[Enregistrement électronique]
Le mardi 22 avril 1997
[Traduction]
Le président (M. Andy Mitchell (Parry Sound - Muskoka, Lib.)): La séance est ouverte. Nous recevons aujourd'hui des témoignages, concernant le projet de loi C-249, Loi modifiant la Loi sur la responsabilité nucléaire, de trois différents groupes de témoins: de l'Association nucléaire canadienne, M. Murray Stewart et M. Colin Hunt; du Pool canadien d'assurance des risques atomiques, Elaine Collier et Steve Hammond; et de la Campagne contre l'expansion nucléaire, la coordonnatrice nationale, Kristen Ostling. Bienvenue.
Nous allons d'abord demander à chaque groupe de choisir une personne pour faire l'exposé liminaire. Lorsque nous aurons entendu tous les exposés liminaires, nous ferons un tour de table et les députés poseront des questions aux témoins. Nous pourrions peut-être demander au Pool canadien d'assurance des risques atomiques de commencer.
Mme Elaine Collier (directrice, Pool canadien d'assurance des risques atomiques): Bonjour.
Nous n'avons pas d'exposé officiel à présenter au comité aujourd'hui. On nous a demandé d'assister à cette séance aujourd'hui car nous représentons ceux qui offrent une assurance nucléaire sur le marché actuel.
Tout ce que nous avons à dire, en réalité, c'est que lorsque nous avons su qu'un projet de loi serait introduit au Parlement en vue de porter la limite à 500 millions de dollars, nous avons fait un sondage sur le marché actuel pour déterminer qu'elle était la capacité nucléaire à l'échelle mondiale et, oui, dans les conditions actuelles nous sommes en mesure d'offrir l'assurance. Nous avons eu des indications très positives selon lesquelles nous aurions cette capacité.
Le président: Merci. Nous vous remercions d'être ici et nous aurons sans doute des questions à vous poser plus tard au cours de la séance.
Nous allons maintenant passer à l'Association nucléaire canadienne.
M. Murray J. Stewart (président, Association nucléaire canadienne): Bonjour. Encore une fois, c'est un plaisir pour l'Association nucléaire canadienne de comparaître devant votre comité. Je suis président et directeur général de l'Association nucléaire canadienne et je suis accompagné aujourd'hui de M. Colin Hunt, directeur de la politique.
J'aimerais tout d'abord vous rappeler que l'Association nucléaire canadienne a été créée en 1960. Il s'agit d'une association bénévole à but non lucratif dont l'objectif est de promouvoir les utilisations pacifiques de l'énergie et de la technologie nucléaires. Nos membres comprennent près d'une centaine de sociétés, notamment les services publics d'électricité, des universités, des ingénieurs consultants, des banques, des syndicats ouvriers, des associations professionnelles, des fabricants de composants de réacteurs, des fournisseurs d'isotopes et des sociétés minières d'uranium.
Tout d'abord, il est à notre avis en quelque sorte malheureux que votre comité soit en fait saisi de ce projet de loi d'initiative parlementaire. Nous sommes d'avis qu'il est vraiment nécessaire de mettre à jour la Loi sur la responsabilité nucléaire, mais le projet de loi C-249 n'est pas la façon de le faire. Comme nous le recommandons dans notre mémoire, nous sommes d'avis que pour mieux servir notre industrie et tous les intervenants, il y aurait une meilleure façon de procéder.
Le projet de loi C-249 ne propose que deux changements à la loi. Le premier consiste à hausser la couverture d'assurance responsabilité de 75 à 500 millions de dollars. Le deuxième fait en sorte que le gouvernement fédéral devra indemniser les victimes pour les dommages qui dépassent cette limite de responsabilité.
Nous convenons que le montant actuel de 75 millions de dollars prévu dans la loi est peut-être insuffisant. Nous convenons également que le gouvernement fédéral devrait être spécifiquement obligé de payer les dommages qui dépassent ce montant. Cette obligation n'est qu'implicite dans la loi actuelle. Cependant, nous sommes fondamentalement en désaccord avec l'adoption du projet de loi à l'étude tel qu'il a été déposé devant votre comité. Nous sommes d'avis que la Loi sur la responsabilité nucléaire a besoin d'un examen global et que l'adoption du projet de loi C-249 ferait en sorte que tous les autres aspects de la Loi sur la responsabilité nucléaire seraient négligés.
L'adoption du projet de loi à l'étude serait par ailleurs injuste à l'égard de l'industrie nucléaire et ne répondrait pas aux besoins des intervenants directement touchés. Ces objectifs ne peuvent être atteints que si on a un régime de responsabilité nucléaire renforcé établi à la suite d'un examen complet de la loi.
La Loi sur la responsabilité nucléaire de 1976 a été adoptée en 1970 et proclamée en 1976, une fois prises les dispositions financières économiques requises par la loi. La loi rendait les exploitants des centrales nucléaires seuls responsables des conséquences d'un accident à leurs installations nucléaires. Ainsi, la loi rend un service énorme aux citoyens canadiens vivant près d'une centrale nucléaire. Dans l'éventualité d'un accident, ceux qui sont blessés ne sont pas obligés de prouver négligence de la part de l'exploitant pour être indemnisés. Tout ce qu'ils doivent faire, c'est démontrer dans quelle mesure ou à quel degré ils ont été blessés ou ont subi des pertes. Pour être indemnisés, les plaignants ne sont pas obligés de prouver que l'exploitant a commis une faute ou de poursuivre une tierce partie.
Outre le fait que l'exploitant était le seul responsable des conséquences en cas d'accident, la loi limitait la couverture d'assurance responsabilité à 75 millions de dollars pour chaque centrale. En cas d'accident, le gouvernement fédéral devait créer une Commission des réparations des dommages nucléaires qui était habilitée à faire des recommandations pour indemniser les victimes d'accident. La commission n'était pas limitée à recommander l'allocation de dommages et intérêts ne dépassant pas 75 millions de dollars. Il était implicite dans la loi que le gouvernement fédéral était responsable de verser le montant excédant la limite. Cette interprétation de la loi a été appuyée récemment par la décision du juge Blenus Wright de la Division générale de la Cour de l'Ontario dans l'affaire d'Energy Probe, ville de Toronto et Rosalie Bertell contre le procureur général du Canada.
Il est clair que la Loi sur la responsabilité nucléaire a été conçue et adoptée par le gouvernement fédéral en vue d'encourager le développement de l'industrie nucléaire au Canada. Elle visait à éliminer les obstacles au développement de l'énergie nucléaire causés par l'insuffisance financière et institutionnelle de l'industrie des assurances. Les compagnies d'assurance doivent avoir suffisamment d'actifs en main pour faire face aux demandes de remboursement. En fait, nous remettons en question la capacité de l'industrie des assurances et du Canada de satisfaire aux dispositions du projet de loi C-249.
Reconnaissant les limites de l'assurance commerciale, le gouvernement fédéral a jugé qu'il était nécessaire de réglementer l'assurance nucléaire de façon à protéger les Canadiens des conséquences d'un accident nucléaire et à s'assurer que leurs demandes de remboursement seront honorées rapidement et sans litige, tout en assurant les compagnies d'assurance que ni les demandes de remboursement qu'elles seront susceptibles d'honorer ni la période au cours de laquelle elles devront le faire ne seront illimitées.
L'un des aspects bénéfiques de la Loi sur la responsabilité nucléaire était qu'étant donné que cette responsabilité était limitée, le gouvernement fédéral étant responsable de tous montants excédentaires, il avait un intérêt direct important dans la sécurité nucléaire. Afin de s'assurer que la sécurité nucléaire demeure une préoccupation importante pour les détenteurs de permis d'installations nucléaires, les exploitants sont réglementés en ce qui touche à tous les aspects importants de leurs installations par la Commission de contrôle de l'énergie atomique qui envoie des inspecteurs faire une inspection sur place. Cela peut être interprété comme étant la politique d'assurance du gouvernement fédéral pour éviter un accident nucléaire et ses conséquences, la prime étant payée par les droits que verse l'industrie réglementée et son investissement dans le matériel de sécurité.
