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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 11 février 1997

.0913

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Le premier point à l'ordre du jour du comité est l'approbation du rapport du Sous-comité du programme et de la procédure. Il est essentiel de proposer une motion et de l'appuyer, puisque nous avons déjà décidé d'inviter nos témoins ce matin et que nous sommes ici.

M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Je propose la motion.

La motion est adoptée

Le président: Nous passons directement à l'ordre du jour. Tout d'abord, je tiens à remercier nos deux invités, M. Georges Erasmus et M. René Dussault, d'avoir accepté de venir témoigner dans un si bref délai.

En fait, nous vous avons demandé de comparaître aujourd'hui pour nous aider. Votre commission a siégé pendant plusieurs années et a produit un excellent rapport. Nous devons maintenant joindre nos efforts pour nous assurer que ce rapport débouchera sur les meilleures initiatives possible, et ce dans l'intérêt de nos collectivités autochtones.

Je voudrais pendant quelques instants vous expliquer comment le comité fonctionne. Nous avons décidé qu'il ne servait à rien d'inviter simplement les témoins à nous faire profiter de leurs compétences et de les remercier ensuite sans entendre parler d'eux pendant les mois qui suivent. C'est pourquoi nous avons décidé que, pour chacune des réunions où nous entendrons un témoignage ou examinerons une question donnée, nous ajouterons un chapitre au recueil que nous avons constitué. Il y aura sans doute à l'avenir d'autres personnes qui viendront témoigner et si nous continuons de cette façon, nous pourrons retourner en arrière et nous dire que les coprésidents de la commission ont comparu devant le comité à telle date et nous ont fait telles observations.

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Tout cela pour vous dire que votre témoignage d'aujourd'hui ne restera pas lettre morte, car nous tenons à faire en sorte que le rapport ne sera pas relégué sur les tablettes. C'est trop souvent le sort des rapports déposés au Parlement.

Votre rapport est très important car il traite des véritables problèmes de tous les Canadiens. Nous vous demandons aujourd'hui de nous aider à comprendre la teneur du rapport et à élaborer une stratégie, si possible, pour garantir qu'une suite y sera donnée.

Je considère ce rapport comme un document vivant. Bon nombre d'électeurs, j'en suis convaincu, viennent parler aux membres du comité - en tout cas, ils viennent me parler - en leur demandant d'examiner le rapport et d'examiner une motion en vue de mettre en oeuvre toutes les recommandations qu'ils renferment. Nous aurons alors rempli notre tâche.

Je me trompe peut-être, mais ce n'est pas ainsi que je considère ce rapport, mais plutôt comme un ouvrage de référence de notre comité. Chaque fois que nous tenons une réunion, chaque fois que nous discutons des questions autochtones, il faut le faire à la lumière de ce rapport.

Nous espérons que cette première séance - et j'espère qu'il y en aura de nombreuses autres avec vous - vous permettra de mieux comprendre la situation et nous aidera à faire que ce rapport soit durable. Telle est l'intention de notre comité.

Je tiens à vous dire que tous les membres du comité, quel que soit leur parti, sont très consciencieux et déterminés à servir les intérêts des collectivités autochtones. C'est pourquoi nous prêterons une oreille attentive à votre témoignage.

Cela dit, je vous donne la parole pour que vous puissiez éclairer notre lanterne. Je vous remercie.

M. Georges Erasmus (coprésident, Commission royale sur les peuples autochtones): Merci.

Comme vous l'avez dit, nous avons eu un très bref préavis, et nous n'avons pu préparer un mémoire écrit, mais René et moi vous présenterons un exposé. Nous avons supposé que l'essentiel du travail se ferait plutôt par le biais d'un échange et de questions et réponses.

Au départ, il faut que le comité ait une bonne idée des principes fondamentaux sur lesquels se fonde le rapport et, en fin de compte, qu'il procède à une évaluation, au nom de tous les Canadiens, en prenant position par rapport à son contenu.

La commission était essentiellement chargée de se pencher sur la façon dont le pays a traité les peuples autochtones par le passé, d'analyser cette question et de prendre position à cet égard.

L'approche fondamentale reposait sur le principe que les peuples autochtones disparaîtraient en tant que sociétés distinctes et que leurs sociétés n'avaient guère à offrir à l'avenir ou pour l'enseignement des générations futures. On pensait que, en fait, des cultures supérieures étaient arrivées d'Europe et que le mieux qui puisse se produire pour les peuples autochtones, c'était la disparition de leurs sociétés. Les Autochtones seraient assimilés dans une société plus vaste dont ils adopteraient les valeurs et les modes de vie. Ils deviendraient des Canadiens, laissant derrière eux leur origine dénée, haïda ou crie, qui n'aurait guère d'importance.

Il y a donc eu un effort concerté en vue d'assimiler les peuples autochtones. C'était l'objet des pensionnats. C'est pourquoi on s'est efforcé de détruire leur langue. On a essayé également de faire disparaître totalement leurs valeurs culturelles.

La Loi sur les Indiens a été un autre moyen par lequel on a essayé d'enseigner aux peuples autochtones de nouvelles façons de prendre des décisions. Il existait un processus décisionnel uniforme. Le choix des Autochtones se faisait par élections, plutôt que par les moyens traditionnels qui consistaient à nommer ou à choisir ses dirigeants.

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Bien sûr, tout cela a échoué, malgré tous les beaux efforts qui ont été déployés. Dans certaines régions du pays, comme en Colombie-Britannique, les écoles résidentielles ont existé pendant 150 ans; tous les jeunes Autochtones, génération après génération, ont dû fréquenter ces pensionnats. Mais cela s'est soldé par un échec car en fin de compte, les Autochtones ne pouvaient pas vraiment trouver leur place. De toute évidence, ils ne se sont jamais adaptés à la société européenne. Ils ne pouvaient pas dire: «Mes ancêtres venaient d'Angleterre», «Mes ancêtres venaient de France», ou de Belgique ou d'ailleurs, «et mes origines viennent de là.» Peu importe tout ce que l'on savait au sujet de la monarchie, etc., et au sujet des rois, des diverses guerres, de l'importance de la date de 1066, cela ne faisait aucune différence; ce n'était ni votre culture ni votre histoire et les Européens ne vous acceptaient pas comme l'un des leurs.

Cette situation a provoqué un racisme excessif. L'idée que l'on puisse prendre un autre peuple et le façonner ainsi signifiait qu'on le considérait comme inférieur et que l'on avait quelque chose de supérieur à lui enseigner.

En fin de compte, même si on était une copie conforme des membres de cette autre société, on n'était jamais vraiment comme eux et plus on faisait d'effort, à titre personnel, pour leur ressembler, moins on connaissait ses propres origines. On finissait par se trouver assis entre deux chaises. Même l'enseignement officiel qui était donné aux Autochtones n'a jamais porté fruit.

Ce qui est regrettable, c'est que plus cette attaque contre les Autochtones était couronnée de succès, plus les institutions sur lesquelles se fondait la force des peuples autochtones par le passé s'affaiblissait. D'après notre évaluation, toute cette tentative d'assimilation a été un lamentable échec et la dernière chose à laquelle les Canadiens et leur gouvernement devraient penser, c'est le moyen le plus rapide de supprimer la culture des Autochtones et de refaire les mêmes tentatives. Tout le principe de l'égalité des droits, des mêmes droits pour tous, etc., nous porte à croire que l'on veut poursuivre dans cette voie. Cela a été un échec.

En cours de route, on a également fait fi des droits historiques que possédaient les peuples autochtones au départ. Lors de l'arrivée des Européens, il n'y a pas eu de guerre pour accaparer la terre. Les Autochtones n'ont pas été conquis. Ils ont conclu des traités légaux.

Au début, les Autochtones l'emportaient en nombre et en force. Lorsque quelques navires seulement arrivaient et qu'il y avait dans les Amériques 60 millions d'Autochtones, il est évident que c'est eux qui étaient les plus forts. C'est un peu comme si nous décidions maintenant d'envoyer deux ou trois navires en Europe.

Au début, donc, les traités ont été signés entre peuples égaux et souverains. L'entente qui a été conclue ne prévoyait pas que ces quelques milliers de personnes venant d'Europe devraient être assimilées dans la culture autochtone et devenir elles-mêmes des Autochtones. Ce n'était pas prévu dans l'entente. L'entente prévoyait que la nouvelle société débarquant sur notre continent pourrait transplanter ses institutions, sa culture, à côté des peuples autochtones, et que les deux sociétés vivraient côte à côte. C'est le principe fondamental du wampum à deux rangs. C'est ce que les Mohawk et les Iroquois ne cessent de nous répéter.

Cela a marché pendant un certain temps, de plus en plus de gens sont arrivés et tout a changé. Nous avons traversé cette période très sombre pendant laquelle on a essayé d'assimiler les Autochtones.

Même après tout ce temps, nous estimons que ces droits ancestraux sont protégés par la Constitution du Canada. L'article 35 reconnaît le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Nous croyons que les Autochtones ont également le droit à l'autodétermination, puisqu'ils sont des peuples. Même si leurs sociétés ont subi l'outrage de lois comme la Loi sur les Indiens, même si leurs droits ont été rigoureusement réglementés, nous croyons d'après notre interprétation de la loi, grâce à nos travaux et à nos recherches, et après avoir réuni certains des meilleurs spécialistes du pays, que le droit des peuples autochtones à gouverner leur destinée, leur droit à l'autodétermination, demeure intact. Si nous mettons en place un processus pour traiter avec les peuples autochtones, nous pourrons signer des accords d'autonomie gouvernementale, qui permettront aux Autochtones de prendre leur destin en main comme ils en ont le droit. Nos évaluations ont révélé que malgré les énormes attaques qu'ont subies les Autochtones, la meilleure solution consiste encore à renforcer les éléments et les institutions collectifs. Si ce que nous voulons vraiment, ce sont des personnes saines, responsables, des gens qui puissent bâtir le XXIe siècle, travailler de façon autonome et être autosuffisants, le meilleur moyen c'est de créer une société autochtone saine.

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La période coloniale a laissé beaucoup de scories. Il y a eu les écoles résidentielles, les agressions sexuelles. Comme dans tous les peuples opprimés, après la colonisation, les gens souffrent de violence interne grave. On retrouve ici le même type de bouleversement intérieur que dans tous les pays du monde où des peuples ont été colonisés, que ce soit en Afrique, dans le sud-est de l'Asie ou ailleurs. Nous avons besoin de la même guérison.

Malheureusement, certains problèmes se perpétuent d'eux-mêmes. On pourrait croire qu'une personne agressée sexuellement serait peu intéressée à reproduire ce type d'acte. Étonnamment, les victimes s'agressent sexuellement elles-mêmes. Ceux qui viennent d'une famille violente et qui ont vu leur mère battue par leur père, peut-être, voudraient éviter ce genre de chose, pourrait-on croire. En fait, ils en attrapent l'habitude, parce que c'est ce qu'ils ont appris.

