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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 14 mars 1996

.0906

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte. Nous en sommes au deuxième jour des audiences sur le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada.

J'aimerais accueillir les représentants de l'Association canadienne des collèges communautaires, M. Tom Norton, président; Mme Terry Anne Boyles, vice-présidente et M. Pierre Killeen, agent des relations gouvernementales. Bienvenue.

Selon la tradition de notre comité, nous allons d'abord vous entendre et ensuite passer à une séance de questions et réponses - celle d'hier a été très éclairante - entre députés et témoins. Vous disposez de 55 minutes environ; vous pouvez maintenant commencer.

M. Tom Norton (président, Association canadienne des collèges communautaires): Merci beaucoup. Nous allons, dans tous les cas, nous efforcer de vous donner des réponses éclairantes. Nous avons déjà comparu devant vous, monsieur, et c'est toujours avec plaisir que nous revenons. Cela veut dire toutefois que mon introduction est devenue assez ennuyeuse pour certains des députés si bien que je vais tenter de l'ajuster un peu et entrer sans tarder dans le vif du sujet.

Notre association représente 175 collèges au Canada. Ce n'est pas la totalité des collèges, puisqu'une douzaine d'entre eux ne sont pas membres de notre association; il reste que nous représentons la plupart des collèges communautaires, des instituts de sciences appliquées et de technologie, des instituts de technologie et des collèges des arts appliqués et de la technologie au Canada. En fait, nous utilisons d'autres appellations que celle de collège communautaire, bien que cette dernière soit le nom générique par lequel nous sommes connus.

Nos collèges représentent l'agent de formation le plus important au Canada, tant à l'intérieur de notre pays qu'à l'échelle internationale. À l'heure actuelle, nous sommes présents dans 68 pays, je crois; nous les aidons en fait à élaborer des stratégies et des structures nationales en matière de développement de ressources humaines. Par conséquent, nos intérêts et nos connaissances ne se limitent pas simplement à la formation au sein d'établissements d'enseignement. Nos intérêts sont plus vastes, puisqu'il s'agit de découvrir dans quelle mesure les pays rattachent l'acquisition de compétences à la réussite économique nationale et d'examiner les options politiques retenues par les divers pays pour essayer d'établir un lien entre le perfectionnement des compétences de la main-d'oeuvre, l'émergence de nouvelles industries et les changements économiques.

C'est véritablement de ce point de vue-là que nous aimerions lancer le débat aujourd'hui, et non simplement du point de vue de l'intérêt personnel de nos établissements; il s'agit plutôt d'examiner les options dont dispose le Canada, les diverses options politiques offertes, et de voir combien de pays acceptent, à plus long terme, d'établir une corrélation entre la main-d'oeuvre nationale et les compétences requises au plan économique.

À cet égard, les collèges jouent un rôle peu important, alors que les options sont nombreuses. Beaucoup de pays n'ont pas de collèges du tout et nous en avons conscience. Nous ne sommes pas là pour en demander plus, ni pour vous demander de ne pas nous abandonner maintenant, ni pour vous poser des questions au sujet de l'avenir des collèges; si nous sommes ici, c'est plutôt pour essayer de définir un système qui servirait de stratégie nationale de développement des ressources humaines pour le Canada oeuvrant dans un environnement international, sur le marché international; par ailleurs, comment pouvons-nous dépasser les questions internes de notre pays et penser à la façon dont notre main-d'oeuvre peut devenir compétitive sur le marché mondial.

.0910

Ainsi, les normes provinciales et nationales, par exemple, n'ont pas beaucoup de valeur pour nous. Seules les normes internationales sont authentiques. Notre main-d'oeuvre doit être aussi compétitive, aussi imaginative, aussi créative que celle de Singapour, de la Corée, des États-Unis ou du Japon; sinon, elle ne pourra tout simplement pas soutenir la concurrence dans les secteurs de la technologie, des services, et autres secteurs d'activité. De notre point de vue, il est important de créer une main-d'oeuvre compétitive au plan international, d'élaborer des normes internationales et de prévoir des politiques nationales susceptibles de faciliter le perfectionnement des compétences dont a besoin la main-d'oeuvre pour les nouvelles industries, les nouvelles technologies, les nouveaux services.

C'est donc brièvement que je tente aujourd'hui d'exposer nos points de vue qui, je l'espère, diffèrent un peu de ceux que nous vous avons présentés la dernière fois.

Comme nous l'avons dit devant ce comité à plusieurs reprises, nos établissements sont provinciaux si bien que nous approuvons et appuyons totalement le fait que nos établissements et les gouvernements provinciaux pour lesquels ils travaillent mettent l'accent sur le transfert de la responsabilité de la formation à la compétence provinciale. Cela ne fait aucun doute pour nous et c'est sur cette voie que se dirigent les provinces; par conséquent, nos collèges approuvent ce genre de position. Cette déclaration sert donc de préambule au reste de nos observations.

Nous sommes fort intéressés par les rapports qui existent entre le gouvernement du Canada et ce que nous appelons le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) car, alors que le fédéral se fait moins présent et ne joue pas un rôle aussi important en matière de coordination nationale, nous nous posons la question suivante: au cours des trois prochaines années, au fur et à mesure que le gouvernement national se dégagera de plusieurs activités, comment le Conseil des ministres ou un organisme du même genre réagira-t-il aux nouvelles responsabilités? Comment coordonnera-t-il, par exemple, le programme national d'apprentissage? Peut-il le faire? Dans quelle mesure le gouvernement national et le Conseil des ministres peuvent-ils travailler en collaboration pour savoir à qui revient le rôle de leadership en matière de formation, telle qu'elle se rattache à une stratégie nationale de développement des ressources humaines?

Cela ne veut pas dire qu'au fur et à mesure que le gouvernement national se retire du financement direct de plusieurs activités, il peut éviter de jouer un rôle de leadership; il peut, à tout le moins, confier ce rôle à une autre entité afin d'assurer le maintien et le perfectionnement de ces systèmes de formation et d'en faciliter l'adaptation aux nouveaux environnements.

Nous ne sommes pas en train de dire dans le cas de l'apprentissage par exemple, que tout est parfait et que nous devrions, au 21e siècle, poursuivre la formation dans le domaine de la construction ou d'activités étroitement définies. Ce que nous voulons dire, c'est que le concept de l'apprentissage a un sens, tout comme les rapports qu'entretiennent employeurs et établissements en matière de formation, ainsi que la notion d'apprentissage comme véhicule national permettant la mobilité de la main-d'oeuvre grâce aux compétences.

Aujourd'hui, le gouvernement national abandonne une responsabilité qu'il a directement assumée et qu'il transfère aux provinces; comment assurer une transition sur trois années, sans occasionner l'abandon de ces systèmes qui nous ont si bien servis, uniquement dans le but de transférer les responsabilités d'une compétence à une autre? Tel est le genre d'inquiétude que nous voulons exprimer dans ce domaine: Au cours de ce transfert de responsabilité, comment conserver ce qui fonctionne bien?

Je ne vais pas, bien entendu, lire notre mémoire. Vous l'avez devant vous et je vous en recommande la lecture. Nous en sommes fiers - surtout mon collègue, M. Killeen - et j'espère qu'il sera intégré au procès-verbal.

.0915

Sans revenir sur tous les détails de notre mémoire, nous aimerions parler de la notion de «commercialisation» du recyclage, si vous me permettez d'utiliser ce terme. Nous avons deux sujets d'inquiétude à cet égard. Donner les ressources aux Canadiens - sous forme de prêt ou de bourse - et leur demander de prendre des décisions en matière de formation équivaut à les habiliter pleinement et à leur faire clairement comprendre qu'ils sont eux-mêmes responsables de leurs choix.

Nous croyons qu'il faut absolument faire en sorte que ces particuliers aient accès à la meilleure information possible en matière de possibilités d'emploi, de nouveaux domaines de compétence et de futures tendances économiques; en fait, nous habilitons simplement les Canadiens les moins informés et, dans de nombreux cas, les Canadiens les moins alphabètes, à prendre des décisions fort complexes et fort importantes pour leur vie personnelle. La question que nous posons est la suivante: Comment pouvons-nous élaborer une information facilement accessible, la mettre à jour; comment assurer l'encadrement - le counselling peut-être, si l'on veut utiliser un terme plus officiel, mais il n'est pas vraiment nécessaire de le faire - pour le bien des chômeurs, de ceux qui cherchent du travail, de ceux qui ont besoin de compétences pour trouver du travail? Comment leur fournir cette information?

À notre avis, il est essentiel que les particuliers soient habilités et encouragés à prendre ces genres de décisions eux-mêmes. Il faut leur donner accès à une bonne base d'information et les aider à la comprendre, de manière qu'ils puissent prendre des décisions aussi bien que possible en fonction de la réalité. Pour l'instant, cela n'existe pas et nous ne comprenons pas comment au cours des trois prochaines années une telle structure va pouvoir se créer. Aucun mécanisme ne semble être prévu pour ce faire.

Bien entendu, nous pensons que nos établissements peuvent jouer un rôle à cet égard, mais d'autres peuvent également le faire. Nous nous demandons tout d'abord comment les chômeurs recevront une bonne information, qu'ils seront à même de comprendre, dans des endroits facilement accessibles, afin qu'ils puissent prendre de bonnes décisions. À notre avis, ce problème n'a pas été abordé correctement et nous pensons qu'il est fort important de le faire.

Deuxièmement, nous sommes fortement en faveur de l'émergence d'agents de formation du secteur privé. La quantité de formation qu'il faut prévoir, qui est offerte dans notre pays et qu'il faut continuer d'offrir, est simplement renversante. On dit que le Canada devient une société de l'apprentissage et c'est une priorité. À l'instar de notre association, je soutiens que le Canada est devenu une société de l'apprentissage, ainsi qu'en témoignent de manière absolument extraordinaire les taux de participation aux cours à temps partiel, aux cours d'éducation permanente, le pourcentage de la main-d'oeuvre qui se recycle, met ses connaissances à jour, se renseigne sur les nouvelles possibilités d'avenir. Le Canada se place certainement parmi les deux ou trois premiers pays du monde à cet égard.

Ce qui nous préoccupe ici toutefois, c'est que le gouvernement national fournira, par l'entremise de prêts ou de bourses, de l'argent aux chômeurs, aux particuliers, pour qu'ils puissent acheter de la formation. Si le gouvernement achetait un climatiseur, par exemple, il insisterait pour que ce climatiseur réponde à certaines normes. Il exigerait qu'il réponde aux normes de la CSA, à tout le moins. Avant de l'acheter, il ferait en sorte que le climatiseur ne risque pas d'exploser. Il s'assurerait qu'il répond à certaines normes volumétriques.

Sans vouloir aller trop loin, je dirais qu'il n'existe pas de normes en matière de formation au Canada. Le gouvernement du Canada propose en fait aux Canadiens d'acheter de la formation sans leur garantir la qualité de cette formation.

Nous croyons qu'il est urgent de prévoir des normes nationales de rendement de la part des établissements, privés ou publics, auxquels s'adresseront les personnes financées par le gouvernement pour leur formation. Nous serions parfaitement heureux de travailler en collaboration avec nos collègues du secteur privé afin d'élaborer de telles normes de rendement. Nous ne croyons pas qu'il s'agit-là d'une ingérence dans le marché de l'éducation. Nous pensons qu'il s'agit d'une position raisonnable de la part de quiconque achète un produit, une formation. Il faudrait que l'investissement soit garanti et réponde à une norme acceptable au sein de la collectivité.

.0920

Bien sûr, la seule chose qui nous intéresse est de savoir si la personne trouve un emploi ou non. C'est une mesure intéressante, mais si un particulier consacre 10 mois de sa vie à acquérir des compétences grâce à un prêt important, que ces compétences ne répondent pas à des normes minimales et qu'elles ne sont pas applicables sur le marché, comment va-t-il s'en sortir?

Je le répète, je ne cherche pas à exclure les agents de formation du secteur privé de la formation. Ce n'est pas ce que nous disons. Il y a suffisamment de place pour les établissements du secteur public, comme les nôtres, et pour ceux du secteur privé. Nous croyons simplement que nous devrions travailler en collaboration avec le secteur privé pour élaborer des normes de rendement, des normes minimales pour ceux qui suivent une formation appuyée, subventionnée, financée par le gouvernement national. Nous savons que nos collègues du secteur privé seraient fort heureux de le faire également. À long terme toutefois, il faudrait que le gouvernement fédéral prenne des mesures lui-même ou, s'il juge que cela est préférable, des mesures par l'entremise du Conseil des ministres. C'est une question importante à nos yeux.

La notion de cadre professionnel national, de normes nationales de métiers ou de normes professionnelles nationales est liée à celle de normes de rendement. Nous avons déjà abordé cette question en détail et je ne pense pas qu'il soit opportun aujourd'hui de reprendre ce débat, mais comme je le disais plus tôt, nous pensons que le mot «national» contrecarre ce que nous faisons. Nous devrions avoir une perspective internationale.

Il suffit de penser à l'ALÉNA par exemple, pour s'apercevoir que l'on cherche à fixer des normes communes pour le Canada, les États-Unis et le Mexique en matière de technologie environnementale, d'électronique, de télécommunications. Le problème n'est pas d'ordre national. Le problème se pose aux employeurs multinationaux qui souhaitent la mobilité de leur propre main d'oeuvre. Des étudiants canadiens fraîchement diplômés peuvent chercher de façon fort légitime leur premier emploi à Singapour, à Hong Kong; peuvent travailler facilement et sans problème en Indonésie, au Moyen-Orient. Le concept de marché national où ne s'appliquent que des normes nationales n'est simplement pas réaliste. Il faut fixer des normes internationales pour pouvoir définir de telles normes pour tous les Canadiens.

Une telle responsabilité pourrait parfaitement incomber au Conseil des ministres de l'Éducation mais, à mon avis, c'est au gouvernement fédéral qu'elle devrait revenir et c'est à lui de les encourager. Où se trouvent ces normes internationales? Où les chercher,

[Français]

la deuxième fois pour la même chose?

[Traduction]

Nous aimerions parler - et je vais conclure sous peu - très brièvement de l'éducation de base. Nous avons connu une période où l'accent était mis sur l'alphabétisation des adultes ou l'analphabétisme chez les adultes au Canada; même si ce problème subsiste, il ne retient pas autant d'attention qu'auparavant. Nous nous intéressons au domaine de l'éducation de base et souhaitons que les ressources offertes par le gouvernement fédéral prennent essentiellement la forme de bourses plutôt que de prêts.

À notre avis, contracter des dettes uniquement pour avoir accès à la formation dans les métiers, au perfectionnement des compétences, représente un énorme facteur de dissuasion pour ceux qui n'ont pas bénéficié d'une éducation de base leur permettant de sortir de l'assistance sociale et de faire partie de la main d'oeuvre active. Nous espérons que dans le cas de ceux qui n'ont pas les connaissances de base, qui ne savent ni lire ni écrire, la part de bourses l'emportera sur toute forme de prêt dans la nouvelle structure de financement.

Monsieur le président, permettez-moi de conclure; nous pensons qu'il convient de prévoir le transfert de responsabilité aux provinces. Nous pensons toutefois que cela suscite de véritables inquiétudes.

