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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 26 novembre 1996

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[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte. Ce matin, nous examinons le projet de loi C-27, Loi modifiant le Code criminel (prostitution chez les enfants, tourisme sexuel impliquant des enfants, harcèlement criminel et mutilation d'organes génitaux féminins), ainsi que le projet de loi C-235, Loi modifiant le Code criminel (mutilation génitale des personnes du sexe féminin). Le projet de loi C-235 est un projet de loi d'initiative parlementaire de Mme Christiane Gagnon.

Ce matin, nous accueillons, de Vision mondiale Canada, Linda Tripp, vice-présidente, Relations internationales et gouvernementales, et Matthew Scott, agent des politiques publiques, Relations internationales et gouvernementales; de la Clinique juridique canado-africaine, Michelle Williams, recherchiste et analyste des politiques, et Randa Yassin, membre, et du Comité canadien d'action sur le statut de la femme, Linda Cornwell, membre, et Nawal Abdul Mumin, membre également.

Je sais que chacun d'entre vous a un mémoire à présenter. Nous vous demandons de le faire maintenant, et ensuite nous passerons aux questions. À ce sujet, je vous rappelle que si une question s'adresse à un groupe, mais que d'autres témoins souhaitent y répondre, cela est tout à fait possible. Nous apprécions les échanges, surtout si des points de vue différents sont exprimés.

Nous allons commencer avec Vision mondiale Canada.

Mme Linda Tripp (vice-présidente, Relations internationales et gouvernementales, Vision mondiale Canada): Merci beaucoup.

Madame la présidente, honorables membres du comité, mesdames et messieurs, je tiens tout d'abord à remercier la greffière du comité de nous avoir offert de faire traduire notre mémoire. Nous avons beaucoup apprécié cette attention. Ayant été absolument débordés par les événements au Zaïre et au Rwanda, nous n'avons pas eu l'occasion de le faire traduire. Par conséquent, je vous remercie.

J'avais l'intention de présenter une déclaration liminaire écrite, mais encore là je dois faire appel à votre indulgence. Vision mondiale a perdu deux cadres qui se trouvaient parmi les passagers de l'avion en direction d'Éthiopie qui s'est abîmé dans la mer au cours du week-end. Certains d'entre nous connaissaient personnellement Tim Stone, de sorte que nous traversons une période très difficile. Je m'excuse.

Je ferai référence au mémoire que nous avons soumis. En fait, je m'en inspirerai énormément, en y ajoutant certains détails. Encore une fois, je vous remercie de votre patience à notre endroit.

La prostitution juvénile touche des millions d'enfants dans le monde. D'après la majorité des estimations, il y aurait un million d'enfants qui se prostituent en Asie uniquement. Ces enfants sont employés ou placés en servitude dans les industries sexuelles croissantes du Cambodge, de l'Inde, du Bangladesh, de la Thaïlande et des Philippines. Ces industries attirent des visiteurs étrangers de toutes les régions du globe qui échappent à l'attention de leur propre gouvernement.

D'après Ron O'Grady, de l'organisation ECPAT - End Child Prostitution, Abduction and Trafficking - les pédophiles occidentaux ne représentent que 10 p. 100 des personnes qui exploitent sexuellement les enfants dans des villes comme Bangkok et Manille. L'odieuse exploitation sexuelle des enfants fait de plus en plus partie de la culture dans un grand nombre de pays asiatiques, ce qui complique les choses lorsqu'on veut s'y attaquer d'un point de vue législatif.

Pour changer les mentalités, il faudra pouvoir compter sur la coopération à long terme de la société civile et du secteur public. Les organismes axés sur le développement, comme Vision mondiale Canada, tentent depuis des décennies de s'attaquer aux fondements moraux et culturels qui permettent que se perpétuent des pratiques et des traditions qui font qu'on n'accorde aucune valeur morale aux enfants dans de nombreuses sociétés.

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Pour la majorité des enfants du monde victimes d'exploitation sexuelle, la descente dans l'enfer de la prostitution a été exacerbée par les mauvais traitements physiques, les menaces de mort et la nécessité de survivre économiquement. L'horrible phénomène de la prostitution chez les enfants est inextricablement lié à la pauvreté dans le monde en voie de développement. À la suite d'une étude menée auprès de fillettes vivant dans la rue au Bangladesh, Vision mondiale Canada a appris que 13 fillettes sur 52 avaient été violées ou agressées, et ensuite rémunérées pour leurs services sexuels. La majorité avaient entre 12 et 18 ans, deux d'entre elles n'ayant respectivement que huit et neuf ans.

On estime à 100 000 le nombre de fillettes qui vivent dans la rue à Dhaka, ce qui laisse entendre qu'il s'agit d'un problème dramatique qui, malheureusement, ne se limite pas uniquement au Bangladesh. À l'heure actuelle, le Vietnam, le Sri Lanka et d'autres pays asiatiques joignent les rangs croissants des pays pour lesquels ce commerce odieux représente un secteur important de leur économie dans un contexte de pauvreté écrasante. Aucun continent n'est intouché par le commerce illicite croissant des enfants.

La croissance de la prostitution impliquant des enfants a été aggravée par la propagation de la pandémie du VIH et du sida. De nombreux pédophiles recherchent des relations sexuelles avec des enfants de plus en plus jeunes parce qu'ils croient, à tort, qu'ils sont ainsi moins susceptibles de contracter le VIH. Or, c'est tout le contraire. En raison de leur vulnérabilité et de leur faiblesse, les enfants qui se prostituent sont souvent forcés d'accepter davantage de clients qu'un adulte ne le ferait, et, généralement, ils sont trop désarmés pour exiger que leurs clients utilisent un condom. En outre, les enfants sont physiquement plus vulnérables à l'infection, non seulement parce qu'ils peuvent subir plus facilement des dommages internes et qu'ils sont souvent traités avec violence par leurs clients, mais aussi parce que leurs jeunes membranes sont plus poreuses, et, par conséquent, plus sensibles à l'infection.

La présidente: Je vous demanderais de ralentir un petit peu pour faciliter l'interprétation simultanée.

Mme Tripp: Je m'excuse.

La présidente: Ça va. Nous faisons tous cela.

Mme Tripp: Je voudrais partager avec vous une expérience personnelle que j'ai vécue à Bangkok. Depuis de nombreuses années, Vision mondiale y administre un centre pour femmes et fillettes en détresse. Entre autres, nous envoyons des travailleuses sociales à la gare de Bangkok. J'ai personnellement vu des travailleuses sociales du centre faire littéralement la course avec les proxénètes à la gare pour recueillir les jeunes filles qui descendent du train.

Ces dernières viennent de régions rurales soit parce qu'elles pensent qu'elles auront à la ville un emploi fantastique et de l'argent, soit parce qu'elles ont été vendues par leurs parents à quelqu'un qui a promis d'assurer leur éducation et de leur trouver un emploi. Parfois, les travailleuses sociales échangent même des coups avec les proxénètes pour leur arracher ces jeunes filles. Vision mondiale, en collaboration avec d'autres groupes locaux, fournit un refuge à ces jeunes femmes pour leur permettre de rentrer dans leur collectivité avant de sombrer dans la prostitution... cependant, la plupart des jeunes femmes que nous recueillons sont des femmes qui en sont sorties.

J'ai rencontré une jeune femme... en fait, ce n'était pas une femme; c'était une enfant. Elle avait 13 ans. Elle avait été vendue comme prostituée à 11 ans. Certains soirs, elle devait se taper jusqu'à 30 hommes. Un jour, elle a fini par s'enfuir, et la police l'a trouvée dans un dépotoir. C'est là qu'elle s'était réfugiée, car elle considérait qu'elle n'était que cela... un déchet. La police l'a amenée au centre, mais nous n'avons pu que l'aimer et l'entourer jusqu'à sa mort, car elle était infectée au dernier degré. Elle avait 13 ans lorsqu'elle est morte.

Nous ne parlons pas de statistiques, mesdames et messieurs. Nous parlons d'enfants.

Comme le stipule dans son préambule la mesure législative canadienne à l'étude, le projet de loi C-27, l'exploitation sexuelle des enfants constitue une violation des droits de la personne humaine et des libertés fondamentales énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes et la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, et des moeurs sociales des Canadiens dans tout le pays.

