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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 26 novembre 1996

.1105

[Traduction]

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît.

Le Comité des ressources naturelles poursuit son étude sur le développement rural. Nous recevons, aujourd'hui, trois témoins. Je vais vous les présenter brièvement.

Nous avons le plaisir d'accueillir Michael Brophy, Bill Steer et Carmen Demarco, du Comité d'aménagement forestier de Mattawa et des environs; Ruth Salmon, de la British Columbia Shellfish Growers Association; Marcel Gijssin, de la B.C. Salmon Farmers Association et Sharon Ford, de la Canadian Aquaculture Industry Alliance. Bienvenue à tous.

Nous allons demander de commencer par un exposé d'une dizaine de minutes environ. Nous entendrons chaque groupe à tour de rôle. Nous commencerons par le Comité d'aménagement forestier de Mattawa et des environs, à qui je demanderai de faire le premier exposé, après quoi nous ferons le tour de la table. Nous céderons ensuite la parole aux membres du comité qui poseront des questions aux trois groupes.

Monsieur Brophy.

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M. Michael G. Brophy (président, Comité d'aménagement forestier de Mattawa et des environs): Merci beaucoup de nous avoir permis de prendre la parole devant le comité.

Nous venons de la localité rurale de Mattawa, située à l'extérieur de North Bay. Nous représentons un organisme baptisé le Comité d'aménagement forestier de Mattawa et des environs. Nous pensons avoir une expérience positive à vous relater. Un certain nombre de choses importantes se sont passées chez nous et nous aimerions vous parler un peu des raisons auxquelles nous attribuons notre réussite.

L'un de nos principaux facteurs de réussite est notre député, Bob Wood, qui est assis là. Ce n'est sans doute pas très régulier, Bob, mais je vous adresse mes remerciements.

Je m'appelle Mike Brophy. Je suis le président du Comité d'aménagement forestier de Mattawa et des environs. Je suis un comptable agréé. Je vis dans la forêt durable de la région de Mattawa, dans une petite ferme, et cela fait deux ans que je suis président du comité.

Bill Steer a beaucoup travaillé pour le comité. C'est un environnementaliste local et un éducateur de notre conseil scolaire de Nipissing, un conseil scolaire qui obtient d'excellents résultats.

Carmen Demarco est fonctionnaire au ministère du Développement des Ressources humaines du Canada. Carmen est l'un de nos principaux facteurs de réussite et je vous inviterais à lui demander, plus tard, les raisons auxquelles il attribue notre succès et le rôle important qu'il a joué.

Nous représentons une région forestière. Ce secteur a eu une économie mixte pendant un certain nombre d'années, mais surtout centrée sur le secteur forestier. Nous pensons devoir notre succès à des solutions et, à ce qu'on pourrait appeler un modèle orienté du bas vers le haut. De nombreuses personnes de notre région se sont réunies et suivent toutes la même route, la même direction, pour parvenir au succès. C'est ce qui s'est passé dans une large mesure.

Nous croyons qu'il faut consolider avant de diversifier. C'est souvent un besoin dont on oublie de tenir compte. Je tiens à vous dire que c'est important. Nous croyons également beaucoup à l'expression «durabilité». Nous croyons que la durabilité est importante pour le secteur forestier. C'est un concept que nous prêchons. Nous avons d'ailleurs beaucoup tenu à baptiser notre région du nom de «forêt durable de la région de Mattawa».

Notre exposé comprend la projection d'un vidéo que nous avons réalisé. Je ne sais pas s'il est prêt, mais nous nous ferons un plaisir de nous servir de nos dix minutes pour vous montrer ce vidéo, car il vous expliquera largement notre réussite. Votre greffier nous a dit que nous pouvions le faire, même si c'est inhabituel. Par conséquent, si vous permettez... Merci.

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[Présentation du vidéo]

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M. Brophy: Monsieur le président, je prendrai peut-être deux minutes de plus pour conclure, si vous le permettez.

Le président: D'accord.

M. Brophy: La documentation que nous vous avons distribuée comprend un grand nombre de coupures de presse qui occupent les deux derniers tiers du document. Les deux premières pages portent sur les débuts de notre nouveau centre écologique, dont vous avez peut-être entendu parler, et nous nous ferons un plaisir de vous en dire plus tout à l'heure, si vous le désirez.

Malheureusement, notre exposé n'était qu'en anglais. Je crois que notre mémoire a été traduit en français. Une partie de la documentation est également en français.

Nous espérons vous avoir prouvé notre bonne foi. Nous sommes un exemple de réussite. Nous avons beaucoup à faire, mais nous avons un modèle.

Je vais demander à Bill de vous parler de l'environnementalisme par consensus, qui est important. Nous sommes convaincus que notre réussite est attribuable, en partie, à ce concept.

Bill.

M. Wilston Steer (éducateur et environnementaliste, conseil scolaire de Nipissing; Comité d'aménagement forestier de Mattawa et des environs): En tant qu'environnementaliste, j'adopte non pas les arbres, mais le concept de la durabilité. Les valeurs économiques, sociales et écologiques qui font partie de l'écosystème forestier sont les fondements de notre développement communautaire.

Nous avons lancé un mouvement que nous appelons l'environnementalisme consensuel. C'est la façon canadienne de trouver les solutions dans nos propres communautés. Si nous attachons beaucoup d'importance à ces valeurs et si nous veillons à ce que les environnementalistes urbains et ceux qui vivent dans les autres régions du pays, ou même du monde entier... cela contribuera à promouvoir, à long terme, l'image que nous nous faisons de la coupe des arbres et du développement durable. C'est une chose qu'il faut lancer au niveau communautaire.

D'autre part, sur le plan de l'éducation, nous avons mis sur pied un programme de formation sur le secteur forestier. Autrement dit, les éducateurs ne devraient peut-être pas se charger d'élaborer les programmes de cours. Peut-être faudrait-il que les industries y participent, que vous travailliez dans une scierie ou dans la forêt, et que cela exige une formation spécialisée ou non. L'industrie peut élaborer ce genre de programmes et, en collaboration avec les établissements d'enseignement, les intégrer dans la formation de nos jeunes lorsqu'ils entrent dans le monde du travail.

Je voudrais terminer sur ces paroles de la Wildlands League: «En réalité, les écosystèmes forestiers sains sont souvent à la base d'économies communautaires dynamiques». Et c'est ce que nous visons.

M. Brophy: Merci, Bill.

Monsieur le président et membres du comité, nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions plus tard. Nous croyons avoir un modèle qui peut servir d'exemple à d'autres communautés. Nous avons fortement recommandé un certain nombre de choses qui peuvent faciliter le développement économique des régions rurales du Canada et nous nous ferons un plaisir de vous en dire plus à ce sujet tout à l'heure.

Merci.

.1125

Le président: Merci beaucoup, monsieur Brophy.

Je signale aux membres du comité qu'il y a là trois pages de recommandations très précises.

Nous vous en remercions. Nous allons certainement en discuter au cours de la période de questions.

Je voudrais maintenant demander au témoin suivant, Ruth Salmon, de nous faire son exposé au nom de la British Columbia Shellfish Growers Association.

Mme Ruth Salmon (directrice exécutive, British Columbia Shellfish Growers Association): Merci, monsieur le président.

Au nom de la B.C. Shellfish Growers Association, je voudrais vous remercier de nous avoir invités à venir aujourd'hui. Nous croyons que le comité s'est attelé à une tâche importante et c'est avec plaisir que nous y participons.

Ce matin, je parlerai brièvement du rôle que l'aquiculture joue sur la scène internationale, au Canada et en Colombie- Britannique, mais je parlerai surtout des débouchés qu'elle offre sur le plan de la croissance économique et de l'emploi, surtout en Colombie-Britannique. À la fin de mon exposé, je présenterai également nos recommandations au comité.

Pour vous retracer un peu le contexte, la demande mondiale de poisson et de fruits de mer devrait augmenter régulièrement et atteindre 120 millions de tonnes d'ici le début du XXIe siècle. Cependant, comme chacun sait, les prises d'espèces sauvages ont atteint leur plafond et ont commencé à décliner. Par conséquent, pour satisfaire à la demande, un certain nombre de pays, dont le Canada, sont en train de se doter d'une nouvelle source d'approvisionnement importante, grâce à l'aquiculture.

Au Canada, la valeur totale de la production aquicole est passée de 7 millions de dollars en 1984 à plus de 294 millions en 1994. L'aquiculture augmente la production des ressources aquatiques du Canada.

