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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 26 novembre 1996

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[Traduction]

Le vice-président (M. Lastewka): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité reprend l'examen des sciences et de la technologie et du «déficit d'innovation» au Canada.

Je rappelle aux témoins que la sonnerie retentira probablement vers 17 h 30 pour un vote. Plusieurs groupes de témoins sont là. Normalement, nous donnons une dizaine ou une douzaine de minutes à chaque groupe pour faire un exposé, et le reste du temps est consacré aux questions et réponses.

Je commencerai par l'Association des universités et collèges du Canada. Bonjour, monsieur Bernard Bressler.

M. Bernard H. Bressler (Association des universités et collèges du Canada): Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de venir témoigner aujourd'hui.

Durant les délibérations de votre comité, vous avez entendu des témoignages de la part d'experts du secteur privé sur la R-D, les capitaux à risques et même les politiques fiscales, ainsi que de la part de représentants de conseils subventionnaires et de bureaucrates. Je suis ici aujourd'hui pour vous donner le point de vue du milieu universitaire. Je crois que vous allez être particulièrement surpris de constater à quel point les différents acteurs, soit le secteur privé, les bureaucrates et les universités, sont d'accord.

Les questions qui ont été circonscrites lors des précédentes tables rondes sont les suivantes: notre effort de recherche souffre mal la comparaison avec celui de nos partenaires commerciaux et des pays de l'OCDE. En effet, en 1995, les dépenses brutes en R-D ont diminué au point de ne plus représenter que 1,53 p. 100 du PIB, ce qui est très nettement inférieur aux 2,3 p. 100 à 3 p. 100 de pays comme l'Allemagne, le Japon, la France, les États-Unis et la Suède. Même les économies naissantes du bassin pacifique, telles que la Corée du Sud, Singapour et Taïwan, ont fixé à 2,5 p. 100 les dépenses qu'elles envisagent de consacrer à la R-D en tant que pourcentage de leur PIB.

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Le monde entier est en train de nous dépasser. Aussi nous faut-il augmenter nos efforts en matière de R-D si nous voulons prospérer dans l'économie du savoir mondialisée d'aujourd'hui.

Contrairement à ce que l'on a tendance à croire, il y a beaucoup de capitaux au Canada, le problème consistant plutôt à investir les capitaux aux bons endroits. Bien que l'on semble à nouveau insister sur les entreprises essaimantes, les réseaux et les partenariats, il est bon de souligner que les universités s'intéressent à ces questions depuis plusieurs années déjà. Toutefois, il nous faut trouver des moyens d'augmenter notre capacité à créer davantage de retombées technologiques et de partenariats.

Ces questions ont également été soulevées par la communauté universitaire, ce qui explique que nous avons élaboré un plan d'action ayant pour titre «Pour préserver la capacité innovatrice du Canada: mettre le savoir à contribution», lequel énumère une série d'initiatives novatrices, réalistes et réalisables devant permettre de relever les défis de notre économie moderne.

Si le gouvernement fédéral a procédé à une diminution de ses investissements dans la recherche, c'est peut-être justement parce qu'il ne considère pas que la recherche est un investissement. Il est absolument fondamental que tous les Canadiens, qu'il s'agisse des politiciens comme du grand public, se rendent bien compte que la R-D est un investissement dont le rendement est réel. Les avantages se font ressentir partout, alors que les coûts de l'absence des investissements sont évidents. Par avantages, on entend les nouveaux processus, technologies et autres mécanismes qui ont permis d'augmenter la productivité, entraîné un niveau de vie supérieur et apporté de nombreux gains sur le plan social.

Les économistes ont tracé un lien entre la recherche scientifique, la croissance de la productivité et des emplois plus nombreux et meilleurs. Le taux de rendement net de la R-D est de 10 p. 100 à 40 p. 100 plus élevé que celui du capital physique, ce à quoi il faut ajouter que l'on obtient des taux de rendement supérieurs de la recherche fondamentale par rapport à la recherche appliquée. En outre, l'accumulation d'une richesse nette entraîne d'importants avantages sociaux tels que le financement de programmes de santé, d'éducation et des programmes sociaux.

Les exemples de retombées importantes de la recherche ne manquent pas. Ainsi, les inventeurs du laser ne soupçonnaient probablement pas que leur invention servirait un jour à l'opération de la cataracte ou bien à jouer de la musique sur un lecteur de disques compacts, ou encore à extraire et à stocker des données. Dans le même ordre d'idées, l'inventeur du transistor ne pouvait s'imaginer que son invention transformerait profondément notre existence grâce à son utilisation dans les appareils radiophoniques, les ordinateurs, les vols spatiaux, le matériel médical, et bon nombre d'instruments électroniques. Enfin, la découverte du nylon a démontré qu'il était possible de créer des fibres artificielles comportant des propriétés remarquables. Tous ces exemples de recherche fondamentale ont conduit des milliers d'autres chercheurs à entreprendre de nouvelles recherches.

Il apparaît de plus en plus évident aujourd'hui que la recherche de pointe au Canada devient difficile en raison du sous- investissement dans l'infrastructure physique qui rend viable la recherche novatrice. Les coûts d'une telle situation sont énormes. En effet, sans les ressources nécessaires pour se procurer le matériel et les installations de pointe, les universités ne peuvent faire venir ni conserver dans leurs rangs les chercheurs les meilleurs et les plus brillants, ni attirer autant de recherches parrainées par l'industrie qu'elles le pourraient autrement. La capacité innovatrice du pays et notre économie sont ainsi sérieusement ralenties.

Par conséquent, dans notre document «Mettre le savoir à contribution», nous proposons que le gouvernement fédéral participe à un programme de partenariat dans le but de moderniser l'infrastructure de la recherche dans les universités canadiennes, ce qui permettrait de la sorte à ces dernières d'acquérir les laboratoires et installations modernes dont elles ont besoin pour entreprendre des projets de recherche de pointe. À long terme, nous invitons fortement le gouvernement fédéral à apporter un appui à l'infrastructure de la recherche équivalent à celui des provinces.

En ce qui concerne le transfert de technologie, nous vous avons donné une seule figure, qui se trouve tout à la fin du document. La figure 1 représente le cercle vertueux qui est la clé ouvrant la porte de la prospérité économique et sociale du Canada. Il est particulièrement important de prendre note du rôle critique joué par les universités, lesquelles constituent l'élément crucial de l'étape des idées. De toute évidence, sans le pouvoir de création des universités, ce cercle vertueux ne mènera à rien.

Grâce à leurs activités de transfert de technologie, les universités ont pu déterminer que l'un des principaux obstacles au transfert diligent et réussi du savoir des universités à l'industrie, est l'absence de fonds pour faire passer les innovations de l'étape préconcurrentielle aux technologies commercialisables, c'est-à-dire l'étape du prédéveloppement.

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Il convient de noter que l'étape suivante du développement, soit celle du passage du prototype à un produit commercial, a été facilitée ces dernières années par la croissance de plusieurs fonds du secteur privé tels que le Canadian Medical Discoveries Fund, le Working Opportunities Fund ou le Neuroscience Fund. Toutefois, cela nous laisse toujours entre les mains le problème de l'étape préconcurrentielle.

Ces dix dernières années, les universités ont investi leurs ressources dans la création de bureaux de transfert de technologie ou bien, ainsi qu'elles les appellent souvent, de bureaux de liaison avec l'industrie. Ces bureaux jouent un rôle critique entre l'étape de la découverte et celle du transfert de l'innovation au secteur privé à des fins de commercialisation. Actuellement, le niveau d'investissement et d'engagement institutionnel varie considérablement d'un établissement à l'autre; il en est également ainsi du fruit de leurs efforts.

Les avantages économiques du transfert de technologie universitaire découlent de la commercialisation par l'intermédiaire de licences décernées aux entreprises existantes et aux nouvelles entreprises dérivées. Les activités de l'UBC dans ce domaine démontrent la portée et les avantages du transfert de technologie universitaire.

Au cours des 10 dernières années, la recherche financée par le secteur privé est passée de 1,7 million de dollars à 23,9 millions de dollars. Au cours de cette période, le Bureau de liaison avec l'industrie a décerné une licence à 193 technologies et créé plus de 72 entreprises essaimantes, 77 en fait depuis que ce discours a été rédigé, soit cinq de plus en une semaine. Durant la dernière année seulement, on a recensé 115 divulgations d'invention, 74 demandes de brevet, ce à quoi il faut ajouter que l'UBC a gagné 1,3 million de dollars en redevances et détenu près de trois millions de dollars d'actions.

Pour l'ensemble de la collectivité, les avantages se situent aussi bien au niveau de la création d'emplois qu'à celui de l'augmentation de la productivité des entreprises canadiennes ou encore, bien entendu, de la croissance économique. Nous proposons donc la mise en place d'un programme qui permettrait de renforcer les bureaux de transfert de technologie dans les universités. Ce programme donnerait aux universités les ressources dont elles ont besoin pour améliorer leurs liens avec le secteur public, une partie du financement de ce programme étant destinée à combler les lacunes en matière d'innovation.

La commercialisation constitue elle aussi un autre moyen de disséminer le savoir, rôle davantage traditionnel des universités. Il importe de bien se souvenir que les universités ne produisent pas simplement des «trucs et autres gadgets» de toutes sortes, mais également des connaissances. Aussi nous faut-il de meilleurs moyens de diffuser ces connaissances. C'est pourquoi dans «Mettre le savoir à contribution», nous proposons la mise sur pied des carrefours de recherche. Conçus à partir d'un programme néerlandais qui a fait ses preuves, ces carrefours ont pour objet de promouvoir le partage et le transfert du savoir en exploitant les compétences, l'expertise et les ressources des universités à l'appui du développement communautaire, social et économique.

Bien qu'il soit toujours possible d'en faire davantage au nom des universités pour transférer la technologie, je tiens à signaler que les partenariats université-industrie n'ont rien de nouveau. Les universités canadiennes procèdent en effet à deux fois plus de recherches parrainées par le monde des affaires que toute autre nation du G-7, et agissent ainsi depuis au moins dix ans maintenant. Au cours de la dernière décennie, les universités ont mis à l'essai un certain nombre de programmes conçus pour favoriser la collaboration entre les universités et le secteur privé, ces deux entités étant bien souvent considérées comme deux solitudes que séparent une culture et des motivations très différentes.

Il est indispensable de poursuivre cette expérience. C'est pourquoi nous recommandons la mise en place d'un programme qui permettrait aux étudiants des deuxième et troisième cycles d'acquérir une expérience dans le domaine de la recherche en dehors du milieu universitaire. Cette expérience serait précieuse car elle leur permettrait d'avoir une meilleure compréhension des structures de récompenses, des attentes, des demandes et des impératifs de la recherche dans les secteurs privé et public. Ce programme faciliterait par ailleurs le transfert du savoir entre le milieu universitaire et les autres secteurs.

