficacité de la réglementation est mort au Feuilleton. Dans ce projet de loi, le Conseil du Trésor proposait des normes de substitution qui n'auraient pas été des règlements et qui n'auraient pas eu une valeur réglementaire, tout comme d'ailleurs les normes techniques et les pratiques pararéglementaires ou infraréglementaires que je vous signale.
Vous avez, dans un premier temps, un vaste champ de réglementation au sens large. C'est vraiment la notion de régulation ou de réglementation au sens large, émanant quand même d'organes étatiques. Cela vient de l'administration fédérale, que ce soit par incorporation, par agrément ou par élaboration interne. Vous avez là un vaste champ qui échappe à toutes fins pratiques à un encadrement législatif vraiment sérieux, à l'exception, bien sûr, de ce qui est proposé par le projet de loi C-25.
Si j'ai cru bon dans un premier temps de parler de ces choses, c'est simplement pour sensibiliser les députés au fait que la réglementation est maintenant un phénomène complexe qui dépasse à bien des égards le cadre du projet de loi C-25, qui reflète une partie de la réglementation officielle.
Dans un deuxième temps, je voudrais insister sur l'accessibilité et la publicité de ces normes. Les problèmes sont sérieux de ce côté puisque dans le projet de loi C-25, par exemple, les mesures qui sont préconisées à l'article 16 pour publiciser ces normes dites techniques ne vont quand même pas très loin.
Vous avez l'article 17, notamment, qui préconise simplement des mesures raisonnables qui seraient laissées à la discrétion de l'autorité administrative, pour que les intéressés puissent éventuellement avoir accès à ces normes, mesures qui sont complétées par l'alinéa f) de l'article 26, avec la possibilité d'en inclure une version écrite, une version plus complète, littérale, par des moyens électroniques liés à la diffusion de la Gazette du Canada.
Dans un contexte d'ouverture, je préconise que ces normes techniques soient diffusées intégralement par des moyens électroniques. Leur diffusion devrait être systématique, complète, dans les deux langues officielles du pays. Cela me paraît important, compte tenu de l'impact considérable qu'auront ces normes techniques sur l'industrie canadienne et sur le grand public en général.
Dans le projet de loi C-62, par exemple, c'était déjà beaucoup mieux. On prévoyait la publication intégrale des normes de substitution dans la Gazette du Canada, sauf certaines exceptions. Notamment, à l'article 14, on prévoyait que les normes de substitution seraient laissées à la disposition du public, mais l'article 11 prévoyait que l'avis de l'agrément donné aux normes de substitution aurait été publié dans la Gazette du Canada.
Pour le domaine infraréglementaire et pararéglementaire, il n'y a rien de prévu au niveau de la diffusion et de l'accessibilité de ces normes. Il serait utile et urgent de créer un site électronique. Tout comme pour les normes techniques - et là on pourrait prévoir aménager un certain pouvoir discrétionnaire et ce serait donc laissé à la discrétion des ministères et des organismes fédéraux - , on pourrait prévoir un site électronique pour la diffusion de guides politiques ou de manuels qui présentent un intérêt public.
Avant d'aborder les effets de la non-accessibilité ou de la non-publicité, j'aimerais revenir brièvement à la question de la définition de la notion de règlement. J'ai entendu mes collègues en parler auparavant. J'ai proposé dans mon texte des modifications de pure forme à la notion de règlement. Vous avez la définition du projet de loi C-25, vous avez celle que je propose comme modification et enfin, vous avez une autre définition matérielle qui existe actuellement dans le droit canadien, celle de la Loi sur les règlements du Québec.
Je vous ferai remarquer, de façon purement technique, que le terme «unilatéral» est reconnu et consacré dans les ouvrages de droit administratif au Canada. Il s'agit d'une summa divisio entre les actes bilatéraux et unilatéraux. Il est évident que les règlements ne sont pas des contrats. Ce ne sont pas des actes qui nécessitent l'agrément des tiers.
Bien sûr, on atténue cette unilatéralité par la consultation et la négociation, mais il s'agit vraiment d'un acte unilatéral, en ce sens que c'est vraiment l'autorité qui réglemente qui prend l'initiative finale de proposer certaines normes par voie de publication. La loi est également considérée comme un acte unilatéral dans la doctrine de droit public. Donc, je suis très étonné que des collègues de droit administratif viennent ici et contestent l'unilatéralité de la notion de règlement. C'est évident.
