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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 4 octobre 1996

.0808

[Traduction]

Le président: Bon, commençons. Nous sommes vendredi et nous devons donc être à Thunder Bay.

Soyez les bienvenus, messieurs les représentants de la Commission de port de Thunder Bay.

M. Comuzzi (Thunder Bay - Nipigon): Puis-je vous les présenter?

Le président: M. Comuzzi est toujours extrêmement impatient. Oui, monsieur Comuzzi.

M. Comuzzi: Merci, monsieur le président.

M. Inglis est membre de la commission depuis environ un an et il vient d'en être élu président. Dennis Johnson est le directeur général de la commission et il est également directeur du port. Paul Kennedy est directeur de la commercialisation du port de Thunder Bay.

Monsieur le président, j'ai également remarqué que nous n'avons pas de représentant du Parti réformiste. Les réformistes ont-ils manifesté l'intention de participer?

Le président: Ils n'en ont pas manifesté la moindre intention.

M. Comuzzi: C'est regrettable.

.0810

Le président: Est-ce qu'on commence?

Monsieur Inglis, pouvez-vous vous arranger pour que votre exposé ne dure pas plus d'une dizaine de minutes, pour nous donner l'occasion de poser des questions?

M. Tom Inglis (président, Commission de port de Thunder Bay): Merci, monsieur le président. Je tiens tout d'abord à vous souhaiter la bienvenue à Thunder Bay. La température est peut-être un peu plus froide que celle qu'il a fait pendant votre voyage dans l'Ouest.

Nous avons eu de la neige ici lundi, mais nous n'en avons pas aujourd'hui. Je pense donc que tout ira bien.

Le président: Nous avons une température tropicale aujourd'hui.

M. Inglis: Quand on sort le matin, il faut encore dégivrer les vitres.

La politique maritime nationale, qui a été élaborée en partie à la suite d'une série antérieure d'audiences de votre comité, vise à assurer des services de transport maritime abordables, efficaces et sûrs, tout en encourageant une concurrence équitable s'appliquant uniformément à l'ensemble du système. Ces objectifs devaient être protégés dans un contexte de commercialisation accrue des ports.

Le projet de loi C-44 introduit la notion qui consiste à soustraire le gouvernement à tout risque ou à toute responsabilité à l'égard des dettes et autres obligations des ports canadiens.

La Commission de port de Thunder Bay n'est pas convaincue que, sous sa forme actuelle, il fera emprunter cette voie à une nouvelle administration portuaire de Thunder Bay.

Le présent exposé porte sur les dispositions du projet de loi C-44 qui risquent de faire augmenter considérablement les frais de fonctionnement et par conséquent de faire diminuer la compétitivité du port. Il mettra en évidence les effets cumulatifs des hausses de coûts que pourrait entraîner ce projet de loi et d'autres hausses de coûts récentes et imminentes dans le secteur maritime.

Vos agents de recherche ont en leur possession une étude sur la compétitivité de la Voie maritime et de notre port dans le contexte du transport du grain canadien, qui vient d'être terminée. Elle indique de façon très claire et précise la précarité de la situation de Thunder Bay lorsqu'on compare le transport vers l'est par la Voie maritime au transport par d'autres couloirs, surtout par les États-Unis.

Si j'en parle, c'est parce qu'il faut que vous sachiez que les préoccupations des autorités portuaires sont fondées sur des études sérieuses et que le problème de la compétitivité n'est pas un problème que nous avons inventé pour les besoins de la cause.

Nous estimons que la Loi de 1964 sur les commissions portuaires a instauré le meilleur modèle de gestion portuaire qui soit au Canada et que dans son rapport de mai 1995, votre comité a reconnu la solidité du modèle des commissions portuaires.

Sous son libellé actuel, le projet de loi C-44 ne renforce nullement la situation concurrentielle du port de Thunder Bay.

Je vais vous indiquer les parties du projet de loi C-44 qui devraient être modifiées ou étoffées de façon à ne pas diminuer la compétitivité de notre port: partie I, Administrations portuaires canadiennes; partie III, Voie maritime; et partie VII, Modifications de la Loi sur le pilotage.

En outre, nous terminerons par une série de commentaires sur les effets cumulatifs du projet de loi C-44 ainsi que sur d'autres secteurs maritimes, sur la rationalisation et sur la commercialisation.

La loi doit déclarer que les ports sont des agents fédéraux et éliminer tous les problèmes d'imposition de taxes municipales sur l'infrastructure portuaire. On a entendu dire que la Fédération canadienne des municipalités risque de prôner l'imposition des pleines taxes municipales sur les biens des administrations portuaires, y compris sur les postes d'amarrage et les brise-lames, qui n'ont encore jamais été assujettis à ce genre de taxe jusqu'à présent ou qui ont fait l'objet de subventions tenant lieu d'impôt.

Le projet de loi C-44 doit être modifié de façon à reconnaître que l'imposition de toutes les taxes municipales ou les dispositions de la loi actuelle concernant le versement de subventions tenant lieu d'impôt seront un fardeau insoutenable pour les ports qui étaient dispensés de payer des taxes municipales.

Aucune commission portuaire n'a jamais payé de taxes et aucune n'est en mesure d'assumer des subventions tenant lieu d'impôt en raison des tarifs et barèmes actuels. Les locataires des commissions portuaires sont des preneurs à bail et ils paient le plein montant des taxes municipales.

.0815

Le projet de loi C-44 doit renfermer des dispositions prévoyant une exemption des subventions tenant lieu d'impôt prévues dans ce projet de loi et dans d'autres.

Pour les cas comme celui du port de Thunder Bay, qui n'a jamais payé de taxes, il faudrait une disposition prévoyant la négociation de redevances entre les autorités portuaires et la municipalité, et la possibilité de conclure une entente acceptable pour les deux parties. C'est déjà le cas en ce qui concerne la Fraser River Harbour Commission.

Nous vous signalons que notre concurrente, l'administration portuaire de Duluth, au Minnesota, ne paie pas de taxes municipales, et que la ville et l'État lui remboursent une partie des taxes perçues sur les installations privées du port. Signalons au passage que le taux d'imposition est nettement inférieur à celui qui est appliqué aux installations de Thunder Bay.

Notre commission prend note de l'étude sur les incidences économiques qui est préparée par la firme Hickling pour le compte du ministère des Pêches et des Océans. Cette étude indique que les consultants estiment que les taxes municipales n'entraîneront vraisemblablement pas de hausse progressive des tarifs de transport maritime.

Cette conclusion est absolument fausse et elle va totalement à l'encontre des avis qui ont été émis par notre commission portuaire et par d'autres à ce sujet.

Nous tenons à déclarer publiquement que les taxes municipales produiront exactement l'effet contraire et que l'application des pleines taxes municipales aux utilisateurs courants, aux hangars, aux postes d'amarrage, aux brise-lames ainsi qu'aux autres infrastructures portuaires entraîneront pour ainsi dire à coup sûr la perte de la plupart, voire de tous les membres de la collectivité portuaire canadienne.

Vous devriez tous savoir que la survie des grands ports canadiens comme APC dépend du fait que vous n'arriviez pas à la même conclusion illogique.

La Commission de port de Thunder Bay recommande que l'on accorde le statut d'agent fédéral aux ports relevant d'une APC.

Elle recommande également que ces ports soient tenus de négocier des redevances pour services avec leur municipalité.

Le président: Monsieur Inglis, je me permets de vous interrompre pour signaler que votre mémoire est d'environ treize pages. À ce rythme-là, cela prendra tout le temps dont nous disposons.

Je me demande si vous ne pourriez pas vous contenter de passer en revue les diverses recommandations et aller droit au but.

M. Inglis: Très bien.

Le président: Mes collègues sont conscients du nombre de problèmes qui ont été signalés et je suis certain qu'ils vous poseront des questions très pertinentes.

M. Inglis: Monsieur le président, puis-je lire la conclusion et les recommandations?

Le président: Absolument.

M. Inglis: Je regrette que ce soit un peu long, mais nous pensions... Vous aurez l'occasion de lire le texte intégral.

Le président: C'est un sujet très important et je ne tiens pas du tout à le minimiser. Je sais seulement que certains de mes collègues ont des questions précises à poser.

Nous sommes ici parce que la ville de Thunder Bay est située à la tête de la Voie maritime et que nous sommes très préoccupés par certaines conséquences du projet de loi. Je sais que mes collègues voudraient vous poser certaines questions.

M. Inglis: Bien. D'après nos conclusions, vous devez comprendre les effets cumulatifs qu'aurait le projet de loi, compte tenu de l'intensité de la concurrence et du contexte dans lequel se trouve Thunder Bay.

Depuis cinq ans, notre port doit faire face à une concurrence accrue des ports de la côte ouest du Canada; du transport ferroviaire sur de longues distances des Prairies vers le Saint-Laurent et les ports de la côte est du Canada et du transport ferroviaire sur de longues distances du grain et de la potasse de l'ouest vers diverses destinations américaines, notamment les ports de Duluth, au Minnesota, pour le grain en vrac, celui de Pensacola, en Floride, pour le grain en sac et de Texas City, au Texas, pour la potasse.

Les droits, des droits de franchise calculés d'après les revenus bruts, et l'obligation éventuelle de payer les pleines taxes municipales ainsi que les répercussions locales des changements se produisant au niveau de l'exécution des services de garde côtière ou du recouvrement des frais correspondants, risquent de rendre le port de Thunder Bay non concurrentiel.

Ce port doit être concurrentiel pour pouvoir survivre et sa survie est essentielle à la survie de tout le réseau de la Voie maritime qui est une voie de transport homogène, faite d'un seul tenant, qu'empruntent les navires de charge faisant le transport au retour de l'Est vers l'Ouest, et qui est entièrement intégrée au transport aller des marchandises de l'Ouest vers l'Est, les deux étant interdépendants.

.0820

La situation locale du port de Thunder Bay est unique, surtout en ce qui concerne des frais comme ceux de réparation des brise-lames, de gestion des glaces et la fourniture d'aides à la navigation en hiver et en été. Il faut tenir compte du fait que cela fait partie d'un tout qui comprend également le cadre établi dans le projet de loi C-44.

Le Parlement peut contribuer largement à reconnaître cette situation en suivant nos recommandations et en donnant la latitude nécessaire en ce qui concerne la négociation des lettres patentes de la nouvelle administration portuaire. Comme nous l'avons déjà dit, il faut que celles-ci tiennent compte des besoins et des ressources locales.

Voici les recommandations que nous avons à faire.

Il faudrait accorder le statut d'agent fédéral aux ports relevant d'une APC.

Ces ports devraient être tenus de négocier avec leur municipalité des ententes concernant les redevances pour services.

L'alinéa 6(1)h) du projet de loi C-44 devrait être modifié de façon à ce que les frais à payer soient calculés en fonction des revenus nets, comme c'est généralement le cas pour les entreprises canadiennes.

Les dividendes à verser conformément à l'alinéa 6(1)h) devraient être négociables en fonction des circonstances et ils ne doivent jamais constituer un obstacle à la viabilité ou la compétitivité à long terme du port.

Il faudrait modifier l'article 8 du projet de loi C-44 de façon à préciser qu'une commission portuaire prorogée en APC conserve ses réserves financières pour s'en servir pour entretenir et améliorer l'infrastructure portuaire, afin d'assurer la rentabilité et la compétitivité du port.

Les articles 3 et 12 du projet de loi C-44 devraient être remaniés de façon à laisser une certaine latitude en ce qui concerne la création de conseils d'administration composés de cinq à neuf membres, selon les circonstances locales.

Le paragraphe 24(2) du projet de loi C-44 devrait être modifié pour permettre aux APC d'avoir une gamme d'activités beaucoup plus variée.

L'alinéa 3(1)a) de la Loi sur les commissions portuaires disait que ces commissions constituaient des instruments efficaces pour atteindre les objectifs du Canada en matière d'échanges internationaux ainsi que les objectifs économiques et sociaux nationaux et régionaux. Une modification s'inspirant de ce principe permettrait à la nouvelle APC de jouir d'une plus grande liberté de fonctionnement.

Le paragraphe 24(7) du projet de loi C-44 devrait être abrogé ou modifié pour permettre à une APC de demander la constitution d'une filiale, à condition que celle-ci soit compatible avec les lettres patentes, avec ou sans les exigences supplémentaires liées à l'approbation ministérielle d'une telle initiative.

Nous recommandons que l'on s'efforce d'instaurer un système de gestion binationale de la Voie maritime dans le contexte de la partie III et que l'on fasse le nécessaire pour que ce type de gestion soit mis en oeuvre dans les plus brefs délais.

La partie VII du projet de loi C-44 devrait être modifiée en s'inspirant de la réforme radicale prévue dans le rapport de mai 1995 du comité permanent, en ce qui concerne le pilotage.

C'est tout, messieurs. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Inglis.

Monsieur Comuzzi.

M. Comuzzi: Merci, monsieur le président.

Monsieur Inglis, pourriez-vous donner des précisions au sujet de la partie E de votre mémoire intitulée «Capacité et pouvoirs»? Nous avons entendu les doléances de toute une série de...

Je reviens un peu en arrière. La Commission de port de Thunder Bay compte-t-elle demander le statut de port canadien?

M. Inglis: Oui.

M. Comuzzi: Avez-vous déjà fait les démarches nécessaires?

M. Inglis: Pas encore, mais nous sommes en train de le faire.

M. Comuzzi: Votre conseil d'administration est-il convaincu, en faisant cette demande, que vous êtes en mesure de répondre aux exigences fondamentales en matière de stabilité financière et de rentabilité?

M. Inglis: Oui.

.0825

M. Comuzzi: Tenez-vous compte du fait que cela risque d'entraîner pour vous des frais supplémentaires, à cause d'une certaine forme de subvention tenant lieu d'impôt, d'une certaine forme de négociation avec la municipalité en ce qui concerne les services?

M. Inglis: Nous estimons que si nous arrivons à conserver les réserves que nous avons actuellement, nous n'aurons pas de problèmes à court terme. Cela dépend du montant des frais en question. Nous serions rentables à court terme.

M. Comuzzi: Avez-vous quelque chose à ajouter, Monsieur Johnson?

M. Dennis Johnson (directeur général et directeur du port, Commission de port de Thunder Bay): Monsieur Comuzzi, le seul coût qui pourrait être fatal à notre entreprise serait l'obligation de payer les pleines taxes municipales et l'application de ces taxes en cas de brèches dans les brise-lames.

M. Comuzzi: Par conséquent, le fait que votre première recommandation concernant l'octroi du statut d'agent fédéral soit vraiment liée à vos projets de rentabilité financière est très important.

Si vous n'obtenez pas ce statut, votre situation deviendra précaire. Est-ce exact?

M. Johnson: C'est très vrai.

M. Comuzzi: Par conséquent, vous avez analysé la situation et vous avez décidé de demander ce statut?

M. Inglis: C'est exact.

M. Comuzzi: Je reviens à ma première question, celle qui concerne la partie intitulée «Capacité et pouvoirs». Voulez-vous donner des précisions à ce sujet?

À titre d'information, je vous signale que bien des témoins nous ont dit que de nombreux ports sont engagés dans d'autres activités que l'on peut peut-être considérer comme quasi maritimes: l'aménagement immobilier et autres activités de ce genre.

M. Inglis: Monsieur Comuzzi, nous avons effectivement plusieurs locataires: une compagnie de camionnage, une entreprise pétrolière et gazière, une entreprise sidérurgique et Purolator. Elles paient le plein montant des taxes municipales et elles nous paient également un loyer. Cela nous permet de nous arranger pour que les frais de port n'augmentent pas pour les compagnies maritimes.

Pour le moment, nous estimons que ce sont des activités compatibles et nous espérons...

M. Comuzzi: Vous ne voudriez pas que l'on modifie...

M. Inglis: Non. Nous voudrions que...

M. Comuzzi: ... le système actuel qui permet...

M. Johnson: Tous nos locataires sont des sociétés de transport ou de distribution de marchandises et nous comptons bien continuer à nous en tenir principalement à ce secteur.

Nous n'avons pas l'intention de nous lancer dans le développement commercial, dans la gestion d'édifices en hauteur ou d'immeubles en copropriété, ni dans d'autres activités de ce genre. Nous estimons toutefois que les activités d'une compagnie de camionnage par exemple sont compatibles avec les nôtres.

M. Comuzzi: Parlons maintenant de pilotage; une de vos recommandations porte là-dessus.

Le problème du pilotage dans les Grands Lacs est différent de celui du pilotage sur la côte est ou sur la côte ouest. Lorsque nous avons préparé le rapport initial, il y a un an, le comité de Stan a fait, si je ne m'abuse, des recommandations au sujet de l'Administration de pilotage des Laurentides, qui n'ont pas été adoptées en fait.

Certaines personnes nous ont dit qu'il faudrait adopter les recommandations sur le pilotage qui ont été faites dans le rapport du comité permanent.

Avez-vous d'autres commentaires à faire à ce sujet?

M. Paul S. Kennedy (directeur de la commercialisation et des communications, Commission de port de Thunder Bay): Je peux dire quelques mots à ce sujet.

Nous avons accepté en gros l'opinion de la Fédération des armateurs canadiens, à savoir que la présence de pilotes sur les navires internationaux est nécessaire pendant tout le passage des Grands Lacs. Nous avons des difficultés à accepter que l'on impose les pilotes aux armateurs canadiens. Nous travaillons avec eux depuis des années et il faut les croire sur parole lorsqu'ils prétendent avoir des capitaines qualifiés et être équipés d'une technologie ultramoderne haut de gamme. La présence des pilotes sur les bâtiments battant pavillon canadien est par conséquent inutile.

Il faut essayer de donner un avantage concurrentiel aux armateurs de navires battant pavillon canadien. Ces gens-là sont soumis à de fortes pressions.

Par exemple, s'ils instaurent à leurs propres frais un régime spécial - technologie, satellites, GPS, et toutes les autres techniques modernes - pour les navires qui assurent le transport du grain de Thunder Bay vers le Saint-Laurent et qui retournent chargés de minerai de fer, il faut en arriver à indiquer directement dans ce projet de loi que les navires battant pavillon canadien peuvent se passer de pilote au lieu de s'engager à réexaminer la question en 1998. Cette mesure d'encouragement est immédiatement nécessaire pour accroître leur compétitivité.

.0830

M. Comuzzi: Voici ma dernière question, monsieur le président.

Comme vous le savez, un débat sur l'administration de la Voie maritime du Saint-Laurent et des Grands Lacs est en cours au ministère des Transports et à la Chambre des communes. Une chose est certaine, c'est que la Voie maritime ne sera plus administrée comme elle l'était. Le débat se déroule entre ce que l'on appelle généralement un «groupe d'utilisateurs» composé de Cargill, si je ne me trompe, et la Louis Dreyfus Corporation, qui représente l'industrie céréalière, Upper Lakes Shipping, l'industrie du transport, et Dofasco, qui représente l'industrie sidérurgique, ainsi que deux ou trois autres personnes, qui veulent prendre en charge l'administration de la Voie maritime en exclusivité.

Une des recommandations qui a déjà été faite dans leurs témoignages est qu'il faut augmenter les droits de péage. Comme vous le savez, l'autre aspect du débat est qu'il faut rationaliser l'administration du réseau des Grands Lacs et du Saint-Laurent pour le rendre plus concurrentiel qu'il ne l'est à l'heure actuelle, en procédant à des compressions importantes.

Monsieur le président, je suppose qu'un rapport sera déposé au sujet de l'autre recommandation concernant la création d'une société binationale sans but lucratif chargée d'administrer la Voie maritime et la présence de représentants des deux pays à la St. Lawrence Seaway Development Corporation et à l'Administration de la Voie maritime du Saint-Laurent.

Après avoir soupesé les avantages et les inconvénients de ces deux options, vous avez recommandé la création d'un groupe binational au lieu de laisser l'exclusivité au groupe d'utilisateurs. Ma question est la suivante: si l'on confie exclusivement l'administration de la Voie maritime du Saint-Laurent et des Grands Lacs à un groupe d'utilisateurs - sans intervention politique - , quelles seront d'après vous les conséquences de cette décision sur tous les ports des Grands Lacs et du Saint-Laurent, en ce qui concerne votre juridiction?

Estimez-vous que l'on réalisera des économies importantes en confiant cette tâche à un groupe binational?

M. Inglis: Je vais d'abord répondre à la deuxième question, monsieur Comuzzi. Nous avons dit dans notre rapport - et vous pourrez le vérifier - que nous estimons que la formule du groupe binational est nettement supérieure à l'autre solution préconisée. Nous vous félicitons et félicitons également le membre du Congrès Oberstar d'être les fers de lance de ce mouvement. Nous espérons que cela se fera sans tarder.

En ce qui concerne la première question, je voudrais que ce soit Paul Kennedy qui y réponde.

M. Kennedy: Nous savons que le groupe d'utilisateurs existe et que le gouvernement négocie avec lui. Nous avons dit qu'il existe une solution supérieure et que c'est celle qu'il faut adopter. Ce que nous voulons dire dans ce mémoire, c'est qu'il faudrait que cela se fasse par le biais du projet de loi C-44, au lieu d'entamer des discussions à ce sujet. Cela éliminerait les risques que le groupe d'utilisateurs ou que les gens qui ont des intérêts directs dans cette affaire aient une position dominante dans le débat. C'est vraiment la meilleure façon de procéder.

M. Comuzzi: Merci.

Le président: Merci, monsieur Comuzzi. Monsieur Dubé.

.0835

[Français]

M. Dubé (Lévis): Bonjour. Je viens du Québec, de Lévis plus précisément. Face à la compétitivité, etc., vous avez parlé un peu de vos craintes pour l'avenir. Afin que je puisse évaluer cela, êtes-vous en mesure de me parler de la tendance de votre port depuis les cinq dernières années? Y a-t-il eu une diminution de l'activité et, si oui, dans quelle proportion? Où en êtes-vous aujourd'hui par rapport à il y a cinq ans?

[Traduction]

M. Kennedy: En bref, nous avons constaté que, dans tous nos secteurs d'activités, la concurrence devient plus intense. Qu'il s'agisse du transport de la houille ou de la potasse vers les États-Unis, du transport de denrées agricoles vers l'Europe ou du transport de céréales vers les minoteries de l'intérieur du pays, de l'est du Canada, par exemple, la concurrence ne cesse de s'accroître depuis cinq ans. D'une année à l'autre, nous sommes de plus en plus talonnés par la concurrence d'autres modes et d'autres voies de transport. Par conséquent, depuis quelques années, cette question est vraiment à l'ordre du jour pour nous.

[Français]

M. Dubé: Votre situation financière est-elle déficitaire?

[Traduction]

M. Johnson: Elle s'est considérablement améliorée depuis deux ans grâce aux remaniements internes que nous avons faits. Nous avons fait des efforts beaucoup plus conscients pour servir les compagnies de pâtes et papiers du nord-ouest de l'Ontario, ce qui a amélioré notre situation financière.

[Français]

M. Dubé: Vous craignez l'impact des nouvelles impositions, surtout en ce qui a trait au municipal pour les parties qui n'étaient pas imposées auparavant. Avez-vous quantifié ce que cela représenterait pour vous?

[Traduction]

M. Johnson: Oui. Dans le cas de Thunder Bay, le montant des taxes municipales sur le terminal Keefer, à l'exclusion du terrain, et sur nos hangars, s'élèverait à environ 575 000 $ par an. Si les mesures législatives concernant les subventions tenant lieu d'impôt étaient modifiées de telle sorte que des installations actuellement exonérées, comme les cours de triage et les postes d'amarrage, seraient assujetties à des taxes, nous devrions payer 370 000 $ de plus par an en taxes sur notre poste d'amarrage et environ 260 000 $ sur notre cour de triage.

[Français]

M. Dubé: Vous êtes situés à l'embouchure des Grands Lacs et vous recevez des marchandises qui viennent par train ou par camion. Ces marchandises sont expédiées vers l'Est, et vous recevez des marchandises qui viennent par la Voie maritime. La proportion est-elle de 50-50 ou si elle est autre?

[Traduction]

M. Kennedy: Nous sommes surtout un port d'exportation. Nous nous chargeons en fait d'acheminer les produits de l'ouest du Canada, qu'il s'agisse d'engrais, de houille ou surtout de céréales, vers les marchés canadiens et les marchés étrangers. Une très petite proportion des marchandises sont importées de l'étranger ou d'autres régions du Canada. Nous acheminons du pétrole et des agrégats pour l'industrie de la construction, mais nous sommes un port d'exportation.

[Français]

M. Dubé: Est-ce 10 p. 100, ou 25 p. 100 des importations?

[Traduction]

M. Kennedy: Dix pour cent ou moins.

M. Dubé: Merci.

Le président: Merci, monsieur Dubé.

M. Keyes a une question de 30 secondes - ou peut-être d'une minute et demie - à poser.

M. Keyes (Hamilton-Ouest): Merci pour votre mémoire, messieurs. On peut toujours compter sur le port de Thunder Bay pour nous fournir une analyse vraiment détaillée de tous les projets de loi émanant du ministre des Transports. Notre collègue, Joe Comuzzi, qui est député de la région, pose évidemment des questions très pertinentes et il ne reste peut-être plus grand-chose à faire, si ce n'est une petite rectification.

À propos de ce qui est écrit à la page 2, je tenais à ce que vous sachiez qu'à mi-chemin dans vos démarches en vue d'obtenir le statut d'agent fédéral... Soit dit en passant, je suis heureux d'entendre votre opinion au sujet du statut d'agent fédéral. Il faut dire qu'aucune commission portuaire n'a jamais payé de taxes et que, compte tenu du barème ou du tarif actuel, aucune n'est en mesure d'assumer des subventions tenant lieu d'impôt.

.0840

Ce n'est pas tout à fait exact. Des représentants de la Fraser Harbour Commission et de la Commission du havre de Hamilton nous ont dit qu'ils étaient disposés à verser leur contribution à la municipalité sous cette forme. Je crois qu'ils préféreraient payer des redevances pour les services offerts par la municipalité que de verser des subventions de ce genre, mais ils sont disposés à aller jusque-là, si on leur accorde l'exemption liée au statut d'agent fédéral et tous les autres avantages qui en découlent.

M. Johnson: Puis-je répondre à cette question, monsieur Keyes?

Tout d'abord, nos observations concernaient le régime actuel. Les commissions portuaires ne sont pas sous le régime du versement de subventions tenant lieu d'impôt. Nous ne nous opposons pas à ce système en soi.

Cependant, la question qui nous préoccupe est la suivante. Selon le régime actuel des subventions tenant lieu d'impôt, certaines installations comme les postes d'amarrage et les cours de triage sont exonérées. D'après certaines rumeurs, la FCM, c'est-à-dire la Fédération canadienne des municipalités, voudrait supprimer cette exemption. Si c'était le cas, et si nos taxes finissaient par se chiffrer à près d'un million de dollars, l'existence du port de Thunder Bay deviendrait très précaire.

M. Keyes: Merci beaucoup.

Le président: Je vous remercie, monsieur Keyes, et vous aussi, monsieur. J'apprécie le temps que vous avez consacré à cela.

M. Inglis: Merci beaucoup de nous avoir permis de venir témoigner.

Le président: Voici M. Russ York, du Groupe Buchanan.

Monsieur Comuzzi.

M. Comuzzi: M. York représente le Groupe Buchanan dont il est le chef des services financiers.

À titre d'information, je signale que les entreprises qui font partie du Groupe Buchanan exploitent huit scieries dans le nord-ouest de l'Ontario et que leur production équivaut à environ 54 p. 100 de la production totale de bois résineux du nord de l'Ontario. Les États-Unis constituent leur marché principal; elles y exportent 96 p. 100 de leur production. Nous espérons que cela continuera après que les quotas auront diminué, à la fin du mois.

En outre, elles approvisionnent toutes les usines de pâtes et papiers du nord-ouest de l'Ontario en fibre. Elles ont réduit les frais de collecte de la fibre et passablement rentabilisé toutes les papeteries. Ce groupe est le principal employeur de la région. M. York en est le directeur des services financiers.

Le président: Allez-y.

M. Russ York (vice-président, finances, Groupe Buchanan): Je ne lirai pas mot à mot le mémoire que nous vous avons remis.

Notre groupe est un exemple classique de l'incidence d'un système de transport rentable sur une industrie. Il y a une dizaine d'années environ, on a déréglementé les transports ferroviaires aux États-Unis. Notre marché traditionnel était dans le Midwest américain mais la Colombie-Britannique a été reliée par de grandes lignes, et nous avons pu conquérir notre marché.

À cette époque, nous avons mis au point un système de remorqueurs-barges transportant le bois de nos scieries de Thunder Bay en empruntant le couloir de Windsor-Detroit. En utilisant les chemins de fer américains, nous avons pu avoir accès à la côte est. L'ironie du sort veut que notre plus gros client dans cette région soit la compagnie MacMillan Bloedel, qui est le principal producteur de bois d'oeuvre en Colombie-Britannique. Par conséquent, l'efficacité d'un système de livraison rentable est très importante parce que dans notre secteur, le bois est vendu franco à bord à nos clients, qu'ils soient d'Atlanta ou de Jacksonville, en Floride.

Nous avons utilisé les lacs pour le transport vers le marché américain mais nous avons également exporté nos produits vers le Royaume-Uni et le Moyen-Orient à partir du terminal Keefer. Comme le système de quotas va bientôt être appliqué sur le marché américain, nous nous tournons à nouveau vers ce marché d'exportation outre-mer.

L'efficacité de ce système de remorqueurs-barges est très importante pour notre rentabilité. Il y a environ quatre ans, nous avons triplé le nombre d'équipes de travail et nous avons créé environ400 emplois. C'est grâce à un système rentable que nous avons pu élargir notre marché.

.0845

Par conséquent, nos frais de livraison représentent à peu près de 10 à 20 p. 100 du prix du bois.

Je tiens à signaler que lorsque j'étais jeune, j'ai vu le port de Thunder Bay rempli de navires et d'élévateurs actifs ou de docks dans les chantiers maritimes... Notre compagnie a eu l'honneur d'acheter le dernier navire des chantiers maritimes pour créer un service de traversier vers les lacs intérieurs, en vue d'instaurer un système de livraison rentable et de réduire nos frais de transport.

Nous estimons que nous avons besoin d'un port de renommée internationale. Nous avons la chance d'avoir une voie maritime naturelle qui va jusqu'au coeur de notre pays. J'ai connu son déclin et j'estime que nous en sommes arrivés au point où nous avons besoin du gouvernement fédéral pour recouvrer notre statut portuaire.

Si vous allez dans notre ville soeur, c'est-à-dire à Duluth, vous verrez que le port a pris de l'expansion. J'ai connu le déclin de Thunder Bay. Nous sommes convaincus que ce port a besoin d'aide.

Nous sommes situés à l'extrémité de la voie navigable. Des millions de dollars ont été dépensés au fil des ans pour reconstruire et entretenir ce port.

Étant donné que les finances sont mon domaine, nous attachons beaucoup d'importance aux frais de la commission portuaire. Si nous voulons continuer à exporter, l'imposition de taxes sur les installations portuaires a beaucoup d'importance. Dans notre secteur, nous sommes confrontés à une situation où le secteur public se décharge des coûts sur nous. Le gouvernement provincial nous demande de payer une partie de plus en plus grande des frais de régénération et de gestion de nos forêts et nous voyons ce qui se passe à l'échelon fédéral, où le gouvernement essaie de récupérer les frais d'exploitation des brise-glace. Cela revient au même que si la province nous demandait de payer les frais d'enlèvement de la neige en hiver.

