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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 26 mars 1996

.1535

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte. Nous avons le plaisir d'accueillir M. Hunter et Mme Goulet du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier.

Tout d'abord, nous vous souhaitons la bienvenue. Comme vous le savez, nous sommes à étudier le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. Nous souhaitons connaître votre point de vue sur cette mesure législative et toute proposition visant son amélioration.

Vous disposez d'une demi-heure. Vous pouvez l'utiliser comme vous l'entendez, mais je tiens à vous signaler que les députés de part et d'autre apprécient la possibilité d'une période de questions et réponses qui peut permettre de mieux faire ressortir ou expliquer certaines observations que vous nous aurez exposées. Vous pouvez donc commencer.

M. Gordon Hunter (vice-président, Médias, Communications, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier): Merci beaucoup, monsieur le président, membres du comité. Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Notre exposé sera relativement bref et je suis convaincu qu'il restera du temps pour les questions et réponses.

Tout d'abord, je tiens à m'excuser de n'avoir fourni de mémoire qu'en langue anglaise. À cause d'un préavis assez court, nous n'avons malheureusement pas pu le faire traduire à temps. Je m'en excuse donc avant de commencer.

Créé en 1992 par suite de la fusion de trois syndicats de plus petite taille, le SCEP représente 150 000 travailleurs et travailleuses de diverses régions du Canada qui cotisent à titre d'employés au fonds de l'assurance-chômage. Le SCEP est donc intéressé au premier chef par le programme d'assurance-chômage.

Le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier n'a qu'une seule recommandation à formuler au sujet du projet de loi C-12, à savoir que la mesure législative doit être retirée. Elle doit l'être puisque, à notre avis, elle n'offre aucun avantage qui pourrait compenser ses désavantages. Par conséquent, nous croyons qu'elle doit être non pas amendée, mais tout simplement retirée.

Le projet de loi C-12 constitue une attaque qui cible tout à fait à tort les chômeurs et une abdication par le gouvernement fédéral de ses responsabilités en matière de création d'emplois. Le projet de loi constitue également, à notre avis, une stratégie de réadaptation structurelle du marché canadien de la main-d'oeuvre visant à engendrer une économie de bas salaire, ce qui est tout à fait inacceptable.

Compte tenu du caractère structurel des changements proposés au programme, les membres du SCEP s'inquiètent de leurs répercussions sur le marché du travail et des conséquences qu'elles auront sur eux. Plus particulièrement, le SCEP s'interroge sur les répercussions qu'aura la mesure sur au-delà de 3 000 travailleurs saisonniers du secteur forestier qu'il représente au Québec et dans la région de l'Atlantique.

Ces membres du SCEP, qui n'ont pas l'avantage d'un emploi à temps plein, à longueur d'année, représentent l'un des principaux groupes visés par le projet de loi C-12. Selon le SCEP, les travailleurs saisonniers contribuent d'une façon importante à la croissance de l'économie nationale et à la création d'emplois à plein temps pour d'autres Canadiens. Ces gens travaillent dans le secteur des ressources et, donc, dans un secteur qui fait du Canada un partenaire commercial courtisé sur les marchés mondiaux et dont la viabilité dépend de la présence de main-d'oeuvre dans les régions, là où se trouvent les ressources.

Enfin, le SCEP est d'avis que le milieu syndical a la responsabilité de soutenir les programmes sociaux du Canada, non pas seulement à l'avantage de ses membres mais dans l'intérêt général de tous les Canadiens. Cette conviction a été réaffirmée à l'occasion de notre dernier congrès, quand les délégués ont lancé une campagne visant à protéger nos programmes sociaux. Il ressort d'une enquête effectuée à la suite de ce congrès qu'une très forte proportion de nos membres appuient, par exemple, les programmes d'assurance-chômage. Pratiquement 96 p. 100 de nos membres se sont dit alors d'avis qu'il est important ou très important de pouvoir compter sur un régime d'assurance-chômage solide et fiable. Selon le SCEP, les changements proposés vont tout à fait en sens inverse.

Lorsque l'ancien ministre du Développement des ressources humaines, Lloyd Axworthy, a présenté son document de travail intitulé La sécurité sociale dans le Canada de demain, on a énuméré un certain nombre de raisons qui pouvaient justifier une nouvelle réforme du programme d'assurance-chômage. On a surtout justifié les changements proposés en invoquant la nécessité de moderniser un programme qui fait l'objet d'abus et qui coûte trop cher.

En matière d'abus, le gouvernement blâme à nouveau les victimes des compressions imposées à l'assurance-chômage par le gouvernement antérieur en faisant des boucs émissaires de ceux qui ont quitté volontairement leur emploi. On a introduit des changements qui ont tout à fait rendu inadmissibles aux prestations les employés dont le départ pouvait être qualifié de volontaire.

.1540

Aujourd'hui, le gouvernement justifie les compressions à l'assurance-chômage en faisant des réitérants des boucs émissaires. Le gouvernement aimerait faire croire aux Canadiens qu'ils exploitent abusivement le système lorsqu'ils sont condamnés à travailler à court terme et donc à faire appel à l'assurance-chômage. Ce n'est pas vrai. Si les réitérants ne travaillaient qu'assez longtemps pour pouvoir toucher de l'assurance-chômage, ils ne recevraient pas de prestations. Leur départ serait considéré comme étant volontaire et ils seraient de ce fait non admissibles. S'ils sont des réitérants c'est en raison du caractère temporaire du seul travail qu'ils sont en mesure de trouver - et non pas par choix.

Pour ce qui est maintenant des coûts, il semble que le gouvernement ait oublié que la meilleure façon d'économiser consiste à créer des emplois. Des compressions antérieures de l'assurance-chômage ont déjà réduit de plus de 50 p. 100 le nombre de personnes considérées comme chômeurs ou admissibles aux prestations. De plus, on estime que la caisse d'assurance-chômage affichera un surplus de 5 milliards de dollars à la fin de la présente année financière.

Ainsi, l'une des idées maîtresses des propositions de réforme de l'assurance-chômage, c'est que le chômage est causé par les chômeurs et, plus particulièrement, que les réitérants minent le programme d'assurance-chômage. Le gouvernement a cessé de lutter contre le chômage et il a plutôt décidé d'attaquer les chômeurs.

Le SCEP rejette cette approche. Par conséquent, nous contestons les fondements mêmes du projet de loi C-12. Pour nous, les mécanismes proposés auraient pour effet de lancer une nouvelle attaque contre les victimes de pertes d'emplois et ils sont donc tout à fait inacceptables.

En 1990, lorsque le gouvernement fédéral s'est retiré du financement du programme d'assurance-chômage, les enjeux dépassaient le rejet du pacte social traditionnel et la volonté de conformité avec l'Accord de libre-échange. Le retrait a signifié la remise en question de deux fonctions importantes qui allaient de pair avec la contribution du gouvernement fédéral au fonds de l'assurance-chômage. En réalité, le projet de loi C-12 s'inscrit dans le droit fil des changements amorcés il y a six ans dans le cadre du projet de loi C-21. Il est triste et paradoxal de constater aujourd'hui que ceux qui, à l'époque, s'opposaient à de tels changements viennent aujourd'hui les mener à terme.

La première des deux fonctions dont j'ai parlé est celle du financement des prestations de prolongation fondé sur le taux de chômage régional. La contribution du gouvernement fédéral à la caisse d'assurance-chômage s'appuyait sur le principe selon lequel le coût de la prolongation des prestations dans les régions à chômage élevé ne devait pas être assumé par les cotisants mais par les recettes générales. Ainsi, on garantissait la participation au programme dans toutes les régions, indépendamment du taux du chômage. Il s'agissait également d'une façon équitable de répondre aux besoins particuliers d'une région, où une pénurie d'emplois existe.

Le projet de loi C-21 a porté atteinte au principe des prestations de prolongation fondé sur le taux de chômage régional en supprimant le financement fédéral. Aujourd'hui, en ciblant les travailleurs saisonniers, le projet de loi C-12 assure la mise en application pratique du nouveau principe. Les diverses dispositions du projet de loi C-12 qui ciblent les réitérants sont les moyens d'y arriver.

De telles intentions ressortent très nettement des comparaisons interprovinciales et intersectorielles fournies par DRHC. Le SCEP s'inquiète grandement du fait que le gouvernement a décidé de cibler les travailleurs saisonniers et de mettre en opposition les régions à faible et à fort taux de chômage. Nous avons été attristés d'apprendre, grâce à une fuite du Citizen d'Ottawa, que le gouvernement fédéral s'apprêtait à organiser un débat public orchestré opposant les Canadiens de l'Ouest à ceux de l'Est.

La deuxième fonction qui correspond au financement par le gouvernement fédéral du programme d'assurance-chômage a trait au rôle et à la responsabilité du fédéral en matière de création d'emplois. Dans la mesure où il finançait l'assurance-chômage dans les régions à fort taux de chômage, le gouvernement fédéral était incité à s'efforcer de créer des emplois. En se retirant du financement, le gouvernement fédéral n'est plus partie prenante.

La prolongation de la période d'admissibilité et la réduction des prestations toucheront un nombre grandissant de travailleurs qui sont les victimes des changements qui s'opèrent sur le marché du travail. Il ressort clairement du projet de loi C-12 que le gouvernement fédéral accepte la réalité d'un taux de chômage élevé et d'un marché du travail précaire. Comme solution, le projet de loi C-12 propose un régime moins généreux qui permet de réduire les coûts du chômage structurel à long terme, qui devient désormais acceptable dans la mesure où on en limite les coûts.

Le gouvernement prétend que la réforme de l'assurance-chômage est inévitable en raison de la dette et du déficit. Selon le gouvernement libéral et les milieux d'affaires, il est nécessaire de comprimer le programme d'assurance-chômage et d'autres programmes sociaux pour être en mesure de les protéger à long terme. Nous contestons une telle logique. Le projet de loi C-12 ne constitue pas une réforme ou une modernisation du programme d'assurance-chômage du Canada. Il s'agit plutôt d'une politique musclée de réadaptation structurelle du marché canadien de la main-d'oeuvre. Pour les travailleurs canadiens, cela veut dire que les prestations que leur accorde un régime de moins en moins efficace vont diminuer et qu'ils vont être forcés de plus en plus à accepter de moins bons salaires.

Cette stratégie des bas salaires ressort des plus clairement du programme proposé de prestations d'emploi, qui comprend des subventions salariales aux employeurs et des suppléments de revenu aux salariés dont les revenus sont les plus élevés. Sous prétexte d'assurer la formation de travailleurs qui sont à la recherche d'un emploi et de leur venir en aide, le programme servira en partie à accorder des subventions aux entreprises de manière à ce qu'elles puissent embaucher des travailleurs à des taux de salaire réduits. Certains employeurs pourraient alors être tentés de congédier des travailleurs mieux rémunérés et plus expérimentés pour les remplacer par les travailleurs subventionnés, ce qui aboutirait à une diminution des salaires et à un élargissement des programmes gouvernementaux de soutien des familles à faible revenu, ce qui aggraverait les problèmes que le gouvernement cherchait à résoudre au départ.