Vision mondiale Canada tient à exprimer sa répugnance morale à l'endroit de toute exploitation sexuelle, particulièrement celle qui détruit les enfants. Nous sommes également fermement déterminés à poursuivre nos efforts pour mettre un terme à cette plaie mondiale. Vision mondiale Canada invite instamment le comité à renforcer la mesure législative à l'étude pour envoyer un message clair aux gouvernements qui continuent de fermer les yeux sur l'exploitation sexuelle des enfants pour leur faire savoir qu'une telle injustice ne sera pas tolérée, en particulier par les Canadiens.

Vision mondiale Canada espère que le projet de loi C-27 fera partie d'un plan d'action national global à long terme pour lutter contre l'exploitation sexuelle des enfants sur la scène nationale et internationale. À titre de signataire de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et de leader international dans les dossiers humanitaires, le Canada doit adopter une position ferme en ce qui concerne l'exploitation sexuelle des enfants.

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Par conséquent, Vision mondiale propose au comité les recommandations suivantes.

La première recommandation concerne la condition selon laquelle il doit y avoir paiement. Je fais référence au paragraphe proposé 212(4). Nous recommandons de supprimer l'expression «moyennant rétribution».

Vision mondiale Canada reconnaît que l'intention de la loi est de freiner ou d'éliminer la prostitution chez les enfants, et surtout de cibler les Canadiens qui s'engagent dans de telles pratiques à l'étranger. Il s'ensuit que le projet de loi ne vise pas directement les pratiques liées à l'esclavage sexuel des enfants.

Cependant, l'inclusion de la phrase «moyennant rétribution» dans le paragraphe proposé, qui comporte en marge la note «Infraction concernant la prostitution d'une personne âgée de moins de dix-huit ans», risque de permettre que la grande majorité des pédophiles et des touristes sexuels en Asie demeurent impunis. En effet, la jurisprudence canadienne interprète souvent l'expression «moyennant rétribution» comme voulant dire «contre de l'argent ou autres biens».

Malheureusement, la brutale réalité de la prostitution impliquant des enfants, particulièrement en Asie, ne nous autorise pas à tracer une ligne de démarcation aussi nette entre l'esclavage sexuel des enfants et la prostitution impliquant des enfants. Malheureusement, d'après l'expérience de Vision mondiale, qui s'efforce d'aider les jeunes victimes d'exploitation sexuelle, cette exploitation est souvent perpétrée sans que de l'argent ou des cadeaux, quels qu'ils soient, soient offerts à l'enfant, et ce genre d'abus continuera impunément à moins que l'on ne modifie le projet de loi.

Notre deuxième recommandation concerne l'extraterritorialité, notamment sur le plan de l'application et des relations de cause à effet. Le talon d'Achille de toute loi dont l'intention louable est de faire échec à la prostitution des enfants est l'application. Pour être efficace, toute mesure législative doit s'attacher à l'infraction elle-même, mais aussi à toutes ses causes possibles.

Dans un rapport rédigé par Vision mondiale sur l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, le défenseur des droits des enfants philippins, Ronnie Vellasco, décrit les mesures législatives rigoureuses qui existent aux Philippines pour combattre la prostitution chez les enfants, ainsi que ses causes. Je cite un passage de ce rapport:

Nous mentionnons cette loi, non pas parce que nous estimons qu'elle pourrait avantageusement remplacer la loi canadienne à l'étude, mais parce qu'elle fait mention des causes du problème. À l'article E, dans l'annexe de notre mémoire, nous proposons ce qui suit:

Notre troisième recommandation concerne l'inclusion dans le projet de loi des troupes canadiennes participant à des missions humanitaires dans le cadre de la force de l'ONU pour s'assurer que les soldats ne demeurent pas impunis s'ils participent à l'exploitation sexuelle d'enfants pendant leur séjour à l'étranger.

Comme on peut le lire au paragraphe 107 de l'étude récemment publiée par Machel au sujet des répercussions de la guerre sur les enfants, les infractions sexuelles dont sont victimes les enfants sont souvent perpétrées par des soldats participant à des missions de maintien de la paix sous le commandement de l'ONU, et elles demeurent habituellement impunies.

Nous avons pu le constater nous-mêmes au Cambodge. Lorsque les troupes sont arrivées au Cambodge en prévision de la tenue d'élections libres, la prostitution impliquant des enfants a grimpé en flèche, surtout autour de Phnom Penh. Nous demeurons en contact avec des enfants des rues qui nous disent qu'un grand nombre des perpétrateurs étaient des soldats.

À notre avis, le Canada ne peut, d'une part, être signataire de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, et, d'autre part, permettre à ses soldats de participer à des activités aussi odieuses, surtout sous la bannière de l'ONU.

Enfin, nous aimerions aborder brièvement la mutilation des organes génitaux féminins. Vision mondiale Canada salue l'inclusion dans la loi de dispositions plus sévères à l'endroit de cette pratique largement répandue. La mutilation des organes génitaux féminins est interdite dans la plupart des pays d'Afrique, mais la loi n'est pour ainsi dire pas appliquée, les valeurs culturelles sous-jacentes à cette pratique demeurant largement inchangées.

Dans de nombreux pays d'Afrique, Vision mondiale offre des programmes éducatifs conçus par des femmes pour des femmes au niveau communautaire pour modifier les valeurs collectives, rehausser le respect accordé aux femmes, assurer leur santé génésique et mettre fin à cette tradition barbare.

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Nous continuerons, dans la mesure de nos moyens, de mettre en oeuvre des programmes et des politiques pour éliminer la mutilation des organes génitaux féminins. Nous nous réjouissons du fait que grâce au projet de loi C-27 la mutilation des organes génitaux féminins sera désormais une infraction aux termes du Code criminel, mais nous serions en faveur d'une loi distincte qui porterait uniquement sur la mutilation des organes génitaux féminins si cela devait renforcer le document.

Enfin, mesdames et messieurs, nous soumettons les propositions ci-dessus concernant certaines lacunes du libellé du projet de loi dans l'espoir qu'une mesure législative améliorée et renforcée pourra contribuer à la grande mission humanitaire du Canada dans les pays en développement.

Vision mondiale Canada sait pertinemment que l'exploitation sexuelle des enfants est répandue au Canada, mais aux fins du présent mémoire, nous nous sommes attachés au volet international en nous fondant sur notre expérience de longue date.

Vision mondiale s'est toujours portée à la défense des enfants et dispose d'une mine d'expérience et d'informations que nous avons été heureux de pouvoir apporter à ces délibérations.

L'exploitation des enfants, sous quelque forme qu'elle soit, est odieuse. Permettez-moi de citer l'allocution qu'a prononcée le ministre des Affaires étrangères, l'honorable Lloyd Axworthy, à la conférence de Stockholm:

Nous saluons et appuyons les efforts du Canada pour faire échec à l'exploitation sexuelle des enfants. Le problème est de taille, et il faudra que tous les intervenants, gouvernements, ONG, leaders communautaires, familles et organismes d'exécution collaborent pour mettre un terme à ce fléau. Mais au bout du compte, peu importent les statistiques; ce qui importe, c'est le sort des enfants que l'on prive brutalement de leur innocence, de leur espoir et de leur avenir.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion aujourd'hui d'être la porte-parole de tous ces enfants bâillonnés.

La présidente: Merci.

Nous accueillons maintenant les représentantes de la Clinique juridique canado-africaine.

Mme Michelle Williams (recherchiste et analyste des politiques, Clinique juridique canado-africaine): Madame la présidente, membres du comité permanent, mesdames et messieurs, au nom de la Clinique juridique canado-africaine, nous vous remercions de nous donner l'occasion de vous présenter aujourd'hui notre mémoire au sujet du projet de loi C-27.

Je m'appelle Michelle Williams et je suis recherchiste et analyste des politiques à la Clinique juridique canado-africaine. Je suis accompagnée aujourd'hui de Randa Yassin, que la question de la mutilation génitale des femmes intéresse particulièrement à titre de membre du comité communautaire juridique chargé de ce dossier.