Les moyens de l'industrie ne sont pas illimités. Par exemple, le gouvernement veut prélever un pourcentage des revenus bruts. Il y a une taxe municipale, des droits à payer.

Je crois que dans tous ces domaines, du point de vue de l'utilisation des sols, le port est doté d'excellentes installations. Nous les avons examinées. Est-il possible de se lancer dans la transformation qualitative dans d'autres secteurs? Nous considérons cela comme une bonne source de revenus et comme un bon moyen d'utiliser le port.

En ce qui concerne la ville de Thunder Bay, nous estimons que du fait qu'il s'agit d'une petite agglomération, nous n'avons pas besoin d'un conseil d'administration de grande taille et que cinq administrateurs devraient suffire.

Notre autre crainte est que les principaux utilisateurs finissent par avoir une position dominante, si l'on pense à ce qui se passe en aval, et à la possibilité d'exporter nos produits vers le Royaume-Uni et le Moyen-Orient. Nous sommes bel et bien désavantagés parce que la plus grande partie de ce marché est desservi par les Maritimes et le Québec et que, comme vous le savez, la distance qui sépare Montréal de Thunder Bay est à peu près la même que celle qui sépare Montréal de ces marchés. Par conséquent, cela entraîne pour nous des frais supplémentaires.

Nous estimons qu'il convient d'examiner certains avantages ou désavantages concurrentiels en tenant compte du fait qu'une administration est déjà en place, que la Voie maritime doit être utilisée dans l'intérêt de l'ensemble des utilisateurs et du pays. Dans notre cas, nous exploitons une ressource renouvelable sur des terres publiques et nous exportons. C'est le genre d'industrie d'exploitation des ressources naturelles qui a renforcé le Canada et lui a profité.

Ce qui nous préoccupe, ce sont les coûts. Je répète que nous avons démontré que pour obtenir un système de livraison efficace nous permettant d'acheminer nos produits vers les marchés, la Voie maritime doit devenir plus rentable. Nous avons vu ce qui s'est passé dans le secteur des chemins de fer. Une des raisons pour lesquelles nous avons également été en mesure d'expédier nos produits est que les chemins de fer ont été déréglementés dans une certaine mesure et qu'ils sont devenus rentables. La Voie maritime fait également partie de notre système de livraison et nous voudrions qu'elle soit maintenue.

Voilà ce que j'avais à dire.

Le président: Merci, monsieur York.

Avant de passer aux questions, je voudrais citer le passage suivant de votre mémoire, qui se trouve à la dernière page:

Je crois que c'est un sentiment que nous partageons.

Monsieur Comuzzi.

.0850

M. Comuzzi: Merci, monsieur le président. Je laisse la parole à mon collègue, M. Jordan.

M. Jordan (Leeds - Grenville): Vos préoccupations sont à peu près les mêmes que celles du groupe de témoins qui vous a précédé: nous allons vraisemblablement augmenter les frais sur toute la ligne et vous rendre moins concurrentiels. Cette constatation repose, si je vous comprends bien, sur l'hypothèse que les taxes municipales contribueraient beaucoup à accroître les frais de fonctionnement des ports.

La municipalité ne serait-elle pas la première à s'inquiéter à l'idée que ce qu'elle impose à votre port puisse vous rendre moins concurrentiels? Ne serait-elle pas la première à dire: «Si nous faisons cela, Thunder Bay ne sera plus un endroit aussi attrayant pour expédier des marchandises, parce que les frais seront trop élevés et que les gens commenceront à s'adresser à la concurrence»? La municipalité ne se préoccuperait-elle pas de cela si elle pensait que son initiative vous rendrait moins concurrentiels?

M. York: Quand on songe au nombre d'élévateurs qui ont été désaffectés... D'après les exploitants de silos-élévateurs, et cela ne s'applique qu'au secteur public, cette situation est due aux taxes élevées. Pourtant, je n'ai pas vu de municipalité présenter un plan visant à réduire les taxes sur les élévateurs à grain. Je crois que comme tous les pouvoirs publics à l'heure actuelle, les municipalités doivent réduire leurs dépenses et refiler les frais aux autres. Elles considèrent ceci comme un moyen de compenser les recettes qu'elles ont perdues sur ces élévateurs.

En ce qui nous concerne, nos deux scieries sont situées au bord de l'eau et nos taxes sont élevées. Autrefois, dans les années 20 et dans les années 30, le fait d'être situé au bord de l'eau était probablement un avantage. À l'heure actuelle, c'est probablement un désavantage. Les impôts sur les terrains situés au bord de l'eau sont relativement élevés par rapport aux taxes foncières imposées sur les terrains situés dans d'autres zones de la ville.

M. Jordan: Si la municipalité constatait que son initiative vous désavantageait, ne serait-elle toutefois pas disposée à en discuter et à conclure un marché, compte tenu du fait que la direction actuelle accorde beaucoup d'importance à la commercialisation? Elle n'aurait aucune obligation. Il suffirait qu'elle fasse une évaluation élevée de vos biens et qu'elle applique un taux au mille élevé pour vous faire fermer boutique. Je ne pense pas que cela risque d'arriver, mais je suppose qu'on le craint malgré tout.

M. York: Je crois que la Ville de Thunder Bay est probablement en bout de course. Le gouvernement fédéral s'est déchargé des frais sur la province et la province a fait la même chose et je suppose que cela s'arrête aux municipalités. Comment vont-elles pouvoir augmenter leurs recettes?

J'ai essayé d'expliquer qu'en fin de compte, ce sont les entreprises qui doivent tout payer, qu'il s'agisse des frais médicaux ou de diverses redevances. On se décharge de tout sur les entreprises et leur capacité de payer diminue. Nous risquons de perdre des entreprises rentables parce que tout le monde essaie de refiler les frais à quelqu'un d'autre.

M. Jordan: Mais si les mêmes frais sont imposés à vos concurrents, qu'il s'agisse des chemins de fer ou d'autres services de transport, cela ne reviendrait-il pas au même?

M. York: Les chemins de fer se plaignent de devoir payer trop de taxes et ils citeront l'exemple d'une administration portuaire qui ne paie pas sa juste part. Les sociétés ferroviaires se sont notamment plaintes de devoir payer des taxes sur le carburant diesel et des taxes foncières tout à fait différentes de celles que doivent payer leurs concurrents américains.

Par conséquent, je crois que l'on invoque tous ces arguments auprès de la municipalité pour qu'elle adopte une perspective à long terme, qu'elle ait une vision et on estime qu'elle impose des taxes injustes à l'administration portuaire à cause des pressions exercées par d'autres utilisateurs des services de transport qui prétendent que c'est inefficace, que ce n'est pas juste et que tout le monde devrait payer sa juste part.

M. Jordan: J'approuve ce que vous avez dit à propos de la Voie maritime et ce qu'a dit également le témoin qui a parlé avant vous. Cela correspond à ce que nous pensons. Je crois que la région de Thunder Bay revêt une importance vitale en ce qui concerne la viabilité de la Voie maritime. Sans elle, celle-ci ne serait pas aussi utile qu'elle ne l'est sous sa forme actuelle.

C'est tout ce que j'avais à dire, monsieur le président. Merci.

Le président: Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: Êtes-vous en mesure de quantifier ces coûts?

.0855

[Traduction]

M. York: Pour l'instant, nous ne savons pas exactement combien représenteraient au total les frais supplémentaires. Il s'agit d'un fardeau supplémentaire parmi les autres. Tous ces frais s'additionnent; séparément, ils ne paraissent pas très élevés mais lorsque toutes les autres taxes viennent s'ajouter aux divers frais, cela représente au total une somme assez importante. Avec les divers frais que l'on est en train de mettre à notre charge, cela représente quelque chose comme 3 à 5 p. 100.

[Français]

M. Dubé: J'ai vu dans votre mémoire, et vous l'avez mentionné aussi, que vous souhaitiez que le nombre d'administrateurs soit réduit à cinq. À première vue, je ne trouve pas que ce soit un nombre très important par rapport à ce qui est proposé, soit 11. Pourriez-vous commenter?

[Traduction]

M. York: Nous sommes une entreprise privée. Notre groupe de direction compte probablement cinq personnes et nous supervisons environ 3 500 employés. Nous pensons que plus le groupe est restreint, plus le style de gestion est efficace. Le nombre d'administrateurs peut être un obstacle. Je ne pense pas qu'il soit toujours préférable d'avoir un grand conseil d'administration.

Nous travaillons en équipe. Lorsqu'on a une équipe homogène, plus on ajoute de personnel et plus cette homogénéité est compromise.

[Français]

M. Dubé: Siégez-vous vous-même à la commission portuaire?

[Traduction]

M. York: Non.

[Français]

M. Dubé: Aimeriez-vous y siéger?

[Traduction]

Le président: Voudriez-vous être représenté au conseil d'administration de la commission portuaire ou de la nouvelle administration portuaire?

M. York: Non, je ne suis pas là pour chercher un emploi à temps partiel.

Le président: Je crois que la question de M. Dubé porte également sur la représentation des utilisateurs et leur participation aux délibérations de la nouvelle administration portuaire. Je présume que c'est quelque chose qui vous intéresserait, mais je ne devrais présumer de rien. Pensez-vous que ce soit utile?

M. York: J'estime que les divers groupes d'utilisateurs sont importants mais jusqu'où faut-il aller et quelle envergure doit avoir un secteur? J'estime que pour autant qu'il y ait un bon représentant de l'industrie, cela suffit. Nous avons généralement tendance à avoir le même point de vue, que ce soit à propos des coûts ou de la rentabilité, mais je ne pense pas qu'il soit nécessaire de représenter toutes les entreprises du secteur des pâtes et papiers ou toutes les scieries.

Nous sommes affiliés à une association ontarienne et je pense que dans le cadre du conflit sur les quotas ou du conflit antérieur sur les droits compensateurs, vous avez vu collaborer l'industrie ontarienne, les provinces et le gouvernement fédéral. Il s'agissait probablement de petits groupes homogènes.

Le président: Merci beaucoup.

Voici maintenant M. Robert Paterson et M. Alexander Paterson de Paterson and Sons Limited.

M. Comuzzi: Un des Paterson est absent. Il est à New York, sans quoi nous aurions devant nous un triumvirat. Le groupe Paterson exploite la société de navigation Paterson et possède une série de silos-élévateurs un peu partout dans l'Ouest. Il transforme son grain et achemine des produits en vrac.

Je ne crois pas me tromper, et je demande à Alexander ou à Robert de le confirmer, en disant que ce groupe assure des services de transport sur les Grands Lacs et qu'il s'agit de la seule entreprise canadienne indépendante qui reste en activité. C'est assez important dans la mesure où toutes les autres compagnies maritimes ont fusionné pour former la Upper Lake Shipping Inc.

.0900

Pour terminer, je signale que ces navires battent pavillon canadien et que ses employés sont canadiens.

M. Robert Paterson (directeur général, division de la marine, N.M. Paterson and Sons Limited): Merci.

Je souhaite la bienvenue à tous ceux d'entre vous qui sont de nouveau à Thunder Bay ainsi qu'à ceux qui n'étaient encore jamais venus; je reconnais toutefois une bonne partie d'entre vous. Étant donné que nous sommes un des rares exploitants indépendants qui restent sur les lacs, nous sommes heureux de nous retrouver ici un an et demi plus tard, pour vous faire à nouveau un exposé.

Mon exposé portera essentiellement sur trois sujets: le port, la Voie maritime et le pilotage. Cela ne doit pas vous surprendre. À l'instar des autres témoins, je ne lirai pas tout le mémoire, mais pour commencer, j'estime que les observations que le ministre Anderson a faites jeudi dernier sont capitales pour comprendre la raison d'être de tout cet exercice. Sans vouloir passer en revue tous ses commentaires, j'estime qu'il a vraiment mis le doigt sur les critères qui, comme vous l'avez déjà reconnu ce matin, sont essentiels pour la rentabilité future de la Voie maritime, à savoir réaliser des gains d'efficacité, réduire les coûts et accroître la compétitivité du réseau.

Il s'agit, comme vous le savez, d'un vaste réseau qui s'étend de la tête des lacs jusqu'à l'océan Atlantique. C'est un réseau compétitif qui nécessite entre autres des ports efficaces, une administration efficace de la Voie maritime, des services de pilotage facultatifs dans certains cas et un barème commercial correspondant ainsi que des redevances pour services rationnelles. Il s'agit évidemment des services de garde côtière.

Je pense que Stan Keyes et son comité l'ont reconnu. Cela se voyait dans les recommandations qu'ils ont faites il y a environ un an et j'espère bien que vous en tiendrez compte dans votre rapport, monsieur le président, puisque vous l'avez déjà reconnu aussi.

Le ministre compte sur vous pour lui faire des recommandations solides basées sur les opinions exprimées par les principaux intervenants et d'autres groupes intéressés. Je suis certain que le ministre veut faire tout son possible pour éviter des conséquences involontaires qui compromettraient la capacité de la Voie maritime de rester concurrentielle. Pour cela, il faut que tous les articles de ce projet de loi puissent contribuer à sa réussite.

Il ne faut pas que ne fut-ce qu'un seul article du projet de loi aille à l'encontre de l'esprit de la loi. D'une façon générale, j'estime qu'à bien des égards, le projet de loi est conforme au rapport du CPT, mais certaines dispositions ont incontestablement besoin d'être examinées. C'est évidemment pour cela que nous sommes ici aujourd'hui.

En ce qui concerne la partie I, Administrations portuaires canadiennes, je signale qu'en plus des autres problèmes que la commission portuaire a mentionnés, nous sommes préoccupés par les restrictions sur les emprunts qui l'empêchent d'hypothéquer ses biens, c'est-à-dire essentiellement ses actifs. On se base en fait sur les revenus bruts. Il me semble que si les taxes et les redevances devaient être payées sur les revenus bruts, cela comprimerait les revenus si c'est la seule base d'emprunt; cela pourrait éventuellement faire augmenter les coûts.

J'estime que le résultat sera à l'opposé de ce que le ministre a dit, à savoir que ce projet de loi faciliterait l'exploitation des ports selon les principes commerciaux. Si l'on n'a rien à offrir en garantie sur les emprunts, il est assez difficile de progresser.

Comme je l'ai dit, la commission portuaire a fait des commentaires sur d'autres parties de ce projet de loi et nous sommes pas mal d'accord avec elle sur tous les points et comprenons ses préoccupations.

J'ai une dernière remarque à faire au sujet de cette partie du projet de loi. Nous estimons que le processus de consultation préparatoire à la décision de devenir une APC n'est pas vraiment prévu dans ce projet de loi, que tous les intervenants devraient peut-être participer au processus en ce sens que l'utilisateur du port et la commission portuaire devraient décider ensemble si l'obtention du statut d'APC est la voie à emprunter. Il me semble que cette voie soit parsemée d'écueils, mais ce sera peut-être la seule solution, en fin de compte. Nous aimerions toutefois avoir l'impression qu'il existe un processus de transition convenable permettant aux utilisateurs du port de décider que c'est effectivement la voie à suivre. Nous tenions à attirer votre attention sur ce point.

.0905

En ce qui concerne la Voie maritime, sa commercialisation par la conclusion d'une entente avec une entreprise à but non lucratif, est une initiative intéressante qui garantirait l'exploitation efficace et concurrentielle de cet important atout national. La disposition prévoyant de décharger les administrations portuaires de la responsabilité des biens non maritimes comme les ponts est un aspect intéressant de cette partie du projet de loi et elle était attendue depuis longtemps.

Il semble que les mêmes restrictions en matière d'emprunts s'appliquent aux ports, mais je ne suis pas au courant des ententes qui ont été conclues à cet égard entre le groupe d'utilisateurs et le gouvernement fédéral. Il me semble toutefois, d'après ce que je lis dans le projet de loi, qu'il existe quelques problèmes qui pourraient faire augmenter les droits de péage, ce qui ne contribuerait pas à mon avis à accroître la compétitivité ni à faire diminuer les frais. Je crois que la société arrivera à réduire les frais dans toute la mesure du possible, et par conséquent à éviter une augmentation des droits. Il convient de signaler que l'avenir de la Voie maritime ne peut survivre que grâce à un mouvement intense et à un volume élevé de cargaisons, ce qui dépend en grande partie d'un régime tarifaire général établi en conséquence.

En ce qui concerne le pilotage, vous ne devriez pas être étonnés d'apprendre que notre plus grande déception à propos du projet de loi C-44 est de voir qu'il ne tient pas compte des recommandations du CPT ni des discours que le ministre Young a prononcés au sujet de la réforme des services de pilotage au Canada, surtout dans la région des Laurentides. J'ai rappelé pour qu'on puisse les consulter rapidement, les recommandations qui ont été faites dans ce rapport.

En 1995, le ministre Doug Young a déclaré que les services de pilotage devaient être modernisés, que le statu quo n'était pas une solution. Le ministre a également déclaré que la politique maritime nationale permettrait d'appliquer une certaine discipline commerciale et certains principes commerciaux à la gestion des services de pilotage.

Le projet de loi C-44 n'a atteint aucun de ces objectifs. En fait, on dirait que le statu quo a été maintenu.

Au cours de l'exposé que j'ai fait devant le CPT en février 1995, j'ai signalé qu'entre 1987 et 1994, les tarifs de pilotage pour la région des Laurentides avaient augmenté de 37 p. 100 alors qu'au cours de la même période, les salaires versés aux pilotes avaient augmenté de 43 p. 100.

À titre de comparaison, je signale que les salaires de tout l'équipage d'un de mes navires, le navire à moteur Paterson en l'occurrence, y compris le temps supplémentaire, se chiffraient à6 000 $ par jour. Les services de pilotage ont facturé la somme de 4 500 $ pour un trajet de 18 heures de Montréal aux Escoumins. Cela fait 6 000 $ par jour. Par conséquent, la somme facturée pour deux pilotes dans deux districts est égale à la rémunération de l'ensemble de mon équipage.

Autrement dit, un capitaine coûte environ 500 $ par jour, avantages sociaux inclus, ce qui prouve que les tarifs de pilotage sont terriblement exagérés, puisqu'ils sont dix fois plus élevés que le salaire d'un capitaine.

J'ai vérifié à nouveau ces chiffres hier. Je vous garantis qu'ils sont exacts.

Par ailleurs, j'ai de la difficulté à conserver du personnel hautement qualifié à cause du régime de rémunération et d'indemnités des pilotes. Ce régime a un effet secondaire sur les salaires que je verse. Au cours des deux dernières années, quatre de mes employés - deux futurs jeunes capitaines qualifiés - m'ont quitté pour aller travailler pour les services de pilotage des Grands Lacs et des Laurentides.

Vous comprenez certainement le sentiment de frustration qu'éprouvent les armateurs face à ce genre de situation. Ce système n'a rien de commercial et il ne rend certainement pas la Voie maritime plus concurrentielle.

Le projet de loi contient de bonnes dispositions en ce qui concerne la fixation des tarifs ainsi qu'un processus d'examen. Dans le projet de loi C-44, la décision finale de l'Office des transports du Canada sur les tarifs proposés est jugée irrévocable; le gouverneur en conseil n'a donc plus le pouvoir de modifier ni de renverser les décisions, contrairement à ce qui se faisait autrefois au détriment des utilisateurs.

Le ministre a demandé au comité de voir s'il ne conviendrait pas de prévoir un mécanisme de rechange de règlement des différends dans le projet de loi. Par exemple, on a utilisé dernièrement le processus d'arbitrage des propositions finales dans le cadre des négociations qui ont eu lieu entre la société et l'administration dans le district numéro 1, comme en témoigne l'entente contractuelle entre les deux entités. L'arbitre a rendu une décision en faveur de l'administration, à la consternation des pilotes. Par la suite, la société a déclaré que le processus d'arbitrage des propositions finales serait exclu de leur prochaine convention.

Le mécanisme de rechange de règlement des différends doit être inclus dans la loi et il ne pas être négociable. Je préconise fortement qu'il fasse partie intégrante du projet de loi C-44.

.0910

Le ministre vous a demandé d'examiner très attentivement le système d'octroi des certificats de pilotage aux capitaines et aux seconds. Le ministre a déclaré que le système appliqué à l'heure actuelle dans certaines régions était trop onéreux. En réalité, la région des Laurentides est la seule qui pose un problème.

L'administration pour région des Grands Lacs accorde des dispenses aux exploitants canadiens dans toutes les eaux situées entre Thunder Bay et Montréal. Autrement dit, ce sont le même navire et le même capitaine qui partent de Thunder Bay et qui arrivent à Montréal ou à Québec.

Le ministre a demandé s'il fallait apporter d'autres modifications à la loi pour créer une politique nationale cohérente en matière de dispenses pour les utilisateurs canadiens. La réponse est un oui catégorique. Il n'y a aucune raison de ne pas accorder de dispense dans la région des Laurentides, étant donné que c'est déjà le cas dans d'autres régions. Nous avons grand besoin d'une politique nationale claire à cet égard.

Le nouvel article 53 de la Loi sur le pilotage prévu dans le projet de loi, qui dit que l'administration et les utilisateurs doivent avoir terminé une série de consultations d'ici décembre 1998 au sujet du système d'octroi des certificats de pilotage aux capitaines et aux seconds, inquiète beaucoup l'industrie du transport maritime. Comme l'expérience l'a démontré, après des années d'études, de consultations et plusieurs groupes d'étude, aucune décision n'a été prise.

J'avoue franchement que les utilisateurs ne pensent pas du tout que la situation change avec le système proposé ici. Il faut agir immédiatement. Pour ce qui est de la partie concernant le pilotage, je demande que le mécanisme de rechange de règlement des différends soit précisé dans le projet de loi et qu'il ne soit pas négociable dans le cadre des négociations collectives. Le système d'octroi des certificats de pilotage aux capitaines et aux seconds des navires canadiens dans la région des Laurentides devrait également concorder avec le système appliqué dans les autres régions du Canada.

Pour conclure rapidement, je signale que le thème est l'efficacité, la réduction des coûts et la compétitivité. Étant donné tout ce qui s'est passé depuis que je suis venu ici il y a un an et demi, nous sommes très inquiets.

En ce qui concerne les frais de garde côtière, le coût a augmenté d'environ cinq millions de dollars d'un seul coup depuis qu'il est fixé à un montant arbitraire de 20 millions de dollars. La somme que l'on me facture pour ces services représente le triple du taux de marge de ma division l'année dernière. C'est un montant énorme. Il est basé sur le tonnage brut enregistré et dans la conjoncture actuelle, il est pratiquement impossible de transmettre les frais aux utilisateurs. Voilà à quel point le coût a augmenté. Je ne vois aucune efficacité ni aucune réduction de coûts là-dedans.

Je signale brièvement qu'une autre question qui nous préoccupe est celle de la vente des wagons-trémies aux sociétés de chemin de fer. Vous devriez prendre connaissance, si ce n'est déjà fait, de la décision sur l'élévateur à grain de Halifax prise par l'OTC, qui illustre une bonne partie des préoccupations que nous avons au sujet de l'utilisation de ces wagons et de leur coût pour les chemins de fer.

Nous estimons qu'une terrible menace pèse sur le port de Thunder Bay et sur le transport du grain vers l'est. Un tarif quotidien de 17 $ par wagon pour acheminer le grain par chemin de fer vers Thunder Bay ne fait pas tout à fait l'affaire. Si l'on a des millions de dollars investis et que l'on vend ces wagons aux sociétés ferroviaires pour 400 millions de dollars avec une espérance de vie de 20 à 30 ans, cela réduit le revenu de 17 $ par jour à environ 4 $. Par conséquent, c'est une question qui nous préoccupe beaucoup. De surcroît, les frais d'entretien sont compris dans le tarif de base payé par les agriculteurs.

Cette question doit être examinée très attentivement. Je ne m'étendrai pas sur le sujet aujourd'hui. Ce que je veux dire, c'est que ce système est fort poussé à devenir concurrentiel. Tout ce qui s'est passé jusqu'à présent, d'après ce que je peux constater, c'est que nos frais ont augmenté et que nous ne sommes pas en mesure de faire face aux frais de pilotage. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Paterson.

Monsieur Comuzzi.

M. Comuzzi: Commençons par le dernier point, celui qui concerne la garde côtière. Je suppose qu'il s'agit d'une décision unilatérale à laquelle on n'avait pas beaucoup réfléchi et qui a eu des conséquences injustes pour un très grand nombre de représentants de l'industrie du transport maritime au Canada.

Je ne vous dis rien que vous ne sachiez déjà, mais nous avons imposé un coût, sans avoir consulté les expéditeurs et sans avoir demandé aux utilisateurs commerciaux quels services ils voulaient ou lesquels ils ne voulaient pas, de quels services ils avaient besoin et desquels ils n'avaient pas besoin. Monsieur le président, ce comité doit faire des recommandations et examiner la façon dont le système de tarification des services de la garde côtière a été mis en oeuvre. Il est extrêmement injuste à l'égard de tous les expéditeurs des Grands Lacs.

Le président: Il faudra s'adresser au ministère des Pêches et Océans...

.0915

M. R. Paterson: Je comprends de qui cela relève.

Évidemment, la firme Hickling et Booz-Allen fait une étude et nos consultants suivent le travail des siens. Nous essayons de faire le travail le plus efficace possible. Mais je ne crois pas que cela finisse par donner des résultats concrets. On pourrait démontrer que les fermetures d'entreprises durent depuis des années et que ceci n'est pas nécessairement le coup de grâce.

Je n'ai pas beaucoup confiance dans les résultats d'une telle étude, parce que je pense qu'ils pourraient être interprétés de nombreuses façons différentes. Compte tenu de ce que nous essayons de faire ici, je crois que l'on fait fausse route.

M. Comuzzi: Passons à la question du pilotage. Approuvez-vous toujours les recommandations que nous avons faites à cette époque? Elles n'ont pas été mises en oeuvre dans le projet de loi et j'espère que nous arriverons à convaincre tous les membres du comité de les y intégrer.

Je parle exclusivement des pilotes fluviaux. Une recommandation est que vos capitaines ou ceux de n'importe quels autres navires qui empruntent cette voie régulièrement aient le droit de demander leur brevet de pilote pour qu'il ne soit pas nécessaire de faire monter des pilotes sur les navires, à moins que l'armateur ou quelqu'un d'autre ne réclame leurs services.

Une voix: Le certificat.

M. Comuzzi: Oui. Cela correspond toujours à votre...

M. R. Paterson: Le projet de loi contient certes une disposition prévoyant ce genre de changement, mais étant donné le rythme auquel le système a évolué, cette formule n'a pas été très efficace.

Nous nous en occupons en ce moment même, bien sûr. Il est difficile de savoir quel programme devrait être instauré, quel type d'entraînement sur simulateur devrait exister sans savoir ce que l'on nous permettra de faire en fin de compte.

Nous avons eu dernièrement le cas de deux personnes ayant les mêmes compétences, les mêmes capacités et le même nombre d'heures de navigation, qui ont passé le test. L'une a échoué et l'autre a réussi. Je ne vois rien de logique là-dedans.

Il y a l'exemple du Ferbec, que vous connaissez probablement. Sa facture annuelle pour les services de pilotage se chiffre à 800 000 $. Ce navire fait 50 voyages par an sur le Saint-Laurent. Lorsque le pilote monte à bord au cours du 45e voyage, fait-il quoi que ce soit de plus que le capitaine? Il faut assouplir un peu le règlement dans ce domaine.

La politique n'est pas tout à fait cohérente, et je vous ai déjà parlé de tout cela. Si je peux piloter mon navire d'ici à Thunder Bay, ou plutôt d'ici à Montréal, quelle est la différence en aval de Montréal? Le capitaine a certes probablement besoin d'un pilote lorsqu'il arrive à Montréal parce qu'il est épuisé à cause de la partie précédente du voyage. On pourrait peut-être procéder différemment pour cette partie. Par contre, lorsqu'il arrive à Québec, nous estimons qu'il n'y a aucune raison de mettre en doute sa compétence.

Nous approuvons les arguments que vous avez avancés dans les recommandations initiales concernant l'abrogation du projet de loi et le secrétariat, par exemple. Il existe peut-être une façon plus simple que cela de procéder, mais nous avons effectivement besoin de pilotes en raison du nombre de navires étrangers qui viennent.

Nous sommes toutefois dans une situation où les fédérations d'armateurs exercent régulièrement des pressions sur l'AAC. Lorsqu'elles ne peuvent pas supporter une interruption, nous obtenons des dispenses et pouvons poursuivre nos activités. Par conséquent, on pousse le gouvernement à régler la question des intérêts étrangers qui font augmenter nos coûts. C'est une situation intenable qu'il faut régler si l'on veut se conformer à l'esprit de ce projet de loi.

M. Comuzzi: Et sans tarder.

M. R. Paterson: Oui, c'est là le problème. Pas dans deux ans.

M. Comuzzi: Je sais très bien - et je ne vous raconte pas des histoires - que notre recommandation n'a pas été suivie, surtout parce que les lobbyistes ont pris l'affaire en main.

M. R. Paterson: Je comprends que c'est un problème délicat sur le plan politique.

M. Comuzzi: Un groupe puissant a fait du lobbying en faveur des pilotes. Je crois que le comité doit s'inscrire en faux contre cette pratique. Nous devons réaffirmer notre position en ce qui concerne les recommandations que nous avons faites au sujet des pilotes en général. Le secrétaire parlementaire ne peut pas en parler, mais je suis certain qu'au fond, il est d'accord.

M. Keyes: Suffisamment pour appuyer un amendement?

M. Comuzzi: Je voudrais poser une toute dernière question. C'est notre dernière chance de modifier cette Loi maritime. Nous allons devoir nous en accommoder pendant les quinze ou vingt prochaines années. Il faut donc éviter soigneusement de commettre une erreur.

La politique concernant les ports canadiens était une grave erreur qui a entravé le transport maritime et les activités portuaires au Canada. Voyez-vous dans ce projet de loi certaines dispositions qui doivent nous inciter à une prudence extrême, auxquelles il faudrait peut-être réfléchir à nouveau?

.0920

M. R. Paterson: Combien de temps ai-je pour répondre?

Je crois que le vieil adage qui dit qu'il ne faut pas réparer ce qui n'est pas cassé s'applique dans ce cas-ci. La Loi sur les commissions portuaires n'était peut-être pas si mauvaise que cela, en ce qui concerne Thunder Bay en tout cas. En essayant de réparer des mécanismes qui fonctionnent assez bien, on se met à toucher à un tas de choses qui n'ont pas besoin de changer, alors que l'on ne touche pas à des problèmes comme celui du pilotage, qui mérite une certaine attention. Ce projet de loi s'est empressé d'appliquer le principe du paiement par l'utilisateur en ce qui concerne la Voie maritime mais on dirait qu'il n'a pas fait la même chose en ce qui concerne les ports ou le pilotage. Par conséquent, je pense qu'il y a du mouvement dans certains secteurs.

C'est que nous avons affaire à une question extrêmement complexe. Un nombre tellement élevé de forces différentes entrent en action et il existe tellement de situations économiques différentes dans tout le système, y compris dans l'ouest du Canada! Quand on songe à ce que Stan Keyes et son comité faisaient il y a un an et demi, tout semblait émaner de l'abolition du taux du Nid-de-Corbeau et de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest; il me semblait qu'il fallait examiner tout le système et donner à tous l'occasion de supprimer les coûts réels.