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Selon le SCEP, le gouvernement doit cesser de rendre les chômeurs responsables du nombre insuffisant d'emplois créés, situation largement attribuable à sa politique budgétaire et monétaire, et il doit plutôt mettre l'accent sur la création de véritables emplois stables et bien rémunérés. Il s'agit là d'une question de dignité et de la seule façon équitable de redistribuer la richesse qui est créée au Canada.

Merci.

Le président: Est-ce tout ou bien avez-vous quelque chose à ajouter? Bien.

Nous passons maintenant à un tour de dix minutes, soit cinq minutes pour M. Crête et cinq pour M. Scott par la suite.

[Français]

M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Je vous remercie pour votre présentation. Je vous demanderais tout à l'heure de nous décrire plus précisément la circonscription géographique que vous représentez afin que nous ayons une meilleure idée de votre implantation dans ce milieu.

Dans votre mémoire, vous mettez le doigt sur des choses importantes. J'aimerais que vous insistiez particulièrement sur l'hypothèse que vous élaborez à la fin de votre mémoire, quand vous dites que toutes ces mesures semblent mises en place pour créer une pression à la baisse sur les salaires. Vous semblez penser qu'ainsi, on amènera les gens à accepter de travailler pour moins d'argent et que, de cette façon, on réussira à devenir compétitifs avec les Américains ou les pays du Sud. J'aimerais donc que vous élaboriez un peu plus sur ce sujet.

Vous pouvez peut-être aussi nous dire si vous voyez d'autres alternatives ou si vous souhaitez certaines actions de la part du gouvernement pour accompagner cette réforme de l'assurance-chômage.

[Traduction]

M. Hunter: J'aimerais vous donner une brève réponse au sujet de nos membres et de leur répartition au Canada. Mme Goulet abordera de façon plus détaillée la deuxième question que vous avez soulevée.

Le SCEP est un syndicat assez nouveau, comme vous avez pu le constater à la lecture de notre mémoire. En réalité, il a résulté de la fusion du Syndicat canadien des travailleurs du papier, du Syndicat des travailleurs en communication du Canada et du Syndicat des travailleurs de l'énergie et de la chimie. Ils se sont réunis pour former une nouvelle organisation, à laquelle sont venus se joindre par la suite un certain nombre d'autres petits groupes.

L'Association des travailleurs de la radiodiffusion, la NABET, a fusionné avec le SCEP après ses deux premières années. Une proportion importante des sections locales de guildes de travailleurs des journaux ont également fusionné avec le SCEP, tout comme les travailleurs des communications.

Nous représentons donc un très vaste éventail de travailleurs un peu partout au Canada. Nous sommes, je crois, le cinquième ou le sixième syndicat en importance au Canada. Je crois que nous sommes vraisemblablement le troisième syndicat en importance dans le secteur privé. Puisque nous représentons une telle diversité de travailleurs, nous nous plaisons souvent à dire que nous représentons aussi bien les personnes qui plantent les arbres que celles qui les abattent, celles qui fabriquent le papier et celles qui rédigent les textes qui sont imprimés dans les journaux. Nous fabriquons l'essence qui fait fonctionner les camions. Nommez des spécialités, nous les représentons. Nous représentons un groupe très vaste et fort diversifié de personnes un peu partout au Canada.

[Français]

Mme Diane Goulet (représentante nationale, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier): Il est important de considérer de façon plus globale la réforme de l'assurance-chômage qui est faite en ce moment. Dans une étude faite par l'OCDE, on peut remarquer l'existence d'une stratégie internationale visant à mettre en place un marché du travail avec des salaires très bas.

On s'aperçoit qu'il y a deux causes principales à la difficulté qu'ont les pays riches à s'adapter au nouveau marché du travail. La première, ce sont les programmes sociaux trop généreux. En effet, les gens ayant facilement accès à des soins de santé et à l'assurance-chômage et pouvant bénéficier du très généreux bien-être social ne se jettent pas immédiatement sur tous les emplois qui sont offerts, en particulier ceux qui sont moins bien payés ou qui présentent des dangers pour la santé à cause de certaines mauvaises conditions de travail.

.1550

M. Crête: Êtes-vous d'accord sur ça?

Mme Goulet: Non, nous ne sommes pas d'accord, bien évidemment, mais je tente d'expliquer la raison pour laquelle on traite les chômeurs, et particulièrement les gens de l'Atlantique, d'abuseurs du système et de paresseux. En fait, ces gens-là ne sont pas paresseux. Le fait est que ça fait partie d'une stratégie internationale qui soutient que les programmes sociaux sont trop généreux puisque les travailleurs des pays riches n'acceptent pas n'importe quel emploi, et qui, par conséquent, veut réduire les contraintes sur le marché du travail, comme celle de la Loi sur le salaire minimum. C'est la façon dont on entend s'adapter au nouveau marché du travail et à la globalisation du marché.

On peut voir que cela est repris dans la réforme actuelle de plusieurs façons. On dit clairement que le but de la réforme est d'éliminer les abuseurs. Mais il faut voir qui sont ces abuseurs. On sait que le Canada est un pays qui a quatre saisons. Quand on parle de travaux saisonniers, on pense à la pêche ou à la forêt. On ne peut pêcher, ou couper ou replanter en forêt que durant un certain temps de l'année. Donc, ce ne sont pas les gens qui abusent du système car leur emploi ne peut durer que pendant un certain temps de l'année.

De façon globale, je pense que la réforme vise vraiment à réduire le nombre de chômeurs. On veut réduire le nombre de chômeurs en s'attaquant directement à eux pour diminuer le taux de chômage et non pas en créant des emplois. Je pense que c'est là un des principaux problèmes de la réforme actuelle, et c'est la raison pour laquelle nous demandons l'élimination complète de ce projet de loi.

M. Crête: J'ai une petite question plus technique. Vous représentez des gens qui travaillent dans la forêt, et on a demandé à plusieurs reprises au ministère comment ces gens-là doivent calculer leurs heures et leurs semaines de travail selon les nouvelles modalités de l'assurance-chômage. Il n'y a pas vraiment eu de réponse précise car ces gens-là sont payés à la tâche le plus souvent. Comme on dit chez nous, il sont «payés à la job». Quelle solution préconisez-vous pour que ces gens-là ne soient pas pénalisés et puissent vivre?

Mme Goulet: Nous demandons tout simplement le retrait du projet de loi. Il faut revenir à ce qui se faisait avant, car il n'y a pas de problème en ce qui concerne la caisse d'assurance-chômage, ni en ce qui concerne le programme d'assurance-chômage comme il est. En ce moment, le gouvernement fédéral veut le modifier uniquement parce qu'il a besoin de 5 milliards de dollars pour réduire son déficit.

[Traduction]

Le président: Monsieur Scott.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de votre exposé. Compte tenu des gens que vous représentez, ne trouvez-vous pas qu'il est avantageux, dans le cadre du programme, de calculer la valeur du travail en heures plutôt qu'en semaines?

[Français]

Mme Goulet: On ne voit vraiment pas en quoi la réduction de l'accessibilité du programme d'assurance-chômage, comme le fait de diminuer les prestations et leur durée, va aider à créer des emplois. En fait, on est en train d'affamer les chômeurs au lieu de se mettre au travail pour relancer l'économie et créer des emplois.

[Traduction]

M. Scott: Je vous repose la question: ne trouvez-vous pas avantageux que le travail soit évalué en heures plutôt qu'en semaines?

[Français]

Mme Goulet: Le problème, ce ne sont pas les heures travaillées en fonction des semaines. Si on examine le projet de loi, on se rend bien compte qu'il faudra beaucoup plus de temps pour pouvoir avoir accès aux bénéfices. En effet, des personnes qui travaillent 15 heures par semaine ou des nouveaux arrivants sur le marché du travail vont devoir travailler 60 semaines avant de pouvoir recevoir des prestations. Malheureusement, il n'y a que 52 semaines. Voilà où est le problème. L'accès au programme d'assurance-chômage va donc être plus difficile dans beaucoup de cas.

[Traduction]

M. Scott: Je suppose que, dans votre secteur, l'activité est saisonnière, tout au moins pour les travailleurs des pâtes et papiers. Dans les secteurs saisonniers, on accueille favorablement, d'une façon générale, le passage au calcul des heures plutôt que des semaines étant donné que, dans ces secteurs, il est possible de travailler durant de longues heures, mais seulement pour un certain nombre de jours et de semaines, qu'il s'agisse des secteurs des pêches, des forêts ou des mines. Certains facteurs climatiques limitent le travail à certaines périodes de l'année mais, durant ces périodes - je pense également, par exemple, au secteur de la construction, il est possible de travailler durant de nombreuses heures. On souhaite depuis longtemps dans ces secteurs que le programme soit fondé sur le nombre d'heures plutôt que le nombre de semaines.

.1555

Or, vous avez déclaré que rien, dans le projet de loi, ne vient en compenser les aspects désavantageux. Je suis convaincu que certaines personnes de votre secteur contesteraient une telle affirmation. Je puis certainement dire que, dans ma région, les gens demandent depuis longtemps qu'on calcule les heures plutôt que les semaines. En termes d'admissibilité, de façon générale, la personne qui travaille 70 heures durant une semaine aura gagné deux semaines du fait que l'évaluation se fait en heures.

Je comprends bien que vous puissiez avoir des critiques à formuler, mais je vous en veux d'avoir déclaré que le projet de loi ne comporte aucun aspect avantageux. Je me demande pourquoi vous ne reconnaissez pas que, en dépit de tout le reste, le projet de loi constitue, sur ce plan, une amélioration.

[Français]

Mme Goulet: Pour parler de façon spécifique, trois problèmes majeurs concernent les travailleurs forestiers.

Tout d'abord, ceux-ci seront des chômeurs à répétition et seront donc pénalisés selon la clause d'intensité. Il faut savoir que ces gens-là vont recevoir seulement 50 p. 100 de prestations au lieu de 55 p. 100. C'est la première pénalité.

Deuxièmement, il est important de mentionner qu'il y a de moins en moins d'emplois. En effet, une restructuration est en train de se faire sur le marché du travail, et le fait de pouvoir travailler un nombre d'heures illimité dans une semaine va un peu à l'encontre de ce que demande le mouvement syndical concernant la réduction du temps de travail. Il est clair que si nous arrivons à réduire la longueur des semaines de travail, les travailleurs auront plus de possibilités de se trouver de l'emploi puisqu'on partagera le temps de travail.

