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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 26 novembre 1996

.1535

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Je vous souhaite à tous la bienvenue à la réunion de cet après-midi. Comme vous le savez, nous étudions le projet de loi C-66, Loi modifiant le Code canadien du travail (Partie I), la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres lois en conséquence.

Nous aurons le plaisir d'entendre cet après-midi les représentants des Employeurs des transports et communications de régies fédérales (ETCOF). Comme nous l'avons dit tantôt, vous aurez environ 15 à 20 minutes pour votre exposé, après quoi nous aurons une période de questions et de réponses. Je vous souhaite la bienvenue à tous et je prie M. Smith de présenter les personnes qui l'accompagnent. Bienvenue.

M. George C.B. Smith (président, Employeurs des transports et communications de régies fédérales (ETCOF)): Merci beaucoup. Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui. Permettez-moi d'abord de me présenter. Je m'appelle George Smith et je suis vice-président aux ressources humaines à la Société Radio-Canada et président du conseil du groupe ETCOF. Je vais demander à mes collègues de se présenter eux-mêmes, en commençant par Frank Pasacreta.

M. Frank Pasacreta (Employeurs des transports et communications de régies fédérales (ETCOF)): Je m'appelle Frank Pasacreta. Je suis vice-président aux opérations de l'Association des employeurs maritimes de la Colombie-Britannique et membre de l'ETCOF.

M. David Olsen (Employeurs des transports et communications de régies fédérales (ETCOF)): Je m'appelle David Olsen. Je suis conseiller juridique adjoint à la Société canadienne des postes et membre de l'ETCOF.

M. Donald Brazier (Employeurs des transports et communications de régies fédérales (ETCOF)): Je m'appelle Don Brazier. Je suis directeur des relations de travail de la Société de chemin de fer Saint-Laurent et Hudson, et j'étais président du groupe des employeurs qui ont participé au processus de recherche d'un consensus avec le Congrès du travail du Canada et les membres du groupe de travail.

[Français]

M. Jean Bédard (Employeurs des transports et communications de régie fédérale (ETCOF)): Je m'appelle Jean Bédard et je suis vice-président de l'Association des employeurs maritimes.

[Traduction]

Mme Laura Kilgour (Employeurs des transports et communications de régies fédérales (ETCOF)): Je m'appelle Laura Kilgour. Je fais partie de l'Association canadienne du camionnage et j'ai participé à la recherche d'un consensus dès le début.

M. Smith: Voici comment nous voulons présenter notre exposé. Je ferai d'abord quelques remarques liminaires afin de placer la position de l'ETCOF dans son contexte et je donnerai ensuite la parole à mes collègues qui traiteront de certaines questions particulières qui nous préoccupent dans le projet de loi. Nous essayerons de nous en tenir au temps que vous avez prévu et nous répondrons ensuite à vos questions.

Je signale que M. Brazier est ici à titre de président du sous-comité de l'ETCOF, mais que nous tous ici avons participé au processus de recherche d'un consensus avec le Congrès du travail du Canada ainsi qu'avec M. Sims et son groupe de travail, et que nous apportons tous cette expérience au comité aujourd'hui.

Je dois vous présenter nos excuses pour ne pas vous avoir remis notre mémoire plus tôt. C'est jeudi dernier que nous avons su que nous comparaîtrions devant le comité. Étant donné que nous devons consulter 17 membres, il nous a fallu du temps pour préparer notre mémoire, mais nous avons fait des efforts pour vous le remettre dans les deux langues officielles et j'espère que cela ne vous dérangera pas trop de l'avoir reçu à l'instant. J'essaierai d'en dégager les faits saillants dans mes remarques liminaires et j'espère que vous lirez le mémoire au complet après notre témoignage.

Or, l'ETCOF représente 17 membres sous juridiction fédérale. Nous avons des membres dans l'industrie aérienne, les chemins de fer, les communications, les transports, le camionnage, le débardage et la radiodiffusion. Nos membres ont environ 400 000 employés. Nous croyons représenter quelque 60 p. 100 des employés sous juridiction fédérale et ces employés sont, en majorité, syndiqués. Nos rapports avec nos syndicats remontent à de très nombreuses années, et dans certains cas à plus d'un siècle.

Notre organisation s'est formée en 1983 et nous avons essayé de combler ce que nous considérions alors comme une lacune dans des situations comme celle qui vous occupe aujourd'hui, c'est-à-dire que les employeurs sous juridiction fédérale n'avaient pas de voix auprès du gouvernement en ce qui concerne diverses parties du Code du travail qui les concernaient. Nous avons formé un groupe.

.1540

Les personnes devant vous aujourd'hui et les membres de notre association sont tous des praticiens. Nous ne sommes pas des lobbyistes. Nous croyons avoir travaillé assidûment avec divers ministres du Travail et divers ministères depuis 20 ans à l'élaboration et à l'amélioration d'un processus de consultation qui nous permettrait de faire comprendre nos préoccupations. Nous avons tenté de créer des méthodes de recherche d'un consensus comme celui qu'a utilisé en fin de compte M. Sims, avec son groupe de travail, pour examiner des questions comme l'important examen de la partie I du Code canadien du travail.

À cause de cela, nous avons été heureux d'avoir la possibilité de participer à l'étude Sims. Depuis 18 mois, nous avons investi des ressources considérables, y compris le temps et l'énergie des personnes présentes ici et aussi de plusieurs de nos membres. Nous l'avons fait parce que nous estimions que c'était la première grande révision de la partie I du Code du travail depuis plus de20 ans, et nous voulions participer à la création d'un code qui tiendrait compte des réalités du monde des affaires d'aujourd'hui.

En outre, dès le début de l'examen, M. Brazier, Nancy Riche du Congrès du travail du Canada et M. Sims nous ont bien fait comprendre qu'un principe directeur s'appliquerait à cette révision, à savoir que le système de négociation collective le plus efficace est celui où les parties peuvent prendre à leur compte une plus grande responsabilité. Cela signifie un minimum d'intervention.

Nous sommes fiers du fait qu'au cours de cette période, on s'est entendu sur plusieurs questions et on a en fin de compte préparé un ensemble de propositions acceptables aux deux parties. On a fait cela au cours d'une démarche qui reflétait bien celle des négociations collectives, que le code régit, en réalité.

Votre tâche et notre tâche aujourd'hui aurait été beaucoup plus simple si le projet de loi avait porté seulement sur les points au sujet desquels on s'était entendu ou pas dans le cadre de l'étude Sims. Nous aurions alors élaboré nos arguments au sujet des points sur lesquels il n'y a pas eu consensus, probablement ceux qui ont trait à des questions d'intérêt public, et vous entendriez les témoignages d'autres parties concernées par ces questions. Toutefois, la réalité est qu'à notre avis, le projet de loi C-66 porte sur quatre catégories de question et nous estimons qu'il est important que vous reconnaissiez ces différentes catégories dans vos délibérations.

La première est la catégorie des questions qui n'ont pas fait l'objet d'un consensus, ce qui est très simple et très clair. Il n'y a pas eu entente entre les parties et c'est nettement une question d'intérêt public qu'il faut traiter dans le cadre du processus parlementaire.

La deuxième catégorie n'est pas tout à fait aussi simple, il s'agit d'une question sur laquelle il y a eu accord entre les parties, alors que le libellé du projet de loi C-66 ne reflète pas à notre avis ce consensus.

La troisième catégorie est celle des questions au sujet desquelles le libellé du projet de loi C-66 va bien au-delà des recommandations formulées par le groupe de travail Sims.

Enfin, et c'est probablement ce qui nous préoccupe le plus, il y a les questions qui n'ont même pas été discutées lors de la recherche d'un consensus et qui se retrouvent maintenant dans le texte du projet de loi. Il n'y a eu aucune possibilité pour nous ou les syndicats de discuter des questions appartenant à cette dernière catégorie. Nous pensons que cela pose un problème important, étant donné toutes les délibérations du groupe de travail.

Vous avez entendu le ministre et les députés ministériels faire l'éloge du processus de recherche d'un consensus et nous le faisons également. Nous croyons que c'est manifestement un exemple d'un investissement de temps et d'énergie qui en valait la peine, d'une manière générale. Cependant, pour que le processus de recherche d'un consensus soit vraiment efficace, nous croyons qu'il faut s'occuper des questions soulevées dans les trois dernières catégories que j'ai mentionnées. Ce sont les catégories au sujet desquelles on n'a pas reflété le consensus obtenu, à notre avis, soit que les recommandations aillent au-delà de celles du groupe de travail, soit que les questions n'aient tout simplement pas été soulevées pendant le processus. Nous vous donnerons plus loin dans notre exposé des exemples illustrant chacune de ces catégories.