Dans un peuple qui depuis 150 ans, huit générations, n'a jamais eu de parents et dont les enfants ont été élevés non pas dans leur famille mais dans des écoles résidentielles, les compétences nécessaires pour élever les enfants sont perdues depuis longtemps. Qu'ont appris nos enfants dans un tel système? Ils ont appris la froideur et la stérilité. Il ne leur était même pas possible de parler aux membres de leur famille, non plus que de manifester leurs émotions. C'était une vie sans amour. Ce qu'ils ont appris, c'est une discipline stricte et l'agression. Que peut-on faire? Qu'a-t-on appris dans son enfance? Les problèmes se reproduisent de cette façon à l'infini. C'est pourquoi, dans notre rapport, nous avons consacré des volumes entiers à l'éducation, à la guérison et aux développements qui sont nécessaires pour les gens.

Les Autochtones ont reçu une éducation très destructrice. Dans une grande partie de notre rapport, nous discutons le fait que la culture qui était ici à l'origine a survécu, malgré tous les assauts qui ont été portés contre elle. Bien des choses ont été perdues, mais l'essentiel, l'âme des cultures initiales, existe encore. Ces cultures doivent être encouragées et les institutions qui communiquent avec les jeunes, comme les établissements d'enseignement, doivent être en mesure de transmettre la culture.

De toute évidence, les peuples autochtones se doteront d'institutions adaptées à leur culture, entre autres, dans le domaine de l'enseignement. Mais dans l'ensemble de la société - et les contacts se continueront à toutes sortes de niveau, que ce soit dans le système correctionnel, l'enseignement... environ 70 p. 100 des étudiants autochtones fréquentent des écoles territoriales ou provinciales à l'extérieur des réserves. Si ces écoles veulent éviter le décrochage, amener leurs étudiants à obtenir un diplôme et les orienter vers des études postsecondaires, elles devront devenir beaucoup plus conviviales pour les Autochtones. Elles devront être adaptées du point de vue culturel. Notre rapport contient une foule de détails à ce sujet.

L'idée centrale qu'il vous faudra comprendre, c'est que les Autochtones sont des nations et qu'à ce titre ils ont le droit à l'autodétermination.

À notre avis, ils ont des droits territoriaux. Ils ont le droit d'avoir suffisamment de terres pour devenir économiquement autonomes, pour soutenir leur propre culture et financer leur autonomie gouvernementale par le prélèvement de leurs propres impôts, c'est-à-dire des impôts sur les activités menées sur leur territoire, des impôts sur le revenu des personnes qui vivent sur ce territoire, qu'elles soient Autochtones ou non.

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Dans le rapport, nous nous disons fermement convaincus que ce n'est pas une question de groupes raciaux. C'était peut-être le cas, à une lointaine époque, mais plus maintenant, puisque nos peuples se mélangent aux autres, par mariage ou autrement, depuis 500 ans. Environ la moitié des Autochtones épousent des non-Autochtones. Nous marions des gens de toutes les races et de toutes les cultures, si vous désirez utiliser ce type de vocabulaire.

Nous disons que les Autochtones sont des nations et nous entendons par là qu'ils sont un peuple ouvert au sang nouveau, aux nouvelles idées et à tout le reste. Il y a plusieurs façons d'être intégré à la nation: le mariage, l'adoption, l'association, les croyances, etc.

En fin de compte, de quoi parlons-nous donc, si nous ne fondons pas le concept de nation sur l'ascendance biologique? Eh bien, nous parlons de concepts culturels, d'identité et de croyances. En fin de compte, nous parlons de culture.

À notre avis, ce rapport constitue un modèle qui peut être utilisé ailleurs, là où vivent des Autochtones, par exemple. Mais il ne s'applique pas seulement aux Autochtones. Il s'applique à tous les États un droit à l'autodétermination. L'autodétermination signifie que, normalement, vous n'avez pas le droit de fractionner l'État, mais vous avez le droit de décider des conditions de votre union avec l'État. Vous avez le droit de décider des institutions qui soutiendront et protégeront votre culture, par exemple les institutions du gouvernement et de la culture.

Les peuples autochtones accèdent à l'autonomie gouvernementale de deux façons. D'abord, il y a leur droit inhérent, c'est-à-dire le pouvoir souverain initial qu'ils possédaient avant l'arrivée des Européens et qui a survécu dans une certaine mesure. Ce pouvoir n'est plus ce qu'il était. De toute évidence, il a été modifié. Ensuite, il y a les traités qui ont été signés et par lesquels les Autochtones acceptaient consciemment de modifier leur pouvoir souverain et de coexister avec les Européens. Depuis lors, des changements importants se sont produits, mais en fin de compte, le pouvoir souverain initial, le droit inhérent se trouve encore dans la Constitution.

Par conséquent, en signant un traité sur l'autonomie gouvernementale et sur le pouvoir - et nous avons décrit un processus qui y aboutirait - les Autochtones retrouveraient leur souveraineté initiale. En outre, les Autochtones négocient à titre d'entités autodéterminées. Les Autochtones peuvent donc négocier avec le Canada à ces doubles titres.

Nous avons également écrit dans le rapport un certain nombre de recommandations quant à des mesures importantes que les gouvernements fédéral et provinciaux devraient entreprendre. Entre autres, il faudrait que, rapidement, d'ici six mois ou un an, un processus soit entamé pour mettre en place un accord cadre général, pour tout le pays, auquel participeraient les provinces, les territoires, le gouvernement fédéral et les Autochtones.

Nous voudrions que certains sujets soient traités dans cet accord cadre, entre autres les principes du choix des terres. Les Canadiens semblent croire qu'ils ont traité leurs Autochtones mieux que les Américains ou d'autres États d'Amérique. Mais si vous étudiez les revendications territoriales qui ont été présentées au cours des dernières années et si vous regardez les réserves... ce n'est pas comparable aux réserves des États-Unis. Il faudrait multiplier le territoire des réserves par 30 pour en arriver au territoire qu'ont les Autochtones plus au Sud.

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Une grande partie de notre rapport traite donc de la nécessité d'être plus équitable. Du peu de territoire qui avait été consenti aux Autochtones en application des premiers traités et des premières réserves, les deux tiers ont été repris pour la construction d'autoroutes, la Voie maritime du Saint-Laurent, les voies de chemins de fer, les lignes de transmission électrique et les pipelines. Chaque fois que quelqu'un avait besoin de terrain... on leur disait de prendre dans telle réserve. C'est ainsi que les deux tiers de notre assise territoriale nous ont été retirés.

Dans un accord-cadre, on discuterait des principes dont devraient convenir tous les négociateurs quant à la façon dont les peuples autochtones pourraient se réétablir dans un territoire plus équitable. Une fois cela fait, les négociations individuelles seraient accélérées.

Pour ce qui est de l'autonomie gouvernementale, il serait possible d'en arriver tout de suite à un accord en décidant qu'il n'est pas nécessaire de négocier 101 traités individuels. Pourquoi ne pas s'entendre tout de suite clairement sur les pouvoirs fondamentaux de ces nations autochtones ou de l'un ou l'autre des trois ordres de gouvernement au Canada? Pourquoi ne pas s'entendre tout de suite là-dessus? S'il faut ajouter une chose ou l'autre dans les négociations particulières compte tenu des circonstances de chacune, d'accord, mais réglons tout de suite l'essentiel. Sinon, les négociateurs pourraient présenter une liste des sujets à discuter et régler toutes les négociations ou cas par cas. Mais s'ils pouvaient s'entendre à la table des négociations pour faire cet énorme pas, cela résoudrait le problème des négociations particulières qui s'en trouveraient grandement accélérées. Ces négociations seraient réglées beaucoup plus rapidement une fois établis les principes de sélection des terres, etc.

Un autre point que nous aimerions voir réglé concerne le financement des gouvernements des nations. Les gouvernements de ces nations croissent pour former des sortes de mini-provinces, si l'on veut faire une comparaison, et nous croyons que lorsqu'il y a autonomie gouvernementale, lorsque ces gouvernements sont élus, choisis et doivent rendre des comptes à leur propre électorat, leur financement devrait être assez semblable à celui des provinces. Il faut que ces gouvernements puissent avoir leur propre assiette fiscale. Ils doivent pouvoir prélever des impôts auprès de leur population et sur la mise en valeur de leur propre terre.

Tout comme les provinces qui sont parfois en mesure de payer la majeure partie de leurs frais sans l'aide financière de l'administration centrale, nous croyons qu'il y aura avec le temps une évolution dans les gouvernements des nations. Mais l'ampleur de l'aide et du financement que devront leur accorder les autres ordres de gouvernement dépendra de l'assiette fiscale des gouvernements des nations et de leur capacité d'obtenir par eux-mêmes des revenus. Nous croyons que ces principes devraient être résolus dans le cadre d'une table ronde nationale comme celle-ci. Je le répète, cela permet d'accélérer les négociations particulières.

Nous aimerions également que soit mis en place un processus intermédiaire. Même si la table ronde nationale permet d'en arriver à un accord magnifique, les négociations particulières sur les traités entre les nations, s'il était possible de réunir les nations... supposons qu'il y a 50 ou 60 nations autochtones d'un océan à l'autre, de l'Arctique au 49e parallèle. Il vous faudra encore négocier avec chacune d'elles, peut-être moins avec certaines qu'avec d'autres, parce que chacune d'elles aura évolué à son propre rythme. Il suffirait peut-être d'ajouter peu de choses à l'accord du Nunavut, à certaines des revendications territoriales ou au Yukon. Les Cris de la Baie James souhaiteront peut-être modifier légèrement leur convention initiale pour ce qui est de la justice, de quelques nouveaux pouvoirs, etc. Certaines nations sont plus avancées que d'autres. Mais il faudra néanmoins négocier avec chacune d'elles.

Que peut-on faire immédiatement pour s'engager hardiment dans cette voie? Nous proposons qu'un grand nombre des mesures fédérales actuelles soient incorporées aux lois fédérales: un processus de traitement des revendications territoriales, l'application des traités, par exemple, la création d'un tribunal pour faciliter le règlement des revendications territoriales et de la procédure concernant les traités.

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Nous voulons également que soient adoptées des lois qui reconnaissent chaque nation. Chaque nation répond à certains critères. Il faut une Constitution, un mécanisme équitable, permettant de choisir les citoyens, un processus d'appel, etc. Il faut également avoir un territoire bien déterminé. Cette loi fédérale, appuyée par des lois connexes provinciales et territoriales - ce serait au gouvernement fédéral de faire le premier pas - concéderait à la nation le pouvoir de légiférer dans certains domaines qu'elle pourrait exercer immédiatement.

