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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 septembre 1996

.1535

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte.

Si les témoins veulent bien patienter quelques instants, il nous reste un autre point à régler.

Joe, si cette question prend plus d'une minute, nous devrons passer à autre chose.

M. Comuzzi (Thunder Bay - Nipigon): Je comprends.

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Monsieur le président, cette question ne figure pas à l'ordre du jour mais, comme vous le savez, j'ai été chargé en juin de rédiger un autre rapport du comité de la Voie maritime du Saint-Laurent et des Grands Lacs. Ce document fait suite au rapport initial qu'avaient adopté les membres du présent comité. Une fois le rapport rédigé, des exemplaires ont été soumis au président, qui a eu la bonté de le faire traduire pour nous et de le faire distribuer à tous les autres membres du comité.

Aujourd'hui, j'ai pris le temps de faire un exposé à un collègue qui ne faisait pas partie du comité à l'époque. En fait, je suis en train de dire que la version définitive du rapport est prête et que nous l'avons fait circuler. Je suis convaincu que M. Gouk et ses amis en ont fait une lecture attentive.

Monsieur le président, je demande que le rapport soit adopté et déposé à la Chambre des communes en tant que rapport du Comité permanent des transports. Je fais une motion en ce sens.

Le président: Très bien. Vous en faites la demande spéciale maintenant. J'aimerais savoir si les autres parties sont disposées à y acquiescer tout de suite.

M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Monsieur le président, j'ai le plus grand respect pour M. Comuzzi et je suis certain qu'il a fait de l'excellent travail. Cependant, avant d'appuyer son rapport, j'aimerais d'abord le lire. Je n'ai pas encore...

M. Comuzzi: N'en avez-vous pas reçu un exemplaire, cet été?

Le président: Oui, tout le monde en a reçu un exemplaire cet été. Toutefois, la présente réunion n'a pas pour objet d'en discuter. S'il n'y a pas unanimité, passons à autre chose. Nous y reviendrons dès la première occasion.

M. Comuzzi: Ne peut-on pas procéder à un vote?

Le président: Non, monsieur Comuzzi, je ne crois pas que le moment soit opportun.

Aujourd'hui, nous étudions le projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire, et nous entendrons des témoins du ministère des Transports: MM. Jackson, Churcher, Murphy et Burtch.

Monsieur Jackson, je présume que vous êtes à la tête de cette prestigieuse délégation.

M. Ron Jackson (sous-ministre adjoint, ministère des Transports): Permettez-moi de vous présenter mes collègues afin que vous sachiez qui fait quoi. Colin Churcher est directeur général de la législation en matière de sécurité ferroviaire. C'est lui qui a le plus travaillé à la série de modifications à l'étude. Don Murphy est le conseiller juridique du ministère de la Justice, et Terry Burtch, le directeur général de la Sécurité ferroviaire.

Monsieur le président, les modifications prévues dans le projet de loi C-43 découlent essentiellement d'un examen quinquennal de l'application de la Loi sur la sécurité ferroviaire entrée en vigueur en 1988. Nous avons eu des consultations et tout le reste tout au long de l'été 1995; elles ont abouti, en mai 1996, au dépôt de modifications et à leur renvoi à votre comité, le 8 juin 1996.

La Loi de 1988 sur la sécurité ferroviaire est une mesure législative très évoluée en matière de sécurité. En fait, elle sert probablement de modèle à tous les autres modes de transport au Canada et elle est reconnue, à l'échelle internationale, comme un modèle exemplaire de réglementation dans ce domaine.

En théorie, Transports Canada fait en sorte que les règles applicables aux chemins de fer sont bien rédigées, et c'est nous qui les approuvons. Les chemins de fer décident comment satisfaire aux exigences, puis nous suivons leur performance afin de vérifier qu'ils s'y conforment. Lorsque nous jugeons que les chemins de fer ne respectent pas les règles, nous prenons les mesures nécessaires pour les y obliger.

L'examen de l'application de la loi a mené à la formulation de quelque 69 recommandations. Après les avoir analysées, nous en avons retenu 60.

J'aimerais maintenant céder la parole à M. Churcher, qui vous donnera plus de précisions au sujet des consultations que nous avons eues avec les divers intéressés de l'industrie. Il pourra aussi vous décrire la teneur des modifications à l'étude. Monsieur Churcher, si vous voulez bien.

.1545

M. Colin Churcher (législation des chemins de fer, ministère des Transports): Je vous remercie.

Messieurs, je vous souhaite un bon après-midi.

D'après les études récentes de la vigilance des équipes de train, nous ne sommes pas à notre meilleur à ce moment-ci de la journée en raison des rythmes circadiens. Nous éprouvons tous, peut-être, des difficultés à demeurer éveillés. Je serai donc le plus bref possible.

C'est moi qui étais chargé de rédiger et de faire adopter la Loi de 1988 sur la sécurité ferroviaire. En 1989, j'ai assumé les responsabilités du programme de la sécurité ferroviaire à Transports Canada, jusqu'à ce que Terry Burtch me remplace, il y a environ 18 mois, pour que je puisse me consacrer à l'examen et à la rédaction des modifications.

Avant de commencer, j'estime important de souligner que Transports Canada n'est pas responsable de la sécurité de tous les chemins de fer au Canada. Certains sont de compétence provinciale, particulièrement au Québec et en Colombie-Britannique. Bien que nous travaillions de concert avec les provinces, ces chemins de fer échappent à nos pouvoirs. Les chemins de fer provinciaux ont tendance à se servir des normes fédérales, mais nous ne sommes certes pas habilités à leur imposer quoi que ce soit d'exceptionnel. Nous sommes absolument sans pouvoir, particulièrement lorsque les chemins de fer sont au Québec et en Colombie-Britannique.

Faisons un peu d'histoire: avant 1988, la sécurité ferroviaire était réglementée par la Commission canadienne des transports, puis par l'Office national des transports. Il s'agissait d'un régime très normatif dans le cadre duquel le gouvernement disait aux chemins de fer exactement quoi faire et comment. En voici quelques exemples.

Vers la fin des années 70, la Commission canadienne des transports a émis une ordonnance au Canadien Pacifique concernant le genre d'ampoules à utiliser sur un pont franchissant des eaux navigables. Elle lui a même précisé le wattage des ampoules selon que le signal était vert, rouge ou blanc. En d'autres mots, elle décidait de presque tout. Chaque fois qu'un chemin de fer souhaitait reconstruire un pont, il devait obtenir la permission du gouvernement et, avant qu'un train puisse rouler sur la voie ferrée à la vitesse habituelle, il fallait qu'un inspecteur du gouvernement ait vérifié le pont. Entre autres choses, cette façon de faire a enlevé aux chemins de fer beaucoup de responsabilités en matière de gestion. Elle a aussi mis en relief la question de la responsabilité. Si le pont était mal construit ou mal reconstruit, qui était responsable?

Vers le milieu des années 80, on a décidé de retirer à l'organisme responsable à l'époque de la réglementation la responsabilité de la sécurité. Il a aussi cessé d'enquêter sur les accidents. Actuellement, la sécurité ferroviaire relève du ministre des Transports, les enquêtes sur les accidents, du Bureau de la sécurité des transports et la réglementation économique, de ce qui s'appelle maintenant l'Office national des transports.

Dans la loi initiale, c'est-à-dire la Loi sur la sécurité ferroviaire, un examen quinquennal d'une partie de celle-ci était prévu. Comme l'a mentionné M. Jackson, cet examen a eu lieu en 1994. Il portait sur les cinq premières années d'application de la loi. L'an dernier, nous avons consulté l'industrie. Je vois que bon nombre des témoins que vous entendrez ont participé, l'été dernier, à l'ébauche des modifications. Le projet de loi C-43 a été déposé en mai 1996.

Je crois que le moment est venu de vous en dire davantage au sujet des principes qui animent Transports Canada. Il y en a quatre, en fait.

Tout d'abord, Transports Canada fait en sorte que les règles sont convenablement rédigées. Nous ne les rédigeons pas forcément nous-mêmes, bien que le règlement nous y autorise, car la nouvelle loi prévoit que les chemins de fer peuvent déposer leurs propres règles. Ainsi, le chemin de fer peut se doter de ses propres règles concernant la sécurité de la voie ou l'exploitation. Il existe une procédure aux termes de laquelle les employés des chemins de fer ou les syndicats sont consultés avant de soumettre ces règles au gouvernement. Une fois que la règle est déposée auprès du ministre, celui-ci dispose de 60 jours pour rendre sa décision. Si elle est approuvée, la règle a force de règlement. Ce que nous avons fait, essentiellement, c'est de permettre au chemin de fer de décider comment il gérera l'aspect sécurité.

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Donc, au départ, nous faisons en sorte que les règles sont bien rédigées et nous avons le pouvoir de les changer. Nous pouvons aussi exiger des chemins de fer qu'ils soumettent à notre approbation leur règlement concernant un point particulier.

Par ailleurs, c'est au chemin de fer de décider comment il s'y prendra pour satisfaire à ces exigences. Par exemple, en ce qui concerne les normes fixées pour les voies ferrées, il existe une série de règlements s'appliquant à différents genres de voies ferrées: on y précise à quel point les voies peuvent varier de la norme, selon la vitesse des trains.

Les chemins de fer sont libres de décider comment ils respecteront ces normes. Ils peuvent le faire manuellement, en y affectant de nombreux préposés à l'entretien, ou encore avoir recours à de petits appareils ou à de l'équipement lourd. En réalité, peu nous importe comment le chemin de fer s'y prend. Ce qui compte, c'est le produit final. Nous ne nous préoccupons pas des méthodes employées, ni même de savoir où sont entretenues les machines, à condition d'obtenir les résultats voulus - au bout du compte, de bonnes normes.

Notre troisième principe concerne la surveillance. Nous procédons à une surveillance de la performance des chemins de fer par échantillonnage. Transports Canada compte cinq bureaux régionaux répartis d'un bout à l'autre du pays: Moncton, Montréal, Toronto, Winnipeg et New Westminster. Chaque bureau régional compte des inspecteurs experts de la voie ferrée, des locomotives, des wagons, du matériel, des méthodes d'exploitation, du contrôle du trafic - soit de la méthode de répartition - et des circuits électriques. Ils connaissent à fond tous les aspects de la sécurité ferroviaire à vérifier. Ces inspecteurs vont sur place, vérifient la performance du chemin de fer et en mesurent le rendement en fonction d'une série de normes. Nous élaborons des données statistiques, ce qui nous permet de repérer les tendances et, si nous constatons l'existence d'une tendance pernicieuse, nous exigeons du chemin de fer, soit à l'échelle locale, soit à l'échelle nationale, qu'il l'inverse. Nous continuons de le surveiller jusqu'à ce qu'il y ait amélioration.

