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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 27 septembre 1996

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[Traduction]

La présidente: Nous reprenons nos travaux et je tiens à souhaiter la bienvenue à la classe des études nordiques de Bryon Doherty de la Inuksuk High School, qui vient nous observer aujourd'hui. Nous sommes heureux de vous accueillir ici pour travailler avec nous. Si vous voulez poser des questions après, peut-être pourrions-nous arranger cela.

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Vous pouvez entendre la langue de votre choix sur l'un des trois canaux. Le canal 1, c'est l'anglais, le canal 2, le français, et le canal 3, l'inuktitut.

Nos témoins s'occupent d'un programme d'aide juridique. Neil Sharkey, avocat de la défense, et... je regrette, je n'arrive pas à lire le nom qui suit.

M. Josie Papatsie (président, Clinique d'aide juridique Maliiganik Tukisiiniakvik, Iqaluit, Territoires du Nord-Ouest): Josie Papatsie.

La présidente: Merci. M. Papatsie est le président du Comité des services juridiques.M. Piugattuk comparaît aussi aujourd'hui. Je vous souhaite la bienvenue. Je crois savoir que vous avez un bref exposé, n'est-ce pas?

M. Neil Sharkey (avocat de la défense, Clinique d'aide juridique Maliiganik Tukisiiniakvik, Iqaluit, Territoires du Nord-Ouest): C'est très court, madame la présidente.

La présidente: C'est bien. C'est encore mieux. Les parlementaires adorent parler.

M. Sharkey: D'abord, merci de nous avoir invités, madame la présidente. Nous sommes tous très heureux que le Comité se soit déplacé pour venir dans l'est de l'Arctique et à Iqaluit.

Je m'appelle Neil Sharkey et comme la liste l'indique je suis avocat de la défense. C'est mon travail. Vous verrez que ma connaissance de la loi n'est pas aussi grande que ce qu'on pourrait penser, car même si je suis un avocat criminaliste, ces temps-ci j'agis bien plus à titre de superviseur.

Le président de notre conseil communautaire d'aide juridique comparaîtra aujourd'hui avec moi. Le conseil est élu et gère le programme d'aide juridique pour les treize communautés de la région de Baffin. Il s'agit de M. Josie Papatsie, à mes côtés. Nous nous sommes réunis hier en tant que conseil pour parler de votre visite et voir ce que nous pourrions vous dire. Nous avons aussi avec nous quelqu'un qui s'occupe quotidiennement des jeunes en difficulté. C'est notre travailleur social principal auprès des tribunaux au bureau d'aide juridique. Il s'appelle Francis Piugattuk. Vous pouvez nous poser des questions à l'un ou à l'autre.

Le bureau où nous travaillons s'appelle Maliiganik Tukisiiniakvik. Si on en donne une traduction à partir de l'inuktitut, maliiganik signifiait autrefois «la façon dont on fait les choses». Au fil des ans, ce mot a fini par signifier la loi. Dans le mot tukisiiniakvik, la terminaison «vik» indique qu'il s'agit d'un endroit - igloovik veut dire endroit où se trouvent des maisons, Inuvik veut dire endroit où se trouve l'homme. Tukisiini c'est un verbe qui signifie comprendre. C'est donc Maliiganik Tukisiiniakvik, notre bureau d'aide juridique, un endroit où les gens viennent pour qu'on les aide à comprendre la loi. Nous représentons devant les tribunaux des gens qui sont inculpés d'infractions ou de délits.

Nous travaillons aussi dans le domaine de l'éducation juridique populaire, et quand nous constatons qu'il y a des lacunes dans la loi nous travaillons de concert pour essayer d'amener nos gouvernements respectifs à la modifier. Par exemple, il y a bien des années il n'y avait aucun Inuit dans les jurys. Notre conseil a fait pression sur le gouvernement territorial pour qu'on modifie la Loi sur les jurys. Maintenant, chaque jury est majoritairement composé de gens qui vivent ici, et ils rendent des décisions en tant que jurés.

Pour ce qui est de la Loi sur les jeunes contrevenants, je suppose que le message qu'entend le Comité au fil de ses déplacements dans le pays est celui-ci. Vous entendrez les victimes de crimes dans des groupes de citoyens et vous entendrez parler de la peur qu'on a à juste titre dans nos villes, où les jeunes qui commettent des délits ne sont pas connus des victimes.

Il se passe ici les mêmes choses que dans le reste du pays. Nous avons des jeunes de 12 à 16 ans qui passent de la drogue pour des trafiquants et font ce qu'on leur dit de faire. Parfois, nous avons des jeunes de moins de 12 ans qui le font. Nous avons eu un cas terrible où deux jeunes de 11 ans ont mis le feu à un jeune garçon. Des choses comme ça se produisent ici.

Et vous entendrez parler des craintes légitimes qu'on a à mesure que vous visiterez le pays. Je suis sûr que vous l'avez entendu dire par des groupes de citoyens et des groupes de victimes, et malheureusement, j'en suis sûr, de parents d'enfants qui ont été tués par d'autres jeunes. On vous demandera instamment de faire quelque chose à ce sujet.

Les inquiétudes des communautés d'ici sont les mêmes que celles des communautés du reste du pays. Je pense que toute localité, quand il est question des jeunes, souhaite deux choses: que la communauté soit à l'abri des crimes des jeunes délinquants, et que les enfants qui commettent ces délits changent de comportement.

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Enfin, l'essentiel de ce que j'ai à dire au comité a simplement trait à l'argent. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral finance l'administration de la justice avec la collaboration des provinces, et surtout en ce qui concerne les jeunes contrevenants, l'argent est transféré aux provinces et spécifiquement alloué pour les jeunes contrevenants.

Les Territoires du Nord-Ouest reçoivent aussi des fonds pour les jeunes contrevenants. Vous pourriez peut-être dire à vos collègues parlementaires d'assortir ces paiements de certaines conditions, si possible, afin qu'on puisse faire quelque chose pour empêcher les jeunes de récidiver.

La plupart des provinces ont, pour ainsi dire, englouti cet argent dans des prisons pour jeunes. Nous avons ici une belle raison de détention pour les jeunes, mais elle est coûteuse et absorbe la plus grande partie des paiements de transfert. Toute proportion gardée, elle ne sert que pour un petit nombre de jeunes en difficulté pour lesquels il n'y a plus d'autre solution, pensons-nous, que de les incarcérer. Et il en est ainsi parce que les solutions de rechange sont sans effet, et elles sont sans effet parce qu'il n'y a pas d'argent.

L'avantage que nous avons ici, c'est que dans ces 13 communautés nous savons qui sont les contrevenants. La GRC sait qui ils sont. Les membres de la communauté savent qui sont les jeunes qui commettent des délits. Nous connaissons leurs familles. Nous savons à quel point leurs familles sont perturbées.

Quand j'étais avocat dans le Sud, il m'arrivait souvent de constater que les forces policières visaient à punir des jeunes qui commettaient des délits, surtout des crimes violents, mais je ne constate pas cet état de choses ici. Ici, toutes les parties au processus juridique - la police, les procureurs de la défense, les juges - partagent une valeur commune, et c'est parce que nous connaissons le délinquant. Nous vivons ici. Nous avons la chance de vivre dans un système de valeurs presque monoculturel. Nous vivons ici dans un monde inuit, et les gens avec qui nous vivons et qui sont les victimes de jeunes délinquants connaissent les jeunes en question. Ils les connaissent.

J'ai eu la surprise de ma vie quand en travaillant dans un tribunal pour jeunes qui avaient commis des meurtres, j'ai pu m'entretenir avec les familles. Elles sont venues me voir, les familles de la victime, pour me dire qu'il fallait faire quelque chose pour aider l'accusé. C'est quelque chose que je n'aurais jamais pu voir dans le Sud. Quand je me présentais au tribunal à Toronto j'étais considéré comme le vilain et si j'avais à défendre un jeune qui en avait tué un autre, la famille de la jeune victime me regardait avec mépris. C'est une très grande différence qui existe entre nous et le Sud, et elle est importante parce que nous avons peut-être ici l'une des dernières chances de briser le cycle de la criminalité chez les jeunes.

