Passer au contenu
Début du contenu;
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 23 avril 1996

.0902

[Traduction]

Le président: Bonjour et bienvenue à toutes et à tous. Je suis désolé de ce petit retard, mais nous avons tenu une réunion du caucus ce matin sur un sujet susceptible de nous intéresser tous, plus tard aujourd'hui.

Nous accueillons MM. Butler, Hofmann, McNeill et Peppler de la Canadian Owners and Pilots Association. Est-ce vous qui allez faire l'exposé, monsieur Butler?

M. Harold Butler (président, Canadian Owners and Pilots Association): Non, nous avons désigné un chef de délégation pour cela.

Monsieur le président, messieurs les membres du comité, mesdames et messieurs, la COPA est un organisme vieux de 44 ans qui a été fondé en 1952.

Je vais vous présenter les membres de notre comité qui m'accompagnent aujourd'hui. Notre président fondateur, M. John Bogie, est également parmi nous. Frank Hofmann est notre vice-président, région de l'Est; M. Bill Peppler est notre gérant général, que vous connaissez tous, je n'en doute pas, et notre chef de délégation est Ken McNeill, vice-président, région de l'Ouest. C'est lui va vous livrer notre exposé et sachez que nous l'appuyons dans tout ce qu'il va dire.

Sur ce, monsieur le président, je vous rends la parole.

Le président: Monsieur McNeill, je vais vous demander de limiter vos remarques à environ dix minutes pour que les membres du comité aient le temps de vous poser des questions.

M. Ken McNeill (vice-président, Canadian Owners and Pilots Association): Merci, monsieur le président. Je m'y efforcerai.

Nous remercions le Comité permanent des transports d'accorder à la Canadian Owners and Pilots Association l'occasion de faire connaître sa position sur le projet de loi C-20.

La Canadian Owners and Pilots Association regroupe quelque 17 000 membres, dont la majorité possèdent ou exploitent un aéronef privé aux fins de loisir ou de transport personnel. La perspective de ces exploitants de petits aéronefs privés non commerciaux diffère fondamentalement de celle des usagers commerciaux du système, et il en est de même des répercussions économiques que les redevances au titre du SNA auront sur leurs activités respectives.

Selon nous, les usagers commerciaux sont des entreprises qui ont l'option de transmettre les frais à leurs clients et de réduire les frais obligatoires à titre de charges d'exploitation dans leur déclaration de revenu. Les pilotes privés qui possèdent ou louent un aéronef à des fins de loisir ou de transport personnel n'ont pas cette possibilité. Ils doivent donc payer tous les frais d'exploitation et toutes les redevances exigées à même leur revenu après impôt. À notre avis, le projet de loi C-20 doit faire en sorte que les coûts des services de navigation aérienne, qui sont surtout destinés aux usagers commerciaux, ne soient pas injustement transmis au simple citoyen. Nous croyons, en outre, qu'il faut tenir compte, à l'instar d'autres pays, des taxes aéronautiques déjà imposées aux pilotes privés pour l'utilisation occasionnelle, souvent obligatoire, du système.

Quelques statistiques de base pourraient être utiles, monsieur le président, et je présente d'avance mes excuses à ceux qui les connaissent déjà.

Des 28 000 aéronefs immatriculés au Canada, quelque 6 000 sont exploités à titre commercial ou appartiennent à l'État et environ 22 000 sont immatriculés au nom d'un particulier. Certes, certaines entreprises immatriculent leurs appareils comme aéronefs privés et l'on peut évaluer à environ 2 000 le nombre d'appareils privés appartenant à des sociétés. Il reste donc environ 20 000 aéronefs qui appartiennent à des simples citoyens et qui sont exploités par ceux-ci aux fins de loisir et de transport personnel.

.0905

Il y avait, au Canada, au 31 décembre 1995, environ 57 000 licences de pilote, dont quelque20 000 licences de pilote de ligne ou de pilote professionnel, et quelque 28 000 licences de pilote privé, soit environ la moitié du total. Le reste représentait principalement des licences pour piloter un planeur, un aéronef ultra léger ou une montgolfière.

Mais ne nous montrons pas trop négatifs, mesdames et messieurs, et sachez que nous accordons notre soutien à certains aspects de la commercialisation. En effet, nous appuyons tous les efforts que déploie le gouvernement fédéral pour éliminer le déficit et réduire la dette. Nous espérons d'ailleurs qu'il affectera directement le produit de la vente du SNA, soit 1,5 milliard de dollars, au remboursement de la dette.

Nous croyons que la société NAV CANADA améliorera sensiblement le processus d'approvisionnement qui était imposé au gouvernement canadien. Nous croyons aussi que le conseil d'administration de NAV CANADA apportera de solides valeurs et une discipline d'entreprise aux activités de la société.

Nous entretenons, cependant, d'importantes réserves en ce qui concerne les répercussions sur les «usagers» non commerciaux d'un système qui sera, de fait, dominé par des usagers commerciaux. À l'heure actuelle, nous n'avons aucune indication quant au tarif qui sera éventuellement proposé dans le cas des pilotes privés, volant pour leur loisir. Nous savons que les prévisions initiales - je ne sais plus si ce sont celles de Price Waterhouse ou de Burns Fry - relatives aux revenus d'exploitation tirés des usagers privés et de plaisance, se situent entre 5 et 15 millions de dollars.

Si l'on suppose 20 000 aéronefs, cela donne entre 250 et 750 $ par aéronef et par année. Si l'on suppose que 15 000 aéronefs seulement demeurent actifs, selon les chiffres de la division Air de Transports Canada, la fourchette grimpe alors entre 300 et 1 000 $ par aéronef par année. Nous croyons fermement qu'un tarif se situant dans l'une ou l'autre de ces fourchettes serait, pour bon nombre de pilotes privés «la goutte d'eau qui fait déborder le vase».

Par ailleurs, puisque le but premier de notre intervention est de donner notre point de vue sur certaines dispositions du projet de loi C-20, je vais sauter une partie de notre mémoire et j'espère que vous-même ou votre personnel avez eu l'occasion d'y jeter un coup d'oeil.

Dans notre mémoire, nous parlons de certains aspects liés à l'article 13 qui traite de la classification de l'espace aérien. Notre point de vue à ce sujet est assez simple. Nous voulons que Transports Canada conserve le droit de décider de l'utilisation des espaces aériens, pour des raisons de sécurité et pour que nous ne risquions pas d'être laissés pour compte.

Le paragraphe 19(2) traite des modifications aux services offerts dans les régions nordiques ou éloignées. Mais nous avons eu du mal à comprendre pourquoi il était question d'un tiers des recettes perçues par la société et nous pensons qu'il vaudrait mieux parler d'un tiers des exploitants d'aéronefs touchés les changements.

Nous commentons également les articles 32 et 33 qui donnent au ministre le droit d'imposer des redevances aux usagers, ainsi que des redevances nouvelles dans les deux années suivant la date de cession, redevances qui ne peuvent faire l'objet d'un appel. Nous sommes préoccupés par cette situation, mais nous espérons que le comité comprendra notre position, que nous n'aurons pas à payer de redevances d'usager et que, par conséquent, il n'y aura plus de raison de faire appel.

C'est surtout le paragraphe 35(5), qui énonce les coûts dont la société pourra tenir compte dans l'établissement de ses obligations financières. À partir de certaines hypothèses que nous avons formulées relativement à la période de remboursement et au taux d'intérêt, nous estimons que la vente du SNA, soit environ 1,5 milliard de dollars, permettra d'ajouter quelque 350 millions de dollars par année aux coûts du service de la dette d'un système qui devrait avoir atteint un équilibre d'exploitation grâce à l'apport de 200 millions de dollars en frais de survol. À notre avis, mesdames et messieurs, cette obligation envers la dette incombe aux principaux bénéficiaires, soit le gouvernement fédéral et les exploitants commerciaux.

Étant donné l'obligation faite aux autres exploitants commerciaux de payer dorénavant au titre de l'utilisation du système ainsi que des améliorations futures qui lui seront apportées, nous estimons, d'un point de vue commercial, que le revenu de NAV CANADA devrait être suffisant pour lui permettre d'exploiter le SNA sans taxer en double les simples citoyens.

Nous renvoyons le Comité aux pages 9 et 10 du document de travail no 5 de Transports Canada portant le sous-titre «Exemples de redevances d'utilisation», et qui est joint à notre mémoire. Vous verrez tout d'abord qu'on y fait état des dispositions particulières prises par d'autres pays ayant commercialisé leur système, en vue de dispenser l'aviation générale et les autres aéronefs privés, à usage récréatif - nous préférons, pour notre part, parler d'aviation «non commerciale» - , des redevances imposées par ces systèmes, tant pour ce qui est des redevances relatives au service de contrôle terminal que de celles concernant le service en route. Je me permets de souligner que nous n'avons pas pu et que nous ne pouvons encore pas évaluer les répercussions que les redevances relatives au service de contrôle terminal pourraient avoir sur la tranche des usagers qui nous intéresse, tant que nous ne saurons pas quelle incidence aura la privatisation des aéroports. Nous nous attendons à devoir payer certains droits d'atterrissage à certains grands aéroports, mais nous n'en parlons pas dans cette analyse.

.0910

Nous faisons également état de certaines projections qui ont été faites à propos de la répartition, entre les différents utilisateurs commerciaux, des coûts que l'on se propose de récupérer auprès de l'aviation générale. Sur la base de la masse maximale au décollage, les redevances relatives au service de contrôle terminal, imposées aux autres usagers, ne seraient majorées que de 0,91 p. 100 et les redevances relatives au service en route n'augmenteraient que de 0,6 p. 100. À notre avis, ces majorations ne sont pas très élevées compte tenu de l'efficience du nouveau système.

Enfin, nous n'avons trouvé aucune mention de la façon dont seront traités les aéronefs privés non commerciaux en provenance des États-Unis ou d'autres pays. Nous espérons que, dans les règlements qui découleront de ce projet de loi, on parviendra à trouver une façon de ne pas imposer de droits aux pilotes d'aéronefs venant d'autres pays pour nous rendre visite.

Je crois pouvoir dire que nous sommes assez troublés par la position que le gouvernement fédéral a adoptée relativement à cette question de l'attribution des redevances et des coûts. Nous n'estimons pas que les sommes en question sont minimes. Par exemple, on se rend compte que pour chaque litre d'essence aviation acheté dans le Canada profond, en Alberta, nous payons un supplément de 50 p. 100 du coût de base du produit sous la forme de taxes diverses, soit la taxe d'accise, la taxe sur les carburants aviation, et une taxe du gouvernement de l'Alberta, entre autres.

Nous avons formulé certaines hypothèses en partant d'une consommation de dix gallons à l'heure, pour une moyenne de cinquante heures de vol par an, ce qui correspond à peu près à ce que font nos membres. Dans l'ensemble, ils ne volent pas plus que cela et leur consommation moyenne de carburant est à peu près celle là.

Eh bien, si l'on tient compte de toutes les taxes, les pilotes privés paient déjà quelque 9,2 millions de dollars par année en taxes spécifiques à l'aviation. Permettez-moi d'entrer un peu dans le détail. Nous avons calculé que la taxe d'accise fédérale coûte, à elle seule, 181 $ par aéronef et par an. Toutes taxes confondues, on atteint à peu près 460 $ par aéronef et par an, puisque les taxes d'accise et sur les carburants du gouvernement fédéral se chiffrent à environ 277 $ par an.

En Australie, les aéronefs à moteur à piston sont exemptés des redevances relatives au contrôle terminal, sauf dans les grands aéroports - ce qui correspond à ce qui se fait actuellement au Canada - , et ils sont aussi exemptés des redevances en route, puisqu'une taxe d'accise de 0,15 $ est déjà imposée sur le carburant aviation. Aux États-Unis, comme vous le savez, la taxe de carburant payée pour les aéronefs non commerciaux est versée au Fonds en fiducie de l'aviation (Aviation Trust Fund), et tous les aéronefs de l'aviation générale sont exemptés des redevances d'utilisation des SNA. Nous recommandons que l'une ou l'autre de ces mesures soit mise en application au Canada.

Monsieur le président, messieurs, nous avons formulé certaines recommandations relativement aux autres articles, mais je ne vais pas en parler ici. Nous proposons l'ajout d'un alinéa c), au paragraphe 32(2) qui exempte de redevances le ministère de la Défense nationale et l'exploitant d'un aéronef d'État, ce que nous trouvons également très troublant, puisque nous avions cru comprendre que tout le monde contribuerait. Cet alinéa préciserait que l'exemption s'applique également aux aéronefs privés, premièrement à ceux qui sont immatriculés au nom d'un ou de plusieurs particuliers et, deuxièmement, à ceux qui ne sont pas utilisés aux fins de location ou contre rémunération.

Nous ne prétendons pas être des experts du domaine juridique, mais nous croyons que ces deux définitions pourraient être retravaillées par des personnes compétentes qui pourront formuler une clause d'exclusion...

Nous nous sommes très sérieusement demandés si nos membres, volant en IFR, devraient ou non bénéficier de cette exemption. Nous avons amplement consulté nos collègues de l'aviation commerciale et des associations de pilotes de ligne, qu'il s'agisse de CALPA ou du groupe d'Air Canada. Tous nous ont incités à réclamer que ce genre de frais ne soient pas imposés à ces pilotes, pour des raisons de sécurité. Tout d'abord, ils ont besoin de gens bien formés. Ils ont besoin de gens ayant de l'expérience et connaissant le système. Donc, selon eux, les pilotes privés, non professionnels, devraient pouvoir accéder au système sans avoir à verser de redevances. Ils nous ont instamment demandé d'adopter cette position.

.0915

Nous croyons qu'aucune redevance ne doit être imposée aux aéronefs privés non commerciaux. Nous comprenons tout à fait les tenants et les aboutissants de ce dossier. Si NAV CANADA a effectivement besoin des sommes que représentent de telles redevances, alors, que les divers paliers de taxation du gouvernement fédéral, que NAV CANADA et le gouvernement fédéral s'entendent sur un régime de paiement de transfert qui ne soit ni déraisonnable, ni injustifié.

Pour résumer, je dirais que nous craignons fortement que les coûts d'exploitation croissants d'un simple aéronef monomoteur ou privé, finissent par ne plus être à la portée de la jeune génération. Quand on regarde la composition de notre association, on s'aperçoit que tous nos membres sont grisonnants, comme mes collègues et moi-même. Il est de plus en plus difficile pour les jeunes de pénétrer dans ce domaine et les coûts propres à chaque phase de la progression d'un pilote ne cessent d'augmenter.

Même si certains n'estiment pas que ce problème, pris isolément, est important, pour notre part nous croyons que c'est la goutte qui fait déborder le vase. Nous craignons que cette situation affecte directement non seulement les pilotes privés et ceux qui désirent le devenir, mais aussi le secteur de la formation. Bien que nous ne parlions pas, ici, au nom de ce secteur - contrairement à nos collègues de l'ATAC - , nous invitons très sérieusement ce comité et le gouvernement à tenir compte de ses besoins au regard de ce projet de loi, parce que ce secteur est essentiel à notre industrie, à nos collègues pilotes professionnels.

Je me rends compte que j'ai pris plus de dix minutes, monsieur le président, et je vous demande de m'en excuser. Nous allons réserver le reste de notre temps aux questions des membres du comité.

Le président: Merci, monsieur McNeill.

[Français]

Monsieur Mercier.

M. Mercier (Blainville - Deux-Montagnes): J'ai une question concernant votre première recommandation ainsi qu'un commentaire.

Dans votre recommandation a) vous dites:

[Traduction]

M. McNeill: À l'occasion de notre bref examen de cette question, nous avons cru comprendre que NAV CANADA avait le droit de planifier et de gérer l'espace aérien canadien. Si nous ne nous trompons pas dans l'interprétation à donner à cet article, nous craignons que le pouvoir de classifier et de désigner l'espace aérien, pouvoir que la Loi sur l'aéronautique confère au ministre, ne soit transféré à NAV CANADA qui serait, dès lors, également responsable de la désignation des espaces aériens.

Nous n'avons pas l'intention, à Pearson, d'aller nous intercaler entre les 747 qui sont à l'alignement. Nous ne voulons pas nous mêler à ce genre d'activités. Mais nous craignons qu'une grande partie, si ce n'est la totalité de l'espace aérien que nous utilisons actuellement, ne devienne un espace aérien contrôlé. Si nous ne faisons pas fausse route dans notre interprétation, nous aimerions que le ministre conserve ce pouvoir.

[Français]

M. Mercier: Mon commentaire porte sur le carburant, à la dernière page. Je constate qu'il y a une taxe d'accise fédérale de 9 cents et demi. Vous dites que la TPS s'applique à la taxe d'accise fédérale. Il s'agit donc d'une taxe fédérale qui s'applique à une taxe fédérale. Est-ce exact?

M. McNeill: Oui, monsieur.

M. Mercier: C'est incroyable.

.0920

[Traduction]

Le président: Monsieur Gouk.

M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Je voudrais tirer certains points au clair, messieurs. Au bas de la septième page de votre mémoire, vous dites qu'il vous est interdit de devenir membre à part entière de NAV CANADA. Pourtant, je crois savoir que la COPA a refusé le siège qu'on lui proposait au conseil d'administration de NAV CANADA. Pouvez-vous nous dire de quoi il en retourne au juste.

M. McNeill: Certainement, monsieur Gouk, et mes amis pourront me corriger au besoin.

Nous avons été contactés par le groupe chargé de l'étude préliminaire qui nous a invités à siéger au conseil, étant entendu qu'on envisageait alors de mettre sur pied une société sans but lucratif. Nous sommes en faveur de cette formule, parce que nous estimons que c'est la bonne.

Je vais maintenant vous expliquer pourquoi il nous est interdit de devenir membre à part entière. Les membres votant de NAV CANADA sont spécifiquement mentionnés ou définis dans les statuts de l'association et, si je comprends bien, des associations comme la COPA en sont spécifiquement exclues. Nous avions très sérieusement songé à devenir membre ou à siéger au conseil d'administration. Cependant, nous n'allions pas, à proprement parler, adhéré à cet organisme.

