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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 26 novembre 1996

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[Traduction]

Le président: Allons-y. M. Mercier du Bloc a fait savoir qu'il arrivait et suggère que nous commencions sur une base informelle et que cela devienne officiel dès qu'il pénétrera dans la pièce.

Notre premier témoin est David Whitmore, de Vector Construction.

Parmi les éléments entourant la rénovation des routes figurent les nouvelles technologies qui sont mises au point ici au Canada et la recherche effectuée pour trouver de nouveaux moyens de gérer nos infrastructures, que ce soit au stade de la construction ou pour les réparations et l'entretien.

Cela dit, monsieur Whitmore, vous avez quelques diapositives à nous montrer.

M. David Whitmore (vice-président et directeur national des ventes, Vector Construction Ltd.): Oui, c'est exact.

Le président: Vous pouvez commencer votre présentation et nous passerons ensuite aux questions.

M. Whitmore: Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer devant le comité aujourd'hui. Avant de passer à la présentation, j'aimerais brièvement vous indiquer ce dont j'ai l'intention de parler.

J'aimerais vous donner quelques renseignements sur notre entreprise et le genre de travail que nous faisons. Je voudrais aussi vous décrire brièvement une des nouvelles technologies dont nous nous servons - je pense que c'est la raison pour laquelle nous avons été invités ici aujourd'hui. Troisièmement, j'aimerais vous expliquer comment la technologie récente - comme celle nous utilisons - est évaluée et encouragée aux États-Unis et au Canada, puis faire une comparaison. Enfin, je ferai quelques observations sur la façon dont la situation au Canada pourrait être améliorée, afin d'encourager et de mettre en oeuvre cette nouvelle technologie.

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Tout d'abord, je travaille pour une entreprise appelée Vector Construction Ltd., qui se spécialise dans la restauration du béton et un les travaux de protection. Mon bureau se trouve à Winnipeg; nous avons quatre autres bureaux dans le centre et dans l'ouest du Canada. L'un se trouve juste en dehors de Hamilton, Ontario, et les autres à Thunder Bay, à Saskatoon et à Calgary, et nous en avons aussi deux aux États-Unis, dans le haut Midwest.

Bien que nous soyons génériquement assimilés à ce que l'on considère comme une industrie à faible intensité technologique - l'industrie de la construction - nous effectuons essentiellement les travaux très spécialisés. Notre plus dans l'industrie est foncièrement de mettre au point et d'appliquer des technologies destinées à réduire les coûts, lorsque c'est possible. Nous utilisons entre autres des méthodes spécialisées pour liaisonner le béton fissuré ou endommagé; du béton anti-acide; et de la fibre de carbone pour renforcer les structures, ce dont je parlerai en détail plus tard. Il y a aussi une nouvelle technologie à laquelle nous nous intéressons, une méthode pour éliminer le sel des ouvrages en béton qu'il a contaminés.

Ce procédé d'extraction du sel est appelé le procédé Norcure d'extraction de chlorure. Foncièrement, la raison pour laquelle ce procédé a été mis au point est que lorsqu'il pénètre dans le béton et atteint le ferraillage, le sel corrode l'acier. La majeure partie de la détérioration qui affecte les ponts routiers et les autres ouvrages exposés au sel de déneigement est due à une corrosion d'origine saline.

Voici une diapositive montrant le sel qui s'imprègne dans le béton. Quand il atteint le niveau du ferraillage, la corrosion commence. Au fur et à mesure qu'elle s'étend, le béton s'effrite, tout simplement. Voici ce que l'on observe habituellement sur le terrain.

La méthode conventionnelle est d'écailler petit à petit toutes ces parties - vous voyez ici des ouvriers qui écaillent les parties endommagées et les colmatent. Naturellement, cela fait beaucoup de poussière et de bruit et crée une quantité de gravats dont on doit se débarrasser dans une décharge. Il ne s'agit pas non plus d'une solution à très long terme, car on ne fait que colmater des parties isolées, alors que tout le reste du tablier du pont a été exposé au sel, de la même façon que l'ont été les parties que l'on colmate. Donc, après quelque temps, même si certains endroits ont été colmatés, d'autres, ici, commencent à lâcher, et on a alors l'impression que l'on retourne travailler sur le même pont tous les ans ou tous les deux ans pour y effectuer de plus en plus de réparations. Par conséquent, la perspective de la population est que l'on est toujours en train de fermer le pont, même si l'on ne répare que 5 ou 10 p. 100 de sa surface à la fois.

Le procédé auquel nous nous intéressons est un procédé foncièrement électrochimique qui élimine le sel ou les ions chlorure du béton contaminé par le sel. Au lieu d'enlever et de remplacer tout le béton ainsi contaminé, nous nous contentons d'enlever le sel et nous laissons le béton en place. Dans certains cas, cela s'avère beaucoup plus économique et beaucoup moins destructeur, et peut aussi s'être beaucoup plus rapide. Je ne vais pas vous ennuyer en vous donnant trop de détails sur la façon dont cela fonctionne, mais en gros, il s'agit d'un procédé électrique: on place temporairement sur la surface du béton, une anode que l'on branche ensuite sur un groupe électrogène, ce qui force les chlorites qui se trouvent dans le béton à sortir et à s'accumuler à l'extérieur.

Je vais vous montrer quelques exemples de la façon dont on procède habituellement. Voici le tablier d'un pont. On est en train de dérouler un feutre synthétique. Ensuite, on place une mèche dessus ici, et on recouvre d'une autre épaisseur de feutre. En gros, c'est la façon dont on installe le système.

M. Jordan (Leeds - Grenville): Est-ce pour empêcher le sel de pénétrer ou de sortir?

M. Whitmore: Non, c'est pour faire sortir le sel qui se trouve déjà à l'intérieur. Il est en quelque sorte aspiré électriquement en dehors du béton. Pour l'empêcher de pénétrer à nouveau, il y a une autre opération que l'on effectue plus tard, après en avoir fini avec l'extraction, car en enlevant le sel on supprime la cause de la corrosion.

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Vous voyez là le poteau d'un pont, et ici, le système à l'échelle du laboratoire. Voici le premier projet en vraie grandeur où l'on a utilisé cette technologie en Amérique du Nord. C'était pour le ministère de la Voirie de la Saskatchewan en 1994. Ils se sont montrés relativement entreprenants en Saskatchewan en ce qui concerne l'application de cette technologie, entre autres, et cela vaut la peine d'être souligné.

Voici une vieille diapositive qui montre notre tout premier projet pilote, réalisé en 1989 sur une partie du Burlington Skyway, juste en dehors de Hamilton. C'était pour le ministère des Transports de l'Ontario. Je mentionne cela juste pour vous donner une idée du temps que cela prend. Il s'agissait du premier projet pilote en Amérique du Nord, et cela remonte à 1989. Nous avons par la suite réalisé deux autres projets pilotes pour le ministère des Transports de l'Ontario, mais nous n'avons pas encore effectué de travaux pour eux. Il y a des chances que l'on débouche sur quelque chose cette année, mais ce sera pour des travaux qui seront effectués dans sept ou huit ans.

Il y a un autre projet. C'est un pont qui se trouve juste au nord d'Edmonton, en Alberta.

En fin de compte, je pense que pour toutes les nouvelles technologies, c'est une question de coût. On peut vouloir entreprendre quelque chose pour d'autres raisons, mais le coût est indubitablement un facteur important. Quand on peut s'occuper de l'ouvrage suffisamment tôt, on peut traiter la structure à un coût relativement bas. C'est-à-dire que l'on peut enlever les chlorites et enrayer la corrosion avant qu'elle n'atteigne le point où des travaux importants deviennent nécessaires. Si l'on envisage les choses au plan de la durée de vie de la structure, il est beaucoup plus rentable de procéder ainsi que d'attendre d'effectuer éventuellement des réparations traditionnelles.

C'est à peu près tout en ce qui concerne ma présentation de diapositives. J'aimerais ajouter quelques mots au sujet de la mise en oeuvre de la technologie, et aussi en ce qui concerne l'industrie et ce qui se fait de semblable et de différent au Canada et aux États-Unis.

Pour commencer, je suppose que vous êtes tous très conscients du fait que les gens qui travaillent dans le génie civil sont en général extrêmement traditionalistes. Ce traditionalisme pousse les ingénieurs à hésiter quand vient le moment d'adopter une nouvelle technologie. Le ministère des Transports de l'Ontario est un bon exemple. De nombreuses pressions sont exercées sur les gens, particulièrement les ingénieurs qui travaillent dans le secteur public. Rien ne les motive à essayer une nouvelle technologie. S'ils le font et que la population se plaint, ils se font couper la tête. Et s'ils le font et que cela fonctionne bien, personne ne le remarque vraiment ou s'en soucie. Il faut donc qu'un individu ait du caractère pour prendre des risques et s'exposer. Il est beaucoup plus facile pour ces gens-là de ne rien faire et de continuer de fonctionner comme ils l'ont toujours fait afin d'éviter les critiques.

Aux États-Unis, la Federal Highway Administration s'est beaucoup intéressée au programme stratégique de recherche routière. Les Canadiens étaient impliqués par le biais de leurs propres programmes stratégiques. Chose intéressante, quand ce programme de recherche a été terminé aux États-Unis, la Federal Highway Administration a transmis l'information à un service spécial baptisé Office of Technology Applications.

Cet organisme est expressément responsable de la mise en oeuvre et de l'utilisation de la recherche et des innovations, etc. induits par le programme stratégique de recherche routière, ainsi que d'autres recherches qu'il effectue lui-même. Il a donc une méthode en place pour tenter de mettre en oeuvre les nouvelles technologies. Il dispose également de crédits pour indemniser les ministères du Transport des divers États des coûts entraînés par les projets pilotes et les autres projets qui incorporent de nouvelles technologies ciblées.

En conséquence, bien que nous ayons lancé le processus d'élimination du chlorure au Canada deux ou trois ans avant que l'on commence quoi que ce soit aux États-Unis, on s'intéresse actuellement beaucoup plus activement aux États-Unis qu'au Canada à cette technologie. C'est, selon moi, une conséquence directe de l'intérêt manifesté par la Federal Highway Administration par l'intermédiaire de l'Office of Technology Applications.

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L'autre élément qui nous a aidés aux États-Unis est le fait que le processus a remporté un prix technologique au printemps dernier. Cela a certainement accentué notre profil sur le marché américain et nous a donc été bénéfique. Au Canada, je l'ai mentionné, la situation n'est pas aussi dynamique et c'est peut- être quelque chose dont vous pourriez vous occuper.