C'est un autre sujet qui pourrait être discuté à la table des négociations nationales. Par exemple, s'il n'est pas possible de convenir d'un ensemble de compétences sur lesquelles une nation, une fois reconnue, puisse légiférer et négocier dans son traité, l'étape suivante consisterait peut-être à déterminer quelles compétences pourraient être exercées immédiatement une fois la nation reconnue. Dans notre rapport, nous dressons une liste de ces compétences: éducation, santé, services sociaux, protection de l'enfance, constitution de la nation, développement économique, etc.

Si le gouvernement fédéral adoptait de telles lois d'ici deux ans, par exemple, s'il établissait un processus d'aide permettant aux nations de se réunir de nouveau, chaque nation pourrait se retirer de l'application de la Loi sur les Indiens, si cette loi s'applique. La Loi sur les Indiens ne s'applique pas aux Métis ni aux Inuit, mais la majorité des Autochtones du Canada appartiennent aux Premières nations; c'est pourquoi la Loi sur les Indiens s'applique à bon nombre d'Autochtones.

Dans un tel cas, une fois la loi fédérale adoptée, la nation reconnue se trouverait en mesure de légiférer immédiatement dans un certain nombre de domaines essentiels. À notre avis, il est très important que les provinces, les gouvernements territoriaux et le gouvernement fédéral conviennent ensemble de ce que sont ces compétences fondamentales. Nous voulons surtout éviter un autre sujet de différend, que le gouvernement fédéral adopte ces lois, que les Autochtones se réunissent et adoptent les leurs, pour qu'ensuite une province insatisfaite déclare que les Nishgas ne peuvent légiférer en matière d'éducation. Ne parlons pas des Nishgas, puisqu'ils viennent de signer un traité. Prenons l'exemple des Haïda. La province pourrait décider que l'éducation est de compétence provinciale en Colombie-Britannique et que la nation ne peut légiférer dans ce domaine. Il vaudrait mieux s'entendre dans les négociations sur les compétences de transition qui seraient les premières consenties aux Autochtones. Il s'agirait de compétences de transition puisqu'une fois rendus à l'étape du traité, la décision serait finale.

Je m'arrête ici, car René voudrait probablement ajouter un complément d'information. Ce que nous souhaitons, c'est passer à la période des questions et réponses et discuter de la stratégie en relation avec ce que souhaite faire le comité.

Le président: Merci beaucoup. Je n'ajouterai rien. C'est si intéressant que je céderai tout de suite la parole à M. Dussault.

M. René Dussault (coprésident, Commission royale sur les peuples autochtones): Merci.

Voici ce que j'aimerais ajouter. La commission était un organisme exceptionnel puisqu'elle se composait de sept commissaires, dont quatre Autochtones et trois non-Autochtones. À mon avis, nous avons produit un rapport unique en son genre au Canada.

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Nous nous sommes rendus dans plus de 50 ou 60 collectivités autochtones, du Nord moyen et du Grand Nord, en plus des quelque 30 villes qui ont été visitées par des commissions créées par le gouvernement fédéral. Nous avons tenu plus de 178 jours d'audience. Ce contact avec la réalité des Autochtones de notre pays, nous a permis finalement de nous entendre, au lieu de nous éparpiller dans toutes sortes de tangentes idéologiques.

Pourtant, je puis vous assurer que tous les commissaires ne chantaient pas à l'unisson. Les commissaires se sont réunis à 98 reprises pour des séances de trois à cinq jours. On nous avait confié un mandat très vaste et nous voulions traiter chaque domaine comme il se devait, et démontrer en outre comment tous ces aspects sont inter-reliés. Nous avons toujours estimé que la contribution essentielle de ce rapport serait de montrer comment toutes ces pièces s'emboîtent et d'énoncer un plan d'action intégré.

En tant que commissaires non autochtones - et nous étions trois - nous avons compris qu'il ne suffisait pas de traiter les Autochtones comme des minorités pauvres qui avaient besoin d'une meilleure éducation et davantage de débouchés économiques. Il fallait reconnaître qu'ils formaient des collectivités dans le pays. Le Canada étant une fédération formée de provinces et d'un gouvernement fédéral, cela ne devait pas menacer l'ensemble du pays ou les provinces; une harmonisation était possible.

À notre avis, c'est seulement en reconnaissant ces collectivités et en prenant des mesures pour permettre aux Autochtones de parvenir à l'autodétermination en faisant la cogestion des terres, en administrant les services et leurs propres gouvernements. Nous ne parlons pas des villes. Nous nous sommes intéressés aux villes parce que 45 p. 100 des Autochtones y résident, mais laissons cet aspect de côté pour le moment. Nous nous sommes dit qu'il fallait rééquilibrer les pouvoirs économiques et politiques en reconnaissant l'existence des collectivités autochtones. Les commissaires non autochtones ont certainement compris que si nous prenions uniquement des mesures habilitantes sans reconnaître en même temps la collectivité que forment les Autochtones du pays, ces mesures échoueraient.

Nous avons fait un compromis qui nous paraît honorable. Nous estimions devoir établir un plan d'action qui serait acceptable à la majorité des Autochtones. Nous reconnaissions qu'il pouvait y avoir d'autres opinions légitimes, mais il fallait aussi que ce plan d'action soit acceptable au public canadien, au gouvernement fédéral et aux provinces. Nous savions qu'il fallait pour cela parvenir à un juste équilibre.

En tant que commissaires non autochtones, nous étions convaincus que les droits collectifs devaient être protégés grâce au processus que Georges Erasmus a décrit, soit une véritable autonomie gouvernementale. En fait, nous avons parlé d'un gouvernement autochtone. D'un autre côté, tous les commissaires ont accepté que la Charte canadienne des droits et libertés s'applique au gouvernement autochtone, sous réserve de l'article 25 portant que les droits inscrits dans la Charte ne doivent pas porter atteinte aux droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones.

Il reste à voir ce que les tribunaux feront de tout cela, mais je sais qu'aux États-Unis, les gens tiennent beaucoup à cette disposition. Cela a obligé les Américains à adopter une déclaration des droits des Indiens qui est la copie conforme de la Déclaration des droits américaine. Il n'y aucune souplesse et cela peut poser de nombreux problèmes de compétence.

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Comme Georges l'a dit, il nous est également apparu très clairement que les nations autochtones étaient des entités politiques et culturelles à l'arrivée des Européens. Elles sont toujours des entités politiques et culturelles. C'est ce qui constitue le gros obstacle. La majeure partie du public canadien les considère comme un groupe racial alors qu'elles n'ont jamais formé un groupe ayant un seul patrimoine génétique avant leur contact avec les Européens. En Amérique du Nord, la situation est évidement différente après 500 ans de contact, mais ces nations sont des entités politiques et culturelles et il faut les reconnaître comme telles aujourd'hui.

Nous avons également recommandé que les critères d'appartenance n'exigent pas une quantité minimum de sang autochtone comme condition générale l'emportant sur toutes les autres. L'ascendance peut certes être un facteur, mais il ne faut pas en faire une condition minimale.

Nous avons également précisé que, même si de nombreux peuples autochtones voudraient négocier uniquement avec le gouvernement fédéral, la plupart des traités, en tout cas les traités numérotés, ont été signés avec le gouvernement canadien ou, avant cela, avec la Couronne britannique. Certains d'entre eux ont été signés avec les provinces, mais nous avons dit très clairement que si nous voulions parvenir à une véritable autonomie gouvernementale, en réglant la question de la compétence sur les terres et les ressources, les provinces devaient participer pleinement aux négociations.

Également, pour ce qui est des terres, nous avons bien précisé qu'il existait, bien entendu, des droits historiques. Le titre autochtone assure la continuité du titre de propriété. À notre avis, il est possible d'avoir des garanties sans devoir demander aux Autochtones d'accepter l'extinction générale de leurs droits, comme le prévoyait la politique fédérale à l'égard des revendications territoriales globales. C'est au Yukon qu'on s'est écarté pour la première fois de ce principe général en procédant à certains ajustements.

Ce qui est en jeu ici, c'est un désir de plus grande autonomie dans l'affectation des terres. Mais il y a aussi le développement économique, car les terres ne sont pas la solution à tout. C'est très important pour les Autochtones, mais il faut qu'ils aient également accès au capital, aux compétences, etc. Il y a énormément à faire sur le plan du développement économique.

Pour que l'autonomie gouvernementale devienne une réalité, elle doit reposer sur deux piliers.

Nous indiquons clairement qu'à l'heure actuelle la reddition de comptes est orientée vers le gouvernement fédéral, qui donne tout l'argent aux chefs, par l'entremise de la Loi sur les Indiens, pour qu'il soit distribué à la population. Il faut modifier cela en conservant la reddition de comptes nécessaire à l'égard des paiements de transfert.

Il faut mettre au point un système selon lequel les dirigeants autochtones auront des comptes à rendre à leur peuple. À l'heure actuelle, ils doivent seulement rendre compte de la façon dont ils dépensent l'argent qui vient du gouvernement fédéral. Si vous avez une assiette d'imposition, cela assurera l'équilibre et les deux iront de pair.

Voilà à peu près ce que nous disons dans notre rapport. C'est sans doute la proposition la plus importante que nous faisons. Ce que nous envisageons pour le prochain siècle n'est pas un système qui continuera à assujettir l'argent et les Autochtones à la Loi sur les Indiens. Lorsque les gens pensent aux droits à l'égalité, quand on est assujetti à l'article 91.24, on ne peut pas dire que nous sommes tous égaux. Ce n'est pas en plaçant tout un groupe de gens sous l'autorité d'un autre, que ce soit le gouvernement fédéral ou les provinces, que l'on apportera la stabilité politique et économique aux Autochtones du pays.

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Nous pensons donc qu'au cours des années à venir, le Canada devra s'acquitter de ses obligations envers les peuples autochtones, c'est-à-dire envers leurs collectivités, leurs nations, la soixantaine de nations dont Georges Erasmus a parlé, par l'entremise de paiements de transfert. Les nations autochtones auront une base économique suffisante pour exercer des pouvoirs d'imposition et disposer de leur propre source de revenus. Par conséquent, le Canada n'aura plus d'obligation envers chaque Autochtone, comme le prévoit actuellement la Loi sur les Indiens, ce qui a obligé à définir, dans la loi, qui est un Indien. Cela pose un gros problème, mais il a fallu le faire pour limiter l'accès au programme. Nous proposons que le Canada s'acquitte de ses obligations envers les collectivités autochtones, au moyen de paiements de transfert et laisse les nations décider de leurs priorités et de la façon de dépenser l'argent provenant de ces paiements de transfert et de l'exercice de leur pouvoir d'imposition.

C'est une façon de faire beaucoup plus naturelle étant donné la façon dont le gouvernement canadien est structuré et c'est également plus compréhensible pour le public que si l'on continue à canaliser tout l'argent par l'entremise de la Loi sur les Indiens. Ce sera beaucoup mieux adapté et cela permettra aux Autochtones de reconstruire leurs nations, de renoncer à la notion d'Indien inscrit et non inscrit, s'ils le désirent, et d'avoir des collectivités plus importantes. C'est là un des principes fondamentaux énoncés dans notre rapport.