En ce qui concerne les chemins de fer - et je ne suis pas un ennemi des chemins de fer - , même si la subvention a été supprimée, le taux est resté le même et par conséquent les recettes aussi, si j'ai bien compris, et ce sont les agriculteurs qui paient des tarifs plus élevés. Il faut examiner les différentes directions et les divers modes de transport qu'ils empruntent.

Ce projet de loi essaie d'instaurer une certaine équité dans toutes les directions où le réseau des Grands Lacs joue un rôle et je crains que l'on ne devienne trop fantaisiste et que l'on ne soit pas vraiment en mesure d'avoir une vue d'ensemble parfaitement claire ni de mesurer toutes les conséquences de ce changement.

C'est peut-être un peu vague, mais il y a tellement de questions à régler que je crains que l'on ne puisse pas le faire au moyen d'un seul projet de loi, à moins d'être vraiment disposé à comprendre le système d'un bout à l'autre et tous ses rouages. Je ne sais pas si c'est possible dans les délais dont nous disposons. Je crois qu'il s'agit d'un système de transport très complexe, qui a évolué pendant une centaine d'années, et il faut être très prudent.

Le président: Merci, monsieur Paterson.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: Monsieur le président, avant de poser ma question, j'aimerais vous faire remarquer que quand j'écoute M. Comuzzi, j'ai l'impression que nous n'aurions pas tellement besoin d'opposition ici ce matin, car l'opposition semble exister à l'intérieur du parti gouvernemental. Je dis cela à la blague, parce que je reconnais à M. Comuzzi le droit de bien représenter les gens de sa circonscription et de sa région.

De mon côté, étant d'une autre région, j'ai bien examiné votre mémoire et je vais le relire. En fait, j'aimerais en savoir un peu plus, non pas sur les modifications que vous voulez apporter au projet de loi, mais plutôt sur votre entreprise.

M. Comuzzi nous a dit que vous possédiez surtout des bateaux canadiens, construits au Canada. Pouvez-vous nous dire où ils sont construits? Quelle entreprise les fabrique?

[Traduction]

M. R. Paterson: Notre entreprise existe depuis 1901 et elle a son siège à Thunder Bay. Nous sommes une compagnie céréalière et une compagnie de transport maritime qui opère sur les Grands Lacs. Nous avons fait construire des navires à la MIL Davie, qui s'appelle maintenant Dominion Bridge. Nous avons fait construire des navires à Collingwood et à Port Arthur. Nous avons fait construire des navires dans un chantier de Thunder Bay ainsi qu'au Royaume-Uni, avant la Première Guerre mondiale. Nous avons principalement fait construire nos navires à Collingwood et à Thunder Bay, dans les chantiers de la MIL Davie. C'est nous qui avons fait construire le dernier navire marchand qui a été fabriqué dans un chantier des Grands Lacs. Il s'agit du MV Paterson qui a été construit en 1985 à Collingwood. C'est lui que j'ai utilisé comme exemple.

Nous avons actuellement sept navires sur les lacs. Si l'on tient compte de la division de la région supérieure des Grands Lacs/Algoma de la Seaway Bulk Carriers, nous sommes le deuxième transporteur des Grands Lacs de notre pays. Nous n'utilisons que cinq de ces sept navires et ce, depuis 1991. Nous faisons du transport sur de longues distances uniquement comme exploitants de vraquiers. Nous n'avons pas de navire autochargeur. Nous assurons principalement le transport du grain de Thunder Bay jusqu'au Saint-Laurent. Il s'agit surtout de grain destiné à l'exportation bien que nous transportions du grain destiné au marché intérieur. Au retour, nous transportons du minerai de fer vers les aciéries américaines, en passant par le lac Michigan.

.0925

[Français]

M. Dubé: Monsieur le président, je dois dire que lorsque M. Paterson a mentionné la MIL Davie, il s'est attiré ma sympathie. La MIL Davie est justement située dans ma circonscription de Lévis.

Je voudrais savoir quel est le tonnage des bateaux céréaliers que vous envoyez dans les autres pays. Évidemment, il y a un tonnage que vous ne pouvez pas dépasser si vous utilisez la Voie maritime ici. Quel est celui de vos bateaux?

[Traduction]

M. R. Paterson: Notre principal client est la Commission canadienne du blé et nous transportons surtout du blé dur destiné à l'exportation. Nous transportons également d'autres variétés de blé canadien vers les minoteries de Montréal, en passant par la partie centrale des Grands Lacs. Nos navires ne peuvent pas avoir plus de 26 pieds et demi de tirant d'eau à cause de la profondeur de la Voie maritime. Le Paterson, qui a été construit à Collingwood, peut en fait transporter 29 000 tonnes métriques de grain par voyage, ce qui fait dans certains cas 4 000 tonnes de plus que les vraquiers traditionnels des Grands Lacs.

Nous avons en fait accru la capacité du navire de 4 000 tonnes en modifiant sa conception, puisque les dimensions des écluses sont fixes.

Je fais une légère digression, mais je pense que cela répond à votre question. La majeure partie du grain que nous transportons est destinée à l'exportation, à partir de Baie-Comeau, de Port-Cartier, de Québec et de Montréal mais pas tellement de Trois-Rivières ni de Sorel.

[Français]

M. Dubé: Merci beaucoup. Bonne chance!

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Dubé.

Merci, messieurs.

M. R. Paterson: Merci beaucoup de nous avons donné l'occasion de témoigner.

Puis-je ajouter un mot au sujet du tonnage des navires? Le Paterson transporte suffisamment de blé pour faire environ 60 millions de pains.

Le président: S'agit-il de petits ou de gros pains?

M. R. Paterson: Cela fait plus de trois convois de chemin de fer.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Comuzzi, pouvez-vous présenter les témoins suivants?

M. Comuzzi: Merci, monsieur le président.

Les témoins suivants représentent la Chambre de commerce de Thunder Bay. M. Gary Woodbeck en est l'ancien président. Le président actuel est M. Smith, qui n'a pas pu venir aujourd'hui. Je sais que tous les administrateurs - et nous l'avons été - se plaisent à croire qu'ils sont des personnages assez importants; mais l'atout de la Chambre de commerce est la personne qui se trouve à côté de M. Woodbeck, Mme Rebecca Johnson, qui fait un travail fantastique.

Mme Rebecca Johnson (présidente, Chambre de commerce de Thunder Bay): Merci beaucoup, monsieur le président. J'apprécie vos louanges.

Au nom de la Chambre de commerce de Thunder Bay, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de venir témoigner aujourd'hui. Comme l'a dit M. Comuzzi, je suis présidente de la Chambre de commerce et je suis accompagnée de l'ancien président du conseil d'administration, M. Gary Woodbeck. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de venir vous parler au nom des gens d'affaires.

La Chambre de commerce représente environ 950 organismes et compte plus de 1 400 représentants votants. Nous comptons parmi nos membres un large éventail d'entreprises dont les activités sont liées au port. Au cours de l'année 1996, notre chambre s'est surtout intéressée aux questions municipales. Bien qu'il ne soit pas directement de cet ordre, le projet de loi C-44 revêt malgré tout une grande importance pour nos membres et pour les entreprises du nord-ouest de l'Ontario. Nous sommes conscients des conséquences qu'aura l'adoption de ce projet de loi pour tous les secteurs de notre province et pour les milieux d'affaires.

Nous sommes souvent appelés à comparaître à des audiences de comité comme celles-ci pour faire des commentaires sur les initiatives du gouvernement. En réalité, nous avons comparu devant votre comité en mars 1995, lorsqu'il essayait de connaître l'avis de la population au début du processus qui a débouché sur le dépôt du projet de loi à l'étude.

.0930

Nous ne prétendons pas être des experts dans le domaine de la politique maritime. En tant que membres de la Chambre de commerce du Canada, nous l'appuyons dans les démarches qu'elle fait pour que l'on réduise d'une manière générale la taille des ministères fédéraux et que l'on privatise les services gouvernementaux lorsque c'est utile.

Nous sommes ici aujourd'hui en raison de l'importance capitale que revêt le port de Thunder Bay pour la prospérité économique de notre cité. La valeur de l'activité économique attribuable au port varie d'une année à l'autre, car le nombre de tonnes de marchandises fluctue, mais elle est généralement de l'ordre de 500 à 700 millions de dollars.

Cette activité est responsable de la création de près de 2 000 emplois directs auxquels il faut ajouter 1 500 autres emplois créés indirectement et attribuables aux activités secondaires. En outre, les industries riveraines prospères représentent une portion de l'assiette fiscale locale qui est de l'ordre de 17 millions de dollars.

Thunder Bay aurait beaucoup de difficulté à fournir des services municipaux à nos membres et des services éducatifs à nos enfants si la contribution fiscale de ce secteur à l'économie locale diminuait.

La Chambre de commerce a participé à plusieurs initiatives ayant pour objectif d'accroître la compétitivité du port de Thunder Bay. Nous sommes conscients du fait que la Voie maritime est soumise à une concurrence acharnée de la part d'autres régions côtières et d'autres modes de transport. La Chambre de commerce de Thunder Bay n'a jamais cessé de préconiser une diminution des frais imposés par le gouvernement, une diminution de l'intervention gouvernementale et des services plus concurrentiels en ce qui concerne tous les aspects des activités du port et de la Voie maritime.

La Chambre de commerce de Thunder Bay n'a pas grand-chose à reprocher au projet de loi C-44 et elle ne voit pas d'inconvénient à ce que l'on applique ces changements.

Lorsque nous sommes venus témoigner en mars 1995, nous réclamions la commercialisation immédiate de la Voie maritime du Saint-Laurent. Nous félicitons le gouvernement de prendre des initiatives dans ce sens. Nous estimons par ailleurs que si elle doit être administrée par le secteur privé, la Voie maritime continue d'être considérée comme un atout national et pas seulement en ce qui concerne la navigation commerciale mais aussi en ce qui concerne la lutte contre les crues, la production d'électricité et l'entretien ainsi que le contrôle du plus grand réservoir d'eau douce du monde.

Dans cette optique, il vaudrait mieux, à notre avis, opter pour une gestion binationale de la Voie maritime.

En ce qui concerne la création d'une Administration portuaire canadienne, la Chambre de commerce estime que l'on aurait dû reconnaître que le port de Thunder Bay est un port essentiel pour le Canada et lui accorder dès le départ le statut d'APC.

Cela dit, nous apprécions le fait que le projet de loi donne à un port comme celui de Thunder Bay l'occasion de demander et d'obtenir ce statut. Nous croyons savoir que la Commission de port de Thunder Bay a fait une demande à ce sujet. Nous l'encourageons et l'appuyons pleinement dans cette initiative.

Nous approuvons la nomination des membres du conseil d'administration de l'APC par les utilisateurs. La Chambre de commerce de Thunder a le privilège de nommer deux des membres du conseil de la toute nouvelle administration de l'aéroport international de Thunder Bay.

Alors que le projet de loi C-44 n'envisage pas la possibilité qu'un organisme comme le nôtre nomme des membres du conseil d'administration de l'APC, nous sommes certains que le système prévu permettra aux utilisateurs d'être largement représentés. Un appel national en faveur de ce genre de représentation est depuis un certain temps l'objectif que nous poursuivons.

Ce qui nous déçoit le plus dans le projet de loi C-44, c'est que les dispositions concernant le pilotage sont insuffisantes. Lorsque nous sommes venus témoigner en mars 1995, nous avons parlé des frais de pilotage, surtout en ce qui concerne les transporteurs battant pavillon canadien qui acheminent le grain de Thunder Bay jusqu'au Saint-Laurent. À notre avis, le projet de loi C-44, même s'il encourage les pilotes à abaisser le coût de leurs services, ne prévoit pas assez rapidement le retrait des pilotes dans le cas des entreprises dont les bâtiments battent pavillon canadien. Le système de pilotage est déséquilibré.

Il n'est pas raisonnable que les administrations de pilotage puissent, grâce au monopole que leur confère la loi fédérale, engager des pilotes à un coût unitaire annuel de 160 000 $ dans la région des Laurentides. Il semble déraisonnable qu'un fournisseur de services qui détient un monopole puisse faire payer aux armateurs canadiens des sommes pouvant atteindre 5 000 $ par jour pour des services dont ils n'ont pas besoin, sans compter que la loi l'a autorisé à déterminer les besoins des armateurs et à les institutionnaliser.

Les pressions exercées par la concurrence sur le port de Thunder Bay exigent une réduction immédiate des frais. La Chambre de commerce de Thunder Bay suggère que l'on modifie le projet de loi pour accorder une dispense pour les bâtiments battant pavillon canadien qui naviguent sur le Saint-Laurent et qui sont dirigés par des capitaines expérimentés.

La Chambre de commerce de Thunder Bay remercie le Comité permanent des transports d'avoir reconnu que Thunder Bay est un centre important en ce qui concerne les transports, un centre dont l'avenir dépend en grande partie de la politique maritime nationale.

La Chambre de commerce de Thunder Bay vous remercie encore une fois d'être venus ici. C'est tout en ce qui concerne les commentaires généraux que nous avions à faire, messieurs. Nous nous réjouissons de pouvoir vous donner d'autres opinions que celles qui sont exposées dans notre mémoire officiel.

.0935

Monsieur le président, nous avons terminé notre exposé. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci.

Monsieur Woodbeck, avez-vous des commentaires à faire avant que nous ne passions aux questions?

M. Woodbeck: Non, cela va.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, Mme Johnson.

Voulez-vous y aller, Jim?

M. Jordan: Je tiens à vous féliciter pour votre excellent exposé. Je suppose que vous avez eu des discussions avec les Paterson sur le pilotage, mais c'est une pure supposition.

Mme Johnson: C'est exact.

M. Jordan: Personnellement, je suis d'accord avec vous. Je pense que le comité en prendra note; j'espère qu'il le fera et qu'il réexaminera la question. Il me semble que nous essayons de nous arranger pour que vous puissiez rendre votre port plus concurrentiel et si cela pose autant de problèmes pour le système, je crois qu'il faudrait revenir sur cette question. Je ne sais pas jusqu'où cela ira, mais je sais qu'à l'origine, nous avions l'intention de l'examiner sérieusement et de la régler. J'ai l'impression que nous ne l'avons pas fait. Nous avons effleuré le problème, mais pas beaucoup plus.

D'après vous, les taxes municipales pourraient représenter une portion importante de l'ensemble des taxes produites. À mon avis, le problème, si l'on songe que l'idée est de rendre le transport maritime concurrentiel... Je sais qu'il serait simple de dire que c'est l'affaire des entreprises de ce secteur, que l'on va se contenter d'appliquer le taux au mille en se basant sur l'évaluation. Je perçois certains risques. Personnellement, je crois que vous devriez être très prudents si vous disiez à l'industrie du transport maritime qu'elle doit accepter de payer sa part des taxes municipales, elle aussi.

Vous avez d'autres sources de revenus. Vous pourriez augmenter le taux au mille d'environ un demi point dans toute la ville et cela vous rapporterait autant, j'en suis sûr. Si vous voulez vous demander si l'industrie maritime doit rester concurrentielle ou non, il faudrait à mon avis calculer très soigneusement combien vous voulez que cela vous rapporte en taxes municipales, sinon vous pourriez presque la mettre en faillite.

Je ne préconise pas de la laisser s'en sortir sans rien payer mais je pense que l'opération comporte certains risques. Si vous estimez qu'elle peut supporter une évaluation élevée de ses installations, vous courez le risque de lui donner de la difficulté à réaliser un bénéfice.

M. Gary Woodbeck (ex-président, Chambre de commerce de Thunder Bay): En ce qui concerne les taxes, nous parlions dans notre exposé de celles qui s'appliquent aux silos-élévateurs de Thunder Bay. Nous ne sommes pas des experts fiscaux.

Je pense que le maire vous donnera plus de détails tout à l'heure.

L'impression que nous avons pour le moment c'est que l'on applique à la plupart des élévateurs une formule de calcul qui oblige les exploitants à payer des taxes plus élevées que celles versées à d'autres types d'entreprises de Thunder Bay. Il est déjà arrivé que l'on ferme des élévateurs parce que les taxes imposées sur la plupart d'entre eux pouvaient atteindre jusqu'à 1,5 million de dollars par an. Je pense que leurs taxes sont basées sur la valeur de remplacement. Un des élévateurs que nous connaissons peut valoir 100 ou 200 millions de dollars.

Compte tenu de leur débit actuel, il n'est pas juste de prétendre que leur valeur est aussi élevée, surtout que nous savons maintenant que les deux élévateurs qui ont été fermés ont été vendus pour un dollar.

M. Jordan: Vous affirmez donc qu'ils doivent déjà payer trop de taxes.

M. Woodbeck: Nous estimons que la formule appliquée dans leur cas est inexacte. Nous estimons que tout le monde doit payer sa juste part des taxes et que la formule appliquée actuellement aux élévateurs en particulier n'est peut-être pas équitable.

M. Jordan: Elle est trop élevée.

M. Woodbeck: Oui.

M. Jordan: C'est tout ce que j'avais à dire. Merci.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Jordan.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: Si je comprends bien, vous appuyez la position des autres groupes qui ont comparu avant vous. Je vais vous poser une question plus générale.

.0940

Étant donné que vous êtes la Chambre de commerce, vous avez une vue globale de la région. Êtes-vous en mesure de me dire l'importance du port par rapport au reste de toutes les activités économiques? Est-ce vital? Si le port... Cela n'arrivera pas de toute façon. C'est seulement pour me faire une idée de l'importance du port de Thunder Bay dans la vie économique de votre région.

[Traduction]

M. Woodbeck: Comme nous l'avons dit précédemment, à l'heure actuelle, les élévateurs représentent une portion de notre assiette fiscale servant à financer notamment l'éducation, qui s'élève à 17 millions de dollars. On estime que les retombées financières pour la collectivité s'élèvent à 50 $ par tonne de marchandises acheminées par Thunder Bay. Le volume des diverses marchandises qui passent par notre port est de l'ordre de huit à seize millions de tonnes et par conséquent les retombées de 50 $ la tonne touchent toutes les autres entreprises de la filière céréalière.

Mme Johnson: Je signale également que la ville de Thunder Bay est considérée comme une ville portuaire depuis le début. Cela remonte à l'époque de la traite des fourrures où l'on y trouvait toute une série de traiteurs de pelleteries en plus des gens venant de l'Est. Le port joue également un rôle touristique important du fait que Thunder Bay est considérée officiellement comme une ville portuaire, ce qui a des répercussions économiques importantes.

Les répercussions se font ressentir non seulement à Thunder Bay mais dans toute la région. À cause de son attrait touristique, c'est non seulement la ville de Thunder Bay mais aussi tout le reste de cette région importante qui bénéficie de la présence du port. Je ne sais pas si je peux vous dire quelle somme cela représente, mais elle est assez considérable. Il ne faut pas négliger non plus les effets en cascades. Par conséquent, le port joue un rôle assez important.

[Français]

M. Dubé: Par rapport aux autres ports situés dans les Grands Lacs, vous me dites que c'est le plus important, parce que vous êtes au bout de la Voie maritime et situés complètement à l'ouest. Par rapport aux autres ports des Grands Lacs, avez-vous une idée de l'importance du vôtre?

[Traduction]

M. Woodbeck: Tout le grain qui passe par Thunder Bay est ensuite acheminé vers si ou huit ports différents du Saint-Laurent. Nous approvisionnons toute une série d'usines du sud de l'Ontario. Par conséquent, pas mal de gens dépendent de nous.

Le volume des marchandises qui passent par Thunder Bay ne représente pas la majorité des marchandises acheminées par le réseau, mais il s'agit incontestablement des cargaisons qui ont le plus de valeur. Actuellement, le blé vaut 300 $ la tonne. La plupart des autres marchandises, à part les produits finis, qui sont acheminées par la Voie maritime sont des marchandises de moindre valeur. Par conséquent, ce sont des marchandises de grande valeur qui passent par ici.

M. Dubé: Merci.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Dubé.

Monsieur Keyes, avez-vous une question à poser?

M. Keyes: Non, monsieur le président.

Le vice-président (M. Comuzzi): Voudriez-vous nous exposer votre position sur la question du pilotage dont on a discuté? C'est le moment.

M. Keyes: Je suis là pour écouter, monsieur le président. La démarche des utilisateurs est assez claire.

Merci pour votre exposé.

Le vice-président (M. Comuzzi): J'ai deux questions à poser, si vous me le permettez.

À propos de ce qui se passe dans le secteur forestier - et nous parlons de toutes les régions, de Kenora jusqu'à Marathon - l'idée de rebaptiser le port de Thunder Bay et de l'appeler Port du nord-ouest de l'Ontario vous est-elle jamais venue à l'esprit? Y avez-vous déjà songé pour nous donner plus d'envergure, une représentation plus large?

Est-ce une bonne idée, monsieur? Je sais que vous, les représentants de la Chambre de commerce, êtes pas mal...

Mme Johnson: Monsieur le président, il est incontestable que la ville de Thunder Bay est considérée comme une plaque tournante régionale. En tant que représentants des gens d'affaires, nous nous efforçons d'accentuer plus que jamais ce rôle.

Par ailleurs - et c'est strictement une opinion personnelle - , nous n'avons vraiment jamais demandé à nos membres de donner leur avis sur l'aspect portuaire de Thunder Bay. C'est une idée toute récente. Je ne crois pas que l'on en ait déjà discuté, pas à ma connaissance du moins.

.0945

Je vous renvoie la balle. Vous devriez examiner la situation de Thunder Bay, qui est déjà une ville portuaire désignée. Pour rebaptiser le port, il faudrait faire une éducation complète. Je ne sais pas si on l'appellerait «Port du nord-ouest de l'Ontario». Je suppose qu'il faudrait avoir de très bonnes raisons pour le rebaptiser ainsi. J'estime qu'il doit porter le nom de la ville où il se trouve. En ce qui concerne les autres régions, elles sont en fait rattachées à la localité où se trouve le port important. Je sais que Rossport a un port. Il s'agit davantage d'un port de plaisance. Je ne vois pas un tel port vouloir faire partie d'un port du nord-ouest.

Je bavarde, mais j'essaie de trouver des solutions. Je suppose que l'on pourrait y penser, mais je ne pense pas que cela présente des avantages pour l'instant.

Le vice-président (M. Comuzzi): Bien.

Vous avez dit au cours de votre exposé que vous approuviez l'idée de créer une société binationale pour réduire le coût de la Voie maritime. Pouvez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet?

M. Woodbeck: Je crois que la Voie maritime ou que le réseau d'écluses appartient dans une proportion de 29 p. 100 aux Américains. Par conséquent, il ne serait que naturel que les deux pays prennent dorénavant les décisions ensemble et qu'ils en prennent également la responsabilité, c'est à espérer, du moins.

Le vice-président (M. Comuzzi): La souveraineté dans ce domaine ne pose donc aucun problème, à votre avis.

M. Woodbeck: Non. Quand on parle de privatiser le réseau, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une voie maritime canadienne qui est là pour améliorer le sort de tous les Canadiens et pas seulement des expéditeurs ni des armateurs ou autres transporteurs. C'est un bien national qui doit le rester, même s'il est commercialisé.

Le vice-président (M. Comuzzi): D'accord.

Madame Johnson, monsieur Woodbeck, je vous remercie infiniment pour le temps que vous nous avez consacré et pour l'excellent mémoire que vous avez préparé. Nous le lirons et nous en tiendrons compte, surtout de vos recommandations concernant le pilotage.

Mme Johnson: Merci.

Le vice-président (M. Comuzzi): Le témoin suivant est M. Gordon Turner, qui représente la firme Selkirk Terminals.

Bonjour, monsieur Turner.

M. Gordon Turner (président, Selkirk Terminals): Je vous présente John Kemp, le directeur de port pour Selkirk Terminals. Il m'a fait le plaisir de m'accompagner pour me donner son soutien moral.

Le vice-président (M. Comuzzi): Vous avez l'air d'être le genre de personne qui a besoin de soutien moral.

M. Turner: Messieurs, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de venir faire des commentaires et d'exprimer nos préoccupations au sujet du projet de loi C-44. Selkirk Terminals est depuis une trentaine d'années un entrepreneur de manutention de cargaisons diverses et l'exploitant du terminal Keefer, qui est administré par la Commission de port de Thunder Bay. Depuis une dizaine d'années, nous avons une filiale, la Logistec Corporation, une société dont les actions sont cotées en bourse qui fournit des services maritimes à des entreprises commerciales mondiales.

Monsieur le président, Logistec témoignera devant le CPT à la fin du mois.

Le vice-président (M. Comuzzi): À Ottawa?

M. Turner: Oui.

Au cours des cinq dernières années, le terminal Keefer a assuré la manutention de 40 000 à70 000 tonnes de produits agricoles en sac, des cargaisons spéciales ainsi que quelques cargaisons de produits forestiers. Les chargements de produits agricoles ont tendance à être très saisonniers et sporadiques, selon la qualité et l'importance des récoltes et selon la conjoncture du marché international. On a souvent besoin de disposer à brève échéance d'espaces d'entreposage d'une superficie pouvant aller jusqu'à 140 000 pieds carrés pour des périodes pouvant atteindre seize semaines pendant la saison d'expédition.

.0950

Selkirk a un contrat syndical avec la section locale 1867 de l'AID, la General Cargo Union et, en 1995, nos frais de paye, avantages sociaux, assurances et autres avantages compris, se sont chiffrés à plus de 1,5 million de dollars. Au terminal Keefer, la Selkirk est le principal employeur pour les membres de la section locale 1867.

Selkirk a fait des investissements considérables dans le matériel, dans les ressources et dans la formation d'une main-d'oeuvre compétente et consciente des problèmes de sécurité. Nous avons également à Thunder Bay un bureau doté de tout le personnel nécessaire et ouvert toute l'année, qui sert la clientèle du port.

Nous approuvons l'initiative qu'a prise le gouvernement en présentant le projet de loi C-44 qui contribuera, à notre avis, à moderniser notre réseau portuaire. Les commentaires que nous ferons aujourd'hui porteront strictement sur les questions relevant de la politique portuaire.

Les installations du terminal Keefer sont uniques dans le commerce international canadien, en ce sens qu'il est en mesure d'assurer la manutention des produits que je viens de citer parce qu'il est capable de fournir l'espace d'entreposage et l'infrastructure ferroviaire nécessaires dans les délais relativement brefs qui sont requis. Le port est également bien organisé pour expédier des marchandises vers les régions sous-développées comme l'Afrique et les Caraïbes, où les ventes se font par fret maritime et en temps de parcours. Grâce à une main-d'oeuvre compétente, nous sommes arrivés à être concurrentiels par rapport aux autres ports canadiens. Cependant, il nous est déjà arrivé que des cargaisons soient détournées vers des ports américains situés en bordure du golfe du Mexique.

Si le terminal Keefer était obligé de payer le plein montant des taxes municipales, le propriétaire, probablement la nouvelle APC, ne serait plus en mesure de nous fournir l'espace nécessaire au tarif actuel. Si nous devions payer le plein montant des taxes municipales chaque année sur l'espace utilisé, je vous assure que les activités du terminal cesseraient et que les emplois qu'il crée disparaîtraient. Un fardeau fiscal supplémentaire risque de rendre ce port non concurrentiel, même si cela ne représentait qu'un dollar la tonne de frais supplémentaires pour l'armateur.

Nous avons collaboré avec l'AID pour pouvoir rester concurrentiels. Il a fallu pour cela que les deux parties fassent des concessions et je ne vois aucun moyen de compenser les hausses de frais qu'entraîneraient les taxes.

Les installations portuaires du terminal Keefer destinées au transport de marchandises par la Voie maritime doivent être considérées comme une nécessité pour le commerce maritime et comme un bien collectif. Le caractère transitoire et le faible volume des occasions de manutention ne permettent pas à un exploitant comme nous d'absorber les taxes municipales.

Je vous recommande par conséquent respectueusement d'inclure dans vos recommandations, une qui porte sur la révision du projet de loi C-44 dans le but de confirmer le statut d'agent fédéral des APC et de les dispenser du régime normal de taxes municipales.

Notre commentaire suivant concerne le rôle des APC par rapport à celui de l'entreprise privée. En notre qualité de principal manutentionnaire et exploitant de terminal, à l'instar du port, nous essayons de maximiser les volumes de marchandises manutentionnées. Le volume de nos investissements témoigne de notre engagement à long terme vis-à-vis du port.

Étant donné que, d'après ce que nous pouvons comprendre, la position du gouvernement est que tout ce qui peut être fait par l'entreprise privée doit l'être, nous recommandons que pour encourager l'application de ce principe, l'article 24 soit modifié de façon à préciser clairement les pouvoirs d'une administration portuaire et indiquer qu'une administration portuaire ne peut pas s'adonner à quelque activité que ce soit qui puisse être considérée comme une activité la mettant en concurrence avec ses utilisateurs, c'est-à-dire les manutentionnaires ou les exploitants de terminaux. Cela donnerait aux utilisateurs confiance dans le système et encouragerait encore davantage l'entreprise privée.

.0955

Nous avons aussi des commentaires à faire au sujet des préoccupations concernant plus particulièrement la composition du conseil d'administration des APC, leur taille et les méthodes de nomination.

Premièrement, nous sommes convaincus que le nombre de membres doit être restreint. Nous aurions tendance à préconiser qu'on le limite à neuf, au lieu d'un minimum de neuf et d'un maximum de onze.

Chez les clients du port, le nombre de membres est moins élevé qu'avant mais ils ont plus de pouvoir et d'importance. C'est ce que l'on constate dans tous les conseils d'administrations canadiens: on choisit un nombre moins élevé de membres mais chacun d'entre eux a davantage de pouvoirs et de responsabilités. Un conseil d'administration de taille réduite, mais qui est composé d'administrateurs qui peuvent consacrer davantage de temps à essayer de comprendre et à diriger les activités de façon à ce que le port réponde aux besoins de sa clientèle conformément à son mandat, est plus utile qu'un conseil d'administration composé d'un grand nombre de membres qui n'aident pas beaucoup le port à s'acquitter de sa mission.

Deuxièmement, en ce qui concerna la composition des conseils d'administration, nous comprenons la participation des trois paliers de gouvernement, fédéral, provincial et municipal. Nous sommes également heureux de constater qu'une certaine expérience dans le domaine des transports ou des affaires est exigée. Nous estimons par ailleurs que c'est une bonne chose que les candidats ne puissent pas être des fonctionnaires; par contre, il conviendrait de donner plus de précisions en ce qui concerne les nominations faites en vertu de l'alinéa 12(1)e). Voici ce que dit cet alinéa:

Nous avons trois recommandations à faire qui sont susceptibles d'accroître les chances d'atteindre les objectifs stratégiques généraux.

Pour réduire au minimum l'influence politique, nous croyons que les nominations devraient être faites en fonction des recommandations des utilisateurs. Pour cela, il faut que ceux-ci disposent d'un mécanisme leur permettant d'indiquer un ou plusieurs noms sur une liste où l'on pourra choisir le reste des candidats.

Les utilisateurs ne devraient pas être empêchés de devenir administrateurs. Nous recommandons par conséquent de supprimer l'alinéa 14e) qui empêche les utilisateurs de devenir membres du conseil d'administration d'une APC. Ainsi, les utilisateurs auront directement leur mot à dire et ils ne devront pas passer par leur avocat ou d'autres personnes impartiales qui n'ont aucune expérience dans les activités du port.

Le problème des conflits d'intérêts peut être surmonté sur le plan professionnel pour autant que ceux-ci soient révélés et que les utilisateurs le désirent.

On pourrait ajouter au processus de mise en candidature une catégorie différente d'utilisateurs et limiter la durée du mandat de chaque utilisateur ou type d'utilisateur.

