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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 3 octobre 1996

.1116

[Traduction]

Le vice-président (M. Thalheimer): La séance est ouverte. Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-23.

Nous accueillons aujourd'hui, d'Énergie atomique du Canada Limitée, MM. Daniel Rozon, président du Comité consultatif de la recherche et du développement, John Jennekens ainsi que Al Driedger, respectivement membre et vice-président de ce même comité.

Monsieur Rozon, auriez-vous l'obligeance de bien vouloir faire votre allocution?

M. Daniel Rozon (président, Comité consultatif de la recherche et du développement, conseil d'administration, Énergie atomique du Canada Limitée): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Au nom du Comité consultatif de la recherche et du développement du conseil d'administration d'Énergie atomique du Canada Limitée, je tiens à vous remercier de nous permettre de comparaître devant vous au sujet du projet de loi C-23, Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, malgré que nous ayons demandé très tardivement à le faire.

Deux membres du comité consultatif m'accompagnent aujourd'hui: le vice-président, M. Al Driedger, et un nouveau membre, M. Jon Jennekens, bien connu dans le milieu d'EACL.

Si vous n'y voyez pas d'objections, monsieur le président, je vais vous lire mon mémoire, et nous répondrons ensuite aux questions que vous voudrez bien nous poser.

Le Comité consultatif de la recherche et du développement du conseil d'administration d'Énergie atomique du Canada Limitée a été formé à l'automne 1991. Le comité a pour mandat de fournir au conseil d'administration d'EACL des conseils concernant les besoins stratégiques, de même que des orientations visant les programmes de recherche et de développement de l'organisme. Il doit également donner au conseil et à d'autres intervenants l'assurance que les programmes en question ont la portée et la composition voulues pour soutenir le programme nucléaire canadien, programmes qui doivent en outre s'assortir d'un équilibre adéquat au chapitre des activités à court et à long terme. Le comité se compose de spécialistes indépendants de domaines pertinents dans le cadre du programme nucléaire, dont la nomination a été recommandée par les intervenants du programme.

D'importants aspects des programmes de R-D d'EACL ont trait à la technologie touchant la sûreté des réacteurs, de même qu'aux questions qui concernent la santé du public et des travailleurs. Les dispositions législatives actuellement en vigueur, soit celles de la Loi de 1946 sur le contrôle de l'énergie atomique et le règlement d'application élaboré par la Commission de contrôle de l'énergie atomique, influent dans une grande mesure sur ces domaines de la R-D, la recherche étant, dans certains cas, motivée par les exigences de la CCEA en matière de réglementation et d'octroi de licences. Ainsi, le comité est maintenant au fait des impacts de la loi actuelle et de la réglementation de la CCEA sur les programmes de R-D d'EACL ainsi que des intérêts d'EACL et d'autres intervenants. Au fil des ans, les ex-présidents et le président actuel de la CCEA nous ont présenté des exposés relatifs à la sûreté et aux questions touchant la santé. Dans les rapports annuels que nous avons présentés au conseil d'administration d'EACL, nous avons de plus abordé la question des liens entre la CCEA et EACL.

La nouvelle Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires proposée nous intéresse donc au plus haut point. Nous l'avons examinée, de concert avec d'autres documents pertinents, y compris le volume 10, chapitre 15, du rapport de 1994 du vérificateur général du Canada, qui porte sur la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Nous sommes d'accord avec le vérificateur général pour dire que les dispositions législatives concernant la CCEA doivent être mises à jour, et nous voyons le projet de loi C-23 comme un moyen tout à fait approprié d'y parvenir.

.1120

De façon générale, notre comité est favorable à la nouvelle loi, puisque, à notre avis, elle corrige la plupart des lacunes de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique actuelle, qui met d'abord et avant tout l'accent sur la sûreté nationale plutôt que sur la réglementation de la santé, de la sûreté et des conséquences pour l'environnement des activités nucléaires, comme le fait le projet de loi C-23. Néanmoins, notre comité nourrit, à l'égard du projet de loi C-23, certaines inquiétudes que nous tenons à porter à l'attention du Comité permanent des ressources naturelles.

Le paragraphe 12(1) du projet de loi C-23 énonce ceci:

Ainsi, le président dirige et contrôle le travail du personnel - cadres et employés - et des membres de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Notre première préoccupation tient au fait qu'une telle organisation représente un risque de conflit d'intérêts, en ce sens qu'il est possible que les intérêts du personnel et ceux de la commission ne coïncident pas toujours. Un tel conflit d'intérêts ressort tout particulièrement à propos des décisions de la commission qui seront portées en appel, ainsi qu'on le souligne au point que j'aborderai dans quelques instants.

Pour éliminer, dans une grande mesure, ce conflit d'intérêts possible, il suffirait, pensons-nous, de nommer au poste de président du conseil d'administration de la commission une personne autre que le président. Le président du conseil d'administration dirigerait les travaux de la commission et serait responsable de l'orientation de ses travaux, tandis que le président dirigerait les cadres et les employés, en plus d'assumer la responsabilité de l'orientation de leur travail. Une telle organisation reproduirait la structure de régie de la plupart des entreprises privées, de même que celle de la plupart des sociétés d'État.

Notre deuxième inquiétude a trait à l'absence apparente d'une procédure pouvant efficacement permettre de porter en appel les décisions de la CCEA. Cette question préoccupe grandement les organismes qui traitent avec la CCEA au fil des ans. Nous sommes heureux de constater que le projet de loi C-23 prévoit, à l'article 43, une procédure d'appel. Comme les appels seront entendus à la commission, la procédure ne semble toutefois pas constituer un mécanisme d'appel indépendant, puisque, dans de nombreux cas, les décisions initiales auront été prises par la commission elle-même. Comme la décision initiale aura, en grande partie, été prise sur la foi des conseils de membres du personnel, qui relèvent du président, et que le président agit également à titre de président du conseil d'administration de la commission, il sera en outre difficile pour le président du conseil d'administration de la commission d'étudier l'appel de façon impartiale.

Même si elle n'aurait pas pour effet d'instaurer une procédure d'appel totalement indépendante, la proposition que nous venons de formuler s'assortit tout au moins d'une mesure d'autonomie plus grande que le régime proposé par le projet de loi C-23. En ce qui concerne les appels interjetés à propos de la décision d'un cadre de la commission - qui relève du président - et non d'une décision de la commission elle-même, la disposition que nous proposons s'accompagne en fait d'une importante mesure d'autonomie.

Notre troisième préoccupation a trait à la notion d'acceptabilité du niveau de risque. Les articles 3 et 9 du projet de loi C-23 exigent notamment que les activités nucléaires soient menées de manière à ce que le niveau de risque inhérent demeure acceptable pour l'environnement, la santé et la sûreté des personnes. Dans le contexte de la stratégie de réforme de la réglementation du gouvernement fédéral, nous comprenons que, pour répondre à cette exigence, on peut s'assurer que les avantages liés à l'environnement, à la santé et à la sûreté tirés des règlements pris par la CCSN en application du projet de loi C-23 doivent être nettement supérieurs aux coûts sociaux et économiques des règlements en question.

Nous croyons qu'il s'agit d'un principe très important grâce auquel on peut s'assurer que tous les Canadiens bénéficient des nombreux avantages économiques, technologiques, sociaux et médicaux associés à l'énergie nucléaire, tout en les protégeant de risques indus pour la santé, la sûreté et l'environnement. Notre comité propose qu'une déclaration de principes à cet égard soit incluse dans l'article 44 du projet de loi C-23, qui porte sur les règlements.

