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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 19 février 1997

.1807

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Conformément à l'ordre de renvoi adopté par le Comité permanent de l'industrie le mercredi 2 octobre 1996, nous étudions la reconversion de l'industrie militaire à des fins civiles.

J'aimerais vous prévenir qu'il se peut qu'il y ait un vote à 18 h 45. Je demanderais donc aux témoins d'être précis, de même qu'à ceux qui poseront des questions, de sorte que nous puissions en faire le plus possible.

[Français]

M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Monsieur le président, j'aimerais qu'aujourd'hui ou à une prochaine séance, on se réserve du temps pour regarder ensemble la liste des témoins. On n'en a jamais parlé depuis le début de nos travaux. Certaines personnes m'appellent pour savoir quand elles vont comparaître. Donc, il faudra qu'à un moment donné on prenne le temps de se parler de la liste des témoins. Si ce n'est pas ce soir, ce pourra être à la prochaine séance.

[Traduction]

Le président: Nous pourrons en discuter à la fin de la séance et j'essayerai d'y consacrer 10 ou 15 minutes.

Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins d'Industrie Canada, John Banigan et Catherine Kerr.

Monsieur Banigan, je crois comprendre que vous allez commencer.

M. John Banigan (sous-ministre adjoint, Secteur de l'industrie, Industrie Canada): Oui, monsieur, merci. J'ai une déclaration que j'aimerais vous lire, si vous me le permettez.

Monsieur le président, au cours de son exposé du mois de décembre dernier, mon collègue, le sous-ministre adjoint, Matériels, du ministère de la Défense nationale, a donné un aperçu de la conversion de l'industrie militaire au Canada et ailleurs dans le monde. M. Lagueux a situé les politiques du Canada dans le contexte mondial qui a évolué depuis la fin de la guerre froide. Il a parlé des compétences qu'avaient acquises les entreprises canadiennes dans des marchés à créneau d'une importance capitale. Il a parlé des besoins changeants de son ministère, de l'importance du maintien d'une structure industrielle de défense et de la décision du Canada d'acheter, dans la mesure du possible, des produits couramment offerts sur le marché.

[Français]

Le message suivant revenait constamment dans son exposé: le Canada est bien placé pour tirer profit de la transition entre la guerre froide et la nouvelle économie mondiale, axée sur l'innovation et l'excellence technologique.

Je n'entends pas m'aventurer sur le même terrain aujourd'hui, sauf pour répéter que le Canada a entrepris la conversion de son industrie militaire bien avant la plupart des autres grands pays industrialisés. Par conséquent, notre industrie est bien mieux placée pour relever le défi de la réduction des dépenses militaires.

[Traduction]

Aujourd'hui, j'aimerais aborder la conversion de l'industrie militaire du point de vue d'Industrie Canada: la nature des industries de l'aérospatiale et de la défense proprement dites.

Les industries de l'aérospatiale et de la défense du Canada regroupent environ 500 entreprises. L'an dernier, leur chiffre d'affaires était de 12 milliards de dollars, environ, ce qui représente une hausse de plus de 150 p. 100 par rapport à 1985.

.1810

Ces entreprises exportent 70 p. 100 de leur production. On peut leur attribuer l'un des très rares surplus de la balance commerciale du Canada au chapitre des produits de haute technologie. Elles dépensent un milliard de dollars chaque année en R-D, et leur contribution représente quelque 20 p. 100 du montant total affecté à la R-D des entreprises manufacturières canadiennes.

Quelque 59 000 Canadiens travaillent dans l'industrie de l'aérospatiale et l'industrie militaire. Ils y occupent des emplois bien rémunérés et très spécialisés en R-D ainsi qu'en production.

De tous les secteurs de haute technologie, les industries de l'aérospatiale et de la défense figurent parmi ceux qui contribuent le plus au PIB. On y retrouve des chefs de file mondiaux de la fabrication de produits de haute technologie comme les avions régionaux et à court rayon d'action, les avions d'affaires, les hélicoptères civils, les petits moteurs à turbine, les trains d'atterrissage, les sous-systèmes électroniques de satellite et les simulateurs de vol.

L'industrie canadienne occupe maintenant la sixième place au monde dans les industries de l'aérospatiale et de la défense. Nous cherchons à occuper la quatrième place dans le monde au chapitre de la production aérospatiale et de la part de marché dans ce domaine.

[Français]

Je peux résumer tout cela en affirmant que les industries de l'aérospatiale et de la défense figurent parmi les moteurs de l'économie canadienne et de l'économie du savoir, qui procurera les emplois et favorisera la croissance économique au XXIe siècle.

La croissance de ces industries dépend-elle des applications militaires? Non, monsieur le président. Le Canada s'affaire depuis plus de 35 ans à convertir son industrie militaire en industrie civile et à faire en sorte que ses industries de l'aérospatiale et de la défense puissent convenir aux deux.

[Traduction]

Dans les années 60, environ 70 p. 100 de la production de ces industries visait des applications militaires, et 30 p. 100 des applications civiles. Aujourd'hui, le mouvement s'est inversé, la proportion étant maintenant de 24 p. 100 pour les applications militaires, et de 76 p. 100 pour les applications civiles. On estime que la part des applications militaires continuera de diminuer. M. Lagueux a déclaré devant votre comité que, d'ici 1999, les applications militaires ne compteraient plus que pour 15 p. 100 de la production de l'aérospatiale et de la défense.

Ainsi donc, les industries canadiennes de l'aérospatiale et de la défense se positionnent depuis des années sur le marché civil, et elles devraient poursuivre dans cette voie. Lorsque nous parlons de «conversion de l'industrie de la défense» au Canada, nous parlons d'un processus d'adaptation au marché qui est déjà en place depuis plus de trois décennies. L'industrie a réagi aux défis que lui pose l'évolution de la demande sur ses marchés. Nous parlons d'un processus qui est bien en avance sur celui qui est appliqué dans la plupart des autres pays industrialisés.

[Français]

Cela ne veut pas dire que nous pourrons verser dans la complaisance. Les industries de l'aérospatiale et de la défense du monde entier sont très concurrentielles. Les nations qui possèdent des industries de ce type font preuve de beaucoup de dynamisme lorsqu'elles veulent assurer la transition vers des applications civiles et se tailler une place sur les marchés, au pays et à l'étranger.

De plus, les entreprises du Canada qui souhaitent convertir leurs activités du secteur militaire au secteur civil et au double usage ne l'ont pas encore toutes fait. Lorsque nous regardons de plus près la structure de l'industrie, nous remarquons qu'on peut répartir ces industries en quatre catégories.

La première comprend des entreprises fort diversifiées, dont la dépendance à l'égard du marché militaire a toujours été modérée et diminue sans cesse. La plus grande part des 500 entreprises appartiennent à cette catégorie.

La deuxième catégorie comprend un petit nombre d'entreprises capables de diversifier davantage leurs activités si le marché l'exige. Elles ont la technologie, les compétences et l'assise manufacturière voulues pour connaître une croissance à long terme sur les marchés qui n'appartiennent pas au secteur de la défense. Elles peuvent avoir besoin du gouvernement pour déterminer les secteurs où une diversification serait la plus avantageuse.

Le troisième groupe comprend des entreprises qui occupent un solide créneau du marché mondial de la défense. Elles s'attendent à poursuivre leur croissance dans ce marché et à y prospérer.

.1815

Enfin, le quatrième groupe comprend des entreprises qui dépendent énormément de leurs ventes dans le secteur de la défense et qui semblent n'avoir que des débouchés plus limités de diversification sur les marchés commerciaux.

[Traduction]

Le gouvernement actuel attache une énorme importance à la conversion de l'industrie de la défense. Le plan budgétaire de 1995 a affirmé que le Programme de productivité de l'industrie du matériel de défense serait remanié pour s'attacher davantage à la conversion de l'industrie de la défense et aider les entreprises à réduire leur dépendance à l'égard de ventes faites dans le secteur de la défense.

Le gouvernement a commencé à s'acquitter de ses engagements en mars 1996, lorsqu'il a cri Partenariat technologique Canada (PTC). PTC ciblait les technologies de l'aérospatiale et de la défense ainsi que la technologie environnementale et les technologies habilitantes et les rendait admissibles à une aide spéciale sous forme d'investissements gouvernementaux. La part du gouvernement dans ces investissements, prend la forme du paiement de redevances sur les projets fructueux.