Cela pourrait peut-être étonner les non-spécialistes, mais la notion d'acte unilatéral est largement répandue dans les facultés de droit au Québec. Elle est utilisée également par des spécialistes de la réglementation au Canada dans l'ensemble des ouvrages de droit public et de droit administratif. Je veux simplement proposer une version qui est peut-être plus élégante et qui est plus complète à certains égards, mais il est important que la définition qui sera éventuellement retenue par le Parlement soit une définition simple.
La définition que je propose retient les trois critères de forme, de fond et d'effet qui ont été proposés par la Cour suprême dans l'arrêt intitulé «Le second renvoi relatif aux droits linguistiques du Manitoba». C'est un arrêt qui remonte à 1992. La cour a clairement précisé les trois dimensions, et le législateur ne dispose pas de beaucoup de marge de manoeuvre pour s'éloigner de cette définition, qui me paraît juste et qui reprend l'essentiel des définitions qui ont été proposées antérieurement, soit dans des rapports comme le rapport MacGuigan ou par les professeurs de droit public. Voilà quelques commentaires à propos de cette définition.
Notre principale inquiétude en matière d'ouverture, de transparence et de publicité est que le projet de loi C-25 n'est peut-être pas suffisamment axé vers l'ouverture. On prévoit à l'alinéa 26g) l'existence de règlements secrets. Donc, on reprend encore des dispositions qui existaient dans la Loi sur les textes réglementaires et on vise trois domaines.
Je crois que de tels règlements secrets, qui ont été très sévèrement critiqués par les professeurs de droit public, devraient être limités vraiment au strict nécessaire. Je trouve malheureux qu'en 1996, on ait jugé opportun de reconduire encore le secret pour le domaine des relations fédérales-provinciales.
Je ne suis pas évidemment un professeur qui travaille sur les questions dites constitutionnelles en matière de relations fédérales-provinciales, mais je crois qu'il est malheureux d'annoncer comme cela qu'il existe encore des règlements secrets. On peut prévoir des règlements secrets pour les affaires étrangères, pour la défense et la sécurité du Canada, mais évoquer comme cela les relations fédérales-provinciales, c'est un peu étonnant. Je crois que ce sont des pratiques qui datent d'une autre époque, d'une époque où la publication des règlements au Canada était loin d'être acquise.
Ce n'est qu'en 1950 que la première Loi sur les règlements été adoptée. Elle est devenue la Loi sur les textes réglementaires en 1972. Donc, à une époque pas si lointaine, la publication des règlements était loin d'être une chose acquise au Canada. Au Québec, c'est très tardivement, en 1986, avec la Loi sur les règlements, qu'on a prévu de façon systématique toute la publication des règlements.
Si j'avais une suggestion à faire au comité aujourd'hui, ce serait de recommander que la publication des règlements en droit fédéral soit systématique. Tout comme l'indique l'article 15 de la Loi québécoise sur les règlements, la non-publication devrait être un vice de forme et de fond qui invaliderait le règlement. Je crois que la publication, la diffusion de tout ce qui est réglementaire est très importante. Je m'inquiète également de voir que dans les premières dispositions du projet de loi, on laisse encore une ouverture considérable à la discrétion du gouvernement pour exempter, à l'article 5, certains règlements du processus réglementaire.
J'aurais une petite observation technique, en passant, par rapport à l'exposé qui a précédé. L'article 4 vise véritablement des textes qui ont valeur réglementaire, parce que le législateur fédéral, dans de nombreuses lois, utilise les termes «règle», «ordonnance», «liste» ou «directive» pour désigner des textes qui ont vraiment une valeur réglementaire.
Donc, il ne s'agit pas, comme l'ont prétendu les deux conférenciers qui m'ont précédé, de textes qui n'auraient pas de valeur contraignante. Ce sont bel et bien des règlements parce que le législateur fédéral, depuis longtemps, utilise - il y a un désordre terminologique qui est évident dans ce domaine - plusieurs expressions pour viser la notion de règlement. Donc, ce sont bel et bien des règlements qui sont visés au paragraphe (1) de l'article 4.