Selon la FAO, des Nations unies, l'aquiculture se définit comme la culture d'organismes aquatiques y compris les poissons, les mollusques, les crustacés et les plantes aquatiques.

Pour résumer, l'aquiculture est une industrie agroalimentaire durable, particulière, fondée sur la technologie, qui utilise les ressources aquatiques.

Au Canada, la croissance de l'aquiculture a commencé il y a moins de 20 ans. Il y a maintenant des fermes aquicoles dans chaque province ainsi qu'au Yukon. Les espèces cultivées à l'échelle commerciale sont le saumon, la truite, l'omble, le tilapia, les huîtres, les moules, les palourdes et les pétoncles.

Je vais maintenant m'attarder davantage sur la situation en Colombie-Britannique.

Les huîtres creuses du Pacifique sont cultivées, en Colombie-Britannique, depuis le début des années 20. Néanmoins, c'est depuis la fin des années 70 qu'il y a eu une croissance importante de ce secteur. Plusieurs raisons expliquent cette croissance.

Tout d'abord, la production s'est améliorée grâce à la recherche, aux transferts de technologie et à la mécanisation. D'autre part, les anciens établissements ont été remplacés par des jeunes entreprises ayant une optique très commerciale. Par ailleurs, le fret aérien nous a ouvert les marchés d'exportation. Et l'industrie s'est vraiment diversifiée et orientée vers de nouvelles espèces et des formes de produits à valeur plus élevée.

En Colombie-Britannique, la culture des coquillages et crustacés est maintenant un secteur prospère et en plein essor. Il y a 258 entreprises qui exploitent, en vertu d'un permis, 423 bassins de culture situés sur des terres domaniales louées au gouvernement. La production de coquillages et crustacés augmente chaque année sans que la superficie de terrain utilisé n'augmente. Les exploitations d'aquiculture de Colombie-Britannique produisent des huîtres du Pacifique, des palourdes japonaises et des pétoncles, à une échelle commerciale.

Pour vous donner un exemple de la croissance qu'enregistre notre secteur, l'histoire des palourdes japonaises est assez intéressante. Depuis 1988, cette production n'a cessé de croître dans la province. En un an, entre 1994 et 1995, elle a augmenté de plus de 60 p. 100. La production aquicole représente maintenant 80 p. 100 de la production de palourdes sauvages et la récolte se fait sur une superficie plus que dix fois moindre.

L'importance de l'aquiculture des coquillages et crustacés est de plus en plus reconnue. Nous l'appelons l'industrie triple-E: elle produit pour les marchés d'exportation, elle est bénéfique pour l'environnement et elle contribue de façon positive à l'économie de la Colombie-Britannique et du Canada.

Il est un détail important à mentionner au sujet de l'environnement. L'aquiculture des coquillages et crustacés a besoin d'une eau propre de haute qualité. La viabilité de notre aquiculture dépend directement du maintien d'un environnement aquatique sain et productif. Nous aborderons ce sujet un peu plus tard, lorsque nous présenterons nos recommandations.

Pour ce qui est des possibilités d'emploi, non seulement l'aquiculture des coquillages et crustacés contribue de façon positive à l'économie, mais ce sont surtout les localités côtières et rurales, où les possibilités de développement économique sont limitées, qui en bénéficient. Le secteur forestier et celui de la pêche sont en déclin et l'aquiculture représente donc l'une des rares possibilités de diversification économique pour de nombreuses régions rurales.

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L'aquiculture des coquillages, crustacés et poissons emploie plus de 5 200 personnes dans l'ensemble du pays. Elle se situe, dans une proportion de plus de 90 p. 100, dans les régions rurales. En plus d'être une source d'emplois de plus en plus importante, l'aquiculture offre également la possibilité d'une amélioration des conditions sociales et économiques des localités dont les débouchés économiques sont limités.

Marcel vous confirmera qu'à Tofino, en Colombie-Britannique, 25 p. 100 de la main-d'oeuvre totale travaillent dans l'aquiculture. Dans le comté de Charlotte, au Nouveau-Brunswick, 1 500 emplois permanents ont été créés grâce à l'aquiculture. La culture des coquillages et crustacés est maintenant le principal employeur à Cortes Island, en Colombie-Britannique, et l'un des plus gros employeurs dans la région de Baynes Sound, sur la côte est de l'île de Vancouver.

Dans ces régions, l'aquiculture est une source de fierté et elle s'est révélée être un excellent exemple de développement durable, tant du point de vue économique qu'environnemental. En outre, elle sert de modèle pour le développement économique des autres régions côtières.

Le potentiel à long terme de l'aquiculture est très prometteur. En 1995, la valeur totale de la production de coquillages et crustacés s'élevait à 10 millions de dollars en Colombie-Britannique. Selon les prévisions de l'industrie et du gouvernement, la production de la province devrait doubler d'ici l'an 2000, ce qui n'est pas bien loin, et les recettes pourraient atteindre 50 millions de dollars d'ici la prochaine décennie. Si vous traduisez ce potentiel de croissance en emplois, cela veut dire que, d'ici l'an 2000, l'emploi à plein temps doublera, passant de 1 000 à 2 000. Lorsque les recettes de l'industrie atteindront 50 millions de dollars, les besoins en main-d'oeuvre seront de 5 000 employés.

La culture des crustacés et coquillages fait de plus en plus appel à la technologie et exige beaucoup de main-d'oeuvre, ce qui fournit des possibilités d'emplois permanents et pas seulement saisonniers. C'est un des divers moyens permettant d'offrir des emplois durables, dans le secteur primaire et secondaire, dans les localités côtières rurales.

Prenons, par exemple, le plus gros élevage de coquillages et de crustacés du Canada, qui se trouve à Fanny Bay et qui s'appelle Fanny Bay Oysters. Cette entreprise a créé 108 emplois à plein temps au cours des dix dernières années. Cependant, avec une réglementation moins lourde et un climat propice à l'expansion de l'aquiculture, ce chiffre aurait pu atteindre 600 à 1 000 emplois.

Je voudrais dire quelques mots ici quant aux débouchés que cela offre aux premières nations. L'aquiculture des coquillages et crustacés représente, pour les premières nations, une possibilité unique de créer des entreprises viables dans les localités côtières rurales. Certaines des plages les plus productives qui se prêtent à l'aquiculture sur la côte sont des terres faisant partie de réserves autochtones. La participation des premières nations à l'aquiculture est donc tout à fait naturelle.

En plus de posséder d'excellentes zones de culture, les premières nations possèdent déjà un bon nombre des compétences requises, lesquelles reposent largement sur l'habitude de travailler dans un environnement marin. Mais la taille de notre industrie ne reflète pas vraiment son potentiel. Pourquoi ce secteur n'est-il pas plus important? Il y a plusieurs obstacles dont je voudrais parler. Un bon nombre d'entre eux sont les obstacles que dressent la législation et la réglementation.

À l'heure actuelle, le principal facteur qui limite la croissance de notre secteur est la lourdeur de la réglementation gouvernementale et l'incertitude que créent les divers niveaux de gouvernement. L'aquiculture relève d'un ensemble complexe de champs de responsabilités et de compétences qui se chevauchent. Pas moins de dix ministères provinciaux et fédéraux influencent le climat des affaires dans lequel l'aquiculture doit évoluer en Colombie-Britannique. De plus, les gouvernements régionaux et locaux sont chargés d'établir les règlements de zonage sur lesquels les groupes d'intérêts particuliers peuvent exercer une forte influence lors des audiences publiques.

Les actes ou l'inaction du gouvernement fédéral limitent la croissance de l'aquiculture en Colombie-Britannique. À cause de cette situation, non seulement les producteurs hésitent à prendre de l'expansion, mais ils songent à déménager leurs activités dans des pays qui leur seront peut-être plus favorables.

La réglementation n'est ni adéquate ni efficace. Elle continue à suivre un modèle qui a été conçu pour protéger et gérer une pêche sauvage. Notre secteur est donc touché par plusieurs règlements qui n'étaient pas conçus, au départ, pour l'aquiculture. En fin de compte, les exploitants se retrouvent avec des frais inutiles. L'industrie reconnaît la nécessité d'une réglementation, mais il faut que les règlements soient adéquats et utiles.