En ce qui concerne les secteurs de l'aérospatiale et de la défense, Partenariat technologique Canada appuie les projets conçus pour réduire la dépendance à l'égard des ventes faites au secteur de la défense par la création de produits et de méthodes destinés aux marchés commerciaux. On y retrouve un élément de conversion de l'industrie de la défense qui donne accès à un financement pour les études de faisabilité et la mise au point ou la commercialisation de produits et de méthodes destinés aux marchés civils ou ambivalents.

Industrie Canada a récemment commandé un examen indépendant de la réaction de l'industrie à la conversion de la défense en général et à l'initiative de conversion de la défense de PTC en particulier. Nous voulions nous assurer que les entreprises les plus importantes étaient au courant de l'existence de PTC; nous voulions aussi avoir une idée des débouchés de la conversion de la défense et des projets qui pouvaient être envisagés. Les résultats préliminaires de cette initiative ont reconfirmé notre opinion selon laquelle la conversion de l'industrie de la défense peut se faire au cas par cas et ne pose pas de problème majeur. Nous sommes persuadés que Partenariat technologique Canada peut travailler efficacement de concert avec l'industrie pour favoriser la conversion de l'industrie de la défense.

Nous avons aussi appris que de nombreuses entreprises de l'aérospatiale et de la défense au Canada estiment ne pas avoir besoin du financement du gouvernement. Elles entendent s'en tenir à leur plan d'affaires en cours. Certaines entreprises qui vendent des produits de la défense entendent demeurer sur le marché parce qu'elles y connaissent du succès et qu'elles y voient des débouchés constants. D'autres ont l'intention de présenter une demande à PTC afin d'évaluer s'il est faisable d'élaborer ou de commercialiser des produits et des procédés destinés aux marchés civils. D'autres encore s'en remettent aux débouchés d'expansion des affaires et du commerce découlant des contrats gouvernementaux, comme l'achat d'hélicoptères et le programme spatial.

À ce jour, PTC a reçu plusieurs demandes à l'égard de la conversion d'entreprises du secteur de la défense, ainsi que trois propositions: l'une a été approuvée, l'une a été retirée, et l'autre est toujours en cours d'étude.

PTC n'est qu'un seul élément de la boîte à outils d'Industrie Canada qui vise à relever les défis dont s'assortit la conversion de l'industrie de la défense. Le ministère a mis de l'avant un certain nombre d'autres projets pour appuyer la compétitivité des industries de l'aérospatiale et de la défense. Nos projets comportent une foule d'activités conçues pour aider les entreprises à obtenir l'information et les conseils dont elles ont besoin pour être compétitives dans l'économie mondiale.

Notre travail, monsieur le président, s'inscrit dans quatre grandes catégories: développement de la technologie et des connaissances; développement du commerce international; avantages que retirent les industries et les régions des grands contrats gouvernementaux; produits d'information stratégique.

Parmi les projets que nous avons mis de l'avant pour favoriser l'application des techniques de gestion, notons la promotion de la participation du Canada au Programme des meilleures pratiques de fabrication. Ce programme a été cri il y a 12 ans par le Bureau de la recherche navale des États-Unis. Le programme fait la promotion du transfert technologique grâce à une base de données informatisée, à des ateliers annuels et à des sondages qui documentent les meilleures pratiques des entreprises commerciales et du secteur de la défense. Cela comprend des informations au sujet de la conversion des industries de la défense et des technologies ambivalentes. En 1994 et 1995, Industrie Canada et le ministère de la Défense nationale ont collaboré avec le programme des meilleures pratiques de fabrication pour présenter une série d'ateliers partout au Canada afin d'encourager les entreprises canadiennes à y participer. Les ateliers ont connu un immense succès.

Les Feuilles de route technologiques sont une autre de nos initiatives technologiques. Elles cernent la technologie critique dont a besoin une industrie pour répondre aux demandes futures du marché ainsi qu'aux besoins du consommateur. Nous avons travaillé de concert avec l'Ontario Aerospace Council et certaines entreprises ontariennes de l'aérospatiale afin d'établir une feuille de route pilote pour le secteur de la fabrication, de la réparation et de la remise en état d'aéronefs; le succès qu'a connu ce projet pilote, nous a amenés à l'étendre à l'échelle nationale. Les feuilles de route en cours de rédaction pour d'autres industries pourraient aider des entreprises de la défense à cerner des débouchés de conversion.

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Industrie Canada participe également à l'effort d'expansion commerciale du gouvernement en collaboration avec, par exemple, la Société pour l'expansion des exportations, la Corporation commerciale canadienne et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Industrie Canada a ses propres initiatives d'aide à l'expansion sur le marché international, et elle les met de l'avant dans le cadre de la stratégie d'Équipe Canada qui vise à établir des partenariats avec les ministères et organismes provinciaux, les associations industrielles et le secteur privé pour offrir un soutien aux affaires internationales, par l'entremise de l'Équipe sectorielle nationale de l'aérospatiale et de la défense.

Industrie Canada et nos partenaires de l'Équipe sectorielle nationale ont mis sur pied un plan stratégique et opérationnel pour l'expansion du commerce dans le secteur qui est décrit dans la Stratégie canadienne pour le commerce international. La stratégie qui concerne l'aérospatiale et la défense comprend des mesures visant la collecte et la diffusion de renseignements sur le marché afin de favoriser la création d'équipes et de partenariats, de promouvoir l'acceptation des normes canadiennes et de faire la promotion des capacités du Canada à l'étranger.

Nos réseaux commerciaux régionaux et les centres du commerce international situés un peu partout au Canada peuvent être une autre source d'aide pour les entreprises de l'aérospatiale et de la défense qui souhaitent entrer sur les marchés d'exportation.

Notre boîte à outils comprend un autre élément: la politique relative aux retombées industrielles régionales (RIR). La politique exige que les grands achats de l'État apportent des retombées économiques, industrielles et régionales et c'est même là un critère de sélection du programme. La politique de RIR a évolué en fonction des tendances des grands achats de l'État au Canada et de la nécessité d'appliquer une stratégie plus poussée pour l'établissement des secteurs de haute technologie comme l'aérospatiale, l'électronique du secteur de la défense et l'espace. Nous continuons d'appliquer la politique afin de promouvoir la création d'entreprises canadiennes compétitives et d'y contribuer. La diversification des produits et le développement des technologies ambivalentes découlent fréquemment de la politique des RIR.

En ce qui touche les produits d'information stratégique, j'aimerais mentionner Strategis, site Web d'Industrie Canada, ainsi que l'établissement d'un Cadre de compétitivité sectorielle (CCS) pour le secteur des aéronefs et des pièces d'aéronefs. Strategis est le plus important site Internet d'information aux entreprises du Canada. Il procure aux entreprises un accès direct par Internet aux informations et à l'expertise analytique d'Industrie Canada. En utilisant Strategis, les entreprises canadiennes, y compris celles de la Défense, sont en mesure d'obtenir des renseignements au sujet des débouchés à l'exportation, des capacités des entreprises, des renseignements et des contacts d'affaires à l'échelle internationale, de nouvelles technologies et de nouveaux procédés, des experts en gestion, des services au marché, des programmes gouvernementaux et de la recherche micro-économique, entre autres.

En octobre 1996, la Direction générale de l'aérospatiale et de la défense a publié son rapport Cadre de compétitivité sectorielle sur l'industrie des aéronefs et des pièces d'avion du Canada, rapport intitulé Vue d'ensemble et perspectives. La Direction générale prépare actuelle un deuxième rapport CCS sur l'industrie canadienne de l'électronique des domaines de l'aérospatiale et de la défense. Ce rapport couvrira la plupart des entreprises de défense en dehors de l'industrie aéronautique, qui sont essentiellement des entreprises spécialisées en électronique, servant un certain nombre de marchés, notamment la défense, avec des technologies souvent ambivalentes.

[Français]

Partout dans le monde, et dans chaque secteur, les industries des années 1990 doivent réagir aux énormes changements des forces du marché. Elles doivent désormais évoluer dans une économie mondiale. Elles doivent répondre à l'impact grandissant des connaissances sur la productivité. Elles doivent s'adapter au rythme accéléré des changements technologiques.