.0925

Nous nous ferons un plaisir de répondre à toute question que vous aimeriez poser.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Norton.

La notion de normes internationales m'a vivement intéressé. Comme vous le savez, en tant que pays, nous nous demandons encore qui devrait fixer des normes nationales, si tant est qu'il faille prévoir de telles normes, etc.; je crois toutefois que vos propos ont éclairé le comité. Peut-être devrions-nous voir encore plus loin et tenir compte des réalités du village global aux plans économique et social.

Nous allons avoir une série de questions de dix minutes et nous commençons par M. Dubé.

[Français]

M. Dubé (Lévis): Je suis le critique de mon parti en matière de formation et de jeunesse. Donc, vous devinez un peu ce dont je vais vous parler.

J'ai bien compris votre point de vue et je sens qu'il a évolué depuis la dernière fois qu'on s'est rencontrés. Cependant, vous n'abordez pas le problème de la même façon que nous. Vous dites que le fédéral doit encadrer le processus d'établissement de normes nationales.

Comme M. le président, j'ai bien aimé quand vous avez dit qu'il serait souhaitable - et tout le monde est d'accord sur cela - qu'il y ait des normes internationales minimales pour faciliter la mobilité de la main-d'oeuvre. Dans un contexte de mondialisation, qu'on soit du Québec, de Terre-Neuve, des États-Unis ou d'ailleurs, on reconnaît qu'on doit aller dans cette direction, mais on parle à ce moment-là de normes minimales pour permettre aux gens de transférer leurs connaissances afin de pouvoir travailler dans des pays étrangers, cela dans le plus grand nombre de cas possible.

Vous savez sans doute comme moi que certaines corporations professionnelles sont très jalouses de leurs normes. Je pense notamment aux médecins. En fait, la plupart des professions ne sont pas très ouvertes à cela.

Cependant, je dois vous rappeler, même si vous le savez, que selon la Constitution, l'éducation est de compétence provinciale. C'est comme cela.

Vous semblez le reconnaître, mais vous dites en même temps que c'est au fédéral de... Vous recommandez à la page vii de votre mémoire que:

Nous serions d'accord que les ministres de l'Éducation des provinces se réunissent et élaborent des normes entre eux, d'un commun accord. C'est une position qui respecterait la Constitution, car ce serait dans un cadre de volontariat. Vous reconnaissez tout ce que je viens de dire, mais vous recommandez tout de même que le ministère du Développement des ressources humaines élabore des normes.

Est-ce une erreur de traduction ou si le texte de la recommandation exprime vraiment ce que vous souhaitez?

[Traduction]

M. Norton: Si nous sortons le mot «élabore» de son contexte, cela ne correspond pas à ce que nous voulons dire. En anglais - je n'ai pas la version française devant moi - nous disons que DRHC élabore, dans le cadre d'un partenariat avec le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada), un système. La nature de ce partenariat n'est pas claire. De notre point de vue, c'est la responsabilité du Conseil des ministres. Nous ne savons pas de quel appui il aura besoin pour ce faire. Cela n'est pas clair. Le Conseil des ministres est un groupe très peu nombreux dont le secrétariat est de taille réduite; on ne sait pas vraiment s'il lui sera possible de le faire, si ce sera une priorité pour lui. Le Conseil des ministres de l'Éducation a très peu d'expérience dans ce domaine. S'étant essentiellement intéressé à l'éducation primaire et secondaire, il a élaboré en toute impartialité des normes nationales dans ces domaines.

.0930

Ce qui m'inquiète c'est que trois années de transition nous attendent. Je ne veux certes pas dire par là que le gouvernement fédéral doit assumer cette responsabilité, mais que, dans le cadre d'un partenariat avec le CMEC, il faut se poser les questions raisonnables suivantes: comment pouvons-nous vous apporter notre soutien, comment pouvons-nous vous offrir nos ressources, comment pouvons-nous vous fournir l'information dont vous avez besoin pour assumer cette responsabilité? C'est le partenariat auquel nous pensons.

Le verbe «élaborer» n'est probablement pas le mot juste dans ce sens, pris isolément.

Le président: Merci, monsieur Norton. La parole est à M. Crête.

[Français]

M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Monsieur Norton, j'ai en main une lettre qui a été envoyée par le directeur général de la Fédération des cégeps au mois de janvier, dans laquelle il dit que le groupe qui représente tous les cégeps du Québec ne peut en aucun cas souscrire à votre projet de mémoire. Ensuite, il fait allusion à la résolution de l'Assemblée nationale du Québec qui demande que tous les pouvoirs rattachés à la formation professionnelle de la main-d'oeuvre soient rapatriés au Québec. J'ai compris de votre présentation que vous aviez été sensible à cette question, car vous parlez de l'importance de respecter la compétence des provinces.

Cependant, dans votre mémoire, à la page 15, vous recommandez que:

Il faut constater que vous ne pouvez pas vraiment vous considérer comme le porte-parole des gens des cégeps pour ce qui est de cette recommandation. Je ne dis pas que vous ne le faites pas en termes logiques et je ne dis pas non plus que vous avez essayé d'usurper une représentation, mais cette recommandation, qui confie à Développement des ressources humaines Canada la responsabilité de l'élaboration des normes, me semble être directement en contradiction avec la position adoptée par la Fédération des cégeps. Comment pourrait-on concilier tout cela?

[Traduction]

M. Norton: Sans reprendre la réponse que j'ai déjà donnée, je dirai que dans cette période de transition nous envisageons un partenariat entre le gouvernement fédéral et les provinces. Nous acceptons bien sûr que ce soit une responsabilité qui incombe aux provinces.

La question de la compétence provinciale ou fédérale peut nous poser un problème en tant qu'établissements, mais il faut malgré tout nous y attaquer. Dans le cadre du débat sur la responsabilité, nous ne devons pas perdre de vue que le résultat est un centre de formation national ou une responsabilité nationale. Nous devons en parler. En toute franchise, je préférerais éviter de le faire, mais je ne sais pas comment y parvenir.

En tant que particuliers, en tant qu'établissements, si nous n'élaborons pas des normes de rendement de la formation qui se tiennent, alors les établissements au Québec, tant ceux du secteur public que du secteur privé, ont le même débat que ceux des autres provinces. Je sais que l'on s'entend sur l'établissement d'un système national de normes que nous devons tous respecter. On s'entend aussi sur la justification de l'emploi des fonds. Il est évident que d'après la Constitution, il s'agit d'un domaine de compétence provinciale. Quant à la transition, comment procédons-nous? Comment en assurons-nous le succès?

[Français]

M. Crête: Une dernière petite question. À la page 8, vous recommandez que:

J'aimerais que vous élaboriez sur cette proposition. Il serait en effet intéressant qu'on puisse aller chercher le client de l'assurance-chômage le plus tôt possible, avant qu'il ne devienne un bénéficiaire régulier de chèques et qu'il n'ait pas nécessairement envisagé d'aller en formation, mais cela est un peu en contradiction avec la réforme actuelle des centres d'emploi du Canada, qui mécanise la relation avec les gens qui sont au chômage. Il y a peut-être quelque chose d'intéressant là-dedans, et j'aimerais que vous élaboriez, s'il vous plaît. Est-ce clair?

M. Norton: Oui, c'est clair. Ce n'est pas simple, mais c'est clair.

.0935

[Traduction]

Il nous semble évident que, lorsque qu'une personne est sans emploi, elle fait alors face à une myriade de choix. Les options de formation abondent et des choix difficiles s'imposent alors.

Ce que nous voulons surtout faire ressortir ce n'est pas forcément que les centres d'emplois du Canada devraient participer directement à cet encadrement mais plutôt que, de notre point de vue égoïste, il existe un réseau de 900 campus de nos collèges d'un bout à l'autre du Canada auquel s'ajoutent plusieurs centaines d'établissements de formation du secteur privé où ce genre de soutien, de counselling, d'encadrement, de surveillance pourraient être très utiles.

La Colombie-Britannique se livre à l'heure actuelle à certaines expériences intéressantes. Il y a par exemple celle de jeunes chômeurs qui fréquentent un établissement et qui sont encadrés pendant les neuf premiers mois afin de les aider à trouver du travail; s'ils n'en trouvent pas, on examine l'option de la formation: comment pouvons-nous améliorer les compétences que vous avez déjà et comment pouvons-nous bâtir sur cette base? Nous croyons que l'idée d'un partenariat pour encadrer le sans-emploi est très importante; il ne faut pas se limiter à une seule rencontre ponctuelle.

Ainsi, il s'agit de ce genre de choses. Nous croyons que nos établissements pourraient jouer un rôle à cet égard. Mais chaque province prendra ses propres décisions.

Quant à la question de passer à une discussion à un peu plus long terme avec les gens plutôt que de se limiter à une conversation d'une heure pour leur annoncer qu'ils iront en formation, nous croyons que nous devons en discuter plus efficacement.

Le président: Merci, monsieur Norton.

Monsieur Regan.

M. Regan (Halifax-Ouest): Je vous remercie, monsieur Norton de même vos collègues d'être venus ici aujourd'hui.

Je veux m'attarder en premier sur la question de l'accréditation des établissements de formation, laquelle bien sûr serait de compétence provinciale, comme nous en avons convenu, et sur la question de l'élaboration de normes de rendement auxquelles vous avez fait allusion et pour lesquelles, laissez-vous entendre, le gouvernement fédéral devrait avoir son mot à dire. Je veux vous dire que l'idée, comme vous le savez, à la partie II du projet de loi en ce qui a trait aux mesures de soutien de l'emploi serait d'évaluer la pertinence de l'aide fournie pour obtenir ou conserver un emploi. Il me semble que ces deux idées ne sont pas incompatibles. C'est le premier point que j'aimerais que vous commentiez.

Le deuxième point porte sur la façon dont nous élaborons et surveillons l'application des normes. Vous savez probablement que le gouvernement a mis en place des conseils sectoriels des ressources humaines dans 19 secteurs, de l'acier à la réparation des véhicules en passant par l'horticulture. Leur mandat consiste à définir entre autres des normes professionnelles et des programmes d'études pour vos collèges. N'est-il pas préférable de confier au secteur privé l'élaboration de normes nationales élevées en matière de formation et d'obliger les collèges plutôt que les bureaucrates fédéraux à rendre des comptes?

M. Norton: Je conviendrais, bien sûr, qu'il n'en revient ni aux éducateurs ni aux bureaucrates fédéraux d'élaborer ces normes. Ils peuvent bien sûr participer au processus, mais c'est aux employeurs qu'il incombe de le faire. Ce n'est pas tant ce que nos étudiants devraient apprendre dans ce cas mais ce que nos diplômés doivent être en mesure de faire. Les seules personnes qui sont en mesure de décrire ce que les diplômés font en tant qu'employés ce sont les employeurs.

Quant aux conseils sectoriels, nous souscrivons fermement à ce processus. Les collèges participent, je crois, à tous ces conseils sectoriels et cela témoigne de notre engagement à appuyer les employeurs et je dois dire, les employés dans ceci également - une participation commune et l'élaboration de ces normes.

J'aimerais parler quelques instants de l'accréditation. On utilise souvent ce mot dans le sens que lui donnent les Américains c'est-à-dire une évaluation des établissements au moyen de la cote bon ou mauvais en se fondant sur diverses variables comme le nombre de détenteurs de doctorat, la taille de la bibliothèque, le nombre de salles de classe. Selon nous, ces éléments sont intéressants mais non pertinents. Nous nous intéressons à l'efficacité de la formation: dans quelle mesure l'industrie a-t-elle accepté les diplômés, qu'ont pensé les diplômés de cette formation? C'est la raison pour laquelle nous avons tendance à insister sur ces normes de rendement de la formation.

M. Regan: Les provinces vont-elles en ce sens? Dans quelle mesure les provinces acceptent-elles ces conditions...? Si elles doivent s'occuper de l'accréditation et décider quels établissements seront certifiés... C'est bien que nous examinions la question de l'évaluation des résultats. Font-elles la même chose?

.0940

M. Norton: Comme vous le savez, le Conseil des ministres de l'Éducation se réunit en mai; il s'agira de la deuxième réunion nationale sur l'éducation. Il va sans dire que nous y ramènerons de nouveau cette question.

Je dirais que l'intérêt augmente à cet égard. Si vous vous souvenez de l'analyse que Stuart Smith a faite des universités, il en faisait l'élément principal de ses observations sur les universités, et nous croyons que cela a capté l'attention nationale, à coup sûr parmi les législateurs. Je devrais donc dire qu'il y a bel et bien un mouvement dans cette direction.

M. Regan: Ma deuxième question a quelque chose à voir avec la nécessité de s'adapter à un monde en perpétuel changement. Nous avons parlé de la situation internationale de même que de la multiplication constante des normes. Je me trompe peut-être, et il se peut que j'entende parler des collèges communautaires de la Nouvelle-Écosse après l'avoir dit, mais j'ai parfois l'impression que les collèges communautaires ne s'adaptent pas toujours aussi rapidement qu'ils le pourraient. Si vous pouvez me permettre une analogie avec l'ordinateur, par exemple, j'ai parfois l'impression que nous sommes revenus à un Commodore 64, qu'il nous faut passer à un Pentium 160 et que d'ici à ce que nous ayons franchi la moitié du chemin nous aurons besoin de la prochaine nouveauté.

Que pouvez-vous me dire pour que j'aie davantage confiance en la capacité des collèges communautaires à s'adapter rapidement au marché en perpétuel changement?

M. Norton: Je tenterai de le faire en disant que vous avez tout à fait raison d'affirmer que nous ne sommes pas toujours aussi prompts que nous devrions l'être.

Cela dit, les choses sont vraiment compliquées pour nous. D'une part, nos collèges ne peuvent exister que dans le cadre d'un partenariat avec les entreprises en général. La définition de l'éducation a évolué au cours des 30 dernières années. En effet, alors qu'on parlait d'un processus qui se poursuivait les vingt premières années de la vie, on parle maintenant de tout au long de la vie. Les collèges ont eux aussi évolué et ont maintenant l'occasion de travailler en plus étroite collaboration avec l'industrie.

Si vous prenez de nombreux collèges... Ici même à Ottawa nous avons un merveilleux exemple, le Collège Algonquin. On y a mis sur pied tout un département en communications dont l'équipement est entièrement fourni par l'industrie. Comme le collège ne peut se maintenir au niveau dans ce domaine, ne peut se le permettre, il fonctionne activement en partenariat avec l'industrie. L'industrie se servira des installations pour sa formation et l'établissement les emprunte aux fins d'utilisation par ses propres étudiants. C'est le genre de modèle qui pointe à l'horizon.

Je vais conclure. Le réseau des collèges communautaires en Nouvelle-Écosse n'a pas beaucoup évolué pendant une longue période. Les changements se produisent à un tel rythme à l'heure actuelle pour rattraper le temps perdu, que l'on ne peut faire autrement que de les remarquer. La direction éclairée qu'on y trouve maintenant a vraiment imprimé une nouvelle orientation. Les trois dernières années ont tout particulièrement été excitantes.

Ainsi l'impression que vous avez de la Nouvelle-Écosse est tout à fait juste. Les choses... n'étaient pas en veilleuses, mais évoluaient très lentement. Il est maintenant merveilleux de constater à quel point on se rattrape.