Une autre contrainte est l'investissement. L'aquiculture des coquillages et crustacés n'a pas encore retenu l'attention du monde de la finance. La disponibilité des capitaux a d'importantes répercussions sur le niveau d'expansion nécessaire à la croissance.

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Le manque de soutien est un véritable obstacle à la croissance de l'industrie. L'organisme chargé de défendre nos intérêts devrait dépeindre l'aquiculture comme une industrie viable et un utilisateur légitime des ressources aquatiques. Il ne le fait pas et cela, pour de nombreuses raisons.

Le personnel n'a pas la formation et les connaissances nécessaires en aquiculture et le ministère ne semble pas déterminé, dans l'ensemble, à appliquer la politique à l'égard de ce secteur. Le meilleur exemple est qu'il n'a pas donné suite aux engagements qu'il a pris dans le cadre de la Stratégie fédérale de développement de l'aquiculture, un document publié en 1995 qui décrivait le rôle que le gouvernement fédéral devrait jouer dans l'expansion de ce secteur.

Pour passer à nos recommandations, nous en avons quelques-unes qui se rapportent à l'infrastructure. Le plan de travail du comité permanent disait, je crois, que les solutions aux problèmes ruraux ne devaient pas nécessairement apporter une aide financière directe sous la forme de subvention et de contribution. La B.C. Shellfish Growers Association approuve totalement cette déclaration.

Néanmoins, des investissements stratégiques dans l'infrastructure pourraient être extrêmement utiles. Les besoins d'infrastructure de l'aquiculture des coquillages et crustacés en Colombie-Britannique comprennent des systèmes de gestion des égouts et des eaux usées. Les systèmes actuels laissent beaucoup à désirer et, à certains endroits, ils pourraient ruiner tout le secteur de l'aquiculture. Le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle en répondant à ce besoin d'infrastructure dans les localités côtières de façon à les alimenter en eau propre et à préserver la prospérité de notre secteur.

Il faut également améliorer l'infrastructure de télécommunications étant donné qu'un bon nombre de nos producteurs vivent et travaillent dans des régions éloignées qui ne sont pas toujours reliées par les réseaux téléphoniques traditionnels. L'accès à la technologie de l'information est également très important.

Les organismes fédéraux comme la Société du crédit agricole continuent à avoir un rôle important à jouer en fournissant des capitaux aux entreprises d'aquiculture des régions rurales.

Dans un secteur en plein essor, il est également très important d'avoir accès à de la main-d'oeuvre qualifiée venant des localités de la région. Notre association aimerait que le gouvernement continue d'appuyer l'initiative du conseil sectoriel du Développement des ressources humaines.

Le gouvernement fédéral doit étayer sa stratégie nationale à l'égard de l'aquiculture d'engagements et de mesures concrètes. Il doit soutenir la compétitivité et le développement continu de notre secteur. Il doit créer un climat dans lequel l'aquiculture pourra prospérer et apporter ainsi la prospérité et des emplois aux localités côtières rurales.

Le secteur des crustacés et des coquillages de la Colombie-Britannique souhaiterait qu'un ministre soit chargé des affaires rurales. Les ruraux auraient ainsi quelqu'un pour promouvoir le développement économique de leurs communautés.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Gijssin, de la B.C. Salmon Farmers Association.

M. Marcel Gijssin (représentant, B.C. Salmon Farmers Association): Merci, monsieur le président et membres du comité.

Je me réjouis de pouvoir parler avec vous aujourd'hui. Je m'appelle Marcel Gijssin et je travaille pour la B.C. Salmon Farmers Association, dans une petite localité côtière appelée Tofino. Tofino est un excellent exemple de ce que la pisciculture du saumon peut faire pour le développement économique rural et je vais donc vous en dire plus sur ma localité.

Tofino a une population d'environ 1 300 habitants - ce n'est pas une grande ville. Elle se trouve sur la côte ouest de l'île de Vancouver et en bordure de Clayoquot Sound. Comme bien d'autres localités côtières, Tofino doit son existence au secteur forestier, à la coupe de bois et à la pêche commerciale. Malheureusement, depuis plusieurs décennies, la contribution de ces industries traditionnelles a beaucoup diminué. Heureusement, depuis dix ans, la pisciculture du saumon a pris de l'expansion et contribue largement à l'emploi d'un bout à l'autre de l'année.

À Clayoquot Sound, il y a maintenant 23 élevages de saumon qui sont exploités selon un cycle de jachère, ce qui veut dire qu'entre 18 et 20 élevages sont exploités en même temps. Ces exploitations produisent, chaque année, environ 12,5 millions de livres de saumon d'une valeur d'environ 35 millions de dollars.

La pisciculture du saumon crée environ 223 emplois directs dans la région. Ces emplois se trouvent dans les exploitations piscicoles, dans les usines de transformation, dans le transport maritime, la récolte et les autres activités de ce genre. La plupart de ces postes sont à plein temps et permanents, mais il y a aussi quelques postes à temps partiel. Ils se trouvent toutefois généralement dans le domaine de la transformation et de la récolte. Les emplois à temps partiel ou saisonniers sont surtout offerts à l'automne, en hiver et au printemps, quand le travail se fait plus rare dans les localités comme Tofino. Ils complètent très bien les autres activités saisonnières comme le tourisme qui fournissent surtout de l'emploi en été.

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Il y a aussi de nombreux emplois indirects dans le secteur de l'approvisionnement et des services. Les bateaux-taxis, les soudeurs, les plongeurs, les camionneurs, et les secteurs de la vente de moteurs hors-bord, de la réparation, du carburant, des matériaux de construction, de la quincaillerie, des lignes aériennes, de l'épicerie, pour ne citer que quelques exemples, font des affaires et créent des emplois en desservant notre industrie.

Les quatre entreprises qui exploitent des élevages de saumon à Clayoquot Sound font des affaires avec plus de 120 entreprises de la région. Cela stimule l'ensemble de l'économie rurale et la pisciculture du saumon aide donc à fournir et à maintenir des services et des infrastructures pour l'ensemble de la collectivité.

À titre d'exemple, je parlais, l'autre jour, au propriétaire d'une de nos entreprises de camionnage locales qui emploie neuf personnes. Il m'a dit que la seule raison pour laquelle il pouvait offrir des tarifs de livraison raisonnables à l'ensemble de la collectivité est qu'un grand nombre de ses camions livrent de l'équipement ou du matériel pour l'élevage du saumon et qu'on en profite donc pour y placer le reste des marchandises à transporter. C'est la pisciculture qui finance ces activités.

L'élevage du saumon a également préservé la nature même de localités côtières comme Tofino. Tofino a toujours été une localité maritime. Son front de mer déborde d'activités. Les ports de plaisance, les quais et les usines de transformation ont toujours fait partie de notre décor. Il y a quelques années, on pouvait voir six ou sept usines de transformation s'aligner au bord de l'eau, même dans une petite localité comme la nôtre. Aujourd'hui, il n'en reste plus que trois. Sur les trois, deux dépendent entièrement du saumon d'élevage et la troisième en dépend dans une large mesure. Dans l'ancien temps, lorsqu'il y avait six ou sept usines, ces dernières dépendaient entièrement de la pêche commerciale.

Si nous perdions maintenant la pisciculture du saumon, nous perdrions le reste de l'infrastructure maritime qui borde notre front de mer et la nature même de notre localité s'en trouverait changée.

J'ai pris l'exemple de Tofino, pas seulement parce que c'est chez moi, mais aussi, pour vous donner une bonne idée des effets de la pisciculture du saumon sur les localités côtières de la Colombie-Britannique et même de l'ensemble du pays.

À l'heure actuelle, la Colombie-Britannique compte 90 fermes piscicoles qui produisent environ 23 000 tonnes de saumon d'une valeur approximative de 165 millions de dollars. Sur cette production, une valeur de 140 millions de dollars est exportée, ce qui en fait l'exportation agricole la plus importante de la province. Il y a à peu près 2 400 années-personnes d'emplois qui sont créés chaque année, tant des emplois directs qu'indirects. Il faut également souligner, du point de vue du développement économique rural, que plus de 90 p. 100 de ces emplois sont situés dans des localités côtières rurales, en dehors des régions construites de Vancouver et de Tofino. Plus de 90 p. 100, c'est beaucoup.

