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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 février 1997

.1532

[Traduction]

Le président: Nous sommes maintenant prêts à reprendre nos audiences sur le projet de règlement aux termes de la Loi sur les armes à feu.

Je souhaite la bienvenue cet après-midi à nos témoins qui représentent l'Association canadienne des chefs de police. Nous avons avec nous le chef Brian Ford, du Service de police régional d'Ottawa-Carleton; M. N.G. Beauchesne, conseiller juridique auprès du Comité de modifications législatives; et M. Bryan McConnell, directeur exécutif de l'Association canadienne des chefs de police.

Bienvenue, messieurs. C'est un plaisir de vous accueillir encore une fois dans cette salle. Nous avons hâte d'entendre votre présentation et nous espérons que vous nous laisserez du temps pour vous poser des questions.

Chef Ford, êtes-vous chargé de faire la présentation?

M. Brian Ford (chef du Service de police régional d'Ottawa-Carleton; président du Comité de modifications législatives de l'Association canadienne des chefs de police): Oui, j'ai été chargé de le faire.

Le président: Vous avez tiré la courte paille, n'est-ce pas?

Des voix: Oh, oh!

M. Ford: Pas dans le sens littéral du terme, monsieur le président, mais néanmoins, c'est un plaisir pour moi de témoigner de nouveau au nom de l'Association canadienne des chefs de police. Je suis ici à titre de président du Comité de modifications législatives et aussi en qualité de chef du Service de police régional d'Ottawa-Carleton. C'est à ces deux titres que je vais m'exprimer aujourd'hui, c'est-à-dire au nom du Comité de modifications législatives et en tant que chef de police d'une municipalité de la région.

Je suis accompagné aujourd'hui par Rusty Beauchesne, conseiller juridique du Service de police du Toronto métropolitain et membre du Comité de modifications législatives.

J'ai également le plaisir de vous présenter M. Bryan McConnell, qui est le nouveau directeur exécutif de l'Association canadienne des chefs de police. M. McConnell est un ancien commissaire adjoint de la Gendarmerie royale du Canada; il a été commandant de la division A ici même, dans la région de la capitale nationale, et assume maintenant les fonctions de directeur exécutif de l'Association canadienne des chefs de police, dont le siège est ici à Ottawa.

L'ACCP comparaît une fois de plus devant vous pour appuyer fermement le projet de règlement pris en application de la Loi sur les armes à feu, que le ministre de la Justice a présenté à la Chambre. Depuis longtemps, l'ACCP préconise le contrôle des armes à feu; en fait, j'ai ici des exemplaires de résolutions qui remontent à 1973. Plus récemment, à son congrès annuel qui a eu lieu à Montréal en 1994, l'ACCP a adopté une autre résolution dans laquelle on réclamait spécifiquement l'enregistrement obligatoire de toutes les armes à feu.

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Notre objectif aujourd'hui n'est pas de revenir sur tout le dossier de la législation sur le contrôle des armes à feu, dont nous vous avons parlé à maintes reprises au cours des quelque cinq dernières années, mais plutôt de nous pencher sur l'objectif visé par ce règlement.

Nous convenons avec le ministre de la Justice que le nouveau règlement vise à faire en sorte que les armes à feu ne tombent pas entre les mains de criminels, afin que le Canada continue d'être un pays sûr, mais nous croyons fermement que les simples exigences relatives à l'entreposage, à la manutention et au transport contribueront également à accroître la sûreté de nombreux citoyens respectueux des lois qui sont tués ou blessés grièvement chaque année quand des armes se déchargent accidentellement.

Diverses statistiques semblent indiquer que les carabines et les fusils sont utilisés au moins autant, sinon davantage, que les armes de poing dans la perpétration de crimes avec violence. Par conséquent, toute mesure rendant plus difficile l'utilisation ou le vol de ces armes contribuera forcément à la prévention de tels crimes ou accidents.

Par contre, le système d'enregistrement ne peut faire autrement que d'aider les efforts faits par la police pour essayer de retracer les armes volées. À l'heure actuelle, cela s'avère un processus difficile et coûteux qui aboutit souvent à une impasse, parce que l'arme est presque impossible à retracer, étant donné qu'il n'y a absolument aucun document écrit liant une arme à son propriétaire. Il faut espérer que si l'on met sur pied un système d'enregistrement, les agents de police auront dans quelques années des outils de base qui pourront au moins leur servir de point de départ dans leurs enquêtes.

Un autre avantage dont les agents de police profiteront bientôt sera la possibilité d'avoir accès à des renseignements précieux sur les armes à feu enregistrées au nom d'une personne, à une adresse précise, avant même d'arriver sur les lieux de l'incident, surtout dans les cas de querelles domestiques.

Grâce à l'obligation d'être titulaire d'un permis de possession d'arme à feu pour pouvoir acheter des munitions, les gens qui sont en possession d'armes volées, les jeunes qui n'ont pas l'âge réglementaire ou encore d'autres membres de la famille devraient avoir plus de difficulté à se procurer des munitions, que ce soit pour des activités illégales ou simplement par goût de l'aventure.

Très franchement, si cette mesure avait été en vigueur, Nicholas Battersby, brillant jeune ingénieur d'Angleterre qui travaillait ici au Canada, serait probablement encore en vie aujourd'hui, car ses assassins ont pu acheter des munitions pour une arme qu'ils avaient volée. Ce n'est qu'un exemple frappant que nous avons vu ici même, à Ottawa-Carleton.

Comme le député Michel Bellehumeur l'a déclaré à la Chambre le 27 novembre 1996 lorsque le règlement proposé a été déposé, le projet de loi et le règlement ne pourront pas empêcher toutes les tragédies. Des actes de négligence entoureront toujours l'utilisation d'armes à feu. Toutefois, l'ACCP est d'accord avec la conclusion de M. Bellehumeur. Le but visé par le règlement et la mesure législative est d'essayer tout au moins de réduire le nombre d'incidents regrettables qui se produisent partout au Canada.

En outre, toute mesure, aussi minime soit-elle, qui est susceptible d'aider les agents de police dans leurs efforts pour résoudre les crimes et qui peut assurer une protection supplémentaire à ces hommes et à ces femmes qui mettent leur vie en jeu chaque jour a non seulement le soutien de l'ACCP, mais aussi l'appui enthousiaste des simples agents.

Le dernier point que je voudrais aborder concerne le coût des services de police. Croyez-moi, nous sommes très conscients du coût de la police quand nous parlons de service de police au niveau local. Le ministre de la Justice a donné à maintes reprises à la communauté policière l'assurance que le programme des armes à feu ne sera pas à la charge des services de police locaux.