Deuxièmement, nous nous sommes demandés si un administrateur nommé par la COPA ne se retrouverait pas en conflit d'intérêts quand NAV CANADA étudierait les questions de redevances et de contrôle des exploitants privés, des exploitants non commerciaux. Quoi qu'il en soit, nous en sommes venus à la conclusion que nous pourrions tout aussi bien être représentés en siégeant au comité consultatif du conseil d'administration. Comme le nombre de sièges au conseil d'administration de NAV CANADA étaient limités et que nous étions tout à fait favorables à la nomination de gens d'affaires dans ces fonctions, nous avons conclu que nous serions tout aussi bien servis de siéger au comité consultatif et que nous en serions tout aussi heureux.

En fin de compte, monsieur Gouk, on nous a proposé de partager un siège, je crois, avec nos collègues de la Canadian Business Aircraft Association. Nous avons trouvé qu'il serait tout aussi bien que cette dernière association nomme... Je crois que c'est M. Stinson qui a été nommé pour la représenter, et je dois dire que nous l'admirons beaucoup pour son sens aigu des affaires.

M. Gouk: Je voulais simplement tirer les choses au clair.

J'ai entendu quelqu'un soutenir que si l'on n'imposait absolument aucune redevance à l'aviation générale, c'est-à-dire aux aéronefs privés et récréatifs, cela risquerait d'avoir certaines conséquences pour NAV CANADA, à cause - surtout, mais pas exclusivement - des transporteurs étrangers qui se posent au Canada et surtout de ceux qui survolent notre territoire en provenance d'un autre pays, parce qu'ils pourraient nous rétorquer que nous avons des Canadiens qui utilisent gratuitement votre système. C'est pour cette raison que les gens de NAV CANADA estiment, ou du moins prétendent, qu'on devrait au moins imposer une redevance nominale aux aéronefs privés et récréatifs.

M. McNeill: Eh bien, tout d'abord, monsieur Gouk, c'est ainsi que les choses se passent actuellement aux États-Unis. On n'impose aucune redevance à l'aviation générale pour l'utilisation des services du SNA.

Deuxièmement, je ne crois pas que ces gens ne paient absolument rien. Chaque exploitant d'aéronef léger non commercial paie effectivement pour les services qu'on lui offre, en dollars après impôt, notamment sous la forme de la taxe d'accise sur l'essence. Nous estimons qu'entre les impôts sur le revenu personnel et les autres taxes, l'État récupère suffisamment d'argent pour alimenter le système et pour que ces gens n'aient pas à payer pour l'utiliser.

Troisièmement, il nous arrive parfois d'éprouver de la difficulté à faire comprendre à nos membres qu'ils se retrouvent exactement dans la même position que Japan Airline ou d'autres compagnies survolant notre territoire, quand ils décollent simplement d'Estevan, en Saskatchewan, pour se rendre à Trouville, au Manitoba, et cela pour effectuer un vol typique de dimanche après-midi pour un pilote privé. C'est pour cela que nous estimons constituer une clientèle légèrement différente de ceux qui utilisent le système.

M. Gouk: Je voudrais ajouter deux ou trois choses. Tout d'abord, vous estimez que vous payez déjà pour tous ces services par le truchement de la taxe sur l'essence aviation, mais je vous ferai remarquer que les transporteurs aériens, eux aussi, paient cette taxe et qu'étant donné la consommation horaire de leurs avions, ils versent des montants considérables. Ils pourraient invoquer le même argument pour réduire leurs frais, eux aussi.

M. McNeill: Vous avez certainement raison.

M. Gouk: À un moment donné, nous devrons nous pencher sur la question de la reddition des comptes relativement aux redevances prélevées.

Je ferai une dernière remarque avant de vous céder la parole. Je pilote pour mes loisirs depuis longtemps. Je suis pilote professionnel. Le plus souvent je relie Saint-Hippolyte à Saint-Barnabé mais, en cours de route, il m'arrive d'utiliser le VOR pour me retrouver ou pour simplifier ma navigation, afin que mon vol soit plus relaxant. Par ailleurs, j'utilise les services météorologiques parce que même si je ne me rends qu'à des petits aérodromes, je veux toujours connaître la météorologie à destination. Donc, j'utilise l'ensemble de ces services. Et même si je demeure dans l'enveloppe VFR, même si je ne fais que relier deux petits aérodromes, j'utilise tout de même ces services.

.0925

M. McNeill: C'est un fait, et mes amis ont également réponse à cela.

Si nous utilisons les VOR et les NDB et tous les autres services en route, c'est qu'ils sont offerts de toute façon et que c'est logique pour nous. Nous ne prétendons pas ne pas les utiliser, mais nous disons que nous le faisons de façon marginale.

Nous n'utilisons pas le PMRA ni le RAMP, et nous n'utilisons pas non lus le MLS.

M. Gouk: J'espère qu'il n'y en a pas beaucoup qui s'en servent, parce que c'est une technologie désuète.

M. McNeill: Donc, nous ne sommes pas vraiment concernés par les grandes immobilisations.

Deuxièmement, pour en revenir à notre position, nous ne voulons pas resquiller. Nous estimons déjà payer notre dû pour l'utilisation marginale que nous faisons du système. Nous croyons qu'il serait tout à fait justifié de reconnaître la chose, comme l'ont fait d'autres pays. Nous espérons que ce système sera suffisamment rentable pour absorber le manque à gagner qui en decoulerait.

Encore une fois, nous estimons qu'en fin de compte, les usagers commerciaux n'auront pas à subir de répercussions très importantes. S'agissant du paiement de taxes par les usagers commerciaux, rappelons-nous que, contrairement à eux, je n'ai pas le droit de les déduire à titre de frais d'exploitation de mon appareil pour usage personnel. Donc, si c'est un coût pour eux, c'est un coût moindre.

M. Gouk: Dans l'un des pays que vous avez cité en exemple et où elle est exemptée de payer la redevance, l'aviation générale paie 50 p. 100 de plus que vous en taxe sur les carburants. Elle paie15 c. le litre. Est-ce que cela fait partie de votre proposition? Doit-on envisager cette formule, mais avec la possibilité d'une augmentation de 50 p. 100 de la taxe d'accise?

M. McNeill: Je ne sais pas si, aux États-Unis, on doit payer une taxe sur les carburants comme celle de Transports Canada. Si ce n'est pas le cas, alors il n'y a aucune différence dans les redevances que nous versons d'un côté et de l'autre de la frontière.

M. Jordan (Leeds - Grenville): Je vais juste enchaîner sur ce que Jim vient de dire. Sur bien des aspects, ce gouvernement a opté pour la formule du financement par l'usager, à tous les points de vue. Donc, je ne vois pas pourquoi, s'il est question d'une utilisation nominale, marginale, on n'imposerait pas des redevances nominales.

Je ne suis pas votre raisonnement quand vous dites que vous voulez utiliser ce service, que vous en avez en fait besoin, mais que vous ne voulez rien payer pour la cela. Je ne comprends pas.

Y a-t-il une telle différence dans le service rendu, selon qu'il s'agit d'un 747 ou d'un Cessna immatriculé dans le privé? N'a-t-on pas besoin des mêmes instruments pour réguler le vol de ces avions en toute sécurité? Les besoins des Cessna sont-ils moindres?

M. McNeill: Il y a toujours des exceptions, mais je parlerai de façon générale. Le pilote d'aéronef de l'aviation générale, détenteur d'une licence privée, volant à des fins récréatives non commerciales, n'utilise pas beaucoup ces services, sauf s'il vole en IFR, ce qui n'est le cas que de deux pour cent seulement des pilotes privés au Canada, détenteur d'une qualification IFR.

Donc, nous n'utilisons pas beaucoup les services des grandes régions terminales. Nous n'avons pas beaucoup recours aux centres de contrôle. La majorité de nos pilotes sont des gens qui volent pour leurs loisirs; ils peuvent déposer un plan de vol et utiliser les services en vol ou encore appeler une station émettrice pour obtenir des informations météorologiques. Pour la plupart d'entre eux, l'utilisation des services se borne à cela. Donc, c'est beaucoup moins qu'un 747.

M. Jordan: Mais à un moment donné, vous avez dit que vous en aviez besoin. Vous ai-je bien entendu nous dire cela? À propos des aéronefs immatriculés comme aéronefs privés, vous nous avez dit que vous aviez besoin de ces services.

M. McNeill: Excusez-moi, monsieur Jordan, mais je ne me rappelle pas dans quel contexte j'aurais pu vous dire cela.

M. Jordan: Bon! Je remets simplement en question votre logique, quand vous prétendez que vous contribuez déjà au système, parce que vous payez la taxe. Si vous partez de ce principe, vous pourriez tout aussi bien prétendre que nous ne devrions pas payer de frais d'immatriculation pour nos voitures ou d'autres choses du genre, parce que nous nous acquittons déjà d'une taxe sur l'essence automobile.

Tout cela vient un peu en contradiction de ce dont nous parlons depuis longtemps déjà au Comité du transport. S'il s'agit d'un usage marginal, alors il faudrait imposer une redevance minimale.

Personnellement, je me demande s'il serait très sage de commencer en ayant quelqu'un qui ne paie rien pour utiliser le système. Si cela ne vous cause aucune difficulté dans les médias, je crois qu'au bout de quelque temps vous vous débattrez avec la question de savoir jusqu'à quel point vous utilisez le système et combien vous devriez payer pour cela.

.0930

Je pense que si vous deviez payer une redevance minimale, calculée - je pense - en fonction de la taille de l'aéronef, vous vous en porteriez mieux au début. Il y a certains services dont vous auriez besoin, et d'autres pas, mais je pense que toute cette idée consistant à vous permettre d'en bénéficier gratuitement risquerait de revenir vous hanter très rapidement.

Le président: Merci, monsieur Jordan.

Une brève question de M. Keyes.

M. Keyes (Hamilton-Ouest): Je vais simplement citer une référence pour calmer les appréhensions de nos témoins. Tout à l'heure, vous avez exprimé vos préoccupations à propos de la réglementation de l'espace aérien. Or, l'article 13 précise qu'en vertu de la Loi sur l'aéronautique, le gouvernement conserverait la responsabilité de classifier et de désigner les espaces aériens.

M. McNeill: La classification ne faisait aucun doute, c'est la désignation qui ne nous paraissait pas claire, monsieur Keyes. Merci de cette précision.

M. Keyes: Monsieur le président, la question d'un siège au conseil d'administration a été soulevée lors de notre dernière audience, et voilà qu'elle ressurgit aujourd'hui.

Nous avons un organisme qui essaie de mettre sur pied un conseil d'administration afin de faciliter le changement. Il tend la main au milieu de l'aviation et aux usagers, il leur dit qu'il a besoin de leur participation et qu'il veut les avoir à son conseil. Les témoins que nous avons accueillis plus tôt cette semaine - je pense que c'est M. Jenner qui avait fait l'exposé - nous ont déclaré qu'ils avaient refusé de siéger au conseil d'administration et M. McNeill vient de nous dire la même chose. Je trouve cela étrange et je ne comprends pas bien.

Vous avez dit que vous ne vouliez pas vous retrouver en situation de conflit. Qu'entendez-vous par là?

M. McNeill: Je me suis peut être mal expliqué, monsieur Keyes.

Au début, il était question d'offrir un siège à la COPA, mais alors, le nombre d'administrateurs représentant les diverses organisations auraient été beaucoup trop importants. L'ATAC et les syndicats se sont objectés à ce ratio de représentation, de sorte qu'il a fallu réduire le nombre de nos représentants.

En fin de compte, on a proposé à la COPA de partager un siège au conseil d'administration avec la Canadian Business Aircraft Association. Comme nous serons bien représentés au conseil, de toute façon, plutôt que de nous retrouver avec un demi-siège, nous avons préféré inviter la .AAA à nommer un administrateur; quant à nous, nous siégerons au comité consultatif. Nous avons tout à fait l'intention de participer et de conseiller le conseil de NAV CANADA.

M. Keyes: Merci, monsieur McNeill.

Le président: Merci MM. McNeill et Butler, et merci aux autres.

Le comité terminera ses audiences jeudi pour passer à l'examen article par article dans deux semaines environ, et nous verrons à cette occasion si on a tenu compte de certaines de vos préoccupations. Je vous remercie.

M. McNeill: Merci, monsieur le président. Merci, messieurs.

Le président: Nous accueillons maintenant M. John David Lyon, de la Canadian Business Aircraft Association.

Bienvenue parmi nous, monsieur Lyon. Je vous demanderai, comme aux autres, de vous en tenir à des remarques liminaires de 10 minutes environ pour donner la possibilité aux membres du comité de vous poser des questions.

M. J.D. Lyon (président et chef de la direction, Canadian Business Aircraft Association): Merci, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi d'être parmi vous ce matin, afin de vous entretenir de quelques-unes des questions que soulève, pour nous, le projet de loi C-20.

Je commencerai en vous disant que notre dernière comparution devant ce comité remonte à novembre 1994. C'est alors M. Keyes qui en était e président et nous nous étions prononcés en faveur de la commercialisation du système de navigation aérienne et de son administration par une société sans but lucratif. Je ne remonterai pas dans l'histoire à ce sujet, tout cela se trouve dans notre mémoire. Je dirai simplement que nous continuons d'accorder notre appui à l'initiative entreprise par le gouvernement, à savoir de commercialiser les services de la navigation aérienne civile, mais nous entretenons plusieurs préoccupations que nous exposons dans notre mémoire.

.0935

La section deux présente un aperçu de ce qu'est la Canadian Business Aircraft Association. Nous existons depuis 1961, nous sommes un des membres fondateurs du International Business Aviation Council et nous avons un statut d'observateur à l'OACI. Nous avons pour mission de représenter les entreprises, grandes et petites, qui exploitent des aéronefs à des fins commerciales. En fait, nous représentons un vaste éventail d'entreprises, dans différents domaines, de la banque à la vente au détail, en passant par le prêt-à-manger, l'exploitation des ressources naturelles et les entreprises manufacturières.

Environ 180 sociétés sont membres de notre association. Nous comptons dans nos rangs quelque 25 compagnies de transport aérien étrangères, la plupart d'entre elles installées aux États-Unis, mais dont les appareils fréquentent régulièrement l'espace aérien canadien.

Je vous laisse le soin de lire les quelques autres pages de cette partie qui expliquent un peu plus en détail notre contribution au domaine de l'aviation. Je me contenterai de vous dire qu'en 1995, nos membres du secteur de l'aviation ont acheminé 750 000 passagers environ, soit à peu près le même nombre qu'un grand transporteur régional. L'année dernière, nos dépenses s'établissaient à 3 millions de dollars et nos membres de ce secteur employaient quelque 8 000 personnes.

Je pense que, pour la plupart des entreprises exploitant des appareils d'affaires, le temps est de l'argent surtout dans le marché actuel où la concurrence est internationale; l'avion d'affaires permet de gagner du temps et c'est en cela qu'il contribue à la réalisation de bénéfices et à la création d'emplois.

Je me propose de passer, maintenant, de façon plus détaillée, à certaines des préoccupations que ce projet de loi a soulevées chez nous.

Plusieurs aspects nous inquiètent. Nous estimons que la définition d'usager, donnée à la clause interprétative, c'est-à-dire au paragraphe 2(1)... Nous sommes d'accord avec un des points qu'une autre association au moins a soulevé devant ce comité: nous craignons que cette définition ne soit trop étroite et qu'elle n'admette pour principe que l'exploitant est, dans bien des cas, la compagnie ou le particulier possédant l'aéronef, plutôt que l'usager qui peut être un simple pilote louant un appareil ou volant pour des raisons professionnelles et qui, bien évidement, est très préoccupé de voir ce qui se passe avec le système de navigation aérienne.

Nous espérons que le comité va élargir cette définition ou veiller à ce qu'on précise mieux l'expression afin que les pilotes y soient inclus.

La semaine dernière, l'Association canadienne des pilotes de ligne a soulevé le problème des aires de manoeuvre devant le comité. Nous sommes d'accord avec la position adoptée par la CALPA à ce propos. Dans bien des aéroports importants, très fréquentés et très actifs, l'aire de stationnement est devenue le lieu de nombreux accidents. Rares sont ceux qui sont mortels, mais il n'en demeure pas moins qu'on a noté une augmentation du nombre d'accidents lors des opérations de refoulement des avions, au moment où ceux-ci quittent effectivement l'aire de stationnement pour passer sous la responsabilité du contrôle de la circulation aérienne.

Par exemple, Transports Canada a autorisé Lockheed à s'occuper de l'aire de stationnement de l'aérogare III de Pearson. Les services à l'aire de stationnement des aérogares I et II continuent d'être assurés par Transports Canada. Il n'y a pas d'uniformité. Les gens de Lockheed sont formés, mais pas forcément selon des normes nationales. Comme de plus en plus de grands aéroports du système national vont passer sous la coupe des autorités aéroportuaires, nous nous demandons qui va réguler les activités sur les aires de stationnement et comment cela va se faire.

Nous sommes donc d'accord avec la CALPA qui réclame l'application d'une norme. Nous aimerions que l'application de cette norme relève de la responsabilité de NAV CANADA. Cela ne revient pas à dire que la société devrait la formuler, mais nous croyons qu'elle devrait être tenue de veiller à ce que la norme soit respectée dans la prestation des services en question.

La partie suivante de notre mémoire traite du changement de service et de la fermeture des installations. Nous recommandons une augmentation de la période précédant l'adoption de toute mesure. Peu importe les miracles de l'électronique, il est difficile pour les associations nationales de faire le tour de leurs membres exploitants et d'obtenir des réponses raisonnables dans les délais impartis. À l'occasion de nos relations de travail avec Transports Canada, nous avons constaté qu'il faut beaucoup de temps pour que le ministère nous fasse parvenir une demande, que nous la communiquions, éventuellement par télécopieur, à l'ensemble de nos membres - pour leur demander d'en prendre connaissance, d'y répondre et de nous la retourner - et, enfin pour que nous la présentions sous une forme qui soit acceptable. Nous recommandons d'augmenter les délais de réaction prévus dans la loi pour les faire passer de 60 à 90 jours et de 45 à 60 jours.