Tout d'abord, je souhaite que les mémoires écrits que nous avons soumis soient lus et annexés au procès-verbal de la séance. Le premier porte sur la question de la mutilation des organes génitaux féminins, et le second sur la question des peines minimales obligatoires. Ce matin, j'ai l'intention d'aborder, aussi brièvement que possible, trois questions différentes. Tout d'abord, je dirai quelques mots au sujet de la Clinique juridique canado-africaine, étant donné que c'est la première fois que nous comparaissons devant le comité. Deuxièmement, je ferai quelques observations au sujet des dispositions du projet de loi concernant la mutilation des organes génitaux féminins. Enfin, j'aborderai la question des peines minimales obligatoires prévues dans la loi.

Comme nous l'avons indiqué dans la préface de notre mémoire, la Clinique juridique canado-africaine, aussi appelée la CJCA, est un organisme juridique sans but lucratif constitué en société aux termes de la législation de la province de l'Ontario. Notre mandat est de lutter contre la discrimination institutionnelle et systémique dans le système judiciaire, l'éducation, l'emploi, le logement, la santé et d'autres sphères de la société canadienne. En tant qu'organisme nous examinons également la législation et les politiques gouvernementales pour empêcher qu'il ne s'y glisse de la discrimination.

À ce jour, notre travail nous a amenés à aborder une vaste gamme de sujets. Ainsi, nous avons pu comparaître devant la commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie. Nous avons présenté des mémoires écrits sur le racisme systémique en Ontario. Nous avons aussi comparu devant le conseil du Grand Toronto sur des questions relatives au budget. Nous sommes également partie à un certain nombre de causes types dans le domaine de l'immigration. Nous avons aussi présenté une requête pour intervenir devant la Cour suprême dans une affaire mettant en cause un parti pris racial de la part d'un juge.

J'aborderai maintenant la question qui nous préoccupe au premier chef, soit la mutilation des organes génitaux féminins. Je vous renvoie au mémoire que nous avons soumis sur cette question, car je me contenterai d'en souligner les faits saillants.

Tout d'abord, nous sommes très heureux que le gouvernement présente une mesure législative sur cette question et reconnaisse que cette intervention constitue un acte de violence contre les femmes et les enfants.

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Nous saluons aussi des organismes comme Women's Health in Women's Hands et le comité communautaire juridique chargé de la question de la mutilation des organes génitaux féminins pour le travail qu'ils ont effectué dans ce domaine. Ils ont vraiment réussi à provoquer des changements.

Nous avons quatre sujets de préoccupation principaux en ce qui a trait au projet de loi lui-même et aux amendements proposés. Cette partie commence à la page 6 du mémoire, si vous voulez suivre. Le premier point est la définition de la MOGF. Le deuxième est la médicalisation possible de la MOGF. Le troisième est la question du consentement pour les femmes âgées de 18 ans et plus, et le quatrième est la question de la détermination de la peine.

L'amendement proposé se trouverait amélioré de beaucoup si l'on définissait la MOGF comme la mutilation d'un organe sain. À l'heure actuelle, on trouve une liste des parties de l'appareil génital féminin, mais le fait de définir cette intervention comme étant la mutilation d'un organe sain permet de faire comprendre sans détour qu'il s'agit d'un problème de violence perpétré contre les femmes et les enfants.

En outre, on passe sous silence la réinfibulation qui, d'habitude, est pratiquée sur les femmes après l'accouchement. Elle est aussi pratiquée sur certaines femmes veuves ou divorcées qui veulent se remarier. Le principal motif de la réinfibulation est de maintenir ou de rehausser le plaisir sexuel masculin.

Par conséquent, nous recommandons de modifier la définition pour préciser qu'il s'agit de la mutilation d'un organe sain. Il faudrait aussi inclure dans l'amendement la réinfibulation.

Deuxièmement, nous avons certaines craintes concernant une médicalisation possible de la mutilation des organes génitaux féminins à la suite de l'amendement actuel. Plus précisément, l'amendement fait état de ce que nous appelons une défense thérapeutique. Il est précisé dans le projet de loi que si l'intervention est pratiquée pour permettre d'avoir une apparence sexuelle ou des fonctions sexuelles normales l'intervention peut être pratiquée par un médecin. En l'occurrence, les personnes qui pratiquent cette intervention pourraient justifier ainsi l'intervention.

Nous pensons qu'il n'est pas nécessaire d'inclure explicitement cette défense dans l'amendement, étant donné que cela risque d'encourager la médicalisation de l'intervention.

Cela est inutile, étant donné que l'article 45 du Code criminel met déjà les médecins à l'abri de toute responsabilité pénale si l'opération est pratiquée avec des soins et une habileté raisonnables et s'il est raisonnable de pratiquer l'opération. Les médecins peuvent d'ores et déjà invoquer cela comme défense, aux termes de l'article 45 du code.

Nous craignons également qu'un libellé explicite à cet égard, comme le propose l'article 268, ne sème la confusion parmi les médecins. Par exemple, il existe déjà en Ontario une directive qui interdit aux médecins de pratiquer la mutilation des organes génitaux féminins. Le fait d'inclure dans l'amendement ce qui pourrait être interprété comme une excuse médicale pour la pratiquer risque de semer la confusion.

En troisième lieu, je voudrais parler de la question du consentement en regard du paragraphe 268(4) proposé. Dans notre mémoire, il en est question à la page 11.

Tout d'abord, les femmes subissent des pressions culturelles et sociales, ainsi que des pressions économiques connexes extrêmes, pour les convaincre d'accepter l'intervention. Par conséquent, il est difficile de savoir dans quelle mesure une femme consent librement à la MOGF, même si elle est âgée de 18 ans ou plus.

Selon le droit, l'intérêt personnel ou la préférence d'une personne qui consent à ce qu'on lui inflige des lésions corporelles est subordonnée à l'intérêt supérieur de la société ou de la population de protéger l'intégrité physique du corps humain et la dignité humaine. Cela se reflète dans la «common law» et dans la jurisprudence. Nul ne saurait consentir à ce qu'on lui inflige de graves lésions corporelles.

En présentant le projet de loi C-27, le Parlement accepte d'assimiler la mutilation des organes génitaux féminins à des voies de fait graves causant des lésions corporelles. Compte tenu des pressions culturelles, religieuses et sociales entourant cette intervention, il y a encore moins de raisons de s'écarter de ce principe de la «common law».

Nous reconnaissons que le Parlement a inclus cette disposition de non-consentement pour protéger explicitement les enfants, mais nous considérons qu'il faudrait l'élargir en précisant que personne ne peut consentir à la MOGF, ce qui est d'ailleurs conforme à la loi actuelle.

Enfin, il y a la question de la détermination de la peine. Dans bien des cas, les familles qui consentent à ce que la MOGF soit pratiquée sur leurs enfants croient sincèrement qu'elles agissent dans le meilleur intérêt de ces enfants et ne sont pas au courant des risques extrêmes que cela implique pour la santé. En fait, certaines familles croient même que le fait de ne pas pratiquer cette intervention sur leurs enfants constituerait de la négligence à leur égard.

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Par conséquent, il est extrêmement important de sensibiliser les communautés concernées à cette question. Cela nous amène en outre à suggérer d'imposer une peine plus sévère aux praticiens de la santé qu'aux familles en cause.

Pour éclairer la question voici quelques-unes des raisons qui nous amènent à penser ainsi. Tout d'abord, les praticiens de la santé, ou les médecins, savent pertinemment qu'il est interdit de pratiquer la mutilation des organes génitaux féminins. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il existe en Ontario une directive précisant qu'ils ne sont pas autorisés à pratiquer une telle intervention. On peut donc faire valoir que leur degré de responsabilité est plus grave s'ils font fi de cette directive et de la loi pour pratiquer cette intervention.

Deuxièmement, il est important de donner aux programmes éducatifs le temps de faire leur oeuvre. Les efforts menés jusqu'à maintenant ont prouvé qu'il faut du temps pour sensibiliser les familles et les communautés aux risques que cette intervention implique pour la santé. Si elles sont mises au courant des risques que cela présente pour leurs enfants, elles seront moins susceptibles de réclamer ce type d'intervention.