.1545

C'est pour cette raison que nous avons demandé au comité, dans une lettre envoyée la semaine dernière, de tenir compte du fait que plusieurs grandes questions ont surgi seulement le 4 novembre, le jour du dépôt du projet de loi, et que c'est seulement à compter de cette date que nous avons pu commencer à analyser de certaines de ces questions.

Étant donné que notre temps est limité, nous soulignerons quelques questions qui nous préoccupent le plus dans chacune de ces quatre grandes catégories. Notre mémoire fait état de toutes nos préoccupations et nous vous encourageons à le lire. Les personnes ici présentes ont toutes participé à la recherche d'un consensus et elles seront heureuses de répondre à vos questions.

Permettez-moi encore une fois de souligner qu'à notre avis, le processus de recherche d'un consensus a généralement bien fonctionné, mais il me semble qu'on nous demande, à la fin d'un marathon auquel nous venons de participer, de piquer un sprint pendant le dernier mille et demi. Il y a peut-être des athlètes olympiques qui peuvent le faire et je les admire, mais en l'occurrence, nous croyons qu'il faut prendre le temps voulu pour bien délibérer de ces questions.

Étant donné que le temps était limité, nous avons essayé de bien cibler nos préoccupations. Nous avons soulevé environ 15 questions et nous vous en expliquerons quatre aujourd'hui. Notre liste est brève et nous espérons avoir bien résumé notre position. Plusieurs de nos membres se réservent le droit de présenter leurs opinions séparément et je crois qu'ils le feront en faisant parvenir des mémoires au comité ou en comparaissant devant vous, mais notre mémoire contient l'essentiel de nos préoccupations.

Nous croyons que votre comité est en mesure de bien examiner ces questions et de préparer un produit qui reflétera vraiment les efforts du groupe de travail Sims et de tous ceux qui ont participé à ce processus de consultation.

Je vais maintenant passer la parole à mes collègues. M. Pasacreta vous parlera de l'une des questions qui entrent dans la catégorie de celles sur lesquelles il n'y a pas eu de consensus et c'est maintenant une question d'intérêt public qui nécessite un débat, à notre avis. Nous ferons ensuite un tour de table et nous identifierons chacun une préoccupation à propos de chacune de ces catégories. Notre mémoire contient d'autres détails sur certaines de ces préoccupations. Nous répondrons ensuite à vos questions.

M. Pasacreta: Merci.

À l'avant-dernière page de notre mémoire, nous exprimons nos préoccupations au sujet de la disposition qui vise à permettre de donner les noms et adresses des employés dont le lieu de travail habituel ne fait pas partie des locaux appartenant à leur employeur. Ces questions que nous soulevons ici ne sont pas les seules qui figurent dans le mémoire, mais ce sont celles qui pouvaient illustrer certaines de nos préoccupations, d'après nous.

Cette recommandation particulière figure aux pages 52 et 53 du rapport du groupe de travail Sims. Le groupe de travail a parlé de rendre possible la divulgation des noms et des adresses, mais il soulevait des préoccupations évidentes, disant qu'il fallait assurer la protection des renseignements personnels et la sécurité des employés au sujet desquels on donnerait des renseignements.

Nous expliquons dans notre mémoire notre préoccupation à cet égard. À notre avis, on n'y répond pas comme il se doit dans le projet de loi. On y laisse au conseil le soin de trouver un moyen de protéger les intérêts de ces personnes, mais sans donner beaucoup d'instructions au conseil à ce sujet. Il aurait été relativement simple de stipuler que le conseil était chargé de confirmer ou de vérifier que les employés concernés ne s'opposaient pas à la divulgation de leur nom ou de leur adresse, et nous suggérons qu'on introduise un libellé à cet égard dans le projet de loi afin de préciser au conseil qu'il lui incombe de confirmer que les employés acceptent qu'on donne leur nom et leur adresse. Nous croyons que des questions risquent d'être soulevées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et peut-être de la Charte des droits, lorsque de tels renseignements sont transmis sans le consentement de l'intéressé.

En outre, les recommandations qui figurent à la page 53 du rapport du groupe de travail mentionnaient que les employeurs pourraient permettre l'accès à ces personnes par un moyen électronique. Nous sommes d'avis que les recommandations portaient sur la communication de renseignements par ce moyen aux travailleurs à distance. On n'y envisageait pas, ou du moins on n'a pas discuté, de la possibilité de donner aux représentants du syndicat accès à des ordinateurs qui leur permettraient de communiquer avec les travailleurs à distance.

.1550

On s'attendait à ce qu'ils aient la possibilité d'assurer ces communications et que cela pourrait se faire facilement en donnant les renseignements voulus à leur employeur et en demandant que l'employeur transmette ces renseignements à ces personnes. Nous vous exhortons à apporter les modifications nécessaires pour donner... [Difficulté technique]

[Français]

M. Smith: Mon collègue, Jean Bédard, vous parlera de la deuxième catégorie.

M. Bédard: La deuxième catégorie que nous avons annoncée tout à l'heure consiste en des changements où un consensus avait été obtenu, mais où les termes utilisés dans la rédaction du projet de loi ne reflètent pas l'esprit du consensus. À titre d'exemple, je vous renvoie au paragraphe 5(1) du projet de loi qui modifie l'article 16 du Code, qui établit les pouvoirs du Conseil.

Selon l'alinéa 16f.1) proposé, on autorise le Conseil, à tout moment des procédures, à obliger une personne à fournir des informations ou à produire des documents pouvant être reliés à une question dont le Conseil est saisi.

Toute la question de l'absence de pouvoir du Conseil d'exiger la production de documents lors de conférences préparatoires a été discutée et réglée dans le cadre de l'exercice qui a conduit au consensus patronal-syndical. On retrouve d'ailleurs le texte du consensus à la page 226 du rapport Sims, dans la version française.

Le rapport précisait que le pouvoir d'exiger la production de documents avant la tenue d'une audience est un élément essentiel d'une procédure équitable, même si elle nécessite certaines précautions d'ordre procédural afin de se prémunir contre les abus. Et c'est là qu'il y a un problème.

On peut lire à la même page du rapport:

On retrouve dans le projet de loi une disposition qui prévoit la production de documents, mais sans inscrire les précautions d'ordre procédural qui permettaient d'obtenir un consensus sur ce sujet.

Je vous réfère au résumé qu'on retrouve du consensus, à la page 226, où il est dit:

C'est pourquoi nous proposons à ce niveau-ci, pour refléter l'esprit du consensus qui a été obtenu, de modifier le texte de façon à ce qu'on retrouve la possibilité de faire des représentations lorsqu'une partie demande à l'autre partie de produire des documents.

La différence entre les deux processus peut être très importante dans des dossiers où des quantités énormes de documents doivent être produits. Le changement que nous vous proposons refléterait à la fois l'esprit de ce qui a été discuté et réglé par le biais du consensus et, en même temps, ce qu'on retrouve dans toutes les dispositions relatives à la procédure de tous les tribunaux administratifs de ce pays.

Merci.

.1555

[Traduction]

M. Smith: J'aurais dû mentionner tantôt que pour plus de facilité, nous suivons l'ordre chronologique dans notre mémoire. L'article dont nous allons parler maintenant concerne l'interdiction relative aux travailleurs de remplacement, c'est-à-dire le paragraphe 94(2). Vous le trouverez vers les deux tiers du document. Don Brazier va vous en parler.

M. Brazier: C'est à la page 20 de la version française du mémoire. C'est un exemple d'un cas où les termes utilisés dans la législation vont au-delà des recommandations du groupe de travail.

La question des travailleurs de remplacement a été examinée par le groupe de recherche d'un consensus et il n'est probablement pas surprenant pour les personnes présentes dans cette salle ou pour n'importe qui dans le milieu des relations de travail au Canada, que nous ne soyons pas parvenus à un consensus à ce sujet. Nous avons essentiellement énoncé nos positions, nous avons eu une discussion, et c'est tout; nous avons cependant discuté d'un certain nombre de questions liées aux droits des travailleurs.

À titre d'employeurs, nous estimions qu'il fallait examiner ces questions et deux autres questions spécifiques soulevées par un groupe de consensus... L'une concernait le droit des employés de retourner au travail après la fin d'une grève ou d'un lock-out - qu'on inscrive cela dans le Code du travail. En outre, une disposition accordant un recours aux employés qui ont fait l'objet de mesures disciplinaires ou d'un renvoi, lorsqu'il n'y a pas de convention collective en vigueur, ce qui est le cas lorsqu'il y a un arrêt de travail - le groupe de recherche d'un consensus a conclu qu'une telle disposition devrait être incluse dans le code du travail.

