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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 5 décembre 1996

.1600

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous sommes heureux d'accueillir M. Wilds, président et directeur général de la B.C. Maritime Employers Association.

Je suis certain que ce n'est pas la première fois que vous prenez part aux audiences d'un comité parlementaire. Vous disposez d'environ une demi-heure, que vous pouvez répartir en deux périodes de 15 minutes, ou de 10 minutes et 20 minutes.

Nous vous souhaitons la bienvenue et nous sommes prêts à entendre vos commentaires.

M. R.V. Wilds (président et directeur général, British Columbia Maritime Employers Association): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Je tiens également à remercier le groupe dont le témoignage était prévu à cette heure-ci, de m'avoir cédé sa place au programme.

Nous avons malheureusement manqué de temps pour vous présenter notre mémoire dans les deux langues officielles.

Je vous ai fourni des copies de notre mémoire. Je n'ai pas l'intention de le passer entièrement en revue; je m'attacherai plutôt à deux sujets en particulier. Les autres sujets ont été traités pour la plupart dans d'autres mémoires présentés par des groupes d'employeurs, comme par exemple l'ETCOF et le Waterfront Foremen Employers Association.

La British Colombia Maritime Employers Association est une association non accréditée d'employeurs. Elle compte à l'heure actuelle 77 sociétés membres oeuvrant dans les domaines des opérations et de la consignation de navires, du débardage, des opérations à quai et du chargement en vrac dans les ports de la côte Ouest canadienne. Pour votre gouverne, vous trouverez en annexe à notre mémoire une liste de nos membres.

Les activités de l'association consistent en grande partie à offrir aux gens que nous desservons des conseils et des services en matière de relations de travail. Notre association traite régulièrement de relations de travail, d'administration des conventions collectives, de mesures de discipline à l'égard des travailleurs, de griefs, d'arbitrage, de droits de la personne, d'équité en matière d'emploi et d'autres sujets connexes. Nous offrons également aide et conseils dans le domaine de la sécurité, ainsi que de la gestion des réclamations. En outre, nous sommes chargés de la formation sur le débardage industriel.

Notre association participe à la création et à la mise à jour de divers programmes d'avantages, y compris les programmes de santé et de bien-être, de pensions et d'aide aux employés.

Nous possédons et exploitons l'entreprise de répartition de Vancouver et c'est nous qui affectons les débardeurs à toutes les installations portuaires des régions de Vancouver et Squamish-Woodfibre. Nous travaillons de concert avec l'International Longshoremen's and Warehousemen's Union au fonctionnement des centres de répartition des ports secondaires de Stewart, Prince Rupert, New Westminster, Chemainus, Port Alberni et Victoria, en Colombie-Britannique.

L'association défend les intérêts de ses membres en ce qui a trait à la réglementation des relations de travail, des pensions, de la santé et de la sécurité, des droits de la personne, de l'équité en matière d'emploi, de l'indemnisation des travailleurs, ainsi que dans toute réforme législative de nature générale qui touche nos membres.

Nous sommes chargés de négocier les conventions collectives au nom de nos sociétés membres et, par conséquent, celles-ci appliquent les dispositions du Code canadien du travail à toutes leurs relations de travail.

Nous avons participé aux audiences de la Commission industrielle d'enquête, relativement aux ports de la côte Ouest, et à celles du Groupe de travail Sims, qui avait été créé pour examiner la partie I du Code canadien du travail.

Passons maintenant au projet de loi. Nous appuyons entièrement et faisons nôtre le témoignage sur le projet de loi C-66 de l'ETCOF - les Employeurs des transports et communications de régie fédérale - dont nous sommes membres. Bien que nous félicitions le gouvernement quant à bon nombre des changements proposés au code, nous nous joignons à l'ETCOF pour exprimer des réserves quant aux dispositions que l'ETCOF a mentionnées dans le mémoire présenté à votre comité le 26 novembre 1996.

En outre, nous nous devons d'exprimer notre inquiétude au sujet de la hâte avec laquelle le gouvernement a l'intention d'adopter ce projet de loi. Compte tenu du manque de temps, nous n'avons pas pu faire un examen approfondi du projet de loi, mais nous en sommes néanmoins arrivés à la conclusion qu'il comporte certaines dispositions préoccupantes.

Je ne vais pas passer en revue notre mémoire de façon détaillée, mais permettez-moi de vous signaler plus particulièrement l'article 18 proposé, qui nous pose certains problèmes quant aux pouvoirs du conseil et à la restructuration des unités de négociation, et l'article 47.3 proposé, qui porte sur les contrats avec les aéroports et les transporteurs. Dans ce dernier cas, nous croyons que la modification proposée aura pour effet d'éliminer le processus de demande de soumissions dans les secteurs d'activité décrits à l'alinéa 2e) du code.

.1605

En outre, on envisage d'étendre l'application de cet article en conférant au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements pour désigner d'autres secteurs d'activité qui seraient ainsi assujettis à la même obligation. Les ports seraient bien sûr touchés par une telle mesure. Cette modification ne se trouvait pas dans le rapport Sims.

Nous soumettons respectueusement qu'il est inacceptable de proposer un tel contingentement et, en fait, de proposer l'abolition d'une méthode aussi essentielle à la conduite méthodique des affaires du secteur fédéral sans auparavant consulter les parties qui seront directement touchées.

En outre, la modification proposée pourrait toucher tous les employeurs de régie fédérale du fait des pouvoirs conférés au gouverneur en conseil.

Si cette disposition est adoptée, elle pourrait également nuire à la concurrence sur le libre marché, et ce, dans une mesure sans précédent au Canada.

Nous faisons ensuite des commentaires sur les paragraphes proposés à l'article 60, sur les pouvoirs des arbitres et des conseils d'arbitrage. Ces commentaires vont dans le même sens que ceux du rapport de l'ETCOF.

Nous mentionnons également le paragraphe 94(3) proposé, sur les interdictions relatives aux travailleurs de remplacement, l'article 94, sur la validité continue du régime d'assurance durant les grèves et les lock-out, et le paragraphe 109(1) proposé, sur les communications avec les travailleurs à distance. Sur ces sujets, nous sommes du même avis que l'ETCOF et la Waterfront Foremen Employers Association. Je ne répéterai donc pas notre opinion. Tout cela se trouve dans notre mémoire.

Mais il y a un domaine qui touche plus particulièrement notre secteur et qui n'a pas été traité par l'ETCOF. Je suis certain toutefois que d'autres témoins vous en ont parlé. Il s'agit du sous-paragraphe 87.7(1) proposé, sur les services aux navires céréaliers.

Outre les sujets qui se trouvent dans le mémoire de l'ETCOF, dont certains se trouvent également dans notre mémoire, nous tenons plus particulièrement à exprimer notre protestation énergique à l'égard du sous-paragraphe 87.7(1) proposé. En application de cette disposition, les provinces pourront accorder un traitement sans précédent à un type de cargaison d'exportation, c'est-à-dire les céréales, qui auront ainsi préséance sur toutes les autres cargaisons d'exportation traitées dans les ports de la côte Ouest canadienne.

Cette disposition est discriminatoire à l'égard de tous les autres types de cargaisons d'exportation puisqu'elle exige du secteur du débardage d'affecter des employés à l'amarrage, à l'appareillage et au chargement des navires céréaliers en cas de conflit de travail entre nous-mêmes et le chapitre canadien de l'International Longshoremen's and Warehousemen's Union. En plus d'être discriminatoire à l'égard de tous les autres exportateurs, cette disposition ne tient absolument aucun compte des importateurs.

Dans notre secteur, nous ne pouvons pas comprendre comment le gouvernement peut, de bonne foi, consentir un traitement spécial à un segment du marché d'importation sans tenir compte des conséquences nuisibles que cela aura sur tous les autres secteurs de l'exportation et de l'importation en cas de conflit de travail dans les ports de la côte Ouest. En fait, cette mesure refuse que soient traités également tous les utilisateurs des installations portuaires, que ce soit pour l'importation ou l'exportation, et ce, semble-t-il, pour des raisons purement politiques.

Le gouvernement doit se demander quel message la mesure législative proposée lance à tous les travailleurs des secteurs des produits forestiers, du soufre, de la potasse, des produits pétrochimiques, du charbon et de la vente au détail au Canada. Il n'y a qu'une réponse à cela: le secteur céréalier est plus important que tous les autres.

Est-ce là l'objectif visé par le gouvernement par cette modification proposée à la loi? Nous ne croyons pas que ce soit le cas, mais il est bien difficile, compte tenu des circonstances, d'en tirer une autre conclusion.

Quelles conséquences peut avoir cette mesure discriminatoire sur le reste de l'économie canadienne et sur tous les Canadiens qui gagnent leur vie dans ces autres secteurs d'activité?

Nous croyons qu'un conflit de travail dans les ports de la côte Ouest a, sur l'économie canadienne, des répercussions négatives graves qui ne se limitent pas au transport des céréales.

Le Canada n'exporte pas qu'une seule denrée. Notre économie dépend de l'exportation de nombreuses denrées différentes, et dans chacun de ces secteurs d'activité, un grand nombre d'emplois dépendent d'un réseau de transport fiable et efficace, compte tenu de la mondialisation actuelle des marchés. Le gouvernement canadien ne saurait justifier une interruption du transport de toutes les autres denrées s'il permet que se poursuivent les exportations de céréales.

.1610

Notre secteur a proposé des mesures de rechange à l'égard de toutes les denrées, pas seulement les céréales, en cas de grèves et de lock-out dans les ports. Nous ne l'avons pas fait à la légère, car nous croyons fermement aux principes des droits de grève et de lock-out. Toutefois, le gouvernement a rejeté nos propositions pour ce qui est d'interdire les grèves et les lock-out. Nous ne comprenons pas, alors, comment le gouvernement peut maintenant envisager l'adoption d'une mesure législative qui n'offre de protection sélective qu'à un seul segment de l'économie.

Pour être efficace, toute mesure législative s'appliquant aux travailleurs doit être équilibrée. On ne serait qualifier d'équilibrée et d'équitable une mesure législative dont une disposition exige que les employeurs continuent d'affecter des travailleurs à un secteur d'activité tout en laissant leurs autres clients subir les effets d'un conflit de travail. Quel avantage aurait ces clients à appuyer les tentatives de l'employeur d'améliorer les modalités d'une convention collective afin de diminuer les coûts des services si d'autres clients, qui profiteront également de ces changements, n'ont à subir aucun inconvénient?

En outre, les employeurs qui desservent le secteur des céréales se trouveraient à subventionner leurs employés puisqu'ils seraient obligés de leur fournir du travail, même en quantité moindre. Dans le débardage, qui fonctionne selon un système d'affectations quotidiennes, le syndicat pourrait procéder à une rotation des travailleurs de façon à réduire pour l'ensemble des employés la perte financière résultant d'un conflit de travail. Il serait ainsi possible de prolonger la durée du conflit.

Avant que ne soit abrogée la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, les céréales qui faisaient l'objet de subventions devaient nécessairement être exportées par le truchement d'un port canadien. On aurait donc pu, par le passé, justifier de cette façon un traitement spécial, mais ce n'est plus le cas. Il n'y a plus de subventions. Les céréales, comme toutes les autres denrées, peuvent être exportées à partir de n'importe quel port.

Il est également illogique que le code proposé autorise des conflits de travail dans d'autres secteurs, comme par exemple chez les travailleurs des céréales, l'AFPC et les travailleurs des chemins de fer. Si l'objectif visé est d'éliminer les interruptions du transport des céréales, pourquoi les modifications se limitent-elles au débardage? Cette interdiction sélective nuira aux relations de travail dans les ports de la côte Ouest puisqu'elle entraînera des interruptions sélectives dans les négociations entre les employeurs que nous sommes et le chapitre canadien de l'ILWU.

Nous avons dressé un historique des conflits de travail qui est touché les ports de la côte Ouest depuis 1986. Voici ce que nous avons observé. En 1986, il y a eu un conflit de travail de six jours entre notre organisation et le chapitre canadien et l'ILWU. Ce conflit se fondait essentiellement sur l'élimination de la tristement célèbre disposition sur les conteneurs. On nous a imposé une loi de retour au travail.

En 1994, un conflit de travail de 13 jours nous a opposés au chapitre canadien de l'ILWU. Le différend était surtout d'ordre économique. On nous a de nouveau imposé une loi de retour au travail.

En 1992, un conflit de travail de deux jours portant sur des questions économiques a opposé la WFEA et la section locale 514, qui représente les contremaîtres. Les parties en sont arrivées à un règlement. En 1995, un conflit de quatre jours portant sur les conditions de travail a opposé la WFEA et la section locale 514, qui représente les contremaîtres. On a imposé aux parties une loi de retour au travail.

Vingt-cinq jours de travail ont donc été perdus à cause de ces quatre conflits, dont trois ont été réglés au moyen de lois de retour au travail. Mais nous tenons à signaler qu'au cours de la même période, le transport des céréales a été interrompu par les conflits suivants.

En 1987, la British Columbia Federation of Labour a décrété une grève générale d'un jour. La même année, un conflit de travail d'une durée de cinq jours a opposé les sociétés de chemins de fer et les syndicats représentant leurs travailleurs. On a adopté une loi de retour au travail.

En 1987-1988, un conflit de 42 jours a opposé Prince Rupert Grain et la Grain Workers Union. On a adopté une loi de retour au travail.

En 1991, un conflit de sept jours a opposé la B.C. Terminal Elevator Operators' Association et la Grain Workers Union. Une loi de retour au travail a été imposée.

En 1991, un conflit de 16 jours a opposé le ministère des Transports du Canada et l'AFPC. Une loi de retour au travail a été adoptée.

En 1995, un conflit de 20 jours a opposé les sociétés de chemins de fer et leurs syndicats. Là encore, une loi de retour au travail a été adoptée.

Certains ont laissé entendre que si le gouvernement avait dû intervenir dans les conflits de travail aux ports de la côte Ouest, c'était surtout pour protéger le transport des céréales. L'historique que je viens de dresser montre clairement que le gouvernement n'est pas intervenu seulement dans les différends opposant les employeurs des ports et leur syndicat, loin de là. Est-ce pour protéger le transport du grain que le gouvernement est intervenu dans ces autres conflits? Si c'est le cas, pourquoi n'interdit-on pas aux parties à ces conflits d'interrompre le transport des céréales à l'avenir?

Compte tenu du besoin croissant d'améliorer l'efficacité et la compétitivité de tout le réseau de transport, comment peut-on garantir qu'il n'y aura pas de conflit de travail si les parties ne s'entendent pas sur les changements nécessaires? Les secteurs ferroviaire, aérien et maritime sont tous confrontés aux besoins de se moderniser et d'améliorer leur productivité, compte tenu du nouveau contexte de réglementation. À notre avis, s'il n'arrive pas à relever ces défis, le réseau de transport canadien sera compromis.

.1615

Enfin, nous soumettons que cette disposition n'était recommandée ni par la Commission industrielle d'enquête ni par le groupe de travail Sims.

Pour conclure, nous vous exhortons à recommander l'élimination de cette disposition discriminatoire qui a pour effet d'établir des préférences parmi les cargaisons d'exportation. En outre, elle désavantage les cargaisons d'importation. Cette disposition nuira à un grand nombre de détaillants de tout le pays.

Nous estimons que c'est une mauvaise mesure législative. Elle pourrait détériorer les relations de travail au lieu de les améliorer, dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Si le gouvernement est vraiment préoccupé par les conflits de travail dans les ports de la côte Ouest, nous l'encourageons à revoir les propositions que lui a présentées notre secteur d'activité. Ces propositions auraient pour effet d'éliminer les conflits de travail sans exercer de discrimination dans le transport des denrées, et ce, en permettant la résolution des conflits au moyen d'arbitrage exécutoire des propositions finales, d'arbitrage par médiateur ou de toute autre combinaison de ces mécanismes, selon l'objet du conflit.