Troisièmement, il faut tenir compte des meilleurs intérêts de l'enfant. Manifestement, les enfants ont besoin de l'amour, des soins et de la sécurité que peuvent leur offrir les adultes dans leur vie. Incarcérer les parents provoquera l'éclatement de la cellule familiale, et, dans certains cas, il faut prévoir des conséquences dramatiques sur le plan de l'immigration. L'enfant en question devra vivre avec les conséquences de l'intervention, mais on lui imposera en outre d'être séparé de sa famille et privé d'aspects importants et positifs de sa culture et de sa tradition tout au long de son enfance.

Enfin, la dernière raison qui milite en faveur de peines plus rigoureuses pour les praticiens de la santé, c'est l'existence de la discrimination et du racisme dans le système de justice pénale. Cette discrimination, qu'elle soit intentionnelle ou non, se traduit par une surveillance plus serrée de certaines collectivités. Cela influence les décisions relatives aux poursuites et peut certainement influencer les décisions relatives à la détermination de la peine.

Par conséquent, les membres des communautés visées craignent qu'une application inégale de la loi ne se traduise par une surveillance plus serrée et des mises en accusation plus nombreuses des familles et, parallèlement, par une application moins rigoureuse de la loi aux personnes qui pratiquent l'intervention et qui savent pertinemment que cela est interdit.

Voilà pourquoi nous proposons d'inclure dans le Code criminel une infraction précise concernant la mutilation des organes génitaux féminins pour répondre à ces préoccupations. Cela permettrait une structure de détermination de la peine à deux vitesses.

Il existe un précédent en ce qui concerne les dispositions relatives à l'avortement, dispositions qui ne sont plus en vigueur maintenant. En effet, il existait dans le Code criminel deux types de peines différents pour cette infraction.

À ce stade-ci, j'aimerais passer à la question des peines minimales obligatoires, qui n'a rien à voir, mais j'ai pensé que cela pourrait convenir au comité en lui permettant de gagner du temps.

La question des peines minimales obligatoires relève de l'article 212 du projet de loi C-27 visant à modifier le Code criminel.

Tout d'abord, je tiens à dire que la CJCA s'élève ardemment contre la prostitution impliquant des enfants et contre toute forme d'exploitation des enfants. Nous sommes heureux que le projet de loi à l'étude cible la prostitution chez les enfants, et nous appuyons sans réserve toute mesure législative visant à mettre fin à ce fléau.

Les commentaires que je ferai aujourd'hui à l'égard du recours à des peines minimales obligatoires dans le Code criminel seront de nature technique.

Tout d'abord, nous craignons que les peines minimales obligatoires ne soient pas efficaces. Deuxièmement, elles risquent d'avoir un effet inégal sur certains groupes dans la société canadienne.

Nos préoccupations concernant le recours à des peines minimales obligatoires sont fondées sur quatre grandes raisons.

Premièrement, ces peines vont à l'encontre d'un exercice de détermination de la peine fondé sur les principes. En fait, elles minent la procédure de détermination de la peine globale que vient tout juste d'adopter le Parlement en septembre dernier. En outre, elles restreignent indûment la capacité du juge de peser les circonstances de chaque cas, surtout à la lumière des lignes directrices que nous avons mises en oeuvre en matière de détermination de la peine.

Deuxièmement, le recours à la peine minimale obligatoire ailleurs n'a pas donné les résultats escomptés. Cet échec tient en partie au fait que la police, le ministère public, les avocats de la défense, les juges et les accusés eux-mêmes s'ingénient à contourner la loi lorsqu'ils pensent que son application est trop dure dans certains cas.

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Il en résulte des inégalités fréquentes dans les actes d'accusation. Dans certains cas, on ne porte pas d'accusation, ou alors on porte des accusations différentes afin d'éviter la peine minimale obligatoire et ses effets. Il en résulte le plus souvent que l'accusé demeure incarcéré à peu près aussi longtemps que si l'on avait appliqué la peine minimale obligatoire.

De même, ce sont souvent les minoritaires qui ont à souffrir du recours à la peine minimale obligatoire. Par exemple, la commission américaine de détermination de la peine a constaté que les minoritaires souffrent tout particulièrement de la peine minimale obligatoire, et c'est en partie attribuable au fait que la discrétion s'exerce plus souvent à l'entrée du système de justice pénale. Des études ont démontré que lorsqu'on exerce une plus grande discrétion à ce niveau, la discrimination pèse plus lourd dans les décisions qui interviennent.

Deuxièmement, il y a discrimination - encore là, c'est la commission américaine de détermination de la peine qui le dit - du fait que certaines infractions sont assorties d'une peine minimale obligatoire. Par exemple, aux États-Unis, les crimes qui sont le plus susceptibles d'être assortis d'une peine minimale obligatoire sont ceux où la présence noire est disproportionnée. La commission américaine de détermination de la peine a constaté que sur les 60 lois comportant une peine minimale obligatoire qu'a adoptées le Congrès, l'on invoquait régulièrement seulement quatre ou cinq lois relatives aux drogues et aux armes à feu, et l'on n'a pas du tout eu recours à 37 de ces lois de 1984 à 1990.

Si l'on pense que la discrimination n'existe pas au Canada, sachez que nous disposons aujourd'hui d'une documentation abondante qui affirme le contraire, du rapport sur l'affaire Donald Marshall jusqu'au dernier rapport de la commission sur le racisme systémique en Ontario. Il y a donc lieu de se demander pourquoi l'on réclame une peine minimale obligatoire dans certains cas.

À ce sujet, j'aimerais attirer votre attention sur la page 9 de notre mémoire. Je viens de parcourir le Code criminel et j'ai repéré des infractions comme, par exemple, l'agression sexuelle contre un enfant de moins de 14 ans. Vous remarquerez que pour l'agression sexuelle faisant intervenir un enfant de moins de 14 ans, l'invitation à l'attouchement sexuel ou l'incitation à la bestialité faisant intervenir un enfant de moins de 14 ans, il n'existe pas de peine minimale obligatoire. En fait, on a recours à la procédure sommaire pour certaines de ces infractions.

Donc, encore là, je dis seulement qu'il y a lieu de se demander pourquoi l'on pense que certaines infractions devraient être assorties d'une peine minimale obligatoire, et je dis qu'il faut être conséquent.

Enfin, je crois qu'il y a lieu de s'interroger sur la validité constitutionnelle de la peine minimale obligatoire de cinq ans. Je m'appuie ici sur deux causes qui ont été plaidées devant la Cour suprême.

L'une est l'affaire Downey, où l'on a contesté les dispositions sur la poursuite. Il est dit dans ces dispositions que si vous êtes vu en compagnie de prostituées, on présume que vous êtes proxénète. La cour a constaté à l'unanimité que cette disposition contrevenait à la présomption d'innocence de la Charte.

Cependant, quatre des sept juges dans cette affaire ont dit que c'était acceptable, étant donné qu'il s'agissait d'une limite raisonnable en vertu de l'article 1 de la Charte. Les trois autres juges n'étaient pas d'accord. Ils étaient d'avis que le filet était trop grand.

Par exemple, disons que vous êtes le frère ou la soeur d'une prostituée et que vous passez du temps avec elle ou que vous partagez un appartement avec elle parce que vous n'avez pas les moyens de faire autrement. En vertu de cette disposition, vous pourriez être jugé comme proxénète. Cette présomption était au coeur de l'affaire Downey.

Il y a eu aussi l'affaire Smith, où la Cour suprême a également rendu un jugement. Celle-ci a statué que la peine minimale obligatoire de sept ans fixée en vertu de la Loi sur les stupéfiants était anticonstitutionnelle. Il pourrait s'agir d'une personne qui, par exemple, serait reconnue coupable d'avoir eu en sa possession une petite quantité de marijuana et qui serait jetée en prison pour sept ans. La cour a jugé dans cette affaire que le châtiment était sans commune mesure avec la faute, et c'est pourquoi elle a invalidé cette disposition.

Donc, au vu de ces deux affaires, je pense que le comité et le Parlement voudront s'interroger sur la constitutionnalité de la peine minimale obligatoire de cinq ans.

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Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il faut écarter la peine minimale obligatoire de cinq ans, et que l'on doit donner aux juges, comme c'est le cas des autres sentences, la faculté de déterminer la peine selon les circonstances de chaque affaire.

Pardonnez-moi si j'ai pris trop de temps, mais j'ai voulu faire état de ces deux questions.