.1125

Notre dernière préoccupation a trait à l'impact du projet de loi C-23 sur l'approvisionnement futur en eau lourde. Selon les définitions qui figurent à l'article 2 du projet de loi C-23, il est clair que l'eau lourde, ou oxyde de deutérium, constitue une substance nucléaire et qu'une installation qui en produit constitue bel et bien une installation nucléaire. Par conséquent, la possession et la production d'eau lourde seraient régies par le projet de loi C-23, article 3, et réglementées par la CCSN, alinéa 9a). Voilà qui aurait pour effet de reconduire la situation qui existe en vertu de la présente loi. L'eau lourde est l'un des ingrédients essentiels qui entrent dans la fabrication du réacteur CANDU.

Compte tenu des travaux effectués dans le cadre des programmes de R-D d'EACL, nous savons que, dans l'avenir, les méthodes de production de l'eau lourde différeront considérablement de celles d'aujourd'hui. Aujourd'hui, la production passe par une grande usine autonome faisant appel à une substance hautement toxique, l'hydrogène sulfuré; dans l'avenir, elle passera vraisemblablement par un certain nombre de petites installations de récupération des sous-produits faisant appel à des substances non toxiques et rattachées à de grandes usines produisant de l'hydrogène à d'autres fins.

Nous savons que l'introduction de l'eau lourde sous le régime de la loi actuelle s'explique par des préoccupations relatives à la sûreté, nommément l'utilisation possible d'eau lourde dans un réacteur conçu pour produire des matériaux nécessaires à la fabrication d'armes nucléaires, et non par la toxicité de la substance qui entre actuellement dans le procédé de fabrication. En fait, on n'a commencé à utiliser l'hydrogène sulfuré qu'après l'adoption de la loi actuelle en 1946. Quoi qu'il en soit, on a souvent invoqué, pour justifier le maintien de l'eau lourde sous le régime de la loi actuelle, la nécessité de protéger la santé et la sûreté du public contre l'hydrogène sulfuré toxique qui entre dans le procédé de fabrication.

L'utilisation de nouveaux procédés de production de l'eau lourde sera essentielle à l'approvisionnement en eau lourde nécessaire aux ventes à long terme de réacteurs CANDU. Nous craignons que l'introduction de nouveaux procédés de production ne soit gravement alourdie par l'obligation faite aux exploitants d'usines de production d'hydrogène de se procurer, auprès de la CCSN, des licences distinctes pour de petites gammes de sous-produits de l'eau lourde. Comme les préoccupations relatives à la santé et à la sûreté touchant ces nouveaux procédés de récupération des sous-produits relèveront d'autres organismes de réglementation chargés de la délivrance de licences aux usines en question, nous pressons le comité permanent de demander si, dans le contexte des traités de non-prolifération actuellement conclus sur la scène internationale, il est aujourd'hui nécessaire de faire en sorte que la possession et la production d'eau lourde demeurent sous le régime de la nouvelle loi et soient réglementées par la CCSN.

En conclusion, notre comité estime que la nouvelle loi établira des dispositions législatives modernes aux fins de la réglementation de l'énergie nucléaire au Canada. Nous pensons que nos préoccupations pourraient être apaisées au moyen de trois modifications relativement mineures apportées à la nouvelle loi, nommément: le président du conseil d'administration de la commission devrait être une personne autre que le président et le chef de la direction; une déclaration concernant le niveau acceptable de risque inhérent devrait être incluse dans l'article 44 de la nouvelle loi, qui porte sur les règlements; les usines de production d'hydrogène, qui produisent de l'eau lourde à titre de sous-produit, ne devraient pas être considérées comme une installation nucléaire aux fins des dispositions du projet de loi C-23.

Le vice-président (M. Thalheimer): Je vous remercie.

Monsieur Deshaies.

[Français]

M. Deshaies (Abitibi): Il est difficile de poser des questions à des experts parce qu'ils soulèvent toujours des questions très pointues. On aurait pu croire que les intervenants nous auraient parlé un peu plus de l'objectif du projet de loi C-23, qui est d'améliorer en général la sécurité du processus nucléaire au Canada.

Le public est toujours inquiet. Vous, vous êtes des consultants d'Énergie Atomique du Canada. Les gens craignent souvent que vous vouliez encourager le développement de l'énergie atomique.

Vous parlez de recommandations techniques. Vous dites qu'il serait bon d'avoir un président et un directeur général distincts. Pouvez-vous m'expliquer de quelle façon le président pourrait se trouver en conflit d'intérêts?

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Vous dites qu'il travaille avec ces gens-là et que vous craignez que le fait de travailler avec ces gens... Pourriez-vous nous un exemple de conflit d'intérêts?

M. Rozon: Bien entendu, notre intervention peut sembler un peu pointue, mais j'insiste quand même sur le fait que notre comité est tout à fait satisfait qu'on ait pris l'initiative de présenter un nouveau projet de loi pour remplacer une loi qui date de la nuit des temps, qui a été adoptée à l'époque où on sortait de la Deuxième Guerre mondiale. À cette époque, on était très préoccupé par des considérations de sécurité nationale, alors que maintenant, on est dans une ère où c'est la protection de la santé et de l'environnement qui prime.

Pour la question des conflits d'intérêts apparents, je vais céder la parole à mon collègue, qui a des idées assez claires là-dessus. Il serait intéressant d'entendre ce qu'il a à dire là-dessus.

[Traduction]

M. A. Driedger (vice-président, Comité consultatif de la recherche et du développement, Énergie atomique du Canada Limitée): Je vous remercie, monsieur le président.

Je vous signale que je suis médecin. Je sais donc pertinemment que la médecine nucléaire vient en aide à à peu près un million de Canadiens chaque année, d'où l'importance d'assurer l'efficacité et la sûreté de l'industrie nucléaire. Il ne s'agit pas simplement d'apaiser les craintes de la population au sujet du nucléaire. Le maintien et l'amélioration de la qualité des soins médicaux dispensés au pays en dépendent.

À mon sens, le risque évoqué découle de la répartition des responsabilités. Le fonctionnement quotidien de la commission relève du président et du chef de la direction. Voilà pourquoi il serait normal qu'il se sente tenu de défendre le travail de ses collaborateurs si une décision de la commission était portée en appel.

Si le président doit aussi présider le conseil d'administration de la commission, on lui demandera alors de jouer un rôle bien distinct. En effet, le président du conseil d'administration est vraiment celui qui doit veiller à ce que le personnel respecte les politiques de la commission et auquel on demandera d'ailleurs des comptes à cet égard.

On voit donc que le fait pour le conseil d'administration de renverser en appel une décision prise par la commission reviendrait presque pour celui-ci à désavouer le président. Voilà donc le problème qui se pose en ce qui touche le cumul de ces fonctions.

Tout tourne autour de la question de l'attribution des responsabilités. Il est bien évident que le président de la commission rend directement compte au ministre de l'application de la loi actuelle et des lois connexes. Le fait que la CCEA, tout comme le fera l'organisme qui va la remplacer, facture aux détenteurs de permis les services qu'elle leur dispense complique les choses.

