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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 23 avril 1996

.1940

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Je suis heureux que le comité ait décidé d'en terminer avec le projet de loi ce soir.

Nous allons d'abord revenir à l'amendement G-0. Monsieur Nault.

M. Nault (Kenora - Rainy River): Monsieur le président, avec l'autorisation du comité, je voudrais signaler que l'amendement G-0 vise essentiellement à corriger une faute de frappe dans le projet de loi C-12.

.1945

L'amendement propose que l'article 2 de la version anglaise du projet de loi C-12 soit modifié par substitution, à la ligne 25, page 2, de ce qui suit:

La version anglaise renvoyait incorrectement à l'alinéa 4(1)(e) et nous voulions simplement corriger cette erreur. La version française est correcte, mais il y a une erreur dans la version anglaise. Nous ne ferons que renvoyer à l'alinéa 5(1)(e) dans la version anglaise comme dans la version française. C'est tout.

Le président: C'est très clair. S'il n'y a pas débat là-dessus... J'imagine que cela se passe d'explication.

L'amendement est adopté

Le président: Nous allons tout faire ce soir.

Madame Lalonde, voulez-vous poser une question?

[Français]

Mme Lalonde (Mercier): J'aurais une question sur la définition de «documents».

On lit qu'il y a un ajout de la définition de «documents» de l'ancien article 52 afin que, conjointement avec les articles 134 et 143, cette modification - il faudrait lire «permettre» en français - permette la transmission électronique et l'utilisation des documents. Quant à la modification administrative no 11, je ne l'ai pas. J'aimerais savoir ce que cela veut dire et à quoi cela renvoie.

Tout en étant parfaitement d'accord qu'on n'arrête pas le progrès quand il s'agit de défendre les droits des individus qui, par exemple, ont des plaintes à faire ou des décisions à critiquer, il est extrêmement important que les documents soient disponibles. Je veux savoir ce que cela veut dire au juste.

M. Luc Leduc (conseiller, Services juridiques, ministère du Développement des ressources humaines): Auparavant, il n'y avait pas de définition de «documents».

Mme Lalonde: Il n'y en avait pas.

M. Leduc: Il y en avait une dans la partie ayant trait au ministre du Revenu. Nous nous en sommes servis en partie ici.

Ayant rédigé une définition de «documents» pour les fins de toute la loi, chaque fois que nous allons retrouver le mot «documents», on pourra lire la définition qui se trouve à l'article 2 et, de la même manière, on pourra s'en servir à des fins électroniques, ce qui permettra au ministère d'éventuellement informatiser ou utiliser toute autre moyen électronique afin de garder ses registres et de communiquer avec ses clients.

M. Guy Grenon (directeur intérimaire, Élaboration de la politique et de la législation, Assurance, ministère du Développement des ressources humaines): À deux endroits dans la Loi sur l'assurance-chômage, on donne une définition de «documents». Il s'agissait pour nous de prendre la définition qui existait à deux autres endroits dans la loi et de l'insérer à l'article 2 pour qu'elle s'applique à toute la Loi sur l'assurance-emploi.

M. Dubé (Lévis): Au même endroit, dans la dernière phrase, on dit:

Les titres comprennent-ils des documents de valeurs, c'est-à-dire des...

[Traduction]

Le président: Monsieur Dubé, l'interprète a du mal à vous suivre. Vous pourriez peut-être préciser davantage à quelle ligne ou disposition du projet de loi vous vous reportez.

.1950

[Français]

M. Dubé: Je vous réfère aux lignes 13 et 14 de la page 2.

Pendant que vous réfléchissez à cela, j'aimerais connaître la pertinence de mettre ensemble les mots «argent» et «documents».

M. Leduc: C'est une définition qui vient de la partie III ayant trait aux responsabilité du ministre pour ce qui est des cotisations et de la perception.

Mme Lalonde: Pouvez-vous nous donner tous les articles dans lesquels le mot «documents» est utilisé?

M. Leduc: On pourrait faire une recherche électronique.

Mme Lalonde: S'il vous plaît.

M. Dubé: À l'article 52, la définition de «documents» est semblable, sinon pareille.

Mme Lalonde: Non, elle n'est pas complètement la même parce qu'à l'article 3, ce n'est pas la même.

M. Dubé: On a enlevé le mot «informatisé» par exemple. Pourquoi l'a-t-on enlevé? Dans la loi actuelle, la définition de «documents» comprend les livres, qu'ils soient informatisés ou non.

M. Leduc: Au paragraphe 2(3), on a inséré une définition plus large de ce qui pourrait être un document; elle inclut ce qu'il y avait dans l'ancienne loi. Tout document informatisé sera maintenant couvert par la définition au paragraphe 2(3). On n'avait plus besoin de la définition d'«informatisé» à cause du pouvoir qu'on s'était donné au paragraphe 2(3).

M. Dubé: Il est quand même un peu drôle que vous sortiez du texte un élément de la définition plutôt que de l'intégrer dans la définition. Pour quelle raison n'avez-vous pas laissé «sous forme électronique» dans la définition même de «documents»?

M. Leduc: Il fallait donner une définition générale de «documents» et, par la suite, on a voulu lui donner une portée très large.

M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Cela veut-il dire que vous ne vouliez pas que le mot «électronique» soit utilisé à certains endroits dans la loi? Si oui, j'aimerais savoir où.

M. Leduc: Je ne me souviens pas qu'on aie pensé cela.

M. Crête: Mais comprenez-vous ma logique?

M. Leduc: Je comprends.

[Traduction]

M. McCormick (Hastings - Frontenac - Lennox et Addington): Ce n'est peut-être pas un rappel au Règlement, mais si je voulais discuter de cette question pendant encore 45 minutes comme nous le faisons depuis quelques heures déjà, mais je m'abstiendrai...

Juste avant la sonnerie, quelqu'un avait présenté une motion parce que l'un des partis d'opposition ou les deux voulait que les fonctionnaires soient ici ce soir pour répondre aux questions. La motion n'a pas été adoptée, mais elle semble l'avoir été.

Je serais certainement d'accord pour que le parti d'en face puisse poser des questions aux fonctionnaires tant qu'ils sont ici. Mais nous allons perdre notre temps si vous discutez du projet de loi parce que vous ne l'avez pas étudié jusqu'ici, honorables collègues.

Je voudrais présenter une motion, qui sera probablement rejetée par les députés de mon côté, pour demander que les membres du Bloc et quiconque le désire restent ici ce soir pour discuter avec les fonctionnaires, mais qu'il n'y ait pas de vote. Vous pourriez simplement rester ici et vous renseigner sur le projet de loi et en discuter.

[Français]

M. Crête: Quelqu'un a-t-il proposé formellement la motion?

[Traduction]

M. McCormick: Oui, j'ai présenté la motion.

.1955

[Français]

M. Crête: C'est lui qui l'a proposée.

[Traduction]

Le président: Nous allons maintenant devoir nous occuper de la motion. Débat? Questions?

[Français]

M. Crête: Si j'ai bien compris la motion, vous souhaitez que les députés de la majorité puissent s'absenter du comité et que les députés de l'opposition qui pourraient avoir des questions à poser...

[Traduction]

M. McCormick: Tous ceux qui ont des questions à poser.

[Français]

M. Crête: ...puissent le faire. Cela veut donc dire que le comité continuerait de siéger.

Une voix: Non.

M. Crête: Eh bien, si n'importe qui peut poser des questions, cela signifie, selon moi, que le comité continue de siéger et que s'il y a des votes à prendre, on pourra les prendre. Je voudrais bien comprendre avant d'avoir à voter là-dessus, parce que ce sera différent si le comité continue de siéger. Vous avez le choix d'être présents ou non. Personne ne vous y oblige. Vous n'avez pas besoin d'une motion pour cela, car c'est tout simplement un choix personnel que vous avez à faire. Je voudrais bien comprendre les conditions dans lesquelles cela se fera. Je veux comprendre ce sur quoi j'aurai à voter.

Donc, certains députés pourraient s'absenter et le comité pourrait continuer de siéger. Aurions-nous le droit de voter pendant ce temps-là? Ce sont des questions qui me semblent pertinentes et ce n'est pas nécessairement au proposeur d'y répondre. On pourrait demander au greffier ou à quelqu'un d'autre de vérifier.

[Traduction]

M. McCormick: Monsieur le président, j'aurais dû présenter une motion pour demander une séance d'information. C'est ce que j'aurais dû faire dès le départ, mais je demande maintenant l'autorisation de retirer ma motion et de demander que les fonctionnaires puissent donner une séance d'information à ceux qui le désirent.

[Français]

M. Crête: Cela veut-il dire que la séance est suspendue pendant ce temps-là? Vous proposez un ajournement du comité?

[Traduction]

M. McCormick: Je suis d'accord là-dessus.

[Français]

M. Crête: Oui.

[Traduction]

M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Une motion a-t-elle été proposée?

Le président: Oui, et nous sommes en train d'en discuter. Il est probablement inutile de continuer à en discuter davantage; vous comprenez ce que propose M. McCormick. J'imagine que tout le monde a compris. Quels sont ceux qui appuient la motion?

M. McCormick: N'allez surtout pas dire que je n'ai rien fait pour vous aider.

Le président: Voulez-vous un vote par appel nominal?

M. McCormick: Après tout le temps que j'ai passé à travailler pour le Bloc, voilà comment on me remercie.

La motion est rejetée

Le président: Nous en revenons maintenant à votre définition. Madame Lalonde.

[Français]

Mme Lalonde: Dans la deuxième phrase du paragraphe 2(3), on lit:

Que peut vouloir dire une «sommation sous forme électronique»? Ce sont normalement les huissiers qui apportent les sommations.

M. Leduc: Il faudrait que je retrace où le mot «sommation» est utilisé dans la loi. On va essayer de le retrouver. Il s'agit tout simplement de se donner l'autorité de le faire au cas où il serait permis que ce soit fait sous forme électronique.

Mme Lalonde: Ce n'est pas pour rire. Selon moi, il ne peut pas y avoir d'autres types de sommation que celle apportée par un huissier.

[Traduction]

M. Leduc: Excusez-moi,

[Français]

on va le retrouver. «Sommation» est utilisé dans le sens d'une demande plutôt que dans celui d'une sommation livrée par un huissier.

Mme Lalonde: Mais c'est écrit «sommation» ici.

M. Leduc: Je regarde le texte anglais qui me dit que c'est une demand.

.2000

M. Crête: Pourrait-il s'agir d'une mauvaise traduction?

M. Leduc: Non, c'est une sommation au lieu d'une demande.

M. Crête: Le mot «sommation» est-il voulu?

M. Leduc: Il faudrait faire une recherche électronique pour trouver où le mot «sommation» se trouve dans la loi.

Mme Lalonde: «Sommation» a un sens précis, surtout dans un texte de loi. Une sommation, c'est judiciaire.

M. Leduc: Nous ferons une recherche électronique pour savoir où on trouve le mot «sommation».

M. Crête: Mais il ne suffit pas de faire une recherche. Il faut savoir si une sommation par voie électronique existe vraiment.

Mme Lalonde: Cela n'existe pas.

M. Crête: C'est ce que vous dites, Francine, mais dans la loi, on fait comme si cela existait. Ou bien on a utilisé le mauvais mot, ou bien cela n'existe pas.

M. Leduc: Ce n'est pas le mauvais mot. Si on doit procéder par sommation, l'autorité que nous donne cette définition nous permettra, si nous le jugeons opportun, de le faire sous forme électronique ou sous une forme autre que documentaire.

M. Crête: Vous créez là un précédent judiciaire important qu'on ne retrouve pas dans d'autres lois, dans tous les autres cas juridiques ou judiciaires. Créez-vous du nouveau droit avec cela?

M. Leduc: On évolue, tout comme le droit est en train d'évoluer vers de nouvelles formes de communication. On s'est donné l'autorité de le faire éventuellement.

Mme Lalonde: Pour ne pas avoir besoin de refondre la loi avant 20 ans? Comme c'est un processus très long en comité...

[Traduction]

Le président: Monsieur Nault.

M. Nault: Monsieur le président, je voudrais proposer l'amendement G-2, qui porte que l'article 3 du projet de loi C-12 soit modifié par substitution, aux lignes 12 à 24, page 4, de ce qui suit:

a) la façon dont les personnes, les collectivités et l'économie s'adaptent aux changements apportés par la présente loi aux programmes d'assurance-chômage et d'aide à l'emploi prévus par la Loi sur l'assurance-chômage;

b) dans quelle mesure les économies escomptées au titre de la présente loi ont été réalisées;

c) l'efficacité des prestations et autres formes d'aide mises en oeuvre en application de la présente loi, notamment en ce qui a trait à:

(i) la façon dont elles sont utilisées par les employés et les employeurs,

(ii) leur effet sur l'obligation des prestataires d'être disponibles au travail et de faire des recherches d'emploi, de même que sur les efforts faits par les employeurs en vue de maintenir une main-d'oeuvre stable.

(2) De 1997 à 2001, la Commission présente au ministre un rapport annuel de son évaluation au plus tard le 31 décembre; elle lui présente également, à tout autre moment qu'il fixe, les rapports supplémentaires qu'il peut demander.»

Monsieur le président, l'article 3 stipule que la Commission observe et évalue l'incidence des réformes et des changements apportés par le projet de loi. L'amendement donne davantage de détails sur ce que la Commission observera et évaluera.

Pour l'instant, le paragraphe 3(2) stipule que la Commission doit présenter un rapport de son évaluation au ministre au plus tard le 31 décembre 1998 et chaque fois que le demandera le ministre. L'amendement propose qu'un rapport annuel soit présenté de 1997 à l'an 2001 et chaque fois que le demandera le ministre. Voilà l'explication de l'amendement proposé à l'article 3.