[Traduction]

M. Scott: Oui, cela, je le reconnais. En réalité, je favorise moi-même une réduction du temps de travail hebdomadaire. Cependant, en dépit de ce que vous pouvez prévoir, il n'en reste pas moins, dans les secteurs saisonniers, que les gens travaillent durant de longues heures. Ils le font à l'heure actuelle. Le projet ne saurait être à l'origine de la situation. C'est déjà ce qui se passe. Les gens travaillent durant 70 heures et on leur crédite la même semaine que l'on crédite à quelqu'un qui travaille durant 15 heures.

Une voix: Il faut battre le fer quand il est chaud.

M. Scott: En fin de compte, il s'agit d'une revendication de longue date. Dans ma province, compte tenu du bassin actuel de main-d'oeuvre et sans égard aux limitations qui visent les nouveaux venus, on estime à 3 000 le nombre de personnes qui n'avaient pas accès à l'assurance-chômage auparavant et qui, désormais, y auront accès. L'assurance-chômage est donc plus accessible.

Dans ma circonscription, je dirais même que les gens vont probablement avoir accès au programme avec deux semaines et même deux semaines et demie de moins qu'auparavant à cause du passage à l'évaluation en heures plutôt qu'en semaines. Voilà qui rend l'assurance-chômage plus accessible, et non pas le contraire.

Je comprends bien, toutefois, que ce sera plus difficile pour les nouveaux venus et les réitérants. Je l'admets. Je comprends par ailleurs que nous visons à modifier d'autres aspects par cette mesure. Cependant, je continue de me demander pourquoi vous ne reconnaissez pas que, pour bien des gens, le programme sera rendu plus accessible à cause du passage au calcul des heures plutôt que des semaines.

[Français]

Mme Goulet: Si certains travailleurs peuvent y accéder plus facilement, il faut cependant reconnaître que ceux qui gagnent plus de 2 000 $ et qui ne travaillent pas assez durant l'année ne pourront se qualifier. Il y a donc deux côtés à la médaille. Et on ne peut pas opposer les semaines aux heures. Il faut examiner l'ensemble de la proposition, car il va y avoir un problème d'accès selon les cas. Certaines personnes devront travailler beaucoup plus longtemps pour se qualifier puisqu'il faut maintenant beaucoup plus d'heures pour avoir droit aux prestations.

[Traduction]

M. Hunter: Permettez-moi d'ajouter qu'il est intéressant de constater également que, pour nos membres, et certainement pour ceux de la région de l'Atlantique, le projet de loi suscite de très graves inquiétudes. Voilà, en réalité, ce qui explique la position adoptée par notre syndicat.

.1600

M. Scott: On s'est surtout intéressé, je crois, au calcul du temps mort de l'écart. Nous nous sommes engagés à corriger la situation. Voilà déjà pratiquement un an qu'on attire notre attention sur les difficultés que pose le dénominateur. Nous nous sommes engagés à corriger cet aspect également. Nous nous sommes également engagés à régler la question des règles d'intensité.

Le projet de loi comporte des aspects négatifs que nous nous sommes engagés à corriger. Par conséquent, il me semble que vous devriez reconnaître que la mesure contient également des aspects valables, des améliorations comme le fait de calculer les heures plutôt que les semaines, surtout compte tenu de l'analyse que vous faites de l'évolution de l'assurance-chômage au cours des dernières années. C'est bien la première fois qu'une réforme de l'assurance-chômage ne se borne pas tout simplement à rendre le régime moins accessible. En réalité, nous le rendons plus accessible, du moins pour ce qui est du bassin de main-d'oeuvre de la partie du pays que je connais le mieux.

[Français]

Mme Goulet: Nous sommes aussi inquiets parce que nous savons qu'il va y avoir des changements concernant la clause d'intensité, c'est-à-dire la façon dont on va calculer le salaire assurable. Par contre, M. Martin et M. Young ont dit qu'ils allaient garder les mêmes paramètres financiers par rapport à la caisse d'assurance-chômage. Il faut donc s'attendre à ce que l'on fasse des coupures plus profondes ailleurs. On se demande où ces coupures vont être effectuées.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Scott.

M. Scott a utilisé tout le temps dont disposait votre côté. Il n'y a pas d'autres questions.

Pour ma part, je tiens à vous remercier de votre exposé. Au nom du comité, j'aimerais également vous remercier et remercier également les personnes qui ont comparu avec vous. De fait de votre participation, au moins trois députés, peut-être quatre, ont jugé opportun de proposer des changements, surtout pour ce qui est de l'écart, des règles d'intensité et du dénominateur. Voilà qui, à mon avis, illustre bien l'utilité du débat public. Nous, à titre de députés, sommes en mesure de nous inspirer des idées que nous présentent des personnes comme vous, tout cela, évidemment, en vue d'améliorer la mesure législative à l'étude.

Je tiens donc à vous exprimer toute notre gratitude en leur nom.

Monsieur Crête.

[Français]

M. Crête: Monsieur le président, même si un député propose un amendement dans le but d'améliorer le projet de loi, je voudrais quand même vous faire remarquer que les témoins ont demandé le retrait pur et simple du projet de loi. Je propose que l'on prenne note de leur demande car il est important de voir que la plupart des groupes que nous avons rencontrés n'ont accepté aucun des amendements proposés, arguant que cela ne rendrait le projet de loi acceptable en aucune façon.

[Traduction]

M. Nault (Kenora - Rainy River): Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Le temps est peut-être venu de dire aux gens qui comparaissent devant le comité, ainsi qu'à M. Crête, qui ne semble pas comprendre les règles de la Chambre, que notre comité serait le premier dans l'histoire à retirer un projet de loi du processus d'examen en comité pour revenir à la Chambre et en recommander le retrait complet. Ce n'est pas là le travail qui incombe au comité. Ce travail - et on doit en informer les personnes qui comparaissent devant nous - consiste à améliorer le projet de loi. Si on vient nous recommander de le retirer, alors nous ne devrions pas perdre plus de temps qu'il ne le faut, puisque ce n'est pas du tout là notre raison d'être.

Nous aimerions pouvoir pour des questions, comme l'a dit M. Scott, sur les moyens d'améliorer le projet de loi, et nous demandons aux syndicats qui comparaissent devant le comité de collaborer à cet égard. S'il s'agit tout simplement d'exprimer de l'insatisfaction... J'ai moi-même dirigé un syndicat important. Si j'avais agi de la sorte, j'aurais eu bien de la misère à justifier mon chèque de paie.

Nos audiences visent à fournir au gouvernement des idées et des recommandations qui permettront d'améliorer le projet de loi. Il n'est pas du tout constructif de le rejeter, d'autant plus que nous n'avons pas le pouvoir de le faire. Il est grand temps, me semble-t-il que M. Crête, ainsi que tous les autres membres du comité et tous les groupes qui comparaissent s'en rendent compte.

Le président: Monsieur Nault, je vais autoriser M. Crête à faire un commentaire très bref. Je ne tiens pas à ce que nous en débattions à ce stade. En dépit de toute l'estime que j'ai pour vous et pour M. Crête, je dois signaler qu'il y a des gens à Toronto qui attendent d'exprimer leur point de vue.

.1605

[Français]

M. Crête: Je voudrais faire une courte remarque et rappeler de nouveau que la raison pour laquelle on a ce type de mémoires et de recommandations, c'est qu'il n'y a jamais eu de débat en deuxième lecture parce que le gouvernement s'est organisé pour que ce débat n'ait pas lieu. Par conséquent, je pense que tout le monde a le droit de venir nous dire que le projet de loi n'est pas acceptable s'il n'est pas modifié de fond en comble.

[Traduction]

Le président: J'en prends bonne note. Mais il faut également donner l'occasion aux députés du comité qui estiment pouvoir améliorer le projet de loi de faire leur travail et de proposer des idées. J'ai reçu au moins trois idées qui méritent d'être approfondies par le comité.

Et voilà pour la pause publicitaire. Je vous remercie.

M. Hunter: Merci.

[Français]

M. Crête: Pendant que nous attendons les autres témoins, j'aimerais que nous parlions de la traduction des mémoires.

La semaine passée, nous avons déjà abordé cette question, mais il n'y a pas eu d'améliorations. J'ai fait faire la semaine dernière un relevé des mémoires reçus dans une seule langue, mais cela n'a rien donné et la proportion est toujours la même. Je ne demande pas une prolongation des débats, mais je voudrais qu'on y pense sérieusement et qu'on essaie de trouver une solution.

[Traduction]

Le président: À cet égard, je crois que nous allons respecter la motion ordinaire qui a été approuvée lors de la réunion d'organisation du comité. J'ai demandé au greffier de faire tout ce qu'il est possible de faire pour veiller à ce que les mémoires soient disponibles en temps dans un délai raisonnable et je m'en tiendrai là. Je préférerais que tout autre débat sur cette question se fasse en comité de direction. Pour le moment, des gens nous attendent à Toronto.

Monsieur Worgan, tout d'abord, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à nos audiences. Comme vous le savez, nous sommes à l'écoute des nombreuses propositions qui sont faites un peu partout au pays en vue d'améliorer le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. Nous nous sommes déjà inspirés de nombreuses idées exprimées jusqu'à maintenant et nous sommes certainement impatients de connaître votre point de vue au sujet du projet de loi.

Comme vous le savez, vous disposez d'une demi-heure, que nous partagerons essentiellement en deux volets. Tout d'abord, je vous prierais de nous donner les points saillants de votre exposé, après quoi nous aurons une période de questions et de réponses.

M. Kerry Worgan (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.

Même si j'ai fait partie du groupe de travail sur l'assurance-chômage de l'Institut canadien des actuaires, je ne comparais pas devant vous à titre de représentant de l'institut, mais plutôt à titre personnel, comme actuaire intéressé par cette question.

Comme membre du groupe de travail, j'avais pour tâche d'étudier les aspects conceptuels du programme d'assurance-chômage, de me pencher sur le programme actuel et de décider quels changements pourraient assurer l'équilibre entre les besoins des chômeurs et les nécessités d'une politique de financement équitable. La plupart de nos recommandations étaient dans le corps du texte de notre rapport. Cependant, nous avons également étudié, à l'annexe E de notre rapport, une solution de rechange. C'est de cette solution de rechange justement que je voudrais vous entretenir. Il s'agit d'une fiducie enregistrée d'épargne-chômage. Compte tenu de la nouvelle appellation du programme qui, de programme d'assurance-chômage devient programme d'assurance-emploi, je donnerai désormais à cette solution de rechange l'appellation de fiducie enregistrée d'épargne-emploi (FEEE).