Il est bien connu que les services de police, d'un bout à l'autre du pays, subissent d'importantes compressions budgétaires. C'est pourquoi nous répugnons à souscrire à tout programme qui n'est pas autofinancé. L'ACCP trouve très encourageant ce que nous avons appris jusqu'à maintenant de ce projet, mais continuera de faire des mises en garde contre toute augmentation des coûts au niveau local découlant du programme des armes à feu.

Dans l'intérêt de la concision, je vais mettre fin à mon exposé ici; je suis à votre disposition pour répondre à vos questions et apporter toute précision que vous pourriez demander. De même, Bryan McConnell et Rusty Beauchesne sont disponibles pour répondre aux questions. À vous de choisir à qui vous voulez les poser.

Je veux encore vous remercier, monsieur le président, de nous avoir donné l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ford.

Nous allons commencer la période de questions avec M. de Savoye.

[Français]

M. de Savoye (Portneuf): Messieurs Ford, Beauchesne et McConnell, c'est intéressant et rafraîchissant d'entendre des propos qui nous indiquent que nos gens de la police sur le terrain considèrent que cette loi va avoir des effets bénéfiques en réduisant la violence rattachée à l'usage des armes à feu et va les aider dans leur travail de maintien de la paix.

.1540

Je veux aussi vous remercier, monsieur Ford, pour la citation de M. Bellehumeur. Je lui signalerai que vous avez mentionné ce qu'il a dit en Chambre.

Mais au-delà de tout ceci, je remarque que vous faites état dans votre rapport de votre préoccupation vis-à-vis d'éventuels coûts qui seraient reportés sur les corps de police. J'aimerais vous entendre parler de l'ordre de grandeur des coûts que vous prévoyez devoir assumer pour mettre en oeuvre cette loi et sa réglementation. Quel est l'ordre de grandeur des montants que vous espérez recevoir pour appliquer la loi?

[Traduction]

M. N.G. Beauchesne (conseiller juridique du Comité de modifications législatives, Association canadienne des chefs de police): Au sujet des coûts associés à ce programme, nous avons rencontré dernièrement des fonctionnaires du ministère de la Justice, qui nous ont donné l'assurance que le ministre de la Justice veut à tout prix que ce programme s'autofinance, comme nous le disons dans notre mémoire. Par conséquent, nous ne prévoyons aucun coût direct qui ne serait pas remboursé aux services de police par le ministère de la Justice.

À l'heure actuelle, nous avons des représentants des corps policiers de partout au Canada, depuis les simples agents jusqu'à des officiers de police de haut grade, qui sont détachés au ministère de la Justice où ils travaillent dans divers services. Nous veillons à ce que les préoccupations de la police relativement aux coûts soient toujours prises en compte par le ministère au cours de l'élaboration de ces procédures.

Nous avons reçu certaines assurances. Comme nous le disons dans notre texte, nous faisons une très sérieuse mise en garde: il faudra avoir l'assurance que les services de police ne devront assumer aucun coût direct important pour l'administration de ce programme.

[Français]

M. de Savoye: Vous avez indiqué il y a quelques instants que vous espériez que tous les frais qui pourraient être engagés par un corps de police soient remboursés - c'est le terme que vous avez utilisé - par le ministère de la Justice.

Selon votre avis professionnel, quel est l'ordre de grandeur des remboursements qui pourraient être en cause pour un corps de police comme celui d'Ottawa-Carleton?

[Traduction]

M. Ford: Cela dépend. Nous dépensons environ 150 000 $ par année pour les programmes actuels d'enregistrement des armes à feu. Nous en récupérons environ 50 000 $ au moyen du programme d'acquisition d'armes à feu. Les autres 100 000 $ ne sont pas recouvrés.

Il n'existe présentement aucune forme de recouvrement des coûts pour l'enregistrement des armes à autorisation restreinte ou la délivrance de permis ou pour tout autre aspect de l'enregistrement des armes à autorisation restreinte.

Il serait difficile de vérifier l'ampleur des répercussions du règlement et le coût qui y est associé. Pour un service de police de la taille du mien, qui sert une population d'environ 735 000 personnes dans Ottawa-Carleton, ce serait difficile à calculer. Chose certaine, le coût serait d'environ le double de ce qu'il est actuellement, compte tenu de mon effectif. Il serait probablement de l'ordre de 300 000 $.

Toutefois, les programmes de recouvrement de coûts associés au nouveau régime nous aideront à récupérer ces coûts. L'infrastructure est partiellement en place du point de vue technologique - les systèmes informatiques et le processus simplifié pour l'enregistrement - , ce qui réduira les ressources humaines nécessaires pour traiter les demandes et les enregistrements. Cela fera également baisser les coûts.

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Je crois que le recouvrement de coûts qui est envisagé et dont le ministre nous a parlé par l'intermédiaire de son représentant au ministère de la Justice est du domaine du possible. Il est certain que je vais surveiller cela de près. Mais pour ce qui est des coûts non recouvrés, je dépense environ 100 000 $ actuellement. Je ne prévois pas dépenser plus.

M. de Savoye: Si je comprends bien, vous dépensez environ 150 000 $ à l'heure actuelle, dont 50 000 $ sont recouvrés. Vous vous attendez à ce que la charge de travail double. Si ce n'était des systèmes informatiques, cela se traduirait par un coût de 300 000 $. Toutefois, grâce aux systèmes informatiques, vous prévoyez que la charge de travail sera plus faible, ce qui fera baisser vos dépenses à un chiffre que vous n'avez pas précisé, mais qui serait inférieur à 300 000 $.

À Hull, vous ne pensez pas dépenser plus que les 100 000 $ que vous dépensez déjà. De sorte que le ministère de la Justice devrait vous rembourser - pour reprendre votre expression - environ 200 000 $ ou un peu moins, selon l'efficacité du système informatique.

M. Ford: Cela dépendra de ce que nous pourrons recouvrer au moyen des programmes d'enregistrement, en raison des droits qu'il faut payer pour faire enregistrer une arme et obtenir divers permis.

Même à l'heure actuelle, dans le cadre du règlement en vigueur, je crois que nous pouvons recouvrer des coûts et que nous obtenons aussi un certain remboursement des autorités fédérales.

Toutefois, quand je dis que je dépense 100 000 $ à même mon budget, je peux vous affirmer que de mon point de vue, c'est de l'argent bien placé. C'est un investissement dans la sécurité de la collectivité. J'ai l'obligation d'assurer un bon service de police, d'assurer la sûreté et la sécurité des habitants d'Ottawa-Carleton. C'est un volet du programme.

Mon budget pour le Service de police régional d'Ottawa-Carleton est d'environ 100 millions de dollars. Je trouve que c'est un bon investissement que de dépenser 100 000 $ pour les armes à feu, dans le cadre de l'actuelle législation sur les armes à feu. Cela donne une certaine sûreté. Si nous pouvons accroître cette sûreté, alors ce sera de l'argent bien placé.