Le président: Monsieur Crête.

[Français]

M. Crête: J'invoque le Règlement. Depuis le début, on est à l'article 2 et, à moins que j'aie mal compris, le secrétaire parlementaire vient soudainement de passer à l'article 3, alors que nous n'avons pas encore disposé de l'article 2 et qu'il y a plein de...

Mme Lalonde: On a encore des questions.

M. Crête: ...définitions qui n'ont pas été...

[Traduction]

Le président: Monsieur Nault, pour un rappel au Règlement.

[Français]

M. Crête: Monsieur le président, je vais continuer mon rappel au Règlement puisque vous avez autorisé M. Nault à finir sa présentation.

[Traduction]

M. Nault: Le fait est que nous avons réservé cet article, monsieur le président. Si nous avons effectivement réservé l'article 2, comme nous avions convenu de le faire avant de partir pour le vote, il serait approprié, à mon avis, de passer maintenant à l'article 3 et au reste du débat.

.2005

Si les membres du Bloc veulent revenir à l'article 2, nous pourrons le faire plus tard. Si l'article 2 n'est pas réservé et que nous pouvons encore en discuter, il est tout à fait légitime... Cependant, monsieur le président, pourquoi discutons-nous encore de l'article 2 puisque nous sommes maintenant rendus à l'article 3?

Le président: C'est exact.

[Français]

M. Crête: J'invoque le Règlement. Je ne sais pas combien de fois il faudra le répéter ou si je vais devoir parler en chinois ou dans une autre langue, mais on a fait un débat très important sur le fait qu'on avait le droit de débattre de cet article-là. Le secrétaire parlementaire a reconnu lui-même qu'il n'avait pas l'autorité de nous limiter dans notre temps de parole tant qu'on n'avait pas fini de discuter d'un article quelconque.

C'est bien dommage pour lui, mais on a le droit de débattre de cet article. Vous pouvez prétendre passer à l'article 3, mais cela va à l'encontre du Règlement et vous pouvez être certains que s'il se passe quelque chose du genre, nous irons à la Chambre afin de démontrer qu'encore une fois vous ne respectez pas la volonté des parlementaires et leur droit de s'opposer.

Je vais vous donner un exemple, soit la définition d'«emploi assurable», à l'article 2. On y dit:

Cela touche toute la définition de ce qui est assurable, de ce qui ne l'est pas, des emplois autonomes... Si on passait par-dessus cette définition-là sans l'étudier, ce serait comme si on décidait de se fermer les yeux et de ne pas adopter de projet de loi. Ce n'est pas une petite affaire. Qu'on pense à tous les cas dans lesquels on a des problèmes avec la définition d'«assurabilité». Il y a par exemple l'établissement de la parenté avec quelqu'un d'autre dans une compagnie. Vous pourrez demander aux spécialistes du ministère combien il y a de tels cas en appel.

C'est un article fondamental. J'ai déposé un projet de loi en Chambre et le ministre lui-même, en comité - et je crois qu'il y avait aussi des experts - , a dit qu'il réfléchirait à cette situation-là, qu'il avait vécu des cas semblables dans sa circonscription, que ce n'était pas une situation correcte, qu'il fallait trouver une solution à l'engorgement qu'on vit au niveau des cas d'assurabilité.

[Traduction]

M. Nault: Tout ce que je demande, c'est une explication.

[Français]

Mme Lalonde: Il n'a pas le droit de t'interrompre.

M. Crête: On veut montrer par cet exemple-là qu'à l'article 2, il y a encore beaucoup de choses à discuter, qu'on n'a pas fini d'en débattre et que la proposition du secrétaire parlementaire de passer tout de suite à l'article 3 n'est pas conforme au Règlement.

[Traduction]

Le président: Monsieur Nault.

M. Nault: Si j'ai bien compris, l'article 2 a été réservé. Oui ou non? S'il ne l'a pas été, nous refuserons qu'il le soit maintenant et ils pourront continuer à en discuter, après quoi nous passerons à la motion. Je croyais cependant que l'article 2 avait été réservé. Nous avons simplement demandé aux membres du comité une autorisation spéciale pour traiter de l'amendement G-0, mais l'article 2 avait été réservé avant le vote. Si c'est le cas, nous pourrons revenir à l'article 2 et en discuter plus tard. Nous devrions maintenant passer à l'article 3. Si les députés veulent poser des questions au sujet de l'article 3, très bien.

Ou bien l'article 2 a été réservé ou bien il ne l'a pas été. S'il ne l'a pas été, dites-le nous. Rendez une décision là-dessus et nous pourrons continuer.

Le président: Il n'a pas été réservé parce que nous avons dû y revenir quand l'amendement G-0 a été présenté de nouveau.

M. Nault: Très bien, monsieur le président, nous ne sommes pas d'accord pour qu'il soit réservé. Que les députés d'en face en discutent, après quoi nous voterons sur cet article.

Le président: Très bien.

M. Nault: Merci.

[Français]

M. Crête: On peut revenir à l'étude de l'article 2? Je peux poser mes questions sur la définition d'«emploi assurable» que l'on retrouve aux lignes 17 et 18, page 2, où on dit:

Pour procéder à l'étude de cette définition, il faut aller voir ce qu'il y a à l'article 5 quant à la définition d'«emploi assurable».

Pourquoi a-t-on décidé de ne pas inclure cette définition-là dans l'article 2, qui traite des définitions, et de la laisser dans un autre article, en-dehors de l'article qui traite des définitions?

.2010

Pour quelles raisons le ministère n'a-t-il pas retenu la proposition... Le ministère a-t-il constaté que la situation d'engorgement que j'ai décrite plus tôt était réelle?

Je sais que M. Axworthy, avant de changer de ministère, avait, avec le ministre du Revenu de l'époque, créé un comité mixte pour procéder à l'étude de cette situation. Il m'avait personnellement écrit là-dessus. Ce comité mixte devait trouver des solutions. Comme cela date d'à peu près un an, je m'attendais à ce que toute correction législative nécessaire se retrouve dans le projet de loi. Toutefois, on n'y trouve aucun de ces changements.

Si la loi est adoptée dans sa forme actuelle, l'emploi assurable gardera sa définition antérieure. Les gens qui travaillent du mois de mai au mois de septembre continueront de penser que leur emploi est assurable. Au mois de septembre, on leur apprendra que leur emploi n'est pas assurable et, à ce moment-là, ils entameront un processus d'appel. Ils recevront la petite lettre qui leur donne 30 ou 90 jours - je ne sais pas combien - pour faire appel. On passera alors à l'étape suivante. Quelqu'un qui gagnera sa cause - je ne parle pas de ceux qui perdent, car au moins ceux-là auront un résultat favorable par rapport à la loi - devra attendre deux, trois, quatre ou cinq ans avant de pouvoir toucher son argent. Comme ce ne sont pas tous des gens qui ont des salaires de députés, eh bien, ils risquent d'avoir de sérieux problèmes.

Dans ma circonscription, j'ai des cas complexes de cet ordre-là. Les gens, en bout de ligne, aboutissent à l'aide sociale et ne reçoivent un chèque qu'après deux ans et demi ou trois ans. Ce n'est pas vraiment intéressant pour eux. Je me demande pourquoi cette situation n'a pas été corrigée dans la définition d'«emploi assurable».

M. Leduc: Je vais répondre à votre première question, à savoir pourquoi la définition d'«emploi assurable» ne figure pas à l'article 2.

C'est tout simplement parce qu'à l'article 5, on a une liste exhaustive de ce qui constitue un emploi assurable. On ne l'a pas insérée à l'article 2.

M. Crête: Cela ne constitue pas une réponse à ma question, monsieur Leduc. La longueur de la définition ne change pas le fait que cela aurait dû paraître sous le chapitre des définitions, parce qu'il n'y a pas beaucoup de texte qui fait référence aux définitions. Le terme «emploi assurable» se retrouve-t-il à des endroits où il n'a pas le sens de l'article 5? Y a-t-il une explication à cela ou est-ce tout simplement un choix technique?

M. Leduc: «Emploi assurable» est défini de façon exhaustive à l'article 5. Donc, on n'avait pas besoin de le définir ailleurs.

M. Dubé: Monsieur le président, l'article 5...

[Traduction]

Le président: Monsieur Crête, sa réponse était très claire.

[Français]

M. Crête: Sur la première partie, oui, mais il y avait une deuxième partie à ma question.

[Traduction]

Le président: Nous avons eu cette réponse. Nous n'allons pas revenir sur la même chose encore une fois.

[Français]

M. Crête: Vous savez que la deuxième partie de ma question était beaucoup plus complexe. Elle avait trait à toute la question de l'engorgement qu'on a constaté partout dans nos circonscriptions.

[Traduction]

Le président: Pouvez-vous expliquer la question de l'engorgement?

[Français]

M. Gordon McFee (directeur général, Politique d'assurance, ministère du Développement des ressources humaines): Tout d'abord, il y a un an ou 18 mois, il y avait un engorgement incroyable dans le processus d'appels et plusieurs cas avaient été soumis à Revenu Canada.

Depuis ce temps, la Cour fédérale a rendu deux jugements importants. En ce qui a trait au nombre d'appels, ma direction a eu des consultations avec Revenu Canada et nous avons convenu d'apporter des correctifs.

Les fonctionnaires de Revenu Canada sont au courant de la situation parce qu'il y a deux niveaux où il existe des problèmes: les déterminations du ministre et les appels à la Cour de l'impôt. Le ministre prend actuellement des mesures pour accélérer le processus.

Quant à la Cour de l'impôt, il faut attendre ses jugements.

M. Crête: Pourquoi le ministère du Développement des ressources humaines n'a-t-il pas envisagé la possibilité que cette décision sur l'«emploi assurable» puisse se prendre au niveau de chaque centre d'emploi du Canada plutôt que de Revenu Canada? Avec le nombre de points de services au Canada, il y aurait eu beaucoup plus d'endroits où la décision aurait pu être prise beaucoup plus proche des citoyens. Il existe souvent des situations où le fonctionnaire de Développement des ressources humaines Canada donne un premier avis, qui est renversé par Revenu Canada, et pas nécessairement toujours dans le même sens.

.2015

Donc, il serait important d'inscrire dans la définition que cela doit être fait selon Développement des ressources humaines Canada et non selon Revenu Canada.

J'aimerais savoir s'il existe un document produit par le comité mixte qui avait été formé parM. Axworthy et qui regroupait, selon la lettre que j'ai reçue, des hauts fonctionnaires des deux ministères du Revenu et du Développement des ressources humaines. Y a-t-il eu des résultats qui démontrent, noir sur blanc, que c'était la meilleure solution parce que, contrairement à ce que vous dites - c'est la perception que j'en ai aujourd'hui - , l'engorgement existe toujours. Je pourrais vous donner, juste pour ma circonscription, une liste de cas très significatifs. Il s'agit de situations humaines très difficiles pour les gens qui doivent les vivre.

M. McFee: Lors de ma première intervention, je voulais tout simplement dire que nous savons qu'il y a un nombre élevé d'appels à ce sujet.

Deuxièmement je voudrais ajouter que, très souvent, la décision n'est pas contestée. Ce n'est rien de nouveau. Il y a trois ou quatre ans, lorsque la mesure a été mise en place pour la première fois, il y a eu un accroissement énorme du volume de demandes au premier ou au deuxième niveau. Un comité mixte interministériel a tranché la question en mettant sur pied un système de filtrage. Ce sont des agents de notre ministère qui, dans ces cas-là, examinent la demande de prestation. Ils posent une foule de questions, peut-être neuf ou dix, selon le genre de réponses à leurs questions. Normalement, le cas n'est pas renvoyé à Revenu Canada et la demande est acceptée sur place.

Le cas échéant, il faut que le cas soit renvoyé à Revenu Canada. La décision officielle incombe à Revenu Canada car ce dernier a le pouvoir de prendre une décision officielle.

En ce qui a trait à la dernière partie de votre question, à savoir si on a la possibilité de faire un transfert décisionnel en la matière, je ne crois pas qu'il est approprié que je fasse une telle recommandation.

M. Crête: Voulez-vous répéter?

M. Dubé: Il ne croit pas qu'il est approprié qu'il fasse une telle recommandation.

M. Grenon: Revenu Canada est responsable des cotisations non seulement en ce qui a trait au programme d'assurance-chômage, mais aussi pour ce qui est des contributions au Régime de pensions du Canada et de l'impôt sur le revenu. Avant de déterminer ce qui peut être déduit à la source, il faut déterminer ce qu'est l'emploi assurable. Donc, il est préférable que Revenu Canada continue à jouer ce rôle-là.

Vous allez voir plus tard, à l'article 90, que nous avons introduit la notion de «demande» d'une décision formelle de la part de Revenu Canada. Nous avons travaillé à cela conjointement avec Revenu Canada.

Une personne qui commence un emploi où il y a des doutes sur un lien de dépendance peut maintenant demander dès le début de l'emploi, en vertu de l'article 90 du projet de loi C-12, que Revenu Canada rende une décision sur l'assurabilité de l'emploi. La décision de Revenu Canada comptera pour la durée de l'emploi. Lorsque la personne viendra faire une demande de prestations, tout sera en ordre. Il n'y aura pas de problème. Elle saura que l'emploi est assurable.

Donc, nous travaillons avec Revenu Canada dans le but d'améliorer la situation.