La loi même est déjà très musclée. Ne nous laissons pas berner quand nous entendons dire que la Loi sur les contrevenants c'est de la rigolade et que les jeunes s'esclaffent quand ils sortent du tribunal et qu'ils se disent entre eux que ce n'est qu'un tribunal pour jeunes. Quand on voit la nervosité d'un jeune qui sort du tribunal en rigolant parce qu'il s'en est tiré, supposément, avec une période de probation, on ne devrait pas tout prendre au pied de la lettre.

La loi même offre beaucoup de moyens. Elle permet d'incarcérer un jeune délinquant pendant une période pouvant aller jusqu'à trois ans. Il faudrait probablement prolonger cette période jusqu'à quatre ans afin de viser tout le groupe des 12 à 16 ans. Si, à l'âge de 12 ans, ils commettent une infraction qui est suffisamment grave, et que le juge estime qu'il y a lieu de les incarcérer et d'assurer un service de counselling pendant l'incarcération et ce pour une période prolongée, il faut que cela s'applique à toute la période pendant laquelle on peut les considérer comme faisant partie de la catégorie des jeunes.

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Une disposition devrait aussi faire en sorte que la probation puisse se prolonger au-delà de l'âge de 16 ans. Je regrette, je veux plutôt dire 18 ans. Quand un jeune commet une infraction, s'il approche de la limite des 18 ans, la sanction devrait s'appliquer au-delà de cette limite. Je viens de dire 16 ans, cela trahit mon âge. En fait, autrefois, dans la loi, c'était 16 ans.

Ce qu'il nous faut c'est de l'argent, dans cette communauté et dans tout le pays, mais surtout dans cette communauté et sur cette île, pour embaucher des travailleurs à temps plein pour s'occuper des jeunes en probation et travailler individuellement avec eux. Le jeune peut rigoler quand il quitte le tribunal, mais s'il est confié à un délégué à la jeunesse compétent qui travaille à temps plein, il pourra être remis dans le droit chemin. Il s'agit de fournir des services de counselling et de travailler avec les jeunes avant même qu'ils ne commettent des délits. Cela tombe sous le sens, nous le savons tous. Mais ce n'est pas ce qu'on fait. Il y a loin de la théorie à la pratique.

Dans notre communauté, notre département des services sociaux est débordé et parvient à peine à s'occuper des paiements d'assistance sociale, des fonctions de service social et de la protection de la jeunesse. À la fin de leur description de tâches figure la mention «agent de probation pour les jeunes». Ils ne peuvent pas le faire. Ils n'ont pas la formation voulue et c'est leur dernière priorité. Ainsi quand le jeune est en période de probation, il se présente une fois par semaine et on lui dit, d'accord, on te revoit dans deux ou trois semaines. Comment vas-tu? Ça va. C'est à peu près tout ce qu'on a le temps de faire.

Il nous faut de l'argent pour embaucher des agents de probation proactifs qui travaillent à temps plein et qui peuvent donner du poids à une sentence de probation afin qu'en somme le jeune soit bien embêté et qu'il ait des comptes à rendre à cet agent de probation. Alors il cessera bien de rigoler. Au début, il sera contrarié. Mais un agent de probation à temps plein a le talent voulu pour remettre sur le droit chemin un jeune délinquant qui a commis un crime contre la propriété.

Cet agent de probation devrait disposer d'un budget lié à des groupes communautaires, par exemple, celui de Maliiganik Tukisiiniakvik, où nous avons un programme Jeunesse. Les jeunes nous sont confiés par les services de probation et la maison de détention. Nous les emmenons dans la nature et nous leur montrons un autre style de vie.

Certains de ces jeunes qui reniflent de la colle, qui commettent des entrées par effraction, qui battent des gens ou qui passent de la drogue, ne connaissent pas plus la nature que l'un ou l'autre d'entre vous. Ils ne connaissent de la nature que ce qu'ils en ont vu à partir de la colline. Ils n'ont jamais eu l'occasion de voir qu'on peut vivre autrement. Ils ont grandi, comme nous le savons tous, dans des familles dysfonctionnelles. C'est pour eux une occasion de voir qu'on peut vivre autrement.

Ici, chez nous, nous n'avons pas besoin de services de probation sophistiqués ultra-spécialisés. Nous avons besoin de gens qualifiés pour mener et coordonner. Mais il nous faut aussi donner aux jeunes une chance de voir une autre façon de vivre et les mettre à l'abri de toutes ces influences néfastes.

Outre notre maison de détention, nous avions un camp avant poste. Je sais que le taux de récidive des jeunes qui sont allés à ce camp était très faible. La plupart des jeunes qui récidivaient étaient des jeunes qui au départ n'avaient pas voulu y aller. Nous en connaissons trois ou quatre qui sont restés là-bas au camp et d'autres qui n'ont jamais récidivé.

Comment empêcher ces jeunes de commettre d'abord une première infraction? Encore là, parce que nous avons affaire ici à une seule culture, parce que les jeunes sont sensibles aux bonnes influences, tout comme aux mauvaises, comme dans le Sud du reste, nous devons libérer des fonds et poser des conditions aux paiements de transfert aux Territoires du Nord-Ouest.

Le camp que nous avions dans la nature a été fermé parce qu'il coûtait trop cher, mais c'était quand même de l'argent bien placé. Il n'y avait pas beaucoup de ce qu'on pourrait appeler des détenus, mais c'était un investissement qui en valait la peine.

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Pour faire échec à la criminalité chez les jeunes il faut offrir des services de counselling aux jeunes en probation, de sorte qu'à leur premier contact avec le système ils soient pris en charge par des gens qualifiés en mesure de les conseiller. Tant de jeunes récidivent simplement parce que la probation est une farce; si elle l'est cependant, ce n'est pas parce que la loi n'est pas bonne. La loi est plus musclée que le Code criminel lui-même. Elle propose déjà plus de solutions de rechange à l'incarcération que n'en offre le Code criminel.

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Prenons l'article 20 par exemple. Le juge peut ordonner à peu près n'importe quoi. Mais on se moque de la sentence imposée par le juge à l'école secondaire; on se moque aussi du tribunal pour la jeunesse, non pas à cause de la sentence imposée par le juge, mais parce que les ressources nécessaires en vue du counselling et du travail individuel avec les enfants font défaut, qu'il n'existe pas de camps avant-postes et que le transfert de l'argent destiné aux jeunes contrevenants se fait sans condition. On ne devrait pas nous imposer de construire un camp de ce genre ici même, mais on devrait plutôt nous demander de conclure des contrats avec les camps qui existent déjà pour y envoyer les jeunes.

Les gens de la maison de détention pour les jeunes d'ici me disent parfois que les sentences sont trop courtes et qu'elles ne leur permettent pas de faire du bon travail avec les enfants. J'ai ma petite idée là-dessus. Je crois qu'ils ont raison et nous tous, y compris les juges, pouvons faire des erreurs. Un juge ne devrait pas condamner un jeune à 6, 8 ou 14 mois de prison parce qu'il a tailladé un pneu.

Je dois tout de même admettre que les choses commencent à changer ici même, sur l'île. Il existe maintenant un comité de la justice pour les jeunes. Vous en rencontrerez les membres ici cet après-midi. Mais ce comité n'est pas surchargé de travail. Il commence à peine à recevoir des cas. Le coordonnateur de ce comité doit être bien formé. Il est vrai qu'on a de la difficulté à obtenir la collaboration des jeunes. Mais c'est parce que le comité n'a pas beaucoup de ressources et n'a pas beaucoup d'aide financière non plus. Il fonctionne à très peu de frais, mais offre beaucoup de potentiel.