Quatrième principe, nous faisons respecter la loi. Dans la mesure du possible, nous préférons l'observation volontaire. Chaque inspecteur de la sécurité ferroviaire a le pouvoir d'émettre un avis ou une ordonnance. En fait, la loi oblige l'inspecteur à émettre un avis s'il estime que la sécurité de l'exploitation du chemin de fer est compromise.

L'inspecteur peut ordonner au chemin de fer de prendre pas mal toutes les mesures qu'il juge nécessaires pour garantir la sécurité ferroviaire. Cependant, la plupart du temps, nous essayons de laisser le chemin de fer décider lui-même comment régler un problème de sécurité. Il vaudrait peut-être mieux que je vous donne un exemple. Supposons qu'un de nos inspecteurs constate le mauvais état d'un tronçon de la voie ferrée; il peut émettre une ordonnance interdisant l'utilisation de la voie ferrée ou limitant à 10 milles à l'heure la vitesse à laquelle les trains peuvent y rouler. Ainsi, nous n'ordonnons pas au chemin de fer de réparer la voie ferrée. S'il décide de ne pas la réparer parce qu'il n'en a pas besoin, il est tout à fait libre de le faire. Il peut aussi décider de continuer de l'utiliser, mais de ne pas faire rouler ses trains à plus de 10 milles à l'heure. Enfin, s'il souhaite réparer la voie pour que ses trains puissent y rouler à 60 milles à l'heure, il est libre de le faire. Ce n'est pas nous qui lui dicterons quoi faire. Nous nous contenterons de neutraliser la source de danger.

Passons maintenant à l'examen législatif. Il a eu lieu en 1994. Il portait sur les cinq premières années d'application de la loi et il a été exécuté par un groupe indépendant de trois personnes qui ont adopté, selon moi, une approche très générale. Elles ont fait l'examen des chemins de fer et ont rencontré les syndicats et quiconque s'intéressait à la sécurité ferroviaire. Comme l'a précisé M. Jackson, le rapport comportait 69 recommandations dont 60 ont été acceptées par Transports Canada. J'aimerais simplement vous passer en revue celles qui ont été rejetées.

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La première traitait de la consommation de drogues et d'alcool. Le rapport a été publié alors que M. Young, alors ministre des Transports, venait tout juste de faire une déclaration au sujet de la consommation de drogues. Dans la réponse du gouvernement au rapport déposée à la Chambre, voici ce que nous avons dit, et je crois qu'il importe d'en citer des passages:

Messieurs, j'en parle ici parce que nous sommes tous au courant, je crois, d'une décision rendue récemment au sujet du dépistage de la consommation de drogues chez Imperial Oil. Je ne crois pas que l'on soit encore fixé sur son sens réel. Il s'agit uniquement d'une décision provisoire dont on pourrait en appeler. Cependant, à ce stade-ci, il n'y a pas de raison valable, selon nous, de prévoir le dépistage de la consommation de drogues dans d'autres lois.

Nous avons rejeté quelques autres recommandations. Une d'entre elles aurait permis d'en appeler des décisions des inspecteurs de la sécurité ferroviaire. Actuellement, la seule personne qui puisse changer une décision prise par l'inspecteur est le ministre lui-même. On a argué que l'examen de la décision devrait être effectué par une personne indépendante. En toute franchise, le ministre craignait que pareil examen indépendant n'entraîne des conjectures quant à ce qu'il décidera en matière de sécurité. La sécurité a une telle importance pour nous qu'il ne faudrait pas ouvrir la porte à de tels changements. Nous avons donc décidé de rejeter cette recommandation.

On a aussi recommandé de prévoir la temporisation à l'égard de toutes les règles adoptées en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire. La raison pour laquelle nous n'avons pas donné suite à cette recommandation, c'est que les règlements, comme je l'ai précisé plus tôt, sont en grande partie rédigés par les chemins de fer eux-mêmes. C'est bien souvent l'Association des chemins de fer du Canada qui les dépose au nom de tous les chemins de fer. Cela étant dit, l'industrie peut énoncer ses propres règlements ou les changer rapidement. Nous ne jugeons donc pas utile de prévoir une disposition artificielle de temporisation qui pourrait influer sur d'autres priorités.

Le comité a également recommandé que la loi tienne compte des préoccupations environnementales. Selon nous, la meilleure façon de procéder était d'avoir une loi de protection environnementale contemporaine. La loi relative à la sécurité ferroviaire semble donner les résultats voulus. Nous ne voudrions pas la rendre floue en y incluant des dispositions de protection environnementale.

Dans le cadre de cet examen, on a aussi fait une comparaison des chemins de fer canadiens avec des chemins de fer étrangers. Je suis fier de dire que la comparaison a été très avantageuse pour nous. On n'admet pas toujours que nous avons un bon système au Canada - non seulement en ce qui concerne les chemins de fer, mais aussi les autres modes de transport.

Le comité d'examen a recommandé que nous nous fixions comme objectif de réduire de 50 p. 100, au cours des 10 prochaines années, les accidents survenant aux passages à niveau. En toute franchise, cela sera difficile. Nous avons déjà tenté l'expérience au cours des 10 dernières années. Toutefois, le ministère se l'est donné comme objectif. Nous estimons qu'il est réalisable si nous avons l'appui de toutes les autres parties. Les passages à niveau mettent en jeu la participation de bien d'autres groupes: d'autres ordres de gouvernement, des municipalités, les chemins de fer, les syndicats des chemins de fer et le grand public. Nous estimons cependant qu'en rendant la loi un peu plus musclée, ce que nous faisons dans le projet de loi à l'étude, de même qu'en adoptant d'autres mesures, déjà en cours, nous parviendrons à atteindre cet objectif.

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Dans le rapport, on propose des modifications en vue de simplifier certaines pratiques, ce qui contribuerait à réduire la paperasse. Cela vous semblera peut-être, parfois, insignifiant, mais je puis vous affirmer que toute mesure qui réduit la paperasse inutile libère des ressources que nous pouvons consacrer à de véritables questions de sécurité ferroviaire.

La diminution de la paperasse sera certes un atout. Elle n'a rien changé aux décisions de base ni aux pouvoirs des parties.

Enfin, le comité a recommandé que les chemins de fer jouissent d'une plus grande souplesse d'exploitation. Nous profitons de l'occasion pour préciser que les chemins de fer auraient le pouvoir de déposer un plan de sécurité qui serait ensuite approuvé par le ministre de la même façon que les règles. Ils auront donc un peu plus de souplesse, peut-être.

J'aimerais m'arrêter pendant quelques instants aux consultations que nous avons tenues, l'été dernier. Nous avons réuni dans la même salle tous ceux qui, à notre avis, ont un enjeu dans la sécurité ferroviaire: des représentants du Canadien National, du Canadien Pacifique, de VIA (qui exploite le service de trains de voyageurs au Canada) et de l'Association des chemins de fer du Canada, soit l'organisme-cadre dont vous entendrez les porte-parole cet après-midi. L'association représente aussi les autres chemins de fer du Canada.

Nous avons consulté, en tant que porte-parole des employés, la Fraternité internationale des ingénieurs de locomotives, les Travailleurs unis des transports, ainsi que les Travailleurs canadiens de l'automobile dont les membres sont responsables de l'entretien de la plupart des wagons au Canada. Nous avons aussi pris l'avis de l'Association des syndicats de cheminots du Canada, l'organisme-cadre regroupant tous les syndicats de chemins de fer. Enfin, nous avons entendu la Fédération canadienne des municipalités et le Conseil canadien de la sécurité.

Nous nous sommes rencontrés en vue de faire l'examen du rapport, après quoi nous avons réussi à nous entendre sur une série de principes qui serviraient à la rédaction. Je suis heureux de dire que les parties au processus de consultation retrouveront tels quels dans la loi leurs suggestions et bien des libellés qu'elles nous ont soumis.

Il n'a pas été possible de faire l'unanimité. Il aurait été utopique de l'espérer. Toutefois, chacun a pu exprimer son opinion et faire des observations. Le projet de loi à l'étude reflète bien la philosophie de ce groupe, qui a beaucoup travaillé à cerner les questions et, croyez-moi, certaines étaient très délicates. Je suis heureux de pouvoir dire que nous avons réussi à bien nous entendre au sujet des changements requis.

De plus, je m'entretiens périodiquement, dans le cadre de téléconférences, avec des représentants de toutes les provinces qui s'intéressent aux chemins de fer, soit de toutes les provinces du Canada sauf Terre-Neuve et l'Île-du-Prince-Édouard. Elles aussi ont d'ailleurs participé à l'élaboration du projet de loi. Celui-ci repose donc sur de solides appuis.

Pour vous les résumer brièvement, les modifications comportent deux nouveaux éléments. Le premier concerne l'usage du sifflet, c'est-à-dire d'un avertisseur sonore, dans les collectivités. Je suis ravi de pouvoir dire que le concept adopté est en réalité une proposition de la Fédération canadienne des municipalités. Celle-ci est composée de représentants de la population qui habite à proximité des voies ferrées et qui peut être incommodée par les sifflets de train, la nuit.

Le sifflet est important comme outil de sécurité. Il sert à avertir qu'un train approche d'un passage à niveau. Tout le monde connaît, je crois, le signal: deux longs traits, suivi d'un court, puis d'un long. Il fait presque partie du patrimoine, mais il tient, en réalité, du code Morse dans lequel il représente la lettre «Q», employée dans les tranchées durant la Première Guerre mondiale pour signifier aux troupes d'attendre. C'est donc un signal, en code Morse, envoyé à l'automobiliste pour lui dire de s'arrêter parce qu'un train approche.

.1605

Dans le passé, on avait pour principe, je crois, que le chemin de fer était arrivé le premier, que la collectivité s'était bâtie autour de la voie ferrée et, donc, qu'il fallait endurer le bruit. Je ne crois pas que cet argument tienne encore.

Selon la procédure prévue dans le projet de loi à l'étude, il faut que deux conditions soient satisfaites avant que le chemin de fer ne puisse cesser l'usage du sifflet à un passage à niveau: il faut que la municipalité adopte une motion en ce sens - en d'autres mots, il faut que la collectivité le souhaite. De plus, l'emplacement doit répondre aux normes fixées par Transports Canada pour déterminer quand il est acceptable de cesser d'utiliser le sifflet. Si ces deux exigences sont satisfaites, selon cette proposition, le chemin de fer doit cesser d'utiliser le sifflet.

Le projet de loi comporte quelques autres éléments. Parfois, les normes sont un peu subjectives. Si elles soulèvent une question d'interprétation, il faut que les décisions prises par le ministre soient finales. Ce genre de choses, ce genre de critères - il faut se demander non seulement si le passage à niveau est muni de barrières, de cloches et de feux clignotants, mais aussi s'il y a beaucoup d'intrus à cet endroit. Y a-t-il d'autres raisons pour lesquelles des personnes se trouveraient peut-être sur la voie ferrée lorsqu'elles ne le devraient pas? Il faut que ce soit Transports Canada qui décide, en fin de compte, si ces exigences sont satisfaites.

