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Rapport dissident
DU PARTI RÉFORMISTE
sur l'accès aux médicaments de recherche pour des raisons humanitaires


INTRODUCTION

Le Sous-comité de la Chambre des communes sur le VIH/sida a été établi par le Comité permanent de la santé en novembre 1994, avec le mandat suivant :

Étudier la propagation du VIH ainsi que la prévention, le traitement et le soutien des personnes atteintes du VIH/sida, entre autres l'incidence des facteurs reliés à la pauvreté et à la discrimination.
Durant l'étape initiale - étudier l'efficacité de la Stratégie nationale sur le sida - le Sous-comité s'est fait dire qu'une des préoccupations les plus graves des sidéens est l'accès aux médicaments de recherche. La demande d'étudier cette question, comme le reconnaît le Sous-comité, est venue de la communauté des sidéens et des séropositifs, connue pour son militantisme, bien que d'autres victimes de maladies mortelles soient également intéressées à la réforme du système(1).


(1) «...l'apparition du sida et l'émergence de groupes militants, qui agissent de manière concertée pour revendiquer leur droit aux meilleurs traitements médicaux possible, a modifié les attentes et les demandes non seulement des personnes séropositives, mais aussi de toutes celles qui sont atteintes d'une maladie catastrophique.» (p. 15)

Le processus normal de développement, d'essai, d'évaluation et d'approbation des médicaments peut prendre de 5 à 10 ans, même si, dans de plus en plus de cas, le processus se raccourcit, comme en témoigne l'approbation du 3TC en moins de 5 mois. Quoi qu'il en soit, la demande augmente, de la part des malades «catastrophés», pour d'accès à des médicaments dont les essais ne sont pas encore terminés et dont l'approbation n'est pas encore donnée pour la vente au public.

Au Canada, il existe plusieurs mécanismes par lesquels les malades catastrophés peuvent avoir accès à un médicament de recherche, l'accès pour raisons humanitaires (autorisé par Santé Canada et fourni par les compagnies pharmaceutiques) n'étant que l'un d'eux. Les autres choix sont :

Cependant, on a beaucoup préconisé l'accès humanitaire, en le présentant comme la solution la plus éthique pour le plus grand nombre, car il «offre aux malades catastrophés le meilleur espoir de suivre un traitement expérimental» (p. 5)

Pour pouvoir établir un bon mécanisme d'accès humanitaire, il faut examiner au moins cinq questions plus à fond : la responsabilité, les risques, les droits, la représentation et la réglementation.

I. RESPONSABILITÉ

Afin de bien évaluer l'accès humanitaire, il faut déterminer qui sont les intervenants et quelle devrait être leur responsabilité en cette matière. Il y a cinq catégories d'intervenants : les malades graves qui recherchent l'accès humanitaire aux médicaments, les compagnies pharmaceutiques qui font l'essai des médicaments et les développent, le gouvernement, les Canadiens en général, qui profitent à un moment où l'autre de leur vie de la mise au point de nouveaux médicaments, et enfin les médecins.

La responsabilité doit être assumée dans plusieurs domaines, surtout financier et légal.

1. Responsabilité financière

Il faut se demander si les programmes d'accès devraient exiger des malades le paiement d'un tarif pour les médicaments, et ainsi leur faire partager une partie de la responsabilité financière. Dans la situation actuelle, ce sont les compagnies pharmaceutiques qui assument la plus grande responsabilité financière. Le Sous-comité semble avoir accepté l'idée qu'il est immoral de demander à ceux qui réclament l'accès humanitaire de payer quoi que ce soit pour avoir cette chance. En même temps, on recommande d'exiger plus des compagnies pharmaceutiques sans inclure des dispositions garantissant la sécurité financière de ces fabricants(2).


(2) Recommandations 1, 2 et 4.

Cependant, si les compagnies pharmaceutiques ne peuvent pas assumer le fardeau de la responsabilité financière qu'on leur impose, elles deviendront de moins en moins efficaces.