J'en ai terminé. Merci.

La présidente: Ça va. Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre le Comité canadien d'action sur le statut de la femme.

Mme Linda Cornwell (membre, Comité canadien d'action sur le statut de la femme): Bonjour, mesdames et messieurs.

Le Comité canadien d'action sur le statut de la femme est la plus grande organisation féministe du Canada. Le comité regroupe plus de 600 groupes membres au pays. Les femmes de toutes les origines et de toutes les régions du Canada y sont bien représentées. On y trouve de plus en plus de groupes d'immigrantes, d'agences au service des immigrantes et des réfugiées, et de groupes qui défendent les réfugiées.

Pour atteindre ses objectifs, le comité réclame sans relâche du gouvernement des politiques et des programmes qui vont garantir le droit de la femme à l'égalité. C'est dans cet esprit que nous témoignons aujourd'hui devant le Comité permanent de la justice et des questions juridiques.

À notre assemblée générale de 1994, nous avons adopté à l'unanimité la résolution suivante:

Nous faisons également remarquer que le gouvernement canadien, dans la mesure où il a adhéré à divers accords internationaux, dont la Déclaration des Nations Unies sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes et des enfants, et plus récemment le programme d'action de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de Beijing, s'est engagé à contribuer à l'élimination de cette pratique.

Nous remercions le comité de nous avoir permis de faire valoir nos vues sur cette modification qu'on propose au Code criminel.

La mutilation des organes génitaux féminins est une question qui touche toutes les Canadiennes de tout âge. C'est une question qui touche les nouvelles citoyennes de notre pays, les filles nées au Canada et les femmes des communautés immigrantes et réfugiées. La mutilation des organes génitaux féminins fait de la femme une victime de son enfance jusqu'à sa vieillesse. Il est essentiel que le gouvernement adopte les lois voulues pour éliminer cette pratique et protéger les femmes et les filles de tout âge.

Notre préoccupation tient au fait que l'amendement qu'on propose comporte des lacunes qui permettront le maintien de cette pratique au Canada. Nous implorons le comité de réfléchir longuement aux lacunes que nous percevons afin de s'assurer que notre pays fait tout ce qu'il peut pour éliminer cette pratique malsaine.

Notre première préoccupation tient à la définition de la mutilation des organes génitaux féminins que contient la modification au Code criminel. Je vais maintenant citer Gérard Zwan, l'auteur du livre intitulé Mutilations sexuelles féminines:

Dans l'amendement proposé, la mutilation d'organes génitaux féminins n'est pas clairement définie comme étant la mutilation d'organes sains. Par ailleurs, le bout de phrase «Il demeure entendu que l'excision, l'infibulation ou la mutilation» pourrait peut-être être interprété comme indiquant que l'excision et l'infibulation ne sont pas des mutilations.

La réinfibulation, qui consiste à recoudre la vulve après un accouchement par voie vaginale afin de rendre l'ouverture plus petite et d'accroître ainsi le plaisir sexuel de l'homme ou de garantir la chasteté de la femme, est une mutilation qui continue à être pratiquée et dont il n'est même pas question dans l'amendement.

Nous recommandons donc que le paragraphe 268(3) tel qu'il est proposé soit modifié et libellé en ces termes:

.1025

Notre deuxième préoccupation concerne la codification éventuelle d'un motif de défense thérapeutique visant la mutilation d'organes génitaux féminins et le fait que l'intervention pourrait ici être médicalisée. Je vous cite un extrait de la trousse d'information de l'Organisation mondiale de la santé sur la mutilation d'organes génitaux féminins, qui a été publiée en 1995.

Nous craignons qu'une lacune qui autoriserait la médicalisation de la MOGF ne se soit glissée dans le paragraphe 268(3) qui est proposé:

Nous craignons plus précisément que le fait d'inclure la MOGF et des opérations chirurgicales légitimes dans la même catégorie n'ouvre en fait la porte à la médicalisation de la MOGF. À ce propos, nous demandons qui doit déterminer ce qui constitue une apparence sexuelle ou des fonctions sexuelles normales.

Nous attirons l'attention du comité sur les problèmes qui se posent en Grande-Bretagne, où une loi semblable n'a toujours pas permis d'atteindre l'objectif fixé, qui était d'enrayer la MOGF. Nous rappelons aussi au comité que, pas plus tard qu'en 1937, les femmes aux États-Unis subissaient des clitoridectomies comme méthode de traitement:

Je citais un article d'Isabelle R. Gunning qui est paru dans la Columbia Law Review de l'été 1992.

Même aujourd'hui, les femmes continuent à subir des opérations qui ne sont pas nécessaires, comme l'hystérectomie, la mastectomie et la stérilisation. Il faut donc faire très attention quand on invoque la normalité comme facteur déterminant pour les chirurgies génitales légitimes.

Nous recommanderions que toute la partie de la fin du paragraphe 268(3) qui est proposé soit supprimée:

Troisièmement, nous voulons examiner la MOGF sous l'angle de la violation des droits de la personne et vous faire part de nos préoccupations quant à la question de la MOGF et du consentement. Comme il est reconnu dans le préambule du projet de loi C-27, «la violence faite aux femmes constitue une violation des droits de la personne humaine et des libertés fondamentales et empêche partiellement ou totalement les femmes de jouir de ces droits et libertés».

La mutilation d'organes génitaux féminins constitue une violation des droits de la personne fondamentaux des femmes. La personne qui est victime d'une violation des droits de la personne ne peut être réputée avoir consenti à cette violation.

Nous approuvons entièrement le paragraphe 268(4) qui est proposé et qui protège manifestement les filles de moins de 18 ans, s'agissant du consentement «que donne une personne âgée de moins de 18 ans ou qu'une autre personne donne pour elle». Nous sommes toutefois très inquiets pour les filles une fois qu'elles atteignent l'âge de la majorité. Qu'y a-t-il pour les protéger? Nous craignons que l'amendement ne conduise à des situations où les jeunes femmes seraient obligées de «choisir» de se soumettre à la mutilation de leurs organes génitaux. Le paragraphe en question pourrait vraisemblablement être invoqué comme motif de défense par une personne qui serait accusée d'agression grave pour avoir pratiqué la MOGF, en ce sens que la personne pourrait prétendre avoir obtenu le consentement de la victime.

Peut-on imaginer que nous puissions un jour inclure dans notre législation une loi qui interdirait de couper la main gauche d'un enfant de moins de 18 ans, mais qui supposerait tacitement que la personne pourrait, après avoir atteint l'âge de 18 ans, consentir à une mutilation semblable?

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Nous vous invitons encore une fois à vous reporter à la déclaration de Gérard Zwan:

Nous vous recommandons de supprimer le paragraphe 268(4) qui est proposé et de le remplacer par ce qui suit:

Notre quatrième et dernière préoccupation, qui est peut-être la plus importante, concerne la nécessité de collaborer avec les parties intéressées à l'élaboration d'une loi qui convienne aux besoins et qui soit efficace.

Par les recommandations énoncées plus haut, nous tentons de corriger les difficultés et les lacunes du projet de loi. Il reste toutefois que certaines préoccupations à l'égard de la MOGF ne sont pas abordées dans les amendements proposés. Nous songeons tout particulièrement à la poursuite au criminel des praticiens de la MOGF et de leurs complices.

Nous exhortons le gouvernement à examiner attentivement les propositions visant à faire de la MOGF une infraction précise dans le Code criminel. Nous exhortons aussi le gouvernement à travailler en étroite collaboration avec les parties intéressées pour élaborer une mesure législative en ce sens.

Nous recommandons d'accorder une attention particulière aux recommandations du groupe de travail ontarien sur la mutilation d'organes génitaux féminins, ainsi qu'aux mémoires qui ont été présentés à votre comité permanent par le FGM Legal Community Committee, le groupe Women's Health in Women's Hands et la Clinique juridique canado-africaine.

Nous appuyons donc la création d'un comité mixte de représentants du gouvernement et des parties intéressées qui serait chargé d'élaborer une mesure législative bien réfléchie en ce qui concerne la mutilation d'organes génitaux féminins.

Nous remercions encore une fois le comité de nous avoir donné l'occasion de lui faire part de nos préoccupations quant aux amendements qu'il est proposé d'apporter au Code criminel.