Le programme des Réseaux de centres d'excellence (RCE) est un exemple parfait d'un programme de partenariat dont les résultats ont dépassé les attentes. Il s'agit en effet d'un des programmes d'aide à la recherche les plus novateurs de ces dix dernières années. Les 14 réseaux ont réuni une masse critique d'expertise, dans une diversité de secteurs d'importance stratégique pour le développement social et économique du pays. Les partenariats ainsi créés avec le secteur privé représentent un effet de levier important pour l'investissement initial du gouvernement.

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Bien qu'ils n'en soient encore qu'aux premières étapes du cycle d'innovation, les RCE affichent déjà des résultats importants. Ils élaborent en effet de nouveaux produits, processus et services, en plus de susciter une nouvelle réceptivité à certains de leurs produits. Il est en outre extrêmement important de bien préciser que ces réseaux donnent aux étudiants la possibilité de suivre une formation et d'acquérir une expérience unique, en plus de créer les nouveaux entrepreneurs qui sont indispensables si nous voulons tirer profit des retombées technologiques. La poursuite de ce programme est fondamentale pour renforcer la synergie entre le milieu universitaire et celui des utilisateurs, et exploiter cette relation pour le bien de notre société.

Le programme des RCE constitue un exemple parfait de divers partenariats tirant profit de l'expertise existant dans les universités. Il n'en demeure pas moins un problème pour les universités qui essaient de répondre aux besoins de nouveaux chercheurs dans des domaines émergents. Les coûts d'équipement d'un laboratoire moderne peuvent en effet bien souvent dépasser la barre des 300 000 $, c'est pourquoi un grand nombre de nos jeunes chercheurs les plus brillants se dirigent vers les laboratoires mieux équipés d'autres pays, particulièrement aux États-Unis. Nous proposons donc un programme - appelé Horizons nouveaux en recherche - pour combler ce besoin. Dans le cadre de ce programme, le gouvernement fédéral offrirait des subventions de lancement qui apporteraient une aide à la recherche entreprise par des jeunes chercheurs. Les universités feraient la preuve de leur engagement en prenant à leur charge une partie du coût de l'équipement, et devraient démontrer que les nouveaux objectifs en matière de recherche et de formation répondent à un besoin non satisfait par la capacité de recherche et de formation du pays.

En guise de conclusion, je dirais que les gouvernements du monde entier sont les principaux bailleurs de fonds de la recherche de tous genres, y compris les sciences physiques, les sciences sociales et les sciences de la vie. À cet effet, le Canada ne constitue pas une exception à cette règle. Ces dépenses ont pour objectif de donner aux citoyens de ces pays un style de vie de grande qualité et de leur assurer une position concurrentielle sur les marchés mondiaux. Le rendement de l'investissement public dans la recherche est énorme.

Nous vivons aujourd'hui dans un monde où la valeur accordée à l'innovation est évidente. Le Canada ne peut plus se contenter de se concentrer uniquement sur ses ressources naturelles. Notre avenir est tributaire d'une main-d'oeuvre éduquée et d'un apport constant de nouvelles idées. Nous devons matérialiser ces idées en les transformant en nouvelles politiques et en nouveaux produits et services, pour la consommation interne comme pour l'exportation, afin de créer ainsi de nouveaux emplois pour les Canadiens. Ce n'est qu'en tenant compte de ces besoins et en élaborant des politiques qui favoriseront une telle activité que nous pourrons réduire nos taux de chômage structurels et notre dette nationale. La communauté universitaire continuera d'être le creuset d'où émergeront de nombreuses technologies qui seront à leur tour le moteur d'une croissance économique durable au prochain siècle.

Je vous remercie infiniment de m'avoir donné l'occasion de faire cet exposé.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci beaucoup. Je vous remercie également d'avoir respecté le délai prévu, ce qui nous aide beaucoup.

Je donne maintenant la parole à M. Brian O'Shaughnessy, de Bell Mobilité.

M. Brian O'Shaughnessy (vice-président, Planification de la technologie, Bell Mobilité Cellulaire Inc.): Merci.

Je vais utiliser le rétroprojecteur, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Le vice-président (M. Lastewka): D'accord. Nous avons quelques documents. Ils sont uniquement en anglais mais je voudrais savoir si on peut les faire circuler.

M. O'Shaughnessy: Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de venir témoigner. Je parlerai en particulier de deux thèmes qui font partie de votre mandat. Je vous signale en passant que le document que je vous ai remis les examine de façon plus détaillée et par conséquent, je vous recommande de le lire.

Les deux thèmes que j'ai choisis sont les mesures qu'il faut prendre pour créer un climat favorable à la science et à l'entrepreneuriat ainsi que le cinquième thème, à savoir dans quelle mesure les institutions canadiennes répondent-elles aux besoins en main-d'oeuvre qualifiée des industries de haute technologie? Je compte ensuite parler un peu de R-D selon le point de vue d'un fournisseur de services et je compte aussi vous donner l'opinion de notre industrie sur l'importance du facteur humain et de l'éducation, sur le rôle des universités dans le cadre de notre collaboration mutuelle en matière de R-D, sur les mesures d'encouragement à la R-D et leur utilisation optimale en vue d'obtenir les résultats souhaités.

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Je commencerai par vous faire une brève description de notre société. Bell Mobilité est une entreprise qui offre des services de communications sans fil en Ontario et au Québec - des services de téléphone cellulaire, des services de téléavertisseur, des services aux passagers des avions ainsi que des services mobiles par satellite - qui ont produit des recettes d'environ un milliard de dollars cette année. Nous employons 2 700 personnes dont la moyenne d'âge est de 34 ans; nous sommes donc une entreprise relativement jeune. Nous avons environ 90 ingénieurs et leur nombre augmente de jour en jour. Nous avons également 220 techniciens et spécialistes techniques.

Le premier thème du mandat concerne les industries critiques qu'il faut essayer d'avoir au Canada pour aider l'économie à faire la transition au 21e siècle. Je dois dire que l'industrie des communications sans fil en fait incontestablement partie.

D'après ce que nous avons pu constater jusqu'à présent, nous nous attendons à ce qu'au cours des dix prochaines années, le pourcentage de Canadiens qui utilisent les téléphones cellulaires passe de 10 p. 100 à environ 30 p. 100. Cela veut dire que le nombre va tripler en l'espace de dix ans et l'on prévoit une progression encore plus rapide après cela. Par conséquent, il est incontestable que c'est une des industries d'avenir pour le Canada.

Du point de vue d'un fournisseur de services, la R-D comporte un grand nombre d'étapes, la première étant celle de la délimitation des besoins et la dernière, celle du déploiement du produit. Les fournisseurs de services comme nous qui ne fabriquent pas directement leurs produits mais passent par d'autres vendeurs, ont tendance à intervenir à la fin de l'étape de la délimitation des besoins et essaient de mettre au point des concepts révolutionnaires avec l'aide de chercheurs. Nous travaillons donc avec des partenaires - à savoir des fabricants et des vendeurs - pour les aider à tenir compte de ces besoins dans leurs produits.

Nous avons formé de nombreux partenariats, notamment avec la société Nortel, un fabricant canadien d'appareils de télécommunications. Nous collaborons avec elle depuis dix ans pour l'aider à mettre au point sa ligne de produits cellulaires et à devenir un intervenant important dans l'exportation de ce produit aux États-Unis, en Amérique du Sud et ailleurs dans le monde. Nous collaborons pour l'aider à déterminer quels services recherche la clientèle et à développer ses produits en conséquence.

À une moins grande échelle, une autre entreprise avec laquelle nous collaborons est la C-Can Power Systems, d'Acton, en Ontario. Il s'agit d'une petite entreprise qui avait des idées sur la façon de mettre au point des systèmes et des dispositifs d'alimentation pour téléphones cellulaires. Nous avons collaboré avec elle et nous l'avons aidée à conquérir le marché international. Elle exporte ses produits dans le monde entier, du fait qu'elle s'arrange pour répondre à nos besoins de société de télécommunications. De toute évidence, elle a constaté que ces besoins sont analogues à ceux de la clientèle du monde entier.

À propos du deuxième thème, je vais vous dire ce qui, d'après moi, constitue la pierre angulaire de l'édifice de la recherche- développement: c'est l'être humain. Peu importe le nombre d'idées qu'a une entreprise, il faut d'abord et avant tout des gens qui lancent des idées et qui les matérialisent. Cela commence par le recrutement de personnes compétentes pour réaliser les programmes. On intervient déjà auprès des adolescents, en les encourageant à faire des études universitaires.

Il y a autre chose que je voudrais signaler - et c'est indiqué dans deux des cases que vous voyez ici - c'est que nous avons besoin d'étudiants ayant une bonne formation. Il est beaucoup question de spécialisation, d'en arriver à ce que telle ou telle université se spécialise dans l'ingénierie et telle autre dans un autre domaine. En fin de compte, nous ne recrutons pas des ingénieurs uniquement pour leurs connaissances techniques. Nos ingénieurs doivent savoir exposer leurs idées, les coucher sur papier et les communiquer. Ils doivent avoir une certaine base de connaissances en économie et en affaires également. Par conséquent, cette polyvalence et cette bonne formation sont nécessaires pour progresser.

À ce propos, je signale qu'il existe une pénurie aiguë d'ingénieurs au Canada, surtout dans le secteur des communications sans fil. Cette pénurie est encore plus criante au niveau de la maîtrise et du doctorat. Un de nos gros problèmes, c'est la demande mondiale pour les gens de talent que nous formons au Canada. À peine ont-ils obtenu leur diplôme ou ont-ils acquis un peu d'expérience qu'ils s'en vont à l'étranger, notamment aux États- Unis, pour profiter des occasions qui s'offrent à eux. Par conséquent, le système scolaire canadien doit produire encore plus d'étudiants qu'il n'en faut à l'industrie canadienne. Il doit en fournir suffisamment pour le Canada en tenant compte de ceux qui émigrent.

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Une de nos méthodes préférées pour arriver à établir des liens étroits entre les universités et l'industrie consiste à faire participer des étudiants au niveau de la maîtrise ou du doctorat à des projets liés à un besoin concret dans l'industrie. Par conséquent, les gens qui mettent des projets de recherche en route vont recruter des étudiants doués dans les universités pour se faire aider dans leurs travaux.

Enfin, à titre d'entreprise canadienne, il est très important que nous offrions des possibilités d'avancement à ces jeunes Canadiens pour les retenir au Canada et les aider à former la génération suivante de spécialistes; par conséquent, nous permettons aux employés d'accéder aux postes de direction et de créer la génération suivante d'experts en génie, pour essayer de ralentir cet exode de cerveaux. L'industrie peut faire énormément. Nous essayons de trouver d'autres moyens d'inciter nos éléments les plus brillants à rester au Canada.

Le troisième thème dont je veux vous entretenir aujourd'hui est celui de la collaboration entre l'industrie et l'université. Je crois avoir quelques bons exemples à signaler. Il s'agit pour l'industrie de faire faire de la recherche fondamentale par les universités. Au fil des ans, nous avons collaboré avec les universités par l'intermédiaire de contrats directs ainsi que de programmes d'aide comme ceux du Telecommunications Research Institute of Ontario et de l'Institut canadien de recherches en télécommunications, qui sont des organismes dont le rôle consiste à encourager les entreprises et les universités à élaborer ensemble des programmes et à conjuguer leurs efforts dans le domaine de la recherche.