La justice naturelle exige qu'on accorde un droit de représentation à ceux à qui on impose des impôts. Les frais exigés à l'heure actuelle des détenteurs de permis sont considérables. À mon sens, ils sont donc en droit de demander à quoi sert la commission. Ils sont en droit de se demander si l'augmentation du coût de la production est compensée par des gains sur les plans de la santé et de la production d'énergie notamment.

Pour régler ce problème et intégrer complètement les questions de sécurité soulevées par la commission à l'amélioration de la qualité et au processus de restructuration industrielle, il faut atomiser le problème. On y arrivera en séparant les fonctions comme nous le recommandons.

[Français]

M. Deshaies: Lors d'une autre réunion, j'avais demandé s'il ne serait pas possible ou même sage de garder un siège au conseil d'administration pour le public environnemental et un siège pour l'industrie. Cependant, ce que vous venez de dire reflète bien l'idée d'avoir une plus grande transparence au conseil d'administration. D'où le président du conseil d'administration devrait-il venir, d'après vous? Dans quel milieu devrait-il être choisi? Le verriez-vous venir du milieu scientifique ou universitaire?

.1135

[Traduction]

M. Driedger: Je pense que le président du conseil doit être membre de la commission; il doit avoir été choisi selon le processus que nous avons décrit, et il faut que ce soit un citoyen informé dont la responsabilité, comme cela se voit à tout conseil d'administration, consiste à demander des comptes exacts au président.

[Français]

M. Deshaies: D'après moi, ce serait important. On avait dit à une réunion que le président-directeur général avait à la fois à administrer une entreprise ayant trait à la sûreté du processus nucléaire au Canada et à voir à des employés. Donc, à mon avis, il y avait là contradiction. Je pense que c'est un point important.

En tant que néophyte, j'aurais une question pratique. L'eau lourde est-elle nocive ou toxique avant d'être utilisée ou si ce sont seulement les sous-produits qui sont toxiques?

M. Rozon: L'eau lourde est essentiellement de l'eau avec l'isotope d'hydrogène deutérium plutôt que l'hydrogène ordinaire. Donc, d'un point de vue chimique, cela a pratiquement toutes les caractéristiques de l'eau ordinaire.

M. Deshaies: Tant qu'elle n'est pas utilisée, il n'y a pas de danger.

M. Rozon: Non. Ce sont ses caractéristiques par rapport aux interactions avec des neutrons qui la rendent utile dans la réaction en chaîne. Étant donné le concept des réacteurs CANDU, c'est un matériau essentiel pour le maintien de la réaction en chaîne. Mais comme substance elle-même...

M. Deshaies: Donc, le fait qu'elle soit classée comme substance sous contrôle peut dépendre tout simplement du fait qu'après la Deuxième Guerre mondiale, on voulait un meilleur contrôle sur l'énergie. Vous suggérez maintenant de laisser libre cours à cette substance, parce qu'elle n'est pas dangereuse, et de contrôler plutôt les autres produits. C'est cela, votre suggestion?

M. Rozon: Ce n'est pas nécessairement de laisser libre cours à cette substance. C'est de ne pas considérer qu'une usine de production d'hydrogène qui produirait quelques milliers de tonnes d'hydrogène et quelques dizaines de tonnes d'eau lourde est une installation nucléaire qui doit être soumise à toute la force de la réglementation de la Commission.

Je crois que mon collègue a des commentaires sur la question de la séparation des pouvoirs au niveau de la Commission elle-même.

[Traduction]

Le vice-président (M. Thalheimer): Vous vouliez dire quelque chose à ce sujet.

M. Jon Jennekens (membre, Comité consultatif de la recherche et du développement, Énergie atomique du Canada Limitée): Merci, monsieur le président.

Permettez-moi d'abord de dire que j'ai été membre du personnel de la Commission de contrôle de l'énergie atomique pendant 17 ans. J'ai été président de la commission pendant huit ans et demi.

Le premier président de la commission était le général McNaughton, qui était soldat et scientifique. Tous les autres présidents ont été recrutés dans le milieu scientifique. L'actuelle présidente, le Dr Agnes Bishop, est médecin. Elle est pédo-oncologue. Donc, en réponse à votre question, monsieur, pour ce qui est de savoir d'où doit venir le président de la commission, vous n'avez qu'à voir qui est notre présidente et d'où étaient les anciens présidents pour savoir la réponse.

Le projet de loi C-23 prévoit en fait une certaine séparation des pouvoirs. Normalement, le président de la nouvelle commission ne devrait pas voter, sauf s'il y a égalité des voix. Dans la situation qui préoccupe notre comité, s'il y avait égalité des voix entre les membres de la commission et que le président était alors appelé à trancher, il faudrait évidemment que le président ait sa propre idée sur le sujet. Normalement, l'égalité des voix signifie que le sujet revêt une grande importance, une très grande importance. C'est justement pour ce genre de sujet que devrait intervenir un processus d'appel, où l'on ne trouverait pas ce genre de conflit d'intérêts potentiel qui existe maintenant.

Très franchement, au cours des huit années et demie où j'étais à la présidence, je ne me suis jamais senti en situation de conflit d'intérêts grave lorsqu'un titulaire de licence voulait s'adresser à la commission. Cependant, la transparence est une chose importante, et c'est pourquoi notre comité juge préférable de séparer les deux fonctions.

Comme l'a dit mon collègue, M. Rozon, lorsque la loi a été adoptée pour la première fois par le Parlement en 1946, il n'existait pas d'armes thermonucléaires. Il y en a aujourd'hui. Dans les années qui ont suivi, on s'est mis à utiliser l'oxyde de deutérium et l'oxyde de tritium dans la fabrication des armes thermonucléaires. Pour ce qui est de la sécurité nationale, les considérations relatives à la sécurité matérielle de l'eau lourde s'appliquent aujourd'hui tout comme elles s'appliquaient il y a 50 ans. C'est dans la production de l'eau lourde que la question s'est posée, et elle s'est posée dès le début, lorsque la première usine de production est entrée en service en utilisant de l'hydrogène sulfuré.

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La commission a alors énoncé des exigences relatives à la santé et à la sécurité ainsi qu'à la protection de l'environnement. À cette époque, elle jugeait que c'était la bonne chose à faire simplement parce qu'il n'existait pas de processus d'octroi de licences suffisamment complet pour la production non nucléaire.

Les usines où l'eau lourde est un produit dérivé sont d'une nature entièrement différente. Les dispositions relatives à la sécurité matérielle s'appliquent toujours, mais il nous faut alors décider si ce genre d'usine doit recevoir une licence ou non. Nous pensons que la réponse est non, que ce genre d'usine ne devrait pas avoir de licence.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Thalheimer): Monsieur Ringma.

M. Ringma (Nanaïmo - Cowichan): Je pense que c'est très intéressant. J'allais justement aborder cette question parce que j'ignore tout de l'eau lourde. Je suis comme tous ces profanes qui pensent que l'eau lourde est nécessairement contaminée, que si l'on ouvre les robinets d'un réacteur et qu'on la laisse couler, on va contaminer toute la rivière des Outaouais. Ce n'est pas le cas.

Je vous suis tout à fait, monsieur Rozon, lorsque vous dites qu'il faudra à l'avenir séparer ces fonctions.

Mais d'après votre exposé, monsieur Jennekens, je crois comprendre que vous avez encore des réserves au sujet de l'utilisation de l'eau lourde. La sécurité des autres pays vous préoccupe-t-elle, par exemple? S'agit-il davantage de la sécurité en ce sens ou plutôt de l'aspect physique de la sécurité du produit lui-même?