Nous avons pensé que l'examen de ces questions - le groupe de travail a identifié quelques autres éléments concernant les droits des employés pendant une période d'arrêt de travail - devancerait toute discussion de questions spécifiques concernant le recours à des travailleurs de remplacement. Cependant, le groupe de travail n'a pas jugé bon d'en faire une recommandation et il est juste de dire, je pense, qu'il a proposé une disposition très bien formulée. Elle figure à la page 144 de la version française du rapport du groupe de travail. C'est très bref.

Il y a là deux phrases très importantes qui constituent l'essentiel de la recommandation: «de miner la capacité de représentation d'un syndicat», et la deuxième est «atteindre des objectifs légitimes de négociation». En ce qui nous concerne, les deux vont de pair. Ces éléments représentent l'essentiel de ce que le groupe de travail essayait de réaliser - l'équilibre - et c'était un rapport très équilibré. L'ETCOF a fait part de ses commentaires au ministre après la publication du rapport du groupe de travail. Le gouvernement a cependant jugé bon d'exclure du projet de loi C-66 le deuxième de ces points qui figuraient dans les recommandations du groupe de travail.

À notre avis, le libellé de l'article 94 proposé dans le projet de loi ne reflète pas l'intention spécifique du groupe de travail à cet égard. Il est beaucoup trop général et catégorique. On peut soutenir qu'il interdit l'utilisation de travailleurs de remplacement non seulement dans les situations exceptionnelles envisagées par le groupe de travail, c'est-à-dire lorsqu'un employeur vise à exclure le syndicat, mais aussi dans toute situation où l'on estime que l'employeur a enfreint l'alinéa 94(1)a) du code, qui interdit à l'employeur toute intervention dans les affaires syndicales.

Par exemple, le conseil peut avoir déterminé qu'un employeur est intervenu dans la représentation d'un syndicat, comme par exemple en communiquant à ses employés la dernière offre déposée à la table de négociation, en punissant les représentants syndicaux pour avoir critiqué publiquement une position patronale, en n'accordant pas au syndicat l'accès aux services de messagerie interne et aux babillards de la compagnie et en interdisant le port de macarons du syndicat. Ces incidents sont peut-être graves, mais on pourrait les utiliser pour soutenir que l'employeur a commis une infraction, étant donné le libellé absolu de l'article où il est question de miner la capacité de représentation d'un syndicat.

.1600

Le libellé vague de cet article ne pourra qu'encourager les recours au conseil sur ce sujet controversé. Le Congrès du travail du Canada l'a déjà d'ailleurs annoncé publiquement en disant qu'on pourra argumenter que l'utilisation même de travailleurs de remplacement pourrait constituer une preuve de tentative de miner la capacité de représentation d'un syndicat. On peut être certain qu'un texte aussi vague amènerait une contestation de toutes les situations où un travailleur de remplacement est utilisé. L'ETCOF affirme qu'il est essentiel que l'intention claire du groupe de travail soit reflétée dans le projet de loi.

Nous recommandons que le paragraphe 94(2.1) soit reformulé de manière à refléter les recommandations du rapport du groupe de travail, qui dit:

Merci.

Le président: David Olsen va maintenant parler du nouvel article 60.

M. Olsen: Les amendements contenus dans le nouvel article 60 portent sur les pouvoirs des arbitres. Au cours des consultations, on n'a pas discuté avec les employeurs ou les syndicats des pouvoirs des arbitres. Il s'agit carrément de questions d'intérêt public.

Le modèle général des relations de travail au Canada reconnaît que les grèves et les lock-out seront interdits pendant la durée d'une convention collective à condition qu'il existe dans la convention collective une procédure de règlement des différents par un arbitre ou autrement.

Dans le modèle du secteur privé que le Code canadien du travail régit, on laisse aux parties en cause, les syndicats et les employeurs, le soin d'établir leur propre mécanisme d'arbitrage des griefs et de nommer les arbitres. Le groupe de travail Sims l'a reconnu, en disant à la page 228 de la version anglaise du rapport:

L'ETCOF éprouve cependant certaines craintes au sujet de trois aspects des amendements proposés à l'article 60. Le premier est l'alinéa 60(1)a.1), qui se lit ainsi:

Je voudrais maintenant passer à la page 16 de la version française de notre mémoire. Je m'excuse du fait que les pages de la version française ne sont pas numérotées.

Je voudrais d'abord parler des pouvoirs des arbitres de déterminer la nature du désaccord et de s'attaquer au problème véritable.

.1605

La source première de la compétence d'un arbitre est la convention collective, et la deuxième est le renvoi d'une question à l'arbitrage et le dépôt d'un grief. Les arbitres tiennent aussi leur existence d'une source secondaire, c'est-à-dire la loi, qui établit habituellement les pouvoirs d'un arbitre et la procédure d'arbitrage.

Le projet d'alinéa 60(1)a.1) renverse ce très ancien principe de droit. Il revient à donner à l'arbitre le pouvoir de prendre la décision finale et, ce faisant, d'usurper le pouvoir du syndicat d'énoncer le grief et le pouvoir de l'employeur tel qu'il se manifeste dans sa réponse. Ce pouvoir élargi peut être considéré par les arbitres comme une autorisation générale qui l'emporte sur les dispositions de la convention collective.

Comme je l'ai dit, les parties négocient et règlent un grief dans le cadre des négociations sur l'ensemble de la convention collective. Traditionnellement, du moins jusqu'à présent, les arbitres sont là pour interpréter ce dont les parties ont convenu et qui figurent dans la convention collective. Le fait que les arbitres doivent asseoir leurs décisions sur les termes mêmes de la convention collective, y compris les procédures de grief et d'arbitrage, devrait être très clair. Nous ne pensons pas que certaines difficultés ou pratiques justifient l'élargissement du processus, quelque chose qui aille au-delà des termes dont les parties ont convenu.

La deuxième question, c'est le pouvoir des arbitres de rendre des ordonnances provisoires. Là encore, c'est une chose dont on n'a pas discuté lors des consultations patronales-syndicales, mais les membres de l'ETCOF, n'ont rien contre l'idée que les arbitres puissent rendre des ordonnances procédurales. Ce n'est pas ce que nous contestons dans ce chapitre. Ce qui nous préoccupe, c'est le fait que les arbitres aient le pouvoir de rendre des ordonnances de fond qui vont au-delà de ce qui a été convenu par les parties dans la convention collective.

Plus précisément, on pourrait penser que cet énoncé donne aux arbitres le pouvoir d'accorder des injonctions provisoires. Les tribunaux ont déjà déclaré que les arbitres n'ont pas ce pouvoir, à moins qu'il ne leur ait été spécifiquement conféré par les parties. C'est un pouvoir extraordinaire, et lorsque les tribunaux l'exercent, c'est dans le cadre de limites très précises. D'ordinaire, tout cela est énoncé dans les règles suivies par les tribunaux en ce qui concerne un tort irréparable, les dommages graves, etc.

Nous devons véritablement nous demander s'il est bon d'accorder un tel pouvoir aux arbitres, du moins sans préciser les circonstances dans lesquelles ce pouvoir peut être exercé en faisant une comparaison avec les règles suivies par les tribunaux. Si les parties elles-mêmes souhaitent conférer ce pouvoir aux arbitres, comme c'est le cas dans certaines conventions collectives, il vaudrait mieux qu'elles en décident elles-mêmes et qu'on ne le leur impose pas.

Ma dernière observation porte sur les prolongations de délai. Le projet de loi permettrait aux arbitres de prolonger les délais prévus par les conventions collectives. Dans certaines conventions, les parties se sont mises d'accord sur des circonstances exceptionnelles dans lesquelles il est justifié de prolonger les délais. Toutefois, je pense qu'il serait dangereux de donner aux arbitres un pouvoir aussi général sans fixer certaines restrictions. Une certaine finalité dans le processus d'arbitrage des griefs est nécessaire.

Voilà mes observations, merci.

M. Smith: Monsieur le président, voilà qui constitue un bref survol de nos préoccupations. Vous trouverez dans notre mémoire d'autres observations sur ces quatre domaines, et nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup pour votre exposé. Nous aurons peut-être l'occasion de revenir sur certains points durant les questions. Vous pourrez alors les développer.

Monsieur Nunez.

[Français]

M. Nunez (Bourassa): Je dois mentionner que je ne suis pas membre permanent de ce comité. Cependant, je porte beaucoup d'intérêt à tout ce qui a trait à la législation sociale, particulièrement en matière de droit du travail. J'ai oeuvré pendant 19 ans à la FTQ avant d'être élu député à la Chambre des communes.