Je ne m'attends pas à doubler ces dépenses, loin de là. En fait, si je peux réduire ce montant, je m'en féliciterai. Mais je ne suis pas sûr, je n'ai pas entendu les chefs de police d'un bout à l'autre du pays dire qu'ils envisagent une diminution du montant qu'ils dépensent actuellement.

Je ne crois pas que ma situation soit différente de celle de tout autre chef de police ailleurs au Canada. Ce que je ne veux pas voir, c'est une augmentation de mes coûts. Je pense que cet objectif peut être atteint en appliquant les divers moyens de recouvrement, les droits à payer, etc.

[Français]

M. de Savoye: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur de Savoye.

[Traduction]

Monsieur Ramsay.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins également.

Je voudrais examiner deux questions. Au cours des dix premières minutes, je traiterai de la première, et l'on verra bien jusqu'où l'on peut aller.

Un certain nombre d'organisations, neuf ou dix, ont comparu devant le comité, autant le comité permanent que le sous-comité, quand nous examinions le projet de loi. Ces organisations ont fait savoir qu'elles ont un bilan exemplaire en matière de sécurité publique et de sûreté des personnes. Selon elles, le règlement envisagé aura, conjointement avec le projet de loi, une incidence négative très forte sur leur organisation.

Certaines d'entre elles, notamment des entreprises qui se spécialisent dans la reconstitution historique, ont déclaré devant le comité que le projet de loi les fera bien sûr disparaître purement et simplement. Par exemple, à Fort Erie, 150 personnes ont participé à la reconstitution en 1995. Il y en avait 15 l'année dernière.

M. Feltoe a comparu devant le comité et a établi un lien direct entre cette tendance et les exigences actuelles et futures en matière de contrôle des armes à feu. Il est donc venu devant le comité pour demander d'être exempté de certains de ces règlements, notamment le barème des droits à payer qui découragera les étrangers de venir participer à de tels événements, tout comme des Canadiens se rendent aux États-Unis pour participer là-bas à certaines reconstitutions historiques.

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Seriez-vous disposé à envisager des amendements raisonnables au règlement de manière à permettre à ces organisations de survivre?

M. Ford: Il m'est difficile de répondre à cette question, parce que je ne suis pas au courant des préoccupations exprimées par ces groupes.

Une chose est sûre. Je n'ai rien vu dans le règlement qui me fasse croire qu'il deviendrait prohibitif de se livrer à des passe-temps de nature historique. C'est un peu comme les gens qui conduisent des voitures anciennes; ils doivent quand même immatriculer et assurer ces véhicules.

De ce point de vue, je trouverais difficile d'appuyer un amendement en ce sens. Comme Rusty me le signale, les armes qui sont utilisées à cette fin peuvent quand même être volées et servir à commettre des meurtres.

Il me serait donc difficile d'appuyer un amendement de ce genre. Rien ne me fait croire que cela deviendrait prohibitif. Et je ne peux pas expliquer pourquoi le nombre de participants baisserait tellement. Je suppose qu'il serait malavisé de ma part de m'aventurer à répondre davantage avant d'avoir de plus amples renseignements.

M. Ramsay: Eh bien, je trouve curieux que vous veniez ici défendre le projet de loi sans en avoir compris au moins superficiellement les répercussions sur une vaste gamme de Canadiens qui utilisent des armes à feu à des fins diverses.

Nous avons entendu des représentants d'organisations qui se sont prononcés contre le projet de loi mais qui ne comprenaient pas à quel point celui-ci se répercutera sur certains propriétaires d'armes à feu qui utilisent leurs armes à des fins légitimes et de façon sécuritaire.

Il me semble que vous manifestez le même manque de compréhension des répercussions du projet de loi dans ces domaines. Sauf votre respect, j'ai peine à comprendre comment vous pouvez appuyer un projet de loi sans en connaître les conséquences générales.

Prenons par exemple les groupes de chasseurs, les organisations qui ont comparu devant nous ou qui étaient tout au moins représentées hier par deux messieurs du Québec qui parlaient au nom des chasseurs, des pourvoiries, etc., et qui nous ont décrit une industrie valant des millions de dollars: 680 pourvoyeurs et organisateurs. Ils nous disent que ce projet de loi pourrait les menacer.

Ces gens-là forment un groupe très discipliné. D'après leur témoignage, il n'y a eu aucune menace à la sécurité publique ou à la sûreté personnelle. Pourtant, la mesure aura des répercussions financières énormes pour leurs organisations. Cela pourrait les acculer à la faillite et mettre en chômage des centaines sinon des milliers de gens.

Je trouve étrange que des gens viennent témoigner devant le comité sans comprendre cela. Ces renseignements sont disponibles ou ils auraient dû l'être à la suite des recherches effectuées par le ministère de la Justice au moment où l'on envisageait de rédiger ce projet de loi. En tout cas, le témoignage des gens qui ont comparu au sujet du projet de loi C-68 figure au compte rendu et tous peuvent en prendre connaissance.

Le président: Excusez-moi. Je ne crois pas, monsieur Ramsay, qu'il soit totalement déraisonnable pour notre témoin de ne pas comprendre les problèmes des pourvoyeurs, la question des armes à feu anciennes utilisées pour les reconstitutions - peut-être les armes elles-mêmes, mais en tout cas pas les reconstitutions.

M. Ramsay: Oui. Voici où je veux en venir. Je souscris à certains éléments du projet de loi. Je suis en faveur du minimum de quatre ans et il y a d'autres aspects du projet de loi que j'appuie, mais il y en a d'autres auxquels je ne saurais souscrire, parce que j'en ai examiné les conséquences. J'ai entendu les témoignages sur les conséquences du projet de loi et j'ose dire, avec tout le respect que je dois à nos témoins - tous les témoins qui ont comparu devant notre comité, que ce soit pour ou contre le projet de loi - qu'à mon avis, nous pouvons attendre d'eux qu'ils comprennent toutes les répercussions du projet de loi.

Le président: Mais je ne vois pas...

M. Ramsay: Et c'est ce que je demande ici aujourd'hui. S'ils ne comprennent pas cela, tant pis, mais je suis perplexe quand je vois des gens venir appuyer un projet de loi alors qu'ils ne savent pas vraiment quels en seront les effets sur les gens.

.1555

Le président: Je parle en mon nom personnel, mais si ces gens-là venaient me faire part de leur opinion sur les pourvoyeurs, les reconstitutions et autres choses de ce genre, franchement, je ne crois pas que j'accorderais beaucoup de poids à leur témoignage, parce que ce n'est pas leur domaine. Mais quand ils viennent me parler des répercussions sur la police, alors je les écoute.