Il faudrait donc définir la notion d'utilisateur avec plus de précision. Devrait être considérée comme un utilisateur, une entreprise qui paie ses droits de port, ses redevances, son loyer ou ses droits de quai directement ou indirectement à l'administration portuaire concernée depuis un certain temps, depuis deux ans par exemple.

Monsieur le président, messieurs, je vous remercie de nous avoir invités à faire des commentaires sur le projet de loi C-44.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Turner.

Monsieur Kemp, avez-vous quelque chose à ajouter ou voulez-vous seulement répondre aux questions?

Monsieur Dubé.

.1000

[Français]

M. Dubé: Bonjour. Voici mon premier commentaire. Si vous n'aviez pas déclaré d'entrée de jeu que vous étiez en faveur du projet de loi, j'aurais pensé que vous étiez plutôt contre étant donné la quantité de modifications que vous demandez. Je vous trouve très diplomate.

Il semble exister une prémisse de base dans votre intervention: c'est que le gouvernement fédéral accordera au port de Thunder Bay le statut d'agence fédérale. À mon point de vue, cela n'est pas nécessairement acquis. Si ce n'était pas le cas, tout l'aspect service public serait balayé par une complète privatisation. Ce ne serait pas la situation actuelle, mais les utilisateurs du port devraient payer davantage pour son usage.

Dans ces circonstances, j'ai de la difficulté à comprendre que vous vous disiez d'entrée de jeu très favorables au projet de loi. Pourriez-vous m'expliquer davantage votre position? Et en ce sens, quels sont les aspects positifs du projet de loi qui font en sorte que vous l'avalisez, malgré l'augmentation des coûts?

[Traduction]

M. Turner: Je crois qu'il s'agit d'un bon projet de loi principalement parce qu'il va moderniser et rationaliser toute la structure portuaire canadienne. Ma préoccupation majeure est probablement qu'étant donné que notre organisme travaille en étroite collaboration avec la Commission de port de Thunder Bay, j'ai tendance à avoir les mêmes préoccupations qu'elle à propos des taxes municipales et des frais supplémentaires qui nous empêcheront d'être concurrentiels comparativement à des ports comme celui de Duluth et des ports américains du golfe du Mexique.

On pourrait considérer que les autres suggestions que j'ai faites portent sur des questions de forme, mais nous tenons beaucoup, en tant qu'utilisateurs, à être représentés au sein du conseil d'administration. Cela ne veut pas dire que nous nous opposons à l'esprit du projet de loi C-44, que nous jugeons bien nécessaire. Nous estimons toutefois indispensable d'y apporter certains changements et ce sont les deux principaux, auxquels nous tenions beaucoup.

[Français]

M. Dubé: Vous précisez que la nouvelle situation permettrait de moderniser... Si le fédéral se retire en imposant davantage de coûts, pensez-vous que la nouvelle commission portuaire aura la capacité de moderniser son équipement?

[Traduction]

M. Turner: Je pense que l'administration du port de Montréal est déjà dotée des installations nécessaires. C'est pourquoi j'estime que si on lui donne la motivation nécessaire, l'entreprise privée sera en mesure d'introduire l'équipement requis pour faciliter le mouvement des cargaisons. Je crois que lorsque le gouvernement fédéral n'aura plus rien à voir dans l'actuelle Société canadienne des ports... C'est pourquoi je favorise la formule de l'APC, qui fera à mon avis évoluer tout le système. En effet, elle donne à chaque port davantage de responsabilités en ce qui concerne son avenir.

.1005

[Français]

M. Dubé: Je vous souhaite bonne chance. Merci.

[Traduction]

M. Keyes: Merci pour votre exposé, messieurs. J'ai parcouru votre mémoire. Je suis particulièrement heureux de voir que vous appuyez un amendement en faveur de l'octroi du statut d'agent fédéral aux APC, et je vous en remercie.

J'ai toutefois une certaine difficulté à approuver ce que vous dites à la page 5 de votre mémoire, où vous recommandez de ne pas empêcher les utilisateurs de devenir membres du conseil d'administration. J'ai environ trois questions à poser à ce sujet, auxquelles vous pourriez peut-être répondre.

Alors qu'à première vue, il semble logique de nommer l'utilisateur d'un port à son conseil d'administration à cause de l'expérience qu'il apporterait avec lui... Voici les trois questions que j'ai à vous poser à ce sujet.

Comment résoudriez-vous le problème qui pourrait découler du fait que l'on avantage un utilisateur par rapport à un autre? Je cite à nouveau l'exemple du port de ma ville, celui de Hamilton, ou même celui de Thunder Bay, dont les utilisateurs sont très nombreux. Vous ne voudriez certainement pas d'un conseil d'administration composé d'utilisateurs parce que dans ce cas-là, le nombre de membres serait de 28. Dans le cas de Hamilton, il serait de 36, ce qui est beaucoup trop. Par contre, il faut faire des choix.

Si un utilisateur, une entreprise sidérurgique comme Stelco, avait un représentant au conseil d'administration alors que l'autre utilisateur, Dofasco, en était exclu, cela risquerait évidemment de poser un problème du simple fait que l'une posséderait davantage de renseignements que l'autre sur les tarifs, les droits et aussi à cause de l'avantage concurrentiel qui pourrait en découler. Je me demande comment vous régleriez ces trois problèmes.

M. Turner: Qu'est-ce qu'un utilisateur? Est-ce le transporteur, l'expéditeur ou le manutentionnaire? Cette notion peut être définie de plusieurs façons différentes. Est-ce la main-d'oeuvre, comme semble le croire la Chambre de commerce?

Tout le monde profite de l'utilisation du port. Le plus important, c'est qu'étant donné que tout le monde en bénéficie, il faudrait une certaine représentation au conseil d'administration.

M. Keyes: Mais vous voyez le problème que cela peut poser?

M. Turner: Oui.

M. Keyes: Ou bien l'on a un énorme conseil d'administration où tout le monde siège ou l'on se contente de nommer un certain nombre d'utilisateurs qui ont alors un avantage sur les autres, voire une position dominante.

M. Turner: Oui. Tout ce que je peux dire, c'est que je sais que dans d'autres ports... Par exemple, à Duluth, le long de la route, se trouve la Duluth Superior Marine Association, une association formée par trois ou quatre concurrents. Cette formule semble être très efficace lorsqu'il s'agit de négocier avec les syndicats ou de prendre des décisions.

Sur la côte est, il existe un autre groupe appelé la MEA, la Marine Employers Association.

M. Keyes: Je vous rappelle que, à titre de groupe, les associations peuvent inscrire un candidat sur la liste des personnes recommandées par le port au ministre.

M. Turner: Oui.

M. Keyes: Les associations n'ont donc pas de problèmes. Je suis entièrement d'accord avec vous.

M. Turner: Oui.

M. Keyes: Si, dans un port donné, il existe une association de membres, ceux-ci n'ont qu'à faire inscrire un nom sur la liste à remettre au ministre et la personne en question est éligible.

M. Turner: Oui.

M. Keyes: Le fait de nommer certains utilisateurs risque de créer un conflit d'intérêts ou de poser des problèmes...

M. Turner: Oui.

.1010

M. Keyes: Vous dites qu'un problème se pose. D'autres témoins nous ont dit qu'ils ne veulent pas que l'on nomme des administrateurs n'ayant aucune expérience dans le domaine des affaires, par exemple. Il reste toutefois qu'un utilisateur peut toujours décider de faire inscrire, sur la liste destinée au ministre, le nom d'un directeur général à la retraite. Par conséquent, on aura toujours cette expérience en affaires qui serait précieuse pour le conseil d'administration.

M. Turner: Nous estimons qu'un directeur général à la retraite est toujours susceptible d'être en situation de conflit d'intérêts. Est-ce que le fait qu'il soit maintenant retraité alors qu'il ne l'était pas l'année dernière va changer son attitude ou ses principes?

M. Keyes: Il n'existe plus aucun lien fiduciaire ou direct avec l'entreprise. Par conséquent, dans la plupart des cas, cette personne...

Je connais par exemple un ex-représentant d'une entreprise sidérurgique de Hamilton qui songerait davantage aux besoins de ce secteur en général qu'à ceux de cette entreprise du port en particulier.

Je vous dis cela à titre d'information. Cela explique pourquoi nous avons décidé de procéder ainsi jusqu'à présent. C'est en attendant que l'on trouve une meilleure explication sur la façon de nommer un utilisateur sans courir ce risque de conflit. Je vous remercie pour vos commentaires.

M. Jordan: Pensez-vous que votre section locale serait considérée comme un utilisateur?

M. Turner: Oui, elle a incontestablement un intérêt d'utilisateur dans la réussite du port.

M. Jordan: Je suppose qu'à ce train-là, nous sommes tous intéressés.

À mon avis, un utilisateur devrait être une entreprise qui a payé ses droits de port, son loyer ou ses droits de quai de façon directe ou indirecte. Considérez-vous qu'un membre de votre section locale répond à ces critères?

M. Turner: Il est peut-être membre de la section locale, mais il est mon employé. Il est un employé de la Selkirk.

M. Jordan: En ce qui concerne le nombre d'administrateurs, je suppose que vous n'arriveriez jamais à décider s'il devrait être de neuf, de cinq ou de douze.

M. Turner: Non.

M. Jordan: Il faut commencer quelque part.

M. Turner: À notre avis, plus le nombre est élevé et plus cela devient problématique.

M. Jordan: Je crois que nous sommes généralement d'accord sur ce point. D'autres témoins nous ont dit aujourd'hui que l'on y perdait lorsque le nombre dépassait une certaine limite. Je crois que c'est vrai dans tous les cas.

Je n'ai rien d'autre à ajouter.

Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Turner, je vous remercie infiniment d'être venu aujourd'hui. Le comité tiendra compte de vos commentaires. Vous recevrez un exemplaire de l'ébauche des recommandations que nous ferons au ministre.

M. Turner: Bien. Merci.

Le vice-président (M. Comuzzi): Messieurs, je vous présente le maire de Thunder Bay qui aura des choses très intéressantes à vous dire.

Bonjour, Votre Honneur. Merci d'être venu.

Je signale à mes collègues que nous sommes très fiers de notre maire. Si ses pensées ne sont pas uniquement axées sur les problèmes de transport, c'est parce qu'une autre réunion a lieu à l'hôtel, au cours de laquelle on va décider de l'avenir des soins de santé dans le nord-ouest de l'Ontario. La réunion commencera dans environ une heure et demie. Je signale à ceux d'entre vous qui sont de l'Ontario, Stan et Jim et vous, les gens d'Ottawa, que Thunder Bay est le premier endroit où le comité de la santé a fait ses recommandations. Je crois que Sudbury est le suivant. Elles ont été transmises au Parlement. Faites donc attention.

M. Jordan: Est-ce une question très importante ici, à Thunder Bay?

Le vice-président (M. Comuzzi): Très importante.

M. David Hamilton (maire de Thunder Bay): Bonjour, monsieur le président. Bonjour. Buon giorno.

.1015

Je m'appelle David Hamilton et je suis le maire de Thunder Bay. Je vous souhaite la bienvenue dans notre ville. Je vous souhaite bonne chance dans vos délibérations.

Je sais que plusieurs grandes municipalités qui dominent la Fédération canadienne des municipalités ont beaucoup influencé ce projet de loi. Je suis ici à titre de maire de Thunder Bay et la position de principe des organismes nationaux m'intéresse moins que le maintien et la croissance du port de Thunder Bay ainsi que les avantages qu'il apporte à notre localité et à la région.

Je signale d'emblée qu'il faut absolument que vous reconnaissiez l'importance que revêt le port pour notre localité et pour la région. Les activités portuaires fournissent 2 000 emplois directs à cette localité et jusqu'à 1 500 emplois indirects. Par conséquent, les activités portuaires constituent avec l'industrie des produits forestiers, certains secteurs de la fonction publique comme celui de la santé et de l'éducation ainsi que le tourisme, les secteurs dont la contribution à l'économie locale est la plus importante. Je dois vous dire que ce projet de loi ne peut pas être structuré de façon à entraîner une détérioration de la situation concurrentielle du port.

La compétitivité du port n'est pas un problème nouveau pour l'administration municipale. Nous avons un groupe de travail sur la survie du port de Thunder Bay, qui est un comité permanent de l'administration municipale. Alors qu'au début il s'agissait d'un comité formé de représentants des utilisateurs, avec la participation de l'administration municipale, il est devenu un comité municipal permanent en raison de l'importance extrême du port pour cette région.

Ce groupe de travail - et je sais que plusieurs de ses membres sont venus témoigner aujourd'hui - est arrivé à persuader le conseil et moi-même de reconnaître la situation concurrentielle de la Voie maritime et du port de Thunder Bay.

En dépit du fait que ce groupe de travail a vu le jour à Thunder Bay, il convient de signaler que toutes les localités du nord de l'Ontario faisant partie de l'association des chambres de commerce du nord de l'Ontario y sont représentées.

Thunder Bay est le centre régional dans beaucoup de secteurs: les soins de santé - ou du moins nous l'espérons après la réunion de ce matin - , l'éducation et les services de transport. Les activités portuaires ne servent pas uniquement notre ville mais tout le nord-ouest de l'Ontario ainsi que quatre provinces de l'ouest, ce qui fait que le maintien de notre port à titre d'administration portuaire canadienne est d'autant plus capitale.

Je vais vous parler plus particulièrement des taxes imposées sur les installations portuaires. Au cours des années, Thunder Bay a profité énormément des taxes perçues sur les installations portuaires, et surtout sur les silos à grain. Nous en avons fait une localité dotée de tous les services nécessaires grâce à des taxes qui étaient à un taux qui se justifiait pendant la période faste du transport du grain par Thunder Bay jusqu'à ce qu'en 1982, si je ne me trompe, le volume de grain expédié par le port de Thunder Bay atteigne pratiquement les 20 millions de tonnes.

Cela remonte à quelques années. Je reconnais que du point de vue de l'évaluateur, les installations portuaires étaient considérées comme une vache à lait. La ville de Thunder Bay recevait en moyenne environ un million de dollars de taxes par silo à grain.

Depuis la fin des années 1980, la situation concurrentielle des industries portuaires s'est toutefois considérablement détériorée. Cinq gros élévateurs à grain ont été fermés. Il semble que les arriérés de taxes et les frais de démolition soient à la charge de la municipalité à la fin de la rationalisation qui est en cours.

Cela ne nous intéresse pas de taxer à mort les installations portuaires et les terrains situés en périphérie du terminal Keefer quand une administration portuaire canadienne aura été créée à Thunder Bay. En tant que maire, je ne suis pas disposé à les considérer comme une vache à lait, alors que cela pourrait être le cas pour des municipalités plus importantes.

Il faudrait accorder le statut fédéral à la nouvelle APC de Thunder Bay. Ce statut devrait comprendre la possibilité de négocier des redevances pour services avec notre municipalité, si la situation financière le permet. D'après ce que je sais des travaux qui ont été faits jusqu'à présent sur la compétitivité des ports, je ne pense pas que le paiement de taxes doive être une priorité. La création de débouchés et d'emplois a plus d'importance à nos yeux.

Il n'est pas possible de transmettre aux utilisateurs du port les frais de fonctionnement supplémentaires que les taxes entraîneraient. Je vais citer l'exemple suivant, en sachant que je peux déclencher une autre sorte de discussion. Pour le moment, l'aéroport, qui fait actuellement l'objet de négociations, verse 350 000 $ par an sous forme de subventions tenant lieu d'impôt, conformément aux lois et règlements fédéraux. Si nous appliquions cette formule, le port de Thunder Bay paierait, d'après nos calculs, 570 000 $ en subventions tenant lieu d'impôt.

.1020

Pour être franc, j'avoue que nous pourrions faire quelque chose des 500 000 $. Qui ne pourrait pas? À mon avis, ce ne serait pas bien de notre part. Pour le moment - je vous signale cela à titre d'information - , le port ne paie aucune taxe à la municipalité de Thunder Bay sur les installations directes dont j'ai parlé dans ces exemples.

Nous pourrons en parler pendant la période des questions, monsieur le président. J'ai dit cela pour citer des chiffres.

En conséquence, je recommande que ce projet de loi soit modifié de façon à donner aux APC le statut d'agent fédéral, mais j'ajouterais qu'il faut faire preuve de prudence également.

Si les établissements comme les universités, qui sont assujettis à des subventions tenant lieu d'impôt, sont provinciaux, ils ne doivent pas payer les taxes scolaires - ils reçoivent en gros une réduction de 50 p. 100. Mais s'ils invoquaient le statut d'agent fédéral à part entière, cela reviendrait pratiquement au même que de payer des taxes. Je tiens à bien le préciser. J'ai passé beaucoup de temps hier à me préparer...

Dans le même ordre d'idées, je ne pense pas que le montant des taxes à payer à l'État, en contrepartie de la cession de la gestion des biens à l'APC, devrait être calculé d'après les revenus bruts. Les utilisateurs du port considéreraient tout simplement cela comme une autre forme d'imposition et ils éviteraient si possible Thunder Bay pour emprunter des couloirs concurrents. Après avoir couvert ses frais légitimes de gestion du port comme ceux liés à l'entretien, à la fourniture des services et à une administration raisonnable, l'APC pourrait être en mesure d'offrir un dividende à l'État. Celui-ci devrait être négocié en fonction de circonstances locales tenant compte de tous les paramètres connus du fonctionnement de l'APC.

En conséquence, pour assurer la viabilité de l'APC, je vous demande de recommander que tout paiement fait à l'État, compte tenu des circonstances locales, soit négocié en se basant sur les revenus nets. S'il y a de l'argent à gagner, qu'on le partage. Après tout, vous avez le contrôle d'une partie des biens et vous êtes actionnaires, parce que le terrain continuera à vous appartenir.

Je vais faire ensuite des commentaires sur la question de l'administration des ports. Je sais que le projet de loi préconise l'établissement d'une structure gouvernementale qui repose sur un conseil d'administration composé de neuf à onze membres. La Commission de port de Thunder Bay a cinq administrateurs. D'après mon expérience, je doute qu'il soit nécessaire d'agrandir les conseils d'administration qui comptent déjà cinq membres. Le conseil municipal de Thunder Bay compte douze membres. Je crois que ce nombre pourrait être réduit, mais nous en discuterons dans une autre tribune.

La ville de Thunder Bay a le privilège de pouvoir nommer deux de ces administrateurs. Cela fait deux sur cinq. Grâce à cela, une excellente collaboration a pu s'établir entre la commission portuaire et la municipalité. J'insiste sur le fait qu'elle est excellente. Les tensions qui, d'après ce que j'ai entendu dire, existent dans d'autres municipalités sont inexistantes chez nous. Cette collaboration ne se limite pas aux activités du comité chargé d'accroître la compétitivité du port. En réalité, notre collaboration avec les autorités portuaires s'applique à l'aménagement des terrains, au zonage, au développement économique local et à la promotion locale.

D'après ce que peux comprendre, le modèle d'administration proposé par le projet de loi C-44 permettra aux utilisateurs d'être représentés, et je suis en faveur de cette formule. À cause de cela, la municipalité et le gouvernement fédéral ne pourront nommer qu'un seul administrateur. Je suis d'accord, surtout que la majorité des membres du conseil d'administration seront des candidats présentés par les utilisateurs. Il serait peut-être bon de voir s'il est nécessaire d'assurer une présence provinciale si l'on veut créer un conseil d'administration qui soit le plus petit et le plus fonctionnel possible.

Je recommande par conséquent que l'on applique un modèle d'administration des APC donnant une certaine latitude tant en ce qui concerne le nombre de représentants des utilisateurs que le nombre total d'administrateurs, pour autant que la majorité des membres du conseil restent des candidats présentés par les utilisateurs. Je n'arrive pas à imaginer que la municipalité ne soit pas capable de collaborer et d'établir des relations durables avec un groupe de candidats présentés par les utilisateurs.

Le port de Thunder Bay doit pouvoir accroître sa viabilité en utilisant à fond tous ses biens. Je considère le terrain situé autour du terminal Keefer comme un bien collectif, en dépit du fait qu'il restera un bien immobilier fédéral sous la régie de la nouvelle administration portuaire.

J'estime que l'article 24 du projet de loi est beaucoup trop limitatif en ce qui concerne les activités permises à l'APC. Le port de Thunder Bay, généralement de concert avec Development Thunder Bay, notre agence de développement municipale, essaie toujours de trouver comme locataires du parc portuaire des entreprises du secteur des transports. Comme cela a réussi jusqu'à présent, cela a rapporté des recettes fiscales précieuses à la municipalité, étant donné que le terrain est exploité. Par ailleurs, les revenus provenant du développement non maritime font baisser les frais d'utilisation du port pour le secteur maritime, où la concurrence est extrêmement forte. Ces entreprises paient toutes les taxes d'affaires. Je demande par conséquent que les restrictions imposées sur l'utilisation des sols se bornent à empêcher l'établissement d'installations non commerciales comme des lotissements d'immeubles en copropriété, des parcs d'attractions et des casinos, car le port ne serait plus utilisé pour le compte des citoyens de notre région et de tous les Canadiens.

.1025

Pour terminer, je voudrais faire deux autres sortes de commentaires. Premièrement, nous respectons la Voie maritime et nous avons besoin de la rentabiliser davantage. Quand je parle de la Voie maritime, je parle d'une étendue d'eau située entre Thunder Bay et Halifax. Je suis certain que d'autres témoins vous diront que la Ville de Thunder Bay, par l'intermédiaire du groupe de travail dont j'ai parlé, a déterminé que la situation concurrentielle de la Voie maritime est très marginale, comparativement à d'autres couloirs de transport d'Amérique du Nord.

Nous avons besoin du modèle d'exploitation le plus efficace possible, et immédiatement. Cela ne suffit pas que ce projet de loi permette au ministre d'essayer de rentabiliser davantage la Voie maritime. Il faut le faire, et sans plus tarder. À mon avis, il n'est pas raisonnable de la part du gouvernement de vouloir essayer d'accroître la capacité concurrentielle de la Voie maritime par l'intermédiaire d'un ministère, celui des Transports, par la voie de la coopération nationale et de la commercialisation alors qu'un autre ministère, celui des Pêches et des Océans, lui met des bâtons dans les roues en imposant des redevances pour services maritimes. Cela ne peut pas continuer ainsi si l'on veut que le projet de loi C-44 atteigne son objectif officiel, qui est de faire en sorte que la Voie maritime devienne un tronçon concurrentiel du réseau national de transport.

Mon dernier commentaire porte sur le pilotage. Je ne peux pas discuter des rouages et des aspects historiques de ce secteur d'activité, ni de certaines questions de détail. Cependant, je rappelle très rapidement une petite anecdote. Je suis membre de la conférence des maires de la région des Grands Lacs et nous, les représentants de Thunder Bay, avons déposé à Montréal une motion proposant d'examiner si la présence de pilotes sur la Voie maritime est nécessaire. Notre hôte nous a non seulement empêchés de la débattre, mais il s'est arrangé pour qu'elle ne soit pas consignée. Je l'ai soupçonné d'avoir agi ainsi pour des motifs intéressés.

Tout ce que je sais, c'est que lorsqu'un armateur affirme que le capitaine de son navire connaît à fond les eaux locales et que son navire possède tout l'équipement électronique nécessaire, et que les pilotes deviennent par conséquent inutiles, il est temps de dispenser les navires battant pavillon canadien de leur présence. Dans notre cas, cela fait augmenter le coût du transport du grain sur le Saint-Laurent d'environ 20 cents la tonne et c'est une somme que nous n'avons pas les moyens de payer, compte tenu de la concurrence.

Pour vous donner un point de comparaison, je vous signale que dans le secteur céréalier, les transactions se font avec une marge bénéficiaire d'environ un quart de cent le boisseau, soit neuf cents la tonne. Par conséquent, des frais supplémentaires de 20 cents la tonne peuvent paraître insignifiants tant que l'on n'a pas de point de comparaison. Certaines personnes de ce secteur m'ont dit que les droits de pilotage viennent ajouter des frais d'environ dix millions de dollars par an à tous les autres frais.

Il faut résoudre le problème de l'inutilité des pilotes sur les navires battant pavillon canadien dans le contexte du projet de loi C-44. Il nous faut davantage qu'une vague promesse d'examiner la question d'ici décembre 1998, après les prochaines élections fédérales, je suppose. Il nous faut une décision immédiatement.

Je vais vous aider à comprendre la situation en disant qu'à Thunder Bay, le gouvernement fédéral a prélevé 700 millions de dollars en vertu de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, et nous étions généralement d'accord parce que nous savions que la subvention ne pouvait pas s'autofinancer. Ce n'était pas une situation due à la conjoncture économique; on finançait le transport du grain avec l'argent des contribuables. Nous l'acceptions bien volontiers et nous en avons subi les conséquences. Maintenant, nous restructurons notre port pour qu'il soit plus concurrentiel sans la subvention de 700 millions de dollars du gouvernement fédéral que nous, contribuables, n'avions pas les moyens de payer. Par conséquent, à notre avis, la partie supérieure du Saint-Laurent n'est pas dans une situation spéciale lui permettant de faire la même chose et j'estime qu'il est temps de régler cette question du pilotage et de se débarrasser de ces frais supplémentaires inutiles.

Je vais faire un dernier commentaire qui ne se trouve pas dans le mémoire. Churchill est la némésis de la Ville de Thunder Bay. Je ne sais pas qui est du Manitoba mais je le saurai peut-être après avoir dit cela. Si le gouvernement du Manitoba, qui négocie avec le gouvernement fédéral, désire l'acheter et que les contribuables manitobains veulent financer le redéveloppement de Churchill, nous ne les empêcherons pas et nous leur souhaitons bonne chance. Mais Churchill ne devrait pas recevoir d'autres subventions fédérales. Ce port n'est pas concurrentiel. Il prive notre port, qui est concurrentiel, de certains revenus.

J'estime que l'on a déjà engouffré suffisamment de subventions fédérales et d'argent des contribuables dans ce port-là. Nous espérons que le gouvernement provincial l'achètera et y investira de l'argent. Nous lui ferons ouvertement concurrence en toute loyauté, mais nous ne voulons pas qu'il continue d'être subventionné par le gouvernement fédéral.

Merci.

Le vice-président (M. Comuzzi): Au bas de votre mémoire, il est question de transport, de tourisme et de commerce. Voulez-vous en parler puisque vous êtes là?

.1030

M. Hamilton: J'ai mis cela à titre de comparaison, monsieur le président.

Le vice-président (M. Comuzzi): Je vais faire un commentaire parce que M. Tellier, le président du CN, a déclaré hier que la société n'exploiterait plus les lignes ferroviaires qui desservent Churchill; elle va les abandonner. Il les a offertes à n'importe quel groupe d'investisseurs ou autre groupe disposé à en poursuivre l'exploitation, mais le CN les abandonnera. Ai-je bien compris ce qu'il a dit?

M. Keyes: C'est effectivement son intention.

Le vice-président (M. Comuzzi): C'est son intention pour l'instant. Il n'a pas parlé àM. Axworthy.

M. Hamilton: Le CN est maintenant une société privée. Personnellement, et aussi en tant que maire de la ville, je m'en réjouis, parce que le CN nous parle maintenant d'une façon que nous n'aurions jamais imaginé possible. Je félicite le gouvernement fédéral d'avoir pris cette initiative. Il y a très longtemps qu'on l'attendait et nous l'en félicitons. Maintenant qu'il s'agit d'une société privée, le CN se comportera comme une société privée, et il ira là où c'est rentable. Si c'est à Churchill, c'est bien; sinon, c'est son affaire. Si c'est ici, nous tenons à l'aider à gagner de l'argent.

Le vice-président (M. Comuzzi): Je vais demander à M. Keyes... Je suis certain queM. Alcock a quelque chose à dire et je lui donnerai la parole directement après.

Monsieur Keyes.

M. Keyes: Monsieur le maire, je vous remercie pour l'exposé que vous nous avez fait et pour vos opinions impartiales sur Churchill.

Monsieur le président, je remercie le maire d'avoir le cran, le culot et l'audace d'être capable de reconnaître, malgré la perception de la FCM - car nous n'avons pas encore entendu parler d'elle - que c'est de l'arnaque fiscale, dans le cadre de notre processus de consultation, de dire les choses comme elles sont, de reconnaître l'énorme potentiel que représente un port pour sa région sur le plan de la création des richesses et de la création d'emplois. Il serait à mon avis abominable d'oser suggérer d'imposer des taxes supplémentaires; c'est du moins ce que pensent nos témoins.

Le vice-président (M. Comuzzi): Passons à votre question.

M. Keyes: Nous nous en prenons très souvent aux témoins, monsieur le président, et il ne m'arrive pas souvent de pouvoir approuver l'attitude d'un témoin qui tient tête à l'ensemble du groupe. Je crois qu'il mérite des félicitations à cet égard parce qu'il reconnaît que la situation concurrentielle d'un port se détériorera si ces taxes commencent à devenir trop lourdes.

Je tiens à signaler à certaines personnes qui ne le savent peut-être pas que les municipalités reçoivent déjà des sommes d'argent considérables des locataires du port, des propriétaires d'immeubles privés qui paient des taxes municipales sur les terrains qu'ils louent aux ports.

J'ai examiné mes notes sur Thunder Bay. La ville a reçu en 1995, à titre de taxes municipales, 451 000 $ dollars des locataires et treize millions de dollars des propriétaires d'immeubles privés du port de Thunder Bay. Je trouve formidable que le maire dise publiquement que la municipalité s'en tire bien et qu'elle encouragera la croissance.

En ce qui concerne la question de l'administration et de la limitation du nombre d'administrateurs à cinq au lieu de neuf ou onze, je pense que nous envisageons sérieusement de recommander de limiter le nombre à sept, mais nous devons encore en discuter et entendre d'autres témoins. Je me pose des questions au sujet de la limite de cinq, monsieur le maire, parce que dans une localité où l'on peut considérer que c'est un nombre suffisant, étant donné qu'il y a un représentant du gouvernement provincial, un de l'administration municipale et un du gouvernement fédéral, le ministre ne peut plus nommer que deux administrateurs choisis parmi les personnes dont le nom figure sur la liste établie d'après les recommandations des utilisateurs. Je me demande si cela ne réduirait pas les possibilités de participation de la collectivité. En ce qui concerne les utilisateurs, qui sont évidemment nombreux, ces deux postes seraient comblés très rapidement. Il ne resterait donc plus de place pour un représentant d'un comité de développement régional ou d'un comité d'action corrective, pour des gens que l'on souhaiterait beaucoup nommer au conseil d'administration d'un port qui fait partie d'une collectivité plus large.

.1035

M. Hamilton: J'ai tendance à être en faveur d'une réduction de la taille et du nombre de conseils d'administration et il y a onze ans que je fais de la politique municipale. J'estime que c'est la réalité actuelle. Je pense que les contribuables veulent connaître les responsables et pouvoir discuter avec eux, qu'il s'agisse de membres d'un conseil d'administration ou de responsables d'un organisme quelconque.

Un nombre se situant entre cinq et onze ou douze serait acceptable, j'en suis sûr et je comprends que vous puissiez souhaiter ajouter un ou deux membres. Mais quand j'ai vu le nombre d'administrateurs, je me suis rendu compte que c'était à peu près la taille de mon conseil municipal. J'ai de l'expérience dans ce domaine, et j'estime que ce nombre peut être réduit. C'est pourquoi j'ai donné cet exemple et j'ai dit que je n'aimerais pas du tout qu'un conseil d'administration comprenne un nombre de membres tellement élevé qu'il serait impossible de savoir qui est vraiment responsable et qui a voté de telle ou telle façon. Il s'agit de rendre des comptes à la collectivité et à mon avis plus le nombre d'administrateurs est élevé, pire c'est.