Les discussions ont également porté sur la nature de la participation financière de l'État. Il n'est pas évident, cependant, que l'État soit prêt à injecter des fonds tant soit peu importants dans l'accès humanitaire. Son rôle premier serait d'assurer la rédaction et l'application des règlements proposés sur l'accès humanitaire. Dans cette veine, la plupart de ceux qui veulent libéraliser l'accès humanitaire croient que la seule façon de le faire consiste à mettre plus de pression sur les compagnies pharmaceutiques, ce qui exigerait une plus grande participation du gouvernement pour voir à ce que les compagnies s'acquittent de leurs nouvelles obligations.

L'accès humanitaire peut également imposer au grand public un coût considérable, qu'il faut évaluer en regard des avantages escomptés. En termes de coût, le Sous-comité s'est fait dire par un médecin que l'argent et les autres ressources dépensés pour des traitements non prouvés risquent de priver d'autres malades de traitements vraiment bénéfiques, approuvés pour la vente, mais coûteux(3).


(3) Table ronde nationale sur l'accès aux médicaments de recherche pour des raisons humanitaires, Bibliothèque du Parlement. (p. 8)

En outre, on a affirmé que le public subventionne la recherche pharmaceutique et les frais de développement de l'industrie pharmaceutique(4). Si les programmes d'accès humanitaire réduisent davantage les profits des compagnies pharmaceutiques, ces coûts supplémentaires seront répercutés sur le consommateur.


(4) Ibid.

Les programmes d'accès humanitaire ont également un coût pour le médecin. Ce coût augmentera vraisemblablement si l'accès humanitaire est élargi. Ce coût se mesure en temps consacré à vérifier la formule de consentement éclairé rédigée par le malade, ainsi qu'à suivre les malades et à tenir leur dossier. Les médecins de premier recours doivent déjà recueillir énormément de données et rédiger de grandes quantités de documents pour le compte des compagnies pharmaceutiques, afin de satisfaire aux règlements de Santé Canada. «Ce temps n'est pas rémunéré par le régime provincial d'assurance-maladie. Pour les médecins qui traitent énormément de séropositifs et de sidéens, cela signifie une diminution de revenu». (p. 11)

Les médecins ont clairement fait savoir à la table ronde que cette question doit être résolue avant qu'on se mette à libéraliser l'accès humanitaire(5). Le Sous-comité n'a ni réglé cette question, ni formulé de recommandation à cette fin.


(5) Ibid.

Recommandation 1 : L'affectation de la responsabilité financière, dans le processus d'accès pour raisons humanitaires, doit être évalué de façon plus prudente, et l'évaluation doit inclure une évaluation économique complète faite par les représentants de tous les groupes d'intervenants (p. ex.: AMC et ministères provinciaux de la Santé) afin :

2. Responsabilité légale

La question de la responsabilité devant la loi a été soulevée dans le rapport du Sous-comité, mais n'a jamais été réglée. Le Sous-comité a préféré aller de l'avant avec ses recommandations de changement en omettant des recommandations précises sur l'attribution des responsabilités légales.

Bien qu'on ait noté que «le malade a toujours le droit de poursuivre le fabricant, le médecin ou l'établissement où il a acheté le médicament» (p. 31), le constat selon lequel «l'accès pour des raisons humanitaires soit très rarement à l'origine de poursuites» semble être une raison suffisante, aux yeux du Sous-comité, pour s'abstenir de modifier les règlements actuels concernant la responsabilité légale. La situation actuelle semble indiquer «que le système actuel prévoyant le consentement éclairé réussit assez bien à protéger ceux qui fournissent [l'accès humanitaire] (p. 32).

Recommandation 2 : Le gouvernement ne doit mettre en oeuvre l'accès pour raisons humanitaires qu'une fois toutes les implications juridiques clarifiées et bien établies.

II. RISQUES

Le Sous-comité a réuni une abondante documentation sur certains des principaux risques de l'accès humanitaire. Mais en dépit de ces risques, il insiste au début de son rapport (p. 3) sur le fait que l'accès aux thérapies expérimentales est un droit, un droit qui impose un devoir à quelqu'un d'autre. Il fait remarquer que la Loi actuelle comporte cette interprétation. Cependant, reconnaître les dangers potentiels de l'accès humanitaire, c'est reconnaître du même coup que ce droit ne doit pas être exercé à la légère.