À l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-249 à la mi-février, un certain nombre d'erreurs se sont glissées dans le débat à la Chambre des communes, erreurs qui, à notre avis, induisent en erreur au sujet de l'industrie nucléaire et de la Loi sur la responsabilité nucléaire. On ne peut pas comparer les incidents signalés à la Commission de contrôle de l'énergie atomique à l'accident de Tchernobyl en 1986 ou à celui de Three Mile Island en 1979. Il n'est pas juste de déclarer sans connaissances d'experts que les centrales nucléaires de l'Ontario ne sont pas construites pour résister à des tremblements de terre d'une magnitude à laquelle nous pouvons nous attendre dans cette région. Par ailleurs, il y a un malentendu important concernant le fait que les propriétaires n'avaient pas d'assurance habitation. Si l'industrie de l'assurance émettait de telles polices, un accident nucléaire permettrait une double protection, puisque les habitations sont déjà protégées au terme de la Loi sur la responsabilité nucléaire.
Nous croyons qu'on ne rend absolument pas service aux Canadiens et au gouvernement en laissant entendre que le seul objectif des exploitants nucléaires est de produire de l'électricité au coût le plus bas possible. Il est tout à fait injuste de laisser entendre que des exploitants responsables puissent sacrifier la sécurité pour tirer des avantages économiques à court terme. Personne n'est plus conscient que l'exploitant du fait que le manque de sécurité signifie tout au moins une perte économique pour la centrale, sa production en électricité et la possibilité de décès ou de blessures des travailleurs.
Dans sa décision de fait, le juge Blenus Wright, celui dont j'ai parlé tout à l'heure, a déclaré que le développement d'une culture de sécurité nucléaire forte et en constante évolution au sein de notre secteur n'avait absolument aucun rapport avec la Loi sur la responsabilité nucléaire ou les limites de la responsabilité.
Le projet de loi C-249 ne fera pas grand-chose pour améliorer la protection financière des Canadiens dans l'éventualité d'un accident nucléaire. Le projet de loi ne fait pas grand-chose pour définir les pouvoirs de la Commission des réparations des dommages nucléaires. Il ne fait rien pour reconnaître que différents types d'installations visés par la Loi sur la responsabilité nucléaire posent différents types de risques et que ces différents types d'installations pourraient être assurés différemment. Le projet de loi n'offre aucune solution de rechange pour étendre les limites de la couverture d'assurance responsabilité tout en donnant aux titulaires de permis une certaine souplesse pour faire face à leurs responsabilités.
Nous sommes d'avis que depuis plus de 10 ans, on reconnaît clairement qu'il est nécessaire de faire un examen complet de la Loi sur la responsabilité nucléaire. L'auteur du projet de loi C-249 n'a abordé qu'un ou deux des éléments qui doivent être revus, les autres étant notamment une autre forme de sécurité financière en matière d'indemnisation; des limites de responsabilité distinctes pour les différentes catégories d'installation; permettre à la Commission de contrôle de l'énergie atomique d'avoir un certain pouvoir discrétionnaire afin d'établir les limites de responsabilité pour les installations; définir la limite de responsabilité tant pour les dommages à la personne que pour les dommages aux biens; exiger la formation de la Commission des réparations des dommages nucléaires plutôt que de laisser cela à la discrétion du gouverneur en conseil; revoir la loi pour tenir compte des demandes de dommages-intérêts dans d'autres pays; revoir la loi pour respecter les conventions internationales; définir clairement les dommages auxquels s'appliquent les dispositions de la Loi sur la responsabilité nucléaire; faire un examen du Pool canadien d'assurance des risques atomiques pour s'assurer qu'il y a au Canada des fonds suffisants pour faire face aux limites de responsabilité; déterminer immédiatement les règles et les pouvoirs de la Commission de réparation des dommages nucléaires; et énoncer clairement que le gouvernement du Canada paiera les dommages-intérêts qui dépassent les limites prescrites dans la loi.
Il y a d'autres éléments de la Loi sur la responsabilité nucléaire qui ont besoin d'être raffinés ou mieux définis, mais je pense que cette petite liste illustre jusqu'à quel point le projet de loi C-249 ne fait pas un examen complet de la loi. Par ailleurs, il n'y a eu aucune tentative claire pour harmoniser la Loi sur la responsabilité nucléaire avec les mesures législatives semblables d'autres pays.
L'Association nucléaire canadienne est consciente du fait que Ressources naturelles Canada effectue depuis un certain temps un examen complet de la Loi sur la responsabilité nucléaire. Nous voulons souligner que cet examen serait terminé depuis des années s'il n'avait pas été interrompu par la tentative de divers groupes antinucléaire de faire déclarer la loi inconstitutionnelle.
Le plan que le gouvernement fédéral vous a présenté la semaine dernière, semble à première vue traiter de tous les éléments de la loi qui ont besoin d'être examinés, non pas seulement la question de la limite de l'assurance responsabilité.
À notre avis, il faudrait permettre que cet examen de la loi soit mené à terme de façon à ce qu'une modification complète et adéquate de la Loi sur la responsabilité nucléaire puisse être examinée par votre comité. Nous craignons que l'adoption du projet de loi C-249 ne risque de compromettre cet examen global de la loi ce qui empêcherait d'avoir une réforme efficace de la responsabilité nucléaire au Canada.
Nous disons cependant, que l'examen de la Loi sur la responsabilité nucléaire qu'effectue actuellement le gouvernement, serait plus efficace si tous les membres de l'industrie visée par les dispositions de la loi étaient consultés. Nos membres estiment qu'il ne faudrait pas déposer une mesure législative sans avoir au préalable consulté les membres de notre industrie, ses travailleurs et les collectivités où sont situées ces installations.
Je vous remercie. Je serais heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Stewart.
Madame Ostling.
Mme Ostling (coordonnatrice, Campagne contre l'expansion nucléaire): Bonjour. Je m'appelle Kristen Ostling et je suis coordinatrice de la Campagne contre l'expansion nucléaire. Je tiens à vous remercier de cette occasion qui m'est donnée de venir vous parler de cette question très importante que soulève le projet de loi C-249.
Je profite également de l'occasion pour déposer certains documents. Il y a entre autres des commentaires de Gordon Edwards du Regroupement pour la surveillance nucléaire. Irène Kock, recherchiste pour le Nuclear Awareness Project, m'a demandé de déposer le projet de plan d'intervention en cas d'urgence nucléaire de la province d'Ontario.
Tout d'abord, j'aimerais vous parler un peu de la Campagne contre l'expansion nucléaire. Il s'agit d'une alliance sans but lucratif de groupes environnementaux d'un peu partout au pays qui préconisent des sources d'énergie sûre. Depuis sa création en 1989, plus de 300 organismes répartis dans tout le Canada ont appuyé la campagne contre l'expansion nucléaire.
Comme on l'a déjà mentionné, il y a deux éléments importants dans ce projet de loi: le premier est la hausse de la couverture d'assurance responsabilité de 75 à 500 millions de dollars. La limite actuelle de 75 millions de dollars est tout à fait inadéquate à la lumière des estimations documentées des dommages à la suite d'un accident à un réacteur nucléaire. Ces estimations se chiffrent dans les milliards de dollars. Par ailleurs, aux termes de la Loi sur la responsabilité nucléaire les fabricants des composants de réacteurs nucléaires sont explicitement exclus de toute responsabilité. En fait, cela ne change pas avec le projet de loi C-249. La loi devrait être modifiée, si on veut que ce soit le cas.
La hausse de la couverture d'assurance responsabilité prévue dans le projet de loi C-249, représente une réforme modeste selon des normes internationales. Aux États-Unis et dans d'autres pays, la couverture maximum d'assurance responsabilité en cas d'accident est de l'ordre de plusieurs milliards de dollars. Par exemple, le maximum aux États-Unis est établi à l'heure actuelle à 7 milliards de dollars américains, ce qui est une augmentation par rapport au montant initial de560 millions de dollars.
L'autre changement important se trouve au projet d'article 27 du projet de loi C-249: on remplacerait le mot «peut» par le mot «doit». En d'autres termes, cet article proposé exige que l'État verse aux parties lésées une indemnité additionnelle prélevée sur les fonds publics lorsque le gouverneur en conseil décide que la responsabilité va dépasser le montant assuré.
J'aimerais maintenant aborder la question de l'éventualité d'un accident nucléaire au Canada, d'un Tchernobyl canadien, si vous voulez. Une catastrophe nucléaire comme celle de Tchernobyl pourrait-elle se produire au Canada? Un certain nombre de documents officiels du gouvernement au Canada n'ont pas éliminé cette possibilité. L'Ontario Hydro évalue les risques d'un tel accident à une sur 10 000 années-réacteur. Si on fait un petit calcul pour extrapoler les résultats sur la durée probable de vie qu'il reste aux réacteurs d'Ontario Hydro à l'heure actuelle, la probabilité qu'un accident comme celui de Tchernobyl se produise en Ontario est une chance sur 17 - en d'autres termes, meilleure que de lancer un double un avec une paire de dés. La même probabilité d'une année- réacteur sur 10 000 a été établie par les experts soviétiques pour leurs propres réacteurs quelques mois seulement avant l'explosion du réacteur à Tchernobyl.