M. Jennekens: Monsieur le président, l'eau lourde figure sur la liste des marchandises d'exportation contrôlée. Toute personne qui veut exporter une quantité importante d'eau lourde doit obtenir un permis d'exportation délivré par la Commission de contrôle de l'énergie atomique et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

C'est pour cette raison que le Canada est un membre actif de plusieurs groupes multinationaux préoccupés essentiellement par la non-prolifération nucléaire. C'est dans ce domaine, comme le mentionne M. Ringma, que notre préoccupation subsiste. C'est pourquoi il faut continuer d'appliquer, de mettre en oeuvre et de vérifier certains accords et exigences relatifs à la sécurité matérielle. Ce qui est tout à fait différent de l'octroi d'une licence à une usine d'hydrogène qui produit une petite quantité d'oxyde de deutérium à titre de sous-produit.

M. Ringma: Ce qui suscite, et vous en avez parlé, la question de la perception du public, qui se demande ce qui se passe. Comme je l'ai dit, je suis un profane comme les autres et je ne connais pas intimement ce genre d'entreprise, et c'est pourquoi je suis inquiet, peut-être trop. Comme nous entrons dans une ère nouvelle ici, quelles mesures supplémentaires devrons-nous prendre collectivement pour que le public soit consulté davantage par la nouvelle commission ou pour que la commission joue un plus grand rôle au niveau de la sensibilisation publique? L'ignorance du public en matière nucléaire a toujours été et sera toujours un obstacle. Il nous appartient donc de faire ce qu'il faut faire pour lever cet obstacle, si nous le pouvons, particulièrement s'il y a quelque chose de précis dans les nouveaux règlements.

M. Rozon: En fait, je pense que le nouveau règlement prévoit un mandat en ce sens, si vous voulez, à savoir que la nouvelle commission doit informer le public.

M. Ringma: C'est ainsi que vous l'interprétez.

M. Rozon: Je sais.

Mais, si vous le permettez, j'aimerais revenir un instant sur cette idée d'un président du conseil d'administration distinct du président et premier dirigeant. Je pense encore là que c'est le président du conseil qui devrait rendre des comptes, qui devrait s'assurer que l'on respecte le processus d'information.

.1145

M. Driedger: J'aimerais ajouter quelque chose ici. À mon avis, on peut apaiser la crainte du public en évitant de réglementer là où il n'y a aucun danger. Une molécule sur 7 000 dans notre corps et dans la rivière des Outaouais, et partout ailleurs, est constituée d'eau lourde. La production d'eau lourde consiste simplement à l'extraire et à la concentrer. La production d'eau lourde ne fait intervenir aucune radioactivité.

D'ailleurs, le Canada n'est plus le seul pays producteur d'eau lourde. Et il est tout à fait possible que dans l'avenir EACL, le vendeur international de réacteurs, soit amenée à rechercher un meilleur prix ailleurs, si bien que le règlement régissant la production d'eau lourde au Canada pourrait devenir tout à fait désuet. Et ce règlement n'a aucun effet sur la sécurité.

M. Ringma: Je pense que je comprends. Mais êtes-vous d'accord avec moi pour dire que si nous décidions collectivement de déréglementer la production d'eau lourde, nous aurions besoin à plusieurs égards d'une campagne d'information publique quelconque pour contrer les alarmistes?

M. Driedger: C'est possible, mais les faits sont de votre côté.

M. Jennekens: Monsieur le président, me permettez-vous de répondre à M. Ringma?

Avant que le gouvernement canadien, dans sa sagesse, n'adopte la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, le milieu nucléaire était majoritairement d'avis qu'il fallait s'abstenir de répandre ce genre d'informations. Mais avant même l'adoption de ces deux lois, la Commission de contrôle de l'énergie atomique a créé son propre bureau d'information publique, qui est un bureau très actif en ce moment même. Il accomplit une fonction très utile dans la mesure où il communique le genre de renseignements que votre collègue mentionnait. Cependant, je constate dans mes voyages de par le pays qu'il y a encore beaucoup de gens qui se rangent exactement dans la catégorie que décrivait votre collègue.

J'aimerais préciser que lorsque l'on utilise de l'eau lourde dans une installation nucléaire, comme dans un réacteur de recherche ou dans un réacteur de puissance, une partie du deutérium qui se trouve dans l'eau lourde absorbe un neutron et se transforme en tritium, élément radioactif. Celui-ci se désintègre sur une période radioactive légèrement supérieure à 12 ans et s'accompagne d'émissions de rayonnement bêta. Cela signifie donc que l'eau lourde qui se trouve dans le modérateur ou le circuit primaire de refroidissement du réacteur est elle-même radioactive et doit être contrôlée de près, vu les risques de fuite ou de rejet.

Il existe une disposition dans le projet de loi qui ressemble à ce qui existe dans le règlement, mais qui donne un peu plus de précisions. Il s'agit de l'alinéa 21(1)e), où il est question d'«informer le public - sur le plan scientifique ou technique ou en ce qui concerne la réglementation du domaine de l'énergie nucléaire». J'espère que cette tâche continuera d'être une priorité pour le gouvernement, le conseil d'administration et la commission qui sera créée prochainement. C'est exactement la question qui préoccupait M. Ringma. C'est très important.

Le vice-président (M. Thalheimer): Monsieur Bélair.

M. Bélair (Cochrane - Supérieur): Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur les questions posées par mes collègues. Vous avez parlé de conflit d'intérêts. Il devrait bien y avoir des tiraillements au comité consultatif. Comme vous détenez tous des doctorats en science, en chimie ou en physique, votre avis doit peser lourd lorsque ces décisions sont prises, n'est-ce pas?

M. Driedger: Monsieur le président, ce n'est pas une question de poids. Ce sont des fonctions différentes. J'ai travaillé dans une grande entreprise, et je sais que le rôle du président et du premier dirigeant est de surveiller l'activité quotidienne de l'entreprise; celui du président du conseil est de demander des comptes au président au nom des actionnaires.

Ce sont des rôles bien différents. Ce ne sont pas les tiraillements qui nous inquiètent. Il s'agit plutôt de définir le rôle de chacun de manière à pouvoir s'en acquitter honnêtement sans être tiraillé, à l'occasion d'un appel par exemple, entre la nécessité pour le président d'appuyer ses subordonnés s'ils ont fait du bon travail et celle pour le président du conseil de veiller à la régularité de l'appel, à sa transparence et à son ouverture pour garantir les droits de l'appelant.

.1150

M. Bélair: Les réponses que vous nous avez données jusqu'à présent ne me satisfont pas tout à fait. Comme mon collègue l'a dit il y a un instant, personne ici n'a vraiment les connaissances nécessaires pour porter un jugement sur ce que vous nous dites. Qu'il s'agisse de Mme Bishop, qui a été le deuxième témoin, ou de vous, c'est assez difficile.

Cela montre combien il faut informer la population. Est-ce une de vos fonctions?

M. Driedger: Oui, nous avons des comptes à rendre. Cela nous convient tout à fait de...

M. Bélair: Cela vaut pour le ministère et le gouvernement; moi, je parle de la population en général.

M. Driedger: Cela touche aussi la population. Dans l'ancienne loi comme dans le texte actuel, il est question des comptes à rendre à la population, puisque c'est le ministre qui contrôle le processus au nom des citoyens.