Le président: Madame Augustine.

Mme Augustine (Etobicoke - Lakeshore): Monsieur le président, je voulais que M. Norton s'en tienne à la question des normes de rendement de la formation. Je trouve cela vraiment fascinant, toute la période de l'éducation permanente.

Avez-vous parlé aux membres du Conseil des ministres, des conseils sectoriels et à tous les autres intervenants qui seraient partie à ce partenariat? Avez-vous une idée de la façon dont cela peut fonctionner?

M. Norton: Nous avons le très fort sentiment que le secteur privé - et par «secteur privé» j'entends tant les employés que les employeurs - a un besoin, un désir, une soif de cette chose précise.

Au sujet du Conseil des ministres, je dois dire que ces membres se sont à très juste titre occupés de l'éducation, comme on l'a laissé entendre, du primaire à l'université en passant par le secondaire. Les collèges constituent un phénomène assez récent. Vous dites que nous avons 30 ans, mais les ministres de l'Éducation ne s'en préoccupent pas pour l'instant, du moins pas comme ils le font pour le primaire, le secondaire et l'université. Nous le comprenons et nous l'acceptons. Mais nous croyons qu'ils devraient s'y intéresser, surtout si leurs propres établissements - c'est-à-dire nous - de même que les employeurs et les employés le leur disaient.

Quant à savoir s'il y a ou non un intérêt, je puis dire qu'il n'y a pas de résistance. Je crois que c'est utile.

Je suis content que vous me posiez cette question. Habituellement vous me rappelez les propos que j'ai tenus devant vous la dernière fois. La question est nouvelle. Je vous remercie.

.0945

Mme Augustine: J'ai une petite question au sujet de la partie de la mesure législative qui prévoit l'élaboration d'un plan d'action individuel. J'avais l'impression qu'il était clair que le counselling, l'évaluation, l'information et toutes ces autres mesures feraient partie de ce plan. Pourriez-vous nous dire où se trouve la faille dans la mesure législative et nous faire part de vos conseils de même que de ceux du Conseil, disons, à cet égard?

M. Norton: Nous avons certaines appréhensions. Par exemple, lorsque qu'une personne perd son emploi ou lorsqu'un jeune n'a jamais travaillé le processus en ce qui a trait aux choix qui s'offrent ne se limite pas à une heure ou à trois heures. Il s'agit d'une activité interactive qui s'étend sur une certaine période. Il est inutile d'inonder les gens d'une multitude de renseignements au départ.

Ainsi, comme il faut consacrer beaucoup plus de temps à encadrer les gens et à offrir des services de counselling qu'à prodiguer des conseils, il nous importe qu'un processus soit mis en place pour une certaine période afin d'aider les gens pendant qu'ils se cherchent du travail, qu'ils apprennent à se familiariser avec celui-ci, qu'ils connaissent leurs propres capacités, qu'ils comprennent ce qui leur est offert de même que le fonctionnement des programmes nationaux et provinciaux afin d'être en mesure de prendre de faire des choix éclairés.

C'est un domaine que je connais depuis toujours. Je me souviens de l'époque du programme 5 où des étudiants finissaient par un programme appelé Tours à décolleter automatiques. Il s'agissait d'un procédé industriel complexe. On pouvait y consacrer 40 semaines. Le niveau de bruit et la quantité de poussière étaient tels dans les locaux industriels où on utilisait ces machines que certaines personnes ne pouvaient tout simplement pas s'y habituer. Comme les étudiants n'étaient pas exposés à ces conditions environnementales dès le début, il arrivait que l'on investisse 40 semaines dans un étudiant qui finalement ne pouvait pas travailler par la suite dans l'industrie.

Nous parlons évidemment, ici, d'une époque révolue. Mais elle illustre quand même bien mon propos.

Comment mettre en place un processus d'encadrement itératif qui aide les gens à examiner leurs options et à faire leur choix en fonction de leurs compétences individuelles? Cela se ne fait pas en une seule nuit. Nous aimerions que ces décisions puissent être prises au cours d'une certaine période durant laquelle des rapports à plus long terme sont établis.

Mme Augustine: Je posais davantage la question en vue de connaître votre opinion sur ce que prévoit le projet de loi en termes d'orientation, d'évaluation et d'information et je me demandais si vous avez des conseils à nous donner dans certains domaines sur lesquels nous pouvons nous concentrer.

M. Norton: Le seul point au sujet duquel j'aurais des conseils à vous prodiguer concerne le rôle très important que peuvent jouer les institutions dans ce processus. Le projet de loi n'en parle pas du tout. Encore une fois, par «institutions», je ne désigne pas seulement nos collèges. Il n'est pas nécessaire d'avoir plus d'installations d'orientation. Il n'est pas nécessaire d'accroître la capacité de ceux qui n'en ont pas pour l'instant. Les institutions existantes peuvent le faire, et c'est ce que nous aimerions faire.

Le président: Si vous le permettez, en tant que président, j'aimerais vous poser une dernière question. D'après ceux qui analysent la transformation de l'économie mondiale, l'avenir appartient en réalité aux travailleurs bien formés, instruits et polyvalents qui peuvent facilement s'adapter aux changements. J'aimerais savoir comment, d'après vous, le projet de loi concernant l'assurance-emploi à l'étude répond à certains de ces besoins.

M. Norton: J'applaudis toute mesure d'appui qui facilite aux Canadiens et aux Canadiennes l'acquisition de connaissances à long terme. Avec le temps, tous les facteurs de production, tous les facteurs de compétitivité économique s'achètent - sauf la compétence de la main-d'oeuvre.

Au Canada, nous n'avons jamais élaboré de stratégie nationale de développement des ressources humaines pour accompagner une stratégie nationale des sciences et des technologies ou une stratégie industrielle nationale. D'autres pays l'ont fait. Des pays comme la Nouvelle-Zélande savent très bien ce qu'il faut faire, sur le plan des ressources humaines, pour permettre la réalisation d'une stratégie industrielle nationale et d'une stratégie en matière de sciences et de technologie.

L'une des grandes difficultés au Canada, selon nous, réside dans le fait que l'on est incapable de décider qui en sera responsable, ce qui a entraîné un retard dans l'adoption de mesures nationales. En tant qu'institutions, nous demandons ou espérons que, pendant ce débat, nous pouvons amener le Conseil des ministres et le gouvernement national à se pencher sur le besoin pressant et prioritaire d'une politique nationale dans ce domaine. Par «nationale», il faut entendre une politique globale et, au besoin, articulée par les provinces. Cette question nous préoccupe beaucoup.

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Une politique qui entraîne de plus en plus d'employeurs et d'employés à prendre en charge la formation de la main-d'oeuvre, plutôt que d'en faire simplement le problème exclusif du gouvernement national, comme il y a 20 ans, est un pas dans la bonne direction. À moins que les employeurs et employés s'occupent eux-mêmes de la formation, de la planification et de l'acquisition des compétences, il nous faudra attendre que les travailleurs soient au chômage pour les aider, ce qui signifie, si vous me passez l'expression, qu'il faudra continuer de faire du sauvetage social pour leur redonner confiance en eux-mêmes afin qu'ils puissent acquérir de nouvelles compétences.

L'idée de faire appel à la participation des intéressés, par l'intermédiaire de conseils sectoriels, dans le cadre du nouveau régime est excellente. Plus on fera participer l'entreprise privée et les syndicats à ce processus, en leur faisant assumer une part de responsabilité dans la formation de la main-d'oeuvre, mieux ce sera.

En guise de conclusion, vous me permettrez de dire que les collèges communautaires et les instituts canadiens font partie de l'Équipe Canada qui forme et entretient un bassin de main-d'oeuvre qualifiée. C'est ce que nous voulons faire. Dans la mesure où on nous laissera jouer un rôle actif dans ce programme, plutôt que de nous voir comme un adversaire provincial, le programme sera gagnant. Nous avons investi 46 milliards de dollars dans nos collèges, qui sont conçus expressément pour ce genre de programmes.

Mme Augustine: Nous en donneriez-vous l'assurance, si nous les appuyons?

Le président: Monsieur Norton, monsieur Killeen et madame Boyles, je vous remercie vivement. Vous avez fait valoir un point très important auprès du comité, soit que, pendant que nous essayons de déterminer quel ordre de gouvernement - au moyen de conseils industriels ou sectoriels - décidera des normes et arrêtera la stratégie de développement des ressources humaines, certains, durant cette période d'indécision, seront touchés par le clivage qui résultera de cette absence de stratégie coordonnée. Les membres du comité prendront bonne note, je crois, de cet excellent point.

Je vous remercie beaucoup.

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Le président: Le Réseau des SADC du Québec est le prochain à faire un exposé. Ses porte-parole sont Mme Simard et M. Corbeil.

Je vous souhaite la bienvenue. Il nous tarde de vous entendre. Comme vous le savez, nous essayons de bonifier le projet de loi concernant l'assurance-emploi qui nous a été renvoyé. Votre contribution nous serait donc fort utile.

Dans 15 à 20 minutes environ, vous entendrez probablement un timbre qui appelle les députés à la Chambre des communes pour la tenue d'un vote. Avant d'aller voter, nous entendrons votre exposé et, à notre retour, nous aurons une période de questions et de réponses. Avez-vous compris comment nous allons procéder? Je suppose que le comité est d'accord avec cette façon de faire.

D'accord. Vous avec la parole.

[Français]

Mme Hélène Simard (directrice générale, Réseau des SADC du Québec): En premier, mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier de nous entendre aujourd'hui. Je présenterai ce mémoire et mon collègue, M. Corbeil, directeur d'une SADC, présentera quelques exemples et points de vue du terrain.

Nous présentons ce bref mémoire sur le projet de loi concernant l'assurance-chômage. Nous représentons le Réseau des SADC du Québec, un organisme regroupant 52 sociétés d'aide au développement des collectivités au Québec. Organismes sans but lucratif, les SADC sont administrées par un conseil qui reflète la diversité et l'adhésion de l'ensemble de leur milieu. Les conseils d'administration sont composés de représentants des différents secteurs socio-économiques de nos collectivités et ont une vision globale et réaliste de la situation économique et sociale de leurs collectivités.

Nos sociétés desservent des collectivités à haut taux de chômage ayant des indicateurs de développement nettement sous les moyennes nationales. Nous couvrons 60 p. 100 des municipalités du Québec, soit 903 sur 1 474, et nous sommes présents sur tous les territoires à l'exception des communautés urbaines et des villes moyennes. Plus de 80 p. 100 des populations sur nos territoires habitent des municipalités de moins de 2 000 habitants.

Les SADC ont pour mission de stimuler la participation de la collectivité à sa prise en charge. Afin de réaliser cette mission, les SADC développent une vision d'avenir de la collectivité par des activités qui favorisent la concertation et le partenariat, amènent les collectivités à s'adapter et à planifier leurs besoins en ressources humaines et appuient la création, la consolidation et le développement des entreprises par des services techniques et financiers.

Lors de la présentation d'un précédent mémoire devant le comité, en décembre 1994, nous avions particulièrement insisté pour que la réforme repose sur une volonté réelle d'améliorer les conditions de vie des populations et tienne compte des spécificités locales. Nous mettions aussi l'accent sur un ensemble d'éléments pouvant amplifier ou atténuer la dévitalisation de notre économie et de nos territoires.

Nous ne pouvons cependant que constater que, si un ensemble de mesures visant à soutenir temporairement nos économies locales fragiles est présent dans l'actuel projet de loi, une partie importante des mesures risque d'avoir l'effet contraire, annihilant ainsi l'impact positif recherché.

D'entrée de jeu, nous aimerions rappeler l'importance de transformer nos approches de développement. L'intensification de la concurrence mondiale et le rapide progrès technologique ont changé le monde au cours des 20 dernières années. La répartition géographique des activités économiques et les trajectoires de croissance des économies locales et régionales sont transformées. Les entreprises se sont réorganisées pour s'intégrer aux marchés mondiaux. L'importance des économies nationales et des marchés intérieurs a diminué au fur et à mesure que l'environnement économique et la concurrence prenaient des proportions internationales. Des régions ont vu leur économie décliner alors que d'autres la voyaient grandir et prospérer. Il en a résulté une nouvelle définition du rôle des gouvernements, tant sur le plan national que régional. À ce constat s'ajoute celui de plus en plus démontré que la croissance économique n'est plus génératrice de croissance d'emploi.

En mai 1993, l'OCDE tenait une conférence de haut niveau sur le thème «Du global au local: une nouvelle perspective d'ajustement et de réforme». Lors de cette conférence, plusieurs experts et représentants de divers pays ont réfléchi sur les notions de développement. Il est apparu qu'il est aujourd'hui clair que la dépense publique au niveau macro-économique ne garantit ni la croissance de l'emploi ni l'amélioration de la qualité de vie.

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Mais il est aussi reconnu que les gouvernements doivent appuyer les collectivités dans la démarche de développement dans laquelle les acteurs locaux tentent de faire meilleur usage des ressources locales pour maintenir et créer des emplois, et renforcer et promouvoir l'activité des entreprises. Cette démarche stratégique s'efforce de coordonner des initiatives dispersées, et cherche à améliorer les conditions et l'environnement dans lesquels fonctionnent de telles initiatives et à les resituer dans le cadre de politiques ou de stratégies locales cohérentes. Elle essaie d'influer sur le comportement et les décisions internes des entreprises et d'appuyer leur adaptation aux changements.

Il était très important pour nous de vous rappeler ces quelques principes afin que vous situiez nos commentaires sur la réforme dans le cadre des changements que nous voudrions voir adopter et qui pourraient mieux appuyer nos collectivités dans leur lutte contre la dévitalisation.

Notre intervention portera sur des aspects spécifiques du projet de loi touchant particulièrement nos collectivités qui nous semblent être un frein à la relance économique de ces collectivités. Dans notre premier mémoire, nous faisions un état plus global de la situation; dans celui-ci, nous allons nous contenter de commenter certains aspects très spécifiques du projet de loi.

Parlons d'abord des mesures affectant les travailleurs saisonniers. Nous sommes conscients de la problématique particulière qu'entraîne la gestion de l'assurance-emploi dans une économie saisonnière. Cependant, il nous apparaît dramatique de cibler cette clientèle au moyen de plusieurs mesures qui, tout en entraînant un appauvrissement marqué, n'auront pas pour effet de transformer la structure du marché du travail. Il s'agit entre autres des normes d'admissibilité pour les nouveaux venus, de la période de référence pour la rémunération totale et de la réduction du taux de prestations selon les prestations touchées précédemment.

Les normes d'admissibilité pour les nouveaux venus: Les normes d'admissibilité pour les nouveaux venus vont rendre l'accès à l'assurance-emploi presque impossible pour un nombre important de nouveaux venus sur le marché du travail et seront particulièrement pénalisantes pour la population exclue du droit à l'assurance-chômage par les règles plus strictes qui a dû avoir recours à l'aide sociale. Le renforcement des normes d'admissibilité découragera ces personnes d'accepter un emploi saisonnier ou précaire puisque l'admissibilité à l'assurance-emploi devient presque impossible. De plus, dans nos petites collectivités, cela risque d'accélérer l'exode des jeunes.

