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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 16 mai 1996

.1119

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Je voudrais tout d'abord m'excuser de ce retard. Malheureusement, le comité précédent a terminé sa séance avec un peu de retard, mais nous allons poursuivre la nôtre jusqu'à 13h20 environ.

.1120

Aujourd'hui, nous avons au programme trois témoins qui vont nous parler de développement économique rural en ce qui a trait aux ressources naturelles. Nous sommes heureux d'accueillir Terry Hayward, du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Jack Wilkinson et Loretta Smith, de la Fédération canadienne de l'agriculture, et Michael Roche, de la Fédération canadienne des municipalités. Soyez les bienvenus.

Je vais demander à chacun d'entre vous de faire une brève déclaration d'ouverture. Je vous serais reconnaissant de vous en tenir à dix minutes. Ensuite, on donnera la parole aux membres du comité pour qu'ils posent des questions. Si vous avez des documents écrits, nous les accepterons avec plaisir. C'est déjà fait? C'est parfait, merci.

Le premier témoin sur ma liste est le représentant d'Agriculture et Agroalimentaire Canada.M. Hayward, je vous demande donc de commencer.

M. Terry Hayward (directeur du Secrétariat rural, Agriculture et Agroalimentaire Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. Je m'appelle Terry Hayward. Je travaille à la Direction générale des politiques d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui abrite le secrétariat rural. J'habite à Winnipeg et je travaille au secrétariat rural à partir des bureaux de Winnipeg.

Je voudrais vous donner un bref aperçu de ce secrétariat. Il a été constitué en février 1994, lorsque le ministre Goodale a annoncé qu'il voulait que son ministère mette l'accent sur le Canada rural. Il a fait cette annonce à la Conférence de la Fédération canadienne de l'agriculture qui se tenait à cette époque à Edmonton, en Alberta.

Je suis arrivé au secrétariat juste après sa création. Pendant les deux dernières années, je me suis occupé du secrétariat rural à Winnipeg. Nous avons un service à l'administration centrale, dans l'édifice Sir John Carling, qui travaille avec les autres ministères et, à l'interne, avec les autres services du ministère de l'Agriculture. J'essaie de mettre au point des programmes et des initiatives et d'aborder les questions d'ordre rural du point de vue de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

Je peux vous citer l'une des visions envisagées par notre ministère en ce qui concerne les questions rurales:

Le Canada rural a un avenir prometteur en tant que milieu de vie et milieu d'affaires, pourvu qu'on tire partie des possibilités qu'il offre en matière de création de richesse, de création d'emplois et de croissance économique. En outre, il fait partie intégrante du développement de l'économie canadienne. Cette vision tient compte du rôle de l'agriculture et de l'agroalimentaire et de la nécessité de collaborer pour atteindre l'objectif plus général de la durabilité rurale. Elle est fondée sur trois grands facteurs sur lesquels nous travaillons.

Le premier concerne la question de l'accès aux capitaux. Nous espérons améliorer la disponibilité de capitaux pour les très petites, petites et moyennes entreprises dans les secteurs agricole et non agricole du Canada rural.

Le deuxième domaine concerne les ressources humaines du Canada rural; il faut faire en sorte que les ressources humaines qualifiées nécessaires au succès de l'adaptation de l'agriculture et de l'agroalimentaire et à la durabilité de l'économie rurale soient identifiées et que des mesures soient prises pour favoriser le perfectionnement.

Le troisième domaine concerne les infrastructures; il s'agit de faire en sorte que les possibilités de développement de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de l'économie rurale ne soient pas contrariées par un manque d'infrastructure, qu'il s'agisse de l'adduction d'eau, des transports, des communications, de l'informatique ou de la fourniture de services.

Bien que l'agriculture et l'économie rurale ne puissent plus être considérées comme synonymes, l'agroalimentaire reste un élément important du bien-être de nombreuses collectivités rurales et il existe entre les deux des connexions et une interdépendance dont on doit tirer partie pour favoriser la croissance du secteur agricole et la durabilité à long terme des collectivités rurales. L'une de ces connexions tient à la diversification des activités agricoles qui peuvent créer de nouvelles sources de revenu et offrir de nouveaux créneaux sur le marché.

La stimulation de la transformation assortie d'une valeur ajoutée dans les exploitations agricoles et dans les collectivités rurales sera importante pour l'emploi et la création d'emplois dans l'ensemble du Canada rural et, en particulier, dans les Prairies. Un secteur agricole en croissance peut aussi favoriser l'emploi en dehors des exploitations, car les familles de cultivateurs ont toujours tendance à aller chercher une part croissante de leur revenu à l'extérieur de leur exploitation agricole.

On remarquera avec intérêt que le secteur agricole et agroalimentaire représente 8 p. 100 du PIB et environ 15 p. 100 de l'emploi au Canada, soit 1,9 million d'emplois. À l'intérieur du secteur général des ressources naturelles, le secteur agricole constitue donc un élément très important de l'activité économique au Canada.

.1125

Le secrétariat rural, comme je l'ai indiqué, est un petit service du ministère de l'Agriculture. Nous avons actuellement à peu près 15 employés qui s'occupent de ce dossier en collaboration avec l'ensemble des ressources humaines d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et avec les autres organismes qui relèvent du ministre de l'Agriculture, comme la Société du crédit agricole. Nous sommes en liaison avec les ministères provinciaux de l'Agriculture qui interviennent dans le développement rural. Nous sommes également en contact avec d'autres ministères provinciaux qui s'intéressent exclusivement à cette question. Par exemple, il existe au Manitoba un ministère du développement rural.

Nous voulons aussi collaborer étroitement avec des organismes comme la Fédération canadienne des municipalités et la Fédération canadienne de l'agriculture, auprès desquels nous allons chercher de l'aide, des conseils et des orientations sur la façon dont ils souhaitent que le gouvernement fédéral appuie les initiatives rurales.

Je m'arrêterai ici, monsieur le président, et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Merci.

Nous allons ensuite entendre le représentant de la Fédération canadienne de l'agriculture.

M. Jack Wilkinson (président de la Fédération canadienne de l'agriculture): Merci beaucoup.

Je suis accompagné de Loretta Smith qui préside notre comité, et de Sally Rutherford, directrice exécutive de la FCA.

Je voudrais prendre quelques minutes pour vous donner un aperçu général. Vous avez reçu notre documentation sur laquelle nous pourrons vous apporter des précisions. Évidemment, dix minutes, ce n'est pas bien long.

Je voudrais prendre un moment pour parler de nos principes directeurs en matière de développement rural et des objectifs que nous visons dans certains domaines où l'action du gouvernement fédéral est, à notre avis, possible et déterminante. Nous estimons que l'interaction du gouvernement fédéral dans le développement rural ne peut pas être gérée au niveau micro-économique.

Il existe évidemment des problèmes de chevauchement de compétence. Comme les ressources financières diminuent, nous pensons que le gouvernement fédéral devrait cibler ses activités de façon à nous doter des infrastructures appropriées grâce aux outils de réglementation et aux autres moyens d'intervention, pour parvenir progressivement à une égalité relative entre les zones rurales et urbaines pour ce qui est, entre autres, de l'accès aux technologies nouvelles et aux infrastructures.

Dans cette optique, nous avons toujours demandé, même si cela est improbable vu les difficultés que nous connaissons actuellement, que l'on définisse les responsabilités en vue de constituer, comme certaines provinces l'ont fait, un véritable ministère du Développement rural. Cette approche doit être plus concrète et se situer à un niveau plus élevé que la formule actuelle.

Nous ne pensons pas qu'un petit service au sein du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire soit suffisant et dispose des ressources nécessaires pour faire face à l'ampleur du problème. Il faudrait, à tout le moins, définir clairement le mandat et la vocation de ce service, et le doter des ressources adéquates, car dans de nombreux secteurs, son action doit faire appel à des interventions interministérielles.

Nous pensons qu'il serait possible d'organiser régulièrement des rencontres entre ministres et entre hauts fonctionnaires, où l'on passerait en revue les mesures de développement rural prises par les différents ministères, de façon à coordonner l'ensemble de ces activités. Je pourrai vous donner des détails à ce sujet tout à l'heure.

Nous estimons l'exploitation forestière, les pêches et l'agriculture, le Canada rural contribue de façon importante à l'économie du Canada, tant du point de vue de l'emploi que de celui de la balance commerciale.

Il y a une dizaine d'années, on a cru que l'avènement des nouvelles technologies allait éliminer les distances dans le monde des affaires, mais en fait, le monde rural du Canada n'y a pas eu facilement accès.

Je pense que les autorités de réglementation d'Ottawa ont une responsabilité à assumer à cet égard. La déréglementation a permis à bien des sociétés privées d'esquiver leurs responsabilités en ce qui concerne la fourniture de ce genre de service dans les zones rurales.

Elle a permis à bien des gens de se tourner vers les marchés à forte densité où ils peuvent obtenir le plus fort rendement sur leurs investissements.