M. Bélair: Oui.

M. Driedger: Il faut que cela se poursuive en ce qui concerne la commission, ou celle qui lui succédera, la nécessité de respecter la loi.

Comme je l'ai dit plus tôt, quand on parle de comptes à rendre aujourd'hui, cela signifie aussi justifier l'emploi qui a été fait des fonds publics, surtout lorsqu'on instaure des droits.

M. Bélair: J'allais justement y venir.

M. Driedger: Il faut que le processus soit très ouvert pour s'assurer qu'il n'y a aucune collusion et que tout soit impartial. La séparation des rôles favorisera cette ouverture et cette transparence. Il ne s'agit pas vraiment pour nous de protéger la science ou la technologie mais plutôt de pouvoir en tirer les avantages qu'elles procurent. Nous pensons que la technologie nucléaire a beaucoup à offrir au Canada.

M. Bélair: C'est vrai.

Dans une autre veine, j'ai noté dans votre exposé - et vous faites de la recherche et du développement - que nulle part vous ne rappelez qu'aucun pays, le Canada y compris, n'a de programme ou de mécanisme pour s'occuper des déchets hautement radioactifs. Vous avez pourtant dû y être pour quelque chose, puisqu'il se fait actuellement des travaux dans la région de Winnipeg. Quel rôle joue votre comité consultatif?

M. Rozon: Je crois que ni la question ni la réponse n'ont quoi que ce soit à voir avec le projet de loi C-23, mais cela dit...

M. Bélair: Eh bien, il y a une disposition dans le texte, l'article 44, je crois, qui porte sur les déchets. Vous appartenez à un comité consultatif, vous êtes des chercheurs, vous avez des doctorats en physique et en chimie. Vous avez sûrement un rôle à jouer et des conseils à donner à la commission ou au ministre.

M. Rozon: Nous donnons des conseils aux membres du conseil d'administration d'Énergie atomique du Canada en ce qui concerne ses projets de recherche. Énergie atomique du Canada a pour fonction de concevoir une méthode d'élimination. C'est ce qu'elle a fait. Elle l'a présentée, et l'idée est actuellement à l'étude, et c'est à Ontario Hydro de se prononcer.

Nous avons suivi le dossier de très près et nous avons notre avis...

M. Bélair: Vous faites partie du comité national et l'Ontario en fait partie, évidemment. Quel est votre rôle? Vous n'avez pas répondu à ma question. Avez-vous un rôle, oui ou non? Si c'est non, qui s'en charge?

.1155

M. Driedger: A titre de membre du comité consultatif, nous avons conseillé EACL sur les travaux de recherche et de développement effectués concernant le stockage en formation géologique profonde. Certains d'entre nous, moi y compris, ont de leur propre chef comparu lors des audiences qui ont été tenues sur l'évaluation environnementale du projet.

Je vais vous dire ce que je pense. La solution n'est pas difficile. Le stockage en formation géologique profonde est une méthode de gestion des déchets à long terme, et les problèmes ne sont pas d'ordre scientifique ou technique. Il s'agit plutôt pour la population de bien comprendre ce que cela suppose et, pour les localités visées, de participer au processus et d'y voir les possibilités que cela présente et de reconnaître que le risque n'est pas exagéré.

Nous pourrons vous donner des précisions en aparté, si vous le voulez.

M. Bélair: Non, je voulais seulement savoir quel est votre rôle et si vous vous occupez de cela, et vous m'avez répondu que vous avez comparu. Vous avez donc recommandé que les déchets soient enfouis au creux du Bouclier canadien.

M. Driedger: Oui.

M. Bélair: Vous appartenez à un comité consultatif. Dans votre domaine, vous arrive-t-il d'être consultés par quelqu'un du secteur privé qui veut une licence?

M. Driedger: Ce n'est pas arrivé.

M. Bélair: Pourriez-vous nous dire s'il y a des cabinets d'experts-conseils au Canada qui font ce genre de travail?

M. Driedger: Je n'en connais pas.

M. Bélair: Si on fait une demande de licence, il faut savoir de quoi l'on parle. Moi, je ne le pourrais pas. A qui s'adresse-t-on pour demander une licence?

M. Jennekens: L'une des principales fonctions du personnel de la Commission de contrôle de l'énergie atomique est d'aider les candidats, de leur expliquer ce qui est exigé, les compétences qu'ils doivent avoir, les dispositions institutionnelles qui doivent être prises, la formation que leur personnel doit suivre, le dispositif de protection matérielle nécessaire, ainsi que les règles de radioprotection qui s'appliquent. Le personnel de la commission offre ce service à tous ceux qui le demandent. Le bureau de l'information, dont j'ai parlé, fournit des renseignements de nature générale ou détaillée. Au cours des 20 dernières années, la Commission de contrôle de Énergie atomique a publié une foule de documents. La plupart d'entre eux sont à la portée du profane, en particulier celui qui demande une licence.

En réponse à votre question, monsieur Bélair - je suis à la retraite, au fait - j'ai cinq occupations. Je suis président du Comité consultatif en matière de sûreté nucléaire pour Ontario Hydro. Je pensais que cela présentait un risque de conflit d'intérêts jusqu'à ce que le président de l'époque, M. Kenneth Hare, que beaucoup d'entre vous connaissent, m'ait convaincu que lorsque l'on est en compagnie de gens comme M. James Ham, l'ancien recteur de l'Université de Toronto, il n'y a guère de risque de conflit d'intérêts.

Je préside le comité depuis deux ans. Une de nos fonctions est de conseiller Ontario Hydro, un des gros «clients» de la CCEA, sur les améliorations à apporter à ses installations. Vous avez sans doute appris à la lecture des journaux que nous avons été fort occupés ces derniers temps.

J'offre aussi gratuitement mes services à la Banque européenne de reconstruction et de développement dans le domaine de la sûreté nucléaire.

J'appartiens à une association de bénévoles qui s'intéresse aux mécanismes de vérification prévus dans les traités de réduction et de contrôle des armements.

Je suis donc un expert-conseil en quelque sorte, mais à titre gracieux. Cela me convient tout à fait, pour être honnête. À ma connaissance, il n'existe pas au Canada de compagnie ou de cabinet d'experts-conseils dont l'unique ou la principale vocation est de conseiller les gens sur la façon d'obtenir une licence de la CCEA. Cette information et ces conseils, ils les obtiennent directement de la commission.

Le vice-président (M. Thalheimer): Monsieur Reed.

.1200

M. Reed (Halton - Peel): Merci, monsieur le président.

Je m'excuse de mon retard auprès des témoins. J'étais pris au téléphone. Je n'ai pas entendu tout votre exposé, mais j'étais ici lorsque vous avez parlé de l'eau lourde.

Il est temps, je pense, de détruire ce mythe à propos de l'eau lourde et de dire publiquement que c'est une chose que l'on peut fabriquer chez soi. Il faut un petit appareil tout simple, un peu d'électricité et de l'eau, et voilà.

J'appuie donc ce que disait le témoin: qu'on l'enlève de là pour s'en débarrasser une fois pour toutes. S'il y a un problème à l'heure actuelle, il n'est pas d'ordre nucléaire; c'est une question de chimie. L'hydrogène sulfuré vous inquiète, mais, grand Dieu! moi je me demande si l'eau lourde devrait même figurer dans cette catégorie. Si on l'enlève, on ferait épargner un peu d'argent au pays parce que les gens n'auront pas à obtenir une licence pour produire de l'eau lourde, ce qui n'est pas un problème de nature nucléaire.