M. Marc Corbeil (directeur, SADC du Pontiac): Je vais parler du Pontiac car c'est ce que je connais le mieux. On éprouve un problème systématique à retenir les jeunes dans la région du Pontiac. Pour ceux qui ne connaissent pas la région, c'est à 60 milles d'ici, du côté québécois, dans l'Outaouais. C'est une communauté essentiellement agroforestière, mais qui fait des efforts dans le domaine du tourisme.

C'est une région qui a connu le plein emploi. En 1963, le taux de chômage dans le Pontiac était de 3 p. 100, mais elle a maintenant un problème. Le problème du marché du travail a d'abord affecté les jeunes, et ces jeunes s'en vont. Dans une région comme celle-là, quand les jeunes s'en vont, c'est l'avenir qui s'en va. La restriction de l'accès aux mesures d'assurance-emploi a un effet amplifié sur les jeunes, qui essaient d'entrer dans un marché qui est déjà restreint. Ils vont donc choisir de s'exiler. Cela aura un effet déstructurant important.

Mme Simard: La période de référence pour la rémunération totale est aussi une mesure inacceptable, car elle pénalise les travailleurs saisonniers les plus liés aux conditions climatiques ou aux modes de gestion des ressources naturelles. Ainsi, le travailleur forestier arrêté pendant plusieurs jours pour des raisons climatiques et la travailleuse d'une usine de transformation agroalimentaire liée à une ressource saisonnière, seront pénalisés, car, pour le même nombre d'heures de travail que d'autres, leur niveau de prestations chutera considérablement.

Marc me parlait tout à l'heure d'une situation qu'on vivra dès le printemps dans la forêt et qui illustre bien ce phénomène d'étalement de la période de référence et les conséquences qu'il peut avoir.

M. Corbeil: C'est très simple, mais très significatif. Au moment où on se parle, dans le Pontiac, les entrepreneurs forestiers sortent du bois de la forêt jour et nuit, parce que dans quelques jours, il va y avoir un dégel et ils ne pourront plus aller chercher les arbres dans le bois. Évidemment, c'est un secteur bien précis, mais il faut se rappeler que la température, la neige, la pluie, le beau temps sont très importants dans les collectivités rurales.

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Ces temps-ci, on travaille jour et nuit, parce que dans quelques jours, ce sera fini. Donc, la personne employée dans ce secteur se retrouvera sans travail, que ce soit lundi ou mercredi prochain, car il n'y aura plus d'ouvrage.

On se demande s'il y a autre chose à faire, mais c'est pour illustrer le fait que le simple facteur de la température est important. Une telle situation complique dangereusement la vie dans les collectivités.

Mme Simard: Le même problème se vit dans l'industrie des pêches et dans les usines de transformation. Les pêches sont différentes d'une saison à l'autre. Lors de la modification des installations de l'usine, on met à pied les travailleurs pour une, deux ou trois semaines avant de reprendre la transformation d'une autre espèce. Ces travailleurs feraient face à un étalement de leurs semaines de référence, ce qui diminuerait leur nombre d'heures et leur revenu de prestations, et ils s'en trouveraient appauvris.

Concernant la réduction du taux de prestations selon les prestations touchées précédemment, cette mesure, qui est étalée sur cinq ans, vise essentiellement les chômeurs récurrents. Appliquée de façon concomitante avec les autres mesures et basée sur un taux de prestations déjà passablement attaqué depuis quelques années, cette mesure risque de transférer vers les autres programmes de sécurité du revenu et donc vers les mêmes contribuables le fardeau de l'insécurité d'emploi.

S'il est vrai que l'assurance-chômage doit devenir l'assurance-emploi, il faut trouver des formules qui n'orienteront pas d'actuels travailleurs vers des voies d'évitement. L'économie saisonnière est une réalité de l'économie canadienne, particulièrement dans les régions ressources. Il faut trouver des mécanismes de reconversion de l'économie tout en tenant compte de l'importance pour cette économie de conserver une main-d'oeuvre de qualité en région.

Si l'ensemble de la population canadienne qui bénéficie des retombées des industries de la pêche, de la forêt et du tourisme, entre autres, est prête à se désolidariser des travailleurs de ces domaines, est-elle vraiment prête à abandonner des plans complets de son économie et donc de son enrichissement? Devrait-on songer à des formes de solidarité plus ciblées, telles des rentes sur les ressources exploitées qui seraient versées à un fonds de revenu garanti pour les travailleurs de ces industries? La réforme proposée n'offre à ce chapitre qu'une réponse décevante et inacceptable.

Nous croyons donc que l'ensemble des mesures concernant les travailleurs saisonniers risque de concourir à un appauvrissement d'une partie de la population et d'être une menace pour la prospérité collective de nos milieux, mais aussi pour l'ensemble du Canada.

Concernant la formation payée à la pièce, la formule des prêts pour la formation est aussi une mesure qui risque d'appauvrir les sans-emploi et de limiter l'accès à la formation professionnelle. Dans ce domaine, les populations des régions rurales et éloignées sont doublement pénalisées, puisque toutes les formations engendrent des frais de déplacement élevés. Elles devront s'endetter doublement, limitant encore leur chance de se réinsérer au travail et de participer de façon active et constructive à l'économie locale et nationale. Nous sommes conscients que cette formule vise à contrôler les coûts de gestion peut-être abusifs de la formation professionnelle, mais nous vous demandons d'avoir recours à la cohérence et à la lutte aux chevauchements avant de pénaliser des personnes en recherche d'emploi.

M. Corbeil: Au sujet du contrôle des coûts, il y a quelque chose qui me semble évident. Je parle toujours du point de vue de quelqu'un qui est en première ligne. Si on décentralise le plus possible et si on donne aux organismes des collectivités - je pense notamment aux organismes du genre de celui que je dirige, les SADC - le mandat d'évaluer les besoins en matière de formation, de trouver des systèmes de formation, etc., on réduit les coûts.

Par exemple, dans le Pontiac, on donne depuis six ans un cours de création et d'expansion d'entreprise. Des gens qui veulent se lancer en entreprise suivent ce cours pendant 16 semaines. Comme vous vous en souvenez peut-être, il y a quelques années, le gouvernement fédéral avait créé des groupes de formation locaux à qui il avait donné le mandat de faire ce genre de chose. On avait négocié directement avec l'institution, qui était le Collège Heritage de Hull. Le prix avait été de 20 p. 100 moins élevé, tout simplement parce qu'on avait éliminé un intermédiaire. On était en mesure d'évaluer le besoin, de trouver des gens, etc.

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La lutte aux chevauchements est peut-être un point chaud, mais à notre bout de la chaîne, on est systématiquement obligés de former des groupes selon des critères complètement artificiels. Par exemple, on doit former des groupes de 15 pour suivre une formation professionnelle ou autre. On nous dit: Les participants vont être des chômeurs, des assistés sociaux et ainsi de suite.

Or, dans le Pontiac, on a une population totale de 15 000. La population est à 55 p. 100 anglophone et 45 p. 100 francophone. On n'a pas des bassins énormes de population, mais des chiffres absolus. On ne pige pas dans un bassin pour trouver 15 personnes, on trouve 15 personnes. Quand on a trouvé nos 15 personnes pour suivre une formation, on est très, très contents.

S'il y a des personnes qui sont prêtes à suivre une formation, mais qui ne répondent pas à des critères essentiellement artificiels, habituellement, la formation ne se donne tout simplement pas.

Je ne peux pas insister, dans la quotidienneté de la chose, sur l'importance de la formation à tous les points de vue dans un contexte. Dans le Pontiac, il y a une série de potentiels à exploiter dans tous les sens. Le problème fondamental réside dans la formation. Tout ce qui, de proche ou de loin, crée des embûches à cet égard n'aide vraiment pas le combat. On est obligés de vendre la notion même de formation, car on n'a pas une culture de formation. Il faut un peu cajoler les gens. Comme je vous le disais, cela va souvent à l'encontre de leurs intérêts véritables. Tout ce qui va retarder cela va avoir des conséquences très, très néfastes, non seulement au niveau local, mais d'une façon générale.

Mme Simard: Dans certains de nos territoires, il faut parfois deux heures de déplacement pour se rendre à l'institution d'enseignement ou au lieu de formation. Ce sont des coûts énormes pour des pères ou des mères de famille qui veulent se recycler et réintégrer l'économie. Il faut éviter que, dans une situation précaire comme celle d'une mise en chômage, les gens aient à assumer un endettement supplémentaire pour pouvoir redevenir des citoyens actifs qui vont réinvestir dans la collectivité.

Nous voulons aussi aborder l'aspect de l'aide au travail indépendant. Nous ne pouvons pas passer sous silence cette excellente initiative qu'est l'aide au travail indépendant. Nous sommes très satisfaits de sa bonification dans le projet de réforme. Pour nos collectivités, l'Aide au travail indépendant est plus qu'un banal programme de subventions au démarrage d'entreprises. C'est un vaste et stimulant incitatif à l'initiative locale et à l'insertion en emploi. En permettant à une personne de recevoir le soutien d'Aide au travail indépendant, on reconnaît la validité de son projet et on stabilise les revenus familiaux de l'entrepreneur, ce qui permet d'obtenir de meilleurs résultats à long terme.

Dans le même ordre d'idées, on envoie un signal clair disant que la prise en charge est importante et valorisée par l'État. Jusqu'à maintenant, plusieurs mesures ont eu l'effet contraire. Aide au travail indépendant est un programme excellent qui doit recevoir l'appui qu'il mérite en termes de coordination, d'accompagnement et de mise en contexte dans le milieu. On peut voir dans les dossiers de la Société d'aide au développement du Pontiac à quel point c'est un programme qui a des effets positifs.

M. Corbeil: Cela fait six ans que ce programme existe chez nous. Il y a 150 personnes qui ont démarré leur entreprise. On a vu de tout. Cela va d'une personne qui a lancé une entreprise de transformation dans le bois à des gens qui dispensent des services et toutes sortes de choses.

Quant au taux de réussite sur cinq ans, nous n'avons pas des statistiques à jour, mais d'après notre évaluation, 61 p. 100 de ces 150 personnes ont encore leur entreprise aujourd'hui. Il y a eu des évolutions, des changements, mais il y a quand même 61 p. 100 des personne qui ont encore leur entreprise. Après un an, c'était 74 p. 100.

Une autre statistique est absolument essentielle: 74 p. 100 des gens poursuivent en entreprise. Des 26 p. 100 qui restent, environ 21 p. 100 se trouvent un emploi parce qu'ils sont sur le marché, parce qu'ils sont sur la route et entre autres parce qu'ils ont appris comment les choses se passent en entreprise, comment un patron pense quand il engage et paie, et ainsi de suite. Cela permet une réussite de ce côté-là.

Ce qui est aussi important, mais peut-être un peu plus nébuleux, c'est que cela crée un sens du possible dans des collectivités qui, souvent, sont passablement maganées.

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Cela ouvre une porte aux gens et cela leur dit: Oui, c'est possible; faites des efforts. La réussite des gens qui passent les premiers est un des facteurs qui permettent de dire aux autres: Allez-y, faites de la formation, trouvez quelque chose, car ça fonctionne.

Mme Simard: Les incidences financières de la réforme: La réforme pénalisera réellement les régions à haut taux de chômage. Sans mesures de réinvestissement, l'effet sera dramatique. Mais nous sommes inquiets: qu'adviendra-t-il après la période identifiée pour les mesures transitoires? Les années 2001 et 2002 verront ces mesures se terminer, laissant derrière une population appauvrie et sans solution.

Cette intégration au nouvel ordre économique mondial va à l'encontre des grands objectifs à l'origine de la mise en place des grands programmes de protection par les générations précédentes. S'il est courageux de vouloir corriger les vices d'un système souvent décrié, il est important de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain et de ne pas abandonner à elles-mêmes les régions aux économies fragiles sans moyens pour transformer cette réalité.

Compte tenu de l'évidence de la rentabilité du régime, il nous apparaît que les économies de la réforme doivent être réinvesties dans des économies locales, mais du bas vers le haut, en faisant réellement appel au potentiel des populations.

Je vous dirai qu'actuellement, nos collectivités vivent avec la question de la politique des pêches et des premières mesures compensatoires. Il y a certains problèmes dans cette logique. Quand le haut se rapproche du bas, c'est souvent pour lui dire comment faire et quoi faire, et on se retrouve avec de véritables problèmes: une gestion très lourde qui finit par mobiliser énormément de fonds et des mesures qui sont encadrées selon des critères qui ne correspondent pas nécessairement aux cultures locales.

Le partenariat pour la création d'emploi: Trop souvent, les grands programmes compensatoires - rappelons-nous les mesures sur les pêches - n'agissent que comme des cataplasmes. Ils identifient l'implication des populations comme nécessaire, mais sont incapables de la susciter. Les changements de culture nécessaires pour faire face aux défis qui nous attendent tous requièrent des solutions courageuses. Le partenariat avec les milieux est un instrument essentiel pour faire face aux nouveaux défis.

Cependant, est-il besoin de vous rappeler que les solutions ne doivent pas passer par des mécanismes n'utilisant les populations locales que comme faire valoir. Trop souvent nous avons connu le «pater-nariat» plutôt que le partenariat.

Les collectivités à haut taux de chômage ont travaillé très fort au Québec pour se doter d'organismes de développement local crédibles, capables d'agir avec leur milieu et de soutenir le maintien et la création d'emplois, entre autres grâce à l'aide à la petite entreprise.

Il faut que le partenariat reconnaisse les structures existantes et travaille avec elles. Il ne faut pas recréer, avec chaque nouveau programme ou produit, une nouvelle structure, comme c'est encore trop souvent le cas, chaque ministère se dotant de «son» comité local de partenariat avec «sa» population.

Dans nos milieux, la remise en question de certaines mesures proactives de la réforme nous inquiète un peu. Il est extrêmement important de conserver des outils souples d'intervention adaptés au milieu. Alors, cette question-là nous apparaît un peu inquiétante.

Les fonds compensatoires: Les SADC gèrent un fonds d'investissement local au profit de la création et du maintien de l'emploi dans leurs collectivités. Ces fonds, investis par le gouvernement du Canada dans le cadre du programme de développement des collectivités, ont permis la création de 22 000 emplois et le maintien et la consolidation de 26 000 autres. Ce fonds a assuré sa pérennité et a même crû d'un rendement net de 3 p. 100 par année, ce qui a permis d'injecter dans l'économie locale et la petite entreprise plus de 154 millions de dollars en moins de 10 ans.

Nos fonds sont gérés localement par un comité d'investissement bénévole et compétent et sont accompagnés de mesures de soutien auprès de l'entreprise afin de maximiser le succès de l'investissement. Nous sommes donc en mesure d'offrir au gouvernement des garanties quant à la saine gestion et aux retombées des fonds qui nous sont confiés.

Nous croyons à ce titre que les fonds compensatoires pour les zones à haut taux de chômage devraient être gérés localement, sur nos territoires, par nos organismes imputables devant la population et ayant l'expertise nécessaire pour que les fonds soient utilisés pour réaliser l'objectif prioritaire de création d'emploi.