La non-publication des règlements et la difficulté d'accès à tout ce qui représente un élargissement de la notion de réglementation causent des problèmes. D'ailleurs, avec un graphique qui est de mon invention, je vous ai proposé une petite figure de style en cercle concentrique afin de vous sensibiliser à cet élargissement de la notion de réglementation. Je travaille d'ailleurs encore dans ce domaine. J'ai une étudiante qui fait un doctorat sous ma direction et qui travaille spécifiquement sur ces questions liées à la réglementation.
Donc, l'accessibilité est une chose fondamentale et j'aimerais ici citer mon collègue Patrice Garant de Laval:
- ...il ne suffit pas qu'une norme existe; encore faut-il qu'elle soit connue des administrés.
Je vous signale que la notion de primauté du droit est fondée sur la notion d'ouverture, de publicité, de connaissance des règles. Je pourrais citer de nombreux auteurs britanniques et je pourrais vous faire un cours sur la notion de rule of law, de la primauté du droit, mais je crois que ce n'est pas vraiment le lieu pour faire ce genre d'exposé.
Je pourrais également vous sensibiliser à la théorie de l'imprécision en droit constitutionnel, où on prévoit explicitement que pour les lois et règlements, les citoyens doivent bénéficier d'un avis raisonnable. Donc, c'est vraiment l'idée de l'avertissement raisonnable.
La Cour suprême, dans de nombreux arrêts, depuis quelques années, a réitéré les critères de la théorie de l'imprécision, notamment celui de l'avertissement raisonnable. Vous avez cela dans R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, par exemple, qui remonte à 1992, dans l'affaire Heywood de 1994 et, plus récemment, dans l'affaire Canadien Pacifique Limitée c. Sa Majesté la Reine du chef de l'Ontario, qui remonte à juillet 1995.
La non-diffusion et la non-publication ont des effets précis en droit. Je les ai simplement récapitulés dans mon point 2. La norme qui n'est pas publiée est inopposable et les administrés ne peuvent pas s'en prévaloir. On ne peut pas leur opposer ces normes, car nul n'est censé ignorer la loi, mais à la condition, bien sûr, de connaître la loi, d'avoir été informé de son existence. Il se posera également le problème de la connaissance judiciaire.
Le juge n'est tenu de prendre d'office connaissance de certains textes et de certains documents qu'à la condition, bien sûr, qu'ils aient été publiés suivant les règles. C'est le cas de la loi et des règlements. Donc, la non-publication des règlements entraîne des effets particuliers. Je m'inquiète que certains règlements puissent être maintenus secrets et qu'éventuellement, dans le contexte de l'application d'une loi, on les mette subitement en vigueur en les publiant subitement dans la Gazette du Canada simplement parce que des circonstances liées à certains événements nécessiteraient d'agir dans les plus brefs délais.
Vous voyez que la non-publication est quelque chose qui entraîne des effets qui soulèvent certains enjeux. J'aimerais, et c'est l'essentiel de mon exposé d'aujourd'hui, attirer l'attention des parlementaires sur le rôle fondamental qu'ils ont à jouer dans le domaine de l'ouverture, de la publicité et de l'accessibilité. C'est un domaine sur lequel vous pouvez facilement arriver à un consensus, peu importent vos orientations politiques. Je crois que les députés de toutes tendances peuvent facilement parvenir à un accord sur la nécessité d'avoir ce qu'on appelle un gouvernement ouvert. C'est l'open government, soit la nécessité de la transparence, de l'ouverture, de la publicité des règles.
De ce côté, le projet de loi C-25 pourrait être bonifié, amélioré afin de supprimer les inconvénients qui pourraient résulter d'une trop grande difficulté pour le public d'avoir accès à certains types de documents.
Je propose, dans le point b), la possibilité de créer des sites électroniques dans lesquels on pourrait non pas offrir la publication intégrale des textes, mais au moins signaler leur existence. On appelle cela, en droit public, la signalisation.
La signalisation comporte des références qui sont brèves et qui font référence à l'autorité responsable de l'élaboration d'un texte. On donne le numéro technique du document ou du texte. On donne également la date de sa diffusion, le titre officiel, souvent le nombre de pages et un bref résumé. Si le gouvernement fédéral adoptait de nouvelles orientations dans le domaine de l'environnement, il serait tellement facile et tellement agréable de pouvoir obtenir un accès à ces nouvelles politiques, à ces normes, à ces guides par voie électronique.