Dans certaines communautés rurales du Canada, lorsqu'on parle de l'avènement de l'informatique et de l'installation de modems dans les exploitations agricoles et dans les petites entreprises, on risque d'être tourné en ridicule, puisque les membres de ces collectivités utilisent encore des lignes partagées sur lesquelles il est impossible de brancher un télécopieur; sans parler, tant s'en faut, de l'installation de centres téléphoniques permettant d'utiliser des modems ou que sais-je pour communiquer avec le reste du monde.

La situation varie d'une région à l'autre. Certaines provinces se sont fixées pour objectif d'offrir un service numérique à ligne unique à tous leurs administrés, d'en faire pratiquement un droit civique pour tous les résidents de la province, et elles ont pris des mesures pour concrétiser cet objectif.

.1130

Ce n'est malheureusement pas le cas partout. On peut même dire que dans certaines régions, contrairement à ce que nous espérions, l'écart s'est même creusé entre les zones rurales et les zones urbaines au cours des dix dernières années.

Nous pensons que des mesures de réglementation pourraient être prises pour offrir à tous ce genre de service à un coût modeste. Par ailleurs, il faudrait également intervenir dans les domaines de l'éducation, des services médicaux et dans un tas d'autres services qui font d'une collectivité un endroit où les gens ont envie de vivre et de faire des affaires.

Les zones rurales de notre pays sont en proie à une dépopulation massive. Nous avons même dépassé les États-Unis en ce qui concerne l'urbanisation au cours des 20 ou 30 dernières années.

Je suppose même qu'il y a des gens... La situation a peut-être tendance à se redresser un peu grâce à l'économie agricole. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, les gens parlaient d'aller s'établir en ville pour jouir d'une meilleure qualité de vie. Les points de vue ont changé. On s'est lassé de devoir faire 30 ou 40 milles en voiture à la moindre occasion, et certains s'interrogaient sur l'existence même de leur collectivité agricole à l'avenir. De ce point de vue, bien des mesures pourraient être prises pour favoriser l'activité économique dans toutes les régions du pays.

De nombreux ministères ont des ressources limitées. Nous pensons que s'ils collaboraient davantage entre eux, leur action serait plus efficace. Ainsi, certains ministères provinciaux de l'Éducation essayent actuellement de relier leurs écoles à de grandes bibliothèques et à des réseaux d'informatique de façon quelles ne soient pas désavantagées à l'avenir.

Des organismes médicaux se voient attribuer des ressources pour faire la même chose. C'est ce qui se passe maintenant dans une certaine mesure dans les Maritimes, en particulier dans des villages isolés de pêcheurs à Terre-Neuve où les centres communautaires sont reliés à des réseaux.

Nous pensons qu'une coordination des activités permettrait à un plus grand nombre de Canadiens d'accéder aux réseaux de communication si l'on utilisait les mêmes montants de façon coordonnée. Il existe de nombreux cas de chevauchement qu'on peut éviter. On pourrait récupérer des ressources dans de nombreux domaines.

Nous pensons que le gouvernement fédéral doit dire comment il perçoit l'avenir du Canada rural. Malgré le document que nous a communiqué Agriculture Canada, j'espère que le ministère a des perspectives plus larges au sujet de ce qu'il est possible de faire qui vont au-delà de la gestion micro-économique d'une quelconque valeur ajoutée. Même si cette valeur ajoutée est essentielle au secteur agricole, il faut espérer qu'on ait davantage à proposer au Canada rural.

Je pense - et ma remarque ne vise pas personnellement le ministre de l'Agriculture,M. Goodale - que l'opinion qui a cours dans certains ministères selon laquelle le développement rural fait l'objet d'attention, présente un certain danger. À leur avis, il s'intègre au mandat du secteur agricole, on s'en occupe déjà et il n'y a pas grand-chose de plus à en dire; de plus, bon nombre de députés et d'autres responsables ne se rendent pas compte à quel point les activités de développement sont insuffisantes dans une perspective d'ensemble.

Je sais que le ministre est limité, faute de ressources, dans ses possibilités d'action, mais nous pensons que le gouvernement pourrait agir plus efficacement, par voie de réglementation, dans des domaines comme la concurrence, les services téléphoniques, etc.

Des mesures pouvaient être prises dans d'autres domaines. Je vais vous donner un autre exemple qui préoccupe beaucoup l'une des provinces, l'Ontario au regard de la Fédération ontarienne de l'agriculture qui fait partie de la Fédération canadienne de l'agriculture, mais c'est aussi un problème dans les Prairies, et je veux parler des pipelines.

Le problème pour les individus, c'est qu'ils ne sont pas sur un pied d'égalité avec leur vis-à-vis lorsqu'ils veulent intervenir dans des consultations sur des propositions visant d'autres utilisations des pipelines ou de leur mise hors service dans certains cas, parce qu'ils ne disposent pas d'une aide financière pour intervenir lorsque ces questions sont discutées. Vous pensez peut-être que je m'éloigne du sujet, mais je crois que c'est un bon exemple de la façon dont les zones rurales s'estiment défavorisées, car elles ne peuvent pas, intervenir, sur un pied d'égalité, dans le débat concernant leur environnement et leurs communautés.

En prévoyant des fonds d'intervention sur des questions comme celles-là, on donnerait aux deux parties l'occasion d'amorcer sur un pied d'égalité un débat ouvert et utile. Il en va de même dans bien d'autres domaines. On pourrait ainsi redonner de véritables pouvoirs à une partie de l'électorat qui ne cesse de diminuer en pourcentage, et qui pourra ainsi se prononcer sur des mesures touchant son avenir.

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En conclusion - et évidemment, nous pourrons développer ces sujets durant la période des questions - il est essentiel que le gouvernement fédéral exerce pleinement ses pouvoirs dans ces domaines de compétence. Les problèmes se rapportent souvent à des secteurs où la compétence est partagée entre le fédéral, la province et la municipalité, ce qui limite les possibilités d'intervention d'un petit service ministériel.

Le mandat du secrétariat rural doit être très clair. À notre avis, il faudrait l'étendre et lui conférer une dimension interministérielle, à défaut de quoi il ne serait guère possible de résoudre les problèmes. Le Canada rural devrait avoir le sentiment qu'on s'occupe de lui, que son activité économique est jugée nécessaire, qu'il forme une communauté aussi importante que les autres, et offre une bonne qualité de vie, compte tenu, évidemment, des budgets limités.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Wilkinson.

Je donne maintenant la parole à M. Roche.

[Français]

M. Michael Roche (directeur, Politiques et Programmes, Fédération canadienne des municipalités): Comme dans d'autres pays qui ont connu un fort développement au cours du siècle qui s'achève, il s'est produit au Canada une explosion des grandes villes et des agglomérations urbaines. La population est de plus en plus concentrée dans les grandes zones urbaines, ce qui entraîne la stagnation et la disparition de nombreuses petites villes et collectivités rurales à travers le pays.

De par leur nature même, les grandes villes et municipalités disposent d'importantes possibilités de croître et de se développer. Les grands centres urbains exercent un attrait sur les sociétés de transformation en raison de leurs marchés locaux ainsi que de l'existence d'une main-d'oeuvre qualifiée et de services municipaux.

Même les petites municipalités situées dans l'arrière-pays sont confrontées à un avenir qui, dans la meilleure des hypothèses, est incertain.

[Traduction]

Les petites villes et les municipalités rurales ont tendance à être vulnérables du point de vue économique, en raison de leur emplacement et de leur forte dépendance à l'égard d'une seule source d'emplois. Les collectivités tributaires d'une seule industrie sont particulièrement vulnérables aux effets de facteurs externes comme les cours mondiaux, les conditions climatiques et environnementales, l'épuisement des ressources naturelles ainsi que l'évolution des goûts et des techniques.

En dépit de leur évidente vulnérabilité, les petites villes et les municipalités rurales sont extrêmement importantes pour un certain nombre de raisons. Tout d'abord, c'est dans ce secteur que se trouvent les ressources naturelles du Canada. Deuxièmement, l'exploitation des ressources naturelles et un des principaux fondements de la richesse nationale. Troisièmement, les petites villes et les municipalités rurales ont d'importantes fonctions à caractère gouvernemental à remplir. Quatrièmement, elles ont un important rôle à jouer pour ce qui est de permettre aux Canadiens de jouir d'un style de vie différent de celui des grandes agglomérations urbaines. Et cinquièmement, elles se sont taillé une place particulière dans le patrimoine social et culturel du Canada.

Bien que les petites villes et les municipalités rurales se retrouvent fréquemment sous l'aile soi-disant protectrice des gouvernements et des grandes sociétés actives dans le secteur des ressources naturelles, une collectivité a tout intérêt à prendre en main ses propres affaires et à s'engager elle-même à s'assurer un avenir viable. Les collectivités qui s'affirment se dotent des moyens de survivre et, à long terme, elles parviennent à la prospérité grâce aux jugements de valeur qu'elles ont elles-mêmes portés.

Un investissement dans l'avenir exige un engagement et du courage à l'échelon communautaire. L'engagement dépend, dans une large mesure, d'un rigoureux leadership politique et administratif ainsi que d'une planification éclairée. Certaines collectivités hésitent à faire cet investissement en raison d'incertitudes relatives aux politiques et programmes des gouvernements fédéral et provincial, et parce qu'elles ne perçoivent pas clairement leurs propres perspectives d'avenir.