Les industries qui pourront satisfaire à toutes les exigences procureront des emplois et favoriseront la croissance économique dans tous les pays où elles sont situées. Comme les entreprises de l'aérospatiale et de la défense ont été à l'avant-garde de ces changements, bien des pays industrialisés jugent prioritaire de leur donner les outils voulus pour qu'elles deviennent compétitives et réussissent.

Le Canada ne fait pas exception à la règle. Grâce à la créativité et à l'innovation de nos industries de l'aérospatiale et de la défense, nous sommes parmi les premiers au chapitre de la production mondiale. Et, grâce à la volonté de l'industrie de réagir aux changements du marché depuis 35 ans, nous sommes aussi à l'avant-garde de la conversion des applications militaires à des applications civiles.

Le gouvernement du Canada a la responsabilité d'aider l'industrie à continuer sur sa lancée. Le régime qui a été établi fonctionne bien. Nous l'avons amélioré encore grâce à Partenariat technologique Canada. Nous sommes prêts à travailler avec l'industrie afin de la rendre plus compétitive et de l'aider à s'adapter aux forces du marché, notamment en ce qui a trait à la conversion de l'industrie de la défense.

[Traduction]

Merci, monsieur le président. Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.

.1825

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Ménard: Merci d'être ici. Votre vision du processus de la reconversion est beaucoup plus positive que la mienne. Vous avez parlé de quatre catégories d'entreprises. Je me sens préoccupé par les troisième et quatrième catégories, celles qui ont besoin d'aide.

Je voudrais vous poser trois ou quatre questions. Je ne sais pas depuis combien de temps vous êtes à Industrie Canada, monsieur le sous-ministre, mais au début des années 1990, la Communauté urbaine de Montréal, Industrie Canada et Industrie Québec avaient commandé une étude. On avait alors évalué que, si rien n'était fait, 10 000 emplois seraient menacés de disparition au Québec seulement.

On disait un peu ce que vous avez dit, à savoir qu'il y avait de grandes entreprises qui ont déjà diversifié leurs marchés, ce qui est tout à leur honneur, mais qu'il y avait également des entreprises de moindre importance qui dépendaient à 80 p. 100 du marché de la défense. On pensait à au moins 30 entreprises du Québec. Cela me ferait plaisir de vous faire parvenir la liste qui a été portée à ma connaissance, si cela peut vous être utile.

Croyez-vous que Partenariat technologique Canada est un outil qui va permettre l'opérationalisation de la reconversion? Vous savez que, dans les bonnes années, le Québec allait chercher 50 p. 100 des fonds du PPIMD. C'était l'époque faste où il y avait 250 millions de dollars dans le PPIMD. Évidemment, même dans nos fantasmes, on n'ose pas penser que ce moment-là va revenir, mais ne croyez-vous pas que Partenariat technologique Canada est un outil comparable au PPIMD, avec les quatre volets qu'on lui a connus, pour soutenir les entreprises? Donnez-nous des exemples concrets de ce qui peut être fait. Dans votre exposé, vous avez parlé de trois demandes de reconversion, dont une seule a été retenue. Avez-vous des indications qui permettent de penser que les entreprises ne connaissent pas cet outil-là?

J'aurai deux autres questions par la suite, mais je vais me taire pour le moment.

[Traduction]

M. Banigan: Monsieur Ménard, avec l'aide d'un consultant, nous avons fait un sondage pour nous assurer qu'un nombre important d'entreprises au Canada sont au courant de PTC et de ses possibilités. Nous avons accès au rapport dont vous avez parlé, effectué il y a quelques années, et comme nous évoluons dans un milieu relativement petit, je pense que nous connaissons assez bien toutes les entreprises du secteur.

Partenariat technologique Canada s'intéresse principalement à la R-D. C'est l'objet du programme. Il comporte certes des contributions pour des études de faisabilité et de marché, mais il a pour philosophie de fournir du financement au titre de la R-D. Pas du financement pour des fonds de roulement, des immobilisations, mais du financement pour la R-D de nouveaux produits et procédés. À cet égard, nous pensons qu'il est utile pour la conversion de l'industrie de la défense. On pourrait imaginer d'autres formes d'aide qui pourraient être offertes, mais la R-D est l'objet premier de ce programme.

Nous avons fait preuve de proaction pour nous assurer que les entreprises connaissent ce programme et puissent entreprendre des études de faisabilité. Franchement, nous avons été un peu surpris du manque d'intérêt manifesté par les entreprises, même pour les études de faisabilité ou de marché. Cela tient peut-être au fait qu'elles se sont déjà elles-mêmes diversifiées, que cela ne les intéresse pas particulièrement de modifier leurs plans d'affaires, ou Dieu sait quoi. Mais, quelles que soient leurs raisons, elles ont choisi de ne pas se prévaloir de ce programme, malgré le marketing plutôt dynamique effectué par le biais des associations industrielles, de nos bureaux régionaux et de notre consultant.

[Français]

M. Ménard: Mais cela pourrait aussi vouloir dire que les compagnies croient que le programme n'est pas adapté. Vous avez peut-être entendu parler du GRIM, le Groupe de recherche sur l'industrie militaire, que dirige un homme très célèbre au Québec et peut-être aussi un peu au Canada anglais, le professeur Yves Bélanger.

Il dresse une liste de 30 entreprises. Si rien n'est fait dans le cas de ces entreprises, le Québec sera privé de 10 000 emplois d'ici cinq ans. Il serait peut-être intéressant de voir si ces entreprises, qui sont quelquefois des équipementiers - on ne parle pas des 15 plus grandes entreprises à travers le Canada - peuvent être intéressées par ce programme.

.1830

De quoi ont-elles besoin? Si j'ai bien compris, elles ont besoin d'aide pour la prospection de nouveaux marchés, mais elles ont aussi besoin d'aide pour leur technologie de production. Donc, croyez-vous que le programme Partenariat technologique Canada peut offrir ce type d'aide aux entreprises dont je vous parle?

M. Banigan: Il est possible que ce programme ne soit pas exactement celui qui réponde aux besoins de ces compagnies. Lorsqu'un employé d'Industrie Canada est en contact avec une compagnie, il discute avec elle de problèmes industriels. Par exemple, on utilise beaucoup la Banque de développement du Canada pour les investissements et les prêts aux compagnies. Si une la compagnie a besoin de capital pour moderniser son usine, elle peut s'adresser à la Banque. Il y des programmes qui garantissent des prêts aux PME.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Ménard. Nous passons maintenant à Mme Brown et nous reviendrons à vous sous peu.

Mme Brown (Oakville - Milton): Merci, monsieur Banigan, de votre exposé.

Vous avez raison de dire que cette question revêt une grande priorité pour le gouvernement, et vous vous êtes probablement rendu compte que nos déclarations au sujet de la conversion de l'industrie de la défense figuraient dans notre Livre rouge. Nous essayons de respecter nos engagements de ce point de vue.

Je ne suis pas d'accord, cependant, avec votre exposé au sens où l'engagement que nous avons pris visait en quelque sorte l'aérospatiale. Je crois que je séparerais ces groupes d'entreprises que vous avez réparties en quatre catégories. Je crois que nous pourrions dire sans nous tromper que la plupart des gens dans cette salle sont extrêmement fiers de notre industrie aérospatiale et espèrent grandement qu'elle deviendra numéro 4, qu'elle a bénéficié de PTC. Permettez-moi cependant de vous préciser que je m'intéresse davantage aux entreprises qui n'opèrent pas cette reconversion, aux entreprises qui, pour reprendre vos termes, semblent être peu intéressées, qui ne se sont pas prévalues elles-mêmes des possibilités malgré un marketing accrocheur.

Pour que vous compreniez bien ce que je veux dire, j'ajouterai que bon nombre d'entre nous s'inquiètent de l'exportation de ce que j'appelle de vrais produits de défense, comme des fusils et des engins de destruction, vers le tiers monde. Cela réduira considérablement le sujet de notre discussion.

Je ne pense pas qu'il soit encore nécessaire de parler de l'aérospatiale. Je pense que nous devons parler de ces industries qui n'opèrent pas la conversion, qui ont encore des plans d'affaires peut-être. Je crois qu'environ la moitié d'entre elles en ont, et l'autre pas. Certaines d'entre elles font beaucoup d'argent, et d'autres tirent vraiment le diable par la queue.