.1610

Je vois que le Code canadien du travail a besoin d'une réforme en profondeur, particulièrement sa partie I. Mon expérience m'indique également qu'il n'y a jamais de consensus, dans aucun domaine, entre les employeurs et les syndicats et qu'à un moment donné, c'est le Parlement qui doit trancher.

Je pense que le projet de loi qui est devant nous répond à des choix faits par le gouvernement et que maintenant, c'est le Parlement qui va prendre la décision. S'il n'y a pas de consensus entre les parties, pourquoi le Parlement ne pourrait-il pas se prononcer? Je me souviens qu'au Québec, il y a eu la Commission Beaudry qui a procédé à un examen en profondeur et à une réforme du Code du travail du Québec. Il n'y a pas eu de consensus dans tous les domaines entre les parties, particulièrement dans le domaine des dispositions antiscab.

Je me souviens qu'en 1976, on a beaucoup discuté de cela et qu'en 1977, des dispositions antiscab sont entrées en vigueur. Les employeurs se sont opposés avec beaucoup de vigueur à ces dispositions et je vois qu'au Québec, il y a un changement d'attitude aujourd'hui. On assiste à une paix sociale presque jamais vue au Québec, et les employeurs, qui ont fait de cette question une question vitale pour la survie de la libre entreprise au Québec, sont plutôt satisfaits aujourd'hui de ce qui se passe là-bas.

J'aimerais commencer par poser quelques questions d'ordre général. Vous dites que ETCOF représente environ 60 p. 100 des employés de régie fédérale. Est-ce que vous pouvez nous dire combien il y a d'employés au total et combien de ces employés sont syndiqués?

[Traduction]

M. Smith: Certainement. Pour commencer, permettez-moi de répondre à votre question en ce qui concerne l'absence de consensus.

Notre groupe ne se fait pas d'illusions en ce qui concerne le droit du Parlement de changer le Code du travail s'il le souhaite. Toutefois, après 18 mois de délibérations, on voit se dessiner un certain terrain d'entente entre les parties, et cela, sur des questions très controversées.

Les travailleurs de remplacement en sont un bon exemple. Le processus qui nous a conduit où nous en sommes - ce qui est discutable - est beaucoup plus constructif que la Commission Beaudry qui s'était contentée d'imposer certaines choses aux parties, en dépit des protestations du public. Dans ce cas, bien qu'il y ait eu absence de consensus, d'importantes concessions ont été faites par les deux parties.

Au départ, l'employeur voulait le droit sans réserve de faire appel à des travailleurs de remplacement. Quant au syndicat, il pensait qu'aucune situation ne devait justifier le recours à des travailleurs de remplacement.

Après débats et discussions, un groupe de travail a fait une proposition qui prévoyait le recours à des travailleurs de remplacement dans des circonstances limitées. Cette solution éviterait le genre de situations publiques qui avaient attiré l'attention sur cette question au départ, des cas de violence, et même parfois de décès, mais il s'agit là d'une infime minorité de cas.

Même en l'absence de consensus, les deux parties ont estimé avoir accompli quelque chose.

.1615

Je vous réponds donc que le Parlement possède incontestablement ce droit, mais il me semble que les efforts consacrés à une entente par les deux parties seraient perdus si l'on permettait au Parlement de faire fi de tout ce processus, en ne tenant pas compte d'un compromis auquel les parties elles-mêmes sont parvenues et dont elles ont annoncé publiquement les termes.

Quant au nombre exact de nos membres, je ne pense pas qu'il figure dans notre mémoire, mais je peux certainement vous fournir un supplément d'informations. Vous trouverez à la page 2 la liste des 17 compagnies que nous représentons. D'après les documents les plus récents que j'ai vus, nous représentons environ 368 000 personnes. Comme vous le voyez, plusieurs de nos membres sont des associations, et il est donc difficile de déterminer exactement combien de gens sont représentés.

De plus, vous trouverez à la page 3 une liste des employeurs qui sont membres associés de l'organisation.

Je peux faire parvenir au comité une liste détaillée de toutes les compagnies et le nombre total que cela représente.

[Français]

M. Nunez: À combien évaluez-vous le nombre d'employés couverts par cette partie du Code canadien du travail?

M. Smith: À presque 70 p. 100.

M. Nunez: Vous en représentez 70 p. 100? Mais le chiffre que nous avons, c'est qu'il y a environ 700 000 travailleurs couverts par le Code canadien du travail et vous dites que vous en représentez 360 000. Alors, ce serait un peu moins de la moitié.

[Traduction]

M. Smith: Dans le cas de plusieurs associations que nous représentons, nous avons choisi de ne pas vous donner leur nombre total, car il nous a semblé que cela pouvait introduire des distorsions.

[Français]

C'est possible.

M. Nunez: Si vous ne donnez pas les chiffres, on ne peut pas évaluer le degré de représentativité de votre association.

M. Smith: Je vais vous donner le nombre total.

M. Nunez: D'accord.

[Traduction]

Le président: Monsieur Nunez, votre temps est écoulé.

M. Nunez: D'accord.

Le président: Et 400 000 personnes, cela fait tout de même beaucoup de monde.

Monsieur Johnston, je vous en prie.

M. Johnston (Wetaskiwin): Merci, monsieur le président.

Merci pour un exposé particulièrement exhaustif.

L'un d'entre vous a dit qu'on avait trouvé un certain terrain d'entente. Le ministre avait justement pour objectif de trouver un juste milieu d'équilibre. Avez-vous l'impression qu'on aurait intérêt à prolonger l'étude de ce projet de loi, à prévoir d'autres audiences?

Vous nous apportez un grand nombre de recommandations. Avez-vous l'impression que les choses vont trop vite, qu'il serait préférable de ralentir, et si oui, quels seraient les avantages?

M. Smith: Pour commencer, il y a un certain nombre de nos recommandations qui sont des recommandations de procédure, ou d'énoncé, et auxquelles on pourrait donner suite assez rapidement.

Par contre, il y a d'autres questions, en particulier celles qui ont été mentionnées par M. Olsen, dont nous n'avons pas eu le temps de discuter. C'est pour ces questions-là que nous aimerions une prolongation des délais ou du débat. Nous n'avons aucun intérêt à retarder l'adoption du projet de loi. Nous avons investi beaucoup de temps et de ressources, mais comme je l'ai dit, on pourrait remettre en question tout ce qui a été fait en piquant un sprint à quelques milles de l'arrivée.

Cela dit, certaines de ces questions pourraient être réglées au moyen de consultations. Lorsque les syndicats comparaîtront, j'imagine qu'ils auront des préoccupations comparables au sujet de l'arbitrage. Ce ne seront peut-être pas les mêmes préoccupations, mais l'arbitrage est au coeur même de nos relations quotidiennes de travail, et en l'excluant du processus de consultation, on crée de sérieux problèmes.

.1620

Pour répondre à votre question, je pense qu'on pourrait régler un grand nombre de ces questions rapidement. Dans d'autres cas, nous pensons qu'une prolongation du débat serait extrêmement utile.

M. Johnston: D'accord. En ce qui concerne les services essentiels, pensez-vous qu'il serait bon de préciser un peu plus ce qui constitue un service essentiel? J'imagine que cette définition et les circonstances dans lesquelles on peut faire appel à des travailleurs de remplacement dépendront de la constitution du conseil, ou du moins des décisions de cet organisme.

Est-ce que ces dispositions vous satisfont, ou bien préféreriez-vous plus de détails dans ces domaines? Par exemple, en quoi consiste un service essentiel, et quelles circonstances pourraient être considérées comme une action antisyndicale?

M. Smith: Nous n'en avons pas parlé dans notre mémoire, mais M. Brazier, le président de notre sous-comité qui a participé à ces discussions, va vous répondre.

M. Brazier: Pour commencer, en ce qui concerne les services essentiels, l'énoncé du projet de loi est très explicite. Tout ce qui pourrait mettre en cause la sécurité et la santé du public est considéré comme un service essentiel. Je n'ai pas le projet de loi ouvert à la bonne page, c'est quel numéro, Frank? Voilà la référence, le projet d'alinéa 87.4(1):

Il serait difficile d'être plus spécifique. Apparemment, les auteurs du projet de loi ont voulu s'assurer que cette disposition liée à la sécurité et à la santé du public ne s'appliquera que dans des situations très précises.

Nous savons que ce type de disposition existe dans les lois provinciales, mais la situation est un peu différente dans les provinces, puisqu'il est question des pompiers, par exemple. Ce genre de chose ne figure dans la législation fédérale que pour les Territoires du Nord-Ouest ou les territoires. Évidemment, avec la privatisation de certains services, ce pourrait être le cas des aéroports, et de telles dispositions sont peut-être nécessaires aujourd'hui.