.0940

Pour ce qui est du paragraphe 19(2), «rejet par les usagers», le comité pourrait peut être se pencher de plus près sur la disposition actuelle selon laquelle le rejet peut être déclaré par les usagers assurant un tiers des revenus de la société. Par exemple, il se pourrait fort bien que les exploitants d'appareils fréquentant un certain aéroport souhaitent qu'une station au sol d'aide à la navigation soit maintenue en service, mais que les exploitants dont les appareils ne font que survoler le territoire et qui utilisent des satellites ne soient pas du même avis. Étant donné que la redevance au titre du survol du territoire représentera une partie importante des revenus, cela risque de biaiser les résultats et d'avoir un effet négatif sur les exploitants canadiens.

Quand je lis cet article, je me demande si les gens qui se poseront à tel ou tel aéroport, et qui contribueront aux revenus de la société, auront voix au chapitre. Par ailleurs, comment pourraient-ils avoir voix au chapitre si la station d'aide à la navigation est également utilisée par les appareils survolant le territoire et qui sont exploités par des entreprises contribuant également au SNA? On voit bien le dilemme qui se pose et j'estime qu'il est nécessaire de préciser les choses à cet égard. Pour ce qui est des vols en région polaire, par exemple, je n'apprécierais pas beaucoup que quelqu'un vienne me dire qu'il n'a pas besoin de l'ILS à Resolute Bay, parce que ce n'est qu'un aéroport de déroutement et que ses appareils sont, de toute façon, équipés de GPS ou d'autres moyens leur permettant de s'y poser. Donc, cette personne pourrait très bien voter pour la suppression de ce service, puisqu'une importante partie des revenus pourraient provenir de la redevance sur les survols de cette région, ce qui entraverait l'exploitation des usagers locaux.

Cela étant, je pense que le comité devrait songer à préciser un peu mieux cet article, pour qu'il ne donne pas autant lieu à interprétation, comme c'est actuellement le cas.

Pour ce qui est des politiques sur les nivaux de services, on a pris grand soin de protéger les services dans les régions septentrionales et dans les régions éloignées. Pourtant, il y a de nombreux emplacements, dans les régions méridionales du Canada, qui mériteraient également ce traitement. Nous estimons qu'il convient de resserrer le processus afin de nous assurer qu'aucun changement ne pourra être apporté au niveau de service, sans qu'on y ait sérieusement réfléchi, et qu'on puisse recourir à un processus d'examen au cas où les usagers - et éventuellement les collectivités touchées - , réagissent violemment.

Des pages entières du projet de loi décrivent la protection accordée aux collectivités éloignées dans le Nord, alors qu'il n'y a presque rien - même si je peux penser à certaines régions qui pourraient bénéficier des mêmes conditions, comme Terre-Neuve et le Labrador, Québec, l'Ontario et un peu partout dans les Prairies - il n'y a presque rien, donc, au sujet des régions où la distance par rapport aux autres aéroports ainsi que les conséquences de la privatisation du système ont autant d'effet que pour les collectivités du Nord. Je pense qu'on pourrait songer à mieux protéger les niveaux de service dans ces régions, qu'on ne le prévoit actuellement.

La partie III traite des redevances au titre des services à la navigation et du droit d'imposer ces redevances. On peut y lire que la société n'a pas le droit d'exiger de redevances du ministre de la Défense nationale au titre des services que le système de la navigation aérienne civile rendra aux usagers militaires. En outre, cette exemption est élargie aux aéronefs d'États étrangers, sauf mention contraire.

Le niveau d'activité des aéronefs militaires et d'État dans le système civil n'est pas toujours le même. Il varie de trois pour cent à 11 p. 100, la plus forte activité étant associée aux opérations dans l'Atlantique nord. Le gouvernement invite ici les exploitants civils à absorber un coût équivalant à environ huit pour cent du coût total du système, et correspondant aux opérations militaires. Il n'y a aucune logique à cela et je me permets d'attirer l'attention du comité sur ce qui se passe au Royaume-Uni. Les Anglais sont en train de restructurer le contrôle à la circulation aérienne en vue de la privatisation du système, et le ministère de la Défense devra verser 40 millions£ par an au NATS, pour les services que celui-ci lui rendra.

Soi dit en passant, pendant toute la période de consultation qui a conduit à la mise sur pied de NAV CANADA, les représentants du gouvernement nous ont affirmé que cette société recevrait une subvention au titre du coût des services offerts aux collectivités éloignées et des régions du Nord. Il semble, encore une fois, qu'on s'attende à ce que les usagers civils assument ce fardeau, pour le compte des contribuables canadiens.

Selon la CBAA, l'article 35, «paramètre concernant les redevances» n'est pas assez précis quant aux principes à appliquer. L'aviation générale représente la base même de l'industrie de l'aviation. Les coûts élevés associés à la formation en vol et à l'exploitation des aéronefs privés ont entraîné un déclin des activités de l'aviation générale, de même que de la formation en vol.

.0945

Si ce déclin se poursuit à cause de l'augmentation des coûts, le Canada finira par manquer de pilotes compétents susceptibles de répondre aux besoins de l'aviation commerciale. Idéalement, la loi devrait exempter les vols récréatifs et les vols d'instruction de toute redevance qui pourrait être imposée au titre des services de la navigation aérienne.

Le gouvernement recueille actuellement plus de 10 millions de dollars par an en taxe d'accise sur l'essence aviation. Ce n'est pas la même taxe que celle imposée au titre du carburant aviation utilisé par les exploitants commerciaux, comme les carburéacteurs et autres. Ces montants pourraient être versés à NAV CANADA au titre de la prestation de services de navigation aérienne gratuits. Puisque le gouvernement - le contribuable - , ne contribuera absolument pas, ni aux frais de fonctionnement ni aux coûts d'immobilisation du système de navigation aérienne, cette formule équivaudrait à un remboursement des impôts que le gouvernement fédéral n'aurait plus à prélever pour financer le système.

Cette façon de procéder va également dans le sens de l'intérêt du pays qui pourra continuer de produire des contingents de pilotes bien formés, qui contribueront à maintenir le niveau de compétence. Elle va aussi dans le sens de la sécurité aéronautique. À cause de la diminution importante du nombre de pilotes formés dans l'armée, il faudra, pour les besoins à venir, compter de plus en plus sur le côté civil.

Sur un autre plan, nous craignons que, quelle que soit la formule retenue pour le calcul des redevances, le transfert des revenus d'accise dérivé... ça y est, je ne sais plus où je suis.

Le président: ... au titre des exemptions accordées à l'aviation générale.

Merci beaucoup, monsieur Lyon. Étant donné le temps dont nous disposons, j'aimerais que nous passions à présent aux questions, afin que chaque côté de la table ait la possibilité d'obtenir certaines réponses.

Monsieur Gouk.

M. Gouk: Merci, monsieur le président.

Bonjour, John. Ma question va porter sur un aspect que vous n'avez pas abordé dans votre exposé, c'est-à-dire les accords financiers qui vous préoccupent, plus précisément le prix de vente du système. Moi aussi, cela me préoccupe, parce que je connais l'historique de la chose.

En fait, je n'ai pas vraiment de questions à vous poser, mais le gouvernement a dû verser à NAV CANADA environ 1,3 milliard de dollars de régime de pension, pour les employés qui sont transférés. Même si j'ai déjà posé la question, on ne nous a pas encore répondu à ce propos. Je suppose que la caisse de retraite n'est pas vraiment différente du régime de pension du Canada c'est-à-dire qu'une grande partie de l'argent ne se trouve pas là, mais qu'il est investi, de sorte que le gouvernement doit obtenir au moins 1,3 milliard de dollars de NAV CANADA pour pouvoir lui verser, à son tour, la même somme au titre de ses obligations en vertu du régime de pension. Voilà qui explique peut être en partie l'origine du montant en question.

Vous avez parlé du contrôle de l'aire de stationnement. Je trouve très intéressant l'appui que vous accordez à la CALPA à cet égard, mais n'est-ce pas exact que, de toute façon, dans la plupart des grands aéroports comme celui de Vancouver ou de Toronto, vous seriez dirigé vers un autre secteur, là où sont les avions d'affaires, plutôt que de rester sur la partie principale à proximité de l'aérogare, où l'aire de stationnement serait éventuellement contrôlée?

M. Lyon: C'est vrai pour la plupart de nos appareils. Vous devez être conscient qu'une partie de nos membres exploitent des Airbus A-320, des 727 et des Avro 748 qui, dans bien des cas, doivent stationner aux portes pour le chargement et le déchargement. Une partie de nos membres appartient au secteur commercial.

M. Gouk: Donc, les appareils de certains de vos membres auraient des correspondances, mais la plupart des appareils iraient...

M. Lyon: Nous estimons qu'il s'agit là d'une question de sécurité. Dès que nous craignons que la sécurité soit en jeu, que nos membres soient ou non directement touchés... Plusieurs personnes travaillant sur les aires de stationnement pour les compagnies que je représente, volent en tant que passagers à bord de ces avions. Nous avons un point en commun avec les autres associations: la sécurité; nous songeons à la sécurité quand vient le temps de les aider ou de collaborer avec elles pour régler des problèmes à cet égard.

M. Gouk: Vous avez plusieurs fois parlé de la prise en compte gratuite des vols militaires. J'ai moi-même soulevé cette question lors du premier exposé que nous ont fait les fonctionnaires du ministère des Transports, quand ils nous ont sorti leur petit livret à ce sujet.

.0950

On y disait que, en retour, les aéroports civils n'auront pas à verser de redevances au contrôle de la circulation aérienne militaire, et que les avions civils survolant les zones militaires ou utilisant les aéroports contrôlés par les militaires n'auront pas, non plus, à verser de redevances. Pouvez-vous nous donner vos réactions à ce propos?

M. Lyon: J'estime que c'est un argument ridicule au regard du volume de trafic. C'est peut être logique pour ce qui est des activités des Forces aériennes canadiennes, mais en vérité, c'est la partie la moins importante des activités militaires. En effet, il faut voir le nombre de vols militaires en provenance des États-Unis et qui empruntent nos espaces aériens. Nous refusons...

Parmi les installations militaires occasionnellement utilisées par les civils, mentionnons Goose Bay, Bagotville, Comox et la zone de Moose Jaw. Et puis, il y a ceux qui longent la zone de Cold Lake. Permettons aux militaires de nous facturer pour le nombre d'appareils civils empruntant leurs installations et faisons de même, de notre côté, pour les appareils militaires. Je vous garantie que vous allez récupérer un montant à peu près équivalent aux 40 millions £ que le Royaume-Uni va facturer à ses forces aériennes.

M. Gouk: D'après vous, pourrait-on conclure une entente à l'échelon national avec les militaires canadiens pour que nous les facturions pour les services rendus, plutôt que de leur permettre d'imposer des redevances aux civils utilisant les installations militaires canadiennes quand ceux-ci n'ont pas d'autres choix? Autrement dit, puisque nous n'avons pas conclu d'entente particulière avec les militaires américains, pour nos appareils civils se rendant là-bas, nous imposerions exactement les mêmes redevances aux appareils militaires étrangers, surtout à ceux qui survolent l'Atlantique Nord, comme nous le faisons pour tout autre aéronef. Est-ce que nous ne conclurions un tel accord de réciprocité qu'avec les militaires canadiens? Cette formule conviendrait-elle mieux?

M. Lyon: Je pense que ce sont les appareils d'États étrangers qui constituent le pourcentage le plus important. Le Canada a signé certains accords de réciprocité avec ses alliées de l'OTAN, de même que dans le cadre du NORAD, pour ses appareils évoluant aux États-Unis ou en Europe. L'armée canadienne est maintenant liée à ces accords.

La Défense nationale pourrait certainement payer pour tous ces vols. Voyez le volume d'activité au-dessus du Labrador, le nombre d'appareils allemands qui se rendent à Winnipeg et le nombre d'avions britanniques qui volent jusqu'en Alberta pour profiter de certains des programmes qui y sont offerts en permanence. Les militaires canadiens, quant à eux, louent ces services aux pays étrangers qui paient pour en bénéficier.

J'ai l'impression qu'on demande aux usagers civils de payer non seulement leur part, mais d'assumer en plus la responsabilité des coûts associés aux opérations aériennes nationales militaires.

M. Jordan: Si le préavis de 60 jours n'est pas suffisant dans le cas d'un changement de service ou d'une fermeture d'installations, je ne vois pas comment on pourrait s'opposer à le porter à 90 jours. J'ai l'impression qu'on a simplement estimé que 60 jours suffiraient, mais vous, vous pensez qu'un délai de 90 jours serait beaucoup mieux.

M. Lyon: Du point de vue du colleur d'affiche manchot que je suis, un délai de 90 jours me laisserait ma dernière coudée un peu plus franche pour mettre les choses en ordre, pour rassembler tous les avis et pour réagir. Je pense que la plupart des associations sont toujours pressées par les délais.

M. Jordan: Pourtant, au point suivant, celui traitant du rejet par les usagers, vous dites que le calcul est fondé sur les revenus produits, et que cette formule pourrait avoir des effets complètement disproportionnés à cause des survols.

M. Lyon: Je crois que nous devons nous montrer prudent. Je veux que le système de navigation aérienne soit pleinement responsable envers l'industrie canadienne, et qu'il la serve, pas uniquement parce que nous devrions récupérer quelque chose comme 40 p. 100 en redevances au titre des survols.

Selon la région de survol à la source de ces revenus, et si l'on retient la proportion de 30 p. 100, quelqu'un pourrait dire: je survole cette région, je n'ai pas besoin de l'aide à l'atterrissage qui s'y trouve, je n'ai besoin de rien de ce qui se trouve sur le plancher des vaches. Eh bien, cette personne pourrait alors avoir une influence déraisonnable sur la société.

M. Jordan: Quelle formule recommandez-vous? Les revenus entreraient-ils d'une façon ou d'une autre dans la formule que vous recommanderiez?

.0955

M. Lyon: Je m'efforcerais de faire la part entre l'avis de la majorité des exploitants dont les appareils survolent le territoire et celui de la majorité des exploitants nationaux, utilisant tous l'aide à la navigation, et j'accorderais à chacun des deux groupes un facteur de pondération.

M. Jordan: Bien pensé! Personnellement, j'aimerais que le modèle canadien ressemble au modèle britannique. Si les militaires utilisent le SNA, alors facturons-les en conséquence. Intégrons le coût des opérations militaires. Cela semble être la façon la plus simple de procéder.

Si vous essayez de déterminer qui doit payer des redevances et qui doit en être exempté, ne risquez-vous pas de vous trouver aux prises avec un grand nombre de difficultés administratives? Ne risque-t-on pas, dans certaines situations, de se retrouver à cheval sur les deux cas de figure? N'arrive-t-il jamais que des avions militaires remplissent des missions civiles?

M. Lyon: Si les militaires nolisent un avion commercial, celui-ci sera visé par la redevance. Si, par exemple, le Canada nolise des appareils d'Air Canada pour transporter un certain nombre de militaires jusqu'à une certaine destination à l'étranger, Air Canada devra alors payer la redevance.

Aux États-Unis, le ministère de la Défense nolise les appareils de plusieurs exploitants commerciaux, et ces appareils seraient sujets à la redevance. En revanche, s'il s'agissait d'un appareil militaire, portant des marques militaires mais transportant des dignitaires du gouvernement, il serait exempté de la redevance.

M. Jordan: Cela commence à se compliquer. Le plus simple serait de les facturer. Si les militaires utilisent le service, il en coûtera plus cher au SNA pour prendre leur vol en compte.

M. Lyon: Les militaires pourraient décider de verser une somme forfaitaire annuelle, plutôt que d'être facturés à la pièce. C'est ce qui semble avoir été décidé au Royaume-Uni. Le ministère de la Défense verse une contribution forfaitaire.

M. Jordan: Un peu plus loin dans votre mémoire, vous soutenez que le gouvernement recueille des fonds et que ces fonds pourraient être versés à NAV CANADA. Nous, nous essayons de simplifier la chose, pas de la compliquer.

M. Lyon: Alors, arrêtez de priver le système de l'argent dont il aura besoin.

L'argument qu'on invoquait avant, c'est que les contribuables subventionnaient le système. Maintenant que ce n'est plus le cas, le gouvernement ne devrait plus recueillir les taxes qui servaient jusque là à financer l'industrie, en partie, et à alimenter ses coffres.

Nous nous retrouvons seul à présent. Nous devons payer pour tous les services dont nous bénéficions. Nous subventionnons les collectivités dans le Nord. On nous demande de subventionner les militaires. Il me semble que le gouvernement pourrait au moins envisager de contribuer à ce titre, ce qui nous ramène à la question des services offerts à une partie des usagers de l'espace aérien et pas aux autres.

M. Jordan: Parfait.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lyon.

M. Lyon: Avant que je ne m'en aille, je tiens à vous dire que je serais très heureux d'avoir l'occasion de recomparaître devant le comité si celui-ci devait décider d'entamer des consultations sur la politique des transports dans le domaine de l'aviation.

Notre association, et elle n'est pas la seule, est préoccupée par la prédominance qu'on accorde à présent au concept du paiement par l'usager et de tout l'argent que le gouvernement va continuer de recueillir, sans rien réinjecter dans l'industrie. Advenant que votre comité envisage de tenir une séance de consultation, je connais plusieurs associations qui seraient heureuses d'y participer et de vous soumettre un aspect que nous pensons être très important et qui, à long terme, risque d'avoir de sérieuses conséquences économiques dans ce pays.

Le président: Merci, monsieur Lyon.

Nous accueillons maintenant la Pan Arctic Inuit Logistics Corporation, représenté par M. Fred Hunt. Mais avant cela, j'aurais une chose à dire.

M. Hunt est-il disponible?

Pendant que le greffier vérifie de son côté, j'aimerais demander quelque chose à M. Keyes. À l'occasion d'une séance précédente du comité, il a été question de l'utilisation de la langue française et je me demande si M. Keyes est en mesure de nous répondre à ce sujet.

Vous nous aviez dit alors que vous fourniriez plus tard une réponse au comité.

.1000

M. Keyes: Merci, monsieur le président. Comme vous l'avez dit, lors de notre dernière réunion du 18 avril, je m'étais engagé à m'enquérir au sujet de la question du bilinguisme soulevée parM. Jenner, et c'est ce que j'ai fait.

Je suis en mesure de vous déclarer que NAV CANADA a adopté de nouveaux règlements et déposé d'autres lettres patentes auprès d'Industrie Canada, le 9 avril 1996. Peu après la constitution de NAV CANADA en société, le 26 mai 1995, il était possible de consulter ces lettres patentes et règlements dans les deux langues officielles.