Il est évident que le financement offert dans le cadre de PTC ne donne pas de résultats, tout comme le marketing que vous avez fait. Avez-vous fait appel aux responsables du PARI pour donner suite à cette idée que la reconversion peut se faire au cas par cas? Il me semble qu'en l'occurrence, nous avons besoin de procéder de cette façon. Donc, outre ce que vous avez décrit ici, soit les programmes généraux dont se prévalent ce que j'appelle les gagnants, les gens qui se débrouillent bien dans cette économie mondiale, que faites-vous pour les éventuels perdants?

M. Banigan: Merci, madame Brown. Je crois que cette précision est importante.

Si nos statistiques concernent autant l'industrie de l'aérospatiale que l'industrie de la défense, c'est parce que bon nombre des entreprises sont ambivalentes. Très peu d'entreprises sont soit uniquement dans l'aérospatiale, soit uniquement dans la défense. Par exemple, l'équipement de navigation aérienne est souvent utilisé tant dans des appareils militaires que civils. Dans notre analyse, nous finissons par les regrouper inévitablement.

La liste des entreprises dont on pourrait dire qu'elles s'occupent exclusivement de défense est plutôt courte. Certaines d'entre elles prospèrent dans le cadre de la politique de contrôle des exportations dont dispose le Canada et ne sont pas très intéressées par une diversification. Je crois que d'autres éprouvent des problèmes en raison des marchés en décroissance et souhaiteraient vraiment diversifier leurs marchés.

Je crois que c'est sur cette dernière catégorie que nous avons concentré nos efforts de marketing. Nous avons contacté un nombre assez important d'entreprises dont nous pensions qu'elles pourraient être intéressées par PTC. Elles vont étudier la documentation. Elles nous ont remerciés de l'information, mais, comme je l'ai mentionné, jusqu'à présent, nous n'avons pas reçu un grand nombre de demandes. Nous aimerions certainement en recevoir davantage.

Monsieur Ménard, en ce qui concerne les demandes en provenance du Québec, nous aimerions certainement que vous nous communiquiez la liste des entreprises dont vous avez parlé, pour voir si nous pouvons répondre à leurs besoins.

.1835

Je pense qu'au ministère, nous continuons d'être réceptifs, en ce sens que les entreprises poursuivront leurs propres stratégies commerciales et décideront de leur plan et de leur stratégie d'affaires et que d'un autre côté, nous leur offriront des services sur le plan de la technologie et du commerce, etc. Je crois que notre ministère a été très proactif quand il s'est agi de contacter ces entreprises, de sorte que l'engagement pris par le gouvernement dans le livre rouge a été respecté.

Mme Brown: Donc, vous vous contentez de faire connaître à ces entreprises ce que vous avez à offrir et essayez d'être aussi réceptifs que possible à leurs demandes... Ça s'arrête là.

M. Banigan: Je crois que pour sa part, Industrie Canada estime qu'elle a plutôt bien respecté ses obligations aux termes des promesses contenues dans le Livre rouge. Le Programme de productivité de l'industrie du matériel de défense existait avant PTC. Je crois que M. Manley a dit à la Chambre que sur les 41 projets approuvés, 39 concernaient des technologies ambivalentes. Outre Partenariat technologique Canada, je crois que cela vient appuyer l'engagement pris au titre de la reconversion des industries de défense.

Mme Brown: Mais ces statistiques sont faussées par l'inclusion dans les chiffres d'entreprises aérospatiales prospères. Y a-t-il moyen...

M. Banigan: Elles incluent les technologies ambivalentes.

Mme Brown: Oui. Pourriez-vous nous donner peut-être plus tard une idée plus précise de ces industries qui, à vos yeux, tirent le diable par la queue, par opposition à celles qui ont opéré la reconversion avec succès, qui réussissent bien sur le marché international? Nous nous y intéressons parce que c'est là qu'on y trouve les 10 000 emplois qui inquiètent M. Ménard.

Nous avons un autre groupe de gens qui s'inquiètent énormément de l'exportation d'armes vers les pays du tiers monde. Je ne sais pas quel genre de statistiques vous avez à ce sujet, ou si vous en avez, mais c'est là l'autre pièce du casse-tête. Nous aimerions avoir plus de détails sur ces petites pièces du plus grand casse-tête.

M. Banigan: Je serai ravi de fournir au comité des statistiques et des noms de compagnies, mais je préférerais, monsieur le président, regrouper ensemble les catégories trois et quatre. Je ne crois pas qu'il m'appartienne de qualifier une entreprise d'entreprise en difficulté ou ce genre de chose...

Le président: D'accord. Mais ces compagnies qui le feraient pour nous... Ce serait utile au comité.

Monsieur Murray, pour une courte question. Je veux m'assurer que M. Ménard aura l'occasion de poser une autre courte question avant que nous nous précipitions à la Chambre.

M. Murray (Lanark - Carleton): Merci, monsieur le président.

Monsieur Banigan, quand vous avez parlé du deuxième groupe d'entreprises, j'ai remarqué que vous avez dit qu'elles disposaient de la technologie, des compétences et de l'assise manufacturière nécessaires pour réussir à long terme sur des marchés non liés à la défense, mais qu'elles avaient peut-être besoin d'une aide gouvernementale pour déterminer quels secteurs se prêteraient mieux à une diversification. Il ne s'agit pas tant d'une question de politique industrielle, de gagnants et de perdants, mais dois-je supposer qu'il existe au ministère de l'Industrie un groupe qui recherche activement des débouchés? S'agit-il d'un nouveau groupe?

M. Banigan: Monsieur Murray, le secteur dont je m'occupe au ministère de l'Industrie regroupe 12 directions chapeautant des secteurs industriels. Elles vont depuis la biotechnologie jusqu'aux pièces automobiles, en passant par les produits forestiers et les matériaux de pointe. Elles font un certain nombre d'études. Elles s'occupent naturellement de promotion des échanges, de développement technologique. Cette information est disponible par le biais de Strategis et par le biais de nos bureaux dans tout le pays.

Bien souvent, les entreprises d'une industrie souhaitent se diversifier dans une autre, parce qu'il y a beaucoup d'échanges de technologie d'un secteur à l'autre. Par exemple, dans le domaine des matériaux industriels de pointe, où l'on retrouve des produits à la consommation et des applications dans le secteur de l'automobile, des technologies ont été mises au point dans le secteur de l'aérospatiale et trouvent maintenant des applications dans certains autres secteurs. Il y a donc beaucoup de développement combiné entre secteurs, et nous encourageons les fonctionnaires à échanger les analyses effectuées par d'autres directions sectorielles quand ils traitent avec leurs clients. Cela est certes facilité par notre site Web Strategis. Il est très populaire et reçoit beaucoup de sollicitations, comme ils disent - beaucoup de demandes de renseignements de la part du secteur privé.

L'information est à la base. Essentiellement, nous mettons à la disposition des gens d'affaires des renseignements sur les marchés, la technologie et les entreprises, pour leur permettre de prendre leurs propres décisions stratégiques.

Le président: Monsieur Ménard.

[Français]

M. Ménard: J'aurais un commentaire et une question. Pourrais-je compter sur vous pour organiser avec moi une séance d'information à l'intention des entreprises dont je vous ai parlé? Je trouve extrêmement préoccupant que ces quelque 30 entreprises fortement dépendantes du marché traditionnel de la défense n'aient pas soumis de demande. Je pense qu'il y a quelque chose à investiguer là-dedans.

Ma collègue et amie, qui partage mon obsession pour la reconversion, vous a fait une demande. Pouvez-vous nous fournir la liste des projets qui ont été déposés au PTC ainsi que la liste des projets déposés, des projets acceptés et des projets refusés.

.1840

Également, vous avez parlé d'études indépendantes sur l'évolution de la reconversion. Je pense qu'il serait intéressant que le comité les obtienne. Vous avez parlé des feuilles de route technologiques. Si vous pouviez nous donner cette information, nous vous serions reconnaissants.

Également, vous avez parlé d'un rapport cadre. Toute cette information nous serait utile, parce qu'il y a deux courants de pensée. Il y a ceux qui croient qu'on va opérer la reconversion sans fonds publics et il y a ceux qui, comme moi, s'inspirant des États-Unis, pensent que s'il doit y avoir une reconversion, il doit y avoir injection de fonds publics puisqu'il y a des milliers d'emplois en jeu. Je crois cependant qu'il faut le faire de façon ciblée et s'assurer que les programmes vont répondre aux besoins de l'entreprise. Plus on aura d'information, mieux on sera en mesure de faire un rapport équilibré, cohérent et consensuel.