Si le gouvernement décide de ne pas adopter nos propositions, nous pensons que toutes les denrées devraient être traitées sur un même pied.

Nous vous remercions de recevoir notre témoignage sur ces sujets de très grande importance pour notre secteur d'activité. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Wilds.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier d'avoir situé cette question dans son contexte historique. Cela nous aidera à comprendre plusieurs choses.

Monsieur Ménard, du Bloc québécois, suivi de M. Johnston - pour une ronde de cinq minutes.

[Français]

M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Calmez-vous un peu, monsieur le président. Je comprends qu'en gros, vous êtes assez déçu du projet de loi, puisqu'il y a quatre dispositions qui vous indisposent.

Vous avez même eu des mots extrêmement sévères à l'endroit du gouvernement. Cela m'a chagriné un peu, surtout quand vous avez parlé de traitement politique en ce qui a trait à toute la question des céréales.

Ce matin, nous avons eu droit à une excellente présentation du Conseil national des travailleurs de débardage, où la maturité et la technologie étaient au rendez-vous.

Je voudrais connaître votre réaction à une partie de leur mémoire. À la page 14, ils disent:

Une nouvelle disposition du Code (article 87.7) prévoit l'obligation «aux employés et à leur agent négociateur, de maintenir leurs activités liées à l'amarrage et l'appareillage des navires céréaliers ainsi qu'à leur chargement et à leur entrée et leur sortie d'un port». Nous considérons cette exception comme opportune et n'y voyons aucune objection.

Nous sommes dans une situation un peu paradoxale dans ce comité. Ce qui aurait pu, en apparence, être une contrainte pour le milieu syndical est bien reçu et ce qui nous apparaissait comme un avantage pour les gens que vous représentez n'est pas très bien accueilli.

Dans le fond, vous auriez souhaité que cela aille plus loin. Quand vous appelez de tous vos voeux un élargissement du traitement préférentiel de l'article 87.7, n'êtes-vous pas sur une pente un peu dangereuse? Ne craignez-vous pas qu'au total et en définitive, cela puisse miner les relations de travail, que vous semblez décrire comme plutôt saines?

[Traduction]

M. Wilds: Notre position doit être très claire. Nous n'appuyons pas les grèves ou les lock-out sélectifs. Si le travail se poursuit dans un secteur d'activité, nous disons en fait à tous nos autres clients que nous sommes prêts à aider ce secteur mais pas à les aider eux. Nous croyons que la disposition est discriminatoire. À notre avis, la mesure n'est pas équitable.

Je comprends pourquoi mes homologues de l'ILWU pensent que c'est une bonne idée. De cette façon, un groupe d'employés continue de faire le travail malgré le conflit. Cela pourrait avoir des conséquences importantes dans le cas de certaines sections locales, pour ce qui est d'en arriver à une convention collective, si une grande partie du travail de cette section dépend, depuis quelques années, du chargement des navires céréaliers.

Ce que vous nous dites, en fait, c'est que nous devrions subventionner un conflit de travail qui nous oppose à nos travailleurs en fournissant du travail à un groupe d'employés. Nous ne sommes pas en faveur de cela. En outre, nous nous opposons à la discrimination que cela impose à l'égard de certaines des denrées que nous traitons. Nous accordons une importance égale à tous les exportateurs et importateurs. Ou bien nous leur offrons à tous nos services, ou bien nous ne les offrons à personne.

[Français]

M. Ménard: Je ne suis pas sûr de comprendre. Vous dites que l'article 87.7 pourrait ultimement être interprété comme une subvention. Élaborez sur votre point de vue. J'ai de la difficulté à vous suivre.

[Traduction]

M. Wilds: Non, je n'ai pas dit que cela pourrait être perçu comme une subvention. J'ai dit que cela pourrait être interprété comme si nous subventionnions un conflit de travail auquel nous sommes partie. Si nous payons des employés pour qu'ils offrent des services au secteur céréalier pendant un conflit de travail, nous, les employeurs, subventionnerions le conflit. Nous le prolongerions en empêchant que la grève touche tous les employés.

.1620

[Français]

M. Ménard: D'accord.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Ménard.

Monsieur Johnston.

M. Johnston (Wetaskiwin): Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur Wilds, de votre témoignage très concis. Je constate que vous semblez favorable à l'arbitrage des propositions finales. C'est certes une mesure qui a été recommandée tant par le rapport Sims que dans l'enquête sur les ports de la côte Ouest, pour éviter la fermeture des ports.

Pourriez-vous prendre quelques minutes pour nous dire ce que vous en pensez?

M. Wilds: Notre secteur reconnaît que les conflits de travail dans les ports ont des conséquences graves sur l'économie locale, régionale et nationale, en raison du nombre important de tonnes de marchandises qui passent par les ports de la côte ouest du Canada et aussi en raison des conséquences immédiates de tels conflits sur bon nombre d'autres secteurs d'activité.

Compte tenu de cela et compte tenu des déceptions que nous avons connues, notre secteur estime qu'il était essentiel pour les exportateurs et importateurs canadiens d'utiliser des ports dont nous avons plus ou moins l'exclusivité, compte tenu de la nature de notre travail. Nous offrons un service. Dans bien des cas, lorsqu'il y a un conflit de travail, les expéditeurs n'ont d'autre choix que de laisser leur cargaison là et de patienter.

Lorsque le conflit de travail prend fin, les employeurs et les employés retournent au travail. Nous travaillons jour et nuit, sept jours par semaine. Souvent, ce sont des tiers innocents qui subissent la majeure partie des pertes financières découlant d'un conflit de travail entre nous et nos employés.

Pour ma part, je m'intéresse personnellement et professionnellement à ce secteur depuis 30 ans. On a beau croire au principe du droit de grève et de débrayage, mais lorsque des tiers souffrent davantage d'un conflit de travail que les parties au conflit, il faut s'interroger sérieusement.

Supposons qu'il y ait d'autres mécanismes. Au départ, nous n'avions proposé que l'arbitrage des propositions finales. Mais dans nos discussions avec la Commission industrielle d'enquête, nous avons constaté que c'était une erreur. Nous avons ensuite indiqué qu'il y aurait peut-être toute une série de moyens pour résoudre nos conflits.

Si le conflit porte sur des motifs purement économiques, l'arbitrage des propositions finales est un choix logique. Mais s'il porte surtout sur des questions complexes de conditions d'emploi, il vaut peut-être mieux avoir recours à l'arbitrage par médiateur.

De toute façon, il existe aujourd'hui divers mécanismes autres que les grèves et les lock-out pour conclure des conventions collectives qui protègent les intérêts des deux parties. C'était le but visé.

M. Johnston: Ces mécanismes semblent plus logiques en tout cas que les lois de retour au travail ou d'autres mesures. L'autre solution consisterait peut-être à déclarer qu'il s'agit de services essentiels. Il me semble qu'en combinant certaines des mesures que vous proposez, il serait possible d'amener les parties à négocier de bonne foi. Elles trouveraient peut-être une solution sans que le gouvernement n'ait à intervenir autant.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Monsieur Nault.

M. Nault (Kenora-Rainy River): Merci, monsieur le président.

J'essaie de mieux comprendre. Je crois savoir, monsieur Wilds, que votre organisation a joué un rôle assez important dans les discussions des deux dernières années.

M. Wilds: C'est exact.

M. Nault: D'après votre témoignage, il semble que vous ne soyez pas d'accord avec tous les autres participants à ces discussions. Est-ce exact?

M. Wilds: Non, pas du tout.

M. Nault: Vous n'aviez pas grand bien à dire sur le processus de consultation. D'après ce que je sais, lorsqu'il y a des discussions entre, d'une part, les employeurs et les employés et, d'autre part, le ministère du Travail et tous les intervenants, il y a toujours un certain nombre de concessions mutuelles. Les parties finissent par s'entendre sur un règlement raisonnable.

.1625

D'après votre témoignage, il ne semble pas que cela ait été le cas, alors que nous avons entendu d'autres témoignages plus positifs. Les parties s'entendent, même si elles ne sont pas entièrement satisfaites d'une disposition ou d'une autre. Pourquoi exprimez-vous une opinion aussi différente, en tout cas sur ce point? De tous les témoins que nous avons entendus, y compris l'ETCOF, vous semblez être le plus déçu du processus.

M. Wilds: Je suis désolé, mais je ne crois pas avoir dit que nous sommes si déçus de cela du processus. Nous sommes peut-être déçus du résultat qu'il a produit, comme d'ailleurs l'ETCOF, si l'on se fie aux commentaires que ce groupe a faits sur un nombre bien plus grand de questions que je n'en ai soulevé aujourd'hui. Notre témoignage a surtout porté sur un sujet que n'a pas abordé l'ETCOF. Il s'agit du sous-paragraphe 87.7(1) proposé, qui touche directement notre secteur. Évidemment, l'ETCOF n'avait pas d'opinion à ce sujet; c'est pourquoi il n'a pas fait partie du processus de consensus réalisé entre les représentants du CTC et de l'ETCOF, le groupe de travail Sims et les représentants du ministère du Travail. Toutefois, c'est un sujet qui a été analysé en profondeur par la Commission industrielle d'enquête, devant laquelle nous avons fait valoir les mêmes arguments qu'aujourd'hui. Pour nous, comme cette question se trouve dans le projet de loi, il était important d'exprimer franchement et clairement l'opinion de notre secteur sur ces questions. C'est à cette étape-ci que le projet de loi peut être modifié ou non.

Le projet de loi contient d'ailleurs plusieurs bons éléments. Nous ne disons pas le contraire. Il est pour certaines choses très équilibré. Mais cette disposition-là nous déplaît profondément.

M. Nault: Est-il possible que vous n'ayez pas remarqué que la disposition proposée, l'article 87.7, était analysée en profondeur à la page 92 du rapport du groupe de travail Sims, ou l'avez-vous plutôt mentionnée parce qu'il ne s'agissait pas d'une recommandation? Quels sont vos motifs? Vous avez dit clairement dans votre mémoire que cet élément ne faisait pas partie du rapport du groupe de travail Sims, mais en était en fait une composante importante.

M. Wilds: Le groupe de travail Sims a recommandé, je crois, que le ministre tienne d'autres consultations avec les parties sur ce sujet. C'est ce qu'il a fait. C'est exactement l'opinion que nous avons fait valoir auprès du ministre lorsqu'il a tenu ces consultations à Vancouver. Notre secteur n'a jamais changé d'avis à ce sujet.

M. Nault: J'aimerais avoir des précisions sur deux autres points. Premièrement, je crois savoir que les partenaires à cette discussion se sont engagés à ce que l'article proposé soit réexaminé en 1999 pour voir s'il a permis d'atteindre les résultats escomptés. D'après vous, cela ne compte-t-il pas?

M. Wilds: Le réexamen de la disposition en 1999 ne nous consolera pas de l'adoption de la mesure législative. Et pourquoi cela nous consolerait-il? Nous devrons retourner aux tables de négociation bien avant cela. Au lieu de nous fonder sur une mesure législative, je préférerais que nous puissions établir avec nos employés de bonnes relations de travail de façon à éviter d'avoir à nous prévaloir des dispositions de la loi. Il n'y a eu chez nous qu'un seul conflit de travail depuis 1986, malgré le nombre considérable de rondes de négociations que nous avons tenues. Je préférerais que nous conservions cette façon de procéder plutôt que d'appliquer une mesure législative. Il ne nous aidera en rien d'avoir une mesure législative que nous estimons inéquitable, et nous aurions manqué à notre devoir si nous ne l'avions pas signalé.

M. Nault: Je comprends que la mesure peut vous sembler inéquitable, mais du point de vue du législateur, il est peut-être encore plus inéquitable d'avoir à légiférer dans votre domaine à peu près tous les ans. Tout ce que cela révèle du processus, c'est qu'il ne fonctionne pas. Ne croyez-vous pas que les législateurs et les gens qui s'intéressent à la politique publique doivent trouver une solution quelconque à ce problème si les parties en cause semblent incapables de s'entendre sur les moyens de le régler?

M. Wilds: La loi ne s'appliquait pas seulement à notre secteur et le gouvernement n'a pas été obligé de légiférer seulement pour notre secteur. Il a légiféré dans le cas de plusieurs autres secteurs sur la côte Ouest, mais on fait une distinction seulement pour nous. Si tout le monde est inclus, je suppose que nous n'avons pas tellement à nous plaindre. Cependant, si l'on exige que nous assurions des services au secteur du grain, tandis que les chemins de fer peuvent interrompre leur service, est-ce équitable? Vous avez légiféré deux fois au cours des dix dernières années pour faire reprendre le travail sur les chemins de fer et une seule fois dans notre cas.

Je comprends ce que vous dites. Ce n'est pas une expérience plaisante pour notre profession d'échouer et de se retrouver en conflit de travail. Malheureusement, c'est ce que nous avons vécu. Je pense que nous avons fait beaucoup pour améliorer la situation. Nous avons connu certains échecs ces dernières années, mais j'ai bon espoir que les rapports que nous entretenons avec le syndicat des débardeurs se sont grandement améliorés et que nous pouvons résoudre plusieurs de nos propres problèmes. Comme n'importe qui d'autre, je ne peux pas vous garantir qu'il n'y aura pas d'autre conflit de travail. Je n'ai pas de baguette magique.

.1630

M. Nault: Non, je ne voudrais pas faire de pari.

Le président: Monsieur Wilds, au nom des membres du comité, je tiens personnellement à vous remercier de votre participation à notre étude du projet de loi C-66.

M. Wilds: Merci de m'avoir consacré du temps.

Le président: Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Il s'agit de Susan Rutherford, vice-présidente, et de Luc Grenier, négociateur.

Bienvenue. Vous pouvez commencer.

Mme Susan Rutherford (Vice-présidente, Institut professionnel de la fonction publique du Canada): Merci beaucoup.

Je veux vous présenter Luc Grenier, négociateur à l'emploi de l'Institut professionnel. Il m'accompagne cet après-midi à titre d'expert.

Je veux également vous présenter les excuses de M. Steve Hindle, président de l'Institut professionnel, qui n'a pas pu venir cet après-midi à cause d'un engagement antérieur qu'il ne pouvait pas annuler, car c'était avec des représentants de l'illustre Conseil du Trésor.

Le président: Vous avez d'excellents représentants.

Mme Rutherford: Je vous remercie d'avoir accepté d'entendre les représentants de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada cet après-midi au sujet des modifications proposées au Code canadien du travail dans le projet de loi C-66.

L'Institut professionnel est heureux de l'initiative prise par le gouvernement de remanier le Code canadien du travail et appuie d'une manière générale les amendements proposés dans le projet de loi C-66. Nos préoccupations se limitent à cinq secteurs problèmes, dont nous discutons dans ce mémoire, et au nouveau problème qui consiste à déterminer de quelle compétence, en matière de relations de travail, relèveront les employés de services du gouvernement fédéral qui passent à de nouvelles formes d'organismes en dehors de la fonction publique traditionnelle.

L'Institut professionnel représente 33 000 travailleurs professionnels, dont la plupart travaillent dans la fonction publique fédérale ou dans les fonctions publiques provinciales du Nouveau-Brunswick et du Manitoba. Dans le passé, ces employés étaient régis presque exclusivement par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, au palier fédéral, ou par une loi semblable dans le cas des employés des gouvernements provinciaux. Cette situation change maintenant à cause des processus de réduction des effectifs, de dévolution et de création d'agences dans le cadre de la politique gouvernementale de prestation de rechange des services. Les modifications proposées au Code canadien du travail intéressent donc de plus en plus l'Institut, étant donné que le nombre de ses membres régis par ce code augmente.