M. Crête: Mais vous avez mis cela dans un autre article plutôt que dans l'article 5. Pourquoi?

M. Grenon: L'article 5, si vous le comprenez...

[Traduction]

M. Easter (Malpèque): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je voudrais savoir ce que cette question a à voir avec l'interprétation d'une définition.

[Français]

M. Crête: Je vais répondre à cette question-là, monsieur le président.

[Traduction]

M. Easter: Si cela n'a rien à voir avec l'interprétation d'une définition, je demande que vous jugiez cette intervention irrecevable.

Le président: Très bien.

[Français]

M. Crête: Dans la définition d'«emploi assurable», aux lignes 17 et 18 de la page 2, il est dit:

.2020

Il faut que je pose une question qui fasse référence à ce qui est écrit dans l'article 5 et en fonction de cette définition-là. C'est là que cette définition apparaît en entier.

Au paragraphe (1) de l'article 5, page 5, on dit:

5(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable:

et là on définit ce qu'est un emploi assurable. J'ai demandé au témoin pourquoi cela n'avait pas été intégré à l'article 2, dans le chapitre des définitions, et on m'a répondu que c'était comme cela, point. Cependant, il faut quand même que j'y fasse référence.

[Traduction]

Le président: Veuillez m'excuser, mais il peut vous expliquer exactement ce qu'il a demandé.

[Français]

M. Crête: Est-ce que l'explication...

[Traduction]

Le président: Je pense que vous vous êtes très bien expliqué.

Pourquoi ne pas commencer à voir comment nous allons procéder? La discussion dure vraiment un peu trop longtemps. Nous allons devoir nous en tenir à des questions plus concises; cessez de prononcer des discours et contentez-vous de poser la question. Ne prononcez pas de longs discours; gardez-les pour la Chambre. Nous voulons des questions très brèves et concises et des réponses précises.

Je vais aussi vous demander de songer à ceci. Nous devrions peut-être tous réfléchir - nous tous à cette table, c'est-à-dire les trois partis...

M. McCormick: J'invoque le Règlement. Il n'y a que deux partis. Merci.

Le président: Membres du comité, nous devons avoir un débat raisonnable sur chaque article. Je ne veux pas empêcher le débat, mais nous allons devoir nous en tenir à cinq, dix ou quinze minutes par article. Nous ne pouvons pas débattre de chaque article pendant deux heures ou deux heures et demie. Cela ne pas continuer de cette façon.

À titre de président, je vais bien sûr demander l'avis des membres du comité, mais nous ne pouvons pas continuer ainsi. Jusqu'ici, j'ai permis que cela continue, mais nous devons maintenant en discuter un peu.

Je m'excuse auprès des fonctionnaires. Tout cela n'a rien à voir avec la raison de leur présence ici.

Voyons un peu comment nous allons procéder. Allons-nous consacrer cinq ou dix minutes à chaque article? Quelqu'un devrait entamer la discussion parce que je n'ai personnellement aucune intention de passer deux heures et demie sur chaque article.

Je donne d'abord la parole à M. Allmand.

M. Allmand: Pour aider tout le monde, puis-je proposer que si les membres du comité ont des questions à poser au sujet de l'article 2, comme ils en ont eu jusqu'ici, ils les posent simplement et brièvement sur les points qui leur paraissent confus ou insuffisamment clairs et que les fonctionnaires ne leur répondent pas ce soir? Il me semble que les fonctionnaires pourraient fournir toutes les réponses en même temps demain, soit par écrit, soit oralement.

Pour l'instant, il y a une question, suivie d'une réponse, et ensuite de nouvelles questions suivies d'autres réponses et encore d'autres questions.

Il me semble que si les députés d'en face s'inquiètent de la clarté de certaines dispositions, ils pourraient simplement dire de quelle définition il s'agit et dire pourquoi ils souhaitent des explications là-dessus. Ils peuvent demander un éclaircissement sur une définition, demander que l'article soit réservé et passer à l'article 3.

Le président: Monsieur Allmand, à titre de président, je vais rendre une décision que vous pourrez contester si vous voulez, mais je ne vais pas tolérer deux heures et demie de débat sur un seul article. Je peux vous le garantir. Je trouve que cela frise le...je ne trouve pas le terme exact, mais ce n'est certainement pas une façon efficace d'utiliser notre temps. Nous devons trouver mieux.

Je demande aux membres du comité de poser des questions courtes, précises, concises et pertinentes et je demande aux fonctionnaires de répondre de la même façon. Comme nous allons tous commencer à nous fatiguer très bientôt, pourquoi ne pas essayer de procéder de cette façon?

Je vais surveiller ce qui se passe au cours des 15 ou 20 prochaines minutes et voir si nous accomplissons des progrès. Je veux voir à quelle vitesse nous pouvons poser nos questions aux fonctionnaires et à quelle vitesse ils peuvent nous répondre.

[Français]

M. Crête: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

Je peux me tromper, mais j'ai l'impression que depuis cinq à six minutes, on essaie d'encadrer ma façon de parler, la façon dont j'interviens en tant que membre du comité.

.2025

Le Règlement dit qu'on doit pouvoir poser toutes les questions, et là vous dites qu'il faudrait peut-être que cela ne dure que 10 ou 15 minutes et qu'il faut s'assurer que les choses fonctionnent de telle ou telle façon. Ce n'est pas ce que dit le Règlement. Le Règlement dit qu'en comité, j'ai le droit de poser toutes les questions nécessaires et qu'on a le droit de passer à travers tous les articles. Je voudrais le savoir si je n'ai pas le droit de poser toutes les questions que je juge pertinentes sur les définitions. La définition d'«emploi assurable», je le répète, est un très bon exemple. C'est très important, car ce sont des choses qu'on a rencontrées dans nos circonscriptions.

[Traduction]

Le président: Monsieur Crête, je suis prêt à tout accepter de la part de n'importe quel membre du comité, sauf qu'on me dise que je suis injuste. Nous avons passé deux heures et demie sur un seul article. Si vous croyez que je ne suis pas juste ou démocratique, vous vous racontez des histoires, mais vous ne réussirez pas à me convaincre.

Monsieur Easter.

M. Easter: Monsieur le président, nous avons déjà passé beaucoup de temps sur l'article 2. Je propose que nous limitions le débat aux autres parties de l'article 2 à cinq minutes par partie.

Le président: Ferait-on la même chose pour tous les articles?

M. Easter: Non, seulement pour l'article 2.

Le président: D'accord. Discussion?

[Français]

M. Dubé: Monsieur le président, je vous ai demandé...

[Traduction]

Le président: D'abord Mme Lalonde, suivie de M. Crête et ensuite M. Dubé. Vous n'allez pas revenir sur ce qui a déjà été dit. Allez-y.

[Français]

M. Dubé: Je pense, monsieur le président, qu'on a un problème d'interprétation. À maintes reprises, on peut soulever le même point et je pense que vous devez recourir à des avis de l'extérieur. On s'est fait confirmer cet après-midi, par les gens qui sont ici et par d'autres, que dans un comité, on ne pouvait restreindre le nombre et la durée des interventions des députés qui veulent poser des questions.

On tente de temps à autre de nous limiter. Si on parle cinq minutes, cela va à l'encontre de l'esprit du Règlement. Cela, on va le dire aussi souvent qu'il le faudra. Cependant, on pense que c'est inutile et qu'on perd du temps à vous rappeler ce Règlement que tous les parlementaires connaissent, surtout ceux qui ont de l'expérience.

[Traduction]

M. Nault: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

Le président: Allez-y, monsieur Nault.

M. Nault: Monsieur le président, je pense qu'il est temps de recourir aux services de nos experts juristes. Si nous avons des juristes et le greffier ici, c'est notamment pour qu'ils puissent nous interpréter les règles.

Ce que disent nos amis d'en face, c'est que parce qu'ils brandissent le Règlement, personne ne peut proposer de motion pour limiter le débat. Pourtant, nous savons tous que c'est faux.

Selon moi, il est temps que le greffier et les conseillers juridiques expliquent les règles pour que l'opposition sache ce qu'il en est, au lieu de laisser entendre que ses membres sont des experts du Règlement et que nous n'y connaissons rien.

Nous connaissons les règles, monsieur le président. Si nous présentons une motion à cette fin et qu'elle soit appuyée par la majorité, nous pouvons limiter la durée du débat. Nous sommes tout à fait prêts à le faire, mais il faudrait maintenant que le greffier et les conseillers juridiques nous expliquent ce que prévoit cet article du Règlement.

[Français]

M. Crête: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.

Le paragraphe (1) du commentaire 760, à la page 230 de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, sixième édition, stipule:

Cela ne pourrait être plus clair.

M. Dubé: Sept ou huit fois, le secrétaire parlementaire...

M. Crête: Chaque fois qu'on perd du temps en essayant de mettre fin au débat en s'éloignant du fond de la question, le gouvernement se tire dans le pied. Il faudrait tout simplement nous permettre de poser nos questions. Ce ne sont pas des questions impertinentes que je posais sur l'article 5. Ce sont des questions très concrètes, très précises sur des réalités vécues. Un ministre avait décidé qu'il fallait instituer un comité sur cette question. Ce ne sont pas des choses qui sortent des nuées. Je ne suis pas en train de lire la Bible.

.2030

Donc, l'article 116 du Règlement est très clair. On a le droit d'intervenir et de poser des questions afin d'avoir pleine satisfaction. On ne reviendra pas ici dans un an ou deux adopter une nouvelle loi. On aura celle-ci dans les jambes pour un bon bout de temps.

Mme Lalonde: Je complète sur le plan de la procédure. Comme la question préalable ne peut être posée, le nombre d'interventions ne peut être limité.

[Traduction]

Le président: Monsieur Allmand.

M. Allmand: Monsieur le président, pendant la pause, quand nous sommes allés voter, j'ai demandé l'avis des services du greffier à ce sujet. On m'a dit l'on ne peut pas présenter de motion de clôture en comité, mais qu'on peut présenter une motion pour limiter la durée du débat.

D'une certaine façon, je pense que M. Crête a raison de dire que n'importe quel autre membre du comité ou lui-même a le droit de poser des questions. C'est vrai, mais à un moment donné...

Je suis tout à fait d'accord pour qu'on pose des questions, monsieur Crête, mais il me semble que vous allez plus loin que cela chaque fois que vous posez une question, puisque cela donne lieu à un long discours ou une longue discussion. Je suis convaincu que vous pourriez poser les mêmes questions de façon beaucoup plus simple et précise. Vous profitez cependant de chaque question pour entamer une longue discussion et prononcer de longs discours. Si vous vouliez simplement obtenir une opinion sur certains aspects des définitions, vous pourriez le faire beaucoup plus rapidement

Il existe au Québec un principe qu'on appelle un abus des droits. Cela peut être un abus des droits si des députés continuent de parler jusqu'à écoeurement du même sujet, à tel point que le gouvernement ne peut pas respecter son programme. Le gouvernement aurait tort d'empêcher l'opposition de s'exprimer, mais il me semble que, comme nous sommes ici depuis 15 h 30 à discuter de l'article 2 et que nous n'avons toujours pas pu régler toutes les questions relatives à certaines parties de cet article, cela dépasse le raisonnable et se rapproche de ce que j'appellerais un abus des droits.

Je veux être complètement juste, mais j'ai l'impression que nous nous rapprochons des raisons pour lesquelles on pourrait présenter une motion... Je ne veux pas le faire. Ce serait un dernier recours. Je signale cependant que j'ai écouté tous les discours et que je pourrais poser les mêmes questions en un cinquième du temps que vous avez pris pour les poser, si, bien sûr, je voulais simplement obtenir des renseignements et non pas gaspiller du temps.

Le président: Merci, monsieur Allmand.

M. Proud (Hillsborough): Monsieur le président, je propose donc qu'on se limite à cinq minutes par article.

Le président: Un instant.

[Français]

Mme Lalonde: M. Allmand vient de dire qu'il s'est informé auprès du greffier et que c'était impossible.

[Traduction]

Le président: La motion est recevable. Pour votre gouverne, la motion de M. Proud est recevable.

[Français]

Mme Lalonde: Ce n'est pas recevable.

[Traduction]

Le président: Oui.

M. McCormick: J'appuie la motion.

[Français]

M. Crête: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Oui.

[Français]

M. Crête: Le commentaire 75 de la sixième édition de Beauchesne traite de la liberté de parole. C'est quand même quelque chose d'important dans un Parlement. On peut lire:

Si le député Warren Allmand considère que j'abuse de mes droits - je pense que c'est son expression - , c'est son opinion. Mais j'en reviens toujours au fait qu'on est à l'article 2 d'un projet de loi très important et que c'est tout à fait normal qu'on consacre une bonne période de temps à cet article-là. Il y a là toute l'ossature du projet de loi. Si on considère qu'on ne peut prendre tout le temps qu'il faut sur l'article 2, eh bien, on n'aura pu faire notre job correctement. Je vais me sentir atteint dans mes droits de parlementaire si je ne peux intervenir dans ce dossier-là.

.2035

Quant à la proposition de M. Proud, je pense qu'il est très dangereux d'imposer une limite de temps pour l'étude des articles du projet de loi. Ce projet de loi contient des éléments très différents en termes d'importance. Certaines choses peuvent nécessiter trois heures de débat, tandis que d'autres peuvent ne nécessiter que cinq minutes. Attribuer une limite pour chacun des articles m'apparaît complètement aberrant et non productif, parce qu'il va se développer une frustration terrible.

Les députés libéraux devraient présenter des arguments pour les articles de ce projet de loi qui vont exiger plus de cinq minutes de débat. Il doit y avoir certaines choses sur lesquelles vous voulez intervenir. Par exemple, les députés des Maritimes veulent sans doute intervenir sur la question des pêches. Il est inaceptable d'imposer une limite.