M. Banigan: Monsieur Ménard, je pense que ce serait une bonne idée que d'avoir une séance d'information pour présenter à ces compagnies toutes les analyses du ministère, le programme PTC et les autres programmes du gouvernement. Je pense qu'on peut organiser une telle réunion avec vous.

En ce qui a trait à la question de la feuille de route, c'est une étude qu'on a faite avec un groupe d'entreprises et d'organisations comme les centres de recherche publics. On considère les tendances des technologies dans le marché international et les besoins des clients. C'est le secteur privé qui discute de la tendance, de la direction de la technologie. Les fonctionnaires fournissent les services de secrétariat. Ils participent à la préparation des rapports.

Nous avons complété un rapport sur le secteur de l'aérospatiale. Je pourrai vous le remettre si vous le voulez.

M. Ménard: Pour tous les membres du comité.

M. Banigan: Bien sûr.

M. Ménard: Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup. Je m'excuse de l'interruption que nous devrons faire pour aller voter. Nous devrons nous rendre là-haut dans environ trois minutes.

Monsieur Banigan, j'aimerais vous remercier. J'espère que vos commentaires sur Strategis ont été entendus davantage dans tout le pays, parce que j'entends des gens qui posent des questions à propos d'un tas de sujets, dont ils pourraient trouver les réponses ici, dans leurs moments libres.

Je vous sais gré d'avoir offert au comité de l'aider dans son travail. Merci.

Immédiatement après le vote, nous reviendrons rencontrer notre prochain groupe de témoins.

.1842

.1901

Le président: Nous poursuivons notre séance du mercredi 19 février.

De l'Association canadienne de préparation à la défense, j'aimerais accueillir son président, M. Healey, qui nous présentera également ses collaborateurs.

Monsieur Healey, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole.

M. Eldon J. Healey (président, Association canadienne de préparation à la défense): Monsieur le président, membres du sous-comité, merci beaucoup. Notre association est heureuse de cette occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour représenter l'industrie de la défense du Canada.

Je suis accompagné aujourd'hui de M. David Stapley, membre du conseil d'administration de l'ACPD, et de Mme Amy Friend, dont la société est membre de l'ACPD.

L'ACPD est une association industrielle dont l'exécutif est composé de bénévoles. Amy Friend est vice-présidente exécutive d'une petite et moyenne entreprise de Montréal, ATS Aerospace. David Stapley est vice-président et directeur général des Systèmes appliqués de Spar à Kanata.

Notre association représente la majorité de l'industrie de la défense canadienne et compte actuellement plus de 200 membres. Leur taille va de petites sociétés - deux ou trois employés - jusqu'aux plus grandes sociétés de défense du Canada.

Quand on considère la question de la diversification de la défense au Canada, il importe de comprendre l'état dans lequel se trouve actuellement l'industrie. Comme nous le faisons remarquer dans notre mémoire écrit, le Canada compte une industrie de la défense très modeste comparativement à son plus proche voisin ou à d'autres membres du G-7, ou en fait de l'OCDE.

Bien que l'industrialisation moderne du Canada ait pris naissance dans la production de défense au cours de la Seconde Guerre mondiale, cette dernière n'a pas suivi au même rythme que celle de certains de nos alliés ou en fait de nos anciens ennemis du temps de la guerre froide. Par conséquent, notre industrie a évolué de telle façon qu'elle a été protégée contre l'importante perturbation et les nombreux rajustements nécessaires auxquels ont dû procéder d'autres pays avec la fin de la guerre froide.

À la différence des États-Unis, par exemple, seul un petit nombre de nos entreprises dépendait entièrement du marché de la défense à la fin de la guerre froide. Autrement dit, la plupart s'étaient diversifiées depuis un bon moment.

.1905

Il importe également de se rappeler que notre industrie est composée en grande partie de producteurs de sous-systèmes, très peu d'entre eux fabriquant des systèmes d'armes complets. Nous ne produisons ni avions de chasse, ni chars d'assaut, ni missiles guidés, ni pièces d'artillerie. Nous fabriquons cependant de l'équipement de communications, des systèmes de navigation, des systèmes de simulation, des moteurs d'avion, des munitions, des systèmes de déminage et de détection de mines, pour n'en nommer que quelques-uns.

L'industrie de la défense canadienne emploie quelque 30 000 personnes. Cependant, ceux qui travaillent à la production de défense n'en représentent qu'une partie. Les emplois dans ce domaine sont généralement très techniques, et nécessitent une main-d'oeuvre très spécialisée et professionnelle. L'industrie exporte, principalement vers les États-Unis et nos alliés de l'OTAN ou vers les pays de la LPDAA.

Au Canada, l'industrie change, principalement sous la pression des marchés étrangers. Elle est maintenant plus petite qu'elle l'était en 1990, bien qu'on ne dispose pas encore de statistiques fiables sur l'industrie de la défense elle-même.

En résumé, l'industrie du Canada est modeste comparativement à celle des autres pays du monde. Elle s'est diversifiée au fil des ans. Les entreprises canadiennes se concentrent principalement sur les marchés à créneau, très peu d'entre elles fabriquant des systèmes d'armes complets. On les retrouve pour la plupart dans le domaine des communications et de l'électronique, ainsi que dans l'aérospatiale et la marine, bien qu'à un moindre degré. L'industrie est située dans tout le Canada. Elle est cependant concentrée à Montréal et dans le sud de l'Ontario, et n'a cessé de se rationaliser depuis la fin de la guerre froide.

En 1994, notre association a mis sur pied un groupe de travail sur la reconversion des industries de défense. En 1995, ce groupe a publié un rapport fondé sur des consultations menées auprès de l'industrie et sur d'autres recherches. Le groupe a constaté que l'industrie de la défense au Canada se retrouve dans quatre groupes qui ont tous des besoins différents. Il y a ce que nous avons appelé les entreprises entièrement diversifiées, qui dépendent très peu des ventes liées à la défense; puis, les entreprises partiellement diversifiées, qui dépendent fortement des ventes liées à la défense mais désirent également se diversifier; viennent ensuite les entreprises de défense indépendantes, qui dépendent des ventes liées à la défense mais sont très actives sur les marchés internationaux; et enfin, les entreprises qui dépendent de la défense, à savoir des ventes liées à la défense au pays.

Bien que, comme je l'ai dit, ces quatre catégories d'entreprises aient des besoins différents, elles ont permis de tirer les mêmes conclusions. Premièrement, qu'on avait besoin d'un plan industriel stratégique pour la défense. Quelle capacité le gouvernement désire conserver pour la sécurité nationale et à des fins économiques? Nous croyons que nous avons encore besoin d'un plan stratégique industriel pour la défense.

Le deuxième point sur lequel l'industrie devrait se concentrer est la réforme des approvisionnements: l'utilisation de devis commerciaux par opposition à une dépendance totale envers des devis militaires pour l'acquisition de nouvel équipement et, en second lieu, des systèmes de comptabilité des coûts qui permettent d'imposer des frais marginaux.

Troisièmement, nous croyons qu'une aide à l'exportation, assortie de règles stables et transparentes, est nécessaire, comme pour toute autre industrie au pays.

Quatrièmement, pour arriver à se diversifier, la plupart des compagnies ont besoin qu'on les aide au titre de la planification des marchés et du développement des produits. Cette aide doit être fournie dès le début du processus.

En somme, le message de l'industrie est celui-ci: il n'existe pas de solution universelle. Certaines entreprises occupent des marchés à créneau et continueront de bien performer, tant au pays qu'à l'étranger. D'autres se diversifient sous la pression des forces du marché, et mettent davantage l'accent sur des activités commerciales existantes dont elles augmentent le nombre. D'autres encore ont été rationalisées ou restructurées à la suite d'acquisition ou de la fusion de leur maison mère étrangère. Toutes ces compagnies, cependant, veulent avoir un accès égal aux programmes gouvernementaux comme PTC et une aide à l'exportation pour les marchés de défense et les débouchés de diversification.

.1910

Le président: Merci.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Ménard: Vous êtes un des porte-parole d'un certain nombre d'industries qui interviennent sur le marché de la défense et vous représentez un éventail d'entreprises, dont un certain nombre sont intensives en main-d'oeuvre alors que d'autres sont plus petites.