M. Keyes: Par contre, il ne serait peut-être pas bon non plus que le nombre soit trop restreint.

M. Hamilton: Je suis certain qu'il y a moyen de trouver un juste milieu acceptable. J'estime seulement que le nombre prévu dans le projet de loi, entre neuf et onze, est un peu élevé.

M. Keyes: Merci, monsieur le maire. Félicitations.

M. Hamilton: Merci.

Le vice-président (M. Comuzzi): Avant de cesser de poser des questions, pourriez-vous faire des commentaires sur la position du maire au sujet des pilotes?

M. Keyes: Sur le pilotage?

Je suis un bon auditeur, monsieur le président, et je continuerai à écouter les témoins un après l'autre.

Le vice-président (M. Comuzzi): D'après vos principes, il est évident que vous accepteriez que l'on fusionne l'administration aéroportuaire locale et la commission portuaire locale.

M. Hamilton: C'est une autre formule originale et je dirais immédiatement oui. Cela pourrait se faire facilement. Je le répète, je trouve que tous ces organismes, avec toutes les dépenses qu'ils entraînent... Il faut mettre un terme aux doutes et à la confusion. Si c'est la formule que vous préconisez et que nous pouvons la mettre en pratique, je dirais oui. Ces deux organismes font partie du secteur des transports. Je suis certain que la synergie qui existe entre eux serait un atout et pas un obstacle.

Le vice-président (M. Comuzzi): Je suis d'accord avec vous.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: Je ne m'engagerai pas dans un débat sur le port de Churchill. Venant du Québec, j'ai certaines opinions là-dessus. Je discuterai plutôt de la concurrence avec les ports américains, car il existe des ports américains autour des Grands Lacs, n'est-ce pas? Est-ce que vous avez étudié cet aspect? Est-ce que vous trouvez que le projet de loi contribuerait à harmoniser les relations du port de Thunder Bay avec les ports américains qui sont dans le secteur des Grands Lacs?

[Traduction]

M. Hamilton: Merci.

Je voudrais pouvoir vous donner la réponse à ces questions très pertinentes mais au lieu d'essayer de le faire, j'avoue d'emblée que j'en suis incapable. Notre plus proche concurrent est le port de Duluth, au Minnesota, et son jumeau, le port de Superior, au Wisconsin. Nous collaborons avec eux. Ils sont, si je puis dire, au niveau du nez de la tête du lac Supérieur mais ils nous font également concurrence.

Cette question devrait être analysée par d'autres personnes qui s'y connaissent mieux que moi. Plutôt que de répondre à côté, je préfère avouer tout simplement que je ne possède pas les renseignements nécessaires. Par contre, vous devriez avoir ces renseignements et je suis certain que quelqu'un de notre port pourra vous donner ces précisions.

Il convient aussi de suivre très attentivement le fonctionnement du bassin du Mississippi. Il fait concurrence à la Voie maritime du Saint-Laurent. Il y a des régions où le fonctionnement des ports a tendance à être plus efficace. Tous ceux d'entre nous qui y sont allés ont vu des barges chargées de grain monter et descendre le Mississippi; ce n'est pas tellement rare. Par conséquent, les ports américains nous font concurrence.

En ce qui nous concerne, notre premier concurrent et premier allié, ou plutôt nos deux premiers concurrents et alliés sont les ports de Superior et de Duluth. Il y a aussi le réseau du Mississippi qui nous fait directement concurrence. Je préférerais que d'autres personnes qui s'y connaissent dans ce domaine répondent à cette question et vous donnent satisfaction au lieu d'essayer de répondre à une question à laquelle je reconnais ne pas connaître les réponses.

.1040

Ce sont d'excellentes questions, à mon avis.

[Français]

M. Dubé: Une dernière question plus générale. Je pense que M. le maire sera en mesure d'y répondre.

C'est seulement la deuxième fois que je viens à Thunder Bay. Évidemment, en une journée, on n'a pas le temps de tout connaître. J'ai posé la question à la Chambre de commerce, quand vous n'étiez pas là. J'aimerais avoir votre point de vue.

Tout d'abord, combien d'habitants la ville compte-t-elle?

[Traduction]

M. Hamilton: 115 000.

[Français]

M. Dubé: D'accord. Je voudrais savoir ce qu'il adviendrait si le port venait à disparaître, à fermer en somme. Quel serait l'effet de cette fermeture? Cela permettrait d'évaluer l'impact qu'il a actuellement.

[Traduction]

M. Hamilton: Je dirais tout d'abord que, indépendamment des emplois directs et de tous les avantages économiques concrets, nous perdrions notre raison d'être.

Il faut mettre un peu de coeur dans tout ce que l'on fait en politique. Ce port a été créé pour les transports. C'était la plaque tournante de la traite des fourrures, le rendez-vous.

Je n'essaierai pas de faire de l'éloquence et de parler de l'époque des voyageurs mais il est important de connaître la raison pour laquelle ce port existe. C'était un port de transbordement. Il a toujours été une plaque tournante des transports en Amérique du Nord.

Quand notre raison d'être disparaît, on peut toujours faire autre chose. On peut attirer d'autres industries - et nous l'avons fait d'ailleurs - , mais je crois que l'on commence à ressembler moins à une vraie collectivité. Une raison historique justifie notre présence et il ne faut jamais l'oublier. En outre, des milliers d'emplois seraient décimés de façon très visible et très tangible et la zone riveraine serait délabrée.

On peut y voir un silo-élévateur abandonné, à moitié démonté, qui était autrefois le plus gros élévateur à grain du monde. Il n'est plus en exploitation, il ne produit plus de richesses, plus de taxes, plus rien. À mon avis, ce serait le symbole de la destruction de notre collectivité, si notre port ne tenait pas le coup. Oui, ce n'est qu'un élévateur et il y en a d'autres qui prospèrent, mais notre capacité en est diminuée. Avec cette capacité concentrée, nous espérons survivre une fois de plus, en apportant certains changements.

J'espère que M. Comuzzi pourra vous montrer le terminal 6. Si vous le voyez, cela vous aidera beaucoup plus à comprendre l'importance de ce port et les conséquences que sa perte pourrait avoir pour nous que si je vous en parlais encore pendant une heure.

[Français]

M. Dubé: Un dernier point. Vu l'importance que vous lui accordez, même si les conditions ayant trait à l'imposition municipale étaient maintenues dans le projet de loi et malgré les coûts encourus par la ville pour faire certaines choses, vous seriez disposés à remettre l'argent que procurait la taxation municipale au port de Thunder Bay?

Vous n'êtes pas obligé de répondre maintenant.

[Traduction]

M. Hamilton: C'est une question intéressante. Je ne suis pas comptable, mais je sais lire les états financiers. Il n'y a pas d'argent.

Je participe aux activités du comité de la FCM par téléphone et je peux voir quelles sont ses orientations. Par conséquent, je suis heureux d'avoir l'occasion de vous parler personnellement.

Ce n'est pas le moment de s'en prendre à un organisme dont nous n'avons pas tiré de revenus jusqu'à présent et d'essayer de demander au port de résoudre tous nos problèmes, car nous n'aurons rien et nous le détruirons. D'ici cinq ou dix ans, s'il gagne beaucoup d'argent, nous en reparlerons peut-être.

M. Dubé: Merci.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Dubé. Je peux peut-être répondre à ma façon à la question que vous avez posée au maire à propos de l'importance que le port a pour la ville de Thunder Bay.

Il fait partie de notre patrimoine. Il fait partie de notre culture. Le port et Thunder Bay, et tout ce qui s'y rattache, revêt autant d'importance pour le nord-ouest de l'Ontario que la question de la culture pour la province de Québec. Cela vous donne-t-il une idée de son importance?

.1045

M. Hamilton: Monsieur Dubé, j'étais à Québec pour la conférence des maires de la région des Grands Lacs. Nous avons fait une visite de la ville et du port. Nous avons vu le beau chantier naval. C'était un endroit magnifique, mais il ne s'y passait rien.

J'ai parlé à certaines des personnes qui se trouvaient sur les navires. Elles m'ont expliqué que certains membres de leur famille qui travaillaient tous là étaient maintenant sans emploi.

Par conséquent, il n'y a pas de travail ici et il n'y a pas de travail à 1 000 milles d'ici, à Québec. Nous avons besoin de ces emplois. Pour moi, c'est une réalité qui indique de façon très concrète que les ports de la Voie maritime sont interdépendants et qu'il faut étudier les coûts de près pour réussir.

Le vice-président (M. Comuzzi): C'est la dernière question.

[Français]

M. Dubé: Il ne sera pas question du gouvernement libéral actuel auquel s'adressent habituellement les critiques, mais plutôt de l'ancien gouvernement conservateur. L'arrêté du port de Québec avait permis de faire des surplus, et le gouvernement conservateur antérieur avait effectué deux ponctions totalisant 30 millions de dollars dans ces surplus qu'il avait mis dans ses coffres. Les administrateurs locaux n'étaient pas motivés à être performants dans un contexte où le gouvernement pouvait ainsi se servir. Maintenant, le projet de loi dit que le gouvernement ne ferait plus cela, mais par contre ne fournirait plus d'argent à la caisse des ports.

Étant de la circonscription de Lévis, en face de Québec, là où se trouve le chantier que vous avez vu, quand j'ai entendu ce matin un des armateurs dire que ses bateaux étaient fabriqués ici, au Canada... J'ai compris qu'il y aura une loi sur la marine marchande; j'interviendrai à ce moment-là. Si des conditions faisaient que les bateaux circulant dans la Voie maritime étaient fabriqués au Canada, vous comprenez que Lévis, la MIL Davie et les autres fabricants s'en réjouiraient. En ce sens, nous serions tout à fait prêts à coopérer avec les ports des Grands Lacs. Je pense que ce serait intéressant. Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Alcock.

M. Alcock (Winnipeg-Sud): Merci, monsieur le président. Je n'ai rien à dire si ce n'est que je suis très déçu de voir une localité de notre pays en attaquer une autre. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre cela. Je transmettrai vos observations au Manitoba et elles auront certainement une influence sur mon opinion à ce sujet. Merci.

Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur le maire, je vous remercie infiniment d'être venu. C'était un excellent exposé. Vous avez donné la position de la municipalité sur les délibérations que nous devrons tenir non seulement au sujet du port de Thunder Bay mais aussi de tous les ports du réseau des Grands Lacs et du Saint-Laurent.

M. Hamilton: Merci, monsieur le président. J'espère avoir l'occasion de vous montrer le terminal 6.

Le vice-président (M. Comuzzi): J'irai le voir. Si la commission portuaire nous le permet, nous irons faire un tour sur son territoire en allant à l'aéroport.

M. Hamilton: Merci.

Le président: Je vous signale que nous sommes en avance sur notre horaire et le témoin qui doit commencer à 11 h n'est pas encore arrivé. Nous allons faire une pause de dix minutes.

.1050

.1104

Le président: La séance se poursuit.

M. Comuzzi: Je vous présente M. Daniher qui est vice-président-directeur de la division du grain du Syndicat des Transports Communication. Il est également président du Lakehead Port Council.

.1105

Je vous signale, si vous ne le savez pas encore, que le marché du travail au port de Thunder Bay connaît une période de stabilité qui fait l'envie de tous les ports du Canada. J'ai omis de le dire lorsque les représentants de Selkirk étaient ici mais c'est vrai pour eux également.

M. Daniher, à cause de ses liens avec le Lakehead Port Council, s'est pour ainsi dire engagé à ce que le grain qui arrive à Thunder Bay n'y reste pas bloqué. Je tiens à ce que mes collègues sachent que c'est grâce à ses efforts que le port connaît une telle période de stabilité. C'est exclusivement grâce à la position que M. Daniher a adoptée, parfois à son propre détriment, que le port de Thunder Bay connaît une telle stabilité et qu'il fonctionne si bien.

M. Herb Daniher (président, Lakehead Port Council): Merci, Joe.

Au nom du Syndicat des Transports Communication, qui est affilié aux Métallurgistes unis d'Amérique et au Lakehead Port Council, je profite de l'occasion pour vous souhaiter la bienvenue à Thunder Bay, qui est le coeur du Canada et la tête du réseau de la Voie maritime du Saint-Laurent et des Grands Lacs, et où se trouve le plus grand port céréalier du Canada, un des centres de manutention du grain les plus beaux et les plus efficaces du monde.

Le Syndicat des Transports Communication regroupe 15 000 membres de toutes les régions du Canada qui assurent le transport des passagers, des marchandises et des idées d'une extrémité à l'autre du pays, ainsi qu'à l'étranger. La mission du syndicat consiste à se serrer les coudes pour atteindre des objectifs communs à savoir la sécurité, la dignité et un niveau de vie décent pour nous, nos familles et nos collectivités.

La division du grain du STC représente à Thunder Bay toute une série d'entreprises du secteur des transports qui dépendent de l'activité portuaire, à savoir 700 manutentionnaires de grain employés par six entreprises à dix terminaux; 100 cheminots du CP; 100 camionneurs représentant plusieurs firmes et 75 employés du secteur de la transformation du grain qui travaillent pour...

Le président: Monsieur Daniher, voulez-vous parler un tout petit peu plus lentement. Les interprètes doivent vous suivre.

M. Daniher: Bien. Ce n'est que l'introduction. J'ai repris cette page d'introduction d'un autre exposé que j'ai fait. Quand je l'ai relue, je comptais la modifier mais j'ai jugé bon d'indiquer les changements qui ont eu lieu dans notre représentation depuis la dernière fois que nous avons fait un exposé.

Pour le moment, il reste 400 manutentionnaires de grain qui travaillent au port alors que nous avons 500 membres. Nous avons perdu 200 autres membres. En réalité, il n'existe plus dix terminaux en activité à Thunder Bay. Il en reste huit. Deux d'entre eux ont été fermés depuis la dernière fois.

Le nombre d'employés des chemins de fer a probablement diminué de moitié et une autre réorganisation est en cours en ce qui concerne le personnel non roulant du CP. La ville de Thunder Bay va probablement perdre encore 20 postes. L'usine ADM a fermé ses portes le 16 août et par conséquent nous ne représentons plus ses employés.

Je n'ai pas changé les notes introductives à dessein. Elles indiquent les changements qui se sont produits ici et les répercussions qu'un projet de loi comme le projet de loi C-44 pourrait avoir sur notre localité et sur le réseau de transport canadien.

Je suis également le porte-parole du Lakehead Port Council qui représente les membres suivants: le SIU, les Métallurgistes unis, les sections locales du Syndicat des débardeurs, les ouvriers d'aciéries, les fabricants de chaudières, les manoeuvres, la Guilde de la marine marchande du Canada, la section de l'Est de la TUAC, les Teamsters, les Travailleurs unis des transports et l'Alliance de la fonction publique du Canada. Nous avons en tout environ 3 000 membres dont l'emploi est lié directement ou indirectement aux activités portuaires.

Je signale en passant que Don McKinnon, du Lakehead Port Council, doit également venir mais comme nous avons commencé tôt, nous ne l'avons pas attendu.

En ce qui concerne le statut d'APC, l'objectif du projet de loi C-44 du gouvernement du Canada est de favoriser la compétitivité du réseau portuaire canadien, de prévoir la création des administrations portuaires lorsque c'est opportun, de régir la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent, et de modifier la Loi sur le pilotage.

Nos opinions, nos observations et nos recommandations sont fondées sur les conséquences que ce projet de loi pourrait avoir pour nos membres de Thunder Bay et de la région.

.1110

Tout d'abord, il faut apprécier l'évaluation de l'incidence nette sur les emplois dans la région en fonction de l'entrée en vigueur du projet de loi C-44. Cette équation est contenue dans l'infrastructure des transports au Canada.

Tout simplement, est-ce que le projet de loi C-44 permettra au Canada et au port de Thunder Bay d'être compétitifs dans un marché mondial tout en répondant aux besoins de leurs clients d'aujourd'hui et de demain?

Il est indéniablement impérieux que le port de Thunder Bay soit désigné «Administration portuaire canadienne». Autrement, le port subira des préjudices irréparables et sera destiné à ne devenir rien d'autre qu'une marina pour bateaux de plaisance.

Dans toute son histoire, le port de Thunder Bay a été et demeure un port de calibre international viable, ayant à sa disposition des installations et du matériel de pointe, ainsi qu'une main-d'oeuvre hors pair. Cette infrastructure, conjuguée à une main-d'oeuvre extrêmement compétente et polyvalente, nous permet de préserver notre avantage concurrentiel et de conserver nos marchés actuels tout en pénétrant de nouveaux marchés en évolution.

Nous sommes convaincus que le marché et les secteurs déréglementés du transport réagissent au moindre changement. Si l'importance du port de Thunder Bay est appelée à diminuer, ses clients actuels et la communauté internationale verront Thunder Bay et l'ensemble du Canada d'un autre oeil.

Ainsi, un client optera peut-être pour un autre itinéraire qui passe par l'une des multiples voies de communication que le port concurrence quotidiennement.

Le port de Thunder Bay a la réputation d'affronter l'adversité. Il a notamment surmonté la perte du plus important acheteur de grains canadiens, la Russie, et survécu à la guerre internationale du blé; il s'est adapté à la diversification des produits agricoles et a continué à lutter contre ce qui semble être un parti pris inhérent contre la voie navigable de l'est du Canada vers l'océan Atlantique.

Pour poursuivre le combat dans l'avenir et pour protéger les emplois, l'infrastructure et les recettes fiscales des gouvernements fédéral, provincial et municipal, il faut absolument que le port de Thunder Bay soit choisi pour constituer l'une des administrations portuaires du Canada.

Parlons maintenant de fiscalité. Comme chaque fois qu'il y a déréglementation, les effets sont dramatiques. Si l'on modifie le statut fiscal des infrastructures communes, les industries portuaires pourraient devoir assumer des taxes supplémentaires alors qu'elles se plaignent déjà d'une charge fiscale écrasante.

Le marché est tellement concurrentiel qu'un client peut choisir un trajet différent pour un écart d'à peine quelques cents la tonne. Une taxe supplémentaire serait susceptible d'avoir pour effet l'abandon ou la consolidation de certaines opérations portuaires et la perte d'un nombre considérable d'emplois. Par exemple, les deux derniers silos qui ont été fermés - en partie à cause du fardeau fiscal - ont fait disparaître ici plus de 100 emplois de manutentionnaires céréaliers. Les membres de l'Association internationale des débardeurs, qui travaillent au terminal Keefer, se retrouveraient en chômage pour de bon si cette installation était taxée au taux courant de la taxe municipale.

Personnellement, je trouve que toute cette histoire de fisc... Quand on commence à parler de taxes supplémentaires imposées aux utilisateurs pour les brise-lames et de tous ces autres coûts reliés à l'entretien d'un port... On dit, par exemple, que si les avoirs actuels de la commission portuaire étaient taxés, la facture serait de l'ordre de 600 000 $.

Il est vraiment évident - et je crois qu'on vous l'a déjà dit aujourd'hui - que si le régime fiscal proposé est implanté en fonction de la valeur de remplacement, ça aura pour résultat ni plus ni moins que la fermeture de certaines parties du port. J'en suis convaincu. J'ajouterais que si l'on décidait de taxer l'infrastructure d'usage courant, les situations que nous avons déjà pu observer au port seront encore plus fréquentes.

Je pense que les silos actuels... Deux silos-élévateurs ont fermé depuis douze mois et c'est dans une large mesure à cause des taxes municipales, selon ce qu'ont expliqué les entreprises elles-mêmes. C'est révélateur. De fait, le Syndicat du blé du Manitoba versait en taxes à la ville de Thunder Bay une somme supérieure à ses bénéfices tirés de l'utilisation de ces installations.

En réalité, l'un des problèmes des silos - nous sommes au courant des fluctuations du marché et de tout le reste - , c'est qu'ils sont actuellement taxés sur leur valeur de remplacement plutôt que sur leur valeur réelle. Ces deux silos-élévateurs qui viennent de fermer ont été vendus 1,00 $ chacun. D'ailleurs, on pourrait acheter tous les quais avec un billet de 20 $.

On vous a invité à aller visiter le silo-élévateur 6. Lui aussi s'est vendu 1 $.

.1115

Laissez-moi vous dire que cette infrastructure n'a de valeur que si elle est effectivement capable de traiter de grandes quantités de grains de façon efficace et économique et qu'elle rapporte des bénéfices à ses actionnaires. C'est incontournable. À l'heure actuelle, ce port ne vaut en tout que 20 $ si le problème fiscal est tel que d'autres fermetures s'imposent.

En 1984, nous comptions 2 000 membres syndiqués rien que dans le secteur céréalier. Nous n'en avons plus que 500 et, de ce nombre, seulement 400 travaillent. Je pourrais vous raconter des tas d'autres histoires à faire frémir. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que je comparais devant votre comité pour l'informer de ces questions.

En fait, c'est surtout à ce problème fiscal qu'il faut s'attaquer tandis que vous étudiez le projet de loi. Certains feront sans doute valoir que le transport des marchandises qui passent par Keefer est subventionné. Notre syndicat leur répliquera que la mise en valeur du port et les retombées de tous ces emplois sur l'économie de la ville compensent largement le gain à court terme que constituent les taxes foncières. La Loi devrait veiller à ce que la taxation municipale ne fasse pas disparaître des emplois. Nous insistons énormément là-dessus dans notre mémoire.

En ce qui concerne la structure de l'administration portuaire, la main-d'oeuvre est reconnue comme l'élément capital de la réussite du port. Sans cette main-d'oeuvre spécialisée et la coopération des syndicats, le travail ne se ferait pas. Il devrait y avoir au conseil d'administration de la nouvelle APC autant de représentants syndicaux que d'administrateurs proposés par les utilisateurs. J'insiste sur cette représentation égale.

À la Commission de port de Thunder Bay, des représentants du conseil du port ont demandé au conseil municipal et aux politiciens locaux d'être nommés à la commission. Malheureusement, plus souvent qu'autrement, ce sont des nominations politiques empreintes de favoritisme, qui n'ont rien à voir avec la compétence ni avec une représentation équitable de la clientèle du port.

En outre, le conseil d'administration devrait avoir entre autres pour mandat d'accroître ou de maintenir la valeur des industries portuaires et le nombre des emplois au port.

Le rôle de l'APC ne devrait pas alourdir la charge des utilisateurs qui sont taxés à la tonne sans avoir leur mot à dire sur le type ou le niveau des services offerts. La valorisation du port assurera sa compétitivité en général.

La Voie maritime est tenue de concurrencer de nombreuses voies de communication. Selon des études récentes, dans toute l'Amérique du Nord, le coût du rail est devenu très compétitif par rapport au transport maritime. Étant donné l'état actuel de la concurrence, il est vital de comprimer les coûts afin de demeurer compétitif.

Les modifications proposées au fonctionnement de la Voie maritime devraient permettre de continuer à améliorer le service aux consommateurs tout en réduisant les dépenses. Il faudrait persister à mesurer et à contrôler ses succès afin de faire toujours mieux. Ces modifications devraient être mises en oeuvre en perturbant le moins possible les effectifs actuels.

La retraite anticipée, des indemnités de départ, des programmes de recyclage et d'autres mesures normales de reclassement devraient être offertes à tous les groupes d'employés touchés par le projet de loi C-44. Cela comprend les répercussions sur les pilotes qui, j'en suis convaincu, ont désapprouvé les propositions du gouvernement.

En conclusion, le monde change et il ne se passe pas un seul jour sans que l'économie subisse des transformations importantes. Cette semaine, par exemple, il y a eu le problème du manque de wagons pour la ville de Thunder Bay.

En effet, 4 000 wagons peuvent être reçus au port chaque semaine. Pour une raison ou pour une autre, il n'y a pas assez de wagons dans le réseau pour toute la récolte. Nous croyons savoir que le port est équipé pour réaliser des transactions de 4 000 wagons. Malheureusement, il ne dispose que de3 000 wagons par semaine. Autrement dit, ça ne nous permet pas de répondre aux besoins de nos clients et ça nuit à notre réputation puisque nous sommes incapables de livrer le grain à temps. C'est l'un des multiples défauts qui commencent à nous miner et que le gouvernement au pouvoir doit corriger.

Les syndicats ont pour mission de travailler ensemble en vue d'atteindre leurs objectifs communs, soit la sécurité, la dignité et un niveau de vie acceptable pour nous-mêmes, pour nos familles et pour nos collectivités. Les lois comme le projet de loi C-44 devraient aussi faire en sorte de promouvoir la croissance, la préservation des emplois et un niveau de vie acceptable.

Le Port Council demande au comité de tenir compte des observations exposées dans le rapport et de s'assurer que le port de Thunder Bay ait statut d'administration portuaire canadienne ce qui, nous l'espérons, garantira un avenir compétitif et prospère à la localité et à tous les hommes et à toutes les femmes qui travaillent directement ou indirectement au port.

J'ai terminé.

Le président: Merci, monsieur Daniher.

Monsieur Comuzzi.

M. Comuzzi: Merci, monsieur le président.

Je veux discuter du manque de wagons à grains et de son effet sur la capacité générale de fonctionnement du port. J'y reviendrai dans un moment.

.1120

Monsieur Daniher, il a été proposé au comité - et il y a en fait deux écoles de pensée - que la gestion de la Voie maritime soit confiée exclusivement à certains utilisateurs qui sont Cargill, Louis Dreyfus - qui, si je ne m'abuse, est présent dans la baie à Thunder Bay - , Dofasco - qui est à la fois aciérie et expéditeur - et Upper Lakes Shipping.

Si ça devait arriver, quel effet cette décision aurait-elle, premièrement sur la souveraineté de la commission portuaire ou de la nouvelle administration portuaire et, deuxièmement, sur le port de Thunder Bay étant donné que la Voie maritime, dont il est tributaire, serait administrée par cinq ou six grandes entreprises seulement.

M. Daniher: Je pense que l'idée à la mode, de nos jours, - même si ça ne fait pas l'unanimité - c'est que l'entreprise privée réussit bien mieux. De fait, les intéressés qui participeront au processus subiront les conséquences des décisions, même si elles seront prises tout à fait indépendamment. Il est prouvé que le secteur privé devrait arriver à une plus grande compétitivité et à une meilleure efficacité, probablement parce que, débarrassé des contraintes bureaucratiques et de l'ingérence gouvernementale, il pourra s'en tenir à l'effectif idéal. On laissera simplement agir les forces du marché. Je pense que c'est un pas dans cette voie.

Je sais que vous vous êtes efforcés, de concert avec vos homologues américains, à mettre en place une sorte de dualité administrative. Je crois que vous devriez persévérer dans cette voie.

Quant à savoir quel effet ça aura sur le port, je crois que la Voie maritime elle-même est assez indépendante de nature. Le port est à la tête des Grands Lacs, mais je pense que l'APC est un sujet tout à fait à part. La Voie maritime doit demeurer compétitive en continuant à réduire les frais de quelques cents la tonne, comme nous le suggérons dans notre mémoire.

Je sais que nous acceptons de renégocier les conventions collectives lorsque des armateurs nous le demandent afin d'avoir une plus grande marge de manoeuvre. Ils nous ont fait savoir que leur marge était infime parce qu'ils étaient en concurrence avec le transport ferroviaire direct vers les États-Unis. Effectivement, quand le navire doit rester amarré toute la nuit parce que son chargement n'est pas terminé et qu'il n'y a pas de quart de nuit, par exemple, nous allons faire en sorte que les débardeurs continuent de travailler jusqu'à ce que le bateau soit complètement chargé afin qu'il puisse partir et revenir.

C'est la même chose pour les wagons. Quand on les décharge le samedi, on ajoute, tous les 13 ou 14 jours, un cycle complet d'utilisation d'une infrastructure qui existe déjà.

Réaliser de nouvelles économies, améliorer la compétitivité des frais et réduire les marges bénéficiaires: voilà ce qu'il faut faire. C'est la voie de l'avenir.

M. Comuzzi: Ma question suivante porte sur les wagons à grains. Pourriez-vous expliquer au comité les économies réalisables avec ces wagons et la façon de tirer le maximum de rendement de notre système.

M. Daniher: Tout d'abord, plus le volume est élevé, plus il y a d'emplois. Autrement dit, plus le nombre d'emplois est proportionnel au nombre de wagons. Comme nous l'avons déclaré à la presse, si le système disposait actuellement de 1 000 wagons de plus, le chômage diminuerait. En réalité, ça équivaudrait à 2 500 wagons de plus dans le réseau parce des wagons arrivent, d'autres repartent; les vides sont chargés, certains sont chargés en cours de route, tandis que des wagons sont en train d'être déchargés au port.

Par exemple, des débardeurs ayant 20 ans d'ancienneté n'ont pas travaillé une seule journée depuis 18 mois. Si l'on disposait de ces wagons supplémentaires, ces travailleurs d'expérience cesseraient de chômer.

Il y a des économies supplémentaires à réaliser. Le temps de rotation à Thunder Bay, par exemple, est très compétitif. On se vante toujours que c'est le plus rapide et je crois qu'il est maintenant démontré que la durée de l'aller-retour entre l'Ouest et Thunder Bay est la plus courte.

En mettant la priorité sur ce mouvement maintenant, comme on l'a fait pour les mouvements vers les États-Unis, on obtient un temps de rotation de 14 jours entre Thunder Bay et l'Ouest. En réalité, les wagons partent pour des cycles de 30, 40 ou 50 jours.

.1125

Le fait que la côte Ouest ait un cycle de 12 mois nous contrarie aussi. Quand on essaie d'accélérer et de maximiser la manutention là-bas, on provoque des bouchons. Ici, la période utile est assez courte - seulement 12 semaines environ avant que les eaux gèlent. Il faut donc donner la priorité aux ventes sur la côte est et utiliser au maximum ces wagons, ce qui entraînera une maximisation globale de l'ensemble du parc ferroviaire. La côte ouest peut se rattraper ensuite parce que ses eaux sont navigables à l'année.

On en revient à ce que nous affirmons dans notre mémoire. Certains des décideurs dans le groupe qui répartit les wagons ont un parti pris. Si les grains restent sur la voie ferrée, n'ont pas besoin d'être déchargés, nettoyés et expédiés par la Voie maritime, c'est une solution concurrentielle. À mon avis, certaines des décisions prises profitent aux intéressés. Transporter les grains par bateau ne rapporte rien aux chemins de fer.

Si mes renseignements sont exacts, il faut féliciter les chemins de fer d'avoir mis des wagons supplémentaires en circulation depuis deux ou trois jours. Voilà qui rive son clou au journaliste qui titrait: «Ho hum, another grain shortage». Pour lui, c'est peut-être lassant, mais pas pour ceux qui ont besoin de grains pour travailler au port. Des milliers d'emplois au port dépendent du mouvement des céréales et des milliers d'autres emplois sont tributaires de l'ensemble du port de Thunder Bay.

Le président: Merci, monsieur Daniher.

M. Comuzzi: Je veux poser une dernière question très importante, monsieur le président.

Tout le temps qu'ont duré les compressions des quatre ou cinq dernières années dans les silos-élévateurs, les syndicats du blé, l'UGG et le fret, il y a eu un nombre considérable de mises à pied à long terme dans votre organisation et dans votre syndicat. Malgré la reprise maintenant amorcée, on n'observe pas un volume d'embauche comparable. Vous pouvez faire des vérifications, mais on me dit que les travailleurs de l'industrie céréalière font de longues journées et énormément d'heures supplémentaires. Ils gagnent un salaire assez élevé. Comment pourrions-nous remédier à la situation selon vous? Le but, c'est de créer des emplois. Fait-on faire trop de temps supplémentaire? Pouvons-nous intervenir?