M. Ramsay: Oui, bien sûr...

Le président: Allez-y, poursuivez. Vous savez, c'est très...

M. Ramsay: Monsieur le président, vous et moi pouvons nous lancer dans une discussion là-dessus et sur toutes sortes d'autres choses, mais nous n'avons qu'un certain temps à consacrer à nos témoins.

Vous savez, je ne veux pas être injuste, mais quand j'appuie un projet de loi, je m'arrange pour savoir ce que j'appuie. Si le projet de loi que vous appuyez va acculer à la faillite des gens respectueux des lois, vous devriez en être conscient. Si vous êtes venu ici sans le savoir, j'espère que vous le saurez en nous quittant.

Il me semble que nous devons examiner l'ensemble du projet de loi et toutes ses conséquences, et non seulement les aspects du projet de loi que nous avons peut-être intérêt à défendre. Je trouve que ce n'est que justice.

M. Ford: Monsieur le président, je parle au nom d'une organisation policière qui représente des services de police d'un bout à l'autre du pays. Nous avons examiné ce projet de loi sous l'angle de l'incidence qu'il aura sur notre capacité de faire notre travail et sur la capacité des services policiers d'un bout à l'autre du Canada de faire leur travail.

Nous l'avons examiné dans l'optique de la sécurité publique, qu'il est de notre mandat d'assurer, tant pour ce qui concerne la prévention du crime que l'arrestation des criminels, ceux qui commettent des crimes. Nous avons examiné ce projet de loi selon notre perspective et aussi du point de vue de l'application des lois et de la réglementation.

Nous avons étudié tous les aspects du projet de loi qui nous touchent dans ce que nous faisons. Or, notre travail concerne la sécurité publique. Compte tenu de cet aspect, des éléments qui sont de notre domaine, nous estimons que c'est un bon projet de loi et que nous devons l'appuyer.

Malheureusement, je ne suis pas au courant de ce qu'ont dit tous les particuliers et les groupes qui ont comparu devant le comité et qui ont exprimé leurs préoccupations ou celles de leur clientèle, mais je suis ici à titre de représentant des services de police du Canada. De ce point de vue, nous continuons et nous continuerons d'appuyer ce projet de loi parce que nous estimons que du point de vue de la sécurité publique, c'est un bon projet de loi. C'est un projet de loi qui est nécessaire pour rendre notre pays et nos rues, les rues que nos agents de police patrouillent tous les jours, plus sûres et plus agréables. C'est la raison de notre présence ici. C'est pourquoi nous appuyons le projet de loi.

M. Ramsay: Eh bien, je vais vous poser la question suivante: d'après votre expérience d'agents de police - je m'adresse à vous trois - , pourriez-vous me dire dans quelle mesure l'utilisation d'armes à feu par les musées et les groupes de reconstitutions historiques a posé une menace à la sécurité publique dans le passé?

Ou bien nous basons-nous sur des craintes quant à ce qui pourrait arriver à l'avenir? Ne sont-ils pas bien réglementés? Les représentants des compagnies de véhicules blindés, de Brinks et de Loomis, sont venus témoigner et se sont dit très préoccupés au sujet de certains aspects du règlement et des conséquences financières qu'il aura sur leur marge bénéficiaire.

Ont-ils posé une menace? L'utilisation de ces armes à feu crée-t-elle une menace à la sécurité du public et des particuliers, qui est à la base de ce projet de loi? Car tout est censé reposer sur le concept de la sécurité publique.

Vous savez, je pourrais continuer à passer en revue la liste. Nous avons entendu les représentants des clubs de tir qui nous ont parlé de leurs équipes de compétition internationale. Ils sont très disciplinés. En fait, laissez-moi vous lire ce qu'a dit leur porte- parole. Je cite: «Nous avons un bilan de sécurité sans tache».

Ce sont donc là des organisations dont les représentants ont témoigné que leurs activités n'ont pas compromis la sécurité publique. Du point de vue de la police, ont-ils raison? Nous ont-ils bien décrit la situation? Avez-vous des objections à l'égard de ces groupes qui utilisent des armes à feu de façon bien réglementée?

M. Ford: Je n'ai pas étudié mes dossiers, mais je pense que si je le faisais, je pourrais trouver des incidents où il y a eu négligence de la part de l'un ou l'autre des groupes que vous avez mentionnés: les voitures blindées et les clubs de tir. Je pourrais probablement trouver des cas où l'on n'a pas agi de la bonne façon.

.1600

Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas dans la société canadienne de groupes qui se chargent légitimement d'enseigner le maniement sécuritaire des armes à feu, et je les en félicite. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec le secteur des voitures blindées, dans mon propre service de police d'Ottawa-Carleton. Nous donnons de la formation à ces gens-là. Je n'ai rien vu dans le règlement ou le projet de loi qui serait de nature à inquiéter ce secteur. Personnellement, je n'y vois rien qui puisse susciter la moindre inquiétude.

De façon courante, nous immatriculons nos véhicules, nous exigeons que les conducteurs de ces véhicules possèdent un permis, qu'ils suivent une formation et passent un examen avant de pouvoir conduire ces véhicules. Les exigences deviennent de plus en plus rigoureuses à mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie des véhicules, depuis une simple automobile jusqu'à un véhicule commercial, dont le conducteur assume la responsabilité à l'égard de passagers, en passant par un camion qui utilise le réseau routier à des fins de transport. Il y a des assurances et des sauvegardes couramment appliquées dans tout cela.

Je ne vois aucune différence entre ces exigences couramment acceptées et l'exigence qu'une arme potentiellement meurtrière soit assujettie à des règlements pour garantir la sécurité de nos citoyens.

M. Beauchesne: Je voudrais ajouter un mot au sujet des organisations que M. Ramsay vient de mentionner. Je pourrais peut-être revenir à l'une des principales raisons pour lesquelles la communauté policière appuie le projet de règlement, c'est-à-dire pour nous aider à remonter la filière dans le cas des armes volées et perdues. Dans le cas des organisations que vous avez mentionnées, il y a risque de tentative de vol ou de perte d'arme à feu par les membres des organisations qui y travaillent ou qui en sont membres. Par conséquent, le système d'enregistrement en soi, même pour un musée ou l'une ou l'autre de ces organisations, aidera la police à retrouver ces armes.

Par exemple, j'ai parlé aujourd'hui même à notre propre registraire des armes à feu à Toronto et j'ai appris qu'actuellement, nos voûtes renferment 2 000 carabines qui ont été saisies l'année dernière et dont nous ne pouvons pas retrouver le propriétaire. La plupart de ces armes ont été utilisées dans la perpétration d'un crime quelconque. Elles peuvent fort bien provenir de l'une ou l'autre des organisations que vous avez mentionnées et qui ont fait l'objet d'un vol avec effraction depuis un an. Si nous avions eu ce registre dans le passé, nous pourrions retrouver les propriétaires et peut-être les délinquants, car nous pourrions établir un lien entre une arme à feu et une personne.