Je ne me sens pas qualifié pour me prononcer sur les deux autres questions, mais je suis de tout coeur avec vous. Si les journalistes ont vent de ce que je viens de dire et s'ils veulent savoir comment fabriquer de l'eau lourde, je vais le leur dire. Merci.

[Français]

M. Deshaies: J'ai deux petites question. La première a trait à une lettre qu'on avait reçue deM. Baird, qui a travaillé pendant plusieurs années à la commission nucléaire. Ce dernier signalait qu'après 50 ans, on adopte une nouvelle loi, mais qu'en même temps, on répète peut-être un élément et qu'il faudrait dissocier la sécurité et le développement de l'énergie atomique.

Dans l'un des premiers articles, on attribue à la ministre des Richesses naturelles à la fois la responsabilité de superviser la mise en oeuvre de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et la responsabilité de la Commission. Ne pensez-vous pas qu'il serait préférable que ce soit plutôt le ou la ministre de l'Environnement qui soit responsable de l'application de la loi puisque cela touche un peu plus l'environnement que les ressources naturelles?

M. Rozon: C'est certainement une possibilité, mais de là à savoir si en séparant complètement les deux missions ou les deux rôles, on ne crée pas une situation conflictuelle au lieu d'une situation déraisonnable...

J'ai mentionné dans mon mémoire la notion du risque déraisonnable. C'est essentiel que ce principe-là soit mis en évidence et serve de critère aux activités de la Commission. Il faut éviter de s'en aller vers une situation qui est plutôt prescriptive. Jusqu'à maintenant, on a fonctionné selon le principe ALARA, c'est-à-dire as low as reasonably achievable. Ce principe-là doit, selon moi, être préservé si on veut avoir cet équilibre entre les risques et les bénéfices, parce que les bénéfices sont très importants.

Bien sûr, si on investit dans le développement, c'est parce qu'on considère qu'il y a un avantage pour la société à le faire. Par ailleurs, il faut le faire sans que le risque soit trop élevé. Est-ce qu'on s'assure de cela lorsqu'on sépare les responsabilités ultimes entre deux ministères ou si, en fait, on ne crée pas une situation où il y a de la compétition entre les deux pôles, compétition qui n'irait pas nécessairement dans le sens d'une plus grande sûreté ou d'un meilleur développement de la technologie?

Peut-être, Jon,

[Traduction]

que vous avez quelque chose à dire là-dessus.

M. Jennekens: Monsieur le président, peut-être une ou deux choses.

.1205

Lorsque la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique a été adoptée par le Parlement, il était entendu à l'époque que le président du Comité du Conseil privé sur la recherche industrielle et scientifique serait le ministre désigné. À cette époque, il s'agissait du «ministre de Tout»; je parle évidemment de M. C.D. Howe. C'est resté ainsi pendant des années.

Par la suite, le ministre désigné pour la CCEA s'est également vu confier la responsabilité d'EACL, d'Eldorado nucléaire Limitée, et de l'Office national de l'énergie. Il était bien évident pour ceux d'entre nous qui ont travaillé à l'un de ces endroits qu'il y avait conflit entre les deux.

Lorsque le prédécesseur du projet de loi C-23, le C-14, a été déposé à la Chambre - malheureusement, il est mort au Feuilleton - l'un de ses principes sous-jacents était de bien distinguer entre les ministres et d'avoir un ministre pour la Commission de contrôle de l'énergie atomique et un autre pour EACL et les autres entités. Je pense que beaucoup de ceux qui ont travaillé dans ce domaine sont du même avis.

Voici quelque chose, que notre président vient de me rappeler. Lorsque le comité s'est réuni il y a quelques semaines, il s'est penché sur la tendance croissante de la commission, même dans les années où j'en faisais partie, à être beaucoup plus prescriptive dans les règlements qu'elle édictait. Je veux dire par là qu'au lieu de fixer des objectifs de rendement, des critères de base et des principes censés régir l'activité du détenteur de licence, la commission a peu à peu constaté qu'elle devait être de plus en plus explicite en ce qui concerne l'innocuité, la sûreté et la radioprotection ainsi que la sécurité matérielle. On est allé un peu trop loin, et aujourd'hui cela inquiète l'industrie.

M. Driedger est médecin. Il travaille dans le domaine de la médecine nucléaire. C'est un domaine où il est très important que le Parlement sache bien que les détenteurs de licences de la CCEA ne sont pas uniquement des compagnies d'électricité. La CCEA délivre des milliers de permis. C'est l'intérêt et le bien-être de ces détenteurs qu'il faut garantir. Une façon de le faire, c'est de séparer les pouvoirs.

Pour ce qui est de la méthode prescriptive, le 20 mars 1979, il y a eu une panne grave à l'unité numéro deux du réacteur de Three Mile Island. Il y a des gens qui ont appelé cela un accident; c'est un euphémisme. Ce n'était pas un accident; c'était une succession de catastrophes.

Sept ans plus tard, le 26 avril 1986, la catastrophe de Tchernobyl s'est produite. La réaction des autorités soviétiques et américaines a été la même: adopter la méthode prescriptive. Prenez le cas du service des licences de l'ancienne Commission de l'énergie atomique des États-Unis et de son successeur en vertu de le Energy Reorganization Act de décembre 1974, qui ont créé la Energy, Research and Development Agency et la U.S. Nuclear Regulatory Commission. Cette commission de réglementation, dans ses trois années d'existence, a publié un si grand nombre de règlements de type prescriptif que les compagnies d'électricité et les consultants nucléaires américains n'arrivaient plus à comprendre que la première chose à faire, c'est d'instaurer une conception institutionnelle de la sûreté. Se contenter de respecter la consigne imposée par l'organisme de réglementation ne suffit pas.

Après la catastrophe de Three Mile Island, les compagnies d'électricité américaines ont finalement compris ce qu'elles devaient faire. Elles ont constitué une organisation qui a pour nom Institute of Nuclear Power Operations, composée exclusivement de membres de l'industrie, et qui fixe ses propres objectifs, critères et principes de rendement. Elle a établi ses propres règles de l'art. Il ne s'agit pas de marches à suivre, mais d'un ensemble de principes qui régissent la sûreté au travail et la population.

À cause de ce qui s'est produit dans le domaine dont M. Bélair a parlé tout à l'heure, l'élimination des déchets, notre comité craint un peu que la CCEA ne cède à la tentation de devenir de plus en plus prescriptive. Il est très important à notre avis de freiner ce mouvement et d'examiner la question.

M. Reed se souviendra de ce qui s'est passé lorsqu'il faisait partie du Comité MacDonald, qui a examiné la question de la sûreté des réacteurs nucléaires dans la province après les problèmes de Three Mile Island. À cette époque, nous qui travaillions dans le domaine de la réglementation disions la même chose: il est important d'être très précis lorsque l'on énonce des exigences, mais ce n'est pas à l'organe de réglementation d'assumer la responsabilité première en matière de sûreté. Ce n'est pas possible.

.1210

Celui qui vous fait subir votre examen de conduite n'est pas responsable de ce que vous faites au volant. C'est vous qui l'êtes. C'est celui qui est au volant qui est responsable, et c'est la même chose dans une installation nucléaire. Celui qui est aux commandes doit comprendre que c'est l'entreprise, l'établissement, qui est responsable de la sûreté.