1. Risque du point de vue du développement des médicaments

Le plus grand danger que semble présenter l'accès humanitaire est qu'il «ralentisse le processus d'homologation des médicaments» (p. 9). Selon le rapport, «[Les participants à la table ronde] ... ont été presque unanimes à affirmer que rien ne doit ralentir le développement des médicaments, une activité cruciale qui permet de trouver le meilleur traitement pour la plupart des patients» (p. 9) (et signalons que les futurs malades catastrophés sont au nombre de ces personnes).

Comme le Sous-comité le fait remarquer dans son rapport, le risque que comporte l'accès humanitaire pour le développement des médicaments est au moins double :

Il ne s'agit pas là d'un argument purement académique ou théorique. En effet, au moins deux exemples ont été cités devant le Sous-comité. Selon un premier témoignage, «il a fallu plus de temps pour évaluer la zalcitabine parce que l'utilisation du médicament s'est répandue dès les premières étapes de son développement». Selon un deuxième, «l'essai comparatif de l'AZT+ddI et de l'AZT+ddC aurait pu être terminé au bout de 18 mois si l'accès pour des raisons humanitaires n'avait pas ralenti le recrutement, au point où il a fallu trois ans pour attirer un nombre suffisant de volontaires» (p. 9).

Les témoignages que cite le Sous-comité dans son rapport montrent sans l'ombre d'un doute qu'une intervention dans le processus de développement des médicaments augmenterait les risques pour les diverses parties intéressées. Les compagnies pharmaceutiques risqueraient le plus sur les plans financier et juridique, mais les gouvernements seraient eux aussi exposés à de tels risques. Il reste que ce sont les grands malades qui seraient mis en péril, car on leur donnerait accès aux thérapies expérimentales dès les débuts de leur maladie alors qu'il est encore difficile de prévoir leur effet sur l'organisme.

En fait, les futurs malades assumeront le gros des conséquences de l'accès humanitaire, notamment les catastrophés. Il n'auront en effet pas accès à de nouveaux médicaments, pour la bonne raison que ces médicaments n'ont pas encore été développés.

Les participants à la table ronde signalent également d'autres risques importants de l'accès humanitaire.

2. Répercussions financières sur l'industrie pharmaceutique

Le Sous-comité fait observer que, même maintenant «[l]a décision de donner généreusement accès à un médicament pour des raisons humanitaires est un acte bénévole qui pourrait, surtout en l'absence d'essais cliniques, mettre la compagnie pharmaceutique dans une situation financière fâcheuse» (p. 19).

Même si personne n'a critiqué ouvertement la réputation actuelle de l'industrie pharmaceutique pour ce qui est de la mise sur pied de programmes d'accès humanitaire, le Sous-comité recommande des changements qui responsabiliseraient davantage les compagnies pharmaceutiques(6).


(6) Recommandations 1, 2 et 4 (pp. 17, 18 et 20).

On a informé le Sous-comité que la mise sur pied d'un programme d'accès humanitaire peut coûter entre 30 et 40 millions de dollars à l'industrie pharmaceutique (p. 11). À son avis, il ne serait pas souhaitable qu'un gouvernement impose un programme d'accès humanitaire à une compagnie pharmaceutique sans qu'elle en ait d'abord évalué la valeur financière et le risque(7).


(7) Ibid.

Le Sous-comité rejette une solution qu'on lui a proposée à cet égard : obliger les compagnies pharmaceutiques à offrir l'accès humanitaire sous peine de voir rejeter leurs demandes d'homologation de drogues nouvelles de recherche (DNR) (pp. 13-15).

L'un des arguments invoqués à l'encontre de l'imposition de cette obligation est qu'elle encouragerait les multinationales à effectuer leurs essais ailleurs. Vu la réputation dont jouissent les compagnies canadiennes à l'égard de l'accès humanitaire, cela pourrait leur nuire, et nuire surtout à la population canadienne.