De quoi s'agit-il? La FEEE est un compte d'épargne à l'abri de l'impôt dans lequel une personne peut accumuler des fonds pendant qu'elle travaille pour pouvoir en retirer en cas de perte d'emploi. Il s'agit du mécanisme auquel ferait appel toute personne prudente s'il n'existait aucun mécanisme gouvernemental. Essentiellement, le programme transférerait les cotisations versées par l'employé et par l'employeur dans un compte d'épargne où elles s'accumuleraient avec intérêts.

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Avant d'examiner plus en détail le programme de FEEE proposé, permettez-moi de vous expliquer brièvement quelles sont les principales insuffisances du programme d'assurance-chômage actuel.

Tout d'abord, il comporte ce que j'appellerais un risque d'ordre moral ou de non-sélectivité. En effet, il est encore possible dans le cadre du programme actuel pour une personne de maximiser ses revenus en travaillant durant le nombre de semaines exigé chaque année, pour ensuite bénéficier entièrement des prestations d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi tout en travaillant ailleurs contre rémunération en espèces. Ce phénomène du réitérant est ressorti de la plupart des données que nous avons étudiées: il s'agit du cas de personnes qui bénéficient régulièrement du programme, année après année.

Deuxièmement, il faut tenir compte d'une incitation à la recherche d'emploi. La structure des prestations a pour effet supplémentaire de retarder la recherche d'emploi. Étant donné que les montants sont versés pour une période établie, bien des gens se tiennent bien au chaud durant un certain temps avant de se mettre activement à la recherche d'un emploi ou refusent même certaines offres d'emploi dans l'espoir de trouver mieux avant la fin de leur période de prestations. Encore ici, les données confirment ce genre de pratique, étant donné que 20 p. 100 seulement de toutes les demandes couvrent une période inférieure à trois mois.

Le troisième problème a trait au règlement des demandes. Dans le cadre du programme actuel, il faut constamment s'interroger sur l'admissibilité de la perte d'emploi et se demander si les intéressés recherchent activement un emploi. Que d'efforts et que d'argent consacrés à ces activités improductives!

Quatrièmement, un certain nombre d'employeurs ont pris l'habitude de fermer boutique régulièrement en se servant du programme d'assurance-emploi pour subventionner leurs employés durant la fermeture. Ils ont beau soutenir qu'ils méritent les prestations puisqu'ils sont des cotisants, un véritable programme d'assurance n'est pas destiné à fournir ce genre de supplément de revenu à certaines entreprises.

En cinquième lieu, les prestations sont trop généreuses pour les employés dont la durée d'emploi est brève. À mon avis, le fait d'avoir travaillé un an ne devrait pas rendre une personne admissible à une année de prestations. Après une seule année, la personne n'a pas vraiment de cheminement de carrière précis et devrait être en mesure de chercher activement des emplois en fonction de ses compétences acquises.

Par contre, la personne de 45 ans qui a passé 20 ou 25 ans auprès du même employeur aura beaucoup plus de difficultés à trouver un nouvel emploi ou à s'adapter à une nouvelle carrière. Dans un tel cas, deux ou trois ans peuvent être nécessaires pour réadapter la personne aux réalités du marché du travail. Encore ici, les données de Statistique Canada confirment que les personnes âgées de plus de 45 ans sont victimes du chômage à long terme deux fois plus que celles qui sont âgées de 25 à 44 ans.

Voilà tout l'intérêt du programme FEEE. En faisant en sorte que ce ne soit plus le gouvernement qui assure les prestations mais que ce soit la personne qui soit responsable de ses propres intérêts financiers, on corrige une bonne partie des insuffisances du programme actuel. La notion même du réitérant, qui peut tirer des revenus année après année, ne serait plus possible dans le cas de la FEEE. Le cotisant serait incité à chercher le meilleur emploi disponible, sachant que tout retard dans la recherche d'emploi ne ferait que réduire l'épargne accumulée.

De la même manière, on pourrait éviter une bonne partie du travail d'adjudication puisque la décision de faire appel à sa propre épargne reviendrait au principal intéressé.

Enfin, la FEEE permet beaucoup mieux d'adapter le niveau des prestations en cas de perte d'emploi à différentes étapes de la carrière. Les personnes qui font depuis longtemps partie de la population active auraient droit à de bien meilleures prestations que ce n'est le cas à l'heure actuelle, tandis que celles qui n'auraient travaillé que pour la durée minimum admissible recevraient des prestations moindres.

Je vais maintenant parler un peu de l'administration et du fonctionnement du programme FEEE. En réalité, le programme serait très simple à administrer. Chaque employé aurait un compte enregistré auquel seraient versées les cotisations de l'employeur et de l'employé. Chaque employé déciderait dans quelle institution financière avoir son compte. Les montants versés dans ces comptes pourraient être investis dans des obligations du gouvernement ou dans toutes sortes d'autres instruments de placement.

Les travailleurs qui perdent leur emploi apporteraient leur relevé d'emploi, ou formules RE, à l'institution qui détient leur compte et pourraient faire des retraits imposables jusqu'à concurrence d'un montant hebdomadaire ou mensuel maximal mais fixé par la loi. Une fois le compte à sec, le sans-emploi devrait entamer ses autres biens personnels ou se tourner vers le bien-être social, comme il le fait maintenant dans le cadre du régime actuel. S'il y a de l'argent dans le compte au moment de la retraite, on pourrait s'en servir pour assurer la sécurité du travailleur après sa retraite.

Il faudrait réfléchir sérieusement à la façon dont le régime fonctionnerait pendant la période de transition parce que certains travailleurs perdront leur emploi avant d'avoir accumulé suffisamment d'argent dans leur compte pour en tirer des prestations équivalentes aux niveaux actuels. Il y a diverses possibilités: on pourrait par exemple augmenter le niveau des cotisations au début ou bien verser une subvention grâce à une réserve que l'on pourrait réduire sur trois à cinq ans.

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Pour ce qui est de l'évaluation financière de la FEEE, j'ai considéré que le taux actuel des cotisations est fixé à 4,2 p. 100 pour l'employeur et à 3 p. 100 pour l'employé et que l'on peut supposer un rendement de 7 p. 100 et j'en ai conclu qu'il faudrait de trois à cinq ans pour en arriver aux niveaux actuels de prestations, mais que les niveaux de prestations seraient supérieurs à ce qu'ils sont maintenant par la suite. Le régime FEEE permettrait de verser des prestations tous les quatre ou cinq ans, mais pas chaque année. Vu que ceux qui ne réclament pas de prestations accumuleraient des montants considérables au cours des années, le taux de cotisation au régime pourrait être fixé aux niveaux actuels pour l'instant et réduit plus tard.

Une autre possibilité serait d'utiliser une partie des cotisations des employeurs pour les programmes de création d'emplois ou pour constituer une réserve sociale ou une réserve d'emploi dans laquelle on pourrait puiser pour aider les travailleurs qui ont épuisé les réserves de leurs propres comptes.

Quand j'ai examiné le fonctionnement d'un tel régime, je l'ai fait plus ou moins isolément. J'ai établi un rapport avec le Régime de pensions du Canada. Comme nous le savons tous, le RPC aura de graves problèmes à l'avenir. Vu qu'il est constitué comme le régime de pensions qui finance les prestations grâce aux cotisations, il faut pour qu'il soit maintenu que les membres actifs et les employeurs soient d'accord pour y cotiser des montants de plus en plus importants. Selon moi, nous nous dirigeons vers un RPC qui sera constitué un peu comme le serait la FEEE. On y a déjà songé en Australie.

Ce serait utile d'établir un lien entre les deux régimes en se servant de la même méthodologie. La seule différence entre l'assurance-emploi et le régime de pensions est la période de transition. Dans le cas de l'assurance-emploi, il y a une période de transition maximale de seulement un à trois ans, jusqu'à ce que la période de prestations prenne fin et que le taux actuel de prestations cesse de s'appliquer. Par ailleurs, la période de transition pour un régime de pensions pourrait être d'au moins 10 à 20 ans ou même de 80 ans.

En faisant le lien entre les deux régimes, on pourrait combiner les montants accumulés dans le cadre de la FEEE et les montants accumulés dans le cadre d'un nouveau RPC pour pouvoir verser des prestations de retraite plus tard et supprimer graduellement l'ancien RPC.

Un deuxième changement dont on parle beaucoup est la main-d'oeuvre mobile. Nous commençons aussi à constater un changement dans les habitudes de travail. Nous prévoyons que l'employé qui passait toute sa carrière, ou 30 ans ou plus, dans le même organisme deviendra plus tard l'exception plutôt que la règle. Les compagnies sont en train de modifier leurs programmes d'avantages sociaux et de devenir moins paternalistes pour refléter cette nouvelle tendance sociale. À mon avis, le gouvernement devrait faire la même chose dans le cadre du régime d'assurance-emploi pour qu'il puisse répondre aux besoins d'une main-d'oeuvre plus dynamique et favoriser cette mobilité.

Pour ce qui est de la responsabilité et de la souplesse individuelle, à notre époque, il n'est plus possible ou souhaitable selon moi que le gouvernement assume l'entière responsabilité de la sécurité sociale de tous les Canadiens. La plupart des gens veulent avoir leur mot à dire sur la façon dont leur argent est dépensé. L'accumulation de fonds dans le cadre d'un régime comme la FEEE assurera une plus grande sécurité individuelle. En outre, un tel régime serait assez souple pour permettre d'utiliser l'argent pour le perfectionnement des compétences professionnelles ou le financement d'études postsecondaires en cas de changement de carrière.

Enfin, du côté des immobilisations et de la globalisation, les réserves qui seraient créées par la FEEE pourraient financer les dépenses du gouvernement, ce qui réduirait indirectement le service de la dette et elles pourraient servir à favoriser la croissance économique, ce qui créerait plus d'emplois.

Je vous ai donné seulement un bref aperçu de ce que pourrait être la FEEE. Comme pour tout nouveau programme, il surgira certainement des problèmes particuliers et il faudra régler certains détails de transition. Par exemple, comment envisager les prestations pour les pêcheurs et combien de souplesse faudrait-il prévoir pour les congés de maternité? On peut cependant trouver des solutions à ces problèmes qui soient conformes aux objectifs d'un régime d'assurance-emploi.

Comme je suis actuaire, j'ai aussi calculé ce qui arriverait dans divers cas et fait des projections pour un régime de type FEEE et un régime semblable pour le RPC. Si cela vous intéresse, je pourrai vous fournir certaines de ces projections.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous parler de la FEEE. Je répondrai volontiers à vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer aux questions et réponses. Nous commencerons par les membres du Parti réformiste.

Madame Jennings.

Mme Jennings (Mission - Coquitlam): Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'excuse de mon retard auprès des membres du comité.

Mme Augustine (Etobicoke - Lakeshore): Nous sommes ravis que vous soyez ici.

Mme Jennings: Merci.