Nous devons cependant souligner qu'en égard de l'envergure de la réforme et des ponctions financières faites chez les populations les plus fragiles, ces fonds devraient être bonifiés et ouverts à d'autres formes d'entreprises, et faire l'objet d'une politique à long terme.

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L'an 2000 est à nos portes. Ne demandez pas aux populations affaiblies par la restructuration économique les miracles que l'État central n'est plus en mesure d'accomplir. Cependant, si vous faites confiance à la base et si vous lui donnez les moyens d'effectuer un virage structurel, nous ferons certainement mieux ensemble que ce qui a été fait jusqu'à maintenant.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie beaucoup, madame Simard et monsieur Corbeil.

Comme vous l'avez probablement entendu, le timbre sonne, ce qui signifie que nous devons aller voter. Toutefois, comme ce timbre sonne habituellement 30 minutes avant le vote - celui-ci n'aura donc pas lieu avant 10 h 45 environ - , nous disposons encore de dix minutes pendant lesquelles nous laisserons le Bloc poser ses questions. À notre retour - je m'excuse de l'interruption - , ce sera au tour du parti ministériel.

[Français]

Monsieur Crête.

M. Crête: Merci pour une présentation éloquente sur la perception que peuvent avoir les milieux locaux de leur développement. Vous soulevez une question fondamentale que j'aimerais mettre en rapport avec la présentation que nous a faite hier l'association des employeurs de la construction. On disait qu'il fallait que les règles de l'assurance-chômage soient les mêmes pour tout le monde à la grandeur du Canada et qu'il fallait que la mobilité soit totale.

Aujourd'hui, on nous dit finalement qu'on aura le choix, à l'avenir, d'aller de ce côté ou d'adopter ce que vous nous proposez, c'est-à-dire de faire ce qui est possible avec le milieu.

J'aimerais que vous élaboriez sur la question de l'ATI. L'association des employeurs de la construction nous demandait hier d'abolir ce programme. J'aimerais que vous nous en parliez un peu plus, par exemple en rapport avec la génération de nouveaux entrepreneurs qui pourra se développer dans les régions.

Mme Simard: Il est surprenant de voir que des gens s'opposent à ce qu'on soutienne la bonne volonté. Pour les gens qui sont intervenus dans des pays en voie de développement, le pire ennemi du développement, c'est le défaitisme, ce à quoi nous croyons. Nous travaillons à combattre dans nos collectivités un défaitisme qui risque d'entraîner une dette sociale et humaine, un endettement à long terme énorme pour l'ensemble des citoyens, puisque des pans complets de notre société seraient exclus avec une telle division entre les personnes qui travaillent et les personnes sans emploi.

Aide au travail indépendant, comme on le disait, est un petit programme simple, géré localement, dont le coût est très faible et qui s'administre de façon très simple dans les collectivités. On fait la promotion de ce programme. Il y a des gens qui viennent à des rencontres d'information et qui s'organisent ensuite pour devenir admissibles à ce programme. Actuellement, il faut être en chômage et avoir un projet constructif et utile au niveau de la création d'emploi.

Ce qui est particulier, c'est qu'il y a un comité local de sélection de gens qui examine le plan d'affaires avec la personne et qui voit si cette entreprise ne sera pas en concurrence avec une entreprise locale, si elle va ouvrir un nouveau plan de développement économique et a des chances de réussite. On s'aperçoit que sur le terrain, on a des chances de réussite énormes et d'excellents résultats avec ATI.

Comme je le disais, c'est un programme qui permet de changer une mentalité et une culture en donnant de l'espoir et le goût d'agir à des gens qui ont des idées. Le programme permet d'éviter un peu le risque inhérent au démarrage d'entreprises et permet à quelqu'un qui pourrait être un chômeur de longue durée de cultiver un projet et d'avoir de la formation et du soutien pour le mener à bien. Il lui donne du soutien tout au long de sa première année de démarche pour l'aider à asseoir son entreprise sur des bases solides.

Après plusieurs années, on constate que les résultats sont non seulement satisfaisants, mais probants. Compte tenu de l'investissement énorme que constitue l'assurance-chômage dans nos collectivités en termes de paiements de transferts, l'investissement de l'initiative est très petit. Il est important de cesser d'encourager l'inactivité.

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On ne pourra pas faire de tout le monde des entrepreneurs, mais ceux qui ont un potentiel ou une idée peuvent profiter de la période de remise en question que constitue une mise à pied ou une période de chômage à la suite d'une réorganisation de l'économie. On voit des cadres d'entreprises ou de très bons ouvriers et artisans qui travaillent dans une entreprise menacée ou remise en question qui doit se réorganiser. Avec ce programme-là, ces gens, plutôt que de devenir un poids, de vieillir à partir de 50 ans et de finir leurs jours sur l'assurance-chômage et, plus tard, sur l'aide sociale, deviennent des créateurs d'emplois et des employeurs à assez court terme.

En ce sens, c'est une initiative extrêmement intéressante qui a un impact sur la culture et la mentalité de nos milieux. Cette mesure ne fait pas du chômeur un incompétent et une personne incapable, mais un atout pour son milieu.

M. Corbeil: Je comprends un peu la provenance d'une telle inquiétude. Chez nous, notre comité va d'abord s'assurer que tout est permis et que tous les règlements, etc. sont respectés. C'est bien important.

Il faut également noter que chez nous, il n'y avait pas d'entrepreneurs dûment mandatés, avec une carte de compétence et ainsi de suite. Ce programme-là a permis à des gens de le devenir. Il a permis à des gens qui faisaient cela dans des conditions relativement peu formelles d'embarquer de plein pied dans la machine.

Il faut bien voir le point de vue de l'utilisateur, de la personne qui a une égoïne et un marteau et qui voudrait faire quelque chose d'un peu plus constructif. Le programme le permet.

Je suis certain que vous ne vivez pas cela dans votre quotidien, mais c'est terrifiant pour quelqu'un qui en est à ses dernières semaines d'assurance-chômage ou qui bénéficie de l'aide sociale. Il se dit qu'il entre dans la grosse machine, qu'on va lui demander de payer des coûts... Le coût de l'enregistrement comme entrepreneur en construction au Québec est de 400 $. Il y a des coûts et des démarches à faire. Tout ça est très valable, et personne ne le conteste.

Un programme comme celui-là permet à des gens d'entrer dans le système de la construction, qui est une machine. J'ai connu ça, car j'ai été un illégal en construction. Le programme permet d'entrer de plein pied dans cette machine. S'il n'y a aucun appui comme celui-là, on aura naturellement tendance à se dire qu'on va continuer avec l'égoïne et le marteau. Je comprends les inquiétudes. Nous disons toujours au client qu'on n'utilisera pas les taxes de son voisin pour lui permettre d'aller vendre des patates frites moins cher que lui. C'est bien évident et les gens comprennent cela.

Mme Lalonde (Mercier): Je veux tout d'abord dire qu'il est extrêmement intéressant et réconfortant de vous entendre. Vous parlez avec autorité de ce que vous connaissez bien. C'est extrêmement utile pour le comité.

Vous dites à la fin:

Mme Simard: Les fonds compensatoires, c'est comme un diachylon ou une pilule pour endormir le mal pendant trois ans; plus tard, on va se rendre compte qu'on a un bras coupé et qu'on est handicapé. On ne s'en sera pas rendu compte pendant trois ans, mais on n'aura pas plus de bras ou de jambe par la suite.

Les économies des régions à travail saisonnier sont une problématique d'envergure qu'il faudrait étudier. On assiste à un changement structurel important dans l'économie canadienne actuellement. On peut décider de n'effectuer ce changement structurel que dans les régions gagnantes comme Toronto, Laval, autour de Montréal, ou bien en Colombie-Britannique, dans les ceintures développées des grands centres, puisque les quartiers urbains centraux vivent les mêmes problèmes que nos régions rurales.

.1030

On peut décider de vraiment se donner une politique active de transformation de l'économie, mais aussi de soutien à l'économie saisonnière en se disant que c'est une de nos forces, une de nos particularités.

Le Canada et le Québec ont grandi depuis plus de 300 ans; avec cette belle économie, le pays a passablement avancé. On aurait intérêt à tirer des leçons de cela, à ne pas isoler toutes ces régions. Il ne faut pas dire qu'on enverra des camions chercher les ressources et que, si personne ne vit là, ce n'est pas grave. C'est le danger qui nous guette si on n'adopte pas des mesures actives.

Concernant les autres formes d'entreprises, nos programmes sont axés à l'heure actuelle sur les entreprises à propriétaire unique ou sur les petites entreprises. On trouve dans certaines régions de très beaux exemples d'économie collective, de coopératives, d'économie communautaire. En suivant ces exemples, on pourrait éviter l'exclusion d'une partie de la population et contribuer à l'édification d'une économie plus riche pour tout le monde.

Il devrait y avoir une ouverture et des fonds devraient être donnés aux populations pour qu'elles puissent les utiliser pour des projets moteurs conçus en fonction des critères du milieu. Est-il besoin de vous rappeler que les gens du milieu connaissent bien la situation économique locale et peuvent souvent la gérer de façon beaucoup plus rationnelle qu'on ne le fait dans le cadre de programmes pour lesquels on envoie des formulaires au centre et on reçoit une acceptation ou un refus?

Le président: Madame Simard et monsieur Corbeil,

[Traduction]

le comité doit suspendre ses travaux parce que les membres doivent aller voter. À notre retour, nous passerons aux questions du parti ministériel.

.1033

.1105

Le président: Je déclare la séance ouverte. Nous ne sommes pas là depuis si longtemps qu'il nous faille déjà prendre une pause-café.

Monsieur Easter, vous pouvez poser vos questions.

M. Easter (Malpèque): Dans votre exposé, à la page 4 du mémoire, sous le titre «Incidences financières de la réforme», vous dites qu'il est important de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Puis, à la page 5, au point numéro 6, vous parlez de création et de maintien de l'emploi dans les collectivités.

Hier, nous avons entendu des témoins qui étaient vivement opposés à une ventilation régionale de l'accès à l'assurance-emploi ou à l'assurance-chômage. Qu'en pensez-vous? Devrait-on prévoir des taux différents selon le taux de chômage qui sévit dans les régions? Faudrait-il utiliser le taux de chômage des régions comme critère d'admissibilité pour déterminer le nombre de semaines de travail donnant droit aux prestations?

[Français]

Mme Simard: Je ne pense pas que nous puissions, du moins au nom de nos membres, nous prononcer sur cette idée d'une répartition de l'assurance-chômage de façon inégale, selon les régions du Canada.

En fait, dans toute mesure proactive ou mesure de relance de l'économie, plutôt que d'essayer d'appliquer des recettes conçues à l'extérieur et mal adaptées à la culture ou aux particularités des milieux, on doit essayer le plus possible de travailler avec les populations concernées pour trouver des solutions adaptées aux problèmes vécus par ces populations. C'est plutôt dans ce sens-là que nous nous prononcions.

Nous avons la particularité d'être le porte-parole de larges consensus des collectivités. Il y a naturellement des gens qui représentent tous les groupes d'intérêt et les groupes cibles, et toute mesure qui appauvrirait les chômeurs et les chômeuses des collectivités à haut taux de chômage ne serait pas accueillie favorablement par nos collectivités.

[Traduction]

M. Corbeil: Il faut se rappeler que, dans le genre de localités dont il est question, l'assurance-emploi ou l'assurance-chômage, peu importe la terminologie utilisée, joue un rôle essentiel dans l'économie locale. Elle est un point d'appui non seulement des membres de la localité, mais aussi de l'économie. Nous essayons en somme de dire que, lorsque vous changez le régime, c'est toute la vie économique que vous transformez.

Il y a quelques années, je me souviens d'une importante usine qui a fermé ses portes à Fort Coulonge. De toute évidence, ces travailleurs ont touché de l'assurance-chômage pendant environ deux ans. Sans ce programme, le village entier aurait littéralement disparu; ce serait un village fantôme.

Tous conviennent, je crois, que des améliorations s'imposent et que le système actuel a des incidences négatives sur nos localités. Mais, comme je le disais tantôt, vous faites vibrer une corde très sensible. Il n'est pas question, ici, du sort d'un employeur, d'une industrie, mais bien de toute une région. Vous jouez avec sa population, avec la structure par âge; tout est bouleversé.

.1110

M. Easter: Ces mesures ne touchent pas seulement le travailleur. Je suis d'accord avec vous à cet égard.

Nous vous savons gré de votre appui pour les mesures d'aide au travail indépendant. Vous mentionnez qu'il s'agit d'une excellente initiative. Vous savez aussi, j'espère, que le train de mesures concernant l'assurance-emploi comprend aussi d'autres outils de développement communautaire, à la Partie II: des fonds de transition de 300 millions de dollars, des programmes de réemploi de 800 millions de dollars. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

De plus, j'aimerais savoir si vous êtes d'accord pour que le travail donnant droit à l'assurance-chômage soit calculé en heures plutôt qu'en semaines? Vous en parlez à la page 2 de votre mémoire. Par ailleurs, vous mentionnez l'écart ou ce que nous avons entendu d'autres qualifier, en ce qui concerne la base de calcul, de semaines mortes. Quelle est votre position à cet égard? Estimez-vous que cet écart devrait être éliminé et, dans ce cas, avez-vous des suggestions quant à la façon de le faire?

[Français]

Mme Simard: Si on parle de la question des semaines mortes, c'est une chose extrêmement importante. S'il y avait une correction majeure à apporter... Il y en a d'autres aussi, mais celle-là est essentielle, parce que cette mesure pénalise ceux qui veulent travailler mais dont le travail est réparti différemment.

Donc, on propose une mesure visant à comptabiliser le nombre d'heures plutôt que le nombre de semaines pour favoriser les travailleurs qui travaillent plus d'heures pendant certaines périodes, mais on détruit l'effet positif possible de cette mesure avec cette question des semaines mortes, selon votre expression; l'incitatif qu'on avait gagné d'un côté, on le perd de l'autre. On n'y gagne à peu près rien.

Au sujet des heures comptabilisées, je me réfère à une présentation du préfet de la MRC des Îles-de-la-Madeleine, qui disait que c'est une bonne mesure qui permet aux gens dont le travail saisonnier les oblige à travailler de longues heures en certaines périodes de faire un décompte d'heures plutôt que de semaines. En effet, pour le même nombre d'heures travaillées, les gens étaient administrés différemment, et cela créait une espèce d'obligation de gérer de fausses semaines, d'étirer les saisons, de réorganiser le travail.

D'autre part, si une mesure qui pourrait être positive est par la suite récupérée par des mesures qui pénalisent d'autres travailleurs, on ne se retrouve pas plus gagnants au bout du compte. En tout cas, cette question d'heures comptabilisées me semble bien reçue dans les régions par les travailleurs du tourisme et de la pêche, du moins les travailleurs saisonniers, mais la question des semaines mortes est une préoccupation extrêmement importante.

On s'est moins attardés aux autres mesures, parce qu'on ne sait pas actuellement à quel niveau elles vont être administrées ni comment elles vont être orientées. Il y a un large consensus voulant qu'elles soient administrées à une échelle autre que l'échelle globale au niveau de la réforme.

On a vu certains éléments positifs au niveau des prestations des services d'emploi, mais aussi certains éléments négatifs au niveau des incidences financières de la réforme.