M. Daniher: À mon avis, la grande priorité, au moins pour les entreprises, devrait être de maximiser le rendement des actionnaires. Quand des entreprises comme le Saskatchewan Wheat Pool et les producteurs céréaliers s'introduisent en Bourse, ils doivent rendre des comptes à leurs actionnaires. Je crois que nous sommes à l'époque d'une gestion à la General Motors qui continue à maximiser ses profits en faisant appel à la sous-traitance, en comprimant ses effectifs et en se restructurant aux dépens de ses travailleurs.

L'autre problème, c'est évidemment le temps supplémentaire, quoiqu'il ne soit pas aussi aigu cette année que dans le passé. Je pense que le gouvernement établi a déposé des documents de travail dans lesquels il est proposé de limiter les heures supplémentaires à 100 par année. D'autres restrictions y sont également prévues. Il me semble qu'en ce moment, le nombre est de 416 heures parce qu'il y a, dans notre industrie, des permis autorisant une entreprise à continuer de faire faire du temps supplémentaire à ses employés au lieu de rappeler d'autres employés mis à pied, selon une formule établissant la moyenne des heures de travail.

Nous avons négocié dans notre convention collective certaines clauses pour lutter contre ce problème; elles visent la mise en oeuvre de stratégies d'emploi. Malheureusement, nous n'avons réussi à en faire implanter aucune.

Dans l'ensemble, je pense que le gouvernement doit donner l'exemple en admettant que le temps supplémentaire nécessaire à certains moments peut certes être exploité à l'avantage des employeurs pour provoquer une diminution nette du nombre d'emplois disponibles. Le port en est d'ailleurs l'exemple parfait.

Ajoutons un second quart de travail. Si on fait les calculs, je suis certain que ça coûtera à peu près la même chose, voire moins cher, parce que ces heures seront rémunérées au taux simple et non à taux et demie ou à taux double.

Nous devons assumer nos responsabilités et ouvrir la voie, mais je crois que le gouvernement comme les entreprises devraient reconnaître qu'ils ont des obligations envers la collectivité, les travailleurs d'expérience et le syndicat. Ils doivent se réaligner sur les réalités du nouveau millénaire. Il nous faut vraiment accorder nos violons pour tenter de régler ce problème extrêmement grave qui fait que des travailleurs comptant 20 années d'ancienneté sont en chômage.

.1130

Le président: Merci, monsieur Daniher.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: Je lis le nom de votre syndicat et je vois que c'est un M. Boyce qui en est le président national. Il semble donc que vous êtes une division, soit la division des grains d'un syndicat qui regroupe beaucoup d'autres employés. Est-ce bien ainsi?

[Traduction]

M. Daniher: C'est exact.

[Français]

M. Dubé: Étant donné que vous faites partie d'un syndicat plus vaste, les salaires payés ici sont-ils les mêmes que ceux qui sont payés ailleurs dans d'autres ports où le même syndicat vous représente?

[Traduction]

M. Daniher: Je dirais que les taux de rémunération dans l'industrie céréalière à Thunder Bay, par exemple, sont compétitifs par rapport aux autres industries de la région. Cependant, ils sont inférieurs de 4 $ ou 5 $ aux taux pratiqués sur la côte ouest. Néanmoins, nous sommes certainement compétitifs dans la région.

Quant aux secteurs des transports, outre celui du camionnage qui est actuellement très concurrentiel, comme l'industrie est saisonnière ici, il faut faire une moyenne si l'on veut établir une comparaison fiable avec les travailleurs des autres modes de transport, qui gagnent peut-être 2 $ ou 3 $ de moins l'heure. Je vais vous donner comme exemple les chiffres dont on se servait en 1993. Un manutentionnaire céréalier moyen travaillait six mois et gagnait 20 000 $. À cause des compressions et de tout le temps supplémentaire, il y a eu une hausse vertigineuse des salaires qui nous permet maintenant de concurrencer les autres moyens de transport et je trouve que c'est important.

[Français]

M. Dubé: Vous dites que dans le secteur de Thunder Bay, vous avez déjà été, au cours des années 1983 et 1984, 2 000 employés. Vous seriez maintenant environ 500, dont seulement400 travaillent. Vous avez sûrement dû mettre sur pied un comité de reclassement. Qu'est-ce qui est arrivé aux anciens travailleurs? Est-ce qu'un certain nombre d'entre eux sont allés travailler dans d'autres ports?

[Traduction]

M. Daniher: Certains sont en chômage; d'autres sont des assistés sociaux, surtout les plus âgés et les travailleurs qui sont invalides. Un certain nombre se sont replacés dans l'industrie du bois, dans les scieries ou ailleurs. Beaucoup de nos travailleurs sont retournés à l'école pour se recycler et ont accepté des emplois ici, dans le secteur secondaire. Ils survivent.

Quant au reclassement, les compétences qu'ils utilisaient au port, du moins dans l'industrie des grains, leur permettraient d'aller travailler sur la côte ouest. Mais les emplois y sont rares et le coût de la vie y est sans doute bien plus élevé qu'à Thunder Bay.

En ce qui concerne les corps de métier en général que notre syndicat représente... Bien entendu, globalement, l'économie tourne un peu au ralenti. Les ouvriers ont du mal à se trouver du travail et ils subissent les mêmes conséquences, quoique, dans leur cas, il faut plutôt passer par un bureau d'embauche. Au bout du compte, ils souffriront aussi de la perte d'emplois sur les quais à cause de la rationalisation, des restructurations et des changements technologiques.

[Français]

M. Dubé: Je n'ai plus de questions. Je terminerai par un commentaire. Je voulais vous dire qu'étant un ancien membre du Comité du développement des ressources humaines, comme notre président d'ailleurs, M. Alcock, j'ai personnellement beaucoup de sympathie pour les travailleurs qui doivent être licenciés à cause d'une pénurie d'emplois. Nous, de l'Opposition officielle, du Bloc québécois, avons toujours voulu nous porter à la défense des gens en disant que s'il y a d'un côté le développement économique, il y a aussi l'emploi. Il faut que les milieux et les entreprises soient bien conscients, comme vous l'avez précisé, qu'on n'est parfois pas plus avancé en voulant économiser et rationaliser quand on retrouve les gens au chômage ou à l'aide sociale. Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Daniher.

.1135

M. Daniher: Merci.

Le président: Monsieur Shawn Campbell peut-il venir s'installer à la table s'il vous plaît?

Monsieur Comuzzi, auriez-vous l'obligeance de présenter M. Campbell.

M. Comuzzi: Messieurs les membres du comité, avant il y avait une usine de papier à Thunder Bay qui s'appelait la Thunder Bay Mill et faisait partie de la famille des entreprises Abitibi. Il y a de nombreuses années qu'elle a fermé ses portes. Ses locaux sont demeurés vacants jusqu'à ce que M. Steve Hashion et M. Campbell, qui va nous présenter le mémoire ce matin, décident de rouvrir cette usine en appliquant de nouvelles idées et de nouvelles recherches, et en lui donnant une vocation différente. Ils ont réussi à transformer l'usine de papier, qui avait fermé, en usine de conditionnement.

L'usine produit maintenant du papier à canneler, mais le plus intéressant, c'est qu'elle le fait sans employer de carton-fibre. Des produits recyclés lui servent de matière première. Il y a notamment du carton qu'ils font venir en camion de tout le Midwest des États-Unis. Arrivé à Thunder Bay, le carton est entreposé dans un des terminaux du port puis transporté en camion jusqu'à l'usine convertie.

Il semble que l'usine soit très prospère. La période de six mois prévue pour les essais a été écourtée. L'usine marche très bien et je crois que c'est grâce à notre témoin que nous avons cette nouvelle industrie à Thunder Bay.

Le président: Je vous remercie. Espérons que...

M. Comuzzi: Vous voulez me faire taire.

Le président: Monsieur Campbell.

M. Shawn Campbell (vice-président et contrôleur des finances, Thunder Bay Packaging): Merci, monsieur le président. Je serai très bref. Je prie ceux qui prennent des notes de bien vouloir m'excuser, mais je n'ai pas de mémoire écrit.

Comme l'a dit M. Comuzzi, Thunder Bay Packaging est une entreprise relativement nouvelle dans la ville. Nous fabriquons un produit appelé papier à canneler pour carton ondulé. Comme Joe l'a expliqué, nous utilisons exclusivement comme matière première des vieilles boîtes de carton ondulé.

Nous produisons environ 110 000 tonnes par année et consommons approximativement 130 000 tonnes de vieux carton ondulé. Outre notre usine actuelle, nous envisageons d'ouvrir une usine de triage qui consommerait près de 200 000 tonnes de plus.

Dans l'industrie des produits de papier, surtout à Thunder Bay, le transport est l'une de nos plus lourdes dépenses, tant pour ce que nous faisons venir que ce que nous expédions, à cause de notre emplacement. Je dois avouer que, pour des raisons économiques, nous utilisons actuellement le transport rail-route. Tout ce qui pourrait contribuer à améliorer l'efficience et la rentabilité de notre port actuel et du réseau de la Voie maritime serait accueilli très favorablement chez nous.

Nous avons examiné la possibilité d'utiliser les services de manutention du fret maritime. Pour le moment, ce ne serait pas économique, mais nous voulons absolument l'envisager pour l'avenir. Certaines de nos sources de matières premières sont à Chicago, Toledo et Toronto, trois villes accessibles par des voies navigables. Nous avons nos propres installations ici - un quai et une cale où les navires de tramping qui sillonnent les Grands Lacs peuvent accoster. Nous allons envisager ce mode de transport plus tard pour les matières qui arrivent et les produits que nous expédions.

.1140

En deux mots, je tiens à faire valoir à votre intention que, si au cours de l'étude sur la gestion de la Voie maritime et des ports, on constate qu'il y a moyen d'améliorer l'efficience, de réduire les formalités et de donner aux ports locaux la latitude de coordonner le mouvement des navires, tout en les laissant libres de se lancer dans des entreprises connexes - par exemple, l'usine de triage à laquelle nous songeons - , et si nous avions accès aux trois modes de transport, ce serait vraiment tout à notre avantage. À l'heure actuelle, nous ne disposons que de la route et du rail.

Je n'ai pas vraiment grand-chose à ajouter pour l'instant. Je vous avais promis d'être bref pour faciliter la tâche de ceux qui font les comptes rendus. Je répondrai à toutes vos questions. Demandez-moi ce que vous voulez. Ce ne sera pas long.

Le président: Merci, monsieur Campbell. C'est vrai que votre exposé a été plus bref que la présentation.

[Français]

Monsieur Dubé, vous avez des questions?

M. Dubé: Je laisserai le Parti libéral me précéder parce que j'ai manqué le début. Ce fut tellement court que je manque de matière à questions.

[Traduction]

Le président: Monsieur Comuzzi.

M. Comuzzi: Je n'ose plus ouvrir la bouche, monsieur le président.

Le président: Avec raison.

M. Comuzzi: J'ai oublié de dire, monsieur Campbell, que vous êtes une division de...

M. Campbell: Notre entreprise est une division de la St. Laurent Paperboard dont le siège social est à Montréal.

M. Comuzzi: En ce qui concerne votre usine, ce que vous souhaitez - et ça va dans le sens des propos des représentants d'autres domaines - , c'est que l'on ne concentre pas tout dans le transport maritime. Il faut songer à des services apparentés mais complémentaires dans le secteur maritime. Je crois que c'est exactement ce que recherche la Thunder Bay Packaging.

M. Campbell: En effet.

M. Comuzzi: Si vous pouviez aller chercher les matières recyclées à Chicago, Milwaukee, Green Bay, Duluth, Superior et peut-être même à Toronto et à Hamilton pour les expédier à Thunder Bay, s'il y avait un endroit où entreposer ces matières premières dans des installations portuaires, une usine de transformation dans cette installation pour que tout soit ensuite acheminé vers votre usine, ne serait-ce pas l'idéal pour Thunder Bay Packaging, à condition que la formule soit économique?

M. Campbell: Certainement, ce serait l'idéal pour cette nouvelle usine que nous envisageons. Nous avons d'ailleurs exploré cette option à un moment donné. Nous avons besoin d'un bâtiment qui aurait une superficie de 50 000 à 100 000 pieds carrés et où nous pourrions traiter ce qu'on appelle des vieux papiers divers qui ne coûtent pas cher du tout. Ensuite, il faut que ce soit trié selon les principales composantes: le papier journal, le papier à canneler et les papiers fins. Nous approvisionnerions non seulement notre propre usine de Thunder Bay, mais aussi d'autres usines de pâtes et papiers du nord-ouest ontarien.

Le président: La zone de chalandise de ce papier recyclé est-elle très vaste? Ce papier recyclé vient-il de très loin? Quelle est votre source la plus éloignée?

M. Campbell: Si l'on traçait un demi-cercle autour de Thunder Bay, il irait jusqu'à Regina dans l'ouest et Toronto dans l'est, et il descendrait jusqu'à 750 ou 900 milles au sud. Voilà à peu près notre zone d'attraction commerciale.

Le président: C'est manifestement économique pour vous d'utiliser le transport maritime pour aller aussi loin.

M. Campbell: En effet. D'ailleurs, en ce moment même, à cause de l'état du marché, nous expédions des produits jusqu'en Californie. De plus, à l'heure actuelle, nous exportons notre produit en grandes quantités parce que la demande est faible sur le marché nord-américain.

.1145

M. Comuzzi: Vous êtes plutôt pressé. Il vous faut prendre une décision dans un avenir rapproché.

M. Campbell: Oui. Le plus tôt le projet de loi sera adopté, le plus tôt le nouveau conseil portuaire pourra décider de l'orientation à prendre.

M. Comuzzi: C'est exact.

Monsieur le président, j'ai comme l'impression que, jusqu'à présent - je sais qu'il faut encore aller à Halifax, Québec et Montréal - les témoins font l'unanimité sur la nécessité d'amender cette partie.

Le président: Vous voulez parler des dispositions concernant la capacité et les pouvoirs des administrations portuaires. Je trouve que c'est un argument très utile à ce sujet. Tout à fait.

M. Comuzzi: Je voudrais savoir si les autres membres du comité pensent comme moi que ces dispositions devraient être amendées.

M. Keyes: Nous aurons l'occasion de le faire une autre fois.

M. Jordan: Vous espérez que l'adoption de cette nouvelle loi aura pour effet de rendre le transport par bateau de votre produit, de votre matière première et de vos plastiques vinyliques plus économique que le transport par camion ou par train.

M. Campbell: C'est exact.

M. Jordan: Avez-vous déjà acheté l'usine?

M. Campbell: Oui.

M. Jordan: Donc la taxation municipale ne compte pas tellement pour vous.

M. Campbell: Détrompez-vous, mais nous devons avouer que la municipalité a pleinement coopéré et nous a grandement aidé du point de vue fiscal lorsque nous sommes venus nous implanter ici.

Depuis que nous avons ouvert l'usine, nous avons évidemment rapporté quelque chose comme 600 000 $ ou 700 000 $ en recettes supplémentaires à la municipalité.

M. Jordan: Vous pouvez sans doute nous dire si la municipalité vous a concédé une réduction de votre évaluation foncière ou du montant des taxes municipales à verser pendant quelques années?

M. Campbell: Nous n'avons bénéficié d'aucune mesure directe. Nous sommes encore en négociation avec le bureau d'évaluation.

M. Jordan: Le facteur qui déterminera la réalisation de ce changement, c'est la crainte des taxes municipales qui sont susceptibles d'être levées.

M. Campbell: Oui.

M. Jordan: Ce devait certainement être l'une de vos préoccupations quand vous avez envisagé de venir vous établir ici, mais la municipalité a fait preuve de bonne volonté.

M. Campbell: Oui, elle nous a bien épaulés.

[Français]

[Français]

M. Dubé: Vous avez mentionné que votre siège social était à Montréal. Avez-vous des activités ailleurs qu'à Thunder Bay? Est-ce que vous pourriez m'en brosser un tableau?

[Traduction]

M. Campbell: Voulez-vous parler de l'organisation générale de la société mère et des autres endroits où nous avons des usines?

[Français]

M. Dubé: Oui.

[Traduction]

M. Campbell: La St. Laurent Paperboard est une compagnie qui réalise un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 500 millions de dollars. Elle possède des usines à La Tuque et à Matane. Vous savez certainement que l'usine de Matane est une cliente de la Voie maritime et qu'elle exporte une partie de sa production.

Nous avons des entrepôts à conteneurs à Toronto, à Burlington et à Markham. Il y en a aussi à Latta, en Caroline du Sud. Notre service de commercialisation se trouve en Pennsylvanie. Nous cherchons aussi à nous lancer dans le domaine de la lithographie. Nous venons d'acheter une petite imprimerie à Toronto et nous poursuivons la réalisation des projets d'expansion de l'entreprise.

Le président: Merci, monsieur Campbell. Je pense que M. Comuzzi a été très sage en s'assurant que vous comparaissiez devant le comité.

Pour la gouverne des membres du comité, voilà qui termine notre séance du matin.

M. Comuzzi: Avant de nous arrêter, il y a un mémoire que je voudrais déposer. Il m'a été remis par quelqu'un qui aurait bien aimé venir le présenter lui-même, mais qui était malheureusement dans l'impossibilité de le faire.

Il s'agit de la société James River-Marathon Limited, une grande entreprise de pâtes et papiers de Marathon, en Ontario. Elle propose certaines recommandations.

Je vais vous les présenter brièvement dans un moment, mais peut-être le greffier pourrait avoir l'amabilité de distribuer ces exemplaires. C'est la première fois que des gens de l'extérieur de la région...

.1150

Marathon est une localité d'environ 8 000 habitants, qui se situe à 250 milles environ à l'est de Thunder Bay. On y trouve les champs aurifères de Hemlo et la James River-Marathon Limited.

En gros, l'entreprise dit qu'elle approuve les buts du projet de loi C-44 et les dispositions de sa partie I.

Il y a une déclaration que je dois absolument vous lire:

On explique ensuite quelles sont ces considérations commerciales. On croit, par exemple, que les administrateurs, prévus au par. 6(2) du projet de loi, devraient être moins nombreux.

Au sujet de l'article 13 et de l'alinéa 14e), d'après l'entreprise, il faudrait choisir comme administrateurs des personnes compétentes, qu'elles soient ou non des utilisateurs. On n'approuve pas que le ministre ait le pouvoir de les nommer comme le prévoit le projet de loi, sans une disposition offrant une certaine protection.

Les examens spéciaux prévus à l'article 33 pour vérifier les activités portuaires devraient commencer par une étude ou une vérification des droits annuels versés au gouvernement pour l'utilisation du port.

Comme c'est une entreprise de pâtes et papiers représentative d'un large segment de cette industrie, elle se donne beaucoup de mal pour faire savoir qu'elle est préoccupée par les petits ports canadiens où se trouvent les opérations forestières et les usines de pâte à papier. Le projet de loi, je crois, prévoit la cession de ces ports. C'est une hiérarchie. Si ce n'est pas un port, les installations sont cédées d'abord à la province, puis à la municipalité ou aux utilisateurs. On approuve ce projet et on pense que seuls les ports susceptibles d'être viables, même les plus petits, devraient continuer d'être exploités.

L'entreprise désapprouve tout à fait la façon dont la garde côtière a institué le régime de droits d'utilisation; elle demande que le comité apporte les amendements nécessaires afin de revenir à la fixation des tarifs en fonction de considérations commerciales et de l'utilisation effective pour que l'industrie n'ait à payer que les services dont elle a besoin.

Je vous remercie. C'est tout. Je présente ce mémoire au nom de l'entreprise.

Le président: Merci, monsieur Comuzzi.

Nous allons maintenant nous arrêter jusqu'à 13 h. Je vous prierais d'être de retour ici même à 12 h 55.

.1153

.1300

Le vice-président (M. Comuzzi): Bon après-midi, mesdames et messieurs. Nous allons reprendre nos audiences sur le projet de loi C-44.

Vous savez certainement que ces réunions ont une double fonction. Nous étudions premièrement les dispositions visées par le projet de loi C-44 qui va modifier la législation canadienne du transport maritime et, deuxièmement, l'incidence du transport sur le commerce et le tourisme au Canada, en particulier dans le nord-ouest de l'Ontario, puisque c'est là que nous nous trouvons.

Le premier mémoire nous sera présenté par MM. French et Hole.

M. French est président de la North of Superior Travel Association et il est très présent dans le milieu du tourisme de tout le nord-ouest ontarien. C'est l'un des propriétaires de l'hôtel Airlane. Toute sa vie, marchant dans les traces de son père, il s'est dévoué à la cause du nord de l'Ontario.

M. Hole est le directeur général de la North of Superior Travel Association.

Messieurs, la parole est à vous.

M. Bill French (président, North of Superior Travel Association): L'enlever?

Le vice-président (M. Comuzzi): Enlevez-la, Bill.

M. French: Je m'appelle Bill French de l'hôtel Airlane. Je suis le président bénévole de l'association North of Superior dont Bruce Hole est le directeur général.

Nous voulons remercier le Comité permanent de la Chambre des communes de tenir des audiences dans la région touristique au nord du lac Supérieur, injectant ainsi des dollars dans l'économie locale.

La North of Superior Travel Association a été fondée en vertu d'une loi adoptée en 1974 sous le régime de la loi ontarienne sur le tourisme. Elle a pour mandat de promouvoir le tourisme dans la région géographique de Thunder Bay qui s'étend au nord jusqu'à la rivière Albany, au sud jusqu'à la frontière américaine, à l'ouest jusqu'à English River et à l'est jusqu'à White River, englobant le parc national Pukaskwa.

Notre association est dirigée par un conseil d'administration bénévole dont les membres représentent divers segments de l'industrie touristique multidimensionnelle de la région. Parmi nos membres, il y a des établissements touristiques privés, des municipalités, des organisations locales de tourisme, des chambres de commerce et des membres inattendus comme Lakehead University, Parcs Ontario, North of Superior Marina Marketing Association, Patrimoine Canada et de grandes sociétés forestières.

Nous sommes des professionnels du tourisme ayant l'esprit d'entreprise et le sens de la rentabilité. Le consommateur est le moteur de l'association qui est axée sur l'entreprise privée. Le rôle de l'association consiste à optimiser les retombées économiques des dépenses des touristes dans la région au nord du lac Supérieur. Elle atteint cet objectif en faisant connaître la région, en attirant plus de touristes et de visiteurs dans la région, en les amenant à prolonger leur séjour et à dépenser davantage pendant qu'ils sont dans la région. C'est l'objectif habituel de toute industrie du tourisme qui se respecte.

.1305

Nous servons donc d'organisme de coordination chargé de la commercialisation intégrée du tourisme dans notre région.

Je vais maintenant céder la parole à Bruce Hole qui va vous exposer succinctement le mémoire que nous sommes venus vous présenter.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur French. Allez-y, monsieur Hole.

M. Bruce Hole (directeur, North of Superior Travel Association): Pour aller plus vite, nous avons divisé notre mémoire en trois parties: Via Rail, l'établissement d'un train touristique dans la région et le transport routier.

Via Rail offre son service transcontinental de Toronto à Vancouver trois fois par semaine. Lors de la réforme effectuée par le gouvernement précédent, il a été décidé que ce train passerait par le nord de l'Ontario en empruntant la ligne nord du CN de Sudbury à Winnipeg via Capreol, au lieu de la ligne sud du CP qui passe par Thunder Bay.

D'après les dernières statistiques disponibles, la voie du CN dessert 12 400 résidents et celle du CP, au sud, plus de 200 000. Il y a à peu près deux kilomètres de différence entre les deux trajets.

Nous savons que la décision n'a pas été prise sans raison.

Les avantages pour le tourisme sont pharamineux. Les voyages organisés en train forment l'un des segments de l'industrie des vacances dont la croissance est la plus rapide en Amérique du Nord. Le personnel de notre centre d'information touristique dans le nord-ouest de l'Ontario rapporte que les gens se renseignent en premier lieu sur les forfaits-vacances en train. La beauté de la rive nord canadienne du lac Supérieur est inégalée en Amérique du Nord. La présentation de nouveaux forfaits qui permettraient aux voyageurs de s'arrêter pour visiter aurait tout un impact sur le tourisme dans notre région.

En ce qui concerne le développement économique, une desserte de VIA Rail amorcerait l'essor de l'entreprise privée du tourisme. Desservir ces quelque 200 000 résidents consoliderait le tissu social de la rive nord en provoquant une nouvelle mise en valeur innovatrice des localités.

Nous sommes confiants que le caucus libéral du nord de l'Ontario va continuer de faire pression sur le ministre - l'hon. David Anderson - pour que le train de VIA emprunte la voie ferrée du CP sur la rive nord du lac Supérieur.

La deuxième partie de notre mémoire porte sur le train touristique qui s'appelle une automotrice; c'est un véhicule autopropulsé.

Pendant l'été 1966, l'association a effectué une étude sur la faisabilité et le potentiel touristique du service ferroviaire voyageurs dans la région au nord du lac Supérieur. Nous tenons à remercier publiquement M. Joe Comuzzi, le député fédéral, et son personnel pour toute l'aide qu'ils nous ont apporté afin que l'étude puisse être réalisée. Nous en laisserons un exemplaire pour le comité.

Grâce à cette étude de faisabilité, nous misons beaucoup sur l'essor de l'entreprise privée et sur l'instauration d'un service d'automotrice ou d'un autre véhicule autopropulsé ou train touristique qui circulerait sur les voies du CP le long de la rive nord du lac Supérieur.

Ce train touristique, comme le démontre notre étude, relierait les villes et villages situés le long du lac Supérieur, qui constitueraient un tout nouvel attrait touristique, étant donné les forfaits des bateaux de croisière américains qui amènent des touristes des États-Unis au Canada et du couloir ferroviaire touristique de la région.

Le réseau attirerait de nouveaux investissements dans la région et entraînerait une intéressante synergie touristique différente depuis Thunder Bay, le long de la rive nord du lac Supérieur.

L'exploitation d'un réseau de trajets courts d'automotrices pose des problèmes qu'il faudra régler. Comme nous le signalons dans notre étude, il faut discuter avec le gouvernement et obtenir sa participation pour entamer avec CP Rail des négociations sur l'utilisation de la voie ferrée. Nos projets pour le train touristique et son existence même dépendent de ce que le CP compte faire de la voie. Le gouvernement et CP Rail doivent en discuter si l'on veut que l'entreprise privée exploite un projet rentable.

Entre autres exemples de réussite du secteur privé, nous vous signalons le train touristique le Montagnard des Rocheuses dans l'Ouest et l'Algoma Central Railway Inc. dans l'Est.

L'Algoma Central Railway transporte plus de 100 000 voyageurs par année qui passent au moins une nuit à l'hôtel et, la plupart du temps, plutôt deux nuits au Canada, ce qui rapporte énormément.

L'établissement d'un réseau d'automotrices amènera plus de touristes voyageant en groupes et de voyageurs dans les petites localités qui offriront de nouvelles attractions. Ce train touristique sera synonyme de développement économique pour ces collectivités. Les idées de forfaits abondent. Quand on songe en plus aux petites croisières possibles, on a tout lieu de croire à l'avenir de l'entreprise privée. Cette nouvelle infrastructure touristique améliorera aussi la qualité de vie de ces localités de la rive nord du lac Supérieur.

À Thunder Bay, nous avons la chance d'avoir Bombardier, l'un des géants du secteur des transports de surface. Le groupe du transport en commun chez Bombardier est en train de concevoir un véhicule autopropulsé pour l'an 2000. Quoi de mieux pour mettre à l'essai ce mode de transport que de l'utiliser sur un trajet touristique court dans la région même où le véhicule a été mis au point et construit. John Walker, directeur général de l'usine de Bombardier à Thunder Bay, approuve entièrement l'idée et affirme que c'est un outil de mise en marché formidable pour la vente du système dans le monde entier.

.1310

Selon nous, c'est l'occasion de posséder et d'exploiter un réseau administré par le secteur privé. Cependant, pour y parvenir, l'association ou un autre organisme de la collectivité a besoin d'un peu d'argent pour faire une étude des coûts afin d'établir les paramètres d'un appel d'offres national menant à la matérialisation de ce projet.

Nous croyons que cette initiative - et je rappelle que le projet sera administré par le secteur privé - attirera des investissements dont nous avons bien besoin dans le nord-ouest ontarien.

La troisième partie du mémoire traite du transport routier. À notre avis, pour concurrencer le tourisme aux États-Unis, il faut que la qualité de nos routes soit comparable à celle de l'autoroute américaine I-75.

Nous savons qu'un autre témoin, M. Di Gregorio, va vous présenter un mémoire sur le sujet, mais nous désirons néanmoins profiter de l'occasion pour déclarer publiquement que nous sommes pour un réseau routier pancanadien. Nous reconnaissons la nécessité de trouver des moyens innovateurs de réaliser ces objectifs.

Merci beaucoup, messieurs.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Hole.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: À propos du train touristique, vous dites qu'il s'agit d'un train autopropulsé. Pourriez-vous me dire ce que vous entendez par là?

[Traduction]

M. Hole: Un train autopropulsé, c'est une voiture munie d'un moteur diesel et conçue expressément pour faire la navette sur une voie ferrée. L'automotrice n'a pas besoin de faire demi-tour ou de pivoter. Un train ordinaire a besoin d'une locomotive aux deux extrémités pour pouvoir rouler dans les deux sens. Une automotrice comme celle de Bombardier peut rouler indifféremment dans une direction ou dans l'autre.

À l'heure actuelle, Bombardier exporte vers Ankara, en Turquie, des voitures dont la conception est très semblable car elles ont des moteurs diesel qui font l'aller-retour sur la voie ferrée.

Est-ce que j'ai répondu à votre question, monsieur?

[Français]

M. Dubé: Oui, très bien. Vous parliez de la présence de Bombardier ici, à Thunder Bay. Est-ce que les travaux spécialisés qu'ils font ici portent justement sur le train autopropulsé? Quel type de produit fait Bombardier ici, à Thunder Bay?

[Traduction]

M. Hole: Monsieur Dubé, je vais demander à M. French de vous répondre.

M. French: Monsieur Dubé, la dernière fois que j'ai visité l'usine de Bombardier, elle fabriquait un type semblable d'automotrice pour la ville d'Ankara. Elle produit aussi des wagons de métro pour la commission des transports en commun de Toronto, la TTC, comme elle l'a fait pour Los Angeles. Je pense que des wagons et des voitures ont été fabriqués pour la plupart des grands réseaux de chemins de fer et de métro du monde, ici même, à l'usine de Bombardier.

[Français]

M. Dubé: En ce qui concerne le trajet du sud que VIA Rail, selon vous, devait emprunter, qu'est-ce qui empêche... Est-ce qu'il y a eu un avis? Si vous faites votre présentation aujourd'hui, c'est sans doute pour que le gouvernement fédéral, par l'entremise du ministère des Transports ou de l'Office national des transports, puisse l'autoriser. Qu'est-ce que vous attendez du comité à cet égard? Le CP est une compagnie privée.

[Traduction]

M. Hole: Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, monsieur Dubé, nous savons que ce n'est pas sans raison que VIA Rail utilise la ligne nord dans le nord de l'Ontario, mais nous sommes convaincus que ces raisons sont politiques.