Il y a une exception que je voudrais souligner - c'est à la page 6 de mon mémoire. Dans l'ancien programme d'infrastructure national du gouvernement fédéral, il y avait une clause particulière dans l'accord provincial avec le Québec. Il existait une impartition réservée. Des 1,58 milliard de dollars attribués au Québec, 25 millions étaient réservés à des projets qui comportaient l'essai et-ou l'adaptation d'une nouvelle technologie. Pour mettre les choses en perspective, cela représente environ 2 p. 100 des dépenses totales du Québec.

Un certain nombre de projets ont été entrepris, et je suis sûr que cela n'aurait pas été le cas si cet argent n'avait pas été disponible. Par conséquent, si vous avez l'intention d'envisager des programmes semblables à l'avenir, j'aimerais recommander que quelque chose du genre figure dans tous les accords provinciaux et régionaux. Cela semble avoir donné de bons résultats au Québec.

Autre chose au sujet des avantages économiques. Pour notre entreprise, je pense que l'atout, l'avantage le plus important de la nouvelle technologie est son potentiel à l'exportation. Il y a beaucoup de ponts au Canada, c'est certain, mais il y en a encore beaucoup plus dans les autres pays du monde, particulièrement aux États-Unis et outre-mer. Ces ponts souffrent des mêmes problèmes que les nôtres. Par conséquent, si nous découvrons une nouvelle technologie - par exemple, la technologie de l'élimination du chlorure - nous pouvons l'appliquer à un pont de New York tout aussi facilement qu'à un pont de Toronto. Il s'agit d'une décision d'ordre technologique, et non d'une question régionale ou locale. C'est une méthode que nous pouvons appliquer à des ouvrages où qu'ils soient. Donc, de notre point de vue, c'est un énorme avantage économique en puissance que d'être en mesure d'offrir cette technologie aux États-Unis - notamment dans notre cas - et de pouvoir l'appliquer dans ce pays où le marché potentiel est tellement plus important.

En conclusion, l'infrastructure routière est un élément majeur de notre économie et elle coûte très cher. Nous dépensons beaucoup pour l'entretenir. De nombreuses technologies innovatrices ont été mises au point, et beaucoup plus encore sont en voie de développement. Les technologies offrent la possibilité d'améliorer la qualité de notre infrastructure et de diminuer les coûts de son entretien. Mais nous devons reconnaître que le secteur du génie civil est très traditionaliste et hésite à soutenir la nouvelle technologie. Le gouvernement fédéral devrait considérer les avantages que lui procureraient le soutien et la mise en oeuvre de techniques aboutissant à des économies de coût à long terme.

Merci de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Whitmore.

Monsieur Jordan.

M. Jordan: Si je ne me trompe pas, je lis ici que vous attribuez la majorité des dommages au sel, au chlorure de sodium que nous utilisons...

M. Whitmore: ... pour déneiger les routes de manière à ce que la chaussée soit dégagée en hiver.

M. Jordan: Donc, si nous pouvions trouver un produit de substitution, ce serait un progrès.

Il y a une ou deux semaines, j'ai participé... Il y a une région, dans ma circonscription, où les gens prétendent que le sel utilisé sur les routes contamine les puits. On en parlait aux informations. Je m'y suis intéressé et on m'a dit qu'il existait un produit de remplacement, mais qu'il coûtait tellement cher...

M. Whitmore: Il y en a beaucoup.

M. Jordan: ... que l'on n'était pas prêt à l'utiliser. Êtes- vous au courant de cela?

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M. Whitmore: Il existe plusieurs produits de remplacement du sel.

M. Jordan: S'agit-il uniquement d'une question de coût? Est-ce le seul facteur?

M. Whitmore: Bien sûr, parce que les gens qui paient le sel ne sont pas ceux qui paient la réparation des dégâts. C'est une meilleure proposition pour eux d'acheter du sel, car ils ne paient pas, par exemple, la réparation des dommages causés par la corrosion à des centaines de milliers de véhicules... Sans compter que l'argent qui sert à acheter le sel ne vient pas nécessairement de la même caisse que celui qui sert à réparer les ponts et tout le reste.

M. Jordan: Il me semble que si l'on pouvait commencer par empêcher le sel de pénétrer, une bonne partie du problème disparaîtrait.

M. Whitmore: Oui. Et en ce qui concerne les nouveaux ouvrages, on consacre beaucoup plus de temps et d'efforts pour parvenir à cela. Ce sont les ponts qui ont été construits entre les années50 et le début des années 80 qui font problème. C'est cette période-là qui est problématique.

M. Jordan: Les pluies acides et la qualité de l'air ne seraient-elles pas également un facteur de dégradation? Ce n'est pas juste le sel.

M. Whitmore: Effectivement, cela affecte les surfaces dans une certaine mesure, mais il n'a pas beaucoup d'effets en profondeur sur le béton. C'est toutefois indubitablement un facteur.

M. Jordan: Par conséquent, votre marché se trouve en réalité uniquement dans les régions où les conditions climatiques...

M. Whitmore: Où l'on utilise le sel pour le déneigement.

M. Jordan: ...sont telles qu'on doit y avoir recours. La Floride ne représenterait pas un grand marché.

M. Whitmore: Sauf que là-bas, il y a les embruns, par exemple, et qu'ils sont donc exposés essentiellement à... Si vous êtes près de l'océan, vous avez un environnement très semblable - on le voit avec les ponts en Californie, par exemple.

M. Jordan: Qu'est-ce que c'est que ces documents-là? Cela fait-il partie de votre...

M. Whitmore: Je crois que cela appartient au prochain témoin.

M. Jordan: Je croyais que vous alliez nous faire voir de l'acier de construction ou quelque chose du genre.

Le président: Monsieur Keyes.

M. Keyes (Hamilton-Ouest): Merci beaucoup, monsieur le président.

Bienvenue, Dave, et merci d'avoir présenté cette technologie innovatrice au comité.

Je suis un peu embrouillé. J'ai noté là-dedans que votre adresse, si l'on veut plus de renseignements, est à Fargo, dans le Dakota du Nord.

M. Whitmore: Vraiment?

M. Keyes: Oui, à la page 3.

M. Whitmore: Ah, oui, effectivement. Il s'agit du communiqué de presse pour le prix NOVA que nous avons remporté au printemps. Nous avons deux bureaux aux États-Unis. Un à Fargo, dans le Dakota du Nord, et...

M. Keyes: Donc, cette technologie est-elle canadienne ou américaine?

M. Whitmore: La technologie de base est en fait norvégienne. Essentiellement, nous avons participé à la mise en oeuvre de la technologie.

M. Keyes: De qui vous parlez-vous quand vous dites «nous»?

M. Whitmore: Vector Construction.

M. Keyes: Et Vector Construction est une entreprise américaine ou canadienne?

M. Whitmore: Vector Construction est une entreprise canadienne. Nous avons deux succursales dans le haut Midwest, une à Fargo et une à Sioux City, dans l'Iowa. En fait, au Nebraska. La raison pour laquelle on parle de Fargo, c'est parce que c'est un organisme américain qui a décerné le prix, et il...

M. Keyes: Donc, vous avez une licence pour exploiter cette technologie au Canada?

M. Whitmore: Oui.

M. Keyes: Et aux États-Unis?

M. Whitmore: Et aux États-Unis.

Dans l'état actuel des choses, nous travaillons dans les deux pays. Notre entreprise est toutefois domiciliée au Canada et appartient à des Canadiens - essentiellement, c'est une entreprise familiale avec deux bureaux aux États-Unis et quatre au Canada.

Je crois que vous venez de la région de Hamilton.

M. Keyes: C'est exact.

M. Whitmore: Nous avons un bureau à Stoney Creek.

M. Keyes: Parfait. Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Whitmore.

Nous allons maintenant entendre le représentant d'ISIS Canada, un organisme qui fait partie du Réseau canadien de Centres d'excellence sur les innovations en structures avec systèmes de détection intégré, M. Sami Rizkalla.

Sami, comment doit-on vous définir, comme l'un des cerveaux, le cerveau principal...? Je suis sûr que certains de mes collègues espèrent que vous n'allez pas tenter de détecter l'intelligence dans cette pièce.

M. Sami H. Rizkalla (président, Réseau canadien de Centres d'excellence sur les innovations en structures avec systèmes de détection intégrés (ISIS Canada)): Merci, monsieur le président.

Mesdames et messieurs les membres du comité, c'est un plaisir pour moi de pouvoir vous faire part de mes opinions sur le futur du Canada dans le secteur de la construction.

Vous vous demandez peut-être ce que veut dire ISIS. ISIS est l'acronyme de «Intelligent Sensing for Innovative Structures».

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Avant de poursuivre, j'aimerais vous montrer quelques diapositives. ISIS Canada appartient au réseau canadien des quatorze Centres d'excellence établis par le gouvernement fédéral au cours des sept dernières années. Dans ce pays, les activités de recherche et de développement s'orientent vers la création d'un bassin de connaissances.

Ces centres d'excellence ont été mis en place par le gouvernement fédéral principalement pour améliorer l'économie et régler les problèmes, et pour exploiter le savoir-faire et les recherches universitaires. On a établi quatorze réseaux, deux dans le domaine des infrastructures, six dans le domaine de la santé, et les autres dans le secteur des ressources humaines, des ressources naturelles et de l'autoroute de l'information.

Pour ce qui est du projet qui nous occupe - nous en sommes à la seconde phase - , c'est l'un des quatre qui ont été sélectionnés parmi 65 candidatures. Le programme s'appuie sur ce qui se fait de mieux dans le pays en faveur de l'économie et de la richesse par le biais de la recherche.

Nous obtenons de bons résultats, car le programme attire de très importants soutiens financiers externes pour la recherche et le développement dans chaque domaine. Il a intéressé jusqu'à présent 405 entreprises industrielles qui collaborent aux recherches universitaires. Dans le domaine de la santé, 78 hôpitaux, 72 centres fédéraux qui oeuvrent dans la médecine préventive et 41 des 100 premières compagnies de R-D du Canada participent au programme.

Le volet énergétique est celui qui connaît le plus de réussite au niveau de l'application de la recherche et de l'utilisation des ressources des universités et des entreprises pour régler les problèmes canadiens et générer la richesse. Je vous parlerai d'un projet particulier. Je suis président du Centre sur les innovations en structures avec systèmes de détection intégrés, appelé en anglais ISIS. Nous oeuvrons au développement du génie civil et des capacités de construction qui placeront le Canada au premier plan sur la scène internationale. Pour ce faire, nous étudions l'application de matériaux composites de pointe. Je vous parlerai des MCP - matériaux composites de pointe - et des technologies de détection intégrées à fibre optique. Les deux sont des produits de la recherche canadienne.