Quant à la question du droit de parole, il faudrait qu'on me donne plus d'explications sur la recevabilité...

[Traduction]

Le président: À l'ordre. Vous dites que cinq minutes ne suffisent pas. Proposez-vous donc sept ou six minutes?

[Français]

M. Crête: Monsieur le président, au départ, j'ai invoqué le Règlement en ce qui a trait à l'intervention de M. Allmand sur le fait que j'abusais de mes droits. Je voulais démontrer par le commentaire traitant de la liberté de parole et par d'autres exemples que je n'abusais pas de ma liberté de parole.

[Traduction]

Le président: Pour la gouverne des députés, puisque certains semblent l'avoir oublié, nous sommes saisis d'une motion proposée par M. Proud visant en principe à limiter à cinq minutes la durée du débat sur chaque article. La motion est conforme à l'article 760. Le greffier et mon conseiller juridique m'informent que la motion est recevable. Voilà donc où nous en sommes. Nous n'allons pas passer à autre chose jusqu'à ce que cette question soit réglée.

Quelqu'un a-t-il une question?

[Français]

Mme Lalonde: Monsieur le président, ça n'a pas de bon sens que, sur un projet de loi prévoyant des coupures de presque deux milliards de dollars d'ici l'an 2001 et qui va affecter tant de monde, on ne nous accorde qu'un maximum de cinq minutes par article. Peut-être que tout ce qui compte pour vous est de respecter votre échéancier. On vous a dit que tel jour, il faut que ce soit renvoyé à la Chambre des communes. Je regrette.

Oui, vous avez été dans l'opposition. Je les ai lus, vos discours. Si vous vous les rappeliez, vous verriez comment vous vous sentiez frustrés. Je l'ai lue, la lettre de Jean Chrétien à tous ceux qui pressaient l'Opposition officielle d'alors de s'opposer, avec la dernière des énergies, au projet de loi C-113. J'aimerais bien revoir ce que vous avez fait dans les comités. Que vous vous scandalisiez de notre comportement, je trouve cela heavy. Disons-le en français: c'est heavy. Tout le monde fait semblant de n'avoir jamais vu rien de plus terrible que ce qu'on fait, mais c'est «de la p'tite bière». Je ne sais pas comment vous traduisez cela, mais ce n'est pas grand-chose.

On ne se fera pas restreindre. On va prendre tout le temps qu'il faut. Je suis encore à «rémunération assurable» et j'ai des questions à poser. Ce n'est pas vrai qu'on va prendre cinq minutes. J'ai beaucoup de respect pour les fonctionnaires et je compatis avec eux parce qu'ils ont l'obligation de nous entendre. Mais je regrette, ils sont au service de la population et j'espère qu'ils sont bien payés. Quant à nous, on va faire le travail qu'on a à faire. C'est notre responsabilité et il n'y a pas personne ici qui va nous bâillonner. On va le faire, car c'est notre droit et on va continuer à vous le dire et à vous le réclamer aussi longtemps qu'il le faudra pour établir que l'opposition représente une large partie de la population, qui ne veut rien savoir de ce projet de loi, qui a raison de ne rien vouloir savoir de ce projet de loi. Je sais que, dans leur for intérieur, certains collègues d'en face aimeraient bien ne pas avoir à voter en faveur de ce projet de loi et qu'ils ne peuvent le faire en raison de ce qui s'est passé hier. Mais nous allons essayer malgré tout de les convaincre que ce projet de loi-là n'a pas de bon sens.

.2040

Nous avons posé des questions sur des éléments qui avaient trait à des corrections apportées à l'ancienne loi parce que cette dernière avait besoin d'une réforme dans sa mécanique seulement. On peut respecter les problèmes auxquels font face ceux qui ont à appliquer la loi. Cependant, les citoyens qui doivent vivre avec cette loi-là ont le droit de penser que la loi pourrait être modifiée autrement.

Jusqu'à maintenant, on n'a examiné que des amendements de ce type-là. On n'a pas encore commencé à regarder le coeur, the core, du projet de loi, mais on a la responsabilité de le faire et on va le faire. Ce n'est pas vrai qu'on ne va prendre que cinq minutes par article. Ce n'est pas vrai. On n'aurait même pas le droit d'être d'accord sur cela parce que cela ne nous permettrait pas de remplir nos responsabilités, et nos ressources sont limitées.

Donc, je vais continuer et il y en a d'autres... Mais nous n'accepterons pas, monsieur le président. Cela prendra le temps qu'il faut. Vous ne pouvez poser la question préalable et nous vous disons que nous ne vous laisserons pas la poser si vous voulez procéder de cette façon.

Vous avez le choix. On a toujours collaboré aux travaux de ce comité-ci et on s'est fait bousculer. On a fait valoir nos points de vue et on a travaillé fort.

Depuis le début de la deuxième étape de l'étude du projet de loi sur l'assurance-chômage, l'opposition a été bousculée à répétition. On n'a jamais pu discuter entre nous du coeur de cette loi-là. On n'a jamais pu vous convaincre que, par exemple, cela n'avait pas de bon sens de réduire le salaire maximum assurable alors que le gouvernement aurait pu décider de le maintenir ou de l'augmenter et ainsi ne pas condamner le monde ordinaire aux souffrances qu'il va lui imposer.

On a le droit d'essayer de vous convaincre. On a le droit d'essayer de vous parler et c'est cela qu'on va essayer de faire. On sait également qu'on a le pouvoir, en vertu de nos droits parlementaires, de continuer à essayer de vous convaincre que cela n'a pas de bon sens de nous limiter à des interventions de cinq minutes par article. Cela n'a pas de bon sens, on ne le prend pas et on ne le prendra pas.

[Traduction]

Le président: Monsieur Allmand.

M. Allmand: D'abord, monsieur le président, je dois faire remarquer au comité la distinction entre ce qui est permis aux termes de l'article 116 du Règlement et ce qui ne l'est pas. L'article 116 ne permet pas la proposition d'une motion de clôture du débat sur un article - la question précédente. C'est interdit. Mais il est évident que le Règlement permet la proposition d'une motion d'attribution du temps afin de permettre à tous les partis de participer au débat.

Pour ce qui est des remarques faites par Mme Lalonde, je l'ai écoutée toute la journée et, à aucun moment, le Bloc n'a expliqué pourquoi c'est un mauvais projet de loi. On a soulevé toutes sortes de questions qui ont été suivies d'un débat et de discussions, puis on est revenu à la même question. J'aurais aimé savoir pourquoi, de l'avis de l'opposition, c'est un mauvais projet de loi, mais nous n'en sommes pas encore à l'un de ces articles. Ils nous ont même empêché de passer à un autre article.

Si nous devons maintenant imposer l'attribution du temps, ce que je regrette, c'est parce qu'ils ont abusé du processus; le discours de la députée en est un bon exemple. Elle a répété environ six fois le même fichu argument qu'elle a avancé au début.

C'est de leur faute si l'on impose l'allocation du temps. Dans une démocratie, monsieur le président, l'opposition et le gouvernement doivent disposer d'assez de temps pour exprimer à fond leur point de vue sur n'importe quelle question. Ensuite il doit y avoir un vote. Si nous continuons à ce train-ci, il n'y aura aucun vote, ce qui signifie que les députés de l'opposition bloquent la libre discussion sur les autres dispositions du projet de loi. À cause de leur conduite, ils empêchent le débat sur les autres 128 articles.

Je ne voulais pas dire ceci officiellement, parce que j'ai été relativement patient aujourd'hui...

Des voix: Bravo!

M. Allmand: ...et j'ai même appuyé leur droit de poser leurs questions, mais ils commencent à abuser. Ils font de l'obstruction systématique - je n'ai pas peur de le dire - et nous devons donc composer avec cette situation. Par conséquent, j'appuie la motion d'attribution du temps, mais cinq minutes ne suffisent pas. Qu'ils nous proposent un autre délai et nous serons d'accord.

.2045

Le président: Le comité est-il prêt à passer au vote?

Une voix: Non.

Le président: Ce que vous allez nous dire doit se rapporter à la motion. C'est ce dont vous devez discuter.

[Français]

M. Crête: Je veux parler sur la motion.

[Traduction]

Le président: Continuez.

[Français]

M. Crête: Je vais vous dire pourquoi on ne peut accepter de ne parler que cinq minutes sur chacun des articles.

[Traduction]

Le président: M. Dubé a la priorité.

[Français]

M. Dubé: M. Allmand est un parlementaire expérimenté et il augmente le ton. Si quelqu'un comprend ce qu'on est en train de faire, c'est bien lui. On ne montrera pas à M. Allmand, pour qui j'ai énormément de respect, ce qu'on est en train de faire. Il connaît notre position sur le projet de loi. Il connaît aussi le niveau de mécontentement à propos de ce projet de loi. Lui-même, je le sais, partage certaines de nos inquiétudes. Mais il y a en d'autres qui vont apprendre quelque chose aujourd'hui avec la discussion sur la motion de M. Proud visant à limiter le temps de parole des députés de l'opposition.

Pourquoi nous défendons-nous? Cela nous ramène au coeur du sujet. C'est une loi extrêmement importante. L'an passé, trois millions de personnes ont bénéficié à un moment ou l'autre de prestations d'assurance-chômage.

Cette loi fait partie de la réforme des programmes sociaux et elle a fait l'objet d'un Livre vert. Cette loi a fait l'objet d'une consultation d'une durée de deux mois au cours desquels - Mme Lalonde avait parfaitement raison là-dessus - M. Crête, Mme Lalonde et moi-même, de l'Opposition officielle, avons collaboré à maintes reprises avec les gens de l'autre côté, y compris le président, qui est un gentilhomme, mais qui a dû subir à maintes occasions - il s'en souvient et cela lui rappellera peut-être certains mauvais souvenirs - les foudres de certaines personnes qui s'opposaient au projet de loi, qui voyaient venir le gouvernement, qui craignaient une diminution des prestations de l'assurance-chômage, qui craignaient que les mesures gouvernementales ne créent de la pauvreté.

J'ai vécu cela, monsieur le président, et je m'en souviens. Je constate même que le greffier et beaucoup de nos interprètes étaient les mêmes. Tous ces gens ont vu qu'à maintes reprises, on a rappelé aux membres du comité d'alors combien il était important pour eux de comprendre certaines situations humaines, les manifestations et les mémoires.

L'année dernière, nous avons également déposé un rapport à la Chambre, mais comme c'était avant le référendum, il ne s'est pas passé grand-chose. Je tiens à faire remarquer à M. McCormick qu'il ne s'est pas passé grand-chose parce qu'on avait peur, entre autres, du mécontentement des Québécois. Voilà déjà un an de cela. Ce dont je vous parle, monsieur le président et membres du comité, s'est passé à l'automne 1994. Il s'est écouté toute une année depuis ce temps. Il y a eu le référendum et, en décembre 1995, on est revenu avec le projet de loi.

On l'a étiré longtemps, ce projet de loi. Je dis cela pour le nouveau député qui vient d'arriver. Cela fait plus d'un an qu'on l'étire, et les députés d'en face nous accusent de vouloir prolonger les travaux. Je sais que certains nouveaux membres du comité n'étaient pas là et n'ont pas vu cela. Cependant, nous, on s'en souvient.

.2050

Quand je vois des députés d'expérience tenter d'intimider... C'est un mauvais terme et je le retire avant que vous ne me le demandiez.

Cela pourrait aider un nouveau membre du comité, quelqu'un qui n'a pas d'expérience, qui n'a pas vécu ce qu'on a vécu au comité. Les interventions du député Crête ont-elles été trop longues?

Nous avons attendu toute l'année et, après les Fêtes, on a eu un débat écourté. Par la suite, on recommence à rouler vite et, durant le mois de janvier, pendant que tout le monde est en vacances, nous, on travaille.

Qu'est-il arrivé en février, monsieur le président? On a prorogé la session et on nous a renvoyés chez nous. On n'avait plus le droit de siéger, parce qu'avec une nouvelle session, il fallait reconstituer les comités.

Et voilà que maintenant, on a été nommés de nouveau au comité et qu'on continue notre mandat. On a entendu sagement tous les témoignages et on aurait voulu en entendre encore plus. Vous savez qu'il y a d'autres témoins qui auraient aimé être entendus. Il n'y a pas de journalistes ce soir pour entendre cela, mais j'aimerais vous rappeler qu'au moins quatre fois plus de groupes auraient voulu être entendus.

Et ce soir, on se fait dire qu'on est en train d'étirer les choses. Eh bien, je suis sûr que cela ne représente même pas 1 p. 100 de l'année et demie pendant laquelle le gouvernement a étiré les choses.

Avec ma petite expérience de deux ans et demi, je ne me sens pas du tout coupable de prendre mon temps pour exposer la situation. Il faut que les gens soient au courant de tous les kilomètres parcourus, des paroles qui ont été dites, des mémoires qui ont été présentés et des manifestations. Il y en a eu encore une en fin de semaine, à Rivière-du-Loup. Je suis moi-même allé marcher avec les gens de Rivière-du-Loup, parce que je suis natif de ce coin-là. Cinq mille personnes, venant de différentes régions, se sont déplacées. Il s'agissait de victimes de la Loi sur l'assurance-chômage. Elles m'ont dit jusqu'à quel point elles étaient inquiètes. Ces gens ont suivi nos travaux, à tel point que cela m'a étonné. J'ai parlé à au moins 50 personnes qui avaient suivi cela à la télévision. Tous avaient entendu M. Nault. Mais ne revenons pas à l'histoire de ce matin.