3. Risque pour les «futurs malades»

Le Sous-comité a dit clairement qu'il respecte l'opinion de ceux qui ne veulent pas voir les personnes atteintes d'une maladie grave laissées pour compte par celles qui sont en bonne santé et qui, par conséquent, ne sont peut-être pas aussi sensibles qu'elles devraient l'être aux besoins des grands malades : «Le Sous-comité a été mis au défi de déterminer s'il est possible de protéger le système de recherche sur les médicaments et de répondre aux besoins du grand public sans que cela se fasse au détriment des personnes qui sont déjà malades». (p. 6).

Mais il y a un autre côté à la médaille : il ne faudrait pas, sous prétexte qu'il faut s'occuper des malades, faire abstraction des besoins des gens qui sont présentement en santé mais qui pourraient avoir besoin d'un nouveau médicament dans l'avenir. Stopper le processus de développement des médicaments parce qu'une compagnie pharmaceutique refuse d'offrir l'accès humanitaire aurait justement cet effet. En ne poussant toutefois pas le raisonnement aussi loin, le Sous-comité recommande d'élaborer de nouvelles lignes directrices sur l'accès pour des raisons humanitaires, notamment «des critères permettant de déterminer si le programme d'accès pour des raisons humanitaires au médicament de recherche proposé par la compagnie pharmaceutique est juste et raisonnable...»(8).


(8) Recommandation 2 (p. 18).

Ce sont les futurs malades catastrophés qui souffriraient de tout empêchement au processus de développement des médicaments, entre autres de critères inadéquats ou mal définis qui limiteraient la marge de manoeuvre des fabricants de médicaments.

4. Responsabilité légale des compagnies pharmaceutiques

Dans son rapport, le Sous-comité affirme ceci : «[d]e nos jours,... les médecins et les patients exercent des pressions de plus en plus fortes pour que les médicaments soient disponibles avant même que soient connus des renseignements aussi élémentaires que la posologie. Si le gouvernement décidait de faciliter la mise en circulation anticipée des médicaments de recherche, il devrait envisager de nouvelles solutions définissant très exactement la responsabilité légale». (p. 32). Or malgré son importance, cette observation n'a fait l'objet d'aucune recommandation officielle de la part du Sous-comité.

Le Sous-comité semble vouloir maintenir le statu quo, car, dit-il, un consentement éclairé semble suffire pour le moment. Or les participants à la table ronde ne sont pas d'accord, car selon eux le consentement éclairé ne suffira plus à l'avenir. Le Sous-comité fait observer ceci : «... il a été dit à la table ronde que le fabricant est responsable des préjudices imputables à son produit et c'est pourquoi la décision de mettre en circulation ou non un médicament de recherche est laissée à sa discrétion». (p. 31). Il n'en demeure pas moins que le Sous-comité ne propose aucun moyen de mieux protéger les fabricants contre les risques que supposent pour eux ses recommandations.

5. Responsabilité légale du gouvernement

Aucune recommandation n'est formulée non plus en ce qui concerne la nature de la responsabilité du gouvernement (et, par ricochet, celle des contribuables), malgré les arguments convaincants présentés au Sous-comité quant à la position précaire dans laquelle pourrait se trouver le gouvernement. «Mario Simard [conseiller juridique de Santé Canada] estime que le gouvernement pourrait avoir une part de responsabilité s'il adoptait une loi pour forcer les sociétés pharmaceutiques à distribuer un médicament de recherche... L'inverse pourrait également se produire. Si le fabricant refuse de fournir le médicament et que, pour cette raison, l'état du patient se détériore, le gouvernement serait encore responsable parce qu'il n'aurait pas fait exécuter son ordonnance». (p. 31).

Mais c'est la courte vue du Sous-comité qui inquiète le plus, si l'on songe à la tendance actuelle des litiges civils au Canada. Ces dernières années, le nombre de réclamations d'assurance a considérablement augmenté dans plusieurs secteurs de la société. Il y a six mois, le Globe and Mail(9) rapportait que le coût des réclamations municipales avait augmenté de 530 p. 100 au cours des 15 dernières années auprès de la Frank Cowan Co., assureur public le plus important en Ontario. Toujours en Ontario, le nombre de causes civiles en attente devant les tribunaux est passé de 15,128 à 21,497 entre 1990-1991 et 1994-1995(10).