La première de nos préoccupations concerne le droit à une audience. On entend modifier les pouvoirs du Conseil canadien des relations industrielles en ajoutant de nouvelles dispositions qui permettent au Conseil de trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d'audience. Il s'agit du nouvel article 16.1 proposé dans le projet de loi.

Bien que l'Institut appuie l'objectif général d'harmoniser le code au moyen du projet de loi C-66, nous craignons que le nouvel article 16.1 et les modifications apportées en conséquence puissent créer une situation où le conseil acceptera rarement, pour ne pas dire jamais, une demande légitime d'audience avant de trancher une question. Nous suggérons que l'article proposé soit modifié de manière à exiger que le conseil tienne une audience, à la demande de l'une des parties, lorsqu'une telle audience est raisonnablement justifiée.

Notre deuxième préoccupation concerne les votes de grève obligatoires. Le gouvernement propose, dans le nouvel article 87.3, de codifier une procédure que doit obligatoirement suivre un syndicat pour obtenir un mandat de grève des employés qu'il représente dans l'unité de négociation. Le projet de loi C-66 exige que le syndicat tienne un vote au scrutin secret dans les 60 jours précédant le déclenchement d'une grève. Le Conseil canadien des relations industrielles aura le pouvoir d'examiner toute plainte liée à la tenue du vote par le syndicat.

.1635

L'Institut n'est pas au courant qu'il y ait de véritables problèmes persistants dans le processus utilisé actuellement en vertu du code par les agents de négociation dans leur préparation à l'éventualité d'une grève et met en doute la nécessité de cette mesure statutaire.

Notre troisième préoccupation concerne le vote par des personnes qui ne sont pas membres du syndicat. Un aspect particulier de la procédure de vote de grève prévue dans le nouvel article 87.3 présente de graves difficultés: il s'agit de l'exigence qu'on tienne un vote au scrutin secret parmi les employés de l'unité de négociation plutôt que parmi les employés de l'unité de négociation qui sont membres du syndicat.

L'existence d'un syndicat dépend de sa capacité de garder l'appui de la majorité des employés d'une unité de négociation. Il n'a pas besoin de l'appui de chaque employé et pourtant il est légalement obligé de toujours représenter les intérêts de tous les employés.

La formule Rand utilisée par plusieurs employeurs canadiens reconnaît cette obligation en exigeant que tous les employés appuient financièrement le syndicat choisi par une décision démocratique des employés concernés. Cette formule cruciale protège le droit de tout employé de refuser d'être membre du syndicat sans être privé des avantages de la protection d'une convention collective. Pour sa part, le syndicat n'est pas obligé d'accorder le droit de vote et d'autres droits de participation aux non-membres. Ce sont des droits fondamentaux qui appartiennent aux membres et ils constituent la principale motivation des employés à adhérer au syndicat.

L'amendement proposé ébranle le précieux équilibre inhérent à la formule Rand et intervient sérieusement dans les affaires du syndicat. Il ne s'agit pas simplement d'une exigence isolée pour des cas rares de grève. Une telle mesure pourrait plutôt fort bien obliger plusieurs syndicats, y compris l'Institut professionnel, à modifier leur charte et leurs règlements et en plus de changer radicalement leur concept de l'adhésion des membres. En outre, il pourrait être presque impossible de respecter pleinement cette disposition. Dans le cas de l'Institut, nous sommes souvent incapables de joindre les non-membres parce que les employeurs ne nous fournissent pas des renseignements permettant de les identifier, et les non-membres eux-mêmes insistent souvent pour que ces renseignements demeurent secrets.

Par principe et pour des raisons pratiques, l'Institut s'oppose à ce qu'on inclue dans une procédure de vote de grève des employés qui ont sciemment et librement décidé de ne pas devenir membres du syndicat. Nous exhortons donc le comité à ne pas approuver l'article 87.3 proposé, ou au moins à stipuler que tous les membres du syndicat qui font partie de l'unité de négociation aient le droit de participer au vote de grève requis.

Notre quatrième problème concerne les services essentiels. Je veux d'abord commencer par faire des commentaires généraux sur cette question.

Le projet de loi C-66 propose d'inclure pour la première fois dans le Code canadien du travail des exigences concernant les services essentiels. Les employeurs et les syndicats sont tenus de négocier une entente pour maintenir ces services essentiels avant de pouvoir exercer leur droit de grève ou de lock-out.

L'Institut comprend les préoccupations des Canadiens en ce qui concerne le maintien des services essentiels à leur sécurité et à leur santé, mais nous sommes toutefois déçus de voir que le gouvernement estime nécessaire d'imposer par voie législative un processus que les employeurs et les agents de négociation responsables s'imposent déjà volontairement, à notre avis. Nous craignons que cette inclusion puisse amener une prolifération de cas exigeant l'intervention du Conseil canadien des relations industrielles.

Parlons du cas de NAV CANADA. La Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile, récemment adoptée par le Parlement, a créé une entreprise commerciale sans but lucratif pour le contrôle de la circulation aérienne, maintenant connue sous le nom de NAV CANADA et qui est régie, sur le plan des relations de travail, par le Code canadien du travail.

.1640

Les articles 73 à 84 de la loi créant NAV CANADA contiennent des mesures détaillées régissant le maintien des services liés aux vols humanitaires et d'urgence en cas de grève ou de lock-out. Ces dispositions répondent aux exigences particulières du secteur de l'aviation civile et bénéficient du soutien de l'employeur, des syndicats concernés et du gouvernement.

Nous craignons que le projet de loi C-66 ne crée de la confusion entre les dispositions relatives aux services essentiels du Code canadien du travail, si ce projet de loi est adopté, et celles de la loi créant NAV CANADA. Pour éviter ce problème, l'Institut demande au comité d'ajouter une stipulation au projet de loi C-66 en vertu de laquelle les articles 73 à 84 de la Loi sur la commercialisation des services de navigation de l'aviation civile seraient jugés conformes aux dispositions relatives aux services essentiels du Code canadien du travail.

Notre cinquième réserve tient aux différents modes de prestation de services. Au coeur de l'approche gouvernementale visant à réduire la taille de la fonction publique se trouve l'intention de dévoluer diverses fonctions vers tout un ensemble de nouvelles entités publiques et privées. Aux termes de l'initiative des différents modes de prestation de services, 6 000 employés ont déjà été transférés à NAV CANADA, comme on l'a dit plus tôt, et leurs relations de travail se trouvent régies par le Code canadien du travail. Trois autres grandes initiatives DMPS ont déjà été annoncées ou sont sur le point d'être érigées en lois: la création d'une agence nationale d'inspection alimentaire, la création d'une agence pour Parcs Canada, la création d'un service frontalier et douanier qui prendra en charge des fonctions qu'accomplit maintenant Revenu Canada.

L'Institut discute de ces initiatives DMPS avec les législateurs et les fonctionnaires dans nombre de cadres. Il y a cependant ici un enjeu important qui fait intervenir le Code canadien du travail et que nous voulons signaler à votre intention. C'est la question de savoir quelle loi sur les relations de travail va régir les relations patronales-syndicales dans les nouvelles organisations DMPS qu'on va créer.

Dans le secteur fédéral, la loi sur les relations de travail privilégiée est le Code canadien du travail ou la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Celle-ci s'applique dans les situations où une nouvelle organisation est retranchée d'un ministère et se voit conférer le statut d'employeur distinct mais demeure à l'intérieur de la grande fonction publique. Nous savons que le gouvernement veut faire de la nouvelle agence nationale d'inspection alimentaire un employeur distinct en vertu de la LRTFP, et nous croyons que cela servira de précédent pour l'agence qu'on se propose de créer avec Parcs Canada et les agences issues du ministère du Revenu.

La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est une loi désuète qui handicape au lieu d'encourager la faculté qu'ont les employeurs et les agents de négociation de régler leurs propres problèmes. Les droits à la négociation en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique sont très limités. Dans plusieurs aspects des relations syndicales-patronales, la loi propose une approche envahissante et paternaliste qui ne facilite pas l'émergence d'une relation adulte des parties en milieu de travail.

Depuis des années, l'Institut se dit favorable à une révision de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique qui aurait pour effet d'harmoniser ses dispositions avec celles du Code canadien du travail. Des améliorations mineures ont été apportées, mais la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique demeure une loi archaïque et très déficiente.

Dans le cas de l'employeur distinct, la loi applique de nombreuses restrictions sur des questions qui peuvent être négociées ou réglées par voie d'arbitrage, questions dont ne fait pas état le Code canadien du travail. Elle soustrait également les employés à la protection de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique sans prévoir de solutions de rechange qui permettraient aux employés de négocier dans le cadre de leur convention collective les aspects dont fait état la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

Si l'on compare la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et le Code canadien du travail, on voit tout de suite quelle loi établit un cadre plus moderne pour la gestion efficace des relations syndicales-patronales. Néanmoins, certains gestionnaires de la fonction publique continuent de préférer au code la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, ignorant ainsi les nombreux précédents d'organismes qui sont bien gérés en vertu du code dans la grande fonction publique fédérale.

.1645

L'Institut prie instamment le comité d'ajouter à son rapport à la Chambre des communes sur le projet de loi C-66 une recommandation particulière où il demanderait au gouvernement de faire du Code canadien du travail la loi régissant les relations de travail dans les nouveaux organismes créés en vertu des initiatives de modes différents de prestation de services. Si ces organismes doivent être créés, il est essentiel que chaque nouvelle agence chargée de la prestation des services reçoive les outils les plus modernes qui soient afin qu'ils puissent maximiser leur potentiel de succès. Dans le domaine des relations de travail, il faut privilégier le Code canadien du travail et non la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Nous vous remercions de nous avoir écoutés. M. Grenier et moi-même serons fort heureux de répondre à vos questions.

Le président: C'était un exposé très complet. Je vous en remercie.

M. Ménard, suivi de M. Johnston.

[Français]

M. Ménard: Vous avez raison de dire que c'est une présentation qui a été extrêmement claire et limpide. Vous avez un certain nombre de préoccupations et je vous annonce que, là-dessus, nous songions à déposer un amendement, particulièrement quant à la situation qui pourrait faire en sorte que le rôle que jouait le Conseil canadien des relations de travail, en permettant d'entendre les parties et quelquefois en leur donnant du temps pour se parler afin de tenter d'en venir à une médiation ou à une réconciliation, ne serait plus possible, dans la mesure où les parties n'auraient pas le pouvoir de se faire entendre.

Cependant, vous nous invitez, comme comité, à être extrêmement vigilants et à faire en sorte qu'à tout le moins, lorsque les parties vont le demander, il puisse au moins y avoir une communication orale. Je pense que c'est un point de vue qui devrait certainement être repris par certains membres du comité. Donc, c'est quelque chose qui m'apparaît très très clair.

La deuxième nuance que vous apportez a trait à l'unité habilitée à prendre le vote ou aux gens qui devraient voter. Cela ne devrait pas nécessairement être l'unité mais le syndicat, étant entendu que l'on peut être membre de l'une sans être membre de l'autre. Vous craignez que le syndicat puisse être un peu miné dans son devoir de représentation. Est-ce que je comprends bien votre point de vue en l'interprétant de cette manière?

[Traduction]

Mme Rutherford: Je vais demander à M. Grenier de répondre à votre question.

[Français]

M. Luc Grenier (négociateur, Institut professionnel de la fonction publique): Merci, Susan. Oui, c'est le problème qui se pose. Comme on l'a dit dans notre mémoire, il y a déjà, dans le Code canadien du travail et la loi, un système d'équilibre des pouvoirs entre les parties. Il s'agit de la formule Rand, qui laisse démocratiquement le choix aux employés d'adhérer ou de ne pas adhérer au syndicat. C'est un choix fondamental et on ne voit pas pourquoi ce choix serait remis en question aujourd'hui. Cela fonctionne depuis des années et des années.

La Commissions Sims soutient que c'est afin d'élargir la démocratie. Nous croyons que cela fait exactement le contraire. La démocratie veut que quelqu'un ait le choix d'adhérer au syndicat ou de ne pas y adhérer, mais si on choisit de ne pas y adhérer, à ce moment-là, on ne peut avoir les mêmes bénéfices que les gens qui ont y ont adhéré. C'est impossible.

Donc, si un employé décide de ne pas adhérer au syndicat, il n'a pas le droit de se présenter à des fonctions syndicales et de participer à l'élection des officiers du syndicat. C'est tout comme dans un parti politique. Si je ne suis pas membre d'un parti politique, je ne peux aller voter pour élire le chef du parti. C'est fondamental.

M. Ménard: Si je comprends bien, fondamentalement, vous souhaiteriez également - et je pense que vous reprenez une revendication de l'Alliance de la fonction publique du Canada - que vos membres soient assujettis au Code canadien du travail.

M. Grenier: Tout à fait. On a toujours maintenu, pour les raisons qui ont été énoncées, que le Code canadien du travail est de loin supérieur. Je parle en connaissance de cause, parce que j'ai longtemps travaillé avec le Code canadien du travail dans la fonction publique.

M. Ménard: Donc, vous croyez que le Code canadien du travail est supérieur à la Loi sur les relations de travail, ce qui ne veut pas dire qu'un ministre est supérieur à l'autre. Je sais que vous ne vous avancerez pas là-dessus, mais ce qui est très clair pour le comité, c'est que vous souhaiteriez y être assujetti complètement, sans aucune espèce d'ambiguïté.

.1650

Vous souhaitez qu'il n'y ait pas de référence aux services essentiels. C'est un point de vue un peu particulier, parce que plusieurs témoins, surtout du secteur privé, nous ont dit qu'ils ne comprenaient pas que la loi ne fasse pas de distinction entre les services essentiels privés et publics, et vous souhaitez, même si vous représentez des gens du secteur public, qu'il n'y ait pas de référence aux services essentiels dans la loi parce qu'il y a déjà une entente. De gré à gré, on convient de ce qui doit être maintenu dans un processus de négociation sans que le législateur y ait prévu une référence précise dans le Code canadien du travail.

M. Grenier: Oui, effectivement.

M. Ménard: Il n'a pas fait de présentation. Il faut bien qu'il parle un peu, madame.

M. Grenier: À l'Énergie atomique du Canada et dans des hôpitaux du Grand Nord, nous avons négocié des services essentiels avec l'employeur. Le problème est que, lorsque le gouvernement commence à adopter des lois et à nous astreindre à donner des services essentiels, cela peut devenir excessivement compliqué.

Je me permettrai de mentionner ici, et ce n'est pas dans notre mémoire, que selon la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, il y a des services essentiels qui sont totalement à la merci de l'employeur, lequel peut décider combien de personnes doivent être déclarées essentielles, cela jusqu'à 112 p. 100.

Cependant, une modification a été faite. Je le mentionne au cas où les législateurs décideraient d'adopter les dispositions relatives aux services essentiels. Dans la nouvelle Loi sur les relations de travail, on a inséré une disposition qui fait que les employés qui sont obligés de travailler pour assurer les services essentiels continueront à être payés et à payer des cotisations en même temps, ce qui manque à l'heure actuelle dans la loi.

[Traduction]

Le président: Monsieur Johnston.

M. Johnston: Vous pourriez peut-être m'éclairer sur votre première observation, au sujet du droit d'être entendu. Vous dites que l'article 16.1 - et je l'ai lu lors de l'étude article par article et je me suis moi-même posé des questions - devrait être modifié afin d'obliger le conseil à procéder à une audience à la demande d'une partie. Donc n'importe quelle partie pourrait demander une audience. Pouvez-vous me donner plus de détails?