Je crois qu'on pourrait faire des progrès substantiels dans la diffusion des politiques publiques qui présentent un intérêt général et, également, dans la diffusion des normes qui pourraient paraître plus techniques, mais qui concernent directement les administrés, comme par exemple des règles procédurales dans le domaine du fonctionnement de la justice administrative en droit fédéral, ce qu'on appelle les directives pour l'appréciation des dossiers.
Je crois qu'il faut faire un petit effort d'imagination pour favoriser la publicité et l'accessibilité. Évidemment, j'ai déjà travaillé à la Commission de réforme du droit du Canada. J'ai eu à discuter souvent avec des gestionnaires fédéraux. La première question qu'on nous pose dès qu'on propose une solution ou une réforme est: «Combien ça va coûter?»
Là-dessus, je suis relativement confiant. Je crois que la création d'un site électronique n'entraînerait pas des dépenses ruineuses pour le gouvernement fédéral. La publication des textes sur papier coûte très cher. Si, au contraire, on crée des sites électroniques, des moyens d'accès qui répondent aux réalités de notre époque, on peut faire des économies substantielles.
Voilà donc l'essentiel de mon exposé. Je ferai remarquer aux députés que le projet de loi C-25 reconnaît et confère à l'exécutif des pouvoirs considérables sur le plan discrétionnaire, que ce soit pour exempter les règlements du processus réglementaire ou pour exempter le ministère de la Justice de l'examen qu'il doit faire de certains projets de loi.
Dans le domaine des normes dites techniques, soit les articles 16 à 19, il y a des enjeux importants. J'aimerais d'ailleurs faire quelques commentaires sur la nature de ces nouvelles normes, mais ce sont des commentaires plus techniques. Je le ferai peut-être si vous avez certaines questions à ce sujet.
J'inviterais les députés à ne pas avoir une vision trop romantique du contrôle parlementaire, donc à être réalistes, pragmatiques, et à s'assurer, par le biais du projet de loi C-25, que des mécanismes de contrôle puissent exister, notamment à voir à ce que l'accessibilité soit vraiment une chose réelle, une réalité tangible pour le public canadien.
[Traduction]
Le président: Ce sera M. Lebel qui posera la première question.
[Français]
M. Lebel: Je vous remercie pour votre présentation, maître Mockle. Vous êtes le premier parmi les témoins qu'on a entendus à présenter la connaissance judiciaire comme un effet de la non-publication. Réellement, c'est l'envers de la médaille, et on n'a pas été appelés à élaborer là-dessus.
Quand vous parlez de connaissance judiciaire, vous faites allusion au juge appelé à juger en vertu d'un règlement que lui-même n'a pas vu, n'a pas lu ou dont il ignore peut-être même l'existence. C'est ce à quoi vous pensiez en parlant de la connaissance judiciaire dans votre exposé?
M. Mockle: La règle de la connaissance judiciaire est simple: les lois et règlements qui ont été publiés n'ont pas à être plaidés spécialement devant le juge. Donc, ils sont censés...
M. Lebel: Le juge les connaît d'office.
Me Mockle: Il les connaît d'office. Si elles n'ont pas été publiées, les parties ont la charge de prouver l'existence de ces normes, qu'il s'agisse d'un règlement, d'une directive, d'une politique ou d'un manuel quelconque qui aurait une valeur réglementaire. Il suffirait donc de débattre de la chose devant le juge.
Il y a une question de preuve. La connaissance judiciaire ne s'applique qu'à ce qui a été publié. C'est un simple rappel que j'ai fait.
M. Lebel: Je prends acte de votre suggestion pour ce qui a trait à la signalisation des textes non réglementaires et aussi réglementaires, je suppose, parce que si on veut le moins, on veut le plus.
Ce n'est pas un problème logistique pour le gouvernement que de publier par des moyens électroniques. Ce sont les individus, qui ne sont pas tous équipés d'ordinateurs pour fouiller sur Internet, qui doivent être au courant des publications électroniques.
Je comprends ce que vous désirez, mais ne pensez-vous pas qu'il est peut-être un peu tôt pour le concrétiser dans une loi nouvelle, alors que sur le terrain, ce n'est peut-être pas accessible à tout le monde?
Me Mockle: La loi pourrait être formulée de telle façon que le gouvernement fédéral ou le ministère de la Justice pourrait être appelé à prendre des mesures raisonnables, lorsque les circonstances le permettront, pour créer un site de diffusion et de signalisation.