Ce sont des cas où nous avons eu recours aux universités. Nous avons fait faire à l'Université d'Ottawa des recherches sur la diversité des antennes, ce qui nous a permis en fait de mettre au point, avec le concours d'une entreprise d'Ottawa, un modèle unique d'antenne pour notre réseau cellulaire et de déployer l'équipement beaucoup plus rapidement.

Je vais vous citer un exemple probablement plus important: au cours des dernières années, nous avons demandé à l'Université de Toronto de faire beaucoup de recherche sur une nouvelle technologie digitale appelée accès multiple par code de répartition, et cette recherche nous a aidés à décider de quelle façon investir 500 millions de dollars de plus dans notre réseau au cours des cinq dernières années.

Par conséquent, les possibilités sont assez nombreuses. Il existe toutefois un obstacle. La recherche universitaire doit malheureusement être préconcurrentielle. Cela signifie que les universités doivent être en mesure de publier les résultats de leur recherche dans le cadre du processus éducatif normal. Comme nous l'avons indiqué ici, nous avons été en mesure d'avoir, malgré cet obstacle, une collaboration fructueuse avec les universités pour un certain nombre de projets mais il serait encore préférable d'aller plus loin et d'inciter celles-ci à faire de la recherche concurrentielle qui nous permette de ne pas divulguer tout de suite les connaissances acquises de la sorte.

Je vais maintenant vous parler du processus de R-D et de certaines mesures d'encouragement qui existent dans ce domaine. À titre de détenteurs d'une licence de fournisseur de services radio, nous sommes tenus de consacrer 2 p. 100 de nos revenus à la recherche. Cependant, il s'agit des revenus au sens de la définition de Revenu Canada.

Avant ce changement, nous étions autorisés à consacrer cet argent à la recherche prise dans un sens plus large et la présente figure essaie d'expliquer la situation. Le niveau de recherche qui est permis aujourd'hui en vertu de la définition de Revenu Canada n'est que celui indiqué dans la case verte ainsi que dans une petite partie de deux autres zones; il s'agit en fait d'une recherche axée sur des technologies révolutionnaires.

Comme je l'ai dit plus tôt, ce qu'un fournisseur de services peut vraiment faire pour un fabricant sur le plan de la recherche, c'est déterminer les besoins des clients ainsi que les services nécessaires; en outre, il faut notamment réglementer les technologies nouvelles.

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Nous avons constaté que cela a considérablement restreint notre capacité de travailler avec les vendeurs d'une façon aussi synergique qu'auparavant. Ce que nous voudrions faire - et ce que nous suggérons de faire - , c'est de trouver un moyen d'élargir la définition de la R-D d'Industrie Canada pour que le niveau de R-D prévu soit moins restreint.

En quoi cela serait-il avantageux pour le pays? Premièrement, cela permettrait à nouveau aux fournisseurs de services et aux fabricants de collaborer de la façon la plus efficace possible pour créer des produits, en mettant leurs compétences respectives à contribution. Deuxièmement, nous voudrions également proposer que l'on nous permette de financer des instituts d'enseignement et d'établir des laboratoires de recherche dans les universités avec une partie de cet argent, et que cela compte dans les conditions d'octroi de licences concernant la recherche. Cela aiderait à compenser la diminution des subventions publiques à l'enseignement tout en encourageant la participation proactive des entreprises de services à la recherche universitaire.

Voici, pour terminer, quelques recommandations.

Nous encourageons le financement d'activités qui aident les adolescents à se faire une vision personnelle de la vie, pour les inciter à poursuivre leurs études. C'est la pierre angulaire dont nous parlions. Il existe certains programmes, tel celui de Shad Valley, un organisme qui essaie de convaincre les élèves du secondaire à faire des études universitaires en leur montrant comment ils peuvent se perfectionner et préparer leur avenir en allant à l'université. Un autre exemple est celui de la Futures Conference, qui est un programme mis en oeuvre ici même, à Ottawa, et qui a pour but d'aider les élèves à s'orienter.

Nous voulons continuer à soutenir des activités comme celles du TRIO, de l'ICRT et du CRSNG, qui encouragent la collaboration entre l'industrie et les universités dans le domaine de la recherche et du développement de la personne.

Nous voulons trouver des moyens de permettre aux étudiants du troisième cycle de travailler dans un milieu concurrentiel pour pouvoir élargir le champ de collaboration entre les universités et l'industrie.

Il faut trouver les moyens d'enrayer l'exode de cerveaux canadiens et de retenir ici un plus grand nombre d'experts.

Enfin, nous voulons que l'on modifie la définition de la R-D sur laquelle se base Industrie Canada pour octroyer les licences, de façon à permettre des synergies entre les fournisseurs de services et les fabricants, et à encourager les fournisseurs de services à consacrer une partie de leurs fonds aux établissements universitaires, pour les aider à former davantage d'experts pour l'avenir.

Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous faire cet exposé.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci beaucoup.

Je souhaite également la bienvenue aux personnes qui sont dans une salle située à l'extérieur d'Ottawa.

Il nous reste encore un exposé ici, à Ottawa. Je demande à M. Dennis Senik, du CITec, d'avancer.

M. Dennis Senik (directeur, Réseau CITec): Bonjour. Je vais vous parler du travail que nous avons réalisé avec des entreprises et des universités pour permettre à l'industrie de mieux exploiter les ressources considérables qui existent dans les universités, en ce qui concerne la recherche. C'est un exposé que nous avons présenté dernièrement au Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie, à la suite de nos contacts avec diverses universités du pays.

Le CITec a été créé il y a une dizaine d'années grâce à la vision de personnes telles queM. Raymond Cyr, le président de BCE, et M. David Johnson, qui était à l'époque directeur et recteur de l'Université McGill. Ces deux chefs de file ont réuni, dans la région de Montréal, les directeurs de toutes les universités et les dirigeants des plus grandes entreprises pour essayer de trouver ensemble un moyen d'exploiter les vastes ressources que possèdent les universités en matière de recherche. Rien que dans l'île de Montréal, les universités investissent environ 300 millions de dollars par an dans les activités de recherche, ce qui est considérable.

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Ce que nous avons essayé de faire est tout simple. Je tiens à signaler que nous estimons que l'expérience a été fructueuse parce que nous nous sommes vraiment efforcés de tenir compte des besoins spécifiques des diverses entreprises de technologie de pointe. Autrement dit, notre démarche est axée sur le secteur privé. Le tout, c'est de savoir quels projets de recherche les entreprises estiment avoir intérêt à effectuer avec l'aide de chercheurs universitaires.

Le Réseau CITec est un organisme sans but lucratif. Tous les bénéfices éventuels vont directement aux entreprises et aux universités. Pour le moment, le Réseau CITec collabore avec toutes les universités du Québec, qui représentent environ un quart de l'effort de recherche en sciences et en génie au Canada, et avec 11 entreprises de Montréal. Cela ne paraît pas beaucoup, mais ces 11 entreprises ont été soigneusement choisies. Avec les ressources limitées dont nous disposons, nous avons sélectionné les entreprises dotées des services de recherche-développement les plus importants, celles qui ont par conséquent le plus de chances d'atteindre des objectifs plus ambitieux en faisant appel à la recherche universitaire.

Ces entreprises, qui ont été soigneusement choisies, consacrent actuellement, d'après les statistiques pour 1994, quelque 650 millions de dollars par année à la recherche- développement. Cela représente environ un tiers de la totalité des fonds consacrés à la R-D à Montréal. En travaillant avec les plus grandes entreprises, nous avons également appris que ce sont elles qui ont des ressources suffisantes pour établir et maintenir des relations efficaces avec les universités.

Cela ne se fait pas tout seul. Il faut faire des efforts concertés. Cela prend du temps, du personnel et une forte motivation, et les grandes entreprises sont les mieux placées pour réunir ces conditions.

Pour vous donner une idée de nos activités, je vais vous parler très brièvement des trois premiers points, de ce que nous appelons les Forums de transfert de technologie, le Programme de thèse industrie-université et les efforts que nous avons faits pour faire profiter les entreprises des compétences universitaires en matière de recherche. Nous mettons beaucoup l'accent sur l'établissement de relations durables entre l'industrie et l'université.

Les Forums de transfert de technologie sont des efforts très directs, qui prennent leur source au sein même de l'entreprise. L'entreprise concernée détermine les projets de recherche- développement pour lesquels elle estime qu'il serait utile de faire appel aux ressources des universités. Cela prend du temps et nécessite des efforts. Il ne suffit pas de faire quelques appels téléphoniques pour tout organiser.

Un des premiers Forums que nous avons organisés est un Forum avec la société Pratt & Whitney, qui investit actuellement 300 millions de dollars par an dans la R-D. Il a fallu 18 mois d'efforts concertés pour déterminer quels sont les projets de recherche pour lesquels cette société estime que les compétences universitaires pourraient lui être utiles.

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Après avoir établi le plan d'action que les entreprises peuvent réaliser avec l'aide des universités, nous entretenons des contacts très étroits avec les bureaux de liaison des universités dans le but de déterminer quels sont réellement les personnes les plus compétentes pour aider les entreprises à mettre en chantier les projets qu'elles jugent très importants.

Les Forums sont des colloques d'une journée. Au cours de cette journée, les chercheurs universitaires invités ont des entretiens bilatéraux avec les directeurs des services de recherche des entreprises. Ils se mettent mutuellement au courant de leurs principaux objectifs en matière de recherche pour avoir une idée des possibilités de collaboration. Après quoi, il faut environ six mois pour faire le travail de suivi et mettre les projets en chantier. Je le répète, c'est la ténacité qui est la clé de la réussite.

Une des meilleures solutions que les entreprises et les universités ont trouvées pour rendre ces relations fructueuses consiste à demander aux meilleurs étudiants de 2e et 3e cycles de consacrer leur thèse à certains de ces projets de R-D. Ils vont travailler sur place et utilisent les données et le matériel de l'entreprise, sous la supervision conjointe industrie-université.

L'université a le pouvoir absolu de décider ce qu'il faut faire pour avoir droit au diplôme et l'entreprise expose les problèmes que l'on veut essayer de résoudre ensemble. Ce système permet d'établir des liens beaucoup plus durables entre les universitaires et les industriels.

En ce qui concerne le transfert de technologie, le meilleur instrument est une paire de chaussures confortables. Il y a des gens qui font la navette entre les deux milieux, c'est-à-dire le milieu industriel et le milieu universitaire, et les étudiants universitaires constituent un lien important et durable.