Quant au partenariat de création d'emploi, les principes sont positifs; cela pourrait être une dynamique motrice qui exigera probablement des investissements locaux et provinciaux et qui sera difficile à chiffrer; il sera en outre difficile de voir comment cela va se mobiliser.

Si on fait un parallèle avec certaines mesures concernant les programmes d'infrastructures, par exemple, on constate qu'il est difficile de gérer d'une telle façon des programmes de réinsertion et de création d'emplois au niveau des ressources humaines. Cela présente certaines difficultés majeures.

Pour que ces programmes soient gagnants, il faut que l'investissement soit le plus proche possible des milieux et que les responsabilités soient réparties entre les différents acteurs des milieux.

Maintenant, il faut éviter de se retrouver dans un capharnaüm de mesures ou de règles du jeu de différents paliers. On avait dit dans notre premier mémoire qu'il fallait que ce soit simple.

.1115

Il faut avoir des outils qui puissent mener vers une réorganisation de l'économie ou une réinsertion positive. Pourquoi ne pas reconnaître l'emploi communautaire comme un emploi positif dans les milieux et l'appuyer en donnant aux gens la possibilité de devenir des travailleurs reconnus au lieu d'être des bénéficiaires de programmes?

Jusqu'à maintenant, on a surtout eu des programmes où, de six mois en six mois, la personne, même si elle est compétente et peut bien faire le travail, retourne au chômage. Les groupes ou les organismes doivent recommencer avec un nouveau projet, un nouveau programme. Il faut éviter ce type de dynamique. Comme je vous le disais, il faut laisser aux milieux des outils avec lesquels ils peuvent innover, créer et réagir positivement par la création d'emplois.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie, M. Easter.

Madame Augustine, vous avez deux petites questions?

Mme Augustine: À première lecture, l'introduction de votre mémoire semble très positive et fait bien ressortir le besoin et les raisons de la réforme. Toutefois, quand on continue à lire, on constate que vous vous attardez à de nombreux aspects négatifs de la réforme.

Êtes-vous d'accord avec les grands objectifs, qui sont de réduire la dépendance, d'accroître l'incitation au travail, de corriger les iniquités et anomalies comme celles dont vous parliez, l'exclusion des travailleurs à temps partiel et des travailleurs ayant plusieurs emplois qui, dans l'année, travaillent peut-être autant que les travailleurs saisonniers? Il me semble qu'il s'agit-là d'une question très importante et que nous devons bien comprendre votre position à cet égard.

Ma deuxième question est: Vous dites que la réduction du taux de prestations prévue pour les chômeurs récurrents, conjuguée aux autres mesures de réforme, causera une croissance du nombre d'assistés sociaux. Parallèlement, vous ne mentionnez nulle part ou, plutôt, votre mémoire ne mentionne pas le supplément du revenu familial. Êtes-vous au courant de ce supplément offert aux prestataires à faible revenu et grâce auquel ceux-ci touchent en fait des prestations plus élevées?

À mon avis, il importe que le comité sache ce que vous pensez de ces deux très importantes questions.

[Français]

Mme Simard: Concernant les objectifs globaux, lorsque nous avons fait la première analyse du projet de réforme, nous nous sommes mis d'accord sur le fait que tout le monde est en faveur de la vertu. Tout le monde sentait un besoin de réévaluer la façon dont le système fonctionnait et d'arriver à trouver des solutions plus proactives à une situation de sous-emploi, comme celle qu'on connaît actuellement dans notre économie.

On fait face à une économie qui tend de plus en plus à faire des exclus et à mettre de côté une partie des travailleurs. De ce côté-là, on était en accord. On soulignait cependant qu'il était assez surprenant de voir que, dans un régime qui va générer des profits, on veut réduire la dépendance en faisant une ponction chez les travailleurs à plus faible revenu ou les plus fragiles dans des économies qui sont déjà très fragiles.

On avait espéré qu'on proposerait des mesures proactives à plus long terme pour corriger la problématique de façon nouvelle et plus globale. On s'est contenté, dans notre mémoire d'aujourd'hui, de travailler à la problématique particulière du travail saisonnier, parce que c'est l'élément qui préoccupe le plus nos membres, comme l'a révélé une vérification qu'on a faite auprès d'eux.

Les gens sont habitués à vivre avec des mesures plus ou moins faciles à administrer, plus ou moins faciles à vivre, mais des mesures qui attaquent un pourcentage très élevé des populations locales peuvent entraîner un appauvrissement important d'une bonne partie de la population et risquent d'avoir un effet dévastateur, que ce soit par l'exode des gens, par l'appauvrissement des familles, ou par le développement d'une mentalité encore plus défaitiste dans nos milieux, alors qu'on travaille actuellement, avec les outils à notre disposition, à combattre cette mentalité et à redonner de l'espoir aux collectivités.

.1120

Telle est notre position.

Il nous est difficile d'accepter la question de la réduction du taux des prestations aux réitérants et du supplément familial. Il y a plusieurs de ces mesures qui finissent par toucher et appauvrir la même catégorie de travailleurs. Il nous est difficile de dire qu'une mesure au niveau familial va, dans certains cas, permettre de compenser cette réduction. Il nous est difficile d'évaluer cela, du moins avec les moyens qu'on a, mais, étant donné qu'on grappille à plusieurs endroits sur le même terrain, ça va finir par avoir un impact important sur l'ensemble de l'économie de nos territoires. C'est ainsi qu'on se prononçait sur cet aspect-là. On n'a pas fait une évaluation fine de chacun des aspects de la réforme.

[Traduction]

Le président: Madame Simard, monsieur Corbeil, de toute évidence, nous avons pris plaisir à entendre votre exposé. Vous avez fait ressortir des points très importants qui n'avaient pas été mis en valeur jusqu'ici au sujet de l'écart et du diviseur.

Vous avez clairement affirmé votre appui pour l'aide aux travailleurs indépendants. Au cours des dernières années, 34 000 personnes ont participé à ce programme, créant ainsi 68 000 emplois. Ma question est très simple: faudrait-il élargir ce programme?

M. Corbeil: Il faudrait effectivement l'élargir. Si des projets valables sont sur le point d'être présentés, il faut absolument l'élargir. Je ne crois pas que quiconque, dans le contexte local que je connais... Je ne crois pas que celui qui se déclare prêt à gagner sa vie, qui estime pouvoir le faire en autonomie et qui est disposé à se lancer en affaires devrait être écarté, ni en tant qu'individu auquel on refuse quelque chose parce qu'il n'est pas assez bon, ni en tant que membre de la société. Il faut donner à ces localités l'espoir de s'en sortir, lutter contre le défaitisme.

Le marché de l'emploi a subi de vives transformations. Encore une fois, je parle uniquement du Pontiac ici. Les emplois n'existent tout simplement pas, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'employeur versant un salaire pendant 52 ou 10 semaines par années... Un changement de mentalité est en train de se faire. Les emplois ne se concrétisent pas. Par contre, les possibilités d'emploi existent, en ce sens que les personnes peuvent se trouver de l'emploi, et nous voyons parfois des groupes de deux ou de trois personnes... J'ai déjà vu six personnes faire du cubage de bois. Les possibilités existent, et c'est pas mal la seule façon d'en profiter.

J'aimerais souligner encore une fois les vives craintes que suscite pareil changement, lorsqu'on passe d'un emploi rémunéré avec avantages sociaux, et ainsi de suite, au travail indépendant. Tout ce que prévoit en réalité le projet de loi, c'est une année de grâce. En termes économiques, ce travailleur se trouve à faire un saut dans l'inconnu. Notre projet de loi prévoit effectivement une période de grâce.

Je travaille, comme je l'ai dit, avec 150 personnes qui ont lancé leur propre entreprise dans le Pontiac. J'ai vu très peu de parasites, mais j'imagine qu'il y en a.

Quoi qu'il en soit, ils ne font pas une si bonne affaire que cela. Mieux vaut rester à la maison. Ceux qui demandent cette subvention sont ceux qui veulent vraiment réussir.

L'autre point fort du programme, dont nous parlons dans le mémoire, est la gestion assurée par un groupe de membres de la localité. Dans les petites localités comme celles dont il est question, pas grand-chose ne lui échappe. Il sait ce qui se passe au sein de la localité. L'entrepreneur sait que ce groupe est son patron. Je mets toute bureaucratie au défi de gérer de tels fonds avec le même sérieux, la même absence de cynisme et la même préoccupation quotidienne. Ce groupe se sent investi d'une mission publique dont il s'acquitte avec beaucoup de compétence.

.1125

Ça en dit long sur la gestion locale quand les gens disent... On en revient à la question de la concurrence. Bien des membres de ce conseil sont des gens d'affaires locaux. Ils comprennent cette préoccupation qu'il importe de ne pas éliminer la concurrence. Eux-mêmes vivent la situation. Ils décident de l'orientation: ils ne disent pas qu'un domaine est plus important qu'un autre.

Il existe un autre dividende dont il faut absolument tenir compte: de telles mesures permettent aux gens de se trouver du travail.

Mes exemples ne sont pas nouveaux, mais citons celui de l'entrepreneur qui ouvre une boulangerie. Après avoir distribué son pain, une semaine donnée, il entre et dit: «C'est fini. J'abandonne.» Le gérant de l'épicerie lui dit: «Pourquoi ne pas venir gérer ma boulangerie? Je vous ai vu travailler; le travail ne vous fait pas peur. Je vous offre un emploi.»

De plus, cela permet aux gens de comprendre comment fonctionne le marché de l'emploi. Lorsqu'ils retournent au travail, ils savent ce qui préoccupe le patron, comment il pense. C'est aussi très utile.

J'ignore le coût exact du déplacement, mais je vous invite certes à venir dans le Pontiac, à une heure d'ici. Si vous désirez rencontrer des gens, ceux du Pontiac vous diront certes comment cela se passe.

Le président: Je vous remercie encore une fois de votre exposé. Je prends d'ailleurs note de votre invitation. Je suis convaincu que les députés membres du comité en auront beaucoup appris, car non seulement vous connaissez bien la loi, mais vous avez aussi de l'expérience sur le terrain.

Les prochains témoins sont de la Fédération des femmes du Québec. Les exposés seront faits par Ruth Rose-Lizée, membre de la Fédération, et par Michèle Ouimet.

Je vous souhaite la bienvenue. Il nous tarde d'entendre votre exposé dans le cadre de notre étude visant à améliorer le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada.

[Français]

Mme Michèle Ouimet (membre du conseil d'administration, Fédération des femmes du Québec): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs.

Je me m'appelle Michèle Ouimet et je fais partie du conseil d'administration de la Fédération des femmes du Québec. Je vais lire le mémoire et Mme Ruth Rose-Lizée, qui est aussi membre de la Fédération des femmes du Québec et professeure d'économie à l'Université du Québec à Montréal, va intervenir pour des commentaires et une lecture du mémoire.

La Fédération des femmes femmes du Québec est un organisme démocratique de pressions politiques non partisan. Elle regroupe 101 associations et plus de 330 membres individuels.

.1130

Ses objectifs sont de promouvoir et de défendre les intérêts et les droits des femmes, et d'assumer un rôle de critique, de concertation et de pression. Elle se veut représentative de la pluralité et de la diversité du mouvement des femmes, et plus particulièrement des femmes démunies économiquement ou qui subissent de multiples discriminations, entre autres minorités visibles, communautés ethniques, immigrantes, autochtones, femmes avec handicap et lesbiennes.

Nous remercions Mmes Françoise David, Mercédez Roberge, Ruth Rose et Thérèse Ste-Marie pour leur contribution à la production de ce mémoire.

Pour une véritable assurance-emploi favorable aux femmes: Dans sa présentation de ce qui deviendra un régime canadien d'assurance-emploi, le gouvernement fédéral nous assure que le nouveau régime sera favorable aux personnes qui travaillent à temps partiel et offrira des ressources nouvelles pour faciliter le retour à l'emploi. Rien n'est moins vrai. Les nouvelles dispositions prévues au projet de loi C-111 vont plutôt désavantager les travailleuses à temps partiel, car ce sont surtout les femmes qui sont concernées, les femmes au foyer désireuses de retourner sur le marché du travail, les jeunes et les travailleurs et travailleuses saisonniers. Dans son mémoire, la Fédération des femmes du Québec compte s'attarder de façon particulière à la situation des femmes, laissant à d'autres le soin de traiter des problèmes d'autres travailleurs.

Qui veut-on aider vraiment? Le gouvernement du Canada prétend que les bénéficiaires de sa réforme sont les Canadiennes et les Canadiens. Quelle supercherie! En fait, ce que veut le gouvernement, c'est réduire son déficit en puisant dans la caisse de l'assurance-chômage, caisse dans laquelle il ne verse plus un sou depuis 1990. Le surplus dans cette caisse atteindra cinq milliards de dollars en 1995-1996 grâce aux coupures dans les prestations effectuées par les conservateurs et les libéraux depuis plusieurs années.

Pendant que les gouvernements successifs se servent ainsi des cotisations payées par les employés et les employeurs, ces derniers ne protestent pas, au contraire. Les employeurs savent bien que le resserrement des règles et la diminution des prestations d'assurance-chômage les avantagent. Les travailleurs et les travailleuses sont de plus en plus captifs de leurs emplois, et ce, à n'importe quelle condition ou presque. Lorsque les entreprises effectuent des mises à pied massives, comme nous en voyons tous les jours, elles savent bien que les travailleurs et travailleuses se verront obligés d'accepter un nouvel emploi à un salaire inférieur et des avantages sociaux diminués. Elles et ils ne disposent plus du rapport de forces nécessaire pour contrebalancer la toute-puissance des entreprises. L'économie canadienne est sur le chemin dangereux d'un retour au capitalisme sauvage, ce que le gouvernement appelle l'adaptation à un nouveau marché du travail.

Le gouvernement du Canada prétend aussi que sa réforme veut lutter contre les effets pervers de l'utilisation de la caisse de l'assurance-chômage et s'en prend donc à celles et ceux qu'il appelle les récidivistes et les punit pour avoir reçu des prestations plus d'une fois en cinq ans. Le langage est culpabilisant pour les victimes du travail saisonnier et précaire, et l'analyse complètement fausse. On punit ceux et celles qui survivent de contrat en contrat ou qui occupent des emplois qui sont saisonniers à cause du climat ou des ressources de leur région. Quelle aberration! Est-ce la faute des gens si les entreprises n'ont pas diversifié leurs activités, se sont installées surtout dans les grands centres ou ont développé la sous-traitance et le travail sur appel? Un peu plus, il faudrait proposer de fermer les régions, comme le suggérait l'ineffable président de la Banque nationale, l'année dernière.

Disons-le tout net: la pseudo-réforme de l'assurance-emploi va appauvrir bon nombre de travailleuses et de travailleurs canadiens sans favoriser d'aucune façon leur insertion ou leur réinsertion à l'emploi. Car, pour participer au marché du travail, il faut obligatoirement que celui-ci offre des débouchés. Où sont-ils? Où est la politique de création d'emplois du gouvernement et des provinces? Le gouvernement fédéral met à pied ses propres employés et coupe dans les transferts aux provinces. Dans les deux cas, beaucoup de femmes sont touchées. Bref, il y a dans les annonces fédérales une immense fraude intellectuelle et parmi toutes les personnes attaquées par le nouveau régime, les femmes seront un groupe particulièrement visé.