(9) Édition du 9 mai 1996.
(10) Procureur général de l'Ontario, Rapport annuel sur les statistiques des tribunaux, 1994-1995, p. 10.

L'augmentation du nombre d'avocats au Canada depuis 1985 dénote également l'accroissement de l'activité judiciaire partout au pays. Il est en effet passé de 45,000 à 63,000 entre 1985 et 1995(11).


(11) Fédération des professions juridiques du Canada.

Recommandation 3 : On recommande que le rôle du gouvernement dans le processus de développement des médicaments soit clairement défini afin de lui épargner (et, par le fait même, d'épargner au contribuable) des risques supplémentaires créés par l'accès humanitaire, notamment la responsabilité légale.

6. Risque pour les malades catastrophés (pp. 4-5)

En raison de leur vulnérabilité, les malades catastrophés sont beaucoup plus tentés que les autres de faire tout en leur pouvoir pour trouver un moyen d'atténuer leur douleur et de prolonger leur vie. Comme on l'a signalé au Sous-comité, bon nombre d'entre eux ont tendance à décider d'opter pour un médicament purement pour des «raisons émotives»(12).


(12) Table ronde nationale sur l'accès aux thérapies expérimentales pour des raisons humanitaires, Bibliothèque du Parlement, p. 8.

Au moins quatre problèmes différents ont été soulevés à cet égard. Premièrement, les malades catastrophés peuvent faire l'essai successif de plusieurs médicaments dans l'espoir d'en trouver un qui leur convient. Or comme les connaissances scientifiques sur l'exposition successive à plusieurs médicaments sont limitées, un tel comportement peut nuire aux chances du malade d'obtenir un médicament à l'avenir et, donc, d'en retirer des bienfaits. Sans compter que l'exposition successive à plusieurs médicaments peut augmenter le niveau de toxicité dans l'organisme.

Deuxièmement, il y a le problème de ceux qui ne respectent pas la posologie. Une trop forte dose pourrait être toxique, et une trop faible, insuffisante pour enrayer le virus. Troisièmement, même si les malades catastrophés estiment qu'ils n'ont rien à perdre en prenant un médicament expérimental et qu'ils sont prêts à courir le risque, leur état de santé pourrait empirer de beaucoup.

Quatrièmement, les nouveaux médicaments dont les bienfaits n'ont pas été prouvés sont plus attrayants que les traitements connus. C'est pourquoi, sous l'influence des médias, qui annoncent souvent prématurément la sortie d'un nouveau médicament prometteur ou une nouvelle percée dans la recherche sur le sida, les grands malades pourraient être poussés à prendre une décision plus nocive que bénéfique.

En dépit du fait que les malades catastrophés ont certains droits, il semble justifié - pour leur bien - de maintenir des lignes directrices touchant la responsabilité, qui limitent notamment l'accès aux thérapies expérimentales dans les cas où ces thérapies pourraient leur nuire.

Recommandation 4 : Il faut consulter les divers professionnels de la santé pour savoir ce qu'ils entendent faire pour continuer d'aider les malades catastrophés à prendre des décisions cruciales au sujet de l'accès humanitaire.

Personne n'a pris au sérieux les risques signalés par le Sous-comité. Ce dernier recommande donc de libéraliser l'accès aux médicaments pour des raisons humanitaires, en invoquant que les malades catastrophés auront de meilleures chances de bénéficier plus tôt de traitements susceptibles de calmer leur douleur et de ralentir la progression de la maladie, sinon de les guérir complètement. Le Sous-comité juge les bienfaits potentiels d'une telle décision suffisants pour annuler le risque accru que pourraient courir les malades catastrophés.

Certains sont d'avis qu'un meilleur accès aux thérapies expérimentales procurerait des avantages financiers aux compagnies pharmaceutiques et jouerait en faveur des futurs malades. D'autres affirment qu'une étude sans groupe témoin produit des données inutilisables. Selon un résumé des présentations des participants à la table ronde, la déclaration obligatoire des réactions négatives aux médicaments, hors du contexte d'un essai contrôlé, est l'une des questions les plus épineuses auxquelles s'est heurté la table ronde, et le problème demeure entier(13).