Un autre effort est particulièrement important dans le cas de Montréal. C'est dans le secteur de la recherche biomédicale que réside le principal atout des universités, mais les entreprises avec lesquelles elles peuvent collaborer sont disséminées dans le monde entier, de la Californie à l'Europe - où se trouvent les meilleurs partenaires industriels. Nous allons réunir tout le monde à Montréal. Pour cela, nous jumelons les ressources de nos deux universités dotées de facultés de médecine et de services de recherche correspondants. Nous nous attendons à ce que plus de 300 personnes participent à ce Forum, dans le but de créer de nouvelles possibilités de partenariat entre les universités et l'industrie.

Enfin, les entreprises sont les acteurs, qui créent des richesses grâce à leur savoir-faire et à celui des universités. Pour toutes les entreprises qui ont collaboré avec nous, l'exploitation des ressources considérables des universités a fait une grande différence.

C'est Lockheed Martin qui a organisé le plus récent Forum de transfert de technologie, qui a eu lieu le 27 septembre. Pour la première fois, nous avons fait appel à une université qui se trouve à l'autre extrémité du pays, c'est-à-dire à l'UBC, qui est l'université de M. Bressler. Nous avons fait venir un représentant de l'UBC pour voir comment elle pourrait collaborer avec Lockheed Martin.

La société Marconi a instauré un programme de recherche important avec la collaboration de l'Université McGill. Ce programme a fait intervenir plusieurs autres universités du Québec pour activer certains types de recherche fondamentale bien précis qu'elle voudrait effectuer pour permettre des applications plus importantes de certaines de ses technologies de pointe utilisées dans les satellites de positionnement global.

La société Pratt & Whitney a fait une première avec certaines universités en faisant participer des professeurs qui n'avaient encore jamais collaboré avec elle à des recherches dans des domaines nouveaux.

La société Spar Aérospatiale Limitée a fait une percée importante dans la conception d'antennes de satellites. En fait, les résultats du programme ont été tels qu'elle essaie de chercher avec nous dans tout le pays des partenaires universitaires capables d'entreprendre la nouvelle recherche qu'elle veut effectuer, avec un budget pouvant atteindre le million de dollars, grâce aux excellents résultats obtenus grâce à sa collaboration avec les établissements du Québec. Elle est disposée à aller sur place et à franchir l'obstacle de la distance. Elle est disposée à aller dans l'Ouest et à rencontrer les autorités universitaires. Nous l'aiderons à y arriver.

.1615

Je voulais tout simplement vous donner un très bref aperçu des efforts que nous avons faits avec les universités et les grandes entreprises pour réaliser des partenariats.

Merci beaucoup de m'avoir invité ici. Je répondrai bien volontiers à vos questions.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci beaucoup.

Nous allons commencer à poser des questions et nous arrêterons quand nous serons à nouveau en communication avec l'extérieur, pour écouter les autres exposés.

Monsieur Leblanc, nous commencerons par vous.

[Français]

M. Leblanc (Longueuil): J'aimerais poser une question à M. Bressler. Il dit que cela fait au moins 10 ans qu'il y a des partenariats entre les entreprises et les universités. Je pense qu'il a raison de le dire, mais à quel degré est-ce que cela existe? Bell Mobilité dit qu'il n'y a pas beaucoup de collaboration et qu'il devrait y en avoir plus. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus.

[Traduction]

M. Bressler: Je m'excuse; je n'ai compris que la dernière partie de votre question à cause de l'interprétation.

Le vice-président (M. Lastewka): Je disais que vous avez signalé que la collaboration entre les universités et l'industrie est chose courante alors que certains témoins, comme M. O'Shaughnessy, de Bell Mobilité, ont dit qu'il faudrait beaucoup plus de collaboration. Je pense que M. Leblanc faisait allusion également à un témoignage précédent.

M. Bressler: Oui, je crois qu'il existe beaucoup de collaboration. Elle a nettement augmenté.

Il importe de tenir compte du délai dans lequel ce changement s'est produit. En ce qui concerne nos bureaux de transfert de technologie ou nos bureaux de liaison avec l'industrie, ils n'ont que 12 ans et je crois que la majorité des bureaux de ce genre qui ont été créés dans les autres universités du pays datent à peu près de la même époque.

Il a fallu du temps pour établir un pont entre nos deux cultures. C'est à cela qu'une partie du temps a été consacrée au début. Par conséquent, les chiffres que je cite pour l'UBC indiquent que les subventions et le nombre de contrats de collaboration ont énormément augmenté; ils sont évalués à près de 23 millions de dollars pour l'année dernière, alors que le budget total de l'UBC pour la recherche s'élève à 139 millions de dollars.

Nous sommes parfaitement conscients de l'obstacle signalé par Brian O'Shaughnessy, de Bell Mobilité. Les universités sont évidemment obligées de publier leurs résultats. À l'UBC - et je sais qu'il en est de même dans d'autres universités - , nous faisons tout notre possible pour insérer dans nos contrats une clause de restriction limitée pour permettre à l'entreprise avec laquelle nous avons signé un contrat de recherche d'être la première à examiner la propriété intellectuelle engendrée par cette recherche.

Certains délais de publication sont prévus pour leur laisser le temps d'obtenir un brevet. C'est ce que nous faisons. Nous essayons de mettre en oeuvre le plus grand nombre de stratégies possible pour accroître la collaboration. Nous consultons l'industrie à ce sujet et par conséquent, nous connaissons ses réactions.

Lorsque Brian O'Shaughnessy s'est assis, je lui ai dit tout bas que je ne l'avais jamais rencontré et que j'avais pourtant l'impression que nous avions écrit plus ou moins les mêmes discours. C'est du moins ce que je pense du message que nous essayons de transmettre. Je vous jure pourtant que nous ne nous étions jamais rencontrés. C'est très révélateur.

M. O'Shaughnessy: Notre industrie, celle des télécommunications sans fil, est une industrie toute récente, qui est en train de mûrir en ce moment même. Nous sommes passés du stade auquel nous nous contentions d'apprendre à construire à celui où nous apprenons à préparer la génération suivante de produits.

Par conséquent, la collaboration avec les universités s'intensifie de jour en jour. Cependant, une collaboration encore plus poussée serait possible si l'on arrivait à réunir deux conditions. La première, c'est précisément, comme nous l'avons dit précédemment, de mettre davantage l'accent sur la recherche concurrentielle, par opposition à la recherche préconcurrentielle. Si l'on avait davantage l'occasion de faire de la recherche concurrentielle, qui puisse rester longtemps secrète, cela augmenterait les possibilités de recherche pour notre université.

.1620

Voici la deuxième: étant donné que pour obtenir notre licence, nous devons nous engager à consacrer un certain pourcentage de nos revenus annuels à la R-D, si les fonds consacrés à l'établissement de chaires ou de laboratoires de recherche entraient en ligne de compte dans les conditions prévues, nous pourrions y affecter une partie de ce pourcentage. Nous ne pouvons pas le faire pour l'instant, parce que nous devons consacrer cet argent à d'autres fins, pour respecter la définition de la R-D de Revenu Canada. Par conséquent, il existe une possibilité de nous permettre d'investir là-dedans.

Pour vous donner une idée de l'importance des sommes en cause, nous estimons qu'au cours des cinq prochaines années, nous consacrerons 100 millions de dollars à la recherche. Pour l'ensemble de l'industrie, les sommes investies dans le but de se conformer aux conditions d'octroi des licences oscilleront entre 300 et 500 millions de dollars. Une partie de ces fonds pourrait alors être mise à la disposition des universités; voilà ce que je voulais dire.

Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Bressler.

M. Bressler: En ce qui concerne cette dernière question, depuis plusieurs années, je participe activement aux efforts déployés par Revenu Canada pour essayer de modifier la définition prévue dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Je crois qu'il s'agit en fait du règlement 2900 de la loi. Nous essayons de modifier la définition en supprimant certains termes pour permettre le financement de biens d'équipement et de chaires universitaires.

Notre industrie est obligée de consacrer 2 p. 100 de ses revenus à la R-D. L'industrie qui m'attirait il y a plusieurs années est l'industrie pharmaceutique, qui est obligée de consacrer 10 p. 100 de ses revenus à la R-D au Canada et les universités essaient évidemment de faire modifier cette obligation depuis la présentation du projet de loi C-22, c'est-à-dire depuis 1987-1988. Nous continuons à faire des efforts dans ce sens. Par conséquent, nous trouvons très encourageant d'entendre le même son de cloche de la part d'une autre industrie, qui est également obligée de consacrer une partie de ses revenus à la R-D.

À mon avis, cette solution est avantageuse pour toutes les parties. Je ne crois pas que cela fasse perdre beaucoup d'argent au gouvernement. C'est en tout cas avantageux pour les universités, et cela aura des retombées économiques. Je suis donc un partisan convaincu d'un tel changement.

Le vice-président (M. Lastewka): Je dois vous interrompre pour vérifier si nous sommes en communication.

Peut-on souhaiter la bienvenue aux gens de Waterloo? Il s'agit des représentants de l'Université de Waterloo et du Centre canadien d'innovation industrielle.

Soyez les bienvenus à cette table ronde. Comme je l'ai dit au groupe qui se trouve ici, chaque groupe dispose de 10 à 12 minutes pour faire son exposé, et le reste du temps est consacré aux questions.

Je donne maintenant la parole à M. Gordon Cummer, du Canadian Industrial Innovation Centre.

M. Gordon Cummer (directeur général, Centre canadien d'innovation industrielle): Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Lastewka): Quel temps fait-il chez vous? Y a-t-il beaucoup de neige?

M. Cummer: Oui, et nous allons probablement vous en envoyer aujourd'hui.

Le vice-président (M. Lastewka): D'accord.

M. Cummer: C'est une expérience technologique très intéressante que nous faisons aujourd'hui.

Le vice-président (M. Lastewka): Il faudra nous laisser une minute pour régler le volume.

.1624

.1627

Le vice-président (M. Lastewka): Nous laisserons aux techniciens le soin de régler le problème et nous continuerons à poser des questions. Je voudrais que M. Leblanc pose une petite question.

Monsieur Leblanc.

[Français]

M. Leblanc: Je vais poursuivre un peu dans le même sens. M. Senik, de Réseau CITec, disait qu'il travaillait principalement avec de grandes sociétés qui font beaucoup de recherche. Vous êtes une entreprise privée indépendante et vous faites des liens entre les universités et les centres de recherche. Vous êtes un peu un courtier. Quel est exactement votre rôle? Je n'ai pas très bien saisi votre façon de fonctionner.

M. Senik: C'est assez simple, je crois. Essentiellement, on est une organisation à but non lucratif dont l'objectif est assez simple. Surtout dans la région de Montréal, il y a longtemps, les chefs de l'industrie et de l'université ont dit qu'il fallait que Montréal se prépare pour la nouvelle société basée sur le savoir-faire. Ils croyaient fortement que la bonne façon de le faire était de bâtir sur les actifs dans nos universités. Tout ce qu'on a fait, c'est poursuivre sur ce thème.

M. Leblanc: J'essaie de bien comprendre. Je suppose que les grandes sociétés octroient des sommes à l'université pour faire de la recherche spécifique.