ISIS est unique en son genre. Notre domaine de recherche n'est pas circonscrit. Il exige une sorte de coopération multidisciplinaire, où l'on s'intéresse aux micropuces, aux capteurs de fibre optique, à l'observation à distance et au traitement intelligent. Nous coopérons à la construction d'ouvrages d'une façon novatrice, des ouvrages qui sont plus économiques et qui offrent une meilleure performance. Nous étudions les ouvrages existants de manière à pouvoir les réparer pour qu'ils durent plus longtemps, qu'ils supportent des charges plus élevées et qu'ils puissent être utilisés de façon pratique pendant longtemps.

L'activité d'ISIS ne se limite pas à Winnipeg ni au Manitoba. Le quartier général est au Manitoba, d'où je viens, mais les travaux et les recherches sont effectués partout au Canada. Nous collaborons avec des entreprises, avec des administrations provinciales et tous ceux dont les activités touchent, de près ou de loin, l'infrastructure.

Nous sommes opérationnels depuis un peu plus d'un an, et dans ce laps de temps nous avons attiré tous ces gens de l'industrie. Nous faisons appel aux laboratoires de recherche et au savoir-faire des universités que nous orientons, avec l'industrie privée, les provinces et les municipalités vers des applications pratiques. Tout le monde collabore pour régler les problèmes du Canada.

Je n'ai pas l'intention de m'étendre sur la question, car je sais que le comité en sait beaucoup plus que moi sur le déficit en matière d'infrastructure. Il ne s'agit pas d'un problème local. C'est un problème d'envergure globale.

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Quand on tente d'estimer le déficit d'infrastructure au niveau du réseau routier national et au Canada, en général, on parle partout de milliards de dollars. Nos activités ont principalement pour objet d'offrir au Canada la possibilité de régler des problèmes qui se posent ici et partout à l'étranger. C'est un peu le même concept que pour le développement du bras spatial canadien, le Canadarm. Nous aimerions que l'industrie de la construction au Canada devienne aussi connue, à l'échelle nationale et internationale, que l'est le Canadarm utilisé par la navette spatiale.

Je ne doute pas que ce comité soit au courant des problèmes d'infrastructure associés à la détérioration du béton. David Whitmore vient d'en parler. Il y a des constructions vieillissantes un peu partout que nous aimerions réparer. On demande de plus en plus que les ponts puissent supporter des charges plus importantes. De nouveaux codes sur la circulation et les charges utiles surgissent un peu partout. Il nous faut répondre à ces demandes.

Que faire? Nous proposons, dans le cadre de cette recherche, de recourir aux matériaux composites de pointe auxquels j'ai fait allusion plus tôt.

Je vais vous montrer ce que sont les MCP. Il s'agit de fibres. Celle-là est une fibre de carbone, mais il pourrait aussi bien s'agir d'une fibre de verre ou de n'importe quel type de fibre fabriquée à partir de la silice. N'oubliez surtout pas de vous laver les mains après avoir touché celle-ci. Il s'agit de fibres minuscules qui sont dix fois plus solides que l'acier. Si on casse l'acier, on peut naturellement utiliser les morceaux. Mais là, il s'agit de bijoux extrêmement chers, en fait...

Des voix: Ah, ah!

M. Rizkalla: Les fibres ne peuvent pas être utilisées sans qu'on leur donne une certaine forme, par exemple, avec de la résine époxy. On les place dans de la résine époxy pour pouvoir fabriquer un produit.

J'ai avec moi ici une barre d'acier et une barre de fibre de verre. Vous pouvez les examiner toutes les deux et les comparer. Vous avez entendu Dave vous dire que l'acier se corrode, ce qui pose un problème dans les ouvrages en béton. La corrosion n'a aucune prise sur cette fibre. Elle est beaucoup plus solide. Voici un câble d'acier et un câble fabriqué avec ce nouveau matériau. C'est ce qu'on appelle des matériaux composites de pointe.

Ce tableau devrait vous aider à mieux voir ce que je veux dire. Si l'on fait figurer l'acier sur ce tableau, il se situe environ à 400 - quelle que soit l'unité de mesure représentée par le nombre 400 - et la fibre se situe à environ 5 500, soit dix fois plus. Certaines de ces barres sont fabriquées au Québec, chez Iserhoff. On en fabrique aussi à Halifax.

Je vais maintenant vous donner une idée de la façon dont les fibres sont compactées et mises en forme dans cette barre. Il y a ici environ 80 000 fibres comprimées dans de la résine époxy pour produire une barre qui aura la même force que l'acier. Il n'y a pas de risque de corrosion et la solidité est dix fois supérieure à celle de l'acier.

Ce matériau peut se présenter sous forme de feuille plutôt que de barre. Voici une coupe transversale d'une feuille. C'est comme du papier peint. Je suis sûr que tout le monde sait comment se présente le papier peint. Vous pouvez utiliser ce matériau sous forme de feuille pour réparer différents types d'ouvrages.

Regardez cet ouvrage que nous connaissons tous. C'est un château d'eau. Dans les châteaux d'eau, avec le temps, le béton se fendille et il finit par y avoir des fuites. Comment s'y prend-on pour régler ce problème actuellement? On en construit un nouveau qui coûte très cher. Mais grâce à ces feuilles, on peut continuer d'utiliser l'installation sans interruption aucune. Vous posez ces feuilles sur l'ouvrage, exactement comme du papier peint dans votre maison.

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M. Keyes: À combien cela revient-il?

M. Rizkalla: Par rapport aux méthodes de réparation classiques, c'est environ 50 p. 100.

M. Keyes: De moins.

M. Rizkalla: On économise de 50 à 60 p. 100.

M. Byrne (Humber - Sainte-Barbe - Baie Verte): S'il fallait carrément remplacer cet ouvrage, c'est ce que vous voulez dire?

M. Rizkalla: Si vous le remplacez, ou si vous construisez un autre mur, comme on fait pour les ponts. Quand on veut accroître la résistance d'un pont, on intercale de nouvelles poutres de béton, ou on encastre les poutres. Avec ces feuilles, on les applique sur la surface.

M. Jordan: Le sel a-t-il un effet?

M. Rizkalla: Vous pouvez extraire le sel ou le laisser à l'intérieur. Ces feuilles produisent un confinement structurel et accroissent la résistance. On parle de 5 000$ plutôt que de 50 000$ pour le béton. La façon d'utiliser cette technologie est ce sur quoi nous travaillons.

M. Jordan: J'ai entendu dire que des poutres qui avaient été décapées avec des solvants ont été réutilisées lors de la reconstruction. Est-ce que cela a quelque chose à voir avec ce dont vous parlez?

M. Rizkalla: Ce qui leur arriverait... On continue de vouloir utiliser l'acier comme élément structurel. Nous remplaçons l'acier avec ceci car...

M. Jordan: Autrement dit, vous mettez hors combat ceux qui utilisent l'acier.

M. Rizkalla: À dire vrai, c'est une combinaison des deux. Si l'on n'utilise pas les feuilles de fibre, au bout de dix ans, il faut recommencer et le faire. Mais pour des ouvrages dont l'importance est critique, nous pouvons utiliser ce matériau et empêcher le sel de pénétrer.

Une autre forme d'application pour les ponts est de placer ce verre sur la surface, ce qui permet presque d'en doubler la capacité.

Regardez ce poteau que nous avons enveloppé. Ce que je vous montre, c'est l'acier qui est actuellement dans le poteau. Si vous regardez maintenant le résultat du test que nous avons fait, vous pouvez constater que l'acier est déjà fracturé et que le matériau est toujours en place.

On a appliqué cette technologie d'un bout à l'autre du pays, en Alberta, en Ontario, en Nouvelle-Écosse, au Québec et à l'Île- du-Prince-Édouard. Un des exemples que j'ai retenu à l'intention du comité est un projet qui a été mené à bien à Winnipeg. Cet immeuble est un très bon immeuble, mais il fallait installer des équipements additionnels de conditionnement d'air et la structure ne pouvait pas les supporter. Nous avons donc - Vector Construction était en fait impliquée dans l'opération et s'est chargée de ce projet - fixé ces feuilles aux nervures du béton qui peut maintenant supporter près de 50 p. 100 de la charge utile.

On peut faire ce genre de travaux sans perturber les activités dans l'immeuble, et c'est certainement économique par rapport à toutes les autres méthodes classiques.

On voit ici Vector Construction et d'autres entreprises qui collaborent avec nous à la réparation d'un pont. Voici l'une des poutres du pont - on fait une expérience pour voir comment cela fonctionnera. On fixe ces feuilles ici, sur la surface et vous voyez ici la forme de la poutre tout entière. Voici un autre pont au Manitoba. L'objectif était de permettre des charges plus élevées ce qui n'était pas possible, compte tenu du design actuel de l'ouvrage, vieux de 30 ans; sans interrompre la circulation, nous avons fixé ces feuilles sur le pont. Le coût est estimé à environ 60 p. 100 d'une autre technique classique de réparation.

M. Keyes: Est-ce que c'est collé à la poutre?

M. Rizkalla: Nous commençons par nettoyer la surface par hydrolase, comme dans un lave-auto, puis nous appliquons de la résine époxy, la feuille et une autre couche d'époxy; en tout, cela peut prendre deux jours et le tour est joué.

Une autre activité de l'ISIS concerne les détecteurs de fibre optique, cette fibre optique que nous connaissons bien, mais dont nous nous servons alors pour la détection. Nous avons équipé de capteurs le pont de l'Île-du-Prince-Édouard, et nous pouvons ainsi communiquer avec lui à distance pour connaître l'action du vent et de la glace sans avoir besoin de nous rendre sur place. S'il y a un problème, nous pouvons le régler avant qu'il s'aggrave.

À Halifax, nous utilisons une technique novatrice de construction des ponts. Habituellement, s'il y a des poutres ou des poutrelles, on pose un tablier d'acier sur le pont; l'acier se corrode, et il faut faire des réparations à tous les deux ou trois ans.

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Nous préconisons de ne pas mettre d'acier du tout. Nous n'utilisons même pas de renforcement. Nous choquons ce matériau, qui sont des fibres choquées, et nous les mélangeons au béton, ce qui dispense de tout renforcement.

Il ne s'agit pas d'une théorie. C'est un vrai pont, le pont de la rivière Saumon, à Halifax. Vous voyez ici que l'on coule le béton, et vous pouvez remarquer qu'il n'y a rien, pas d'acier du tout pour soutenir le béton. C'est comme si quelqu'un avait oublié quelque chose, mais c'est bel et bien le pont tel qu'il est, qui supporte les charges et qui donne entière satisfaction.