Il y a une chose surtout sur laquelle je m'interroge et c'est la façon de choisir les institutions financières. Je vous félicite de votre proposition. Ce n'est pas tellement loin d'un système que nous envisageons nous-mêmes. Je voudrais cependant savoir comment nous choisirions les institutions qui seraient autorisées à recevoir des dépôts.

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Nous connaissons tous la malheureuse histoire de la Confédération, compagnie d'assurance-vie. Avant sa disparition, à peu près tous les gens autour de cette table auraient sans doute dit que c'était une institution très saine et très fiable. Avez-vous quelque chose à nous dire là-dessus?

M. Worgan: Oui. Après avoir réfléchi à la façon dont l'argent serait investi, j'ai d'abord pensé que ce serait préférable de l'investir dans des obligations du gouvernement, des bons du Trésor ou d'autres titres liquides. On pourrait prévoir au départ que ce serait la façon d'investir l'argent.

Je suis certain, cependant, que les gens voudront plus tard diversifier leurs investissements. Un travailleur plus averti voudra peut-être choisir une plus grande gamme d'instruments financiers. Selon moi, il faudrait laisser chacun en décider dans une certaine mesure. Ceux qui s'intéressent à l'investissement pourraient organiser leurs propres comptes et investir comme ils veulent. Ceux qui n'osent pas le faire pourraient simplement décider d'investir dans des obligations du gouvernement.

Mme Jennings: Avez-vous une question, Dale?

M. Johnston (Wetaskiwin): Oui. J'ai noté que, selon vous, il faudrait de trois à cinq ans pour en arriver aux taux de prestations actuels. Les taux de cotisation seraient aussi maintenus au même niveau, n'est-ce pas? Il s'agirait d'un compte du même type que les RÉER qui serait surveillé par le gouvernement, mais géré par les particuliers. Est-ce exact?

M. Worgan: C'est exact.

M. Johnston: Avez-vous des chiffres pour montrer que c'est ce qui arriverait?

M. Worgan: Oui. J'ai fait des projections même pour ceux qui réclament régulièrement des prestations d'assurance-chômage. Les montants s'accumuleraient à la longue et je pourrais certainement fournir des chiffres au comité si cela vous intéresse.

M. Johnston: Cela m'intéresserait de voir les chiffres, monsieur Worgan. Il me semble qu'un régime comme celui-là permettrait de se débarrasser d'une bonne partie de la bureaucratie et des mécanismes administratifs qui existent maintenant. Considérez-vous que ce serait un avantage?

M. Worgan: Ce serait certainement une bonne chose. Depuis quelques années, un certain nombre de changements ont été apportés à ce que l'on considère comme étant une raison valable pour perdre un emploi ou pour démissionner. Tout ce qu'on peut faire pour réduire le processus de règlement des demandes aidera les gens à mieux comprendre le système de prestations.

À l'heure actuelle, ils peuvent penser qu'ils ont droit à des prestations alors que ce n'est pas le cas, ou vice versa. Je pense donc que tout ce qu'on peut faire pour minimiser les aspects techniques du régime sera une bonne chose pour tout le monde.

Le président: Mme Augustine et ensuite M. Regan.

Mme Augustine: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis très heureuse de pouvoir vous parler, monsieur Worgan, et d'entendre vos explications à propos de votre proposition. La notion est intrigante, mais en même temps, c'est un peu difficile de faire le rapport entre cette proposition et ce que vous proposiez dans le rapport de votre groupe d'étude, que nous avions examiné sérieusement et auquel nous avions bien réfléchi parce que nous accordons beaucoup d'importance au processus consultatif et aux recommandations des groupes d'étude.

Certaines des recommandations contenues dans le rapport de votre groupe d'étude ont été reprises dans le projet de réforme que nous examinons maintenant. D'après vous, le gouvernement devrait-il vraiment établir un système qui divise les travailleurs en deux catégories, c'est-à-dire ceux qui ont emploi stable et qui peuvent se permettre de verser de l'argent dans un compte d'épargne en prévision de ce qui pourrait arriver à leur emploi plus tard et les travailleurs qui n'ont pas les moyens d'avoir leur propre régime d'assurance-chômage et qui ne peuvent exercer aucun contrôle sur leur situation personnelle?

Il me semble aussi que le régime basé sur les heures de travail, le versement de cotisations à compter de la première heure de rémunération et les mécanismes de protection pour les gagne-petit prévus dans notre projet de réforme constituent des exemples des mesures que nous comptons prendre pour répondre aux besoins des travailleurs canadiens.

Vous pourriez peut-être commenter ces deux choses.

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M. Worgan: J'imagine que vous songez à l'employé stable qui travaille 20 ou 25 ans au même endroit. Selon le régime actuel, il s'en tire assez bien jusqu'à ce qu'il perde son emploi et c'est à ce moment-là qu'il peut avoir du mal à réintégrer la main-d'oeuvre active.

Par ailleurs, il y a le travailleur qui ne passe que six mois à un emploi avant de perdre son travail et de trouver un autre emploi qu'il garde pour encore six mois. Il passe constamment d'un emploi à un autre. Il s'agit de savoir combien de prestations nous lui verserons. Ce que nous voulons faire, c'est établir un filet de sécurité pour les travailleurs et de leur fournir une certaine assurance au lieu de subventionner les sans-emploi et de les encourager à croire qu'ils peuvent perdre l'emploi qu'ils ont maintenant et recevoir des prestations pendant une certaine période avant d'être obligés de chercher autre chose.

Selon moi, s'il y a des gens qui n'aiment pas leur emploi actuel et qui veulent s'en trouver un autre, le fait de ne pas avoir un filet de sécurité pourrait changer leurs habitudes de travail. Ils songeraient peut-être à autre chose ou essaieraient de s'assurer qu'ils ont un autre emploi avant d'abandonner celui qu'ils ont déjà.

Mme Augustine: Quels incitatifs existerait-il pour les travailleurs des industries saisonnières, ceux qui ont un emploi à court terme et les gagne-petit et quel genre d'aide pourraient-ils recevoir dans le cadre du régime que vous proposez?

M. Worgan: Ce que nous espérons, c'est qu'on puisse créer une réserve sociale ou une réserve d'emploi qui serait constituée par une partie des cotisations des employeurs et qui pourrait servir à créer des emplois ou à financer des programmes d'apprentissage. Les gagne-petit accumuleraient eux aussi de l'argent dans leurs comptes; ils cotiseraient eux-mêmes à leur régime s'ils travaillent.

Selon moi, un tel régime ne fait pas vraiment pas de distinction en fonction du revenu. Il fait des distinctions d'après les habitudes d'emploi pour que ceux qui travaillent maintenant pendant trois mois et qui sont au chômage pendant six mois ne puissent pas continuer à faire la même chose. Le régime actuel a peut-être contribué à ce genre d'habitudes de travail, mais ce ne serait pas possible de continuer de la même façon selon le nouveau régime.

Le président: Merci, monsieur Worgan.

Nous passons maintenant à M. Regan.

M. Regan (Halifax-Ouest): Monsieur Worgan, tout d'abord, je tiens à vous remercier d'être venu nous expliquer votre proposition et je sais que vous êtes sincère dans ce que vous dites et que vous avez consacré du temps à ce projet. Je tenais à le signaler dès le départ parce que je ne suis pas vraiment en faveur de votre proposition. Il me semble qu'un tel système ne donnerait pas l'impression de partager les risques et les avantages et je pense que c'est ce que la plupart des Canadiens veulent.

Par exemple, les habitants de ma circonscription croient que le régime d'assurance-chômage doit permettre de partager raisonnablement les risques et les avantages de l'emploi. Ils veulent bien sûr que le régime soit modifié; cela ne fait aucun doute. Ils ne sont pas satisfaits du régime actuel, mais ils jugent important d'avoir un programme qui permette de partager les risques des hauts et des bas économiques auxquels nous devons faire face.

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Je parlais la semaine dernière à un habitant de ma circonscription, qui travaille depuis 25 ans dans l'industrie du bâtiment et qui m'expliquait qu'il doit voyager partout dans le pays pour trouver du travail. Il est prêt à aller où il peut trouver du travail et il lui est arrivé de passer toute une année à recevoir des prestations d'assurance-chômage, à épuiser son admissibilité aux prestations, à passer trois mois sans aucun revenu et à devoir dépenser ses économies, vendre sa maison et la perdre à cause de cela. Il dit qu'il préférerait de beaucoup avoir un emploi qui lui donnerait un revenu régulier et des heures de travail régulières.

Il me disait qu'il en avait parlé à son père récemment et que son père avait travaillé pendant 35 ans sans jamais avoir été au chômage et qu'il avait récemment pris sa retraite. Son père se plaignait du fait que ses deux fils réclamaient souvent des prestations d'assurance-chômage. Le fils a répondu à son père: «Tu sais, papa, si je pouvais changer avec toi et avoir un travail régulier et gagner beaucoup moins de l'heure que maintenant, je le ferais tout de suite.» Le père y a réfléchi un instant et je pense qu'il a changé d'avis.

Je voudrais donc savoir si vous connaissez bien des gens qui ont eu ce genre de problème et qui ont dû compter sur l'assurance-chômage. Peut-être que vous en connaissez beaucoup, mais je voudrais que vous m'en parliez.

M. Worgan: Merci de votre question.

Je n'ai pas passé beaucoup de temps à parler directement aux gens. Je me suis occupé pendant un certain temps de conseiller les gens qui ont perdu leur emploi à propos de la retraite et de la cessation d'emploi. Même dans le cas que vous nous avez décrit, c'est-à-dire de quelqu'un qui a passé 20 ou 25 ans à travailler et qui a été en chômage pendant jusqu'à un an à l'occasion, le genre de programme que je propose conviendrait très bien. Un tel travailleur s'en tirerait probablement mieux avec un tel régime s'il a de telles habitudes de travail.

J'ai cependant l'impression que celui qui a passé 20 à 25 ans dans une industrie et qui atteint l'âge de 45 ou de 50 ans, c'est-à-dire trop tôt pour prendre sa retraite, n'a pas l'impression de pouvoir se recycler. Il n'a pas les moyens de retourner à l'université pour obtenir un diplôme quelconque ou de retourner au collège pour apprendre une nouvelle profession. Il doit se contenter des emplois qu'il peut trouver sur le marché.

C'est de ces gens que je me préoccupe, sans doute parce que j'en ai rencontré dans la même situation et que je compatis à leur sort parce qu'ils ont passé beaucoup de temps dans la main-d'oeuvre et n'ont pas vraiment les moyens de faire la transition à un autre genre de carrière.

Le président: Merci. Je suis heureux de connaître votre point de vue sur la question.

Nos prochains témoins comparaîtront aussi grâce à une vidéoconférence. Ils représentent le groupe Advocates for Community-Based Training and Education for Women, le Conseil ontarien des organismes de services aux immigrants et le Ontario Network of Employment Skills Training Projects.