Le président: Madame Whelan.

Mme Whelan (Essex - Windsor): Merci, monsieur le président. J'ai deux ou trois questions.

Ma première porte sur une question que M. Ramsay a soulevée. Il s'agit des reconstitutions historiques.

Afin de bien comprendre de quoi l'on parle, la présentation que nous avons entendue la semaine dernière portait sur les armes à feu antérieures à 1898 ou que l'on considère techniquement comme des antiquités. Une réplique ou une antiquité n'est pas assujettie à la réglementation, mais une reproduction l'est. Si l'on compare les deux, c'est absurde, car les gens utilisent ces armes à feu de collection dans le cadre de reconstitutions historiques.

Mercredi soir dernier, on a diffusé une émission au réseau anglais du canal Découverte. Évidemment, le canal Découverte, qui s'adresse aux enfants, a décidé que cette émission pouvait être vue sans danger. Je pense qu'il y a peut-être eu une légère exagération de la part des rédacteurs du projet de loi original qui ont décidé d'inclure les reproductions, ou qu'ils ont omis de prendre certains éléments en considération. Il ne s'agit pas d'armes à feu du genre de celles qu'on utilise aujourd'hui pour perpétrer des crimes. Les mousquets à poudre noire ne servent plus à commettre des crimes depuis 1909.

Je trouve que nous devons être raisonnables. Notre but, dans le règlement à l'étude, c'est de nous assurer que la société est sûre. Le cours de sécurité que l'on est tenu de suivre pour utiliser des armes à feu dont on se sert de nos jours pour la chasse ou le tir à la cible n'a absolument rien à voir avec les mousquets à poudre noire. Dans ce dernier cas, il y a aussi des exigences de sécurité que l'on enseigne d'ailleurs aux membres de ces groupes. Ils ont demandé leur propre cours il y a déjà longtemps et ils se conforment aux exigences de sécurité de toute façon. C'est un aspect auquel ils attachent énormément d'importance.

.1605

Je voulais donc simplement préciser de quoi il s'agit quand on parle de reconstitution historique, de ce que font ces gens-là. Je sais que vous n'êtes pas expert en la matière et je ne crois pas non plus qu'en appuyant le règlement, vous disiez que tout cela ne devrait pas exister. Peut-être voudriez-vous répondre à cela.

Je suis toutefois quelque peu préoccupée par la disposition sur l'avis au conjoint. Je ne suis pas certaine que l'on aille assez loin à ce sujet. L'exigence est d'aviser le conjoint de droit ou de fait, ancien ou actuel, avec lequel le demandeur a cohabité au cours des deux années précédentes. Ayant vu de près de nombreuses querelles domestiques, vous sauriez mieux que nous s'il y aurait lieu de remonter plus loin que cela dans le temps. Il peut y avoir paiement de pension alimentaire et peut-être qu'il y a d'autres situations que l'on devrait traiter de façon plus exhaustive dans le projet de règlement.

M. Ford: Pour ce qui est de la poudre noire, je vais m'abstenir de commenter. En toute justice, le comité a entendu le témoignage de la société historique, que je n'ai pas entendu pour ma part. Sincèrement, je ne connais pas bien ce dossier. Je connais toutefois le critère de vélocité initiale qui est utilisé dans la définition d'une arme à feu.

Pour ce qui est de l'avis au conjoint, si j'ai bien compris votre question, vous demandez si deux ans, c'est suffisant. C'est probablement suffisant dans la grande majorité des cas. Cela nous donne un outil que nous n'avons pas actuellement et qui nous permet d'aller nous assurer que tout va bien, qu'il n'y a pas d'antécédents de violence, même s'il s'agissait de violence non signalée. C'est très souvent le cas, quand les conjoints se sont séparés ou ont divorcé, et il peut y avoir eu des actes de violence non signalés. Je pense donc que c'est une bonne idée de faire ce genre de vérification. C'est une bonne disposition. Deux ans, cela permettra probablement de couvrir la grande majorité des cas.

Mme Whelan: Ma dernière question porte sur la capacité de faire appliquer la loi. Je crois personnellement que l'entreposage sécuritaire est important. Je n'ai pas d'objection à l'enregistrement comme tel. Nous immatriculons bien nos véhicules et tout le reste et je pense que pour être honnêtes, nous devons admettre que nous mettons à jour le système de 1977 pour répondre aux exigences de 1997 en matière d'enregistrement.

Mais je suis un peu préoccupée par la capacité de faire appliquer cette loi. Je me demande si, de votre point de vue, ayant examiné le règlement proposé, vous y voyez quelque chose d'inapplicable. Je parle du projet de loi C-17.

Cela touche une corde sensible dans la région. Dans le dossier de l'agent Baylis, qui a été tué avec une arme à feu volée, il a été porté à mon attention que l'on s'est demandé si cette arme à feu avait été entreposée correctement. Nous savons que le propriétaire en a été retrouvé. Le projet de loi C-17 comporte une disposition permettant de porter des accusations contre ce propriétaire, ce qui n'a pas été fait.

Je pose donc la question: en ce qui a trait à la capacité d'appliquer la loi, y a-t-il des points d'interrogation dans tout cela? Je ne veux pas que nous adoptions des lois qu'il sera impossible d'appliquer, pas plus que je ne veux des mesures que nous ne devrions pas appliquer, sur le plan de l'éthique ou de la morale, simplement pour le plaisir d'avoir un texte écrit noir sur blanc. Je veux m'assurer que ce que nous adoptons pourra être appliqué par l'intermédiaire des médias et par vous-mêmes.

M. Ford: Pour autant que je me rappelle, je n'ai rien vu qui ne serait pas applicable.

Au sujet de l'entreposage sécuritaire, dans l'affaire Baylis - et il y a eu un cas ici même, l'affaire Nicholas Battersby, dans laquelle une arme volée a été utilisée - la difficulté serait de prouver devant un tribunal que le crime a été perpétré, autrement dit que l'arme avait été entreposée de façon non sécuritaire. C'est peut-être la raison pour laquelle les gens ne s'aventurent pas à porter des accusations, et que le tout est mis au jour ultérieurement dans le cadre de l'enquête.

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D'autre part, dans ma propre expérience de détective - et j'aime à croire que cela ne fait pas si longtemps - j'ai vu de mes yeux dans des résidences privées des fusils de chasse chargés qui traînaient sous les sofas ou qui étaient déposés n'importe où dans la maison. Je connais d'autres agents qui en ont vu autant plus récemment. Je crois donc que cette partie du règlement est tout à fait applicable.