Mme Rutherford: Ce qui nous préoccupe avec le libellé actuel de l'article 16.1, c'est que si le pire se produit, le conseil pourrait vous répondre qu'il ne vous entendra pas. Je ne crois pas que ce soit l'intention des modifications que vous proposez au Code canadien du travail. Ce que vous essayez de faire, c'est créer une atmosphère progressiste et positive à l'intérieur de laquelle la négociation peut se dérouler.

Nous disons que si une partie a des motifs raisonnables d'être entendue, la loi devrait prévoir une disposition qui lui permettrait d'être entendue. Peu importe quelle partie.

Voulez-vous ajouter quelque chose, Luc?

M. Grenier: Je dirais seulement que c'est un droit fondamental dans une démocratie que d'être entendu. Deuxièmement, comme on dit, il est toujours difficile d'interroger un document.

M. Johnston: Ayant lu cet article lors de l'étude article par article du projet de loi, il m'a semblé que le conseil aurait à tout le moins la discrétion d'accorder une audience sur la foi des textes qui lui seraient soumis.

Si je comprends bien, vous ne tenez pas du tout à ce qu'on modifie cette partie du projet de loi. Vous vouliez qu'il y ait audience avant que le conseil entende une cause dans les formes.

.1655

Mme Rutherford: Non, ce n'est pas du tout ce que nous disons. Ce que nous disons, c'est qu'avec le libellé actuel, on présume que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, qu'on vit dans un monde parfait où tout marche comme ça devrait marcher. Nous savons tous que ce n'est pas toujours vrai. Ce que nous disons, c'est que si vous ajoutez cet amendement qui permettrait à une partie d'obtenir une audience après avoir produit au préalable des motifs raisonnables, l'audience devrait avoir lieu afin de prendre en compte ce qui pourrait se passer si on aboutit au pire.

M. Johnston: Merci, monsieur le président.

Le président: Nous allons passer au Parti libéral - une question pour chacun, M. McCormick et M. Nault.

M. McCormick (Hastings - Frontenac - Lennox et Addington): Votre exposé contenait plusieurs observations très intéressantes et très valables que notre comité doit entendre. Vous avez bien fait valoir vos arguments, et j'ai la certitude que nous vous entendrons de nouveau.

Je crois savoir que le groupe de travail ne s'est pas penché sur la question de savoir si le secteur public fédéral pourrait relever du Conseil canadien des relations du travail, et pourtant le groupe a souligné l'avantage qu'il y aurait à consolider les conseils fédéraux des relations de travail. À mon avis, il y aurait grand avantage à faire cela. On pourrait ainsi être plus efficient.

Je veux vous poser une question très simple à laquelle je voudrais sans doute avoir réponse - et vous pourrez ainsi énoncer officiellement votre position et mois je pourrai apprendre quelque chose. Avez-vous eu des entretiens avec le ministre du Travail à ce sujet? Je crois savoir qu'il était disposé à examiner toutes les propositions.

Mme Rutherford: Je ne suis pas sûre que nous ayons fait un exposé au ministre du Travail. Cependant, nous avons présenté un mémoire sur le projet de loi C-60, la Loi habilitante de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, et nous avons dit au sujet de cette loi la même chose que nous avons dit cet après-midi.

M. McCormick: Je crois savoir que vous allez bientôt rencontrer le ministre. Je voulais simplement un peu plus de détails à ce sujet.

C'est tout pour moi. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur McCormick.

Monsieur Nault.

M. Nault: Monsieur le président, je voulais seulement poser une question aux témoins sur le vote des non-membres, dont il est question à l'alinéa 87(3). Au sujet de cette question, pouvez-vous nous dire combien il y a de non-membres dans une unité de négociation?

C'est ma première question. Si vous n'avez pas la réponse, j'aimerais savoir quel est le pourcentage. D'après mon expérience dans les syndicats du chemin de fer, il y a très peu de non-membres. Tout le monde semblait faire partie de l'unité de négociation, dans le sens que chacun était membre, étant donné que tous payaient des cotisations; ils avaient donc l'habitude de participer.

Je crois également savoir que dans à peu près toutes les lois provinciales, on retrouve cette disposition qui dit que s'il y a vote secret, les membres sans droit de vote ont le droit de voter avec l'unité de négociation. La seule exception est le Québec.

Pourquoi vous opposez-vous à cela? Cela ne semble pas trop difficile à faire pour une très bonne raison. Vous savez déjà qui sont vos membres parce que vous percevez leurs cotisations. Les cotisations sont déduites à la source?

M. Grenier: Non. C'est exactement le problème que nous avons mentionné. Les employeurs ne sont pas obligés, en vertu de la Loi sur la protection de la vie privée, de nous donner l'adresse des gens, et ils ne le font pas.

M. Nault: Comment font-ils à l'échelle provinciale alors?

M. Grenier: Je ne peux pas répondre à votre question. Je n'en ai pas la moindre idée.

M. Nault: Eh bien, on le fait pourtant.

M. Grenier: C'est probablement plus facile lorsque vous négociez avec un petit employeur qui ne bouge pas. Lorsque vous avez des employeurs qui sont situés partout au pays, c'est beaucoup plus difficile. C'est l'un des problèmes inhérents ici. J'ignore comment ils pourraient arranger cela parce que nous n'avons tout simplement pas les adresses de ces gens.

M. Nault: D'accord.

Monsieur le président, je crois fermement que nous devrions obtenir ces informations du ministère et des autres employeurs relevant des autorités fédérales et provinciales, afin de voir comment ils font. J'aimerais beaucoup savoir comment cela se fait.

Le président: D'accord. Merci beaucoup.

Nous vous écoutons, madame Rutherford.

.1700

Mme Rutherford: Je dois préciser que l'Institut professionnel ne représente au provincial que les employés du Nouveau-Brunswick et du Manitoba. Ce sont les deux seules provinces où nous devons nous conformer à la loi provinciale.

Je ne crois pas qu'on ait répondu à votre première question. Nous n'avons pas sous la main les statistiques que vous voulez. Vous nous demandez de vous communiquer ces statistiques?

M. Nault: Si possible, oui.

Voici ma deuxième question, si les syndicats peuvent faire cela en théorie en vertu des codes provinciaux du travail, pourquoi penser qu'on ne peut pas le faire en vertu du code fédéral du travail? C'est ce qui compte dans cette question, et non le fait que vous n'avez pas beaucoup de membres à l'échelle provinciale. Je dis seulement que dans les autres codes du travail du pays, cela se fait aujourd'hui. Donc le problème que vous nous signalez, à savoir que vous ne pouvez pas obtenir les noms et les adresses pour tenir un scrutin, ne m'apparaît pas très logique.

Mme Rutherford: S'il s'agit de membres en vertu de la formule Rand, nous n'avons pas le droit d'obtenir des informations sur ces employés à moins que l'employeur ne nous les communique de son gré ou que les personnes qui sont membres du syndicat en vertu de la formule Rand ne permettent à l'employeur de nous communiquer ces informations. Autrement, nous n'y avons pas accès.

Vous devez également savoir que nous sommes actuellement régis par une formule Rand qui marche très bien. Voyez la loi provinciale; vous allez voir qu'il s'agit d'une formule Rand semblable à la formule Rand fédérale. Votre projet de loi a bouleversé l'équilibre que nous donne la formule Rand - c'est ce que nous vous disons.

Le président: Madame Rutherford et monsieur Grenier, merci beaucoup. Nous allons donner suite aux questions qu'a soulevées M. Nault.

Je vous remercie d'avoir été des nôtres, ainsi que d'avoir cédé votre place.

Nous allons maintenant attendre le Congrès du travail du Canada.

Tout d'abord, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue. Nous avons le plaisir de recevoir, du Congrès du travail du Canada, Mme Nancy Riche et Murray Randall. Ils vont nous présenter leurs collègues.

.1705

Vous connaissez probablement la procédure des comités permanents parlementaires. Vous avez environ 10 à 15 minutes pour faire votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions.

Bienvenue. Nous vous écoutons.

Mme Nancy Riche (vice-présidente exécutive, Congrès du travail du Canada): Merci beaucoup. Permettez-moi tout d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent, et je ne crois pas que serez surpris d'apprendre qui elles sont.

Richard Balnis est recherchiste au SCFP, division aérienne. John Amato est l'agent d'affaires des TCA, division aérienne, et un ancien agent préposé aux passagers des Lignes aériennes Canadien International. Hank Gauthier est vice-président de l'organisation au SCEP, le Syndicat des communications, de l'énergie et du papier - vous savez, ceux qui ont fait cette grosse fusion.

Notre exposé s'écartera légèrement de ce que nous comptions dire jusqu'à 15 heures hier après-midi. Nous croyons donc qu'il est très important pour nous de vous faire lecture du texte que nous vous avons remis.

Les membres du comité ne seront pas surpris d'apprendre que nous avons été profondément choqués hier d'apprendre l'intervention du ministre Gagliano dans le processus de négociation avec les travailleurs de Canadien International, et c'est pourquoi nous jugeons important de lire notre texte. Nous avons été complètement pris au dépourvu.

J'ai la certitude que vous avez entendu parler ici du processus de consensus et du travail de consultation que nous avons accompli avec les fonctionnaires du ministère du Travail, l'ETCOF et les membres affiliés du Congrès du travail du Canada, qui ont des membres oeuvrant dans des secteurs de compétence fédérale.

Nous ne serions pas venus ici pour vous témoigner notre admiration, mais sans l'événement que je viens de mentionner, notre témoignage aurait été aujourd'hui beaucoup plus positif et certainement plus agréable. J'aimerais maintenant lire mon texte et vous donner ensuite un aperçu de notre mémoire.

Les derniers gouvernements en place ont servi les intérêts des sociétés en favorisant la privatisation, la sous-traitance, la déréglementation et le libre-échange, ce qui a entraîné un grave problème de chômage. Le Code canadien du travail, qui reconnaît le droit à la libre négociation collective, est l'un des derniers recours des travailleurs et des travailleuses.

Nous sommes consternés par l'action sans précédent prise hier par le ministre du Travail à la Chambre des communes, concernant les TCA et la situation qui a cours aux Lignes aériennes Canadien International.

Le ministre Gagliano a invoqué l'article 107 du Code canadien du travail pour intervenir directement dans les affaires internes d'un syndicat légalement reconnu et de ses dirigeantes et dirigeants élus. Il a ainsi jeté un voile sur les relations positives que le mouvement syndical a entretenues jusqu'ici avec le Ministre. Ce qui est plus important encore, en modifiant la Partie I du Code canadien du travail, il a altéré le processus de consultation et de consensus entrepris par le CTC, les Employeurs des secteurs du transport et des communications de régie fédérale (FETCO) et le gouvernement fédéral. Le CTC et la FETCO avaient convenu que le règlement des différends en matière de relations de travail devrait être laissé aux parties à la convention collective plutôt qu'à l'intervention d'une tierce partie.

L'action prise empoisonnera probablement les relations entre le ministre et le mouvement syndical canadien, et c'est une situation totalement indésirable. Conséquemment, nous demandons au comité de recommander que l'article 107 soit supprimé. Aucun ministre du Travail ne devrait à l'avenir avoir une telle autorité. Aucun ministre du Travail éventuel ne devrait vouloir exercer une telle autorité.

Nous pourrons y revenir après, si vous voulez. Je vais maintenant passer au mémoire. C'est un long mémoire, et je ne compte pas le lire intégralement. Il se peut que j'oublie des choses au cours de mon résumé, mais vous pourrez me poser des questions sur les éléments manquants.

Le président: Voulez-vous dire les noms des signataires de votre texte pour les besoins du procès-verbal?

Mme Riche: Si vous voulez, d'accord. Le texte porte la signature de Bob White, président du Congrès du travail du Canada; de Dick Martin, secrétaire-trésorier; de Jean-Claude Parrot et de moi-même, Nancy Riche, vice-présidente exécutive.

Étant donné que nous avons peu de temps, nous pourrons y revenir. Vous pourrez adresser vos questions tout particulièrement à John et à Richard.

Nous avons dit la satisfaction que nous avait donnée le travail que nous avons pu accomplir après la création du groupe de travail Sims et le processus de consultation qui a suivi, et j'ai la certitude que vous en avez déjà entendu parler. Sims, le président, a essentiellement dit à l'ETCOF et au CTC que si nous parvenions à un consensus, il songerait très sérieusement à faire des recommandations de ces solutions qui avaient fait consensus.

À la toute première séance, les employeurs et les syndicats ont décidé qu'ils tâcheraient sérieusement de s'entendre parce que Sims et la plupart des gens autour de lui étaient d'avis que le Code du travail marchait assez bien et n'avait pas vraiment besoin de cette révision en profondeur.

.1710

Cependant, à l'automne 1994, le ministre du Développement des ressources humaines, M. Axworthy, avait déjà demandé aux syndicats et aux employeurs d'envisager la refonte du CCRT et de pencher sur la question des travailleurs de remplacement. Donc des pourparlers avaient déjà été entrepris, mais l'on ne songeait pas encore à une révision en profondeur. Puis la ministre du Travail qui a suivi, Mme Robillard, a créé le groupe de travail Sims.

Donc, à la première séance, les deux parties se sont entendues pour dire qu'elles porteraient leur attention sur certaines questions, après quoi les autres emboîteraient le pas. Nous avons décidé sans discussion, je crois, que nous tâcherions d'en arriver à un consensus et que nous délaisserions les questions sur lesquelles il n'y aurait pas consensus.

Nous avions réuni un comité très imposant, qui comptait plusieurs membres affiliés du CTC et un grand nombre de membres de l'ETCOF, tout au long du processus, et nous n'avions pas beaucoup de temps. Nous n'avons par conséquent pas consacré beaucoup de temps aux questions pour lesquelles nous pensions qu'il n'y aurait pas consensus.

Le mouvement syndical s'est intéressé à quatre domaines: le CCRT, les droits du successeur, les formalités d'accréditation et les travailleurs de remplacement - les lois antiscab.

Les discussions sur le CCRT ont été de loin les plus fructueuses. Nous croyons qu'un conseil représentatif est une solution d'avenir; nous le pensons même depuis longtemps, et c'est pourquoi nous sommes heureux de voir que le projet de loi en fait état. Cependant, nous avons quelques petites réserves.

Nous avons longuement discuté de la question de savoir qui participerait à la sélection des présidents, des vice-présidents et des membres du conseil. Les deux parties ainsi que Sims étaient fermement convaincus qu'il fallait le dire dans le projet de loi, que les syndicats proposeraient une liste qui contenterait les membres du mouvement syndical et que les employeurs proposeraient leur liste à eux, après quoi le ministre choisirait à partir des listes. Nous pensions aussi que nous allions participer, du moins par l'entremise d'un processus de consultation quelconque, à la nomination des membres neutres, soit les présidents et vice-présidents. Le projet de loi est muet à ce sujet.

Le projet de loi est muet dans les deux cas et dit que le ministre peut consulter, ce qui veut dire, bien sûr, qu'il n'y est pas obligé. Je serais surprise s'il ne faisait pas ces consultations, parce que même à l'heure actuelle, même si le conseil n'est pas représentatif, il nous consulte, mais nous pensions qu'étant donné notre consensus, il fallait en faire mention dans le projet de loi.

Il convient également de mentionner que le groupe de travail était favorable à un nombre égal de membres, mais il est dit dans le projet de loi qu'on nommera des membres qui représenteront les employés, et pas nécessairement les syndicats et les employeurs. Je conçois qu'on discute de cela relativement à la partie III du code, mais la partie I concerne les lieux de travail syndiqués. Nous aimerions donc qu'on dise clairement qui sera représenté, et pour nous, ce sont les syndicats.