Nous allons faire une pause de deux à cinq minutes pour permettre aux gens de s'organiser à Toronto, après quoi nous reprendrons nos audiences.

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Le président: Nous allons maintenant reprendre la séance.

Comme je l'ai dit plus tôt, nous accueillons de Toronto des représentantes du groupe Advocates for Community-Based Training and Education for Women, du Conseil ontarien des organismes de services aux immigrants et de l'Ontario Network of Employment Skills Training Projects. Les représentantes de ces groupes sont Karen Lior, Kay Blair et Sandra Dobrowolsky.

Bienvenue. Vous savez certainement comment fonctionne un comité. Nous voudrions vous donner la parole pour 10 à 15 minutes, après quoi nous aurons une période de questions et de réponses puisque les députés voudront certainement vous parler de certains points clés que vous soulèverez sûrement dans votre exposé.

Allez-y.

Mme Karen Lior (coordonnatrice, Advocates for Community-Based Training and Education for Women): Merci et bonjour. Nous sommes heureuses de pouvoir vous parler au nom de nos trois groupes.

Une fable canadienne: Il y avait une fois un peuple qui voulait construire un énorme monument pour se proclamer une nation. Leur pays s'appelait Adanac. Le gouvernement national avait donc réuni ses meilleurs artisans, ses meilleurs maçons, ses meilleurs architectes, ses meilleurs menuisiers et des travailleurs de tous les coins du pays. Les groupes de travailleurs se sont rassemblés pour commencer à travailler au monument qui devait avoir un coin dans chacun des territoires de la nation appelés Bergerac, Hannali, Driftwood et Nakomis.

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En commençant leur travail, ils ont constaté que le territoire de Bergerac ne reconnaissait pas les permis des travailleurs de Driftwood. Hannali avait un système scolaire différent des autres territoires. Les travailleurs de Nakomis n'avaient pas reçu la même formation que ceux de Driftwood. Chaque groupe utilisait des outils différents et ils étaient les seuls à pouvoir s'en servir. Tous avaient besoin d'une formation spéciale et d'une période de recyclage pour pouvoir travailler dans les autres territoires. Comme bon nombre étaient des immigrants, ils avaient les compétences appropriées, mais ils avaient besoin de formation linguistique.

Après beaucoup d'arguments, de disputes et de prise de position par les différents territoires, le gouvernement national a dit: Cela suffit! Non seulement nous allons mettre au point une approche unifiée pour reconnaître les compétences, la formation, le talent et l'expérience des habitants des différents territoires, mais nous allons aussi créer un régime national pour permettre d'utiliser ces compétences et ces permis n'importe où dans le pays. Nous allons le faire parce que, même si vous comprenez tous très bien ce qu'il vous faut dans votre territoire, nous sommes les seuls à avoir une vue d'ensemble de tout le pays. Nous comprenons comment on peut regrouper ce que chaque territoire considère comme ses atouts pour créer un seul monument. Nous allons ensemble édifier un monument pour protéger les droits et les privilèges de tous nos citoyens d'un océan à l'autre et dans tous les territoires.

Dans sa sagesse et parce qu'il était sensible aux différences territoriales, culturelles et historiques, le gouvernement national a donc imposé un système pour honorer et protéger tous les citoyens et tous les travailleurs du pays. Il a pu construire un monument fort et durable qui a fait l'affaire de certains et dont tout le monde a pu profiter.

ACTEW, le COOSI et ONESTeP sont des associations provinciales de l'Ontario qui veulent toutes les trois atteindre des objectifs communs d'égalité, de justice, de prospérité communautaire, de développement économique et de communauté saine. Nous nous intéressons au projet de loi sur l'assurance-emploi parce que nous tenons toutes à donner à tous les Ontariens des occasions de contribuer à l'économie canadienne. Nous sommes convaincues qu'un programme de formation administré à l'échelle communautaire et financé à l'échelon fédéral peut être un moyen efficace de fournir les services nécessaires.

Vous avez reçu notre mémoire écrit. Vu que nous n'avons pas beaucoup de temps aujourd'hui, nous allons nous concentrer sur certaines questions clés, soit un examen du rapport du comité permanent intitulé Équité, Sécurité et Perspective d'avenir, une discussion du rôle du gouvernement fédéral, et nos observations sur les conséquences du projet de loi C-12 en matière de formation. Nous vous donnerons en terminant une liste complète de recommandations.

Dans son rapport de 1995 intitulé Équité, sécurité et perspective d'avenir, le Comité permanent du développement des ressources humaines exprimait son attachement aux principes de l'équité. Le comité recommandait que la réforme des programmes sociaux soit soumise à une analyse en fonction des sexes et que l'on prenne des mesures pour répondre aux besoins particuliers des minorités raciales, des personnes handicapées et des autres groupes défavorisés sur le marché du travail.

ACTEW, le COOSI et ONESTeP appuyaient et continuent d'appuyer les opinions exprimées dans le rapport du comité. Selon nous, le projet de loi C-12 contient bien des éléments qui s'écartent des recommandations du rapport de 1995 du Comité permanent du développement des ressources humaines. Après avoir examiné le projet de loi C-12, nous avons constaté qu'il ne reprend que l'une des recommandations secondaires du rapport, soit la dévolution des pouvoirs aux gouvernements provinciaux.

ACTEW, le COOSI et ONESTeP sont en faveur de lois fédérales fondées sur les principes de l'équité, des occasions économiques, de la justice et de l'équité en matière d'emploi. Nous recommandons que les politiques de développement de la main-d'oeuvre du Canada s'appuient sur les éléments suivants: un système de formation cohérent et intégré, financé par les recettes générales du gouvernement; la mise en oeuvre et l'application de normes nationales de formation pour tous les programmes financés par l'État; la création de mécanismes pour faciliter l'accès à des programmes de formation qui mènent à un emploi, comme des programmes de financement temporaire, des garderies, des salaires ou des allocations pour les programmes de formation et l'évaluation et l'accréditation de l'expérience passée; et une séparation nette du financier aux fins du soutien du revenu.

Mme Sandra Dobrowolsky (directrice exécutive, Ontario Network of Employment Skills Training Programs): Bonjour. Je m'appelle Sandra Dobrowolsky.

Nous voudrions passer en revue rapidement certains des principaux thèmes du rapport Équité, sécurité et perspectives d'avenir du comité permanent. Le comité y affirme le rôle crucial que doit jouer le gouvernement fédéral relativement au développement des ressources humaines et plus précisément de la formation de la main-d'oeuvre.

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Le comité permanent note tout particulièrement les besoins d'accès et d'accommodement des groupes qui veulent parvenir à l'équité. Le comité permanent s'opposait aussi énergiquement au principe du travail ou de l'apprentissage obligatoire.

Le comité tenait compte des questions d'équité et reconnaissait le danger d'injustice non intentionnelle que pouvait représenter une réforme de certains régimes, par exemple le régime d'assurance-chômage et l'abrogation de la Loi nationale sur la formation.

Le comité permanent faisait plusieurs observations et propositions au sujet des pratiques discriminatoires relatives à l'emploi et soulignait le rôle important que doit jouer le gouvernement fédéral pour promouvoir l'accès à la formation pour les femmes. Il reconnaissait qu'il faut tenir compte des préoccupations particulières des minorités ethnoculturelles et visibles dans toute réforme des mesures de sécurité sociale: le comité permanent exhortait le gouvernement fédéral à jouer un rôle de premier plan pour supprimer les entraves à l'emploi et créer une main-d'oeuvre qui reflète la composition variée de la société canadienne.

Notre organisme recommande fortement au Comité permanent du développement des ressources humaines de relire son rapport de 1995 et de s'en servir pour évaluer le projet de loi C-12. À notre avis, les principes d'équité définis dans Équité, sécurité et perspective d'avenir ne sont pas reflétés dans le projet de loi C-12.

Le rôle du gouvernement fédéral doit être d'aider les chômeurs à profiter des possibilités qu'offre le marché du travail. C'est nettement ce que prévoit la Constitution du Canada. L'article 32 de la loi constitutionnelle de 1982 engage les gouvernements fédéral et provinciaux à:

L'Acte de l'Amérique du Nord britannique a été modifié en 1940 pour conférer au gouvernement fédéral la compétence en matière d'assurance-chômage. Cette modification constitutionnelle donnait nettement au gouvernement fédéral compétence en la matière pour garantir que tous les chômeurs canadiens recevraient le soutien et l'aide nécessaires.

Le résumé contenu dans le projet de loi C-12 donne un aperçu du projet de loi et explique que c'est seulement avec l'accord du gouvernement provincial que l'on pourra fournir de l'aide pour la formation professionnelle dans la province. Nous craignons que le projet de loi C-12 ne limite considérablement la capacité du gouvernement fédéral de jouer un rôle de premier plan sur le marché du travail canadien.

Nous reconnaissons que le gouvernement fédéral s'est efforcé de répondre aux aspirations du gouvernement du Québec en limitant la participation du gouvernement fédéral en matière de développement de la main-d'oeuvre. Il y a cependant un danger selon nous à répondre à ces aspirations en déléguant un rôle crucial du gouvernement fédéral à toutes les provinces.

Lors de la consultation sur la réforme de la sécurité sociale, plus de 80 p. 100 des répondants se sont déclarés en faveur de principes nationaux, ainsi que de normes, principes et critères nationaux régissant l'usage des fonds publics.

Le projet de loi C-12 repose sur l'hypothèse que le gouvernement provincial prendra en charge la politique de perfectionnement de la main-d'oeuvre. Nous reconnaissons que les ententes fédérales-provinciales peuvent être d'excellents mécanismes permettant de veiller à ce que les normes nationales et les besoins locaux soient respectés dans l'élaboration et la prestation des programmes. Toutefois, ces ententes exigent évidemment le consentement des deux parties.

Nous savons combien il peut être difficile de conclure ces ententes et que leur succès est loin d'être acquis. Il nous a été impossible de confirmer que le gouvernement de l'Ontario est désireux d'accepter de nouvelles responsabilités en matière de formation de la main-d'oeuvre.

Les associations que nous représentons exhortent le Comité permanent du développement des ressources humaines à modifier le projet de loi C-12. Au lieu d'interdire la programmation et la formation de la main-d'oeuvre touchant le marché du travail par le gouvernement fédéral, nous recommandons que le projet de loi soit modifié pour encourager celui-ci à passer des ententes fédérales-provinciales dans le domaine. Nous ne pouvons appuyer une loi qui interdit au gouvernement fédéral d'élaborer et d'appliquer des programmes de main-d'oeuvre qui répondraient aux besoins du pays.

Mme Kay Blair (présidente, Conseil ontarien des organismes de services aux immigrants): Bonjour. Je m'appelle Kay Blair. Des trois associations qui sont ici, c'est moi qui représente le CCOSI.