C'est une simple question de formulation, de rédaction de la loi. Il s'agit de laisser une latitude importante aux autorités fédérales pour les encourager à diffuser davantage leurs politiques dites d'intérêt public.
Il n'y a rien en ce moment dans la loi. C'est l'univers du secret et c'est malheureusement un univers imprévisible. En tant que professeur de droit, je suis souvent informé accidentellement de l'existence d'une nouvelle politique, alors qu'elle est essentielle, importante.
Tous les ministères et les organismes élaborent constamment des politiques, et ces politiques sont souvent appelées à se transformer en directives formulées par articles et la directive devient ensuite, comme par hasard, un règlement et même parfois une loi. On a vu des processus de ce genre.
M. Lebel: Pour vous résumer, maître Mockle, vous avez fait l'éloge de l'intention qui sous-tend cette définition plus précise des règlements.
Me Mockle: Oui, là-dessus, je suis tout à fait d'accord.
M. Lebel: La définition du processus réglementaire est peut-être aussi un peu plus précise. Cependant, il y a des inconvénients: cette publicité qu'on refuse à certains règlements, surtout en ce qui a trait aux relations fédérales-provinciales, ce pouvoir d'exclusion de la réglementation du processus réglementaire et une foule d'autres choses. Finalement, si on soupèse tout cela, n'est-on pas en train de manquer une belle occasion de pondre une belle loi qui serait d'application générale, comme on le souhaite, mais qui prévoirait aussi la publication pour que ces textes soient connus des administrés et de ceux qui sont chargés d'administrer la justice? Là je parle des juges.
Je sais que nos témoins, et je dis cela à mes collègues, ne viendront pas taper à bras raccourcis sur une loi. Ils nous félicitent tous. Ils nous disent tous que c'est très bien, mais lorsqu'on aborde le fond, c'est un peu comme une opinion juridique sur un jugement d'un cour quelconque. On ne dit pas que le juge s'est mis un doigt dans l'oeil. On dit plutôt que le juge est bien gentil, mais quand on décortique le jugement, on s'aperçoit qu'il était dans l'erreur d'un bout à l'autre.
C'est un peu ce que je retiens de l'intervention de Me Mockle, que je reconnais comme un spécialiste du droit administratif, son nom ayant d'ailleurs circulé bien avant aujourd'hui. Ne trouvez-vous pas qu'on prévoyant cette non-publication, on va créer une lacune épouvantable en voulant faire des économies de bouts de chandelles?
Me Mockle: Je ne voudrais pas que mon intervention soit interprétée comme étant trop défavorable à l'égard du projet de loi C-25. Quand j'ai affirmé, dès le départ, que j'avais une impression plutôt positive de ce projet de loi, c'était tout à fait vrai et juste. C'est un progrès immense par rapport à la Loi sur les textes réglementaires. Donc, bravo et félicitations. Je m'en réjouis, mais il y a encore des petites choses à corriger. Je crois qu'il y a des choses à bonifier, surtout dans la perspective de l'accessibilité. Donc, je ne voudrais pas laisser l'impression qu'au fond, tout est mauvais. Il y a quelques articles à bonifier.
Le temps me manque pour faire des commentaires de forme sur le plan de la version française. Par exemple, peut-on «prendre» un règlement? Là j'ai des doutes. On peut prendre une décision, on peut adopter une loi, mais je ne crois pas qu'on puisse prendre un règlement. On peut faire un règlement. Ce sont donc des commentaires techniques de cette nature que j'aimerais faire en vue de bonifier le projet de loi et pour qu'on prévoie à certains endroits des obligations peut-être un peu plus fermes à l'égard des autorités fédérales pour diffuser, publier et rendre accessibles les textes. Cela ne nécessite pas de très grosses modifications. Parfois, c'est juste un tout petit bout de texte qui mériterait d'être modifié.
M. Lebel: Maître Mockle, je ne vous demande pas de démolir le projet de loi. Ce n'est pas du tout mon intention. C'est sûr que vous et moi ne pouvons regarder cela du même bout de la lunette. Les politiciens, vous l'avez dit plus tôt, doivent représenter des électeurs qui demandent à être mis au courant des lois, des règlements, etc.