Les collectivités et la GRC commencent même à envoyer des adultes aux groupes de justice communautaire de rechange et également aux groupes pour jeunes. Mais en toute justice pour la police montée, elle n'a pas toujours confiance en ces groupes pour la simple raison que ces groupes ne savent pas eux-mêmes ce qu'ils font. Mais s'ils ne savent pas ce qu'ils font, c'est parce que personne ne bat la campagne autour du poste de police pour envoyer aux policiers les cas, travailler avec les jeunes et envoyer ces derniers dans des camps. S'il était possible de conclure des contrats avec tous les camps avant-postes qui existent dans toutes les localités de cette île, nous pourrions leur envoyer des jeunes. Cela leur ferait le plus grand bien. La GRC collaborerait de plus d'une façon avec nous pour s'assurer que les sentences sont purgées.

Enfermer des jeunes ne donne rien, si l'on n'a pas déployé suffisamment d'efforts pour les empêcher de récidiver. Je suis moi-même victime d'un jeune d'Apex qui me tombe sur les nerfs car chaque fois qu'il est en liberté, il taillade les pneus de tous les véhicules. Ma femme et moi avons dû changer une vingtaine de pneus au cours des trois dernières années. Ce jeune ne sait pas quand s'arrêter. Ce qui se passe, c'est qu'on l'enferme pendant un certain temps, puis il revient ensuite à Apex et il faut alors que des gens le surveillent pour l'empêcher de récidiver. Cela ne servirait à rien de l'emprisonner; il faut simplement qu'il cesse d'agir ainsi. De fait, je suis sûr que si quelqu'un voulait bien l'emmener dans un camp pour travailler avec lui, ce gamin changerait de comportement. Je suis sûr que Josie le prendrait avec lui.

Je sais que, dans le Sud, on a proposé de poursuivre les parents lorsque leurs enfants font des méfaits, parce qu'il est temps de réagir fermement contre la criminalité chez les jeunes. Je suis d'accord. Empêchons les jeunes de commettre des méfaits et resserrons la vis de la bonne façon. Cessons de créer des tigres de papier en modifiant une loi inutilement. Or, poursuivre les parents de jeunes qui ont commis des méfaits semble une idée excellente sur papier, mais vous poursuivriez alors ceux qui sont les moins bien placés pour faire quoi que ce soit. Les parents vivent déjà dans des familles dysfonctionnelles, et leurs enfants ont passé leur jeunesse à voir leurs parents se saouler dans les bars jusqu'à deux heures du matin. Il serait inutile de les poursuivre parce que leurs enfants ont commis des délits; ils seraient de toute façon incapables de changer quoi que ce soit à la situation.

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Enfermer les enfants ne donne pas grand-chose. En effet, si vous emprisonnez un Blanc de la classe moyenne ou un Inuit qui possède beaucoup de biens, vous limitez leurs mouvements, leur capacité de voyager, ou de manger les aliments qu'ils préfèrent. Cela peut servir de dissuasif. Mais les jeunes dont nous parlons ne possèdent rien et les enfermer ne change rien à la situation. Ils n'ont rien à perdre. La solution, c'est d'intervenir tôt.

Pour ce qui est de l'âge, la loi s'applique actuellement aux jeunes de 12 à 18 ans. Mais que faites-vous des jeunes de moins de 11 ans? Que faire de ces deux enfants de 11 ans?

Pour la loi régissant les services sociaux, le jeune qui commet ce qui pourrait être considéré comme un délit... En fait, un jeune ne peut commettre de délit s'il a moins de 12 ans. Toutefois, si le jeune commet un crime alors qu'il n'a pas encore 12 ans, la loi stipule qu'il a besoin d'être protégé et qu'il peut donc être confié à un travailleur social.

Ce travailleur social a le droit de le maîtriser physiquement si le jeune est incontrôlable. Il peut l'emmener à un endroit désigné, non pas en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants mais en vertu de la Loi sur les services sociaux. Rien n'empêche la GRC de permettre au travailleur social de rester dans la cellule avec l'enfant de 11 ans si ce dernier ne se maîtrise pas. De plus, s'il est complètement hors de lui, les dispositions sur la santé mentale permettent de l'appréhender et de le détenir.

Il serait peut-être judicieux de donner aux services sociaux et à la GRC plus de latitude pour détenir les enfants de moins de 12 ans qui ont commis des actes très graves ou odieux, car cela donnerait confiance à la population.

La loi a déjà été modifiée à un point de vue important. Avant, si un enfant commettait un meurtre, il écopait de trois ans, pas plus. Il suffisait de l'enfermer pendant trois ans. J'ai toujours cru que si un enfant commettait un meurtre, il devrait savoir qu'il peut être traîné devant un tribunal pour adultes. La loi me semble déjà suffisamment musclée et permet de renvoyer certains cas au tribunal pour adultes. En effet, un enfant peut être poursuivi devant un tribunal pour adultes si la Couronne peut prouver que son cas en relève de façon légitime et si les traitements précédents n'ont rien donné. Toutefois, je sais par expérience que certains enfants sont renvoyés devant les tribunaux pour adultes pour la simple raison que leur casier judiciaire est très épais, alors que s'ils n'ont pas réagi au traitement précédent, c'est tout simplement parce que les services de probation ne valaient rien, qu'ils n'avaient pas été véritablement suivis ni par un conseiller ni par un agent de probation. Or, c'est la première chose à faire: il faut donner la chance au coureur, et si cela ne donne rien, alors tant pis pour lui.

J'ai connu le triste cas d'un jeune que je ne nommerai pas mais qui avait tué une femme, il y a de cela huit ou neuf ans. Le garçon avait été emprisonné pendant trois ans, après avoir plaidé coupable à l'accusation de meurtre au second degré. À sa sortie de prison, il s'est mis à travailler sur les camions-citernes. Il venait me voir à mon bureau, sans raison, car il ne faisait rien de mal. Mais il me disait que les gens le regardaient de façon bizarre. Nous avions donc pensé qu'il vaudrait peut-être mieux pour lui qu'il aille vivre ailleurs.

J'ai toujours cru que si les gens le regardaient bizarrement, c'est parce qu'ils avaient encore peur de lui. C'était vraiment inutile, mais ils avaient l'impression que le garçon n'avait pas été suffisamment puni. Je crois d'ailleurs que le jeune en était convaincu lui-même, que les gens croyaient que d'avoir été emprisonné pendant trois ans ne suffisait pas comme punition. Il ne me l'a jamais dit directement à moi... Mais savez-vous que lorsqu'il était en prison, il avait été suivi de très près par un conseiller, et qu'il n'avait plus rien fait de mal depuis sa sortie de prison.

Un an plus tard, le garçon s'est suicidé? C'est assez probant comme résultat, n'est-ce pas? Je suis convaincu que si ce jeune avait pu profiter du service de probation après sa relaxation... la loi ne le permettait même pas. Les jeunes qui ont été condamnés à trois ans de prison pour avoir commis un meurtre au second degré n'ont pas droit au service de probation. C'était idiot comme sentence. D'ailleurs, cela a donné mauvaise presse à la Loi sur les jeunes contrevenants et cela lui a retiré la confiance de la population.

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La Loi sur les jeunes contrevenants se fait actuellement sévèrement critiquer, mais c'est en fait une loi qui est très musclée. Le jeune dont je vous ai parlé n'avait pas droit au service de probation après sa libération, car la loi ne le permettait pas. La lecture de la loi m'oblige à constater qu'actuellement, la probation cesse dès que l'on passe à l'âge adulte. Or, elle devrait être maintenue même après.

Les amendements qui proposent d'étendre à dix ans l'emprisonnement pour les meurtres au premier degré et à sept ans l'emprisonnement pour les meurtres au second degré sont bons.

La loi devrait prolonger la période d'emprisonnement de trois ans à un maximum de six ans. Vous me voyez ici vous expliquer qu'il ne sert à rien d'enfermer les jeunes, et qu'il vaut mieux les faire suivre par des conseillers, mais en ce qui concerne les contrevenants... Mike Mosley, l'excellent directeur de notre centre, m'affirme qu'il faut beaucoup plus de temps pour aider la plupart des jeunes. Au centre, on a la possibilité de modifier la garde, ce qu'il est impossible de faire pour les adultes. La sentence maximale devrait donc être de six ans.