Dans son communiqué de presse du 14 décembre 1995, le ministère de la Justice indiquait que: «Il est proposé de modifier le Code criminel afin de bien préciser que la MOGF constitue une infraction criminelle au Canada.» Cette modification nous sera un outil utile dans nos efforts pour sensibiliser les Canadiens aux risques pour la santé que présente la MOGF. Nous estimons qu'en donnant suite aux recommandations formulées dans notre mémoire on obtiendra une mesure législative qui conviendra davantage aux besoins et qui sera bien plus efficace.

En conclusion, je vous cite ce qu'a dit la poète et militante somalienne, Dahabo Elmi Muse:

Je suis désolée, mais j'ai oublié de me présenter au début. Je m'appelle Linda Cornwell. Ma collègue s'appelle Nawal Abdul Mumin.

Merci.

La présidente: Madame Gagnon, étant donné que nous avons un programme très chargé, nous limiterons les tours de questions à cinq minutes. Nous devons accueillir deux autres groupes ce matin.

[Français]

Mme Gagnon (Québec): Je vous remercie de votre témoignage. Le point de vue que vous avez exprimé a aussi été émis par d'autres témoins qui se sont penchés sur les différents aspects du projet de loi.

Ce projet de loi me touche tout particulièrement parce que j'ai déposé un projet de loi privé qui va dans le même sens que les recommandations que vous avez formulées ce matin. C'est donc avec beaucoup d'intérêt que je participe aux délibérations de ce comité qui étudie la question de la mutilation des organes génitaux et du tourisme sexuel. Ce sont les deux volets de mon projet de loi privé.

Vous avez livré vos points de vue et dit souhaiter qu'on apporte des amendements très précis concernant le consentement, entre autres sur la mutilation des organes génitaux et sur l'apparence normale. Ce sont toutes des questions qui ont été soulevées ici et nous convenons que le présent projet de loi doit être modifié.

Madame Tripp, vous avez aussi parlé de tourisme sexuel et d'une modification que vous souhaiteriez qu'on apporte relativement à la rétribution.

.1035

Cette question a aussi été soulevée par d'autres témoins. Il y aurait peut-être lieu de s'assurer que les amendements qui portent sur le tourisme sexuel et l'extraterritorialité soient bien compris. Vous demandez qu'on s'attaque aux causes.

Un des témoins avait aussi soulevé cette problématique et disait que le projet de loi ne renfermait pas de mesures ni de lignes directrices. Nous devons être conscients qu'il sera difficile d'en faire l'application dans un pays étranger.

J'aimerais que vous précisiez quelles dispositions le projet de loi devrait contenir au chapitre de l'extraterritorialité. Quelles dispositions lui permettraient de s'attaquer aux causes du problème? Souhaiteriez-vous que le projet de loi énonce des lignes directrices?

Je reviendrai plus tard avec des questions sur la mutilation des organes génitaux. Tout comme Mme Cornwell, vous avez englobé l'ensemble du projet de loi. Une certaine intervention de la part de chacune d'entre vous serait souhaitable. Merci.

[Traduction]

Mme Tripp: Merci beaucoup.

Je crois effectivement qu'il faut absolument adopter des lignes directrices. Quand on parle d'application à l'étranger, qu'il s'agisse de Canadiens ou de militaires, pareilles lignes directrices feraient beaucoup plus que ce dont il est question ici. Les lignes directrices pourraient notamment exiger qu'on s'interroge sur les circonstances qui ont amené l'enfant à se retrouver dans une situation pareille. Qui en est responsable? Quelles sont les circonstances qui ont amené l'agresseur à être en contact avec l'enfant? Que s'est-il passé au juste?

Je vous sais gré du fait que vous êtes prête à élargir le projet de loi afin d'y inclure des lignes directrices. Nous serions très heureuses de travailler avec le comité à ces lignes directrices. Je n'en dirai pas plus en raison des contraintes de temps, mais, de toute évidence, beaucoup de nos membres qui travaillent notamment auprès des enfants de la rue - ces enfants sont extrêmement vulnérables - dans ces pays pourraient contribuer de façon très utile à l'élaboration de ces lignes directrices.

Est-ce que cela suffit, ou voudriez-vous que je continue?

[Français]

Mme Gagnon: J'aimerais revenir sur la question du consentement à la mutilation des organes génitaux et que Mme Williams ou Mme Cornwell puisse me répondre.

Vous avez souligné la problématique du libellé de l'article sur le consentement qui pourrait nous donner l'impression qu'une personne âgée de plus de 18 ans pourrait y consentir. Nous savons très bien qu'il s'agit d'une pratique culturelle et que des pressions s'exercent au sein des familles. Quel libellé souhaiteriez-vous voir figurer à cet article sur le consentement? J'aimerais entendre votre point de vue, madame Williams.

[Traduction]

Mme Williams: À la page 13 du mémoire, la formulation suivante est proposée: «Pour l'application du présent article, ne constitue pas un consentement valable à la mutilation celui que donne la personne ou qu'une autre personne donne pour elle.» Vous retrouverez cela au bas de la page. La formulation est semblable à celle qui existe à l'heure actuelle.

Ma collègue propose une variante de cette formulation, si je ne m'abuse. À partir de ces deux formulations, le comité pourrait peut-être en arriver à un libellé acceptable.

[Français]

Mme Gagnon: Effectivement, c'est un problème et je l'ai soulevé au sujet du consentement. Si on veut être clair et se donner un objectif précis, soit la défense de l'intégrité du corps des femmes et des jeunes fillettes, il faut se doter d'un projet de loi qui soit clair, net et précis.

J'aurais préféré qu'on formule un chapitre distinct englobant toute la problématique de la mutilation des organes génitaux. On a préféré la considérer dans le cadre des voies de fait, ce qui, à mon avis, diminue l'impact d'un tel projet de loi et l'interprétation que les juges et médecins pourraient en faire.

Je suis contente de vous entendre ce matin. Après avoir entendu des arguments contre mon point de vue, j'avais fini par me dire que je devais peut-être essayer d'analyser toute cette question dans un autre contexte. Mais ce matin, vous me redonnez confiance. Vous avivez un peu la flamme et m'encouragez à défendre mon point de vue sur le consentement.

J'ai aussi des réserves relativement aux exceptions. Vous avez dû lire mon projet de loi, qui est beaucoup plus direct et spécifique.

.1040

Je sais aussi que Mme Cornwell, qui représente le Comité canadien d'action sur le statut de la femme, va à peu près dans le même sens en ce qui a trait au consentement. Vous connaissez bien la problématique puisque vous êtes au coeur de la situation. Vous êtes apte à nous apporter un éclairage beaucoup plus pratique et vécu. Merci.

[Traduction]

Mme Cornwell: Merci. Nous tenons également à réitérer l'importance de consulter les parties intéressées dans l'élaboration de mesures législatives de ce genre. En l'absence de l'appui des parties intéressées, tous ces efforts seront voués à l'échec.

La présidente: Merci.

Monsieur Ramsay.

M. Ramsay (Crowfoot): Je tiens à remercier les témoins de l'exposé que nous avons entendu ce matin. Nous n'avons jamais assez de temps à passer avec vous.

Je me concentrerai sur les préoccupations que j'ai au sujet du projet de loi. Le groupe parlementaire réformiste appuiera le projet de loi, mais il nous cause néanmoins des préoccupations, et vous avez soulevé certaines de ces préoccupations.

Dans deux domaines, le projet de loi paraît être bon, mais c'est un peu comme un tigre sans dents. Si nous ne pouvons pas protéger nos enfants à nous contre les hommes qui veulent acheter leurs services sexuels, comment allons-nous protéger les enfants à l'échelle internationale?

Je ne sais pas si vous avez lu le rapport de Kimberly Daum. Dans son rapport, Mme Daum indique qu'en Colombie-Britannique huit hommes seulement ont été accusés d'avoir acheté les services sexuels de prostituées enfantines au cours des huit dernières années - huit hommes en huit ans. Ayant moi-même été policier et sachant qu'il faut des preuves relativement à tous les aspects et toutes les composantes d'une accusation, je sais comme la chose sera difficile à l'échelle internationale.