Un rapport de 1994 démontrait à quel point la contribution de la pisciculture du saumon à l'emploi avait augmenté pour l'île de Vancouver. Il y était dit que le nombre d'années-personnes d'emplois fournis dans ce secteur était aussi important que dans l'ensemble du secteur de la pêche commerciale. En fait, nous avons vu la valeur du saumon d'élevage dépasser celle du saumon sauvage en Colombie-Britannique depuis deux ans et, l'année dernière, elle a été presque deux fois plus élevée.

L'importance de l'élevage du saumon va sans doute augmenter encore à la suite d'initiatives comme le plan Mifflin qui a réduit le nombre de permis de pêche dans notre région.

Malgré ces réalités, la pisciculture du saumon est là pour compléter la pêche commerciale et non pas la concurrencer. Nos localités ont besoin d'une pêche commerciale revitalisée, alliée à la pisciculture, pour bénéficier d'une économie saine et diversifiée.

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La pisciculture du saumon fournit des emplois et des avantages, tout en utilisant une région minuscule. Les 90 élevages de saumon de la Colombie-Britannique n'occupent à eux tous que 70 hectares. À titre de comparaison, ce que l'on considère comme une ferme agricole traditionnelle dans la province est une exploitation de 124 hectares. Nous pourrions loger toute notre industrie dans moins de 70 p. 100 de la superficie d'une seule ferme.

Sur le plan économique, la comparaison est également assez révélatrice. Cette ferme agricole a un revenu moyen d'environ 70 000$ tandis que notre secteur a des revenus d'à peu près 160 millions de dollars par année, comme je l'ai déjà mentionné. Chaque hectare servant à l'élevage du saumon rapporte plus de 2 millions de dollars de recettes et plus de 30 années-personnes d'emplois directs et indirects.

La Colombie-Britannique a un littoral de 27 000 kilomètres de long. Les nouvelles possibilités de croissance sont nombreuses, surtout au centre et au nord du littoral où il n'y a pas d'élevage de saumon à l'heure actuelle. Si la pisciculture du saumon pouvait occuper une superficie équivalant seulement à quatre de ces exploitations agricoles traditionnelles dont j'ai parlé, il serait possible de créer, sur 500 hectares, 15 000 emplois dans les localités côtières.

J'ai profité de cet exposé pour vous donner une bonne idée de la contribution actuelle et potentielle de la pisciculture du saumon au développement économique rural. Notre documentation écrite contient davantage de renseignements et indique un certain nombre des contraintes et des besoins auxquels il faut remédier pour que notre secteur puisse progresser.

Je voudrais conclure en citant un extrait d'une revue intitulée Business in Vancouver:

C'est extrait d'un article de Peter Ladner, l'éditeur de Business in Vancouver. C'était son éditorial du 13 février 1996.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Gijssin.

[Français]

Monsieur Deshaies.

M. Deshaies (Abitibi): Ma première question s'adresse à M. Brophy. Je demeure en Abitibi, une région qui est semblable à celle de Mattawa. Je suis donc bien sensibilisé aux besoins de Mattawa parce que ces mêmes besoins existent chez nous. Vous parlez de guichet unique pour avoir accès au gouvernement, de participation des entreprises au développement local et, ce qui me fait sourire un peu, d'avoir des députés qui sont proactifs relativement au développement des collectivités. Je suis assuré que votre député l'est.

J'aurais une petite question. L'industrie forestière m'est familière. Qu'est-ce qui fait que la région de Mattawa est une région exceptionnelle et pourquoi est-elle différente d'autres régions du nord de l'Ontario ou de l'Abitibi-Témiscamingue?

[Traduction]

M. Brophy: Merci pour la question. La réponse présente deux aspects. Premièrement, notre collectivité croit en l'industrie forestière. Il a fallu du travail pour en arriver là. Au départ, quand on demandait aux enfants qui marchaient dans les rues de Mattawa si c'était bien de couper un arbre, ils répondaient non, parce qu'ils avaient lu le Toronto Star ou vu à la télévision le mouvement environnementaliste qui est très influent.

Nous avons commencé par énoncer un principe de Frank Dottori, président de Tembec: il faut créer un climat propice à l'investissement pour pouvoir créer un emploi.

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Depuis janvier dernier, nous avons consacré énormément de temps aux coupures de presse - et je pense que ce document le montrera - à convaincre les gens que l'industrie forestière est une bonne chose, qu'une exploitation durable est importante et acceptable, qu'il est possible d'exploiter effectivement la forêt tout en la conservant pour les générations futures. Nous poursuivons nos efforts dans ce sens.

La deuxième raison de notre succès est que nous croyons beaucoup à la production à valeur ajoutée. Nous avons fait faire des études, non pas par Tembec ou Columbia Forest Products, mais par la collectivité, sur la question des produits à valeur ajoutée. Je signale en passant que le financement du ministère fédéral du Développement des Ressources humaines nous a aidés à le faire, y compris Carmen ici présent.

Cette étude a permis de formuler un certain nombre de recommandations au sujet de la production à valeur ajoutée qui pourrait venir de notre région. Nous avons ensuite fait des instances énergiques auprès de Tembec et de Columbia. Cette attitude positive vis-à-vis de la forêt, alliée à la participation de la collectivité, nous a permis de convaincre les gens que c'était la bonne chose à faire.

Examinez les statistiques incluses dans notre document. Il y a quelques chiffres au sujet de 1991, 1996 et 1997 qui indiquent une croissance importante de l'emploi ces années-là. Si vous prenez 1997, vous avez un projet d'expansion de 12 millions de dollars auquel Tembec procède actuellement et une expansion supplémentaire chez Columbia Forest Products.

Tout cela s'est réalisé parce que la collectivité a cru Dottori. Vous constaterez, dans certains des articles que nous avons photocopiés à votre intention, que Dottori dit aimer Mattawa parce que Mattawa aime l'industrie forestière. Nous croyons que ce climat favorable, plus une collectivité tournée vers l'avenir, représente l'un des secrets de la réussite.

Si vous le permettez, je voudrais que M. Demarco vous en dise un peu plus à ce sujet. J'espère que cela vous aidera à comprendre les raisons de notre succès.

M. Carmen Demarco (consultant, Comité d'aménagement forestier de Mattawa et des environs): Merci, Mike.

Vous avez demandé en quoi notre région était différente des autres. À titre de consultant industriel au ministère du Développement des Ressources humaines, j'ai eu l'occasion de travailler avec de nombreuses collectivités, au moins du nord-est de l'Ontario, dont un bon nombre dépendent du secteur forestier et aussi, en partie, du secteur minier et d'autres ressources. Dans le cas de Mattawa, ce désir de participer est sans doute le facteur le plus important.

Dans le cadre de mon programme, j'ai souvent travaillé dans des situations qui n'étaient pas très positives. Je travaille soit avec le secteur privé pour l'aider à faire face à des compressions, une restructuration, des mises à pied ou des fermetures, soit avec les collectivités qui, après le départ du principal employeur, doivent se ressaisir et trouver de nouvelles possibilités de développement économique.

Dans le cas de Mattawa, je suis arrivé à un moment où les choses n'étaient pas encore aussi catastrophiques. Les gens s'inquiétaient au sujet de Tembec. Il y a trois ans, personne ne savait exactement ce que Tembec allait faire à Mattawa. La scierie était déficitaire et des rumeurs de fermeture circulaient. Columbia se débrouillait tant bien que mal, mais elle avait de la difficulté à s'approvisionner en billes de bois. Nous sommes donc intervenus assez tôt - encore une fois, la collectivité était prête à agir - pour analyser le problème avant qu'il ne s'aggrave.

Je dois souligner que, dans ce cas, quatre éléments contribuent au succès de cette initiative. Premièrement, la collectivité était prête à travailler avec le gouvernement. Deuxièmement, nous nous sommes basés sur des faits et non pas sur des fictions. Nous avons commencé par charger des consultants d'examiner l'économie locale afin de la définir. Qu'est-ce qui fait battre le coeur de Mattawa? Les résultats révélaient sans nul doute que le secteur forestier revêtait une importance cruciale, et le comité a donc décidé d'exploiter cet atout.

Le troisième facteur a été un leadership engagé. Dans le cadre du Service d'aide à l'adaptation de l'industrie, nous avons engagé un président. C'est Mike Brophy. Il se consacre totalement à sa tâche. Il est payé par le comité. Je pense que cela a été un grand facteur de réussite.