Le centre devrait pouvoir s'occuper des jeunes jusqu'à ce qu'ils deviennent adultes; et si on offre à ces jeunes des services extérieurs pendant qu'ils sont suivis de façon intensive par des conseillers, il faut que le centre laisse les jeunes sortir.

Certaines gens du centre me disent qu'il leur est parfois impossible de travailler avec certains jeunes, et je les comprends. Il s'agit de jeunes qui ont été envoyés au centre parce qu'ils ont commis des infractions contre la propriété, alors qu'ils auraient dû être envoyés dans des camps avant-postes. Or, comme le juge ne peut leur imposer des sentences trop longues, il les envoie au centre, pour des séjours beaucoup trop courts. Les gens du centre ne peuvent donc pas intervenir suffisamment. Pendant ce temps, ces jeunes qui ne devraient pas être en détention préventive se retrouvent parmi leurs pairs, s'opposent les uns aux autres pour voir qui deviendra le caïd du groupe.

Je suis convaincu que les amendements aux sentences pour les meurtres au premier et au second degré redoreront le blason de la loi et lui revaudront le respect de la population. Il faut que la loi ait du bon sens et soit équitable.

Le Canadien moyen a l'impression que la Loi sur les jeunes contrevenants est une véritable farce, mais je peux vous assurer qu'elle ne l'est pas pour moi. Elle est très musclée, mais essayer de la renforcer ne fera que créer un tigre de papier.

Je crois m'être bien fait comprendre en affirmant que la solution, ce n'est pas d'enfermer les jeunes, mais plutôt de leur offrir des services de counselling. Je crois qu'il serait bon de raffiner encore plus la loi en prolongeant leur séjour en détention et peut-être même en permettant aux services sociaux et à la police de détenir légalement les enfants de moins de 12 ans de façon temporaire jusqu'à ce qu'on leur trouve un foyer d'accueil.

Cela dit, la loi est très musclée, mais pas nécessairement au bon endroit: il faudrait transférer les fonds nécessaires au service de probation des jeunes pour qu'il soit possible de former des agents de probation énergiques et qui travaillent à temps plein auprès des jeunes, de concert avec les groupes de justice communautaires, et de façon que ce soit ces agents de probation qui renvoient les cas aux groupes communautaires pour que ceux-ci s'occupent individuellement des jeunes qui ont des démêlés avec la justice.

Je bouclerai la boucle. Nous connaissons nos contrevenants; ce sont les nôtres, et ils ne sont pas comme ceux de Calgary ou de Toronto.

Mon père vit à Toronto, et lorsque j'étais jeune, nous avions l'habitude de dormir sur la véranda. Aujourd'hui, nous ne le ferions plus et nous nous enfermerions dans la maison. Ici, nous nous enfermons chez nous, mais pour d'autres raisons. Même les Inuit s'enferment aujourd'hui chez eux, car personne ne veut se faire embêter par des ivrognes.

Nous connaissons ces jeunes. Nous connaissons leurs familles. Nous savons que si l'on consacre des ressources à la probation, la réconciliation peut réussir. Des agents de probation pourraient aller parler aux victimes, mettre en présence les jeunes et leurs victimes, et ils finiraient par s'entendre. La plupart des victimes connaissent les jeunes, et c'est là une différence importante.

Les groupes de population sont très petits et nous connaissons les délinquants; c'est donc l'un des rares endroits où on pourrait faire baisser la criminalité juvénile en orientant les efforts et les ressources financières dans cette direction.

De fait, la criminalité juvénile a déjà baissé.

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Le Québec est l'une des provinces qui a prélevé des fonds non pas dans le Nord mais dans le Sud pour les consacrer au counselling. Les ressources ne sont pas toutes consacrées aux prisons. À mon avis, on devrait constater une différence importante dans les statistiques sur la criminalité dans le sud du Québec.

J'ai dépassé le temps qui m'était alloué. Je suis accompagné par Josie Papatsie et par Francis Piugattuk. Je sais que les jeunes qui tournent mal ne m'écoutent pas beaucoup, mais ils vont écouter des gens comme Francis et Josie.

Josie me parlait l'autre jour de son expérience auprès de jeunes qu'il amène à l'extérieur des communautés. Censément, ce sont de mauvais sujets, mais ils se rendent très utiles une fois qu'ils sont en pleine nature. Comme nous les connaissons, nous savons qu'ils ont du potentiel.

Je m'en remets à vos indications, madame la présidente; dites-moi si je dois céder le micro ou si vous et vos collègues souhaitez me poser des questions.

La présidente: Si M. Papatsie a quelque chose à ajouter, nous aimerions l'écouter.

M. Papatsie: [Le témoin s'exprime en inuktitut]

La présidente: Merci, monsieur Papatsie.

Il nous reste peu de temps pour les questions. Monsieur Ramsay, vous avez cinq minutes.

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M. Ramsay (Crowfoot): Je vous remercie d'être venus nous rencontrer. Il est dommage que nous ayons si peu de temps pour vous poser des questions et pour nous renseigner en profitant de votre expérience, de votre compréhension et de votre sagesse.

J'ai l'impression, monsieur, que vous êtes exaspéré par le système. Vous dites que la loi est bonne, mais que tout le monde s'en moque puisqu'il n'y a pas assez de ressources pour exercer les pouvoirs prévus à l'article 20.

Quelqu'un m'a dit un jour que l'Union soviétique avait une des constitutions les plus démocratiques du monde, mais qu'elle n'était pas appliquée. C'est comme si on donnait un fusil à quelqu'un en l'invitant à aller à la chasse sans lui donner de munitions. Voilà ce dont je voulais vous faire part.

Je n'ai que cinq minutes, et j'ai bien des questions à vous poser.

La première qui me soit venue à l'esprit pendant votre exposé est la suivante: est-ce que les différences culturelles offrent des possibilités qui n'existent pas dans les localités du Sud? Vous avez parlé des différences culturelles. Est-ce qu'elles offrent des possibilités qui ne sont pas reconnues dans la loi et qui ne seraient pas exploitées? Est-ce que vous pourriez nous en parler d'ici la fin de mes cinq minutes?

M. Sharkey: En un mot, oui. Mais cela ne concerne pas directement la loi. Il est présomptueux de ma part de parler de la culture inuit, car plus je la côtoie et plus je constate mon ignorance. Mais en résumé, je vous réponds par l'affirmative, car la majorité de la population ne forme qu'une seule culture. À l'intérieur de cette culture, les Inuit et les non-Inuit connaissent les délinquants, connaissent leurs familles et savent que le délinquant va mieux réagir à la probation si c'est sa première infraction, s'il est très jeune et s'il s'est retrouvé en contact avec le milieu de la drogue, par exemple.

Il ne réagira peut-être pas aussi bien à un qallunaaq ou à un agent de probation non Inuit. Peut-être va-t-il sortir du tribunal en se moquant de la sentence imposée par le juge, mais celle-ci vise à l'empêcher de fréquenter le milieu de la drogue.

L'agent de probation le sait. La situation serait différente si l'agent de probation avait le temps et les ressources nécessaires pour effectuer un renvoi et obliger le jeune à passer un certain temps dans un camp ou auprès de certains Inuit qui pourraient avoir une influence positive sur lui, en particulier lorsque l'agent de probation a consulté la famille du jeune et que son père lui a dit: «Je n'ai aucune influence sur ce garçon; il faudrait l'envoyer au camp pendant un mois avec Gisa».

Comme les deux sont de la même culture - évidemment, il y a entre les Inuit un niveau de compréhension auquel je n'ai pas accès... comme ils partagent des valeurs culturelles communes et comme le jeune est placé sous la surveillance de quelqu'un qu'il connaît et non pas d'un étranger appartenant à une culture différente... La personne qui l'accompagne au camp sous la surveillance de l'agent de probation connaît la famille du jeune et sait à quels problèmes il a été confronté. C'est un peu comme ces programmes très efficaces de désintoxication évoqués dans certains films, où le conseiller est très habile et peut véritablement aller au fond des choses.