Nous disons que, si un comité comme le vôtre ou le public canadien trouve ce système nettement préférable à celui dans lequel nous sommes tous coincés, et cela depuis plus d'un siècle, surtout à cause de la Loi sur les Indiens, mais également à d'autres égards, il doit le dire haut et fort. Dans notre rapport, nous avons essayé d'être très clairs à ce sujet, de même qu'à l'égard de la reconnaissance de ces nations au moyen de la loi dont Georges a parlé, et à l'égard du pouvoir d'imposition et des paiements de transfert. Il faudrait avoir, pour les transferts entre le gouvernement fédéral et cette soixantaine de nations, une formule de péréquation comparable à celle qui existe pour les provinces. Nous avons cru devoir être très clairs à ce sujet afin que les Canadiens puissent voir à quoi ressemblerait cette structure et comment elle s'intégrerait dans la fédération canadienne.

En même temps, il nous fallait clairement énoncer les modalités de cette transition. Nous consacrons un très long chapitre à la partie 1 du volume II sur l'administration, à ces modalités de transition.

Nous mettons les peuples autochtones au pied du mur. Nous disons aux communautés qui veulent continuer à dépendre de la Loi sur les Indiens que c'est un choix tout aussi valable qu'un autre mais qu'elles ne s'attendent pas à avoir plus de pouvoirs qu'une simple municipalité. Par contre, si elles souhaitent s'intégrer au nouvel ordre de gouvernement autochtone avec des pouvoirs autonomes plus importants il leur faudra rétablir leurs liens avec la nation et être invalidées conformément à la procédure susdite. Elles bénéficieront alors d'un accord sur le financement des paiements de transfert.

Nous proposerons alors une méthode très détaillée pour nous assurer de ne laisser personne pour compte dans le nouveau code d'inscription pour tous ceux qui voudront rétablir leurs liens et rejoindre la nation... J'ai passé, la semaine dernière, trois jours avec les Micmac des Maritimes et nous avons longuement discuté de ces questions car les Micmac sont un bon cas de figure. Ils pourraient finir par tous se regrouper et inclure toutes les communautés du Québec et des diverses provinces Maritimes. Il faudrait donc que la décision définitive à la table des négociations soit prise par la province du Québec, les Maritimes, le gouvernement fédéral et la nation Micmac.

C'est faisable. Il ne s'agit pas d'États-nation dans l'État du Canada. Il s'agit de nations au sens sociologique du terme.

Pour ce qui est des territoires, dans l'éventualité où ils seraient élargis, comme Georges l'a dit, à 50 p. 100 les mariages sont mixtes, mais en plus il est fort vraisemblable qu'il y aura de plus en plus de non-Autochtones habitant sur ces terres. Nous ne laissons place à aucun doute, même si le territoire est géré selon le modèle de la nation autonome, ils devront avoir le droit d'être représentés, de faire entendre leur point de vue puisqu'ils seront imposés et assujettis aux lois régissant ces territoires.

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Je ne parle pas de droit criminel. Nous avons publié un rapport spécial il y a un an recommandant que les gens vivant dans les territoires autochtones puissent s'adresser au système de justice général au cas où un système de justice distinct aurait été mis en place par la nation. Autrement, d'une manière générale, s'ils doivent être assujettis aux lois des territoires autochtones et payer des impôts au gouvernement autochtone, ils devraient avoir le droit de représentation.

Pour ceux qui comme les Inuit et probablement les Métis dans le nord des provinces des Prairies, opteront pour un système de gouvernement public, comme dans le Nunavut, il est évident que c'est plus facile car il est clair que tout à chacun a le même droit de représentation sauf au niveau de certains droits autochtones garantis comme pour la chasse ou la pêche.

Dans les villes, pour l'essentiel, nous proposons une communauté d'intérêts, un gouvernement rassemblant les membres de diverses nations vivant dans une même ville. Nous ne pensons pas tant à une administration juridique parallèle au conseil municipal - pas vraiment - qu'une simple administration responsable de services, établissant ses propres institutions, ses conseils scolaires ou ses services sociaux, ou intervenant auprès des services destinés à l'ensemble de la population pour s'assurer qu'ils répondent aux besoins culturels des Autochtones. Il pourrait arriver que dans certains cas un groupe d'Autochtones soit plus particulièrement représenté dans une ville et qu'ils décident de se constituer en communauté locale de la nation comme cela pourrait arriver dans le cas des Micmac à Halifax ou des Siksikas à Calgary. Ce sont des cas particuliers. D'une manière générale il y a des Autochtones de nombreuses origines dans les villes et c'est la communauté d'intérêts qui devrait dicter leur regroupement au niveau des services.

Encore une fois, pour revenir au rôle du comité, nous pensons que ce rapport étant énorme et complexe vu le nombre de ses recommandations, la première tâche devrait être d'évaluer l'orientation générale et les principes qui la sous-tendent: la reconnaissance, le respect, le partage et la responsabilité mutuelle. Si cette grande orientation vous semble raisonnable - il faudrait éviter pour commencer de se noyer dans les détails - s'il vous semble qu'elle soit susceptible de rallier à la fois les Canadiens et les Autochtones, je crois que vous ne devriez pas hésiter à proclamer, et le plutôt sera le mieux, après réflexion, bien entendu, c'est la première étape nécessaire aux grands travaux préliminaires menés par les représentants des Autochtones et des non-Autochtones pour ouvrir la voie à la transition qui nous permettra d'atteindre notre objectif. À mon avis, ce sera très important.

Je finirais simplement en disant que le défi... Nous disons dans notre rapport que le nombre de jeunes Autochtones, 36,5 p. 100 d'entre eux ayant moins de 15 ans, 56,2 p. 100 moins de 24, nous offre l'occasion d'arriver vraiment à quelque chose à condition d'agir maintenant. Si nous attendons que la pyramide d'âge se renverse ce sera beaucoup plus difficile dans 25 ans.

Il faut empêcher ces jeunes de devenir des assistés sociaux. Dans 20 ans ils ne seront plus que35 ou 45 p. 100, la même proportion que leurs parents aujourd'hui. À l'heure actuelle 47 p. 100 de ceux qui sont dans les réserves sont assistés sociaux. Les dépenses pour le fédéral et pour les provinces sont inimaginables. Les pressions de la démographie condamnent un tel système. Il faut rompre cette dépendance. Il faut donner plus de responsabilités aux Autochtones. Notre pays y gagnera en retour une plus grande stabilité économique et, assurément, politique.

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C'est notre message. Si nous n'agissons pas maintenant nous risquons de perdre une occasion unique d'inverser la situation, de transformer ce qui est considéré comme un problème, comme un fardeau pour les contribuables canadiens, en un atout pour le pays.

Le président: Merci. C'est tellement passionnant que j'ai envie de faire sauter la période de questions et de vous demander de continuer. Mais nous allons quand même passer aux questions.

La procédure sera très informelle et tout le monde pourra intervenir quand bon lui semblera. Monsieur Murphy.

M. Murphy: Je vous remercie tous les deux de cet exposé. C'est la première fois qu'on me dresse un tableau aussi clair et pourtant j'ai beaucoup réfléchi à cette question.

Je vais être franc avec vous et vous dire à quoi je pensais en vous écoutant. René, j'ai toujours du mal à croire à cet éventuel retournement de situation vis-à-vis du bien-être social. Il y a encore aujourd'hui beaucoup de membres des Premières nations en Nouvelle-Écosse, ma province, qui ne veulent pas qu'on leur enlève la Loi sur les Indiens, qui veulent conserver ce cadre juridique dont vous et nous disons qu'il est sur le point d'imploser.

La confiance est un des éléments clé. Comment inciter les Autochtones à nous faire confiance et vice-versa? C'est la clé de tout le problème. Ils enverraient promener la Loi sur les Indiens demain s'ils pensaient pouvoir le faire en toute confiance. Ce n'est pas le cas.

Je me demande ce qu'il faudrait faire et comment. Si je suis impatient, j'imagine que vous devez être encore plus impatients que moi après toutes ces consultations. Je ne suis pas sûr qu'une solution soit vite trouvée.

L'objectif c'est l'autosuffisance. Pour y arriver, il faut un territoire dont on puisse recueillir les fruits et je suis d'accord. Combien de temps faudra-t-il pour atteindre cet objectif?

Je réfléchis simplement à voix haute mais ce sont quelques questions que je me pose. Auriez-vous des commentaires?

M. Erasmus: Il ne fait aucun doute qu'il y a un sentiment de méfiance incroyable. Pour vous dire la vérité, le fait que des semaines après que le rapport de la commission ait été déposé, le ministre propose une Loi sur les Indiens alors que nombre des peuples des Premières nations semblent ne pas en vouloir et que malgré leurs plaintes répétées une nouvelle loi leur soit imposée, n'améliore pas le climat de confiance. Indubitablement, cette nouvelle loi a ses défenseurs et c'est la raison pour laquelle le ministre la propose.

Il reste qu'il y a un énorme problème de confiance qu'il faut régler d'une manière ou d'une autre et nous offrons un certain nombre de solutions. Une loi fédérale de reconnaissance serait un excellent début. Une loi fédérale d'application des traités...

M. Murphy: Expliquez-moi cette notion de reconnaissance.

M. Erasmus: ... marquerait un très grand pas car les traités sont méconnus depuis fort longtemps et dans certains cas n'ont même jamais du tout été reconnus ni respectés. On pourrait commencer par reconnaître et renouveler les anciens traités.

La loi de reconnaissance que nous proposons serait fondée sur le concept selon lequel les peuples autochtones sont des nations qui doivent être reconstituées. Il ne devrait plus désormais y avoir d'Indiens inscrits et d'Indiens non inscrits. Chacun devrait pouvoir d'une manière ou d'une autre remonter à ses origines et se rattacher à une nation afin de devenir citoyen des Micmac ou des Shuswap ou des Haïda, des Dénés, des Cris, des Métis, des Inuit. Que vous viviez dans une réserve ou non vous sauriez à quelle nation vous appartenez.

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Nous proposons, dans le rapport, la procédure et les mesures qu'une nation devrait prendre avant de se présenter devant un comité indépendant qui déterminerait si oui ou non elle satisfait aux conditions préalables. Une de ces conditions serait une sorte de grande loi ou de constitution définissant clairement la nation. Une autre serait un code de citoyenneté dont les règles ne seraient pas exagérément contraignantes. Par exemple, exiger un quart de sang ou une moitié de sang dans les veines, par exemple, ne résisterait pas à la charte et n'est vraiment plus de saison. Les nations ont depuis longtemps dépassé ce stade. Elles continuent à accueillir de nouveaux venus dont elle n'exige pas ce genre de filiation sanguine.