J'aimerais d'abord discuter des effets du projet de loi C-12 sur la formation. La formation communautaire vient en aide à ceux qui rencontrent des obstacles dans la recherche d'emploi. L'année dernière, le ministre du Développement des ressources humaines a promis de continuer d'aider les groupes qui veulent surmonter des obstacles pour être des participants à part entière à la population active et à l'ensemble de la société.

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Les citoyens et les groupes mentionnés par le ministre sont précisément ceux qui sont menacés aujourd'hui par le projet de loi C-12. Les changements exposés dans le projet de loi rendraient non admissibles à la formation ceux qui n'ont pas établi leur admissibilité à l'assurance-chômage au cours des 36 derniers mois. Cette décision toucherait beaucoup de prestataires d'aide sociale qui ont aujourd'hui accès à la formation grâce aux services communautaires.

Avec le projet de loi C-12, les changements à l'assurance-chômage et la décision de ne plus acheter de services de formation et plutôt d'accorder des prestations d'emploi aux clients auront deux principales conséquences, surtout en Ontario. Je vais vous en donner deux exemples.

La première conséquence du projet de loi C-12, c'est l'élimination des possibilités de perfectionnement des compétences et des possibilités d'emploi. L'effet se fera le plus durement sentir sur les clients qui ont le plus besoin d'aide, ceux qui sont exclus de la population active à cause d'un handicap, de problèmes personnels ou qui sont arrivés à un stade de leur vie où ils n'ont plus droit aux prestations d'assurance-chômage, ce qui signifie qu'ils n'auront pas droit aux prestations UPAC dans le cadre des fonds destinés au programme.

Nous pourrions prendre pour exemple la zone métropolitaine de Toronto pour voir quel sera l'effet sur les localités ontariennes. Dans cette zone, pour l'exercice financier 1995-1996, DRHC a acheté des services de programme et des cours d'orientation professionnelle à des associations communautaires à but non lucratif à l'intention de près de 10 000 personnes non admissibles à l'assurance-chômage. Cela s'est fait surtout par l'intermédiaire de la formation par projet et grâce à 11 projets du programme Extension dans la zone métropolitaine de Toronto.

La clientèle de ces programmes est composée de handicapés, de jeunes, de prestataires d'assurance sociale, de réfugiés, d'immigrants, de femmes qui n'ont pas participé récemment au marché du travail, d'ex-délinquants, de minorités raciales et ethniques, de personnes qui n'ont pas droit à l'assurance-chômage et de Franco-ontariens. Vous voyez donc ici que le projet de loi C-12 touche durement des groupes déjà marginalisés et qui ont peu accès aux programmes touchant le marché du travail.

L'autre conséquence du projet de loi C-12, c'est l'érosion complète de l'infrastructure communautaire destinée à assurer des services à une autre population marginalisée. Si nous considérons ce qui nous arrive aujourd'hui, nous constatons que cela réduit considérablement l'infrastructure de formation pour nos clients dans leurs localités.

La plupart des programmes de formation communautaires actuellement financés par DRHC ne sont pas assurés de survivre. On nous dit [Inaudible - Éditeur] de la mise en oeuvre du CORH, mais il faut admettre que pendant une certaine période il faudra roder le programme et c'est pourquoi on ne peut pas supprimer une structure en l'absence de mécanismes de remplacement.

Il faut aussi admettre que les programmes de formation communautaires présentent des avantages économiques et sociaux éprouvés, comme le reconnaissent même les évaluations du ministère. Ces programmes contribuent également à l'économie locale.

En Ontario, environ 30 000 personnes par année bénéficient de ces programmes. Chaque finissant gagne en moyenne 10 $ l'heure, ce qui équivaut à un peu plus de 18 000 $ par année. Leurs contributions compensent le coût du programme de formation auquel ils ont participé.

Nous vous exhortons aujourd'hui à veiller à ce que le Canada ait des normes nationales et fasse preuve de leadership en matière de formation de la main-d'oeuvre, que ces normes soient respectées et que leur respect soit une condition du versement des fonds du gouvernement. Aujourd'hui, nous voulons vous présenter nos recommandations collectives et nous espérons que vous les examinerez sérieusement puisque nous estimons que ce sont des mesures nécessaires pour corriger les changements proposés au régime actuel d'assurance-chômage.

.1655

Elles se trouvent dans le mémoire qui est devant vous, sous la rubrique Résumé des recommandations. Je vous invite à vous y reporter. C'est le fruit de notre travail collectif et je vais les lire avec vous.

- Un, que le Comité permanent du développement des ressources humaines renouvelle son attachement à l'équité et incorpore une analyse de l'équité dans son projet de loi C-12. Nous estimons que la nouvelle loi doit être guidée par les principes de l'équité. Si cela n'est pas un élément important du virage, la promesse du ministre ne sera pas tenue. Lorsque l'on parle de justice, d'équité et de possibilités économiques, rien de tout cela n'existera à moins que le principe directeur soit l'équité.

- Deux, que les critères soient fixés pour guider la mise en oeuvre du projet de loi C-12 dans le respect de la justice, des possibilités économiques ainsi que du principe fédéral de l'équité en matière d'emploi.

- Trois, que les prestations d'assurance-emploi ne dépendent pas de la participation à un programme ou de la fréquentation d'un établissement d'enseignement ou de toute autre activité d'apprentissage.

- Quatre, que le gouvernement fédéral adopte une démarche vigoureuse et unifiée d'élaboration et d'application des principes nationaux dans les politiques de développement de la main-d'oeuvre.

- Cinq, que le gouvernement fédéral élabore une stratégie nationale destinée à offrir des possibilités d'acquisition de compétences de travail aux chercheurs d'emploi socialement et économiquement défavorisés; que cette stratégie inclue une capacité de soutien du revenu; et que cette stratégie soit distincte du projet de loi C-12.

- Six, que le projet de loi n'interdise pas la participation directe du gouvernement fédéral dans la formation et l'adaptation de la main-d'oeuvre. Au contraire, celui-ci devrait préciser que le gouvernement fédéral cherchera à conclure des ententes fédérales-provinciales en matière de formation et d'adaptation de la main-d'oeuvre.

- Sept, que le gouvernement fédéral prenne les devants et ouvre l'accès aux possibilités d'emploi, y compris des mesures de soutien comme les garderies, des programmes d'alphabétisation, la formation linguistique, les programmes de transition et les mécanismes d'évaluation préalables à l'apprentissage.

- Huit, que le gouvernement fédéral appuie la création d'un système national destiné à évaluer et reconnaître les antécédents de formation et professionnels obtenus à l'étranger. Cela nous apparaît être déterminant. Si nous voulons faire partie du marché international, il faut que la société tout entière soit concurrentielle. Si nous continuons de repousser les compétences et les talents que les immigrants et les réfugiés apportent au pays, nous allons gaspiller une vaste somme de talents qui restera inexploitée.

- Neuf, que des critères objectifs soient appliqués aux décisions sur l'avenir des programmes de formation et l'accès ininterrompu des participants à la formation axée sur le marché du travail.

- Dix, que l'on examine les besoins en formation des immigrants et des réfugiés, des femmes, des handicapés et de ceux qui ne répondent peut-être pas aux critères d'admissibilité. Nous parlons ici d'accès véritable et non pas de nouveaux obstacles à la participation.

- Onze, que les participants aux programmes de formation ne soient pas classés en fonction du type de soutien du revenu qu'ils reçoivent.

- Douze, qu'une mesure relative à l'emploi soit ajoutée afin d'appuyer la formation par projet destiné à répondre aux besoins particuliers de la communauté et que l'on revoie la définition de localités à chômage élevé pour inclure des collectivités non géographiques à taux élevé de chômage.

- Treize, que la période d'admissibilité de cinq ans aux programmes financés par l'assurance-chômage s'applique également aux handicapés et à ceux qui souffrent de troubles physiques ou psychiatriques qui ont établi une demande de prestations de maladie mais qui sont incapables de revenir au travail, en particulier ceux qui ont pu souffrir de troubles cycliques comme la sclérose en plaques ou des maladies psychiatriques.

- Quatorze, pour conclure, puisqu'il faut de trois à cinq ans pour déterminer la viabilité du travail autonome, qu'une période de cinq ans pour l'admissibilité aux programmes financés par l'assurance-emploi soit accordée à ceux qui ont établi leur admissibilité à une prestation mais qui n'ont pas pu trouver de travail ou qui ont créé une entreprise qui a fait faillite. On devrait en tenir compte.

Encore une fois, nous remercions le comité permanent de la possibilité qu'il nous a offerte de prendre la parole devant lui. Nous estimons que l'information que nous vous avons communiquée aujourd'hui est très importante pour les clientèles que nous représentons. Nous vous exhortons à prendre tout à fait au sérieux ce que nous avons et à en tenir compte dans les recommandations que vous adresserez au gouvernement sous la forme définitive que ce texte de loi prendra et nous vous exhortons à manifester votre attachement aux principes de l'équité, de la justice et des possibilités économiques pour tous.

Encore une fois, nous vous remercions. Nous sommes maintenant prêtes à répondre à vos questions.

.1700

Le président: Je vous remercie d'un exposé d'excellente qualité et je vous remercie de nous avoir dit ce qu'il faut faire pour mettre en valeur le capital humain du pays.

Nous allons maintenant passer aux questions. Commençons par M. Paré.

[Français]

M. Paré: La deuxième personne qui est intervenue a fait référence au rapport du Comité permanent de l'an passé et a dit que le gouvernement devait évaluer le projet de loi C-12 à partir des conclusions du rapport du Comité permanent de 1995. Ma première question sera donc de vous demander de bien vouloir nous rappeler certaines de ces conclusions. Cela est-il possible?

Je vais faire tout de suite un deuxième commentaire. Dans votre présentation, vous avez également fait référence à la Loi de 1982, dans laquelle je présume que vous vouliez trouver une justification à votre argumentation. Or, un peu plus loin dans votre exposé, vous avez suggéré au gouvernement de ne pas respecter la Constitution de 1867 et de ne pas se retirer du champ de la formation. J'aimerais que vous m'aidiez à concilier ces deux éléments.

[Traduction]

Mme Dobrowolsky: Désolée, je n'ai pas entendu l'interprétation de votre première question.

Le président: Monsieur Paré, pourriez-vous répéter votre première question?

[Français]

M. Paré: La première partie de ma question consistait à demander à la deuxième intervenante de bien vouloir nous rappeler certaines des conclusions du rapport du Comité permanent de 1995, car elle suggérait au gouvernement d'évaluer le projet de loi C-12 en fonction de ces grandes conclusions.