Franchement, nous ne pensons pas que ces dispositions soient invoquées très souvent, en tout cas, pas aussi souvent que dans les juridictions provinciales. Comme M. Smith l'a dit, si nous n'en avons pas parlé, c'est que nous n'avons pas jugé cela particulièrement utile.

En ce qui concerne l'énoncé du projet d'alinéa 87.4, l'ETCOF est satisfait de cet énoncé, qui nous semble suffisamment spécifique.

Quant aux travailleurs de remplacement, et là bien sûr, c'est tout à fait différent, si j'ai bien compris votre question, vous voulez savoir quels sont les critères ou les facteurs qui seront pris en considération par le conseil en ce qui concerne...? Quel type d'activités, dans quelles circonstances pourrait-on faire appel à des travailleurs de remplacement d'une façon qui empêche le syndicat de défendre les intérêts de ses membres?

Je ne sais pas si c'est une bonne chose, une mauvaise chose ou si ça n'a pas d'importance, mais je peux vous dire que depuis deux ans et demi que je m'occupe de grèves on avait fait appel à des travailleurs de remplacement. Dans les deux cas nous avons simplement fait appel à des travailleurs de remplacement, et pour nous c'était ce que n'importe quel employeur ferait s'il le pouvait en cas d'arrêt de travail: essayer de gérer son entreprise, et peut-être en même temps améliorer quelque peu sa position économique à la table des négociations.

Maintenant, à partir de quel moment cela empêche-t-il le syndicat de défendre les intérêts de ses membres? Il faut probablement tenir compte de certains facteurs: est-ce que l'employeur traite directement avec les employés? Est-ce qu'il harcèle ou intimide les responsables syndicaux? Est-ce qu'il enlève aux syndicats les moyens qui, normalement, lui permettraient de communiquer avec les employés? Est-ce qu'il prend d'autres mesures qui témoignent d'un sentiment antisyndical?

.1625

Je crois que ce que l'on veut dire ici, si j'en crois le libellé de la loi, même si l'on n'y retrouve pas les termes qui figuraient dans le rapport du groupe de travail, c'est que le simple fait de recourir à des travailleurs de remplacement ne mine pas la fonction de représentation; il faut qu'il y ait plus ici. Je crois que vous devez considérer la chose dans un autre contexte, à savoir que l'employeur pourrait faire autre chose qui nuirait au droit du syndicat de représenter les employés et de négocier en leur nom. Il n'y a pas ici que la question du remplacement des travailleurs; il faut considérer les autres activités de l'employeur.

Ce qui nous préoccupe, c'est que le gouvernement, en proposant cette loi à la Chambre des communes et en excluant les termes qu'employait le groupe de travail, en proposant une loi qu'on pourrait interpréter de telle sorte que le simple fait de recourir à des travailleurs de remplacement suffirait en soi à miner la fonction de représentation... Ce n'était certainement pas l'intention du groupe de travail, et si j'en crois ce que M. Gagliano a dit lorsqu'il a proposé son projet de loi à la Chambre, ce n'était pas son intention non plus.

Mais nous nous préoccupons du fait que le libellé du projet de loi C-66 est trop vague et qu'on pourrait lui donner une interprétation plus globale que ne le voulait le gouvernement, et chose certaine, plus globale que ne le voulait le groupe de travail.

Le président: Merci, monsieur Brazier. Merci, monsieur Johnston.

M. Johnston: Et bien, chose certaine [Difficulté technique] on pourrait écrire cela aussi.

Le président: D'accord, merci. Passons au côté libéral - monsieur Nault.

M. Nault (Kenora - Rainy River): Merci, monsieur le président.

Avant d'aller trop loin, j'aimerais avoir une idée... J'ai beaucoup de mal à suivre votre mémoire. Il y a des moments où vous parlez du groupe de travail, qui est le groupe de travail Sims, si je comprends bien. Ce que je trouve intéressant, c'est que lorsque cela fait votre affaire, vous parlez du groupe de travail, mais lorsque vous ne voulez pas parler du groupe de travail, vous parlez du groupe en quête d'un consensus et de ce qui s'est fait là ou de ce qui ne s'est pas fait là. Donc j'ai beaucoup de mal à comprendre ce qui s'est fait au groupe du consensus que coprésidait M. Brazier.

Dites-moi si je vous ai bien compris, parce qu'autrement, ce qu'on va être obligé de faire, c'est reprendre toute la discussion que vous avez eue au sein du groupe du consensus qui a fait suite au groupe de travail Sims. J'ai lu le rapport du groupe de travail Sims; je sais ce qu'on y dit et ce qu'on n'y dit pas. Mais vous êtes allé trouver les syndicats et vous avez cherché à rallier leur adhésion sur ce que vous accepteriez et n'accepteriez pas, et comme l'a dit M. Smith dans son allocution liminaire, c'était une forme de négociation.

J'essaie de savoir si ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est ce que le groupe du consensus n'a pas vraiment aimé mais a été obligé d'accepter parce qu'il y a d'autres parties où les syndicats vont dire, lorsque ce sera leur tour, «Nous n'avons pas aimé cela, donc nous pouvons peut-être faire avaler cela aux parlementaires» - si vous me passez l'expression «parce que les parlementaires ne comprennent pas grand chose au droit du travail, et ils seront d'accord avec nous pour dire que ces parties-là ne devraient pas figurer dans la loi, donc on va leur demander de changer cela». Est-ce qu'on est en train de répéter ici, monsieur Smith, ce qui s'est dit au groupe du consensus, ou vous vous êtes entendus sur des parties qui vous déplaisent, mais qui font de tout le processus, comme vous l'avez dit au début, d'une certaine forme de négociation collective?

J'aimerais qu'on clarifie cela avant de poser mes questions, parce que s'il faut reprendre tout le processus de négociation... J'aime cela, parce que vous connaissez mes antécédents et M. Brazier pourrait vous en parler, mais je pensais qu'on avait dépassé cette étape et qu'on allait entrer dans les nuances ici. Mais en réalité, si j'en crois ce que vous avez dit et la position que vous avez prise cet après-midi, nous reprenons tout à zéro essentiellement. Je pensais que les deux années de travail du groupe de travail Sims ainsi que le travail de votre groupe du consensus que tout cela avait permis de faire beaucoup de chemin, mais je commence à penser que je me trompais. Voulez-vous clarifier cela avant que j'aille plus loin.

M. Smith: Vous excuserez ce malentendu, parce que de toute évidence, je ne me suis pas bien exprimé. Nous avons dit publiquement que le rapport Sims représentait une approche équilibrée. Il y avait des choses dans le rapport, qui ne nous plaisaient pas mais dans l'ensemble, nous étions disposés à l'accepter.

Si le rapport Sims avait donné naissance à une loi, à un texte législatif, sachant les questions sur lesquelles nous nous sommes entendues et celles sur lesquelles nous ne nous sommes pas entendues, sachant que le gouvernement y voyait l'occasion d'agir, nous ne discuterions aujourd'hui que des questions sur lesquelles il n'y a pas eu entente au niveau de la politique gouvernementale. D'ailleurs, c'est ce dont nous parlons aujourd'hui. Nous parlons de questions où il y a eu consensus et dont le projet de loi ne tient pas compte. Nous parlons de domaines où les recommandations du groupe de travail ont été dépassées par le projet de loi. On n'a pas suivi les recommandations du groupe de travail.

.1630

La troisième catégorie et la pire, à notre avis, c'est celle des questions que nous n'avons pas débattues avec le gouvernement ou avec les syndicats dans les rencontres de consensus ou autres. Nous les avons vues apparaître pour la première fois lorsque le projet de loi a été présenté à la Chambre des communes. Ce sont ces trois questions qui sont les plus importantes. Si le projet de loi reflétait intégralement le rapport Sims, nous l'accepterions tel quel. Comme je l'ai dit, nous avions exprimé publiquement notre accord.

M. Nault: Je vais essayer, monsieur Smith, parce que vous donnez une fausse impression au comité et ce n'est pas celle-là que je veux retenir.

Par exemple, au sujet de la partie du rapport Sims sur les travailleurs de remplacement, le comité est d'accord pour dire que le rapport Sims n'allait pas aussi loin que ce que propose le projet de loi. Le fait est que ce que vous dites au comité, c'est que parce que le rapport Sims n'a pas recommandé certaines choses concernant les travailleurs de remplacement, cela ne constitue donc pas un consensus. Mais en réalité, lorsque vous avez réuni votre groupe du consensus, que coprésidait M. Brazier, vous vous êtes entendu pour dire que vous pouviez vous en accommoder parce que de toute évidence, de notre côté, les syndicats renonçaient à autre chose. Est-ce exact ou ai-je mal compris votre interprétation?