Ils ont également entendu le ministre parler des fraudes. Je ne veux pas dire que je suis meilleur que mes collègues, car on travaille tous en équipe, mais j'ai été celui qui a insisté le plus sur l'aspect des fraudes. Aujourd'hui, je reviens avec les renseignements et qu'arrive-t-il?

On trouvait cela épouvantable que je parle de fraude. Je pensais que la situation s'était aggravée, que c'était le drame, mais en regardant les chiffres qui figurent au tableau, je vois que, bien au contraire, la situation s'améliore. Un grand nombre de personnes ont été accusées et condamnées comme fraudeurs de l'assurance-chômage, mais on se rend compte que les problèmes d'interprétation de l'ancienne loi sont répétés dans la nouvelle loi.

L'opposition aurait accepté qu'on travaille dans le but d'améliorer l'ancienne loi et de la rendre moins contestable. On aurait offert toute notre collaboration. D'ailleurs, on continue à vous l'offrir, monsieur le président.

Ce matin, j'ai demandé au greffier de faire faire un certain nombre de copies de la loi actuelle, parce que je suis sûr que les députés d'en face n'en ont pas. Maintenant qu'ils ont des copies, on pourrait la regarder ensemble. Pourquoi? Parce que les gens nous disent partout que la nouvelle loi n'est pas bonne, qu'elle prévoit des coupures de 365 millions de dollars en s'acharnant davantage sur les gens qui ont possiblement fraudé l'assurance-chômage. C'est comme si on n'avait pas encore réussi à attraper tous les fraudeurs potentiels. Et là on va s'acharner à en attraper encore davantage. C'est très important. Donc, il faut prendre le temps qu'il faut pour l'étudier à fond.

.2055

Si au moins les gens d'en face nous faisaient des suggestions. Ils pourraient nous dire: «Écoutez, on va regarder tel aspect avec vous et vous faire des propositions». Ou encore, ils pourraient nous dire: «On va ajourner et discuter d'une façon différente de procéder». Je veux bien, mais ce n'est pas ce qu'on se fait dire ce matin. La patience commence à manquer et on tente de nous limiter dans notre droit de parole.

Quand j'ai entendu le mot «équitable» cet après-midi, c'est comme si on avait tenté d'enlever leur droit de parole aux députés d'en face. Jamais on n'a pensé cela. Je pense que M. Allmand aurait dû poser ses questions, qu'il devrait les poser. C'est vrai qu'il a l'art d'être bref. Il devrait nous faire profiter de son expérience. C'est étonnant que les députés d'en face ne posent pas de questions là-dessus; c'est comme s'ils voulaient donner l'impression qu'ils connaissent tout cela par coeur.

Il serait étonnant que l'on connaisse la teneur et l'aspect juridique de 190 articles. C'est pour cela, monsieur le président, qu'il faut accorder tout le temps nécessaire pour l'étude article par article du projet de loi. Il faut des réponses à toutes ces questions-là.

Nous allons tenter de vous faire la démonstration, au cours des minutes qui viennent, de l'importance de cela. Nous voudrions que vous retiriez cette proposition-là de façon à ce qu'on puisse travailler de façon intelligente à l'amélioration du projet de loi.

Madame Terrana, est-ce votre premier mandat à titre de membre d'un comité? Vous n'êtes pas là pour répondre à cette question mais, en supposant que ce soit votre premier, il se pourrait que vous assistiez pour la première fois de votre vie à un filibuster en comité. Si vous avez l'intention de rester un peu de temps en politique, vous en verrez d'autres. Donc, ce soir, c'est votre initiation.

J'ai lu les discours de M. Bevilacqua en Chambre, surtout qu'il est critique en matière de formation et de jeunesse.

[Traduction]

Le président: J'aimerais dire aux fins du procès-verbal que j'étais également le porte-parole pour les personnes handicapées et l'emploi.

[Français]

M. Dubé: J'ai lu cela aussi et j'ai été étonné. Mais plus il s'approchait du pouvoir, meilleur il était. Il avait des principes. Je ne voudrais pas influencer ses décisions, mais...

[Traduction]

Le président: L'intégrité du président est maintenant en cause.

[Français]

M. Dubé: Je vous avoue que, parfois, je m'inspire de certaines parties de ses anciens discours. Cela me sert bien pour préparer les miens.

[Traduction]

Le président: Dans le contexte approprié, j'espère.

[Français]

M. Dubé: Je suis de ceux qui pensent qu'il faut profiter de l'expérience des autres. On n'invente pas la roue. Donc, je regardais le comportement des membres du Parti libéral et notamment de leur chef, M. Chrétien, lors d'une manifestation, en février 1992, contre le fait que le ministre d'alors,M. Valcourt, voulait sabrer dans l'assurance-chômage.

Lors du discours qu'il a prononcé à Montréal, près de l'édifice de l'Hydro-Québec,M. Chrétien a été d'une éloquence extraordinaire. Il a dit: «Jamais nous, du Parti libéral, ne laisserons M. Valcourt couper dans l'assurance-chômage, jamais».

Devant les députés libéraux qui l'accompagnaient, ceux du Québec notamment, il a fait la promesse solennelle que, si jamais il devenait premier ministre, si jamais il se livrait à un tel comportement... Que voit aujourd'hui? Qu'entend-on aujourd'hui? Ces gens-là font le contraire aujourd'hui.

Heureusement, M. Bevilacqua n'est pas encore ministre. Il n'est pas en situation de contradiction. En ce qui a trait à Mme Terrana, je n'ai pas eu la chance de lire ses discours, mais je suis persuadé qu'elle en fait de très bons. Et si elle est au Comité permanent du développement des ressources humaines, c'est que probablement, comme les anciens membres du comité, commeM. Regan et M. Scott, elle est préoccupée par les besoins de ses commettants les plus démunis dans sa circonscription. Pour avoir discuté quelquefois avec M. Regan, je suis convaincu qu'il fait un excellent travail.

.2100

Donc, monsieur le président, je réserve mes commentaires pour plus tard mais, entre-temps, je fais un appel. Les députés d'en face, s'ils n'étaient pas pris par la ligne de parti, s'ils écoutaient leur coeur et s'ils avaient de la compassion, seraient plus cohérents dans leurs convictions. Avec les amendements de Mme Augustine, j'ai vu que MM. Regan et Scott voulaient faire un pas dans la bonne direction.

Je ne vous envie pas d'être au pouvoir. Nous, du Bloc québécois, on est sûrs d'une chose: à Ottawa, on ne formera jamais le gouvernement. On est certains de cela, ce qui nous empêche peut-être d'avoir une... Mais en même temps, on a le devoir d'aller jusqu'au bout de nos convictions. Je vous plains un petit peu.

Cela dit, vous faites votre job et on fait le nôtre. Je vais laisser la parole à d'autres afin qu'ils puissent compléter là-dessus. Il faut comprendre la question de fond. En essayant de limiter notre droit de parole, on essaye de faire adopter ce projet de loi à la vapeur. Nous ne sommes pas d'accord sur cette façon de procéder.

[Traduction]

Le président: Êtes-vous prêts à voter?

[Français]

M. Crête: Non. J'ai ajouté mon nom à la liste.

[Traduction]

Le président: N'êtes-vous pas prêts à voter?

[Français]

M. Crête: Quelqu'un me précédait sur la liste.

Le président: Madame Lalonde, suivie de M. Tremblay.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): J'aurai peut-être des choses à ajouter plus tard.

[Traduction]

Le président: Il faut se porter à la défense des jeunes.

[Français]

M. Crête: C'est moi qui serai le suivant.

[Traduction]

Le président: Allez-y, monsieur Crête.

[Français]

M. Crête: Rappelons-nous que nous débattons d'une motion qui vise à limiter le comité à ne débattre d'un article que pendant cinq minutes. À raison de cinq minutes par article - il y en a 190 - , cela veut dire un peu plus de 15 heures de débat. Par rapport aux coupures envisagées, cela n'est pas cher la minute, bien que ce soit un dossier très important.

Je vais vous donner quelques raisons qui font que, selon moi, on doit parler beaucoup plus que cinq minutes sur chaque article. Certains articles nécessiteront probablement une heure ou deux de débat. Donc, il est tout à fait normal qu'on ait mis beaucoup de temps sur les définitions.

Premièrement, je voudrais traiter de la question des 910 heures. Imaginez-vous qu'antérieurement, il fallait avoir travaillé 300 heures pour être admissible à l'assurance-chômage, à raison de 15 heures semaine pendant 20 semaines. Il en faudra maintenant 910, soit l'équivalent de 26 semaines de 35 heures.

Pour comprendre toutes les implications de ce phénomène-là, il nous faut plus que cinq minutes de débat sur l'article en question. Il faut voir très clairement qu'on pénalise systématiquement les jeunes. J'espère que le nouveau député de Lac-Saint-Jean pourra, à un moment donné, intervenir sur cet aspect-là, parce que cela risque de condamner plusieurs jeunes au désespoir.

Je parle de gens qui n'ont pas nécessairement de diplômes universitaires dans des domaines où il y a des emplois à temps plein. Par exemple, parlons des gens des techniques appliquées, des gens qui ont étudié la pêche, comme le député de Halifax-Ouest doit en connaître dans sa circonscription.

Pour ces jeunes-là, il faut trouver une solution autre que celle prévue par la loi. Il faut trouver une façon de faire pour qu'il n'y ait pas une augmentation des pénalités pour les jeunes. C'est de la discrimination et on risque de se ramasser avec des jugements en vertu de la Charte des droits et libertés.

J'ai pris un engagement auprès de mes commettants. Plus de 10 000 personnes de ma circonscription ont signé une pétition pour que le projet de loi ne soit pas adopté tel qu'il est rédigé.

.2105

Ces gens-là étaient d'accord pour une réforme, mais pas une réforme qui aurait comme principe, au départ, de considérer que les saisonniers sont de mauvais travailleurs, des gens qui cherchent à profiter du système, qui veulent travailler le moins longtemps possible.

Vous étiez au comité lorsque les gens de la Gaspésie nous ont donné des exemples. Entre autres, on nous a dit qu'il y avait 250 postulants pour un emploi à Chandler et 75 pour un autre emploi à Gaspé. C'est comme cela partout.

L'an dernier, en Ontario, General Motors a fait un appel d'offres et des milliers de personnes sont venues. En bout de ligne, personne n'a été embauché. Donc, il est important de trouver une solution adéquate au problème des travailleurs saisonniers.

Le gouvernement n'a pas encore présenté d'amendement pour régler cette questions-là. Si le gouvernement le voulait, il pourrait faire en sorte que sa réforme soit acceptable dans toutes les régions.

Imaginez-vous - c'est comme une épée de Damoclès - que votre niveau de prestations va diminuer de 1 p. 100 chaque fois que vous utiliserez l'assurance-chômage. Cela veut dire qu'au bout de trois ans, ces gens-là en seront rendus à 50 p. 100, alors que le montant de prestations auquel on a droit au départ est de 55 p. 100.

Avec ce projet de loi, on présume que les gens ne veulent pas travailler. Donc, il faut débattre de ce principe-là et il faut prendre le temps de le faire. Ce n'est pas un débat de cinq minutes par article qui va régler le problème.

À titre d'exemple, on nous a fait des recommandations en ce qui a trait à l'article 14. J'en compte 25 à 30 et je vais en lire quelques-unes pour vous démontrer jusqu'à quel point il est important d'y consacrer du temps.

La Newfoundland Teachers' Association recommande de modifier l'article 14 de manière à ne plus causer de préjudice aux enseignants de Terre-Neuve en ce qui touche les prestations.

Le Syndicat des pêches et travailleurs assimilés recommande d'éliminer la période fixe pour le calcul des prestations au profit de la formule des semaines où la rémunération a été la plus élevée, ce qui aurait pour effet d'inciter les prestataires à travailler.

Le Syndicat de la fonction publique du Québec recommande de modifier l'article afin qu'on établisse les prestations hebdomadaires en calculant la rémunération moyenne pour l'ensemble des heures de travail, par exemple 700, et en appliquant le facteur de 50 p. 100 à une semaine moyenne de 35 heures.

[Traduction]

Le président: Nous ne voulons pas rater un seul mot de vos propos. Elle a du mal à comprendre l'interprétation.

[Français]

M. Crête: Je vais ralentir, monsieur le président. Je m'excuse auprès des interprètes.

En ce qui a trait à l'article 14 seulement, qu'on prenne le temps d'analyser correctement les 25 propositions qui nous ont été soumises afin qu'on puisse déterminer laquelle est la meilleure et permettra de rendre justice aux hommes et aux femmes du Québec et du Canada. Je pense qu'elles méritent qu'on s'y penche pendant plus de cinq minutes chacune.

Les articles ayant trait à la baisse du revenu maximal assurable prendront beaucoup plus que cinq minutes. Quand on pense que le gouvernement a décidé sciemment, volontairement, de diminuer le maximum assurable de 43 000 $ à 39 000 $ et qu'il perd 900 millions de dollars de revenus avec cette diminution-là, il est très difficile d'accepter de ne prendre que cinq minutes pour régler la situation, parce que là où la réforme amènerait des surplus, ces surplus ne retourneraient pas aux bénéficiaires. Les bénéficiaires de ce régime-là ont beaucoup de difficulté à accepter ce genre de décision.

Il faut également voir quel sera l'impact de la mesure qui fait payer les gens à partir de la première heure. Il y a plein de gens qui devront payer des cotisations mais qui ne retireront jamais de bénéfices. Cela est inacceptable.