C'est pourquoi nous pensons que le comité devrait voir dans quelle mesure cette tendance à la prescription doit se maintenir, et examiner ce que vous avez dit, monsieur, à propos de la séparation des responsabilités ministérielles en matière de réglementation et de développement. Merci.

Le vice-président (M. Thalheimer): Monsieur Deshaies.

[Français]

M. Deshaies: Vous avez parlé d'une sécurité de niveau acceptable. Peut-on se demander si le niveau acceptable pourrait varier avec le temps? Vous avez dit qu'il serait important qu'il y ait une déclaration de principe à cet égard, pour cibler le niveau économique du pays, qui pourrait varier comme on l'a vu dans d'autres pays d'Europe de l'Est. Comment interprétez-vous cette déclaration de principe?

[Traduction]

M. Driedger: Monsieur le président, il existe une norme internationale appelée le principe ALARA. C'est le principe qui veut que les rejets doivent être les plus faibles qu'on puisse raisonnablement atteindre, compte tenu des facteurs socio-économiques. Il a été formulé par la Commission internationale de protection radiologique, qui suit les tendances dans l'industrie et produit des rapports d'analyse que mettent en oeuvre nos organismes nationaux de sûreté.

Il faut bien comprendre que personne ne dit que la sûreté doit laisser à désirer. Ce n'est pas du tout ce que nous disons. Mais la technologie apporte des bienfaits dont le Canada ne devrait pas se priver sur la foi d'une protection excessive qui va bien au-delà de ce dont la population a besoin.

Si l'on appliquait au code de la route le degré de protection que l'on réclame parfois de l'industrie nucléaire, la limite de vitesse sur l'autoroute 20 serait de cinq kilomètres à l'heure parce qu'une collision frontale à une plus grande vitesse pourrait causer une lésion du cerveau, notre économie serait paralysée et nous mourrions tous de faim.

Les mêmes facteurs s'appliquent à l'industrie nucléaire. Nous ne voulons pas faire du tort aux gens et nous prenons beaucoup de précautions pour l'éviter. Nous appuyons l'objectif du projet de loi parce que cela maintient une tradition de sûreté dans l'industrie nucléaire canadienne. Mais il ne faut pas pousser au point où nous nous priverions des bienfaits médicaux ou économiques que procure une électricité à prix abordable et de tout ce que cela suppose pour la qualité de vie et la vigueur du pays.

[Français]

M. Deshaies: Je sais que vous pratiquez la médecine nucléaire. Accepteriez-vous que certains équipements, même s'ils sont bénéfiques pour la santé, soient potentiellement plus dangereux?

.1215

[Traduction]

M. Driedger: Les risques et les bienfaits ne sont pas différents de ce qui existe dans d'autres domaines. On accepte le risque d'une intervention chirurgicale en contrepartie des chances de rétablissement. On prend le risque de traverser la rue pour pouvoir aller de l'autre côté. Le même raisonnement s'applique à la sûreté nucléaire à tous les niveaux.

[Français]

M. Deshaies: Vous voulez cette latitude-là?

[Traduction]

M. Driedger: Cela devrait se poursuivre.

M. Ringma: J'espère que vous n'avez pas de droits d'auteur sur l'image de l'autoroute 20, parce que j'aimerais m'en servir. C'est très astucieux.

Je voudrais terminer par une question qui, je l'espère, n'est pas une digression. En réalité, je cherche de l'information. Un citoyen de ma circonscription m'a envoyé une lettre il y a quelque temps décrivant son idée d'élimination des déchets radioactifs par subduction. D'après ce que j'ai pu voir, c'est une idée qui n'a peut-être pas été suffisamment étudiée. C'est l'impression que cela me donne.

J'ai posé la question à la ministre, Mme McLellan, il y a une semaine environ. Elle m'a répondu être au courant de la méthode. Elle a dit qu'un comité l'étudiait. Je n'ai pas pu savoir de quel comité il s'agit, et je me demandais si vous le sauriez et si vous pourriez me donner un point de contact pour que je puisse poser des questions. Peut-être pourriez-vous aussi me dire ce que vous en pensez, ses possibilités ou ses inconvénients.

M. Jennekens: Ce comité a été créé par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Il est présidé par M. J.B. Seaborn, ancien sous-ministre de l'Environnement. Ses bureaux sont à Hull. Je pourrais volontiers vous donner le nom de personnes-ressources à l'agence, qui vous fourniront l'information qui pourra être mise à la disposition du comité. Je peux peut-être voir le greffier après la séance, monsieur le député.

M. Ringma: Pourriez-vous résumer ou analyser brièvement cette méthode d'élimination des déchets?

M. Jennekens: Je suis nouveau au comité, et mes collègues ont des antécédents plus longs que les miens. Le Dr Driedger se spécialise en médecine nucléaire et en oncologie; quant à moi, je siège au comité à cause de mon expérience ailleurs. Un mémoire a été présenté au comité de M. Seaborn par M. Kenneth Hare, compagnon de l'Ordre du Canada, un être tout à fait exceptionnel; le Dr Driedger; MM. L.W. Shemilt et J.T. Rogers, qui sont tous deux professeurs émérites, M. Shemilt à McMaster et M. Rogers à Carleton; et puis moi.

Le message dans notre mémoire, c'est que le contribuable canadien, par l'intermédiaire de l'État, se sert d'EACL comme d'un outil et fait effectuer une grande partie de ses travaux au laboratoire de recherche souterrain dont vous avez parlé, monsieur Bélair, au Manitoba, mais aussi par l'intermédiaire d'experts-conseils canadiens, et de géologues en particulier, et a consacré environ 500 millions de dollars à des travaux de recherche et de développement très préliminaires, qui se poursuivent toujours, reliés au concept de l'enfouissement géologique.

Mes quatre collègues et moi-même, qui avons présenté ce mémoire, estimons que l'on a suffisamment consacré de fonds aux travaux préliminaires et qu'il est temps pour le comité deM. Seaborn de recommander au gouvernement de passer à l'étape du choix des emplacements. De fait, la Commission de contrôle de l'énergie atomique, même si elle a présenté un rapport très critique vis-à-vis des travaux d'EACL, a recommandé de passer à l'étape du choix des emplacements. Nous sommes convaincus que cela est dans l'intérêt de la population.

.1220

L'enfouissement géologique du combustible irradié - l'expression juste est «déchets de combustible nucléaire» - se fait actuellement en toute sécurité sous l'eau et dans des cartouches de béton dans une installation de stockage à sec. Il est certain que ces deux formes de stockage sont sûres. Mais un jour ces matériaux devront être placés dans une formation géologique pour que les générations futures n'aient jamais à s'en inquiéter.

Nous sommes convaincus qu'il y a eu suffisamment de recherche et de développement sur la question. Il est temps de cesser ces dépenses et de choisir un emplacement. Le groupe d'examen scientifique créé par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale a recommandé la même chose. Un certain nombre d'associations professionnelles, comme la Société géologique du Canada, ont fait de même.

M. Rozon: Monsieur le président, excusez-moi, mais je ne peux m'empêcher de saisir l'occasion, parce que vous m'avez demandé quel est mon avis personnel.

Je ne suis pas géologue. Je ne suis que professeur de génie nucléaire. J'ai toujours été fasciné par les applications civiles ou pacifiques de l'énergie nucléaire. Je suis convaincu que nous sommes dans la bonne voie quand on parle d'élimination en formation géologique profonde, parce que, essentiellement, on n'a fait que remettre dans la nature ce que nous y avons pris. Nous isolons de la biosphère les éléments qui nous semblent présenter un danger pour les générations futures, et il faut que ce soit notre génération à nous qui le fasse, puisque c'est elle qui profite de ces produits.