En regard de votre intervention, je suis forcé d'analyser la chose un peu comme si j'assistais à la naissance d'un bébé très beau, mais mort-né. C'est à peu près la même chose. Qu'est-ce qui est le plus important: la beauté du bébé ou sa vie? On ne le sait pas. Pour nous, les politiciens, la publication est primordiale lors de l'adoption d'un règlement, d'une loi ou d'une norme. Il y a empêchement ici, d'après moi. N'est-ce pas votre idée?
M. Mockle: Non. Historiquement, les partis d'opposition réclament habituellement une plus grande ouverture, une plus grande publicité, alors que les autorités gouvernementales sont davantage portées vers le secret, vers les impératifs de la sécurité de l'État et d'autres enjeux du même type. Je crois que le projet de loi C-25 reflète quand même des orientations qui me paraissent très valables.
Je crois que l'inclusion de normes techniques par référence est quelque chose d'inévitable. Il faut simplement s'assurer que l'accessibilité puisse être réelle, cela dans les deux langues officielles du pays. Ce serait très apprécié. D'ailleurs, les autorités internationales appelées à élaborer ce type de normes auront probablement deux attitudes. Ou bien tout sera en anglais, ou bien, parce que ce sont des autorités internationales, on va diffuser dans de nombreuses langues pour que ce soit accessible à une pluralité d'acteurs commerciaux et étatiques à travers le monde. Donc, on va diffuser en allemand, en italien, en espagnol, en français et en anglais.
Mais il reste encore le problème de l'accessibilité, d'autant plus que ces normes techniques vont probablement évoluer très vite. Ce sont des normes techniques dans la biotechnologie, dans le domaine des télécommunications, dans le nucléaire, etc. Ce sont des domaines de haute technologie, et la science évolue en ce moment avec une telle rapidité que ces normes vont être constamment modifiées.
L'accessibilité devient essentielle. Il faut vraiment que le grand public canadien puisse avoir le moyen d'être informé et de suivre l'évolution de ces normes.
Il y a également des problèmes de type constitutionnel que je pourrais soulever, mais ce serait là un autre exposé par rapport à la procédure habituelle de ratification des traités internationaux en droit canadien. Là on va chercher des normes internationales et on les incorpore en droit canadien. Il y a des enjeux de droit constitutionnel également, mais il faudrait que je fasse un autre exposé et le temps me manque.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Maloney, avez-vous des questions?
M. Maloney: Je n'ai que deux questions, monsieur le président.
Les témoins précédents ont déclaré que le paragraphe 2(1) permettait difficilement de déterminer dans quelle mesure un texte a force de loi. Vous avez apporté des éclaircissements au sujet de l'article 4, et je vous en suis reconnaissant. D'après vous, il ressort du libellé de l'article 4 qu'il est question de règlements qui ont force de loi, ce que je trouve utile.
Les témoins ont également déclaré qu'il faudrait prévoir dans le projet de loi une disposition qui correspondrait à l'article 4 de la Loi sur les textes réglementaires, où il est également question du caractère du règlement. Estimez-vous que c'est nécessaire, ou bien jugez-vous que les dispositions actuelles du projet de loi sont suffisantes à cet égard?
[Français]
M. Mockle: Ce serait peut-être bon pour le paragraphe (1) de l'article 4, comme il y a une possibilité de confusion à cause de l'utilisation des termes qui sont énumérés dans ce premier paragraphe. Pourtant, cela me paraît clair, parce qu'à la fin du paragraphe (1), on précise bien:
- ...par lequel s'exerce le pouvoir réglementaire.
- Donc, il s'agit bien de directives, de règles, d'ordonnances ou de listes dans lesquelles on exerce
un pouvoir réglementaire. Ce sont des textes qui sont incontestablement des règlements au sens
matériel.
Tout ce qu'on pourrait espérer dans le cadre d'une loi qui touche la réglementation, c'est une ouverture vers une plus grande publicité, une plus grande transparence. D'ailleurs, je vous signale que le projet de loi C-25 ne vise pas uniquement les normes dites réglementaires, parce que vous avez des normes techniques maintenant incluses par renvoi qui ne seront pas des normes réglementaires.
Cela soulève d'ailleurs, pour les spécialistes qui s'intéressent à la réglementation, des enjeux conceptuels considérables.