À l'heure actuelle, environ dix-sept ministères et organismes fédéraux s'intéressent à des questions qui touchent les petites villes et les collectivités rurales. Avec autant d'intervenants, il est difficile d'entreprendre une action coordonnée pour résoudre les problèmes auxquels sont confrontées les petites villes et les collectivités rurales.

Des responsables des dix-sept ministères et organismes qui ont un intérêt dans les régions rurales et éloignées du Canada ont pris l'initiative de former le Comité interministériel sur les régions rurales et éloignées du Canada dans le but d'échanger des idées et de l'information, et de chercher des solutions. D'après ce que la FCM a constaté, ce comité interministériel est très bien motivé et il joue un rôle utile au plan de l'échange d'information. Toutefois, il s'agit vraiment d'un groupe spécial (ad hoc) qui ne dispose pas des moyens nécessaires pour prendre des décisions coordonnées au niveau des politiques. Il n'est donc pas en mesure d'amorcer un véritable changement.

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Un moyen de répondre aux préoccupations des petites villes et des collectivités rurales au niveau des politiques serait de former un comité composé de sous-ministres qui pourrait en arriver à un consensus. Ce comité ne manquerait pas de pouvoirs ni de moyens pour envisager des changements politiques. Mais ce comité serait dispersé et n'aurait toujours pas de leadership politique visible.

La FCM croit que la solution idéale consiste à désigner un ministre responsable, ce qui permettrait d'établir un point central au sein du gouvernement, tout en fournissant le leadership et en donnant l'impulsion nécessaire aux initiatives nationales. La FCM ne propose pas de créer un ministère distinct doté d'un effectif important.

Nous proposons plutôt de désigner un ministre qui procurerait un point central au sein du gouvernement pour les questions touchant les petites villes et les collectivités rurales. Un ministre désigné pourrait provenir d'un ministère compétent, comme le ministre du Perfectionnement des ressources humaines ou celui de l'Agriculture. Il pourrait aussi s'agir d'un secrétaire d'État (petites villes et collectivités rurales) qui relèverait d'un ministre compétent. D'une manière ou d'une autre, le poste servirait de point central pour recueillir des idées et fournir le leadership politique nécessaire dans un secteur important qui est actuellement négligé.

À la lumière du contexte financier actuel, les interventions destinées à venir en aide aux petites villes et aux collectivités rurales doivent prévoir une plus grande collaboration entre les trois paliers de gouvernement afin de réduire le chevauchement des efforts, améliorer la communication et permettre de formuler des stratégies. Cette proposition ne vise pas à solliciter des fonds, mais plutôt à mieux utiliser les ressources disponibles. Le moment est venu de faire preuve de leadership politique en désignant un ministre responsable pour les petites villes et les collectivités rurales.

Merci, monsieur le président. Je voudrais m'arrêter là. Il y a un autre sujet sur lequel je pourrais intervenir, mais je le ferai au cours de la discussion.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Roche. Vous avez dû, je suppose, vous entretenir avec M. Wilkinson, car vous semblez avoir le même message.

Je suis heureux que nous ayons le temps d'entreprendre une bonne discussion là-dessus. Nous allons commencer avec M. Deshaies.

[Français]

M. Deshaies (Abitibi): Ma première question s'adresse à M. Hayward. Votre ministère a une très grande importance pour les régions rurales puisque la majorité de ces régions ont souvent comme base l'agriculture ou ont été fondées en vue de la colonisation et se sont parfois transformées en régions d'industrie forestière ou minérale, ce qui est le cas de l'Abitibi.

Mais on s'aperçoit souvent que si l'industrie de base qu'est l'agriculture n'existe pas, si les gens ne font que travailler dans les forêts ou les mines et ne s'installent pas dans la région, il n'y a pas une vraie économie. Croyez-vous que votre ministère accorde suffisamment aux régions quant aux ressources humaines et aux budgets?

[Traduction]

M. Hayward: Je peux dire qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada est l'un des ministères les plus décentralisés du gouvernement fédéral. Sur un effectif total de 10 000 employés, les chiffres montrent que nous en avons plus de 50 p. 100, jusqu'à 70 p. 100 dans les régions. Je pourrais obtenir les chiffres exacts pour le comité.

Nous avons des stations de recherches dans l'ensemble du pays; ce sont des centres d'excellence. Nous avons des services d'inspection qui relèvent de la direction générale de la production et de l'inspection des aliments; ils se trouvent dans tous les établissements de transformation alimentaire et de boucherie au Canada. C'est là que travaillent aussi nos inspecteurs de semences.

Dans mon propre service, bien que le secrétariat rural soit très petit, nous avons un employé qui travaille dans le Canada atlantique; c'est M. Joe Rideout qui est en contact avec l'Agence de promotion économique du Canada atlantique. Comme je l'ai dit, nous avons un groupe ici même, à Ottawa et dans l'ouest du Canada, à Winnipeg, et nous avons un collaborateur qui s'occupe des questions de l'Ouest.

Ces effectifs ne sont pas bien importants, mais l'essentiel, c'est de travailler en collaboration avec les autres organismes. Dans l'Ouest canadien, nous travaillons avec le ministère de la Diversification économique de l'Ouest, comme nous le faisons ailleurs avec l'APECA, le BFDR(Q), et d'autres organismes du même genre. Nous avons donc un vaste réseau d'employés dans l'ensemble du pays.

[Français]

M. Deshaies: C'est très important que votre ministère soit présent. Les gens ont l'impression que vous n'êtes pas assez présents, peut-être pas à cause des effectifs, mais parce que les besoins sont grands.

.1145

Souvent on voit qu'il y a des contraintes pour la vérification et l'inspection animale. C'est difficile d'avoir un inspecteur. Le gouvernement doit payer un inspecteur sur place, pour chaque abattoir. Lorsqu'une région veut ouvrir un nouvel abattoir, le ministère accorde difficilement les sommes nécessaires pour un nouvel inspecteur ou deux à chaque endroit.

Est-il possible d'entrevoir, pour l'avenir, une meilleure cohésion avec les provinces? Souvent, ces dernières ont leur propre service de vérification et d'inspection animale. Cela devient un dédoublement, un chevauchement. Si les provinces respectaient les normes de base fédérales, on pourrait avoir un meilleur service à moindre coût de la part des délégués et des professionnels.

[Traduction]

M. Hayward: Oui, le service d'inspection des aliments qui a été annoncé dans le dernier discours du Trône et dans les documents budgétaires commence à coordonner l'initiative fédérale, comme vous l'avez demandé. Il y a eu également d'excellentes discussions entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral sur la façon d'atténuer les barrières commerciales.

Dans le domaine des normes et des services d'inspection, comment faire en sorte que tous les gens qui veulent exporter leurs produits finis à valeur ajoutée, ou les proposer sur le marché interprovincial, soient en mesure de le faire, compte tenu des normes qui s'appliquent au Canada?

Le débat se poursuit, et je pense que nous pouvons progresser dans ce domaine.

[Français]

M. Deshaies: Ce serait très important. Quelqu'un, chez moi, a fait de l'exportation de bisons. Il a eu un problème. Il avait acheté, dans la région de Sherbrooke, une bête atteinte de tuberculose. Son cheptel a été mis en quarantaine pendant presque deux semaines car, même si l'inspecteur provincial pouvait transmettre les résultats de son inspection, il fallait d'abord qu'ils soient approuvés. Son entreprise s'est trouvée entre la vie et la mort parce que s'il ne pouvait exporter son bétail en Europe. Il manquait de fonds pour maintenir son entreprise.

Avec une entente fédérale-provinciale, on aurait pu régler en deux jours la vérification des animaux suspects et faire une analyse chez les autres animaux pour voir s'ils portaient les bactéries de la tuberculose. On aurait pu régler son problème beaucoup plus rapidement. Le tout s'est fait, mais cela a pris presque un mois.

Je vais poser ma prochaine question à M. Roche ou à M. Wilkinson, parce que les deux ont élaboré sur un thème familier en région rurale.

Je connais toute la problématique des petites municipalités de la région d'où je viens. Afin de survivre, il leur faut des outils. Pour un petit village, il s'agit souvent de son garage, de son épicerie et de son bureau de poste, mais d'abord, de ses petites industries qui dépendent des mines ou de la forêt et surtout de son milieu agricole.

La semaine dernière, nous avons eu une rencontre avec des représentants du ministère des Ressources naturelles. Notre président a surpris le sous-ministre en lui demandant: «Votre ministère a-t-il une approche pour la ruralité?». Il a répondu: «Oui. On étudie actuellement le dossier, mais on ne peut déposer le rapport parce qu'il n'est pas encore prêt. Cependant, il le sera en juillet». Il a très bien répondu et je suis sûr qu'il n'avait rien préparé.