À notre avis, cet élément devrait permettre de mettre fin à l'usage du sifflet, la plupart du temps. Son usage ne cesserait toutefois pas entièrement. Des situations d'urgence se présenteront, et le conducteur de la locomotive doit pouvoir utiliser le sifflet s'il voit quelqu'un sur la voie ferrée. Par ailleurs, quand on effectue des travaux provisoires, selon les règles, il faut utiliser la cloche et le sifflet... Ainsi, dans le cas de deux voies ferrées parallèles, lorsqu'un train circule sur l'une d'entre elles et qu'une équipe de travail s'affaire sur l'autre - de toute évidence, il faut signaler l'approche d'un train.

Certains ont demandé pourquoi il faut une série de normes nationales. En toute franchise, en l'absence de normes relatives à l'usage du sifflet, nous croyons que le taux d'accidents augmenterait. Les États-Unis ont interdit le sifflet, parfois sans vraiment examiner la situation, et le taux de collisions a malheureusement augmenté.

Voilà huit ans au moins que nous respectons des normes au Canada. L'hiver dernier, nous avons effectué une étude qui a révélé que, même si l'on interdit l'usage du sifflet, tant que les normes sont respectées, la sécurité n'est pas compromise. Parfois, il y a même moyen de l'améliorer légèrement.

Je m'explique: avant de permettre l'interdiction du sifflet, nous examinons la situation de près et faisons en sorte que nos normes soient respectées. Par exemple, si, d'un côté de la voie ferrée, il y a un centre commercial et de l'autre, une école ou un village, nous veillons à ce que les élèves puissent traverser en toute sécurité.

Le président: Je vous demanderais de bien vouloir conclure votre exposé. Plusieurs membres ont des questions à vous poser, et le temps commence à nous manquer.

M. Churcher: J'y répondrai volontiers.

Nous proposerons que d'autres pouvoirs soient prévus en ce qui concerne les passages à niveau afin d'aider à réduire le taux d'accidents à ces emplacements.

L'autre élément que nous proposons d'inclure dans le projet de loi viserait à réduire la paperasse. Dans le cadre de nos plans de sécurité, nous misons sur une plus grande participation des syndicats, et nous sommes également en train de revoir les dispositions de sécurité afin de mieux les aligner sur des lois plus contemporaines en la matière, par exemple sur la Marine Transportation Security Act.

Monsieur le président, voilà qui conclut mon exposé. Nous sommes maintenant disposés à répondre aux questions.

Le président: Monsieur Churcher, je vous remercie. Je demanderai à mes collègues de bien vouloir limiter leurs questions. Nous venons d'apprendre que nous serons convoqués à la Chambre un peu plus tôt que prévu. Or, j'aimerais que nous entendions tous les témoins aujourd'hui. Je suis convaincu que nous aurons plusieurs autres occasions de nous rencontrer tout au long de ce processus, messieurs.

Monsieur Mercier.

[Français]

M. Mercier (Blainville - Deux-Montagnes): Vous dites que comparée à celle d'autres pays, la sécurité est bonne. Une chose qui a frappé la population cet été-ci, c'est l'augmentation des déraillements de 50 p. 100 pendant la période de janvier à juillet de 1996 comparée à celle de 1995. Pourriez-vous commenter cette augmentation?

.1610

Deuxièmement, dans plusieurs pays, et c'est la règle générale en Europe, les passages à niveau sont protégés par des barrières. Est-ce que vous avez l'intention de recommander ou d'imposer davantage de barrières, surtout aux points où le trafic est important?

Troisièmement, toujours dans le cadre des comparaisons de pays à pays, au Canada, les trains sont beaucoup moins rapides que dans d'autres pays. Est-ce que cela devrait normalement influencer la sécurité? Est-ce que vous tenez compte de ce facteur dans la comparaison que vous faites avec d'autres pays?

[Traduction]

Le président: Monsieur Burtch.

M. Terry Burtch (directeur général, Sécurité ferroviaire, ministère des Transports): Pour ce qui est de votre première question, qui portait sur la croissance du nombre de déraillements et les préoccupations qu'elle soulève, il y a effectivement eu plus de déraillements, cette année. Par contre, quand on examine le dossier de la sécurité ferroviaire au Canada, celui-ci fait très bonne figure. Pour ce qui est de cette année particulière, nous affichons une nette croissance des déraillements au cours des trois premiers mois de l'année en raison du très mauvais temps que nous avons connu, cet hiver.

Nous avons eu plusieurs rencontres avec les représentants des chemins de fer pour discuter des causes de ces problèmes et des mesures correctrices qu'ils ont mises en place. Ils sont en train d'instituer plusieurs mesures qui devraient régler le problème. Nous sommes très satisfaits de la rapidité avec laquelle les chemins de fer réagissent à cet état de fait. Le problème devrait se résorber très rapidement.

Quant à la question d'accroître le nombre de barrières par rapport aux autres pays, il existe des lignes directrices et des pratiques précisant quand des barrières doivent être installées, en sus des autres mesures de protection. Nos employés inspectent les passages à niveau et en assurent la surveillance. Si nous notons des problèmes de sécurité, nous pouvons recommander l'installation de barrières. Typiquement, tout dépendra, dans une certaine mesure, de la vitesse à laquelle circulent les trains, du trafic et du nombre de trains. Ainsi, plus de barrières seront probablement installées s'il y a augmentation du trafic à ces passages. Cela se fait, en règle générale, lorsque nous constatons l'existence de problèmes en certains endroits.

Le président: Monsieur Gouk.

M. Gouk: Vous avez dit que vous apporteriez des modifications en vue de rationaliser les chinoiseries administratives. J'ai bien hâte, car l'expression me semble un peu contradictoire.

J'ai seulement deux remarques à faire, dont l'une concerne l'usage des sifflets. J'aimerais savoir si l'on s'est déjà posé la question que voici: Des personnes malentendantes traversent parfois la voie ferrée seules, alors que les aveugles ne le font pas. A-t- on envisagé la possibilité de remplacer les sifflets par des feux à éclats, particulièrement la nuit, période la plus dangereuse, afin de donner un avertissement visuel plutôt que sonore?

Ma seule autre question a trait à la loi originale de 1988, qui prévoyait l'établissement d'un comité consultatif de la sécurité ferroviaire. Je reconnais que cette disposition n'a jamais été mise en oeuvre. Cependant, le projet de loi à l'étude en élimine la possibilité. Pourriez-vous simplement nous dire brièvement si l'idée était valable au départ et pourquoi cette disposition a été retirée?

M. Churcher: Monsieur le président, je commencerai par répondre à la question concernant les sifflets ou les feux à éclats.

Nous avons examiné plusieurs possibilités. À de nombreux passages à niveau, on trouve des feux clignotants, ce qui est fort bien si la personne est sourde. En certains endroits, où il pourrait y exister des problèmes particuliers peut-être - par exemple, la présence d'une maison pour personnes âgées - , nous consultons la collectivité afin de voir si d'autres moyens doivent être pris pour répondre à ses besoins.

M. Gouk: Par souci de précision, lorsque j'ai parlé de feux à éclats, je parlais de feux installés sur le train même, non pas à côté de la voie.

M. Churcher: J'ai étudié ces feux. Leur usage est très répandu aux États-Unis. J'ai fait le voyage de Washington à New-York, et ils m'ont beaucoup plu.

Nos trains sont déjà équipés de phares de fossé. La locomotive a un phare central et deux phares de fossé qui forment un triangle. Il est très facile de juger de la vitesse d'un train par les changements qui surviennent dans la forme du triangle. Des études ont été faites aux États-Unis, je crois, selon lesquelles les feux à éclats ne sont pas aussi efficaces que les phares de fossé. En fait, aux États-Unis, ils sont en train d'adopter les phares que nous utilisons.

Le président: Je vous remercie.

M. Gouk: Qu'en est-il de la réponse à ma deuxième question?

M. Churcher: C'était une question en deux parties.

Le président: Veuillez répondre très rapidement, je vous prie, monsieur Churcher.

M. Churcher: Le comité consultatif de la sécurité ferroviaire n'a jamais été formé. C'est le ministre qui en avait décidé ainsi, parce qu'il estimait que la consultation par les voies habituelles était suffisante. Nous proposons de retrancher cette disposition, parce que, de toute façon, nous n'avons pas besoin d'une loi pour établir un comité. Si, à l'avenir, il faut en former un, nous pouvons le faire sans que la loi le prévoie.

Le président: Monsieur Keyes.

M. Keyes (Hamilton-Ouest): Je vous remercie, monsieur le président. Je serai bref.

.1615

J'aimerais remercier Ron Jackson de l'excellent travail que lui et les autres fonctionnaires de son ministère ont fait au sujet du projet de loi C-43. Il n'y a pas que la Fédération canadienne des municipalités qui se plaint de l'usage du sifflet. Je suis sûr que la plupart, si ce n'est la totalité des députés ont probablement reçu des plaintes à ce sujet à leur bureau de circonscription. Que l'on cherche à régler ce problème tout en maintenant le niveau de sécurité me réjouit.

Plus particulièrement, j'ai reçu quelques appels concernant l'article 35, notamment le paragraphe 1 où le ministère décrit les «company-sponsored medical examinations» qui, en français, sont des examens médicaux «organisés par la compagnie». Bien sûr, les chemins de fer craignent que l'expression «company-sponsored» puisse signifier que c'est à eux de payer la note de ces examens. Les chemins de fer font-ils une recommandation à ce sujet et prévoit-on une modification à cet égard?

M. Churcher: Monsieur le président, l'essentiel, c'est que les chemins de fer sont responsables de faire en sorte qu'un examen médical ait lieu.

M. Keyes: Vous changerez donc le libellé?

M. Churcher: Nous serions disposés à envisager certains changements.

M. Keyes: Je vous remercie de cette précision. Messieurs, encore une fois, je vous remercie.

Le président: Messieurs Jackson, Churcher, Burtch et Murphy, je vous remercie beaucoup.

M. Jackson: C'est moi qui vous remercie, monsieur le président.

Le président: Madame Faye Ackerman, du Canadien Pacifique, pourrait-elle s'avancer, je vous prie?

Madame Ackerman, vous êtes venue de Calgary. Êtes-vous venue en train?

Mme Faye Ackerman (directrice générale, Sécurité et réglementation, Canadien Pacifique Ltée): Le délai était si court que j'ai dû prendre l'avion.

Le président: Je vous souhaite la bienvenue. Vous disposez d'une demi-heure. Je vous demanderais, si possible, d'être brève pour donner le temps aux membres du comité de vous poser leurs nombreuses questions.