Les deux langues officielles - il est important de le souligner - ont également force de loi.

Mon seul regret, monsieur le président, c'est que le député du Bloc, Michel Guimond - qui m'a semblé s'intéresser à ce projet de loi que pour s'adonner à des jeux politiques sur le thème de la langue - , brille de nouveau par son absence et ne soit pas là pour entendre la réponse.

Une voix: Bravo! bravo!

Le président: Merci, monsieur Keyes.

Bienvenue, monsieur Hunt. Je vais vous demander de limiter vos remarques à environ dix minutes pour donner l'occasion aux membres du comité de vous poser des questions par la suite.

M. Fred Hunt (président, Pan Arctic Inuit Logistics Corporation): Bonjour, monsieur le président et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Fred Hunt et je suis président de la Pan Arctic Inuit Logistics Corporation. Dans l'intérêt de tout le monde, j'utiliserai simplement le sigle, c'est-à-dire PAIL.

Je tiens à remercier le comité au nom du conseil et des actionnaires de PAIL de nous avoir donné la possibilité de venir vous rencontrer pour vous exposer nos préoccupations au sujet du projet de loi C-20.

Je suis accompagné de M. Don Axford, directeur général par intérim de PAIL et de Me Paul Lalonde, un de nos avocats. M. Lalonde se fera un plaisir de répondre à toutes vos questions de nature juridique ou constitutionnelle ainsi qu'aux questions que vous lui poserez en français. Je crois savoir qu'il a également préparé un sommaire de notre mémoire et une liste de nos recommandations en français.

Vous devriez maintenant avoir tous reçu un exemplaire de notre mémoire qui renferme certaines précisions sur les événements qui m'ont amené ici, ainsi que sur les vues de PAIL sur le processus de privatisation et sur le projet de loi C-20. Vous serez heureux d'apprendre que je ne me propose pas de vous lire notre mémoire entièrement. Vous êtes tout aussi capables de le lire vous-même que nous avons été capables de le rédiger. Je préfère vous faire part de quelques remarques générales et d'observations personnelles qui, je l'espère, vous aideront à mieux comprendre notre position ou nos recommandations.

J'ai résidé pendant 25 ans dans l'Arctique. À cette époque, j'ai participé à de nombreuses entreprises, dans le domaine du transport notamment. J'ai aussi été le témoin privilégié de la remarquable transformation qu'a vécu le milieu des affaires dans le Nord.

Là-bas, il y a 25 ans, il n'existait quasiment pas d'entreprises autochtones dignes de mention. Le gros des affaires était assuré par des entreprises du Sud fonctionnant avec des employés recrutés dans le Sud et qui retournaient habituellement dans leur région le plus vite possible, emportant avec eux tous les profits réalisés dans le Nord.

.1005

La politique conduite par le gouvernement dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a environ vingt ans, illustre très bien mon propos. Elle avait pour objet d'encourager les groupes inuit à construire des hôtels dans de petites collectivités. La raison en était simple: on estimait que notre travail consistait à loger et à nourrir les travailleurs venus du Sud. C'était cela qu'on considérait comme le «contenu nordique».

Peu à peu, encouragés par les progrès réalisés sur le chapitre des revendications foncières et par la réussite de quelques pionniers, les Inuit et les Inuvialuit ont commencé à assumer leur destinée économique et à gérer des entreprises locales dans des domaines non traditionnels. La signature d'ententes foncières détaillées au cours des dernières années, a beaucoup aidé les Inuit et les Inuvialuit à cheminer sur la voie de l'autonomie financière.

Aujourd'hui, bien que les collectivités du Nord continuent à subir des difficultés économiques exceptionnelles, il y a lieu d'espérer dans l'avenir. Les Inuit et les Inuvialuit contrôlent à présent un vaste éventail d'entreprises sophistiquées, dans des secteurs comme l'extraction minière, le pétrole et le gaz, les transports aérien, maritime et terrestre, les conseils en matière d'environnement et d'écotraitement, le soutien logistique, la gestion de portefeuilles d'investissement, l'immobilier, la vente au détail et ainsi de suite.

Ce qui est remarquable, c'est que les Inuit et les Inuvialuit réussissent dans leurs entreprises; ils le font non seulement sur un plan comptable mais également de façon responsable au regard de la situation particulière que vivent les collectivités du Nord et les communautés autochtones. Ces entreprises emploient des gens retraités localement et, habituellement, les profits sont réinvestis dans les collectivités, et contribuent donc à soutenir l'activité économique locale. En outre, les entreprises autochtones du Nord constituent une base de formation d'une valeur inestimable pour la prochaine génération d'entrepreneurs et de gestionnaires de la région.

On peut espérer que ces réussites seront génératrices de succès dans l'avenir et donneront plus d'espoir et de confiance aux collectivités du Nord. Si nous voulons que notre jeunesse ait un avenir et si nous voulons parvenir à réduire le taux d'alcoolisme, l'abus de drogue et le taux de suicide, nous nous devons d'aboutir dans nos efforts. Les progrès réalisés jusqu'ici profitent non seulement à nos collectivités du Nord, mais à l'ensemble des contribuables, par le biais d'une réduction des versements au titre de l'assurance-chômage, par une diminution du nombre d'assistés sociaux, par la diminution des dépenses au titre du système judiciaire et correctionnel et ainsi de suite.

Notre entreprise est un bon exemple de cette nouvelle lignée d'entreprises autochtones dans le Nord. Fondée très récemment, en 1994, PAIL est déjà, entre autres choses, associée à 50 p. 100 à un contrat de 268 millions de dollars conclu avec le gouvernement du Canada pour l'exploitation et l'entretien du Système d'alerte du Nord, c'est-à-dire le réseau de surveillance radar dans le Nord de la Défense nationale.

Les progrès réalisés par les entreprises autochtones ne viennent pas tout seul. Comme toute autre entreprise, nous avons éprouvé de la difficulté à rentabiliser nos investissements, dans un milieu de plus en plus compétitif. Cependant, les entreprises autochtones se heurtent toujours aux vieux préjugés, aux barrières systémiques et à l'ignorance.

Pour surmonter ces handicaps, nous pouvons compter sur plusieurs atouts: notre fiche de route en matière de gestion des entreprises, notre connaissance unique des opérations dans le Nord et la revendication foncière de ce qui nous revient de droit. Dès lors, nos droits en matière de revendications territoriales sont essentiels pour notre entreprise et nous devons les défendre vigoureusement.

Comme nous le déclarons dans notre mémoire, nous ne sommes pas opposés à la privatisation du SNA. Au contraire, nous sommes d'accord avec les grands objectifs politiques du gouvernement. Toutefois, nous estimons que la façon dont la privatisation est conduite se fait au mépris le plus total de nos droits d'entreprises du Nord, durement gagnés et garantis par la constitution. Nous estimons que c'est de la mauvaise politique, de la part du gouvernement, et que c'est une mauvaise affaire pour NAV CANADA - en ce qui concerne ses opérations en régions nordiques ou éloignées - , que de passer outre nos préoccupations et celles des autres représentants autochtones.

Quand nous avons entendu dire, pour la première fois, que le Canada envisageait de commercialiser le SNA, nous avons dépêché un de nos représentants pour participer à une séance d'information donnée par Transports Canada. Au début, nous n'avions qu'une vague idée du potentiel commercial des opérations liées au SNA dans le Nord. Il n'en demeure pas moins que nous étions déterminés à profiter de tout débouché qui pourrait s'offrir à nous. Dans le Nord, le climat économique est aussi rude que le climat tout court et nous n'avons d'autre choix que d'explorer, dans toute la mesure du possible, toute ouverture se présentant à nous. Notre survie commerciale en dépend.

.1010

Lors de cette réunion, puis plus tard par écrit, nous avons simplement cherché à obtenir du gouvernement la confirmation qu'il appliquerait à la commercialisation du SNA les mêmes règles que celles qu'il applique quand il traite dans nos principales régions habitées. Autrement dit, nous voulions que le gouvernement nous confirme que les termes de l'entente foncière seraient respectés, ainsi que ceux de la politique du Conseil du Trésor 1995-2.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que nous avons été très déçus quand nous avons reçu la réponse du gouvernement, fin septembre 1995. Il nous disait, pour l'essentiel: arrêtez de nous ennuyer, vous n'avez aucun droit ici. Il nous indiquait qu'il recommanderait à NAV CANADA de tenir compte de notre candidature au moment où la société conclurait, éventuellement, des contrats dans le Nord. Très franchement, ce genre de geste symbolique des plus gauches n'est plus acceptable pour les groupes autochtones modernes et axés sur le milieu des affaires que sont les Inuit et les Inuvialuit.

Dans le même temps où nous étions en communication avec Transports Canada, nous avons engagé Carmen Loberg, expert conseil dans le domaine des transports, que nous avons chargé de se renseigner et de nous conseiller au sujet de la portée des activités entreprises sous les auspices du SNA dans le Nord, de même que sur le potentiel commercial de ces activités pour PAIL.

M. Loberg a d'abord conclu que PAIL avait notamment la possibilité de siéger au conseil de NAV CANADA, d'obtenir des sous-contrats et de conclure d'autres accords relativement à l'exploitation et à l'entretien des aides à la navigation, des stations de service en vol, des services de radio aéronautique communautaire, fixes ou mobiles, et que nous pouvions avoir, dans les activités conduites hors des régions nordiques ou éloignées, une part égale à celle d'entreprises administrées et exploitées dans le Sud du pays.

Au début, nous avons éprouvé de la difficulté à nous faire une idée claire de tout ce que cela pouvait valoir pour nous. Récemment, nous avons obtenu plus d'information de NAV CANADA qui nous a indiqués que ces activités pourraient représenter jusqu'à 100 emplois à temps plein dans le Nord et jusqu'à 100 millions de dollars de dépenses dans les cinq premières années d'opération. Pour le Nord, cela constitue une occasion d'affaires de taille.

Mais le principe est ici peut-être plus important que les budgets en jeu. En tant qu'entreprise autochtone du Nord, nous ne pouvons tolérer qu'une privatisation d'importance comme celle du SNA, qui conduit des opérations très importantes dans la principale région visée par nos revendications territoriales, soit réalisée sans que nous y participions. Nous ne pouvons accepter une interprétation tellement étroite de nos revendications territoriales qu'elle permet au ministre Young d'affirmer que celles-ci ne peuvent s'appliquer à des activités de commercialisation dans le Nord.

Il y a quelques semaines, nous avons de nouveau essayé d'explorer une possibilité d'affaires avec NAV CANADA, mais en le faisant, cette fois, d'entreprise à entreprise. J'ai donc écrit à M. Ken Copeland, président de la compagnie, pour lui proposer une réunion afin d'examiner nos préoccupations et d'étudier les possibilités commerciales susceptibles d'intéresser nos deux entreprises.

La réponse de M. Copeland nous a à la fois étonnés et fait plaisir. Elle nous a étonnés parce que, apparemment, c'est la première fois qu'il entendait parler, dans ma lettre du 2 avril, d'un problème de revendications ou de préoccupations des autochtones relativement à la privatisation du SNA. Nous ne comprenons pas pourquoi le ministère des Transports n'a pas fait part de nos préoccupations à NAV CANADA et ne lui a pas transmis non plus nos communications. Les gens du ministère ont, soit estimé que cela n'était pas assez important, soit jugé qu'il était préférable d'étouffer nos plaintes le plus longtemps possible, à moins qu'ils n'aient simplement oublié. Je ne sais pas. Peut-être le comité aura-t-il la possibilité de poser cette question au ministère.

Par ailleurs, la réponse de M. Copeland nous a satisfaits, parce qu'il convenait tout à fait que les cadres supérieurs de nos deux entreprises devaient se rencontrer. Le 12 avril suivant, je tenais une conférence téléphonique avec John Crichton, président de NAV CANADA. Nous avons eu une bonne discussion au cours de laquelle il m'a fait part de la volonté de NAV CANADA de trouver une façon de faire participer les autochtones aux opérations conduites en régions nordiques ou éloignées.

.1015

M. Crichton a confirmé sa position dans une lettre datée du même jour. Malheureusement, celle-ci n'a pas été jointe à notre mémoire, mais je crois savoir que nous en avons remis une copie au personnel du comité, pour distribution.

Après cette lettre, les responsables de PAIL ont de nouveau rencontré M. Crichton, le 17 avril, à Whitehorse, afin de discuter avec lui de façon plus précise de la manière dont PAIL pourrait participer aux opérations du SNA dans le Nord. Cette réunion s'est avérée fort utile pour les représentants de PAIL qui ont pu se faire une meilleure idée de la manière dont PAIL et NAV CANADA pourrait collaborer. Nous espérons que ces efforts se poursuivront demain encore et qu'ils donneront l'occasion à PAIL de participer de façon tangible à cette entreprise. Jusqu'ici, cependant, ces entretiens n'ont encore rien donné de concret.

Les entreprises autochtones ont trop souvent connu des situations du genre. On ne tient compte de nos droits territoriaux que très tard, pour ne pas dire jamais, et nous devons nous battre pour les faire respecter et surmonter l'inertie et les préjugés institutionnels.

Toutes ces situations sont d'autant plus frustrantes quand on songe aux consultations interministérielles, dans le cadre desquelles le MAIND est censé renseigner les autres ministères relativement aux questions pertinentes touchant aux revendications territoriales.

C'est d'autant plus frustrant, pour nous, qu'en fin de compte nous ne réclamons que quelque chose de très modeste. Il s'agit tout au plus de nous donner une chance équitable de participer aux ententes foncières, comme c'est prévu. Nous savons que, si on nous en donne la chance, nous pouvons effectuer le travail tout aussi bien, voire mieux que n'importe quelle entreprise du Sud. Nous avons prouvé, hors de tout doute, que nous pouvons être de bons associés d'affaire pour les activités conduites dans le Nord. Nous connaissons la terre, nous connaissons les gens, nous connaissons la politique, nous connaissons les affaires. La seule chose que nous semblons ignorer, c'est la façon dont nous pourrions parvenir à changer les attitudes des technocrates du Sud quant à nos capacités et à nos droits.

Je veux que le comité comprenne bien que l'affirmation de nos droits n'équivaut pas à un jeu à somme nulle. La reconnaissance de nos droits dans le projet de loi C-20 ne retire rien à personne. Il n'en coûtera rien aux contribuables. Ce n'est une menace pour personne. Il nous assurera simplement qu'au moment ou NAV CANADA viendra conduire ses affaires dans notre cour arrière, nos intérêts seront pris en compte, entièrement, et dès le début.

Mais voilà que, dans la situation actuelle, nous devons écrire aux ministres et aux hauts fonctionnaires pour les prier de nous recevoir en entrevue, pour bousculer un processus déjà enclenché et crier à la violation de nos droits juridiques et constitutionnels. Ce n'est pas tout à fait là un départ prometteur pour une association d'affaires.

Devrons-nous systématiquement répéter la même chose quand NAV CANADA entreprendra un nouveau projet? Devrons-nous toujours être en bisbille avec le gouvernement et l'industrie au sujet de la portée et de la nature de nos droits? Nous espérons que non, pour notre bien mais aussi pour celui de NAV CANADA.

Le président: Monsieur Hunt, je me dois de vous signaler que nous commençons à manquer de temps. Plusieurs députés voudraient vous poser des questions.

M. Hunt: Il me reste deux paragraphes. NAV CANADA doit s'attarder à exécuter du mieux possible son mandat plutôt que d'ergoter avec les groupes visés par les revendications territoriales. Nous sommes convaincus que la meilleure façon de nous assurer une participation ordonnée et productive consisterait à affirmer nos droits au tout début du projet de loi C-20, à la façon dont nous le recommandons dans notre mémoire.

Je m'étais proposé de vous faire lecture de ces recommandations, mais le temps nous manquant, je ne le ferai pas. De toute façon, vous les avez toutes. Nous croyons qu'elles sont juridiquement acceptables, politiquement légitimes et moralement nécessaires. Nous espérons que le comité en conviendra. Merci de votre temps. Si vous avez des questions, nous ferons de notre mieux pour y répondre.

Le président: Merci.

M Paul Lalonde (avocat, Pan Arctic Inuit Logistics Corporation): Monsieur le président, j'ai besoin d'un instant pour faire une petite mise au point.

Le président: Monsieur Lalonde, je préférerais que vous le fassiez en réponse à une question. Je voudrais donner la possibilité à chaque côté de poser au moins une question.

M. Lalonde: C'est une toute petite mise au point, monsieur le président.

Le président: Je vous donnerai la parole après.

.1020

[Français]

Monsieur Mercier.

M. Mercier: Monsieur Hunt, je vous ai entendu dire que le projet de loi ne respectait pas les droits constitutionnels des Inuit. Pourriez-vous me dire de façon concise quels droits ne sont pas respectés et comment, et si vous avez l'intention de porter la cause sur le plan judiciaire?

M. Lalonde: Monsieur Mercier, je peux aider M. Hunt ici.

Je réponds d'abord à votre dernière question. On n'a pas décidé si on devait porter la cause sur le plan judiciaire. On croit avoir des arguments juridiques très valables à faire valoir et on espère simplement que ça ne sera pas du tout nécessaire.

Maintenant, quels droits a-t-on oubliés dans le projet de loi C-20?

Mme Kuptana parlera tantôt de façon plus détaillée des droits spécifiques que renferme l'accord sur les revendications territoriales autochtones qui concerne les actionnaires de Pan Arctic Inuit Logistics. Il sera peut-être temps, à ce moment-là, d'entrer dans les détails. Mais les droits dont on dit qu'ils ont été oubliés sont contenus dans les ententes dont Mme Kuptana va parler dans sa présentation.

[Traduction]

Le président: Monsieur Gouk.

M. Gouk: Messieurs, vous nous avez remis un mémoire plutôt volumineux. Comme nous en recevons plusieurs, vous comprendrez que nous n'avons pas toujours la possibilité de les lire d'avance et nous allons avoir de la lecture pour plus tard.