Vous étiez ici, dans la salle, lorsque le sous-ministre a donné à entendre que Partenariat technologique Canada, tel qu'il existe, n'est pas un outil très sollicité pour les entreprises qui doivent opérer une reconversion. Je vois que, tout comme lui, vous avez fait une étude qui tend à classer les entreprises dans quatre catégories.

Vous qui êtes un porte-parole de cette industrie, quelle appréciation faites-vous du programme Partenariat technologique Canada? Croyez-vous, selon la compréhension et la connaissance que vous avez de ces industries, qu'il s'agit d'un outil approprié pour opérer la reconversion ou la diversification, selon la définition qu'on veut en avoir?

[Traduction]

M. Healey: J'ai l'impression que PTC ne sera que d'une aide limitée pour la diversification. Certes, l'industrie de la défense aimerait avoir accès à ce programme pour se diversifier, mais sa capacité de le faire est moindre que ce qu'on pourrait penser. Les limites imposées au titre du montant d'argent disponible pour n'importe quel programme en particulier sont de l'ordre de 30 p. 100 et ces montants sont remboursables. Donc, pour se diversifier et lancer un nouveau produit, le risque peut en fait l'emporter sur l'avantage que représente l'obtention d'un prêt essentiellement sans intérêts.

Je crois que l'industrie présenterait une demande si cela l'intéressait sur une grande échelle de se diversifier. Je doute qu'il existe de nombreux cas d'entreprises que la diversification intéresse plutôt que la reconversion de défense. Nous séparons les deux notions. Diversification signifie vraiment se lancer dans le monde commercial. Il ne s'agit pas de reconversion, mais de vraiment lancer quelque chose de différent, probablement même avec une usine différente, une main-d'oeuvre différente, ou une partie différente de l'usine. Par conséquent, elle ne se qualifie probablement pas dans ce sens, pour un prêt de PTC au titre de la reconversion. Une entreprise de l'aérospatiale pourrait, par exemple, être en fait capable de demander une subvention au titre de PTC dans le domaine commercial plutôt que dans le domaine de la reconversion, et il pourrait être plus facile d'obtenir qu'une demande soit acceptée de cette façon.

[Français]

M. Ménard: Comme vous connaissez bien cette industrie et que vous la côtoyez tous les jours, avez-vous des évaluations similaires à celles qui ont été faites par le ministère de l'Industrie du Québec ou le Groupe de recherche sur l'industrie militaire, qui indiquent que, si rien n'est fait, si le statu quo est maintenu et s'il n'y a pas de programme d'aide à la reconversion... Vous avez raison de nous rappeler que Partenariat technologique Canada n'est pas un programme de reconversion, qu'il n'est pas conçu pour cela. Avez-vous des évaluations sur le nombre d'emplois qui pourraient être perdus et la décroissance de votre secteur au cours des trois prochaines années, par exemple?

J'espère que ce n'est pas une question piégée. J'ai des réserves au gouvernement actuellement.

.1915

[Traduction]

Des voix: Ah, ah.

M. Ménard: C'est une blague.

M. David Stapley (membre, conseil d'administration, Association canadienne de préparation à la défense): Monsieur Ménard, c'est une très bonne question, mais je ne vais pas tenter d'y répondre en énonçant le chiffre exact, parce que je pense que c'est à cela que cela reviendrait. Nous n'avons pas d'analyse détaillée qui nous permette de répondre de façon précise à la question des pertes directes d'emploi. Comme mon collègue l'a dit, ce n'est probablement pas tout à fait aussi simple.

Il y a un collage d'activités, un collage d'industries. Si nous considérons leurs diverses positions, qu'elles soient entièrement ou partiellement dépendantes, partiellement ou entièrement diversifiées, seule une analyse prudente nous permettrait de déterminer l'impact réel. Je crois donc que ce serait induire le comité en erreur que de donner des statistiques à l'aveuglette.

Je crois que la question essentielle est celle sur laquelle vous vous êtes arrêtés il y a un moment - c'est-à-dire, comment accélérer l'innovation? Comment faire en sorte que ces emplois, où qu'ils existent aujourd'hui, soient conservés, en utilisant les deniers publics sagement, que ce soit par le biais de PTC ou d'un autre instrument? Je crois que c'est là le point essentiel.

[Français]

M. Ménard: Par exemple, si vous aviez à faire une comparaison entre le programme Partenariat technologique Canada et le défunt PPIMD, diriez-vous que le PPIMD était un instrument plus utile ou plus adapté à la croissance de votre industrie? Quelle évaluation faites-vous du PPIMD?

[Traduction]

M. Stapley: En règle générale, je pense qu'ils ont été tous les deux très bons et au bon moment. Du PPIMD, davantage axé sur des éléments uniquement liés à la défense, nous avons évolué vers ce que nous faisons aujourd'hui avec Partenariat technologique Canada. Le passage a été effectué au moment opportun.

Je crois qu'il est utile dans l'ensemble, mais utile pour quoi? C'est là la question. Si nous parlions «de diversification accélérée» ou «d'innovation accélérée», alors je pense que ce serait un outil extrêmement utile. Comme nous le disons dans notre mémoire, l'appliquer spécifiquement à la reconversion suppose que nous disposons de suffisamment de puissance économique au pays pour le faire et que c'est en fait réalisable par opposition à la mise sur pied de nouvelles entreprises. Personnellement, je me demande si c'est bien utilisé PTC, mais en tant qu'instrument général, je pense que c'est une bonne idée.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ménard.

Avant de céder la parole à Mme Brown, j'aimerais obtenir certaines précisions, si possible, sur la réponse donnée à la question de M. Ménard.

Quand vous avez dit que Partenariat technologique Canada n'était pas bien adapté, pensiez-vous à des demandes de projets qui avaient été rejetées? En avez-vous fait l'expérience? J'essaie de connaître la raison pour laquelle vous avez décidé de ne pas y recourir.

M. Healey: Bien entendu, nous sommes une association industrielle. Ce sont les industries elles-mêmes qui présentent les demandes, pas nous. Dans la plupart des cas, elles ne nous font pas part de cette information directement parce qu'il s'agit en grande partie d'information commerciale, confidentielle.

Mais, oui, certains de nos membres nous ont dit avoir présenté des demandes dont certaines ont reçu un accueil favorable, mais je crois qu'il est encore un peu tôt pour louer ou condamner PTC pour savoir s'il va aider à contribuer à la reconversion de défense, et plus généralement, à l'industrie de la défense. Il est un peu tôt pour vous donner une évaluation honnête. Nous ne ferions que baser nos données sur des renseignements très fragmentaires, et ce serait dangereux.

Peut-être un de mes collègues ici a-t-il connu une expérience en particulier.

Mme Amy Friend (vice-présidente exécutive, ATS Aerospace Inc.): Dans notre entreprise, nous avons fait l'expérience d'un programme semblable, qui faisait intervenir la technologie de l'image interactive. L'une des grandes différences que je verrais entre le PPIMD... et nous connaissons très bien tous ces programmes. Ils nous ont été très profitables et nous avons été heureux de pouvoir compter sur eux, qu'il s'agisse du PARI ou du PPIMD ou de toutes les autres formes analogues de soutien qu'offre le gouvernement à l'industrie.

.1920

Toute notre base technologique et notre gamme de produits ont été cries grâce à des contrats gouvernementaux, à des achats, tant au Canada qu'à l'étranger, en plus du soutien du PARI et du PPIMD. Chacun d'eux, devrais-je dire, établit un modèle à l'échelle mondiale.

Cela a vraiment fonctionné pour nous. Nous sommes entièrement diversifiés. Nous desservons les deux marchés. Nous ne faisons rien qui va iclater». Ces programmes nous ont permis d'accéder à une technologie de pointe et nous ont permis de croître.

Du point de vue du PPIMD et de PTC, le défi particulier consiste à apprendre à travailler conjointement avec une autre société. Nous présentons une demande dans le cadre du programme PTC. J'espère qu'elle sera retenue, parce que je crois que nous pouvons réussir. Mais c'est vraiment stimulant que de partager ses secrets, d'apprendre à travailler avec d'autres entreprises qui peuvent avoir une culture entièrement différente. C'est tout un défi. Cela tient peut-être au fait que ce programme n'a pas été inondé de demandes, parce que je crois que c'est un bon programme.