Mme Ackerman: Mon exposé ne durera pas plus de 10 minutes environ, après quoi vous pourrez me poser autant de questions que vous le voulez.

Bonjour, messieurs. Je dirai d'emblée que le Canadien Pacifique est favorable à la plupart des modifications proposées dans le projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire. Les modifications en question sont le couronnement d'un processus d'examen ouvert et exhaustif auquel le Canadien Pacifique a participé du début jusqu'à la fin.

La Loi sur la sécurité ferroviaire, au moment de son adoption en 1989, constituait un document législatif innovateur. Le projet de loi C-43 va l'améliorer. En effet, il établira un cadre de référence pour les collectivités désireuses de demander l'interdiction du sifflet de locomotives sur leur territoire. (On dirait que c'est Colin Churcher qui a rédigé cette partie.) Le projet de loi assurera aussi une plus grande participation des syndicats à l'élaboration des règles de sécurité et des requêtes d'exemption. Il établira un cadre de référence pour la proposition de normes de performance et de plans de sécurité. Il clarifiera et renforcera les pouvoirs du fédéral aux passages à niveau et favorisera la fermeture de tels passages, en vue de réduire les collisions entre véhicules automobiles et trains. Il améliorera l'administration de la loi en simplifiant le processus d'approbation des travaux ferroviaires. Il clarifiera et renforcera certains pouvoirs des inspecteurs de la sécurité ferroviaire. Enfin, il simplifiera les mesures de sécurité ferroviaire.

Le Canadien Pacifique est d'avis, toutefois, que le projet de loi C-43 peut être amélioré davantage, surtout si l'on tient compte de la diversité croissante de l'industrie ferroviaire canadienne. Dans son mémoire, il fait donc des recommandations concernant cinq points. La première amélioration concerne la sécurité aux passages à niveau.

.1620

Le comportement des automobilistes et des piétons qui approchent d'un passage à niveau est la principale cause de la vaste majorité des collisions qui s'y produisent. Les personnes qui traversent un passage à niveau ignorent souvent qu'un train ne peut freiner rapidement et qu'il ne peut donc pas s'arrêter pour laisser passer des autos ou des piétons.

Nous recommandons que l'on ajoute à la loi un article conférant aux chemins de fer la priorité aux passages à niveau. Le Railway Safety and Corridor Management Act de la Nouvelle-Zélande dont vous trouverez des extraits pertinents en annexe en contient un.

Cette priorité aurait pour effet d'aider les chemins de fer à résoudre avec les administrations municipales ou les autorités responsables du service de voirie tout problème propre à un emplacement. Elle sensibiliserait davantage la population à la sécurité des automobilistes aux passages à niveau et, selon nous, y réduirait le nombre d'accidents.

Selon le Canadien Pacifique, il faut aussi que l'article concernant la priorité de passage fasse partie des règles modèles de la circulation routière qui sont à la base des codes de la route des provinces.

Dans un ordre d'idées légèrement différent, les chemins de fer américains et les administrations des États ont récemment lancé sur les chaînes de télévision un nouveau programme de publicité sociétale intitulé «Highways or Dieways». Ces annonces rendent le public américain plus conscient de la sécurité aux passages à niveau.

Les chemins de fer canadiens collaborent avec le gouvernement fédéral à l'éducation du public en matière de sécurité aux passages à niveau par l'entremise d'un programme connu sous le nom d'Opération Gareautrain. Cependant, le financement fédéral s'est quelque peu tari ces récentes années. Nous recommandons que le gouvernement du Canada rétablisse son rapport financier à l'éducation du public en matière de sécurité aux passages à niveau.

En ce qui concerne les examens médicaux, le CFCP appuie les modifications proposées à l'article 35. Cependant, il semble y avoir, du point de vue de la rédaction, un écart entre les versions française et anglaise. Je ne lirai pas l'article, mais je suis très heureux de voir que Transports Canada acceptera d'apporter cette petite modification pour harmoniser les deux versions.

Le CFCP et d'autres compagnies de chemins de fer réclament depuis des années une législation et une réglementation à l'égard de l'abus des substances, en conformité avec les conclusions du rapport Foisey sur la collision de Hinton. Lorsqu'il est devenu évident que le gouvernement fédéral se montrerait réfractaire à accorder l'autorité nécessaire par voie législative, le CFCP a réexaminé ses programmes d'aide aux employés.

En plus d'aider les employés aux prises avec des problèmes d'abus de substances, le programme actuel d'aide aux employés et à leur famille vise aussi le règlement des problèmes familiaux et financiers et des problèmes reliés au stress.

Pour ce qui est des pouvoirs et compétences des inspecteurs de la sécurité ferroviaire, l'article 31 confère à ces derniers le pouvoir d'interdire des activités ferroviaires particulières ou la circulation de matériels ferroviaires donnés. Ces pouvoirs peuvent être exercés à la seule discrétion des inspecteurs de la sécurité ferroviaire.

Rien dans le projet de loi C-43 ou dans les directives internes de Transports Canada n'exige de la part des personnes agissant à titre d'inspecteurs de la sécurité ferroviaire des compétences appropriées ou ne permet de les mettre à l'épreuve. Étant donné le manque de compétences nécessaires et l'absence d'une définition claire de ce qui constitue une menace à la sécurité, une trop grande part est faite à la subjectivité, ce qui peut conduire à l'adoption d'avis et d'ordres inappropriés.

Le CFCP recommande que le projet de loi C-43 prescrive l'établissement de normes de compétence objectives pour les inspecteurs de la sécurité ferroviaire, et des moyens permettant de constater que ces normes sont respectées. Pareilles exigences devraient varier en fonction des aspects techniques particuliers sur lesquels l'inspecteur obtiendra le pouvoir d'exercer son autorité.

En ce qui concerne un processus d'appel efficace, les principes de l'administration publique exigent qu'il existe au moins un palier d'appel pour la révision des décisions rendues par des commissions fédérales ou leurs représentants par des circonstances où la délégation statutaire de l'autorité risque de limiter les droits ou les libertés.

Ce principe est exprimé dans le paragraphe 31(9) du projet de loi C-43. Le seul recours à la disposition des chemins de fer est d'en appeler des avis et des ordres qu'ils jugent inappropriés au ministère des Transports, qui normalement devrait s'en remettre à l'avis personnel de Transports Canada.

Le comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire a recommandé un processus de rechange, indépendant de l'organisme de réglementation et nous avons reproduit cette recommandation à votre intention.

Comme l'a dit M. Churcher, Transports Canada n'avait pas accepté la recommandation, alléguant qu'il fallait éviter de fractionner l'obligation de rendre compte en matière de sécurité. Transports Canada agit comme un organisme ministériel relevant du Ministre, et non comme un corps indépendant de celui-ci.

Travail Canada est lui aussi un organisme ministériel, dont la compétence lui est impartie en vertu du code canadien du travail. Le code crée des agents de la sécurité qui ont de vastes pouvoirs, tout comme les inspecteurs de la sécurité ferroviaire créés par la LSF. Cependant, Travail Canada a mis sur pied un processus qui confie à une partie qui lui est extérieure la révision de décisions rendues par ses agents de la sécurité.

.1625

A cette fin, un tribunal revoit les directives données par des agents de la sécurité de Travail Canada. Le tribunal peut confirmer, annuler ou modifier la directive initiale. Il n'entretient aucun contact avec Travail Canada ni avec ses représentants, ce qui lui confère, en apparence et dans les faits, une indépendance manifeste.

Les lois donnant à Transports Canada autorité pour réglementer la sécurité dans les transports par avion et sur eau prévoient aussi un processus d'appel indépendant de ses décisions administratives.

Dans certains cas, le comité créé aux termes de la Loi sur l'aéronautique peut seulement confirmer une décision de l'inspecteur de la sécurité ou demander au Ministre de la reconsidérer. Dans les cas particuliers où la décision est subjective, telle une menace immédiate par la sécurité, le comité peut renverser la décision. Lorsque la décision est motivée par des critères objectifs comme des spécifications techniques, elle peut être revue, puis soumise à un nouvel examen par le Ministre.

Dans les transports par eau et par avion, les comités d'examen sont indépendants et normalement constitués de personnes compétentes dans leur domaine respectif. Comme pour tout examen, on ne peut arriver à des décisions équitables qu'en temps opportun. En d'autres termes, les demandes de révision doivent être présentées dans un délai raisonnable après la décision, bien que le délai puisse dépendre de la nature et de la complexité de la question qui a fait l'objet de la décision.

Comme c'est le cas d'autres lois, un appel ne devrait pas suspendre l'application de la décision d'un organisme. De cette manière, un ordre édicté en vertu de la LSF conserverait toute sa validité en attendant le résultat de l'appel. Cependant, les ordres qui entraînent la suspension d'une activité ou la limitent grandement devraient donner lieu à une révision immédiate.

Le CFCP recommande donc que le paragraphe 31(9) soit abrogé et remplacé par un processus d'appel de rechange, un examen indépendant. Comme je l'ai indiqué, il ne manque pas de modèles à cet égard. Le comité devrait être compétent en questions ferroviaires de façon que ces décisions soient raisonnables et équitables.

Je vais terminer en parlant des dispositions sur la sûreté. Les modifications proposées dans le projet de loi C-43 pour les dispositions sur la sûreté énoncées dans la LSF constituent un progrès par rapport à la loi originale, car elles permettent des arrangements réalistes à ce chapitre. Cependant, le CFCP aimerait recommander un changement.

L'article 39 prévoit un processus de contrôle des personnes et des biens avant qu'ils ne prennent place à bord de matériels ferroviaires. Le libellé et l'intention de cet article sont modelés sur la réglementation de la sécurité maritime qu'a revue ce comité il y a environ un an.

La définition de «biens» dans le paragraphe 4(1) comprend les mots «effets personnels, bagages ou marchandises». Interprété dans le sens plus large, le contrôle pourrait s'appliquer à toute marchandise transportée dans un véhicule ferroviaire ou entreposé sur le domaine du chemin de fer. Une telle extension de sens serait à la fois inappropriée et inutile étant donné que l'article 40 énonce de façon adéquate les dispositions générales sur la sûreté des transports de marchandises par rail.

Nous recommandons donc que le mot «marchandise» soit retranché de la définition de «biens» au paragraphe 4(1) et qu'on ajoute à l'article 39 un énoncé en limitant l'application au transport de voyageurs.

Pour terminer, le renouvellement de la réglementation doit se poursuivre, sans relâche. La Loi sur la sécurité ferroviaire était une bonne loi; le projet de loi C-43 vient la bonifier. Mais d'autres améliorations sont possibles et c'est dans cette perspective que CFCP demande que l'on prenne en considération les recommandations qui précèdent.