Parlons de vos recommandations. Le point A, et aussi le point D, dans une certaine mesure je suppose, traitent des revendications territoriales. Craignez-vous, à ce propos, qu'on change le statut des terres de la couronne pour lesquelles les revendications territoriales n'ont pas encore été réglées? Craignez-vous surtout qu'une partie des terres changent de statut, pour passer de la couronne au privé, ou pensez-vous aux règlements fonciers qui ont déjà été conclus et aux dispositions portant sur d'autres aspects que les terres mêmes, et dont il fait état dans les ententes déjà conclues?

M. Hunt: Nous ne craignons pas vraiment que des terres changent de main, pour passer de l'État au secteur privé, mais nous ne voulons pas qu'en commercialisant simplement une activité du gouvernement fédéral, on oublie toute la question des ententes foncières. Nous ne croyons pas un seul instant que nos droits vont disparaître sous le simple coup de la commercialisation d'une politique ou d'une activité du gouvernement; nos droits sont inchangés.

M. Gouk: J'ai de la difficulté à voir quels droits pourraient être menacés...

M. Hunt: Ces droits découlent de la revendication territoriale. Par exemple, dans l'entente finale sur le Nunavut, l'article 24 traite des débouchés d'emploi et des possibilités de formation, en vertu de l'entente foncière. Nous estimons qu'à l'occasion de la privatisation du SNA, tous les contrats dont l'exécution se déroulerait dans les régions visées par nos revendications foncières, devraient être accordés à des groupes autochtones.

Est-ce que cela répond à votre question?

M. Gouk: Assez bien. Donc, c'est beaucoup plus une question de respect des droits que de revendication territoriale.

M. Hunt: Il est beaucoup plus question de respecter les dispositions des ententes foncières...

M. Gouk: C'est-à-dire qui touchent à vos droits.

M. Hunt: ...touchant à nos droits.

M. Gouk: Merci de cette précision.

Le président: Monsieur Jordan.

M. Jordan: Vous avez laissé entendre que, même si nous sommes rendus assez loin dans ce projet de loi, tout le processus suivi n'était pas bon et que vous n'avez pas été consulté. En fait, vous nous avez dit que vous aviez éprouvé des difficultés à faire reconnaître votre présence, et ainsi de suite. Je ne peux rien vous opposer à ce sujet.

.1025

Vous nous avez aussi rappelé certains des succès qu'ont remporté les gens d'affaire inuit.

En quoi estimez-vous que le projet de loi C-20 puisse avoir un effet aussi négatif sur vos entreprises, à propos desquelles nous sommes, je crois, tous d'accord? Vous avez fait état de certains résultats prouvant que les Inuit réussissent de mieux en mieux, d'un point de vue commercial. Ils emploient les leurs, ils réalisent des bénéfices et améliorent leur mode de vie ainsi que le sort de leurs collectivités. En quoi NAV CANADA risque-t-elle d'avoir un effet tellement négatif sur tous les efforts admirables que vous avez déployés et sur les réussites que vous avez, de toute évidence, atteints? Pouvez-vous être plus précis sur la façon dont la vapeur pourrait être renversée, au point que vos histoires à succès ne se retransforment en échecs?

M. Hunt: Selon moi, la réponse que nous avons obtenue du ministre Young, en janvier dernier, constitue la plus grande menace qui nous ait été faite. On y insinuait qu'en privatisant des opérations relevant jusque-là du gouvernement, les droits découlant des ententes sur les revendications territoriales n'étaient désormais plus reconnus. Il suffisait simplement, pour cela, de privatiser.

M. Jordan: Ce n'est pas ce que je veux dire. Ce que je veux savoir c'est en quoi le projet de loi C-20 peut avoir un effet négatif sur les réussites commerciales que vous nous avez rappelées au début de votre intervention. Concentrez-vous là-dessus. Ce projet de loi risque-t-il d'avoir un effet négatif sur les entreprises qui ont déjà réussi? Vous avez lutté pour parvenir à ce résultat, mais elles risquent de redevenir des entreprises perdantes.

M. Hunt: Cela ne changera rien aux succès du passé, mais notre réussite dans l'avenir risque d'être compromise. De toute évidence, quand on a rédigé le projet de loi C-20, on n'a pas tenu compte, selon nous, des droits que nous possédons sur nos terres, en vertu des ententes foncières. Par conséquent, nous estimons que le projet de loi présente un défaut. On aurait dû y tenir compte de nos droits en vertu des ententes sur les revendications foncières.

M. Jordan: Donc, selon vous, le projet de loi pourrait être cause de difficultés dans l'avenir?

M. Hunt: Tout à fait.

M. Jordan: Vous prenez note de cela. Vous avez dit au comité que ce n'est pas tant la situation actuelle qui vous préoccupe, mais qu'il y a des risques dans l'avenir.

M. Hunt: La situation actuelle aussi. Nous pensons que si NAV CANADA, par le truchement du projet de loi C-20, peut mettre sur pied ses opérations comme il se propose de le faire, même notre situation actuelle risque d'être menacée. Voilà pourquoi ce projet de loi est très nettement en violation des différentes ententes foncières signées, dont je viens de vous parler.

Le président: Parfait. Monsieur Hubbard, pour une brève question.

M. Hubbard (Miramichi): Je vais enchaîner sur la question de l'emploi. Pourriez-vous nous donner le nombre d'employés de votre entreprise et nous dire combien d'entre eux sont autochtones?

Deuxièmement, à propos du système dans le Nord, vous craignez que la commercialisation ne se traduise par des pertes d'emplois pour les autochtones. Avez-vous des données sur le nombre d'employés autochtones, actuellement? Quelles sont vos craintes à cet égard?

M. Hunt: Il y a deux parties à votre question. Pour ce qui est de la première partie, nous ne pouvons pas vous donner le nombre exact d'employés. Nous comptons un grand nombre d'entreprises, qui ont elles-mêmes beaucoup d'employés dans les différentes régions, un peu partout dans l'Arctique. Je dirais qu'il y en a plusieurs milliers.

M. Hubbard: Mais dans votre société, à vous, combien de vos employés sont autochtones?

M. Hunt: À PAIL, nous aurons 100 employés sur 200 qui seront autochtones à la fin de notre contrat avec le réseau de préalerte dans le Nord. Le contrat prévoit que nous formions des autochtones pour combler les postes concernés. On va nous offrir 100 postes pour la formation qui, nous l'espérons, devraient déboucher sur des emplois à temps plein.

M. Hubbard: Mais la société PAIL, elle, quelle est sa taille? Combien d'employés avez-vous? Combien d'entre eux sont des autochtones?

M. Hunt: Pour l'instant, nous comptons...

.1030

M. Don Axford (directeur général par intérim, Pan Arctic Inuit Logistics Corporation): Il vous faut savoir que PAIL est une entreprise en coparticipation mise sur pied avec Frontec Logistics Corporation. Nous avons convenu avec cette société que le personnel travaillant à la Dew Line ne serait pas employé par PAIL, mais par Frontec, de façon que nous n'ayons pas deux groupes d'employés et deux conventions collectives à gérer, etc.

Voilà pourquoi Fred a de la difficulté à répondre à votre question au sujet du nombre d'employés. C'est à cause de la façon dont nos effectifs sont répartis en vertu de notre entente de coentreprise. Il vous parlait des quelque 200 personnes qui seront employés dans le cadre du contrat portant sur le réseau de préalerte dans le Nord.

M. Hubbard: Mais je voulais très précisément savoir combien, à présent... Tous les conseils d'administration ont une idée du nombre d'employés composant l'entreprise. J'ai l'impression que si votre ambition est d'employer des autochtones, vous devez, quand votre conseil se réunit, dire... nous avons 3 000 employés dont 2 500 autochtones. Que répondez-vous à cela?

M. Hunt: Notre ambition à PAIL, monsieur, c'est de former 100 personnes que nous pourrons employer sur le réseau de préalerte dans le Nord, à la fin de notre contrat de cinq ans. Voilà l'objectif que nous poursuivons aux termes du contrat auquel PAIL est actuellement partie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Hubbard.

Monsieur Lalonde, vous vouliez faire une rapide mise au point.

M. Lalonde: Oui. sans plus, monsieur le président.

Je commencerai par vous demander de nous excuser pour notre retard, mais vous devriez peut-être parler avec les gens de la sécurité en bas, puisque nous avons été retenus dix minutes.

J'ai un exemplaire des recommandations traduites, mais malheureusement je n'ai pas encore pu rédiger de sommaire en français. Nous livrerons au comité des copies de la lettre de M. Crichton, dont parlait M. Hunt, dès que nous les aurons terminées.

Le président: Merci beaucoup. Et merci pour votre exposé.

Bon, monsieur Jenner, voyons si nous pouvons faire ça maintenant.

J'ai cru comprendre, messieurs Jenner et Lyon, que vous vous présentez aujourd'hui à deux titres différents de ceux auxquels nous avons pu vous accueillir dans le passé. Donc, je ne vous redemanderai pas de ne pas dépasser dix minutes pour nous laisser le temps de vous poser des questions.

Je considérerai que le mémoire a été lu. Merci.

Monsieur Jenner.

M. Brian Jenner (président du conseil d'administration, Conseil des associations des transporteurs aériens): Vous avez tout à fait raison, monsieur le président. Nous sommes ici, aujourd'hui, en qualité de membres du conseil d'administration du CATA.

Le Conseil des associations des transporteurs aériens est un organisme cadre qui représente les associations canadiennes de transporteurs aériens régionaux et de transporteurs à services spéciaux.

le Conseil comprend la Canadian Business Aircraft Association, la Central Air Carriers Association, le Saskatchewan Aviation Council, la Helicopter Association of Canada, la Northwestern Ontario Air Carriers Association, la Ontario Aerial Applicators Association et l'Association québécoise des transporteurs aériens.

Quand on tient compte de ses organisations membres, le CATA s'exprime au nom de quelque 200 usagers commerciaux du système de navigation aérienne, soit bien plus que n'importe quel autre association ou regroupement d'associations au Canada. En tant que représentants de ce très important segment d'usagers, nous partageons le souhait du gouvernement de mettre en place un système de navigation aérienne sûr, efficace et efficient, après que celui-ci aura été transféré au secteur privé. Cependant, outre qu'il doit respecter les impératifs liés à la réorganisation de la fonction publique, nous croyons que le système doit tenir compte des nombreuses facettes de notre industrie et en respecter la diversité.

Malgré ces objectifs que nous avons en commun, le CATA ne peut appuyer pleinement les dispositions actuelles. Selon nous, le projet de privatisation du SNA présente d'importantes lacunes en ce sens qu'il ne tient pas compte de l'intérêt du public et qu'il ne fait pas mention de la responsabilité de gestion qui incombe à NAV CANADA. Par ailleurs, ce projet n'assure aucune véritable protection contre la disparition de certains services ou l'imposition de prix inacceptables.

Nous vivons dans une société exigeant des compagnies de téléphone locales qu'elles offrent des services à presque tout le monde, mais d'après la Loi concernant la commercialisation des services de navigation aérienne civile, NAV CANADA ne sera quasiment pas tenue de maintenir les niveaux de service du SNA.

.1035

En échange du monopole accordé à NAV CANADA, monopole qui pourrait lui rapporter plusieurs centaines de millions de dollars en redevances de survol versées par des compagnies étrangères, le gouvernement canadien sera tenu, en vertu du projet de loi C-20, de compenser financièrement la société au titre des services jugés essentiels qu'elle devra offrir au public.

Dans une société où toute augmentation du tarif téléphonique mensuel doit faire l'objet d'audiences publiques, le projet de loi C-20 permettrait à NAV CANADA de fixer les prix en tant que véritable monopole privé, autoréglementé.

Tel qu'il est rédigé, le paragraphe 35(3) assure une protection relativement sournoise aux voyageurs étrangers, au détriment des voyageurs canadiens. Quand ils liront notre mémoire, les membres du comité devraient s'attarder sur la question; mais je reviendrai sur ce paragraphe à la fin de mon exposé. Pour dire le moins, tout cela est très instructif.

L'alinéa 35(1)e) obligera NAV CANADA à prélever des redevances d'atterrissage et de décollage dans des proportions aussi sournoises que celles prévues au paragraphe 35(3).

En outre, comme l'article 35 ne correspond pas aux données fournies à l'époque dans l'étude sur la privatisation du SNA, force est de conclure que l'industrie a appuyé la privatisation du SNA sur la base de données insuffisantes ou erronées. Nous avons donc mal évalué l'incidence que la privatisation du SNA pourrait avoir sur les nombreuses facettes de l'industrie aéronautique canadienne.

Les compagnies de télécommunications doivent soumettre leur politique de prix à l'approbation du CRTC. Or, NAV CANADA est responsable envers quatre personnes, qui répondent elles-mêmes plus ou moins, et de façon plus ou moins directe, aux parties concernées. Comme elle n'a même pas à rendre directement compte aux parties intéressées du milieu aéronautique, NAV CANADA ne répond pas aux critères de gestion responsable en vigueur au Canada.

Il est tout de même paradoxal que NAV CANADA, qui doit son existence à un comité consultatif constitué d'organisations de l'industrie, ne soit responsable ni envers celles-ci ni envers ceux qu'elles représentent. Les associations du milieu de l'aviation qui ont donné naissance à NAV CANADA n'ont même pas la certitude d'être invitées à siéger à son comité consultatif.

Pour le SNA, nous avons toujours appuyé le principe d'une société sans but lucratif, gérée par l'industrie. Les membres du CATA ont travaillé très fort dans ce sens, mais nous n'estimons pas que nos objectifs communs ont été atteints dans l'état actuel des choses.

Toutefois, si les recommandations contenues dans notre mémoire étaient retenues, nous croyons que le transfert du système de navigation aérienne au secteur privé pourrait recueillir l'assentiment de toutes les composantes du milieu de l'aviation.

Voilà, monsieur le président, qui met un terme à notre sommaire. Je voudrais toutefois poursuivre quelques instants pour attirer votre attention sur le point 23.2 de notre mémoire, à la page 17, qui précise les raisons pour lesquelles les membres du CATA s'inquiètent beaucoup à propos de l'intérêt du public, de la responsabilité de NAV CANADA et des politiques de prix.

Vous constaterez qu'il y a un tableau à la page 18. Je veux simplement vous indiquer que je l'ai préparé tout récemment après avoir jeté un autre coup d'oeil sur les exemples de redevances extraits de l'étude sur la privatisation du SNA, conduite à l'époque où John et moi-même faisions partie du comité consultatif.

On trouve en effet dans ce document - dont Transports Canada s'est servi à l'occasion de ses audiences itinérantes qui visaient à expliquer aux Canadiens ce que signifiait la privatisation du SNA - , plusieurs tableaux semblables à celui contenu dans notre mémoire.

Tous les tableaux du document en question, ou du moins plusieurs d'entre eux, sont fondés sur des calculs faisant intervenir la masse maximale des aéronefs au décollage, ainsi que la racine carrée et la racine 0,9 de cette même masse. J'ignorais l'existence d'une racine 0,9, mais il s'agit là d'une fonction très intéressante.

.1040

Tous les modèles économiques qui nous ont été remis reposaient sur des comparaisons entre les trois types de redevances, c'est-à-dire, entre les trois méthodes de calcul de redevance dans le cadre d'un SNA privatisé. Nous avons fondé notre décision sur ces calculs, qui partent tous du coût par aéronef.

Dans notre mémoire, nous avons converti ce modèle économique en un coût par passager. Comme vous pouvez le voir, nous avons établi une comparaison entre des avions de 9, de 16, de 64 et de 256 places. Dans la première colonne, les redevances sont calculées à partir de la masse au décollage, que nous avons tout simplement convertie en tarif par passager. D'après la masse au décollage, on obtient une redevance proportionnelle de 10 $ par passager, que tout le monde doit payer. Quel que soit le service considéré, une telle redevance n'est ni trop chère, ni trop bon marché. À l'heure actuelle, la taxe de 10 p. 100 est une redevance proportionnelle. Sur un billet de 500 $, elle représente 50 $ en redevances SNA, c'est-à-dire 25 $ pour l'aller et 25 $ pour le retour. Donc, une redevance de 10 $ par passager n'est ni excessive ni insuffisante.

Dans la deuxième colonne, vous avez les mêmes redevances - c'est-à-dire les mêmes revenus pour NAV CANADA - mais calculées en fonction de la racine carrée du nombre de places. Comme vous le voyez, dans le cas d'un avion de 9 places, on passe de 10 $ à 40 $ par passager. Pour un avion de 256 places, on passe de 10 $ à 7,50 $. Donc, quand on prend la racine carrée de la masse au décollage, le coût du SNA augmente de 300 p. 100 pour le plus petit appareil, mais il diminue de 25 p. 100 pour celui de 256 places.

Si vous passez à la dernière colonne, soit à la méthode de calcul de la redevance selon la racine 0,9 - en visant toujours les mêmes revenus pour NAV CANADA - , la redevance pour l'avion de 9 places tombe à 7,15 $ par passager, soit une diminution de 28 p. 100, et pour l'avion de 256 passagers, elle passe à 10,40 $ par passager, soit une augmentation de quatre pour cent.

Mais attention, n'oublions pas que tout cet exercice est fondé sur une répartition proportionnelle des coûts et qu'en vertu du paragraphe 35(3) il est interdit de facturer les services du SNA de façon proportionnelle. Ainsi, le scénario de 10 $ par passager n'est pas envisageable. Il est également interdit de facturer les services sur une base plus que proportionnelle, de sorte que la méthode de la racine 0,9 est, elle aussi, interdite.

Entre le moment où Transports a fini de sillonner le pays avec ses audiences pour influencer notre décision, et celui où le projet de loi C-20 vous a été présenté, quelqu'un a modifié les règles au point où nous ne pouvons même plus revenir sur les premiers scénarios qui nous ont été soumis.

En ce qui a trait maintenant à la gestion publique, j'aimerais savoir qui va décider? Le conseil d'administration. Qui en fait partie? Principalement des gens qui travaillent avec des avions de 256 places. Voilà pourquoi nous nous inquiétons sur ce plan. Voilà également pourquoi nous craignons que les choix actuels ne portent atteinte à l'intérêt du public. Il est dans l'intérêt des voyageurs canadiens d'avoir un système de redevances leur imposant le montant le moins élevé possible. Nous nous intéressons à la question de la gestion, car il est dans l'intérêt de tout le monde dans ce milieu de s'assurer que NAV CANADA est responsable envers toutes les parties intéressées, et pas seulement quelques-unes.