M. Senik: Exactement.

M. Leblanc: Plus tôt, on disait que pour les universités, il y avait obligation de publier les résultats de leur recherche. Comment gérez-vous tout cela pour que ce soit équitable pour tout le monde, notamment pour les contribuables qui appuient les universités aussi? Il y a peut-être de petites entreprises qui ont besoin des résultats de la recherche. Comment gère-t-on tout cela pour que ce soit équitable pour tout le monde?

M. Senik: Dès le départ, on a réglé un problème. Il faut que les universités soient capables de publier les résultats. On a simplement mis ensemble un groupe de travail présidé par un des chefs d'entreprise et réunissant toutes les universités qui participaient au programme et on a passé au moins six mois à régler ce problème de la divergence entre les besoins de l'université et ceux de l'industrie privée. Dans le cas de l'industrie privée, il s'agissait de garder secret ce qu'elle avait développé et, dans le cas de l'université, de publier les résultats de sa recherche. Ce n'était pas facile.

Même aujourd'hui, avant qu'on ne commence un projet, l'université et l'entreprise négocient chaque fois une entente spécifique pour protéger les deux parties.

M. Leblanc: Je suppose que les grandes sociétés paient l'université pour faire ces recherches-là.

M. Senik: Absolument.

M. Leblanc: D'accord. Paient-elles suffisamment pour justifier le fait qu'on doive protéger, pour le bénéfice de la compagnie en question, les résultats de la recherche? Je sais qu'il est difficile d'en arriver à une entente qui soit équitable pour tout le monde. Par exemple, au Québec, il y a beaucoup de petites et moyennes entreprises qui auraient sûrement besoin de connaître les résultats de ces recherches.

.1630

Je sais aussi que les sociétés qui paient doivent avoir une certaine protection des résultats de la recherche. Je me préoccupe de savoir comment on peut arriver à un résultat équitable qui satisfasse tout le monde, puisque les universités aussi sont financées en grande partie par les taxes des contribuables.

M. Senik: Je crois que vous comprenez très bien que la seule façon de générer des bénéfices est de considérer les idées comme une ressource naturelle et de faire en sorte que quelqu'un les applique dans le monde réel. C'est ce qui se fait. Pour chaque étudiant de deuxième ou troisième cycle, on pourrait dire que l'entreprise investit en moyenne 20 000 $; c'est un minimum.

On paie les taux que l'université exige. Par exemple, Marconi a payé 120 000 $ à l'Université McGill pour une recherche de base.

C'est fait cas par cas. On n'utilise pas de bâton magique pour faire le lien. Ce n'est pas facile. C'est un processus qui exige beaucoup de patience et beaucoup de temps, mais il en vaut la peine parce que, dans une société basée sur le savoir-faire, les universités sont des partenaires absolument essentiels.

M. Leblanc: Je suis tout à fait d'accord sur ce que vous faites. Je voulais seulement mieux comprendre les opérations.

[Traduction]

Le vice-président (M. Lastewka): Merci. Monsieur Bodnar.

M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Monsieur Senik, sur une des diapositives que vous avez projetées, vous avez signalé que l'industrie doit collaborer avec les universités pour mettre des programmes en oeuvre et pour mettre en valeur le bon type de ressources.

Premièrement, je ne sais pas ce que vous entendez par ressources. Deuxièmement, je me demande si vous croyez que le rôle de l'université est de donner une formation sur mesure, selon le genre de compétences recherchées ou si elle doit permettre aux étudiants d'acquérir des connaissances générales qu'ils pourraient parfaire ensuite pour un type d'industrie en particulier.

Autrement dit, je me demande si, à en juger d'après le commentaire que vous avez fait, l'ingérence de l'industrie dans l'organisation du type de formation donnée aux étudiants ne serait pas trop grande et si l'on mettrait assez l'accent sur l'acquisition de connaissances générales ou d'autres connaissances susceptibles d'être mises à contribution ultérieurement dans le cadre du processus d'innovation.

M. Senik: Je ne pense pas du tout que ce soit un problème. Ce que nous avons constaté, c'est qu'il est absolument impossible de faire des universités une ressource très ciblée, axée sur le développement, qui s'arrange pour que le projet soit utile aux entreprises, et c'est le raisonnement que nous avons fortement encouragé les gens à tenir dès le début. C'est d'ailleurs ce qui a eu tendance à se produire.

Le gros avantage qui découle des efforts de rapprochement des deux parties est que les chercheurs universitaires se sont rendu compte qu'en modifiant très légèrement l'orientation de leur recherche fondamentale, ils peuvent éveiller du jour au lendemain l'intérêt de l'industrie. Peu leur importe qu'il s'agisse du projet A ou du projet A'. Il se fait que l'industrie dit que le projet A', cette recherche fondamentale, l'aidera vraiment à réaliser certaines choses.

Je vais vous citer un exemple. On en est à la quatrième génération de la technologie d'installation de lignes sous-marines en fibre optique, qui représente un chiffre d'affaires de plusieurs millions de dollars, avec toutes sortes de problèmes de recherche fondamentale extrêmement intéressants à résoudre. Pour autant que je sache, aucune université canadienne n'a encore compris qu'il faut faire dans ce domaine un type de recherche fondamentale susceptible d'intéresser également beaucoup les entreprises qui sont à la fine pointe du progrès et qui essaient de créer des produits et des services dans ce secteur.

.1635

Voilà le commentaire que nous avons entendu à maintes reprises. Le plus gros avantage pour les universités, c'est qu'elles voient les secteurs de la recherche fondamentale qui seront utiles aux entreprises. Il n'est pas du tout question de charger les universités de résoudre des problèmes de recherche appliquée. Ce n'est pas l'objectif.

M. Bodnar: Merci.

M. Bressler, j'ai vivement apprécié votre document et le résumé que vous nous en avez fait. Il y a bien un point ou deux que je n'approuve pas sans réserve et au sujet desquels je voudrais obtenir des explications. Il y a aussi vos commentaires sur la médiocrité de nos résultats en R-D - ce qui nous préoccupe tous, bien entendu - et sur le fait que le gouvernement fédéral réduit, depuis quelque temps, ses investissements dans la recherche parce que, justement - et c'est une pure conjecture - , il ne considère peut-être pas ça comme un simple investissement. À mon avis, c'est de la spéculation et je peux vous affirmer que c'est probablement faux et qu'il y a d'autres considérations dont il faut tenir compte.

Vous avez fait des commentaires sur le capital disponible au Canada et sur les piètres efforts de R-D. Vous signalez pourtant qu'il y a énormément de capital au Canada. Alors, si c'est vrai, comment faire pour l'exploiter? Si vous connaissez la réponse, votre fortune est faite.

M. Bressler: En effet. L'observation à laquelle vous faites allusion se voulait provocante de toute façon, dans le but de sensibiliser au problème qui, évidemment, a plusieurs aspects ou plusieurs composantes.

En ce qui concerne la façon d'exploiter le capital, aujourd'hui même j'ai participé à des discussions sur la création d'un fonds de transfert de technologie pour les universités de l'Ouest canadien. Le capital proviendra du monde de la finance, soit du milieu bancaire, c'est-à-dire des banques dites à charte A... Il est question notamment de la société d'investissements de la Banque royale, par exemple.

Nous sommes aussi en pourparlers ave la Banque de développement du Canada, avec une entreprise de la Colombie- Britannique appelée Ventures West et une autre de l'Oregon, Seed Management. Ce sont des sociétés qui ont de l'argent et qui cherchent à l'investir. Ce capital que nous tentons d'exploiter parce que nous le savons disponible, il va nous servir à réaliser plus de choses à l'étape de la recherche pré-concurrentielle et au stade préliminaire de la mise en marché, au moment où il faut avancer des capitaux de démarrage dont on n'attend pas un rendement immédiat. Comme je l'ai écrit dans le document, c'est à ce besoin que tentent de répondre certains des fonds qui ont été créés, par exemple le Fonds de découvertes médicales canadiennes et d'autres.

M. Bodnar: Êtes-vous au courant du programme conjoint de la Banque Royale et du ministère de la Diversification de l'Ouest pour donner un effet de levier aux fonds investis par le ministère dans l'industrie biotechnologique?

M. Bressler: Oui.

M. Bodnar: Est-ce que ce programme est comparable à ceux dont vous dites qu'ils pourraient être avantageux?

M. Bressler: Ils sont avantageux en partie, mais ils ne répondent pas aux besoins d'une société essaimante qui part à zéro ni, si je ne m'abuse, à ceux d'une université qui doit concevoir un prototype avant d'arriver au stade où elle aura droit à ces investissements. Ce sont les lacunes qui restent à combler. Lorsqu'il y a du capital à placer, il faut mettre les investisseurs en rapport avec les projets afin de... J'allais dire afin d'atténuer les risques. En fait, il n'y a aucun moyen simple de réduire les risques. Personne n'a le don de la divination. Il faut se jeter à l'eau. On a presque réussi à établir un climat propice à de tels investissements maintenant, alors c'est encourageant. Il ne reste plus qu'à faire le maillage.

M. Bodnar: L'absence d'investissements à ce stade précis du développement d'un produit est-il imputable à la grande prudence des investisseurs canadiens ou aux règles générales établies par le gouvernement?

M. Bressler: Je l'ignore, mais j'ai le sentiment que c'est à cause de la grande prudence des investisseurs, du moins si j'en juge d'après mes contacts avec le milieu financier et si je compare ses deux segments: celui du capital risque et celui des banques à charte A, si je peux les appeler ainsi... Je dois faire attention, en public, mais je ne sais pas comment les appeler autrement. La différence se trouve dans le type d'investissement choisi.

Ces deux secteurs de notre économie nous ont exposé leurs positions à Vancouver, il y aura trois semaines vendredi, pour nous aider à décider comment concevoir notre fonds. Le degré de prudence de l'un était frappant en comparaison des risques que prend l'autre.

.1640

Le vice-président (M. Lastewka): Merci, monsieur Bodnar.

Je crois que nous pouvons maintenant aller à Waterloo. Si M. Gordon Cummer nous entend et si nous l'entendons, je lui demanderais de bien vouloir présenter son exposé.

M. Cummer: Merci beaucoup. Bonjour!

Monsieur le président, mesdames et messieurs, le Centre canadien d'innovation industrielle de Waterloo s'occupe depuis près de vingt ans de trouver les idées nouvelles et d'encourager l'actualisation de leur potentiel commercial. Pendant ces vingt années, il a évalué en bonne et due forme le potentiel de plus de 11 000 idées canadiennes de produits, de procédés et de services.

Je vous remercie de nous avoir permis de comparaître devant vous pour vous présenter certaines observations sur la question de l'innovation au Canada et sur les mécanismes qui, à notre avis, encourageraient l'innovation. J'examine la situation sous l'angle du stade très préliminaire, celui où naissent les idées.