Merci de votre attention.

Le président: Merci. Vous avez également su être bref. La concision et la clarté vont très bien de pair.

[Français]

M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Je vous remercie de votre présentation. À la lecture de votre mémoire, il ressort une préoccupation particulière par rapport aux accidents. Vous faites des recommandations notamment sur les passages à niveau, le manque d'apport financier du gouvernement en matière de sécurité aux passages à niveau et les normes de compétence qui devraient être normalisées. Vous dites également dans le document que les principales causes d'accidents sont finalement les gens qui arrivent par la route.

En somme, on est devant la même situation qu'en matière de santé et de sécurité au travail: il faut d'abord essayer d'éliminer le problème à la source et, lorsqu'on n'y arrive pas, trouver une interface qui permette d'éviter que la situation se présente. Croyez-vous que les suggestions que vous faites permettraient de tendre vers un seuil de tolérance zéro pour les accidents et d'avoir des résultats beaucoup plus positifs dans deux ou trois ans?

Vous n'avez pas soulevé le fait qu'il y avait auparavant dans la loi une déclaration générale de protection pour souligner le principe qui sous-tendait la question de la sécurité ferroviaire. Pour quelles raisons ne l'avez-vous pas fait?

.1630

[Traduction]

Mme Ackerman: En ce qui a trait au principe de la tolérance zéro pour les accidents, certains pays européens en sont presque là. Je crois qu'à long terme si nous y consacrons tous les fonds nécessaires, nous pouvons probablement réduire à un très bas niveau les accidents aux passages à niveau de même que ceux qui sont attribuables à une violation du droit de propriété, mais cela exigera beaucoup d'argent. Nous avons déjà dépensé beaucoup. Le gouvernement, les compagnies de chemin de fer et les municipalités ont dépensé des sommes énormes au cours des dernières années pour en arriver là où nous en sommes.

À l'instar du CP, je crois que, pour en arriver à la prochaine étape sans dépenser beaucoup d'argent, nous devons modifier le comportement des conducteurs. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé de financement gouvernemental en matière d'éducation du public. Il faut chasser chez les gens l'idée que, lorsqu'ils arrivent à un passage à niveau, ils peuvent l'emporter sur le train.

Tout comme nous avons tous changé d'attitude à l'égard de l'alcool au volant, nous devons aussi changer chez les gens l'attitude qu'ils adoptent lorsqu'ils s'apprêtent à traverser un passage à niveau. Voilà qui permettra entre autres de réduire davantage les accidents aux passages à niveau, sans trop dépenser.

Votre deuxième question portait sur les principes. Pendant l'examen j'ai exercé de très fortes pressions pour qu'en fait ces principes sur la sécurité ferroviaire soient expliqués dans la loi et il en a été décidé autrement. Je n'ai pas ramené la question à cette table parce que je crois qu'on l'a suffisamment examinée. Les gens de l'industrie comprennent ce que sont les principes, ce qui n'est peut-être pas le cas des nouveaux venus et ils doivent l'apprendre.

[Français]

M. Crête: Au fond, la déclaration de principe fournit un peu les lignes directrices selon lesquelles la loi est appliquée. Dans le projet de loi tel qu'il apparaît là, on élimine l'article 3 relatif à la sécurité ferroviaire et, par la suite, sans un tel principe, il faudra procéder à l'interprétation de la loi en passant d'un article à l'autre, sans se fonder sur les termes d'un principe.

Dans ma deuxième question, je voudrais scruter plus à fond la recommandation que vous faites quant à la priorité des usagers de la route aux passages à niveau. Il me semble que cet article vise davantage à protéger la société ferroviaire en diminuant ses responsabilités. La société assumerait beaucoup moins de responsabilités, mais cela n'aurait pas nécessairement pour effet de diminuer le nombre d'accidents.

Pour diminuer le nombre d'accidents, il serait sans doute pertinent de recommander l'installation de barrières à chaque passage à niveau. Le principe dont vous parlez permettrait tout simplement au Canadien Pacifique ou à toute autre société de déclarer qu'elle a priorité selon la loi, ce qui diminuerait sa responsabilité. Je ne suis pas sûr que cela aurait pour effet de diminuer le nombre d'accidents.

[Traduction]

Mme Ackerman: De prime abord, cela peut sembler diminuer la responsabilité. Ce que l'on vise par là, c'est de bien faire comprendre aux gens qu'ils ont une responsabilité lorsqu'ils s'approchent de ce passage à niveau. Le train ne peut arrêter pour eux; ils doivent arrêter pour lui. Telle est là l'intention. Il s'agit surtout d'exercer de la pression auprès des municipalités et des administrations routières lorsqu'il faut traiter avec elles pour corriger les situations existantes à l'égard desquelles la compagnie de fer n'a aucun pouvoir. C'est en dehors de notre domaine; nous ne pouvons rien faire dans bien des cas.

[Français]

M. Crête: Vous n'avez pas répondu à la première partie de ma question.

[Traduction]

Mme Ackerman: Je ne suis pas sûre d'avoir tout saisi.

[Français]

M. Crête: Elle portait sur la déclaration de principe.

[Traduction]

Mme Ackerman: C'est-à-dire les principes.

[Français]

M. Crête: Oui.

[Traduction]

Mme Ackerman: Personnellement, je serais plus heureuse que l'on réinsère au début de cette loi un énoncé de principe soigneusement libellé. Il s'agit d'une préférence personnelle. Je suis d'accord avec vous que cet énoncé pourrait guider quiconque aura à interpréter la loi.

Le président: Monsieur Gouk.

M. Gouk: Bravo, j'ai un appel tout juste comme cela commence.

J'ai une ou deux questions. Premièrement, tout simplement pour que je saisisse bien, pourriez-vous définir ce qu'est un passage à niveau? Est-ce que la définition exclut un passage gardé, par exemple?

Mme Ackerman: Par passage à niveau, on entend un passage qui se trouve à la même hauteur que la route, où la route et la voie ferrée se croisent au même niveau.

M. Gouk: D'accord. Je vais examiner cela à fond, comme je le fais toujours. Vous avez bien expliqué le concept.

.1635

En ce qui concerne le libellé, si nous devions adopter une modification qui vous conférerait une certaine priorité de passage, conviendrait-il de parler, plutôt que de la distance de 800 mètres à laquelle vous avez fait référence, d'un passage gardé où le mécanisme de contrôle est activé pour vous donner la priorité de passage?

Mme Ackerman: Je dirais que si ce comité y songe sérieusement, je serais très heureuse de revenir et d'essayer de recommander un libellé que vous pourriez alors proposer.

M. Gouk: Mais dans le cas des passages gardés, il y a bien sûr des risques élevés d'accidents si le mécanisme de contrôle fait défaut alors que les automobilistes se fient au signal au lieu de regarder des deux côtés de la voie. La responsabilité devrait rester celle des compagnies de chemin de fer.

La seule autre chose que je veux signaler pour l'instant en ce qui concerne le financement, c'est que de toute évidence si un véhicule ou quelqu'un traverse finalement la voie et est impliqué dans un accident avec le train, il y a des frais d'assurance. Avez- vous communiqué avec les compagnies d'assurance concernant le financement de cours de formation et d'éducation des conducteurs?

Mme Ackerman: Non, mais je crois que c'est quelque chose que nous pourrions faire par l'entremise du programme Opération Gareautrain de l'Association des chemins de fer canadiens.

M. Gouk: Merci.

Le président: Monsieur Keyes.

M. Keyes: J'ai une question qui sera très courte. Je vous remercie, madame Ackerman, de votre exposé devant le comité aujourd'hui.

J'ai encore du mal à croire que le fait d'accorder aux compagnies de chemin de fer la priorité de passage à un passage à niveau sensibilise tout à coup les gens à la conduite à ce passage. À l'heure actuelle, qui a la priorité à un passage à niveau? Lorsque j'arrive à une voie de chemin de fer et que j'entends la sirène ou que je vois la barrière descendre, je puis vous assurer qu'en ce qui me concerne ce sont ces gros engins qui ont la priorité.

Mme Ackerman: Mais nous avons encore tous les ans 345 collisions à des franchissements routiers parce que d'autres personnes ne le croient pas.

M. Keyes: Oui et je suis d'accord qu'il y a une vérification à faire. Mais je ne vois pas comment en vous accordant la priorité aux passages à niveau on éduque la population. Quel est le rapport?

Mme Ackerman: Je crois que si ce concept est intégré dans les règles modèles de la circulation routière qui sont à la base des codes de la route provinciaux, la réglementation des véhicules automobiles dans chaque province, les gens seront plus conscients qu'ils risquent de se voir imposer une amende s'ils ne respectent pas la loi. Les gestionnaires du système routier ne s'attardent pas beaucoup aux passages à niveau parce que 99 p. 100 des problèmes surgissent ailleurs.

M. Keyes: Je ne suis pas sûr que nous pouvons apporter une modification à cette loi pour dicter aux provinces la manière dont elles devraient contrôler leurs passages à niveau.

Nous sommes tous en faveur de l'éducation du public, ainsi que l'a indiqué M. Gouk, par le truchement de programmes et la formation des jeunes conducteurs au chapitre des passages à niveau. Je ne vois toujours pas comment le fait d'accorder la priorité aux chemins de fer aux passages à niveau va diminuer le nombre des accidents à ces endroits-là.

Merci beaucoup.

Le président: M. Jordan.

M. Jordan (Leeds - Grenville): Le passage à niveau est donc l'endroit où passent le chemin de fer et les voitures et vice versa. Pourquoi ne pas tout simplement l'appeler un passage?

Mme Ackerman: Car il y a d'autres genres de passages.

M. Jordan: Les passages supérieurs.

Mme Ackerman: Oui, les ponts. Nous avons toujours dit que l'appellation serait différente.

M. Jordan: Vous vous intéressez bien sûr à la sécurité ferroviaire. Les témoins qui ont comparu il y a quelques instants nous ont dit qu'il existe un processus permettant aux municipalités d'adopter une résolution, etc. Qui supporte le coût des améliorations ou des mesures à prendre pour atténuer le son des sifflets de train? Il me semble qu'il y a un facteur de sécurité en jeu. Est-ce le CP qui va payer?

Mme Ackerman: Traditionnellement, le gouvernement fédéral finance le coût des immobilisations des améliorations à 80 p. 100, les municipalités, à 12,5 p. 100 et les chemins de fer, à 7,5 p. 100. Les coûts d'entretien courant sont traditionnellement partagés également entre les chemins de fer et les municipalités. Au bout du compte, on arrive probablement à un partage d'un tiers des coûts applicables à l'amélioration des passages à niveau.

M. Jordan: Pensez-vous que cette formule risque d'être maintenue? La question a-t-elle été abordée?

Mme Ackerman: Non. Nous prétendons que nous payons trop, puisque ce sont essentiellement les usagers de la route et le trafic routier qui nous forcent à procéder à des améliorations.