En 1989, la Commission de contrôle de l'énergie atomique dans un mémoire présenté au Conseil du Trésor a admis qu'on ne pouvait pas dire que les centrales nucléaires CANDU étaient plus ou moins sécuritaires que d'autres. Chaque année, il y a des centaines d'événements importants dans les centrales nucléaires canadiennes. Je pense que cela est important car cela démontre qu'il y a possibilité d'accident là où se trouvent les réacteurs. C'est pourquoi on a cité ce chiffre à la Chambre des communes, pour montrer qu'il y avait des problèmes de sécurité. Je ne pense pas que cela soit sans rapport avec la question; voilà pourquoi je tiens à soulever le problème encore une fois. Au cours de l'année civile 1996, il y a eu 800 incidents inhabituels dans les centrales nucléaires du Canada, dont 411 ont dû faire l'objet d'un rapport à la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Il s'agit d'une augmentation par rapport à 1995, année où 786 incidents inhabituels avaient été signalés.
Tous les réacteurs CANDU ont le même vice de conception que le réacteur de Tchernobyl au niveau du tube de force qu'on appelle coefficient cavitaire positif. Le coefficient cavitaire positif, signifie que lorsqu'une conduite ou un tube de force se brise près du coeur du réacteur ou à l'intérieur de celui-ci, il y a habituellement une surcharge qui se fait immédiatement. Le problème affecte tous les réacteurs qui utilisent des tubes de force. Le réacteur de Tchernobyl, comme le réacteur CANDU, avait des tubes de force à l'intérieur du coeur. Apparemment, bien que personne n'en soit certain, l'un des tubes de force du réacteur de Tchernobyl a éclaté entraînant une énorme surcharge qui a provoqué une explosion, qui a fait sauter le toit. Cette saute de courant aurait pu être causée en partie par l'explosion d'un tube de force.
Les réacteurs CANDU ont des problèmes au niveau des tubes de force depuis des décennies. La Commission de contrôle de l'énergie atomique dit que presque de tous les réacteurs nucléaires du Canada ont le même vice de conception que celui qui a mené à la fermeture de la centrale de Pickering en décembre 1994. Il y a également eu des problèmes semblables au niveau des tubes de force en Corée du Sud et à la centrale nucléaire Bruce.
J'aimerais maintenant aborder la question des coûts économiques d'un accident nucléaire. Imaginez que vous soyez touchés par un accident nucléaire. Par exemple, si des vents déposaient des retombées radioactives sur votre maison, votre entreprise, votre exploitation agricole ou votre lieu de travail, les rendant inhabitables pendant des dizaines ou des centaines d'années, vous et vos proches pourriez vous retrouver avec un cancer ou vos enfants pourraient subir des malformations génétiques. Votre propriété pourrait être détruite et vous pourriez être ruiné, mais vous n'avez aucun moyen de protection. Toutes les assurances contre les dommages causés aux biens au Canada excluent un accident nucléaire de leur couverture. Aucune autre industrie n'a ce genre de protection contre la responsabilité. Aucune autre industrie n'a la liberté de détruire la santé ou la propriété de tierces parties qui ne peuvent ni s'assurer eux-mêmes auparavant, ni intenter une action en dommages-intérêts par la suite.
Un accident nucléaire grave, serait catastrophique pour la santé et la prospérité de dizaines de millions de personnes vivant dans la région des Grands Lacs et aux alentours.
Il y a eu de nombreuses évaluations des coûts de l'accident nucléaire de Tchernobyl. Selon les chiffres officiels, le nettoyage aurait coûté 19 millions de dollars au cours des trois premières années. Dans les années 80, le gouvernement soviétique prévoyait que les coûts grimperaient jusqu'à120 milliards de dollars d'ici l'an 2000, et une étude plus récente d'une ONG évalue le coût final de l'accident de Tchernobyl à 358 milliards de dollars.
Il importe de rappeler que la centrale nucléaire de Pickering, en Ontario, est située plus près de Toronto que Tchernobyl ne l'est de Kiev. On a dû évacuer 135 personnes de la zone d'exclusion constituée dans un rayon de 30 kilomètres autour de Tchernobyl. À titre de comparaison, la zone entourant Pickering dans un rayon de 30 kilomètres est 10 fois plus peuplée, car y vivent environ 1 496 000 personnes. Dans la zone de 30 kilomètres entourant Pickering vivent plus de gens qu'autour de n'importe quel autre réacteur nucléaire commercial dans le monde. Étant donné cette densité de population, le coût d'un accident grave à Pickering serait astronomique.
Nous savons que l'incidence sur l'environnement humain serait grave advenant un accident nucléaire. Dix ans avant l'accident de Tchernobyl, un comité spécial étudiant l'Ontario Hydro, concluait qu'une catastrophe nucléaire aurait des incidences d'envergure sur la santé humaine et environnementale. Permettez-moi de citer le rapport du comité:
- Il est faux de prétendre qu'un accident catastrophique est impossible... Le pire accident
concevable... entraînerait le déversement de poisons radioactifs sur de vastes régions, ce qui
entraînerait la mort immédiate de plusieurs milliers de personnes, la mort éventuelle de
plusieurs autres milliers à cause des risques accrus de cancer, ce qui pourrait occasionner le
risque de malformations génétiques qui affecterait les générations futures, et ce qui pourrait
contaminer de vastes régions qui ne pourraient plus être habitées ou cultivées à l'avenir.
L'effet des radiations autour de Tchernobyl a été assez grave. Lors d'une conférence de l'Organisation mondiale de la santé, en 1995, les experts se sont accordés à dire que c'est à cause des rayonnements radioactifs dans les environs de Tchernobyl que l'on pouvait constater une augmentation de l'incidence du cancer dans les trois États avoisinants. L'accident de Tchernobyl a causé une contamination radioactive très étendue.
Avant de venir faire mon exposé, j'ai parlé à mes collègues de la Campagne contre l'expansion du nucléaire et j'aimerais vous donner le point de vue de certains environnementalistes sur cette question de responsabilité nucléaire. Tout d'abord, Norman Rubin, directeur de la recherche à Enquête énergétique, qui dit ceci:
- Que nous sachions, il n'existe aucune disposition législative fédérale plus perverse que celle-ci
ou qui mérite davantage d'être rejetée. En fait, tous les Canadiens trouveraient un avantage
immédiat à ce qu'elle le soit. Tout d'abord, cela nous donnerait un sentiment de sécurité
financière, car si nous devions perdre nos maisons, nos propriétés, à cause d'un accident
nucléaire, les responsables de cet accident seraient forcés de nous dédommager.
- S'agissant de la responsabilité nucléaire, le mouvement écologique souscrit totalement à
l'analyse économique du World Business Council for Sustainable Development (WBCSD). Le
Conseil prétend qu'il faut intégrer les coûts de cette responsabilité pour que le marché réagisse
comme il se doit. Les forces du marché ne peuvent pas s'exercer de façon efficace si la
couverture de l'assurance responsabilité prévue en cas d'accident nucléaire est manipulée
artificiellement à la baisse. Personne n'y gagne si l'on continue d'accorder des subventions, soit
directement à l'EACL, comme c'est le cas actuellement, soit indirectement, en établissant un
barème d'assurance fantaisiste.
- Tchernobyl n'a pas été simplement un cataclysme de plus, comme ceux que le monde a connus
jusqu'à présent, incendies, tremblements de terre ou inondations. Il s'agit d'un tout nouvel
événement écologique mondial. Il se distingue par le fait qu'il existe des milliers de réfugiés
environnementaux, une contamination de longue durée du sol, de l'eau et de l'air, et le potentiel
de dégâts irréparables aux écosystèmes.
À propos de la responsabilité, advenant un accident mettant en cause un réacteur nucléaire, permettez-moi de souligner les arguments suivants en guise de conclusion.
Aucun gouvernement municipal, provincial ou fédéral ne garantit actuellement un dédommagement aux victimes d'un accident nucléaire.
Deuxièmement, toutes les polices d'assurance souscrites au Canada excluent la protection contre les accidents nucléaires.
Troisièmement, si lors d'un accident mettant en cause un réacteur nucléaire, les biens et la santé des Canadiens subissaient un tort les fabricants de l'équipement ayant causé les dégâts n'auraient toujours pas de responsabilité à assumer même si les dispositions du projet de loi C-249 étaient adoptées. Aucun autre secteur industriel ne peut fonctionner aussi impunément à l'abri des conséquences économiques découlant des dommages qu'ils causeraient éventuellement à la santé et aux biens de tierces parties.