J'ai pensé qu'il serait utile d'établir une analogie entre la croissance de plantes vertes robustes et celle d'entreprises solides ou d'idées profitables. Dans les deux cas, il faut au départ un lit de semences. Pour les idées, ce lit est un pays à la conjoncture économique favorable. Il faut évidemment des semences qui sont les idées de produits, de procédés ou de services. Quelqu'un doit se charger de semer puis de protéger la germination de ces idées. Ce n'est pas l'affaire uniquement de celui qui a cette idée. Comme pour la croissance des plantes, il faut une serre chaude: c'est une économie réceptive qui dispose de capitaux pouvant être investis dans les tout premiers stades de la croissance.

Il faut ensuite éclaircir ou élaguer les idées; c'est l'étape de la première évaluation objective du potentiel. Comme n'importe quelle plante, on a besoin de soleil. L'encouragement et les talents pour la gestion sont les rayons de soleil des idées commerciales. Il faut de l'eau et cette eau, c'est le capital investi. On doit aussi être capable de trier les idées et c'est la fonction de la concurrence loyale sur le marché. Enfin, c'est l'heure de la récolte. On cultive des plantes pour leurs fruits ou leurs fleurs et quelquefois aussi pour avoir plus de graines. De même, on cultive les idées commerciales pour avoir des entreprises et pour développer de nouvelles idées.

Il y a dans notre pays de nombreux innovateurs créatifs qui ont des germes d'idées. Il leur manque un nombre suffisant de jardiniers enthousiastes pour encourager l'ensemencement et une serre chaude pour fournir aux semences la chaleur et l'humidité qui leur permettront de germer. J'ai l'impression que l'on ne se rend pas compte qu'il faut une multitude d'idées pour favoriser la germination de quelques-unes.

Il manque aussi des élagueurs qui ont la capacité, les procédés efficaces et les ressources suffisantes pour repérer très tôt les innovations qui ont du potentiel.

Et je crois qu'il n'y a pas assez de soleil. Il faut donner plus d'encouragement et vanter les mérites du risque. Les gens doivent savoir que le risque peut rapporter gros. En outre, nous avons besoin de promoteurs et de gestionnaires de l'innovation plus aguerris.

À mon avis, il y a suffisamment de ressources disponibles pour les rares idées qui survivent malgré toutes ces carences. Il y a assez d'eau, assez de capitaux d'investissement pour amener les idées jusqu'à un stade plus avancé. Je crois qu'il y a un milieu concurrentiel équitable qui favorise la croissance des meilleurs. Je sais que notre marché est sain et qu'il absorbe la production.

.1645

À partir de cette analogie, je vais maintenant vous entretenir de la question du déficit d'innovation qui, d'après moi, est imputable à un manque d'informations.

Toutes les idées commencent par une inspiration très risquée. La plupart du temps, personne ne sait vraiment si l'idée a la capacité de rapporter un rendement suffisant. La thèse à la mode en ce moment, c'est de laisser le marché décider des meilleurs débouchés pour créer de l'emploi, le marché étant assimilé à des investisseurs ou consommateurs avertis. Cependant, un certain nombre d'études sur la valeur des nouveaux produits font ressortir les inconvénients du filtrage par le marché. Le prix à payer pour développer un produit qui n'aura pas de succès commercial est élevé: ceux qui y ont participé se découragent; les ressources qui auraient pu être mieux utilisées autrement sont gaspillées; et, souvent, on a perdu énormément de temps.

Les décisions d'investissement externes servent aussi de filtre, mais celles des investisseurs vraiment avertis sont prises assez tard dans le processus. Les investisseurs de capital risque attendent que tous les renseignements soient rassemblés et présentés sous forme de plan d'entreprise.

Les commanditaires viennent un peu avant, mais trop souvent, ils n'ont pas assez d'informations pour prendre des décisions commerciales éclairées sur les débouchés qu'ils entrevoient. Par conséquent, ils sont obligés d'investir dans l'individu qui a l'idée en dépit du manque de renseignements. S'il est vrai que la personne derrière une bonne idée joue un rôle capital dans son succès, même quelqu'un de très bien aura du mal à réussir si l'idée est mauvaise.

À un stade encore moins avancé, les risques sont beaucoup plus élevés que le rendement et aucun investisseur objectif n'est intéressé. Il n'y a même pas assez de données pour déterminer si le risque peut être atténué. Ce sont presque toujours les ressources personnelles et l'argent prêté par la famille et les amis associés à l'idée, qui servent à financer ce stade très préliminaire. Habituellement ces investissements ne sont pas objectifs, mais il n'y a généralement rien de mieux à ce moment-là.

Si l'on veut prendre des décisions d'investissement plus tôt, il faut que les renseignements nécessaires soient eux-mêmes fournis plus tôt. Les problèmes d'information sont causés par l'insuffisance des renseignements utiles dans les premiers stades. Plus le filtrage se fait tôt, plus le taux de rejet des idées très prometteuses est élevé. Cela signifie qu'il faut examiner un nombre faramineux d'idées pour trouver les bonnes qui permettront de créer un jour de bons emplois, de la même façon qu'il faut semer beaucoup de graines pour voir pousser quelque chose. Sans élagage, même les meilleures idées ne s'épanouiront pas, puisque du temps, de l'argent et de l'attention seront consacrés à un grand nombre d'idées vouées à l'échec. Lorsque le filtrage se fait précocement, il faut attendre jusqu'à 10 ans, voire plus longtemps, avant que l'investissement ne rapporte. Autrement dit, tout processus de filtrage, quelle que soit son efficacité, coûtera extrêmement cher au départ et il ne faudra espérer aucun rendement avant des années, tant pour les instigateurs de l'idée que pour l'économie.

Par contre, ce filtrage anticipé réduit le gaspillage des efforts qui seraient déployés pour poursuivre une idée dépourvue de potentiel. Au Canada, le Centre canadien d'innovation industrielle est le meilleur exemple de ce filtrage. Plus de 11 000 idées qui ont filtré à travers lui ont mené à quelque 200 réussites commerciales dont certaines rapportent maintenant, des années plus tard, d'énormes bénéfices à l'économie.

Malheureusement, le Centre ne voit que la pointe de l'iceberg. Il évalue de 800 à 900 nouvelles idées par année environ, c'est-à- dire moins de 1 par 40 000 citoyens canadiens. Nous croyons que ce petit nombre s'explique par le manque non pas d'idées novatrices mais de mécanismes efficaces pour ne retenir que les meilleures parmi la multitude d'idées qui font surface.

Nous encourageons le comité permanent à réfléchir soigneusement au moyen de faire en sorte que les meilleures idées de tous les Canadiens soient toutes évaluées sérieusement. La création d'un climat propice et l'amélioration des mécanismes de financement de l'innovation dès les premiers stades de son développement sont deux moyens d'aider notre économie et d'assurer notre avenir économique.

Je vous remercie de m'avoir permis de vous présenter ces quelques réflexions aujourd'hui. J'attends la discussion avec impatience, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cummer.

Je passe maintenant à l'Université de Waterloo. J'avertis d'avance les témoins que nous essayons de nous en tenir à un exposé d'une dizaine de minutes pour chaque délégation afin d'avoir le temps de poser des questions. Il y aura sans doute un vote à la Chambre vers 17 h 30 ou 17 h 40. Nous lèverons donc la séance à ce moment-là. Je demande aux témoins d'en venir directement au fait.

.1650

Mme Campbell va commencer.

Professeure Melanie Campbell (École d'optométrie, Université de Waterloo): Merci beaucoup. Je m'appelle Melanie Campbell et je suis professeure d'optométrie et de physique à l'Université de Waterloo.

Aujourd'hui, dans mon exposé, je vais insister sur plusieurs thèmes: l'importance de la recherche fondamentale et pré- concurrentielle pour les technologies nouvelles; les problèmes de mise en marché et la nécessité d'avoir plus de programmes au stade antérieur à celui du capital risque; l'importance d'une instruction multidisciplinaire et polyvalente.

Parmi les industries et technologies névralgiques, notons les matériaux, la fabrication, l'informatique et la biotechnologie, mais il y a aussi d'autres industries et technologies d'importance telles que la photonique, les technologies environnementales et les communications.

Toutes les disciplines en sciences et en génie joueront un rôle et les grandes percées sont susceptibles de se produire à la jonction de deux disciplines. J'ajouterais toutefois une importante mise en garde. En effet, comme il est difficile de prévoir à l'avance les grandes percées scientifiques, il faut absolument privilégier le long terme.

Pendant les six années où j'ai fait partie du comité du personnel hautement qualifié du CRSNG, le point de vue prédominant a beaucoup évolué. Au début, on s'interrogeait sur la raison d'être des spécialistes des sciences de la vie, puis petit à petit, on a pris conscience de leur importance en biotechnologie. Il faudrait accentuer les investissements dans nos plus brillants cerveaux et dans nos capacités de recherche-développement.

Le gouvernement a un grand rôle à jouer par l'intermédiaire des conseils subventionnaires, en continuant d'encourager toute la gamme des activités de recherche fondamentale et appliquée. Un programme d'infrastructure de la recherche serait particulièrement utile en ce moment.

Il faudrait songer à fournir aux chercheurs du financement antérieur au capital risque afin d'amener une technologie nouvelle jusqu'au stade où elle devient attrayante pour les investisseurs du secteur privé. Espérons que le nouveau Fonds canadien pour le développement des sciences et de la technologie dispensera ce genre de financement.

Le gouvernement joue aussi un rôle avantageux quand il encourage les étudiants à envisager des carrières en sciences et technologie.

Le principal obstacle à la technologie nouvelle se situe à l'étape des essais de validation, le stade où l'on commence à chercher du capital de démarrage. Aux États-Unis, il y a des programmes gouvernementaux, notamment les subventions SBIR, qui seraient utiles à ce stade. Les difficultés résultent en partie de la réticence des investisseurs à assumer de lourds risques, ainsi que de leur désir d'un rendement appréciable à court terme pour leur capital risque.

Depuis quelques années, les universités sont de plus en plus au courant des possibilités de commercialisation et de leurs obligations dans ce domaine. C'est maintenant au tour de l'industrie de combler ses lacunes en matière de commercialisation.

Dans une étude récente de Coopers and Lybrand, on apprenait que le taux de productivité des sociétés de croissance américaines ayant des liens avec des universités était à peu près 65 p. 100 plus élevé que celui de leurs concurrents alors que, pourtant, seulement quatre entreprises sur dix nouent de tels rapports.

Avec les années, ma propre recherche a évolué. Je suis partie d'une compréhension fondamentale de la qualité optique de l'oeil pour finir par utiliser ce savoir pour mettre au point un nouvel instrument qui permet un meilleur diagnostic des pathologies qui mettent la vue en péril. Pendant des années, ma recherche a été subventionnée par les programmes du CRSNG pour la recherche fondamentale, puis financée par son programme de partenariat de recherche.

Dernièrement, deux autres professeurs et moi avons fondé une société essaimante, Biomedical Photometrics Inc., afin de commercialiser nos instruments d'optique biomédicaux. La politique de propriété intellectuelle de l'Université de Waterloo a facilité notre démarche.