Enfin, il y a un partenariat. Nous avions un partenariat entre les gouvernements de cinq municipalités locales, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, qui est intervenu un peu plus tard, mais qui a appuyé le comité. Nous avions également un partenariat avec la main-d'oeuvre, dans ce cas IWA-Canada, qui a été un partenaire actif. Enfin, il y a eu le patronat soit Tembec, Columbia et les autres employeurs de la forêt.

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Ce partenariat a également été un partenariat financier. Nous avons apporté une contribution de 50 à 75 p. 100, selon la phase du développement. Cela s'est fait sur une période de trois ans. Nous avons également exigé que les collectivités et les entreprises apportent leur contribution financière, ce qu'elles ont fait et continuent de faire.

Tels sont donc les facteurs auxquels Mattawa doit sa réussite. Dans certaines autres collectivités où j'ai travaillé, certains de ces éléments n'étaient pas toujours présents. Pour une raison ou pour une autre, ces collectivités ne sont pas aussi actives et progressistes que Mattawa.

Ce que j'ai trouvé vraiment révélateur, c'est quand Tembec a décidé d'investir 13 millions de dollars dans la scierie. C'est ce qui a couronné le tout. Cela voulait dire que Tembec comptait rester. Quand l'entreprise a annoncé son investissement, elle a déclaré, bien sûr, combien cet investissement était important et combien la main-d'oeuvre était importante, mais elle a d'abord dit que la collectivité était importante. Elle estimait que cette collectivité était prête à travailler avec elle, tant maintenant qu'à l'avenir.

M. Deshaies: J'ai une brève question à poser à M. Steer. Pensez-vous que la population n'a pas fait un bon choix ou que le développement durable n'a pas donné de bons résultats?

M. Steer: Je pense qu'au cours de cette période de deux à trois ans, les gens ont compris certaines valeurs économiques, sociales et écologiques. Quand nous parlons de développement, nous souscrivons à ces valeurs et nous sommes toujours en première ligne. Comme toujours dans le secteur des ressources naturelles, nous ne pouvons pas nous cacher.

Pendant longtemps, le secteur forestier est resté sur la défensive, mais il est devenu plus proactif et il peut vraiment faire la preuve d'un développement durable. Si vous pouvez en faire la preuve, vous changez l'attitude du public. Bien entendu, c'est un travail de longue haleine, mais je pense qu'on commence à en voir les résultats.

M. Brophy: Je voudrais ajouter une petite pièce à ce puzzle. Nous avons le Centre canadien d'écologie, ce qui sera le sujet d'une autre journée d'audience. M. Dottori a bien précisé, au sujet de sa participation au travail de ce Centre canadien d'écologie, que Tembec allait en faire la démonstration concrète. Tembec veut que les gens, le public, viennent voir la forêt, la sylviculture à laquelle se livre Tembec. M. Dottori montre donc au monde entier que Tembec fait une exploitation durable et qu'il suffit d'aller en voir la preuve dans la région de Mattawa. Tembec prouve donc ce qu'elle dit.

Le président suppléant (M. Wood ): Merci, monsieur Brophy.

Monsieur Ringma.

M. Ringma (Nanaimo - Cowichan): Il est tentant de centrer son attention sur une chose - le secteur forestier en est une et l'aquiculture en est une autre - mais je voudrais explorer avec vous tous le rôle que joue ou que ne joue pas le gouvernement.

Notre comité a voyagé un peu. Par exemple, nous étions au Labrador il y a deux semaines. Les gens de là-bas nous ont dit que tout ce dont ils avaient besoin c'est de quelques pistes. Ils ont besoin de pistes pour les relier à leurs hameaux isolés. À Saint John's, il semble que le gouvernement veuille d'abord commencer par l'évaluation environnementale et ce genre de choses.

Je tire certaines conclusions de vos témoignages de ce matin. Tout d'abord, vous connaissez votre industrie. Vous la connaissez bien. Deuxièmement, vous êtes des ruraux. J'ai la nette impression que vous voulez que le gouvernement vous facilite les choses, mais sans dresser d'obstacles sur votre chemin. Vous n'avez pas besoin d'un financement important, mais plutôt d'une aide, peut-être sous la forme de concessions fiscales.

Pourriez-vous m'aider à dresser cette liste? Monsieur Brophy, vous ou un de vos collègues avez parlé de l'éducation. Dans votre cas, c'est vous qui devriez vous charger de la formation et non pas Queen's Park ou une autre instance.

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Nous pourrions donc nous adresser collectivement au gouvernement, qu'il soit fédéral, provincial, municipal, régional ou autre, et voir quelles sont les principales choses qu'il devrait ou ne devrait pas faire pour vous. J'ai entendu parler des communications, de l'éducation, des finances, de la réglementation, de l'environnement... J'aimerais que l'un de vous m'aide à compléter ma liste.

M. Gijssin: Vous êtes sans doute tombé en plein dans le mille. À bien des égards, peu importe l'industrie ou l'activité économique dont il s'agit. Dans le vidéo de tout à l'heure, on a mentionné que le climat était favorable à l'investissement. Il faut montrer que l'on désire favoriser l'entreprise et l'emploi et que le gouvernement est prêt à jouer un rôle dans ce sens.

Je vais vous citer un exemple d'obstacle qui s'est dressé devant le secteur de la pisciculture du saumon. Les permis d'occupation des exploitations piscicoles sont délivrés pour une période de dix ans. Il est écrit, en petites lettres, sur ces permis, qu'à la fin de cette période, ou même pendant, les permis peuvent être annulés.

Selon la taille de l'exploitation et l'équipement utilisé, il faut sans doute investir entre 1 et3 millions de dollars pour se procurer l'équipement, le stock reproducteur, le petit poisson, la nourriture dont vous nourrirez vos saumons et les frais à débourser pour les élever pendant un an et demi ou deux ans avant de pouvoir les vendre.

Si vous devez faire ce genre d'investissement alors que vous avez seulement la garantie de pouvoir vous assurer que l'endroit est bien choisi et de produire pendant deux cycles complets, on vous demande, en fait, de construire des installations qui vont vous coûter des millions de dollars et qui risquent de vous être enlevées au bout de dix ans. Cela ne crée pas un climat propice à l'investissement et c'est un des obstacles qui se dressent.

Une autre chose très importante pour l'élevage du saumon c'est l'accès à des sites de production. Il faut que vous puissiez obtenir de nouveaux sites.

M. Ringma: Parlez-vous du transport?

M. Gijssin: Non, de nouveaux sites pour l'implantation des élevages. Cela a posé un très sérieux problème tant aux producteurs de crustacés et de coquillages qu'aux producteurs de saumon de Colombie-Britannique. Ce sont là de bons exemples.

Le président: Madame Salmon.

Mme Salmon: Je confirme ce qu'a dit Marcel. Je n'en ai pas parlé dans mon mémoire, parce que c'est du ressort de la province, mais Bob a demandé ce que l'ensemble du gouvernement pourrait faire: ce serait nous donner accès à de nouveaux emplacements.

Nous avons certainement pu accroître notre production sans avoir accès à de nouveaux emplacements. Cependant, si nous pouvions prendre de l'expansion - et comme Marcel l'a mentionné, le littoral est vaste - le potentiel serait beaucoup plus grand.

Pour en revenir à ce que Bob disait, nous ne demandons pas au gouvernement de nous faire des largesses. Ce n'est pas ce que veut notre secteur. Il veut une réglementation moins lourde et un climat plus propice à l'investissement.

Quelques améliorations sur le plan de l'infrastructure nous aideraient certainement. Pour le secteur des crustacés et des coquillages en particulier, comme je l'ai mentionné, il y a notamment toute la question des égouts et des eaux usées qui est actuellement une responsabilité municipale. Je ne suis pas certaine du rôle que le gouvernement fédéral peut jouer à cet égard, mais cela me paraît essentiel.

Les télécommunications sont une autre structure importante, mais notre industrie va prendre de l'expansion de toute façon. Cela nous aiderait certainement, mais ce ne sera pas suffisant pour nous arrêter.

L'accès à une main-d'oeuvre qualifiée nous est déjà facilité par le conseiller sectoriel du Développement des ressources humaines et Sharon pourrait en parler un peu plus. Comme c'est déjà commencé, nous contribuons davantage à déterminer le genre de compétences nécessaires et nous sommes mieux en mesure de les créer. Il faudrait donc favoriser ce genre de choses, car il faut que cela se passe au niveau local.

En fait, il s'agit de laisser davantage de latitude aux producteurs pour qu'ils puissent travailler dans un climat plus propice.