Nous avons recommandé, et encore là il y a eu de nombreuses discussions, que les personnes nommées au conseil disposent d'une longue expérience des relations de travail. Cela n'est mentionné que pour les présidents et vice-présidents, et pas pour les membres du conseil.

Nous avons eu une longue discussion aussi sur le caractère équitable de la représentation au conseil, particulièrement l'action positive concernant les femmes. On n'en fait pas mention dans le projet de loi. Nous avions dit que la composition linguistique et le caractère équitable étaient des éléments importants, mais le projet de loi est muet là-dessus. Lorsque nous avons exprimé nos réserves à ce sujet, on nous a répondu essentiellement que, bien sûr, le gouvernement y verrait et que, bien sûr, c'était déjà la position officielle du gouvernement. Eh bien, si le gouvernement a pris position à ce sujet, il n'y a aucune raison de ne pas le mentionner. On pourrait ainsi enrichir le projet de loi ainsi que la loi.

Il y avait consensus aussi sur le décalage des nominations, et le projet de loi est muet à ce sujet.

Nous nous étions entendus pour que l'on ajoute à la loi une disposition obligeant un employeur à accorder un congé sans solde. Encore là, il y a eu une longue discussion à ce sujet, étant donné, entre autres, qu'on aboutit avec des retraités dans certains cas. Et nous avons pensé, pourquoi ne pas avoir des gens des deux côtés qui sont issus du domaine des relations industrielles, du patronat ou des syndicats, et s'assurer qu'ils obtiennent un congé sans solde pour siéger au conseil?

En accord avec le mémoire de l'ETCOF, nous tenons à répéter qu'il y avait consensus pour que les présidents et vice-présidents soient nommés à plein temps et qu'ils résident dans la région de la capitale nationale. Le groupe de travail a recommandé que les vice-présidents à temps partiel n'aient aucune obligation de résidence, et c'est ce que prévoit le projet de loi.

.1715

Enfin, nous avions fait plusieurs recommandations au sujet de la production de documents sans audience officielle et au sujet d'un processus pré-audience avant les audiences officielles. Le groupe de travail était essentiellement d'accord avec ces propositions, mais le projet de loi n'en fait pas vraiment état, particulièrement pour ce qui concerne la pertinence des documents et la représentation des parties.

En résumé, nous croyons que le comité devrait proposer des amendements qui tiendraient davantage compte du consensus entre le patronat et les syndicats, ainsi que des recommandations du groupe de travail. Il ne s'agirait pas là de modifications importantes, et vous pourriez aisément proposer des amendements en ce sens qui auraient notre soutien.

Il est cependant une modification qu'on propose à la section II du code qui nous préoccupe un peu. Le nouvel article 7 contient l'article 18.1, et il s'agit apparemment d'une tentative visant à clarifier les pouvoirs du conseil. Nous craignons que le projet de loi n'aille trop loin dans la mesure où il permettra aux employeurs d'empiéter sur le droit qu'ont les travailleurs de choisir leur propre négociateur et dans la mesure où il permettra au conseil d'intervenir dans la négociation collective. Nous croyons que le comité doit examiner ce nouvel article en gardant à l'esprit le fait qu'il pourrait entrer en conflit avec le préambule à la partie I et à l'article 8 sur les «libertés fondamentales».

On vous a sûrement dit que les travailleurs de remplacement posent un gros problème au mouvement syndical canadien. C'est l'un des domaines auxquels l'ETCOF et nous-mêmes n'avons pas consacré beaucoup de temps. Je pense que nous y avons consacré une trentaine de minutes, et nous avons tout de suite vu qu'il n'y aurait pas consensus. D'ailleurs, lorsqu'on exerçait des pressions au groupe de travail Sims, on nous répondait constamment: «personne n'a rien proposé de neuf...», «on ne peut pas obtenir l'accord des deux parties...», ou «votre position est trop polarisée». Donc, encore une fois, nous allons vous dire pourquoi nous favorisons l'interdiction des travailleurs de remplacement.

Les opposants aux travailleurs de remplacement font généralement valoir des arguments d'ordre économique. Nous sommes d'avis que l'expérience des lois antiscab ou sur les travailleurs de remplacement au Québec et, pendant quelques temps, en Ontario et en Colombie-Britannique, n'a fait que consolider nos arguments. D'ailleurs, lorsque la Loi 40 était en vigueur en Ontario, on a vu après sa mise en oeuvre qu'il y avait eu peu d'arrêts de travail, que les syndicats avaient fait preuve de modération à la table de négociation et que les piquets de grève avaient été pacifiques. En outre, dans l'année qui a suivi l'adoption de la Loi 40, il y a eu croissance économique en Ontario de 5,5 p. 100 du PIB, soit le plus élevé du G-7. À la fin de 1994, près de 170 000 emplois avaient été créés. Aujourd'hui, à cause de la Loi 7 et de la révocation de la Loi antiscab, le recours aux travailleurs de remplacement est en hausse et les relations syndicales-patronales se détériorent.

Il n'est pas nécessaire de regarder très loin de cet immeuble pour voir qu'on utilise des briseurs de grève. En fait, je devrais dire que je suis fermement convaincu de la complicité du gouvernement qui appuie l'interdiction du recours aux briseurs de grève en utilisant dans la grève des travailleurs Bradson, pour en fait assurer la sécurité des immeubles du gouvernement fédéral.

La province qui a la plus vieille disposition interdisant le recours aux briseurs de grève est le Québec. Les règlements salariaux n'indiquent nullement que cette disposition a créé un déséquilibre du pouvoir de négociation. L'augmentation des salaires de base prévue par les conventions collectives au Québec n'a été supérieure à la moyenne canadienne qu'au cours de six des 17 années qui ont suivi l'adoption de cette disposition. Il n'est peut-être pas étonnant que le membre québécois du groupe d'étude, Rodrigue Blouin, ayant observé directement l'expérience dans sa province, ait été le membre qui a publié un éloquent rapport minoritaire en faveur de cette interdiction.

Le paragraphe 42(2) du projet de loi C-66 ajoute un paragraphe 94(2.1), qui est axé sur la proposition «dans le but de miner la capacité de représentation d'un syndicat». Personne ne sait comment cette proposition serait interprétée par le conseil, peu importe ce que la Chambre de commerce vous dit. Ce paragraphe doit être mis à l'essai. Le projet de loi n'est pas en vigueur. Il n'y a eu aucune pratique déloyale présentée dans le cas des travailleurs de remplacement. Je pourrais interpréter cette disposition, mais je n'ai aucune idée si le conseil serait d'accord avec moi. Les rédacteurs du projet de loi ne le savent pas non plus.

Pour ma part, je mettrais cette disposition à l'essai pour n'importe quel travailleur qui est membre d'une unité de négociation. À mon avis, chaque fois qu'on fait appel à des travailleurs de remplacement, cela compromet la capacité de représentation de l'unité de négociation. Cependant, tous ceux qui ont quelque chose à voir avec cette disposition nous disent que ce n'est pas ainsi qu'elle doit être interprétée. Nous verrons ce que dira le conseil. Si on lui avait demandé son avis, la disposition aurait sans doute été rédigée différemment.

.1720

Nous pouvons parler de la préoccupation - vous voudrez peut-être en parler - selon laquelle le recours aux briseurs de grève prolonge les grèves et les rend plus dures. Je ne pense pas que quiconque soit en désaccord avec cela. Il y a sans doute davantage de grèves et certainement davantage de lock-out. La plupart des conflits de travail dans cette ville à l'heure actuelle, en fait - je dois ajouter qu'ils relèvent tous de la compétence provinciale - sont des lock-out et l'on recourt à des briseurs de grève. Les briseurs de grève étaient en place même avant le déclenchement du lock-out. Dans le conflit actuel d'Air Ontario, qui relève de la compétence fédérale, dès que l'unité de négociation a avisé l'employeur du vote de grève, ce dernier a fait de la publicité dans les journaux pour embaucher des travailleurs de remplacement.

Il ne s'agit pas uniquement de maintenir l'économie de l'entreprise. Lorsque aucun effort n'est fait pour retourner à la table de négociation après un vote de grève et que l'on prend immédiatement des mesures pour embaucher des travailleurs de remplacement, cela va beaucoup plus loin tout simplement maintenir les activités de l'entreprise. Cela accroît la confrontation et la violence sur les lignes de piquetage, nuit à la libre négociation collective et crée des problèmes tels qu'il est encore plus difficile de résoudre le conflit. Nous supplions donc le comité d'examiner encore une fois cette question, et plus particulièrement de lire le rapport minoritaire Blouin, qui fait partie du rapport du groupe de travail Sims.

En ce qui a trait à la procédure d'accréditation, l'un de nos problèmes était les longs délais. Nous sommes d'avis que le projet de loi corrige ce problème dans une certaine mesure. Il y a trois éléments du projet de loi qui auront, nous l'espérons, un effet positif sur la situation. Il s'agit du paragraphe 14(3) - formation d'un seul membre, qui accélérera le processus - je suis à la page 7; de l'alinéa 14.2(2) - délai applicable à la prise de décision de la formation, qui accélérera également le processus; et du paragraphe 99.1 - accréditation automatique. Pour ce qui est de celle-ci, nous croyons que le conseil devrait être habilité à accréditer un syndicat sans qu'il soit nécessaire que le conseil reconnaisse une «attente vraisemblable» s'il constate une pratique déloyale de travail qui revient à une entrave faite par l'employeur à la capacité de déterminer la volonté du personnel.

Nous devons ajouter, comme nous le faisons, que la condition dans laquelle les gens doivent verser 5 $ pour signer une carte est absurde. Il n'y a absolument aucune raison d'imposer une telle chose. Je ne comprends pas vraiment pourquoi on a gardé une telle disposition, mais nous savons d'où elle vient. Cela remonte à la campagne de syndicalisation Eaton dans les années 1940. Personne ne devait verser quoi que ce soit jusqu'à cette campagne de syndicalisation d'Eaton. Les gens s'inscrivaient et la plupart étaient prêts à se joindre à un syndicat lorsque Eaton a réussi à faire du lobbying auprès du gouvernement pour qu'il adopte une loi obligeant les gens à payer 1 $ alors qu'ils avaient déjà accepté d'adhérer au syndicat. Les organisateurs ont donc dû recommencer leur campagne de syndicalisation en demandant cette fois-ci aux travailleurs de verser 1 $, et naturellement, ce fut un échec. Cette disposition selon laquelle les travailleurs qui signent une carte d'adhésion doivent prouver leur intégrité en versant 5 $ me dépasse vraiment.

Cela ne semble peut-être pas être un point important, mais étant donné la situation actuelle de l'économie et de la main-d'oeuvre, bon nombre de gens qui adhèrent n'ont en fait pas les moyens de payer 5 $. Les plus nouveaux membres des syndicats sont les moins rémunérés au pays. C'est pourquoi ils adhèrent à des syndicats. La plupart gagnent le salaire minimum.

En ce qui concerne les obligations du successeur, nous aurions aimé des dispositions plus fermes. Nous considérons que le projet de loi comporte des lacunes lorsqu'il stipule que seuls les salaires, la rémunération, restent les mêmes.

Il y a un certain nombre d'autres questions, mais puisque j'ai tendance à parler beaucoup, je vais m'efforcer d'être brève.

Outre les quatre priorités dont je viens de traiter, il y a des éléments du projet de loi C-66 que nous appuyons sans réserve. Je pense qu'il est important de le souligner, car c'est très rare, lorsque je me présente devant un comité parlementaire, que je puisse appuyer quoi que ce soit. C'est agréable de pouvoir le faire. Mais il y a d'autres éléments qui nous inquiètent, et nous croyons que ce sont des questions dont il faudrait traiter.

Dans la première catégorie, au paragraphe 26.1 - exigence d'un motif raisonnable/arbitrage, 67(6) , pouvoirs de l'arbitre quand les conditions des alinéas 89(1)a) à d) sont réunies, ces paragraphes témoignent du consensus patronal-syndical. Le paragraphe proposé 29(1.1) - employés ne faisant pas partie d'une unité de négociation engagés ou affectés après que l'avis de négocier a été donné si cette unité est en grève ou en lock-out. Le paragraphe proposé 70.1 - service fédéral de médiation et de conciliation, service qui demeure un élément distinct. Ce paragraphe témoigne du consensus patronal-syndical, comme la conciliation à une étape. Nous en avons beaucoup parlé. Les gens veulent passer à la négociation. Ils ne veulent pas qu'il y ait de retard, ils ne veulent pas qu'il y ait toute une série d'étapes. Ils veulent être en mesure de choisir l'étape, de décider de régler, de faire la grève ou de déclencher un lock-out, selon le cas.

.1725

Nous sommes d'accord pour une durée de deux ans de la première convention collective, et nous appuyons de toute évidence le rétablissement du personnel dans ses fonctions après une grève ou un lock-out. Cela reflète le consensus patronal-syndical, et s'il y a ici quelqu'un de l'Alberta, vous vous rappellerez les problèmes incroyables qu'il y a eu après la grève à Gainers au cours de laquelle des travailleurs de remplacement avaient été embauchés. Vous n'êtes pas aussi âgé que moi et vous n'êtes pas de Terre-Neuve, mais vous vous rappellerez peut-être la grève d'Eastern Provincial Airways, qui a duré trois ans. En fait, il a fallu que le conseil statue. Lorsque la grève a été réglée, les travailleurs de remplacement voyageaient dans la cabine avec les pilotes et les premiers officiers, ce qui a causé un problème de sécurité incroyable, et le conseil a dû trancher la question. Cette disposition est donc tout à fait logique.

Nous appuyons la communication avec les personnes travaillant à distance, et nous pensons que cela reflète la nouvelle main-d'oeuvre émergente. Bon nombre de gens au Canada ne travaillent plus à l'usine ou dans des bureaux - certains par choix et d'autre pas - mais travaillent en fait à la maison. Nous croyons que cela reflète la nature changeante du lieu de travail et comme pour tout autre lieu de travail, les syndicats devraient y avoir accès.

La catégorie des éléments qui nous préoccupe... L'accréditation de l'industrie du débardage et d'autres secteurs - nous ne savons pas ce que signifient les mots «véritablement actifs», mais j'imagine que les représentants des débardeurs vous en ont parlé ce matin. Pour ce qui est de la révision de l'unité de négociation, à l'article 45 qui est proposé, le fait de permettre une révision sur demande de l'employeur peut donner lieu à une ingérence de la direction dans les relations entre les travailleurs et les travailleuses et les syndicats.

Les préavis de grève/lock-out - il ne devrait pas être nécessaire de donner un préavis. Nous sommes d'avis qu'une fois que les gens ont suivi le processus de négociation, qu'ils ont suivi les étapes de la conciliation, ils devraient pouvoir exercer leur droit de grève. S'ils choisissent l'étape d'une formation de conseil, il y a des délais qui s'appliquent.

Nous craignons que lorsque la station de travail est mobile, par exemple dans le cas d'un navire, s'ils donnent un avis de 72 heures, il n'y aura peut-être personne pour faire la grève au moment voulu, ce qui, naturellement, n'a aucun sens pour une loi qui de toute évidence appuie le droit de grève d'un travailleur.

Le scrutin secret pour décider d'une grève crée la possibilité que des votes de grève multiples soient exigés, si la grève n'est pas déclenchée dans un délai de 60 jours. Lorsque nous avons posé la question, on nous a dit que certains syndicats attendent deux ans pour donner suite à un vote de grève. Je trouve cela plutôt inhabituel. Il me semble que si l'on a vote de grève et que la grève n'est pas déclenchée dans un délai de 60 jours, il est probable que l'on retournera à la table de négociation. Pourquoi attendre? Si l'on veut faire la grève, aussi bien la déclencher. Il n'est pas très logique d'être obligé de voter tous les 60 jours.