Il y aura toujours des cas où il sera difficile de démontrer la culpabilité, comme cela arrive constamment dans tout tribunal. La présomption d'innocence est primordiale. Une personne est innocente jusqu'à preuve du contraire. Il faut s'en tenir à la règle de droit. De temps à autre, en consultation avec des procureurs de la Couronne, la décision est prise de ne pas porter d'accusations pour diverses raisons, quelles qu'elles soient, mais je crois quand même que la loi est applicable.

Mme Whelan: J'ai une dernière question, monsieur le président.

C'est au sujet des Canadiens qui se retrouvent avec des armes à feu dont ils ne veulent pas. Que peuvent-ils faire?

M. Ford: Les remettre à la police. Nous allons les détruire.

Mme Whelan: Sans rien demander? On me pose souvent cette question à mon bureau. Je sais que ce n'est pas la réponse qu'on donne aux gens dans ma région.

M. Ford: Nous avons amnistié un certain nombre de personnes. Essentiellement, ce qu'il nous faut, c'est le nom et l'adresse de la personne qui nous remet l'arme à feu. On vérifie évidemment si l'arme en question a été utilisée pour perpétrer un crime. À part cela, l'arme est détruite.

M. Bryan McConnell (directeur exécutif, Association canadienne des chefs de police): Je veux apporter une précision là-dessus. Téléphonez à la police; n'apportez pas l'arme à la police.

M. Ford: C'est juste. Nous passerons la chercher.

Mme Whelan: Si vous venez la chercher et découvrez que l'arme n'est pas bien entreposée, porterez-vous des accusations contre la personne, même si elle essaie de s'en débarrasser?

M. Ford: Le droit coutumier, tel qu'appliqué dans l'application des lois au Canada, confère un certain pouvoir discrétionnaire à l'agent de police. Si on lui remet une arme...

La dernière fois que nous l'avons fait, nous avons reçu environ 600 armes dans Ottawa-Carleton. C'était avantageux pour nous de retirer ces armes de la circulation et de les détruire. On a utilisé ce pouvoir discrétionnaire dans un bon nombre de cas. C'est la latitude normale conférée à l'agent de police. Nous l'utilisons à l'avantage de la sécurité publique, non pas à l'avantage de l'agent de police, mais bien de la sécurité publique. Dans le cas que vous décrivez, l'avantage pour la sécurité publique consisterait à retirer une arme à feu de la circulation et de la détruire.

M. McConnell: Si l'agent de police n'utilisait pas à bon escient son pouvoir discrétionnaire, le procureur de la Couronne ou le juge le ferait à sa place.

Mme Whelan: D'accord, merci.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, madame Whelan.

[Français]

Monsieur de Savoye, avez-vous d'autres questions?

M. de Savoye: Je n'ai pas d'autres questions. Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur Maloney.

M. Maloney (Erie): Nous avons entendu les représentants d'un certain nombre d'organisations qui nous ont parlé des permis de port d'armes de remplacement, qui étaient auparavant délivrés pour un an ou pour des périodes pouvant atteindre trois ans.

Pour l'autorisation de transporter des armes, les exigences sont beaucoup plus contraignantes, précisant la période pendant laquelle l'autorisation de transport est valable, les endroits entre lesquels l'arme à feu peut être transportée, les raisons pour lesquelles les armes peuvent être transportées d'un endroit à l'autre, et le fait que les armes doivent être transportées par la route la plus directe.

Actuellement, les propriétaires légitimes d'armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte vous posent-ils des problèmes? Est-ce un problème qui nous concerne?

Ce règlement est-il réaliste et applicable et est-il nécessaire?

M. Ford: Je vais traiter du règlement actuel au sujet des armes à autorisation restreinte. Si vous êtes membre d'un club de tir ou si vous travaillez dans le domaine de la sécurité, ou encore pour votre propre protection... Il est très rare que ce permis soit accordé pour la protection personnelle. Je ne me rappelle pas d'un seul cas ici à Ottawa-Carleton. On l'a peut-être fait à une ou deux reprises au Canada.

Les permis de transport, comme on les appelle, qui sont délivrés aux membres des clubs de tir, sont déjà très contraignants. Ces permis sont valables entre le club de tir et la maison; dans la plupart des cas, c'est la résidence personnelle. Le titulaire du permis peut transporter l'arme entre son domicile et le club de tir, c'est-à-dire qu'il ne peut pas l'emporter partout.

C'est tout à fait applicable et il est nécessaire d'interdire aux gens de laisser les armes dans le coffre de leur voiture toute la semaine ou bien de se rendre au bureau avec l'arme dans leur voiture pour aller ensuite directement au club de tir. Quand on considère que les vols de voiture ont augmenté de 70 p. 100 depuis deux ou trois ans, c'est un aspect raisonnable du règlement.

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Oui, c'est applicable, mais comme pour beaucoup de lois, celle-ci est appliquée lorsque quelqu'un a enfreint la loi et retient l'attention de la police.

J'ignore si cela répond à votre question.

M. Maloney: Comment interprétez-vous l'expression «transportée par la route la plus directe»?

M. Ford: Eh bien, si je vais de chez moi jusqu'à un club de tir, en supposant que le club soit situé dans Ottawa-Carleton, cela veut dire que je ne passe pas par Hull ou Montréal ou ailleurs. Il faut adopter une approche raisonnable et c'est ce que l'on fait. Cela ne veut pas dire qu'il faut emprunter certaines rues en particulier, rien de cela. C'est affaire de simple bon sens.

M. Maloney: D'accord.

Au sujet de l'avis au conjoint, quelqu'un a proposé que l'on ne se limite pas au conjoint et qu'on avertisse aussi d'autres membres de la famille et les enfants. Jusqu'où faut-il aller? À votre avis, faut-il s'arrêter au conjoint?

M. Ford: En pareil cas, si les enfants avaient subi des sévices sexuels ou de mauvais traitements quelconques, le conjoint le ferait certainement savoir.

D'après notre expérience, dans les cas de mauvais traitement des enfants, si je peux utiliser cet exemple, parce que je crois que c'est là que vous voulez en venir, si la personne qui reçoit un permis a menacé ou maltraité un enfant dans la famille, le renseignement nous est transmis par les adultes.

M. Maloney: Je suis davantage préoccupé par le cas d'un conjoint qui pourrait être intimidé par le demandeur de permis et dont les enfants, surtout s'ils sont d'âge adulte, ne seraient pas nécessairement intimidés...

M. McConnell: Songez-vous à l'affaire de l'Université Concordia, où la femme du tireur savait pertinemment que ce professeur se procurait des armes? C'est possible, mais la question est de savoir s'il serait vraiment pratique d'aller plus loin.