M. Brophy: Le climat propice dont nous avons parlé et que nous avons réussi à créer dans la région de Mattawa fait partie des éléments du puzzle.

Vous constaterez, dans nos recommandations, que si le gouvernement commençait à chanter la louange du secteur des ressources naturelles, s'il commençait à parler de façon positive de ce qu'est ce secteur... C'est un secteur qui produit beaucoup d'argent et qui est, en fait, le moteur économique du pays.

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Si vous regardez ce qui se passe à l'étranger... Nous nous imaginons peut-être avoir de la technologie de pointe, mais en réalité, nous sommes toujours des exportateurs de matières premières, de bois, de pétrole et de toute une liste d'autres produits. Je crois que le gouvernement devrait chanter la louange des secteurs où nous réussissons le mieux. Cela changerait l'opinion publique au centre de Toronto, de Montréal et de Vancouver. Ces gens semblent avoir beaucoup d'influence. Si vous commencez par chanter la louange du secteur des ressources naturelles, je crois que cela nous aiderait beaucoup, les uns et les autres.

Deuxièmement, et c'est tout aussi important, si le fédéral, les provinces et les municipalités regroupaient tous leurs services - autrement dit, s'il y avait un guichet unique, comme nous le mentionnons dans notre document - la situation économique des régions rurales en serait nettement avantagée. Vous auriez des petites réunions au sommet sur chaque question au lieu qu'on ne sache pas vraiment... Si vous parlez aux représentants du gouvernement fédéral ou provincial, ils ne sont pas sur la même longueur d'ondes. C'est compliqué et, malheureusement, il faut être comptable agréé ou avocat pour s'y retrouver. Un bon nombre de nouvelles entreprises, d'entreprises à valeur ajoutée, n'ont pas d'argent pour payer des experts. Elles n'ont pas d'argent pour venir à Ottawa, à Toronto, Montréal ou Québec. Alors vous n'aurez qu'à envoyer une personne qui représentera tout le monde. Ce serait un changement radical, mais pourquoi pas?

M. Steer: Un bon exemple d'initiative fédérale est le Programme d'accès aux collectivités d'Industrie Canada. Ce programme nous permet d'acheter du matériel informatique et des logiciels pour numériser l'information et nous permettre de l'utiliser. C'est un programme de développement rural. C'est le genre d'initiatives et de capitaux de démarrage dont nous avons besoin. Ce programme est un bon exemple d'initiative fédérale.

Le président suppléant (M. Wood): Je crois que les responsables de ce programme doivent comparaître devant le comité mardi prochain. Ce sera donc une réunion intéressante.

Monsieur Serré.

M. Serré (Timiskaming - French River): Merci, monsieur le président. Je tiens seulement à dire, dès le départ, que je partage l'opinion de Mike au sujet de votre travail de député.

Ma question s'adresse à Mike et Bill, mais je tiens à dire à Marcel que nous sommes allés à Tofino, il y a deux ans, dans le cadre d'un autre voyage du comité, et que c'est une très belle localité. Je suis d'accord avec un bon nombre des choses que vous avez dites. Je ne connais pas très bien votre secteur et je vais donc laisser les gens des deux côtes vous poser des questions sur la pisciculture du saumon.

Nous sommes tous au courant de la guerre écologique qui se déroule depuis une dizaine d'années. Je me suis retrouvé au milieu d'un conflit important, à Temagami, depuis environ 1986. Il était rassurant d'entendre, ce matin, un environnementaliste et éducateur comme Bill parler de développement durable. Nous avons vu les deux extrêmes, y compris ce que j'appelle les environnementalistes radicaux, qui s'opposent à tout développement. De l'autre côté, quand je travaillais dans la forêt avec mon père - j'avais à peu près 13 ans - l'industrie forestière se préoccupait uniquement de son bilan financier. Elle se moquait bien des valeurs sociales, ou écologiques.

Je ne sais pas si je pourrai formuler ma question comme il faut, mais que peut-on faire? Compte tenu du changement d'attitude des environnementalistes radicaux et de l'industrie vis-à-vis d'un développement plus durable, de la sylviculture, etc., le gouvernement fédéral a un rôle à jouer et vous aussi, en tant qu'industrie ou environnementalistes, pour changer l'attitude du public qui croit que l'exploitation forestière ou minière signifie automatiquement la destruction de l'environnement. Nous pouvons le faire de façon durable.

Que peut-on faire, de votre point de vue et du nôtre, pour changer cette impression dans le monde entier et au Canada? Pour le moment, nos principaux opposants ne viennent pas de l'Europe - même s'il y en a certains - mais de Toronto, Montréal ou Vancouver. Que pouvons-nous faire pour changer l'opinion publique et faire comprendre aux gens qu'un développement durable est possible dans les régions rurales du Canada?

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M. Brophy: Le modèle que Mattawa a utilisé... Ces trois derniers jours, j'ai discuté avecM. Hodgson et M. Adair, de Temagami. Nous avons parlé des renseignements que nous pourrions échanger avec eux et de l'aide que cela pourrait nous apporter. Nous sommes en train de terminer notre évaluation économique; autrement dit, le Centre canadien d'écologie dont il est question sur la couverture de ce livre... C'est ce que fait cette pomme de pin qui commence à se former. Je vais vous expliquer comment nous en sommes arrivés là.

Nous avons examiné le secteur forestier et l'industrie touristique et nous nous sommes demandés comment unir les deux. Nous avons fait une analyse des points forts et des points faibles de notre collectivité et nous avons conclu qu'il était très important de communiquer la vérité. Quand vous ignorez la vérité - malheureusement c'est souvent le cas, même dans nos familles - si vous ne savez pas quelles sont les intentions des autres, cela pose un problème et voilà pourquoi les communications sont tellement importantes.

C'est ce qui s'est passé chez nous. Ce projet de Centre canadien d'écologie vise à unir le secteur forestier et l'écotourisme. Tembec Inc., qui a le territoire autour de Mattawa, va montrer ce qui se passe au public. M. Dottori est déterminé à le faire.

Il y a une petite brochure, en français et en anglais, qui décrit cinq écotours forestiers offerts dans notre région. C'est ce qui a lancé le centre d'écologie. Nous demandons aux gens de venir dans notre région et de faire ces circuits en voiture, à pied et en ski de fond. Ce sont des circuits de sylviculture. Si Tembec ment lorsqu'elle prétend faire une exploitation durable, le public pourra le constater. Alors faisons venir l'écotouriste pour lui montrer ce que fait Tembec, ce que nous faisons dans notre collectivité.

Bill Steer a géré des camps écologiques du conseil scolaire de Nipissing, qui ont eu beaucoup de succès dans notre région. Nous avons combiné le tout et nous demandons au public de venir faire de l'écotourisme et apprendre la vérité sur le secteur forestier. Je n'ai pas honte de dire que je compte créer 150 emplois de plus chez nous, si bien que cet écotourisme n'est pas seulement altruiste. Je veux que cela crée des emplois, mais notre raison première est de dire la vérité aux gens. Au lieu de croire les mythes, venez constater les faits. Les écotouristes vont donc venir sur nos sentiers voir ce que fait le secteur forestier, visiter les scieries, voir les gens, voir ce qu'ils font dans les scieries et cela permettra d'éduquer le public.

Je ne sais pas si j'ai entièrement répondu à votre question, monsieur Serré, mais j'espère vous avoir éclairé. La solution réside dans la communication.

M. Steer: J'ai deux choses à ajouter. Au niveau local, nous avons éduqué les médias qui savent ce qu'est le développement durable. Nous devons maintenant les forcer à transmettre ce savoir afin qu'ils publient de bons articles. Nous n'avons pas beaucoup rejoint les médias nationaux et nous devons agir de ce côté-là, afin que l'éducation se fasse du bas vers le haut.

Deuxièmement, l'écologie est l'étude des relations internes entre les choses vivantes et non vivantes. Je transpose cela dans le modèle économique. Nous avons toutes ces relations internes au sein de notre collectivité, de la petite entreprise à la grande industrie en passant par le travailleur, le téléspectateur ou l'internaute. Nous devons réunir toutes ces personnes et nous l'avons fait à une échelle limitée. Nous devons exporter ce modèle.

Vous avez vu le programme de forêt modèle qui a injecté des millions de dollars dans sept ou huit localités du pays. Il faut répéter l'expérience, mais en consacrant davantage de temps à l'éducation du public. C'est dans cette direction qu'il faut se diriger en ce qui concerne le secteur forestier.