Mme Kilgour: Me permettez-vous de faire une suggestion? Je suis cette initiative depuis septembre 1994, depuis la première fois qu'en a été saisi le ministre du Travail d'alors, qui était Lloyd Axworthy. Peut-être l'ordre exact des événements vous échappe-t-il ce que je comprends, sachant à quel point ce processus a été long.

Même avant que M. Sims ne rédige son rapport, il y avait eu déjà plus d'une année de consultations, et ça, c'était le processus où M. Brazier était président pour l'employeur et Nancy Riche était présidente pour les syndicats.

Pendant plus d'une année, nous avons discuté de toutes ces questions avec l'aide de M. McDermott du ministère. Nous avons discuté de tous les éléments que chaque partie voulait voir figurer dans la partie I. Ce processus a été approuvé par M. Sims après sa nomination. Il a dit qu'étant donné qu'il s'agissait ici essentiellement des rapports entre les parties, les parties devaient jouer un rôle fondamental dans la révision de la loi.

Ce processus s'est poursuivi pendant longtemps, et au cours de ce processus, on s'est entendus sur plusieurs choses. Le rapport qui a fait l'objet d'un consensus a été transmis à M. Sims et à son groupe, et il est devenu le cadre d'un tas de choses qu'on a recommandées.

Après le dépôt du rapport, il y a eu consultation avec le ministre d'alors. Nous sommes alors entrés dans un autre processus après le dépôt du rapport du groupe de travail, et il y a eu des consultations à travers le pays. Les gens qui avaient adhéré à ce consensus ont été consultés. À ce moment, à la toute dernière consultation, qui a eu lieu à Ottawa au Centre des conférences, les deux parties ont dit qu'elles pouvaient s'accommoder des mesures que recommandait M. Sims.

J'étais ici la semaine dernière et j'ai entendu le ministre dire que nous ne pouvions pas choisir ici et là ce qui faisait notre affaire dans ce train de mesures. Ce que nous disons, c'est que les points 2, 3 et 4 de notre liste qui faisaient partie de ce train de mesures ou qui n'ont pas du tout été débattus font maintenant partie de ce projet de loi. Est-ce que vous comprenez mieux?

M. Nault: Je comprends mieux votre intention, et je vous en remercie, parce que je voulais savoir. En substance, donc, ce que vous me dites, c'est que notre comité revient à la case départ pour ce qui est de savoir ce que veut le patronat par rapport à ce que veulent les syndicats.

Au sujet des travailleurs de remplacement, j'avais l'impression qu'il y avait eu consensus ou accord et que la mesure proposée était acceptable. Même dans la presse, votre propre président de l'ETCOF a dit qu'il pouvait s'accommoder de la recommandation et le processus concernant les travailleurs de remplacement qu'on a proposé à la Chambre des communes.

.1635

J'ai beaucoup de mal à vous suivre aujourd'hui, parce que d'un côté, vous avez le vice-président de l'ETCOF qui fait une déclaration à la presse, et maintenant vous dites que ses paroles ont dépassé sa pensée. Et je suis d'accord avec vous pour dire que le libellé ne plaira pas à tout le monde. Ça arrive toujours lorsqu'on propose une loi et qu'on discute de la signification de son libellé, et je pense que nous pouvons l'accepter. Mais je suis en train de me demander si ces deux années de travail n'ont rien donné et si vous êtes encore divisé et que vous avez décidé de venir ici pour convaincre le comité que votre thèse est meilleure que celle des syndicats.

M. Smith: Non, nous n'avons aucune intention de tout renégocier. Je pense que je peux parler au nom de mon vice-président. Il a été convoqué quelque part une heure avant que le projet de loi ne soit déposé à la Chambre pour en examiner le libellé. Je pense qu'il y a six mots qui sont différents, mais qui sont d'une importance capitale pour nous.

Il a pensé au début que la loi reflétait le rapport Sims. Mais lorsque nous avons pu examiner le projet de loi en profondeur, nous avons constaté que les termes essentiels qui figuraient dans le rapport Sims et sur lesquels nous nous étions entendus publiquement avec les syndicats, ne figuraient pas dans le projet de loi, et c'est ce que nous vous disons aujourd'hui. Nous ne vous demandons pas de tout renégocier, et nous croyons que les termes du rapport Sims sont ceux qu'avaient acceptés le CTC ainsi que l'ETCOF.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Nault, et merci à vous pour cet excellent exposé. S'il y a une chose que vous avez prouvée, madame Kilgour, c'est le fait qu'il y a peut-être parfois surconsultation. Je constate que les trois ministres se sont engagés à consulter sincèrement toutes les parties. Et il arrive qu'en comité, croyez-le ou non, les gens ne sont pas toujours d'accord. Mais lorsque nous lirons votre mémoire à tête reposée, j'ai la certitude que nous comprendrons exactement quels mots vous déplaisent, et nous verrons s'il y a moyen de vous rejoindre et de bonifier le projet de loi. Merci beaucoup.

M. Smith: J'aimerais dire en guise de conclusion que nous avons tâché de concentrer notre effort. Notre intervention n'est nullement une tentative de renégociation. Nous croyons que si l'on tient compte de nos objections, qui sont peu nombreuses, nous pourrons mener ce processus qui, comme vous l'avez dit, a été extrêmement long et a exigé beaucoup d'efforts d'un tas de gens, à bonne fin. Je vous remercie d'avoir pris le temps de nous écouter.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons faire une pause de deux minutes, et nous reviendrons pour entendre l'Association de la GRC.

.1638

.1644

Le président: J'ai la certitude que vous savez comment fonctionnent les comités. Vous avez à peu près 10 minutes pour nous donner un aperçu de vos objections au projet de loi C-66, après quoi nous poserons des questions pendant 15 ou 20 minutes. Bienvenue.

Monsieur Delisle, auriez-vous l'obligeance de nous présenter vos collaborateurs.

Le Sgt d'état-major Gaétan Delisle (président, Association de la Gendarmerie royale du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'appelle Gaétan Delisle, je suisSgt d'état-major à la Gendarmerie royale du Canada. Je suis également président de l'Association des membres de la GRC, et au niveau local, je suis président de l'Association des membres de la Police montée du Québec. Je suis accompagné de M. James Duggan, notre conseiller juridique et représentant. J'ai également avec moi le Sgt Pierre Vincent, le secrétaire de l'Association des membres de la Police montée du Québec, et le Cpl Antoine Deschesne, qui appartient également à l'Association des membres de la Police montée du Québec.

.1645

Tout d'abord, je tiens à vous remercier vivement de nous avoir invités à expliquer pourquoi à notre avis la gendarmerie devrait entrer dans le XXe siècle et être régie par de bonnes relations de travail inspirées par le Code canadien du travail.

[Français]

Premièrement, pourquoi est-ce qu'on devrait avoir accès à la négociation collective? Depuis sa conception, la GRC, qui était essentiellement une force paramilitaire dans les Territoires du Nord-Ouest, est devenue une force policière nationale qui offre des services policiers de même structure que ceux présentement donnés par les autres corps de police au Canada.

Contrairement aux membres de tous les autres corps policiers au pays et nonobstant la similitude de leurs fonctions, les membres de la GRC, eux, sont exclus des bénéfices d'une négociation collective avec leur employeur. Même si le rôle de la GRC a évolué avec le temps, la nature des relations de travail est demeurée quelque peu statique. Étant donné la frustration et le mécontentement des membres de la GRC, il y a eu des changements dans les relations de travail, mais ces changements ont été inadéquats et la relation d'emploi demeure essentiellement paternelle et autocratique.

En vertu de la Loi sur la GRC, le commissaire détient le contrôle et la gérance de la force et possède de plus une gamme de pouvoirs discrétionnaires dont on a abusé et dont on continue à abuser. Depuis 1977, les règlements de la Gendarmerie ont permis l'établissement d'un programme de représentation divisionnaire. Le programme n'est cependant qu'une façade, étant entièrement contrôlé par le commissaire. Bien que les représentants divisionnaires soient élus par les membres de leurs propres division et zone, ils sont dans l'impossibilité de représenter adéquatement les intérêts de leurs membres, étant restreints dans leurs actions par les ordres permanents du commissaire.

De plus, les représentants sont susceptibles d'être relevés de leurs fonctions s'ils s'engagent dans des activités entrant en conflit avec les buts non syndicaux du programme des représentants divisionnaires, tel que les définissent les ordres permanents du commissaire. En fait, on peut dire que le programme des représentants divisionnaires est l'équivalent inférieur d'un syndicat de boutique. Le programme des représentants divisionnaires n'est pas indépendant de l'autorité du commissaire et, par conséquent, n'accorde pas aux membres de la Gendarmerie un moyen de négocier une relation de travail équitable.