Mme Ruth Rose-Lizée (membre, Fédération des femmes du Québec): Établissons d'abord quelle est la situation des femmes sur le marché du travail québécois et canadien. Au Québec, 68 p. 100 des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes, et c'est vrai partout au Canada. Celles-ci occupent, de plus, des emplois souvent temporaires, sans avoir la moindre sécurité d'emploi. La majorité des travailleuses à temps partiel ont plus de 25 ans et beaucoup ont pris un emploi à temps partiel parce que c'était le seul disponible. Les derniers chiffres que j'ai vus indiquent que plus de 40 p. 100 des personnes qui travaillent à temps partiel ne le font pas volontairement.

.1135

Compte tenu de cette situation, les mesures proposées dans la réforme de l'assurance-emploi viennent-elles aider les femmes? Le gouvernement canadien prétend que oui, parce que désormais chaque heure cotisée compte pour l'obtention des prestations. Il est vrai qu'actuellement, seules les personnes qui ont travaillé au moins 15 heures par semaine chez le même employeur sont admissibles à l'assurance-chômage. Désormais, cette règle est abolie et les heures s'additionnent aussi pour les personnes qui détiennent deux emplois à temps partiel. C'est peut-être intéressant, mais plusieurs autres mesures qui sont partiellement néfastes pour les femmes viennent annuler les effets bénéfiques des nouvelles dispositions.

Actuellement, pour avoir droit aux prestations, il faut, dans l'année qui précède la demande, avoir travaillé de 12 à 20 semaines, selon le taux de chômage régional. Toutefois, les nouveaux entrants, c'est-à-dire les personnes qui n'ont pas travaillé au moins 14 semaines dans l'année précédant la demande, vont devoir travailler 20 semaines. Une semaine de travail doit comporter au moins 15 heures ou des gains égaux à 20 p. 100 du salaire maximum assurable. Selon le projet de loi, il faudrait avoir travaillé de 420 à 700 heures dans l'année précédant la demande, soit de 12 à 20 semaines de 35 heures, pour être admissible aux prestations. Pour les personnes qui travaillent 15 heures par semaine, cela représente de 28 à 47 semaines, ce qui est un accroissement énorme par rapport aux exigences actuelles.

Ce qui est particulièrement néfaste dans le cas des femmes, c'est que, de toute façon, leurs prestations seront basées uniquement sur les 15 heures par semaine travaillées dans la période précédant le chômage, alors qu'elles ont quand même travaillé autant d'heures que les personnes qui ont travaillé, par exemple, 40 heures par semaine et dont les prestations seraient basées sur 40 heures de travail.

Dans le cas des personnes qui intègrent ou réintègrent le marché du travail après une longue absence, qui sont très majoritairement des jeunes et des femmes avec enfants, l'exigence sera de 910 heures. C'est une augmentation de six semaines par rapport aux 20 actuelles et, de plus, ce seront des semaines de 35 heures plutôt que les semaines minimales de 15 heures. Les personnes qui travaillent 15 heures par semaine sont admissibles aux prestations après deux années de travail puisque 910 heures représentent plus de 60 semaines de travail. Celles qui travaillent à temps partiel dans un emploi précaire ou intermittent ne seront probablement jamais admissibles, même si elles sont tenues de cotiser dès la première heure.

Le remboursement des prestations pour les personnes gagnant moins de 2 000 $ par année, c'est-à-dire quelque 300 heures de travail au salaire minimum en vigueur dans les différentes provinces, ne corrige pas cette injustice. Comment peut-on prétendre que cette mesure va aider les personnes travaillant à temps partiel? Nous n'y voyons qu'une façon de rendre inadmissibles à l'assurance-chômage un grand nombre de femmes qui sont déjà pénalisées par le fait qu'elles assument une part disproportionnée du travail domestique et des soins aux enfants et à d'autres membres de la famille. Déjà, elles ont beaucoup de difficulté à trouver des emplois stables à temps plein sur l'ensemble de l'année. On se demande même si cette disposition ne serait pas discriminatoire en vertu de la Charte des droits et libertés, parce que c'est une pénalisation systématique des femmes, étant donné que les femmes sont disproportionnellement des travailleuses à temps partiel et que cette mesure vise spécifiquement les gens à temps partiel.

Par ailleurs, de moins en moins de femmes sont admissibles à des prestations de maternité. Alors que la loi actuelle exige 20 semaines de travail avec un minimum de 15 heures, donc 300 heures, la nouvelle loi exigera 700 heures de travail. Déjà le Canada traîne loin derrière la plupart des autres pays industrialisés en ce qui concerne la générosité et la durée des congés de maternité. Cette nouvelle exigence, ainsi que la réduction de la période maximale de prestations dans laquelle doivent être comptées les semaines de prestations de maternité vont affaiblir davantage notre programme de congés de maternité déjà inadéquat.

Globalement, en ce qui concerne le calcul du montant des prestations, il sera basé sur les gains effectués au cours des dernières 14 à 20 semaines (16 à 20 à partir de 1997), soit deux semaines de plus que le nombre de semaines de travail exigé pour devenir admissible, dans la plupart des régions. Cela veut dire que si la personne a eu une période sans gains ou à gains réduits au cours des 14 à 20 dernières semaines pour raison de maladie, de mise à pied temporaire ou de réduction du temps de travail, les prestations seront diminuées d'autant. Encore une fois, ce sont les travailleurs et les travailleuses saisonniers et les femmes travaillant dans les secteurs comme l'hôtellerie, la restauration, les vêtements, les services de santé, etc. qui en écoperont.

.1140

La réforme proposée diminue les prestations de 55 à 50 p. 100 pour les personnes qui en ont reçu plus d'une fois en cinq ans. Cela touchera évidemment les femmes puisqu'elles sont très nombreuses à occuper des emplois temporaires, plus nombreuses, en fait, que les hommes.

Les personnes à faible revenu ayant des enfants à charge pourront bénéficier d'un supplément de prestations si le revenu familial est inférieur à 25 921 $. Jusqu'ici, on ne sait pas comment cela va fonctionner. On se demande si le montant va être significatif et quels seront les vrais critères.

Les seules, en fait, qui bénéficieront probablement du supplément de prestations seront les mères chefs de famille. Même si nous nous en réjouissons pour elles, nous pensons qu'il n'est pas du ressort d'une caisse d'assurance-chômage de donner un supplément familial aux personnes à faible revenu. Cela devrait plutôt relever de mesures fiscales ou d'allocations plus généreuses de soutien aux familles.

Mme Ouimet: Les prestations d'emploi: Malgré les prétentions fédérales de fournir une aide aux femmes désireuses de retourner sur le marché du travail, il faut noter que les prestations d'aide à l'emploi ne seront versées qu'aux femmes qui ont touché des prestations parentales ou de maternité durant les cinq années précédant la demande. Les femmes qui sont restées à la maison durant plusieurs années pour élever leurs enfants se trouvent donc exclues de cette forme d'aide.

Par ailleurs, nous sommes quelque peu sceptiques sur l'efficacité et la pertinence des mesures prévues. Tout d'abord, nous croyons que la responsabilité du développement de la main-d'oeuvre doit revenir entièrement au Québec. De plus, certaines des mesures proposées pourraient avoir des effets pervers. Par exemple, les subventions salariales risquent de n'être que des subventions aux entreprises leur permettant d'embaucher des chômeurs et chômeuses sans intention de les garder à l'emploi.

Les suppléments de rémunération versés de façon temporaire viennent dire aux travailleurs et travailleuses qu'ils doivent se résigner à accepter des emplois mal payés en comparaison de ceux qu'ils et elles occupaient auparavant. Les femmes au foyer qui pouvaient encore récemment s'inscrire à des programmes de réinsertion en emploi avec soutien financier seront probablement exclues de ces programmes.

Nous nous demandons aussi ce qu'il adviendra des organismes communautaires qui s'occupent actuellement d'insertion ou de réinsertion en emploi. Plusieurs reçoivent une clientèle spécifique de femmes et sont inquiets pour leur avenir. Pourront-ils continuer à se servir de leur expertise auprès de la clientèle féminine?

Finalement, alors que cette réforme prétend offrir des services d'emploi plus efficaces et personnalisés, le gouvernement fédéral ferme des centres d'emploi et les remplace par des guichets informatisés. Cela n'aidera certes pas les personnes des régions éloignées déjà mal desservies par les services gouvernementaux.

En conclusion, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement fédéral, sa réforme de l'assurance-chômage appelée trompeusement «assurance-emploi» ne bénéficiera pas aux femmes ni, d'ailleurs, à l'ensemble de la population canadienne. Le gouvernement continuera d'éponger son déficit à même les cotisations des employeurs et employés et les entreprises verront leurs cotisations baisser et engageront des personnes à n'importe quelle condition.

L'insécurité financière des travailleuses et des travailleurs sera énorme. Certains seront tentés d'accumuler un grand nombre d'heures de travail dans les semaines précédant leur demande de prestations sans égard pour leur santé et pour la préservation d'une qualité de vie décente.

Les femmes qui, en raison de leurs responsabilités familiales, travaillent à temps partiel de façon temporaire ou discontinue seront défavorisées même si elles sont appelées à contribuer davantage au financement du régime.

Puisque désormais ce sont les heures qui comptent et non les semaines travaillées, la réduction du temps de travail et le partage de l'emploi seront moins attrayants pour les travailleurs. Cela va complètement à contre-courant des tentatives pour trouver des solutions au problème endémique du chômage.

En somme, le gouvernement fédéral a, à notre avis, raté sa cible malgré toutes les représentations effectuées par les groupes de femmes l'année dernière. Pour que les femmes sortent du cercle vicieux de la pauvreté, il faut des mesures actives de création d'emploi, encourager les jeunes filles à se diriger vers des métiers non traditionnels, revaloriser les services d'aide aux personnes et aux collectivités, laisser au Québec la mise en oeuvre complète de ses programmes de formation de la main-d'oeuvre, ouvrir des milliers de places en garderie, favoriser la conciliation travail-famille, etc. De telles mesures contribueront à réduire le taux de chômage, à élargir l'assiette fiscale et à diminuer les dépenses de la caisse de l'assurance-chômage.

En conséquence, la Fédération des femmes du Québec veut mettre tout en oeuvre pour faire échec à la réforme de l'assurance-chômage et se joint aux actions de la Coalition syndicale et communautaire qui s'est mise sur pied au Québec.

Les regroupements provinciaux signataires de ce mémoire sont: la Fédération des femmes du Québec, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail et l'R des centres de femmes du Québec.

.1145

[Traduction]

Le président: Je vous remercie énormément. Au nom du comité, je tiens à vous dire à quel point nous vous sommes reconnaissants d'être venues nous exposer votre point de vue au sujet de cette question et, particulièrement, au sujet de son incidence sur les femmes.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Lalonde: Je tiens à saluer la Fédération des femmes du Québec qui - je le dis pour que cela soit inscrit dans le compte rendu et pour la gouverne de mes collègues d'en face - a organisé cet été une marche qui a mobilisé tout le Québec sous le thème «Du pain et des roses», marche qui a mené les femmes en provenance de diverses régions vers la capitale, Québec, avec un programme précis et concret de demandes dont certaines ont été satisfaites et d'autres, non.

Donc, je reconnais en cette fédération la conscience active et extrêmement concrète des femmes du Québec. Merci d'être ici et merci de votre mémoire.

J'aimerais demander à l'une ou à l'autre de vous d'élaborer un peu sur votre conclusion. Vous dites:

J'aimerais que vous nous parliez de cela.

Mme Rose-Lizée: Actuellement, il n'y a pas suffisamment d'emplois pour les gens. Depuis 20 ans, une grande partie des emplois créés ont été des emplois à temps partiel, intérimaires, temporaires, et ce sont très disproportionnellement les femmes qui occupent ces emplois.

On nous a toujours dit que les femmes devaient se former pour accéder au marché du travail. Les femmes se sont formées, elles sont de plus en plus majoritaires chez les diplômés, mais quand on regarde la façon dont elles s'insèrent sur le marché du travail, on voit qu'elles sont toujours victimes de discrimination.

Elles ont des diplômes universitaires et, pendant leurs dix premières années sur le marché du travail, elles travaillent uniquement à la pige ou à contrat avec des salaires inférieurs à ceux des hommes.

Au plus bas niveau de l'échelle, c'est encore pire. Les genres d'emplois qui sont souvent disponibles, même pour des diplômés de niveau collégial ou secondaire, sont des emplois temporaires dans les agences de bureau.

De plus, cette réforme les pénalisera quant aux prestations d'assurance-chômage qu'elles pourraient retirer. Donc, pendant qu'elles travaillent, elles gagnent moins, et pendant qu'elles sont au chômage, elles reçoivent moins. De toute façon, avec cette réforme, elles vont se retrouver avec encore moins, surtout parce qu'elles auront plus de difficulté à se qualifier pour des prestations.

On craint qu'il y aura encore plus de femmes à l'aide sociale. Les provinces, y compris le Québec, malheureusement, sont en train de réagir en disant que si vous êtes au chômage, si vous êtes obligé de recourir à l'aide sociale, c'est votre faute. Mais les emplois ne sont pas là.

Il s'agit d'une baisse de revenus encore plus importante et il n'y pas moyen de s'en sortir. Une fois qu'on occupe un emploi temporaire, il est beaucoup plus difficile par la suite de se trouver des emplois à temps plein. C'est un cercle vicieux, et ce sont les femmes qui écopent plus que tout autre groupe.

Mme Lalonde: Vous attirez l'attention, et avec raison, sur les conditions qui sont faites aux femmes enceintes. Je dois dire que c'est un aspect de la critique qui devrait ressortir davantage. Pensez-vous que pour les femmes enceintes, ces dispositions peuvent avoir des conséquences graves?

.1150

Mme Rose-Lizée: Au Canada, on vient de faire un peu de progrès avec l'introduction, depuis 1970, des prestations de maternité et, ensuite, de congés parentaux pour les nouveaux parents.

Si on se compare aux pays européens, on est loin derrière. Notre population ne se renouvelle plus. Si on veut que les femmes acceptent de faire le sacrifice d'arrêter de travailler quelques mois, voire quelques années, pour élever des enfants... Cela a quand même des conséquences sur leur carrière à plus long terme. Si on veut qu'elles continuent de faire ces sacrifices, il faut minimalement leur donner des prestations de maternité pendant la période d'accouchement et les premières semaines avec l'enfant.

La nouvelle loi va rendre l'accès à ces prestations de plus en plus difficile pour les femmes. Il faut se rappeler que, dans le cas des prestations de maternité ou dans les cas où une femme n'a travaillé que 20 heures par semaine pendant la période de qualification, ses prestations sont déjà diminuées en conséquence. Je comprends mal pourquoi il faut en plus la pénaliser au niveau de l'admissibilité. Pourquoi les femmes devraient-elles recevoir, relativement aux heures de travail, un ratio de prestations moindre que les gens qui travaillent à plus long terme, surtout que dans 40 p. 100 des cas, ce n'est pas leur choix?