Les représentants de la GRC reconnaîtront avec moi que ce jeune aura de meilleures chances de réagir positivement s'il est éloigné de son environnement habituel, confié à des gens de même culture que lui et si on lui propose un style de vie entièrement nouveau.

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En bref, je vous réponds oui. Comme la culture est la même, l'opération a de meilleures chances de succès; et comme nous formons un petit bassin de population, nous nous connaissons tous.

À Rankin Inlet - et je suis certain que M. Anawak sera d'accord avec moi - un jeune contrevenant qui renifle des produits toxiques a besoin d'aide s'il veut arrêter. Mais si on l'envoie pendant un certain temps dans un camp avant-poste pour se mettre au vert, il aura une meilleure chance de ne pas rechuter parce qu'il aura d'autres fréquentations et qu'il mènera une vie différente. Il n'en va pas de même à Toronto ou à Vancouver, où le jeune reste en contact plus étroit avec la criminalité. Lorsqu'il revient en ville, il va inévitablement se retrouver en contact avec le milieu de la drogue. Il va retrouver les mêmes influences et les mêmes fréquentations mais au camp avant-poste, le jeune délinquant vit quelque chose de différent et il a moins de mal à sortir du cercle vicieux.

Dans les grandes villes, lorsqu'il revient dans sa communauté après avoir été incarcéré... Par exemple, l'agent de probation de Saskatoon, où j'ai travaillé, peut obliger un jeune à vivre en milieu familial à l'autre bout de la ville; c'est un peu comme un placement effectué par un service social; il s'éloigne donc de ses anciens amis et fréquente une nouvelle école. Cela atténue le risque de récidive mais c'est moins efficace que lorsque le jeune reste parmi les siens et fait lui-même l'effort nécessaire pour s'amender. Nous savons que le camp avant-poste a donné de bons résultats, mais il a été fermé.

Voilà ma réponse, même si elle est un peu longue.

La présidente: Monsieur Gallaway, vous partagez votre temps de parole avec M. Anawak.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Je voudrais vous poser une courte question concernant les camps avant-postes car, comme vous le savez, certains Canadiens réclament la création de camps de type militaire pour les jeunes contrevenants. Je suppose qu'un camp avant-poste donne davantage une impression de vacances. C'est un endroit où on réinculque les valeurs de la société. Est-ce que vous pourriez nous parler de la différence entre un camp avant-poste et un camp de type militaire?

M. Sharkey: Dans un camp avant-poste, les jeunes - le plus souvent ce sont des garçons - ont l'occasion d'adopter un style de vie différent, qu'ils ne connaissent le plus souvent que parce que leur grand-père leur en a parlé, même s'ils ont tendance à ne guère lui prêter d'attention. C'est un style de vie qu'ils n'ont jamais connu, ils n'ont jamais vécu en pleine nature, à cause de l'alcoolisme de leurs parents. Ils ont donc l'occasion d'observer quelque chose de nouveau.

Je ne suis allé que cinq ou six fois dans des camps avant-postes au cours des dix années que j'ai passées ici, mais j'ai toujours été étonné de ce que j'y ai vu. On peut y observer tout un processus d'apprentissage qui fait très peu appel à la parole. Josie Papatsie a pris des jeunes en charge il y a quelques semaines, et il nous disait que ces jeunes étaient toujours prêts à se rendre utiles, que ce soit sur le bateau ou ailleurs. Ils ont fait beaucoup de choses.

Un camp de style militaire - et encore une fois, cela ne nécessiterait aucune modification de la loi - est sans doute une bonne idée pour le Sud, en particulier pour les jeunes qui en acceptent le principe. Dans un centre correctionnel dans le Sud, on peut trouver des jeunes de 15 ou 16 ans qui sont placés là parce qu'ils ont volé des voitures ou qu'ils ont fréquenté le milieu des voitures volées, qu'ils se sont livrés à différents trafics, etc.; souvent, leurs parents eux-mêmes s'adonnent à la petite délinquance; ils veulent donc quelque chose de différent. Tout le monde est d'accord là-dessus. Pour leur donner cette possibilité, cette structure artificielle... Le jeune est en prison, mais on lui donne un uniforme. On lui donne l'occasion de prouver qu'il est quelqu'un. C'est un défi de type militaire. À mon avis, c'est sans doute une bonne idée.

Les résultats ne seront peut-être pas aussi bons si on transforme tout un établissement carcéral et l'ensemble des détenus en un camp de type militaire. Si le camp est réservé aux volontaires, vous verrez qu'un grand nombre de jeunes voudront y aller. Ceux-là auront une chance d'éviter la récidive. Mais en Ontario, certains proposent de transformer tous les établissements correctionnels en camps de type militaire, et à mon sens, c'est sans doute une erreur. Mais ces camps sont tout à fait différents des camps avant-postes.

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Je peux vous parler d'une mesure très positive prise en Ontario, à savoir la suppression de la télévision par câble. Il y a environ quatre ans, je suis allé dans un centre correctionnel pour adultes. Je n'y vais pas très souvent. Je m'y suis trouvé pendant l'heure du déjeuner pour faire quelques entrevues dans un centre de détention provisoire. En détention provisoire, il n'y a aucun programme. J'ai quitté l'endroit où je me trouvais pour m'approcher du détenu suivant. J'étais enfermé avec lui dans une petite pièce. Savez-vous ce que les détenus regardaient à la télévision? C'était une scène où une jeune femme se faisait poignarder et violer; voilà ce que diffusait la télévision par câble.

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L'insensibilité est une chose affreuse. À cause de la télévision par câble, nous avons eu sur cette île un premier cas de crime par imitation. Je ne sais pas si votre comité a les pouvoirs nécessaires pour supprimer la télévision par câble aux détenus.

La présidente: [Inaudible - La rédaction]...pour objectif personnel de supprimer la télévision par câble.

Monsieur Anawak.

M. Anawak (Nunatsiaq): [Le député s'exprime en langue autochtone]

La présidente: Merci.

Je vous remercie d'avoir pris le temps de nous rencontrer et de nous accorder une aide précieuse.

Nous allons lever la séance, le temps que les témoins suivants s'installent.

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La présidente: Nous accueillons maintenant Dorothy Kunuk et Kevin Mason, du Centre de traitement des toxicomanies, ministère de la Santé et des Services sociaux.

Soyez les bienvenus. Avez-vous un exposé à nous présenter? Allez-y, Kevin.

M. Kevin Mason (Centre de traitement régional de l'île de Baffin, ministère de la Santé et des Services sociaux, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest): Bonjour; je vous remercie de nous donner l'occasion d'intervenir ce matin.

La présidente: Merci de vous être déplacés.

M. Mason: Le comité m'a invité à vous donner quelques renseignements sur les renvois de toxicomanes dans l'île de Baffin et sur les ressources dont nous disposons. Je travaille au ministère de la Santé et des Services sociaux au bureau régional d'Iqaluit. Je suis responsable des projets concernant l'alcoolisme et la toxicomanie. Nous en avons dix dans les communautés de l'île de Baffin.

Les responsables des projets communautaires vont rencontrer des clients éventuels et décideront, après m'avoir consulté, qui est un bon candidat pour un programme de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie. À l'heure actuelle, il n'existe pas d'établissement de culture et de langue inuktitut vers lequel nous pourrions diriger les jeunes de l'île de Baffin. Le seul endroit où nous pouvons envoyer des jeunes qui ont besoin de traitement parce qu'ils consomment des solvants, des drogues ou de l'alcool serait le Northern Addiction Services de Yellowknife. On y offre un très bon programme, mais encore une fois, en anglais seulement et ce n'est pas un milieu culturel adéquat pour des jeunes Inuk de l'île de Baffin.