Il n'est donc pas surprenant que les membres de la GRC n'aient pas accès à une procédure de griefs qui aboutisse à une décision finale d'un tribunal externe et indépendant. Au contraire, la majorité des griefs sont révisés à l'interne par des officiers supérieurs de la GRC. C'est le commissaire qui constitue le dernier palier de la procédure de révision, même si les décisions contestées sont les siennes.

Des amendements de 1986 à la Loi sur la GRC font que certains types de griefs peuvent être maintenant renvoyés à un comité externe d'examen, mais ce comité n'a qu'un pouvoir de recommandation au commissaire. Comment peut-on obtenir cette représentation dans un système inéquitable? Comment y arriver?

.1650

À la page 8 de notre fascicule intitulé Action, nous recommandons

[Traduction]

Que l'on ajoute la mention suivante au paragraphe 5.2 du Code canadien du travail:

[Français]

On se demande pourquoi on traite également des éléments qui sont discriminatoires et arbitraires. Le commissaire a un pouvoir absolu sans que les membres puissent avoir recours à un tribunal impartial. J'ai été moi-même assujetti à quatre commissions d'enquête par les représentants divisionnaires - parce que je suis un représentant divisionnaire - et j'ai également été assujetti à des représailles pour avoir tenté d'exercer des libertés fondamentales telles que ma liberté d'expression.

Il y a au sein de la GRC

[Traduction]

le règlement 57, qui interdit aux membres de la GRC de se porter candidats aux élections municipales ou cantonales. Je suis l'un des membres qui a été élu lors de l'une de ses élections au Québec. Le règlement 57 est totalement anticonstitutionnel, et il y a longtemps que le Conseil du Trésor a ordonné à la GRC - depuis le jugement Osborne de 1991 - de le modifier. Elle était sur le point de le faire, et elle avait autorisé d'autres membres au Canada, qui ont d'ailleurs été élus, à se porter candidats à des charges publiques au même moment que moi, mais moi j'ai été suspendu sans solde, et je suis encore suspendu sans solde pour avoir exercé ce droit fondamental qu'on avait permis à d'autres d'exercer.

Je dois souligner le fait - et c'est la raison pour laquelle nous vous avons remis ce document du Conseil privé - que même à l'heure actuelle où je me retrouve devant les tribunaux, où nous avons plaidé le caractère anticonstitutionnel du Règlement, on ne nous a pas permis de présenter les éléments de preuve provenant de la GRC qui montrent sans l'ombre d'un doute que ce règlement est anticonstitutionnel. À cet égard, deux jours avant l'audience, on m'a officiellement notifié des documents du Conseil privé qui rendent toute cette documentation secrète en vertu de l'autorité du Conseil privé. On me dit que ce sont les mêmes textes que l'on a invoqués pour le sang contaminé. C'est la raison pour laquelle vous avez ce document devant vous. Voilà qui montre clairement le fait qu'on porte atteinte à notre droit fondamental.

[Français]

Le certificat que j'ai mentionné a été utilisé par le Conseil privé et apporté par le procureur général pour cacher à la Cour fédérale le fait que la GRC elle-même savait que le règlement en question était inconstitutionnel, cela avant même qu'il ne me soit appliqué.

Si j'avais été protégé par le Code canadien du travail, j'aurais pu me joindre librement à l'association.

.1655

[Traduction]

À quatre reprises, j'ai été traduit devant le tribunal de service parce que je suis président de notre association, et à cause de mes activités relatives à l'association, et aussi parce que j'ai témoigné devant des comités parlementaires et que j'ai parlé de la question de

[Français]

liberté d'association et liberté d'expression

[Traduction]

tout particulièrement - celui avant le projet de loi C-58 ou le projet de loi C-30, tel qu'il existe actuellement. C'est pour ça que j'ai été traduit devant le tribunal de service.

[Français]

Si les membres de la GRC avaient le droit de s'organiser en syndicat, ils auraient une protection juridique contre toutes ces pratiques déloyales. Ils exerceraient leur droit à la négociation collective, renforcé par l'arbitrage exécutoire, dans le but d'en arriver à une solution.

De plus, il y aurait une garantie de conditions équitables et une protection contre des décisions arbitraires et abusives découlant des pouvoirs du commissaire. Un système d'arbitrage exécutoire remplacerait le processus actuel, qui est inefficace et encombrant. Les membres des associations vous demandent donc de recommander des amendements législatifs qui accorderaient aux membres de la Gendarmerie la possibilité de bénéficier des droits fondamentaux de négociation collective prévus en vertu de la partie I du Code.

Les associations vous soumettent respectueusement que ces changements sont en souffrance depuis longtemps, ce qui constitue la preuve de la répression du mouvement syndical au sein de la GRC. Un seul argument a été avancé par le commissaire de la GRC pour défendre la position selon laquelle les membres ne devraient pas avoir le droit de se syndiquer. L'argument était simplement que la GRC devait rester opérationnelle au cas où les autres corps policiers au pays feraient la grève.

Ce raisonnement ne peut pas justifier un déni des droits à la négociation collective aux membres de la GRC. Il peut simplement servir dans l'établissement d'un mécanisme approprié de résolution des différends. La réponse à cet égard est qu'étant donné que les membres de la GRC ne revendiquent aucunement le droit de grève, ils vont donc continuer à fournir un service policier ininterrompu au cas où d'autres services policiers seraient interrompus.

[Traduction]

Vous avez dans le projet de loi C-66... et nous venons d'entendre les autres témoins au sujet du paragraphe 87.4. Ce n'est pas la peine que je le lise. Je pense que vous le connaissez tous. Il s'agit d'un nouvel article qu'on propose et qui répond à toutes les raisons que je viens d'exposer concernant l'argument de la GRC, qui ne se défend pas étant donné la teneur de l'article qu'on propose.

[Français]

Selon les conclusions de la commission Sims, on pourrait avoir accès à la négociation collective sans que cela nuise au contrôle opérationnel ou à l'intérêt public. Nous ne voulons pas le droit de grève. Nous voulons l'accès à la négociation collective comme tous nos collègues des autres corps policiers canadiens.

.1700

[Traduction]

Je me rends compte que j'ai pris un peu plus de dix minutes, nous allons donc répondre maintenant à vos questions.

Le président: Je vous remercie.

Nous aurons un tour de cinq minutes. Monsieur Nunez, suivi de M. Nault.

[Français]

M. Nunez: Je vous félicite, monsieur Delisle, pour votre exposé qui était très clair et très net. Vous voulez avoir le droit à la syndicalisation. Je pense que c'est un droit minimal que vous devriez avoir et qui, par voie de conséquence, vous donnerait le droit de négocier collectivement vos conditions de travail et d'avoir une procédure de griefs équitable, ce que vous n'avez pas pour le moment.

Je vois également que vous ne voulez pas demander le droit de grève. Je pense que ça donne encore beaucoup plus de crédibilité à votre demande fondamentale d'avoir accès au droit à la syndicalisation et à la négociation collective. Le Bloc québécois vous appuie. Personnellement, je vous appuie et je trouve incroyable que dans un pays démocratique, vous ne puissiez même pas vous présenter aux élections municipales. J'espère que cette décision de la GRC sera renversée parce que ce n'est pas démocratique et que ça va à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés.

Est-ce que vous voulez être couverts par le Code canadien du travail? Pour cela, serait-il nécessaire de modifier la Loi sur la GRC? Comment voulez-vous obtenir ce droit à la syndicalisation et à la négociation collective? Par quels moyens juridiques?

Sgt é-m Delisle: Je vous remercie de votre soutien. Pour les questions que vous avez posées, je vais vous reporter à notre document, en particulier à la page 1 où on trouve les changements qu'on devrait normalement apporter aux différentes lois et les raisons pour lesquelles on les demande.

Effectivement, nous recommandons que la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada reconnaisse des principes qui sont établis ailleurs pour faire en sorte qu'il y ait un système en place bien rodé et qui soit efficace et juste.

M. Nunez: Comment serait établie l'unité de négociation? Quels employés pourrait-elle couvrir, jusqu'à quel niveau, etc.?

Sgt é-m Delisle: Il faut savoir que le seul élément qui demanderait un changement serait l'article 5 du Code canadien du travail. Mais vous avez également à la page 9 du document un paragraphe intitulé «La structure de l'unité de négociations». Le document a été préparé dans les deux langues officielles pour favoriser et faciliter les réponses à vos questions.