Croyez-vous - M. Roche en a parlé et son idée était très bonne - que la solution viendrait d'une coordination des ministères ou de la nomination d'un ministre chargé de la ruralité? Quelle est votre approche à cet égard? Concrètement, monsieur Wilkinson, à part la solution de M. Roche, que devrait faire le gouvernement fédéral?

[Traduction]

M. Wilkinson: Nous avons proposé que l'on adopte une de deux méthodes.

Il faudrait définir les responsabilités dans ce domaine à l'intérieur de chaque ministère. À notre avis, la situation actuelle n'est pas satisfaisante parce qu'on accorde une trop grande importance aux questions agricoles et agroalimentaires, conformément au mandat du comité. Mon propos n'est pas de critiquer le secrétariat. Je veux dire qu'à notre avis, la portée de cet organisme est trop restreinte. Il doit s'intéresser à autre chose qu'à l'agriculture, car on trouve des problèmes identiques nécessitant les mêmes solutions dans de nombreux autres domaines, comme les pêches, les mines et les forêts.

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Tout d'abord, il faudrait donner un mandat décisif à l'un des ministères. Nous ne nous opposons pas, par exemple, à ce qu'un secrétariat d'État assume des responsabilités à cet égard, mais il faudrait le doter de ressources et définir strictement ses responsabilités. Le secrétariat du ministère de l'Agriculture est un tout petit organisme aux possibilités d'intervention très limitées.

En outre, nous pensons qu'il faudrait adopter une approche interministérielle, éventuellement dans un cadre formel, où les ministres concernés se réuniraient régulièrement avec leurs sous-ministres pour coordonner leurs activités. À notre avis, c'est la bonne façon d'aborder le problème afin que chacun sache officiellement ce que font les autres en faveur du Canada rural et qu'on puisse appliquer une stratégie coordonnée entre les différents ministères laquelle s'étendra, espérons-le, aux domaines de compétence provinciaux et municipaux, puisque les ressources sont très limitées.

C'est une question très vaste. Nous avons bien peur que certains gouvernements ne veuillent pas, pour cette raison, s'y attaquer, mais elle est fondamentale pour le Canada. Si nous ne faisons rien, nous savons ce qui arrivera. Vu notre expérience passée, et ce que nous entrevoyons, nous savons ce qui adviendra si l'on n'intervient pas d'une façon ou d'une autre pour remédier à la situation et le gouvernement fédéral est évidemment bien placé pour amorcer cette coordination.

Le président: Monsieur Thalheimer.

M. Thalheimer (Timmins - Chapleau): Merci, monsieur le président.

L'un d'entre vous pourra peut-être me renseigner. Comment les compétences sont-elles réparties entre le gouvernement fédéral et les provinces aux termes de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique? Qui a compétence en matière d'agriculture ou s'agit-il d'un domaine de compétence partagé? Le gouvernement fédéral et les provinces ont tous leur ministère de l'Agriculture.

M. Wilkinson: Dans presque tous les domaines, l'agriculture relève des deux ordres de gouvernement, mais pour certains secteurs particuliers, on a conclu des protocoles d'entente pour déterminer qui s'en occupera. Pour les questions d'ordre général qui touchent les régions rurales, cela dépend dans une large mesure du domaine visé.

S'il s'agit de l'éducation et de la formation, celles-ci relèvent en bonne partie du gouvernement provincial. Dans le cas des télécommunications et des règlements qui les régissent, c'est surtout le gouvernement fédéral qui a compétence, mais certains aspects sont...

Je n'essaie pas d'éviter votre question, mais c'est le secteur visé ou les particularités des points que vous soulevez ici qui déterminent si la question relève du gouvernement fédéral, ou bien du gouvernement provincial ou bien des deux, ou encore des autorités municipales.

M. Thalheimer: Ce n'est pas très clair. Je sais que l'éducation, par exemple, relève des provinces, mais nous discutons maintenant du secteur agricole lui-même et des moyens d'améliorer les conditions de vie des agriculteurs.

Vu la technologie dont on dispose maintenant, surtout dans certains secteurs agricoles, comme celui des céréales, on pourrait facilement administrer une exploitation agricole à partir d'une collectivité centrale. Il n'est pas nécessaire d'être sur place. L'agriculteur peut voyager et emporter son matériel avec lui. C'est ce qu'on fait maintenant dans l'Ouest du Canada. Ce n'est pas aussi difficile qu'il y a 30 ans de parcourir 50 kilomètres avec des machines agricoles.

Nous songeons donc à créer un plus grand nombre de communautés centrales où les gens des régions rurales pourront habiter à cause des écoles et des autres services et aller ensuite exploiter leur ferme, qu'elle comprenne quatre sections ou plus. Je parle essentiellement de la culture des céréales. Ne pourrions-nous pas créer de telles communautés, peu importe si elles sont à 100 ou à200 kilomètres l'une de l'autre.

Je sais que ce n'est pas la même chose pour un aviculteur, par exemple, qui doit être sur place à peu près tout le temps. Le propriétaire d'une ferme laitière doit aussi être toujours sur place. Cependant, ce n'est vraiment pas grand-chose pour un éleveur de bovins de faire 100 kilomètres pour se rendre à son exploitation. Il n'a pas besoin d'être sur place.

Vu les distances, cela coûte, bien sûr, très cher, tant pour les communications que pour envoyer les enfants à l'école, et toutes les autres choses dont nous avons besoin. Ne serait-il donc pas préférable de centraliser les communautés? Est-ce que ce ne devrait pas être notre objectif vu les technologies dont nous disposons maintenant?

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M. Wilkinson: Le genre de modèle le plus approprié varie énormément selon les régions, mais il est certain que l'implantation de nouvelles technologies dans le secteur agricole... C'est pour cela que je suis nerveux. Cette question ne touche pas simplement l'agriculture et je ne veux pas en parler comme s'il s'agissait uniquement d'un problème agricole, même si nous représentons la FCA. C'est pour cela que nous avons travaillé au sein d'une coalition formée de toutes sortes de groupes, notamment des professionnels de la santé, des propriétaires de boisés, des groupes municipaux, et ainsi de suite, afin de traiter la question dans une perspective plus large.

Comme vous dites, le fait qu'un exploitant habite une région rurale ou une petite localité dépend de son type d'exploitation. J'ai cependant l'impression qu'un bon nombre de petites localités connaissent de graves difficultés parce qu'elles n'ont pas l'infrastructure voulue.

Par exemple, certaines provinces ont décidé d'approvisionner toutes les régions rurales en gaz naturel et d'installer des canalisations sur presque tous les chemins de concessions et dans toutes les localités. D'autres s'attaqueront résolument aux coûts de l'énergie et c'est ce qui détermine si un exploitant peut avoir des séchoirs, s'il peut chauffer ses poulaillers, sa maison et ainsi de suite. D'autres localités ne l'ont pas fait.

Chez moi, je paie 44 cents pour sécher mes céréales au propane. En Saskatchewan, où le gaz naturel est livré directement à la ferme, les agriculteurs paient probablement 7 ou 8 cents. C'est donc aussi une question de concurrence. Il y a toutes sortes d'éléments qui entrent en jeu.

Ce que nous disons, c'est que si vous déréglementez certains secteurs au Canada... On considérait auparavant que la norme canadienne donnait droit aux services d'hydro-électricité, et sans vouloir plaisanter, aux services téléphoniques et à que sais-je d'autre, peu importe où vous habitiez à la campagne. Si un marché rentable de Toronto faisait un peu d'argent, le cadre de réglementation voulait qu'un peu de cet argent serve à fournir des services à New Liskeard.

La situation a beaucoup changé depuis quelques années et ces changements sont évidents. Dans certaines régions du pays, si vous appelez la compagnie de téléphone pour avoir une ligne privée, on vous dira: «Achetez un transmetteur par satellite. Nous n'allons pas installer une ligne enfouie». Renseignez-vous sur le coût des transmetteurs par satellite pour les téléphones. Vous constaterez que cela coûte 8 000$ et le service, 3$ la minute. Faire des affaires coûte assez cher dans ces conditions-là, mais on ne peut tout simplement pas obtenir une ligne privée à certains endroits.

Selon nous, il faudrait poursuivre les activités de recherche et de développement nécessaires et continuer à offrir certains services de base, sinon plus personne ne voudra continuer à vivre dans les régions rurales si les habitants n'y trouvent pas le mode de vie qu'ils souhaitent. Je ne pense pas qu'il y ait un modèle qui s'applique à toutes les localités, mais il faut assurer certains services, sinon les gens ne voudront pas rester.

M. Thalheimer: C'est ce que je dis. Nous devons faire en sorte que les localités rurales obtiennent les services de base comme l'électricité, les écoles et les services médicaux. Cela dépend, bien sûr, de la région.

Je suis né et j'ai été élevé sur une ferme en Saskatchewan, près de Saskatoon. Toutes les exploitations privées de la région ont disparu. Dans les années 1950, on avait installé l'électricité partout. Ce service a maintenant cessé parce que les producteurs de céréales préfèrent se regrouper dans une localité centrale. C'est là qu'ils vivent. Ils y ont leurs églises, leurs écoles, et ainsi de suite. Ils en sortent pour se rendre à leur ferme. Il n'est plus nécessaire d'avoir les services dispendieux qui existaient auparavant quand les gens habitaient sur la ferme même. L'installation de l'électricité et du téléphone partout dans les régions rurales avait coûté très cher.