Il nous arrive à l'occasion de diriger des jeunes vers le Sud, mais les aiguillages vers le sud sont rares. Nous essayons d'utiliser les lits disponibles dans les centres de traitement nordiques le plus souvent possible. Nous avons la chance de disposer d'un centre de traitement à Apex, mais à l'heure actuelle, il ne comporte pas de volet pour les jeunes. Dorothy vous parlera de projets qu'on envisage à cet égard.

Il est coûteux d'envoyer un jeune de l'île de Baffin dans un centre de traitement de Yellowknife ou du Sud. Dans mon mémoire, je précise qu'il peut en coûter jusqu'à 2 700 $ pour envoyer un jeune de Pond Inlet se faire traiter à Yellowknife. Ce serait beaucoup moins coûteux d'avoir un établissement ici à Iqaluit. Ce serait en outre un aiguillage plus approprié. Mais si le jeune est dirigé vers un centre de traitement de l'île de Baffin, il en coûte deux fois moins cher. Encore une fois, nous souhaiterions que le traitement puisse être disponible en inuktitut et dans un environnement culturel plus propice à un traitement optimal des jeunes de Baffin.

C'est tout ce que j'avais à dire et je suis disposé à répondre aux questions. Dorothy vous parlera maintenant des services disponibles à Iqaluit.

La présidente: Merci.

Mme Dorothy Kunuk (directrice administrative, Centre de traitement régional de Baffin, ministère de la Santé et des Services sociaux, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest): Bonjour, je m'appelle Dorothy Kunuk et je suis directrice administrative de Inuusiqsiurbik, le Centre de traitement régional de l'alcoolisme et de la toxicomanie de Baffin, ici à Iqaluit.

Inuusiqsiurbik est une société constituée en vertu du Societies Act du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et financée par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Cet établissement offre aux alcooliques et aux toxicomanes un traitement de six semaines mené dans un contexte culturel approprié à l'Arctique de l'Est.

À compter du 2 octobre, le centre de traitement ouvrira officiellement ses portes à titre de Centre de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Le centre n'a que deux ans d'existence. D'ailleurs, on vient d'y apporter des améliorations relatives au personnel de programme. Nous sommes heureux d'offrir un traitement à quiconque vit dans la région est de l'Arctique ainsi qu'aux résidents d'Ottawa, de Montréal ou de toute autre ville du Sud qui sont Inuk et admissibles à un programme de traitement.

Nous comptons ultérieurement offrir d'autres programmes, dont un programme de traitement à l'intention des jeunes. Nous souhaiterions offrir surtout un traitement aux jeunes consommateurs de solvants, d'alcool et de drogues car ce genre de ressources n'est pas disponible pour l'instant sur l'île de Baffin. Kevin a d'ailleurs mentionné tout à l'heure les coûts énormes liés au fait d'envoyer un jeune de Pond Inlet, par exemple, se faire traiter à Yellowknife.

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Le centre de traitement envisage également d'offrir d'autres services aux adultes, notamment aux victimes d'agressions sexuelles. On envisage d'autres programmes également, selon les besoins qui se feront sentir dans le Nord.

Nous faisons des efforts constants pour perfectionner le personnel au plan éducatif. Nos employés peuvent être formés à l'Arctic College ainsi qu'ailleurs, à l'extérieur de la collectivité. D'ailleurs, l'Arctic College offre un programme de travail social ainsi qu'un certificat de spécialistes de l'alcoolisme et de toxicomanie que peuvent suivre nos employés.

Voilà donc tous les renseignements que je peux vous fournir au sujet Inuusiqsiurbik. Tous les programmes ne sont pas encore au point étant donné que ce centre a ouvert ses portes il n'y a pas tellement longtemps. C'est un centre de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie qui compte 14 lits.

Merci.

La présidente: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Merci beaucoup, Dorothy, monsieur Mason. Avez-vous l'autorité et les ressources voulues pour collaborer avec les parents des jeunes qui ont besoin de votre aide? Avez-vous l'autorité voulue pour exiger leur contribution? Deuxièmement, avez-vous les ressources pour le faire?

M. Mason: Peut-être pourrais-je répondre à cette question. Dans la collectivité, les spécialistes du traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie travaillent en étroite collaboration avec le travailleur social. C'est donc cette personne, chargée du dossier du jeune, qui a l'autorité voulue pour communiquer avec les parents et les intégrer au plan de traitement. C'est ainsi que les choses se passent normalement. Quant à l'employé du centre de traitement, son autorité lui vient en grande partie du travailleur social.

Mme Kunuk: À l'heure actuelle, notre centre emploie des employés qualifiés qui sont titulaires d'un certificat en traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie. À long terme, nous voudrions ajouter à notre effectif des conseillers familiaux pour doter le centre de programmes à l'intention des familles.

Dans le Sud, quiconque fréquente un centre de traitement peut bénéficier de ce qu'on appelle un programme familial dans les cinq jours. Ce service n'est pas disponible pour le moment au Inuusiqsiurbik, mais nous envisageons de l'offrir.

M. Ramsay: Peut-être que ce n'est pas à vous que je devrais poser cette question, mais j'ai toujours trouvé stupéfiant que dans des régions isolées comme celle-ci on ne puisse éliminer le trafic de la drogue. La drogue ne peut provenir que de sources limitées, mais, il semble que malgré tout les autorités soient incapables d'en freiner ou d'en stopper le flot. J'imagine que la drogue ne peut arriver que par avion ou peut-être, à l'occasion, par bateau.

Que pensez-vous de cela? Si nous pouvions empêcher l'afflux de drogue, votre travail en serait énormément facilité, sans compter qu'en l'absence de consommation de drogue, la qualité de vie s'améliorerait beaucoup ici. Avez-vous des observations que vous voudriez communiquer au comité?

Mme Kunuk: Je ne pense pas qu'on puisse vraiment faire quoi que ce soit pour empêcher l'infiltration de la drogue dans la communauté. À mon sens, le rôle du centre de traitement est d'informer les gens des effets de la consommation d'alcool et de drogue sur leur système. Nous souhaitons sensibiliser davantage la population, et particulièrement les Inuit. Même si on limitait l'accès de la drogue et si l'on consacrait toutes les ressources disponibles de la communauté à stopper l'entrée d'alcool et de drogue ici, on trouverait toujours un moyen d'en faire entrer.

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M. Ramsay: Vous estimez qu'il convient d'affecter ailleurs toutes les ressources que l'on pourrait consacrer à freiner l'afflux de drogue dans cette région en raison de la difficulté de la tâche. Considérez-vous que c'est une tâche impossible?

Mme Kunuk: Si l'on tient compte des options existantes, je pense que c'est une possibilité, mais à mon sens, c'est aux autorités gouvernementales ou à d'autres intervenants que ceux de soutien qu'il appartient de trouver des idées ou des solutions au problème. Individuellement, en tant que membre d'une profession de soutien et collectivement, en tant que centre, il y a une limite à ce que nous pouvons faire pour aider les personnes en détresse.

M. Ramsay: Monsieur Mason, avez-vous réfléchi au problème?

M. Mason: Oui, j'aimerais intervenir. Avant de vivre à Iqaluit, j'ai eu la chance de vivre dans d'autres communautés de l'île de Baffin pendant un certain nombre d'années, à titre de travailleur social. Dans le cadre de mon travail auprès des collectivités, ce problème a toujours été une source de frustration.

En oeuvrant avec des groupes communautaires de l'île de Baffin, on a essayé d'imputer la plus grande responsabilité possible du phénomène à la collectivité. En fait, cette dernière dispose d'énormément de renseignements, de ressources et c'est précisément ce qu'il en est. À notre avis, si la communauté souhaite se guérir elle-même et se libérer de l'emprise de la drogue, elle doit collaborer avec la GRC et avec les services sociaux comme un tout. Elle ne peut faire comme s'il s'agissait d'un problème qui intéresse uniquement la GRC, le travailleur social ou l'infirmière. C'est toute la collectivité qui doit se prendre en main. Dans certaines communautés de l'île de Baffin, on note un mouvement en ce sens. C'est uniquement de cette façon qu'on réussira à s'en sortir. Selon moi, le fait d'injecter davantage d'argent ou de ressources territoriales dans... J'estime que les ressources existent déjà et que les communautés doivent collectivement s'entraider pour assurer leur mieux-être et tourner cette triste page.