M. Jordan: Vous êtes bien ceux qui faites le bruit. C'est vous qui utilisez le sifflet.

Mme Ackerman: C'est exact.

M. Jordan: À mon avis, vous devriez tout payer, mais cela risque de ne pas être le cas. Le partage des coûts n'a donc pas été discuté. Comme vous le savez, il va y avoir des coûts, pour que ces chemins de fer...

Mme Ackerman: Le fait que cette mesure législative fasse mention de la suspension des sifflets ne modifie pas le processus mis en place.

M. Jordan: Je vois.

.1640

Mme Ackerman: Nous avons autorisé la suspension des sifflets ces six dernières années. Il faut tout simplement que le processus soit très contrôlé, qu'il soit axé sur la sécurité.

M. Jordan: Est-ce le cas? Avez-vous des employés qui, avec les représentants de la municipalité, examinent la situation pour vous indiquer ce que vous devez faire?

Mme Ackerman: C'est exact.

M. Jordan: Vous tombez donc d'accord et décider qui doit payer.

Mme Ackerman: C'est exact, nous acceptons de payer notre part, qui équivaut normalement à 7,5 p. 100 des coûts des immobilisations.

Le président: Merci, monsieur Jordan. Nous allons reprendre le sujet plus tard.

Merci, madame Ackerman. Je vous remercie de vous être déplacée à un préavis relativement court.

Mme Ackerman: Merci.

Le président: Nous allons maintenant entendre les représentants du Canadien National.

Faye, rentrez-vous ce soir?

Mme Ackerman: Non.

Le président: D'accord; pouvons-nous commencer, monsieur Huart?

M. Michel Huart (Avocat général, Canadien National): Merci, monsieur le président.

Nous allons essayer d'être aussi brefs que le Canadien Pacifique. Si je comprends bien, vous avez des exemplaires de notre mémoire.

Le président: Effectivement.

M. Huart: Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de nous donner l'occasion de vous présenter notre exposé aujourd'hui. Je suis accompagné par M. Mike Lowenger, directeur des Affaires réglementaires, Canadien National. Je suis moi-même l'avocat général du réseau, Canadien National.

Le Canadien Pacifique a comparu avant nous et je tiens à vous dire que nous appuyons tous les arguments qu'il a présentés devant ce comité, ainsi que les observations faites plus tôt par Transports Canada.

En même temps, nous tenons à dire que nous sommes satisfaits du processus suivi pour la mise au point du projet de loi C-43. Il s'agit en effet d'un effort concerté des diverses parties, soit le gouvernement, les chemins de fer, les syndicats et plusieurs autres parties visées, comme la Fédération canadienne des municipalités. Cela permet essentiellement de reconnaître que la sécurité est à l'origine d'un partenariat entre diverses parties, lesquelles doivent coopérer afin d'atteindre les objectifs que nous poursuivons tous.

Je vais passer rapidement en revue notre document avec vous. Je n'ai pas l'intention de le lire, mais plutôt d'attirer votre attention sur les diverses recommandations, en commençant par la page 2 de notre document.

J'aimerais attirer votre attention sur la recommandation numéro un. Là encore, avant de passer en revue ces recommandations, je tiens à dire que le Canadien National est en faveur des conclusions et des recommandations qui font l'objet du projet de loi C-43. Nous souhaitons attirer l'attention de ce comité sur certains des points clés qui, à notre avis, pourraient être un peu plus peaufinés.

Tout d'abord, examinons la recommandation numéro un traitant de l'inspecteur de la sécurité ferroviaire ou de l'agent de la sécurité ferroviaire. Le projet de loi C-43 recommande un changement à ce sujet. Nous aimerions souligner que dans le contexte actuel de la loi, nous nous retrouvons dans une situation où la notion d'inspecteur par rapport à celle d'enquêteur doit, à notre avis, être précisée - et je parle ici de l'inspecteur qui se présente à divers endroits. En effet, les chemins de fer doivent savoir avec quelle personne ils ont à faire; par ailleurs, l'inspecteur doit connaître ses responsabilités.

Vous pouvez voir d'après notre mémoire que pour nous, l'inspecteur est essentiellement une personne amicale, qui est là pour aider les chemins de fer à repérer les problèmes de sécurité et à améliorer la situation. Par comparaison, un enquêteur est une personne qui agit dans le contexte de poursuites et qui joue donc le rôle d'un agent de police; c'est bien sûr une question de perception.

.1645

La deuxième recommandation que nous faisons se rapporte à l'article 16 de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Elle traite d'un élément dont il a déjà été question aujourd'hui devant votre comité. Nous recommandons qu'il soit prévu dans le projet de loi que le ministre puisse donner à l'Office des transports du Canada des directives ou des énoncés de politique. Pourquoi une telle recommandation?

Au fil des ans, et nous remontons jusqu'à la création de la Commission canadienne des transports et jusqu'à celle de l'Office des transports du Canada, la tradition du partage des coûts s'est bien implantée. Le partage des coûts est à notre avis important, car il reflète une réalité fort importante: la reconnaissance, par Transports Canada, dans le cadre de cette mesure législative, que la sécurité représente un partenariat. Tout le monde participe à la sécurité - les municipalités, les autorités responsables du service de voirie, le gouvernement fédéral, les syndicats et les chemins de fer.

Dans ce contexte, il est essentiel à notre avis que par exemple, les dispositions qui se trouvent actuellement à l'article 43 de la Loi sur les transports nationaux soient ajoutées à la Loi sur la sécurité ferroviaire en vigueur. Grâce à un énoncé général de politique, l'Office des transports du Canada refléterait ainsi dans ses décisions en matière de partage des coûts la réalité du partage des responsabilités au chapitre de la sécurité.

À la page 4 de notre document, nous parlons de l'exemption provisoire et, à la page 5 figure notre recommandation numéro 3. Nous proposons que la modification qu'on projette d'apporter au paragraphe 22.1 devrait être révisée de manière à prévoir des exemptions rapides pour des situations de courte durée ne se rangeant pas dans la catégorie des essais.

Vous pouvez vous demander le genre de situations que cela engloberait. Dans notre mémoire, nous donnons l'exemple très simple d'un train utilisé pour la réalisation d'un film. De toute évidence, si nous utilisons une vieille locomotive à vapeur, nous ne voulons pas passer par un long processus administratif. Une simple modification pourrait permettre de corriger ce problème.

Nous en arrivons à l'article 35, proposé au sujet de l'examen médical. Compte tenu de mes origines, j'ai bien sûr lu la version française du projet de loi C-43 en premier; elle m'a paru très claire. C'est également avec plaisir que j'ai entendu aujourd'hui la réponse que Transports Canada a donnée à un député au sujet de la position que ce ministère souhaite prendre à cet égard.

Nous soulevons également la question des tests de dépistage de substances intoxicantes. Nous savons parfaitement que dans le document ou petit livret intitulé Sur la voie, préparé par le comité d'examen, le ministre ne souscrit pas à la recommandation sur les tests de dépistage de substances intoxicantes.

Voici notre recommandation:

Il a été fait mention de la décision Entrop, l'affaire de la Compagnie pétrolière impériale, prise il n'y a pas très longtemps par la Commission ontarienne des droits de la personne. En ce qui concerne la consommation et l'abus des substances intoxicantes, notre recommandation vise essentiellement à attirer l'attention du comité sur le fait qu'il s'agit essentiellement ici d'une question sociale et qu'une fois la décision prise par les tribunaux - bien qu'elle puisse faire l'objet d'un appel dans l'affaire Entrop - nous aimerions que les députés affirment que la question de la consommation de substances intoxicantes est importante.

Dans le document Sur la voie, par exemple, on cite la politique de la Toronto Dominion Bank et celle de la Compagnie pétrolière impériale afin de prouver que de telles politiques peuvent être mises en oeuvre au niveau de l'organisation dans des sociétés assujetties aux lois canadiennes. Il serait bon que ce point figure dans le projet de loi C-43 afin de souligner la nécessité de la sécurité; à notre avis, cela contribuerait simplement à une meilleure sécurité.

Voilà donc l'essentiel de notre exposé. Nous serons bien sûr heureux de répondre à toute question que vous pourriez souhaiter poser.

.1650

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Mercier.

[Français]

M. Mercier: C'était très intéressant. J'aimerais que vous clarifiiez votre troisième recommandation au sujet des exemptions dont il est question et fournissiez quelques exemples.

M. Huart: En vertu du projet de loi tel qu'il est présentement rédigé et de la Loi sur la sécurité ferroviaire actuelle, un processus de consultation est en place en vertu duquel les compagnies ferroviaires, et en particulier les associations ouvrières, doivent commenter les propositions qui sont devant le ministre des Transports.

Dans le contexte du projet de loi C-43 et de la Loi sur la sécurité ferroviaire, on a tenté d'établir des délais beaucoup plus faciles à administrer pour toute la situation des règlements ou des changements.

Il existe des situations qui ne sont pas nécessairement assujetties à ce qui pourrait être une réglementation différente. Je fais ici allusion à la locomotive ne satisfaisant pas aux normes en vigueur qu'on utiliserait pour la réalisation d'un film. Nous traitons parfois de demandes d'organismes qui font des films ou des messages publicitaires et qui veulent utiliser sur nos voies ferrées une pièce d'équipement qui ne correspond pas aux normes et règlements en vigueur.

Afin d'obtenir une exemption à ces règlements, un processus doit être mis en place. Évidemment, une demande doit être faite et plusieurs instances sont invitées à commenter. Nous considérons que certains de ces cas ne devraient pas faire automatiquement l'objet de telles demandes et qu'on devrait créer une catégorie de cas qui seraient exclus.

Évidemment, lorsqu'on parle de l'utilisation d'une locomotive aux fins d'un film, on ne parle pas d'une pièce d'équipement utilisée à des fins de transport. Nous ne cherchons pas à nous décharger de nos obligations de transporteurs publics. On parle d'un incident isolé qui ne devrait pas nécessiter beaucoup d'attention.

M. Mercier: Je crois que le petit train touristique qui va de Hull à Wakefield n'est pas, pour des raisons environnementales, autorisé à utiliser la vapeur. Est-ce qu'une autorisation de l'utiliser à des fins touristiques serait prévue dans l'application que vous proposez? Pourrait-il s'agir d'une exemption?

M. Huart: Personnellement, je ne ne vois pas nécessairement cela comme une exemption. On parle ici de situations très ponctuelles se produisant par exemple le contexte d'une demande en vue de la réalisation d'un film. Dans le cas du train de Wakefield, on parle d'une entreprise qui fournit ce qu'on pourrait appeler, dans un sens très large, un service public. Des personnes sont appelées à voyager dans ce train et des gens conduisent le train.