L'alinéa proposé 87.3(4) - Demande de déclaration d'invalidité du vote, pourrait être sujet à interprétation. Le projet de loi veut maintenir un certain équilibre - s'il y a une association, l'employeur doit tenir un vote de lock-out et les travailleurs doivent tenir un scrutin secret de grève. Il semble que cette disposition pourrait être interprétée de façon à ce qu'un employeur puisse contester un vote de grève. C'est peut-être une question d'interprétation, et c'est pourquoi nous aimerions que ce point soit éclairci. Je veux que nous puissions contester le vote secret de lock-out de l'association de l'employeur. Je veux savoir où se tient ce vote. Si cela signifie que l'une ou l'autre partie peut contester la validité du scrutin secret, alors je peux vous garantir que nous allons la vérifier. Nous aimerions avoir des précisions.

Le maintien de certaines activités - nous croyons qu'il s'agit d'un élément très important du projet de loi. Je pense que ce que l'on a fait ici est très important et traduit bien le respect pour les deux parties dans un processus de négociation collective. Nous croyons que les parties devraient avoir l'occasion de conclure une entente quant à l'exécution. Il s'ensuit que nous croyons que toute révision d'ordonnance en vertu de l'article 87 devrait être renvoyée en premier lieu aux parties.

J'étais très satisfaite de cette disposition du projet de loi jusqu'à ce que j'arrive au huitième paragraphe. Ce paragraphe stipule essentiellement que les parties décideront quelles activités seront maintenues pendant une grève. Il existe de nombreux précédents d'une telle situation au Canada, et en fait les syndicats et les employeurs peuvent réellement en arriver à une entente - les travailleurs des soins de santé, les services d'urgence, les techniciens de laboratoire. Tout cela a été fait.

Cette disposition dit que si les parties ne peuvent pas se mettre d'accord, c'est le conseil qui tranche. Nous acceptons cela. Si les parties ne peuvent pas s'entendre, alors le Conseil doit décider des activités à maintenir.

.1730

Tout cela est très bien, mais on dit par la suite que si le ministre n'est pas satisfait ou que si l'une ou l'autre des parties n'est pas satisfaite, la question est renvoyée au Conseil. On dit que les circonstances doivent le justifier, et ainsi de suite, mais je crois que s'il y a un problème avec l'une ou l'autre partie, l'affaire doit être renvoyée de nouveau devant les deux parties. Cela est très important.

Cela est également très important, je pense, pour les bonnes relations entre les parties. Il s'agit de l'intégrité des deux parties, et je pense que cela fait une grande différence pour le public en général de voir ce genre de choses. Je suis convaincue que les deux parties peuvent s'entendre. Il n'est pas nécessaire d'avoir une double vérification et de faire intervenir le conseil de nouveau.

La troisième catégorie est celle des éléments qui, à notre avis, sont absents du projet de loi. Je ne sais pas combien d'entre vous étaient là à l'époque de Harvie Andre, mais nous avons passé trois ans en consultation sur la partie III, les normes minimales. Nous avons suivi tous les processus. Le ministère de la Justice avait rédigé tous les amendements et le ministre du Travail était prêt à aller devant la Chambre lorsque le ministre Andre a décidé qu'il voulait coincer les travailleurs postaux. Il a donc entendu parler de cette mesure législative obscure en Ontario, selon laquelle le ministre pouvait intervenir et ordonner un vote. Je sais que cela est vrai - il a forcé le ministre du Travail... puisqu'il ne pouvait inclure cela à la partie I, il l'a fait inclure dans les amendements à la partie III. Nous avons fait énormément de pressions contre l'adoption d'une telle mesure à l'époque et nous continuons de nous y opposer fermement. Dommage que nous n'ayons pas examiné l'article 107 au cours des consultations. Nous aurions peut-être alors fait quelque chose à ce sujet.

L'abrogation de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique - vous avez déjà entendu l'Alliance de la Fonction publique du Canada. Pour une raison ou une autre, à bien des égards on a décidé que les travailleurs de la Fonction publique étaient différents des travailleurs du secteur privé. Nous sommes d'avis que tous les travailleurs devraient être assujettis à la même loi.

En conclusion, pendant la première réunion patronale-syndicale du groupe d'étude, Sims a décrit trois convictions partagées par les membres: l'actuelle partie I du Code canadien du travail est encore utile aux parties intéressées; il faut penser à la stabilité et c'est pourquoi il n'est nécessaire, ni souhaitable de modifier le Code de façon radicale; et le consensus entre les parties est la meilleure base des décisions sur les modifications législatives.

Par la suite, le CTC a demandé au groupe d'étude de produire un rapport équitable reconnaissant la réalité et la valeur des syndicats et fondé sur le consensus établi entre le mouvement syndical et le patronat. Le rapport du groupe d'étude a essentiellement fait écho aux convictions susmentionnées et répondu à notre demande, à l'exception notable du traitement de la question du personnel de remplacement. Le projet de loi C-66 a essentiellement pour effet de continuer sur la lancée pragmatique du groupe d'étude.

Dans ce mémoire, nous avons appuyé certaines parties du projet de loi et proposé des améliorations à d'autres. Les parties qui ont pris part au processus d'établissement du projet de loi ont investi beaucoup de temps et d'énergie dans celui-ci. Nous exhortons le comité à respecter ce processus en apportant toutes les améliorations possibles au projet de loi dans les plus brefs délais. Il serait regrettable que nos efforts et ceux de nombreux autres intervenants soient frustrés par l'annonce d'élections qui laisseraient le projet de loi en plan à l'ordre du jour de la Chambre.

Ce mémoire est présenté respectueusement au nom du Congrès du travail du Canada par Robert White, Dick Martin, Jean-Claude Parrott et Nancy Riche - au nom de tous les syndicats affiliés au CTC ayant des membres relevant de la législation fédérale.

Le président: Merci.

Je pense que vous avez toutes les réponses ici.

Nous allons nous limiter à des interventions de cinq minutes, en commençant par le Bloc, suivi du Parti réformiste et de M. Nault pour les Libéraux.

[Français]

Mme Lalonde (Mercier): Merci beaucoup pour cette présentation extrêmement complète, bien appuyée et qui nous sera certainement très précieuse à l'étape de l'étude article par article. Vous savez que le gouvernement veut que nous commencions cette étude lundi prochain.

.1735

Vous avez quatre priorités. Ce à quoi vous tenez davantage, ce sont ces quatre priorités.

Disons que je suis parfaitement à l'aise devant ces priorités. Je dois vous dire que je suis très contente, en particulier, que vous ayez insisté sur le caractère représentatif du Conseil. C'est la première question que j'avais posée au ministre, parce qu'il me semblait qu'on disait que le Conseil était représentatif alors qu'en réalité, les conditions de sa représentativité n'étaient pas là.

En ce qui a trait aux travailleurs de remplacement, nous connaissons les difficultés, mais nous espérons convaincre le gouvernement de mettre ses culottes, comme on dit en français.

Quant à la procédure d'accréditation, nous en avons peu entendu parler au cours des audiences, comme c'est aussi le cas de l'obligation des successeurs. Comme dit M. le président, tout est là, mais pour les fins du comité, pourriez-vous nous répéter les raisons fondamentales qui militent en faveur de ces changements?

[Traduction]

M. Murray Randall (chargé de recherche principal, Service des politiques sociales et économiques, Congrès du travail du Canada): Voulez-vous parler de la procédure d'accréditation ou de l'obligation du successeur?

Mme Lalonde: Oui, et de l'autre - votre quatrième priorité.

[Français]

M. Henri Gauthier (vice-président au recrutement, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier): En ce qui a trait à la procédure d'accréditation, nous sommes favorables à l'accès à de plus amples informations vis-à-vis des employés qui travaillent à la maison ou de façon décentralisée. Également, cette nouvelle technologie affecte les travailleurs et les syndicats dans leur capacité de syndicaliser les employés. Donc, nous favorisons cet aspect.

Mme Lalonde: Les employeurs nous ont répété à plusieurs reprises que cela n'avait pas de sens qu'on donne l'adresse, même l'adresse par Internet, car cela pouvait compromettre la sécurité. Que répondez-vous à cela?

M. Gauthier: En ce qui a trait à la sécurité ou à la vie privée des employés, je ne crois pas qu'il appartient aux employeurs d'être les défenseurs de la foi. Premièrement, en général, ce sont les employeurs qui le font, quand vient le temps de faire de la surveillance électronique dans un milieu de travail. Ils ne semblent pas vouloir, à ce moment-là, défendre la vie des employés au travail. Ils font la même chose dans le cas du dépistage de drogue. Là encore, ils sont en train de s'immiscer dans la vie privée des employés. Nous savons que des détectives privés sont embauchés de temps à autre pour frapper à la porte des employés, parce qu'il y a des employeurs qui ne veulent pas que leurs employés fument. Que pensent-ils à ce moment-là de la vie privée de leurs propres employés? Ils n'ont pas la réputation d'être les défenseurs de la vie privée des employés au travail et à l'extérieur du travail.

[Traduction]

Mme Riche: Je pense qu'il est également important que le syndicat n'ait pas toutes sortes de pouvoirs. Le syndicat ne peut pas tout simplement exiger une liste. La question est renvoyée au conseil qui peut en fait permettre la communication de la liste. Le conseil prendra en considération le respect de la vie privée des gens. Je pense qu'il y a eu une réaction exagérée, comme si un syndicat pouvait entrer dans le bureau du président et dire: «La loi vous oblige à nous donner les noms et les adresses.» Ce n'est pas le cas. Le syndicat doit en faire la demande.

Pour les gens qui travaillent à domicile, particulièrement ceux qui n'ont pas le choix - cela leur donne un lieu de travail et fait en sorte qu'ils sont couverts par le Code du travail, comme n'importe quel travailleur dans une usine d'automobiles. Ils sont traités comme tous les autres travailleurs. Ce n'est pas aussi ouvert que certains employeurs le prétendent.

[Français]

M. Gauthier: Pourrais-je élaborer sur le droit de l'employeur de se prononcer lors des requêtes en accréditation, lors des campagnes de recrutement des syndicats?

.1740

Je crois que le paragraphe 42(1) du projet de loi C-66 fait référence à cela. Je l'ai dit au ministre Gagliano, à Regina, lorsque j'ai fait une intervention au nom de notre syndicat. Je lui ai dit à ce moment-là que, possiblement, tout ce qui devrait exister dans le Code en ce qui a trait à ce que l'employeur aurait à dire quant à un syndicat, c'était tout simplement deux choses: nous n'aimons pas les syndicats et nous n'en voulons pas. Je leur donnerais le droit de dire cela. À part cela, je ne leur donnerais absolument rien, parce que le Code est fait pour favoriser l'accès à la syndicalisation et non pour donner une plate-forme à l'employeur concernant le droit à la libre expression.

Mme Lalonde: Quant à l'obligation du traiteur, on n'en a pas entendu parler, monsieur le président, mais je suis sûre que cela intéresse autant vos collègues.

[Traduction]

Le président: Vous avez dépassé le temps qui vous était alloué, mais allez-y.

Mme Riche: Essentiellement, le projet de loi stipule que le sous-traitant qui soumissionne doit verser le même salaire.

Nous aurions souhaité avoir davantage. En fait, nous aurions voulu que la convention collective, le contrat, demeure en vigueur de façon à ce que dans un processus de soumission, les membres puissent, en fait, garder leur syndicat et leur convention collective ainsi que tous leurs avantages. L'obligation du successeur est très minimale ici, et nous aurions voulu que le projet de loi prévoie une meilleure protection.

M. Johnston: Je vous remercie de cet exposé très détaillé. En fait, il est si détaillé que je n'ai pas vraiment beaucoup de questions à poser.

Mme Riche: Vous êtes d'accord avec tout le contenu, j'imagine.

M. Johnston: J'ai remarqué, cependant, que le fait que le président ne soit pas obligé de vivre dans la région de la capitale vous pose un problème. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

Mme Riche: Le président doit habiter dans la région de la capitale.

M. Johnston: Alors, ce sont les vice-présidents qui ne sont pas tenus d'habiter dans la région de la capitale.

Mme Riche: Oui, les vice-présidents.

Si je me rappelle bien de ce qui a été dit - d'autres voudront peut-être intervenir - c'était en partie pour maintenir la jurisprudence dans un même endroit. Il s'agit d'un code national, d'une loi nationale, et nous voulons maintenir l'égalité plutôt que cela devienne une loi régionale.

Les membres, cependant, résideront dans les régions. Il y aura des membres à temps partiel qui résideront dans les régions et qui apporteront une optique régionale, mais nous avons pensé que tous les membres à plein temps du conseil devraient être ensemble. Nous considérons que le président et les vice-présidents sont les «neutres».

Je ne pense qu'il y aura de l'obstruction si nous n'obtenons pas cela.

M. Johnston: Comme je l'ai dit, votre rapport, votre mémoire, est très détaillé. J'avais certaines questions à vous poser, mais vous y avez répondu au fur et à mesure que vous nous avez présenté votre exposé.

Mme Riche: Je suis venue ici juste pour vous.

M. Johnston: Vraiment? J'en suis flatté.

Des voix: Oh, oh!

Mme Riche: Vous appuyez donc notre position sur les travailleurs de remplacement?

M. Johnston: Non, j'ai bien peur que ce ne soit pas le cas.

Mme Riche: J'ai voulu vous poser la question aux fins du compte rendu.

M. Johnston: Vous n'étiez pas obligée de venir d'aussi loin pour me poser la question, cependant.

Mme Riche: J'aurais pu vous téléphoner ou vous envoyer un courrier électronique.

Le président: C'est le réformiste le plus à gauche.

Mme Riche: Ça devrait alors le mettre à peu près dans la même position que les Libéraux à l'heure actuelle, n'est-ce pas?

Une voix: Ce sont des Canadiens très populaires.

Le président: Monsieur Nault.

M. Nault: Je voulais aborder deux questions. Il y en a une que vous n'avez pas abordée dans votre mémoire. Il s'agit des services aux navires céréaliers. Je serais très intéressé de connaître la position du CTC à ce sujet. Je ne crois pas que vous ayez abordé la question dans votre exposé, à moins que cela m'ait échappé. J'aimerais connaître votre position sur cette question, pour commencer.

L'autre question qui m'intéresse est naturellement celle des 60 jours pour un scrutin secret de grève. Puisque vous avez assisté aux rencontres entre le ministère, les employeurs et les employés, pouvez-vous me donner une idée de la façon dont cela s'est passé? Je serais intéressé de savoir d'où est venue cette période de 60 jours. C'est une question.

Mme Riche: Du ministère.

M. Nault: Du ministère?

Mme Riche: On en n'a pas parlé. Ça ne faisait pas partie de... Non, tout ce que vous voyez ici ne découle pas d'un consensus réalisé lors de la consultation.

.1745

M. Nault: On en n'a donc aucunement discuté?

Mme Riche: Non.

M. Nault: Dans le rapport Sims?

Mme Riche: Je ne m'en rappelle pas. Nous n'en avons certainement pas discuté avec les employeurs.

En toute équité, il faut se rappeler qu'au départ nous n'étions pas censés discuter de tout ce qui a fini par en faire partie. Le gouvernement n'est pas arrivé avec une série de modifications qu'il voulait nous soumettre. Nous avons établi notre programme, et cela n'en faisait pas partie.

Le président: Vous dites qu'on en a peut-être discuté, mais que vous ne vous en souvenez pas?

Mme Riche: Il n'en a pas été question dans les consultations entre employeurs et syndicats.