Bien souvent, les gens ont peur de parler. Ils ne veulent pas dire ce qui se passe, mais ils savent pertinemment ce qui se passe. Ils savent qui est responsable du trafic et ils ont la capacité intrinsèque d'y mettre un terme. Mais tant que la collectivité ne fera pas front commun, le problème demeurera.

M. Ramsay: Si j'ai bien compris, ce n'est pas que les résidents des communautés soient indifférents. C'est simplement qu'ils doivent fournir un effort concerté pour stopper ce genre de trafic chez eux. Vous ai-je bien suivi?

M. Mason: Oui. J'ai formé cette opinion d'après mon expérience. Et les particuliers doivent comprendre qu'ils ne sont pas seuls face au problème, et que si la collectivité dans son ensemble favorisait ce genre d'action, ils se sentiraient plus libres de parler et de contribuer à résoudre le problème.

M. Ramsay: Autrement dit, pour supprimer le trafic et la consommation de drogues, il faudrait pouvoir compter à tout le moins sur la collaboration d'intervenants clés de la communauté.

M. Mason: Oui. Je l'ai d'ailleurs constaté dans mon travail sur le terrain auprès des jeunes assistés sociaux, des jeunes contrevenants. Lorsque la collectivité se mobilise comme un bloc, cela donne de fort bons résultats. Par contre, si on laisse le problème aux soins de deux agents de la GRC dans une grande collectivité ou d'un ou deux travailleurs sociaux, rien ne va changer. Si la communauté se mobilise et affirme qu'elle ne tolérera plus la situation, si elle comprend que sa contribution est nécessaire pour résoudre le problème et qu'elle collabore avec les spécialistes, je pense qu'il en sortira beaucoup de bien.

M. Ramsay: Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à vous aussi.

La présidente: Merci.

Monsieur Maloney, avez-vous des questions?

M. Maloney (Erie): Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Votre centre de traitement compte 14 lits. Sont-ils à l'heure actuelle réservés strictement à des adultes? C'est à l'avenir que vous espérez aborder le traitement des jeunes?

Mme Kunuk: Oui.

M. Maloney: Qu'en est-il des recommandations? Comment obtenez-vous de nouveaux résidents, vos clients, vos patients?

Mme Kunuk: Ce sont les conseillers spécialisés en alcoolisme et toxicomanie qui nous réfèrent des clients. Certains nous viennent d'autres endroits également. C'est Kevin qui s'occupe de ces recommandations. C'est lui qui donne le feu vert pour l'admission des clients dans notre centre. Mais il est aussi possible que les personnes intéressées à venir au centre communiquent directement avec nous. À ce moment-là, nous faisons une évaluation téléphonique, mais toutes les recommandations doivent passer par le bureau régional.

M. Maloney: Et il s'agit de programmes de six semaines.

Mme Kunuk: Oui.

M. Maloney: Dans quelle mesure votre programme est-il une réussite? Quel est votre taux de récidive, votre taux d'échec?

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Mme Kunuk: Le centre existe depuis deux ans seulement. Nous faisons surtout une oeuvre d'éducation en diffusant de l'information dans la population. À ce stade-ci, le centre offre uniquement un traitement pour l'alcoolisme pour une durée de six semaines. Cela ne s'accompagne d'aucun programme familial. Nous diffusons donc énormément d'informations aux gens pour les sensibiliser à notre existence et leur faire connaître nos objectifs futurs. Il y a énormément de choses en train parce que le centre est relativement récent.

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M. Maloney: Vous n'offrez pas un traitement familial qui permettrait à la mère, au père et à l'enfant de venir ensemble au centre pour régler un problème de consommation abusive d'intoxicants?

Mme Kunuk: Pas encore. Il n'y a pas de nouveau centre de traitement ici sur l'île de Baffin. C'est l'une des choses que nous envisageons. L'année prochaine, peut-être cet été, nous prévoyons lancer un programme familial où le conjoint ou la conjointe pourra venir suivre un traitement pendant cinq jours environ selon la gravité du cas. Nous ferons donc plus de place à la participation du conjoint. Ensuite, nous espérons lancer un programme à l'intention des jeunes. À long terme, nous voulons aussi pouvoir compter sur l'aide d'anciens consommateurs d'alcool et de drogue réformés.

M. Maloney: En guise de mesure intérimaire, l'école fait-elle quelque chose pour contrer la consommation abusive d'alcool? Offre-t-elle du counselling de quelque nature que ce soit? Est-ce un sujet qu'on aborde dans les écoles, dans les établissements d'enseignement?

Mme Kunuk: Chaque école a son conseiller scolaire communautaire. Nous faisons appel à ces personnes au premier chef, et je suis sûre qu'elles donnent énormément d'informations aux étudiants sur le sujet.

Nous lançons des invitations à la population et nous avons rencontré les responsables de divers organismes. Nous avons invité des médecins à visiter le centre lorsqu'il n'y avait pas de clients et, récemment, le centre a bénéficié d'une bonne publicité.

M. Maloney: Je n'ai pas d'autres questions, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Anawak, avez-vous des questions?

M. Anawak: Je suis désolé d'avoir manqué une partie de l'exposé.

Étant donné que le centre fait ce qu'il peut, y a-t-il une liste d'attente? Serait-il nécessaire de l'agrandir? Personnellement, je le pense puisque le centre dessert la région est de l'Arctique. Pour nous, cela représente beaucoup de monde, même si en comparaison du Sud, ce n'est pas beaucoup. Y a-t-il une liste d'attente de personnes qui souhaitent participer au programme, non seulement d'Iqaluit mais aussi de l'est de l'Arctique?

Mme Kunuk: Comme le centre est nouveau, nous n'avons pas de liste d'attente pour le moment, mais nous prévoyons en avoir une d'ici peu. Tout dépendra des services et des programmes qui seront disponibles.

M. Gallaway: Plus tôt en matinée, un témoin nous a expliqué à quel point la consommation d'intoxicants était répandue. De l'avis de ce témoin, de multiples raisons expliquent ce phénomène. Il y a, entre autres, le chômage, l'oisiveté, le manque d'installations récréatives. Dans bien des cas, cela peut aussi être relié à ce que l'on appelle le syndrome du stress post-traumatique. Nous vivons dans un environnement hostile, et parfois les gens ont eu d'énormes problèmes dans leur vie. Maintenant, ils essaient d'oublier le passé ou quelque événement pénible en buvant à l'excès.

Je me demande ce que vous pouvez faire en six semaines avec quelqu'un qui boit et se drogue pour des raisons très profondes? Pouvez-vous en fait régler son problème d'intoxication en six semaines?

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M. Mason: Au centre de traitement d'Iqaluit, comme dans tout autre centre de traitement accompagné de projets communautaires - je suis responsable de ces projets dans lesquels je travaille surtout avec des travailleurs qui luttent contre l'alcoolisme et la toxicomanie dans la communauté - le volet pré-traitement de tout programme est crucial. En fait, il faut souvent travailler avec un client pendant un certain nombre de sessions ou un certain nombre de mois avant de pouvoir déterminer s'il est prêt à entreprendre un traitement. L'erreur qu'on a commise pendant longtemps a été de croire qu'un centre de traitement était comme une station-service: on arrive à un bout et, après six semaines, on ressort à l'autre bout complètement guéri.

Ce n'est pas ainsi que cela fonctionne. Je pense malheureusement que c'est ce que pensent beaucoup de gens. Ils ne font aucun effort préalable et ils croient qu'en venant ici six semaines, ils seront guéris, ils rentreront chez eux et vivront heureux jusqu'à la fin des temps.