Le président: Merci, monsieur Jenner.

J'ai l'impression d'en être revenu au calcul de l'espace n-dimensionnel, mais nous verrons bien où nous mènent les questions.

Monsieur Mercier.

[Français]

M. Mercier: Vous dites que le projet de loi aurait été fondé sur des renseignements incomplets et erronés. Pourriez-vous nous donner des exemples?

.1045

M. Jenner: Dans le document de travail numéro 5, monsieur Mercier, qui porte sur l'étude de commercialisation du système de navigation aérienne, il y a des exemples de redevances d'utilisation.

C'est un document qui a été publié par Transports Canada au cours de l'an passé. Ce document a servi à informer le public en général de l'effet possible et probable de la privatisation. On parle de trois méthodes de calcul des frais du système de navigation aérienne.

Dans ces calculs, on utilise la méthode proportionnelle au poids de l'aéronef. L'autre méthode est plus que proportionnelle. On utilise un facteur de racine 0,9, ce qui donne systématiquement plus de frais unitaires aux gros aéronefs et moins de frais aux petits.

La troisième méthode proposée est celle de la racine carrée du poids maximal au décollage, ce qui donne une proportion négative. Plus l'aéronef est petit, plus on paie cher la livre, et plus l'aéronef est gros, moins on paie.

C'est l'information que nous avions à l'époque du comité conseil sur la privatisation et qui nous a permis d'appuyer le principe de la privatisation. Bien sûr, en tant que représentants des PME, nous avons examiné la méthode plus que proportionnelle, celle qui utilise le racine 0,9, et nous avons conclu, à tort ou à raison, que dans l'intérêt public canadien, c'est cette méthode qui devait être utilisée.

On se rappelle que la méthode qui favorise les gros aéronefs favorise d'abord et avant tout ceux qui n'atterrissent pas au Canada. Ces aéronefs représentent au-delà de 60 p. 100 de toutes les activités du système de navigation aérienne. Ces aéronefs européens et américains se rendent dans deux pays autres que le Canada. Donc, la méthode non proportionnelle, celle de la racine carrée, favorise les étrangers et la méthode plus que proportionnelle, racine 0,9, favorise les Canadiens.

Nous avons pris notre décision en nous basant sur ces renseignements; ceux-ci sont tous basés sur le poids de l'aéronef et donnent des comparaisons entre aéronefs. Tout récemment, nous avons converti les trois méthodes sur une base de passagers pour voir quel était le coût par passager.

Dans notre document, on voit que les conséquences sur le coût unitaire par passager sont très importantes, suivant la méthode de calcul choisie. Or la méthode proportionnelle est interdite par le projet de loi C-20, et la méthode du plus que proportionnel, le racine 0,9, est aussi interdite par le paragraphe 35(3) du projet de loi C-20.

M. Mercier: Le projet de loi retient laquelle des trois?

M. Jenner: On ne sait pas exactement laquelle. On sait que c'est moins que proportionnel. On peut espérer que ça arrête à la racine carrée.

M. Mercier: À la page 18, où on reprend vos chiffres, vous privilégiez la troisième colonne?

M. Jenner: Oui, absolument.

M. Mercier: Mais la troisième colonne est interdite par le projet de loi. Donc ce serait la première ou la seconde.

M. Jenner: Vous avez très bien compris, mais la première est interdite aussi.

M. Mercier: Alors, ce serait la deuxième.

M. Jenner: La deuxième est permise.

M. Mercier: À la deuxième, il y a un petit «2» à droite. Ce n'est pas bon?

M. Jenner: Le petit «2» réfère au fait que c'est less than proportionate charges.

M. Mercier: Ce n'est pas le carré d'un carré?

M. Jenner: Non, c'est un renvoi de bas de page.

M. Mercier: Donc, globalement, cela veut dire que le projet de loi favorise les gros avions, et donc en grande partie les étrangers, et défavorise les Canadiens.

M. Jenner: Absolument et inévitablement.

M. Mercier: Merci.

.1050

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Mercier.

Monsieur Gouk.

M. Gouk: Merci, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord confirmer ce que je pense vous avoir entendu dire. Vous êtes d'avis que les aéronefs étrangers survolant le territoire représentent 69 p. 100 des mouvements aériens.

M. Jenner: J'ai dit qu'ils représentent plus de 60 p. 100 de la circulation. Je me fie aux données que m'ont transmises des personnes beaucoup plus au courant de cette question que je ne le suis, mais je pense qu'à notre dernière réunion du comité consultatif, Dave a indiqué qu'il s'agissait de 63 p. 100.

M. Gouk: C'est intéressant. Ce pourcentage a dû énormément changer depuis l'époque où j'étais contrôleur de la circulation aérienne, car je n'ai jamais vu un tel nombre de survols d'appareils étrangers.

M. Jenner: Peut-être n'est-il question que de l'espace aérien supérieur, je n'en suis pas sûr. Mais, de toute évidence, la proportion d'aéronefs étrangers survolant le territoire est très élevée.

M. Gouk: Très bien.

Si je comprends bien, ce qui vous inquiète, c'est la façon dont fonctionne cette redevance passager. La société NAV CANADA n'a-t-elle pas l'intention de fixer les redevances en fonction du mille parcouru? La redevance n'aurait alors rien à voir avec la masse au décollage ni avec le nombre de places, elle serait plutôt fonction de la distance franchie. Il s'agirait d'une redevance calculée au mille parcouru et exigée au titre des services fournis par NAV CANADA.

M. Jenner: Nous ne savons pas exactement ce que va faire Transports Canada. Nous ne pouvons que...

M. Gouk: Nous parlons actuellement de NAV CANADA.

M. Jenner: En effet, nous parlons de NAV CANADA. Nous ne savons pas ce que la société va faire. La loi interdisant l'application de redevances proportionnelles calculées en fonction de la masse, nous devons supposer qu'elle interdit toute autre redevance proportionnelle, quelle qu'elle soit.

Le président: M. Lyon voudrait ajouter quelque chose.

M. Gouk: Pourrais-je avoir quelques explications sur un aspect qui me préoccupe? Vous avez dit que vous voulez des redevances proportionnelles, même si ce doit être en fonction de la distance parcourue. Je vous rappelle que plus les avions sont gros, plus ils volent vite. Si NAV CANADA fournit des services d'un point à un autre, si elle assure l'espacement horizontal et l'espacement latéral et si elle fournit des renseignements sur le trafic et sur la météo, etc., sauf à quelques exceptions près, l'avion petit porteur mettra plus de temps pour franchir la même distance et, par conséquent, il aura besoin de plus de services que l'avion gros porteur.

M. Jenner: Il ne s'agit pas de vitesse. Cette question concerne plutôt les voyageurs qui veulent se rendre de A à B. Peu importe la vitesse à laquelle vous vous y rendez. Ce qu'ils veulent savoir c'est combien cela va leur coûter. Ainsi, si vous imposez des redevances proportionnelles sur une distance donnée, les voyageurs n'auront aucun intérêt à prendre des avions moyens ou gros porteurs, et ils ne verront donc pas d'inconvénient à prendre un petit porteur. Cependant, si les redevances sont moins que proportionnelles, ils n'auront pas du tout intérêt à voler sur un petit porteur. Le chiffre de 40 $ par passager, comme je l'ai dit, n'est pas exagéré. Ce montant est très raisonnable et très réaliste. Pour un avion de 9 places, cela donne - combien cela donne-t-il? - 360 $ par vol pour l'aller et 360 $ pour le retour.

M. Gouk: J'aimerais poser une dernière question, si vous me le permettez. Quelle que soit la capacité dans laquelle vous allez répondre - je pense que ce devrait beaucoup plus être dans celle que vous avez déjà eue ici précédemment que dans celle-ci, mais ce pourrait être l'une comme l'autre - pourriez-vous me dire si la question de la représentation vous inquiète? Vous êtes-vous entretenu avec NAV CANADA pour que vous-même ou votre organisation soyez invité à siéger au conseil d'administration?

M. Jenner: Il y a effectivement eu des discussions à la dernière réunion du comité consultatif concernant la représentation au conseil d'administration du CATA. Le comité chargé de la constitution en société y a opposé son refus, et le ministre des Transports a, quant à lui, refusé de s'en mêler.

M. Gouk: Vous nous dites donc que votre organisation aurait aimé ce siège, mais...

M. Jenner: Nous l'avons réclamé, nous avons fait tout notre possible pour être représentés au conseil.

M. Gouk: Parfait, merci.

Le président: Jim.

M. Jordan: Je vais revenir en arrière et repartir de la page 18. Si ce n'est pas la bonne façon de fixer les redevances pour l'utilisation des services, que proposez-vous?

M. Jenner: Je propose que la gestion de NAV CANADA... Nous recommandons que le conseil d'administration de NAV CANADA rende des comptes à une assemblée constituante composée de représentants de toutes les associations, à l'instar du comité consultatif...

M. Jordan: Non, non. Je regarde le côté pratique. Si vous dites que ce n'est pas la bonne façon de déterminer les coûts par passager, alors que faut-il faire? À partir de quoi feriez-vous les calculs, le poids de la personne peut-être? Comment vous y prendriez-vous?

.1055

Le président: Du calme!

M. Jordan: Vous êtes à court d'arguments, M. Alcock. Vous vous répétez.

Il me semble que c'est là une façon assez raisonnable de faire les choses, mais si ce n'est pas le cas, dites-nous comment vous vous y prendriez.

M. J.D. Lyon (membre du conseil, Conseil des associations des transporteurs aériens): Monsieur le président, puis-je me permettre d'avancer une réponse et de donner un exemple précis? Le gouvernement du Canada a fixé des redevances pour le segment en route, qui sont calculées d'après la taille de l'aéronef et la distance parcourue.

Laissez-moi vous donner un exemple. Pour la partie de l'espace canadien que traverse un 747 reliant New York à Paris, les redevances seront d'environ 2 $ par passager. Pour un avion de 19 places, sur la même route, la redevance sera de 17 $ par passager.

Dans le présent mémoire et dans celui que je vous ai remis un peu plus tôt, nous laissons entendre qu'il faudrait examiner les répercutions des calculs de redevance, car celle-ci pourrait être plus élevée dans le cas des appareils exploités par les transporteurs régionaux.

Si la redevance est proportionnellement beaucoup plus élevée pour un petit porteur, sur courtes distances, le billet coûtera beaucoup plus cher à un passager de Dash 8 de 28 places qu'à un passager de 767. C'est en fait ce qui se produit avec la taxe sur le billet; si vous prenez un vol à destination d'outre-mer, il y a un poids limite au-delà duquel vous ne payez rien. Sur un vol local, le coût est proportionnellement plus élevé.

Nous ne voulons pas dire pour autant que tout le monde devrait payer la même chose mais que, grâce à un examen plus attentif de la formule de calcul on devrait pouvoir éviter que le prix du billet soit élevé au point de décourager les passagers d'utiliser les transporteurs régionaux ou locaux.

M. Jordan: Vous faites cependant un calcul proportionnel, en prenant le nombre de personnes qui ont utilisé le service, et cela semble logique. Ainsi, si moins de personnes s'en servent parce que le Dash 8 parvient plus vite qu'un autre à pleine capacité, le prix des billets ne sera-t-il pas fonction du fait que moins de passagers utilisent le même service? Si on avait un meilleur service, un service plus confortable et plus rapide, cela ne se ressentirait-il pas sur le prix du billet?

M. Lyon: Très souvent, les passagers de ces petits appareils voyagent moins vite et dans des conditions moins confortables. Si vous imposez une taxe sur le billet dans une proportion identique, entre Calgary et Edmonton vous ajouterez peut-être 15 à 19 $ sur le prix de base. En agissant ainsi, vous inciterez davantage de passagers à éviter l'avion et à prendre l'automobile. Ce coût est proportionnellement plus élevé pour les courtes distances lorsqu'on voyage à bord d'un petit avion.

M. Jordan: La tendance serait donc, pour des raisons économiques, de prendre un gros plutôt qu'un petit porteur.

M. Lyon: Bien sûr, nous devrions tous prendre un 747 entre deux villes au Canada parce que c'est l'avion le plus confortable. Les aéroports ne peuvent les accueillir, le volume de clientèle est insuffisant, et les forces du marché...

Pour les déplacements en Twin Otter entre deux villes dans les Territoires du Nord-Ouest, parce que c'est là le genre de marché qui est viable, il faut s'intéresser à l'incidence des redevances qui viennent s'ajouter au prix de base et à la façon dont le transporteur, ou bien l'exploitant commercial, l'exploitant du service d'affrètement, va répartir ces coûts sur les passagers afin de les récupérer.

Je dis qu'il faut faire attention - bien que rien ne soit arrêté et qu'il y aura certaines différences proportionnelles en raison des économies d'échelle - , il ne faut pas imposer de fardeau excessif à ces exploitants locaux.

M. Jenner: Monsieur Jordan, pour aller, disons, de Castlegar à Penticton, il n'est pas question de prendre un 747. Le fait est que si l'avion est trop cher, les gens voyageront par la route et nous perdrons des clients. Notre propre système de transport aérien va être désavantagé, et ceux qui y gagneront seront les transporteurs aériens étrangers survolant le Canada.

M. Jordan: Que voulez-vous dire en parlant de prix inacceptables dans votre sommaire? NAV CANADA est censée être une société sans but lucratif. Ce fait à lui seul ne devrait-il pas avoir des répercussions sur les prix de NAV CANADA? Du fait qu'il s'agit d'une société sans but lucratif, il n'y a donc aucun stimulant. Ce n'est pas comme quand il faut rentabiliser des actions, par exemple. Ne devrait-il pas y avoir un certain contrôle? Est-ce risqué?

.1100

M. Jenner: Tout dépend de la personne qui prend la décision et des parties intéressées à qui elle rend des comptes. Si elle dépend principalement des transporteurs assurant des vols internationaux, ou bien si elle a des affinités avec ces derniers, il se pourrait bien que nos services locaux et régionaux soient en sérieuses difficultés.

M. Jordan: Voilà quelque chose sur lequel vous allez devoir vous pencher, n'est-ce pas?

Le président: Monsieur Keyes, vous avez droit à une question supplémentaire de 30 secondes.

M. Keyes: M. Jenner n'ignore certainement pas que NAV CANADA va imposer des redevances sur les survols de notre pays. Il sait aussi certainement que, dans la plupart des cas, il s'agit d'aéronefs dont les propriétaires sont étrangers, par exemple KLM ou British Airways, qui paient déjà des redevances pour de tels survols partout en Europe. Le fait de payer des redevances pour des survols n'a rien de nouveau.

Est-il au courant que NAV CANADA va prendre l'intégralité de l'argent? On estime qu'un tiers des revenus de NAV CANADA viendront des survols. Le fait qu'une société sans but lucratif prenne cet argent permettra-t-il de réduire les redevances imposées à la clientèle des vols intérieurs, voire de rendre possible l'application de redevances forfaitaires moins élevées pour les petits porteurs et les petites compagnies transportant des passagers sur des vols intérieurs?

M. Lyon: Absolument pas. En vertu des lignes directrices de l'OACI qui traitent de l'établissement des tarifs, l'interfinancement est interdit. Regardez ce qui s'est passé dans le domaine de la perception des redevances dans l'Atlantique Nord, pour la partie de l'espace aérien dont nous nous occupons; les compagnies aériennes sont venues nous voir, elles ont examiné les registres, ont vérifié tous les coûts et les ont ventilés. La communauté internationale examine de près la base des coûts. Si elle découvre que vous faites de l'interfinancement au profit de vos opérations nationales de quelque manière que ce soit, en augmentant les redevances de vos services en route, alors...

M. Keyes: Mais vous en tiendriez compte dans les redevances calculées selon la masse, d'après un montant forfaitaire.

M. Lyon: Mais vous avez une base de coûts. Vous avez une structure pour laquelle vous avez payé un certain montant. Vous avez un nombre x d'employés et des coûts d'exploitation permanents. Tout cela doit être pris en compte pour fixer les redevances.

M. Keyes: Précisément, c'est ce qu'espère accomplir NAV CANADA.

M. Lyon: Il ne peut s'agir d'interfinancement.

Le président: Merci beaucoup.

M. Jenner: Nous ne nous attendons pas à ce qu'il y ait des montants forfaitaires pour des appareils de cette taille, soit de 9 et de 16 places.

Le président: Merci, monsieur Lyon. Monsieur Jenner, c'est toujours un plaisir de vous voir.

M. Lyon: Merci, monsieur le président.

Le président: Madame Kuptana. C'est vous, jusqu'ici, qui remportez la bataille des mémoires, au poids, bien que le ministère soit largement en avance sur tout le monde.

Je vous souhaite la bienvenue, madame Kuptana. Vous êtes une habituée de ce genre d'audiences. Nous demandons à ce que les témoins limitent leurs observations liminaires à 10 minutes environ, après quoi nous consacrons un certain temps aux questions. Nous ne disposons que d'une demi-heure en tout.

Mme Rosemarie Kuptana (présidente, Inuit Tapirisat du Canada): Merci, messieurs.

Comme je viens de très loin, j'aimerais pouvoir soulever les points très importants que la communauté inuit a portés à mon attention.

.1105

Vous n'êtes pas sans savoir que l'ITC est l'organisation inuit nationale qui représente les 40 900 Inuit du Canada vivant dans quatre grandes régions de revendications territoriales inuit, soit l'Arctique de l'Ouest, le Nunavut, le Nord du Québec et le Labrador. En raison des ententes sur les revendications territoriales, nous sommes les plus grands propriétaires de terres de ce pays.

Je suis accompagnée aujourd'hui par Me Paul Lalonde, avocat, que vous avez rencontré ce matin. Paul nous conseille sur la question de la privatisation et il sera en mesure de m'aider sur les questions juridiques ou techniques que vous pourriez soulever et auxquelles je ne pourrais répondre, ou bien encore pour les questions en français.

Je suis ici pour appuyer le mémoire déposé par M. Fred Hunt, et aussi pour vous informer, messieurs, des très graves préoccupations que soulève au sein de notre organisation nationale le projet de loi C-20 ainsi que le processus qui mène à son dépôt devant la Chambre des communes.