Dans de telles zones, ne devrait-on pas tendre à améliorer les collectivités centrales pour qu'elles offrent des services médicaux, des écoles, et tout le reste? Les agriculteurs pourraient voyager entre ces collectivités et leur ferme, étant donné la technologie dont nous disposons aujourd'hui. N'est-ce pas le genre de développement rural que nous devrions favoriser?

M. Wilkinson: J'ai essayé, je crois, de répondre à cette question. D'après moi, il y a beaucoup de petites localités qui n'ont pas de services comparables à ceux qui existent dans les régions urbaines. C'est pourtant le strict minimum pour les petites localités.

Cela dépend, j'imagine, de la façon dont on définit «petites localités». Je suis bien d'avis que, si la population est très parsemée, comme elle l'est dans certaines régions du Canada, certaines choses sont impossibles à faire dans les zones a faible densité. Par ailleurs, bon nombre d'autres régions n'ont pas les services que l'on suppose automatiquement y trouver. Elles ont la population voulue pour cela, mais les services n'existent pas parce qu'on a déréglementé au point où bon nombre de services publics et d'autres groupes disent: «Pourquoi nous inquiéter de ce marché quand nous pouvons faire ailleurs quatre ou cinq fois plus de profits sur nos investissements?» On ne fait donc même pas la recherche nécessaire dans les domaines technologiques qui nous seraient utiles.

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Si l'on veut envisager la question sous l'angle capitaliste, je considérerais ce travail accompli si nous parvenons à résoudre les problèmes de développement rural et à fournir des services partout au Canada. Nous avons toutes sortes de produits à vendre dans le monde. Il y a bien d'autres pays qui connaissent exactement les mêmes problèmes que nous et si nous pouvons mettre au point des modèles et des technologies appropriées, cela nous sera très utile au chapitre des exportations et des ventes.

Le président: Monsieur Reed.

M. Reed (Halton - Peel): Je voudrais parler un peu de l'autre donnée de ce problème, Jack, et c'est la surréglementation. Ma circonscription est toute proche d'une région urbaine très peuplée, comme vous le savez sans doute. Le défi pour nous consiste à continuer d'assurer des services aux agriculteurs et à l'industrie agricole. Malheureusement, ces services disparaissent graduellement à mesure que l'on change la désignation des zones quand les municipalités prennent de l'expansion.

M. Hayward a parlé de liaisons avec les provinces, ce qui est un objectif très louable. Je me demande s'il songe aussi à en établir avec des municipalités et des organismes comme les conseils scolaires. On s'est débarrassé d'un grand nombre d'écoles rurales ces dernières années; l'idée était très populaire. Certains prétendent que la qualité de l'enseignement est moins bonne, que l'on offre moins de services, et ainsi de suite. Dans ma propre localité, le conseil scolaire a fermé une école de trois salles où la qualité de l'enseignement ne laissait nullement à désirer. Au contraire, il était de meilleure qualité et le taux d'alphabétisation, plus élevé qu'ailleurs.

J'ai lu dans le journal l'autre jour que l'on veut fermer une autre école d'une salle dans l'Ouest, près d'Edmonton ou peut-être ailleurs. Surtout à proximité des régions urbaines, on a toujours tendance à vouloir supprimer les éléments de la vie rurale qui revêtent beaucoup d'importance pour assurer l'intégrité du développement rural. Si vous fermez toutes les institutions sous un prétexte bureaucratique quelconque, c'est souvent la communauté rurale elle-même qui disparaît. J'espère que vous tiendrez compte de cela.

Monsieur le président, je pense que l'un des recommandations que nous pourrions formuler - et vous avez tout à fait raison, parce que ce n'est pas la première fois que j'entends cela - c'est que le système de communications dans les régions rurales du Canada n'est pas allé de pair avec la technologie dont devrait disposer le secteur agricole et le Canada rural. Quiconque aujourd'hui ne peut avoir accès à Internet tire de l'arrière et creuse petit à petit un fossé entre lui et ses concitoyens.

Le président: Ce n'est pas un fossé, mais un gouffre, monsieur Reed.

M. Reed: En effet. Il me semble que nous devons recommander fortement que l'on rectifie la situation.

Vous pourriez peut-être commenter aussi la question de la production non alimentaire. Il me semble que si l'on parle de transformation à valeur ajoutée pour conserver un peu de richesse dans la collectivité et favoriser le développement rural, l'un des moyens pour y parvenir consiste à transformer les produits non alimentaires.

Il en a été question lors d'une table ronde sur l'agriculture tenue à Brantford à laquelle j'assistais l'hiver dernier. Nous songeons toujours à l'agroalimentaire, mais nous oublions toutes les possibilités qu'offre cet autre secteur. On en parle beaucoup moins qu'on le devrait et, selon moi, si nous voulons parler de développement rural, c'est un secteur dont nous devons tenir compte.

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Jack, je voudrais dire une dernière chose à propos de l'aide financière aux intervenants. Ce genre d'aide est un idéal bien joli mais j'ai pu constater au cours des années passées que cela a créé un certain nombre d'intervenants professionnels qui en font leur gagne-pain. Toutefois, cela n'apporte pas grand chose à ceux qui se préoccupent de la question de très près. Je ne sais pas comment l'on peut surmonter cette difficulté. Souvent, elle devient entravante.

M. Wilkinson: Je voudrais répondre à certains points que vous soulevez.

J'aurais tendance à être en partie d'accord avec vous à propos de l'aide financière aux intervenants car selon moi, il faudrait que ce régime soit réaménagé. Dans un grand nombre de cas, il faut que les membres d'une collectivité puissent faire valoir leur point de vue et s'occuper des problèmes qui se posent à eux, autrement, c'est comme si l'on retournait à l'époque où le terrain nécessaire pour aménager les couloirs de transport d'électricité était exproprié sans dédommagement. Nous avons beaucoup progressé depuis. Ainsi, quand dans une région rurale on fait passer un pipeline, on veille à ce que la couche arable soit remise en place et que les gens soient dédommagés équitablement. Ainsi, si l'aide financière aux intervenants fait l'objet d'abus, je préconiserais, plutôt que d'abandonner cette notion, de faire le nécessaire pour arranger les choses.

Nous pensons que nous méritons un traitement égal quand il s'agit de prendre des décisions et de faire des démarches auprès de ces commissions pour faire valoir notre point de vue. Les grandes sociétés touchent un bon rendement sur leurs investissements et il n'y a qu'elles qui puissent se permettre d'avoir recours aux services d'un avocat. C'est ainsi que les décisions ne sont pas équilibrées. Je préconise donc que l'on apporte des redressements au système plutôt que de retirer à la collectivité tout moyen d'intervention. Dans ces conditions, nous serions d'accord.

En matière de télécommunications, nous pensons que l'on pourrait faire bien davantage dans les petites collectivités sur le plan des services éducatifs, médicaux, artistiques ou autres. Les télécommunications qui retiennent actuellement notre attention ne sont qu'un aspect d'une gamme de questions rurales qui, selon nous, sont absolument critiques. Sans ce lien, rien ou presque ne pourra se faire à l'avenir. Pour relever la qualité de l'instruction et mettre les télécommunications à contribution, il y a bien des choses que l'on pourrait faire au profit des petites écoles mais pour cela, il faut qu'elles soient munies d'un modem et qu'elles soient branchées. Cela n'était pas possible il y a quelques années et nous pensons que c'est très prometteur.

Je ne voudrais pas que vous tiriez de notre mémoire la conclusion que nous préconisons une surréglementation. Toutefois, nous ne voudrions pas que l'on déréglemente à outrance de sorte que les concurrents se livrent une bataille féroce pour quelques marchés et qu'ils se fichent du sort d'autrui.

C'est cela qui me préoccupe. C'est une question de responsabilité. À mon avis, on ne peut pas prétendre s'approprier tel ou tel marché et exiger que le gouvernement et tout le monde changent les règles au nom de la rentabilité. On ne peut pas se soustraire à toute responsabilité dans les campagnes. Selon moi, cela ne va pas.

Bien franchement, si l'on revenait à une situation aussi anarchique, on pourrait se demander à quoi servent les administrations municipales et les gouvernements provinciaux ou fédéral. C'est une question de responsabilité. Quiconque offre et dispense un service a la responsabilité de l'offrir dans une certaine mesure - et je dis bien dans une certaine mesure - de façon égale aux régions rurales comme aux autres.

Je ne dis pas qu'il faille absolument qu'on y trouve des débouchés d'emploi. Cependant, on peut désormais compter sur un téléphone privé dans les régions rurales, car l'époque des lignes partagées auxquelles on ne pouvait rien brancher est désormais révolue. La situation n'est toutefois pas égale d'une province à l'autre.

M. Reed: Merci.

Le président: Monsieur Bélair.