L'expérience que nous avons acquise nous a permis de réaliser pleinement l'étendue des lacunes en commercialisation. Le mandat de l'université s'arrête à la mise au point d'un instrument pour les essais de validation, c'est-à-dire avant le stade du prototype ou de l'étude de marché qui sont nécessaires pour démontrer la viabilité d'un produit. Or, c'est un stade où les investisseurs ne sont généralement pas encore intéressés.

.1655

Au sujet de la création d'un climat propice à l'encouragement à la fois des sciences et de l'esprit d'entreprise, on peut dire que c'est un tel climat qui règne à l'Université de Waterloo grâce à son programme d'études et à ses politiques. De façon générale, on peut favoriser l'établissement d'un tel climat par l'éducation, en encourageant la lecture, les sciences et la technologie dès les premières années d'études. Ainsi, l'industrie pourrait subventionner un plus grand nombre de projets de recherches effectués l'été par les étudiants de premier cycle, ainsi que des programmes comme Shad Valley et Engineering Science Quest, que l'université administre pour exposer les jeunes étudiants à la recherche en sciences et technologie.

Les études universitaires, en particulier des programmes coopératifs comme celui de l'Université de Waterloo, favorisent l'interaction avec l'industrie et la sensibilisation à ses problèmes. Aux deuxième et troisième cycles, le programme de bourses d'études supérieures à l'intention de l'industrie et celui de bourses de recherche dans l'industrie, deux programmes créés par le CRSNG, jouent un rôle semblable.

Les programmes interdisciplinaires novateurs ont aussi leur importance; par exemple, le nouveau programme coopératif mixte affaires-sciences offert par l'Université de Waterloo. Il faut également tenir compte du fait que les universités peuvent difficilement assumer une part plus grande du financement de la commercialisation de la technologie, étant donné la diminution constante de leurs ressources.

Les universités canadiennes répondent aux besoins en personnel spécialisé des industries de haute technologie. Les étudiants de l'Université de Waterloo sont recherchés dans le monde entier. À l'avenir, on aura besoin de personnel hautement qualifié en informatique, en mathématiques, en sciences et en génie. Il faut à la fois une acquisition des connaissances spécialisées et un enseignement multidisciplinaire élargi pour encourager la libre pensée et la créativité essentielles à la production d'innovateurs.

À l'avenir, la population active devra être polyvalente et souple. La formation dans certaines spécialités devrait être prise en charge conjointement par les établissements d'enseignement et l'industrie.

Il se fait énormément de transferts de compétences et de technologie par l'intermédiaire des étudiants des programmes coopératifs. Les professeurs apprennent de l'intuition et de l'expérience de leurs étudiants et les étudiants qui se trouvent à la fine pointe de leurs disciplines transfèrent énormément de technologie à l'industrie.

Au niveau des études supérieures, les fonds fédéraux versés par les organismes subventionnaires au personnel hautement qualifié sont d'une importance primordiale non seulement pour les programmes de recherches universitaires, mais aussi pour le secteur privé, étant donné la technologie que les étudiants emportent avec eux quand ils entrent sur le marché du travail.

Nous admettons tous le principe de la responsabilisation des gouvernements, mais il faut prendre garde que la prolifération des formalités, des vérifications et des programmes n'aille à l'encontre du but recherché. L'investissement à long terme dans la recherche-développement par le gouvernement et l'industrie et l'encouragement de nos plus brillants cerveaux sont des mesures fructueuses. Pour préserver l'excellence en recherche- développement, il faut pouvoir faire examiner les projets soumis par des experts indépendants, par exemple l'évaluation par les pairs. C'est compatible avec l'appréciation de la qualité du travail dans le but de déterminer ses répercussions tant sur les connaissances fondamentales que sur l'économie.

Je suis contente de participer à cette discussion cet après- midi et j'espère que mes observations ont été utiles. J'attends vos questions avec impatience. Merci.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci beaucoup. C'est justement la période des questions qui commence à m'inquiéter. Vos collègues n'ont plus que trois minutes chacun pour résumer leur mémoire si nous voulons poser des questions et obtenir des réponses. Est-ce que ça vous convient?

M. Frank Tompa (Département d'informatique, Université de Waterloo): Oui, parfaitement. Comme nous avons manqué la discussion que vous avez eue tout à l'heure, nous ignorons ce qui a été dit. C'est vraiment dommage.

Je m'appelle Frank Tompa. Je suis chercheur en logiciel à l'université et chef du département d'informatique. J'ai fondé Open Text Corporation, une société essaimante de l'Université de Waterloo.

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Je vais vous entretenir de la recherche dans l'industrie, dans les laboratoires publics et dans les universités, en tentant de vous montrer la différence entre les trois types. La recherche universitaire comprend non seulement le développement d'une technologie même, mais aussi la formation de spécialistes hautement qualifiés, ce dont mes deux collègues ont parlé.

La différence entre les laboratoires du gouvernement et les universités, d'une part, et l'industrie d'autre part, ce sont les délais dans lesquels se font la mise au point d'un produit et la recherche nécessaire, par rapport au temps que prend la recherche fondamentale dans les universités.

La recherche universitaire et gouvernementale, toutefois, est la seule qui puisse étayer l'adoption de technologies complètement transformées, fournir de nouvelles positions privilégiées pour lancer des activités industrielles internes capables de réaliser un produit à partir d'une idée dans des délais serrés. Je peux vous donner plusieurs exemples de projets à noter université et de sociétés essaimantes ici. Je vous donnerai des détails si ça vous intéresse.

Quels sont les obstacles qui gênent l'émergence des nouvelles technologies découlant de la recherche universitaire et gouvernementale et quelles mesures faut-il prendre pour instaurer un climat propre à favoriser à la fois les sciences et l'esprit d'entreprise? Le transfert de technologie avec les sociétés de production de logiciels ou d'autres récepteurs de nouvelles technologies de l'information consiste à transmettre des idées oralement et par écrit, à livrer des prototypes de logiciel et à faire des échanges de personnel. La commercialisation de la technologie se fait en fondant une société essaimante qui doit continuer à faire tout ce qui précède. Cela demande énormément d'énergie et de temps à tout le monde.

Étant donné le coût du transfert de technologie, les budgets de recherche des laboratoires universitaires et gouvernementaux sont de plus en plus concentrées dans les programmes qui favorisent les interactions avec l'industrie. On vous en a donné plusieurs exemples que je n'ai pas l'intention de répéter.

Les universités ont répondu à l'appel dans toute la mesure de leurs moyens et elles désirent vivement poursuivre dans la même voie. On peut en dire autant des laboratoires gouvernementaux. Cependant, l'industrie n'a pas été assez encouragée à rechercher l'expertise et la technologie des chercheurs du secteur public. Les chercheurs des universités et du gouvernement sont unanimes à déplorer que le secteur privé ne manifeste pas assez d'intérêt pour l'étude et l'application de la technologie commercialisable.

Le gouvernement pourrait jouer un rôle déterminant en avivant l'intérêt des industries réceptrices et en accroissant leur capacité. Par exemple, on pourrait exiger qu'un plus grand pourcentage des subventions versées à l'entreprise privée pour la R-D soit réservé aux initiatives comportant un transfert de technologie par opposition aux projets purement internes.

J'espère pouvoir maintenant participer à la discussion.

Le vice-président (M. Lastewka): Je vous remercie beaucoup d'avoir présenté vos observations si clairement.

M. Sujeet Chaudhuri (Département de génie électrique et informatique, Université de Waterloo): Je suis le troisième témoin de l'Université de Waterloo. Je m'appelle Sujeet Chaudhuri. Je me spécialise dans les technologies R.F. et dans les communications optiques. Je suis également chef du département de génie électrique et informatique à la faculté de génie.

Comme vous l'avez demandé, je serai très bref. Je n'ai préparé aucun mémoire personnel, mais j'ai eu l'occasion de lire celui rédigé par ma vice-présidente, Mme Hansson, et le mémoire deM. Bernie Bressler. Je pense qu'ils ont réussi à capter tout ce que je voulais moi-même vous dire et j'approuve toutes les observations qui ont déjà été faites.

Il y a deux points précis dont je voudrais tout de même discuter. L'une des particularités de la faculté de génie de Waterloo, c'est son programme entièrement coopératif. La faculté a choisi la coopération il y a 40 ans, dès son ouverture. Chaque année, nous plaçons 3 600 étudiants dans des emplois qui font partie du programme. Mon département à moi s'occupe de 1 200 d'entre eux. Le tiers des étudiants de génie sont maintenant en génie électrique et en génie informatique.

Nous avons un taux de réussite phénoménal au premier cycle et il est maintenant très évident que nous devons arriver au même succès au niveau de la maîtrise et du doctorat. Nous nous sommes concentrés sur le génie des logiciels et sur les communications sans fil. Nous avons tenté de recruter des partenaires dans le secteur privé afin de pouvoir donner des emplois à nos étudiants à la maîtrise.

Je crois avoir entendu dire dans la discussion tout à l'heure que le secteur privé devrait aider à créer des projets de recherche pertinents et des sujets de thèse de maîtrise. C'est précisément ce que nous faisons. Nous avons eu une interaction très réussie avec Ericsson Communications Inc. qui a investi un million de dollars dans la création d'un centre de communications sans fil.

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C'est légèrement différent du programme de recherche industrielle du CRSNG. Il nous est impossible d'égaler une telle contribution de l'industrie. Si jamais nous avons l'occasion de le faire, je pense que nous pourrons accélérer cette collaboration industrie-université en formant beaucoup plus rapidement du personnel technique hautement qualifié.

Donc, ma seule suggestion, c'est que ce partenariat industrie- université soit envisagé par le gouvernement fédéral pour créer une infrastructure de spécialisation dans des secteurs ayant une importance stratégique pour notre pays. D'après mon expérience, beaucoup d'entreprises sont prêtes à conclure un partenariat. Des universités comme la nôtre sont très bien placées pour diriger ces partenariats. Le gouvernement fédéral pourrait servir de catalyseur.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci beaucoup. Monsieur Leblanc.

[Français]

M. Leblanc: Compte tenu que les gouvernements n'augmenteront probablement pas les effectifs des universités dans les années à venir, je suppose que les entreprises seront obligées de participer davantage au financement des universités.

Également, notre population est assez restreinte comparativement à celle du Japon et des États-Unis. Comment pouvons-nous poursuivre notre recherche et notre développement ici, au Canada, pour faire concurrence à ces grands pays? Ma question s'adresse à M. Bressler. Pouvez-vous élaborer sur la commercialisation de la technologie dont vous avez parlé plus tôt dans votre exposé?

[Traduction]

M. Bressler: Pour commencer, le gouvernement fédéral se doit d'assumer sa responsabilité de financer la recherche universitaire. Nous ne sommes pas ici pour discuter du financement des budgets d'exploitation des universités, mais bien de l'effort de recherche en particulier. C'est une responsabilité du gouvernement. Il est essentiel de préserver les budgets des conseils subventionnaires. Le gouvernement n'a pas le choix et il doit prendre son rôle très au sérieux.