Je suis donc tout à fait d'accord avec l'analyse et les recommandations de mes collègues en faveur d'aller de l'avant. Nous avons passé suffisamment de temps à examiner la question de savoir comment on creuse un trou dans le sol; il est temps de trouver un endroit.

[Français]

On est complètement vulnérables. On s'expose à la critique. Du simple fait qu'on ne procède pas à la disposition des déchets, on donne l'impression qu'on ne peut le faire.

On est choyés au Canada pour deux raisons. On est le principal producteur d'uranium au monde et on a une certaine responsabilité aussi, mais le Bouclier canadien nous offre des millions de kilomètres cube dans lesquels on peut aller replacer les matières dangereuses. Je pense qu'il est grand temps de procéder à la recherche d'un site. Cela ne devrait pas être si compliqué. Il me semble que le problème est l'inverse de celui qu'on a quand il s'agit de trouver un gisement pour une mine. Il s'agit de trouver un endroit où il n'y a rien.

[Traduction]

Il est beaucoup plus facile de trouver un endroit dans le Bouclier canadien, où il n'y a rien, que de trouver un endroit où il y a... Je suis certain que l'on pourrait commencer et le trouver très rapidement. Mais évidemment, il y a des formalités. Il faut informer les gens. Je suis très satisfait de la façon dont vont les choses actuellement, mais j'aimerais que cela se fasse un peu plus rapidement.

Ce n'est que mon avis à moi.

Le vice-président (M. Thalheimer): Monsieur Reed.

M. Reed: J'allais dire seulement ceci, monsieur Jennekens: au nombre de tous vos éminents titres et qualités, nulle part il n'a été fait mention de votre mémoire. Cela me renverse, parce qu'à l'époque j'étais plus gros que grand.

Ce qui m'intéresse, c'est que vous m'avez dit qu'il est grand temps de choisir un emplacement. Moi, en 1978, je me souviens d'avoir été amené à Whiteshell, je crois, et d'avoir entendu dire que la technique était au point et qu'il était temps de choisir un emplacement. Vous vous souvenez, je crois, de l'époque où Ontario Hydro et EACL, je crois, étaient à la recherche de plutons dans le nord de l'Ontario. Ils en avaient trouvé un à Mount Moriah, près de Madoc. Ils ont ensuite subi les retombées politiques de ce choix, puis ils sont repartis à la recherche d'un autre emplacement, dans des camions banalisés cette fois. Je suis donc curieux quand j'entends dire que le moment est venu de choisir un emplacement. Le moment n'était-il pas venu il y a près de 20 ans? Ne l'est-il pas chaque année depuis?

.1225

M. Jennekens: Certainement, monsieur le président. M. Reed a tout à fait raison.

Là où nous avons collectivement fait un très mauvais travail, c'est à propos de ce que votre collègue a parlé tout à l'heure,

c'est-à-dire pour ce qui est d'informer le public, d'expliquer la réalité aux gens. Une des réalités qui ont surpris une jeune femme que j'ai rencontrée dans le train en venant de Toronto hier, c'est que les deux tiers de l'électricité produite dans notre province proviennent de centrales nucléaires. Elle était tout simplement époustouflée. Elle croyait que c'était environ 10 ou 15 p. 100. Donc, ce que nous n'avons pas bien fait, c'est assumer notre responsabilité en matière d'information publique, à laquelle M. Ringma a fait allusion tout à l'heure. Nous avons fait un très mauvais travail. Lorsque je dis nous, je parle des élus ou des responsables, des techniciens. Nous n'avons pas fait un bon travail, et nous avons perdu beaucoup de temps et gaspillé l'argent des contribuables.

M. Rozon: Alors, pourquoi est-ce le temps de le faire maintenant alors que c'était plus ou moins pertinent à l'époque? Nous parlons de développement durable. Si j'ai bien compris ce concept, lorsqu'on recueille les avantages d'une entreprise ou d'une technologie, il faut alors s'occuper des façons dont nous... C'est une question de responsabilité. Une question morale. Moralement, je pense que le moment est venu de le faire, car en Ontario 65 p. 100 de l'électricité provient de l'énergie nucléaire. Nous avons la responsabilité de régler ce problème avant que nous ne soyons tous morts et que nos enfants en héritent. Nous devons agir maintenant. Nous avons les moyens de le faire; alors pourquoi ne pas le faire?

Une voix: Je ne pourrais être davantage d'accord avec vous.

Le vice-président (M. Thalheimer): Je n'ai qu'une seule question: que font les autres pays relativement à l'élimination de leurs déchets nucléaires? Travaillez-vous en collaboration avec eux, ou quoi?

M. Driedger: Monsieur le président, il y a un effort international de grande envergure à cet égard. Il y a de nombreux projets en cours. Aux États-Unis, il y a le projet de Yucca Mountain, pour l'élimination des déchets de combustibles nucléaires. Les Suédois ont un projet qui est bien avancé, et je crois qu'ils enfouissent peut-être maintenant leurs combustibles nucléaires... Quelqu'un d'autre est-il au courant? Il y a également de nombreux autres projets en Europe pour examiner différents sites géologiques. Et je pense que le Canada est reconnu comme un chef de file dans l'évaluation de la géologie particulière que nous avons.

M. Jennekens: Monsieur le président, le Canada a été très actif auprès de l'Agence internationale de l'énergie atomique, à Vienne, et tout aussi actif auprès de l'Agence de l'Organisation de coopération et de développement économiques pour l'énergie nucléaire. Cette dernière, l'Agence pour l'énergie nucléaire, a depuis longtemps un groupe de travail composé d'experts qui a examiné le programme de la Suède, le programme de la Finlande, le programme de la France, le programme du Canada, et ce groupe a félicité le Canada pour son programme. Le seul domaine dans lequel nous semblons avoir fait preuve d'incompétence est celui auquel M. Ringma a fait allusion tout à l'heure, c'est-à-dire bien expliquer la situation aux gens pour qu'ils comprennent ce dont il s'agit: quelle est la radiotoxicité des déchets de combustibles nucléaires? Ce dépôt souterrain doit faire face à combien de barrières artificielles et à combien de barrières naturelles?

Je pense que tous les travaux scientifiques qui ont été effectués ont été jugés comme étant de première classe par l'Agence pour l'énergie nucléaire et par l'Agence internationale de l'énergie atomique, et il y a eu énormément d'échanges au fil des ans. En fait, par l'intermédiaire d'EACL, d'Ontario Hydro, d'Hydro-Québec et de l'institut dont M. Rozon est le directeur, nous avons donné aux gens le genre de confiance technique qui est nécessaire pour bien faire notre travail. Il y a cependant un domaine très important où nous avons échoué, et c'est dans ce domaine qu'il faut agir maintenant.

Le vice-président (M. Thalheimer): Merci. Cela conclut notre séance de ce matin.

.1230

Je vous remercie, messieurs, d'être venus ici et de nous avoir éclairés sur cette question. Je suis certain que vous êtes conscients, d'après les questions que les députés vous ont posées, que notre comité s'intéresse vivement à la question. Je vous remercie encore une fois d'être venus ici et de nous avoir fait part de vos idées.

La séance est levée.

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