M. Maloney: D'accord.

L'une des raisons pour lesquelles j'appuie le projet de règlement pris aux termes de la Loi sur les armes à feu, c'est que j'estime qu'il protège nos agents d'application de la loi. Vous vous attardez longuement sur ce point dans votre mémoire.

L'une des difficultés qui se posent dans la région d'où je viens, une circonscription rurale comprenant un petit secteur urbain, c'est que quand je me suis présenté devant ce que j'appelle «les gars des armes à feu», je veux dire les lobbyistes des armes à feu, etc., à plus d'une reprise, un agent de police a pris la parole et a dit: «Cette mesure législative sur les armes à feu ne m'aidera pas une miette». Bien sûr, cela me démolit cet argument.

Pourquoi disent-ils cela? Y a-t-il un problème parmi les policiers? Peut-être que certains estiment que c'est bon, tandis que d'autres trouvent que leur sport, la chasse ou le tir, est prioritaire? J'ai un problème de ce côté.

M. Ford: Moi aussi. Quand on songe au grand nombre d'agents de police, il y a probablement certains agents un peu partout au Canada qui n'appuient pas le projet de loi, mais ils sont très nettement minoritaires.

Dans certains cas, c'est peut-être parce qu'ils ne comprennent pas bien ce que le règlement et la loi ont à offrir. C'est un problème de communication que nous avons abordé très récemment avec les représentants de la Justice, par l'intermédiaire du Comité de modifications législatives, car nous avons demandé que des manuels et des cours de formation à jour soient mis au point pour assurer la formation des agents au Canada, pour qu'ils soient bien au fait de ce que la loi a à offrir aux agents de police.

C'est la seule raison que je puisse donner pour expliquer ce phénomène. Je pense que c'est un manque de compréhension de la loi.

M. Maloney: Merci, monsieur Ford.

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Je vais poursuivre dans la même veine, car j'ai les mêmes préoccupations queM. Maloney à cet égard. Quand le projet de loi a été proposé au départ, j'avais des réserves et je ne pouvais pas en appuyer la majorité des dispositions. Après avoir entendu l'Association des chefs de police l'appuyer, je me suis demandé ce qui m'avait échappé.

J'ai donc relu le projet de loi et j'ai eu des entretiens avec beaucoup d'agents de police de première ligne et j'ai obtenu la même réponse que M. Maloney. En plus, beaucoup de nos députés de l'ouest du Canada et même ici en Ontario en ont fait autant. Nous sommes allés d'assemblée en assemblée et chaque fois, un agent de police nous disait ce qu'il pensait du projet de loi. L'Association des policiers de la Saskatchewan s'est prononcée contre le projet de loi. Ses policiers n'appuient pas le projet de loi.

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Nous avons donc entendu des membres des corps de police qui ont un point de vue diamétralement opposé aux témoignages que vous venez de nous donner. Cela me préoccupe fortement. Quand nous leur avons demandé pourquoi leur point de vue était différent de celui de leur chef, j'ai entendu au moins un agent me dire que les témoignages que nous entendons émanent de la tour d'ivoire. Je dis cela sans vouloir vous offenser, car j'ignore ce que cette personne voulait dire exactement.

Je sais toutefois ceci. J'ai été agent de police pendant 14 ans et si une vérification par ordinateur permet à un agent de police qui répond à un appel relativement à une querelle domestique d'abaisser sa garde simplement parce que l'ordinateur lui dit qu'il n'y a pas d'arme à feu dans cette résidence, c'est un point négatif. Il abaisse sa garde et il se retrouve comme le constable Anson et le sergent Schrader en Saskatchewan, qui ne se tenaient plus sur leurs gardes. Ils sont morts tous les deux. C'est donc un passif pour un agent de police et non pas un actif que de se fier à une vérification par ordinateur. S'il n'y a rien à signaler, l'agent s'imagine qu'il n'a pas à s'inquiéter parce qu'il n'y a pas d'arme à feu dans la maison, mais l'ordinateur ne peut pas le lui prouver.

Vous dites à la page quatre de votre mémoire:

Je suis désolé, mais pour moi, cela n'a aucun sens. Je regarde cela et je me demande pourquoi ils l'appuient. Pourquoi dites-vous cela, quand on sait que l'on apprend aux agents de police à ne jamais abaisser leur garde en pareil cas? S'ils le font le moindrement, à cause d'une vérification par ordinateur, cela aura l'effet contraire à celui recherché. J'ignore si vous voulez commenter cela.

Je voudrais faire une autre observation. Je trouve tellement frustrant de vous entendre comparer l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse à l'immatriculation des voitures ou à l'inscription des chiens et des chats. La différence, c'est que le fait de ne pas faire immatriculer une automobile ou inscrire un chien ou un chat n'entraîne pas de casier judiciaire. On ne cesse de nous rebattre les oreilles avec cela. Quiconque néglige délibérément de faire enregistrer un fusil de chasse ou une carabine de calibre .22 est passible d'une peine maximum de dix ans de prison.

Il y a bien des gens qui ne sont pas d'accord avec cela, y compris des agents de police. Ce sont eux qui travaillent en première ligne et qui ont besoin de l'appui des gens pour faire leur travail. S'ils font face à des situations de ce genre et qu'on commence à leur claquer la porte au nez quand ils ont besoin d'information, cela n'a aucun sens à mes yeux. Je ne suis pas un génie, mais je cherche l'équilibre et le bon sens et je ne le trouve pas.

M. Ford: Monsieur le président, les organisations policières d'un bout à l'autre du pays sont le reflet de notre société, comme il se doit. C'est très sain pour notre organisation. Il y a des gens dans les organisations policières partout au Canada qui ne sont pas nécessairement d'accord avec ce projet de loi. Je ne dis pas que ce n'est pas le cas. C'est absolument vrai. Je l'ai déjà dit. Toutefois, la grande majorité des agents de police au Canada appuient ce projet de loi. Ils l'appuient pour les raisons que nous avons déjà énoncées.

À mes yeux, le fait de pouvoir s'informer sur les habitants d'une résidence où l'on doit se rendre n'entraîne pas l'abaissement de la garde parce qu'il n'y a pas de renseignements disponibles. C'est simplement un autre outil pour l'agent de police qui est dans cette situation.

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L'une des situations les plus dangereuses pour un agent de police, c'est celle où il est appelé sur les lieux d'une querelle de ménage. S'il peut vérifier qu'il y a des armes à feu dans la maison, cela va assurément le mettre encore plus sur ses gardes. Il prendra des précautions différentes. Le fait de ne pas savoir s'il y a des armes à feu ne diminuera nullement... Les agents auront simplement de plus amples informations sur l'endroit où ils sont appelés à se rendre.