Le projet de loi C-25 vise à baliser l'intégration dans le droit canadien de normes qui ne sont pas réglementaires. Pourquoi ne pas le faire également pour le domaine infraréglementaire ou pararéglementaire, pour les politiques publiques élaborées par les organismes fédéraux? Allez-y! C'est le moment opportun de favoriser une plus grande transparence, une plus grande publicité de l'action gouvernementale.
Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question. En tout cas, je l'espère.
[Traduction]
Le président: Merci, j'en suis convaincu. Voilà qui a été fort utile, merci.
Il reste un seul autre domaine à aborder et c'est celui des normes. Michelle Swenarchuk, de l'Association canadienne du droit de l'environnement, a déclaré ce qui suit dans son exposé:
- Ces processus comportent une lacune fondamentale: ils ne produisent pas de normes de
rendement. Ils produisent tout simplement des processus de certification des systèmes de
gestion. Pour l'essentiel, ils certifient, grâce à des rapports de vérification confidentiels, si une
société est dotée d'un système de gestion qui assure des résultats qui correspondent à ses
objectifs environnementaux. Ces objectifs ne doivent pas nécessairement correspondre à des
mesures concrètes de protection de l'environnement. Les documents n'énoncent pas de
normes; ils exigent tout simplement la conformité aux normes locales.
[Français]
M. Mockle: Si je comprends bien votre question, vous faites allusion aux standards qui sont énumérés aux articles 16 à 19. C'est bien ce que vous visez?
[Traduction]
Le président: En effet. Comment devons-nous composer avec des documents qui, en réalité, ne contiennent pas de normes, qui énoncent des normes locales...?
[Français]
M. Mockle: C'est difficile d'expliquer cela par des mots. En ce qui a trait à l'intégration ou à l'inclusion de ces normes, vous avez des règlements de droit internes, donc des règlements canadiens, qui incluront des normes élaborées par d'autres organismes. Cette inclusion a pour effet de donner une valeur contraignante, une force normative à ces règles ou à ces normes dites techniques sans pour autant que ces normes soient considérées comme des règlements.
L'un des articles les plus fascinants est l'article 18. Il est fascinant par les problèmes qu'il soulève, notamment à propos des sanctions. L'article 18 précise bien qu'aucune sanction ne peut découler du non-respect d'une disposition qui aurait été intégrée sauf, et là vous avez la première exception, si le contrevenant a été raisonnablement informé ou s'il avait facilement accès au document. La deuxième exception entre en ligne de compte si des mesures raisonnables ont été prises. Je vous signalerai que ces exigences apparaissent également dans le projet de loi C-25 à propos des règlements non publiés.
C'est assez intéressant de voir qu'il y a intégration de normes qui ne sont pas considérées comme des normes réglementaires, mais qui pourront éventuellement produire des effets et notamment entraîner des sanctions. Quand on utilise le terme «sanctions» en droit public, en droit administratif, il s'agit habituellement de sanctions pénales et administratives.
Sur le plan de la cohérence interne de l'article - à vrai dire, c'est un jeu de mots - , s'il y a des sanctions qui pourront éventuellement découler de ces normes techniques, ce ne sont pas des sanctions qui seront liées directement aux normes techniques, mais bien au fait qu'elles auront été intégrées au règlement lui-même.
En fait, c'est le règlement qui découlera d'une loi fédérale particulière et qui comportera fort probablement des dispositions de nature pénale, des possibilités d'amendes, de répression administrative, et ce seront ces dispositions du règlement qui pourront faciliter l'imposition de sanctions.
Quand on dit «aucune sanction», on fait allusion aux sanctions que contiendra éventuellement ou que peut contenir le règlement qui intégrera les normes dites techniques. Vous voyez la nuance, j'espère. C'est une nuance de taille. C'est une subtilité du législateur, un raffinement qui est vraiment particulier. Ce ne sont pas les normes techniques comme telles qui entraîneront des sanctions, mais bien le fait qu'elles auront été intégrées au règlement, d'où les questions qu'on se pose en tant que spécialistes. On assiste à la naissance d'une réglementation d'un type nouveau, qui n'est pas considérée comme réglementaire au sens strict, mais qui pourra quand même entraîner des effets et des sanctions indirects. Vous voyez quand même la subtilité, d'où la nécessité de mieux comprendre la notion de réglementation et d'élargir les possibilités d'analyse. Donc, il ne faut pas penser réglementation uniquement en termes de législation déléguée ou de législation subordonnée, comme on l'a toujours fait dans notre tradition de droit public au Canada.