Enfin, en maintenant aussi bas le seuil de responsabilité, la loi actuelle est ni plus ni moins une subvention générale et tout à fait gratuite consentie à l'industrie du nucléaire.
Le président: Merci beaucoup.
M. Canuel a la parole.
[Français]
M. René Canuel (Matapédia - Matane, BQ): J'aimerais d'abord m'adresser à la représentante de l'Association des assureurs nucléaires du Canada. Si j'ai bien compris, vous avez dit plus tôt juger qu'il était acceptable de passer de 75 millions à 500 millions de dollars. Vous n'avez pas fait d'autres commentaires à ce sujet. Si, au lieu de 500 millions de dollars, on avait inscrit2 milliards de dollars dans le projet de loi C-249, auriez-vous dit la même chose?
[Traduction]
Mme Collier: Non, assurément pas. À l'échelle mondiale, suivant les modalités actuelles, la capacité, y compris le marché canadien, représente approximativement de 800 à 850 millions de dollars canadiens, peu ou prou, suivant le taux de change.
[Français]
M. René Canuel: Madame, vous avez parlé de la campagne contre l'expansion nucléaire et vous m'avez renseigné sur bien des points. Par contre, il ne faut quand même pas penser que l'apocalypse va se produire tous les jours. Quand on s'assure, on le fait pour couvrir des dégâts quelque peu restreints. Si une épidémie se propage à l'échelle nationale, le gouvernement doit prendre une partie des responsabilités. Je vous remercie quand même parce que vous m'avez éveillé sur bien des points.
Ma deuxième question s'adressera aux représentants de l'Association nucléaire canadienne. Combien de membres représentez-vous environ?
[Traduction]
M. Stewart: Environ 100.
[Français]
M. René Canuel: Vous semblez dire que ce projet de loi ne devrait pas être adopté, du moins sous cet angle. Vous vous opposez à ce que le montant maximal passe de 75 millions à 500 millions de dollars. Vous dites qu'il faudrait une refonte presque complète de ce projet de loi et vous avez identifié énormément d'aspects sur lesquels on devrait se pencher. Quels sont les trois aspects les plus fondamentaux, selon vous? Si on présentait à nouveau ce projet de loi, quels aspects primordiaux souhaiteriez-vous y inclure?
[Traduction]
M. Stewart: Je vais répondre à votre question sur les 75 millions de dollars qui seront portés à 500 millions de dollars en vertu du projet de loi C-249. Il y aurait sans doute d'abord des considérations de souplesse, car les dispositions du projet de loi couvrent toutes sortes d'installations, les centrales de Darlington, et de Pickering, les usines de transformation d'uranium, par exemple en combustible nucléaire, celle qui se trouve à Port Hope. Il faut que les dispositions du projet de loi couvrent aussi des petits réacteurs comme celui de l'Université McMaster. Donc, toute une palette d'installations doit être couverte par les dispositions de ce projet de loi.
Voilà pourquoi je demande qu'il y ait plus de distinctions et que l'on établisse des nuances plutôt que de passer arbitrairement de 75 millions de dollars à 500 millions de dollars. Si on assomme l'Université McMaster avec une assurance de 500 millions de dollars, car c'est ce qui les attend, cela n'est peut-être pas très adapté aux risques d'explosion du réacteur qui s'y trouve.
Voilà une des raisons pour lesquelles je pense que le projet de loi tout simple que nous avons sous les yeux ne convient pas. Il pourrait entraîner d'énormes difficultés du point de vue réglementaire et du point de vue de son application. Il causera des problèmes à la CCEA et sur le plan de la réglementation.
Voilà donc un exemple. Je conviens que 75 millions de dollars n'est peut-être pas une somme suffisante dans le cas de grosses installations, mais c'est peut-être trop élevé même pour les petites installations visées également par les dispositions de ce projet de loi.
M. Colin G. Hunt (directeur de la politique, Association nucléaire canadienne): Permettez-moi d'ajouter que la Commission de contrôle de l'énergie atomique dit déjà depuis plusieurs dizaines d'années qu'à son avis une responsabilité de 75 millions de dollars était par trop excessive pour les petits réacteurs d'un, deux ou trois mégawatts que l'on trouve dans les universités qui s'adonnent à la recherche, notamment à Kingston, Montréal et Toronto. Manifestement, la taille unique ne convient pas aux installations nucléaires, comme c'est le cas dans bien d'autres domaines.
M. Stewart: Mais il y a aussi la question de ce qui se passe si les limites de la couverture d'assurance responsabilité sont dépassées. Je pense que tout le monde aurait intérêt à obtenir des précisions là-dessus. Actuellement, sans être tout à fait clair, ce qui se passera si on dépasse cette limite est implicite. C'est un peu obscur toutefois. On comprend donc mieux la complexité des dispositions de ce projet de loi et ce qu'il y a lieu de faire avec tous les intervenants, les exploitants, les villes et les régions.
Le président: Monsieur Reed.
M. Julian Reed (Halton - Peel, Lib.): Merci, monsieur le président.
L'évaluation du risque notamment est une des difficultés auxquelles nous nous heurtons. Comment peut-on vraiment évaluer le risque et dans quelle mesure est-il possible de le quantifier sur le plan pécuniaire sous forme de primes d'assurance correspondant à ce genre de responsabilité?
Il est évident que les technologies varient énormément de par le monde. Quant on compare le réacteur de Tchernobyl au CANDU, je m'étonne parce que le réacteur de Tchernobyl est une pile à graphite, matériau tout à fait inflammable quand il est chauffé, tandis que le CANDU est construit de façon totalement différente. Bien sûr, nous avons des réacteurs à eau ordinaire et tout le reste.
Il semble qu'il y ait là une difficulté pour quiconque essaye de comparer les risques à l'échelle internationale. Comment se compare-t-on à la Russie, ou aux États-Unis, quand on sait qu'au Canada nous avons...? Nos facteurs ont leurs inconvénients, mais ce sont des inconvénients tout à fait différents de ceux des piles à graphite de Russie.
Pouvez-vous nous dire comment des non-initiés peuvent s'y retrouver en matière d'évaluation du risque?
M. Stewart: Sans entrer dans une discussion sur les mérites techniques du CANDU par rapport aux autres réacteurs, je tiens à dire d'emblée que la technologie du CANDU offre des avantages incomparables, comme d'autres technologies en offrent également, mais il y a la redondance dans les systèmes, la sécurité, ce genre d'aspects-là dont il faut tenir compte. À bien des égards, en fin de compte, si je suis confiant, c'est surtout à cause de la confiance que je place dans les compagnies exploitantes et dans le système canadien de réglementation avec la CCEA. Ce qui m'inspire confiance, c'est l'attitude de la commission, la force des lois qui la gouvernent, ce que les membres de ce comité savent très bien car elles ont été renforcées et garanties dans le projet de loi C-23, ainsi que les visites d'inspecteurs qui vont sur place, qui ont une très grande compétence technique. Je pense que c'est un aspect essentiel du système canadien. Des gens très forts, techniquement très compétents travaillent en permanence, quotidiennement, non seulement pour garantir le fonctionnement sécuritaire des réacteurs mais pour s'assurer que les modifications, de conception par exemple, la modernisation de ces réacteurs peuvent être réalisées s'ils estiment que cela est avantageux.
Le système que nous avons au Canada me permet d'être confiant, de pouvoir compter sur un processus sécuritaire.
M. Julian Reed: Je voudrais quant à moi savoir comment cela se compare aux autres technologies? Comment procéder à une forme d'évaluation? Tôt ou tard, les primes d'assurance vont être internationales, pour ainsi dire, plusieurs pays se cotisant, collaborant pour former une provision en cas de catastrophe. Comment va-t-on s'y prendre? Allons-nous nous comporter en bons boy scouts? Allons-nous nous mettre au diapason de la Russie ou encore au diapason des États-Unis?
M. Hunt: Comme vous le dites, c'est une question très complexe. La solution passe en partie par une analyse systématique de la sécurité nucléaire dans des centrales données, à des endroits précis et que l'on appelle l'«évaluation probabiliste des risques». De plus en plus, les évaluations se font suivant des paramètres communs et dans une perspective universelle où sont reconnus les mêmes principes de sécurité et de rendement sûr. Il subsiste toutefois certains désaccords entre les pays en ce qui concerne la façon de juger divers types de facteurs de sécurité.