Des représentations nous ont été faites, entre autres par les restaurateurs, sur la situation qui sera vécue par les étudiants. On va finalement créer moins d'emplois. Pour les étudiants, c'est quelque chose d'inacceptable et il faut qu'on prenne le temps d'examiner cela correctement.

.2110

Les articles portant sur le rôle de régulateur de l'économie du régime d'assurance-chômage doivent être étudiés séparément, car ils auront des incidences sur d'autres articles de la loi.

Peut-on, par de petites tranches de cinq minutes par article, voir si les articles en question feront que le système continuera d'avoir l'effet qu'il avait dans le passé?

Comment va-t-on s'assurer que l'ensemble des mesures permettront, lors de la prochaine récession, qu'on ne retombe pas dans une crise économique comme dans les années 1930?

Souvenons-nous que lorsque le régime d'assurance-chômage et les régimes d'aide sociale ont été mis sur pied, ils n'avaient pas seulement pour but d'empêcher le monde de mourir de faim, mais aussi de développer un système qui permettrait de maintenir la consommation et l'activité économique pendant les périodes plus tranquilles.

Donc, on ne peut regarder la réforme de l'assurance-chômage de façon fermée. Il faut absolument que, collectivement, on puisse voir comment la loi fonctionnera après son adoption.

Plus tôt, à l'article 2, on parlait des différentes définitions. Il est important de les voir en relation avec d'autres, comme les notions d'«emploi assurable», de «prestation» et de «prestataire en emploi». Ce sont tous des éléments qui ont un effet collectif. Si jamais on développait un système moins efficace, on créerait des problèmes sociaux importants et on n'atteindrait pas le résultat escompté.

Dans ma seule circonscription de Kamouraska - Rivière-du-Loup, qui regroupe les MRC de Kamouraska, Rivière-du-loup, Les Basques et une partie du Témiscouata, la réforme aura un effet négatif de l'ordre de 10 millions de dollars l'an prochain.

Dans l'ensemble de la région du Bas-Saint-Laurent, qui regroupe ma circonscription plus celles de Rimouski - Témiscouata et de Matapédia - Matane, l'impact sera de plus de 20 millions de dollars.

Quand on enlève 20 millions de dollars de l'économie d'une région, ce ne sont pas seulement les gens qui reçoivent les chèques qui sont pénalisés, mais aussi les dépanneurs du coin, les gens qui louent des films vidéos, les commerçants, tous ceux qui vivent de l'argent qui circule dans la région.

En termes économiques, il y aura un ressac significatif parce que plus de gens vivront de l'aide sociale.

Selon l'évaluation de la ministre de l'Emploi du Québec, pour l'année courante seulement, à cause des modifications à l'assurance-chômage, il y aura 13 000 familles de plus qui recevront de l'aide sociale. En même temps, le régime va créer des surplus de plus de 5 milliards de dollars.

Une telle situation n'est-elle pas scandaleuse? Ne faudrait-il pas consacrer plus de cinq minutes par article pour éviter que cette situation-là ne se produise? On parle d'un surplus de5 milliards de dollars dans la caisse et de 13 000 foyers de plus à l'aide sociale, seulement au Québec.

Cela veut probablement dire que, pour l'ensemble du Canada, il y aura 50 000, 60 000, 70 000 familles de plus à l'aide sociale, pendant que, de l'autre côté, on accumulera les surplus.

La semaine dernière, le ministre lui-même, M. Young, a dit à M. Martin, en parlant aux journalistes, qu'il serait peut-être temps que le surplus soit plafonné et que les cotisations soient diminuées.

On ne peut analyser des propositions semblables en cinq minutes. Il faut qu'on en soit saisis. Il faut qu'on soit capables de vérifier si l'amendement apportera des changements significatifs.

Ces articles-là ne sont pas des vases communicants automatiques. Il faut faire une analyse de l'ensemble de cela, ce qui ne peut être fait en cinq minutes.

Une autre raison pour laquelle on ne peut consacrer que cinq minutes à chacun des articles est que beaucoup de groupes n'ont pas encore été entendus. De partout à travers le Canada, des gens nous ont écrit pour nous dire qu'il serait important qu'ils soient entendus, qu'ils avaient des recommandations à nous faire.

Nous devons porter une attention particulière à ces recommandations-là, dont nous n'avons pas encore été saisis, mais dont il faut tenir compte. Tous ces groupes-là nous ont dit que la réforme était importante, mais que le projet de loi dans sa forme actuelle était irrecevable et que le gouvernement devait le retirer.

Si le gouvernement veut que son projet devienne acceptable à la population, il faut prendre le temps d'en débattre. Ici, c'est le lieu démocratique où on peut le faire. Si on ne le fait pas ici, la population va réagir et manifester son mécontentement autrement. Cela pourrait se traduire par de la violence, par des comportements sociaux inacceptables.

.2115

Je vais vous relater un témoignage déchirant que j'ai entendu à Rivière-du-Loup, à la fin de la manifestation. Une jeune fille de 25 ou 30 ans portant un drapeau de l'Acadie dans ses mains est venue nous voir sur l'estrade. Elle nous a dit: «Moi, j'ai un témoignage à faire». Tous les orateurs avaient terminé leur discours et la jeune dame s'est présentée au micro et a parlé des conséquences de ce que faisaient MM. Chrétien et Young.

Elle nous a parlé de son frère qui s'était suicidé l'année dernière à cause d'une question d'assurance-chômage et de son conjoint qui s'est suicidé il y a un mois et demi pour la même raison. Vous pouvez être sûrs qu'après avoir entendu un témoignage semblable, on n'est pas prêts à accepter qu'on vienne nous dire qu'il n'y aura que cinq minutes pour l'étude de chaque article.

Le gouvernement semble avoir oublié un autre élément. Pourquoi accepterions-nous de débattre pendant cinq minutes seulement alors qu'il n'y a pas eu de débat à l'étape de la deuxième lecture? Jamais ce projet de loi n'a été analysé et étudié en Chambre. Les citoyens du Québec et du Canada n'ont jamais eu la chance de voir l'ensemble de la situation. Ils ont vu la publicité du gouvernement à la télé, ils l'ont entendue à la radio et, de l'autre côté, ils ont entendu les explications des groupes communautaires sur la réforme.

Je vais vous donner un exemple. En Abitibi, des gens de la coalition avaient présenté le contenu de la réforme à des travailleurs au chômage. Les travailleurs nous disaient que ceux qui leur présentaient cela étaient des syndicalistes qui défendaient seulement leurs points de vue. Ils voulaient avoir plus d'information. Ils sont allés chercher le fonctionnaire du ministère et l'ont installé dans la salle. Il leur a dit la même chose que les représentants du syndicat. À ce moment-là, ils se sont rendu compte que cela n'avait pas de bon sens.

Donc, si des travailleurs ont pu consacrer une demi-heure, une heure, une heure et demie ou deux heures à tenter de comprendre les conséquences de la réforme, allons-nous leur manquer de respect en n'accordant pas suffisamment de temps pour l'étude du projet de loi?

En termes démocratiques, on n'a pas un comportement qui nous permette d'être mieux vus pas nos concitoyens. En fin de semaine dernière, lors de la manifestation à Rivière-du-Loup, les gens me demandaient: «Paul, penses-tu que cela va donner quelque chose qu'on fasse la manifestation? Penses-tu qu'il y a moyen d'aller quelque part?». Il y en avait même qui disaient que ce n'était pas comme cela qu'ils allaient faire cela, mais plutôt en barrant la route et en cassant des vitres. Je me suis fait le défenseur de l'ordre en leur disant qu'il fallait d'abord épuiser les moyens démocratiques.

Je leur ai dit qu'avec leur appui et celui des 10 000 personnes qui avaient signé la pétition, j'avais maintenant la force d'aller dire au comité qu'on allait changer les choses.

[Traduction]

Le président: Excusez-moi. M. Crête donne son point de vue sur cette question. Pouvez-vous parler moins fort? Je tiens à entendre ce qu'il a à dire.

[Français]

M. Crête: Merci, monsieur le président. J'étais en train de dire que les gens qui nous ont élus comme députés et les autres nous ont demandé de venir au comité pour nous assurer que la réforme sera la meilleure possible pour eux et pour l'ensemble des Canadiens. Personne ne m'a dit qu'il ne voulait pas de réforme. Ils la veulent tous, mais dans des conditions acceptables.

Certains articles, comme ceux sur le traitement assurable et sur les droits d'appel, sont importants. Il y a des questions qui se posent en ce qui a trait à la question des travailleurs saisonniers et des 900 heures, et elles sont très significatives.

Nous n'avons pas encore examiné l'article ayant trait à la surveillance qui devrait être assurée par la Commission sur le fonctionnement... Il faut que ce soit très clair. Il faut que la loi prévoie des rapports afin que le Parlement soit informé régulièrement des effets de la réforme, parce qu'il ne faudrait pas se ramasser, dans deux ou trois ans, avec des effets pervers qui n'ont pas été prévus par qui que ce soit et qui ont des résultats très négatifs en termes de programmes sociaux.

On veut diminuer les coût relatifs à l'emprisonnement et à la violence. La meilleure façon d'éviter ces situations est qu'il y ait des emplois et que les gens aient des conditions de vie acceptables. Beaucoup de ces éléments se retrouvent dans la réforme dont nous sommes saisis. Il faut étudier ces impacts et voir où l'on s'en va.

.2120

Il faudrait aussi se pencher sur les programmes d'emploi et la diversification de l'économie régionale. Dans les régions, on est très préoccupé par les changements qui pourraient avoir un effet négatif. On dit: «Cela fait 20 ou 25 ans que la loi est là. On y a apporté diverses modifications qui ont fait qu'il s'est développé un mode de vie dans nos régions. Maintenant on voudrait la changer du jour au lendemain en disant qu'on ne nous donnera plus le droit à l'assurance-chômage, mais il n'y aura plus d'emplois». C'est absolument farfelu. Ce n'est pas comme cela qu'on doit fonctionner.

Il faut plutôt avoir des politiques de diversification de l'économie qui vont permettre, dans des régions saisonnières comme la mienne, de développer le tourisme d'hiver, des industries et une nouvelle technologie. Il faudrait que le programme d'aide aux travailleurs indépendants soit généralisé pour qu'on puisse développer des industries et qu'on puisse accorder plus de temps aux gens pour s'intégrer à ce programme-là.

Beaucoup d'éléments des cinq programmes prévus par la loi demandent une réflexion en profondeur. Pour ce qui est du programme d'aide à la transition et à la création d'emplois, on s'aperçoit qu'il y a une aberration là-dedans. Antérieurement, les centres d'emploi du Canada pouvaient prendre des décisions sur beaucoup de projets d'emploi et avaient une approche très décentralisée. Chaque centre d'emploi pouvait faire des ajustements très importants.

Maintenant, avec le programme d'aide à la création d'emploi, chaque fois qu'on crée un emploi communautaire, il faut la signature du ministre. De délais de deux ou trois semaines, on est passé à des délais de deux ou trois mois. Comment cette décision a-t-elle pu être prise? Elle laisse présager que ce sera comme cela à l'avenir. Le ministre doit recevoir des demandes ad nauseam. Donc, en examinant la loi, il faut voir comment cela pourrait être organisé autrement.

La question du jugement sur les fraudeurs est un autre élément qui milite en faveur d'accorder plus de cinq minutes par article. C'est un argument électoral facile que de dire qu'en général, le monde profite du système et que si on pose des conditions plus sévères et pénalise les gens qui bénéficient de l'assurance-chômage, c'est parce qu'ils sont des fraudeurs. Selon la démonstration d'aujourd'hui, environ 4 p. 100 des gens sont des fraudeurs.

Je vous mets au défi de dire qu'il n'y a pas un nombre équivalent de fraudeurs en ce qui a trait à la Loi sur l'impôt sur le revenu et à la Loi sur les banques. Il faudra peut-être même voir s'il existe des moyens juridiques qui ne sont pas accessibles aux travailleurs. On pourrait ajouter à la Loi sur l'assurance-chômage quelque chose qui accorderait des déductions d'impôt à des gens qui travaillent beaucoup moins. On le fait pour les banques, lesquelles contribuent 80 000 $, 100 000 $ ou 200 000 $ à la caisse d'un parti politique, et cela est parfaitement légal. Il y a vraiment des éléments à regarder de ce côté-là.

Est-ce un bon choix stratégique que de faire une lutte plus intensive aux fraudeurs? La solution n'est-elle pas de donner aux gens des moyens qui leur permettront d'avoir des comportements légaux, des comportements acceptables? Le travail au noir ne se développe pas simplement à cause de la malhonnêteté. C'est ce à quoi on en vient quand on a un système qui est tellement réglementé qu'à chaque fois qu'on fait un pas à gauche ou à droite, on se retrouve dans l'illégalité. C'est une situation très difficile à évaluer.

Je donne un autre exemple, celui soulevé par la Fédération des femmes du Québec et par un groupe de l'Ontario. Ces groupes demandaient si cette réforme ne créait pas un effet de discrimination systémique envers les femmes. Une analyse comme celle-là demande beaucoup plus que cinq minutes.

Il faut voir le projet de loi dans son ensemble. Si, après avoir adopté le projet de loi, une plainte aboutissait en Cour suprême et que le jugement de cette dernière décrétait que la loi entraîne une discrimination systémique, le gouvernement du Canada, quel qu'il soit, serait dans le pétrin. Donc, il faut en faire une analyse critique.

.2125

C'est un élément qui me porte à réfléchir. Si on passe seulement cinq minutes sur chacun des articles, on ne réussira pas à faire un bon travail.