[Français]

M. Bélair (Cochrane - Supérieur): C'est très intéressant pour nous, qui venons en majorité de circonscriptions rurales, de vous voir ici ce matin. Comme vous l'avez dit, nous n'avons aucune difficulté à nous associer aux propos que vous avez tenus.

Ma première question portera sur le transport. Prenons l'exemple de la privatisation du CN. Cela aura sûrement un impact dans les régions rurales du Canada, parce qu'auparavant, le CN avait le mandat de développer les régions rurales du Canada.

Savez-vous si les taux de transport augmenteront? J'aimerais vous entendre commenter sur l'impact de ceci sur les investissements possibles dans le Canada rural et sur la concurrence.

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Je pourrais reformuler ma question. Aujourd'hui, le soi-disant petit fermier a-t-il des problèmes à vendre ses produits et, avec la privatisation du CN, est-ce que ce sera pire à l'avenir?

[Traduction]

M. Wilkinson: Cette question s'adresse-t-elle à un représentant d'Agriculture Canada?

M. Bélair: Non. Elle s'adresse à vous.

M. Wilkinson: Il y aura manifestement des difficultés. Il est vrai que le régime actuel accélérera l'abandon de lignes ferroviaires. Personne ne niera que c'est inévitable considérant le système qui est mis en place. L'ancien régime permettait aussi l'abandon de lignes, mais au fur et à mesure que les règlements ont disparu, on a constaté tous les ans, que de plus en plus de lignes sont abandonnées.

C'est assurément inquiétant. Beaucoup de nos membres, en particulier des provinces des Prairies, ont fait des démarches pour que soit modifiée la législation sur les transports car ils s'inquiètent de la création éventuelle d'un monopole chez les expéditeurs, ce qui ferait grimper les tarifs d'ici cinq, dix et 15 ans.

On a constaté aux États-Unis, où les tarifs ferroviaires ont monté en flèche, qu'il existe en quelque sorte un monopole dans le secteur de l'expédition.

M. Bélair: Est-ce que vous parlez ici du service sur courte distance ou encore des grandes...

M. Wilkinson: Non, je parle des lignes principales en ce moment.

Il a été proposé qu'on légifère sur le rythme d'augmentation des tarifs avec l'évaluation quinquennale de la situation résultant de la déréglementation dans le but de corriger le tir pour l'avenir. On s'inquiète énormément à ce propos. C'est indéniable. Naturellement, au fur et à mesure qu'on abandonne des lignes de chemin de fer auxquelles on substitue un mode routier, les provinces constatent que le maintien d'un réseau routier pour le transport des matières premières coûte fort cher. C'est très inquiétant. Je ne vais pas le nier.

Le gouvernement fédéral a pris certaines décisions budgétaires et a mis en oeuvre des mesures de privatisation qui auront des conséquences majeures pour le Canada rural. C'est indéniable.

M. Bélair: Je voudrais vous poser une question concernant l'accès à l'information. Dans vos remarques liminaires, vous faites allusion à plusieurs reprises à l'impossibilité de se brancher sur Infonet et Internet. Pour ce qui est du Canada rural, y a-t-il des améliorations que vous pourriez suggérer à Agriculture Canada ou à notre comité pour garantir que des agriculteurs «isolés» soient alimentés - sans jeu de mots - avec des renseignements appropriés grâce à la haute technologie notamment.

M. Wilkinson: On en revient à se demander encore une fois si le secrétariat actuel y peut quelque chose. À mon avis, non, très peu, étant donné le mandat très restreint qu'on lui a confié. Il n'a pas les ressources nécessaires et ne sait pas quelle est l'optique du gouvernement. Il ne sait pas non plus ce que le gouvernement souhaite offrir au Canada rural. Cependant, on pourrait faire quelque chose si l'on décidait d'y consacrer les ressources nécessaires et si le mandat du secrétariat était modifié à l'avenant.

Permettez-moi de vous donner un exemple qui fait intervenir la question de la réglementation. Certaines provinces - quatre ou cinq, dont certaines ont la compétence en matière de télécommunications grâce à des sociétés d'État - avaient prévu que dans un délai déterminé, tout résident de la province pourrait compter sur un service numérique privé. Et ce fut fait. Voilà une première étape essentielle au démarrage du processus.

M. Bélair: Combien cela a-t-il coûté?

M. Wilkinson: On y a mis le prix. Je pense que le coût n'était pas exorbitant, car le Canada dans l'ensemble a accès à ce genre de service et, selon moi, l'étendre aux régions rurales ne coûte pas des sommes folles. Il en coûterait quelque chose, je ne dis pas le contraire.

À propos d'Internet et des autres services, il faut dire que dans les régions rurales, le branchement se fait par service téléphonique interurbain alors que, dans une région urbaine, il n'en coûte presque rien pour avoir, à portée de doigts, une banque de données incommensurable.

Nous estimons que si l'on peut trouver le moyen de brancher les centres communautaires et les écoles et de connecter la porte avec Internet, grâce à ces systèmes, on pourrait sans doute réduire énormément le coût des appels qui seraient acquittés, pour des gens comme moi qui vivent à 20 ou30 milles de la ville, selon un tarif mensuel.

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Rien ne se passera toutefois sans une approche coordonnée. Voilà pourquoi nous demandons une intervention pluriministérielle afin que l'accès soit élargi sans modifier le coût. D'autres ministères planifient déjà de le faire à l'égard des services éducatifs, médicaux, communautaires, etc.

Le président: Allez-y, monsieur.

M. Hayward: Agriculture et Agroalimentaire Canada a travaillé de très près avec Industrie Canada pour veiller à ce que les communautés rurales ne soient pas laissées pour compte lors de l'instauration du réseau scolaire et de l'application des programmes d'accès communautaire. On a veillé à ce qu'il y ait effectivement une composante rurale et fait le nécessaire pour qu'il existe des points de ralliement naturels dans la collectivité.

Il se peut que l'accès à partir de la résidence ne soit pas encore possible mais c'est l'objectif ultime. Pour l'instant, il suffit d'un coup de téléphone ou d'une visite à un centre communautaire local pour que l'on puisse entrer en contact avec un bureau fédéral, qu'il s'agisse d'Agriculture Canada, d'un bureau de Diversification de l'économie de l'Ouest ou encore d'un bureau municipal. Si nous pouvions coordonner nos efforts pour offrir au premier point de contact, une gamme complète de services et de produits... Je pense que c'est par là que passe le plein accès à l'information pour la population rurale.

M. Bélair: Monsieur le président, y aura-t-il un second tour?

Le président: Oui, nous aurons le temps.

Madame Cowling.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Le secteur des ressources naturelles que nous abordons aujourd'hui comporte plusieurs composantes et, à mon avis, la principale est constituée par la population rurale canadienne. Comment répondons-nous à ses besoins?

Vous n'avez peut-être pas pris connaissance d'un document publié par l'OCDE, mais des témoins que nous avons entendus ici en comité, nous ont informés de ce qui se passait là-bas. À l'OCDE, un certain nombre de services ministériels ont été regroupés sous un seul portefeuille de sorte qu'on s'occupe effectivement de développement économique rural.

Lorsqu'il est question des régions rurales, on parle essentiellement de ressources humaines - car elles sont liées aux ressources qui sont le fondement de l'économie de notre pays - et je voudrais savoir comment vous entrevoyez l'emploi, les débouchés d'emploi pour les gens qui habitent ces régions éloignées. Comment les choses se présentent-elles du point de vue des subventions directes et indirectes et comment se sert-on de ces subventions dans ces régions pour qu'elles en profitent? Y avez-vous songé?

M. Roche: Oui. Je voudrais répondre à cette question. Quand Mme Cowling dit que ce sont les ressources humaines qui caractérisent le Canada rural, elle fait écho à notre point de vue. Dans ces régions, il n'y a pas que des fermes et des ressources naturelles, mais aussi des ressources humaines.

Alors que l'agriculture se fait essentiellement dans des régions rurales et l'exploitation minière également, il faut bien reconnaître que ces secteurs là n'offrent pas beaucoup d'emplois. Où donc trouver des débouchés?

Le Canada rural d'aujourd'hui a besoin avant tout d'emplois. Nous en avons besoin pour permettre aux jeunes de demeurer dans les régions rurales. La surveillance de la qualité de vie va aider à attirer le genre d'investissement qui va créer des emplois à long terme.

Il ne faut jamais oublier que les choses bougent énormément dans ces régions. Il ne s'agit pas d'une aspirine qu'on avale pour enrayer subitement un mal de tête. On peut prendre toutes sortes de dispositions, intervenir à plusieurs niveaux sans nécessairement obtenir les résultats escomptés.

Nous avons pu constater avec le temps que la survie des régions rurales et des petites collectivités dépendait énormément du dynamisme des leaders locaux. Si nous pouvons encourager les gens à prendre les choses en main, si nous pouvons dynamiser ceux qui prennent les initiatives, les résultats seront encore meilleurs.

Il est inutile de compter sur des solutions ponctuelles, mais il faut une certaine inspiration... Il y a beaucoup à faire pour créer des emplois parallèlement à l'amélioration du mode de vie résultant d'une meilleure infrastructure et de services propres à attirer les investissements.