Le président du comité pourrait peut-être vous répondre. Monsieur Comuzzi, est-ce possible?

Le vice-président (M. Comuzzi): Oui. Quand on a décidé de comprimer les effectifs de VIA Rail au Canada, on voulait tout de même continuer d'offrir un service transcanadien depuis Montréal et Toronto jusqu'à Vancouver. Dans le nord de l'Ontario, on avait alors le choix entre la ligne qui se trouve assez haut dans le nord et qui appartient au CN, et la ligne du sud qui longe le lac Supérieur en passant par Sudbury, White River, Marathon, Terrace Bay, Schreiber, Nipigon, Hurkett, Dorion, Thunder Bay, puis qui remonte vers Ignace, Dryden et Kenora pour arriver à Winnipeg.

À l'époque, on a préféré le trajet du nord pour deux raisons. Le CN était pas mal déficitaire et l'on a mis énormément de temps à découvrir que le loyer de la voie ferrée - ce que le CNR facturait à VIA Rail pour l'usage de la ligne du nord - s'élevait à environ 60 millions de dollars par année. M. Lawless, qui était alors PDG à la fois du CN et de VIA Rail, n'avait pas du tout l'intention de laisser filer ce revenu du CN. On a donc privilégié la voie ferrée du CN plutôt que celle du sud, une décision tout à fait injuste.

Les arguments de ces messieurs... J'ai fait des recherches et sur l'itinéraire du nord, il y a 12 400 voyageurs potentiels ou résidents alors que, sur le trajet du sud - la voie du CP - , il y en a plus de 285 000. De la part d'un service de transport, c'est une décision qui défie vraiment la logique. Allez vous promener dans la région. Il y avait d'autres raisons aussi, mais c'est celle-là qui a été déterminante à l'époque.

.1315

[Français]

M. Dubé: Merci et bonne chance.

[Traduction]

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Dubé.

Monsieur Jordan.

M. Jordan: Je trouve certes que l'idée de faire rouler un train touristique, comme vous l'appelez, sur la voie du CP... Est-ce que l'industrie du tourisme s'est adressée au CP qui a catégoriquement refusé la demande ou est-ce que le dialogue est au point mort?

M. French: Il y a eu des conversations et des discussions, rien d'autre. On a effectué une étude pour déterminer si, au moins, le projet avait du sens. Pour l'heure, l'étude est terminée et nous sommes en train de la présenter au comité. Que faire maintenant? Une localité comme Thunder Bay peut essayer bien des portes avant de frapper à la bonne. Nous pensons qu'en procédant comme nous le faisons, le comité nous dirigera peut-être vers la bonne adresse, vers les personnes qui sauront nous dire si au moins le projet est réalisable.

M. Jordan: Je ne pense pas que ce soit du ressort du comité, mais je suppose que votre député fédéral, un monsieur fort astucieux, vous sera d'un grand secours pour lancer le dialogue. Je suppose que c'est une question de...

Comme l'a laissé entendre M. Dubé, quel est le problème? J'imagine que CP Rail devrait être plutôt empressé de tirer des revenus de sa ligne qui doit être vraisemblablement sous-utilisée à son avis. À mon sens, ça ne relève vraiment pas du comité. Ça m'intéresse comme tout le monde ici sans doute, mais je crois que si vous vous adressez à votre député fédéral, il pourra probablement faciliter le dialogue entre le CP et l'industrie du tourisme, vous ne croyez pas? N'est-ce pas que ce serait utile?

M. French: Oui, j'en suis convaincu.

Le vice-président (M. Comuzzi): C'est déjà fait, monsieur Jordan.

M. Jordan: Je vous remercie.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci beaucoup, messieurs Hole et French, d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui. Vous savez déjà que votre mémoire est très important pour nous tous du nord-ouest de l'Ontario. Je suis particulièrement content que vous ayez pu vous présenter. Vous allez nous remettre un rapport qui a été produit par...

M. Hole: Nous avons beaucoup de chance, monsieur Comuzzi, d'avoir à Thunder Bay l'Université Lakehead. Deux étudiants de maîtrise ont travaillé avec votre personnel et profité de vos conseils et de votre aide pour réaliser l'étude. Nous l'avons montré à d'autres intéressés du milieu du tourisme et du transport ferroviaire qui nous ont dit... S'il nous avait fallu engager une firme privée de consultants, cette étude nous aurait coûté quelque 100 000 $. Nous réitérons nos remerciements.

.1320

Le vice-président (M. Comuzzi): Je vous en prie. Ils ont fait un excellent travail. Je vous remercie d'avoir apporté un nombre suffisant d'exemplaires.

Nous allons maintenant entendre Harvey Smyth et Nelson Bolton. Harvey, veuillez vous asseoir à la place des témoins. Monsieur Bolton, prenez place à côté de lui, s'il vous plaît.

Messieurs les membres du comité, Harvey est le président national du conseil national des retraités du Canadien Pacifique. C'est un chef de train à la retraite. M. Bolton, un mécanicien à la retraite, est le président de la section locale de cette association. Ils sont venus avec leurs compagnons de voyage, dont la plupart sont dans la salle, pour nous dire à quel point cette question a de l'importance pour le nord-ouest de l'Ontario. Monsieur Smyth, veuillez faire les présentations et exposer votre mémoire.

M. Harvey Smyth (président national, National Council of Canadian Pacific Pensioners): Merci beaucoup, monsieur le président, de me laisser le temps de présenter mon mémoire devant ce comité si important.

Il y a presque sept ans, la population du Canada a perdu un train magnifique appelé Le Canadien qui empruntait le corridor sud sur les voies de CP Rail. Le gouvernement d'alors a lancé l'expression: «Ce qui ne sert pas disparaîtra». À l'époque, je me suis demandé d'où provenaient les chiffres qui étayaient sa position et je me le demande encore aujourd'hui. Ils ne venaient certainement pas de cette région-ci. Combien de fois on s'est fait répondre, quand on essayait de faire une réservation, que le train était complet? Trop souvent.

Dans le même ordre d'idées, je m'étais fait un devoir de demander aux chefs de train qui travaillaient sur Le Canadien s'il restait de la place à bord. Je me faisais toujours répondre que c'était complet. Dix passagers étaient assis dans la voiture panoramique parce qu'il n'y avait pas de place ailleurs, ou quelque chose du genre. Trop de gens qui préféraient voyager en train étaient refusés faute de place. Ce n'était pas que les gens ne prenaient pas le train, mais qu'on ne nous laissait pas le faire. On nous a enlevé notre train malgré ces rapports.

J'ai écrit de nombreuses lettres à ce sujet aux politiciens et aux cadres des chemins de fer, mais en vain. Nous, les retraités, sommes vraiment fiers des politiciens qui n'ont jamais abandonné la lutte pour le rétablissement du service voyageurs sur la ligne sud le long de la rive nord du lac Supérieur. Nous rendons hommage au député fédéral Joe Comuzzi qui ne nous a jamais laissé tomber et qui continue de faire pression pour un service ferroviaire.

Il y a plusieurs formules possibles pour exploiter un train de voyageurs entre Toronto et Winnipeg via Sudbury et Thunder Bay. Les voici: premièrement, un train dans les deux directions tous les jours de la semaine; deuxièmement, un train dans les deux directions un jour sur deux; troisièmement, un train dans les deux directions trois fois par semaine; quatrièmement, le système de l'automotrice. Nous allons un peu à contre-courant.

En l'occurrence, nous croyons qu'il serait impossible de tirer parti de la clientèle potentielle sur toute la longueur du parcours. Rappelez-vous le projet de réduire le service voyageurs de 50 p. 100. Nous avons cru que ce serait juste pour tout le monde: 50 p. 100 des lignes du CP et 50 p. 100 des lignes du CN. Nous étions loin de nous douter que ce plan entraînerait la disparition de tous les trains sur le tronçon sud et de certains sur la ligne nord. À nos yeux, c'était bien plus que 50 p. 100 et ce n'était plus équitable.

En tant qu'association de citoyens canadiens responsables, nous nous inquiétons du coût des services à chacun des stades de l'exploitation d'un service voyageurs. Pour que VIA recommence à rouler sur la voie ferrée du CP, il faudra, selon nous, examiner tous les contrats entre VIA et CP Rail afin d'arriver à une entente équitable qui serve l'intérêt de tous les intéressés.

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Les tarifs ferroviaires devraient être alignés sur le revenu du Canadien moyen, être légèrement supérieurs à ceux des autocars, mais sensiblement inférieurs à ceux de l'avion. Autrement dit, ils devraient convenir au budget du salarié moyen.

À notre avis, le budget de publicité est beaucoup trop élevé. Dès que le bruit courra que les trains se remettent vraiment à rouler, les médias répéteront la nouvelle avec enthousiasme et le bouche à oreille fera le reste.

On nous demande constamment: «Quand le train va-t-il revenir?» Seul le gouvernement fédéral le sait.

Et pourquoi le train roule-t-il sur la ligne nord? On en a déjà parlé, mais voyons un peu les chiffres. Près de 300 000 voyageurs potentiels vivent le long de la rive nord sur la ligne sud, alors que 12 000 seulement habitent le long de la voie du CN dans le nord. N'est-il pas plus rentable d'offrir un service là où les gens se trouvent?

On a dit et écrit beaucoup de choses sur les conséquences environnementales des divers modes de transport, que ce soit dans les airs ou sur terre. Il est généralement reconnu que le train est de loin le transport le plus écologique.

Bien entendu, l'avion est essentiel pour le commerce et les autres secteurs où la rapidité s'impose. Seul l'avion permet de brefs aller-retour, juste le temps de faire ses affaires. Les autocars conviennent parfaitement aux trajets courts, mais pas aux personnes âgées ni aux jeunes enfants qui doivent traverser le pays d'un bout à l'autre.

Le train est la solution idéale. C'est confortable et abordable. La nourriture y est excellente, le service, hors pair et les employés, sympathiques. Un long voyage devient une joie et une occasion d'apprendre pour tous les voyageurs. Il y a de la place pour bouger et rencontrer des gens. On peut regarder par les grandes fenêtres ou de la voiture panoramique le paysage qui défile. C'est un monde différent.

Pendant de nombreuses années, j'ai noté ce qui arrivait à nos trains de voyageurs. C'est une lecture fort intéressante, mais ce serait trop long de vous raconter tout ça maintenant.

Le 27 avril 1976, j'ai présenté un mémoire au Comité du transport ferroviaire de la Commission canadienne des transports, qui se réunissait ici. Dans mon rapport vieux de vingt ans, je parlais des avantages du service voyageurs par rapport aux autres moyens de transport et j'avais fait la réflexion que le rêve national était en train de tourner rapidement au cauchemar. Déjà à l'époque, on risquait de perdre Le Canadien. Le gouvernement avait pourtant décidé de garder le train. J.M. Woodard, D.H. Jones et E.H. LaBorde étaient alors membres du Comité.

Le 5 septembre 1990, la Commission royale sur le transport des voyageurs au Canada s'est réuni ici, à Thunder Bay, sous la présidence de Louis D. Hyndman. J'ai à nouveau traité du problème. C'était un appel en faveur du retour de VIA Rail sur la ligne sud. Mais nous savons tous que l'appel n'a pas été entendu. En fin de compte, ma prédiction d'un cauchemar canadien s'est réalisée 14 ans plus tard et voilà que nous sommes toujours en train d'essayer de revenir à notre rêve national.

Permettez-moi maintenant de vous lire un passage d'une lettre qui m'a été envoyée le 4 mai 1992. Voici:

Le 19 juin 1989, Benoît Bouchard, le ministre des Transports, déclarait qu'il envisagerait d'abolir complètement le service voyageurs au Canada si VIA le voulait. Une semaine plus tard, le 26 juin, le président de VIA Rail, Ron Lawless, affirmait qu'il n'y aurait aucune réduction importante du service voyageurs en 1989.

Le 29 octobre 1989, le PDG d'Amtrak, W. Graham Cleyter Jr. disait:

Monsieur le président, nous ne sommes pas en quête d'un train d'excursion luxueux ayant tous les agréments d'une croisière de rêve ou la fascination de l'Orient Express. Nous voulons retrouver le train que nous avons dans la mémoire, un train pour le monde. Ce que nous nous efforçons de faire, c'est de corriger une erreur en remettant un train viable en service pour toutes sortes de bonnes raisons.

.1330

Si l'on arrive à établir la liaison entre Toronto et Winnipeg, je suis convaincu que le Manitoba suivra l'exemple, bientôt imité par la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique. Le temps de le dire, ce sera reparti. Il faut agir tout de suite. Tous les maires et les préfets épaulés par leurs conseils et par les chambres de commerce doivent entreprendre immédiatement des démarches auprès des gouvernements fédéral et provincial afin d'obtenir le résultat escompté. Ce résultat, c'est voir notre train rouler sur notre voie du CP de Toronto jusqu'à Winnipeg, pour commencer.

De nombreux employés du CP à la retraite seraient fort heureux de mettre à contribution leur vaste expertise et expérience. Ils représentent toutes les catégories de travailleurs. Il suffit de leur demander.

Monsieur le président, j'ai commencé par suggérer quatre moyens de parvenir à nos fins. Je terminerai en décrivant une solution de rechange extravagante. Nous savons tous maintenant que CN Rail a été largement privatisé. En conséquence, il faut, premièrement, déménager son siège social de Montréal à Winnipeg. Deuxièmement, céder sans frais le matériel voyageurs à CP Rail à Toronto. De toute façon, ce sont les contribuables canadiens qui l'ont payé. Troisièmement, verser une généreuse subvention de démarrage. En 1989, le gouvernement canadien a prêté 100 millions de dollars à Amtrak pour qu'elle achète du matériel neuf alors même qu'il réduisait de moitié le budget de VIA. Quatrièmement, rebaptiser le train Le Canadien. Cinquièmement, obliger CP Rail à faire en sorte que le train Toronto-Winnipeg soit rentable. La société a l'infrastructure et l'expérience nécessaires pour y parvenir. Sixièmement, laisser la gestion entière du train à CP Rail. Aux États-Unis, le gouvernement fédéral ne s'en est pas mêlé et le réseau Amtrak a prospéré. Septièmement, s'installer confortablement pour regarder le réseau s'étendre.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci beaucoup, Harvey.

Monsieur Jordan.

M. Jordan: Votre mémoire était vraiment intéressant. Vous voulez que nous le donnions ou le redonnions à CP Rail? Mais CP Rail va-t-il en vouloir?

M. Smyth: Dans ma correspondance avec le président de CP Rail au sujet de l'éventualité du rétablissement d'un train de voyageurs par CP Rail même, on me dit que c'est impossible. Cela dépendrait certainement du gouvernement au pouvoir, mais on louerait volontiers les installations et le reste. Je crois que le CP aimerait récupérer le service voyageurs, mais je ne peux pas le jurer.

M. Jordan: On nous sert parfois l'argument que même si toutes les places dans le train étaient vendues, l'opération serait difficilement rentable. On pourrait fixer le prix du billet pour ceux qui tiennent à faire ce type de voyage. La majorité ne sont pas des gens d'affaires mais plutôt des touristes. Si cela se reflétait dans les tarifs, les prix seraient tellement élevés que toute cette histoire vous hanterait sans doute pendant un bon moment.

J'aime bien le concept. J'adore le train et je le prends chaque fois que je peux, mais on nous dit qu'un très petit nombre de gens parmi ceux qui voyagent le plus de nos jours veulent prendre le train pour ce qui me fait aimer le train à moi et vous le fait aimer à vous. Ce n'est pas le mode de transport le plus payant. Si les tarifs reflétaient le coût réel, il y aurait encore moins de monde qui aurait les moyens de prendre le train.

Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.

Le vice-président (M. Comuzzi): Avez-vous des commentaires, monsieur Smyth?

M. Smyth: Il me semble que les gouvernements continuent de subventionner le transport routier, l'avion et l'autobus. D'ailleurs, il y a longtemps que je paye des impôts. Je ne suis plus jeune. J'en ai payé des taxes. Je ne suis pas content de subventionner depuis sept ans le train d'un autre, un train que je ne peux pas prendre. Pourtant, je ne me suis pas plaint. Je suis un bon gars. J'espère seulement que d'autres Canadiens seront gentils aussi et voudront continuer de payer leurs impôts pour que nous subventionnions un train magnifique appelé Le Canadien.

M. Jordan: J'espère que nous sommes tous de bons gars.

M. Smyth: Oui.

M. Jordan: Et nous vieillissons tous.

M. Smyth: Oui, un peu tous les jours.

M. Jordan: La pierre d'achoppement, c'est la subvention. Le gouvernement n'est pas tellement d'humeur à subventionner indéfiniment un projet. Il tient à l'autofinancement éventuel parce qu'il a eu de très mauvaises expériences. On n'était pas particulièrement d'affaires.

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M. Smyth: C'est vrai.

M. Jordan: Les profits ont été plutôt rares. À mon avis, le problème c'est que le service était administré en pensant qu'en cas de déficit, le gouvernement serait là pour éponger les pertes.

Je pense qu'une telle attitude a ruiné les contribuables. Je suis au courant du problème, mais je n'en connais pas la solution. C'est sans doute la même chose pour vous.

Je vous dis simplement que c'est ainsi que les choses se passent maintenant. Quoique vous en pensiez, vous êtes mieux de ne pas compter sur une subvention gouvernementale, parce que d'après mon expérience récente, la source est tarie. Il faut que le projet soit établi sur une base commerciale. Malheureusement, l'époque où les gouvernements étaient chargés d'entretenir une raison d'être et une confiance nationales, de forger une nation, est bel et bien révolue. J'ignore quels moyens il faut prendre pour la revivre. Dans l'esprit de bien des gens, l'idée qu'il faut entretenir un réseau transcontinental pour des raisons sentimentales ne passe plus.

M. Smyth: Peut-être pourra-t-on revenir en arrière.

M. Jordan: J'aimerais bien. Dites-nous comment retrouver ces sentiments.

Le vice-président (M. Comuzzi): Je n'aime pas interrompre les gens, mais je ne peux m'en empêcher à cause du sujet.

Il est question ici du rétablissement du service voyageurs pour les habitants du nord-est et du nord-ouest de l'Ontario et du fait qu'un train circule déjà dans le nord de la province.

Or, si VIA Rail est subventionnée, on a déjà de l'argent consacré à l'exploitation de ce train. Je pense que l'idée maîtresse de notre témoin, c'est que tant qu'à faire passer un train dans le nord de l'Ontario, pourquoi ne pas lui faire suivre l'itinéraire où il y a du monde, c'est-à-dire la ligne sud. Ça ne coûterait pas plus cher puisque le service est déjà fourni.

Entre Sudbury et Winnipeg, la différence entre les deux lignes nord et sud n'est que de deux kilomètres. Il y a déjà un train. Pourquoi ne pas le faire passer dans la région la plus peuplée? Voilà qui résume, je crois, votre principal argument, Harvey.

M. Smyth: CP Rail a la réputation mondiale d'être fort en chiffres. M. Crump conduisait une locomotive à Kenora avant de devenir président de CP Rail. Il a même été président de l'association des présidents de chemins de fer de l'Amérique du Nord. Pourquoi? Parce que CP Rail a toujours fait des profits, même pendant la Crise. Tandis que le CN accumulait les déficits, le CPR trouvait toujours le moyen d'être rentable.

Je suggère de lui donner une subvention de démarrage seulement et le train. On verra bien ce qui arrivera entre Toronto et Winnipeg. Je pense que le Manitoba et les autres provinces voudront aussi avoir leur train, mais ce n'est pas notre propos ici.

Ce serait un trajet assez long. Il faut 24 heures pour arriver là-bas. Je suis convaincu que l'enthousiasme du lancement se répercutera sur les autres. Je l'espère en tout cas. J'entends régulièrement les gens dire qu'ils voudraient voyager en train. Ça ira bien à condition de pratiquer des prix raisonnables.

[Français]

M. Dubé: Monsieur Smyth, je constate que vous avez l'appui de votre député et que vous vous défendez avec beaucoup d'enthousiasme. Vous êtes très convaincu et très convaincant.

.1340

Je constate également que votre démarche est appuyée par un groupe de personnes. En plus, vous avez de la chance. De toute évidence, votre député vous appuie puisqu'il a collaboré à l'étude et tout cela.

Je suis du Québec. Je ne veux donc pas m'immiscer dans ce qui pourrait être des conflits entre députés libéraux de la région de Sudbury pour le trajet nord ou le trajet nord. Je ne veux certainement pas m'immiscer dans cela. Comme la différence n'est que de deux kilomètres et que les chiffres semblent être en votre faveur, je vais laisser jouer la dynamique politique particulière à l'Ontario et la laisser se défendre toute seule.

Cependant, pour approfondir la question, puisque je suis membre du comité, s'il y a 300 000 personnes qui habitent dans le corridor dont vous parlez et 186 000 utilisateurs possibles, selon l'étude, j'en conclus à première vue que, même si VIA Rail ne créait pas ce nouveau trajet, il serait peut-être possible de presque rentabiliser un train spécial comme celui que vous proposez. Est-ce une éventualité que vous avez étudiée?

Deuxièmement, peut-être ne serait-ce pas viable durant toute l'année, mais cela pourrait l'être durant la saison touristique, disons de la fin de mai à octobre. Avez-vous envisagé certaines formes de compromis qui rendraient ce projet rentable? Tout le discours portant sur le service public ou sur les subventions s'avérerait alors inutile.

[Traduction]

M. Smyth: Le début de vos propos était de nature politique au sujet de Montréal et de Toronto, etc. Tout ce que je veux dire, c'est que le corridor Montréal-Toronto est déjà bien desservi.

[Français]

M. Dubé: Non, je n'ai pas parlé de cela. J'ai voulu dire que je ne voulais pas me mêler de choisir entre le tracé nord et le tracé sud qu'utilise actuellement VIA Rail, parce que le tracé nord, c'est Sudbury. J'ai fait bien attention de ne pas me mêler de cela.

Cependant, j'écoute vos propos. Vous dites que le tracé sud présente un potentiel. De mon côté, je vous dis qu'il est même possible de rentabiliser un train spécial de Toronto à Winnipeg en suivant le tracé dont vous parlez. Je vous demande simplement si vous avez examiné cela sous cet angle et non pas seulement en essayant de faire changer VIA Rail de trajet. Ai-je été plus clair cette fois-ci?

[Traduction]

M. Smyth: Non, je n'y ai pas vraiment réfléchi. Cependant, le système de l'automotrice serait bien plus avantageux sur la ligne nord que sur la ligne sud. Si l'on vise un long trajet, il faut un train complet entre Toronto et Winnipeg. Il y a possibilité de demi-tour à Toronto et à Thunder Bay.

À ma connaissance, de courts trajets sur la voie du CN seraient acceptables, mais pas pour tout le monde. Il est vrai qu'en janvier 1990, on ne nous a pas demandé si l'on trouvait acceptable la perte de notre train au complet. Il faut bien serrer les dents de temps en temps.

Vous avez parfaitement raison. S'il y avait un train sur la voie sud et la possibilité d'un train sur la voie nord, il n'y aurait plus de problème.

[Français]

M. Dubé: Une dernière intervention, pour réagir aux propos de M. Jordan. Personnellement, j'ai habité longtemps dans une ville au Québec qui s'appelle Charny, située à peu près en face de Québec, où existait un carrefour ferroviaire.

.1345

Le train chez nous, un peu comme on l'a dit du port de Thunder Bay, faisait partie de la culture. J'ai connu beaucoup de retraités, dans ce temps-là, qui étaient des gens du CN. Plusieurs encore sont des citoyens de ma circonscription et me parlent du train avec amour, avec attachement. Je crois comprendre de vos propos que vous êtes des amoureux du train, des promoteurs du train, et vous avez raison.

Je pense qu'au Canada, sans faire de partisanerie et sans vouloir critiquer qui que ce soit, on se laisse un peu trop influencer par la conception américaine de la rentabilité en ce qui a trait aux services publics ou au train. Quelqu'un qui a un peu voyagé en Europe se rend compte que les Européens ont une culture du train et aussi une plus grande densité de population. Ils considèrent le train comme un élément essentiel, et chaque communauté, en France, en Allemagne ou ailleurs, soutient le train avec beaucoup de vigueur et d'intensité.

Dans un pays comme le Canada, les distances sont grandes. Vous me parlez de 24 heures, et c'est énorme. Si on veut faire un voyage en toute sécurité, même quand la route est belle, en auto... Pour ma part, je suis diabétique et je vous jure qu'après un repas... Beaucoup de gens ont tendance à s'endormir. Le train est un mode de transport extrêmement sécuritaire.

À mon avis, on est influencé actuellement par un courant d'idées qui a fait disparaître la tradition du train. Je rappelle seulement aux gens, sans vouloir faire de politique à un autre niveau, que le train est à l'origine du Canada. C'est ce qui a permis le compromis historique de 1867. En tout cas, je respecte beaucoup votre point de vue. Je sens chez les gens qui vous appuient ce même amour du train. Je vous dis de continuer.

Quant au reste, je pense que vous pouvez remercier votre député. On sait qu'il a permis que vous soyez entendus ici aujourd'hui. Même si nous ne sommes pas très nombreux parce que c'est vendredi après-midi, il restera les comptes rendus du comité et ce qui a été dit aujourd'hui va être pris en considération par les autres membres du comité. C'est tout ce que je voulais vous dire. Continuez, ne lâchez pas. Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Dubé.

Je vous remercie, vous et tous vos partisans qui sont venus cet après-midi.

Harvey, c'est très encourageant. Merci à vous aussi, monsieur Bolton.

Où sont les représentants de l'Association canadienne des automobilistes? Sont-ils arrivés?

[Français]

M. Dubé: Ils ont été obligés de prendre le train.

Je regarde l'horaire et ils devaient arriver à 14 h 30. Il me semble donc normal qu'ils ne soient pas encore arrivés. Peut-être devrions-nous faire une pause.

[Traduction]

Le vice-président (M. Comuzzi): Nous attendons deux autres témoins. Le représentant de Bruno's Contracting était censé être là à 13 h 30, mais il n'est pas arrivé. Le dernier témoin sur la liste, c'est la CAA.

Je ne m'en fais pas trop. Nous avons entendu des mémoires de différentes associations d'automobilistes à Vancouver et à Winnipeg hier.

.1350

Nous accueillons maintenant M. Silvio Di Gregorio de Bruno's Contracting. M. Di Gregorio va sûrement nous faire part de réflexions fort intéressantes.

Pour vous le situer un peu, disons que parmi les nombreuses compagnies, notamment l'hôtel où nous sommes, avec lesquelles M. Di Gregorio fait des affaires, il y a une entreprise qui s'appelle Bruno's Contracting. C'est elle qui effectue la plupart des travaux de construction routière dans le nord-ouest de l'Ontario et dans d'autres régions du pays.

M. Di Gregorio a des idées bien arrêtées sur l'orientation à donner à notre réseau national de transport. Au nom des membres du comité, je lui souhaite la bienvenue à notre réunion de cet après-midi.

Avez-vous un mémoire à présenter ou des remarques à faire pour commencer? Ensuite, nous vous poserons des questions. Merci.

M. Silvio Di Gregorio (secrétaire-trésorier, Bruno's Contracting (Thunder Bay) Limited): Monsieur le président, messieurs les membres du comité, je m'appelle Silvio Di Gregorio et je suis le secrétaire-trésorier de Bruno's Contracting (Thunder Bay) Limited.

Bruno's Contracting s'occupe de la construction de routes, de pistes d'atterrissage, de lotissements résidentiels et industriels et de divers autres projets d'infrastructure dans un périmètre qui s'étend depuis les limites du Manitoba à l'ouest jusqu'à la région de Timmins et de Wawa à l'Est.

Tout d'abord, je tiens à remercier le comité de m'avoir permis de venir lui présenter mes réflexions sur le projet de loi C-44 et sur l'étude des transports, du commerce et du tourisme. Mon mémoire porte sur les transports et le réseau routier national.

Le réseau routier du Canada compte 25 000 km de routes. Il est d'une importance capitale pour l'économie canadienne. Maintes études ont montré qu'un réseau routier national bien entretenu était important pour la croissance et l'essor de notre économie. Bien d'autres encore ont démontré les avantages pour la sécurité routière d'un réseau bien conçu et bien entretenu. Pourtant, certains rapports prouvent indubitablement que faute d'un programme coordonné et d'un financement suffisant, notre réseau routier national est de qualité médiocre dans bien des régions et que sa condition se détériore d'année en année.

Selon les estimations, la réfection de notre réseau coûterait autour de 14 milliards de dollars. Cela comprend une autoroute transcanadienne à quatre voies, d'une mer à l'autre.

À l'échelle locale, notre route 61 nous mène vers le sud jusqu'à la frontière du Canada et des États-Unis. Pour notre région, la zone qui se trouve juste au sud de la frontière est probablement l'un des plus grands marchés à la portée de nos gens d'affaires. Dans un rayon de 500 milles de la frontière, il y a sans doute un marché de 20 millions de consommateurs. Il faut aller très loin vers le nord-est ou le nord-ouest pour trouver un marché comparable. La route 61 est donc une voie de communication très importante, ainsi que la route 17 qui va vers l'ouest à partir de Thunder Bay et qui fait partie de La Transcanadienne.

.1355

Les routes 61 et 17 sont toutes deux utilisées au-delà de leur capacité sur certains segments. Tout projet de lotissement qui nécessite une modification de zonage et qui entraînera un accroissement de la circulation sur ces routes sera retardé jusqu'à ce que des travaux soient faits pour augmenter leur capacité.

Comment songer à la croissance de l'emploi et au développement économique quand on a un réseau routier dépassé par la demande? Des études américaines ont noté une corrélation positive entre les investissements dans les routes et la production et la productivité du secteur privé. Donc, si l'on veut observer une croissance de l'emploi et un investissement positif du secteur privé, il faut se doter du réseau routier nécessaire.

Le gouvernement fédéral perçoit actuellement 13,5 ¢ le litre, en moyenne, sur la vente de l'essence. Cela représente environ 5 milliards de dollars par année. Pour les exercices financiers de 1996 et 1997, le gouvernement fédéral est censé dépenser à peu près 300 millions de dollars pour les routes. C'est moins de 6 p. 100 de ses recettes provenant des ventes d'essence.

Notre réseau routier est le seul moyen de transport pour lequel il n'existe aucune politique nationale concernant son entretien et sa planification. L'avion, le train et le bateau sont tous visés par une politique nationale, pourtant la grande majorité des mouvements de voyageurs et de marchandises au Canada se fait par la route.

Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans l'entretien du réseau routier canadien. Il devrait reconnaître officiellement les 25 000 kilomètres de routes nationales et négocier une initiative routière pancanadienne. Cette initiative doit comporter un partenariat avec les gouvernements provinciaux et locaux, et avec le secteur privé.

Quel que soit le mode de financement... En fait, ça va varier énormément. Quand on construit une grande autoroute interétatique dans une région où il y a d'autres routes et beaucoup de circulation, on peut se permettre d'imposer des péages. Dans la région ici, comme une seule route relie les diverses localités, des péages ne seraient pas pratiques puisque les automobilistes n'ont pas le choix d'un autre chemin.

Il faut donc chercher d'autres méthodes, quitte à utiliser une partie des recettes tirées de la taxe d'accise sur l'essence ou à augmenter le taux de la taxe de un cent ou deux. On pourrait décider d'investir cet argent exclusivement dans nos routes. Je pense qu'il faudra examiner le cas de chaque région individuellement parce que, à certains endroits, il serait possible d'avoir une route à péages qui s'autofinancerait. Voilà pourquoi je dis que le mode de financement peut varier énormément et doit faire l'objet d'une étude particulière.