Je ne crois pas que le secteur privé puisse fournir la différence. Je le répète, dans ma propre université, nous sommes fiers que 23 des 139 millions de dollars de notre budget proviennent du secteur privé et que cette proportion augmente, mais nous ne pouvons absolument pas compter sur l'industrie pour nous verser 100 millions de dollars de plus à la place du gouvernement. C'est irréalisable.

C'est juste un message en passant. Je voudrais que mes collègues de Waterloo nous donnent leur façon de penser.

Vous avez demandé plus particulièrement comment se faisait la commercialisation de nos produits à nous. Nous avons deux méthodes principales. La première consiste à faire breveter une invention par l'université qui accorde ensuite des licences.

À l'Université de la Colombie-Britannique, nous conservons les droits sur toutes les technologies. Mais ce n'est pas pareil dans toutes les universités. Nous, nous demandons un brevet, puis nous cherchons à concéder une licence. Parfois nous travaillons avec l'entreprise qui a financé la recherche et nous présentons une demande de brevet conjointement avec elle, puis nous lui accordons une licence exclusive. Chaque situation est un peu différente.

L'autre méthode consiste à fonder une société essaimante. Certaines universités le font couramment et d'autres presque pas. À notre université, nous nous efforçons de faire essaimer des entreprises dans la province et nous y parvenons assez bien. Des 77 sociétés ainsi fondées, 95 ou 96 p. 100 sont encore établies en Colombie-Britannique. Autrement dit, les sociétés essaimantes de l'université créent un avantage direct pour l'économie locale.

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On peut en dire autant, d'ailleurs, pour les autres universités de ma province: Simon Fraser et l'Université de Victoria. Je n'ai pas ici le mandat de les représenter, mais je sais qu'elles ont les mêmes politiques d'essaimage.

Donc, cet essaimage de sociétés est une autre façon de commercialiser un produit.

Le vice-président (M. Lastewka): Est-ce que quelqu'un de Waterloo veut intervenir?

M. Chaudhuri: J'ajouterais aux réflexions de M. Bressler que le gouvernement doit faire sa part et qu'il doit considérer l'argent qu'il verse aux universités comme un investissement.

Je vais vous donner des exemples précis. Dans mon département, depuis 10 ou 12 ans, on fait de la recherche subventionnée par le gouvernement, qui est à la base de trois grandes entreprises de la région. L'une a créé 120 emplois et une autre, 80. Il y en a une dans le domaine du cryptage et l'autre dans celui des semi- conducteurs DCC. Une troisième société se trouve littéralement dans le bureau voisin du nôtre puisqu'elle a été fondée par un groupe d'étudiants de notre département et je suis convaincu que cette entreprise sera à l'avant-garde dans le domaine des MIR.

Mon département a créé à lui seul au moins 200 emplois dans des industries de haute technologie avec un minimum d'aide financière gouvernementale. De 12 à 15 années s'écoulent depuis le début de la recherche fondamentale jusqu'à la commercialisation en passant par la création d'emplois. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne peut pas augmenter sa participation.

Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Shepherd.

M. Shepherd (Durham): Notre comité a tenté notamment de réfléchir à l'idée de concentrer la recherche-développement. C'est dans les universités que ça semble le plus problématique, car on me dit que certains de vos projets de recherche sont foncièrement demandés par l'industrie en général.

Autrement dit, notre dilemme en tant que planificateurs des politiques, c'est que si nous définissons certaines technologies dans lesquelles le Canada peut exceller, étant donné l'aspect global de la recherche-développement et la façon dont le pays peut occuper un créneau au lieu de chercher à tout faire, les universités vont se plaindre parce qu'elles préfèrent que la recherche soit décidée en fonction des besoins de l'industrie. Bref, il est concevable que certaines entreprises fassent de la recherche-développement dans des secteurs qui font peut-être partie de l'économie du passé ou qui ne nous mèneront pas aux trois, quatre ou cinq domaines stratégiques dans lesquels le Canada pense être capable de réussir dans le monde. Comment concilier ces deux perspectives divergentes?

Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Bressler.

M. Bressler: Je ne suis pas certain d'avoir bien saisi votre question. Voulez-vous dire que les universités sont déconnectées des priorités établies soit par le pays soit par le secteur privé? C'est bien ce que vous demandez?

M. Shepherd: Je crois que c'est la tendance.

Je vais vous donner un exemple très précis venant du CRSNG. Lorsque des représentants du Conseil ont comparu devant notre comité il y a quelque temps, ils ont parlé de financer la recherche sur de meilleures traverses de chemins de fer. J'ai ensuite comparé avec le genre de recherches dont nous parle le Conseil national de recherches - télécommunications, recherche biomédicale - pour voir si c'était compatible. On m'a dit que la recherche avait été entreprise à la demande du secteur privé. Mais quand je pense aux chemins de fer, j'imagine la Chine, où les chemins de fer abondent, alors qu'au Canada, on ne construit plus de voies ferrées. Comment concilier la nécessité de concentrer notre technologie afin de gérer les maigres ressources dont nous disposons pour la recherche- développement?

M. Bressler: Je vais tenter de vous répondre en espérant franchement avoir compris votre question. N'hésitez pas à m'interrompre si vous voyez que je fais fausse route.

Le secteur privé devrait assumer une plus grande responsabilité pour les choses dont il a vraiment besoin et qui n'intéressent que lui. C'est ce qu'il essaie de faire la plupart du temps... Quand c'est possible, les entreprises font faire la recherche à l'interne et avec pas mal de succès. Elles s'adressent aux universités quand elles ont besoin de leur expertise particulière qu'elles n'ont pas ou qu'elles préfèrent ne pas acquérir parce que leur besoin est immédiat et pas nécessairement à long terme.

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Le milieu universitaire, en revanche, est bon en recherche fondamentale et répond bien aux besoins de ceux qui s'intéressent aux applications.

Lorsque l'entreprise privée qui cherche une application précise a besoin d'une certaine recherche fondamentale, elle s'adresse à nous parce que c'est notre force. Nous sommes formés pour ça.

Est-ce que nous sommes toujours déconnectés à votre avis?

M. Shepherd: L'Université de Waterloo semble se concentrer dans certains domaines particuliers que ses représentants nous ont énumérés rapidement. Ils ont parlé de génie informatique, etc. Mais, manifestement...

Le vice-président (M. Lastewka): Voulez-vous que je demande aux gens de Waterloo de faire un commentaire? Ils ont peut-être des remarques à faire sur votre question.

M. Shepherd: Certainement.

Prof. Campbell: Oui, j'aimerais beaucoup faire des commentaires.

Je pense que votre question a deux volets. Premièrement, il faut savoir comment choisir les domaines qui ont une importance stratégique. Je le répète, cela m'inquiète parfois. Il faut prendre garde. À court terme, l'industrie peut nous dire ce qui a une importance stratégique pour elle au moment où on se parle. Il importe d'investir dans ces secteurs et de faire de la recherche- développement qui réponde aux besoins actuels de l'industrie.

Mais il est tout aussi important que la recherche plus fondamentale se poursuive, même en technologie, en fonction des idées novatrices et des inventions nouvelles. Si l'on se coupe de ces idées et de ces inventions, dans cinq ans, on sera dépourvu de ce qu'il sera nécessaire d'appliquer à ce moment-là. C'est une question très importante.

Je vous ai donné comme exemple mon expérience personnelle à un comité dont les membres n'ont pas compris tout de suite l'importance des sciences de la vie et de la biotechnologie. C'est seulement avec les années qu'ils en ont réalisé toute la portée. Il faut trouver le juste milieu entre la recherche purement appliquée et immédiate et la recherche créative et novatrice, tant dans le domaine de la technologie que dans les secteurs plus fondamentaux, qui apportera des choses intéressantes à plus long terme.

La plupart des entreprises, surtout celles liées à Waterloo, visent les marchés d'exportation. Nombre des sociétés essaimantes de l'Université de Waterloo réalisent plus de 90 p. 100 de leur chiffre d'affaires à l'étranger. L'industrie suit de près les marchés étrangers. Je ne pense pas qu'elle a besoin de se les faire expliquer.

M. Tompa: Je veux faire une dernière observation.

Le vice-président (M. Lastewka): Je dois vous demander d'être bref parce que le timbre résonne déjà pour le vote à la Chambre.

M. Tompa: D'accord.

Le secteur des logiciels évolue à une vitesse fulgurante. Jamais on n'aurait pu prévoir, il y a quelques années, que certains éléments du World Wide Web et de l'Internet prendraient de l'importance maintenant, ni que le projet CANARIE s'imposerait, ni que le cryptage deviendrait essentiel.

À mon avis, le gouvernement ne devrait pas essayer de tout décider et de dicter à toutes les universités et à toutes les entreprises ce qu'il faut faire. Tout le monde ne peut pas faire la même chose. Il faut de la variété.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci beaucoup.

Je veux poser une question très courte à M. Bressler.

Vous avez tous suggéré que le programme d'infrastructures serve à moderniser les laboratoires et les installations. Dans bien des provinces, les universités ont reçu des subventions dans le cadre du dernier programme d'infrastructures. Savez-vous quel pourcentage de ces subventions a servi aux laboratoires et installations de recherche?

M. Bressler: Je l'ignore. Je ne savais pas que des universités...

Le vice-président (M. Lastewka): Par exemple, en Ontario, chaque université a reçu un certain montant. Quelle part de cette somme a été investie dans les installations de recherche- développement?

M. Bressler: Eh bien, il semble que ce soit particulier à l'Ontario.

Si vous permettez, je vais demander à Robert Davidson, qui m'accompagne, de vous répondre. En Colombie-Britannique, aucune université n'a reçu une telle subvention. Dans la plupart des provinces, les universités n'ont à peu près rien touché et pas un sou ou presque n'a été consacré à l'infrastructure.

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Le vice-président (M. Lastewka): Alors, nous allons demander à nos attachés de recherche de passer en revue les subventions versées pour les infrastructures en Ontario. Ce sera très intéressant de voir si les universités ont affecté cet argent en priorité à la recherche-développement ou si elles s'en sont servies pour les routes et autres choses de ce genre. Nous allons vérifier si seules les universités de l'Ontario en ont bénéficié.

Je veux remercier tous nos témoins à Waterloo. Je m'excuse que la communication ait été établie en retard.

Je tiens aussi à remercier les témoins qui sont venus ici aujourd'hui. La table ronde a été bien fructueuse.

Nous allons continuer de rassembler des données et de rencontrer des intéressés, alors si les représentants de Waterloo veulent nous faire parvenir d'autres informations, qu'ils n'hésitent pas à les envoyer à la greffière. Cela vaut aussi pour les témoins qui sont dans la salle. Je vous remercie.

Notre prochaine réunion est prévue pour le jeudi 28 novembre à 9 h. Nous y traiterons du même sujet. Merci beaucoup. La séance est levée.

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