Pour ce qui est de l'autre domaine, on précise au paragraphe 212(4):

Comment diable allons-nous faire respecter cette disposition quand l'inculpé n'a qu'à dire: «Votre honneur, je ne me suis jamais imaginé que la personne pouvait avoir moins de 18 ans»? Le fait est que la personne n'aura pas moins de 18 ans. Il s'agira d'un agent de police en civil, qui sera bien entendu âgé de plus de 18 ans. Cette disposition me cause de sérieux problèmes. Elle paraît bonne, mais elle n'aidera pas à faire respecter la loi.

Nous n'aurions pas de prostitution enfantine, ni chez nous ni à l'étranger, si ce n'était des hommes qui recherchent cette denrée, si vous me passez l'expression. Nous avons entendu ici le chef de police Julian Fantino. En réponse aux questions qu'on lui a posées, il a indiqué que nous refusons au Canada de reconnaître que la prostitution enfantine existe.

En ce qui concerne l'application de ces deux dispositions, qui paraissent bonnes à priori - et nous avons l'intention d'appuyer le projet de loi parce que la majeure partie de ses dispositions vont dans la bonne voie - avez-vous des observations ou des recommandations à faire au comité?

Mme Tripp: Je pourrais peut-être faire une observation en ce qui concerne la scène internationale. Je ne veux pas pour autant écarter ce qui se passe sur la scène nationale, mais je crois qu'il y a des gens qui connaissent mieux que moi la situation à l'échelle nationale. Il est important que le Canada soit cohérent dans toutes ses politiques étrangères, quelles qu'elles soient.

Ces derniers temps, Craig Kielburger a beaucoup fait pour attirer l'attention sur la question du travail des enfants. C'est une question dont nous commençons maintenant à tenir compte dans nos relations commerciales. Pour ce qui est toutefois de savoir si les mesures envisagées seront effectivement appliquées...

Nous nous interrogeons notamment dans notre organisation sur la possibilité que le Canada tienne compte du bilan d'un pays étranger, étant donné que nous avons le même problème ici... Nous devons, dans nos relations commerciales avec certains pays, tenir compte du fait qu'ils ferment ni plus ni moins les yeux là-dessus, que la prostitution enfantine y est simplement acceptée comme faisant pratiquement partie de la culture.

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À vrai dire, je déteste les mots «prostitution enfantine». Ces enfants ne sont pas des prostitués, mais bien des esclaves sexuels.

Notre position rejoint la vôtre: l'application fait effectivement problème. L'application n'est manifestement pas la seule solution. Le Canada pourrait peut-être envisager comme solution de prendre une position très énergique, surtout à l'égard des pays de la ceinture du Pacifique, où les échanges commerciaux commencent tout juste à prendre de l'expansion, sur les principes sur lesquels se fonderont nos relations commerciales, sur ce que nous pouvons faire de part et d'autre pour enrayer le problème.

M. Ramsay: J'ai une observation à faire à ce sujet. Il n'y a rien de plus décourageant que d'avoir des lois qu'on n'arrive pas à faire respecter.

Nous avons une excellente feuille de route dans le domaine des droits de la personne. Nous pourrions nous ériger en modèle pour tous ces autres pays, y compris pour la Chine, en ce qui concerne les droits de la personne. Si ces pays peuvent se retourner et nous dire de faire le ménage chez nous avant de leur dire de le faire chez eux, nous nous retrouvons dans une situation difficile.

Il y a ce que disait Kimberly Daum au sujet du fait que, en Colombie-Britannique, huit hommes seulement ont été accusés d'exploitation sexuelle d'enfants en huit ans. Je trouve cela très décourageant, même si, comme vous le dites, le signal est celui qu'il convient d'envoyer. Si toutefois l'alimentation du signal fait défaut, il ne tarde pas à perdre de sa brillance.

La présidente: Madame Torsney.

Mme Torsney (Burlington): Bien entendu, beaucoup de ces observations devraient plutôt s'adresser aux gouvernements provinciaux, qui ont la responsabilité d'appliquer la loi.

J'ai une question pour Mme Tripp. Le projet de loi devrait-il être adopté pour permettre d'intenter immédiatement des poursuites dans les causes où l'on est déjà prêt à aller de l'avant? Préféreriez-vous que nous n'adoptions pas le projet de loi, comme le laissait peut-être entendre M. Ramsay?

M. Ramsay: Ce n'est pas ce que je dis.

Mme Torsney: Voulons-nous de ce projet de loi, madame Tripp?

Mme Tripp: Il s'agit d'un début. Nous avons absolument besoin de mesures législatives en ce sens.

Mme Torsney: Parfait. Alors, tous ceux d'entre nous qui sont préoccupés par ces questions d'exploitation des enfants peuvent communiquer avec nos collègues des provinces et les encourager à demander aux procureurs de la Couronne...

M. Ramsay: J'invoque le Règlement. Si les membres du comité se mettent à me citer, je leur demanderais de le faire de façon exacte. J'ai clairement indiqué que le groupe parlementaire réformiste appuierait le projet de loi, mais que nous avions certaines réserves. J'ai bien indiqué quelles étaient ces réserves. Si Mme Torsney veut médire de moi et des membres de mon groupe parlementaire, je l'inviterais à le faire avec exactitude.

La présidente: Merci.

Poursuivez, madame Torsney.

Mme Torsney: Ainsi, madame Tripp, je crois que nous sommes tous d'accord. Je n'ai rien d'autre à vous dire, à vous ou à votre organisation, qui fait un travail formidable.

Madame Williams, nous avons certainement déjà entendu cette recommandation au sujet de la peine minimale obligatoire, mais vous nous avez invités à l'examiner sous une autre optique. Ce que vous nous avez dit ce matin est très important. Il est intéressant de faire la comparaison avec les États-Unis; personne ne l'avait encore fait pour nous.

Bien des gens trouvent qu'il nous faut absolument trouver une autre solution. Les solutions que nous avons eues jusqu'à maintenant n'ont pas suffi, de sorte qu'il faudrait qu'il y ait une peine minimale, étant donné qu'il s'agit d'un crime tellement répugnant contre les enfants.

J'ai été sidérée par quelque chose que j'ai entendu, et je ne sais pas trop qui l'a dit. Quelqu'un a dit qu'il ne faudrait pas le faire lorsqu'il s'agirait d'une première condamnation, mais qu'il faudrait plutôt attendre la deuxième condamnation, car il nous en coûterait trop cher de le faire dès la première condamnation. Comment peut-on mettre dans la balance ce qu'il en coûte aux enfants qui sont amenés à participer à cette industrie et ce qu'il en coûte au système?

Vous avez certainement soulevé des questions intéressantes. Nous devrons essayer d'équilibrer tout cela à la fin... mais c'était par désir d'en faire plus.

La question du consentement est intéressante. En tout cas, nous avons entendu des médecins nous expliquer pourquoi ils avaient besoin de l'exemption; ils ont évoqué la possibilité d'avoir à enlever des tissus cancéreux, et peut-être même de faire des interventions préventives. Le perçage et le tatouage des organes génitaux - qui sont pratiques courantes - sont des mutilations pour lesquelles il y a consentement. Nous n'aimons peut-être pas ce genre de choses, mais il s'agit de la mutilation de tissus.

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Que faire de la question du consentement des personnes âgées de plus de 18 ans, dans ces cas-là, et dans les cas de cancer et de je ne sais trop quoi encore? Ce n'est pas normal, j'en conviens. Que faire dans le cas de ceux qui n'ont pas d'orientation sexuelle déterminée du fait qu'ils ont à la fois des organes génitaux féminins et des organes génitaux masculins?

Les médecins nous ont posé la question. Ils nous ont dit qu'ils ont besoin de l'exemption. Ils comprennent qu'il est illégal de pratiquer la MOGF pour les raisons qui sont énoncées ici. Si toutefois la loi est resserrée de manière à empêcher dans la pratique les médecins de bien faire leur travail... On nous a parlé de cas d'urgence mettant en cause des personnes qui avaient été violées et qui présentaient des hématomes horribles. Il était vraiment bouleversant de voir cela sur les diapos.