Le président: Monsieur Reed.

M. Reed (Halton - Peel): Merci, monsieur le président.

Je pense que vous avez raison de dire qu'il faut faire connaître la vérité, car l'ignorance qui règne, surtout en milieu urbain, a fortement influencé le processus de réglementation. Mon expérience à Queen's Park m'a permis de constater que, quand quelqu'un voulait qu'on se dirige vers l'aquiculture en Ontario, les bureaucrates se sont opposés à cette idée parce que c'était de l'inédit. Il y a donc une réglementation beaucoup trop lourde, créée en grande partie à la demande de gens qui vivent au sud de l'autoroute 401.

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Par-dessus le marché, des groupes de soi-disant environnementalistes - que j'appelle des terroristes urbains - gagnent beaucoup d'argent à faire de l'opposition. C'est une activité très lucrative. Récemment, cet argent leur est même venu d'Europe. Il suffit d'envoyer des photos en Europe pour qu'elles soient publiées dans les journaux et ces organismes en bénéficient financièrement.

Nous n'avons donc pas très bien réussi à faire connaître la vérité. Chacun d'entre vous nous a aidés à mieux comprendre la question du développement rural. Je crois pouvoir dire que chacun des membres de ce comité reconnaît qu'en l'absence d'un Canada rural dynamique...

M. Brophy: C'est très vrai.

M. Reed: ...il n'y aurait pratiquement pas de Canada urbain, mais je ne sais pas comment le faire comprendre au Canada urbain.

Nous avons pris bonne note de vos suggestions.

M. Brophy: Monsieur Reed, nous croyons que notre modèle peut être exporté, donné gratuitement aux collectivités des quatre coins du pays. La mobilisation de la société donne des résultats. Ce n'est pas simple et il y a un tas de petits problèmes à régler, mais cela marche pour nous. Quand on mobilise les gens pour faire connaître la vérité, je pense que cela donne de bons résultats.

Nous sommes heureux de pouvoir servir d'exemple. Nous aimerions beaucoup organiser une conférence, dans la vieille ville de Mattawa, pour expliquer aux autres collectivités comment elles peuvent suivre notre exemple. Si c'était l'un des résultats de tout cela, nous en serions satisfaits.

M. Steer: Pour ce qui est de dire la vérité, si nous prenons le cas de Temagami, une réserve naturelle de réputation internationale, on a laissé entendre que certains environnementalistes avaient intérêt à garder le nom de Temagami en première page de l'actualité, parce qu'ils se sont fait connaître en suscitant la controverse.

J'ai toujours trouvé sidérant qu'à 150 kilomètres au sud de Temagami se trouve le parc Algonquin, qui est situé dans la forêt durable de Mattawa, et où on se livre à l'exploitation forestière depuis 103 ans sans susciter beaucoup de controverse. Cela veut-il dire que tout doit être transformé en parc? Non. Nous devons dire la vérité.

M. Demarco: Juste quelques mots. La mobilisation de Mattawa et des diverses localités des environs n'a pas été facile. Même les gens de Mattawa devaient mieux comprendre ce qu'ils possédaient et l'importance que l'exploitation forestière revêtait pour eux. Nous avons notamment organisé, à Mattawa, une journée de l'exploitation forestière. C'est seulement pour les gens de Mattawa. Chaque printemps, l'industrie a l'occasion d'exposer son équipement. Elle apporte ses machines en ville et on ferme les rues d'une partie du centre-ville.

Je crois important que le Canada rural apprenne à être fier et à apprécier ce qu'il possède. S'il le fait - comme les gens de Mattawa - quand les protestataires et autres opposants se présenteront, ils se heurteront à une vive opposition. Les gens de Mattawa apprécient ce qu'ils possèdent et sont prêts à protéger leur avoir; c'est une chose qu'il faut également développer dans toutes les communautés rurales.

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M. Brophy: J'ai juste un petit détail à ajouter. J'en ai seulement pour 30 secondes.

Le président suppléant (M. Wood): Je regrette, monsieur Brophy, mais vous avez déjà eu la parole. C'est au tour de Mme Salmon.

Mme Salmon: Je voudrais confirmer ce que nous avons dit. Nous sommes très conscients de la nécessité de faire comprendre ce message au public urbain. En fait, nous essayons de nous orienter dans cette voie en commençant à petite échelle. Les localités qui ont l'aquiculture en sont très fières. Ce secteur emploie un certain nombre de travailleurs et les gens le soutiennent donc beaucoup. Nous essayons de profiter de ce soutien pour prendre de l'expansion. Par exemple, un réseau de localités côtières a été établi dans l'île de Vancouver. Les pisciculteurs de saumon y participent et ce réseau essaie donc de réunir ces localités pour qu'elles puissent se faire entendre. Nous espérons pouvoir élargir notre auditoire, mais nous essayons d'abord d'obtenir des appuis au niveau local.

Le président suppléant (M. Wood): Monsieur Gijssin.

M. Gijssin: Merci, monsieur le président. Je voulais seulement répondre à ce que vous aviez dit.

La communication est extrêmement importante pour les questions que vous avez soulevées. Comme je l'ai mentionné, la pisciculture du saumon existe seulement depuis un peu plus de dix ans. Ses débuts ont été difficiles. Ce secteur n'était sans doute pas bien réglementé et il a pris son essor un peu trop vite, mais c'était il y a dix ans. Depuis, il a été placé sous un microscope. Il a fait l'objet de trois examens publics et il en subit actuellement un quatrième.

Le problème me paraît dû, en grande partie, au manque de communication. Seulement neuf nouveaux permis ont été émis depuis 1993 et, finalement, les analyses ont paralysé l'industrie. Les examens se succèdent les uns aux autres, parce que les résultats du premier ne sont pas communiqués.

Le public est parfaitement en droit de s'assurer que l'élevage du saumon et toutes les autres activités reliées aux ressources naturelles ou à l'environnement sont durables et efficaces. Sans aucun doute. Mais ensuite, il faut que nous puissions avancer et il faut que ces résultats soient communiqués. C'est très important.

Pour vous donner un exemple des problèmes de communication, un processus risquait de menacer quelques-uns de nos établissements piscicoles à Clayoquot Sound. Les gens de l'endroit et les pisciculteurs se sont alarmés et il y a eu un grand mouvement de protestation. Tout le port de Clayoquot Sound était plein de bateaux, mais la nouvelle n'a pas été diffusée au-delà des médias locaux. Les autres mouvements de protestation qui ont lieu à Clayoquot Sound et qui font valoir le revers de la médaille retiennent l'attention de toute la presse internationale. C'est donc un gros défi à relever, car notre point de vue n'est pas aussi séduisant pour les médias et n'est pas autant diffusé.

Le président suppléant (M. Wood): Merci beaucoup.

Nous allons faire un nouveau tour de table. Monsieur Deshaies.

M. Deshaies: J'ai juste un petit commentaire à faire au sujet de la pêche. Je ne connais pas grand-chose de ce secteur, mais je peux dire que vous avez les mêmes besoins que les autres industries rurales, ou qu'il vous faut les mêmes outils. Vous avez besoin d'un guichet unique ou de règles particulières pour votre secteur. La meilleure chose que vous puissiez faire est sans doute de créer un tas d'emplois rapidement, des emplois permanents. Ce n'est pas vraiment la même chose pour l'industrie, car avec les machines, la mécanique peut remplacer l'homme, mais cela pose alors d'autres genres de problèmes. Mais je pense que vous pouvez faire beaucoup de choses avec ce secteur.

Le président suppléant (M. Wood): Monsieur Ringma.

M. Ringma: J'aurais trois questions très rapides.

Pourquoi n'avez-vous plus que trois usines de transformation au lieu de six à Tofino?

M. Gijssin: C'est surtout à cause des changements survenus dans la pêche commerciale au saumon.

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Toutes ces usines de transformation transformaient le saumon pêché à la traîne ou au filet ou encore le poisson de fond et la panope du Pacifique, mais les localités de la côte ouest ont enregistré un déclin spectaculaire de ce genre d'activités. Il y a eu beaucoup plus de regroupements de la transformation à Vancouver et dans les régions comme celle de Prince Rupert que dans les petites localités côtières. Également, ces dernières années, nous avons eu les difficultés que tout le monde connaît en ce qui concerne les stocks. Heureusement, l'élevage du saumon a permis de garder ouvertes les trois usines restantes. La contribution de la pêche commerciale à la production de ces usines a été pratiquement réduite à néant, sauf dans un cas.