À titre d'exemple, il y a eu deux évaluations probabilistes des risques au Canada... L'une a été menée par l'EACL pour le CANDU 6. L'autre par l'Ontario Hydro pour Darlington.
Quand on compare les évaluations probabilistes des risques faites sur le CANDU aux évaluations de même type qui ont été faites sur des réacteurs à tubes de force aux États-Unis et en Europe et qu'on les compare encore aux évaluations probabilistes des risques qui ont été faites en partie sur les réacteurs soviétiques, il apparaît clairement que les réacteurs CANDU sont infiniment plus sécuritaires que les plus perfectionnés que l'on trouve ailleurs.
Il y a des variations suivant les catégories. Les uns sont plus sécuritaires que d'autres. Il vous vaudrait un physicien expert en réacteurs pour bien témoigner de cet aspect-là, mais d'après les documents, on constate que le CANDU jouit d'une marge sécuritaire appréciable.
Une des raisons essentielles, que je sache, est que le CANDU est équipé d'une très grande source négative de chaleur, d'un très vaste bassin d'eau froide, ce qui n'est pas le cas pour la plupart des autres réacteurs. En outre, vous l'avez bien dit, il est ridicule de comparer un CANDU et un RBMK car vous l'avez dit, le RBMK est inflammable. De plus, le RBMK ne comporte pas d'enceinte de confinement.
M. Julian Reed: Madame Collier, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Collier; Oui. À cause des sujets que vous avez abordés.
Il y a tout d'abord l'évaluation de la technologie, une comparaison entre divers types de réacteurs. Nous pensons que cela a été fait lors de réunions avec nos homologues d'autres pays, nous en avons discuté à diverses reprises, surtout à la lumière de la situation de Tchernobyl, c'est-à-dire ce qui aurait pu se passer là-bas, ce qui pourrait ou pourrait ne pas se passer dans le cas d'autres réacteurs ailleurs qu'au Canada.
Quant à la quantification pécuniaire du risque, on utilise actuellement pour les réacteurs canadiens une formule d'origine américaine qui nous provient d'assureurs nucléaires américains. Ensuite, en collaboration avec la Commission de contrôle de l'énergie atomique, nous nous mettons d'accord quant au prix.
Si la limite est portée désormais de 75 millions de dollars à 500 millions de dollars il va nous falloir en tenir compte. Une limite plus élevée ne signifie pas automatiquement une augmentation exponentielle de la prime. C'est tout ce que je peux vous dire actuellement sur ce qu'il pourrait en coûter ultimement en assurance.
Selon le Pool canadien d'assurance des risques atomiques, il s'agit bien ici d'un partenariat entre les fournisseurs et les autres exploitants qui doivent souscrire une assurance nucléaire pour une couverture donnée. Il faut à vrai dire prendre en compte ce qui concerne la vie et la santé des gens, et cela intervient dans l'assurance responsabilité qui pourrait être offerte en commun, mais il y a également des caractéristiques spécifiques à l'assurance - et c'est là qu'intervient la gestion du risque, à laquelle nous participons grâce à des inspections et un travail en collaboration avec la CCEA, les fournisseurs d'énergie, et ce sur place. Nous avons nos propres ingénieurs nucléaires ce qui nous permet d'évaluer le risque sur le plan de l'assurance, et ce qui nous donne la possibilité d'appliquer un barème de prix équitables.
Nous considérons donc les choses de divers points de vue.
M. Julian Reed: Ne convenez-vous pas, advenant une catastrophe, quelle qu'elle soit, que le montant de couverture d'assurance aurait peu d'importance de toute façon car les dommages seraient incommensurables?
Mme Collier: Il est difficile de ne pas le reconnaître quand on prend tout en compte, les dégâts matériels, les blessures, les pertes de vie et les dommages pour la santé, sans compter les souffrances morales.
M. Julian Reed: C'est un peu comme si l'on faisait fondre la calotte polaire, ce qui ferait monter le niveau des océans de trois mètres. Le résultat est très difficile à évaluer.
Il ne faut cependant pas oublier que nous avons besoin d'énergie et d'électricité. C'est grâce à l'énergie que les choses marchent.
J'ai siégé au Comité spécial de l'électricité de l'Ontario pendant quatre ans. Je connais bien le débat. Quant à moi, je pense qu'en ce qui concerne l'énergie nucléaire, il faudrait offrir des chances égales. En fait, les questions que j'aurais à poser sont hors de propos car elles portent sur les chances égales du point de vue de la production d'énergie et sur les raisons qui expliquent que les CANDU ne sont pas rentables. Certes, ils donnent du travail à bien des gens mais ils ne rapportent pas. Mais ce sera pour une autre fois.
J'aimerais poser une question à la représentante de la Campagne contre l'expansion du nucléaire. Je constate que vous citez ici les personnes que je connais très bien, de vieilles connaissances de longues années. Je vais vous poser la même question que j'ai posée à certaines d'entre elles. Nous savons ce que vous contestez. Que représentez-vous?
Mme Ostling: Nous aimerions voir le Canada adopter des options d'énergie renouvelable. Il est possible d'éliminer progressivement l'énergie nucléaire au Canada. La première chose qui nous rendrait moins tributaires de l'énergie nucléaire au Canada, c'est l'efficacité énergétique. Ensuite, il y a toute une série d'énergie de remplacement à notre disposition, y compris l'énergie éolienne, solaire et celle qui provient de la biomasse.
Je partage votre point de vue au sujet des règles de jeu équitables. La Loi sur la responsabilité nucléaire fausse le marché parce qu'elle ne contribue pas à favoriser des règles de jeu équitables.
J'ai avec moi une liste des points saillants sur les énergies renouvelables de remplacement pour le Canada que je peux vous laisser.
M. Julian Reed: Je...
Le président: Julian, deux autres membres du comité veulent poser des questions.
M. Julian Reed: Excusez-moi. Merci beaucoup, monsieur le président.
M. Harold Culbert (Carleton - Charlotte, Lib.): Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs. Tout d'abord, je dois vous dire que mes questions partent d'un point de vue quelque peu différent. Tout d'abord, je pense que nous souhaitons tous avoir des garanties afin d'éviter tout risque d'accident grave, que nous reconnaissons tous la nécessité d'une responsabilité, d'une protection assurance.
Point Lepreau se trouve dans ma circonscription, donc je parle en connaissance de cause. Je dois dire que je suis très fier du fonctionnement de cette centrale, car comme on le sait de façon générale, à part un certain temps mort récemment, celle-ci avait fonctionné comme la meilleure ou certainement l'une des trois meilleures selon les critères utilisés dans le monde entier. Je pense que c'est digne de mention.
Dans l'exposé de ce matin des représentants de l'Association nucléaire canadienne, je constate que dans le paragraphe du bas de la page 2, vous dites, au sujet du projet de loi C-249: «Il est tout à fait injuste de laisser entendre que des exploitants responsables puissent sacrifier la sécurité pour tirer des avantages économiques à court terme». J'aimerais savoir quels contrôles vous faites. Quelles sont les mesures prises dans le cas de Pickering, dans le cas de centrales qui vieillissent? Utilisez-vous une méthodologie différente pour les inspections de sécurité? Comme nous le savons, avec le vieillissement d'une centrale, cela devient plus important. J'aimerais également savoir quelles sont les différences d'efficacité économiques entre les usines d'aujourd'hui et celles construites disons il y a 20 ans ou plus.
J'ai d'autres questions en tête aussi. Nous savons que les barrages créent beaucoup d'énergie au Canada. Je veux savoir quelle est la responsabilité de l'exploitant d'un barrage hydroélectrique s'il y a une fuite dans le barrage ou si celui-ci provoque des inondations comme cela se produit à divers endroits au monde. Donc, tout d'abord, je veux savoir qui est responsable.
M. Hunt: En ce qui concerne le vieillissement des installations nucléaires, toute construction mécanique ou artificielle, avec le temps, exige de l'entretien pour maintenir sa solidité et sa force. La possibilité de maintenir des installations qui vieillissent, qui ont plus de 20 ou 30 ans, varie considérablement, d'un endroit à l'autre.
Je vais vous donner un exemple. À la fin de l'an dernier, une centrale nucléaire britannique a reçu un permis lui permettant de continuer son fonctionnement pendant 10 ans encore, il s'agit d'une centrale qui vient d'avoir 40 ans. Il s'agit en fait de deux centrales qui comprennent quatre unités chacune; il y a huit réacteurs de 40 ans et on vient de leur donner la permission de continuer à fonctionner jusqu'à 50 ans. Dans d'autres cas, nous entendons parler d'installations nucléaires qui, pour toutes sortes de raisons, sont abandonnées après 15 ou 20 ans.