Le président: Cela s'est retrouvé dans le rapport Sims, mais pas à la suite de discussions.

Mme Riche: Cela s'est retrouvé dans le rapport Sims, mais ce n'était pas à la suite de la discussion qui a mené au consensus.

Le président: Très bien.

Mme Riche: De là à savoir si le groupe de travail Sims en a discuté...

M. Nault: Je veux bien que vous posiez des questions, mais attendez d'abord que j'aie terminé. Je sais que j'ai posé des questions très intéressantes, et maintenant vous vous réveillez. C'est bien.

Je voudrais en savoir davantage au sujet de l'article concernant les 72 heures. Cet article ne concerne guère que les navires. Y a-t-il d'autres secteurs en particulier auxquels vous songez pour lesquels cette disposition pourrait avoir un impact, ou est-ce que cet article vise très spécifiquement ces syndicats et les ports?

Mme Riche: Il s'agit certainement du syndicat affilié qui nous a fait part de cette préoccupation.

M. Nault: Mais pouvez-vous penser à un autre secteur en particulier pour lequel les 72 heures pourraient avoir des conséquences? C'est 24 heures à l'heure actuelle, n'est-ce pas? Est-ce que cela n'est pas dans le code? Y a-t-il quoi que ce soit dans le code?

Une voix: Il n'y a rien.

Mme Riche: Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit dans le code.

M. Nault: Il n'y a rien dans le code.

Mme Riche: Remarquez, ils ont eu 18 mois de conciliation à chaque étape. Il n'y avait aucune disposition prévoyant un scrutin secret dans la loi actuelle. C'est bien. La plupart de nos membres affiliés ont cela dans leurs statuts, de toute façon. Mais il n'y avait en fait aucune disposition prévoyant un vote de grève dans le Code canadien du travail. Les 60 jours et les 72 heures n'ont pas été abordés lors du consensus patronal syndical.

M. Nault: Très bien. C'est à la page 106 du rapport Sims.

Mme Riche: Du rapport Sims.

M. Nault: Voyons un peu...

Mme Riche: Il faut préciser que nous n'avons pas fondé nos discussions sur le rapport Sims.

M. Nault: Exact.

Mme Riche: Nous avons tout simplement participé au groupe d'étude Sims. Nous avons tout simplement fait une présentation au groupe d'étude. Le président Sims a dit qu'il s'inspirerait davantage du consensus. Nous n'avons pas abordé toutes les questions qu'il a abordées.

M. Nault: Oui, et j'ai en quelque sorte compris lorsque j'ai écouté certains des groupes patronaux... Il m'a semblé qu'ils faisaient un tri. Chaque fois qu'une question ne leur plaisait pas, ils ont dit que Sims avait dit ceci ou cela.

C'est ce que j'essayais d'obtenir d'eux. Il y a eu un rapport Sims, il y a eu de nombreuses autres discussions, mais à la fin, on a mis en place un groupe pour trouver un consensus.

Mme Riche: Non. Ce n'était pas à la fin.

M. Nault: Non? Est-ce que c'était au début ou bien à quel moment?

Mme Riche: Cela faisait en quelque sorte partie du groupe de travail Sims. C'est Sims qui l'a demandé. Il tenait réellement à entendre les deux côtés en même temps. Nous aurions pu tous présenter des mémoires à Sims et il aurait pu tirer les conclusions qu'il voulait. Il a demandé que cela fasse partie de sa consultation.

Lors de notre toute première rencontre avec lui, nous avons dit essentiellement que nous avions des points prioritaires. Nous avons dit que nous voulions les aborder. Les employeurs avaient eux aussi des priorités. Nous les avons donc abordées. Le Congrès du travail du Canada a lui aussi comparu séparément devant le groupe de travail Sims. Nos membres affiliés ont comparu devant le groupe de travail Sims.

Il a donc rédigé son rapport à partir de tous ces témoignages. Mais nous n'avons pas participé à son rapport, comme tel; nous n'avons fait que présenter nos points de vue.

M. Nault: J'essaye de comprendre toute cette question des 60 jours. Naturellement, cette disposition provient des codes du travail provinciaux. Elle découle également du fait que bon nombre de gens aiment bien négocier avec des couperets.

Je n'aime pas beaucoup parler de M. Hargrove, parce que, naturellement, cela vous donnera l'occasion de parler de ce dont vous voulez parler, mais ce que je veux dire, c'est que M. Hargrove est réputé pour les négociations de dernière heure.

Or, ces 60 jours créent ce genre de mécanisme pour les travailleurs qui relèvent du gouvernement fédéral. Je suis donc curieux de savoir pourquoi vous vous y opposez alors qu'en fait c'est exactement le genre de scénario que cela créerait pour les travailleurs qui relèvent de la compétence fédérale.

M. Randall: Je pense que vous devez comprendre la position du congrès. Lorsque nous avons travaillé avec ETCOF et le groupe de travail Sims, des représentants de bon nombre de nos syndicats affiliés nous ont informé qu'ils avaient des membres qui relevaient de la compétence fédérale. Le Syndicat national de l'automobile est l'un de ces membres affiliés, mais nous en avons certainement plusieurs autres, dans le secteur ferroviaire et d'autres, qui relèvent de la compétence fédérale.

.1750

Si j'ai bien compris, vous donner à entendre que cette mesure proviendrait de l'expérience de TCA au niveau provincial. Je peux vous assurer que cela n'est pas le cas. Il y avait beaucoup d'autres syndicats qui ont participé au processus dans notre propre groupe de travail interne.

M. Nault: Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je disais qu'au niveau provincial, bien des gens croient que le processus fonctionne mieux quand les négociations sont encadrées par des échéances. Le problème au niveau fédéral, c'est que c'est un peu comme une promenade dans le parc: cela prend trop de temps. C'est justement l'objectif de ces changements que de resserrer tout cela et cette période de 60 jours en est un élément.

J'essaie de comprendre pourquoi, d'une part, vous êtes en faveur de ce resserrement, mais d'autre part, vous ne voulez pas des 60 jours. Est-ce parce que c'est trop court, parce que cela va trop changer la dynamique, que c'est trop contraignant? J'essaie simplement d'avoir une idée de la façon dont tout cela fonctionne.

Mme Riche: Deux choses. Il y a d'abord l'obligation de reprendre le vote. C'est un élément important. Si l'on ne déclenche pas la grève, il faut recommencer le vote.

Dans le cas de la plupart de nos syndicats affiliés, s'il y a un changement important dans l'offre, ils reprennent le vote. Ils recommencent toujours le vote, surtout s'il s'agit de déclencher la grève. Ils vont tenir un vote de ratification.

Qu'arrive-t-il s'il y a un vote de grève, et ensuite 58 jours plus tard, il y a un certain déblocage à la table? Vous vous réunissez pendant cinq jours, mais rien ne bouge. Vous devez alors reprendre le vote de grève. Si l'on se retrouve exactement dans la même situation que 60 jours auparavant, pourquoi voudrait-on reprendre le vote de grève? Voilà notre position.

M. Nault: Bien.

Mme Riche: Mais vous avez posé une question sur les céréales.

M. Nault: Oui. J'y arrive. À moins que quelque chose m'ait échappé, il n'en est pas fait mention...

Mme Riche: Le trouvez-vous là-dedans?

M. Nault: Cela n'y figure pas.

Mme Riche: Je suis certaine que les débardeurs ont dit ce matin qu'ils ont accepté de transporter les céréales en toutes occasions.

Je pense que c'est vraiment important. Je ne connais pas vraiment bien le dossier du débardage, mais je le connais un peu. Je pense que l'une des raisons pour laquelle ils ont accepté d'acheminer les céréales, c'est le lobby extraordinairement puissant que constituent au Canada leurs employeurs. À chaque fois qu'il y a une grève des débardeurs, le législateur les réquisitionne pour que les céréales puissent être transportées. Même les députés du parti que j'appuie l'ont souvent fait, mais je n'en suis pas tellement contente.

Il est évident que telle a été la position. Ce lobby exerce des pressions prodigieuses. En fait, je suis certaine que les débardeurs vous ont dit qu'il leur est impossible dans les faits d'être en grève longtemps. À chaque fois, sans exception, les débardeurs ont accepté d'acheminer les céréales. Nous appuyons l'article 87.7 proposé, ce qui est la position des représentants des débardeurs.

M. Nault: Dans le consensus qui a été établi sur cette question, ne craignait-on pas au CTC ou parmi les syndicats affiliés que ceci puisse constituer un premier pas vers la position défendue par d'autres secteurs, qui clament: pourquoi pas nous; pourquoi pas le charbon; pourquoi pas le bois d'oeuvre?

Mme Riche: Non.

M. Nault: Pas du tout?

Mme Riche: Cela ne faisait pas partie du consensus, non.

M. Nault: Bon, merci.

Le président: Merci monsieur Nault. Au nom du comité, je vous remercie pour votre présentation très complète et très étoffée. Vous avez abordé des questions très importantes et je suis certain que cela nous sera utile pour améliorer le projet de loi.

Mme Riche: Nous sommes bien sûr disponibles pour vous aider quand vous ferez l'étude article par article. S'il y a quoi que ce soit que nous pourrions vous remettre, nous nous ferons un plaisir de le faire.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Johnston.

M. Johnston: Monsieur le président, je regrette de dire que j'ai un autre engagement et que je dois partir.

Le président: C'est bien. C'était bien de vous avoir parmi nous cet après-midi et ce matin. Vous êtes un excellent représentant réformiste.

M. Johnston: Tant mieux. Ça a été fort agréable.

Le président: Nous allons faire une pause, après quoi nous reprendrons la séance.

.1754

.1803

Le président: Mesdames et messieurs, nous reprenons la séance. Nous accueillons M. Winsor, de la Chambre de commerce de Terre-Neuve et du Labrador. Nous accueillons également Mme Duke, de Hospitality Newfoundland and Labrador. Est-ce bien cela? Bien.

Comme vous le savez probablement, vous avez 30 minutes pour votre présentation. Vous pouvez diviser ce temps en 10 ou 15 minutes pour la présentation proprement dite, suivie de 10 ou 15 minutes de questions de la part des députés.

Au nom du comité, je vous remercie beaucoup d'avoir saisi cette occasion de venir nous faire part de votre point de vue sur ce projet de loi. Vous avez la parole.

M. Leonard C. Winsor (président élu, Newfoundland and Labrador Chamber of Commerce): Merci monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, et membres de l'auditoire - qui sont probablement déjà tous partis.

Premièrement, je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui au sujet du projet de loi C-66 qui, nous l'espérons, modifiera la partie I du Code canadien du travail et la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats. Nous, membres de la Chambre de commerce de Terre-Neuve et du Labrador, sommes d'accord avec les changements novateurs apportés à la loi et à l'environnement des négociations collectives qui, semble-t-il, n'ont fait l'objet d'aucune réforme depuis les années 1970.

Toutes les chambres de commerce du Canada, aux niveaux local, provincial, régional et national, ont toujours préconisé que les gouvernements de tous les paliers s'engagent à créer un environnement propice à la croissance économique et à la création d'emplois. Nous sommes d'avis que les révisions et les modifications contenues dans le projet de loi C-66 contribueront, si le projet de loi est adopté, à concrétiser cet engagement au niveau fédéral.

.1805

Quoique toutes les modifications proposées soient nécessaires pour stimuler la croissance économique, l'objet de ma présence ici, aujourd'hui, est essentiellement d'appuyer l'une de ces modifications. Il s'agit de la catégorie des services essentiels, qui vise à obliger les parties impliquées dans un arrêt de travail à maintenir les activités qui sont nécessaires à la santé et la sécurité du public.

En mars 1996, à l'assemblée générale annuelle de la Chambre de commerce de Terre-Neuve et du Labrador, une résolution a été adoptée en vue de faire désigner comme service essentiel le service de traversier entre Sydney-Nord en Nouvelle-Écosse et Port aux Basques à Terre-Neuve, de manière que ce service ne puisse être interrompu en raison de conflits de travail. Cette question et d'autres ont fait l'objet de discussions au cours d'une rencontre entre le cabinet du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador et le conseil d'administration de la Chambre de commerce de Terre-Neuve et du Labrador.

À l'occasion de cette rencontre, le premier ministre de la province a pris l'engagement que son gouvernement appuierait cette politique et que le ministre provincial du Travail en saisirait son homologue fédéral. Cet énoncé de politique a depuis reçu l'aval, avec quelques modifications de forme, de la Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique, à l'occasion de son assemblée générale annuelle tenue à Charlottetown, Île-du-Prince-Édouard, en mai 1996. Le libellé de la résolution a été légèrement modifié et se lit maintenant: «Que les services de traversier interprovinciaux du Canada atlantique soient désignés services essentiels ne pouvant être perturbés par des conflits de travail».

L'argument à l'appui de cette demande est que le service de traversier dans le golfe est en réalité un prolongement de la route transcanadienne. Vous avez déjà entendu cela à au moins deux reprises depuis que je suis présent dans cette salle de comité. Je pose la question: si des travailleurs bloquaient la circulation n'importe où ailleurs le long de la route transcanadienne, les autorités locales le toléreraient-elles?

Un grand effort a été fait en 1990 pour faire déclarer ce service essentiel, mais le gouvernement fédéral de l'époque a refusé de s'engager. La plus grande partie des marchandises qui arrivent dans la province empruntent le traversier du golfe à Port aux Basques. Ce lien de transport vital pour l'acheminement de la nourriture de notre province. C'est également un moyen de transport important pour nos produits manufacturés expédiés vers d'autres marchés. C'est particulièrement vrai de certains produits fabriqués dans la partie ouest de la province.

Dans le secteur du tourisme, dont mon amie vous parlera davantage dans quelques instants, nos entreprises dépendent énormément des voyageurs qui utilisent ce service. Même s'il n'y a pas eu de grève à Marine Atlantique depuis environ 23 ans, la menace de grève est tout aussi nuisible qu'une grève.

Je vais vous donner un exemple concret qui m'a été communiqué par un entrepreneur touristique de la partie centrale de Terre-Neuve. Il dépend beaucoup des voyages organisés en autobus, qui représentent un apport économique important pour beaucoup d'entreprises touristiques de notre province. Or, l'une de ces entreprises a signalé un taux d'annulation de 30 p. 100 des réservations de voyages organisés en 1995. On peut raisonnablement conclure que la menace de grève peut être à l'origine d'une partie de ces annulations. L'effet boule de neige est terrible. Compte tenu de la conjoncture économique actuelle de notre province, toute répercussion négative est intolérable. Ce n'est qu'un exemple parmi bien d'autres des répercussions négatives qui nuisent à l'économie de notre province.

Je voudrais vous en donner des exemples concrets. J'ignore si l'on sera d'accord avec cela, mais à mes yeux, le service est comme le cordon ombilical qui relie le foetus à sa mère. Si le cordon ombilical est rompu ou bloqué, la santé et la survie même du foetus sont menacés. Il en est de même de la santé, de la survie et surtout du bien-être économique des Terre-Neuviens, en cas de perturbation du service de traversier.

En terminant, je tiens à dire que nos gens d'affaires n'ont nullement l'intention de limiter les droits du travailleur au point de mettre en danger son gagne-pain; leur but est plutôt de trouver une solution à l'amiable à cette situation, pour tous les intéressés. D'après ce que j'ai lu au sujet des autres modifications proposées au Code canadien du travail, je crois que tel est également le souhait du gouvernement fédéral.

J'ai inclus trois lettres d'appui que nous avons reçues ces derniers jours.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Winsor.

.1810

Madame Duke.

Mme Cathy Duke (directrice générale, Hospitality Newfoundland and Labrador): Merci beaucoup.