Au Québec et en de nombreux autres endroits au Canada, vous remarquerez ce genre de chose un peu partout sur les routes que vous empruntez. Vous pouvez voir l'effet de la corrosion sur l'acier. Nous, nous allons sur place et nous enroulons ces poteaux. Il n'est pas nécessaire de fermer le pont, ni d'interrompre la circulation dans aucune direction. Le travail d'enveloppement des poteaux prend deux jours, et on se retrouve avec de nouveaux poteaux qui supportent des charges supérieures sans avoir eu à interrompre la circulation. C'est le type de technologie dont on dispose et qui est mise au point par l'ISIS pour apporter une solution aux problèmes que pose l'infrastructure.

Il y a un pont en construction actuellement au Manitoba; c'est le premier pont du monde où l'on utilise la technologie de l'ISIS, c'est-à-dire des matériaux composites de pointe et des capteurs en fibre optique. Ce pont - la moitié seulement, car c'est à titre d'essai - sera construit avec ce nouveau matériau et sera équipé de capteurs en fibre optique reliés à un ordinateur. Un ingénieur, quelque part dans un bureau, pourra se brancher dessus. Il y aura une caméra qui nous permettra de nous renseigner sur la charge et d'enregistrer toute détérioration ou tout problème. On accumule ainsi des données complètes sans avoir besoin de se rendre sur place ni d'inspecter l'ouvrage chaque fois.

Si on considère l'ISIS et le programme du réseau de Centres d'excellence ainsi que la recherche, c'est une opportunité non seulement pour faire de la recherche et régler le problème de l'infrastructure, mais aussi pour offrir à la jeunesse du pays une formation de haut niveau, multidisciplinaire... Comme je l'ai dit, nous collaborons avec le secteur de la technologie des puces électroniques pour que le Canada acquière une expertise sans égal nulle part ailleurs. On mettra au point des produits canadiens de haute technologie que l'on pourra exporter car ils seront reconnus comme des produits novateurs et intelligents, recourant à ces fibres optiques et à ces puces ainsi qu'au nouveau traitement intégré des données.

ISIS Canada propose des techniques de réparation économiques - «économique» est le mot clé - efficaces, qui permettent d'utiliser des ouvrages pendant longtemps. L'industrie canadienne a ainsi la possibilité de se développer et de créer des emplois non seulement ici, au Canada, mais à l'étranger et appliquer cette technologie n'importe où dans le monde.

Monsieur le président, c'était ma brève présentation sur ISIS Canada. Je suis heureux d'avoir pu vous communiquer cette information.

Le président: Merci, monsieur Rizkalla.

Y a-t-il des questions?

M. Byrne: Pour en revenir au coût, pour prendre l'exemple du pont que vous avez montré sur une de vos dernières diapositives, à combien estimeriez-vous le coût des matériaux pour ce projet?

M. Rizkalla: Le pont dont nous parlions est en réalité deux ponts, un dans chaque direction, à Winnipeg. Le coût des réparations pour qu'il puisse supporter une charge supérieure... il faudrait construire une autre poutre pour enrober les poutres existantes. Le coût estimé des réparations traditionnelles serait d'environ 10 millions de dollars. Le coût estimé en utilisant cette technologie se situerait entre 6 et 7 millions de dollars. C'est-à- dire environ 60 p. 100 du coût habituel.

Avec la méthode traditionnelle, il faut interrompre la circulation. Il faut fermer le pont pour procéder aux réparations. Deuxièmement, on ajoute trop de poids au pont, et à mon avis, on aggrave plutôt la situation au lieu de l'améliorer.

.1630

M. Byrne: De combien de temps cela augmenterait-il la durée de vie du pont?

M. Rizkalla: Jusqu'à ce que la demande augmente à nouveau, mais cela répondra aux besoins du code de modernisation du pont pour supporter les charges requises. Ce matériau est bien meilleur que le béton. On l'utilise dans le domaine spatial et dans le secteur de l'automobile, et il est bien supérieur à l'acier et au béton.

M. Byrne: Merci.

Le président: Monsieur Rizkalla, pouvez-vous nous dire où en est le reste du monde dans ce domaine?

M. Rizkalla: J'ai eu l'honneur de présider une conférence internationale à Montréal en août dernier. Le ministre, M. Jon Gerrard, y a participé en tant que conférencier d'honneur. Après, les gens lui ont demandé comment le Canada était parvenu à devancer les autres pays du monde dans ce secteur. On effectue beaucoup de recherches aux États-Unis, en Europe et au Japon, mais le Canada est considéré comme l'un des pays les plus avancés dans ce domaine.

En fait - c'est une nouvelle qui est sortie cette semaine - j'ai été désigné pour changer les codes aux États-Unis et au Canada de manière à ce que l'on dispose d'un code pour les ingénieurs dans ce domaine. La réponse à votre question est que nous sommes très en avance par rapport aux autres pays.

Le président: Où en est l'industrie dans l'application de cette technologie? Il s'agit d'une technologie relativement nouvelle. Nous en sommes tout juste au stade de l'expérimentation dans certains endroits.

Voici une des questions qui se pose dans le cadre du renouvellement de notre réseau routier national. Le réseau, tel qu'il est actuellement, comprend 3 000 ponts. Un peu plus de 700 d'entre eux auraient besoin de réparations majeures. L'industrie est-elle en mesure de répondre à des demandes de cet ordre?

M. Rizkalla: L'industrie a déjà commencé à faire le nécessaire. ISIS Canada n'existe que depuis un an. Jusqu'à présent, nous avons eu environ dix projets. Nous discutons avec les propriétaires et les provinces pour faire accepter cette technologie. Cela va demander du temps, mais j'ai l'impression que cela va déboucher très rapidement, dès que l'on saura que les résultats sont là et que c'est à la fois facile à utiliser et rentable.

Pour l'instant, il faut discuter. Je suis venu ici pour sensibiliser les gens à cette technologie. Il faut collaborer et utiliser une partie des crédits d'infrastructure pour compenser certaines inconnues. Quand on répare un pont comme celui-ci, le propriétaire ne sait pas ce que c'est. Il faut que nous fassions un test, ce qui, à ce stade, entraîne des coûts supplémentaires.

C'est très prometteur, mais nous devons travailler très fort pour nous assurer qu'il y a la publicité voulue. Les ingénieurs sont des gens qui ont une mentalité très conservatrice. Ils aiment disposer de codes et de normes auxquels ils peuvent se référer mais actuellement, il n'y a ni code ni norme. Tout repose sur la volonté de relever le défi et de le faire avec l'aide d'ISIS Canada.

Le président: Jusqu'à présent, on estime que le coût des réparations d'un pont au moyen de cette nouvelle technologie est de 50 à 60 p. 100 inférieur au prix de revient classique du renforcement d'un pont et de sa mise à niveau par rapport au code.

M. Rizkalla: Tout à fait. Les 60 p. 100 en question correspondent à une estimation pour un pont au Manitoba. Dillon Consulting Ltd. a conçu un projet pour réparer le pont de la rue Maryland. On parle d'un coût de 10 millions de dollars. En utilisant ce matériau, l'estimation est d'environ6 millions de dollars. Il s'agirait donc d'une économie de l'ordre de 40 p. 100.

Le président: Il s'agit d'un matériau relativement nouveau; donc présumément, si la demande pour ce matériau augmentait, son coût diminuerait fortement.

M. Rizkalla: Tout à fait. Ce que nous fabriquons, comme la barre qui a été fabriquée en Nouvelle-Écosse, c'est presque comme une Rolls-Royce: on fabrique pour une utilisation très précise.

Pour moi, c'est un peu la même chose qu'avec les calculatrices. Quand j'ai acheté ma première calculatrice, j'ai payé 400$ pour quatre ou cinq fonctions; aujourd'hui, on peut avoir des centaines de fonctions pour 2$. C'est juste une question de faire décoller la technologie. Ensuite, ce sera très raisonnable, même moins cher et plus économique.

Le président: Très bien. Je crois comprendre que l'Université de Sherbrooke fait partie du réseau ISIS.

.1635

M. Rizkalla: L'Université de Sherbrooke est l'un des principaux noeuds d'ISIS Canada du fait qu'elle est chargée d'une application particulière de la technologie, c'est-à-dire la remise en état et la réparation des ouvrages. Elle s'occupe actuellement de plusieurs projets. Celui du pont de Sherbrooke, sur la route 10, est supervisé par l'Université de Sherbrooke, et il y a aussi un parc de stationnement où l'on fait des travaux avec l'aide de l'Université de Sherbrooke.

Le président: Cela a soulevé une question.

C'est M. Crête. Il vient juste d'arriver.

[Français]

M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Ma question ne porte pas nécessairement sur l'Université de Sherbrooke. Je voudrais m'excuser de n'avoir pu arriver plus tôt et j'espère que je ne vous ferai pas répéter certaines choses. Ce sujet m'intéresse beaucoup. Est-ce qu'il y a une possibilité de faire l'exportation du know-how, du savoir-faire? A-t-on fait une évaluation du marché qui pourrait être développé dans d'autres pays ou dans les pays du Sud, non seulement en matière de technologie comme telle, mais aussi en vue de vendre l'idée de faire les choses différemment en tenant compte de vos projets? A-t-on fait une telle évaluation?

[Traduction]

M. Rizkalla: C'est une très bonne question; je suis, bien sûr, prêt à vous redonner toutes les informations que vous pouvez désirer.

C'est la principale mission d'ISIS Canada, et c'est aussi celle des Centres d'excellence qui appartiennent au réseau: promouvoir et mettre en oeuvre cette technologie en collaboration avec l'industrie et aider cette dernière à l'appliquer non seulement au Canada, mais également à l'étranger. De fait, nous avons embauché deux personnes et nous sommes sur le point d'en engager deux autres pour travailler dans l'industrie et faciliter l'application de cette technologie.

Dans le cadre de l'un des projets, le gouvernement des Philippines nous a demandé d'appliquer cette technologie dans le pays. Wardrop Engineering Inc., qui est une compagnie canadienne, a un contrat aux Philippines dans le cadre duquel cette technologie sera utilisée.

Nous collaborons avec plusieurs entreprises ici, au Canada, pour effectuer des travaux aux États-Unis.

En réponse à votre question, c'est l'une de nos missions en tant que réseau, de promouvoir cette technologie, de nous assurer que la propriété intellectuelle demeure au Canada, de créer des entreprises et de les aider à appliquer cette technologie avant les autres. C'est l'une des missions que nous poursuivons à ISIS Canada.