À bien des égards, on agit envers la technologie nucléaire comme pour tout le reste. La décision de maintenir une centrale en bon état de fonctionnement ou d'en cesser l'exploitation n'a rien à voir, dans une grande mesure, avec la technologie nucléaire, mais avec les facteurs économiques de l'approvisionnement en énergie à la région qu'elle dessert. Par exemple, en Ontario, l'électricité nucléaire s'est avérée très peu coûteuse.
Je vais vous en donner un exemple. À la centrale de Darlington, il en coûte moins de 1c. le kilowatt/heure pour produire l'électricité. Darlington constitue la source la moins coûteuse d'électricité thermique au Canada aujourd'hui. Le coût total est beaucoup plus élevé puisque évidemment, on a accumulé une dette importante pour payer la construction de la centrale, mais cela n'a rien à voir avec le coût de fonctionnement. Ce dernier est de moins de 1c.
En ce qui concerne le financement des installations hydrauliques, c'est un peu la même chose que les centrales nucléaires. Les coûts en capitaux sont très élevés, mais les coûts de fonctionnement, d'entretien et de combustibles sont assez faibles. Sur le plan économique, elles sont assez semblables aux centrales nucléaires et leur choix repose essentiellement sur des raisons de situation et de géographie. Elles vieillissent aussi. Il leur faut souvent de l'entretien et des réparations.
Vous demandez qui est responsable dans le cas des installations hydrauliques. Je ne peux pas vous répondre. Tout ce que je peux vous dire, ici aujourd'hui, c'est qu'au cours du siècle, il y a eu au moins une centaine de barrages dans lesquels des brèches importantes ont provoqué des inondations extensives.
On en a eu un exemple, le même mois de la même année que l'accident a eu lieu à Three Mile Island dont vous avez tous entendu parler. Il est à noter qu'à Three Mile Island, il n'y a eu aucun décès, aucun blessé, aucune conséquence pour la santé ou l'environnement sur place ou ailleurs. Toutefois, le même mois, dans la province de Gujarat en Inde, une brèche s'est ouverte dans un barrage hydroélectrique. Cinq mille personnes au moins ont péri en moins de 10 minutes, et personne n'en a jamais entendu parler.
M. Harold Culbert: C'est justement ce que je voulais faire valoir. Il faut mettre les choses en perspective.
Peut-être puis-je poser encore une question ou deux. Ce que je considère, c'est que quel que soit l'endroit où est située la centrale, la personnalité, l'expérience et la formation des exploitants diffèrent. Quelles sont les pressions qu'on exerce ou la responsabilité qu'on exige de chaque exploitant de ces centrales pour s'assurer de leur fonctionnement sécuritaire... évidemment efficient, mais sécuritaire d'abord sans courir de risques et menacer la sécurité pour des questions d'argent ou pour des questions d'efficacité opérationnelle?
Je veux donc savoir tout d'abord qui surveille. Je veux m'assurer qu'il n'y a pas de loup dans la bergerie. Je veux savoir qu'il y un chien de garde indépendant qui n'est pas du milieu nucléaire et qui n'a pas d'investissement dans ce secteur.
Au fond, ce dont il est question ici, c'est d'une garantie de fonctionnement sécuritaire. Si je représentais l'industrie des assurances, je voudrais être certain que ce que j'ai garanti est en fait exploité de la façon la plus efficace et sécuritaire possible et qu'il n'y aura pas d'erreur, ni de risque de panne. Je veux savoir quelles sont ces précautions, quelles sont les responsabilités et comment le tout exerce des pressions sur chaque exploitant.
M. Hunt: Vous demandez la source des mesures incitatives en vue d'un fonctionnement sûr et sécuritaire. Il y en a deux. D'abord, la plus importante, les besoins même de l'exploitant.
Si vous exploitez un service public d'électricité et que vous preniez le temps et l'argent, énormément d'argent, pour construire une centrale nucléaire, qu'il vous en coûte 1, 2, 3 ou4 milliards de dollars, vous considérez que c'est énormément d'argent. Vous voulez donc vous assurer d'un fonctionnement sécuritaire afin de recouvrer cet investissement. Voilà la première chose que vous devez faire. Il est absolument obligatoire que vous y parveniez, d'un point de vue purement économique. Vous devez assurer un fonctionnement sécuritaire, sinon on ne vous permettra pas d'exploiter cette centrale.
Ainsi, Ontario Hydro, la Société d'énergie du Nouveau-Brunswick et Hydro-Québec vont tenter d'exploiter une centrale nucléaire sécuritaire que la Commission de contrôle de l'énergie atomique existe ou pas. Il en va de même pour presque tous les exploitants de réacteurs au monde aujourd'hui, certainement tous ceux du monde occidental, et de plus en plus c'est la motivation et la force motrice des services publics d'électricité des pays de l'ancien bloc de l'Est.
Deuxièmement, j'aimerais ajouter que la Commission de contrôle de l'énergie atomique ne crée pas la sécurité. La commission motive à adopter des méthodes sécuritaires. Elle encourage leur mise en place et elle vérifie qu'il se fait une exploitation sécuritaire. Si elle est d'avis que ce n'est pas le cas, elle arrête le fonctionnement. Mais en soi, la commission ne peut pas créer la sécurité. C'est à l'exploitant de le faire puisque c'est dans son propre intérêt et uniquement dans son propre intérêt de fonctionner de façon sécuritaire.
M. Harold Culbert: J'ai une petite question que je veux poser au représentant des assurances. Dans toutes les autres industries ou secteurs que vous vous engagez à assurer... Dans le cas de mon assurance automobile, vous considérez ma performance, afin de déterminer si j'ai un bon dossier de conduite, etc., et vous en tenez compte en déterminant les primes. Que considérez-vous dans le cas de l'énergie nucléaire afin d'établir le taux des primes, les garanties que vous offrez et quel genre de pressions exercez-vous afin de vous assurer que premièrement et avant tout, le fonctionnement se fait en toute sécurité, quel genre de bâton avez-vous à votre disposition?
Mme Collier: C'est une question en trois volets. Elle se rapporte à quelque chose que j'ai dit plus tôt.
Nous considérons que l'assurance que nous offrons implique un partenariat. Je peux affirmer que nous avons des relations extrêmement bonnes avec Point Lepreau dans le domaine de la gestion du risque et avec son nouveau directeur du risque, Neil Duplessis. Nous souscrivons le risque, et donc nous nous assurons de le faire régulièrement avant la date de renouvellement.
En outre, nous disposons de deux mécanismes. D'abord, nos ingénieurs nucléaires, soit canadiens ou étrangers qui se rendent dans les centrales, régulièrement, et qui ont de bonnes relations de travail avec la gestion et avec les responsables des divers secteurs de chaque centrale. C'est un premier pas.
Deuxièmement, il y a les membres ou les gestionnaires qui participent à la couverture d'assurance. Nous nous rendons dans les centrales, nous parlons aux gens, nous parlons à la haute direction des services d'utilité publique, des conditions de la souscription d'assurance et des conditions de renouvellement.
En ce qui concerne les primes, il n'y a pas eu grands changements du montant des primes des polices d'assurance des exploitants sauf quelques réductions ces dernières années, et ce avant le renouvellement de la police, après que nous ayons fait les vérifications nécessaires du point de vue de la couverture et des vérifications techniques. Si nous ne pensons pas qu'il est justifié de réduire la prime parce que nous voulons voir des améliorations, nous ne la réduisons pas. Inversement, s'il y a des aspects positifs de réduction du risque, nous sommes disposés à en tenir compte lorsque nous déterminons le coût du risque.
Nous travaillons donc en étroite collaboration avec les services d'utilité publique. Lorsque j'ai commencé, nous avons considéré que nous ne pouvions pas fonctionner dans le vide, qu'il nous fallait établir des relations.
Le président intérimaire (M. Julian Reed): Merci.
Reg.
M. Réginald Bélair (Cochrane - Supérieur, Lib.): Merci, monsieur le président.
Les questions que vous avez posées il y a quelques instants sont semblables à celles que je veux poser.
Il ne me reste donc qu'une question, je pense. Dans son exposé, M. Stewart a déclaré très clairement que le gouvernement fédéral doit assumer la responsabilité d'indemniser tout dommage qui dépasse les 75 millions de dollars, et pourtant, votre collègue, M. Hunt - je pense que vous faites tous deux partie du même organisme - a affirmé que le gouvernement fédéral n'est là que pour encourager - j'essaie de reprendre ses paroles - et contrôler la sécurité des réacteurs nucléaires; la responsabilité sur le plan de la sécurité revient à l'exploitant. À mon avis, cela va tout à fait à l'encontre de ce que M. Stewart a dit au cours de son exposé. Cela dit, pourquoi le gouvernement fédéral devrait-il être responsable au-delà de 75 millions de dollars, surtout dans le cas d'exploitants privés?