Quand on fait un changement important dans le système, en passant d'un nombre de semaines à un nombre d'heures pour le calcul, cela nous oblige à faire une évaluation plus détaillée, parce qu'on avance alors en pleine noirceur. On est en avance sur le reste du monde. Il n'y a pas un autre pays au monde qui soit passé d'un système de semaines à un système d'heures, et cela aura des impacts de tous genres.

Il faut donc s'assurer que l'application de la loi soit surveillée et ajustée selon le bon sens. Mais en même temps, il faut que les gens qui adopteront cette loi s'assurent qu'elle ait une certaine crédibilité. Si elle ne fait pas l'objet d'un consensus, la société aura à exercer des choix politiques. S'il n'y a pas une acceptation sociale du projet de loi, la bataille va recommencer le lendemain matin et tous essayeront de prouver qu'ils avaient raison.

Donc, il faut qu'on soit capable de s'assurer qu'elle sera suffisamment précise et opérationnelle.

Un des derniers éléments que je voulais soulever a trait au problème qu'il y a à ne consacrer que cinq minutes à l'étude de chacun des articles. La nouvelle Loi sur l'assurance-emploi modifie un ensemble d'autres lois. Quant à moi, le titre est mauvais et je pense qu'il y aurait un très bon débat à faire sur l'article 1. Je suis convaincu qu'après l'avoir étudié, surtout si on peut y consacrer plus de cinq minutes, on se rendra compte qu'il n'y a aucune aucune assurance-emploi là-dedans.

On ne peut garantir à une personne qui paie des prestations qu'elle aura un emploi en bout de ligne. Ce n'est pas ce que dit la loi. La loi dit que si tu paies des cotisations, tu auras des prestations si tu réponds à certaines exigences. Nulle part on ne dit qu'il y aura un emploi garanti pour les gens qui cotiseront. C'est un peu une fausse représentation d'un produit. C'est un peu comme si on mettait le nom d'une Cadillac sur une Beetle Volkswagen. C'est le genre de situation qui ne correspond à aucune réalité.

Il faut être bien conscient que ce projet de loi modifie la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur le ministère de l'Immigration et la Commission de l'emploi et de l'immigration, la Loi sur la taxe d'accise, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur les prestations d'adaptation pour les travailleurs, la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, la Loi sur la cession du droit au remboursement en matière d'impôt et un grand nombre de nouvelles terminologies qui font référence à la Loi sur l'assurance-chômage, et il modifiera en quelque sorte les projets de loi C-93 et C-96. Il y a donc un grand nombre d'éléments qui doivent être pris en considération.

Il m'apparaît donc que la proposition de limiter le débat à cinq minutes par article est irrecevable. Il n'est pas possible de faire cela de cette façon-là. Il y a sûrement des articles qui pourraient ne prendre qu'une minute ou deux possiblement, mais il y en a certains autres, dont ceux correspondant à la liste que j'ai énumérée, où des débats d'une demi-heure, d'une heure ou de de deux heures sont possibles. L'impact de cette loi est très grand.

Lorsque je retournerai dans ma circonscription, les gens ne me diront pas que j'ai mis trop de temps à étudier la Loi sur l'assurance-chômage, que j'ai perdu mon temps comme législateur en prenant le temps d'étudier les articles de la loi les uns après les autres.

L'attitude du gouvernement comporte un peu de marxisme. On dit: «Laissons la situation se détériorer le plus possible. En tout cas, adoptons la loi telle quelle et on vivra avec les conséquences».

.2130

J'aimerais comparer cette situation à une autre qui a été vécue et qui devrait faire réfléchir le gouvernement actuel. C'est la question de la Société canadienne des postes.

Pendant plusieurs années, l'ancien gouvernement conservateur est allé à pleine vitesse avec son programme de fermeture de bureaux de poste. Il pensait détenir la vérité absolue. Il pensait que tous le monde était d'accord avec lui. Il se fiait à des sondages qui comportaient des questions un peu farfelues.

En fin de compte, cela a eu un impact majeur sur le résultat de l'élection de 1993. Je crois que le gouvernement actuel, avec la réforme de l'assurance-chômage, risque de se retrouver devant le même résultat s'il ne prend pas le temps de juger de la qualité des amendements.

Je vais me permettre de parler des trois amendements que les libéraux ont présentés la semaine dernière: l'amendement portant qu'on devrait tenir compte des 26 dernières semaines, l'amendement portant que le crédit diviseur puisse coller davantage au taux de chômage plus deux semaines et l'amendement portant sur les gens qui seraient exclus de la règle de l'intensité. Pensez-vous qu'en cinq minutes, on pourrait régler toutes les questions que suscite chacun de ces amendements?

En ce qui a trait à l'amendement relatif aux 26 semaines, c'est la colère soulevée dans l'ensemble du Canada Atlantique sur l'impact d'une telle mesure qui a motivé son dépôt.

C'était très insultant et déshonorant pour la population de se faire dire: «On va faire le calcul en se basant sur les 16 dernières semaines, que tu aies travaillé ou pas». C'est un calcul purement arithmétique, bureaucratique et financier et on ne fait aucune évaluation de l'impact d'une telle mesure sur les êtres humains.

Si on a réussi à apaiser le mécontentement quant à la réforme, il y encore des changements importants qui s'imposent. Quand on dit à quelqu'un: «Tu recevais un salaire de 500 $ et, avec ce calcul-là, tu n'auras plus que 200 $, 125 $ ou 150 $ de prestations», la personne est touchée dans ses revenus.

En ce qui a trait aux besoins, on n'en est pas à la satisfaction de soi et à la reconnaissance du milieu, mais au pain, au beurre, au beurre d'arachide. Les parents vont-ils pouvoir acheter des vêtements à leurs enfants cet été ou cet hiver? Ils se demanderont comment ils feront pour payer leur compte d'épicerie.

Ils recevront un chèque moins gros que celui de l'aide sociale bien qu'ils se soient tués à l'ouvrage pendant 12, 15, 18 semaines pendant l'été.

Donc, il faudra analyser attentivement l'amendement qui permettra de tenir compte des 26 semaines, parce qu'au cours de cette période, il y aura de petites semaines. Certaines personnes auront travaillé pendant dix bonnes semaines à raison de 20 heures par semaine. Il leur manquera 20 semaines parce que, durant les deux dernières semaines, elles n'auront travaillé que cinq ou six heures par semaine. Elles seront pénalisées à cause de cela.

Donc, il reste beaucoup de choses à regarder. Il va falloir trouver des aménagements pour améliorer les choses. Telle qu'elle est actuellement, cette réforme n'est pas acceptable.

Je voudrais aussi parler de l'amendement de M. Regan en ce qui a trait au crédit diviseur. Cet amendement aura pour effet - les libéraux le disent dans leur publicité - d'inciter les gens à travailler deux semaines de plus.

Mais il y a des secteurs, comme celui de la pêche, où on n'a le droit de travailler que pendant 10 semaines. Donc, ce sera difficile d'ajouter deux semaines de plus parce que les pêcheurs seront alors dans l'illégalité en vertu de la Loi sur les pêches. Cela risque de devenir un peu compliqué.

Si tu ne peux pas en faire davantage, on ajoutera deux semaines de plus dans le calcul de tes prestations, ce qui fera que ces dernières vont diminuer de la même façon.

Il faut trouver des correctifs qui seront plus justes, plus honnêtes pour les citoyens et, même si on peut reconnaître qu'on a fait un effort, cet effort est insuffisant par rapport à la réalité que les gens vivent.

Il faut que cela se situe dans un débat global sur la question de la règle d'intensité. Il faut que le gouvernement soit sensible au fait que c'est un gros blocage dans la loi et qu'il y a peut-être encore des solutions à trouver pour que la réforme devienne acceptable.

Quant au troisième amendement, j'aimerais expliquer pourquoi il est important qu'on prenne plus de cinq minutes pour en traiter. Il s'agit de la règle d'intensité.

.2135

Quelqu'un dont le revenu familial sera de 27 000 $ à 28 000 $ se demandera: «Comment est-ce que je vais faire? Comme je suis juste au-dessus de la norme, je n'ai plus droit à une augmentation de mes prestations».

Si ce gars-là touche 27 000 $, il retombera à 55 p. 100 et à 50 p. 100 s'il est saisonnier, alors que s'il n'avait gagné que 25 000 $ de revenus, on tiendrait compte du revenu familial et il pourrait dire à sa femme: «Eh bien, j'aimerais mieux que tu restes à la maison et que tu t'occupes des enfants». Par contre, elle, à son tour, dira: «Oui, mais j'aime travailler, j'aime prendre l'air». Lui répliquera: «Oui, mais si on fait cela, on aura moins d'argent en bout de ligne et on va se retrouver face à des situations aberrantes». C'est un autre point qu'il faut peaufiner et étudier plus en profondeur.

Donc, l'ensemble du projet de loi exige bien plus que cinq minutes de débat par article. Si on discute de propositions comme celles-là de façon régulière et continue, on sera peut-être encore ici dans trois semaines, mais chaque fois qu'on trouvera le moyen d'augmenter la vitesse de la locomotive afin d'arriver à la gare plus rapidement, quitte à ce que les wagons de arrière se décrochent, on ne réglera rien. Par contre, si on prend le temps de bien examiner le projet de loi...

Vous avez été très impressionnés par le temps qu'on a mis à discuter de l'article sur les définitions. Je l'ai peut-être dit trop de fois, mais c'est quand même un article très important. On trouve toute la charpente de la loi dans les définitions et il est tout à fait normal qu'on prenne beaucoup de temps pour tenter de comprendre comme cela va fonctionner.

On a ajouté dans le projet de loi des définitions qui tiennent compte des changements technologiques. Certaines définitions ont été ajoutées de bonne foi par les fonctionnaires dans le but de rendre la loi plus comestible, plus compréhensible. Mais ces définitions peuvent aussi avoir des effets souvent pervers, par exemple en ce qui a trait à la définition d'«affidavit».

C'est une bonne idée de l'ajouter à la section des définitions, pour qu'on puisse dire la même chose partout dans le projet de loi de manière à simplifier l'interprétation, mais cette définition tient-elle compte de tous les éléments pertinents? Il est important de bien comprendre qu'à partir du moment où une définition est insérée dans la loi, les définitions de l'ancienne loi n'auront plus force de loi et que cela pourra entraîner des changements de comportement. Ces changements pourraient être favorables et positifs, mais il faut qu'on soit capables de les analyser, de les évaluer et, là-dessus, on ne fait que commencer à faire notre job.

Je voudrais vous rappeler ce que j'ai dit à propos de l'article 5, sur la définition d'«emploi assurable». Il s'agit là d'un article complet. Il faut donc prendre le temps de l'examiner soigneusement.

La même chose s'applique à la définition d'employeur. Cette définition stipule:

Avec cette loi, on est en train de mettre de côté toute une catégorie de travailleurs autonomes et c'est par les définitions d'«employeur» et de «travailleur autonome» qu'on aurait pu trouver une solution à cela. C'est un élément important, car c'est quelque chose qui est de plus en plus présent sur le marché du travail.

C'est vers cela qu'on se dirigera au cours des cinq, dix et 15 prochaines années. Il y aura de plus en plus de travailleurs autonomes, de gens qui ne seront pas nécessairement salariés et qui ne paieront pas de cotisations. Mais si ces gens-là ne contribuent pas à un régime d'assurance-chômage, ils n'auront pas de bénéfices en bout de ligne. Cela peut paraître moins coûteux pour l'État, mais cela entraînera d'autres coûts.

Il y a aussi des effets sur les politiques provinciales. Par exemple, un travailleur artisan ou un artiste qui travaille comme travailleur autonome et qui n'est pas assurable se retrouvera facilement à l'aide sociale. Cela a un coût qui se reflétera sur les dépenses de transfert du gouvernement fédéral.

La loi comporte donc un élément sur lequel on ne peut fermer les yeux. Il faut trouver une solution, trouver un façon de vivre en fonction de ces changements afin que dans 15 ans, on ne soit pas obligé d'adopter une nouvelle loi afin de tenir compte d'une réalité qui était là au départ. Il y a beaucoup d'éléments de cet ordre auxquels il faudra consacrer plus de temps.

.2140

Je voudrais qu'on se penche sur le fait qu'on reçoit encore beaucoup d'information à la dernière minute. Aujourd'hui, c'est de la très bonne information. Je veux bien comprendre qu'on ne pouvait nous transmettre cette information plus tôt mais elle ne porte que sur les services améliorés d'aide aux prestataires et sur les sanctions plus sévères appliquées aux fraudeurs. Certains de ces éléments doivent être étudiés en profondeur.

On peut applaudir à l'augmentation des pénalités à l'endroit des employeurs fraudeurs. On peut se demander si une analyse plus approfondie doit en être faite, ce qui n'a pu être fait plus tôt parce que nous n'avions pas les chiffres. Si on consacrait toutes les énergies à la lutte aux employeurs fraudeurs - je ne parle pas des employeurs en général - , ne réglerait-on pas... Si on introduisait dans la loi des moyens de mener une lutte intensive aux employeurs fraudeurs, les effets économiques et sociaux ne seraient-ils pas beaucoup plus importants que ceux de la chasse aux petits chômeurs, aux gens qui contreviennent à la loi sur des aspects mineurs?