M. Ringma: Qu'est-il advenu - ou subsiste-t-il encore...? Le gouvernement ontarien avait un programme de plantation de peupliers hybrides... C'était en partie à la suite de la crise du pétrole du début des années 70, il y a une vingtaine d'années. Le gouvernement a dit qu'on pouvait faire des plantations, surtout dans l'est de l'Ontario, où il y a beaucoup de terres inutilisées. Ce programme est-il tombé à l'eau? Êtes-vous au courant? Je ne veux pas vraiment insister là-dessus, mais je voudrais savoir ce qu'il en est, car j'ai l'impression...

M. Steer: Je ne suis pas au courant pour les peupliers, mais la sylviculture et la germination des semences pour la production de fibre de bois se poursuivent. On a décidé que, pour des raisons génétiques, il fallait prendre les semences d'un secteur pour les y replanter. N'essayez pas de prendre une espèce à croissance rapide d'un autre secteur pour la planter ailleurs, car il y a trop de variables sur le plan écologique. Je ne sais pas ce qu'il en est pour le peuplier.

M. Ringma: En dernier lieu, et je m'adresse à vous tous, je voudrais revenir sur ce que vous avez dit, monsieur Brophy, à propos d'un guichet unique. Vous avez même suggéré qu'il y ait sur place une personne représentant les gouvernements fédéral, provincial et municipal et à qui vous pourrez aller parler. C'est une idée qu'il vaut la peine d'explorer et qui a déjà été expérimentée ailleurs. Mais cela me paraît extrêmement difficile. Pourriez-vous nous expliquer, en quelques mots, comment surmonter cette difficulté? Avez-vous une idée de la façon dont vous pourrez vaincre la résistance que cela va susciter?

M. Brophy: Notre localité se trouve, bien entendu, en Ontario et je pense que le gouvernement ontarien actuel est désireux et capable de diffuser la même information en utilisant moins de fonctionnaires. Je ne sais pas ce qu'il en est dans le reste du pays, mais je crois qu'il serait très utile d'avoir une seule personne au lieu de trois pour parler de la même chose.

Il faudra parfois faire appel à d'autres personnes. Par exemple, pour des problèmes de sylviculture, il peut être souhaitable de faire intervenir quelqu'un d'autre dans la discussion. Même si vous devez faire intervenir une autre personne, si vous avez quelqu'un qui représente à la fois la municipalité, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral lors des discussions initiales, cela contribuera largement à accélérer les choses.

M. Ringma: Qu'en pense la Colombie-Britannique?

M. Gijssin: Je suis entièrement d'accord. Le regroupement des organismes auxquels nous avons affaire est extrêmement important. Si nous devons implanter une nouvelle pisciculture de saumon, nous devons traiter avec au moins 14 organismes gouvernementaux différents. Par-dessus le marché, certains organismes peuvent intervenir et faire traîner les choses pendant plusieurs années.

Une des solutions qui permettraient peut-être de surmonter certaines difficultés dans notre cas, où nous examinons des sites potentiels, serait de faire participer tous les niveaux de gouvernement à un processus intégré de planification maritime. Ce processus consisterait à examiner les sites et à les évaluer en fonction de leurs caractéristiques et de leur utilisation afin de voir quels sont ceux qui se prêtent le mieux à l'aquiculture, aux loisirs et au tourisme ou ceux qui présentent beaucoup d'intérêts comme habitat halieutique. Si c'était fait de façon très approfondie et détaillée, ce serait un gros progrès. Tous les groupes participeraient au processus lequel serait largement rationalisé.

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Mme Salmon: Je voudrais dire quelques mots pour appuyer la suggestion de Bob.

Si vous parlez aux éleveurs de Colombie-Britannique, ils vous diront que leurs tractations avec tous ces niveaux de gouvernement représentent leur plus grosse dépense. C'est énorme. C'est une très lourde dépense pour eux. L'idée est merveilleuse, mais vous allez avoir des problèmes, parce que les gens veulent affirmer leur autorité. Ils veulent le contrôle d'un secteur. Il faut plus de franchise et se montrer davantage prêt à dire que nous avons besoin de communiquer.

Quand nous parlons de communiquer avec le public des régions urbaines, n'oublions pas qu'il faut également une communication entre les gouvernements. Avant d'y arriver, il faut renoncer à se dire que ce sont là des choses importantes, qui nous appartiennent et que nous ne voulons partager avec personne. Pour que l'industrie progresse, il est essentiel de mettre un terme à certaines de ces dépenses et de ces dissensions.

Le président suppléant (M. Wood): J'ai une ou deux questions à poser en tant que président.

Tout d'abord, madame Salmon, dans votre mémoire, à propos des obstacles au développement, vous dites que les actes ou l'inaction du gouvernement fédéral limitent la croissance de l'aquiculture en Colombie-Britannique et vous expliquez pourquoi. Je voudrais vous poser une brève question. Qu'attendez-vous exactement du gouvernement fédéral?

Mme Salmon: Dans le mémoire, j'ai mentionné qu'un document sur la stratégie fédérale relative à l'aquiculture avait été publié en 1995. Il exposait le genre de climat qu'il fallait créer pour permettre à l'aquiculture de se développer. Même si tout le monde approuve ce document, il n'a pas été vraiment suivi de mesures concrètes.

L'un des principaux problèmes qui se posent est que le principal organisme chargé de défendre nos intérêts a, jusqu'ici, assuré la protection et la conservation de la pêche. C'est ce qui le caractérise. Nous sommes assez différents. Nous ne remplissons pas les critères. Nous nous intéressons davantage au développement et à l'accroissement de la production de ressources maritimes plutôt qu'à leur extraction, si bien que les règles ne s'appliquent pas toujours à nous. Nous nous trouvons coincés par une réglementation conçue pour la pêche et non pas pour l'aquiculture.

Nous voudrions que l'on donne suite à ce document et que l'on prenne des mesures afin que la réglementation ne soit pas aussi restrictive et soit mieux adaptée à l'aquiculture.

Le président suppléant (M. Wood): Merci.

J'ai une dernière question pour M. Brophy. Selon votre troisième recommandation, le gouvernement devrait réinjecter l'argent. Quel argent devrait-il réinjecter et comment? Quel mécanisme envisagez-vous? Voulez-vous parler de l'infrastructure, d'incitatifs fiscaux, de subventions et de contributions? Comment envisagez-vous cela?

M. Brophy: À l'heure actuelle, l'argent, les impôts, vont dans les coffres du gouvernement. La suggestion de M. Serré au sujet du nord de l'Ontario ou de ce que la presse a publié par le passé...

En fait, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial devraient reconnaître la valeur du secteur des ressources naturelles. Si nous voulons que ce secteur continue à prospérer et à apporter la prospérité au reste du pays, il faut le cultiver. Nous avons besoin de mettre un peu d'engrais dans le secteur des ressources naturelles.

Tout cela tourne autour de l'idée de la communication. Il y a beaucoup de publicité à la télévision sur le tourisme, mais la plupart des annonces que vous avez vues vous disent d'aller dans tel casino ou dans les grands restaurants de Montréal ou de Toronto. Pourquoi ne pas dépenser beaucoup plus pour inciter les gens à venir visiter le nord de l'Ontario, l'Ontario rural ou le Canada rural? En rendant les gens fiers de ce qu'ils font, on contribue largement à améliorer les choses.

Nous recommandons, par conséquent, de rendre une partie de cet argent à ceux qui le génèrent. Voilà ce que nous disons.

Le président suppléant (M. Wood): Merci beaucoup d'être venus, surtout madame Salmon et monsieur Gijssin, car je sais que vous avez fait un long voyage pour venir ici. Nous apprécions certainement votre comparution devant le comité.

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Je sais qu'on a mentionné à quelques reprises, ce matin, que nous avions deux industries entièrement différentes, mais en vous posant des questions, nous avons constaté qu'elles avaient beaucoup en commun. Nous apprécions vos recommandations. Nous allons certainement en tenir compte. Vous recevrez notre rapport en mars.

Encore une fois, je remercie le Comité d'aménagement forestier de Mattawa et des environs d'être venu, ainsi que les gens de Colombie-Britannique.

Voilà qui termine notre audience de ce matin. Nous nous ajournons jusqu'à demain après-midi, à 15h30.

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