Je crois comprendre que le comité a reçu notre mémoire qui a été remis au greffier ce matin. Il comporte les détails de notre participation à cette question jusqu'à présent, ainsi que la correspondance échangée avec le bureau du ministre des Transports, et une analyse de nos droits en matière de revendications territoriales en ce qui concerne, selon nous, le processus de privatisation et les activités de NAV CANADA après la privatisation dans les régions nordiques ou isolées.

J'espère sincèrement que le comité et les autres parlementaires feront cas de notre mémoire et que vous nous demanderez toutes les explications ou éclaircissements que vous jugerez nécessaires.

Pour vous situer un peu, sachez que je suis une Inuvialuk de l'Ouest de l'Arctique, plus précisément de Sachs Harbour. J'ai été élevée dans le Nord où je réside la plupart du temps. Je suis née dans un iglou à une époque où mes parents étaient encore nomades.

Ce matin, j'ai entendu le témoignage de M. Fred Hunt et je dois dire que je suis entièrement d'accord avec lui. Le Nord a énormément changé pendant mon existence, ainsi que vous pouvez vous en rendre compte. Je me souviens, moi aussi, de l'époque où il n'existait pratiquement aucune entreprise autochtone dans le Nord. Vous comprendrez très bien que les Inuit et les Inuvialuit que je représente ont lutté très fort pour parvenir aux succès commerciaux dont M. Hunt a fait état, et vous comprendrez que nous sommes naturellement fiers des entreprises que nous avons mises sur pied.

Bien que nous soyons fiers des réalisations de nos entreprises, nous voulons que le comité comprenne que les collectivités du Nord connaissent toujours une grave crise économique. Par exemple, monsieur le président, le Nord connaît le taux de chômage le plus élevé du pays. Je suis certaine que vous n'ignorez pas ce fait. En outre, c'est chez nous que le coût de la vie est le plus élevé. Les transports aériens dans le nord du Canada sont probablement les plus chers du pays.

Les modestes avantages d'affaires que nous confèrent les ententes sur les revendications territoriales ne s'évaluent pas simplement en dollars et en cents. Il s'agit de moyens qui permettent d'alléger les véritables difficultés que connaissent nos collectivités.

Je vais simplement vous entretenir un peu de la participation d'ITC à cette question, jusqu'à présent. À l'automne dernier, lorsque des représentants de PAIL nous ont expliqué les difficultés qu'ils rencontraient pour participer au processus de privatisation du SNA, nous avons immédiatement reconnu l'importance du principe en jeu. Notre lettre au ministre Young, datée du 3 novembre 1995, précise bien l'importance que revêtent ces questions pour nous.

.1110

Nous avons été déçus, à tout le moins, par la fin de non recevoir de M. Young. Nous avions espéré qu'après avoir consulté le ministère de la Justice et celui des Affaires indiennes et du Nord, le ministre Young reconnaîtrait de bonne foi que nous étions fondés à réclamer une participation au processus, et qu'il aurait avisé son ministère en conséquence.

Au lieu de cela, nous avons essuyé un refus pur et simple, aussi nous n'avons eu d'autres solutions que de demander à ses fonctionnaires de porter notre lettre à l'attention de NAV CANADA. Ainsi que vous l'avez entendu de la bouche même de M. Hunt ce matin, nous avons appris par la suite que même cela n'avait pas été fait.

L'ITC juge inacceptable la réponse du ministre Young. Elle témoigne d'une profonde ignorance de la portée, de la nature et de l'objet de nos ententes foncières et de nos droits en matière de revendications territoriales. Cela démontre également que le gouvernement fédéral ne prend pas très au sérieux ses obligations fiduciaires envers les peuples autochtones.

Nous constatons par ailleurs que, pour ce qui est des lendemains de la privatisation, le projet de loi C-20 vise une vaste gamme de droits qu'on associe habituellement à une société d'État plutôt qu'à une entreprise commerciale. Il est question du droit au service public des employés de Transports Canada, du droit de la population à bénéficier de services de la navigation aérienne qui soient sans danger et à un coût abordable, et de droits linguistiques. En outre, NAV CANADA sera assujettie aux obligations du gouvernement énoncées dans les traités internationaux. Nous pensons qu'il n'y a aucune raison pour que les droits des autochtones en matière de revendications territoriales ne soient pas explicitement garantis de la même façon que d'autres droits dans le projet de loi C-20.

Je voudrais dire quelques mots au sujet de la nature et de la portée des droits en matière de revendications territoriales que nous essayons de garantir ici, aujourd'hui. Comme notre mémoire aborde certains aspects dans le détail, je ne propose pas d'examiner ces droits un par un. Cependant, je voudrais que le comité soit bien conscient de deux choses: ces droits n'imposent rien de particulier à un entrepreneur éventuel, mais ils sont d'une importance capitale pour le développement économique du Nord.

Ainsi que nous l'expliquons dans notre mémoire, nos droits en matière de marchés publics et de développement économique, précisés dans nos ententes sur les revendications territoriales, n'imposent à aucun entrepreneur éventuel, ni restrictions onéreuses, ni contingentement des emplois. Ils ont principalement pour objet de garantir que les Inuit et les Inuvialuit ont une chance équitable de soumissionner sur des projets.

Même si les entreprises autochtones jouissent d'une certaine préférence, elles restent assujetties aux principes d'une bonne gestion de l'approvisionnement et de la compétitivité. Cela garantit qu'aucune entreprise non compétente ou inefficace n'obtiendra le travail.

Ceux et celles qui ont déjà eu affaire avec des entreprises inuit ou inuvialuit, que ce soit dans le cadre de contrats d'approvisionnement ou d'accords de coopération et de participation, en connaissent le professionnalisme, la compétence et la qualité du travail. Ainsi, NAV CANADA n'a pas à craindre d'être liée par les ententes foncières autochtones. Celles-ci ne feront pas obstacle aux opérations de NAV CANADA dans le Nord. En fait, elles les faciliteront plutôt.

.1115

Le deuxième aspect touchant à nos droits en matière de revendications territoriales, et que j'aimerais porter à l'attention du comité, est celui de leur importance déterminante pour nos collectivités. Comme l'a dit M. Hunt, contrairement aux entreprises du Sud, les entreprises autochtones emploient des locaux et réinvestissent leurs profits dans leurs communautés. Elles constituent en quelque sorte des centres de formation de grande valeur pour les jeunes, et donnent aux Inuit et Inuvialuit un sentiment de fierté et d'accomplissement. C'est quelque chose de rare dans certaines de nos collectivités, mais surtout chez les jeunes Inuit.

Le fait que nos ententes sur les revendications territoriales nous garantissent une chance égale d'obtenir un contrat est très important. Par le passé, quand nous n'obtenions pas un contrat, nous pouvions nous demander si ce n'était pas parce que les règles du jeu étaient contre nous. Aujourd'hui, si nous ne remportons pas un appel d'offres administré conformément au processus énoncé dans les ententes foncières, nous savons au moins que nous avons été battus par une meilleure proposition et non pas à cause de préjugés systémiques ou de l'ignorance de certains.

En vertu du régime des revendications territoriales, nous savons que les règles de base sont justes et qu'il vaut la peine de poursuivre nos efforts. Étant donné notre histoire, de telles assurances sont pour nous extrêmement importantes.

Je ne pense pas que ce soit le lieu ni le moment de vous faire un très long discours sur l'obligation fiduciaire du gouvernement fédéral ou sur son devoir envers les Canadiens autochtones, mais je ne peux résister à la tentation de souligner qu'il nous est très difficile de ne pas ressentir un certain cynisme vis-à-vis du rôle du gouvernement en la matière.

Vous voyez, quand cela peut servir ses objectifs - par exemple s'opposer à la souveraineté du Québec - , le gouvernement conçoit ses obligations en matière de défense des intérêts autochtones de façon plus large, pour ne pas dire plus agressive. Toutefois, quand vient le moment de défendre nos intérêts dans des initiatives moins apparentes, alors le gouvernement fédéral adopte bien souvent une attitude très réservée. Soudainement, pour reprendre les mots de M. Young, il devient «inapproprié et irrationnel» de défendre nos droits.

Devant l'accumulation d'exemples comme celui de la privatisation du SNA, une chose devient de plus en plus certaine: nous ne pouvons pas ignorer que le gouvernement fédéral pourrait de nouveau agir contre nos intérêts en matière de revendications territoriales. Nous devons donc nous montrer plus que jamais vigilants, même contre les institutions qui disent vouloir nous défendre et être nos fiduciaires.

Pour terminer, je voudrais faire une remarque d'ordre général, et remercier les responsables de NAV CANADA de la bonne foi dont ils ont fait preuve récemment. Nous sommes d'avis que leurs efforts pour en arriver à des ententes avec PAIL sont sincères. Toutefois, l'expérience nous a appris que les bonnes intentions envers nous ne suffisent pas. Nous ne voulons pas nous retrouver dans une position où notre capacité à participer à des projets ayant des répercussions sur notre terre dépende entièrement de la bonne volonté des responsables de NAV CANADA.

Notre expérience nous dicte en effet qu'il est indispensable que nos droits soient reconnus et compris à l'avance. Ce faisant, nous pouvons ainsi évaluer convenablement les droits qui nous reviennent, et les parties qui traitent avec nous sont mieux à même d'anticiper la nature et l'ampleur de notre participation à leurs entreprises dans le Nord.

Comme vous le voyez, quand nos droits ne sont pas clairement énoncés et compris, cela donne lieu à une certaine confusion, à des surprises et à des différends. Nous sommes convaincus que grâce à la mise en application de nos recommandations, on pourrait éviter, et on évitera, tout conflit avec les groupes autochtones concernés relativement à leur participation dans les opérations du SNA dans les régions nordiques ou éloignées. Cela sera beaucoup mieux non seulement pour les Inuit et les Inuvialuit que nous représentons, mais aussi pour NAV CANADA et le gouvernement.

.1120

Monsieur le président, je voudrais vous remercier du temps que vous m'avez accordé, même s'il a été très bref.

Le président: Mais vous avez su fort bien le mettre à profit, madame Kuptana.

Monsieur Gouk.

M. Gouk: Il semble que nos témoins se livrent concurrence quant à la taille de leur mémoire, parce que celui de PAIL était déjà très épais. En regardant rapidement votre mémoire, parce que je n'ai pas eu l'occasion de le voir avant, j'ai l'impression qu'il ressemble beaucoup à celui de PAIL, que nous a présenté M. Hunt, quant au contenu et à l'intention poursuivis. Il nous faudra très certainement du temps pour en prendre connaissance.

Je vais poser deux questions que je me propose de vous adresser à vous, maître, parce qu'elles sont liées. Je voudrais simplement que vous me confirmiez votre position. Si vous aviez les connaissances ou les compétences voulues pour fournir un certain service à un prix concurrentiel à NAV CANADA, société désireuse de limiter ses coûts dans toute la mesure du possible, vous n'aimeriez pas que celle-ci engage un concurrent plus cher ou moins apte à réaliser le contrat; d'un autre côté, la société ne devrait pas être obligée de vous engager si elle pouvait retenir les services d'une autre entreprise plus rentable ou plus compétente. Donc, s'il était plus logique de vous engager, il n'y aurait aucune raison que la société ne le fasse pas? En revanche, s'il était plus logique d'engager quelqu'un d'autre, la société ne devrait-elle pas avoir le droit de le faire?

M. Lalonde: Vous soulevez plusieurs points et je vais faire de mon mieux pour essayer d'y répondre.

Les ententes foncières protègent essentiellement nos droits en matière de procédure, de sorte que nous ayons la garantie que la procédure ne se retournera pas contre nous, qu'un contrat ne sera pas accordé à telle ou telle entreprise dont le président joue au golf avec son homologue de NAV CANADA. Je ne suggère pas que c'est ce qui va se passer, mais au moins, quand les règles relatives aux ententes foncières sont respectées, nous avons la certitude qu'elles sont équitables et qu'il vaut la peine, pour nous de faire des efforts pour obtenir les contrats.

Si, à l'analyse de deux soumissions, l'une émanant d'une entreprise du Sud et l'autre d'une entreprise du Nord, NAV CANADA estime qu'il y a égalité - que rien ne les divise, ni quant au prix ni quant à la prestation des services, etc. - , la société pourra alors appliquer notre droit de préférence découlant des ententes foncières. C'est parce que nous résidons sur place, que nous sommes ici, qu'il a été décidé dans les ententes sur les revendications foncières - en tant que question de principe - , que les entreprises autochtones obtiendraient le contrat dans de telles situations.

J'espère que cela répond aux points que vous avez soulevés.

M. Gouk: Pour l'essentiel, je pense. Donc, vous acceptez l'idée que si la société peut obtenir de meilleurs services d'une autre entreprise, elle ait le droit de l'engager.

M. Lalonde: Oui, et toute autre personne morale accordant des contrats dans le Nord, notamment les autres ministères fédéraux, le savent. Il y a actuellement, dans le Nord, des contrats en cours d'exécution qui ont été accordés à la suite de soumissions que des entreprises autochtones des territoires ont perdues, parce que leurs prix étaient plus élevés que ceux de l'entreprise du Sud, qui a finalement remporté le marché. Nous l'acceptons. Nous voulons simplement avoir la certitude que les règles pour lesquelles nous nous sommes tellement battus, et qui nous garantissent l'application équitable de la procédure prévue, soient respectées.

Mme Kuptana: Nous voulons essentiellement que le gouvernement fédéral s'en tienne à l'esprit et à la lettre des ententes qu'il a conclues avec nous. Cela ne veut pas forcément dire que chaque fois qu'un contrat devra être octroyé dans le Nord, il devra revenir à une entreprise autochtone; mais tout le monde doit avoir une chance de le remporter, notamment ceux qui ont été victimes de discrimination dans le passé.

M. Gouk: Donc, ce qui vous préoccupe surtout, ce sont les situations limites où aucun soumissionnaire ne se détache plus qu'un autre. C'est dans ce genre de situation que vous voulez bénéficier d'une préférence, si celle-ci n'impose pas de difficultés exceptionnelles à NAV CANADA.

.1125

M. Lalonde: Tout à fait. Dans les ententes foncières, toutes les dispositions concernant les marchés sont conditionnées à une gestion saine des approvisionnements. Autrement dit, les contrats accordés doivent être économiquement viables. Il n'est pas ici question de projets de rattrapage. Il n'est pas question que ces contrats soient des compléments aux programmes d'assurance-chômage et d'aide sociale. Ils ne sont pas destinés à cela.

M. Gouk: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Keyes.

M. Keyes: Merci, monsieur le président.

Je tiens à remercier notre témoin. Je suis conscient qu'elle a dû faire un long voyage pour venir nous rencontrer. Nous lui en sommes très reconnaissants. Son exposé a été très complet, et il est allé droit au but, et je veux l'en remercier.

Mais je lui rappelle, en passant, que M. Young n'est plus ministre des Transports. Nous en avons un nouveau, en la personne de David Anderson, qui est, lui aussi, au fait des préoccupations que votre groupe et d'autres sont venus exprimer devant ce comité.

Voici la question que je veux vous poser, Rosemarie. Votre organisme craint-il que NAV CANADA ne fasse pas preuve d'une conscience sociale d'entreprise et ne prenne pas les dispositions voulues aux termes de ses obligations contractuelles?

Mme Kuptana: Comme je l'ai indiqué très clairement dans mon exposé, Stan, nous sommes venus vous dire que le gouvernement fédéral a conclu un accord avec les régions Inuit, sous la forme des ententes foncières. Ce que nous disons, c'est que les dispositions de ces ententes, en ce qui a trait à la mise sur pied de NAV CANADA et au processus de privatisation, doivent être respectées. Il ne suffit pas que le gouvernement fédéral ou NAV CANADA se déclare près à respecter cet accord. Les deux parties doivent faire preuve d'une volonté juridique et politique.

M. Keyes: N'est-ce pas ce dont il s'agit, dans une certaine mesure, autrement dit beaucoup plus d'une volonté politique que d'une volonté juridique? Quand on analyse la question sous l'angle strictement juridique - je dois m'adresser à M. Lalonde - on se rend compte qu'on est en présence d'accords conclus entre le gouvernement fédéral et Transports Canada, etc., auxquels nous sommes tenus, que nous respectons et que nous appliquons. Mais voilà que se présente dans le paysage un organisme privé, sans but lucratif, qui vous dit qu'il va prendre la relève, qui vous fait part de cette idée et qui veut savoir ce que vous en pensez. L'idée en question n'émane pas du gouvernement fédéral. Elle vient de l'extérieur. Les gens font leur présentation. Le gouvernement fédéral comprend le projet et admet qu'il peut être économiquement viable, que les principes de la libre concurrence seront respectés, et ainsi de suite, et il admet que c'est une bonne idée du point de vue juridique. Serions-nous tenus de demander à une société sans but lucratif hypothétique, de respecter l'accord que nous avons convenu avec l'autre partie?

M. Lalonde: Pour vous répondre d'une façon tout à fait profane, je vous dirais simplement que oui.

M. Keyes: Non, en fait, je veux que vous me répondiez à la façon d'un initié, d'un avocat. Je connais votre position d'un point de vue politique, je veux la connaître d'un point de vue juridique.

M. Lalonde: Mais je peux aussi justifier ma réponse positive.

M. Keyes: Sommes-nous légalement tenus de respecter les termes de l'accord? Bien sûr, cette question devrait éventuellement être tranchée par les tribunaux, si vous voulez aller aussi loin que cela.

M. Lalonde: Permettez-moi de vous donner une idée du raisonnement que nous tiendrions devant les tribunaux et je pense qu'il tient la route.

Quand le gouvernement exploite les actifs en question, qu'il fournit ces services et conduit ces entreprises dans le Nord, sur des territoires visés par nos revendications foncières, il le fait en étant soumis à certaines obligations. Sur un plan constitutionnel, le gouvernement n'a pas le droit, au Canada, d'instaurer ce qu'il appelle le SNA dans le Nord, sans soumettre cette entreprise à nos droits en matière de revendications territoriales. C'est ce que dit l'article 35 de la Constitution.

.1130

Et quand le gouvernement transfère tout le St-Frusquin à quelqu'un d'autre, c'est-à-dire les actifs, les services et le reste, il ne peut en même temps transférer ce qu'il ne possède pas lui-même, c'est-à-dire le droit d'exploiter le SNA sans tenir compte de nos droits territoriaux.