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Tout cela donne lieu à une sorte de paradoxe intéressant. D'une part on dit qu'on a besoin de ces emplois, et, d'autre part, qu'il faut construire l'infrastructure et prévoir les services. Les deux ne vont-ils pas ensemble? Les finances nous paralysent-elles au point que les collectivités ne peuvent pas construire ce dont elles ont besoin pour prospérer?

Cela étant dit, il faut reconnaître que certaines collectivités ne pourront pas survivre. C'est là qu'il faut des chefs de file pour réfléchir longuement à l'avenir d'une collectivité et décider si le jeu en vaut la chandelle. Y a-t-il des chances que cela réussisse? Qu'arrivera-t-il si la mine ferme?

Certains membres d'une collectivité préconiseront de s'acharner, car pour eux la collectivité est importante, c'est là qu'ils trouvent leurs racines. D'autres diront que parce qu'une autre mine ouvre ses portes ailleurs, il faut se réinstaller là-bas.

Seuls les membres de la collectivité peuvent prendre ce genre de décision. Il faut qu'ils possèdent tous les renseignements, qu'ils connaissent tous les faits afin de prendre la bonne décision. Au bout du compte, seuls ces gens-là peuvent prendre leur destin en main car il s'agit de leur avenir.

Mme Cowling: Merci. Je voudrais vous poser une autre question. Je la pose en tout respect.

Vous avez demandé qu'on nomme un ministre qui sera responsable du secteur «rural». Il existe un secrétariat rural en matière d'agriculture. Vous aviez pensé au ministère de l'Agriculture ou peut-être à celui des Ressources naturelles, mais je songe soudain au ministre des Finances et je me demande si son intervention ne serait pas utile, dans ce cadre.

M. Roche: Je ne préconise pas que ce soit le ministre des Finances parce qu'il aurait peut-être des préjugés. Peu importe que ce soit Ressources naturelles, Développement des ressources humaines ou Agriculture, car l'essentiel c'est que le mandat confié au ministre soit vaste et qu'il réunisse les voix de tout le Canada rural. Ce que je constate, c'est qu'il y a toutes sortes de canaux qu'il faut emprunter pour s'attaquer aux multiples problèmes du Canada rural.

Les choses sont très difficiles quand il faut, au niveau de la province, faire affaire avec de nombreux ministères et, au palier fédéral, s'adresser à 17 d'entre eux. Nous voudrions donc un tuteur, pas nécessairement doté d'un budget, mais d'une voix qui puisse faire connaître les enjeux importants pour le Canada rural. Cette voix ne se bornera pas à la question agricole ou aux ressources naturelles, mais traitera de la composante humaine. Il faut une certaine inspiration et ce souffle viendra vraisemblablement du niveau politique.

J'ai signalé tout à l'heure l'existence d'un comité interministériel. Je pense qu'il a envoyé des représentants témoigner devant le comité. Ce sont des gens très consciencieux. Malgré leur compétence assurée, leurs possibilités sont limitées car il leur manque une orientation politique.

Je ne prétends pas que la nomination d'un ministre senior ou d'un ministre junior comptable au ministre senior soit la seule solution. C'est probablement le point de départ pour résoudre ces questions aux multiples facettes. Jusqu'à présent, on s'était contenté d'une approche générale sans s'attarder à des secteurs bien précis.

Le président: Merci. Je voudrais vous poser quelques questions et nous passerons ensuite au deuxième tour. Je vais commencer par en poser une à M. Hayward, mais j'en ai pour chacun d'entre vous.

Le secrétariat rural a un mandat qui ne se borne pas au secteur agricole, si j'ai bien compris. Il s'agit du développement rural en général, n'est-ce pas?

M. Hayward: Effectivement, mais dans une perspective agricole et de coopération avec les autres ministères. Nous travaillons donc avec des ministères comme celui des Ressources naturelles et avec des organismes régionaux.

Le président: Je comprends. Le secrétariat a-t-il mis au point des plans d'action précis pour cerner ce que vous voudriez réaliser?

M. Hayward: Nous sommes en train de le faire, considérant le discours du trône et les déclarations budgétaires qui ont été faites, M. Goodale a pris des initiatives avec deux autres ministres, MM. Manley et McLellan.

Le président: Quand ces plans d'action vont-ils être prêts?

M. Hayward: J'espère que nous aurons quelque chose d'ici le mois de septembre, mais que les plans définitifs seront prêts d'ici le mois de septembre.

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Le président: Autrement dit, nous pouvons compter sur un plan d'action d'ici le mois de septembre. Très bien?

Ma deuxième question est très précise. Vous parlez de l'accès au capital qui est une question qui me tient fort à coeur. Avez-vous pris des mesures concrètes dans ce sens?

M. Hayward: Nous avons fait, au secrétariat rural, une étude sur la question de l'accès au capital. On entend souvent dire qu'il n'y a pas assez de capitaux. L'étude que nous avons préparée là-dessus a servi au ministre Goodale lors des tables rondes qu'il a organisées.

Le ministre Goodale a soulevé la possibilité de modifier le fonctionnement de la Société du crédit agricole et cette idée est développée dans le dépliant intitulé «Sur le chemin du succès» que j'ai remis aux membres du comité.

Le président: A-t-on fixé un calendrier pour ces modifications aux tables de la SCA?

M. Hayward: Je ne pourrais pas vous donner de date précise.

Le président: Monsieur Wilkinson, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Wilkinson: Si nous appuyons les modifications au mandat de la SCA, il faut être cependant très prudent, et éviter de détruire la Société du crédit agricole dans la foulée du développement rural. Il ne faudrait pas pousser à bout une société d'État et la rendre complètement inutile alors qu'elle avait été conçue précisément pour défendre les intérêts de la communauté agricole.

En outre, je pense que la Société devient limitée quant à son expansion dans les régions agricoles du Canada rural. La Société ne possède pas assez de bureaux et il lui manque bien des éléments pratiques pour pouvoir offrir du crédit dans des secteurs non agricoles qui en ont besoin.

Là encore, je crois que l'on constate les limites du régime actuel. Quand il le pourra, le ministre interviendra naturellement dans les secteurs qui relèvent de lui, mais il faut élargir le mandat de la SCA pour tenir compte de ces questions-là. Voudrait-on élargir le mandat tous azimuts, qu'adviendrait-il alors des villages de pêche de Terre-Neuve et des régions minières du nord de l'Ontario? N'auront-ils pas accès au crédit? Va-t-on les abandonner à leur sort?

Les banquiers ont bien dit que ce qui les intéressait, c'était les marchés à haut rendement. Vous n'avez qu'à voir les succursales qu'ils envisagent de fermer, les mises à pied qu'ils ont eux-mêmes appuyées prévoit dans et publiées. Dans le reste du Canada rural, le crédit va susciter aussi de graves préoccupations.

Je ne critique pas; je dis tout simplement qu'il y a même là des limites. Encore une fois, on constate que l'approche relative à quelques-unes de ces questions n'est pas entière.

Le président: Je pense que vous avez tout à fait raison. L'accès aux capitaux est un bon exemple. Il faut une approche coordonnée, car la Société du crédit agricole et la Banque canadienne de développement sont également en cause. Je pense que nous avons des organismes de développement régional partout sauf dans le sud de l'Ontario. Il faut, à mon avis, qu'elles interviennent.

M. Wilkinson a soulevé un bon point. Il faut que le secteur bancaire privé commence à prêter au Canada rural. Il ne l'a pas assez fait jusqu'à présent. Il est absolument essentiel qu'il le fasse au Canada rural sans quoi nous ne pouvons pas nous développer comme il se doit.

M. Hayward: Monsieur le président, je voudrais ajouter à la liste de ce qui est utile dans les collectivités rurales, les caisses de crédit et les caisses populaires.

Le président: Vous avez tout à fait raison.

Monsieur Wilkinson, je voudrais vous poser quelques questions. Je suis député, et à ce titre, je conviens qu'il nous faut cette coordination qui serait confiée, par exemple, à un ministre du premier plan qui représentera les enjeux ruraux en plus de ses responsabilités habituelles, par exemple. Vous avez tout à fait raison de dire qu'il nous faut une voix qui s'exprime au nom du Canada rural au Conseil des ministres.

Je suis également d'accord avec vous en ce qui a trait à la fourniture des services. J'ai préparé un projet de loi d'initiative parlementaire concernant Bell Canada car je suis de l'Ontario et c'est Bell Canada qui dessert notre secteur. C'est ma circonscription qui compte le plus de zones que Bell ne dessert pas et, dans une grande partie de mon comté, on ne peut même pas avoir un téléphone, ne serait-ce qu'une ligne partagée, même si ce genre de service pose toutes sortes de difficultés également.

Je sais que vous avez parlé de réglementation et vous avez dit que la privatisation, même si elle semble tout à fait adaptée aux régions urbaines du Canada, pourrait entraîner la disparition de services essentiels au Canada rural. Il y a certaines choses que l'on peut faire de façon rentable à Toronto ou à Vancouver mais qui ne conviennent pas aux régions rurales de la Saskatchewan ou encore à la région de Parry Sound et de Muskoka. Vous avez tout à fait raison de le souligner.