(13) Ibid., p. 10.

Recommandation 5 : Les risques sont jugés suffisamment sérieux pour qu'on en discute directement et franchement avec toutes les parties intéressées avant d'apporter quel que changement que ce soit au système d'accès humanitaire.

III. DROITS

Le Sous-comité reconnaît que «les personnes atteintes d'une maladie catastrophique ont le droit d'être exemptées de tout paternalisme bienveillant lorsqu'il s'agit de choisir une thérapie avec l'avis de leur médecin, pourvu que cette dernière ne cause aucun préjudice à autrui». (pp. 2-3) Ce droit semble avoir préséance sur ceux des autres intéressés au processus d'accès humanitaire, y compris les droits de ceux qui souffriront dans le futur d'une maladie catastrophique.

Des participants à la table ronde ont en outre soulevé de nombreuses questions dont le Sous-comité a pris note. Leurs interventions n'ont toutefois pas débouché sur la formulation de recommandations valables pouvant orienter les changements à apporter au processus actuel.

Beaucoup ont exprimé ces préoccupations alors que Neill Iscoe, membre de la Société canadienne du cancer qui défend les droits des personnes atteintes d'une maladie catastrophique, estime immoral de négliger pour autant ceux des autres malades bien que son souci premier soit de veiller au bien-être des cancéreux. Voici ce qu'il affirme : «La société souscrit au droit au libre choix, mais considère que ce droit ne doit pas être exercé au détriment d'une autre personne. On estime, en particulier, que l'accès pour des raisons humanitaires, aussi nécessaire qu'il soit, ne devrait pas nuire au développement rapide d'un médicament.» (p. 21)

Le Sous-comité se dit déterminé à faire respecter les droits des malades catastrophés, bien que ces droits «ne fassent pas l'objet d'une loi au Canada». (p. 4)

Recommandation 6 : On recommande que le gouvernement définisse les «droits des catastrophés» et le but poursuivi en faisant figurer ces droits dans ses politiques.

Lorsque le mandat premier de l'étude a été établi, le Sous-comité a reconnu qu'il fallait donner la préséance aux personnes présentement atteintes d'une maladie catastrophique : «le Sous-comité a été mis au défi de déterminer s'il est possible de protéger le système de recherche sur les médicaments et de répondre aux besoins du grand public sans que cela se fasse au détriment des personnes qui sont déjà malades.» (p. 6)

Ce choix pourrait cependant avoir des conséquences pour ceux qui plus tard seront atteints d'une maladie grave. À cet égard, le Sous-comité a cité la question suivante posée par une participante à la table ronde : «Est-il acceptable de sacrifier les besoins des personnes souffrant d'une maladie grave pour le bien de celles qui en seront éventuellement atteintes?» (p. 6) Il ne fait aucun doute que certains seront touchés par la maladie à l'avenir, et qu'une partie d'entre eux souffriront de maladies catastrophiques.

Si l'on ralentit le développement de médicaments en accordant une importance indue aux besoins des personnes souffrant d'une maladie catastrophique, il se peut qu'on ne dispose pas de traitements efficaces pour les personnes qui seront atteintes plus tard de telles maladies, alors qu'il aurait pu en être autrement.

Il est manifeste qu'en dépit des explications données par le Sous-comité relativement aux priorités d'ordre déontologique qui appellent une amélioration de l'accès pour des raisons humanitaires, aucune solution ne pourra être adoptée sans concilier les droits de tous les intéressés.

IV. REPRÉSENTATION

La majorité des témoins appartenaient à des groupes représentant des victimes du VIH/sida. D'autres groupes qui défendent notamment les intérêts des personnes souffrant du cancer et de la sclérose en plaques étaient également représentés.

D'autres intervenants ont aussi participé aux débats, entre autres des représentants de l'industrie pharmaceutique, des médecins et du gouvernement.

La plupart des témoins préconisaient un élargissement de l'accès pour des raisons humanitaires.

Personne n'est venu témoigner expressément au nom de l'ensemble des Canadiens qui pourraient éventuellement être touchés par une maladie catastrophique.