M. Nunez: Je voulais vous poser une question concernant les travailleurs de remplacement, mais puisque vous ne voulez pas avoir le droit de grève, ce n'est pas un problème qui vous préoccupe. Cependant, est-ce que vous avez une opinion générale sur la question des travailleurs de remplacement?

M. James Duggan (conseiller juridique, Association de la Gendarmerie royale du Canada): Est-ce que je peux répondre à votre question, monsieur?

M. Nunez: Oui.

M. Duggan: La question des travailleurs de remplacement ne s'applique pas aux membres de la GRC. Donc, notre présentation insiste surtout sur le fait que nous devons avoir accès à la négociation collective. Puisque les membres de la GRC ne veulent pas le droit de grève et reconnaissent le bien-fondé de l'amendement qui se trouve dans le projet de loi que vous avez devant vous, à savoir l'article 87.4, nous sommes d'avis que cela concorde très bien avec la recommandation qui fait en sorte que le maintien des services essentiels peut s'accommoder de négociations collectives.

.1705

M. Nunez: Est-ce que j'ai encore du temps?

[Traduction]

Le président: Votre temps est écoulé. Vous posez de longues questions.

Monsieur Nault.

M. Nault: Merci, monsieur le président.

Je veux savoir ce que pensent les témoins. On mentionne le projet de loi C-30, dont la Chambre est maintenant saisie. Il s'agit de la Loi sur la GRC et de la Loi sur les relations de travail. Est-il dans l'intérêt du personnel de la GRC de relever de cette loi, ce qui est le dilemme de la fonction publique - qui ne relève pas non plus de la partie I du code. Le Code canadien du travail vise normalement les travailleurs du secteur privé, et nous avons notre propre Loi sur les relations de travail pour la fonction publique.

J'essaie de voir où vous voulez vous situer. D'un côté, vous avez réclamé le projet de loi C-30, et vous dites aujourd'hui au comité que vous aimeriez relever du Code canadien du travail. Pouvez-vous me dire votre préférence?

Le Sgt d'état-major Delisle: À l'heure actuelle, la GRC connaît de grands changements dont vous êtes assurément au courant. Sinon,

[Français]

M. Patrick Gagnon est sûrement au courant de l'aspect de la régionalisation qui se fait présentement au sein de la GRC et également de l'aspect des différents contrats qui sont présentement mis en place par la Gendarmerie. On ne croyait pas que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pouvait donner une façon efficace de faire face à ces réalités et d'y pallier. En fait, le Code est le texte législatif qu'ils ont accepté d'emblée à cet égard.

[Traduction]

Je crois savoir qu'il y a eu erreur à l'interprétation. Je n'ai pas dit le Code canadien du travail, j'ai dit que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique n'était pas le véhicule qu'il fallait pour gérer les grands changements qui s'opèrent à la GRC au niveau de la régionalisation, du statut d'employeur distinct et tout cela. Le code lui-même est un bon véhicule.

J'ajoute que le projet de loi C-30 concerne également la partie II du Code canadien du travail. Je sais que ce n'est pas la partie qui traite de cela, mais vous pouvez être sûr que cela nous cause des problèmes aussi. Nous pouvons vous donner des exemples d'abus flagrants, où des officiers supérieurs de la GRC font mine de ne pas voir les infractions à la santé et à la sécurité. Nous n'avons aucun recours parce que nous n'avons pas en place de systèmes qui offriraient la protection qu'offre le Code canadien du travail, et c'est l'une des raisons que nous avons invoquées dans notre mémoire. Le Code canadien du travail fait clairement état de la protection contre les pratiques injustes de l'employeur, ce qui n'est pas dans l'autre partie.

M. Nault: Donc, vous préférez le Code canadien du travail.

Le Sgt d'état-major Delisle: Oui, et nous sommes également ici aujourd'hui parce qu'on étudie le Code canadien du travail pour ce genre de situation, nous sommes donc parfaitement autorisés à réclamer cela.

M. Nault: Avant d'en finir avec cette question, j'aimerais vous en poser une sur le programme des RDRF. Êtes-vous en train de dire que ce n'est pas une forme de négociations collectives, que cela ne répond pas aux besoins des...? Il y a plusieurs formes de négociations collectives au Canada. Qu'il s'agisse de syndicat ou non, il y a des associations et des collectifs dans des entreprises qui ne sont pas considérés comme des syndicats mais qui ont des formes de négociations.

Le processus qui existe au sein de la GRC n'est-il pas une forme de négociation collective? Même avec la réforme apparente et la modernisation en cours, semble-t-il, - est-ce que cela ne répondra pas aux besoins des travailleurs et des travailleuses de la gendarmerie?

.1710

Le Sgt d'état-major Delisle: Il y a 20 ans que je suis représentant divisionnaire. Je peux vous dire que le système des représentants divisionnaires n'est qu'un système de mendicité collective. Ce n'est pas un processus de négociations collectives. Ce système ne nous permet pas de discuter des problèmes avec le gestionnaire de la GRC, qui est le commissaire, et le commissaire est le seul décideur de toutes les questions qu'on lui soumet. Aux termes de la loi actuelle, il existe un comité de révision externe pour les griefs, mais le commissaire n'est pas lié par ses décisions. J'ai des exemples de cas où il a passé outre à ces recommandations. Les membres n'ont pas le choix et ils doivent s'adresser ailleurs.

Donc le seul décideur est le commissaire. On propose des sujets de discussion au commissaire et le commissaire ne... La décision Gingras était censée être un exemple clair lorsqu'il a été question du projet de loi C-58. Mais tout ce que faisait la décision Gingras, c'était de dire que nos avantages sociaux émanaient d'une autre source, du Parlement, mais si l'on adopte le projet de loi C-30, ces avantages sociaux ne seront plus garantis. D'ailleurs, seul le commissaire décidera.

Vous avez aussi fait allusion au nouveau processus de détermination de la solde dans le système des représentants divisionnaires. Je crois qu'il est facile de conclure que la personne qui prend vraiment les décisions est le commissaire et personne d'autre. Quelles que soient les recommandations il n'a pas à en tenir compte et il est assez rare de trouver une telle clause dans des conventions collectives.

Le président: Merci, monsieur Nault.

Une toute petite question, monsieur Johnston.

M. Johnston: Je m'excuse d'avoir raté votre déclaration. Si vous en avez parlé, dites-le moi.

Quel soutien remporte votre proposition chez les gendarmes?

Le Sgt d'état-major Delisle: Cela dépend de la région. Actuellement nous avons quatre associations complètement autonomes - deux en Ontario, une au Québec et une en Colombie-Britannique. Il y en a une qui est en train de se constituer en Alberta. Il y a beaucoup de discussions en cours. Nous avons des membres qui appartiennent à toutes ces associations - environ 3000 sur 15 000 au moment où nous nous parlons. C'est donc assez important et comme vous avez raté une partie de ma déclaration, il faut que vous sachiez que nos membres sont soumis à d'énormes pressions pour dire ce qu'ils pensent, pour s'exprimer librement.

Je suis le président et j'y ai eu droit comme représentant divisionnaire, comme membre élu des représentants divisionnaires. J'ai même comparu devant quatre commissions d'enquête. Pouvez-vous imaginer un membre dans une région dont le détachement va disparaître et qui sait que s'il s'exprime à haute voix - je suis certain que M. Gagnon peut vous citer quelques exemples qu'il connaît - il sera muté où il ne veut pas aller et jamais où il aimerait aller au Canada. C'est un grand pays. Nous sommes affectés un peu partout. Je vois ce qui se passe dans l'Ouest. Il y a des régions qui sont demandées et d'autres qui ne le sont pas. C'est une réalité de la vie de gendarme.

C'est une réalité quotidienne. Si le président de l'association dit ce qu'il pense et qu'il est renvoyé - ou que vous pensez qu'il est renvoyé - et qu'il est suspendu sans solde... Le commissaire a dit que seuls les coupables d'activités criminelles seraient suspendus sans solde. Si je suis un criminel parce que j'ai été élu maire, alors que d'autres gendarmes pouvaient... Imaginez les pressions sur les autres gendarmes qui veulent simplement dire ce qu'ils pensent. J'ai fait l'objet d'une commission d'enquête pour le simple fait d'être venu témoigner à propos du projet de loi C-40, sur ordre du commissaire.

Nous avons besoin d'être protégés.

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Le président: Très bien. Y a-t-il d'autres questions? Je ne vois pas d'autres questions.

Au nom du comité, j'aimerais vous remercier de votre témoignage. Tous les points principaux en ont été dûment notés et nous nous en servirons pour améliorer le projet de loi.

Le Sgt d'état-major Delisle: Pour que je ne sois pas de nouveau inculpé.

Le président: J'espère bien que non.

La séance est levée.

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