Les médecins nous ont parlé de plusieurs éléments dont ils avaient besoin afin d'avoir la latitude nécessaire pour faire leur travail. Ils craignaient que, si la loi était modifiée et qu'aucune exemption médicale n'y était prévue, les médecins se mettent à s'inquiéter au point de ne pas pouvoir bien faire leur travail. Je suppose que leur inquiétude est compréhensible dans notre monde moderne où une poursuite n'attend pas l'autre.

Pour ce qui est de savoir qui il faut poursuivre avec le plus de sévérité, des médecins ou des pseudo-médecins - car ce ne sont pas vraiment les parents qui sont en cause, mais bien des pseudo-médecins - le pouvoir de discrétion judiciaire que vous réclamez en ce qui concerne la prostitution enfantine existe déjà pour ce qui est de la mutilation des organes génitaux féminins. Nous espérons donc que les tribunaux feront preuve de la discrétion voulue.

J'ai quelques observations à faire à Mme Cornwell. J'ai apprécié tous les éléments de votre mémoire, et ils ont été abordés par d'autres personnes que nous avons entendues sur ce projet de loi.

Je dois toutefois vous dire certaines choses au sujet de la partie quatre, car je crains que vous ne recommandiez ni plus ni moins que nous n'adoptions pas le projet de loi et que nous procédions plutôt à de nouvelles consultations.

Je tiens à vous dire qu'en août 1995 j'ai participé à une rencontre - Mme Gagnon y était aussi - que le ministre de la Justice a tenue avec des représentants des parties concernées qui nous ont en fait demandé d'adopter une loi, sachant bien que l'éducation était une composante importante. Je crois que certaines des personnes qui se trouvent ici aujourd'hui étaient aussi à cette rencontre.

Je tiens aussi à vous dire tout d'abord que les recommandations du groupe de travail ontarien n'ont pas été rendues publiques. Nous ne pouvons donc pas tenir compte de ces recommandations. C'est malheureux, mais nous avons quand même entendu des personnes qui ont siégé à ce comité et qui nous ont fait part de leurs conseils. Notre comité est aussi un processus de consultation. Nous apporterons des changements en fonction des recommandations que nous aurons entendues.

Le groupe qui suivra comprend beaucoup des personnes que nous devons entendre selon vous. Nous nous apprêtons à les entendre. Je crains donc que vous ne donniez en fait à entendre que nous devrions mettre fin à nos travaux ou stopper le projet de loi pour entreprendre un nouveau processus de consultation, quand nous avons déjà consulté et que nous continuons à le faire.

Je ne sais pas si c'est parce que vous vous en prenez à tort à notre ministre. Ce n'est vraiment pas juste. Je veux savoir ce que vous en pensez.

Mme Cornwell: Je crois, comme vous l'avez bien dit, que vous entendrez sous peu les groupes Women's Health in Women's Hands et FGM Legal Community.

Mme Torsney: Nous entendrons aussi le Multicultural Council of Professional Women.

Mme Cornwell: Je ne connais pas ce groupe. Je ne l'ai pas consulté. J'ai toutefois rédigé mon mémoire en étroite consultation avec mes collègues des groupes touchés et j'appuie la recommandation qu'ils font.

Mme Torsney: S'agit-il de stopper le projet de loi, d'arrêter le processus en cours?

Mme Cornwell: Je crois qu'il s'agit de beaucoup de choses que vous avez déjà mentionnées, toutes ces questions au sujet de l'hermaphrodisme et bien d'autres questions. À l'heure actuelle, certaines opérations de chirurgie plastique se pratiquent déjà sur les lèvres. Le groupe qui suivra vous en parlera sans doute de façon plus complète.

Mme Torsney: Je dois répéter ma question pour obtenir une réponse précise. Dans votre recommandation numéro 4, dites-vous qu'il faut mettre fin au processus, attendre, procéder à une nouvelle consultation et en arriver à une nouvelle mesure législative? Que recommandez-vous?

Mme Cornwell: Qu'on en arrive à une mesure législative expressément consacrée à la mutilation d'organes génitaux féminins.

Mme Torsney: Vous voulez qu'on mette fin au processus? Vous ne voulez pas que le projet de loi soit adopté? Est-ce bien ce que vous me dites?

Mme Cornwell: Oui.

La présidente: Merci, madame Torsney.

.1055

Je veux moi-même poser une question. Tout d'abord, madame Tripp, j'ai omis au début de la séance de vous transmettre les condoléances de tous mes collègues qui siègent au comité à la suite du décès de vos employés. J'en étais déjà au courant ce matin, mais j'avais simplement oublié, comme c'est souvent le cas quand on a à faire face à des choses désagréables. Veuillez m'en excuser. Je sais que ce n'est pas facile pour vous. Nous en sommes conscients.

Vous avez parlé de la nécessité d'adopter une modification qui viserait particulièrement les militaires canadiens. Je dois vous demander si vous avez eu connaissance d'anecdotes ou de cas mettant en cause des militaires canadiens à l'étranger. J'ai posé la même question à un autre groupe l'autre jour, mais je voudrais savoir si vous avez eu connaissance d'anecdotes ou de cas précis.

Mme Tripp: Il s'agit plutôt d'anecdotes pour le moment. J'ai participé l'été dernier à une discussion à Genève. Il est ressorti très clairement que certaines personnes avaient été témoins de cas de ce genre. Au Cambodge, nous avons vu que des militaires, qui n'étaient pas nécessairement des militaires canadiens, étaient en cause dans des cas, pas seulement de prostitution, mais de prostitution enfantine.

La présidente: Y avait-il en fait des militaires canadiens là-bas?

Mme Tripp: Je ne saurais l'affirmer. C'est pourquoi je dis qu'il ne s'agissait pas nécessairement de Canadiens.

Je veux revenir sur ce que disait Mme Gagnon au sujet de lignes directrices qui pourraient être adoptées. Il s'agit là d'un autre domaine où nous ferons un suivi et tâcherons de nous renseigner.

Nous tentons ici de prendre des mesures préventives. Sans vouloir manquer de respect à qui que ce soit, je crois que nous nous sommes rendu compte au cours des quelques derniers mois que nos militaires ne sont pas aussi dignes d'admiration que nous avons peut-être pensé qu'ils l'étaient.

À la lumière de ce qui s'est passé en Somalie, nous disons qu'il faut prendre des mesures préventives afin que, quand nous avons des troupes qui font partie d'une force de l'ONU, ou peut-être même qui participent à une force multinationale comme celle que nous espérons envoyer en Afrique centrale sous peu, on leur rappelle clairement ou on les informe du fait que nous avons des lois qui peuvent les toucher eux aussi, qu'ils ne sont pas exempts de l'application de ces lois s'ils choisissent de participer à des activités de ce genre.

La présidente: Le problème tient au fait que vous laissez entendre que vous avez eu connaissance de cas ou que vous pensez qu'il y aurait eu des cas de militaires canadiens qui auraient participé à des activités de ce genre. Je veux savoir si c'est ce que vous pensez ou ce que vous savez, car je ne pense pas que vous puissiez simplement laisser planer des doutes comme ceux-là.

Mme Tripp: Oui, d'accord.

La présidente: Avez-vous des anecdotes, des preuves ou des informations quelconques selon lesquelles des militaires canadiens auraient participé à des activités de prostitution enfantine dans quelque théâtre d'opération que ce soit à l'étranger?

Mme Tripp: Non, je n'ai pas pour le moment d'information en ce sens.

La présidente: Je vous remercie.

J'aurais bien voulu que nous puissions poursuivre la discussion avec ce groupe, mais nous devons encore entendre deux autres groupes. Je crois donc que nous devons mettre fin à la discussion. Nous prendrons une pause de cinq minutes, le temps que nos témoins suivants s'installent, et il ne faut pas oublier que nous avons déjà une demi-heure de retard.

M. Telegdi (Waterloo): Madame la présidente, je veux simplement signaler l'existence d'un ouvrage intitulé Tarnished Brass. C'est un bouquin qui a été publié dernièrement et qui donne à entendre qu'un de nos agents de maintien de la paix a eu des rapports avec une fille de 17 ans en Croatie. Il semble qu'il s'agissait en fait d'un cas de viol, et le résultat, d'après l'auteur du bouquin, n'était guère satisfaisant. Je voulais simplement le signaler à votre attention.

La présidente: Merci.

Nous suspendons la séance jusqu'à 11 heures.

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