Je suis directrice générale de Hospitality Newfoundland and Labrador, qui est l'association du secteur touristique de notre province. Nous avons actuellement 500 membres. Je ne lirai pas intégralement le texte du mémoire que j'ai remis. Je voudrais vous parler brièvement de l'industrie touristique, après quoi je passerai directement à la page 2 de mon mémoire.

Vous n'êtes pas sans savoir que l'économie de Terre-Neuve a été éprouvée par un certain nombre de durs coups ces dernières années, dont le moindre n'est pas la fermeture de la pêche à la morue du Nord, qui a mis en chômage 25 000 personnes. Depuis quelques années, nous ne ménageons aucun effort pour trouver des moyens de rebâtir notre économie, en tablant sur nos points forts et en mettant l'accent sur les secteurs qui présentent à notre avis le meilleur potentiel de création de richesses et d'emploi.

Les efforts que nous avons déployés, de notre côté et aussi de concert avec le gouvernement fédéral, ont été centrés sur trois principaux secteurs qui nous semblent offrir un bon potentiel de croissance. En plus du tourisme, nous visons l'informatique et l'aquaculture.

Comme vous pouvez le voir, le tourisme est une priorité pour nous et c'est quelque chose de très concret en ce sens que cela donne du travail aux gens qui habitent dans les régions rurales de notre province. Le moment nous semble bien choisi, parce que la population vieillissante est susceptible de s'intéresser aux produits que nous avons à offrir à Terre-Neuve et au Labrador: les balades touristiques, les paysages, les attractions naturelles que nous avons, notamment les icebergs, les baleines, les oiseaux, la chasse et la pêche, et aussi nos sites culturels et patrimoniaux. C'est donc très important pour nous.

L'année dernière, d'après nos statistiques, le tourisme était le quatrième secteur économique en importance dans notre province et représentait 4 p. 100 de notre produit intérieur brut. Il employait 24 000 personnes et compte environ 2 300 entreprises touristiques.

Il faut relever de nombreux défis pour promouvoir notre secteur touristique. Il faut notamment vendre notre produit, faire plus de développement des produits, et perfectionner nos ressources humaines.

Si je vous donne ce contexte, c'est que cela m'amène à vous parler du transport. En effet, le transport est un autre élément clé pour l'effort de notre secteur touristique. Notre produit doit être accessible et abordable et l'on doit évidemment pouvoir se rendre à notre lieu de destination en toute sécurité.

L'un des éléments clé du réseau de transport dans notre province, c'est l'accès par mer. Nous avons un certain nombre de préoccupations importantes relativement à l'accès à notre province par voie maritime, en rapport avec l'essor de notre secteur touristique. Je me reporte maintenant à la page 2 de mon mémoire.

La stabilité est en réalité la principale préoccupation; il est absolument essentiel d'assurer un service maritime stable et fiable en provenance et à destination du Canada continental, mais aussi à l'intérieur de la province. Un service de traversier stable pour nous relier au reste du Canada est vital pour la partie insulaire de notre province. Toutefois, la menace d'une grève chez Marine Atlantique est constante et dissuade beaucoup de touristes de venir dans notre province, car beaucoup décident de ne pas s'aventurer plus loin que Sydney-Nord, en Nouvelle-Écosse, de crainte d'être coincés à Terre-Neuve à cause d'une grève.

Il est vrai, comme M. Winsor vient de le dire, qu'il n'y a pas eu de grève à Marine Atlantique depuis 23 ans, mais la menace d'une grève est aussi nuisible à notre secteur que la grève proprement dite. La convention collective avec Marine Atlantique est renégociée tous les deux ans et les négociations sont généralement assez longues. Les médias du Canada continental donnent généralement passablement de place à la nouvelle d'une grève possible et c'est souvent un facteur déterminant pour les touristes qui songent à venir chez nous. Par ailleurs, il n'est pas rare que des touristes qui viennent dans l'Île se fassent remettre une feuille volante par des employés de Marine Atlantique à Sydney-Nord pour les avertir d'une grève éminente et les mettre en garde quant à l'imprévisibilité du voyage de retour. On a réussi de cette façon à dissuader certaines voyageurs et même des exploitants d'autobus nolisés qui ont décidé de ne pas venir, car ils ne peuvent assumer financièrement le risque d'être obligé de faire revenir leurs passagers de Terre-Neuve en avion et de louer un autre autobus en Nouvelle-Écosse. Les marges de profit des entreprises d'autobus nolisés ne leur donnent pas cette marge de manoeuvre.

Dans un monde idéal, de bonnes relations de travail permettent d'éviter d'en arriver là. Toutefois, la réalité est telle que ce n'est pas toujours possible et il faut donc prendre d'autres mesures pour garantir que de telles situations n'auront pas lieu. Nous recommandons donc que Marine Atlantique et d'autres services de caboteurs privés soient désignés services essentiels ne pouvant être perturbés par une grève et que toute question non résolue soit réglée par résolution d'une tierce partie. Cela ne protège pas l'industrie contre une grève illégale, mais ajoute quand même un élément de protection.

.1815

Je ne lirai pas le reste de mon mémoire cette fois-ci. Je termine simplement en disant que la requête de désigner les services offerts par Marine Atlantique comme services essentiels a déjà été présentée au gouvernement, mais en vain. Les voyageurs doivent pouvoir compter sur un accès abordable et sûr à notre produit touristique. Ils doivent aussi avoir l'assurance que le service sera disponible quand ils en auront besoin.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Duke.

Je vous signale que les parties de votre rapport que vous n'avez pas lues seront également consignées au compte rendu.

Nous passons maintenant à la période des questions et réponses.

Monsieur Ménard, du Bloc québécois.

[Français]

M. Ménard: C'est une journée faste pour Terre-Neuve, parce que nous avons reçu quatre témoins de cette province. On croit comprendre d'où vient l'aimable influence qui s'est exercée.

Dans votre esprit, le fait qu'il y ait dans le projet de loi une mention explicite pour déclarer que les traversiers du golfe sont déclarés services essentiels, fait en sorte que le droit de grève ne peut s'exercer ou, au contraire, vous convenez que c'est compatible avec le droit de grève et que cela doit faire l'objet d'une entente préalable pour assurer les services et établir dans quelle proportion les travailleurs doivent se présenter au travail. Avez-vous pu discuter avec les syndicats des gens qui opèrent les traversiers de la position que vous exprimez aujourd'hui?

[Traduction]

M. Winsor: Pour ce qui est de la première partie de votre question, essentiellement, mon interprétation de «services essentiels» dans ce corridor, c'est que le droit de grève ne doit pas être supprimé, mais il faut qu'il y ait suffisamment d'employés désignés pour que le traversier reste en service. À mes yeux, ce serait un moyen d'assurer un service essentiel.

Quant à la deuxième partie, non, je n'ai absolument pas eu l'occasion de m'entretenir avec les représentants syndicaux à ce sujet.

[Français]

M. Ménard: C'est peut-être une chose qui pourrait être accueillie positivement par l'Opposition officielle, mais avez-vous le sentiment que vous pourriez obtenir le concours des syndicats?

[Traduction]

Mme Duke: Je ne peux pas vraiment répondre à cette question.

Au cours de mes entretiens avec plusieurs cadres de Marine Atlantique j'ai eu l'impression que les relations de travail avaient été un dossier parfois très difficile pour eux. Je ne suis vraiment pas certaine qu'ils pourraient obtenir cet accord. Je ne peux vraiment pas l'affirmer.

[Français]

M. Ménard: Quels sont les éléments du contentieux? Qu'est-ce qui rend le climat de travail difficile, à votre avis?

[Traduction]

Mme Duke: Je suis désolée, je ne peux vraiment pas répondre à la question, parce que je ne connais pas les relations entre les cadres et les employés syndiqués.

[Français]

M. Ménard: D'accord.

[Traduction]

Le président: Monsieur Byrne.

M. Byrne: Je vous suis très reconnaissant d'avoir pris le temps de venir à Ottawa. En fait, vous êtes le troisième intervenant dans ce groupe de témoins sur cette question.

Je suis curieux de savoir pourquoi le comité et, que je sache, le ministère du Travail n'ont pas vraiment été mis au courant de ce dossier précis dans le cadre de consultations antérieures, et pourquoi le comité en est saisi inopinément aujourd'hui. Je suis simplement curieux de connaître les antécédents de tout cela. A-t-on fait des démarches quelconques dans le passé?

M. Winsor: Oui. J'y ai fait allusion dans mon exposé, mais pas de façon détaillée.

Je m'occupe du mouvement des chambres de commerce depuis environ quatre ans, et l'actuel président de la Chambre de commerce de Terre-Neuve et du Labrador m'a dit qu'en 1990, une résolution semblable à celle que nous avons adoptée l'année dernière avait également été adoptée en vue de réclamer que le service soit désigné essentiel. Cette résolution a également été adoptée par la Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique. C'était également la politique officielle de la Commission de transport des provinces de l'Atlantique. Je crois que la résolution avait été présentée au gouvernement par l'entremise du ministère des Transports, parce que le Code canadien du travail ne faisait pas l'objet d'un débat à ce moment-là.

.1820

Ce que nous voulions, en somme, c'est qu'une loi soit adoptée à un niveau quelconque pour en faire un service essentiel, mais comme le Code canadien du travail n'était même pas à l'étude, cela ne pouvait pas se faire au moyen de ce code.

En 1990, je crois qu'il y a eu des discussions sur le transport et c'est pourquoi le dossier a été présenté à ce comité, mais je crois que le gouvernement de l'époque a refusé de s'engager.

M. Byrne: Ce n'est donc pas la première fois que la question est soulevée, c'est simplement qu'on ne l'a pas fait dans le cadre du Code canadien du travail. Vous recherchiez une protection quelconque au moyen d'un instrument autre que le Code canadien du travail.

M. Winsor: Je crois que c'est ce qu'on envisageait en 1990, et je suppose que les gens qui pilotaient le dossier ne s'étaient pas rendu compte qu'il fallait plutôt passer par le Code canadien du travail.

M. Byrne: Puis-je poursuivre, monsieur le président?

Le président: Absolument. Allez-y.

M. Byrne: Je trouve très intéressant que des employés, de leur propre chef... Vous avez dit dans votre mémoire qu'ils ont distribué des feuilles volantes ou des brochures pour dissuader les touristes de s'embarquer sur le traversier. C'est bien cela?

Mme Duke: C'est ce que j'ai appris en discutant avec des exploitants et des membres de notre association qui ont fait venir des touristes dans la province. Au point d'embarquement, en Nouvelle-Écosse, on les a mis en garde...

M. Byrne: J'insiste sur ce point parce que moi aussi, j'ai entendu parler de cas semblables. Il ne faut pas perdre de vue que c'est un service obligatoire en vertu de la Constitution. En effet, aux termes des modalités de l'union de Terre-Neuve et du Canada, le gouvernement fédéral doit verser une subvention à l'exploitant du service. Par conséquent, du point de vue de l'employé ou de l'agent négociateur, il importe peu que quelqu'un se serve effectivement du service.

Aux termes de l'entente, le gouvernement fédéral doit payer pour ce service. Par conséquent, l'agent négociateur a un certain avantage, j'imagine, parce que... Il peut appuyer ses arguments sur une campagne très agressive visant à détourner ou à décourager la clientèle, sans risquer de voir son employeur faire faillite. L'employeur ne peut pas faire faillite, puisque le service doit obligatoirement être fourni. Agir autrement serait enfreindre les modalités de l'union.

Je pense qu'il importe de signaler ce point à l'attention du comité, parce que c'est justement ce que notre comité recherche: un bon équilibre dans les relations de travail. Le comité et la législation ne prennent pas à la légère toute intervention législative qui crée un déséquilibre entre les droits des employés et les droits des employeurs. Nous prenons cette responsabilité très au sérieux, mais grâce à la recherche que vous avez faite et à ce que vous avez porté à l'attention du comité aujourd'hui, nous savons que c'est un service constitutionnalisé qui ne doit donc souffrir aucune interruption. L'employeur ne peut pas décréter de lock-out.

L'employeur, c'est-à-dire la société d'État fédérale Marine Atlantique, est l'instrument par lequel les autorités fédérales s'acquittent de leur obligation aux termes de la Constitution. À titre de société d'État fédérale, l'entreprise ne peut pas enfreindre une modalité de l'union inscrite dans la Constitution.

.1825

Mme Duke: Absolument. Je trouve que c'est un très bon point. Le service est constitutionnalisé, de sorte que d'une manière ou d'une autre, le gouvernement fédéral a l'obligation de fournir ce service. Comme vous le dites, il doit payer de toute façon.

M. Byrne: Votre association a-t-elle fait des recherches sur la qualité du service ou le niveau du service prévu par la Constitution, ou bien est-ce...

Mme Duke: C'est une question qui préoccupe également notre association. Je ne l'ai pas soulevée aujourd'hui, mais nous avons des discussions en cours avec Marine Atlantique au sujet du niveau de service, en particulier le service à la clientèle, et au sujet de la qualité globale du service, en particulier en ce qui a trait au tourisme.

Nous avons le sentiment que Transports Canada n'a jamais jugé très important le rôle des transports dans le secteur du tourisme, estimant plutôt que son obligation se limite à transporter des biens d'un endroit à l'autre. C'est pourtant tout à fait crucial pour l'essor de notre secteur à Terre-Neuve. Nous espérons que nous pourrons poursuivre nos efforts en vue d'obtenir des améliorations à cet égard.

M. Byrne: Merci, monsieur le président.

Le président: Je vais maintenant redonner la parole au Bloc.

[Français]

M. Ménard: Merci, monsieur le président. Vous êtes très attachant.

Quant à Marine Atlantic, M. Byrne nous disait que c'était une société de la Couronne. Si c'est une société de la Couronne - peut-être que quelque chose m'a échappé - comment se fait-il que ce n'est pas la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique qui s'y applique? Pourriez-vous nous éclairer là-dessus?

[Traduction]

M. Winsor: Je ne suis pas tout à fait au courant de tous les aspects de la présentation syndicale, mais je crois que si c'est une société d'État, il n'est pas nécessaire que ses employés soient représentés par le syndicat de la fonction publique. Ce pourrait être un autre syndicat.

[Français]

Mme Lalonde: C'est peut-être une société de la Couronne de Terre-Neuve.

[Traduction]

M. Nault: Monsieur le président, ce service de traversier relevait du CN, une société d'État, avant d'être privatisé. Il relevait donc du Code canadien du travail, tout comme c'est encore le cas des compagnies de chemins de fer et des réseaux de transport interprovinciaux. C'est ainsi que les services de traversier interprovinciaux relèvent du Code canadien du travail. Peu importe qu'il s'agisse d'une société d'État, c'est normalement ainsi.

[Français]

M. Ménard: Merci.

[Traduction]

Le président: Cela répond-il à votre question, monsieur Ménard?

[Français]

M. Ménard: C'est vraiment très clair, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Nault.

Au nom du comité, je vous remercie d'être venus d'aussi loin que Terre-Neuve pour faire connaître votre point de vue. Je trouve que vous avez soulevé des points très intéressants, des points qui auraient peut-être échappé à l'attention des membres du comité, et nous vous en sommes très reconnaissants. Merci et bon voyage de retour.

M. Winsor: Sur le traversier.

Le président: Cela met fin aux audiences publiques sur le Projet de loi C-66. Nous nous réunirons de nouveau lundi pour l'étude article par article.

M. Ménard: Pas à 9 heures, mais à 9 h 30.

Le président: Nous serons ici à 9 heures et nous vous attendrons jusqu'à 9 h 30. Je ne pense pas que nous commencerions en l'absence de l'opposition.

Y a-t-il consentement unanime pour changer l'heure?

Des voix: D'accord.

Le président: La séance est levée.

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