M. Hunt: J'aimerais souligner que j'ai déclaré que le gouvernement fédéral ne saurait créer la sécurité. Il peut l'encourager et la vérifier. L'exploitation sécuritaire n'a rien à voir avec la responsabilité. La sécurité, c'est l'exploitation sécuritaire d'une centrale et la responsabilité c'est...
M. Réginald Bélair: S'il y a accident?
M. Hunt: S'il y a accident, c'est la preuve que vous ne fonctionniez pas de façon sécuritaire; par conséquent, vous devez faire face aux conséquences de l'accident. Ces deux conditions, essentiellement, ne sont pas reliées directement en vertu de la loi.
Je vous rappelle encore que dans notre mémoire, nous mentionnons que dans l'affaire Enquête énergétique, ville de Toronto et Rosalie Bertell c. Procureur général du Canada, le juge, dans une conclusion de fait a expressément déclaré que l'exploitation sécuritaire des installations nucléaires n'était reliée d'aucune façon à l'existence de la Loi sur la responsabilité nucléaire et à ses dispositions limitatives.
M. Réginald Bélair: Je ne partage pas cet avis.
Madame Ostling, j'aimerais vous donner l'occasion de finir votre réponse à la question deM. Reed.
Mme Ostling: Au sujet des énergies de remplacement?
M. Réginald Bélair: Oui, et si vous le pouvez, parlez-nous également des coûts que cela entraîne.
Mme Ostling: Nous n'avons fait aucune étude sur les coûts associés aux différentes options énergétiques, telles que le coût des assurances, si c'est de cela que vous parlez particulièrement. Toutefois, les énergies de remplacement que nous proposons sont propres, sûres et économiques.
L'industrie nucléaire a déjà coûté plus de 15 milliards de dollars en subventions aux Canadiens. Le secteur des énergies renouvelables ne demande pas encore des subventions; il demande des règles de jeu équitables.
Récemment, j'ai participé à une conférence ici à Ottawa intitulée Renewable Energy: Releasing Canada's Stranded Opportunities. Il est très intéressant de noter que Anne McLellan, la ministre des Ressources naturelles parlait d'encourager les énergies de remplacement au Canada, et pas uniquement au Canada, mais sur la scène internationale aussi.
M. Réginald Bélair: Parfait, mais vous dites que votre organisme préconise l'abandon du nucléaire. Selon vous, à l'avenir, il n'y aura plus de réacteurs nucléaires au Canada.
Mme Ostling: Exactement. Nous ne faisons que reconnaître le processus déjà en cours. On abandonne l'énergie nucléaire, non seulement au Canada, mais à l'échelle internationale. L'achat du dernier réacteur nucléaire en Amérique du Nord remonte à 1978. Il n'y a eu aucun nouvel achat de réacteurs nucléaires au Canada.
Nous considérons qu'il s'agit essentiellement d'un processus. À l'heure actuelle, les Canadiens et la communauté internationale se préoccupent certainement de l'énergie nucléaire à la suite événements tels que Tchernobyl et Three Mile Island, mais pas uniquement à cause de cela. Il y a les émissions courantes des centrales nucléaires. On est de plus en plus préoccupés et sensibilisés.
Nous ne réclamons pas uniquement l'élimination progressive, puisque nous reconnaissons que cela se produit déjà. Nous voulons que cela se passe d'une façon responsable et graduelle.
M. Réginald Bélair: Aucune de vos propositions ne provoquerait de pollution?
Mme Ostling: Notre principale proposition, l'efficience énergétique ne créerait aucune pollution. Dans le cas des options de remplacement, l'énergie éolienne, solaire, hydroélectrique, la biomasse ou l'énergie marémotrice, il y aurait beaucoup moins de conséquences environnementales qu'avec l'énergie nucléaire.
On nous a dit ici aujourd'hui notamment que l'énergie nucléaire est peu coûteuse. On ne saurait l'affirmer si l'on tient compte des coûts énormes d'élimination des déchets nucléaires qui représentent une autre responsabilité considérable pour les Canadiens. Il en coûtera au moins 13 milliards de dollars, selon les estimations de l'industrie nucléaire. Aucune des options que nous préconisons ne nécessitera de mesures d'élimination des déchets telles que l'enfouissement de matériaux radioactifs dangereux dans le Bouclier canadien.
M. Stewart: Puis-je préciser quelque chose? Je ne veux pas participer au débat, Kristen, mais voici deux points simples.
D'abord, s'il n'y a pas eu de nouveaux réacteurs nucléaires en Amérique du Nord, c'est que nous n'avons pas vraiment besoin de produire plus d'électricité. Il faut de l'énergie en petites quantités ici et là et comme vous le savez, il y a un excédent en Ontario; le Nouveau-Brunswick... Nous n'avons pas besoin d'énergie et donc évidemment, on ne construit pas d'installations de charges minimales.
Cela dit, on construit actuellement dans le monde entier des centrales nucléaires d'une puissance totale de 40 000 mégawatts, soit trois fois supérieure à celle dont le Canada a doté ses centrales nucléaires. Il y a quelques semaines, le Japon a choisi deux autres unités d'une puissance de 1 300 mégawatts. Les pays qui doivent répondre à la même demande d'énergie que le Canada au cours des années 60 et 70 choisissent l'option nucléaire. Cette décision s'explique par des raisons économiques et, à notre avis, par des considérations de développement durable. L'industrie minière d'uranium est très rentable et en pleine expansion, et c'est pourquoi on ouvre de nouvelles mines. C'est pour répondre à la demande actuelle et croissante de combustible qu'utilisent les centrales nucléaires.
Lorsque nous ne regardons que la situation en Amérique du Nord ou en Europe, où on n'a pas besoin d'énergie supplémentaire, notre point de vue devient un peu borné. Dans le monde entier, dont l'Asie du Sud-Est et les pays en expansion, comme la Chine, on choisit pour des raisons purement économiques, l'option nucléaire.
M. Réginald Bélair: Deux petites questions. La première concerne les déchets nucléaires. Mme Ostling vient d'en parler. Je pense que cela s'ajoute à la question de responsabilité, non seulement de la sécurité des centrales nucléaires, mais aussi des déchets...
Peut-être que je devrais poser la question à Mme Collier. Est-ce qu'on inclut normalement dans une police d'assurance le transport et l'entreposage des déchets nucléaires?
Mme Collier: Oui. Mais on n'avait pas prévu au début la quantité de déchets qu'il faudrait entreposer. Nous avons maintenant 20 ou 30 ans d'expérience dans ce domaine. On les entrepose sur place de façon sécuritaire, et oui, en effet, cette responsabilité est incluse actuellement dans la police d'assurance.
M. Réginald Bélair: Je pense plutôt au transport des déchets nucléaires. Vous savez sans doute qu'on réalise actuellement des expériences dans le Bouclier canadien, plus précisément dans la région de Winnipeg, afin d'enfouir complètement des déchets provenant des centrales de Darlington, de Bruce et de Pickering, en Ontario. Cela représente une longue distance; au moins 1 000 milles. Et s'il y a un accident? Est-ce qu'une telle éventualité est couverte par la police d'assurance que vous offrez à vos clients?
Mme Collier: Dans ce cas précis, le formulaire qu'on utilise est celui prévu pour l'exploitation d'un réacteur nucléaire ou toute autre installation. Les fournisseurs et transporteurs peuvent acheter cette couverture en utilisant un autre formulaire, qui est différent et ne relève pas actuellement de la loi.
M. Réginald Bélair: Je devrais peut-être reformuler ma question. Est-ce que votre police d'assurance prévoit implicitement que l'exploitant est responsable du transport et de l'entreposage? Quand vous établissez une police, est-ce que cela est implicite? J'essaie de savoir si le gouvernement fédéral est toujours responsable du transport des déchets, comme le soutient M. Stewart.
Mme Collier: Je ne crois pas. Je suis désolée, mais je dois vérifier le libellé. Je ne m'en souviens pas... une fois que ce n'est plus sur place. Donnez-moi quelques instants, et j'essaierai de trouver cette information pour vous.