Le comité vérifierait donc la présence d'un certain nombre de conditions. Y a-t-il un gouvernement? Il est évident que si cette nation a une constitution elle doit avoir un gouvernement. Y a-t-il une procédure d'appel juste, pour ceux dont la demande d'intégration à la nation a été rejetée? Ce serait le genre de conditions minimum à remplir.

Mais je reviens à votre question originale. Vous vous demandez ce qui arriverait à ces communautés qui veulent continuer pour le moment à dépendre de la Loi sur les Indiens, qui veulent faire d'autres choses. Pour le moment leur cas ne nous préoccupe pas trop car nous savons que même sans elles nous ne manquerons pas de candidats. Si la procédure était lancée aujourd'hui, vous verriez immédiatement arriver à la table de négociations de nombreuses nations de Colombie-Britannique, les Métis, les Cris, les Dénés et dire: c'est vraiment ce que vous nous proposez? Ça fait longtemps que nous le réclamons.

Il y aura donc des communautés individuelles, des régions du pays qui seront moins intéressées. Ce n'est pas un problème car il y a tellement à faire.

Au niveau des jeunes il y a tout un travail à faire individuellement si on ne veut pas perdre une autre génération. Il y a les problèmes d'exploitation sexuelle qu'il faut réparer. Il faut que les adolescents qui ont abandonné l'école y retournent pour finir leurs études secondaires et soient encouragés peut-être même à faire quelques études postsecondaires. Nous savons déjà que pratiquement tout Autochtone qui a un certificat ou un diplôme, ou même une certaine expérience du niveau postsecondaire, peut virtuellement exiger un emploi et l'obtenir. Même en cette ère de compression des effectifs, il y a des emplois pour les Autochtones diplômés, c'est indubitable.

Mais le malheur c'est que, même avec tout l'argent que les Affaires indiennes ont injecté dans le financement de l'éducation postsecondaire des Autochtones, nous ne sommes parvenus en un peu plus de vingt ans qu'à passer d'un peu moins de 2 p. 100 à un peu moins de 3 p. 100 d'Autochtones titulaires d'un diplôme d'éducation postsecondaire.

Le gouvernement peut penser avoir investi beaucoup d'argent dans ce domaine - il y a mis de l'argent. Il ne s'agit certes pas de critiquer l'effort du gouvernement. Mais il n'en reste pas moins que si nous voulons mettre un terme à ce manque chronique de financement - quand dans une réserve il y a 200 jeunes qui pourraient aller à l'université et que vous n'avez de l'argent que pour 50. Peu importe qui vous soyez, peu importe quel chef vous soyez, vous ne pouvez satisfaire tout le monde. D'autre part, comme il n'y a pas de travail pour eux qu'est-ce qui vous reste? L'assistance sociale.

Le problème c'est que quel que soit le budget du bien-être il est financé parce que c'est ainsi que marche le pays. Quand on considère l'argent qu'il faudrait pour financer des études universitaires il n'y a pas beaucoup de différence. Mais dans un cas, c'est pratiquement de l'argent à fonds perdu, de l'argent qui ne sert à personne alors que dans l'autre il s'agit de financer les outils qui permettent aux bénéficiaires de subvenir à leurs propres besoins et d'apporter leur propre contribution à la société.

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Nous proposons donc des solutions qui permettraient de dégager cet argent. Nous voulons que les communautés et les nations autochtones puissent prendre cet argent du bien-être et l'utiliser à d'autres fins.

Nous voulons qu'elles puissent s'en servir pour créer des programmes individuels. Quand il n'y aurait plus d'argent pour l'éducation postsecondaire - d'après nous, il devrait y en avoir plus pour commencer - elles pourraient dire à ces jeunes vous n'aurez pas cet argent du bien-être sans rien faire. Vous devrez nous donner quelque chose en échange. Travaillez, retournez à l'école, inventez votre propre programme mais nous voulons des résultats. Nous voulons que vous fassiez des efforts, que vous assumiez vos responsabilités en vous fixant un objectif. Nous les aiderons, nous les laisserons choisir la carrière qu'ils voudront. Ce n'est pas à nous de choisir pour eux mais nous les aiderons à y arriver.

L'autre option est de prendre cet argent et de l'injecter dans le budget de logement et d'infrastructure pour créer des emplois. Nous estimons qu'en cinq ans, les besoins d'infrastructure, les équipements en eau et en égouts, par exemple, dans les réserves devraient être satisfaits et que les besoins en logement devraient l'être d'ici 10 ans. Si le problème de logement actuel n'est pas réglé immédiatement, avec tous ces jeunes, il ne sera rien en comparaison de celui qui nous attendra dans 10 ans. La situation ne fera qu'empirer.

C'est le genre de choses que l'on sait et si on peut se servir de l'argent du bien-être, en assumer le contrôle, on peut l'utiliser intelligemment et créer des emplois et offrir de la formation. Quand on sait qu'on va disposer sur une durée de 10 ans, mettons, d'un budget de logement et d'infrastructure pour rattraper tous les retards, on peut se lancer dans des partenariats, offrir des stages de formation, toutes sortes de stages. Il y a tous ces emplois de menuisiers, de plombiers et d'électriciens qu'on saura pouvoir créer année après année. Il devient alors possible d'offrir de véritables expériences de travail, des programmes de formation et d'éducation. Quand finalement tous les retards auront été rattrapés dans le domaine du logement et des infrastructures, il y aura sur place un marché de main-d'oeuvre qui permettra de construire encore d'autres maisons et de donner du travail aux jeunes et à tout le monde.

Lorsque nous avons examiné les coûts passés nous nous sommes aperçus qu'il y avait eu augmentation des budgets. Mais y a-t-il eu véritablement augmentation? Pas vraiment, c'est la faute à la démographie. Les budgets ont toujours tout juste couvert les coûts. Il n'y a jamais eu de véritable stratégie d'analyse. Il n'y a pas de solution planifiée. S'il y a 200 personnes de plus au bien-être, le budget du bien-être est augmenté en conséquence. Personne n'a jamais dit que cela faisait beaucoup trop longtemps que cela durait et qu'il fallait trouver une solution complètement différente.

Ce n'est pas tous les jours qu'on se retrouve avec pratiquement 60 p. 100 d'une population qui a moins de 24 ou 25 ans. On peut transformer cette réalité en atout. Il ne s'agit pas de gens dans la quarantaine ou la cinquantaine qui réclament des études postsecondaires et une nouvelle carrière. Ceux-là ont déjà travaillé, ils sont fatigués et ils ne rêvent presque plus. Il s'agit de jeunes qui n'ont pas vraiment encore eu l'occasion de rêver. Plutôt que de leur faire l'aumône et de n'envoyer que quatre ou cinq à l'université, il est évident que le pays a intérêt à s'assurer que tous les jeunes Autochtones bénéficient de toute l'information et de toute l'éducation possibles.

Nous démontrons tout aussi clairement que vos programmes d'éducation sont inadaptés pour les Autochtones. Nous vous en donnons toutes les raisons, qu'ils soient culturels ou autres. À partir de la maternelle, que les établissements soient administrés par des Autochtones ou les gouvernements provinciaux ou territoriaux, nous vous disons quoi faire pour mieux les adapter aux besoins des Autochtones.

Chaque fois que nous avons découvert un problème dans une situation donnée, nous avons essayé de trouver une autre situation où il n'y en avait pas. Nous en avons toujours trouvé. Généralement, ce sont des exemples de communautés autochtones qu'elles soient américaines, canadiennes ou néo-zélandaises.

Mais si jamais vous lisez ce rapport - si même vous ne le lisez pas, je ne vois pas qui le lira - vous pourrez constater que ce sont réussites sur réussites. Vous apprendrez aussi la raison des échecs. Elle vous surprendra et vous vous demanderez pourquoi grands Dieux, si cela marche pour tout le monde pourquoi pas pour les Autochtones? Notre rapport vous apporte aussi les réponses à cette question.

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Que les communautés individuelles s'intéressent ou non à la nouvelle Loi sur les Indiens ne nous préoccupe pas vraiment. Si ce qui les intéresse, c'est régler leurs problèmes d'emploi, régler leurs problèmes d'exploitation sexuelle qui sont omniprésents, trouver des remèdes et des solutions, nous disons: Donnez-leur plus de pouvoirs, soutenez-les autant que vous le pouvez dans leurs efforts et surtout créez des exemples. Faites le maximum pour celles qui veulent créer leur propre gouvernement parce qu'il nous faut le plus rapidement possible des exemples de communautés, de familles et d'individus en pleine santé, de nations de nouveau en pleine possession de leurs moyens, des exemples à la fois pour les Autochtones et aussi - c'est peut-être un peu gros - pour tout le pays. Nous voulons savoir si ça marche avant d'aller plus loin et pour cela il nous faut un certain nombre d'exemples.

Le président: Si vous êtes tous d'accord, je vais vous demander à tous de poser successivement vos questions avant de demander à nos témoins de répondre car ce sera peut-être plus productif.

Monsieur Patry.

[Français]

M. Patry (Pierrefonds - Dollard): Merci beaucoup, messieurs les coprésidents. Tout comme mes collègues, je suis très heureux ce matin de votre présentation qui, disons-le très franchement, s'est avérée très éducative pour nous.

M. Erasmus nous a brossé un tableau de l'histoire de la nation autochtone, histoire qui est sûrement très différente de celle que j'ai apprise dans mes bouquins à l'école.

J'ai terminé la lecture du premier volume. C'est long. Ça se digère, non pas difficilement, mais il faut prendre son temps. De ce premier volume, qui traite de l'histoire, je retiens que vous appuyez les quatre principes que vous avez énoncés et qui devraient guider la nouvelle relation entre les autochtones et les non-autochtones. M. Dussault les a énoncés: il s'agit de la responsabilité mutuelle, du respect mutuel, du partage ainsi que de certaines responsabilités entre les nations.

J'aimerais obtenir des précisions relativement aux traités dont parle le deuxième volume, que j'ai commencé à lire. Vous y dites qu'il devrait y avoir un nouveau processus d'établissement des traités pour remplacer la politique actuelle sur les revendications territoriales globales, mais qui n'entraîne pas l'extinction totale des droits territoriaux ancestraux. J'ai de la difficulté à comprendre comment on peut avoir un traité sur des assises territoriales sans une extinction totale de ces droits ancestraux. J'aimerais avoir un peu plus d'information à cet égard.

Le président: Monsieur Bachand.

M. Bachand (Saint-Jean): Je tiens d'abord à vous féliciter pour la présentation ainsi que pour votre excellent travail.

Bien que j'aie de nombreuses questions, je n'en poserai que deux. La première porte sur l'autodétermination. Monsieur Erasmus, vous parliez plus tôt du principe de l'autonomie gouvernementale où il faut faire une nuance en droit international. Je suis d'accord avec vous qu'il faudrait commencer par un processus de reconnaissance, ce qui, soit dit en passant, a été fait au Québec. Le Québec a reconnu les 11 nations autochtones.