Nous avons reçu le message au Québec. Nous l'avons reçu il y a un bon moment. Nous aurions présenté la demande avant, mais nous étions tout simplement trop occupés.

Je suis donc en faveur de ces initiatives.

Le président: J'avais peut-être mal compris, mais vous m'aviez donné l'impression d'être contre PTC pour certaines raisons. Mais ce n'est pas le cas.

Mme Friend: Non, pas du tout.

Le président: Monsieur Ménard, Mme Brown et moi-même essayons de savoir pourquoi il n'a pas marché - pour quelles raisons. Mais vous nous l'avez expliqué.

Mme Friend: Je ne sais pas si c'est là toute l'explication, mais pour moi c'est une des raisons. Nous avons trouvé très stimulant de travailler avec une autre entreprise. Elles étaient maître d'oeuvre et nous étions associés. Nous étions trois partenaires. Mais nous faisons des affaires de façon très différente. Il s'agit de s'ajuster. C'est un défi. Il faut trouver le bon partenaire - c'est très important - et le bon projet. Et il se peut que vous ayez des sous-partenaires. Il est extrêmement stimulant et difficile d'intégrer des partenariats, un budget, des pièces de technologie.

Je suis d'accord avec mes collègues. Je le vois davantage comme un outil d'innovation en R-D que comme un outil de reconversion.

Mme Brown: Vous avez parlé d'un sondage que vous avez effectué; vous avez réparti les entreprises sondées en quatre groupes. Avez-vous interrogé toutes les entreprises du secteur ou seulement celles qui font partie de votre association?

M. Healey: La plupart des compagnies de défense sont membres de notre association. Au Canada, nous estimons à 250 les entreprises qui produisent des produits et services de défense. Les autres sont des fournisseurs du marché, comme la Pétrolière Impériale qui fournit le mazout, ou d'autres entreprises qui fournissent des aliments, construisent des immeubles ou Dieu sait quoi. Nous estimons à environ 250 les véritables entreprises qui desservent la défense ou y consacrent une partie de leurs activités. Actuellement, 250 entreprises sont membres de notre association.

Quand nous avons mis sur pied ce groupe de travail sur la reconversion de la défense - et nous avons tenu quelques ateliers - nous essayions de sonder nos membres, qui n'étaient pas aussi nombreux il y a un an. Nous avons interrogé les diverses entreprises, par le biais de sondages, et avons essayé de recueillir le plus d'informations possible de ces entreprises.

Les avons-nous toutes rejointes? Non, mais presque. Dans ce genre d'entreprise, le taux de réponse n'est jamais de 100 p. 100. Mais nous avons essayé de savoir ce qu'elles pensaient de la question.

Mme Brown: À supposer que vous ayez un bon échantillon et si l'on regarde ces entreprises que vous semblez mettre dans la quatrième catégorie, et sachant ce que vous savez au sujet de PTC, pouvez-vous penser à un autre mécanisme par lequel on pourrait contacter ces entreprises du quatrième groupe, les motiver, pour les amener à procéder à cette reconversion de défense - ou, comme vous le dites, à cette diversification?

.1925

M. Healey: Je crois que ce sont les forces du marché qui doivent motiver les entreprises elles-mêmes à le faire. Je ne crois pas qu'on puisse y arriver par voie législative ou par coercition. C'est le marché qui va déterminer comment elles vont réagir.

Dans certains cas, elles se lanceront dans d'autres secteurs plus profitables qui leur permettront de mettre davantage à profit leur capital et leurs ressources. Dans d'autres cas, elles procéderont par voie d'acquisitions et de fusions. Elles le feront par ces genres de processus. Et les exemples sont légion.

Au cours des dernières années, par exemple, cela s'est fait en raison de forces extérieures, et non pas en raison de forces exercées ici au Canada. Nous avions GE Aerospace, Martin Marietta, Lockheed, Laural, Paramax Electronics. Elles ne forment maintenant plus qu'une compagnie appelée Lockheed Martin. En raison de forces externes, leur taille est beaucoup moins importante que celle qu'avaient les six ou sept entreprises auparavant. Ce changement n'est donc pas attribuable à quelque chose qui se passe ici au pays, mais à quelque chose qui se passe à l'extérieur du pays.

Mme Brown: Mais aucune des entreprises que vous avez nommées ne se serait retrouvée dans votre groupe quatre de toute façon, n'est-ce pas?

M. Healey: Oui. La plupart d'entre elles dépendaient des marchés intérieurs canadiens.

Mme Brown: Mais il se serait agi d'achats gouvernementaux?

M. Healey: Oui. Tout à fait.

Mme Brown: Vous n'auriez pas mis dans le quatrième groupe la nouvelle entreprise, que vous avez décrite comme tirant le diable par la queue, n'est-ce pas?

M. Healey: Je n'ai pas dit qu'elle tirait le diable par la queue.

Mme Brown: Non?

M. Healey: Non. Je crois que c'était le témoin précédent.

Mme Brown: D'accord.

M. Healey: Non, notre groupe quatre comprenait des entreprises qui dépendent du marché national.

Nous croyons que pour les aider à se diversifier, si tel est l'objectif du gouvernement, on pourrait utiliser toutes sortes de mécanismes. Il y a les incitatifs fiscaux. Nous ne proposons pas d'y recourir, mais voilà des mécanismes qu'on peut utiliser pour inciter les gens à le faire.

Mme Brown: Je pense qu'il y a malentendu. Vous parlez du marché national. Je parle de la différence qui existe entre le ministère de la Défense qui achète leurs biens ou d'autres clients qui achètent leurs biens à des fins civiles. Voilà la différence.

Nous nous intéressons aux entreprises qui avec les années sont devenues de plus en plus tributaires des contrats de défense accordés par les ministères de la Défense, qu'ils soient du Canada, des États-Unis ou de n'importe quel autre pays. Autrement dit, nous parlons des contrats publics. Nous savons que dans la plupart des pays, le budget consacré à la défense diminue. Certaines de ces entreprises sont menacées et certaines d'entre elles ne semblent pas savoir comment opérer la reconversion vers des clients du secteur privé, ou vers des fins commerciales par opposition à des fins de défense. Nous ne nous intéressons pas tant à la question de savoir si leurs clients sont au pays ou à l'extérieur du pays qu'à la question de savoir s'ils reconvertissent leurs produits à des fins civiles qui peuvent avoir un marché commercial.

M. Healey: Nous pourrions peut-être utiliser un exemple. Pratt & Whitney, une entreprise canadienne qui remporte énormément de succès, a commencé ses activités dans les années 50 au Canada avec une subvention de recherche du ministère de la Défense nationale.

Mme Brown: Oui, j'ai le livre.

M. Healey: Pendant une partie des années 50 et des années 60, sa production était à 100 p. 100 militaire, et elle est maintenant à 90 p. 100 commerciale.

Mme Brown: Je le sais. Je connais l'histoire de l'industrie aérospatiale et quels succès ont remportés bien des entreprises, Pratt & Whitney étant le meilleur exemple. Je parle de 1997, avec le nouveau programme PPIMD. Avez-vous recensé des entreprises qui n'ont pas réussi à opérer cette reconversion, et le gouvernement peut-il ou devrait-il faire quelque chose pour les aider?

M. Healey: Je ne connais aucune entreprise qui reste en affaires si elle perd de l'argent ou si, comme vous le dites, elle tire le diable par la queue, elle passe à autre chose.

Mme Brown: C'est le marché qui s'en charge.

M. Healey: Tout à fait.

Mme Brown: D'accord.

Le président: J'aimerais poursuivre sur la même lancée que Mme Brown.

D'après ce que vous dites, les entreprises qui dépendent du marché national sont des entreprises qui sont sur ce marché parce qu'il existe. Elles y restent parce qu'elles ne connaissent pas les autres marchés ou qu'elles n'ont pas le goût de changer ou n'ont aucun stimulant ni aide pour les aider à transformer une opération de type militaire en quelque chose d'autre.