Recommandation 7 : On recommande que les personnes appelées à témoigner dans le cadre de cette étude et, de façon plus générale, devant les comités, soient choisies de manière à ce que tous les aspects de la question soient abordés et que l'ensemble des personnes et des groupes intéressés puissent exprimer leur point de vue.

V. RÉGLEMENTATION

1. Quelques-unes des questions fondamentales soulevées par les défenseurs d'un élargissement de l'accès pour des raisons humanitaires avaient trait expressément aux fonctions de réglementation du gouvernement dans le processus en cours.

Les questions portaient principalement sur les points suivants :

Il faut un minimum de temps pour effectuer des études et des recherches scientifiques de qualité. Cela dit, on peut avoir une idée des possibilités de raccourcir le processus en comparant le temps habituellement requis au Canada et dans d'autres pays comme les États-Unis pour approuver les médicaments, et en constatant la vitesse à laquelle certains d'entre eux peuvent être approuvés lorsqu'on les soumet à un examen accéléré.

2. Des témoins ayant participé à la table ronde ont mentionné que la Direction des médicaments avait rationalisé le processus d'approbation. «L'évaluation dure maintenant 17 mois en moyenne, laps de temps jugé tout à fait acceptable. De plus, l'examen accéléré (par «traitement prioritaire»)... est très rapide (180 jours)». (p. 28)

De son côté, la Food and Drug Administration des États-Unis «a mis sur pied un système accéléré d'approbation conditionnelle des médicaments destiné aux maladies mortelles, qui permet une approbation en moins de 90 jours». (p. 28)

Recommandation 8 : On recommande que la Direction continue de chercher des moyens de raccourcir le processus d'approbation et d'en accroître l'efficacité, en autant que la qualité des études et des recherches effectuées dans le cadre de ce processus n'en soit pas compromise.

Recommandation 9 : On recommande que le gouvernement prenne connaissance des résultats obtenus dans des pays où la qualité des études et des recherches se compare à celle du Canada, afin d'examiner des moyens d'accélérer le développement des médicaments. Nous appuyons donc en principe la recommandation no 7 du Sous-comité, qui prie le gouvernement d'«étudier l'orientation à donner à la réglementation des médicaments au pays». (p. 31)

3. Une autre difficulté sérieuse vient des gouvernements provinciaux : «une fois le médicament approuvé, il peut s'écouler plusieurs mois avant que les provinces ne l'ajoutent à leur formulaire et le rendent disponible sur ordonnance et remboursable par le régime d'assurance-médicaments ou l'aide sociale». (p. 33)

Recommandation 10 : Comme il faut aplanir ces difficultés, nous approuvons en principe la recommandation no 8 du Sous-comité. (p. 34)

4. Parmi d'autres difficultés liées à l'intervention du gouvernement, on compte la durée de l'évaluation des médicaments.

CONCLUSION

Les témoignages présentés à la table ronde sur l'accès humanitaire aux médicaments de recherche montrent qu'afin d'éviter des problèmes futurs, il faudra trouver des réponses à de nombreuses questions avant d'apporter des changements au système actuel d'accès.

C'est d'ailleurs le mandat qu'a accepté de remplir le Sous-comité sur le VIH/sida. Son ancien président, le Dr Bernard Patry, a affirmé que le Comité s'était donné pour but «d'étudier ces questions complexes, d'en cerner les contraintes et de proposer des solutions qui déboucheraient sur un élargissement de l'accès humanitaire qui soient acceptables à toutes les parties concernées».

Il importe de mentionner que vu la nécessité d'apporter des changements le plus rapidement possible, le Sous-comité a été pressé de mener ses activités à un rythme accéléré. C'est pourquoi il n'a pas été en mesure d'étudier toutes les questions pertinentes avant de formuler des recommandations en vue de la révision du processus d'accès humanitaire.

Recommandation 11 : On recommande d'affirmer l'importance des programmes d'accès humanitaire, et de n'apporter des changements à cet accès que lorsque les éventuelles difficultés liées aux questions de responsabilité, de risque, de droits, de représentation et de réglementation auront été pleinement mesurées et résolues.

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