Nous essayons de faire comprendre aux chargés de projet et aux travailleurs communautaires qui luttent contre la consommation excessive d'alcool et de drogue que le travail de pré-traitement est un gage du succès qu'aura le centre de traitement au cours de ces six semaines. De même, une fois que le client a réintégré la collectivité, le post-traitement, le suivi, qu'il s'agisse d'une adhésion aux AA, ou quoi que ce soit d'autre, revêtent une importance vitale pendant un certain nombre de mois ou même d'années si l'on veut que la personne reste sobre. Tous ces éléments constituent un tout.

Quelle que soit la qualité du centre de traitement, dans un programme de six semaines, tous les composants sont importants pour assurer un résultat positif pour le patient. À l'heure actuelle, nous avons du mal à assurer le pré-traitement et le post-traitement. Dorothy et son équipe essaient de faire de leur mieux en six semaines, mais nous avons énormément de travail à faire à l'entrée et à la sortie. J'espère que cette réponse vous satisfait.

M. Gallaway: Oui.

M. Ramsay: Je voudrais revenir à la question de M. Maloney au sujet de la sensibilisation dans les écoles.

Lorsque mon fils unique était en sixième année, il a eu un professeur qui mettait les enfants en garde contre les dangers liés à la consommation de cigarettes, d'alcool et de drogue. Il avait l'habitude d'apporter des photos d'un poumon sain et d'un autre qui l'était beaucoup moins - si jamais je peux mettre la main sur ces photos, je vais les donner à Roger Gallaway. Mon fils m'a dit qu'il avait été fortement impressionné par cette expérience. C'est ainsi qu'il a été mis au courant de tous ces dangers. Au moins, il y était sensible. Qu'il se mette à fumer plus tard, ça c'est une autre paire de manches, mais le fait est qu'il a été sensibilisé à ces dangers, ainsi que ses compagnons de classe.

Recommanderiez-vous que ce genre d'information fasse partie du système d'éducation?

M. Mason: Certainement. Les projets communautaires de réhabilitation des alcooliques et des drogués dont je parle constamment sont financés grâce à une entente avec le ministère de la Santé et des Services sociaux. Les projets issus de la communauté qu'on me soumet énoncent ce qu'on entend faire au cours de la prochaine année financière pour justifier que je les finance. Ils comportent en grande partie un volet éducatif, qu'il s'agisse de travail auprès des écoles ou de rencontres pour sensibiliser la collectivité. Une participation à la Semaine nationale de sensibilisation aux toxicomanies est aussi prévue, etc.

Beaucoup d'efforts sont déployés au niveau communautaire - dans les écoles, les voisinages - pour que les résidents puissent aussi bénéficier des retombées du programme éducatif. Mais dans 10 des 14 collectivités de l'île de Baffin et dans la plupart des collectivités des Territoires du Nord-Ouest, ce sont des projets financés par Santé et Services sociaux. L'entente financière prévoit un volet éducatif auprès des écoles et dans la communauté.

Bon nombre des jeunes avec lesquels nous entrons en contact ont eu des démêlés avec la Loi sur les jeunes contrevenants. Souvent, ils ont commis des crimes sous l'influence de l'alcool ou de la drogue. Par conséquent, ce volet éducatif est très important. Les écoles le reconnaissent et tentent d'intervenir, mais les centres de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie avec lesquels je collabore font aussi de leur mieux pour régler le problème.

M. Ramsay: J'aimerais poser une autre question.

Le professeur de sixième année de mon fils a simplement pris lui-même l'initiative de mettre en garde les enfants contre les effets de la consommation d'intoxicants, mais cela ne fait pas partie du programme d'éducation. En réponse à une question que j'ai posée tout à l'heure sur la façon d'éliminer la drogue dans la communauté, vous m'avez répondu qu'il fallait que toute la communauté mette l'épaule à la roue.

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La plupart des parents élèvent très bien leurs enfants. Dois-je comprendre que le problème dont nous discutons est un problème relativement mineur? Est-ce un problème sérieux mais relativement mineur par rapport à l'ensemble de la population? Est-ce que ce à quoi l'on fait face, c'est à un manque d'intérêt de la part de la majorité qui ne considère pas cela comme un problème puisqu'elle n'est pas touchée directement? En tant que citoyen, il peut m'arriver une fois par année de trouver mes pneus de voiture tailladés. Bien sûr, sur le coup, je suis indigné, mais ensuite, je passe à autre chose.

Pensez-vous que le problème, c'est qu'on n'en parle pas assez dans les écoles? Pensez-vous que de confier le soin aux enseignants de parler dans les écoles des dangers de la toxicomanie serait de l'excellente prévention? C'est ce qu'on nous a dit hier, je crois. Que ce soit les enseignants qui sont considérés comme des amis des élèves qui leur en parlent? Pensez-vous que le système éducatif devrait s'en charger? Les enseignants devraient-ils être formés et avoir l'obligation de s'en charger afin qu'au moins les enfants soient avertis et qu'ils atteignent leurs années d'adolescence armés de ces connaissances?

M. Mason: Je suis certainement d'accord avec vous. Je ne suis pas très bien placé pour me prononcer. Ma fille aînée est en maternelle cette année. Je croyais que l'école faisait plus à ce sujet. Je sais que mes collaborateurs qui s'occupent des problèmes d'alcool et de drogue font ce travail dans la communauté. Mais je croyais qu'à l'école ils faisaient aussi quelque chose. Si tel n'est pas le cas, il le faudrait.

M. Ramsay: Pas dans ma région.

M. Mason: Ce serait certainement bénéfique.

M. Ramsay: Dorothy, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Kunuk: Je voulais simplement ajouter que ce matin nous avons eu la visite au centre de 14 élèves de 4ième et de 5ième avant que je vienne ici. C'est quelque chose que les enfants eux-mêmes avaient réclamé. Qu'est-ce que c'est ce bel endroit? Comme vous pouvez le voir sur cette image, c'est plein de couleurs. L'école Apex est tout à côté. Les enfants ne sont jamais entrés. Ils étaient curieux de savoir ce qui se passait dans ce centre et ils sont venus ce matin pour en faire la visite. Nous leur avons donné toutes les explications. Nous les avons présentés à certains membres du personnel qui leur ont dit en quelques mots ce qu'ils faisaient, etc. J'ai répondu à toutes leurs questions.

Pour répondre en partie à votre question, j'estime personnellement que cette éducation doit se faire à l'école car il y a des adultes qui ne croient pas que l'alcool est un problème ou qui ne disent rien à leurs enfants sur les méfaits de l'alcool ou de la drogue. Certains de ces enfants grandissent entre des parents qui boivent ou qui se droguent et pour certains d'entre eux, faire la même chose est tout à fait normal. Donc, si je ne crois pas moi-même que c'est un problème, comment puis-je éduquer mes enfants?

M. Ramsay: Merci.

La présidente: Y a-t-il d'autres questions?

Je vous remercie infiniment d'être venus nous parler de votre organisme. Vous êtes une aide précieuse et nous vous en savons gré.

Oui, Dorothy.

Mme Kunuk: J'ai oublié de mentionner que la question de l'accréditation était posée au sujet de ce centre de traitement. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest n'a pas de politique d'accréditation. Il n'y en a pas encore dans le Nord. Au centre de traitement d'Apex, nous pouvons donc offrir différents programmes de traitement pour les jeunes, les adultes ou pour n'importe qui. Nous pouvons continuer à le faire tant que nous n'avons pas les directives appropriées pour être accrédité par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. C'est un des points qui devraient être précisés car dans le Sud les centres de traitement doivent être accrédités. C'est ce que dit votre gouvernement. Mais ici il n'en est pas question. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est en train d'élaborer ces politiques. Une fois qu'elles seront prêtes, nous verrons ce qu'elles disent et nous les appliquerons pour avoir l'accréditation pour un centre de traitement quel qu'il soit.

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La présidente: Merci beaucoup.

La séance est levée jusqu'à 13 heures.

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