.1930

M. Healey: Je ne pense pas avoir voulu vous laisser entendre ou aux autres membres du comité qu'elles étaient statiques ou qu'elles n'avaient pas l'intention de bouger. Si les forces du marché l'exigent, elles bougeront. Tout ce que je voulais dire, c'est que dans notre quatrième catégorie, se trouvent des entreprises au Canada qui dépendent du marché national. Elles ont depuis tout temps fourni le ministère de la Défense au Canada. Il est clair que leur taille va diminuer parce que le budget de la défense va être réduit. Elles devront se diversifier, se retirer des affaires, ou accroître leurs ventes à l'exportation. Ce sont les seules choses qu'elles peuvent faire. Elles peuvent quitter le secteur, se diversifier dans d'autres domaines, ou accroître leurs ventes à l'exportation. Elles ne peuvent rester sans rien faire, et elles se retireront des affaires si elles commencent à perdre de l'argent. Je ne voulais pas dire qu'elles se fieront seulement à l'aide gouvernementale pour rester en affaires.

Le président: Donc, elles y sont parce que le marché existe. S'il disparaissait, elles feraient d'autres choix au bon moment.

M. Healey: Absolument. Mais vous allez perdre des emplois. C'est déjà commencé.

Le président: Monsieur Ménard.

M. Ménard: Une question difficile, parce que le sujet l'est.

[Français]

Vous avez déjà eu un atelier de travail où vous vous êtes penchés sur la question de la reconversion. Il serait peut-être intéressant pour les membres du comité d'avoir ce rapport, si ce n'est pas indiscret, naturellement.

Deuxièmement, vous semblez dire que là où la reconversion était possible, elle a déjà eu lieu, et là où elle n'était pas possible, elle ne pourra s'opérer. J'aimerais que vous nous expliquiez cela, parce que j'ai vraiment le sentiment qu'il y a encore un certain nombre d'entreprises qui sont très dépendantes du marché du matériel de la défense et qui n'ont pas opéré de reconversion. Cependant, elle ne sont peut-être pas membres de votre association.

Je crois qu'il y a toute une panoplie de moyens qui pourraient être offerts aux entreprises qui veulent opérer une reconversion ou une diversification. Vous faites la distinction dans votre mémoire et je suis d'accord sur la distinction que vous faites, mais je crois que nous n'avons pas épuisé le champ des possibilités quant aux moyens que nous devons mettre à la disposition des entreprises qui veulent faire de la diversification. Le rôle du comité est de trouver des moyens innovateurs, sous l'habile présidence de son président. Je suis convaincu que ces moyens peuvent être disponibles.

Alors pourquoi dites-vous à la page 8 de votre mémoire que là où la reconversion était possible, elle a déjà eu lieu? À quoi pensiez-vous?

[Traduction]

M. Healey: Monsieur Ménard, permettez-moi de m'excuser. Une partie de notre mémoire n'a pas été déposée auprès du comité plus tôt. J'en ai donné un exemplaire à la greffière. Elle avait malheureusement été omise quand nous avons envoyé notre mémoire. Elle comprenait le rapport du groupe de travail de l'ACPD sur la reconversion de défense. C'est un document pas mal complet. Nous y avons travaillé pendant quelque temps.

Le président: Nous l'enverrons à tous les membres du comité une fois qu'il aura été traduit.

M. Healey: Merci, monsieur le président, je m'en excuse.

Nous sommes d'avis que ces processus sont en cours et changent continuellement. Des changements se produisent dans l'industrie à tous les jours. Celle-ci est bien différente aujourd'hui de ce qu'elle était en 1990. L'équilibre entre le travail commercial et le travail militaire change dans la plupart des secteurs de notre industrie.

.1935

Prenons un autre exemple. Dans la région de Montréal, la production de défense de Bombardier aujourd'hui, comme je la comprends, correspond probablement à 2 p. 100 ou 3 p. 100 de sa production totale. Cela, en raison de l'accroissement énorme de sa composante commerciale, mais également d'une diminution de ses activités de défense. En un sens, elle n'a pas reconverti ses activités liées à la défense - qu'elle mène comme entité séparée - mais le travail qu'elle obtient en contrepartie du côté commercial tende à masquer cette statistique sur ses activités.

Dans une moindre mesure, la même chose se produit dans la majeure partie de l'industrie. Les rares entreprises qui dépendent totalement de la défense, bien entendu, ne peuvent faire appel à une telle stratégie parce qu'elles ne le peuvent pas. Il existe des entreprises, certaines dans la région de Montréal et certaines dans d'autres parties du pays, qui dépendent presque totalement de la défense. Certaines d'entre elles cherchent à se reconvertir. D'autres, comme nous le disons dans notre mémoire, se débrouillent très bien sur les marchés mondiaux et n'ont pour le moment aucun motif de se diversifier. Celles qui veulent se diversifier, cependant, ont généralement trouvé une stratégie, que ce soit par le biais d'une acquisition, de fusions, ou d'un accroissement de leur proportion d'activités commerciales, qui leur permet de se diversifier.

M. Ménard: Merci.

Le président: Madame Brown, avez-vous d'autres questions?

Mme Brown: Non, merci.

Le président: Si vous me permettez.

D'après ce que nous avons entendu aujourd'hui et auparavant, et d'après mon expérience, c'est le marché qui dicte très rapidement aux entreprises quoi faire. Si elles ne savent pas où trouver de l'aide, elles en trouveront soit auprès de partenaires ou de concurrents.

Qu'il s'agisse de la fabrication de meubles ou de pièces automobiles, que je connais très bien, il s'est produit beaucoup de changements au cours des 20 ou 30 dernières années et certaines technologies et certaines forces du marché ont forcé les industries à changer. Celles qui s'y sont résolues plus tôt sont devenues très prospères parce qu'elles ont pu changer. Celles qui n'ont pas pu le faire ont eu beaucoup de difficultés quand est venu le temps pour elles de prendre cette décision de changer. Est-ce différent du côté militaire?

M. Healey: Je crois que ce l'est dans une certaine mesure. Si vous êtes dans l'industrie de défense et que vous produisez de l'équipement militaire de grande qualité, des systèmes d'armes, il est très difficile de prendre cette structure - et je parle ici d'usines, de ressources humaines, de procédés, d'assurance de la qualité, de toutes ces choses - pour se convertir dans d'autres choses. En fait, l'expérience qu'ils... Cela a été plus qu'une expérience. Ils l'ont essayé aux États-Unis, et ça n'a pas marché. En règle générale, ça a vraiment été un échec. Donc, la stratégie que les forces du marché ont dictée consiste à quitter le domaine, en tout ou en partie, et à passer à quelque chose d'autre. Et c'est ce que nous appelons diversification, par opposition à la reconversion.

Il n'est pas facile de changer de mentalité et de prendre cette usine qui produisait des TTB pour lui faire produire des réfrigérateurs. Cela, à supposer que quelqu'un veuille plus de réfrigérateurs, soit dit en passant. Les deux ne vont pas de pair. Si vous êtes dans le domaine de la défense, vous êtes dans le domaine de la défense en général.

Il y a évidemment certaines exceptions, des cas où la technologie est ambivalente, particulièrement dans le domaine électronique, mais dans certains domaines mécaniques comme... Un turbopropulseur de Pratt & Whitney est presque identique qu'il soit utilisé dans un appareil civil ou militaire. Mais un grand nombre des processus de l'industrie ne sont tout simplement pas transférables.

.1940

Norm Augustine, le président de Lockheed Martin, a décrit la reconversion de défense comme une tentative de mettre la machine à faire de la saucisse en marche arrière pour recréer des cochons. L'expérience américaine, notamment en Californie, n'a pas été très pratique, à son avis. Comme je le fais remarquer dans mon mémoire, trois millions d'emplois ont été perdus quand ils sont passés de l'industrie de défense à l'industrie civile.

Le président: Merci beaucoup. J'en apprends de plus en plus. Quand j'ai été embauché par General Motors, trois usines étaient reconverties en usines automobiles. Je sais ce que cela veut dire en fait de bouleversement et de changement. Personne n'aime le changement. En fin de compte, c'est devenu une usine automobile et une partie de General Motors.

Il m'arrive souvent de parler avec des gens chez moi qui ont connu ce genre de changement. Les histoires qu'ils me racontent sont semblables aux vôtres. Mais je crois que dans l'industrie nous en avons appris beaucoup plus au cours des 20 dernières années que dans les années 40 et 50. C'est pourquoi je vous ai posé cette question.

Merci beaucoup pour votre exposé. Je vous en suis très reconnaissant. Notre horaire serré nous a forcés de tenir une réunion tard en soirée.

Voilà qui met fin à cette réunion. Nous allons maintenant passer au huis clos. La séance est levée.

[La séance se poursuit à huis clos]

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