Récemment, dans ma circonscription, nous avons eu un exemple très concret d'un employeur, propriétaire de quatre ou cinq sociétés, qui s'est fait prendre et dont les employés seront pénalisés et auront des amendes à payer. Selon les interprétations qu'on m'a données, l'employeur menaçait souvent l'employé de le mettre à pied s'il n'adoptait pas le comportement ou le fonctionnement qui lui était imposé. Il faut donc examiner ce qui se passe dans la vraie vie.

Prenons le cas d'une femme qui, seule, a la responsabilité d'une famille. Elle doit soit accepter les règles du jeu de cet employeur, soit s'en aller chez elle et perdre son emploi. Le choix peut être ardu. Une personne peut se dire que si elle fonctionne dans l'illégalité, son comportement sera quand même légitimé.

Le vrai coupable, dans le cas que je cite, occupait un poste plus élevé dans la pyramide. Il serait peut-être intéressant d'examiner plus à fond ces situations. Or, nous n'avons pas eu la chance de le faire avant aujourd'hui, parce qu'on nous a fait connaître de nouvelles conditions.

Je voudrais donner un autre exemple, que je trouve intéressant. Il s'agit du résumé du document qu'on nous a remis aujourd'hui. On dit que le budget des services aux prestataires, le budget d'investissement, fera en sorte qu'une somme de 800 millions de dollars sera toujours disponible. Cependant, au cours des années 1996-1997 et 1997-1998, le budget passera de 200 millions de dollars à 175 millions de dollars la première année, et de 400 millions de dollars à 380 millions dollars la deuxième année. Où prendra-t-on cet argent et qui va payer le 25 millions de dollars en moins la première année? Est-ce dans le fonds transitoire prévu pour le Québec? Est-ce dans le fonds transitoire prévu pour les Maritimes?

Nos chômeurs, qui auront vu augmenter le nombre de semaines de probation et diminuer leurs prestations, et à qui on a promis des programmes de transition pour régler la situation se verront-ils tirer le tapis de sous les pieds? On leur dit qu'il n'y aura pas tout à fait autant d'argent que prévu au budget. On annule donc une partie de l'effet possible de diversification de l'économie.

L'un des derniers éléments que je voudrais soulever porte sur le fait que la création d'emplois espérée avec l'adoption de cette loi n'est pas très évidente. On revient à l'option stratégique d'augmenter l'employabilité des gens, mais on n'a pas beaucoup de possibilités d'augmenter l'emploi pour ceux qui n'ont pas nécessairement les moyens d'augmenter leur employabilité. Je pense aux travailleurs de 45 à 55 ans, qui ont déjà travaillé 20 à 25 ans au même endroit, qui n'ont qu'une formation primaire ou secondaire, qui ont appris sur le tas et qui, soudainement, se retrouvent sans emploi. Quelles sont les mesures contenues dans le projet de loi pour régler les situations vécues par ces travailleurs?

Y a-t-il vraiment, dans la loi, des articles qui vont nous permettre de trouver des solutions à leurs problèmes et leur permettre d'être utilisés en tant qu'êtres humains, de faire valoir leur potentiel? Ce ne sont pas des gens qui peuvent entrer dans la course à la productivité, mais ils ont une contribution à apporter au système. Leur expérience peut leur permettre de faire connaître une expertise particulière et, peut-être, de démarrer une entreprise dans des secteurs artisanaux. Il faut faire une analyse correcte de tous ces aspects.

J'espère que l'ensemble des arguments que j'ai fait valoir et ceux présentés par M. Dubé trouveront preneurs chez certains députés de la majorité. La limite de cinq minutes par article m'apparaît complètement inacceptable. Elle ne nous permettra pas de fouiller à fond les questions que soulève le projet de loi. Nous serons forcés d'adopter des articles à la vapeur. D'autres seront corrects et d'autres, plus ou moins corrects, passeront dans le hachoir en même temps.

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Tout cela fait qu'il faut absolument qu'on combatte cette motion-là ou qu'elle soit reportée de telle façon qu'en bout de ligne, on puisse revenir à une étude qui sera plus sérieuse et plus approfondie. Il faut donc qu'on prenne le temps d'étudier chacun des articles.

On est membres du Comité permanent du développement des ressources humaines. Cela fait partie de notre travail. On siège jusqu'au 21 et il n'y a aucune raison pour qu'on poursuive de façon précipitée. On a la possibilité de faire une analyse en profondeur du projet de loi et d'être satisfaits de ce qu'on aura fait comme travail. Ce que veulent les Québécois et les Canadiens, c'est une réforme de l'assurance-chômage qui va correspondre vraiment aux besoins réels et qui ne sera pas contrainte par les restrictions budgétaires. La difficulté dans laquelle on se retrouve aujourd'hui, ne nous le cachons pas, vient de là.

Si on n'était pas dans un système où il y a nécessité de fournir au ministre des Finances la possibilité d'effectuer des coupures de l'ordre de milliards de dollars, eh bien, aujourd'hui on ne serait pas dans la situation où on doit effectuer une telle réforme.

Si le ministre Young avait réussi, samedi ou vendredi, à faire parler le ministre des Finances et s'il avait réussi à faire parler le premier ministre sur des choix différents, aujourd'hui on pourrait procéder à une réforme plus adéquate, parce qu'on n'a pas de problèmes financiers par rapport à l'assurance-chômage.

J'en ai plein la tête de cette loi-là. Je vis avec cela vingt-quatre heures par jour.

Mme Lalonde: Nous tous.

M. Crête: Comment pourra-t-on, en cinq minutes, régler la question du contrôle de la caisse? C'est un problème qui a été soulevé à maintes reprises par les témoins, pas seulement par les syndiqués, mais, de façon répétée, par les employeurs, les représentants de l'entreprise indépendante et le Conseil du patronat du Québec. Tous nous ont dit de trouver un truc pour y arriver. Au Québec, il existe des modèles comme la CSST, la SQDM et plusieurs autres, et il en existe dans les provinces anglaises également. Il y a plein de modèles.

Je me permettrai de faire un parallèle. Si le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire du ministre Young, a réussi à créer NAV CANADA, une firme qui va s'occuper d'assurer le contrôle du trafic aérien au Canada et qui comptera des représentants de chaque groupe du milieu, et qu'il y a un consensus sur ce vote-là, pourquoi cela n'a-t-il pas été possible en ce qui a trait à l'assurance-chômage? Pourquoi ne serait-il pas encore possible de trouver une solution identique pour ce qui est de l'assurance-chômage, alors qu'il y a des employeurs, des gros, des petits et des moyens, et des contributeurs individuels qui peuvent être représentés par des syndiqués ou se représenter eux-mêmes?

Là il y aurait une solution. C'est la responsabilité du comité d'élaborer quelque chose par rapport à cela. Ce serait intéressant si, avec un mandat comme celui-là, le ministre nous laissait carte blanche et disait au comité: «Élaborez une solution, faites-nous une proposition pour qu'à l'avenir la gestion de la caisse se fasse correctement». Cela serait constructif.

Cependant, ce n'est pas là un travail de cinq minutes, je vous le garantis. On en aurait pour une couple d'heures, une couple de jours et peut-être même une couple de semaines avant de trouver la formule. Mais, après cela, quand le problème serait réglé, quand on aurait la solution devant nous, on serait tranquilles. Ils pourraient gérer la caisse et le gouvernement ne serait plus dans la situation où il se trouve avec ses obligations sociales et ses contraintes financières. Il pourrait s'examiner comme il le faut, regarder où il y a des coupures à faire dans ses dépenses réelles, tout en permettant à ceux qui font des contributions à la caisse de la régir correctement.

Ce sont des exemples qui vous démontrent que le cinq minutes par article est une idée qu'il faut oublier. Il faut trouver une façon de consacrer plus de temps à l'étude des articles. Bientôt on aura consacré plus de temps à débattre de cette notion-là qu'à débattre du fond de la question. Et si l'on devait retenir quelque chose de la situation actuelle, ce serait que, plus il y aura de motions dilatoires pour nous empêcher de parler du fond de la question, moins on va s'en sortir et plus on va vouloir revenir sur le fond.

En tout cas, la majorité pourra dire que les partis d'opposition ont eu la chance de débattre de tout ce qu'ils avaient à débattre là-dessus. Quant à nous, on aura eu la chance de faire valoir nos arguments. La démocratie jouera et on pourra voir si, en bout de ligne, certains de nos arguments auraient pu amener des solutions plus intéressantes.

.2150

Monsieur le président, j'espère avoir convaincu les membres du comité de la pertinence de ce que j'ai dit et je réserve mes autres arguments pour plus tard.

[Traduction]

Le président: Êtes-vous prêts à voter?

Je donne la parole à Mme Lalonde.

[Français]

Mme Lalonde: Cette motion va peut-être nous permettre de parler du fond à nos collègues d'en face et de leur démontrer que ce n'est pas avec des débats de cinq minutes qu'on peut faire un meilleur travail.

Je ne sais pas si vous en êtes conscients, mais pour ma part, la première fois que j'en ai pris conscience, j'en ai été abasourdie. Le ministre des Finances n'aurait aucun problème si le projet de loi n'était pas adopté cette année. Il faut bien savoir que, cette année, la réforme coûte un milliard de dollars au compte de l'assurance-chômage. Ce n'est pas une petite somme. Cette année, avec la réforme, il y aura un milliard de dollars de moins. Il est important d'ajouter cela aux propos que vient de tenir Paul Crête.

Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas décidé de faire un vrai travail de réforme? Personnellement, je m'attendais qu'à ce comité, on puisse discuter d'une vraie réforme. On sait qu'on a besoin de vous convaincre, que c'est la seule chance qu'on ait de vous convaincre qu'il est nécessaire de faire un autre type de réforme.

Après avoir entendu aussi bien le patronat que les groupes qui étaient contre, et après avoir travaillé suffisamment dans les négociations et dans les entreprises de concertation, je suis certaine qu'on a eu l'intention d'exercer une pression à la baisse des salaires et à l'augmentation des heures de travail. Je ne vois pas d'autre explication, à moins que la seule raison pour laquelle ce projet de loi-là a été déposé ait été qu'on voulait s'occuper du travail saisonnier. Comme on n'avait pas trouvé de solution, on a voulu, par le petit bout de la lorgnette, réformer tout un système.

Les députés d'en face ne seraient peut-être pas capables de faire cela, mais ils pourraient essayer de comprendre nos arguments. Sans la réforme de l'assurance-chômage, il y aurait cette année un milliard de dollars de plus dans la caisse. J'ai vérifié auprès des officiels. Quand vous regardez les documents du ministère du Développement des ressources humaines, vous voyez écrit en petits caractères, en bas:

Il me semble qu'il aurait été intéressant que les députés de la majorité discutent de cela avec les députés de l'Opposition officielle. Je ne comprends pas qu'avec une caisse qui enregistre ce surplus-là cette année et qui enregistrera l'année prochaine, avec ou sans la réforme, un surplus de cinq autres milliards de dollars... Mais cette année, c'est un milliard de dollars en moins avec la réforme.

Pourquoi ne prend-on pas le temps de faire une vraie réforme au lieu de celle qu'on fait?

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Je vais vous démontrer que ce n'est pas en consacrant seulement cinq minutes à chaque article qu'on pourra ensemble, en comité, faire un travail sérieux et comprendre pourquoi, par exemple, un des chercheurs qui a fait une recherche pour vous et qui était d'accord sur une partie des propositions a dit, ce qui m'a terriblement frappée: It's a leap in the dark. Il est évident que cette réforme est un saut dans l'inconnu. Aucun pays au monde n'est passé d'un système de semaines à un système d'heures.

Après avoir entendu ce commentaire, j'ai repris toutes les dispositions de la réforme. Et je peux vous dire que ça prend plus de cinq minutes, parce que toutes les dispositions de la réforme vont dans le sens de favoriser les gens qui ont deux emplois, et pas seulement ceux qui ont deux emplois, mais aussi ceux qui ont deux emplois à temps partiel et ceux qui font du temps supplémentaire.

Je trouve qu'il est important de vous convaincre que la réforme n'a pas de bon sens, parce qu'une des principales conséquences de cette réforme est d'inciter les gens à travailler le plus possible alors qu'on essaie dans ce pays, d'une façon contradictoire, de développer des politiques d'emploi dans le but de réduire le temps de travail et de partager le travail.

Quelles sont donc les conséquences de la proposition de réforme du gouvernement? La proposition de réforme du gouvernement favorise une personne qui a un double emploi. Quand cette personne se trouve au chômage, elle est favorisée. Est-ce que c'est normal? Dans la période que nous vivons, où le problème de l'emploi est si sérieux, comment peut-on accepter la logique interne de cette loi qui favorise ceux qui ont un double emploi?

Il me semble qu'il nous faut plus de cinq minutes pour poser des questions, obtenir des réponses et discuter. Je ne suis pas sûre, d'ailleurs, que les députés d'en face aient envie d'appuyer un projet de loi anti-emploi.

Vous pourriez aussi vous demander pourquoi nous autres, les souverainistes, nous voulons améliorer le projet. Nous avons une bonne raison. C'est que cela touche de façon importante la vie des gens ordinaires. Et puis ça va toucher aussi l'économie de façon importante, tout comme cela va toucher les femmes, les jeunes et les gens qui sont sortis du marché du travail.

Si le comité avait toute latitude pour étudier une réforme, ce qui prendrait plus de cinq minutes, il faudrait d'abord qu'il se demande pourquoi on doit réduire le salaire maximum assurable. Pourquoi quelqu'un qui gagne 42 400 $ ne payerait-il pas de cotisations d'assurance-chômage? Pourquoi est-ce que ce sont seulement les gens qui gagnent un salaire maximum de 39 000 $ qui devraient payer des cotisations d'assurance-chômage? Pourquoi?

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