Pour ma part, je suis les cours de formation sur le recours à la force avec mes agents. Je trouve important de faire moi-même l'expérience de tout ce qu'ils ont à vivre et je les appuie dans tout ce qu'ils font. Mes officiers et mes formateurs sur l'usage de la force me disent souvent que quand ils répondent à un appel, plus ils peuvent obtenir d'informations, plus grandes sont leur sécurité et leur capacité d'agir en toute sécurité. Je suis en faveur de cela.

Je ne pense pas que cela va amener les agents qui répondent à des appels à abaisser leur garde. Ils sont déjà sur leurs gardes et ils peuvent l'être encore plus quand ils vont à une adresse donnée. Ils peuvent répondre différemment, au lieu de...

M. Ramsay: C'est facile à dire.

Le président: La parole est à M. Ford.

M. Ford: C'est dans cette optique que j'appuie le projet de loi. C'est dans cette optique que l'appuient les agents qui souscrivent à ce projet de loi, ceux qui travaillent avec moi et ceux d'autres organisations partout au Canada. L'Association canadienne des policiers a appuyé à maintes reprises le projet de loi et le règlement et j'en ai parlé aujourd'hui même à Scott Newark.

À part cela, je n'ai rien d'autre à dire. Mon expérience pratique et celle de mes agents plaident en faveur de la disponibilité de ces renseignements.

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: En fin de compte, tout se résume à ceci. On estime que le nombre de propriétaires d'armes à feu au Canada se situe entre trois et six millions. Je n'ai jamais pu comprendre comment le fait d'enregistrer leurs armes à feu va les rendre plus rationnels ou créer une sauvegarde quelconque dans l'éventualité où ces gens-là deviendraient irrationnels et voudraient utiliser leur arme à feu contre eux-mêmes, contre des membres de leur famille ou de la société. Ils ont accès à l'arme à feu. Elle peut être bien gardée, enfermée sous clé, mais s'ils deviennent irrationnels et décident de s'en servir, le fait qu'elle est enregistrée n'aura absolument aucune conséquence sur les trois à six millions de propriétaires d'armes à feu.

M. Beauchesne: Je ne suis pas d'accord avec ce point de vue, monsieur Ramsay. Si quelqu'un possède des armes à feu et fait preuve de négligence dans leur maniement ou leur entreposage, et s'il se rend compte qu'une fois que ce règlement sera adopté, on pourrait très bien remonter jusqu'à lui si jamais l'arme à feu était utilisée et l'on pourrait constater qu'il n'a pas bien entreposé son arme à feu, je pense que cela va lui faire prendre conscience de façon aiguë du besoin, autant pour lui-même que pour sa famille et les autres, d'entreposer ces armes à feu en toute sécurité.

M. Ramsay: Ce n'est pas ce qui est arrivé en Colombie-Britannique, où une personne s'est adressée à la police et a obtenu, en passant par la GRC, une arme à feu. Sauf votre respect, cela n'a aucun sens pour moi.

M. McConnell: Vous parlez de l'affaire Vernon, le type qui a obtenu une AAAC. Le projet devrait réduire cette probabilité.

M. Ramsay: Je m'excuse, mais ce que je veux dire, c'est que quand quelqu'un en est rendu à un état mental tel qu'il veut tuer quelqu'un, quelle différence cela peut-il faire que son arme à feu soit enregistrée ou non? Il y a de trois à six millions de propriétaires d'armes à feu au Canada. Comment cela va-t-il renforcer la sécurité publique dans ces cas-là? Il n'y a aucun doute que ce sont des incidents rares comme ceux-là qui ont suscité l'élaboration au Canada de cette mesure législative.

M. McConnell: Je suppose que chacun de ces propriétaires d'armes à feu a un entourage familial. Si ces gens-là ont accès facilement à l'arme, au moins, grâce à ce règlement, l'accès sera peut-être toujours aussi facile pour le propriétaire de l'arme, mais pas autant pour son entourage.

M. Ramsay: Mais cela ne répond pas à ma question.

M. Ford: Si je peux me permettre, monsieur le président, de notre point de vue, commeM. Bellehumeur l'a déclaré à la Chambre, cela n'empêchera pas toutes les tragédies. Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que ce sera le cas. Mais cela empêchera certaines tragédies et, nous espérons, beaucoup de tragédies. C'est dans cette optique que nous sommes venus ici appuyer le projet de loi et le règlement afférent. Voilà notre position. Nous n'avons pas la naïveté de croire que des cas de ce genre ne se produiront jamais. Cela arrivera, mais bien d'autres fois, cela n'arrivera pas grâce à ce règlement.

.1630

M. Ramsay: Merci.

Le président: Madame Whelan.

Mme Whelan: J'ai une brève question. Il s'agit de l'information publique. Je ne sais trop quelle est la réponse à cette question.

Le projet de loi C-17 a été adopté il y a maintenant plus de quatre ans et pourtant, beaucoup de Canadiens ne sont pas au courant des exigences sur l'entreposage sécuritaire qui sont en vigueur actuellement, avant même le projet de loi C-68 et avant l'adoption du nouveau règlement.

Je me demande comment s'assurer que les dispositions législatives seront respectées. Je sais que beaucoup de corps de police participent à des programmes Valeurs, influences et relations avec les pairs ou à des programmes en milieu scolaire. C'est peut-être une façon de procéder, parce que souvent les enfants informent leurs parents quand ils constatent que ceux-ci font quelque chose de mal. Il faut faire passer le message. Il y a un nombre effarant de mes commettants qui ne se rendent même pas compte actuellement qu'ils enfreignent la loi.

M. Ford: C'est vrai qu'il faut absolument faire une campagne de promotion ou de publicité et les fonctionnaires du ministère de la Justice nous ont assurés qu'il y en aurait une.

Je voudrais ajouter, à l'appui des observations que l'on a faites en réponse aux propos deM. Ramsay, que les membres des clubs de tir sont probablement les mieux placés sur le plan de la sécurité du maniement et de l'entreposage des armes à feu, mais il y a beaucoup de gens qui ne font pas partie d'un club de tir et qui possèdent une arme dont ils se servent pour la chasse. Ce sont ces gens-là qui ne respectent pas le règlement qui est déjà en vigueur. Je pense qu'il faut informer le public. Du point de vue du travail policier, et même sur le plan national, il faut faire du travail de sensibilisation.

Mme Whelan: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Ford, monsieur Beauchesne et monsieur McConnell.

Monsieur McConnell, je vous souhaite le meilleur succès dans votre nouveau poste.

M. McConnell: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci d'être venus. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Nous allons faire une pause de cinq minutes, après quoi nous poursuivrons à huis clos pour discuter des travaux du sous-comité.

[La séance se poursuit à huis clos]

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