M. Réginald Bélair: M. Stewart a peut-être quelque chose à ajouter.
M. Stewart: Il y a un ou deux points que j'aimerais éclaircir. Tout d'abord, dans leurs états financiers, les exploitants des réacteurs nucléaires canadiens ont tenu compte du coût de l'élimination des déchets, par stockage dans des couches géologiques profondes ou par d'autres moyens. Le Nouveau-Brunswick envisage une autre méthode, qui est entièrement couverte par leur système de tarification. Ontario Hydro a mis en réserve 8 à 9 milliards de dollars pour l'élimination de leurs déchets. Ce montant est incorporé dans le prix que paient les consommateurs. Il ne s'agit donc pas d'une responsabilité imprévue qui n'est pas couverte.
M. Réginald Bélair: Vous dites donc que les exploitants en sont responsables.
M. Stewart: Ils en sont responsables et aussi...
M. Réginald Bélair: Mais si le coût d'un accident dépasse 75 millions de dollars, soutenez-vous toujours que le gouvernement fédéral doit en assumer la responsabilité?
M. Steward: Avant de savoir s'il faut le fixer à 75 millions de dollars, je crois que nous pouvons en débattre.
Je crois que le gouvernement fédéral a clairement énoncé sa politique en matière d'élimination des déchets dans son dernier énoncé financier institutionnel à ce sujet: Celui qui produit les déchets est responsable du transport et de l'élimination de ces derniers. Ontario Hydro et la Société d'énergie du Nouveau-Brunswick ne peuvent se dérober à leur responsabilité en matière d'élimination des déchets, et je ne crois pas non plus qu'ils cherchent ou désirent le faire.
Il est tout à fait clair que cela représente la politique fédérale, et je crois que tous les participants aux audiences qui viennent de se terminer sur l'élimination des déchets, ont appuyé cette position sans réserve. Je crois qu'aucun des générateurs importants de déchets, que ce soit des compagnies minières ou d'autres intervenants, ne s'y est opposé.
M. Hunt: On a signalé que l'élimination finale des déchets coûte très cher. Il ne faut pas oublier que 12 ou 13 milliards de dollars représentent une proportion minime de la valeur totale de l'électricité que ces installations nucléaires produiront au cours de leur vie économique. Je ne parle pas ici de la durée de vie utile de l'installation, mais plutôt de sa vie économique, qui représente plus de 140 milliards de dollars. Dans ce contexte, 11, 12 ou 13 milliards de dollars représentent une proportion minime.
M. Réginald Bélair: J'ai une dernière question, monsieur le président, et je serai très bref.
Du point de vue de la responsabilité, pourquoi le Canada devrait-il se classer septième au monde?
M. Hunt: Cela ne devrait pas être le cas.
M. Réginald Bélair: Quel serait un montant acceptable? Il varie de 750 millions de dollars aux États-Unis à environ 50 millions de dollars en Italie, et pour nous, c'est 75 millions de dollars.
M. Stewart: Je ne vous donnerai pas un chiffre précis ce matin, mais je crois qu'il nous faut étudier la question de façon logique afin de nous aligner sur les autres pays du monde et faire preuve de souplesse pour différencier entre le réacteur de McMaster et celui de Darlington, ou toute autre installation. Je pense qu'il faut insister sur cela. Nous devons évaluer les besoins et définir le niveau de risque approprié.
M. Hunt: Notre association estime qu'il ne serait pas raisonnable d'essayer de préciser un chiffre avant d'examiner la loi dans son intégralité.
M. Réginald Bélair: Aucun chiffre ne semble raisonnable.
M. Hunt: C'est possible, mais seulement après avoir examiné toutes les dispositions de la loi.
M. Réginald Bélair: Cela pourrait être 25 millions de dollars, ou peut-être 500 milliards de dollars.
M. Hunt: Tout dépend de l'installation.
M. Réginald Bélair: Si vous éliminez toute la ville de Toronto, essayez de le reconstruire avec 75 millions de dollars. Voilà ce que j'essaie d'expliquer. De toute évidence, ce n'est pas suffisant.
Le président: Julian, vous avez dit que vous avez une courte question.
M. Julian Reed: Oui. Monsieur le président, il y a une ou deux choses que j'aimerais demander. Est-ce que M. Hunt pourrait expliquer au comité comment la centrale de Darlington peut produire de l'énergie à raison de 1c. le kilowatt.
M. Hunt: C'est le chiffre qu'Ontario Hydro a donné dans ses prévisions de coûts de 1995.
M. Julian Reed: Oui, je sais. C'est merveilleux. Croyez-moi, c'est un modèle merveilleux de gestion de fonds. Je n'en crois pas un mot, et je peux vous expliquer pourquoi.
Mon autre question est pour Mme Ostling.
Si l'énergie renouvelable est une si bonne solution qu'il faille adopter, pourquoi les groupes environnementaux ne la défendent-ils pas activement? J'étais très heureux d'entendre vos commentaires aujourd'hui, mais vous êtes un oiseau rare parmi les groupes environnementaux. Je pourrais vous demander pourquoi il m'a fallu six ans pour obtenir l'autorisation de construire une petite installation hydroélectrique toute simple en Ontario.
Vous n'avez pas besoin de répondre. Vous pouvez simplement y réfléchir.
Mme Ostling: Il y a un bon nombre de groupes environnementaux qui sont en faveur des options d'énergie renouvelable, et qui travaillent en collaboration avec nous à la mise au point des documents de recherche en ce qui concerne cette question. Un bon nombre d'entre eux ont assisté et participé à la conférence qui a eu lieu récemment ici, à Ottawa. Alors vous n'êtes pas seul. Nous ne sommes pas seuls.
Le président: J'aimerais poser une question à Mme Ostling. J'aimerais savoir plus précisément quels conseils elle donnerait à notre comité au sujet de ce projet de loi.
Je comprends votre témoignage et je vous remercie de votre comparution, mais préconisez-vous qu'on adopte une approche plus globale ou préconisez-vous l'abrogation de la loi actuelle sans la remplacer du tout; c'est-à-dire en donnant carte blanche au secteur privé? Je ne sais pas si j'ai bien compris votre suggestion et j'essaie donc de mieux comprendre.
Mme Ostling: Notre option préférée serait d'abolir la Loi sur la responsabilité nucléaire, parce que cette loi n'est pas juste. Une telle démarche changera sans aucun doute la nature de l'industrie nucléaire canadienne et aidera, espérons-nous, à créer une plus grande égalité des chances pour le secteur des énergies renouvelables.
Deuxièmement, je me rends compte que je demande beaucoup. Si une telle démarche n'est pas possible, je crois qu'il faut beaucoup accroître le niveau de responsabilité, jusqu'à un milliard. J'ai été encouragée d'apprendre que, sur le plan international, la limite serait au moins 800 millions de dollars. On devrait imposer cette limite. Je suis tout à fait d'accord avec l'Association nucléaire canadienne qu'il faut procéder à un examen complet de la loi.
Le président: Monsieur Stewart.
M. Stewart: Un de vos collègues a soulevé une question en ce qui concerne les profits de l'industrie. Je ne peux pas résister à la tentation, parce que je reçois mon salaire de toutes les sociétés membres et, que je sache, toutes ces sociétés membres font de l'argent. Vous n'avez qu'à lire les rapports actuels des sociétés telles que Camecos, Spars, CAI et General Electric...
M. Julian Reed: Alors nous n'avons plus besoin de subventionner l'industrie nucléaire.
M. Stewart: Je faisais simplement suite à vos observations.
M. Julian Reed: Eh bien, comment voulez-vous procéder?
Le président: Nous pouvons débattre de cette question plus tard.
Je tiens à remercier les témoins de leur comparution aujourd'hui. Vos exposés nous seront utiles.
Puisque je ne connais pas l'avenir de notre comité, et puisque je ne sais pas si nous serons ici la semaine prochaine, j'aimerais saisir l'occasion pour remercier tous les membres, ceux qui sont présents et ceux qui ne le sont pas, de leur travail, la collaboration et leur aide depuis que je préside ce comité. Je vous remercie tous.
Au nom de tous les membres du comité, je tiens à remercier le personnel, tout le personnel, des diverses sections au sein de la Chambre des communes, de l'excellent travail et de l'appui qu'ils ont accordé au comité au cours des derniers mois. Nous vous en sommes reconnaissants.
Je tiens également à remercier les interprètes qui ont travaillé avec nous, et qui ont essayé d'interpréter ce que nous avons dit, une tâche qui n'est pas toujours facile.
Je tiens aussi à remercier le ministère de tout l'appui qu'il nous a accordé et tout le monde qui a fait un effort.
Merci beaucoup.
La séance est levée.