Je crois que c'est la question environnementale qui vous préoccupe quand il s'agit de se servir d'une vieille locomotive. Toutefois, et je ne voudrais pas m'aventurer trop avant, ce sont les gens qui font la promotion du film et sont responsables de sa réalisation qui devraient s'assurer de recevoir les approbations locales nécessaires.

M. Mercier: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Gouk.

M. Gouk: Messieurs, je n'ai en fait pas de questions à poser. Votre mémoire est bien présenté et je vais examiner vos recommandations avec beaucoup de sérieux.

Le président: Messieurs, ce côté de la table n'a pas non plus de questions à poser. Je ne savais pas que le Canadien national pouvait être aussi ouvert et clair et ne susciter aucune question.

M. Huart: C'est l'une des conséquences de la privatisation.

Le président: Merci beaucoup.

.1655

Je vais maintenant céder la parole à l'Association des chemins de fer du Canada.

Monsieur Ballantyne, si je comprends bien, vous êtes président de l'Association des chemins de fer du Canada.

M. R.H. Ballantyne (président, Association des chemins de fer du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Oui, c'est exact; je suis accompagné par mes collègues, M. Jim Speirs, vice- président, et M. Roger Cameron, directeur général des affaires publiques. À nous trois, nous représentons une centaine d'années de service ferroviaire; nous connaissons donc ce milieu depuis un certain temps.

Le président: Les deux autres paraissent beaucoup plus jeunes.

M. Ballantyne: C'est parce que travailler dans une telle industrie est un plaisir.

J'aimerais tout d'abord dire que M. Speirs, qui va faire notre exposé, travaillait pour le Canadien national à l'époque de l'examen et de la mise en oeuvre de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Jim a donc une expérience considérable du processus dans son ensemble.

J'aimerais de nouveau remercier le comité de nous entendre; je vais donc demander à M. Speirs de faire notre exposé, après quoi, nous serons bien sûr heureux de répondre à vos questions.

M. J.N. Speirs (vice-président, Association des chemins de fer du Canada): L'Association des chemins de fer du Canada représente les 32 chemins de fer publics du Canada. Les chemins de fer transcontinentaux, régionaux et locaux ou sur courtes distances, y compris les chemins de fer assurant le transport des passagers et les chemins de fer américains exploités au Canada, sont membres de notre association, laquelle représente plus de 98 p. 100 du secteur ferroviaire au Canada. Ce secteur emploie quelque 51 000 personnes et affiche des recettes annuelles brutes de près de 7 milliards de dollars.

Sur les 32 chemins de fer adhérents, 21 relèvent de la compétence fédérale et 11 d'une compétence provinciale. Quatre provinces - l'Alberta, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse - ont adopté la politique fédérale en matière de réglementation de la sécurité ferroviaire et ont conclu un contrat avec le gouvernement fédéral de manière que les inspecteurs de la sécurité ferroviaire de Transports Canada assurent le respect des exigences nationales en matière de sécurité. Par conséquent, la Loi sur la sécurité ferroviaire et toutes les modifications qui y seront apportées s'appliqueront pratiquement à toutes les opérations ferroviaires au Canada, non pas seulement aux principaux chemins de fer.

Pour vous situer dans le contexte, avant l'adoption de la Loi sur la sécurité ferroviaire en janvier 1989, notre association a eu l'occasion, ainsi que bien d'autres parties intéressées, de participer au processus de consultation lancé par Transports Canada pour la présentation de la nouvelle loi. Nous félicitons le ministère pour cette initiative et sommes très satisfaits des possibilités de modernisation du régime de réglementation régissant l'aspect opérationnel et de sécurité des chemins de fer canadiens, possibilités créées par cette loi.

Nous avons beaucoup consulté le comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire tout au long de 1994, ainsi que les fonctionnaires de Transports Canada en 1995 dans le cadre du processus de consultation qui a intégré les recommandations du comité d'examen dans les modifications à la Loi sur la sécurité ferroviaire dont nous sommes maintenant saisis sous forme du projet de loi C-43.

L'association appuie en général les modifications que renferme le projet de loi et n'a que quelques suggestions qui, à son avis, permettraient d'améliorer l'application de la loi. Je vais maintenant vous en parler.

En ce qui concerne la sécurité des passages à niveau, l'article 12 du projet de loi prévoit des subventions pour les travaux qui amélioreraient la sécurité des passages à niveau. L'article 14 prévoit des subventions pour des programmes liés à l'éducation ou à la recherche qui favoriseraient la sécurité des opérations ferroviaires. Le nouveau paragraphe 12 (1) proposé prévoit des subventions pour toute personne en vue de la fermeture d'un franchissement routier, lorsque cette personne détient les droits afférents.

Le comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire recommande (recommandation 6.8) que Transports Canada mette sur pied un plan visant à diminuer de moitié le nombre des accidents aux passages à niveau en l'espace de dix ans, que ce plan ne se limite pas aux améliorations des passages à niveau, mais englobe également les besoins en matière de recherche et d'éducation.

Cette recommandation est appuyée par un examen des statistiques des accidents aux passages à niveau qui révèle que plus de la moitié de ces accidents et des blessures et décès qu'ils entraînent se produisent aux passages à niveau déjà dotés de dispositifs de signalisation automatique.

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De toute évidence, des solutions matérielles ne permettent pas à elles seules de régler le problème. Dans leur vaste majorité, les accidents aux passages à niveau sont causés par le comportement du conducteur. La sécurité aux passages à niveau n'est pas uniquement une question de sécurité ferroviaire, mais de sécurité publique où les chemins de fer et les trois paliers de gouvernement sont partenaires. Le public doit être éduqué, connaître les risques liés aux passages à niveau et savoir que les trains ont besoin d'une distance importante de freinage et qu'ils ne peuvent pas faire de détours. L'association recommande fortement d'élargir la portée de la loi de manière à prévoir des subventions particulières pour les programmes d'éducation et de recherche afin d'améliorer la sécurité aux passages à niveau.

En ce qui concerne l'Office national des transports, il est arrivé que dans l'accomplissement de leurs fonctions, des inspecteurs de la sécurité ferroviaire aient pris des mesures qui, à l'occasion, ont obligé les chemins de fer et d'autres parties à engager des dépenses pour régler ce qui, d'après eux, posait un problème de sécurité. Étant donné que Transports Canada assure la réglementation de la sécurité et non celle du partage des coûts, tout différend relatif au partage des coûts de projets conjoints entre un chemin de fer et une autre partie est renvoyé à l'Office national des transports à des fins de règlement.

Dans cette catégorie, on peut citer notamment les questions d'amélioration des passages à niveau et de clôturage des emprises ferroviaires. Étant donné que dans de nombreux cas, ces mesures sont prises par les inspecteurs de sécurité ferroviaire de Transports Canada, nous pensons qu'il serait utile que le ministre donne les directives générales à l'Office national des transports pour la formulation des règlements de différends. On pourrait s'inspirer à cet égard du paragraphe 43(1) de la Loi sur les transports nationaux, que nous citons dans notre mémoire et que vous pouvez tous lire, lorsque vous en aurez le temps.

En ce qui concerne les exemptions provisoires, nous pensons que le paragraphe 22(1) du projet de loi C-43 devrait être élargi afin de tenir compte des cas où un chemin de fer devrait se voir exempter des règlements pour une courte durée et une durée limitée, lorsqu'il ne s'agit pas d'essais et que les circonstances ne justifient pas une période d'avis de 60 jours suivie d'une période de 60 jours prévue pour la prise de décision ministérielle, ainsi que l'exige l'article 22. Par exemple, lorsqu'il s'agit du déplacement ponctuel d'une unique pièce d'équipement.

En ce qui concerne les inspecteurs de la sécurité ferroviaire, des modifications au paragraphe 27.1 visent à remplacer l'intertitre «inspecteurs de la sécurité ferroviaire» par «agents de la sécurité ferroviaire». Nous estimons que cela risque de semer la confusion et d'entrer en conflit avec le titre d'«agents de sécurité» que portent les employés des chemins de fer. Nous préférons que l'on conserve le titre d'«inspecteur de la sécurité ferroviaire» tout en reconnaissant le mérite de la proposition présentée par Chemins de fer nationaux du Canada voulant que l'on fasse une distinction entre «inspecteur» et «enquêteur».

En ce qui concerne les examens médicaux, l'Association des chemins de fer du Canada appuie le nouveau libellé du paragraphe 35.1 qui prévoit l'obligation de passer des examens médicaux à intervalles réguliers fixés dans le règlement ou la règle. Cependant, ce paragraphe énonce également - et M. Keyes a présenté ce même argument plus tôt - que l'employé «est tenu de passer un examen médical organisé par la compagnie». Ce libellé semble avoir porté certaines parties à croire qu'une compagnie de chemin de fer non seulement s'occupera de l'examen médical mais en assumera également les frais. L'association considère que le projet de loi ne devrait pas être libellé d'une manière qui semble obliger une compagnie de chemin de fer à assumer une dépense qu'il serait préférable d'attribuer dans le cadre de la négociation collective. Par conséquent, l'association préférerait que cette disposition soit libellée de façon plus neutre.

En résumé, la Loi sur la sécurité ferroviaire est une bonne loi. Elle offre une protection au public et redonne aux agents des chemins de fer la responsabilité de gérer la sécurité. Le projet de loi C-43 dans l'ensemble améliore ce qui est déjà une bonne loi et l'association en appuie l'adoption avec les changements indiqués plus tôt.

Monsieur le président, cela met fin à nos remarques. Mes collègues et moi-même tenons à remercier le comité de nous avoir donné cette occasion de comparaître devant lui. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Speirs.

Monsieur Gouk.

M. Gouk: Je constate des éléments communs dans vos propositions et celles que les chemins de fer nous ont déjà présentées, surtout en ce qui concerne les inspections. C'est précisément ce à quoi souscrit le CN. Le CP, pour sa part, a préféré ne pas en tenir compte et parle simplement d'inspecteurs au lieu d'agents. Je pense que le gouvernement sera probablement d'accord avec vous. Nous ne manquerons pas d'examiner attentivement cette proposition.

C'est tout ce que j'avais à dire, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Gouk. Monsieur Cullen.

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M. Cullen (Etobicoke-Nord): Monsieur Ballantyne, monsieur Speirs, je vous remercie.

J'ai quelques questions. Tout d'abord, les représentants du ministère des Transports ont mentionné la possibilité qu'une compagnie de chemin de fer présente un plan de sécurité au lieu d'un certain nombre de règles ou de règlements sur la sécurité. Pourriez-vous me donner simplement une idée, sans aller dans les détails, des aspects sur lesquels porterait ce plan et les facteurs qui inciteraient une compagnie de chemin de fer à présenter un plan plutôt qu'à présenter un ensemble de règles et de règlements détaillés?