Voici la question que je veux vous poser. Le ministère de l'Industrie prend des initiatives à mon avis fort positives mais auriez-vous des suggestions précises ou des exemples quant aux mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour augmenter l'accès du Canada rural aux nouvelles technologies?

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M. Wilkinson: On pourrait procéder par mandat, grâce au processus de réglementation. On pourrait fixer des objectifs quant à ce qu'il sera nécessaire d'accomplir. La radiodiffusion était autrefois assortie d'un système de licences. En effet, on fixait certains objectifs qui pouvaient concerner le contenu canadien ou autre chose, et cela constituait une condition d'obtention de la licence. Sans vouloir surréglementer, nous voulions que l'on fixe des objectifs numériques.

Je soutiens que cela peut être fait facilement là où il existe des réseaux téléphoniques provinciaux-municipaux. On pourrait, dans un délai fixé, imposer certains objectifs qui se révéleraient très utiles à cet égard.

Le gouvernement, quant à lui, peut, dans le cadre interministériel ou de comité, aider grandement à la coordination entre les divers ministères. On a donné certains exemples de ce qui pourrait être fait pour faire démarrer les choses, ce qui constituerait à mon avis un grand pas en avant.

Nous pensons que l'élément critique est la structure que l'on mettra en place pour s'occuper des enjeux importants pour le Canada rural. Une fois la structure administrative établie et que seront définies la responsabilisation et la responsabilité, les choses vont se concrétiser et on verra clairement qui va intervenir pour résoudre les problèmes. En l'absence d'un processus officiel de ce genre, les gens ne savent pas vers qui se tourner pour résoudre un problème. Tant que les choses demeurent très officieuses, les résultats sont très limités.

Nous pensons que la responsabilité devrait être confiée à un ministère principal qui aurait les ressources nécessaires et une approche interministérielle si nécessaire. Ce sont tous des aspects critiques, comme l'est toute vision propre au Canada rural en fait de services, de technologie et d'infrastructure. Si quelqu'un pouvait se charger de ces domaines, ce serait un pas dans la bonne direction.

Le président: Merci.

J'ai une question pour M. Roche. Je présume que beaucoup de vos municipalités ont leur propre initiative d'expansion économique locale. Y aurait-il des modèles en particulier que vous recommanderiez à notre comité à titre d'exemples? Croyez-vous que certaines de ces initiatives rurales puissent être appliquées ailleurs au Canada?

M. Roche: Je crois que oui, monsieur le président. Je ne suis pas en mesure d'entrer dans les détails aujourd'hui, car cela prendrait trop de temps et je n'aurais sûrement pas assez de renseignements à vous donner.

Nous travaillons étroitement avec l'Association canadienne de développement économique sur plusieurs initiatives. En Saskatchewan, il y a des ententes de financement pour les petites entreprises, par exemple; on dit communément qu'elles sont réussies. Nous avons exhorté le secrétariat rural à faire connaître les réussites, à les partager avec les collectivités pour voir si elles pourraient utiliser les mêmes modèles pour elles-mêmes.

Il y a, bien sûr, le SCRI qui assure la présence d'Agriculture Canada sur Internet et qui nous permettra de savoir quelles initiatives ont réussi. On ne peut pas encore obtenir ces renseignements, c'est pourquoi nous vous demandons de vous pencher sur la question. Nous vous exhortons aussi à rendre Internet plus accessible, comme l'a mentionné M. Wilkinson.

Notre conseil a tenu plusieurs réunions avec le directeur exécutif du secrétariat rural. Nous avons rencontré le ministre Goodale. Nous sommes impressionnés par le travail qu'Agriculture Canada essaie de faire dans le domaine du développement rural, mais je dois quand même vous signaler quelque chose, et je sais que M. Hayward me corrigera s'il croit que j'ai tort.

Le secrétariat rural est un point de convergence à Agriculture Canada. Il traite avec d'autres ministères, mais le fait surtout lorsqu'il s'agit de dossiers dont le ministre de l'Agriculture est responsable. Il ne répond pas vraiment à nos besoins que représente davantage le comité interministériel qui comprend des membres de tout bord, sauf que celui-ci ne fait rapport à personne; c'est un comité spécial composé de bureaucrates. Je tenais à vous le signaler.

Le président: D'accord. Je voudrais vous poser une dernière question avant de laisser la parole aux autres.

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La plupart des témoins ont parlé du manque d'infrastructure et du fait qu'il fallait apporter des améliorations sur ce plan-là. Le gouvernement a lancé un programme d'infrastructure au début de son mandat. A-t-il atteint son but d'accroître l'infrastructure dans les régions rurales, et croyez-vous qu'il devrait y avoir un autre programme de ce genre?

M. Roche: Le premier programme a été sans aucun doute un énorme succès, grâce surtout à la façon dont il a été rapidement mis en oeuvre. Il fallait pour exercer un contrôle sur le programme, que les intéressés versent le tiers de la somme nécessaire. Si une municipalité un autre tiers de la somme requise et la province un autre tiers, le gouvernement fédéral faisait l'appoint et le projet pouvait avancer très rapidement. Ce programme a été couronné de succès.

Si je comprends bien, Sinclair Harrisson, président de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, va comparaître devant le comité. Je suis certain qu'il aura de très bons commentaires à formuler au sujet du programme. Nous en avons été très satisfaits et nous appuierions son renouvellement.

Mme Loretta Smith (représentante des femmes de l'Est, Fédération canadienne de l'agriculture): Je voudrais revenir sur un commentaire fait par M. Roche à propos des réussites dans les municipalités rurales.

J'occupe aussi le poste de conseillère municipale et croyez-moi, nous ne voulons pas entendre parler uniquement des réussites. Nous voulons aussi savoir ce qui a échoué. Nous voulons avoir les détails sur les échecs, connaître les raisons, les solutions apportées et les attentes. Nous voulons entendre toute l'histoire. Les réussites, c'est très beau, mais il est beaucoup plus important de savoir ce qui n'a pas fonctionné.

Le président: Merci.

Y a-t-il d'autres questions?

M. Bélair: J'ai une question, monsieur le président. Elle est peut-être stupide.

Certains pensent que bon nombre de petits agriculteurs ont choisi ce mode de vie et ne s'intéressent aucunement à la haute technologie ou à tout ce qui est haut. Est-ce vrai?

M. Wilkinson: Certains segments du Canada rural ressemblent beaucoup à des segments de population urbaine. Certes, il y en a qui adoptent chaque nouvelle technologie et il y en a d'autres qui préfèrent mener une vie tranquille et sont tout à fait indifférents à la technologie.

Le problème surgit quand on constate une réduction de services dans plusieurs régions. Un tas d'entreprises commerciales ou agricoles qui ne disposent pas la technologie, constatent l'érosion des services autrefois offerts par les provinces, les municipalités et le gouvernement fédéral. Dans plusieurs régions, leur seul choix est de faire eux-mêmes beaucoup de commercialisation ou d'autres travaux.

Ils ont donc besoin d'infrastructure. Ils en ont vraiment besoin. Ils n'en profiteront pas tous. Beaucoup n'en tireront pas parti. Terry connaît peut-être mieux les chiffres que moi, mais je dirais que le pourcentage de producteurs agricoles qui ont un ordinateur personnel chez eux serait aussi élevé, sinon plus, que le pourcentage de la population générale. Dans plusieurs endroits, ils s'en servent comme outil pour leur entreprise. Ils doivent être branchés sur les marchés, un facteur essentiel à la survie de leur économie.

Certains petits agriculteurs à temps partiel choisiront de ne pas utiliser la haute technologie, mais c'est devenu une question importante au regard de... Autrefois il y avait les agences gouvernementales, les services de propagande et les autres organismes auprès desquels ont pouvait obtenir toutes sortes de renseignements sur le contrôle des maladies, les intrants de plantation et tout autre renseignement sur le secteur. Il est maintenant beaucoup plus difficile d'obtenir ces documents. Les gens ont maintenant un numéro sur Internet qui leur donne accès à ces services, sinon ils ne peuvent pas les obtenir.

M. Bélair: Cela revient à la question que j'ai posée un peu plus tôt. Que pouvons-nous faire pour rendre les renseignements plus accessibles?

M. Wilkinson: Plusieurs endroits se sont branchés sur un service de propagande ou autre pour réduire les coûts relatifs aux publications. On ferme les petits bureaux dans les municipalités. Il devient de plus en plus important d'offrir ce service, car c'est le moyen d'obtenir des renseignements tant sur la commercialisation que sur les intrants.

M. Bélair: Merci.

Le président: Merci beaucoup, mesdames et messieurs. Je vous remercie d'avoir pris le temps et d'avoir fait l'effort de venir aujourd'hui. Vous nous avez donné des renseignements très utiles et votre contribution nous aidera beaucoup dans nos travaux. Je vous remercie énormément au nom de tous les membres du comité.

La séance est levée.

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