Je n'ai pas tout à fait répondu à votre question. Il y a des standards qui sont intégrés. L'arrimage par rapport aux normes internes se fait bien par cette technique de l'inclusion, mais la norme incluse ne devient pas comme telle une norme réglementaire, d'où la nécessité d'utiliser le terme «inclusion» et non pas «intégration» ou «incorporation».
Si on utilise «incorporation» ou «intégration», on incorpore et on mélange. Cela devient des normes de même nature. Le terme «inclusion» évite ce genre de confusion. Si vous incluez, par exemple, une partie d'un texte ou d'un document dans un autre, la partie incluse ne se confond pas avec le tout; elle reste distincte. L'arrimage se fait uniquement par cette distinction essentielle entre le fait que les normes de réception, les normes réglementaires conservent leur caractère réglementaire; les normes techniques sont d'une autre nature. Donc, tout est dans l'arrimage entre ces différents types de normes.
Quant à la question que vous soulevez par rapport aux standards locaux ou normes locales, elle est très complexe. Si je commence à en débattre, j'en aurai pour dix minutes, parce qu'il y a des enjeux de droit constitutionnel liés à la ratification des traités internationaux. Pour ce qui est de la procédure habituelle de ratification des traités internationaux, qui nécessitent en termes de droit constitutionnel une procédure d'incorporation ou de mise en vigueur par des lois du Parlement fédéral, vous avez là des possibilités fantastiques de court-circuiter cette procédure habituelle de ratification, parce qu'on va chercher, dans l'ordre international, des éléments de soft law, des éléments mous sur le plan de la normativité. Vous avez là la possibilité de les intégrer directement. Une autorité administrative va le faire. Le ministère de la Justice, un autre ministère ou un organisme fédéral va pouvoir les intégrer directement par voie réglementaire dans l'ordre de droit positif canadien, donc en droit canadien comme tel.
Il y a aussi des enjeux de droit constitutionnel, mais cette procédure n'est pas, au sens strict, une procédure qui permet de court-circuiter les traités et les accords internationaux, parce que, justement, ces normes techniques ne sont pas du droit, ne sont pas des normes réglementaires. Vous incorporez une chose qui n'est pas réglementaire et vous la faites passer directement par voie réglementaire dans l'ordre interne canadien, d'où la possibilité de se dispenser de la procédure habituelle de traités, d'accords et de ratifications, avec tout ce que cela suppose comme lenteur, comme lourdeur et comme contrôle sur le plan parlementaire également.
Vous voyez que vous avez, sur le plan de la réglementation et de la normativité, des développements qui vont dans le sens de l'accélération de la production des normes. Il y en a de plus en plus. Ces normes sont de plus en plus techniques, scientifiques, technoscientifiques, et les possibilités de contrôle de type parlementaire vont de plus en plus en s'amenuisant. Parce que les enjeux sont trop techniques, les parlementaires n'ont pas le temps, les moyens matériels ou les ressources nécessaires pour contrôler la totalité de cette production normative.
J'espère que j'ai répondu un peu à vos préoccupations.
[Traduction]
Le président: Merci, professeur Mockle. Vous avez non seulement répondu à ma question, mais vous avez aussi répondu à deux autres questions qui ne m'étaient même pas venues à l'esprit au moment où je posais la première question. Vos réponses ont été très utiles. Je vais m'assurer de les relire. Vous avez fort bien expliqué toute la question des normes, qui m'a plutôt dérouté au cours du processus, je dois le reconnaître.
Au nom de tous les membres du comité et de tous ceux qui sont ici présents, je tiens à vous remercier de votre exposé. Nous avons grandement apprécié votre venue, d'autant plus que nous savons à quel point vous avez dû bousculer votre programme pour comparaître. Nous vous remercions de tous les renseignements que vous nous avez fournis.
M. Mockle: Merci beaucoup.
Le président: La prochaine réunion aura lieu dans la salle 705 cet après midi à 15h30. Également nous avons décidé de tenir une réunion à huis clos des membres du comité lundi après-midi à 15h30. Nous allons donc organiser cela.
Je déclare donc la séance levée jusqu'à 15h30 cet après-midi.