[Traduction]

Mme Lior: Permettez-moi de répondre. Nous en parlons dans le mémoire. Nous disons que le comité permanent a reconnu le rôle déterminant du gouvernement fédéral en matière de perfectionnement des ressources humaines, surtout en ce qui concerne la formation relative à la main-d'oeuvre. Je cite la page 86 de son rapport: «Le gouvernement doit faire en sorte qu'une formation efficace soit offerte partout au pays». On dit ensuite dans le rapport qu'il serait tout naturel que le gouvernement fédéral se charge de veiller à ce que l'on produise des données de qualité sur le marché du travail, ce qui est repris dans d'autres parties du projet de loi C-12 lorsqu'il est question d'un service national d'information sur le marché du travail.

Le comité a recommandé que les besoins d'accès et d'aménagement particuliers des femmes, des Autochtones, des personnes handicapées et des membres de groupes ethnoculturels ou de minorités visibles soient pris en considération dans la conception et la prestation des services de développement de l'emploi.

Le comité a rejeté le concept du travail ou de l'apprentissage obligatoire et a déclaré qu'il ne peut préconiser la participation obligatoire du client à la formation comme condition du soutien du revenu et que la plupart des programmes de formation comptent déjà un surplus d'inscriptions, comme l'ont souligné de nombreux témoins.

Le président: Monsieur Paré, on vous demande si vous voulez qu'elle continue la lecture de son mémoire sur ce point précis.

[Français]

M. Paré: J'aurais encore une très courte question. Vous semblez dire, pour justifier le maintien de la participation du gouvernement fédéral à la formation de la main-d'oeuvre, que la formation de la main-d'oeuvre ne peut être efficace que si elle est assumée par le gouvernement fédéral.

Est-ce qu'on doit conclure, d'après ce que vous dites, qu'une province ne peut pas assumer efficacement la formation des travailleurs?

.1705

[Traduction]

Mme Lior: Ce n'est pas ce que nous disons, je crois. Dans le mémoire, nous précisons qu'il faut respecter l'intérêt des provinces et que l'importance de l'économie locale n'est plus à démontrer. Il faut tenir compte de ces facteurs dans l'élaboration d'une vision nationale sur la formation de la main-d'oeuvre.

Nous espérions que le gouvernement fédéral ne se retirerait pas complètement de ce secteur, ce qui aboutirait à une situation où toutes les provinces devraient être les mêmes alors que nous savons qu'il y a des distinctions entre elles. Nous ne voulions pas d'un système qui réponde... L'équité et l'égalité, ce n'est pas la même chose. Nous ne voulons pas d'un système qui, défendable dans une région du pays, serait imposé ailleurs.

Mme Blair: Pour ajouter à ce que Karen vient de dire, nous ne disons pas qu'une province ne peut pas offrir toute seule la formation; ce que nous disons c'est qu'il doit y avoir un leadership fédéral dans le secteur. Comme Canadiens, nous devons avoir le droit de nous rendre dans n'importe quelle partie du pays et être traités de la même façon. On devrait pouvoir s'attendre à recevoir le même genre de services. Sans leadership fédéral, ce sera impossible. Mais si vous souscrivez vraiment aux principes de l'équité, cela rejoint les normes nationales pour lesquelles il faut un leadership.

Le président: Nous allons maintenant passer à Mme Terrana.

Mme Terrana (Vancouver-Est): Je vous remercie beaucoup de votre exposé, qui était excellent. Il porte sur de nombreux domaines.

En ce qui concerne votre première recommandation, il faut préciser que le gouvernement a préparé une analyse homme-femme de la réforme précisément pour soutenir la promesse faite à Beijing à la Conférence mondiale des femmes.

Je veux aussi revenir sur les recommandations trois et cinq. À la cinquième, vous parlez d'une stratégie; j'aimerais que vous nous en disiez davantage. Nous allons adopter un nouveau régime mais il y a un secteur en particulier... Nous allons adopter un système reposant sur le calcul des heures au lieu des semaines, sans franchise. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, si cela va profiter aux défavorisés, aux femmes, aux réfugiés et aux immigrants.

Mme Blair: D'abord, j'aimerais parler du résumé de recommandations. Vous vous êtes attardée sur les recommandations trois et cinq.

Au numéro trois, nous disons que l'accès à l'assurance-emploi ne devrait pas dépendre de la fréquentation d'un programme de formation. Nous ne voulons pas forcer les malades à suivre des cours parce que ce n'est peut-être pas ce dont ils ont besoin et ils auraient peut-être droit aux prestations d'assurance-emploi. Cela ne devrait pas dépendre de la fréquentation d'un programme de formation quelconque. De fait, les gens devraient avoir le choix de participer ou non.

Pour ce qui est de la recommandation numéro 5, nous disons que même si le régime va reposer sur ces cinq outils reliés au marché du travail, le gouvernement fédéral a quand même besoin d'une stratégie nationale pour offrir des ouvertures aux défavorisés économiques.

Nous avons pris la peine de souligner le cas des handicapés, des immigrants, des réfugiés et des femmes qui n'ont pas le sentiment d'être traités de façon égale sur le marché du travail. Il faut des dispositions particulières pour faire face à ces situations uniques de personnes désavantagées. Cela doit être une stratégie distincte du projet de loi C-12 et qui serve de complément au projet de loi.

.1710

Mme Terrana: Merci, je comprends.

Ce que vous réclamez à la recommandation numéro 3 - que l'assurance-chômage ne dépende pas de la formation - n'est pas dans le projet de loi.

Ma dernière question porte sur le fait que nous passons au calcul des heures plutôt que des semaines pour les fins de l'assurance-emploi. Cela devrait être avantageux pour les femmes, les défavorisés, parce que pour beaucoup d'entre eux, surtout les réfugiés et les immigrants, qui travaillent 14 heures par semaine, il est impossible de toucher de l'assurance-chômage.

J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez. Êtes-vous en faveur de l'idée?

Mme Lior: Nous sommes très reconnaissants de ce changement dans la loi. C'est un changement très opportun, le calcul à partir de la première heure travaillée, surtout que les conditions de travail changent rapidement et de façon radicale. Le travail à temps partiel fait beaucoup plus partie du paysage de l'emploi que par le passé. Cela a un effet direct sur les femmes et nous sommes heureuses de voir que cela fait partie du projet de loi.

Mme Terrana: Merci beaucoup.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Monsieur McCormick.

M. McCormick (Hastings - Frontenac - Lennox et Addington): Je vous remercie beaucoup de votre exposé et de ce que vous avez dit à propos de la formation et de la partie II de l'assurance-emploi... Évidemment, la partie II n'est pas exclusivement consacrée à la formation. Son but est aussi de redonner de l'emploi aux gens. Et la formation est un élément important de cela.

Nous parlons ici des plus défavorisés. Comme vous le savez sans doute, 45 p. 100 des prestataires d'assurance sociale ont reçu de l'assurance-chômage au cours des trois dernières années. Ces personnes auront droit aux cinq nouvelles prestations relatives à l'emploi.

J'aimerais que vous nous parliez des autres éléments de la partie II: les subventions salariales ciblées, les suppléments de revenu et l'aide au travail indépendant. Je suis certain que ces dispositions peuvent aider beaucoup de ceux que vous représentez.

Mme Dobrowolsky: J'aimerais parler de la première partie, à propos du nombre d'assistés sociaux qui ont touché du chômage au cours des trois dernières années et qui seraient admissibles aux prestations d'emploi. Oui, vous avez raison, c'est vrai. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de sommes supplémentaires dans la caisse d'assurance-emploi. Il n'y aura pas nécessairement plus de places de formation ou de prestations d'emploi. Pour l'année prochaine, il n'y aura pas plus d'argent que cette année à la caisse de l'assurance-emploi, ce que vous appelez les utilisations productives.

Même si un plus grand nombre de personnes y seront admissibles, à cause du prolongement de trois et cinq ans, comme il n'y aura pas plus d'argent, cela ne signifie pas qu'il y aura de la place pour eux. Ils seront peut-être admissibles mais cela ne signifie pas qu'ils pourront toucher ces prestations. Il sera intéressant de voir comment ça va se passer.

Excusez-moi, pourriez-vous répéter la deuxième partie de votre question?

M. McCormick: Je disais que si nous voulons que le comportement des prestataires change, qu'ils dépendent moins des allocations, et retournent au travail plus rapidement, il faudra que beaucoup de gens se prévalent des services de réemploi qui existeront - les subventions salariales ciblées et les suppléments du revenu ainsi que le programme d'aide au travail indépendant. Je sais que c'est surtout la formation qui vous intéresse, mais je suis certain que ces programmes seront très utiles pour beaucoup de gens que vous représentez.

Mme Dobrowolsky: Oui. Je suis d'accord. Ces initiatives sont exceptionnelles. La subvention salariale ciblée devra être suivie de près parce que cela pourrait faire baisser d'un cran le salaire des gens. Si l'employeur pense qu'il peut obtenir une subvention salariale pour ses employés, il voudra peut-être embaucher des travailleurs à salaire peu élevé.

Il faudra donc garder l'oeil ouvert pour veiller à ce que ça ne se produise pas, et dans l'ensemble ces prestations semblent être d'excellentes idées, surtout pour le travail indépendant.

.1715

Le président: Merci, monsieur McCormick.

Je vous remercie, madame Blair et madame Dobrowolsky. Nous avons beaucoup aimé votre exposé. Les points que vous avez soulevés sont très importants pour l'examen et l'amélioration du projet de loi C-12. Encore une fois, les membres du comité tiennent à vous exprimer leur gratitude la plus sincère pour votre intervention. Merci.

Mme Blair: Merci.

Mme Dobrowolsky: Merci.

Le président: Avant de lever la séance, permettez-moi de vous rappeler que demain nous entendrons le ministre du Développement des ressources humaines. Je voudrais profiter de l'occasion pour remercier les membres du comité car demain nous pourrons au moins communiquer au ministre une partie des suggestions et des amendements possibles auxquels nous songeons.

Cette rencontre n'a été possible que grâce au travail acharné des membres du comité qui ont tout fait pour améliorer le projet de loi. Je remercie en particulier MM. Regan et Scott ainsi que Mme Augustine qui ont proposé des amendements. Je les ai reçus et ils seront distribués aux autres membres du comité.

La rencontre de demain avec le ministre se tiendra à 15 h 30 à la salle 253-D.

Je précise aussi que nous avons appris beaucoup des documents d'analyse qui nous ont été présentés. J'en ai une liste, que j'ai fait remettre à tous les membres du comité, qui énumère tout ce qui nous a été remis. Les membres du comité qui ont proposé des amendements ont sans nul doute tiré profit des excellents travaux de recherche préparés par Développement des ressources humaines Canada.

Je sais que le comité sera tout aussi productif lorsqu'il entamera l'étude article par article qui nous permettra de déposer à la Chambre des communes un projet de loi C-12 amélioré.

La séance est levée.

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