Beaucoup de gens ont des craintes du côté du droit international. Cette autodétermination peut prendre deux tangentes: une tangente d'autonomie gouvernementale, mais aussi une tangente de sécession. Si j'ai bien compris vos propos, vous parlez plutôt d'une tangente d'autonomie gouvernementale basée sur une base territoriale suffisamment grande pour que ces gens brisent leurs liens de dépendance. J'aimerais que vous précisiez cette question et confirmiez que je vous ai bien compris.

D'autre part, on soulève une question dont on a d'ailleurs traité lors du colloque de l'Université McGill. Plusieurs personnes, dont la plupart étaient autochtones, ont reproché à la commission de ne pas avoir fait un travail suffisamment poussé sur la question du Québec. Quelle est votre impression? Vous savez qu'en 1867, les Pères de la Confédération n'ont pas invité les nations autochtones à signer le pacte constitutionnel. On ne l'a pas fait en 1982 non plus. Par ailleurs, le Québec n'est pas signataire non plus de la Loi constitutionnelle de 1982.

N'avez-vous pas l'impression que cette situation crée une espèce de distorsion dans l'instauration de toutes les mesures que vous voulez mettre de l'avant?

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Vous êtes finalement du même côté de la barrière que nous. Le Québec n'a pas signé la Constitution, et vous non plus. Peu importe la décision que le Québec prendra, pour ma part, je suis un souverainiste. Il est sûr qu'il y aura des pressions pour que le Québec reste dans la Constitution canadienne et dans la fédération canadienne. Mais n'avez-vous pas l'impression qu'il y a pour l'instant de la distorsion dans le paysage à cause de ce problème?

[Traduction]

Le président: Monsieur Finlay, votre question, s'il vous plaît. Tout le monde pose sa question et les réponses viendront après ensemble.

M. Finlay (Oxford): Merci, monsieur le président. Je suis certainement très heureux de voir les commissaires puisque je suis l'un de ceux à avoir réclamé leur visite. J'ai déjà beaucoup appris et cela m'a permis d'étoffer ce que j'avais déjà lu mais il me reste une ou deux petites questions qui me turlupinent.

Je crois vous avoir entendu dire, monsieur Eramus qu'il y avait 60 millions d'Autochtones dans le nouveau... Je ne sais pas si vous avez voulu dire dans le nouveau monde ou dans le monde ou en Amérique du Nord ou en Amérique du Sud, mais selon le résumé au XVIe siècle la population autochtone du Canada était de 500 000.

M. Erasmus: Je faisais référence au continent américain quand les Européens sont arrivés.

M. Finlay: Très bien. Merci.

Vous avez parlé de trois paliers de gouvernement dans cette entente cadre appliquée à l'ensemble du Canada. Est-ce qu'ils incluent les municipalités? Quelle est la place des gouvernements municipaux dans votre troisième palier de gouvernement autonome? Dans les communautés urbaines vous proposez une forme de gouvernement autonome pour les Autochtones.

Est-ce que j'ai bien lu quelque part que la Loi canadienne sur les droits de la personne s'appliquerait? Je pense à certains des problèmes des femmes des communautés autochtones et de leur participation au gouvernement, etc. Vous dites que certaines nations autochtones sont prêtes à se lancer dans l'aventure, et cette perspective me plaît, mais il faut nous assurer que les droits de la personne sont respectés. Il serait malheureux que ce pas en avant soit accompagné d'un pas en arrière.

Le président: Monsieur Duncan.

M. Duncan (North Island - Powell River): J'ai plusieurs questions. Au tout début de votre intervention, monsieur Erasmus, vous avez dit que votre véritable objectif était le renforcement des collectivités. N'est-ce-pas prôner le collectivisme, le socialisme? Nous vivons aujourd'hui dans un monde qui s'éloigne résolument de ce genre d'idéologie. Que se passe-t-il si les propres membres de votre société ne veulent pas de cette forme de gouvernement? Que se passe-t-il si les deux premiers paliers de gouvernement ne veulent pas de cette forme de gouvernement? Ne desservez-vous pas votre peuple en préconisant la création d'une sorte de système politique radical plutôt que de trouver de solutions à leurs problèmes quotidiens?

Vous nous avez dit que les communautés veulent sortir du cycle infernal de l'exploitation sexuelle, par exemple. Certains exemples récents m'indiquent que nous faisons tout le contraire de ce que nous devrions faire. Vous avez dit que 70 p. 100 des étudiants autochtones fréquentent des écoles à l'extérieur des réserves et un mouvement récent réclame une plus grande scolarisation dans les réserves. Cette demande dans certaines communautés a abouti en réalité à des situations très malsaines pour les enfants. Plutôt que de les arracher au cercle infernal de l'exploitation sexuelle, ils y sont maintenus avec des risques aggravés. Je me demande si vous avez bien réfléchi à cette question.

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La question de l'appartenance ne manque pas d'ironie. De la manière dont cela fonctionne actuellement dans certaines circonstances, si la décision est prise par les instances dirigeantes, à condition d'être d'accord avec ces instances et à condition de promettre de ne pas faire de vagues, il n'y a pas de problème. Par contre, en cas de désaccord, vous n'êtes pas le bienvenu dans cette communauté ou dans cette nation, comme vous l'appelez.

En vertu du récent accord de principe de Nishga, c'est la Loi sur les Indiens qui continue à régir cette question d'appartenance. C'est la seule partie de la Loi sur les Indiens qui demeure. J'en déduis qu'il n'y a pas d'autre solution applicable... Il n'y a pas d'autre solution qui permette de continuer à faire une différenciation absolue entre être Canadien et être membre d'un regroupement autochtone qui jouit pour une raison ou pour une autre d'un statut privilégié. Je ne vous ai pas entendu dire comment nous pourrions trouver une issue à ce problème mais c'est une autre question que j'aimerais bien vous poser.

M. Erasmus: C'est quoi votre question?

M. Duncan: Ma question, c'est que si c'était vraiment un concept applicable, dans ce cas...

M. Erasmus: Est-ce que vous essayez de nous demander ce que nous proposons pour l'appartenance?

M. Duncan: Oui. Vous ne proposez pratiquement aucun critère et je dis simplement que c'est inacceptable. À mon avis, les Nishgas l'ont reconnu et c'est la raison pour laquelle ils ont conservé la définition de la Loi sur les Indiens. Mais de toute évidence, ce n'est pas non plus l'idéal. Je comprends votre concept mais j'essaie tout simplement de vous dire qu'à mon avis ça ne peut pas marcher.

J'ai plusieurs autres questions mais j'ai déjà pris beaucoup trop de temps.

Le président: Nous allons demander à M. Hubbard de poser sa question et je reconnais que c'est très difficile pour vous parce qu'il y a beaucoup de questions. Je crois que nous aurons le temps pour un deuxième tour et si votre question n'a pas reçu de réponse vous pourrez peut-être la reposer.

Monsieur Hubbard.

M. Hubbard (Miramichi): Merci, monsieur le président.

Nous vivons probablement un moment historique dans notre pays, alors que nous présentons un rapport important et que nous examinons l'histoire des contacts entre les différents groupes depuis 500 ans ou plus. Mais pour ce qui est des textes du rapport et des études de civilisation et de la société - par exemple, vous avez dû avoir de très bons historiens qui ont participé à cette rédaction - et qui ont essayé de mettre en contexte ce qui est arrivé à notre propre peuple au Canada, et ce qui est arrivé dans A Study of History de Toynbee, s'agit-il d'une réalité que nous pouvons évoquer et remonter dans le temps?

Moi aussi, je suis un peu mal à l'aise avec la notion de nation. Plusieurs des 600 collectivités diverses de pays se considèrent comme des nations, et dans votre rapport vous parlez de 50 ou 60 nations et peut-être un chiffre aussi bas que quatre groupes de peuples. Pour ce qui est des nations, sur le plan historique, on songe toujours à une assise territoriale fixe. Qu'il s'agisse de Claude avec son Québec ou un autre État-nation, c'est toujours une unité géographique fixe.

On parle, par exemple, des Micmac de l'est du Canada, et cela inclut bien sûr la province de Québec, probablement les quatre provinces de l'Atlantique, et même les États du Maine et du Massachusetts. Donc il s'agit d'un groupe très étendu sur le plan géographique.

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J'aimerais que vous nous disiez comment cet aspect géographique va se rattacher à la notion de nation. En outre, est-ce que les diverses communautés, même au Nouveau-Brunswick où nous avons probablement huit ou neuf communautés micmac différentes, peuvent travailler de concert en tant qu'unité, sur les plans politique, social et économique? Voilà certaines de mes préoccupations, monsieur le président.

Le président: Si vous pouviez prendre vingt minutes... Je sais que vous pourriez en parler pendant trois heures, et nous pourrons peut-être avoir un autre tour rapide. Si le comité désire prolonger la séance et si vous pouvez rester, c'est une décision que prendra le comité. Vous avez la parole.

M. Erasmus: Je vais commencer. Je laisserai à René le soin de répondre aux questions telles que l'autodétermination au Québec et la non-expiration des traités.

Je veux commencer par la relation entre les trois paliers de gouvernement et le rôle des municipalités. Lorsque nous parlons d'ordres de gouvernement, nous faisons actuellement allusion au gouvernement fédéral et aux provinces. Les gouvernements municipaux sont créées par l'un de ces ordres de gouvernement. La loi provinciale crée les gouvernements municipaux. Ce n'est pas une structure gouvernementale créée par la Constitution; c'est créé par la législation d'une province. C'est pourquoi l'Ontario peut forcer l'agglomération torontoise et de nombreuses municipalités à former une seule mégaville. S'ils avaient un champ de compétence constitutionnel, je soupçonne que cela ne serait pas possible.

Nous estimons que les nations autochtones constituent un autre ordre. Certains avancent qu'ils seraient le premier ordre, mais ils seraient un autre ordre. Au sein de cet ordre, on anticipe qu'à part les gouvernements des nations on aurait sans doute des collectivités, des municipalités et si vous voulez - simplement pour que vous ayez une image en tête et que vous compreniez la notion - une corporation de village. Les pouvoirs qu'ils détiendraient seraient évidemment déterminés par la nation autochtone elle-même.

En fait, avec les Nishgas, nous avons un exemple. Je ne sais pas combien d'entre vous avez lu l'entente au complet, mais c'est un bon exemple. Il y aura un gouvernement de nation pour les Nishgas. Il y aura des gouvernements communautaires. Ils auront également certains gouvernements urbains - en fait, trois villages urbains.