Mme Lalonde: J'ai vu un article dans un journal européen qui donnait la liste des bénéfices parentaux dans les divers pays d'Europe. Bien sûr, il y a une différence importante, mais je souligne qu'en Suède, actuellement, on accorde 18 mois par parent. Les 350 à 450 premiers jours sont payés à raison de 90 p. 100 du salaire. Donc, on est vraiment très loin du compte. Cette question est importante, en particulier au Québec, parce qu'il y a là un problème démographique réel et important.

Mme Rose-Lizée: Pas seulement au Québec, mais partout au Canada.

Mme Lalonde: Oui, mais il est plus fort au Québec.

[Traduction]

Le président: On peut toujours compter sur Mme Lalonde pour ajouter une dimension internationale.

Mme Lalonde: Pourquoi pas?

Le président: Vous avez raison.

[Français]

Mme Lalonde: C'est important de le savoir.

[Traduction]

Le président: Oui, je vous remercie.

Madame Augustine.

Mme Augustine: Je tiens d'abord à vous remercier du travail que vous faites en tant que fédération et de la défense des intérêts des Québécoises que vous assumez. De plus, puisque vous avez mentionné la réforme de la sécurité sociale, je tiens à vous dire que le gouvernement est à l'écoute des préoccupations des groupes de femmes d'un bout à l'autre du pays et qu'une grande partie de ce que nous avons entendu, lors des consultations, a été intégrée à la réforme actuelle.

Il est toujours possible de parler chiffres, par exemple du pourcentage de femmes travaillant à temps partiel, de leur participation actuelle au marché du travail, etc., mais j'aimerais plutôt que nous parlions du revenu familial. Comme vous le savez, bien sûr, ce revenu familial n'influe pas sur les prestations de base du chômeur, et ce critère ne réduira pas les prestations auxquelles a droit le chômeur. Je veux que l'on se comprenne bien là dessus. Le revenu familial sert à calculer si la prestation de base doit être bonifiée.

Ce que je veux vraiment savoir c'est si cela fait en sorte que les fonds accessibles pour le supplément du revenu familial, c'est-à-dire la hausse de la prestation de base, seraient orientés vers les familles à faible revenu avec des enfants? Nous parlons ici d'un groupe important, à savoir 350 000, composé de femmes pour les deux tiers environ. Je veux savoir si cette réforme va dans la bonne direction.

.1155

Mme Rose-Lizée: S'il s'agissait d'une audience sur les prestations familiales nous serions très heureuses d'entendre quelque chose comme cela. Nous ne comprenons pas pourquoi nous lions à cela à l'assurance-chômage en particulier.

Ce qui nous inquiétait lors de la première ronde de consultations c'était que les prestations cesseraient d'être versées aux femmes parce qu'il se trouvait que leurs conjoints travaillaient ou vice versa. Nous sommes très heureuses que cette proposition ait été abandonnée au cours de la deuxième ronde de consultations.

Malheureusement, il est très difficile d'évaluer ce que signifiera cette nouvelle proposition vu qu'on s'en remet aux règlements et qu'on ne précise pas comment se fera le calcul ou comment s'effectueront les versements.

Nous souscririons de tout coeur à une hausse générale des prestations pour enfants. Il y a toutes sortes de familles à faible revenu. J'ai fait moi-même de la recherche dans ce domaine. Depuis les 20 dernières années, les fonds engagés par le gouvernement fédéral à l'égard des prestations pour enfant ont été réduits de 3 milliards de dollars par année. Il va sans dire que nous souscrivons à une hausse des prestations pour enfants et que nous aimerions que celles-ci soient orientées dans une certaine mesure vers les familles à faible revenu, mais nous ne voyons pas pourquoi elles sont liées à l'assurance-chômage.

Mme Augustine: Une fois de plus, on s'attache à l'ensemble des prestations et l'ensemble des prestations, il me semble, visent essentiellement les activités qui ont été jusqu'à maintenant avantageuses pour les femmes. Vous semblez vous opposer à ces prestations. Je veux simplement vous amener à parler de certains aspects de cette réforme qui pourraient comporter des avantages pour les femmes. En voyez-vous?

Mme Rose-Lizée: Prenez le cas d'une femme à faible revenu qui, y compris les prestations qu'elle reçoit pendant l'année, touchera entre 15 000 $ et 20 000 $. Oui, elle touchera cette prestation supplémentaire. Par contre, si cette même femme travaillait à temps partiel et touchait les prestations et a finalement dû faire appel à l'assistance sociale, elle n'aura pas droit à la prestation supplémentaire. Si vous aviez une prestation générale pour les familles à faible revenu, celle-ci serait alors liée au faible revenu et non à l'assurance-chômage.

Mme Augustine: Auparavant, elle n'aurait pas été admissible. Elle le sera maintenant.

Mme Rose-Lizée: Sauf que la période de référence pour les femmes... Ce qui m'indispose le plus c'est que j'ai participé aux consultations qui ont eu lieu l'an dernier et aux deux conférences qu'a tenues M. Axworthy avec les groupes de femmes et que nous n'avons discuté d'aucune de ces propositions, surtout le système basé sur le calcul des heures pour décider de l'admissibilité. Nous n'avons même pas été consultées à ce sujet. Peut-être le fait-on maintenant?

Mme Augustine: Le passage d'un calcul basé sur les heures plutôt que les semaines ne vous plaît-il pas?

Mme Rose-Lizée: S'il s'agissait seulement de passer des semaines aux heures, ça pourrait être intéressant. Le problème c'est que le nombre d'heures qu'il faut avoir travaillé pour avoir droit aux prestations a plus que doublé pour les femmes qui travaillent moins de 20 heures. C'est là que le bât blesse.

Autrement dit, auparavant, pour avoir droit aux prestations de maternité par exemple, il vous fallait avoir travaillé au moins 300 heures. On parle maintenant de 700 heures.

M. Nault (Kenora - Rainy River): Non, ce n'est pas le cas.

Mme Augustine: Non.

Mme Rose-Lizée: Oui, je suis désolée, c'est ce que dit la loi.

Vous devez être un prestataire de première catégorie et un tel prestataire doit avoir accumulé 700 heures.

Mme Augustine: Ce qui importe peut-être c'est de comprendre cet aspect et le sens de la réforme. Il est important pour nous d'êtres très précis relativement à plusieurs éléments de la réforme: le nombre d'heures, la participation au marché du travail, les nouveaux actifs, les personnes redevenant membres de la population active. Mes collègues et moi-même nous entendons pour dire qu'il y a plusieurs choses dans ce projet de loi, j'en suis convaincue, qui sont avantageuses pour les femmes.

Mme Rose-Lizée: Je me permets d'attirer votre attention sur l'article 6 de la partie I. On y donne une définition de prestataire de la première catégorie et on entend par là: «prestataire qui remplit les conditions requises pour recevoir des prestations et qui a exercé un emploi assurable pendant au moins 700 heures au cours de sa période de référence.»

En ce qui a trait aux prestations parentales, c'est-à-dire l'article 23... Je ne suis pas certaine de ce que c'est, mais je crois qu'il faut que vous soyez un prestataire de la première catégorie pour toucher n'importe laquelle des prestations spéciales.

.1200

Mme Augustine: Je crois qu'il est important de faire remarquer qu'à l'heure actuelle, avec le supplément du revenu familial, 160 000 prestataires à faible revenu qui élèvent une famille et dont le revenu familial est inférieur à 26 000 $ verraient augmenter sensiblement leurs prestations.

Mme Rose-Lizée: Nous n'avons vu aucun chiffre quant au montant de cette...

Mme Augustine: Le calcul au complet.

Mme Rose-Lizée: ...prestation pour enfants. Avez-vous des chiffres sur ce que pourrait être la prestation pour enfants?

M. Nault: Jusqu'à 3 p. 100...

Mme Augustine: C'est 3 p. 100.

M. Nault: ...cette année; jusqu'à concurrence de 10 p. 100 en 2001.

Mme Augustine: Ça augmente.

Mme Rose-Lizée: Je le répète, c'est un des domaines sur lequel je me penche. J'ai le sentiment que le niveau maximal de prestations n'est que pour un palier de revenu très restreint.

Mme Augustine: Mais, monsieur le président, je dois mentionner qu'il me semble qu'il y a plusieurs domaines dont nous devons discuter avec cet organisme très important. Il représente beaucoup de femmes et de défenseurs des droits des femmes. Je crois qu'il est important que nous assurions un suivi avec eux et avec nos spécialistes pour nous assurer que tout sera compris dans le moindre détail, parce que nous ne voudrions pas donner l'impression que cette réforme porterait préjudice aux femmes.

M. Nault: Ou le résultat.

Mme Augustine: Ou le résultat de cette réforme. Elles ne sont pas désavantagées.

Mme Rose-Lizée: Je veux simplement signaler qu'on mentionne à l'article 22 que, pour réclamer des prestations de maternité, il faut être un prestataire de la première catégorie, c'est-à-dire avoir travaillé 700 heures.

Le président: Permettez, le secrétaire parlementaire...? Aimeriez-vous éclaircir ce point?

M. Nault: Où en sommes-nous maintenant, monsieur le président?

Le président: Nous en sommes au point se rapportant à la participation au marché du travail.

Mme Augustine: Les 700 heures.

Le président: Il s'agit des 700 heures ouvrant droit aux prestations de maternité. Est-ce exact?

Mme Rose-Lizée: N'importe laquelle des prestations spéciales.

M. Nault: Aux termes de la partie II de la loi elle-même?

Mme Mary Hurley (attachée de recherche du comité): Permettez, monsieur Nault, mais les prestations dont nous parlons maintenant sont les prestations de chômage par opposition aux prestations d'emploi. Le témoin parle de nos prestations payables en application de la partie I.

Dans la partie des définitions au début de la loi, on établit la distinction entre «prestation» et «prestation d'emploi». «Les prestations d'emploi» font l'objet de la partie II - c'est-à-dire, les prestations et les mesures de soutien dont les autres témoins ont parlé ce matin. Mais lorsqu'on parle de prestataires de la première catégorie, on parle alors des prestations de chômage payables en application de la partie I.

Le président: Mme Rose-Lizée parle des prestations d'emploi.

Mme Hurley: Non, elle parle des prestations de chômage.

Le président: Les prestations de chômage, d'accord.

Mme Hurley: Elle parle des prestations payables en application de la partie I.

Le président: Nous veillerons à ce que le point soit éclairci. Je crois qu'il y a de toute évidence divergence de vue et qu'il nous faudra mettre les choses au clair. Nous le ferons dans les plus brefs délais.

Je vais revenir au Bloc québécois parce que celui-ci n'a utilisé que sept des dix minutes auxquelles il avait droit la dernière fois. Nous passerons donc à M. Crête pour la dernière question ou à Mme Lalonde.

[Français]

Mme Lalonde: Les points sur lesquels vous venez d'attirer notre attention sont extrêmement importants. Depuis le début, le gouvernement s'est efforcé de dire que ce projet de loi ne nuisait pas aux femmes et il s'est servi surtout du fait que, désormais, des femmes à faible revenu pourraient obtenir davantage. Cependant, il cache le fait qu'actuellement, toute personne qui a charge de famille a le droit d'avoir jusqu'à 60 p. 100 de son salaire, jusqu'à concurrence de 25 000 $, je crois. Cela veut dire que la femme elle-même, quand elle travaille et se retrouve ensuite à l'assurance-chômage, avec la loi actuelle adoptée par les libéraux il y a deux ans, est avantagée par rapport à ce qui est proposé, soit de tenir compte du revenu familial. Donc, c'est important.

.1205

Vous mettez en lumière un autre élément. Selon la loi actuelle, les femmes, qui sont les plus nombreuses à travailler à temps partiel, peuvent se qualifier avec 15 heures. Leur taux ne font pas l'objet de discrimination, compte tenu de la façon de compter les semaines, alors que dorénavant, les femmes travaillant à temps partiel seront touchées.

Bien sûr, on va tenir compte de deux emplois à temps partiel, sauf que lorsqu'on n'en a qu'un, et c'est le cas de bien des gens, on va être fortement touché. Ma question est la suivante: Qu'est-ce que la Fédération des femmes du Québec entend faire pour attirer l'attention sur ces problèmes graves touchant la vie quotidienne des femmes québécoises et canadiennes?

Mme Rose-Lizée: L'année dernière, nous avons organisé un genre de coalition de femmes composée de 13 ou 15 groupes provinciaux pour examiner et suivre ces questions. Il y en a trois qui ont trouvé le temps de participer à l'élaboration du mémoire que nous vous présentons. Nous allons informer nos gens et nous assurer que les médias comprennent bien ce qui est en cause; nous nous coordonnons aussi avec nos partenaires du reste du Canada pour nous assurer que cette loi ne soit pas discriminatoire à l'égard des femmes.

Comme je le disais, il y a peut-être une base pour une contestation juridique en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

[Traduction]

Mme Augustine: Permettez, monsieur le président.

Nous ne faisons pas de menaces ici. Nous essayons plutôt d'en arriver à la meilleure mesure législative possible pour avantager toutes les femmes au Canada. Nous en sommes à cette réforme. Nous procédons à des consultations, ce qui signifie que nous vous demandons de nous aider à l'améliorer pour tous les Canadiens. S'il y a des mésententes fondamentales, il est alors important que nous poursuivions cet exercice dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Nous avons procédé à une analyse des rôles masculins et féminins. Je ne suis pas certaine que celle-ci a été rendue publique mais je suis convaincue que nous pourrions, avec le ministre et le personnel de ce comité, nous pencher sur cette analyse et nous assurer que nous sommes bien informés.

Nous voulons travailler en étroite collaboration pour en faire la meilleure mesure législative possible et non pas commencer à proférer des menaces quant à ce que nous ferons.

Mme Rose-Lizée: Je n'ai pas vu cette analyse. Je vous sais gré de votre intérêt.

Pourrais-je demander au comité qu'il demande un avis juridique sur la question de savoir s'il y a ou nom matière à discrimination? Ce qui me préoccupe c'est le fait que si, par exemple, vous travaillez 20 semaines de 40 heures - autrement dit, 800 heures, vos prestations seront fondées sur 40 heures de travail. Si vous travaillez 800 heures à raison de 20 heures semaine, il vous faudrait peut-être travailler le même nombre de semaines pour avoir droit aux prestations qui ne seront fondées que sur une semaine de 20 heures. Alors que les prestations sont fondées sur le revenu réel que vous avez touché les 16 à 20 semaines au cours desquelles vous avez travaillé avant de vous retrouver au chômage, la période de référence est différente. Le nombre de semaines de référence est beaucoup plus élevé pour ceux qui travaillent à temps partiel.

Le président: Je crois que cela conclut cette partie.

Je m'engage à ce qu'on vous remette une analyse des rôles masculins et féminins en ce qui a trait à la mesure législative. Je crois qu'il s'agira là de notre point de départ.

Vous avez bien sûr soulevé des questions importantes et vous avez suscité des discussions, lesquelles sont salutaires aux travaux de ce comité. Nous comptons bien améliorer la mesure législative en tenant compte de tous les points soulevés par tous ceux que nous entendrons.

Je vous remercie.

Mme Rose-Lizée: Merci.

Le président: La séance est levée.

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