Deuxièmement, en tant que personne qui prend le train de temps à autre entre Toronto, Ottawa et Montréal, j'ai l'impression que les incidents de sabotage des voies ferrées sont plus nombreux. On a cité un cas assez récent où quelqu'un a été accusé d'avoir mis un objet en travers des voies. Une histoire a également circulé il y a une semaine ou deux à propos d'une erreur d'aiguillage. Est-ce que le sabotage des voies est un problème qui devrait nous préoccuper? Quelles sont les mesures prises par les compagnies de chemin de fer pour y remédier? S'agit-il simplement de cas isolés?

M. Speirs: En ce qui concerne les plans de sécurité, il s'agirait davantage d'un recueil d'énoncés qui démontrent que la compagnie de chemin de fer fait preuve de diligence raisonnable dans l'exercice de ses activités concernant le contrôle des trains, l'entretien des voies ou la réparation, l'inspection et la supervision du matériel.

Effectivement, il s'agirait plutôt d'une série d'objectifs à établir plutôt qu'une série de règles strictes. Nous en discuterions librement avec Transports Canada afin de prévoir des correctifs à mi-chemin si les objectifs ne sont pas atteints. Il s'agirait d'un document souple que l'on pourrait étoffer et améliorer en fonction des innovations et des nouveaux moyens envisagés pour améliorer les opérations et la sécurité. Ce document servirait en fait à établir l'existence d'une diligence raisonnable plutôt qu'à prescrire une série d'activités strictes et définitives.

En ce qui concerne le sabotage ou le vandalisme en général, c'est une préoccupation constante des chemins de fer. Les chemins de fer tâchent de faire en sorte que leurs installations soient les plus sûres possibles. La police des chemins de fer et les inspecteurs de voies ferrées sont constamment à l'affût de cas possibles de vandalisme, où les aiguilles auraient pu être trafiquées.

L'Association des chemins de fer du Canada a récemment envoyé une lettre à tous ses membres après le très regrettable accident d'un train VIA à Brighton il y a environ deux ans, causé par un morceau de rail placé sur la voie et bloqué dans les traverses par des vandales. Deux locomotives et deux voitures à voyageurs ont été pratiquement démolies. Il y a eu des blessés mais heureusement aucun blessé grave, ni perte de vie.

Nous sommes toujours vigilants à cet égard et nous avons demandé à tous nos membres de s'assurer d'enlever immédiatement des abords des voies ferrées tous matériaux de construction dont pourraient se servir des vandales.

M. Cullen: J'aurais une petite question. Elle vous paraîtra sans doute naïve mais est-ce qu'un conducteur de locomotive peut voir si une aiguille est dans le mauvais sens ou est-ce une chose que seuls des inspecteurs peuvent déterminer sur le terrain?

M. Speirs: Non, les aiguilles ont des voyants qui indiquent leur position. Cela est visible à une certaine distance.

M. Ballantyne: De plus, les aiguilles sont verrouillées. Si une aiguille est contrôlée manuellement, elle a un cadenas et les employés de chemins de fer sont les seuls à en avoir la clé. Les aiguilles contrôlées à distance sont bien entendu contrôlées par le régulateur central ou le contrôleur de la circulation ferroviaire, et il est impossible de les trafiquer sans que le système de contrôle électronique le signale au régulateur.

M. Cullen: D'accord, je vous remercie.

Le président: Monsieur Keyes, une brève question.

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M. Keyes: Je suppose que quelqu'un qui tient vraiment à faire dérailler un train brisera le cadenas et trafiquera les signaux ferroviaires de toute façon. Il n'y a pas grand-chose qu'on puisse y faire. Cela m'amène à ma prochaine question.

Il serait peut-être utile, monsieur le président, que le comité obtienne de l'Association des chemins de fer, du CN et du CP la ventilation du nombre d'accidents qui se produisent aux passages à niveau.

En ce qui concerne ces accidents, combien d'entre eux ont eu lieu à des passages à niveau où il y avait des feux de signalisation, des barrières levantes, ou des mesures préventives destinées à signaler à l'automobiliste ou au piéton qu'il est dangereux de traverser la voie ferrée si ces signaux sont en place?

Quel serait le nombre de personnes aveugles, sourdes ou handicapées, impliquées dans ces accidents?

Combien d'entre elles avaient des intentions suicidaires?

Là où je veux en venir, monsieur le président, c'est que si on publiait et on évaluait tous ces chiffres, il me serait difficile de déterminer comment le gouvernement est censé réglementer la bêtise.

Car, si la barrière est en place, que le train approche, que le sifflet du train se fait entendre et que quelqu'un décide qu'il va traverser quand même parce qu'il est en retard à une soirée, je ne vois pas comment on peut faire des règlements pour empêcher ce genre de comportement.

J'aimerais prendre connaissance de ces chiffres pour démontrer précisément jusqu'où nous pouvons aller dans les limites du raisonnable.

Le président: Monsieur Keyes, je pense que la réglementation de la bêtise relève d'un autre comité.

Une voix: Oh, oh.

Le président: Monsieur Ballantyne, si vous voulez...

M. Gouk: Vous constaterez que je me suis abstenu de faire des commentaires là-dessus.

M. Ballantyne: Tout conducteur de locomotive serait certainement d'accord avec vous, la bêtise est très répandue. Le mécanicien est sur les voies tout le temps. En fait vous entendrez probablement des représentants de la Fraternité des ingénieurs de locomotives demain. Je suis sûr qu'ils pourront vous parler - et il n'y a vraiment pas d'autre façon de le dire - de la bêtise dont font preuve certains automobilistes aux passages à niveau.

Si on revient à la question des chiffres, ce sont des chiffres exacts. Ils proviennent d'une source indépendante, le Bureau de la sécurité des transports du Canada, qui est un organisme fédéral. C'est ce bureau qui tient ce genre de statistiques. Il les publie chaque mois, concernant tous les types d'accidents, dont ceux qui se produisent aux passages à niveau. Il fait des ventilations. Il précise l'heure, le genre de véhicule en cause, s'il s'agissait d'un passage à niveau muni d'un système d'avertissement, s'il s'agissait de barrières, l'époque de l'année, tous ces renseignements. C'est donc une bonne source d'information. Le Bureau est donc l'endroit tout indiqué où obtenir cette information.

M. Keyes: Merci beaucoup, messieurs.

M. Speirs: Pourrais-je ajouter un commentaire? Transports Canada a organisé un colloque de deux jours, qui commence demain, pour traiter en particulier de la question de la sécurité des passages à niveau et des solutions de rechange qui permettraient d'améliorer la sécurité. Nous louons cette initiative et nous comptons y participer.

Le président: Pourriez-vous me permettre une brève question?

Lorsque Mme Ackerman a pris la parole au nom du CP, elle a soulevé la question de la priorité de passage. J'avais en tête votre commentaire, monsieur Ballantyne, à propos des mécaniciens eux-mêmes. J'ai cru comprendre, en rencontrant certains d'entre eux, qu'il s'agissait pour eux d'un aspect assez frustrant puisqu'il est très difficile de contrôler une locomotive ou de l'immobiliser suffisamment à temps.

Votre association a-t-elle envisagé d'établir une priorité de passage pour les trains, qui serait reconnue par la loi?

M. Ballantyne: Oui, nous n'hésiterions pas à appuyer la position du CP à ce sujet. En plus des arguments présentés par Mme Ackerman, j'estime qu'il existe certains précédents. Il est généralement établi qu'à une écluse, par exemple, c'est le navire qui a le droit de passage.

En ce qui concerne les trains, ce sont les lois de la physique - qui échappent même au contrôle du gouvernement fédéral - qui règnent. Le fait est qu'il est absolument impossible physiquement pour un train de 10 000 tonnes qui a des roues en acier, sur des voies en acier ayant un coefficient relativement faible de friction... Et il est impossible d'en contrôler la direction; cela se fait au moyen des voies.

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Par conséquent, les aspects pratiques et la réalité sont tels que cette mesure nous paraît logique. Il serait utile que la priorité de passage fasse désormais partie des lois provinciales sur le contrôle de la circulation et que cette notion soit enseignée aux automobilistes. C'est pourquoi nous appuyons cette initiative.

Le président: Je tiens à vous remercier. Je vous remercie d'avoir pris le temps de comparaître devant nous.

Si je pouvais demander l'indulgence de mes collègues, j'aimerais qu'ils ne partent pas tout de suite. J'aimerais traiter d'une question très courte avec eux à huis clos.

La séance est donc levée pour tous ceux qui ne sont pas membres du comité.

M. Gouk: Juste avant de partir, j'aimerais aborder brièvement quelques aspects qui n'ont pas à être débattus à huis clos.

Tout d'abord, comme nous avons 15 minutes avant le timbre, si M. Comuzzi était resté... J'ai lu assez attentivement son rapport pour que nous puissions en traiter maintenant, sous réserve d'une question. Simplement pour qu'il le sache.

Le président: Il serait préférable d'attendre de voir si nous pouvons le faire de toute façon.

M. Gouk: J'aimerais soulever un autre point. Indépendamment des discussions du Bloc ce matin concernant le temps qu'il faut pour préparer un document... Je ne suis pas en désaccord avec le secrétaire parlementaire à ce sujet mais j'aimerais signaler quand même que le projet de loi est déposé depuis trois mois et que nous n'avons pas encore reçu le cahier d'information du ministère des Transports à ce sujet.

Le président: De quel projet de loi parlez-vous?

M. Gouk: Du projet de loi C-44, désolé. Comme le gouvernement ne peut même pas préparer son propre cahier d'information...

M. Keyes: Non, il est déjà dans votre bureau, Jim.

M. Gouk: Depuis quand?

Le président: Hier.

M. Gouk: Non, il ne s'y trouve pas.

M. Keyes: Eh bien, chaque membre du comité l'a reçu. Le greffier l'a envoyé à tout le monde: trois cartables noirs, entourés d'une ficelle.

M. Gouk: Quand a-t-il été envoyé?

Le greffier du comité: Hier après-midi vers trois heures.

M. Gouk: Lorsque nous avons vérifié aujourd'hui, les responsables de Transports Canada nous ont informés qu'ils venaient de le terminer et qu'ils l'avaient envoyé au bureau du greffier.

M. Keyes: Pour une autre séance d'information que nous avons tenue pour les parlementaires intéressés ne faisant pas partie du comité... Et il nous était impossible de fournir à tous les députés 30 livres de documents.

M. Gouk: Donc après trois mois, on nous livre aujourd'hui trois volumes dont on pourrait s'occuper à la Chambre. C'est une comparaison intéressante avec ce que nous disions ce matin.

Le président: Puis-je vous demander que nous poursuivions maintenant à huis clos? Je vous remercie.

[La séance se poursuit à huis clos]

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