[Français]

M. Crête: Merci.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Crête.

Merci, monsieur Rizkalla. Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de venir ici aujourd'hui.

M. Rizkalla: Je vous remercie. Cela m'a fait plaisir.

M. Keyes: Le réseau des Centres d'excellence représente un réel avantage pour le Canada, et nous devons continuer de soutenir ce mode de financement et de recherche et de le protéger.

Le président: Merci, monsieur Keyes, car cette question sera précisément soumise au Cabinet dans environ une semaine.

M. Keyes: Nous leur enverrons copie du compte rendu.

Le président: Absolument.

Monsieur Rafferty, vous venez d'Hambros Canada Inc., de la Banque Hambros?

M. Liam Rafferty (sous-directeur et responsable de la Section du financement de projets, Hambros Canada Inc.): Oui, monsieur le président, c'est exact. Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité.

[Français]

Bonsoir, monsieur le président et membres du comité.

[Traduction]

Monsieur le président, l'objet de ma présentation d'aujourd'hui devant le comité est de parler d'une approche que l'on pourrait appliquer à l'infrastructure routière au Canada, comme on l'a déjà fait au Royaume-Uni et en Australie. C'est une option à considérer pour mettre en oeuvre une politique routière fédérale, de concert avec les provinces et, de plus en plus, les municipalités, et elle serait susceptible d'améliorer le réseau routier national actuel en plus d'offrir la possibilité de l'étendre, notamment par le biais d'une collaboration entre le fédéral et les provinces.

.1640

Monsieur le président, comme vous l'avez noté, je m'appelle Liam Rafferty. Je suis sous-directeur d'Hambros Canada, chargé de la Section du financement de projets. Je suis aussi un directeur adjoint de la Banque Hambros de Londres, en Angleterre.

Mes collègues, Mark Warren, qui est directeur général d'Hambros Canada, et notre président désigné, Harry Swain, que certains d'entre vous connaissent peut-être du temps où il était sous-ministre, le plus récemment, au ministère de l'Industrie, n'ont pas pu venir aujourd'hui. M. Swain se trouve en ce moment au Royaume-Uni et M. Warren est sur le point de partir pour l'ouest du Canada. Ils auraient tous les deux souhaité être ici aujourd'hui mais malheureusement, leur emploi du temps ne le leur a pas permis.

Pour expliquer très brièvement qui nous sommes et pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, rappelons qu'Hambros Canada est une filiale à 100 p. 100 de la Banque Hambros. La Banque Hambros est une banque d'affaires du Royaume-Uni qui réalise un vaste éventail de transactions commerciales, et qui s'intéresse particulièrement au financement de sociétés et de projets, aux produits dérivés - ce qui fait toujours dresser les cheveux des gens quand on leur parle - et aux échanges de monnaies de toutes sortes pour permettre les prêts transfrontières. C'est une banque d'affaires installée au Royaume-Uni depuis 150 ans.

Hambros effectue également d'importantes opérations de financement d'entreprises et de projets en Australie et a récemment étendu son activité au Canada et en Afrique du Sud pour y exploiter de nouveaux domaines d'expertise. Hambros offre aussi des services spécialisés de prêts et de placements privés à New York, où la banque occupe une place importante dans le domaine du financement des placements privés pour une variété de projets.

Monsieur le président, j'ai apporté aujourd'hui au comité une documentation qui décrit l'approche globale des partenariats publics-privés. Il y a aussi des documents que j'aurais aimé pouvoir fournir au comité, mais que je ne suis pas en mesure de distribuer aujourd'hui. Il s'agit d'un rapport préparé à l'origine pour Transports Canada. J'ai eu l'occasion de rencontrer un des membres du Comité des transports quand ce rapport a été présenté et examiné. Il sera utile au comité et avec votre permission, monsieur le président, je le ferai distribuer ultérieurement à tous les membres, par l'intermédiaire du bureau du greffier.

Comme je l'ai indiqué, monsieur le président, le but de ma présentation est de vous parler d'une approche de structuration et de financement qui pourrait s'appliquer notamment à l'infrastructure routière, mais qui fonctionne très bien dans le cas d'autres infrastructures de transport. Cette approche a été utilisée avec succès dans d'autres pays du G-7, notamment au Royaume-Uni et dans d'autres pays possédant un régime de droit similaire à celui du Canada, notamment en Australie.

La structure contractuelle a présenté deux avantages au niveau de l'application. Le premier est que l'on a pu démontrer que la qualité de la construction des routes avait été améliorée, notamment dans les climats froids, où le gel et le soulèvement des sols posent un dilemme annuel comme peut le constater quiconque emprunte le Queensway à Ottawa ou n'importe quelle autre grande route canadienne. La qualité de la construction des routes et la disponibilité des voies sont des éléments importants d'une politique routière et d'une politique d'infrastructure nationale.

Deuxièmement, la mise en oeuvre de cette structure contractuelle a démontré qu'elle réduit à la fois les coûts d'immobilisation et les coûts d'exploitation dans une variété d'applications, dont un grand nombre sont détaillées dans le rapport que je ferai parvenir ultérieurement au comité.

La structure contractuelle elle-même est ce que l'on appelle un contrat de dessin, construction, financement et fonctionnement. De nombreux acronymes sont utilisés pour y faire référence. Toutefois, nous employons DCFF qui renvoie manifestement à ces quatre concepts - dessin, construction, financement, fonctionnement.

Un contrat de DCFF a trois caractéristiques. La première est que, pour mettre en oeuvre un contrat de construction routière, le gouvernement ne définit pas précisément la conception de l'ouvrage, mais fixe plutôt des obligations de résultats et des normes de qualité. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas participation au niveau du génie civil - loin de là. L'implication dans le génie civil reste considérable, mais la fourniture de critères de conception et de résultat laisse néanmoins beaucoup de flexibilité au partenaire du secteur privé qui peut recourir à des techniques de construction et de conception permettant de limiter les coûts.

Le deuxième élément clé d'un contrat routier de DCFF est l'idée que le gouvernement achètera un service et non une infrastructure. Par cela il faut entendre l'achat d'un passage routier sécuritaire sur un tracé défini plutôt que le système où, en lançant un appel d'offres et en concluant un marché classique, on arrive, en bout de ligne, à obtenir l'offre la moins coûteuse correspondant à un éventail précis de spécifications concernant la conception de l'ouvrage. Cette formule laisse au gouvernement, qu'il soit municipal, provincial ou fédéral, tous les risques associés à la propriété et la responsabilité d'exploiter et d'entretenir la route à long terme.

.1645

La nouveauté que représente un contrat de DCFF est que vous invitez le secteur privé non seulement à construire votre route, mais à l'exploiter, à l'entretenir et en fait, à la payer pendant toute la durée de vie de la concession à long terme, c'est-à-dire habituellement entre 25 et 35 ans. À l'expiration de la concession, il y aura une infrastructure qui revient au gouvernement qui avait souscrit le contrat avec le secteur privé, habituellement pour un coût nominal.

Cette structure, qui a été mise en place au Royaume-Uni et en Australie, a été financée par ce que l'on appelle un péage virtuel. L'idée a généré beaucoup d'intérêt récemment, surtout à cause de l'irritation que provoque le recours au péage pour des réseaux routiers qui ont déjà été financés au moins une fois par les contribuables. On peut constater une réticence manifeste à la mise en place d'un système de péage pour des routes qui ont déjà été construites à l'aide des recettes générales.

Que l'on pense à l'exemple récent des péages sur les autoroutes québécoises. Cela a défrayé le coût de la route. Vous auriez, toutefois, je présume, des difficultés à persuader les automobilistes qu'ils devraient payer à nouveau pour quelque chose qu'ils ont le sentiment d'avoir déjà payé à la pompe et au péage.

Avoir recours à un mécanisme de paiement fondé sur un péage virtuel présente certains avantages substantiels pour l'entité gouvernementale qui est en mesure de financer la construction d'un réseau routier en utilisant soit les taxes sur les carburants ou les recettes générales. Si vous adoptez le principe que, sur de grands segments du réseau routier canadien - encore une fois, que ce réseau soit exploité par les autorités fédérales, provinciales ou municipales - , nous n'allons pas installer des postes de péage sur chaque route, on peut quand même envisager que le gouvernement continue de jouer un rôle dans le financement des infrastructures routières.

Toutefois, ce rôle peut être adapté, grâce au recours à un péage virtuel, de façon à correspondre plus étroitement à la situation dans laquelle se trouve quelqu'un qui a la possibilité et les moyens d'installer des postes de péage ou, comme nous avons entendu dire que c'est le cas aujourd'hui en Nouvelle-Écosse et en Ontario, d'avoir recours à un péage électronique permettant de circuler sans être contraint de s'arrêter, et qui élimine la nécessité d'embaucher du personnel.

La caractéristique la plus significative d'un contrat de DCFF pour la construction de routes pour le secteur public est qu'il exige un transfert de risque proportionnel à la longueur de la période d'exploitation - encore une fois, dans une transaction de ce type, on parle généralement de 25 à 35 ans - , mais cela exige également un transfert de risque couvrant le coût nécessairement très élevé d'un financement privé.

Quelle que soit la situation dans laquelle les gouvernements au Canada se trouvent à l'heure actuelle, un gouvernement peut toujours emprunter à moindre coût que n'importe quelle source de financement privé, même celles qui ont la meilleure cote de solvabilité. C'est encore - et ce sera toujours, je suppose - un fait, étant donné les différences qui existent entre les organes gouvernementaux et ceux du secteur privé quant à la faculté de lever des fonds. Ainsi donc, il ne fait aucun doute que le coût d'un financement privé sera plus élevé, et on a pu constater que la presse faisait entrer ce point en jeu, notamment en Ontario à propos des discussions concernant l'autoroute 407.

Le message que je suis venu transmettre aujourd'hui au comité, qui est également, je peux le souligner, celui que l'on veut transmettre à tous les paliers de gouvernement au cours de la conférence qui se tient en ce moment même à Toronto, et qui est parrainée par le Conseil canadien pour les partenariats publics- privés, est le suivant: Le coût plus élevé du financement privé, s'il est compensé par un transfert de risque à valeur ajoutée, permet toujours d'aboutir à une solution moins coûteuse et - on pourrait le démontrer - à une solution plus efficiente sur le plan des capitaux qui doivent être engagés, que le mécanisme auquel on a actuellement recours.

Permettez-moi, monsieur le président, de dire en passant que si j'étais membre de ce comité, je serais sans doute fatigué d'entendre des représentants du secteur privé prétendre que dès que l'on prononce les mots «secteur privé», cela signifie automatiquement que c'est mieux. Ce n'est pas vrai. Le secteur privé n'a rien à apprendre lorsqu'il s'agit de perdre de l'argent; ce n'est pas le domaine réservé du gouvernement.