Quelle que soit la méthode de financement choisie, le secteur privé doit être mis à contribution avant que la conception préliminaire ne devienne définitive. C'est à ce stade que les entrepreneurs, les ingénieurs-conseils et les autres spécialistes du secteur privé, travaillant en association avec tous les ordres de gouvernement, peuvent faire les suggestions les plus judicieuses au sujet des compromis entre les frais d'immobilisations et les frais d'entretien et au sujet des modifications et des considérations qui conviendront le mieux à la situation de la région, que ses problèmes soient de nature sociale ou économique.

.1400

Je vous remercie. Je répondrai à vos questions avec plaisir.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, Silvio.

Monsieur Jordan.

M. Jordan: Est-ce que l'un ou l'autre des projets de construction routière auxquels vous avez participé dernièrement était financé en vertu du programme national des infrastructures?

M. Di Gregorio: Je ne suis pas au courant. Je pense que la plupart de nos projets de construction routière sont financés par la province, mais je n'en suis pas certain.

M. Jordan: Le programme d'infrastructure est subventionné à parts égales par la municipalité, par la province et par le fédéral. Je serais étonné qu'il n'ait pas servi à financer des travaux de voirie.

M. Di Gregorio: Je ne sais pas exactement comment le financement est structuré... Je sais que certains projets dans la ville ont été subventionnés par le programme fédéral des infrastructures et nous étions au courant. Cependant, j'ignore si les projets que nous, nous avons réalisés ont profité d'une telle subvention.

M. Jordan: On laisse entendre qu'il y aura peut-être un nouveau programme d'infrastructures, mais j'ai l'impression que le gouvernement n'est pas encore tout à fait décidé. Il attend des suggestions sur l'orientation à suivre. Si je saisis bien le sens de vos propos, vous seriez pour que cet argent soit consacré à la construction routière.

M. Di Gregorio: C'est exact.

M. Jordan: Au lieu de s'en servir pour de nouvelles bibliothèques, de nouveaux arénas et toutes sortes de nouvelles choses. Vous suggérez de tout mettre...

M. Di Gregorio: Je dis que le gouvernement fédéral tire actuellement 5 milliards de dollars de la TPS et des taxes d'accise sur l'essence à la pompe. Les gens qui achètent de l'essence sont ceux-là mêmes qui utilisent notre réseau routier, que ce soit des gens d'affaires, des camionneurs ou de simples automobilistes. Une partie de ces recettes devrait être réinvestie dans le réseau routier.

M. Jordan: Je suis d'accord avec vous pour les autoroutes à péages. Donnez-moi donc quelques renseignements sur la route 61 entre Thunder Bay et la frontière américaine. Est-ce une autoroute à quatre voies?

M. Di Gregorio: Non, c'est une route à deux voies.

M. Jordan: Et la route 17 à partir d'ici est à deux voies aussi.

M. Di Gregorio: En effet et la circulation sur certains tronçons excèdent la capacité de la route. Quelqu'un qui voudrait construire une usine créerait de l'emploi et provoquerait donc un accroissement de la circulation sur cette partie de la route. Il ne serait donc pas autorisé à réaliser son projet. On se nuit.

M. Jordan: Je souscris tout à fait à ce que vous dites sur la nature particulière de notre pays. Le transport est vraiment vital pour nous parce que la population est assez clairsemée malgré certains très grands centres urbains. Si nous sommes incapables de relier ces centres entre eux par des moyens de transport acceptables, nous n'arriverons jamais à soutenir la concurrence. J'approuve donc votre vision d'un réseau routier national. On en a déjà parlé.

Le gouvernement a agi dans le passé. Le fédéral a investi des sommes considérables dans La Transcanadienne. Mais l'idée, c'était que le fédéral finance sa construction et que les autres ordres de gouvernement se chargent ensuite de son entretien.

.1405

M. Di Gregorio: À mon avis, des travaux de réfection majeurs comme l'élargissement de la chaussée à quatre voies parce que la circulation s'est accrue ne sont pas assimilables à de l'entretien. Ce sont des travaux d'immobilisations et il faut que le fédéral en finance une partie.

M. Jordan: En permanence.

M. Di Gregorio: Oui, en permanence.

En tant qu'homme d'affaires qui achète énormément de carburant, je suis prêt à payer 1 ¢ ou 2 ¢ de plus, mais pas pour que cet argent soit utilisé comme le sont les 13 ¢ que nous payons déjà et dont 1 ¢ seulement est réinvesti dans les routes. Alors, levons 1 ¢ ou 2 ¢ de plus et consacrons entièrement ces recettes à notre réseau routier.

M. Jordan: Cette somme serait affectée exclusivement aux routes.

M. Di Gregorio: Effectivement.

M. Jordan: Les gens accepteront peut-être l'idée.

M. Di Gregorio: Certes, en tant qu'homme d'affaires qui achète énormément de carburant, je suis conscient des économies et des avantages qu'apporte un réseau routier en bon état.

M. Jordan: C'est juste. Moi-même, j'ai obtenu mes quatre voies, alors...

Le vice-président (M. Comuzzi): Vous les avez obtenues?

M. Jordan: Certainement.

Le vice-président (M. Comuzzi): Vous ne vous intéressez donc plus...

M. Jordan: À personne d'autre.

Des voix: Oh, oh!

Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: Hier, à Winnipeg, on a eu une présentation de l'Association des municipalités rurales de la Saskatchewan; j'aimerais simplement répéter les chiffres donnés à ce moment-là sur la part du revenu que reçoit l'État fédéral pour les routes qui est consacrée aux routes: les États-Unis,31 p. 100; l'Allemagne, 36 p. 100; la Grande-Bretagne, 100 p. 100, en Grande-Bretagne le système routier n'est pas long, et il y a une densité; l'Italie, 44 p. 100; l'Espagne, 64 p. 100; l'Australie,51 p. 100; la France, 68 p. 100; le Canada, à l'heure actuelle, 6 p. 100.

Il faut reconnaître une chose; comme M. Jordan dit, il y a quand même eu un effort il y a 25 ans, pour la construction de la Transcanadienne. Une étude technique a démontré qu'à une certaine période de dégel, un passage de transport routier équivaut à 16 000 automobiles. Nous sommes obligés de constater que notre réseau routier national actuel se détériore. Je pense qu'il va falloir faire des efforts pour le remettre en bon état; avant vous, des gens nous ont fait valoir l'avantage d'utiliser le train comme mode de transport économique.

Malheureusement, nous sommes dans un contexte nord-américain où il faut tenir compte de nos concurrents qui ont la notion de la rentabilité. On doit les concurrencer comme cela. Le Canada est un pays aux longues distances. J'ai voulu m'aventurer une fois à faire le trajet entre Ottawa et Thunder Bay et j'ai trouvé cela très long. C'est cela, notre pays. Ce sont de grandes distances.

Je ne connais pas beaucoup de gens qui prennent l'automobile, qui ont le temps de traverser le pays d'un bout à l'autre et de revenir. Cela se fait, mais il y a d'autres moyens de transport. Je pense aux gens pour qui ce serait plus profitable et plus sécuritaire de faire un trajet du genre en train et parfois, pour de très longues distances, en avion.

Les gens nous ont dit à d'autres endroits que nous devrions réparer le réseau routier actuel autour des grands centres et maintenir, entre les grands centres, un corridor le plus acceptable possible. Avons-nous les moyens à un moment où nous sommes déficitaires, d'aller plus vite?

En tout cas, je vous laisse discuter là-dessus. Je ne suis pas du tout allergique à votre propos, sauf que, face à des choix à faire, mon rôle dans l'Opposition serait très facile.

.1410

Je n'aurais qu'à dire: Oui, on dépense cette somme, etc. Mais il faut faire des choix. Trouvez-vous valable qu'on restaure le réseau routier? Il faut reconnaître qu'il est devenu dangereux à certains endroits.

Votre argument sur la sécurité est très bon. Quant à lancer l'idée d'une route à quatre voies d'un océan à l'autre, j'aimerais voir si c'est vraiment une priorité compte tenu qu'il y a peut-être d'autres solutions plus économiques et sécuritaires.

[Traduction]

Le vice-président (M. Comuzzi): Avez-vous des commentaires, Silvio?

M. Di Gregorio: Certainement. Je pense qu'il faut se fixer comme objectif éventuel une autoroute à quatre voies qui relierait les deux côtes. Mais pour les dix prochaines années, ce qui est déjà assez loin dans le temps, on a suffisamment de bouts de routes à améliorer. On ne peut pas se contenter d'un réseau routier tel qu'il est impossible d'ouvrir de nouvelles usines qui créeront des emplois pour le monde. Alors, là où l'état des routes nuit à la création d'emplois, que faut-il faire?

Ajouter deux voies à toutes les routes doit être un objectif à réaliser un jour, mais pour le moment, il faut ajouter une voie dans les endroits encombrés au point d'y empêcher le développement. Quand il est impossible d'acheminer ses produits jusqu'au marché...

J'ai saisi votre suggestion à propos du rail. Le marché le plus important de notre région, ce sont les États-Unis. À ma connaissance, nous n'avons pas de réseau ferroviaire. Il faut expédier les marchandises à Winnipeg, puis vers le sud. Pour aller à Duluth, à Minneapolis et aux autres villes dans ce coin-là en train, il faut passer par Winnipeg, traverser les deux Dakotas puis le Minnesota. Ce n'est pas économique du tout.

Notre région n'a pas sa place dans le tableau général du transport ferroviaire. Il y a tant de localités chez nous qui ne sont pas desservies par le train ni même par l'autocar.

Je discutais il y a quelques jours avec un homme qui voulait aller à Chapleau. C'est à 300 ou 400 kilomètres d'ici. Il n'a trouvé ni autocar, ni avion, ni train pour s'y rendre.

[Français]

M. Dubé: L'Ontario est grand.

[Traduction]

C'est tout.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Dubé.

J'ai deux ou trois questions à poser. Elles sont d'intérêt très très local, mais elles n'en sont pas moins importantes. Je suppose que tout ce qui est local est d'importance.

Nous avons entendu des témoignages à Vancouver et dans d'autres provinces depuis que nous avons entrepris cette étude. Hier, nous étions au Manitoba. Le ministre de la Voirie et du Transport du gouvernement du Manitoba nous a expliqué ce que sa province avait fait pour établir des liaisons avec les États-Unis. Malgré que l'unité nationale soit une affaire Est-Ouest, nos relations commerciales sont plutôt Nord-Sud.

Quand on voit ce que la Colombie-Britannique a fait pour construire une route nord-sud qui se joint au réseau routier américain, et l'Alberta qui s'est arrangée aussi pour que son réseau de routes se joigne à celui des États-Unis. Le Manitoba, lui, a sa route 75 en droite ligne vers le Dakota du Nord. À Windsor, en Ontario, la grande région manufacturière est reliée au réseau des autoroutes interétatiques américaines, comme la région de Toronto-Hamilton. Sault Ste. Marie est reliée par le pont St. Mary au réseau routier américain. On arrive à Thunder Bay ou dans le nord-ouest de l'Ontario, et on ne trouve aucun lien avec le réseau des autoroutes américaines... Je sais que vous et moi en avons déjà discuté, mais dites-nous comment faire pour corriger cette situation?

.1415

Si nous voulons croître et prospérer, nous devons... Le nord de l'Ontario exporte vers les États-Unis 94 p. 100 de sa production. Or, ces marchandises font plein de zigzags pour arriver jusqu'au marché.

M. Di Gregorio: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Comme je l'ai dit dans mes observations, le marché qui se trouve juste au sud de la frontière dans un rayon de 400 à500 kilomètres compte près de 20 millions de consommateurs. Pour trouver un bassin de population aussi important au Canada, il nous faut aller presque de la côte ouest jusqu'à la côte est...

Le vice-président (M. Comuzzi): Est-ce une région où... Je comprends votre idée sur les péages, mais si nous prenions nous-mêmes l'initiative de construire une autoroute selon les normes des routes interétatiques depuis Thunder Bay jusqu'à Pigeon River... Je ne pense pas me tromper en affirmant que le département américain du Commerce et le gouvernement du Minnesota possèdent déjà une emprise permettant de prolonger l'autoroute I-75 à quatre voies de Two Harbors jusqu'à Pigeon River. Ce segment de la route, les 38 ou 40 milles d'ici à Pigeon River, de notre bord de la frontière, serait tout indiqué pour une autoroute à péage...

M. Di Gregorio: À condition de ne pas toucher à la route 61.

Le vice-président (M. Comuzzi): En effet.

M. Di Gregorio: Les gens doivent avoir une alternative. On pourrait trouver un autre corridor. Quand on construit dans un tout nouveau corridor, ça coûte beaucoup moins cher parce qu'on n'est pas dérangé par la circulation. Autrement, il faut prendre des dispositions pour la circulation qui emprunte habituellement la route. De plus, on a le loisir de choisir le meilleur tracé, celui qui simplifiera la construction et qui, par conséquent, la rendra plus économique. Donc, si l'on ne touche pas à la route 61 actuelle, ce serait la solution idéale.

Le vice-président (M. Comuzzi): C'est pour ça que la personne chargée de la construction d'une route doit travailler en coopération avec les ingénieurs et les concepteurs dès le stade préliminaire afin de... Vous avez employé un bon terme, «les compromis».

M. Di Gregorio: Pour évaluer les travaux à faire, parce que la solution la plus économique... Supposons qu'il soit question de ces 40 kilomètres de route à construire d'ici jusqu'à la frontière - je pense que les comparaisons vaudront pour d'autres projets - les compromis techniques dans la construction de la route selon les coûts d'immobilisation pourraient être évalués par un appel d'offres et on ne serait pas obligé de se limiter à certaines personnes en particulier. Au stade préliminaire, on lancerait un appel d'offres aux intéressés et des ingénieurs, des entrepreneurs, des institutions financières et des géotechniciens pourraient former des équipes pour évaluer le design, la construction et l'entretien.

À l'étape de cet appel d'offres, on peut demander que l'entrepreneur qui construira la route en assure l'entretien pendant dix, vingt ou trente ans. Sachant qu'il devra assumer les frais d'entretien, l'entrepreneur choisi acceptera sans doute de dépenser 5 millions de dollars de plus pour avoir une construction de meilleure qualité et ainsi éviter que les frais d'entretien des vingt prochaines années soient astronomiques.

.1420

À l'heure actuelle, quelqu'un prépare les devis, puis il y a appel d'offres. L'entrepreneur n'a aucune marge de manoeuvre. Il est obligé de s'en tenir aux plans. Il faut excaver le sol, que ce soit du muskeg ou autre chose, étendre douze pouces de gravier et mettre un pouce de bitume au-dessus. Si c'est le devis, on n'a pas le choix.

Mais si l'équipe a au tout début la latitude d'établir des paramètres qui feront augmenter le coût de construction de la route mais diminuer considérablement les frais d'entretien des trente prochaines années, elle veillera à le faire. Ça consiste à analyser la valeur actualisée des coûts d'entretien futurs. On peut ainsi déterminer qu'il est plus économique de dépenser 10 millions de plus pour la construction, car on épargnera ainsi 1 million de dollars par année pendant vingt ans.

Ces décisions sont possibles quand on forme un partenariat avec le propriétaire, l'entrepreneur, l'ingénieur-conseil qui étudient ensemble les idées de chacun et qui sont conjointement responsables du projet au lieu d'être chacun dans leur coin. C'est le seul moyen d'obtenir le meilleur rapport qualité-prix à long terme.

Le vice-président (M. Comuzzi): Et on pourrait appliquer ce concept à la construction d'un réseau transcanadien.

M. Di Gregorio: À n'importe quel projet.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Di Gregorio, d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer. Je sais que vous êtes un homme extrêmement occupé. Je vous remercie pour votre exposé. Il est intéressant, il figurera dans le compte rendu et il importera dans nos discussions sur le transport.

Vous savez, le comité que nous formons en ce moment n'a presque plus de raison d'exister. On a vendu les chemins de fer. On va bientôt se débarrasser des transports maritimes. On a liquidé les aéroports. On a le système de navigation bien en main. Il est temps de penser à un réseau routier national.

M. Di Gregorio: C'est notre plus cher désir.

Le vice-président (M. Comuzzi): Les témoins suivants sont des représentants de l'Association canadienne des automobilistes du nord de l'Ontario, M. Fayrik et M. Salatino. M. Fayrik est le vice-président de la CAA de Thunder Bay et M. Salatino, le directeur des services d'urgence, qui se trouve aussi à Thunder Bay.

Bienvenue au comité. Je me dois de vous dire que nous avons entendu des délégations de la CAA en Colombie-Britannique et au Manitoba. Je crois que vous allez jouer un rôle capital dans nos travaux ici et dans nos futures délibérations.

M. Wayne Salatino (directeur, Service routier d'urgence, Nord et Est de l'Ontario, Association canadienne des automobilistes): Nous représentons la CAA dans le nord et l'est de l'Ontario. Exception faite d'une petite région autour de Sault Ste. Marie, le territoire de notre club s'étend des limites du Manitoba jusqu'à celles du Québec. Notre siège social est situé à Ottawa. De grands segments de La Transcanadienne traversent notre région, entre autres la route 17, la route11 et la route 69. C'est près de 4 000 kilomètres de routes nationales.

La CAA représente 186 000 automobilistes dans le nord et l'est de la province. Dans la région ici, notre association nationale de clubs lance aujourd'hui même le projet «On fait du chemin au Canada», une expédition transcanadienne qui part de Victoria. Cette expédition a pour but d'attirer l'attention du gouvernement fédéral sur l'urgence d'agir en partenariat avec les provinces et de s'entendre avec elles sur le financement de notre réseau routier national. L'expédition fera des arrêts à maints endroits au Canada pour permettre aux membres de la CAA, au grand public, aux représentants des gouvernements locaux et régionaux et aux gens d'affaires de signer des pétitions demandant au gouvernement fédéral de focaliser sur le rôle qu'il joue de longue date dans le financement des routes au Canada.

Après des arrêts à Kenora et à Dryden, l'expédition fera une pause à Thunder Bay le 15 octobre. Les membres et le personnel de la section locale de la CAA seront représentés, ainsi que les autorités locales, pour manifester leur appui au projet. Dans les jours qui suivront, l'expédition s'arrêtera aussi dans d'autres villes sur notre territoire, à savoir Espanola, Sudbury et North Bay. Le premier ministre de l'Ontario, Mike Harris, a été invité à assister à la cérémonie qui se déroulera dans sa circonscription, à North Bay.

.1425

L'affiche que j'ai apportée avec moi est placardée dans tous les bureaux de la CAA au Canada et dans plusieurs centres de réparation approuvés par la CAA. On peut y lire: «Danger - Aucuns travaux routiers en vue». Elle a été conçue expressément pour cette campagne de sensibilisation afin de concentrer l'attention du public sur deux choses; premièrement, que l'absence de travaux routiers met en danger la sécurité de tous les usagers de la route. Ils courent le risque d'être impliqués dans une collision, de subir des blessures et même de mourir à cause des routes mauvaises, des voies étroites, des accotements non pavés, des encombrements, de la mauvaise signalisation routière et d'un trop grand nombre de points de jonction.

Deuxièmement, l'affiche signifie que si le Canada laisse ses routes se dégrader, notre pays risque de perdre son avantage concurrentiel et les forces économiques qu'il a acquises. Tout simplement, s'il n'y a pas de travaux en vue, ça devrait inquiéter tous les Canadiens.

Nous envoyons aussi des cartes postales et des feuillets explicatifs aux 3,8 millions de membres de la CAA. Cet automne, les clubs de la CAA publient des éditoriaux dans leurs magazines pour soutenir nos efforts de sensibilisation. Le point commun de toute cette documentation, c'est que nous y demandons aux automobilistes d'y mettre du leur. Bien entendu, les automobilistes font déjà leur part chaque fois qu'ils font le plein, mais nous leur demandons maintenant de réclamer du gouvernement qu'il alloue 2 ¢ le litre, prélevés sur les taxes actuelles sur l'essence, à l'entretien et à la construction des routes nationales.

Aujourd'hui aussi, les ministres des Finances se réunissent à Ottawa pour discuter uniquement du RPC et de l'infrastructure. Nous avons avisé le ministre fédéral et ses homologues provinciaux que nous estimions urgent de régler la question du financement des routes et de convenir d'un plan.

Nous croyons que les routes, leur entretien en règle et leur élargissement sont à la base de notre avantage concurrentiel; c'est essentiel si l'on souhaite être compétitif à l'intérieur de l'ALENA. Les routes doivent être dans le meilleur état possible, pas comme en ce moment, dans un état lamentable. Notre club s'est affairé à informer les députés fédéraux de la région et les ministres que le réseau routier national continuait de dépérir alors que la concurrence exige les meilleures routes possibles. Presque dix années se sont écoulées depuis le lancement de la politique canadienne sur le réseau routier national.

Aux États-Unis et au Mexique, plusieurs projets ambitieux de travaux routiers sont en voie de réalisation pour créer un réseau routier de premier ordre. Au Canada, nous savons que le premier ministre a admis la nécessité d'avoir un réseau routier concurrentiel. Nos députés fédéraux nous disent savoir que la création d'emplois à court terme n'est pas le seul avantage, que ça permet aussi de garantir la sécurité d'emploi à long terme. L'économie se développera, entraînant la croissance de l'emploi et de l'assiette fiscale fédérale, ainsi qu'une plus grande compétitivité de notre industrie. En outre, un plus grand nombre de Canadiens voyageront dans leur vaste pays, apprenant ainsi à mieux le connaître tout en dynamisant son économie.

Il y a quelques années, on avait mis sur pied le Programme d'infrastructure municipale. Il est temps maintenant de subventionner un vrai programme pour les routes nationales. La CAA a présenté certaines réflexions sur la question du financement, mais il est certain qu'il faut s'en tenir aux recettes fiscales actuelles. Nos membres dans la région versent au trésor fédéral, chaque année, des millions de dollars pour des travaux routiers dont ils ne voient pas la couleur. Dans ce contexte, ils n'ont pas envie de donner encore plus pour un besoin essentiel comme des routes en bon état. Une hausse de la taxe sur l'essence doit être écartée parce qu'elle sera perçue comme une double imposition.

La CAA veut qu'au moins 2 ¢ du taux actuel de la taxe d'accise sur l'essence - ainsi que l'équivalent pour la taxe sur le carburant diesel et une contrepartie provinciale - soient investis dans le réseau routier national. Il importe de ne pas sous-estimer la part prélevée sur les recettes actuelles. Les députés doivent se rappeler comment la CAA a rallié les automobilistes avant la présentation du dernier budget fédéral. M. Martin, le ministre des Finances, a eu la sagesse finalement de ne pas augmenter la taxe sur l'essence comme il se proposait de le faire. Nous espérons qu'il suivra cette même voie de la sagesse en élaborant un nouveau plan d'investissements dans le réseau routier.

.1430

La section de la CAA pour le nord et l'est de l'Ontario est fermement convaincue que sa demande est conforme au plan original qui prévoyait un réseau routier national. Non seulement il y va de l'intérêt national, mais ce serait une saine planification financière. Les taxes fédérales sur l'essence rapportent en ce moment 5 milliards de dollars annuellement, mais moins de 5 p. 100 de cette somme est affecté à nos routes. C'est le taux d'investissement le plus bas de tout le monde industrialisé. Si on continue de laisser faire, les coûts de réfection décupleront et nos routes et nos ponts en décomposition ne feront qu'alourdir sensiblement notre dette nationale.

La réfection d'une route qui n'a pas été retouchée depuis quinze ans coûte 250 000 $ du kilomètre par voie. En comparaison, si les travaux sont effectués la douzième année, ils ne coûtent que 80 000 $ du kilomètre par voie. Mieux vaut vraiment prévenir que guérir.

Un programme suffisamment subventionné pour le réseau routier national redonnera du tonus à l'économie en prenant bien soin de ses artères. Les routes nous lient les uns aux autres et, de plus, elles favorisent la stabilité de l'économie, la réduction du déficit et l'emploi à long terme. Dans notre territoire, il est de notoriété publique que la plupart des entreprises de transport routier commercial empruntent les routes américaines plus droites, plus lisses et plus larges pour se déplacer d'est en ouest autour de la tête des Grands Lacs et éviter ainsi les nids-de-poule, les courbes et les renflements qui émaillent les routes du nord et du nord-ouest de l'Ontario.

Il faut absolument de meilleures routes et nous prions le comité d'écouter sérieusement la voix des automobilistes. La section de la CAA pour le nord et l'est de l'Ontario prie les chefs de nos gouvernements d'opter pour cette stratégie et de redonner au Canada un réseau routier national bien financé.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Salatino. Avez-vous quelque chose à ajouter, M. Fayrik?

M. Greg Fayrik (vice-président, Opérations, Section du nord et de l'est de l'Ontario, Association canadienne des automobilistes): La CAA est présente à Thunder Bay depuis longtemps et, comme peut en témoigner M. Salatino, il y a bien des entreprises de camionnage, plus nos propres camions, qui ont à faire en divers endroits de la région et qui savent que certains segments sont en très piteux état. Il faut faire quelque chose dans le nord - que ce soit ajouter des voies de dépassement, élargir à quatre voies ou dédoubler selon le cas - pour améliorer la situation.

Les touristes qui viennent dans la région trouvent ça pénible, surtout après avoir voyagé aux États-Unis où le réseau routier est nettement supérieur. Ici, c'est presque une zone sinistrée. On a un peu amélioré la route près de la frontière en ajoutant des voies de dépassement; c'est nettement mieux. C'est très bien, mais il reste encore beaucoup à faire.

Le vice-président (M. Comuzzi): Nous allons donc passer aux questions.

On vient de me remettre un mot - pour les anciens combattants parmi vous - disant que le ministre de la Défense, M. Collenette, vient de démissionner.

Une voix: Bien.

Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: Je comprends très bien votre point de vue, mais je n'en dirai pas autant des chiffres que j'ai lus tantôt, qui venaient de l'Association des municipalités rurales de la Saskatchewan qui vous donne raison sur la part des revenus que retire le fédéral sur les routes. Cependant, j'aimerais vous rappeler que le fédéral avait dépensé beaucoup d'argent lors de la construction de la Transcanadienne. Si on regardait les chiffres de ces années-là, les proportions seraient sûrement différentes.

.1435

Actuellement, beaucoup de sections de routes sont détériorées et dangereuses. Réparons ce qui est brisé et dangereux. On va en arriver assez vite à un consensus à ce sujet, à savoir que c'est ce qui devrait être considéré de façon prioritaire.

[Traduction]

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Dubé.

Monsieur Jordan.

M. Jordan: C'est bien que vous soyez passés immédiatement après un entrepreneur qui a tenu des propos très semblables aux vôtres sur l'état des routes au Canada et au sujet de la pente glissante sur laquelle on se trouve quand on croit faire des économies en omettant de réparer les routes et tout ce qui s'ensuit.

La différence, c'est que cet entrepreneur qui était là il y a quelques minutes à peine a suggéré de hausser la taxe de un cent ou deux le litre de carburant à cette fin. Vous rejetez cette idée en soutenant que ce serait considéré comme une double imposition ou je ne sais trop quoi.

Croyez-vous néanmoins que ce serait réalisable si tout se faisait dans la transparence? On pourrait donner le montant perçu grâce à cette nouvelle source de revenu - que ce soit un cent ou deux cents le litre, ou peut-être plus - et indiquer à quels projets routiers cet argent servirait.

Il me semble que ça manque en ce moment. On ramasse de l'argent parce que les routes sont fréquentées, mais on refuse de le réinvestir dans le réseau.

M. Fayrik: Vous avez bien résumé notre pensée.

M. Jordan: Bien.

M. Fayrik: Pendant toutes ces années, on a perçu de l'argent, mais où est-il passé? Et la taxe sur les pneus qui était imposée il y a de nombreuses années, elle a rapporté beaucoup d'argent, mais qu'a-t-on fait de cet argent?

M. Jordan: Cela se produit très souvent avec les gouvernements. Ils ont l'intention de se servir d'une partie des fonds amassés pour les routes, mais cette intention ne se matérialise pas.

Croyez-vous qu'il y ait un compromis possible pour la CAA si une taxe supplémentaire était proposée et qu'elle était convaincue que l'argent serait affecté exclusivement à l'entretien ou à la construction des routes?

M. Fayrik: Il faudrait préciser la première partie, celle sur la destination des fonds et sur l'assurance que l'argent est effectivement réinvesti dans le réseau routier. On pourrait lancer le dialogue ou la discussion sur la seconde partie.

Nous ne pouvons pas vous donner une réponse ferme sur notre position sans consulter l'ensemble des membres de l'association pour connaître leur opinion.

M. Jordan: Oui, mais ce que je vous suggère, c'est de ne pas opposer un refus catégorique, du moins pour l'instant, en affirmant que vous ne voulez même pas envisager une taxe supplémentaire et qu'il faut utiliser l'argent dont le gouvernement dispose déjà pour la construction routière. Je doute que ce soit une possibilité de toute façon.

J'approuve en principe tout ce que vous avez dit. Ce que notre nation a tenté de faire - et il ne faut pas perdre de vue la conjoncture économique actuelle - , c'est tirer le maximum possible de nos routes jusqu'à ce qu'on atteigne une stabilité économique qui nous permette de leur consacrer de l'argent. Le danger, bien entendu, c'est que si l'on attend trop longtemps avant d'effectuer les réparations nécessaires, elles coûtent une fortune.

M. Fayrik: C'est une vraie bombe à retardement. Si l'on ne fait pas les réparations maintenant, combien cela coûtera-t-il dans cinq à dix ans?

M. Jordan: Évidemment, je suis d'accord avec vous.

Je ne sais pas non plus si vous avez entendu ce que le président a dit plus tôt, mais je suis d'accord avec lui. On semble s'être occupé des divers modes de transport au pays - l'avion, le bateau, etc. - et il serait peut-être temps que le comité se consacre maintenant au moyen de transport le plus élémentaire et le plus fondamental au pays: le transport libre-service. C'est celui que nous utilisons quotidiennement sous une forme ou sous une autre.

J'approuve donc ce qu'a dit le président tout à l'heure. Il serait temps que nous considérions ce mode comme faisant partie de notre mandat et que nous nous mettions à la tâche de toute urgence comme vous le préconisez.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Jordan.

Vous étiez nos derniers témoins.

Permettez-moi en terminant de remercier nos attachés de recherche qui nous aident dans notre étude.

Tenir des réunions à différents endroits au pays, c'est parfois compliqué et la logistique n'est pas toujours évidente. Les greffiers, qui s'occupent de tous les préparatifs de voyage, s'apprêtent déjà à partir.

.1440

Un gros merci aux interprètes qui se trouvent dans la cabine, au fond, pour l'excellence de leur prestation, comme chaque fois qu'ils traduisent pour nous.

M. Salatino et M. Fayrik, je vous remercie d'être venus nous présenter votre mémoire. Votre intervention a été très utile, comme celle des autres délégations de l'Association canadienne des automobilistes que nous avons entendues jusqu'à maintenant.

Je vous remercie tous, mesdames et messieurs, pour votre participation.

Enfin, les derniers mais non les moindres, je remercie mes collègues de m'avoir laissé présider la réunion pour eux, aujourd'hui.

M. Jordan: Je vous en prie!

Le vice-président (M. Comuzzi): Merci.

La séance est levée.

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