M. Keyes: Pour conclure, monsieur le président, je vous promets que je soulèverai cette question auprès des représentants de NAV CANADA, quand nous les verrons. Je crois que nous les accueillons jeudi prochain. C'est jeudi qu'ils comparaîtront devant le comité. Je veux leur soumettre cette question et savoir s'ils ont quoi que ce soit de nouveau à nous révéler à ce propos. Je vous remercie.

M. Lalonde: À nous révéler... sur un plan juridique ou simplement...? Je ne vois pas.

M. Keyes: Je n'aurais peut-être pas dû employer le verbe «révéler», je voulais plutôt parler de la considération que NAV CANADA aura peu accorder à la chose, en plus de ce dont il a déjà été question.

Le président: Merci. Je suis toujours nerveux quand des avocats prennent la parole. Mais je pense, madame Kuptana, que vous nous avez précisé - et c'est certainement indiqué dans la lettre de NAV CANADA - que les gens sont disposés à travailler sur cette question, que nous n'en sommes pas rendus au stade du recours en justice. Vous êtes simplement en train de nous rappeler qu'il existe certaines obligations auxquelles...

Mme Kuptana: Il existe des obligations, au nom du gouvernement fédéral, qui consistent à s'assurer que les droits que le gouvernement a négociés avec les Inuit et qu'il leur a reconnus, sont respectés et qu'ils continueront de l'être pour toute activité touchant les Inuit, en territoire inuit. C'est cela que nous disons, monsieur le président. Dès que les dispositions auront été prises en ce sens, nous serons tout à fait disposés à nous asseoir n'importe quand avec NAV CANADA pour définir un cadre de collaboration.

Le président: Merci.

Nous accueillons maintenant R.L. Richardson, de l'Association du groupe de la navigation aérienne. monsieur Richardson, pendant que vous vous préparez, je vous rappelle, comme je l'ai fait à plusieurs témoins que vous disposez d'environ dix minutes pour votre exposé afin que les membres du comité aient le temps de vous poser des questions.

M. R.L. Richardson (président, Association du groupe de la navigation aérienne): Bonjour, monsieur le président et messieurs les membres du comité. Je tiens à vous remercier de m'avoir donné la possibilité de comparaître devant vous ce matin pour exprimer les préoccupations de l'Association du groupe de la navigation aérienne. Si cela convient au président et aux membres du comité, j'aimerais que nous annulions la deuxième moitié de notre présentation. On nous avait accordé une heure; ce matin, je me suis entretenu avec votre greffier. M. Moody devait faire une présentation pour nous, mais j'aimerais inviter Ken à se joindre à moi ce matin pour que nous puissions, je l'espère, faire tout cela en 30 minutes, vous économiser une demi-heure de votre temps et vous alléger d'un problème.

Le président: Tout à fait, nous sommes toujours favorables à ce genre d'arrangement.

M. Richardson: Bon! Ken se joint à moi et il est tout à fait normal que je vous le présente. Nous avons exprimé plusieurs préoccupations au président et chef de la direction de NAV CANADA, mais nous avons été en partie rassurés à l'occasion d'une conversation téléphonique avec lui, vendredi dernier. Je vous présente M. Moody, CAI qui va intégrer NAV CANADA. Nous nous attendons à ce que 70 de nos pilotes, sur les 500 que nous comptons, passent à NAV CANADA. M. Moody a été commandant d'escadre sur des C-130 Hercules et il a également passé trois ans à Moscou en tant qu'attaché de l'air de notre ambassade en URSS. Tout comme moi, il a passé sa vie dans le milieu de l'aviation et je pense qu'il sera en mesure de vous éclairer sur toutes les questions que vous pourriez avoir.

L'AGNA représente 563 pilotes, répartis entre les divers éléments de l'aviation civile au Canada, y compris les pilotes d'hélicoptère de la Garde côtière canadienne qui décollent des ponts des brise-glace, les pilotes chargés des vérifications techniques, qui doivent faire l'essai des appareils nouveaux ou importés pour qu'ils soient approuvés au Canada, et les quelque 40 enquêteurs d'accidents du Bureau de la sécurité des transports du Canada. Cependant, la majorité de nos pilotes sont inspecteurs de l'aviation civile. Comme le consultant indépendant engagé par le gouvernement le signalait en substance dans son rapport:

.1135

Chacun de nos 563 pilotes a au moins 2 500 heures de vol à son actif, et tous étaient des pilotes de ligne qualifiés avec le grade de capitaine et qualification de vol aux instruments de classe 1 lorsqu'ils sont passés à l'emploi du gouvernement. On leur a toujours permis de faire au moins 48 heures de vol par année pour qu'ils puissent toujours bien faire leur travail, se tenir informé de l'évolution de l'aviation et demeurer des pilotes crédibles aux yeux de leurs pairs.

Un certain nombre de ces CAI sont destinés à s'intégrer à la société NAV CANADA et c'est de leur futur emploi au sein de cette société que je voudrais vous parler. Les fonctions de ces inspecteurs se divisent en trois catégories: la première consiste à faire l'essai en vol des instruments de navigation de précision; la deuxième consiste à concevoir et à adapter le système, à piloter et à publier des documents sur les approches de non-précision, sur l'espace aérien et sur les couloirs aériens; et la troisième consiste à évaluer les nombreux dispositifs techniques qu'exige le système de navigation aérienne, notamment les phares de jalonnement, le matériel de transmission radio, les tours de contrôle, les stations d'information de vol et les bureaux météorologiques. Je dois ajouter que tous ces gens travaillent dans des cellules différentes, qu'ils sont dans bien des cas isolés les uns des autres, mais qu'il leur arrive de collaborer entre eux.

Jusqu'à vendredi dernier, le 19 avril, nous craignions réellement que la direction de la nouvelle société ne comprenne pas pourquoi les inspecteurs de l'aviation civile doivent voler et qu'elle ne soit pas disposer à leur permettre de faire les heures de vol requises. Il y a plus de 20 ans, et à quelques reprises depuis, l'AGNA a dû expliquer pourquoi ses pilotes doivent absolument voler pour toujours garder leurs connaissances à jour, connaissances sans lesquelles ils ne peuvent apporter de contribution valable au système d'aviation. La dernière évaluation importante est l'étude faite en 1988 par le Groupe de travail du Plan de la flotte opérationnelle. Au terme de cette étude, à laquelle plus de 200 personnes ont participé et qui comprenait une période d'évaluation de plus d'un an, le consultant indépendant qui en avait été chargé a recommandé que tous les pilotes fassent au moins 50 heures de vol chaque année.

Nous espérons que la direction de la nouvelle société comprend maintenant mieux pourquoi nos pilotes doivent voler régulièrement pour pouvoir donner des informations de première main aux dirigeants du Système de navigation aérienne. S'ils ne rafraîchissent pas continuellement leurs connaissances, il leur sera impossible de faire bénéficier le système de leur prévoyance, laquelle a jusqu'à maintenant permis au gouvernement d'économiser des millions de dollars tout en aidant le Canada à demeurer un chef de file de l'aviation civile.

Il est de la plus haute importance que chaque pilote ait toujours un permis de transport aérien à jour et qu'il soit constamment qualifié pour voler aux instruments. S'il n'a pas la possibilité de voler régulièrement et est ainsi incapable de garder sa compétence et ses références, il est douteux qu'il puisse conserver un degré sécuritaire de coordination oculo-manuel ou de demeurer un professionnel crédible.

J'ose espérer que NAV CANADA ne se satisfera pas de pilotes qui ne savent pas voler, dont les connaissances et les références ne sont pas récentes et qui ne sont pas en mesure de suivre l'évolution rapide de navigation moderne. Nous tenons à ce qu'il soit très clair que nous souscrivons aux conclusions auxquelles chaque étude effectuée au cours des deux dernières décennies est arrivée. Toutes ont jugé nécessaire de permettre aux pilotes du Système de navigation aérienne de faire au moins 48 heures de vol par année.

Depuis la première rencontre entre Transports Canada et NAV CANADA, à laquelle j'ai assisté en juillet de l'année dernière, et chaque fois qu'il y a eu des discussions publiques depuis, on a toujours assuré aux employés du système que la transition se ferait en douceur et serait imperceptible. C'est fort de cette assurance que j'ai signé l'entente tripartite et l'entente bilatérale. Il est évident qu'aucune de ces deux ententes ne saurait prévoir toutes les particularités des conditions de travail de chaque employé. Leur valeur reposera sur la bonne foi et l'intégrité des signataires. Si NAV CANADA ne permettait pas à ses pilotes d'acquérir les innombrables avantages découlant de l'obligation qu'ils ont toujours eu de voler régulièrement, nous considérerions qu'elle a violé l'entente tripartite et contrevenu aux dispositions du projet de loi C-20.

Si NAV CANADA n'a pas, au moment de la transition, les appareils nécessaires pour que nos pilotes puissent faire leurs heures de vol, un certain nombre d'entre eux refuseront fort probablement de passer à la nouvelle société. Les pilotes qui songent à accepter un emploi à NAV CANADA ne demandent absolument rien de plus que ce qu'ils reçoivent actuellement. A-t-on le droit d'exiger qu'ils se contentent de moins?

Si des pilotes décidaient de ne pas accepter d'emploi à NAV CANADA, la société perdrait un pan régional entier de sa mémoire d'organisation dans une spécialité du Système de navigation aérienne ou dans plusieurs. De plus, si des pilotes acceptaient un emploi chez NAV CANADA en attendant de trouver mieux ailleurs, nous, nous estimerions dans l'obligation d'examiner la possibilité d'appliquer le principe de l'irrecevabilité - et je pourrais vous en dire plus long à ce propos, plus tard, si vous le désirez.

Toutefois, si NAV CANADA respecte l'esprit des ententes signées, non seulement nos membres accepteront-ils les défis du nouvel organisme, mais ils seront heureux de le faire profiter des connaissances de pointe qu'ils possèdent et qui sont de nature à permettre au Canada d'entrer dans le prochain millénaire doté du meilleur Système de navigation aérienne au monde.

.1140

Messieurs, lorsque nous aurons la preuve que NAV CANADA a fait l'acquisition de suffisamment d'appareils pour permettre à tous nos pilotes d'effectuer le nombre minimal d'heures de vol requis chaque année, l'AGNA appuiera le projet de loi C-20 sans hésitation et sans réserve.

Monsieur le président, l'AGNA remercie le comité de nous avoir permis de comparaître devant lui. Nous nous ferons maintenant un plaisir de répondre à toutes les questions que les membres du comité pourraient désirer poser.

Le président: Merci, monsieur Richardson.

Monsieur Mercier.

[Français]

M. Mercier: Monsieur Richardson, je crois comprendre que vous approuvez le projet de loi C-20 à condition que vos membres puissent faire chaque année le nombre de vols nécessaire pour rester qualifiés, et votre inquiétude serait que NAV CANADA n'ait pas le nombre d'appareils qui lui permette d'assumer cette obligation qui résulte de l'entente tripartite.

Je crois que vous avez rencontré les représentants de NAV CANADA vendredi passé. Est-ce qu'ils vous ont donné une garantie quelconque, une assurance ferme qu'ils s'acquitteront de cette obligation?

[Traduction]

M. Richardson: Monsieur Mercier, je n'ai pas rencontré les représentants de NAV CANADA vendredi dernier, mais le président et chef de la direction de la société m'a téléphoné depuis Toronto. Les garanties personnelles qu'il m'a alors données m'ont porté à croire qu'il y avait une solution à notre problème relatif au maintien de la compétence en vol de nos pilotes.

Quant à convaincre le personnel, le contenu de la lettre du pdg de la société, que j'ai reçue jeudi, ne m'a pas convaincu que les gens comprennent vraiment les raisons pour lesquelles nos pilotes doivent voler régulièrement. M. Copeland m'a téléphoné de Toronto vendredi après-midi après qu'il eut été en contact avec le sous-ministre. Il m'a cependant indiqué - sans plus de précision - qu'il voyait d'un bon oeil la proposition que le gouvernement lui avait faite, à savoir de fournir à la société les avions nécessaires dans les régions où il serait, pour NAV CANADA, nécessaire de nouer ou de prendre d'autres dispositions pour permettre à nos pilotes de voler. Voilà pourquoi je vous disais que, pour l'instant je ne doutais pas que tout cela puisse se produire.

Voilà aussi pourquoi nous avons annulé la présentation que nous comptions vous faire plus tard ce matin. Je m'attends à ce que les choses continuent dans le même sens. Mais si ça devait ne pas fonctionner, si NAV CANADA ne prenait pas les dispositions nécessaires et si sa direction ne parvenait pas à comprendre pourquoi ces pilotes doivent voler régulièrement, alors que je crois que ceux-ci ne passeront pas à NAV CANADA.

Je dois préciser pour les membres du comité que les contrôleurs de la circulation aérienne se trouvent dans une position différente. En effet, normalement, tous les contrôleurs, tous les spécialistes d'information de vol et les membres de plusieurs autres associations - il y en a sept en tout - , seront mutés à NAV CANADA le jour venu.

Nous membres, qui passeront à NAV CANADA, représenteront environ 60 à 70 p. 100 des effectifs, mais nous ne serons pas fixés sur cette proportion avant d'avoir reçu les offres d'emplois. Mais à ce moment-là 10 p. 100 seulement de nos employés devraient être visés, de sorte qu'ils auront le choix d'aller ailleurs.

Est-ce que cela répond à votre question?

Le président: Monsieur Gouk.

M. Gouk: Monsieur Richardson, je voudrais vous poser des questions sur deux ou trois aspects. Tout d'abord, j'ai cru comprendre que les membres de votre groupe de classification sont des employés désignés et que vous ne pouvez donc pas faire de grève. Est-ce exact?

M. Richardson: C'est tout à fait cela. Si l'on se réfère à la proportion d'employés qui ont été désignés à l'occasion des dernières négociations de notre convention collective, je crois que 10 de 563 membres seulement, n'ont pas été désignés comme employés essentiels.

M. Gouk: Et avec ce changement, vous passez, bien sûr, du statut de fonctionnaires à celui d'employés du secteur privé et vous devriez, en théorie, retrouver votre droit de grève. Seriez-vous opposé à l'adoption, dans ce projet de loi, d'un quelconque mécanisme de règlement des différends qui permettrait de trouver d'autres solutions à la grève pour régler vos conflits entre vos membres et l'employeur? Selon moi, du moins, et de l'avis aussi de bien d'autres personnes du secteur de l'aviation, nous ne pouvons nous permettre de paralyser le système de navigation aérienne au Canada.

.1145

M. Richardson: Voilà une très bonne remarque, monsieur Gouk. Votre comité doit savoir que l'Association du groupe de la navigation aérienne est considérée comme étant, de toutes les associations, la plus professionnelle et la moins susceptible de faire grève. C'est ce que j'ai été amené à conclure en juillet dernier, parce qu'on nous avait dit que nous avions le droit de nous représenter à la table de négociation même si notre convention n'était pas encore expirée, pour discuter d'un certain nombre d'aspects. J'ai demandé pourquoi nous avions le droit, nous, de rencontrer les représentants du Conseil du Trésor et personne d'autre? On nous a alors expliqué que nous avions le plus faible nombre de griefs et que nous avions été la cause du plus faible nombre d'arrêts de travail. Donc, je ne pense pas que cela soit un problème.

Je suis d'accord avec ce que vous dites. J'estime que l'industrie de l'aviation ne peut se permettre de subir une grève. Les gens ne méritent pas ça et je pense que je serais le dernier à faire grève. Pour répondre à votre question, je vous dirais que nous serions prêts à accepter n'importe quel type de convention collective que vous pourriez nous proposer. Je pense que c'est une excellente idée.

M. Gouk: Il y a un dernier aspect sur lequel j'aimerais revenir: vos trois catégories. Est-ce que, en règle générale, la deuxième catégorie, celle consistant à concevoir les approches et les voies de circulation et à publier les documents s'y rapportant? Ce volet ne devrait-il pas continuer de relever du ministère des Transports qui est l'organisme de réglementation et l'autorité chargée de l'octroi des licences, plutôt que d'être transféré à NAV CANADA?

M. Richardson: Je devrais peut-être demander à Ken de vous en dire un peu plus à ce sujet, mais nous nous attendons à ce que les gens des régions soient transférés à NAV CANADA. Il est possible qu'un petit nombre d'employés, chargés d'énoncer les paramètres et de formuler des lignes directrices, demeurent ici à Ottawa, mais nous nous attendons à ce que tous les gens des régions fassent ce travail et soient chargés de le documenter.

Je vois que vous comprenez bien la chose, mais dans l'intérêt des autres membres du comité, je dois préciser que ces employés sont chargés d'élaborer des cartes en trois dimensions permettant de projeter la trajectoire d'un avion des niveaux supérieurs jusqu'au sol. Quand tout le travail d'analyse et de conception est terminé, que la carte est effectivement tracée, on obtient une procédure d'approche aux instruments. La procédure est alors suivie à bord d'un avion de la région et elle fait l'objet d'une dernière vérification de qualité pour s'assurer qu'elle ne pose aucun danger.

Nous nous attendons à ce que la plupart de ces gens continuent à faire ce travail. Comme vous le savez, aucun de nos membres n'a encore reçu d'offre d'emploi, pas plus que quiconque dans la fonction publique.

M. Gouk: Merci.

Le président: Merci, monsieur Gouk. Y a-t-il d'autres questions de ce côté?

J'estime que vous avez été très clair dans vos explications et il semble que vous soyez en voie de parvenir à un règlement.

M. Richardson: Nous sommes à moitié chemin. Il nous reste à faire un véritable travail de fond pour convaincre les responsables de la société que nos pilotes ont vraiment besoin de voler régulièrement et que ce n'est pas là une simple fantaisie mentale de notre part. Je m'appuie sur 20 ans d'études effectuées par différentes commissions pour affirmer cela. Je pense que nous allons nous retrouver à NAV CANADA et je n'ai aucune crainte. J'espère que la société respectera ce qu'elle nous a dit, moyennant quoi nous n'avons rien contre le projet de loi C-20.

Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci. Nous pourrons même vous apporter notre appui, si possible.

Chers collègues, je vous reverrai ici à 15 h 30 pour la deuxième partie de la réunion.

La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;