La solution qui consiste à avoir recours à un péage virtuel du secteur privé prend toute sa signification dans le cadre d'un contrat DCFF, car c'est dire au secteur privé, vous n'avez pas intérêt à construire au plus bas prix à court terme; au contraire, vous avez tout intérêt à construire une route de la meilleure qualité possible dès le début de votre concession, afin de minimiser les coûts d'entretien et de réparations de cet actif tout au long de sa vie utile.

.1650

À quel type de mécanisme de paiement un péage virtuel permet- il à un gouvernement d'avoir recours? Il ne s'agit pas de théories abstraites. Concrètement, au Royaume-Uni où l'on utilise ce mécanisme depuis 1991, les marchés publics routiers fonctionnant sur la base d'un péage virtuel s'élèvent à la coquette somme de 1,5 milliard de dollars. C'est une information récente. Et c'est une information que, en l'occurrence, la Hambros Bank connaît bien, étant donné qu'elle a agi à titre de conseiller auprès du gouvernement britannique, non seulement pour élaborer la politique, mais aussi pour effectuer la passation des contrats, et les négocier.

Un projet routier de DCFF financé par le biais de péages virtuels repose sur trois propositions qui changent entièrement la nature du flux des paiements. Premièrement, vous payez le rendement, et non l'achat de l'actif. Par conséquent, au cours des 18 mois ou des deux ans qui s'écoulent avant que la route soit ouverte, le gouvernement n'a à engager aucun fonds - contrairement à ce qui se passe dans le cadre d'un marché de construction traditionnelle, où des paiements progressifs doivent être effectués tout au long de cette période.

Il s'agit d'un avantage non négligeable si l'on considère que cela libère le gouvernement de l'obligation de réunir des capitaux, notamment dans le cas de projets de construction routière qui peuvent nécessiter l'injection de centaines de millions de dollars quand on en est encore au stade de la planche à dessin; on devine ce que cela coûte lorsque l'on commence à creuser.

Éliminer la nécessité de réunir des capitaux en transférant le risque de financement au secteur privé est un incitatif substantiel. En outre, les péages virtuels sont payés sur la base du rendement. On peut définir le rendement selon divers critères. Celui qui s'impose à l'esprit est l'utilisation effective de la route par les usagers, utilisation contrôlable par voie électronique. On peut aussi, le cas échéant, effectuer un contrôle manuel.

Par ailleurs, dans le cadre d'un contrat routier de DCFF, on a le droit et le loisir d'ajouter des conditions. En plus de mesurer simplement la circulation, on peut aussi demander que l'on détermine si la vitesse atteinte par les véhicules est adéquate et si la sécurité est suffisante. Ou encore vérifier si les antécédents relatifs à la disponibilité des voies de circulation indiquent que les huit ou les quatre voies requises en vertu des normes de rendement sont toutes ouvertes en permanence, ou pratiquement.

Le bon côté de la médaille lorsque vous payez au rendement dans le cadre d'un contrat routier de DCFF c'est que vous pouvez également imposer des sanctions si le rendement n'est pas adéquat. Si les voies sont fermées plus longtemps que pendant les périodes minimum convenues pour effectuer les travaux d'entretien réguliers, non seulement le nombre des véhicules qui empruntent la route diminue, mais vous pouvez également, dans le cadre de votre contrat, imposer des sanctions pécuniaires. Il est plus fréquent de pouvoir agir ainsi, cela va sans dire, je pense, dans une zone urbaine où la circulation est intense que dans une région rurale où la route est moins fréquentée. Donc, plus la concession a de la valeur, plus les pouvoirs publics ont la possibilité d'ajouter au contrat des mesures de contrôle et des garanties, et jouer ainsi un rôle qui dépasse celui de simple trésorier-payeur.

Du point de vue du gouvernement - et sur le plan de la comptabilité - l'aspect le plus important des paiements contractuels fondés sur un système de péage virtuel est qu'ils sont effectivement conditionnels. Ils sont fonction de l'utilisation de la route, ils dépendent du respect de normes de rendement minimales et de la disponibilité des voies. Si le secteur privé construit une route de mauvaise qualité, il devra consacrer plus de temps à son entretien; il ne sera donc pas en mesure d'y faire circuler autant de véhicules, et gagnera par conséquent moins d'argent.

En milieu urbain, le secteur privé absorbera pratiquement tout le risque, comme le démontre ce qui se passe dans d'autres pays.

On parle beaucoup de l'intérêt que peuvent revêtir pour les gouvernements les solutions hors bilan et hors crédit. Un financement sans effet sur le bilan a certainement une valeur lorsque celle-ci est reconnue au stade de la vérification - c'est- à-dire lorsqu'une vérification confirme que traiter ce financement hors bilan est approprié. Ce type d'évaluation est effectué au stade de la vérification, lorsqu'un risque substantiel est transféré du secteur public au secteur privé. Le secteur public n'exploite plus la route - le secteur public achète un service.

Un engagement hors bilan existe également lorsque les prêteurs ne peuvent exercer qu'un recours financier limité, voir nul, à l'égard du trésor public. Cela a aussi son importance. Les projets lancés au Royaume-Uni et en Australie ont démontré que, dans les zones urbaines, on s'intéresse à une dette sans recours, financée par le secteur privé et dont le remboursement est fonction des recettes générées par un système de péages électroniques, ou d'un flux de paiements émanant du gouvernement dont le versement est soumis à des conditions. Toutefois, on peut au moins être certain que, lorsqu'une facture justifiée est présentée, les prêteurs sont assurés qu'elle sera honorée.

Deuxièmement, au plan de la réduction des coûts, on a pu constater au Royaume-Uni que dans le cadre des soumissions retenues pour un contrat de DCFF, les coûts des immobilisations - par rapport aux coûts comparables dans le secteur public - étaient réduits, en moyenne, de 19 p. 100. Dans le cas des soumissions retenues pour l'entretien et l'exploitation, elles étaient généralement entre 30 et 35 p. 100 plus basses que ce qui avait été enregistré dans le secteur public. Évaluées sur la base de la valeur totale actuelle, les soumissions du secteur privé, dans le cadre d'un contrat routier de DCFF, représentaient un coût de 17 p. 100 moins élevé que le coût comparable du secteur public.

.1655

Ces données générales proviennent de projets routiers d'une valeur de 1,5 milliard de dollars lancés au Royaume-Uni depuis 1991. Il s'agirait de voies de communication interurbaines comparables à celles que l'on trouve en Ontario, par exemple, les autoroutes de la série 400, ou au Québec, par exemple, l'autoroute 20 et l'autoroute 40, ainsi que l'autoroute des Laurentides - des autoroutes et des voies de communication interurbaines à quatre, six et huit voies.

Monsieur le président, je me montrerais très négligent si, dans le cadre de mon exposé sur les contrats routiers de DCFF, je ne soulignais pas un élément très important pour faire valoir la participation du secteur privé. Comme je l'ai dit auparavant, ce n'est pas le fait de mentionner le «secteur privé» qui améliore les choses.

Il suffit de voir ce qui s'est passé avec l'eurotunnel. Beaucoup de gens éclairés ont pensé que c'était un projet qui valait la peine d'être financé. Il semblerait qu'ils se heurtent, à titre de prêteurs ou d'exploitants privés, à certaines difficultés. Prendre des décisions qui ne s'avèrent pas rentables n'est pas, je l'ai dit, uniquement l'apanage du gouvernement.

Quand il s'agit de déterminer s'il y a avantage à travailler avec le secteur privé, il faut comparer les pommes avec des pommes. Vous avez devant vous une proposition comptable avalisée par d'autres autorités compétentes fonctionnant dans le cadre de la common law, et que nous conseillerions au comité de considérer pour appliquer une politique routière nationale.

L'évaluation du risque assumé par le gouvernement doit être faite exactement de la même façon que l'évaluation du risque encouru par le secteur privé. Permettez-moi de prendre un moment pour vous parlez mon expérience dans le domaine des partenariats privés-publics, expérience acquise lorsque j'agissais au nom d'un gouvernement.

Un gouvernement n'évalue pas tous les risques qu'il assume lorsqu'il passe des marchés selon la méthode traditionnelle. Dans bien des cas, il n'est pas obligé d'évaluer le risque parce que sa capacité d'autogarantie dépasse les limites de n'importe quelle entité commerciale. Mais pour faire une véritable comparaison entre les coûts du secteur privé et les coûts du secteur public, il faut comptabiliser les coûts du secteur public d'une manière qui est susceptible de satisfaire à une vérification; tenir compte des risques majeurs, et leur attribuer une valeur pécuniaire; et prendre en compte également le risque d'obsolescence ou de détérioration précoce du réseau routier - en vous fondant sur votre expérience - et attribuer à cela une valeur pécuniaire.

Dans le secteur privé, quand on fixe un prix pour des travaux que l'on compte effectuer, on inclue des fonds de réserve et des provisions pour risque qui couvrent les pires situations raisonnablement envisageables. Si je suis obligé de reconstruire cette route beaucoup plus tôt que je ne m'y attendais, quelle somme faut-il prévoir au devis pour en tenir compte? C'est juste un exemple.

Au Royaume-Uni, le Bureau de vérification a élaboré un concept appelé «comparateur du secteur public». On y a systématiquement recours avant de mettre en oeuvre un contrat routier de DCFF. Le secteur privé doit démontrer que ses coûts sont moins élevés que le comparateur du secteur public avant que l'on décide de faire appel à lui pour financer et entreprendre la construction de routes.

Monsieur le président, j'ai deux ou trois observations finales à faire sur l'application de nouveau concept de fourniture d'infrastructures routières.

L'avantage d'adopter la solution d'un contrat de DCFF financé par le secteur privé - mis à part le fait que l'entrepreneur défend son propre intérêt en veillant à la qualité de l'actif en question et à son entretien continu - est que cela accélère les projets d'équipement. Libérés de la nécessité de générer des capitaux importants au départ afin d'assurer le financement requis par les entrepreneurs - pour en avoir une idée, il suffit de penser à la construction de routes ou d'une voie de communication permanente - les gouvernements peuvent financer leurs obligations de façon continue à même les recettes générales, plutôt que d'être obligés de réunir des capitaux dès le départ. L'avantage est l'accélération des projets d'équipement et une forte création d'emplois pour les gens de la région où ont lieu les travaux.