Certaines nations sont tellement vastes qu'elles auront peut-être des... Dans le nord de l'Ontario, les Nishnawbe-Aski ont environ 55 collectivités ou plus, et actuellement elles ont plus d'une demi-douzaine de groupements de tribus régionales. Ils s'étendent sur un territoire tellement vaste. Donc il est fort possible que lorsqu'on discutera de la Constitution, il y aura des pouvoirs qui seront dévolus aux municipalités et peut-être même aux gouvernements régionaux ou de nation.

On a aussi demandé si la Charte s'applique. La Charte s'applique effectivement. Cela ne fait aucun doute. Nous sommes convaincus, comme René l'a dit dans son exposé, que les droits individuels des citoyens au sein d'une nation seraient protégés par la Charte contre leur gouvernement de nation tout comme les Canadiens sont protégés contre leurs gouvernements provinciaux et fédéral.

Dans les zones urbaines, il y a également une situation... Premièrement, notre notion du champ de compétence du peuple autochtone serait de nature territoriale. Il dépendrait de l'assise territoriale détenue par le peuple autochtone. Si la loi de reconnaissance était adoptée, cela signifierait initialement que le territoire existant, les bases de réserve, seraient en fait là où les gouvernements de nation pourraient légiférer.

Renforcer la collectivité signifie implanter le socialisme. En renforçant la collectivité, nous voulons simplement inverser la tendance qui a existé jusqu'à présent.

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L'impression que les Canadiens avaient par le passé était que la meilleure chose à faire pour le peuple autochtone était de le sauver un individu à la fois et de le transformer pour qu'il s'adapte à la nouvelle société, et en outre que ses institutions n'avaient essentiellement rien à offrir aux Autochtones. Nous croyons que c'était tout à fait faux, que cela est toujours faux aujourd'hui, et que la meilleure chose à faire en fait est de renforcer les institutions autochtones. Pourquoi? Parce qu'elles ont la capacité collective, à notre avis, de mieux favoriser l'épanouissement de leur propre peuple. On pourrait citer de très nombreux exemples.

Donc, ce que nous voulons dire lorsqu'il est question de les voir établir leur propre gouvernement, c'est qu'ils décideraient eux-mêmes, collectivement, de la nature de la constitution nationale qu'ils auraient et du genre de gouvernement qu'ils établiraient que se fondant sur cette constitution. Beaucoup de temps a passé. Personne ne parle de remonter dans le temps, surtout pas les peuples autochtones. Ils parlent beaucoup de l'avenir. Nous savons que les valeurs culturelles et les idées ont changé et ont été modifiées, et ils le savent très bien. Donc il est fort possible que l'on assiste à des changements très importants par rapport à ce qui s'est produit par le passé.

Par exemple, chez les Iroquois, les matrones principales nommaient les dirigeants politiques et étaient habilitées, après trois avertissements, à les désister de leurs fonctions. Nous ne savons pas si les Iroquois vont décider, bon, cette grande loi a fonctionné pour nous avant l'arrivée des Européens et pendant les 200 premières années qui ont suivi, mais depuis 150 ans environ, depuis que la Loi sur les Indiens nous a imposé les conseils de bande... Nous voulons maintenant des élections.

Nous ne sommes pas certains. Dans le Nord, les Inuit font l'essai d'un genre de gouvernement tout à fait nouveau. Il est question d'élire un homme et une femme dans chaque circonscription. Cette idée ne provient pas nécessairement de leur passé, mais c'est quelque chose qu'ils veulent pour l'avenir. Ce que nous disons, c'est que chaque collectivité autochtone doit avoir l'occasion de décider pour elle-même et de faire des expériences au fil des ans. Il y aura sans doute des changements.

Nous soupçonnons fortement qu'avec le passage du temps et les possibilités de nouvelles expériences, les peuples autochtones emprunteront certains éléments de leur passé et d'autres qu'ils trouveront ailleurs, et ainsi de suite. La notion des droits individuels est extrêmement importante pour les peuples autochtones, qu'elle provienne du passé ou non. Individuellement par le passé, chaque personne recevait son propre nom. Personne n'avait ce bagage d'un nom de famille qui le suivait partout. Tout le monde obtenait son propre nom, et tout le monde avait des droits individuels très puissants. Alors je ne crois pas que cela pose de problèmes. Les droits individuels seront une partie importante de ces cultures.

Pour ce qui est du socialisme, je pense que les collectivités autochtones continuent de s'y intéresser. Je ne pense pas que cela soit fondé sur ce que nous avons connu comme «socialisme». Si vous avez étudié l'évolution de Marx et Engels et les petits livres de Mao et l'évolution du communisme mondial, ou même la notion de gouvernement socio-démocratique... Les peuples autochtones ont leur propre culture, qui ne les lie pas à ces motions strictes de parti. Je ne pense pas qu'on puisse utiliser cela comme excuse pour prétendre que les peuples autochtones ne peuvent pas obtenir l'autonomie gouvernementale parce qu'ils risquent de propager le communisme dans les Amériques. C'est complètement ridicule.

Quant aux chefs qui imposeraient aux personnes des choses dont elles ne voudraient pas et qui mettraient sur pied des systèmes radicaux, j'ignore d'où vient cette rumeur. Ce dont il est question, c'est tout simplement d'Autochtones qui se concertent pour décider de ce qu'ils veulent, pour décider s'ils veulent continuer avec le système du chef et conseil de bande et des élections ou s'ils veulent avoir un mot à dire dans un système qui les représenterait mieux.

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Un des problèmes suscités par le système électoral pour les réserves se présente dans le cas d'une très petite communauté où prédomine une grosse famille. On peut s'arranger pour que le chef provienne toujours de cette famille. Celui qui remporte le plus de voix détient tout le pouvoir.

Tout d'abord, cette façon de faire était tout à fait étrangère aux moeurs des Autochtones dont la plupart avaient leur propre façon de partager le pouvoir. Le pouvoir était partagé de façon beaucoup plus diffuse. Très souvent, il n'y avait pas de structure hiérarchique. Plus souvent qu'autrement, il s'agissait d'un système où le pouvoir était, en réalité, partagé. Sur le plan de la culture, l'une des choses les plus difficiles à accepter pour les Autochtones c'est de se retrouver dans une situation où ils ne sont qu'un élément d'un vaste engrenage. C'est présumer qu'un pouvoir hiérarchique existait.

Voici ce qui est le plus difficile à concevoir pour un Autochtone qui arrive d'une société traditionnelle. Il se rend dans une salle de classe où le maître est là, en avant, avec tout le pouvoir. Il se rend au tribunal et le juge trône tout puissant en haut d'une estrade. Il se rend à une cérémonie religieuse et le prêtre ou l'officiant du haut d'une chaire assume tout le pouvoir. C'est un concept tout à fait étranger aux cultures autochtones où l'on se partage généralement le pouvoir.

Il s'agit donc de créer une situation, où, de nouveau, on exercerait le pouvoir. Je ne vois pas pourquoi on voudrait créer le genre de dictature dont certains présument qu'elle ferait l'affaire des Autochtones. En réalité, cette situation est aliénante au niveau de la culture et ne ferait que perpétuer les problèmes que nous avons déjà.

Pour ce qui est de l'exploitation sexuelle des enfants qui les place dans un danger extrême, il ne fait aucun doute qu'elle engendre la violence et le suicide. Nous connaissons tous les problèmes de la pauvreté et de la colonisation. Mais nous sommes convaincus, d'abord et avant tout, que grâce au travail de chacun et de la communauté nous pourrons les surmonter et on a déjà des exemples chez les peuples autochtones d'un travail absolument incroyable. Le malheur, c'est que ces efforts sont mal financés. Ils sont financés sur une base annuelle. Leur avenir est peut-être en péril.

Les peuples autochtones ont trouvé des façons de régler ces problèmes au niveau local. Dans notre rapport sur la justice, ainsi que dans le volume III du présent rapport, nous soulignons les nombreuses méthodes auxquelles ont recours les peuples autochtones pour reprendre en main leurs communautés dans ce domaine. Nous accordons notre appui tout entier aux initiatives locales.

Par exemple, nous proposons une solution de rechange aux deux, trois ou quatre années de prison imposées à ceux qui commettent des sévices sexuels. Nous préférons cela à l'incarcération car, à la sortie de prison, ils sont traités comme des parias et ils doivent quitter leur communauté qui ne veut plus d'eux. Cela ne règle rien. Ce qu'il nous faut faire c'est de prendre en main cette personne et l'aider à suivre le long chemin de la guérison de concert avec tous ceux qui ont été ses victimes.

Dans le rapport, nous avons clairement montré que la communauté s'occupe de ces choses. Cela ne signifie pas qu'il n'existe pas de situation, aujourd'hui, où des enfants sont en péril. Cela ne fait aucun doute, et nous avons traité ces questions.

Pour ce qui est des chefs qui décideraient de l'appartenance à la bande, je ne sais pas de quoi il s'agit. Peut-être que cela se fait déjà ainsi, mais j'ignore où. La Loi sur les indiens édicte très clairement comment l'on devient membre d'une bande. Si c'est la communauté dans son ensemble qui décide, alors on vient d'instaurer un nouveau code d'appartenance. C'est un code, et si vous répondez aux exigences, alors vous êtes accepté.

Ce que nous proposons pour l'avenir, c'est un code qui doit répondre à certaines exigences. Il ne fait aucun doute que la Charte s'applique aux Autochtones, à leurs gouvernements et à leurs droits. On ne peut donc pas créer une situation où, peu importe la personne en cause, on puisse décider qu'on n'aime pas le pif d'un tel ou que telle autre deviendra membre de la bande en échange de faveurs accordées. Ça ne marchera pas. Ça ne résistera pas à une contestation en vertu de la Charte.

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En outre, puisqu'il s'agit d'un gouvernement d'une nation, il faudrait que les gens aient accepté publiquement la méthode pour décider de la constitution. Il est très clair qu'il devra y avoir de nombreux référendums tout le long de ce chemin, pour restructurer la nation au moyen d'une constitution, d'un code de citoyenneté et tout le reste.

En bout de ligne, avant d'être accepté par le gouvernement, il faudrait s'adresser à un groupe constitué indépendant. Tout le monde peut se présenter à cet organisme, comme à votre comité, et lui dire: «Écoutez, nous n'aimons pas ce que ces gens ont fait, nous n'aimons pas le genre de système qui a été instauré, et nous vous disons que vous ne pouvez accepter cela; renvoyez-les à la case départ; leur code de citoyenneté ne fonctionne pas pour toutes sortes de raisons.» Ensuite, il faut prévoir une procédure d'appel pour toute personne qu'on a refusé d'accepter au sein de la communauté.

Ce groupe constitué aura donc à s'assurer que beaucoup de mécanismes ont été mis en place avant qu'on ne puisse entreprendre ces démarches. On prévoit la mise en place de nombreuses garanties pour empêcher le genre d'abus que vous craignez.