En outre, le partenaire privé qui signe un contrat routier de DCFF devient, pour le gouvernement, un contribuable. Il y aura bien sûr des gens qui vont gagner leur vie et payer des impôts, mais il y aura également ainsi une entreprise qui va elle aussi payer des impôts. Elle aura la possibilité de demander des déductions pour amortissement. En revanche, ses recettes seront imposables comme revenu, avant même d'être distribuées aux employés.

Les documents que je vous ai remis aujourd'hui, monsieur le président, décrivent les partenariats publics-privés en général. Pour que les projets de construction routière ou tout autre projet d'infrastructure entrepris dans le cadre d'un contrat de DCFF réussissent, il faut que les gouvernements précisent leurs attentes et leurs exigences dès le départ. Je pourrais vous dire - je le ferai s'il me reste quelques instants à la fin de mon exposé - que j'ai fait moi-même l'expérience amère de ce qui peut arriver lorsque ces attentes ne sont pas précisées dès le départ.

Le document que j'ai distribué aujourd'hui aborde en détail le développement d'une politique de partenariat public-privé. De notre point de vue, il s'agit d'une étape préliminaire avant de passer à la mise en oeuvre, notamment en ce qui concerne les infrastructures, un domaine où, selon moi, des dépenses d'équipement supplémentaires de la part du gouvernement canadien sont de plus en plus souhaitables. Il est certain que pour certains des 9 p. 100 de Canadiens qui cherchent encore du travail, ce serait une solution favorable.

.1700

Les documents que je compte vous distribuer sont actuellement entre les mains de fonctionnaires de Transports Canada. Il s'agit d'un rapport sur le projet entrepris au Royaume-Uni, rapport qui a été commandé par Transports Canada à Hambros, et que nous avons utilisé dans le cadre de plusieurs présentations au personnel de Transports Canada. Je peux fournir copie de ce document au greffier qui pourra sans doute vous en fournir des exemplaires plus efficacement que je ne pourrais le faire.

En terminant, juste pour préciser qui nous sommes et pourquoi nous faisons ce genre de présentation, M. Keyes et moi-même nous nous connaissons depuis l'époque où je résidais à Hamilton. Avant de travailler pour Hambros, j'étais gestionnaire de projet pour la région de Hamilton - Wentworth, et j'ai été négociateur en chef, avec Philip Environmental, de la privatisation des systèmes d'alimentation en eau et d'évacuation des eaux usées de la région. C'est la plus importante transaction du genre a avoir été réalisée en Amérique du Nord. Il y a eu ensuite la privatisation de l'aéroport de Hamilton - qui, selon nous, est le joyau de tous les biens dont se dessaisit Transports Canada dans la catégorie des aéroports - une transaction qui, d'après ce que je crois savoir, doit être finalisée avant la fin de l'année par Transports Canada, la région et le secteur privé.

Bien des observations que je fais valoir sur le sujet qui nous occupe ne sont pas tirées uniquement de mon expérience à la banque Hambros. Je peux vous dire - étant donné qu'à titre de représentant du gouvernement j'ai pu suivre le processus de très près - qu'il est sage de préciser les attentes avant de commencer. Mais il existe des règles pour définir un partenariat entre le gouvernement et l'industrie privée, tant que ce partenariat se traduit par un avantage réel.

Je suis très heureux d'avoir eu l'occasion de comparaître aujourd'hui devant le comité, et je répondrai très volontiers à toute question que vous pourriez souhaiter me poser.

Le président: Merci, monsieur Rafferty. Nous sommes très heureux que vous soyez des nôtres.

Avant de donner la parole à mes collègues pour qu'ils puissent vous poser des questions, je voudrais revenir à la fin de votre exposé. Vous avez utilisé le mot «désastreux». On a beaucoup discuté de ce qui constitue un véritable partenariat public-privé, par opposition à certaines relations que l'on qualifie abusivement ainsi. On cite, par exemple, ce qui fait la différence entre l'autoroute 104 et l'autoroute 407, en laissant entendre que dans le cas de la 407, les critères ne sont pas respectés.

M. Rafferty: Je m'en voudrais de dénigrer le groupe du secteur privé ainsi que les fonctionnaires du gouvernement qui ont certainement voulu agir dans le meilleur intérêt de la population de l'Ontario en ce qui concerne l'autoroute 407; mais le vérificateur provincial a déclaré sans équivoque qu'il n'y avait pas eu un transfert de risque adéquat dans le cadre de ce projet pour que l'on puisse à proprement parler d'un partenariat public- privé. Mis à part les avantages que peut présenter l'arrangement particulier adopté par l'Ontario, de notre point de vue, le transfert du risque financier au secteur privé est une condition sine qua non d'un partenariat public-privé.

Permettez-moi également d'ajouter, monsieur le président - et vous avez raison de dire que l'expression est utilisée largement et de façon imprécise - que l'objet des partenariats publics-privés n'est pas de se libérer de ses obligations dans le cadre d'ententes collectives, ni de devenir un fournisseur à bas prix, de chercher avant tout l'entreprise qui fera les travaux pour le moindre coût, peu importe leur qualité. Ce n'est pas ce qu'impliquent des partenariats publics-privés. Les organes gouvernementaux qui y participent judicieusement disent s'attendre à ce que vous traitiez leurs employés de la même façon qu'eux-mêmes les traitent. Personne ne peut faire de chèque indéfiniment, ni garantir quoi que ce soit pour toujours. Toutefois, ce genre d'exigence est prise en compte, comme il se doit, dans le cadre des partenariats en question.

La principale caractéristique d'un véritable partenariat public-privé est l'intérêt continu du gouvernement pour la fourniture du service qui fait l'objet du contrat. Lorsqu'il y a dessaisissement - un exemple qui s'applique à l'échelle municipale en Ontario - et que l'on dit aux municipalités qu'elles sont obligées d'exploiter les maisons de retraite, elles ne sont tenues d'en exploiter qu'une, même si bon nombre d'entre elles en ont une douzaine. Vous pouvez tout simplement vous dessaisir de cette fonction. L'industrie des maisons de retraite est maintenant mature. L'intervention du gouvernement n'est plus nécessaire. Il s'agit alors d'une privatisation. À moins que l'arrangement soit différent, il ne s'agit pas d'un partenariat public-privé.

Lorsqu'il y a partenariat public-privé, le fait qu'il y ait de la part du secteur public des attentes au début du contrat, au cours du contrat et à la fin du contrat - des attentes qui sont définies et communiquées par le gouvernement au secteur privé - est un élément essentiel de l'arrangement. C'est la raison pour laquelle on procède de cette façon. D'un côté, on obtient un meilleur financement pour le projet, et on l'obtient plus tôt; en revanche, cela permet d'atteindre un objectif social. Parfois, pour atteindre cet objectif, le gouvernement doit investir parce que cet objectif social est ce qui fait la différence entre une transaction rentable et un arrangement non rentable. Ce n'est toutefois pas pour cela qu'il n'existe pas de partenariat public-privé.

Dans le cas de l'autoroute 104, les frais de financement étaient partagés par le gouvernement et le secteur privé. Je pense que l'on s'est rapproché beaucoup plus - du moins c'était l'opinion du vérificateur de l'Ontario - d'un arrangement que l'on aurait pu qualifier de véritable partenariat public-privé.

À mon avis, il serait juste et important de souligner que le groupe CHIC - notre organisme connaît bien les membres de ce groupe - et les autres concurrents dans le cas de l'autoroute 407 étaient tout à fait disposés à proposer un financement; ce qu'ils ont fait, d'ailleurs. La province a décidé à l'époque, j'y ai fait allusion plus tôt, me semble-t-il, que le projet pouvait être mis en oeuvre à moindre coût. Conceptuellement parlant, ce n'est pas la façon de procéder. Loin de moi, toutefois, l'idée de suggérer que les gens qui agissaient au nom de l'Ontario n'avaient pas à coeur les meilleurs intérêts de la province.

.1705

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Crête.

[Français]

M. Crête: Merci beaucoup pour la présentation. J'ai parcouru rapidement le mémoire que vous avez déposé. À l'annexe 2, vous parlez d'un contrat que vous conclu avec Transports Canada pour préparer une conférence à l'intention du ministre des Transports du Canada et des dix ministres des Transports provinciaux. Cette conférence a-t-elle déjà eu lieu? Son contenu est-il quelque peu semblable à ce que vous nous présentez dans ce document? Pourriez-vous nous parler davantage de cette conférence à laquelle vous faites allusion à l'annexe 2?

M. Rafferty: Il y a six semaines se tenait à Charlottetown une conférence organisée par l'Association des transports du Canada. Transports Canada coordonnait une conférence à l'intention de tous les membres des ministères des Transports, tant à l'échelon fédéral que provincial.

Nous y donnions une présentation très similaire à celle que je vous donne aujourd'hui. Cette présentation se basait principalement sur le principe que dans le cadre d'une politique régissant le transports, les circuits, les aéroports, les ports et les autoroutes, le secteur public devrait pouvoir offrir des services à un coût comparable au secteur privé, mais à son propre bénéfice et à celui des utilisateurs.

Ma maîtrise de la langue française ne me permet peut-être pas de répondre à votre question d'une façon vraiment satisfaisante. J'ai la chance de parler en français régulièrement depuis huit ans. J'espère vous avoir donné une réponse adéquate.

M. Crête: Votre maîtrise du français est très bonne. Dans le même paragraphe, on dit que vous vous êtes engagés à produire une revue du programme des routes relativement à leur dessin, leur construction, leur financement et leur fonctionnement. En anglais, vous faites allusion au DBFO pour le Royaume-Uni. Est-ce qu'on pourrait établir une comparaison avec ce qui pourrait être fait au Canada? Pourriez-vous nous fournir de la documentation supplémentaire sur cet élément, sur le fait qu'on a engagé Hambros Canada Inc. pour faire une révision du programme du Royaume-Uni et une analyse comparative en vue de son adaptation au Canada?

M. Rafferty: Oui, monsieur le président. J'ai apporté un rapport intitulé Review of the UK Private Sector Model for Highways préparé pour Transports Canada que je suis prêt à remettre au greffier aujourd'hui. Ce rapport a été préparé en mai 1996 qui contient de nombreux renseignements au sujet des autoroutes et de la politique qu'a suivie la Grande-Bretagne lorsqu'elle a réalisé son programme national pour les autoroutes. Je serai vraiment heureux de partager avec vous ce rapport après la présentation.

M. Crête: Est-ce que la structure de l'État du Royaume-Uni prévoit un partage de pouvoirs entre un gouvernement central et des gouvernements régionaux, entre le fédéral et les provinces? Peut-on établir des comparaisons entre notre système et ce qui se vit au Royaume-Uni afin que nous puissions entrevoir si nous rencontrerons de nombreuses difficultés à ce niveau et voir de quelle façon ils ont déjà trouvé des solutions respectant les juridictions de chacun?

.1710

M. Rafferty: La Grande-Bretagne est un État unitaire. Les municipalités n'ont pas le pouvoir de façonner leurs propres politiques en matière de finances. Elles doivent s'en remettre à l'autorité d'un gouvernement national avant de commencer un programme au niveau municipal, tel celui que je viens de vous décrire. L'Australie est un État fédéral tout comme le Canada. Le genre de politique énoncée dans le rapport que je vous décrivais y prévaut. À mon avis, il n'y a pas que la structure fédérale qui présente un obstacle. Je regrette que ma compétence en français ne soit pas meilleure; je n'ai pas assez la chance de le pratiquer. J'espère toutefois que je vous ai donné une réponse adéquate.

M. Crête: Vous m'avez donné une très bonne réponse et je vous invite à revenir pour nous apporter des précisions à n'importe quel moment.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Crête.

Monsieur Keyes.

M. Keyes: Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur Rafferty, d'être venu et de nous éclairer sur les partenariats publics-privés, etc. Les PPP pour Transports 2000 - c'est intéressant.

Je connais M. Rafferty, et je sais ce qu'il a fait dans ma propre municipalité, monsieur le président. Il a toujours été une mine de connaissances, et il connaissait fort bien les dossiers auxquels nous faisions face. L'exposé qu'il a présenté ici aujourd'hui nous permet de mieux comprendre ce processus.

Je sais que le président est follement emballé par les économies qui peuvent être réalisées grâce à ce type d'arrangements financiers, et les pourcentages montrent certainement... J'ai jeté un coup d'oeil et j'ai vu M. le président noter allègrement les pourcentages, 17 p. 100, 35 p. 100, 17 p. 100...

Le président: Qualité en hausse, coûts en baisse. J'ai écrit cela...

M. Keyes: Qualité en hausse, coûts en baisse - c'est très bien.

Liam, si je peux me permettre de vous demander quelque chose: le comité a reçu d'autres témoins qui ont soulevé la question de ce que l'on appelle «une meilleure gestion de la dette». Pourriez-vous nous expliquer comment votre organisme pourrait montrer au gouvernement qui, normalement, emprunterait l'argent qu'il lui faut et paierait ensuite un programme... Je pense que vous connaissez mon point de vue sur la gestion de la dette. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet?

M. Rafferty: Certainement. La réponse est à trois volets. Je ne prétends pas qu'il n'y en ait pas d'autres, mais il y en a trois qui me viennent immédiatement à l'esprit.

Si la question que vous avez posée concerne l'obligation du gouvernement de trouver des sources de financement, il ne fait aucun doute que la capacité du gouvernement du Canada n'a pas encore atteint ce que je soupçonne être sa limite ultime. La population est sensible à l'accumulation de dettes par le gouvernement fédéral; que ce soit à cause des déficits encourus pour les dépenses de programme, ou pour lancer un projet d'infrastructure.

Si le risque est transféré adéquatement et qu'il s'accompagne d'un recours très limité ou inexistant au trésor public, le gouvernement ne finance plus les investissements, ni l'infrastructure, par le biais de fonds propres; c'est là un élément du plan de gestion de la dette qui prend toute son importance sur le plan comptable et également en ce qui a trait à la cote de solvabilité.

Au niveau de la gestion de la dette - des détails, si je puis dire - et sans vouloir être cynique, il y a également une question préoccupante. Lorsque vous concevez des projets de façon aussi détaillée que c'est généralement le cas lorsque le secteur public passe des marchés, le concept qui a été défini, disons, en 1994, est moins actuel en 1996 lorsqu'il est finalement rendu public et fait l'objet d'un appel d'offres. C'est sur la base de ce concept que les soumissions sont faites; le secteur public réalise ensuite que des modifications doivent être apportées et, même s'il bénéficie d'un prix intéressant par le biais de l'appel d'offres qu'il a lancé, les modifications finissent par générer des coûts, alors qu'en réalité le processus d'appel d'offres était conçu pour maintenir les coûts au plus bas.

Ce problème, qui est typique des passations de marché n'existe pas dans le cadre d'un contrat de DCFF, parce que le gouvernement n'acquiert pas un bien. Peu vous importe ce que cela coûte à construire, vous allez seulement devoir payer 1,50$ par véhicule qui emprunte la route. Donc, au niveau micro-économique, la gestion de la dette doit également prendre cette question en compte, parce que le contrôle du coût des capitaux change fondamentalement selon la façon dont vous définissez le contrat de construction routière, et si vous dites aux gens: ne vous contentez pas de construire la route pour moi, chargez-vous également de son exploitation.

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Le troisième volet de la gestion de la dette qui entre également en jeu lorsqu'on a recours à un contrat de DCFF, c'est l'effet que cela peut avoir éventuellement sur la cote de solvabilité du gouvernement lorsqu'il cherche à emprunter pour financer des projets d'intérêt public. Si vous ne financez pas un projet d'infrastructure routière de 1,5 milliard de dollars, cette somme, que vous allez avoir éventuellement à emprunter peut l'être à des taux qui reflètent la dette globale plus basse assumée par le gouvernement fédéral ou, d'ailleurs, les provinces ou les municipalités. Par conséquent, en ce sens, vous avez d'un côté deux avantages qui se complètent et, de l'autre, la possibilité d'éviter des frais supplémentaires et l'inflation des coûts du projet. Je serai heureux d'apporter des précisions sur les commentaires que l'on a pu faire devant le comité plus tôt aujourd'hui, ou auparavant.

M. Keyes: Merci, Liam.

Le président: Monsieur Jordan.

M. Jordan: Moi aussi, je tiens à vous féliciter d'avoir fait un excellent exposé. La difficulté à laquelle nous faisons face - et nous sommes habitués à le faire dans le contexte de la construction d'un nouveau réseau routier national - c'est que le gouvernement va dire qu'il ne peut se le permettre. Vous, vous me dites que si, le gouvernement peut se le permettre. Il existe une méthode de financement que nous pouvons proposer si l'on nous dit simplement que nous n'avons pas l'argent nécessaire.

M. Rafferty: Oui.

M. Jordan: Hambros prête l'argent.

M. Rafferty: Nous pouvons aussi bien prêter l'argent que réunir un tour de table.

M. Jordan: Vous prêteriez de l'argent à un gouvernement qui adopterait ce processus et cette approche pour construire des autoroutes?

M. Rafferty: Nous prêterions en fait à la partie du secteur privé qui se chargerait de la construction et de l'exploitation. Mais la réponse est oui, et un financement assuré par Hambros peut prendre deux formes. Hambros envisagera une prise de participation dans un projet, on prêtera de l'argent pour le financer, mais ce qui constitue notre plus gros atout, c'est que nous pouvons trouver des fonds qui représentent cinq fois la somme que nous prêtons nous-mêmes pour financer un projet.

La Banque Hambros de New York, que j'ai mentionnée, se classait troisième l'an dernier par rapport à la valeur pécuniaire de ses placements privés aux États-Unis. Du côté des émissions d'obligations au Royaume-Uni, comme vous l'avez peut-être constaté en jetant un coup d'oeil aux documents que vous avez ici, Hambros a émis des obligations euro-canadiennes en dollar pour trois organismes fédéraux, plusieurs municipalités du Canada et certaines provinces de la région de l'Atlantique.

M. Jordan: Habituellement, lorsqu'on a une idée comme celle que vous venez de nous exposer, il y a toujours quelqu'un qui n'est pas d'accord. Quel est l'argument que l'on invoque à ce propos?

M. Rafferty: Au niveau gouvernemental, au Canada, je pense qu'il est juste de dire que l'opposition vient de ceux qui prétendent que le gouvernement peut emprunter à moindre coût que le secteur privé.

M. Jordan: Ce qui est vrai.

M. Rafferty: C'est absolument vrai; c'est indéniable.

M. Jordan: Très bien.

M. Rafferty: Un gouvernement, à quelque palier que ce soit, et quelle que soit sa compétence, pourra toujours emprunter à moindre coût qu'une entité du secteur privé, même si c'est celle qui a la meilleure cote de solvabilité. La différence entre la valeur et le coût du financement, ou la différence entre la valeur et le coût du projet, vient du fait que le secteur privé assume le risque de construire une route qui remplit effectivement la fonction pour laquelle elle est conçue.

Permettez-moi de prendre l'exemple du matériel roulant - parce que, dans ce secteur, le même problème se répétait sans cesse dans les années 70 et 80, non seulement au Canada, mais partout ailleurs - que vous exploitiez un métro ou une ligne de chemin de fer nationale, vous achetiez vos wagons, il y avait quelque chose qui n'allait pas, et cela vous coûtait de l'argent à vous, et non aux gens qui étaient censés vous fournir ce matériel. Dans le cas des compagnies canadiennes - CN, CP et VIA Rail - c'était elles et non les fournisseurs qui devaient assumer les frais nécessaires pour remettre les wagons en état de marche.

Dans le cadre d'un contrat de DCFF, le gouvernement n'a pas à se préoccuper de ce qu'il en coûte pour acheter le bien en question. C'est un risque assumé entièrement par le secteur privé. Le seul engagement financier du gouvernement concerne le péage fictif, si c'est le mécanisme qui est utilisé, qu'il a accepté de payer. L'entreprise du secteur privé vous dira combien, à son avis, cela va coûter pour construire la route, et le gouvernement va agencer un contrat qui assurera à l'entreprise un rendement équitable par rapport au risque qu'elle a pris, mais si les coûts doublent, ce n'est pas le problème du gouvernement. C'est l'un des éléments qui permet de fixer la valeur du risque et qui justifie le coût plus élevé du financement.

Monsieur le président, je sais que vous devez être à la Chambre à 17 h 30 aujourd'hui, et je serai très heureux, comme d'ailleurs d'autres représentants d'Hambros, de comparaître à nouveau devant le comité si cela vous intéresse, peut-être pour discuter de façon plus approfondie du rapport que je vais transmettre au greffier pour que tous les députés puissent en prendre connaissance. Nous restons à l'entière disposition du comité si vous avez besoin à nouveau de nos services.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Rafferty. Je pense qu'au cours de votre exposé, ça a fait tilt plusieurs fois. Je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de comparaître.

M. Rafferty: Cela m'a fait plaisir. Nous vous remercions de l'invitation.

Le président: Il faut que nous nous rendions à la Chambre pour voter.

Le comité se réunira demain à 15 h 30 pour un examen article par article du projet de loi C-43.

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