Quant à la souplesse de conditions à imposer à ceux qui veulent devenir membres, je ne comprends pas que l'on exprime des craintes à ce sujet. Les Canadiens ne cessent de répéter au monde entier que notre souplesse en matière d'attribution de la citoyenneté devrait servir d'exemple à tous les pays du monde. C'est exactement ces conditions que nous appliquons dans notre microcosme: quand les gens se marient, l'époux ou l'épouse peut naturellement devenir membre de la nation de l'autre. De toute évidence, leurs enfants en sont membres en ainsi de suite. Peut-être même par résidence... Si vous résidez à long terme dans la région, vous pouvez devenir membre.

Le seul problème qui pourrait se poser, c'est si l'on croyait que cela devient une question raciale; que les droits découlent de la race plutôt que d'une situation politique ou culturelle. Je ne vois donc pas où est le problème.

Quant à l'étude des civilisations et du retour en arrière, nous ne parlons pas d'effectuer un retour en arrière - loin, loin de là - mais nous prétendons plutôt qu'un contrat historique a été conclu au départ et qu'il devrait être respecté. Même s'il n'y a pas eu de contrat historique, nous sommes d'avis que c'est là la meilleure façon de faire. Si une nation quelconque quelque part dans le monde trouve des peuples autochtones ou aborigènes dans une telle situation, le mieux à faire c'est d'accorder à cette nation suffisamment de terre et une maîtrise suffisante de son vécu pour que les membres de ces nations puissent faire les choses qui normalement en font des gens qui ont leur place dans la société, qui ne sont pas dysfonctionnels, qui deviennent des êtres responsables qui savent coopérer au sein de la société en y apportant leur contribution.

Quant à la géographie et à l'assise territoriale pour les Micmac et ainsi de suite, de toute évidence, la meilleure solution au niveau de l'assise territoriale c'est d'avoir quelque chose de contigu avec des frontières bien définies alentour. Si le Canada veut faire les choses ainsi et s'assurer que les Autochtones ont de larges assises territoriales qui soient contiguës, allez-y, mais je soupçonne fort que ce qui se produira, si l'on se fie aux autres négociations qui ont déjà eu lieu, c'est que du côté du Canada, qu'il s'agisse de la province et du territoire qui négocie avec le gouvernement fédéral, le Canada, dis-je, a toujours négocié si âprement qu'à la fin, il nous reste très peu de terres. À l'époque des traités, c'était de l'ordre de 1 p. 100. Si toute votre terre, ce 1 p. 100, se trouve dans une région, le choix est plutôt limité, et même s'il s'agit de 5 p. 100 ou de 10 p. 100, on est toujours là en train de dire: «Bon, vous savez, nous avons besoin de cette terre là-bas pour telle raison, nous avons besoin de cette autre terre ailleurs pour telle autre raison» et ainsi de suite. On se ramasse donc avec des terres qui ne sont pas contiguës. Mais si le Canada devait nous dire: «Écoutez, nous vous retournons 75 p. 100 de vos terres» alors peut-être pourrions-nous... Si c'est ce que vous voulez, allez-y.

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Je crois que même si le pays veut se montrer généreux, il va tout de même accorder un territoire plus petit. Malheureusement, l'ironie de la situation, c'est que plus les négociateurs fédéral et provinciaux sont compétents et pingres, et si les Autochtones se voient accorder un petit territoire, ils ne seront pas économiquement autonomes. On n'aura donc rendu aucun service au pays. Certaines personnes continueront de dépendre de l'État et il y aura toutes sortes d'autres problèmes.

Pour ce qui est de reconstruire le pays, il est clair que les frontières politiques actuelles, telles que dans les Maritimes, rendent la tâche beaucoup plus difficile. Lorsqu'on passe du Nouveau-Brunswick, à la Nouvelle-Écosse, en passant par l'Ile-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve, et Québec... il est clair que plus il y a de provinces, plus la tâche est difficile. C'est évident.

Voilà ce qu'il en est de la vision à long terme. Les Micmac de la Nouvelle-Écosse seront peut-être les premiers à commencer et seront suivis du Nouveau-Brunswick, et peut-être de l'Ile-du-Prince-Édouard peu après, car leur population est très faible et a des liens très étroits avec la Nouvelle-Écosse. La plupart du temps, elle compte sur la Nouvelle-Écosse pour faire preuve de leadership. Elle pourrait donc peut-être se joindre assez rapidement aux Autochtones de la Nouvelle-Écosse.

Nous ne voulons, toutefois, sûrement pas minimiser l'importance du problème de redonner aux Indiens leur statut de plein droit. La Loi sur les Indiens a fait en sorte que certains sont reconnus comme Autochtones et d'autres comme non-Autochtones. Pendant longtemps, si une femme autochtone se mariait, elle perdait son statut d'Indien inscrit. On a donc créé toutes sortes de catégories d'Indiens, dont certains sont des Indiens inscrits et d'autres sont des Indiens non-inscrits, même s'ils sont apparentés. Cela a créé toutes sortes d'ennuis. Il faut surmonter d'énormes obstacles humains pour rapprocher les gens. On ne rendrait service à personne en atténuant l'importance de cet aspect et en disant que c'est extrêmement facile.

Nous sommes assez certains que nos concepts et notre approche déboucheront sur... nous sommes prêts à les défendre, même s'ils sont examinés à la loupe. Malheureusement, nous devons défendre des choses qui n'ont rien à voir avec notre rapport. On voit des lettres dans les journaux, certains écrivent des discours sur notre rapport disant, par exemple, que nous disons que la charte ne s'applique pas - des choses extraordinaires. Nous nous défendons donc contre des choses qui ne se trouvent même pas dans notre rapport. Les gens disent des choses extraordinaires à propos de l'impact de nos suggestions qui n'ont rien à voir du tout avec nos propositions. Voilà ce qui est malheureux; nous passons notre temps à réfuter des mythes.

Si ce comité pouvait au moins lire le rapport... Si vous ne le lisez pas, et c'est à vous qu'il incombe de l'étudier, qui d'autre va le lire?

Le président: Puisqu'il est 11 heures, je crois que nous devrions lever la séance, mais pas avant de vous dire que vous nous avez prouvé que le rapport est vraiment matière à réflexion. Vous aurez, bien sûr, l'occasion de faire des observations finales et vous pouvez prendre tout le temps qu'il vous faut.

Je sais que les membres du comité ont d'autres questions à poser. Vous voudrez peut-être inviter nos témoins à comparaître de nouveau. Je ne voudrais pas donner l'impression que nous avons terminé notre étude du rapport. C'est un document vivant et nous continuerons à étudier les préoccupations qui y sont soulevées. Nous continuerons à y travailler.

Vous avez maintenant la parole pour le mot de la fin. Prenez tout le temps qu'il vous faut.

[Français]

M. Dussault: J'aimerais répondre à la question qui touche le droit à l'autodétermination et à celle qui visait à savoir pourquoi on n'avait pas regardé plus à fond la question de la situation des autochtones dans l'éventualité où le Québec accéderait à la souveraineté. Je serai bref.

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Quant à la question de l'autodétermination, notre rapport est très clair au sujet de la norme émergente de droit international. Une déclaration des droits des autochtones chemine à l'Organisation des Nations unies, bien que cette dernière ne l'ait pas encore adoptée. Cette norme émergente de droit international se base principalement sur des droits de la personne et des principes de moralité publique. Ainsi, notre rapport dit que tant au Canada dans son entier que dans les autres pays, le droit à l'autodétermination signifie que dans les pays où ils sont établis, les peuples autochtones ont essentiellement un droit à l'autonomie gouvernementale, à établir leurs institutions propres et au respect de leurs valeurs et de leur culture.

Nous n'allons donc pas jusqu'à la sécession, à moins que les autochtones ne soient exclus du processus politique, qu'ils n'aient pas le droit de vote ou qu'ils soient ostracisés sur le plan des droits de la personne.

Nous n'avons pas étudié cette question dans le contexte où le Québec accéderait à la souveraineté puisque nous estimions que notre mandat consistait à examiner la situation des autochtones au Québec dans l'optique où le Québec fait partie du Canada. Nous aurions outrepassé notre mandat. Nous estimions que nous n'avions pas le mandat de regarder le dossier autochtone dans sa relation avec le Canada et en même temps de reprendre le dossier du Québec dans sa relation avec le Canada, ce qui nous amène à la Loi constitutionnelle de 1882. Nous avons toutefois relaté très clairement dans le volume I que les échecs successifs des 30 dernières années en ce qui a trait au Québec pour faire reconnaître ses droits inhérents, y compris l'échec du lac Meech, et les échecs successifs du côté des autochtones après 1982, au cours des quatre conférences constitutionnelles de 1983 à 1987, font en sorte que depuis l'échec de Charlottetown, les deux dossiers sont en quelque sorte inexorablement liés. Nous n'estimions pas qu'il était de notre mandat de tenter de résoudre le dossier du Québec dans sa relation avec le Canada. Nous l'avons fait pour les autochtones dans leur relation avec le Canada, qui comprend le Québec.

Quant à la question de la coexistence au niveau de l'établissement des traités, nous sommes convaincus qu'il est possible, comme en fait état le rapport spécial que nous avons rédigé sur cette question, de conclure des traités sans demander une extinction totale des droits, sans briser la continuité des droits. Nous avons formulé des recommandations spécifiques à cet égard et nous pensons que la certitude juridique sera atteinte par une reconnaissance mutuelle des droits. Les membres du comité pourraient consulter notre rapport spécial au sujet de la conclusion de traités dans un esprit de coexistence.

Le juge Hamilton a également regardé cette question au moment où il était coprésident, avec Murray Sinclair, de l'enquête du Manitoba. Il en venait à la même conclusion que nous et formulait des suggestions très pratiques et très concrètes sur la façon dont la politique pourrait être changée au niveau des revendications gouvernementales.

[Traduction]

Nous nous inquiétons du manque de démocratie dans certaines communautés autochtones. C'est lié au manque de vitalité économique. Il n'est pas bon que tout l'argent soit d'abord donné aux chefs. Voilà pourquoi nous proposons un changement, qui inclurait une base économique et une vitalité économique. La démocratie et l'aspect politique, ainsi que le respect des droits vont de pair avec la vitalité économique de la collectivité.

Le président: Membres du comité, voulez-vous poursuivre, ou voulez-vous demander à notre témoin de revenir?

[Français]

M. Dussault: Monsieur le président,

[Traduction]

Je dois dire que, comme M. Georges Erasmus, je dois moi aussi prendre l'avion pour Toronto à midi.

Le président: Oui, vous avez un vol à prendre. Vous avez donc répondu à ma question.

Je voudrais juste vous remercier et réserver mes observations finales pour votre prochaine visite, car nous voulons vous revoir, si vous êtes prêt à revenir. Votre témoignage nous a beaucoup aidés. Merci beaucoup.

La séance est levée.

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